Papers by Macha Ovtchinnikova
Transparence / Transparaître, 2023
Charlotte Beaufort et Bertrand Rougé (dir.), "Transparence / Transparaître", Presses Universitair... more Charlotte Beaufort et Bertrand Rougé (dir.), "Transparence / Transparaître", Presses Universitaires de Rennes, 2023

Théorème, 2022
Théorème n°35, "La figure et le fond au cinéma. Une esthétique des relations", Teresa CASTRO, Tér... more Théorème n°35, "La figure et le fond au cinéma. Une esthétique des relations", Teresa CASTRO, Térésa FAUCON, Dario MARCHIORI et Emmanuel SIETY (dir.)
"Le monologue chez Kira Mouratova: une figure arrachée au fond sonore"
En parlant de son film "Mélodie pour un orgue de Barbarie" (2009), la cinéaste russophone travaillant en Ukraine, Kira Mouratova le définit ainsi : « [U]ne vaste toile, où tout se déroule dans un flux continu », « une mosaïque faite de tout petits morceaux ». L’hypothèse de l’analyse est la suivante : le monologue mouratovien apparaît comme une figure arrachée au fond sonore indifférencié. Or, loin d’être une figure sonore dominante, ce monologue emprunte à de nombreux modes de relativisation de la parole théorisés par Michel Chion : « prolifération » de la parole, « parole immergée », « décentrage ». Relevant à la fois de ce que Chion nomme la « parole-théâtre » et de la « parole-émanation », les monologues des personnages surgissant puis replongeant dans le magma sonore continu et confus attirent l’attention sur la plasticité et l’hétérogénéité du matériau filmique. La séquence emblématique exaltant la figure du monologue est celle où une foule de gens suspendus à leurs téléphones portables soliloquent dans un immense hall de gare, où le réseau semble être le meilleur.

Vincent Deville et Loig Le Bihan (dir.), Penser les formes filmiques contemporaines, Grenoble, UGA, 2023, 2023
En parlant du cinéma d’Avi Mograbi, Jean-Louis Comolli écrivait : « [c]haque film au présent de l... more En parlant du cinéma d’Avi Mograbi, Jean-Louis Comolli écrivait : « [c]haque film au présent de la situation politique et militaire en Israël, mais au présent aussi, affectif, c’est-à-dire à la fois engagé et dépassé, du foyer Mograbi, lieu de débat politique, et de la maison Mograbi, petite entreprise familiale de production cinématographique ». Ce cinéma de l’« ici et maintenant, sur le moment et sur la situation », ce cinéma de l’urgence semble résonner avec la notion de présentisme théorisée par François Hartog.
Hartog appelle « présentisme » le « temps de prévalence du point de vue du présent », un « présent omniprésent », un « présent multiforme et multivoque : un présent monstre ». Selon l’historien, le présentisme, l’un des trois grands régimes d’historicité qui régit nos sociétés contemporaines, gouverne le temps culturel, politique, social des communautés humaines et détermine la manière dont elles appréhendent le passé, le présent et le futur. Le présentisme est une forme de rapport au temps « où le présent tend à l’emporter sur le passé et le futur ». Ainsi, comme l’explique Hartog dans un entretien, « [c]’est une espèce de présent qui se voudrait auto-suffisant. C’est-à-dire quelque chose d’un peu monstrueux qui se donnerait à la fois comme le seul horizon possible et comme ce qui n’a de cesse de s’évanouir dans l’immédiateté ».
Cette expérience intime du temps présent qui semble dominer la société israélienne filmée par Mograbi détermine le travail politique et esthétique du cinéaste. Dans ses films, il fabrique des formes filmiques qui révèlent et dénoncent ce rapport problématique au temps dans un pays marqué par un conflit permanent. Cette expérience du temps est partagée par le cinéaste et le spectateur, et l’analyste ne peut en faire abstraction dans l’étude de ce cinéma politique. À partir de la notion de présentisme, il s’agira de montrer comment, dans une démarche politique, Mograbi affirme à chaque film sa posture éthique et en réinvente les formes filmiques, telles que le split-screen, le ralenti, le montage à l’envers, ou l’arrêt sur image, jusqu’à troubler les catégories et les gestes de l’analyse. La figure de l’analyste que nous convoquons dans cette étude est celle d’un spectateur averti, conscient de la portée politique de cette œuvre, et sensible à la richesse et finesse de ses inventions esthétiques.
Diane Bracco, Imaginaires cinématographiques de la peau, Boston, Brill, 2022, 2022
L’article porte sur le film russe L’Homme qui a surpris tout le monde (2018) de Natalia Merkoulov... more L’article porte sur le film russe L’Homme qui a surpris tout le monde (2018) de Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov, qui raconte le « chemin de croix » d’Egor, garde forestier, condamné à mourir d’un cancer en phase terminale. Mais face au désespoir de sa famille, il se livre à un étrange rituel, il se déguise en femme pour tromper la mort. Il s’agit d’analyser comment, dans la transfiguration mystique du héros, la peau – sa peau filmée et la « chair » du film même – apparaît comme une frontière sensible, un seuil entre la texture réaliste du récit et la dimension métaphorique de la fable.
