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Journal d’un écrivain/1873/VII

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VII

PETITS TABLEAUX

I

L’été nous avons les vacances, la poussière et la chaleur, la chaleur, la poussière et les vacances ! Il nous est pénible de rester en ville. Tous nos amis sont partis… Aussi, pour me distraire, me suis-je mis, ces temps-ci, à lire les manuscrits empilés dans la salle de rédaction. Mais je ne me suis résigné à cette lecture qu’en second lieu : d’abord j’ai passé mon temps à gémir en pensant à mon besoin d’air pur, de liberté temporaire, à mon dégoût de rencontrer les rues hostiles pleines de je ne sais quel sable pareil à de la terre glaise pulvérisée. Et j’en ai voulu aux rues. N’est-ce pas un soulagement, quand on est de mauvaise humeur, de trouver coupable quelqu’un ou quelque chose !

Ces jours-ci, j’ai traversé la perspective Newsky de son trottoir ensoleillé à son trottoir sombre. Il faut toujours traverser ladite perspective avec prudence, sous peine de se faire écraser. On regarde de tous côtés, on avance tout doucement, on guette une éclaircie des voitures qui filent toujours par paquets de quatre ou cinq. En hiver surtout, c’est émotionnant ! Grâce au brouillard blanc, à la neige ouatée, vous risquez toujours, au moment où vous vous y attendez le moins, d’apercevoir, à quelques centimètres de votre figure, les naseaux d’un cheval, rouges comme un fanal de train, et de train express, lancé sur vous à toute vapeur. C’est un cauchemar tout pétersbourgeois ! Vous fuyez juste à temps et quand vous avez atteint l’autre trottoir, ce n’est pas tant le plaisir d’avoir évité un grand danger que vous ressentez, que la joie de l’avoir bravé involontairement. — Oui, ces jours-ci, avec ma prudence acquise en hiver, je traversais la perspective Newsky ; mais quel ne fut pas mon étonnement de pouvoir m’arrêter au beau milieu de la chaussée : pas un chat, pas une voiture ! On aurait pu, avec un ami, s’asseoir sur le macadam et disserter à n’en plus finir sur la littérature russe. Par cette chaleur et cette poussière, je ne vois que traces de roues effondrant le sol et maisons en construction ou en réparation — et l’on répare plus les façades des maisons pétersbourgeoises par chic que par désir de les améliorer réellement. Ce qui me frappe toujours dans l’architecture de notre capitale, c’est son manque de caractère et ce mélange de masures de bois croulantes accolées à des édifices imposants et prétentieux : cela produit l’effet de tas de madriers mal équarris voisinant avec de véritables palais. Mais ces palais, eux-mêmes, manquent de tout vrai style. Cela encore est bien pétersbourgeois !

