L’ACADÉMIE ET LE CAVEAU
Au Caveau je n’osais frapper ;
Des méchants m’avaient su tromper.
C’est presque un cercle académique,
Me disait maint esprit caustique.
Mais, que vois-je ! de bons amis
Que rassemble un couvert bien mis.
Asseyez-vous, me dit la compagnie.
Non, non, ce n’est point comme à l’Académie ;
Ce n’est point comme à l’Académie.
Je me voyais, pendant un mois,
Courant pour disputer les voix
À des gens qu’appuierait le zèle
D’un grand seigneur ou d’une belle ;
Mais, faisant moitié du chemin,
Vous m’accueillez le verre en main.
D’ici l’intrigue est à jamais bannie :
Non, non, ce n’est point comme à l’Académie ;
Ce n’est point comme à l’Académie.
Toussant, crachant, faudra-t-il donc,
Dans un discours superbe et long,
Dire : Quel honneur vous me faites !
Messieurs, vous êtes trop honnêtes ;
Ou quelque chose d’aussi fort ?
Mais que je m’effrayais à tort !
On peut ici montrer moins de génie.
Non, non, ce n’est point comme à l’Académie ;
Ce n’est point comme à l’Académie.
Je croyais voir le président
Faire bâiller en répondant
Que l’on vient de perdre un grand homme,
Que moi je le vaux, Dieu sait comme ;
Mais ce président sans façon[1]
Ne pérore ici qu’en chanson :
Toujours trop tôt sa harangue est finie.
Non, non, ce n’est point comme à l’Académie ;
Ce n’est point comme à l’Académie.
Admis enfin, aurai-je alors,
Pour tout esprit l’esprit de corps ?
Il rend le bon sens, quoi qu’on dise,
Solidaire de la sottise ;
Mais dans votre société,
L’esprit de corps, c’est la gaieté.
Cet esprit-là règne sans tyrannie.
Non, non, ce n’est point comme à l’Académie ;
Ce n’est point comme à l’Académie.
Ainsi, j’en juge à votre accueil,
Ma chaise n’est point un fauteuil.
Que je vais chérir cet asile,
Où tant de fois le Vaudeville
A renouvelé ses grelots,
Et sur la porte écrit ces mots :
Joie, amitié, malice et bonhomie !
Non, non, ce n’est point comme à l’Académie ;
Ce n’est point comme à l’Académie.
- ↑ Désaugiers.