commun que la vie sociale ne puisse avoir d’autre substrat que la conscience individuelle ; autrement, elle paraît rester en l’air et planer dans le vide.
Pourtant, ce qu’on juge si facilement inadmissible quand il s’agit des faits sociaux, est couramment admis des autres règnes de la nature. Toutes les fois que des éléments quelconques, en se combinant, dégagent, par le fait de leur combinaison, des phénomènes nouveaux, il faut bien concevoir que ces phénomènes sont situés, non dans les éléments, mais dans le tout formé par leur union. La cellule vivante ne contient rien que des particules minérales, comme la société ne contient rien en dehors des individus ; et pourtant il est, de toute évidence, impossible que les phénomènes caractéristiques de la vie résident dans des atomes d’hydrogène, d’oxygène, de carbone et d’azote. Car comment les mouvements vitaux pourraient-ils se produire au sein d’éléments non vivants ? Comment, d’ailleurs, les propriétés biologiques se répartiraient-elles entre ces éléments ? Elles ne sauraient se retrouver également chez tous puisqu’ils ne sont pas de même nature ; le carbone n’est pas l’azote et, par suite, ne peut revêtir les mêmes propriétés ni jouer le même rôle. Il n’est pas moins inadmissible que chaque aspect de la vie, chacun de ses caractères principaux s’incarne dans un groupe différent d’atomes. La vie ne saurait se décomposer ainsi ; elle est une et, par conséquent, elle ne peut avoir pour siège que la substance vivante dans sa totalité. Elle est dans le tout, non dans les parties. Ce ne sont pas les particules non-vivantes de la cellule qui se nourrissent, se reproduisent, en un mot, qui vivent ; c’est la cellule elle-même et elle seule. Et ce que nous disons de la vie pourrait se répéter de toutes les synthèses possibles. La dureté du bronze n’est ni dans le cuivre ni dans l’étain ni dans le plomb qui ont servi à le former et qui sont des corps mous ou flexibles ; elle est dans leur mélange. La fluidité de l’eau, ses propriétés alimentaires et autres ne sont pas dans les deux gaz dont elle est composée, mais dans la substance complexe qu’ils forment par leur association.
Appliquons ce principe à la sociologie. Si, comme on nous l’accorde, cette synthèse sui generis qui constitue