Au point de vue architectural, rien n’est plus absurde que Pétersbourg. C’est un mélange incohérent de toutes les écoles et de toutes les époques. Tout est emprunté et tout est déformé. Il en est, chez nous, des constructions comme des livres. Que ce soit en architecture ou en littérature, nous nous sommes assimilé tout ce qui nous venait d’Europe et nous sommes demeurés prisonniers des idées de nos inspirateurs. Voyez le style ou plutôt le manque de style de nos églises du siècle dernier : cela n’a aucune espèce de caractère. Voici la copie misérable du style romain à la mode au commencement de notre siècle ; voici du « Renaissance » tel que le conçut l’architecte T…, qui prétendit l’avoir rénové au cours du règne dernier. Plus loin apparait du Byzantin. Mais regardez d’un autre côté, vous retrouverez le style du temps de Napoléon Ier, lourd, faussement majestueux et surtout profondément ennuyeux, quelque chose de grotesque, dont le goût se développa en même temps que celui des abeilles d’or et d’autres ornements d’une beauté analogue. Maintenant, retournez-vous. Ce que vous apercevez là, ce sont des palais appartenant à nos familles nobles. Ils ont été bâtis d’après des modèles italiens et français (d’avant la Révolution). En voici d’autres plus anciens qui rappellent les palais de Venise. Dieu ! comme il sera mélancolique de lire là-dessus plus tard : Restaurant avec jardin, ou : Hôtel Français ! Enfin, voici d’énormes bâtisses tout à fait contemporaines ; là triomphe le style yankee : ce sont des édifices énormes renfermant des centaines de pièces et abritant des entreprises industrielles. On voit tout de suite que nous aussi, aujourd’hui, avons nos chemins de fer, et sommes devenus des « business-men ». Essayons après cela de définir notre architecture : c’est un tohu-bohu qui correspond parfaitement au tohu-bohu du moment présent. Mais de tous les styles employés, aucun n’est aussi lamentable que celui qui prévaut aujourd’hui. Il y a de tout là-dedans ; ces immenses maisons de rapport, aux murailles de carton et aux façades bizarres, possèdent des balcons « rococo » et des fenêtres pareilles à celles du palais des Doges ; elles ne sauraient se passer d’un « œil de bœuf » et sont invariablement à cinq étages : « Mais, me direz-vous, mon cher, je tiens absolument à jouir d’une fenêtre aussi belle que celles qu’avaient les doges. Corbleu ! Je vaux bien un doge, peut-être ! Il faut aussi disposer d’un certain nombre d’étages pour empiler des locataires qui me serviront l’intérêt de mon argent. Je ne puis pas, pour une vaine question de goût, rendre mon capital improductif ! »

Il est assez curieux que ce chapitre où je commence par parler de manuscrits m’ait conduit à une dissertation sur des choses si différentes.

II

On dit que les malheureux obligés de rester à Pétersbourg l’été, dans la poussière et la chaleur, ont à leur disposition un certain nombre de jardins publics où ils peuvent « respirer » un air plus frais. Pour ma part je n’en sais rien, mais ce que je n’ignore pas, c’est que Pétersbourg est, ces mois-ci, un séjour terriblement triste et étouffant. Je n’ai pas grand goût pour des jardins où se presse la foule ; j’aime mieux la rue où je puis me promener seul en pensant. Des jardins, du reste, où n’en trouverait-on pas ? Presque dans chaque rue, à présent, vous découvrez, au-dessus des portes cochères, des écriteaux qui portent, écrit en grosses lettres : « Entrée du jardin du débit » ou « du restaurant ». Vous entrez dans une cour au bout de laquelle vous apercevez un « bosquet » de dix pas de long sur cinq de large. Vous avez vu le « jardin » du cabaret.

Qui me dira pourquoi Pétersbourg est encore plus désolant le dimanche qu’en semaine ? Est-ce à cause du nombre des pochards abêtis par l’eau-de-vie ? Est-ce parce que les moujiks ivres dorment sur la perspective Newsky ? Je ne le crois pas. Les travailleurs en goguette ne me gênent en rien, et maintenant que je passe tout mon temps à Pétersbourg, je me suis parfaitement habitué à eux. Autrefois, il n’en était pas de même : je les détestais au point d’éprouver une vraie haine pour eux.

Ils se promènent les jours de fête, soûls, bien entendu, et parfois en troupe. Ils tiennent une place ridicule ; ils bousculent les autres passants. Ce n’est pas qu’ils aient un désir spécial de molester les gens ; mais où avez-vous vu qu’un poivrot puisse faire assez de prodiges d’équilibre pour éviter de heurter les promeneurs qu’il croise ? Ils disent des malpropretés à haute voix, insoucieux des femmes et des enfants qui les entendent. N’allez pas croire à de l’effronterie ! Le pochard a besoin de dire des obscénités ; il parle gras naturellement. Si les siècles ne lui avaient légué son vocabulaire ordurier, il le lui faudrait inventer. Je ne plaisante pas. Un homme en ribote n’a pas la langue très agile ; en même temps il ressent une infinité de sensations qu’il n’éprouve pas dans son état normal : or, les gros mots se trouvent toujours, je ne sais pourquoi, des plus faciles à prononcer et sont follement expressifs. Alors !…