Chantiers de la Création, 2016
Le concept du « kinoobraz » dans le cinéma et la théorie d'Andrei Tarkovski Les chantiers de la c... more Le concept du « kinoobraz » dans le cinéma et la théorie d'Andrei Tarkovski Les chantiers de la création, 9 | 2016

Double jeu, 2018
Les acteurs amateurs parsèment la filmographie de Kira Mouratova. À commencer par son premier fil... more Les acteurs amateurs parsèment la filmographie de Kira Mouratova. À commencer par son premier film, Brèves Rencontres (1967). À cause du désistement de l'actrice principale, Mouratova se voit obligée d'interpréter le premier rôle de son film. Actrice non professionnelle, elle débute son oeuvre par une répétition. Valentina, responsable d'approvisionnement des logements en eau d'une ville provinciale, tente d'écrire un discours en répétant en boucle une même introduction : « Camarades… Chers cama-rades… Chers, chers camarades… ». Dès cette première répétition surgit la question du métafilmique qui traverse toute l'oeuvre mouratovienne : est-ce un personnage répétant son discours ou est-ce une actrice répétant son rôle ? Il est impossible de faire la typologie des acteurs amateurs dans les films de Mouratova, tant le choix de la cinéaste ne semble guidé que par son instinct artistique. Chez un acteur amateur, elle recherche une vitalité, une organicité, une rugosité, une authenticité insensibles dans le jeu d'un acteur professionnel. Enfants, techniciens de cinéma, passants dans la rue, les « nonacteurs » de Mouratova modèlent la texture si spécifique de son cinéma à tel point qu'une actrice amateur, Renata Litvinova, en deviendra une figure 1 (au sens lyotardien) emblématique. Employés de diverses manières, les acteurs 1. Voir Macha Ovtchinnikova, « Renata Litvinova dans Deux en un de Kira Mouratova : figure et défiguration d'actrice », in Jouer l'actrice : de

L’esthétique du quotidien dans Août, avant l’explosion d’Avi Mograbi : lieu et moteur de résistance politique
Mise au point, 2021
Dans Aout, avant l’explosion, le cineaste israelien Avi Mograbi s’adresse au spectateur en lui co... more Dans Aout, avant l’explosion, le cineaste israelien Avi Mograbi s’adresse au spectateur en lui confiant son projet : filmer tous les jours du mois d’aout le quotidien de ses compatriotes israeliens. Or, le projet, apparemment innocent, devient un geste de resistance des lors que la camera se heurte au quotidien affecte par le politique. Les sequences documentaires de rencontres fugaces et violentes avec les citoyens israeliens et palestiniens sont montees avec les sequences fictionnelles ou Mograbi rejoue et romance des conflits intimes avec sa femme et son producteur, mais aussi avec les sequences de casting pour un film de fiction qu’il prepare. En analysant ces differentes strates du film, l’article interroge les choix esthetiques de Mograbi qui, tout en filmant le quotidien de son pays, revele le presentisme comme regime d’historicite dans lequel se deploie et se fabrique l’histoire contemporaine d’Israel. Les propositions esthetiques du cineaste deviennent des gestes politiques en ce qu’ils revelent la dynamique commune de ces deux logiques temporelles, celle de la banalisation de la violence.
Mise au Point "Images au quotidien, images du quotidien", 2021
Mise au point Cahiers de l'association française des enseignants et chercheurs en cinéma et audio... more Mise au point Cahiers de l'association française des enseignants et chercheurs en cinéma et audiovisuel 14 | 2021 Images au quotidien, images du quotidien L'esthétique du quotidien dans Août, avant l'explosion d'Avi Mograbi : lieu et moteur de résistance politique MACHA OVTCHINNIKOVA
Nathalie Mauffrey et Sarah Ohana (dir.), La Prise au départ du cinéma, Mimésis, coll. « Formes filmiques », 2021
Il s’agit ici de montrer comment le geste filmique de la prise de vues et de son chez Avi Mograbi... more Il s’agit ici de montrer comment le geste filmique de la prise de vues et de son chez Avi Mograbi s’affirme en geste politique. Le texte porte essentiellement sur son film "Happy Birthday Mr. Mograbi" (1999) dans lequel le cinéaste engagé pour faire un film sur les 50 ans de l’État d’Israël découvre que son propre anniversaire et celui de la Nakba, la « catastrophe qui a fait des Palestiniens des réfugiés » ont lieu le même jour. L’objectif est d’analyser les différents gestes techniques et artistiques du cinéaste et leur portée politique.

