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Page:Lasserre - La Morale de Nietzsche.djvu/48

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PIERRE LASSERRE

magne fasse de son Nietzsche ce qu’elle voudra !

Je n’aurai garde pourtant de suivre un critique de haute valeur. M. Julien Benda, quand il pose Nietzsche en fauteur moral, en approbateur anticipé des bestialités commises, sous prétexte de guerre, par les armées impériales. Du moins, faut-il distinguer. M. Benda s’autorise de certaines maximes et démonstrations féroces contre la pitié que l’on trouve en effet chez Nietzsche. Et je concède pleinement que mainte brute allemande, compliquée de pédantisme, a pu s’emparer de ces thèmes comme d’une légitimation savante et d’un excitant intellectuel de son inhumanité. Mais Nietzsche, dans ces détestables pages, n’a réellement pas eu en vue l’action. Ce sont, de sa part, gageures littéraires, violences de cabinet, réactions rageuses et folles d’un être fébrile, mais droit, contre les hypocrisies épaisses du faux sentimentalisme qui l’entoure et dont il connaît les dessous. N’admît-on pas cette interprétation, il serait impossible (car les textes sont là), de ne pas reconnaître en Nietzsche le peintre et le satiriste le plus terrible de la « moralité » allemande. Ces consciences honnêtes, qui ne perçoivent que très obscurément la différence de l’honnêteté avec