L’un des mots dont ils font le plus grand usage est depuis longtemps adopté dans toute la Russie. Son seul tort est d’être introuvable dans les dictionnaires, mais il rachète ce léger désavantage par tant de qualités ! Trouvez-moi un autre vocable qui exprime la dixième partie des sens contradictoires qu’il concrète ! Un dimanche soir, je dus traverser un groupe de moujiks soûls. Ce fut l’affaire de quinze pas, mais en faisant ces quinze pas, j’acquis la conviction qu’avec ce mot seul, on peut rendre toutes les impressions humaines, oui, avec ce simple mot, d’ailleurs admirablement bref.

Voici un gaillard qui le prononce avec une mâle énergie. Le mot se fait négateur, démolisseur ; il réduit en poussière l’argument d’un voisin qui reprend le mot et le lance à la tête du premier orateur, convaincu maintenant d’insincérité dans sa négation. Un troisième s’indigne aussi contre le premier, se rue dans la conversation et crie encore le mot, qui devient une injurieuse invective. Ici le second s’emporte contre le troisième et lui renvoie le mot qui, tout à coup, signifie clairement : Tu nous embêtes ! De quoi te mêles-tu ? Un quatrième s’approche en titubant ; il n’avait rien dit jusque-là ; il réservait son opinion, réfléchissait pour découvrir une solution à la difficulté qui divisait ses camarades. Il a trouvé ! Vous croyez sans doute qu’il va s’écrier : Eureka ! comme Archimède. Pas du tout ! C’est le fameux mot qui éclaircit la situation ; le cinquième le répète avec enthousiasme, il approuve l’heureux chercheur. Mais un sixième, qui n’aime pas voir trancher légèrement les questions graves, murmure quelque chose d’une voix sombre. Cela veut dire certainement : « Tu t’emballes trop vite ! Tu ne vois qu’une face du litige ! » Eh bien ! Cette phrase est résumée en un seul mot. Lequel ? Mais le mot, le sempiternel mot qui a pris sept acceptions différentes toutes parfaitement comprises des intéressés.

J’eus le grand tort de me scandaliser.

— Grossiers personnages ! grognai-je. Je n’ai passé que quelques secondes dans vos parages et vous avez déjà dit sept fois… le mot ! (Je répétai le bref substantif). Sept fois ! C’est honteux ! N’êtes-vous pas dégoûtés de vous-mêmes ?

Tous me regardèrent avec stupéfaction. Je crus un moment qu’ils allaient m’attraper et de la belle façon. Il n’en fut rien. Le plus jeune vint à moi et me dit avec douceur :

— Si tu trouves… le mot sale, pourquoi que tu répètes une huitième fois… le mot ?

Le mot mit fin à tout débat, et le groupe tituba au large sans plus s’inquiéter de moi.