Tétrade, 2021
« Phénomènes chorégraphiques dans l’œuvre d’Andreï Tarkovski », Tétrade n°7 « Andreï Tarkovski : ... more « Phénomènes chorégraphiques dans l’œuvre d’Andreï Tarkovski », Tétrade n°7 « Andreï Tarkovski : nouvelles perspectives comparatives », Marie Gueden et Macha Ovtchinnikova (dir.), CRAE / Université de Picardie Jules Verne, 2021.
Le terme de dessin rythmique est employé dans les textes d’Andreï Tarkovski à propos de la mise en scène, du jeu d’acteur et du montage. En utilisant cette notion, le cinéaste mobilise une image aquatique, celle « du ruisseau, du torrent, du fleuve, de la cascade, de l’océan, lesquels articulés ensemble, constituent un tracé rythmique unique, une nouvelle formation organique, reflet de la perception du temps qu’a l’auteur » (Le Temps scellé). Cette comparaison place au centre de sa réflexion cinématographique le rythme comme « élément fondateur du cinéma » (TS), le rythme qui est aussi au fondement de l’art chorégraphique.
La notion de dessin rythmique pensée par Andreï Tarkovski peut constituer une piste pour interroger cette proximité entre danse et cinéma et explorer la perspective chorégraphique de son œuvre. Or, Tarkovski n’aborde pas la danse explicitement, elle fait rarement irruption dans ses films et relève toujours d’un questionnement rythmique, d’une reconfiguration du flux temporel et des courbes de l’espace. Qu’il soit pris en charge par un corps, par les mouvements de caméra ou par les articulations du montage, le chorégraphique interroge le rapport entre les corps, l’espace et le temps. Quelques exemples pris dans les films permettront de montrer comment le chorégraphique se révèle et affecte l’espace et le temps filmique dans l’œuvre d’Andreï Tarkovski.
Cultural Express, 2021
OVTCHINNIKOVA Macha Cultural Express, n°5, 2021, Résurrections en séries Pour citer cet article :... more OVTCHINNIKOVA Macha Cultural Express, n°5, 2021, Résurrections en séries Pour citer cet article : Macha Ovtchinnikova, « Du visible au virtuel dans la série The Leftovers », Cultural Express [en ligne], n°5, 2021, « Résurrections en séries », Isabelle Casta (dir.), URL :
Al-Tiba9, 2020
Interview about video work "The scar of the earth"
TRANSverse Journal Nostalgia/ La nostalgie, 2020
Entretien pour le film "Défaite et victoire du corps" de Macha Ovtchinnikova
Double Jeu n° 15 "Drôles d’endroits pour une rencontre : l’acteur amateur au cinéma et au théâtre", 2018
Les acteurs amateurs parsèment les films de Kira Mouratova en modelant leur texture spécifique. E... more Les acteurs amateurs parsèment les films de Kira Mouratova en modelant leur texture spécifique. Employés de diverses manières, ils imprègnent le dispositif cinématographique pour en interroger les limites et les potentialités. Porteurs de vitalité et d’authenticité, ils exhibent les artifices et les conventions du cinéma. Dans cet article, il s’agit de montrer comment Mouratova parvient à cristalliser ce paradoxe de l’acteur amateur dans la figure de la répétition.
1895, revue d'histoire du cinéma, 2019
Traduction française
Recension de l'ouvrage: Eugénie Zvonkine (dir.), "Cinéma russe contemporain, (r)évolutions", Pres... more Recension de l'ouvrage: Eugénie Zvonkine (dir.), "Cinéma russe contemporain, (r)évolutions", Presses Universitaires de Septentrion, 2017
Vingt-six ans après la chute de l’URSS cet ouvrage ambitieux entreprend une exploration du vaste et éclectique corpus du cinéma russe contemporain. En adoptant des approches multiples – historiques, économiques, sociologiques ou esthétiques – les analyses de l’industrie cinématographique dans sa globalité, les études comparatives ou les études de cas interrogent la place problématique du politique dans l’évolution du cinéma russe.
Jean-Loup Bourget et Françoise Zamour (dir.), "Jouer l’actrice", Paris, Editions rue d’Ulm, coll.... more Jean-Loup Bourget et Françoise Zamour (dir.), "Jouer l’actrice", Paris, Editions rue d’Ulm, coll. « Actes de la recherche à l’ENS », 2017, p.89-97
L’interprétation de Renata Litvinova dans "Deux en un" de Kira Mouratova révèle les frontières poreuses entre espaces et temps de natures hétérogènes. Litvinova joue une actrice d’une troupe de théâtre qui interprète un personnage théâtral (une conductrice de tramway) dans la seconde partie du film dont elle avait écrit elle-même le scénario. Dans cet article, il s’agit d’analyser la spécificité du dispositif de représentation instauré dans Deux en un et la place de l’actrice Renata Litvinova dans la production et l’économie visuelle et figurative du film. On observe alors l’identité mouvante de l’actrice qui joue l’actrice, identité fondée sur les contradictions, le jeu des doubles débouchant sur le processus de défiguration.
