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Page:Lasserre - La Morale de Nietzsche.djvu/132

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PIERRE LASSERRE

« Fanatique de l’effet à tout prix », de l’intense pour l’intense — il y a un danger auquel ne pouvait échapper le romantisme. Et il s’y est précipité avec une ardeur croissante. Ce danger, c’était de chercher à provoquer l’émotion par l’abus des moyens matériels de l’art, de s’adresser violemment aux sens dans la crainte que la pensée et le cœur ne « rendissent » pas assez. On arrive à ses fins comme on peut. L’art classique fait pleurer quand il est vraiment grand : mais ces larmes sont un mystère ; la communication qui nous est accordée avec le beau se passe à une altitude où nous n’avons pas l’habitude d’être. Elle va immédiatement et par en haut au plus intime de nous-mêmes. Si elle ébranle nos nerfs, c’est secondairement. L’art finit où la secousse nerveuse commence. Mais ne comprend-on pas quel degré de civilisation, quelles nobles mœurs de l’âme ce genre d’action suppose ? — Il est d’autres voies pour accéder au « moral » de l’homme ; ce sont les yeux, les oreilles, l’épiderme. Le romantisme les a pratiquées timidement, et non sans réserve au début, d’une façon de plus en plus exclusive à mesure qu’il prenait conscience de lui-même et qu’il entrait dans la faveur du siècle : c’est-à-dire qu’il est allé raffinant sans cesse sur les appâts sensuels et la splendeur physique du mot, de la couleur et du son, jusqu’à faire de la jouissance