III


Non, ce n’est pas à cause du langage et des mœurs des pochards que je m’attriste le dimanche plus que les autres jours. Non ! Tout récemment, à ma grande surprise, j’ai appris qu’il y a dans Pétersbourg des moujiks, des travailleurs, des gens de petits métiers qui sont absolument sobres. Ce qui m’a étonné surtout, c’est le nombre de ces gens rétifs aux charmes de la boisson. Eh bien ! Regardez-les, ces gens tempérants ! Ils m’attristent bien plus que les ivrognes. Ils ne sont peut-être pas formellement à plaindre, mais je ne saurais dire pourquoi leur rencontre me plonge toujours dans des réflexions vagues, plutôt douloureuses. Le dimanche, vers le soir (car on ne les voit jamais les jours ouvrables), ces gens qui peinent toute la semaine apparaissent dans les rues. Il est bien entendu qu’ils sortent pour se promener, mais quelle promenade ! J’ai remarqué qu’ils ne fréquentent jamais la perspective Newsky, ni les voies élégantes. Non, ils font un tour dans leur quartier, reviennent parfois d’une visite chez des voisins. Ils marchent, graves et compassés ; leurs physionomies demeurent soucieuses, comme s’ils faisaient tout autre chose que se promener. Ils causent très peu entre eux, les maris et les femmes. Leurs habits du dimanche sont fanés ; les femmes portent souvent des robes rapiécées qu’on devine dégraissées, lavées, frottées, pour la circonstance. Quelques hommes portent encore nos costumes nationaux, mais la plupart sont vêtus à l’européenne et scrupuleusement rasés. Ce qui me fait le plus de peine, c’est qu’ils me semblent considérer le dimanche comme un jour de solennité morne dont ils cherchent à jouir sans y parvenir jamais. Ils attachent une grande importance triste à leur promenade. Quel plaisir peut-il y avoir à déambuler ainsi par les larges rues poussiéreuses, poussiéreuses même après le coucher du soleil ? Ils me font l’effet de malades maniaques. Ils emmènent souvent des enfants avec eux. Il y a beaucoup d’enfants à Pétersbourg, et les statistiques nous apprennent qu’il en meurt d’énorme quantités. Tous ces gamins que l’on rencontre sont encore très petits et savent à peine marcher, quand ils marchent déjà. N’est-ce pas qu’ils meurent presque tous en bas âge, qu’on n’en rencontre pour ainsi dire jamais de plus grands ?

Je remarque un ouvrier qui va sans femme à son bras. Mais il a un enfant avec lui, un petit garçon. Tous deux ont la mine triste des isolés. L’ouvrier à une trentaine d’années ; son visage est fané, d’un teint malsain. Il est endimanché, porte une redingote usée aux coutures et garnie de boutons dont l’étoffe s’en va ; le collet du vêtement est gras, le pantalon, mieux nettoyé, semble pourtant sortir de chez le fripier ; le chapeau haut-de-forme est très râpé. Cet ouvrier me fait l’effet d’un typographe. L’expression de sa figure est sombre, dure, presque méchante. Il tient l’enfant par la main, et le petit se fait un peu traîner. C’est un mioche de deux ans ou de guère plus, très pâle, très chétif, paré d’un veston, de petites bottes à tiges rouges et d’un chapeau qu’embellit une plume de paon. Il est fatigué. Le père lui dit quelque chose, se moque peut-être de son manque de jarret. Le petit ne répond pas, et cinq pas plus loin son père se baisse, le prend dans ses bras et le porte. Il semble content, le gamin, et enlace le cou de son père. Une fois juché ainsi, il m’aperçoit et me regarde avec une curiosité étonnée. Je lui fais un petit signe de tête, mais il fronce les sourcils et se cramponne plus fort au cou de son père. Ils doivent être de grands amis tous deux.

Dans les rues j’aime à observer les passants, à examiner leurs visages inconnus, à chercher qui ils peuvent bien être, à m’imaginer comment ils vivent, ce qui peut les intéresser dans l’existence. Ce jour-là j’ai été surtout préoccupé de ce père et de cet enfant. Je me suis figuré que la femme, la mère, était morte depuis peu, que le veuf travaillait à son atelier toute la semaine, tandis que l’enfant restait abandonné aux soins de quelque vieille femme. Ils doivent loger dans un sous-sol où l’homme loue une petite chambre, peut-être seulement un coin de chambre. Et aujourd’hui, dimanche, le père a conduit le petit chez une parente, chez la sœur de la morte, probablement. Je veux que cette tante qu’on ne va pas voir très souvent soit mariée à un sous-officier et habite une grande caserne, dans le sous-sol, mais dans une chambre à part. Elle a pleuré sa défunte sœur, mais pas bien longtemps. Le veuf n’a pas montré non plus grande douleur, pendant la visite, tout au moins. Toutefois il est demeuré soucieux, parlant peu et seulement de questions d’intérêt. Bientôt il se sera tu. On aura alors apporté le samovar ; on aura pris le thé. Le petit sera resté assis sur un banc, dans un coin, faisant sa moue sauvage, fronçant les sourcils et, à la fin, se sera endormi. La tante et son mari n’auront pas fait grande attention à lui ; on lui aura pourtant passé un morceau de pain et une tasse de lait. Le sous-officier, muet tout d’abord, lâchait à un moment donné une grosse plaisanterie de soudard au sujet du gamin, que son père réprimandait précisément. Le mioche aura voulu repartir tout de suite, et le père l’aura remmené à la maison de Veborgskaia, à Litienaia.