« L’obraz et le figural dans le cinéma russe : événement d’image et plasticité du temps », in Lau... more « L’obraz et le figural dans le cinéma russe : événement d’image et plasticité du temps », in Laura Marin et Anca Diaconu (dir.), Usages de la figure, régimes de figuration, Bucarest, Editura Universitatii din Bucaresti, 2017, p.109-120
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Papers by Macha Ovtchinnikova
"Le monologue chez Kira Mouratova: une figure arrachée au fond sonore"
En parlant de son film "Mélodie pour un orgue de Barbarie" (2009), la cinéaste russophone travaillant en Ukraine, Kira Mouratova le définit ainsi : « [U]ne vaste toile, où tout se déroule dans un flux continu », « une mosaïque faite de tout petits morceaux ». L’hypothèse de l’analyse est la suivante : le monologue mouratovien apparaît comme une figure arrachée au fond sonore indifférencié. Or, loin d’être une figure sonore dominante, ce monologue emprunte à de nombreux modes de relativisation de la parole théorisés par Michel Chion : « prolifération » de la parole, « parole immergée », « décentrage ». Relevant à la fois de ce que Chion nomme la « parole-théâtre » et de la « parole-émanation », les monologues des personnages surgissant puis replongeant dans le magma sonore continu et confus attirent l’attention sur la plasticité et l’hétérogénéité du matériau filmique. La séquence emblématique exaltant la figure du monologue est celle où une foule de gens suspendus à leurs téléphones portables soliloquent dans un immense hall de gare, où le réseau semble être le meilleur.
Hartog appelle « présentisme » le « temps de prévalence du point de vue du présent », un « présent omniprésent », un « présent multiforme et multivoque : un présent monstre ». Selon l’historien, le présentisme, l’un des trois grands régimes d’historicité qui régit nos sociétés contemporaines, gouverne le temps culturel, politique, social des communautés humaines et détermine la manière dont elles appréhendent le passé, le présent et le futur. Le présentisme est une forme de rapport au temps « où le présent tend à l’emporter sur le passé et le futur ». Ainsi, comme l’explique Hartog dans un entretien, « [c]’est une espèce de présent qui se voudrait auto-suffisant. C’est-à-dire quelque chose d’un peu monstrueux qui se donnerait à la fois comme le seul horizon possible et comme ce qui n’a de cesse de s’évanouir dans l’immédiateté ».
Cette expérience intime du temps présent qui semble dominer la société israélienne filmée par Mograbi détermine le travail politique et esthétique du cinéaste. Dans ses films, il fabrique des formes filmiques qui révèlent et dénoncent ce rapport problématique au temps dans un pays marqué par un conflit permanent. Cette expérience du temps est partagée par le cinéaste et le spectateur, et l’analyste ne peut en faire abstraction dans l’étude de ce cinéma politique. À partir de la notion de présentisme, il s’agira de montrer comment, dans une démarche politique, Mograbi affirme à chaque film sa posture éthique et en réinvente les formes filmiques, telles que le split-screen, le ralenti, le montage à l’envers, ou l’arrêt sur image, jusqu’à troubler les catégories et les gestes de l’analyse. La figure de l’analyste que nous convoquons dans cette étude est celle d’un spectateur averti, conscient de la portée politique de cette œuvre, et sensible à la richesse et finesse de ses inventions esthétiques.
Le terme de dessin rythmique est employé dans les textes d’Andreï Tarkovski à propos de la mise en scène, du jeu d’acteur et du montage. En utilisant cette notion, le cinéaste mobilise une image aquatique, celle « du ruisseau, du torrent, du fleuve, de la cascade, de l’océan, lesquels articulés ensemble, constituent un tracé rythmique unique, une nouvelle formation organique, reflet de la perception du temps qu’a l’auteur » (Le Temps scellé). Cette comparaison place au centre de sa réflexion cinématographique le rythme comme « élément fondateur du cinéma » (TS), le rythme qui est aussi au fondement de l’art chorégraphique.
La notion de dessin rythmique pensée par Andreï Tarkovski peut constituer une piste pour interroger cette proximité entre danse et cinéma et explorer la perspective chorégraphique de son œuvre. Or, Tarkovski n’aborde pas la danse explicitement, elle fait rarement irruption dans ses films et relève toujours d’un questionnement rythmique, d’une reconfiguration du flux temporel et des courbes de l’espace. Qu’il soit pris en charge par un corps, par les mouvements de caméra ou par les articulations du montage, le chorégraphique interroge le rapport entre les corps, l’espace et le temps. Quelques exemples pris dans les films permettront de montrer comment le chorégraphique se révèle et affecte l’espace et le temps filmique dans l’œuvre d’Andreï Tarkovski.
Vingt-six ans après la chute de l’URSS cet ouvrage ambitieux entreprend une exploration du vaste et éclectique corpus du cinéma russe contemporain. En adoptant des approches multiples – historiques, économiques, sociologiques ou esthétiques – les analyses de l’industrie cinématographique dans sa globalité, les études comparatives ou les études de cas interrogent la place problématique du politique dans l’évolution du cinéma russe.
L’interprétation de Renata Litvinova dans "Deux en un" de Kira Mouratova révèle les frontières poreuses entre espaces et temps de natures hétérogènes. Litvinova joue une actrice d’une troupe de théâtre qui interprète un personnage théâtral (une conductrice de tramway) dans la seconde partie du film dont elle avait écrit elle-même le scénario. Dans cet article, il s’agit d’analyser la spécificité du dispositif de représentation instauré dans Deux en un et la place de l’actrice Renata Litvinova dans la production et l’économie visuelle et figurative du film. On observe alors l’identité mouvante de l’actrice qui joue l’actrice, identité fondée sur les contradictions, le jeu des doubles débouchant sur le processus de défiguration.
"Le monologue chez Kira Mouratova: une figure arrachée au fond sonore"
En parlant de son film "Mélodie pour un orgue de Barbarie" (2009), la cinéaste russophone travaillant en Ukraine, Kira Mouratova le définit ainsi : « [U]ne vaste toile, où tout se déroule dans un flux continu », « une mosaïque faite de tout petits morceaux ». L’hypothèse de l’analyse est la suivante : le monologue mouratovien apparaît comme une figure arrachée au fond sonore indifférencié. Or, loin d’être une figure sonore dominante, ce monologue emprunte à de nombreux modes de relativisation de la parole théorisés par Michel Chion : « prolifération » de la parole, « parole immergée », « décentrage ». Relevant à la fois de ce que Chion nomme la « parole-théâtre » et de la « parole-émanation », les monologues des personnages surgissant puis replongeant dans le magma sonore continu et confus attirent l’attention sur la plasticité et l’hétérogénéité du matériau filmique. La séquence emblématique exaltant la figure du monologue est celle où une foule de gens suspendus à leurs téléphones portables soliloquent dans un immense hall de gare, où le réseau semble être le meilleur.
Hartog appelle « présentisme » le « temps de prévalence du point de vue du présent », un « présent omniprésent », un « présent multiforme et multivoque : un présent monstre ». Selon l’historien, le présentisme, l’un des trois grands régimes d’historicité qui régit nos sociétés contemporaines, gouverne le temps culturel, politique, social des communautés humaines et détermine la manière dont elles appréhendent le passé, le présent et le futur. Le présentisme est une forme de rapport au temps « où le présent tend à l’emporter sur le passé et le futur ». Ainsi, comme l’explique Hartog dans un entretien, « [c]’est une espèce de présent qui se voudrait auto-suffisant. C’est-à-dire quelque chose d’un peu monstrueux qui se donnerait à la fois comme le seul horizon possible et comme ce qui n’a de cesse de s’évanouir dans l’immédiateté ».
Cette expérience intime du temps présent qui semble dominer la société israélienne filmée par Mograbi détermine le travail politique et esthétique du cinéaste. Dans ses films, il fabrique des formes filmiques qui révèlent et dénoncent ce rapport problématique au temps dans un pays marqué par un conflit permanent. Cette expérience du temps est partagée par le cinéaste et le spectateur, et l’analyste ne peut en faire abstraction dans l’étude de ce cinéma politique. À partir de la notion de présentisme, il s’agira de montrer comment, dans une démarche politique, Mograbi affirme à chaque film sa posture éthique et en réinvente les formes filmiques, telles que le split-screen, le ralenti, le montage à l’envers, ou l’arrêt sur image, jusqu’à troubler les catégories et les gestes de l’analyse. La figure de l’analyste que nous convoquons dans cette étude est celle d’un spectateur averti, conscient de la portée politique de cette œuvre, et sensible à la richesse et finesse de ses inventions esthétiques.
Le terme de dessin rythmique est employé dans les textes d’Andreï Tarkovski à propos de la mise en scène, du jeu d’acteur et du montage. En utilisant cette notion, le cinéaste mobilise une image aquatique, celle « du ruisseau, du torrent, du fleuve, de la cascade, de l’océan, lesquels articulés ensemble, constituent un tracé rythmique unique, une nouvelle formation organique, reflet de la perception du temps qu’a l’auteur » (Le Temps scellé). Cette comparaison place au centre de sa réflexion cinématographique le rythme comme « élément fondateur du cinéma » (TS), le rythme qui est aussi au fondement de l’art chorégraphique.