Demain le père sera de nouveau à l’atelier et le moutard avec la vieille femme…

…Et me voilà continuant ma promenade, sans cesser d’évoquer au-dedans de moi-même une série de petits tableaux du même genre, un peu niais, mais qui m’intéressent en m’attristant. Et c’est ainsi que les dimanches pétersbourgeois me disposent peu à la gaîté. Il me paraît que cette capitale, en été, est bien la plus morne ville du monde.

En semaine aussi, on croise beaucoup d’enfants dans les rues ; mais, sans pouvoir dire pourquoi, je fais moins attention à eux. Je me figure qu’il y en a dix fois plus le dimanche. Et quelles petites faces maigres, pâles, scrofuleuses, tristes, surtout chez les enfants qu’on porte encore dans les bras. Ceux qui marchent déjà seuls n’ont pas non plus des tournures bien réjouissantes. Combien d’entre eux ont les jambes arquées et combien sont déjetés ! Beaucoup de ces petits sont convenablement habillés, mais quelles mines !

Il faut que l’enfant croisse comme une fleur ou comme une feuille sur l’arbre, au printemps. Il aurait besoin d’air, de lumière. Une nourriture fortifiante lui est aussi nécessaire. Et que trouve-t-il à Pétersbourg pour se développer ? Un sous-sol empoisonné des odeurs combinées du Kvass et des choux dégageant une puanteur terrible pendant la nuit, une nourriture malsaine et une perpétuelle demi-obscurité. Il vit dans un milieu où grouillent les puces et les cafards, où l’humidité suinte des murs. Dans la rue, pour se remettre, il respire de la poussière de brique effritée et de boue séchée. Étonnez-vous après cela que les enfants d’ici soient maigres et livides ! Voyez une jolie petite fillette de trois ans, parée, en robe fraîche. Elle est vivace ; elle accourt vers sa mère assise dans la cour de la maison et causant joyeusement avec des voisines. Elle bavarde, la mère, mais elle s’occupe de sa fille. S’il arrive à l’enfant le moindre accident, elle s’empresse de venir à son secours.

Une petite fille profitant d’une seconde d’inattention de sa mère et s’étant baissée pour ramasser un caillou, tomba, s’enroula les jambes dans son jupon et ne put se relever. Je ramassai la mignonne et la pris dans mes bras, mais déjà la mère était arrivée sur moi ; elle avait quitté son siège avant que j’eusse fait le premier mouvement pour tirer d’affaire la petite. Elle me remercia très affablement ; pourtant son œil me disait, malgré elle : « Je t’en veux un peu d’être arrivé avant moi. » Quant à l’enfant, elle se dégagea vite de mes bras et se précipita au cou de sa maman.

Mais, je vis une autre fillette que sa mère tenait par la main et abandonna tout à coup au milieu de la chaussée, à un croisement de rues où les voitures n’étaient pas rares. Cette maman avait aperçu une connaissance et lâchait là sa petite fille pour galoper au-devant de son amie. Un vieux monsieur à grande barbe arrêta cette femme si pressée en la prenant par le bras :

— Où cours-tu comme cela ? tu laisses ton enfant en danger.

La femme fut sur le point de lui répondre une sottise, je le vis à sa figure ; mais elle réfléchit à temps. Elle s’en fut, d’un air bougon, reprendre la main de la petite, qu’elle traîna à la rencontre de la connaissance.

Voilà de petits tableaux un peu naïfs que je n’oserais pas insérer dans un journal. Dorénavant je tâcherai d’être plus sérieux.