La notion de dessin rythmique pensée par Andreï Tarkovski peut constituer une piste pour interroger cette proximité entre danse et cinéma et explorer la perspective chorégraphique de son œuvre. Or, Tarkovski n’aborde pas la danse explicitement, elle fait rarement irruption dans ses films et relève toujours d’un questionnement rythmique, d’une reconfiguration du flux temporel et des courbes de l’espace. Qu’il soit pris en charge par un corps, par les mouvements de caméra ou par les articulations du montage, le chorégraphique interroge le rapport entre les corps, l’espace et le temps. Quelques exemples pris dans les films permettront de montrer comment le chorégraphique se révèle et affecte l’espace et le temps filmique dans l’œuvre d’Andreï Tarkovski.
Vingt-six ans après la chute de l’URSS cet ouvrage ambitieux entreprend une exploration du vaste et éclectique corpus du cinéma russe contemporain. En adoptant des approches multiples – historiques, économiques, sociologiques ou esthétiques – les analyses de l’industrie cinématographique dans sa globalité, les études comparatives ou les études de cas interrogent la place problématique du politique dans l’évolution du cinéma russe.
L’interprétation de Renata Litvinova dans "Deux en un" de Kira Mouratova révèle les frontières poreuses entre espaces et temps de natures hétérogènes. Litvinova joue une actrice d’une troupe de théâtre qui interprète un personnage théâtral (une conductrice de tramway) dans la seconde partie du film dont elle avait écrit elle-même le scénario. Dans cet article, il s’agit d’analyser la spécificité du dispositif de représentation instauré dans Deux en un et la place de l’actrice Renata Litvinova dans la production et l’économie visuelle et figurative du film. On observe alors l’identité mouvante de l’actrice qui joue l’actrice, identité fondée sur les contradictions, le jeu des doubles débouchant sur le processus de défiguration.
Ainsi les notions d’intérieur et d’intériorité sont intimement liées dans l’œuvre d’Akerman à la notion de passage : passages d’un extérieur fixe à une mobilité interne mitigée, d’un espace public à l’espace intime, d’une neutralité factice du cadre aux bouleversements profonds des corps. Le passage du film à l’installation est caractérisé par la même perméabilité des frontières. Comment habiter un espace, l’investir de soi tout en préservant aussi bien sa propre intimité que celle de l’espace lui-même, et celle de l’Autre – d’une autre identité, que ce soit la mère de la réalisatrice dans son dernier film "No Home Movie" (2015) ou encore ses personnages : de "Jeanne Dielman" à ceux de "Je, tu, il, elle" (1974), "Toute une nuit" (1982) et "Histoires d’Amérique" (1989) ?
Préface d'Eugénie Zvonkine.
Dans ce numéro, il s’agit d’explorer de nouvelles perspectives d’analyse de l’œuvre d’Andreï Tarkovski à partir de l’approche graphique revendiquée dans ses textes théoriques et manifeste dans ses films.
La notion tarkovskienne de « dessin rythmique » constitue en particulier un point d’entrée pour étudier son œuvre théorique et cinématographique dans ses aspects graphiques, plastiques, y compris chromatiques, chorégraphiques, mais aussi pour explorer les comparaisons entre le réalisateur et ses artistes fétiches (graveurs, peintres, dessinateurs), ses prédécesseurs (comme Sergueï Eisenstein appréhendé pour sa pratique graphique et théorique), et ses successeurs (artistes et cinéastes contemporains).
Ce numéro réunit des articles scientifiques et des vidéos d’artistes.
À partir de la performance "Bloc" réalisée par l’artiste israélienne Tamara Erde et l’artiste iranienne Elika Hedayat, il s’agit de montrer comment l’espace d’exposition devient le « partenaire affectif » de la danseuse dont parle Laurence Louppe, qui se transforme au fil des gestes en lieu de réflexion politique.
Produite et diffusée sur la chaîne « Rossia-1 », chaine d’état russe, la série "Les Optimistes" (2017) apparaît comme une mise en abyme : en 1960, en pleine Guerre Froide, elle met en scène le fonctionnement même d’une propagande d’État. Les protagonistes sont des diplomates soviétiques chargés par le gouvernement de communiquer auprès des médias étrangers. Objet ambigu, la série apparaît à la fois comme un discours de propagande réhabilitant, voire glorifiant, la politique de la diplomatie soviétique, et comme une critique de la machine d’état, de la Russie soviétique et contemporaine, poussant ses citoyens aux pires velléités. Dans le cadre d’une réflexion large sur la propagande au cinéma, il s’agira d’analyser les différentes stratégies narratives et esthétiques déployées par le créateur de la série, Alexeï Popogrebski, affichant publiquement son opposition à la politique russe actuelle.
De fait et devant ce principe de reconstitution, Mad Men est une œuvre d’art graphique d’une rare sophistication qui est aussi un véritable travail sur l’architecture d’intérieur. L’un des premières hypothèses de lecture pourrait être la suivante : comment les objets s’installent dans la vie des gens ? De quelle vérité le design de la fin des années 50 et son évolution est-il le symptôme ? Il me semble que si les objets présents au sein de l’espace traduisent un renversement fonctionnel en ligne droite avec les réflexions du théoricien et sociologue canadien Marshall McLuhan dont l’expression « the medium is the message », laquelle apparaît dans son célèbre ouvrage Understanding Media : The Extensions of Man (Pour comprendre les médias : les prolongements technologiques de l’homme , 1968). L’auteur cherche à montrer que le médium, par le changement d'échelle qu'il implique, est, plus que le contenu, ce qui a le plus grand effet sur la société. Pour McLuhan, le message n'est pas une simple information mais le changement dans les relations et activités humaines qu’amène une innovation ou une invention. Il correspond véritablement à un changement. Le médium, au sens de McLuhan, est un prolongement de notre corps qui nous permet d’en étendre les limites. Par exemple la parole nous permet de faire “sortir” les pensées de nous-mêmes pour les exprimer à autrui. Il y a différents média comme par exemple la parole, l’écriture, l’image, l’électricité. Pour reprendre l’exemple de McLuhan, la lumière en tant que telle est un médium sans message tant qu’elle n’est pas utilisée pour une publicité par exemple. Le médium change la perception. Il est le prolongement de nos sens et change leurs rapports. Dès lors, les médias déterminent la personnalité de l’homme et son comportement dans la société à un moment donné . Je vais pourtant effectuer une sorte de travelling arrière et m’intéresser davantage à la question spatiale dans son ordonnancement et sa structure, incluant la dimension propre aux objets dans un mouvement élargi qui doit nous permettre de comprendre les enjeux existentiels contradictoires qui sont développés dans Mad Men. Ainsi, ma problématique est la suivante : de quoi le vide est-il le plein ? Je procéderai en deux temps : en premier lieu, je traiterai de la configuration spatiale de l’agence Sterling Cooper en intégrant un parallèle avec l’architecture de son époque. Dans un deuxième temps, je ferai un relevé de quelques motifs visuels - bureaux, plafonds, moquettes, ascenseurs - où la caméra embarquée et enveloppante fonctionne comme un appel au vide et à l’intemporalité. Mon intuition est la suivante : en quoi l’espace de cette agence publicitaire (re)travaille formellement l’achèvement de la modernité via l’avènement du dispositif d’expographie du cube blanc au musée, cet espace que Brian O’Doherty théorise dans son ouvrage : White Cube. L’espace de la galerie et son idéologie (1976). Il s’interroge sur le pouvoir du « cube blanc », cet espace d’exposition des œuvres d’art bien spécifique qui s’est imposé dans les galeries et les musées, en Europe comme aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. O’Doherty en décrit alors précisément les composantes physiques (espace clos absorbant tous les sons, recouverts de blanc, lumière zénithale, sans ombre, propre) glanées empiriquement pour en dresser un portrait symbolique éminemment critique : « Quelque chose de la sacralité de l’église, du formalisme de la salle d’audience, de la mystique du laboratoire expérimental s’associe au design chic pour produire cette chose unique : une chambre d’esthétique », un espace qui conférerait à n’importe quel objet exposé une valeur artistique, un espace qui entérine le basculement de l’art vers un système marchand. Tout comme les personnages Mad Men sont pris au piège au cœur d’un système dont ils maitrisent que trop bien les règles, au risque à tout moment de défaillir devant l’appel au vide que leur tend le miroir réflexif du vide intérieur que constitue leurs existence (sérialité du travail y compris dans les tâches à responsabilité, recherche d’un bonheur impossible à atteindre, masque social qui n’ne finit pas de tomber). De ce point de vue, la série propose un éternel retour au même, sans véritable suspense si ce n’est la promiscuité de plus en plus intime que noue le spectateur avec les personnages jusqu’à proposer un véritable vertige, phénoménologiquement incarné par le vide qui vient intérieur/extérieur qui vient happer, voir englober le spectateur.
Il s’agit d’analyser les différentes métamorphoses filmiques des corps des servantes à l’œuvre dans la série télévisée américaine "The Handmaid’s Tale".
Après la mort de leur mère, deux enfants, Aliona et Nikita, s’enfuient de leur domicile et errent dans une grande ville à la recherche de leurs pères respectifs. Si l’un des deux pères acceptait leur garde, ils ne seraient pas séparés par les services sociaux. Leur périple se déploie à la gare, au casino, dans une salle de ventes aux enchères, au supermarché. La conception de ce film relève d’un assemblage à la fois narratif, visuel et sonore. En effet, l’intrigue principale autour de deux enfants orphelins est infiltrée d’intrigues secondaires ; l’image est sans cesse saturée de corps, d’accessoires, de couleurs, d’objets, de lumières ; la bande son est inondée de répliques, de chants, de cris, de rires, de musiques diégétiques ou extradiégétiques, de slogans publicitaires, d’annonces confuses du haut parleur. La dialectique de la figure et du fond traverse toute l’esthétique de ce film qu’on pourrait définir comme polyvisuel dans sa manière d’exhiber « la dissociation, [le] vide, […] l’interstice, [le] désenchaînement. » Polyvisuel, ce film est aussi polyphonique au sens musical du terme défini comme « la marche simultanée de plusieurs parties mélodiquement différentes, qu'elles soient vocales ou instrumentales ». Chez Mouratova, on se heurte souvent à ces voix et ces discours hétérogènes qui évoluent parallèlement sans se croiser, sans interagir : deux personnages qui parlent simultanément, une chanson entendue en même temps qu’un monologue. Sur le plan narratif, cette polyphonie contribue à forger une « société autiste » où tout lien social serait rompu . Sur le plan formel, elle interroge et redéfinit les notions de figure et de fond ainsi que leur relation dans le champ sonore à travers notamment la figure du monologue. L’hypothèse serait la suivante : le monologue mouratovien apparaît comme une figure arrachée au fond sonore indifférencié. Or ce monologue emprunte à de nombreux modes de relativisation de la parole théorisés par Michel Chion : « prolifération » de la parole, « parole immergée », « décentrage ». Relevant à la fois de la « parole-théâtre » et de la « parole-émanation », les monologues des personnages surgissant puis replongeant dans le magma sonore continu et confus attirent l’attention sur la plasticité et l’hétérogénéité du matériau filmique.
La séquence emblématique exaltant la figure du monologue est celle où une foule de gens suspendus à leurs téléphones portables soliloquent dans un immense hall de gare où le réseau semble être le meilleur. Filmés en plan demi-ensemble et en plongée les orphelins circulent parmi les voyageurs en demandant d’échanger un billet de 500€ trouvé par hasard. Les voix résonnantes constituent un brouhaha, un matériau sonore palpable dont s’arrachent les bribes de récits performés par des solistes anonymes. Tous les procédés de désincarnation sémantique semblent mis en place : l’hétérogénéité des sujets (une femme se plaint de son mari trop possessif, un homme évoque une affaire immobilière, un autre parle des différentes races de chien, un enfant récite un épisode biblique), les accents, les mots étrangers, les termes grossiers. À travers l’analyse de quelques séquences, nous verrons d’abord comment le monologue arraché fractionne le récit, en réduisant la parole à la matière malléable dépourvue de toute valeur symbolique avant d’interroger sa puissance temporelle capable de suspendre, d’étirer, et de détourner le flux temporel.
Cette communication porte sur les différents phénomènes filmiques dans Brèves Rencontres de Kira Mouratova qui déclenchent le surgissement des virtualités temporelles : la plasticité des paramètres filmiques (le son ou la lumière mettant en co-présence le passé ou le fantasme et le présent) ; le détournement des figures filmiques (le champ-contrechamp confrontant deux temporalités hétérogènes) ; la transparence matérialisante (visuelle et sonore) qui donne corps aux ombres et aux reflets et rend actif les réseaux de motifs plastiques.
Dans cette communication, il s’agira d’analyser quelques plans d’Andreï Zviaguintsev selon la triple puissance de la durée. On verra donc comment la durée épuise la visibilité immédiate du plan, et fait basculer son sens du registre fictionnel au registre « mythologique » (selon le terme de Zviaguintsev) ou allégorique se rapportant à l’histoire universelle, souvent biblique. En modelant la strate filmique, la durée d’un plan en crée l’atmosphère qui cultive et propulse un événement d’ordre filmique (lumineux, sonore, chromatique, musical, etc.) Enfin, il s’agira d’étudier comment en s’ancrant dans la durée, l’image exhibe sa matérialité élémentaire.
L’analyse de la figure de rebelle dans "Léviathan" révèle que ce n’est pas tant le sujet que la texture du film qui transforme cette histoire banale en fable éternelle. Les figures de rebelles, Nikolaï ou Liliya, activent une dynamique de résistance qui infuse dès lors toute la texture du film. La résistance des corps et du décor attire l’attention sur la matérialité même du film déployée autour des phénomènes de résistance physique, chromatique, filmique.
"Par exemple, Electre" de Jeanne Balibar et Pierre Léon
Sur le modèle du site « Concerts à emporter », Jeanne Balibar a l'idée d'une série de pièces de théâtre disponibles sur internet, intitulée « Théâtre à emporter ». Avec Pierre Léon, elle écrit à Arte pour leur soumettre cette proposition.
En analysant les textes de Gilles Deleuze, Francis Bacon. Logique de la sensation, et de Georges Didi-Huberman, Fra Angelico, dissemblance et figuration, on s’interroge sur la puissance de l’informe dans l’analyse figurale des œuvres si différentes de Fra Angelico et de Francis Bacon.
Il s’agit de montrer à l’aide de quelques citations plusieurs effets de la Figure dans le champ pictural que révèlent Didi-Huberman et Deleuze. L’informe apparaît comme un champ opératoire de la Figure. Plutôt que d’adopter une structure dialectique, cette analyse comparée des deux théories impose une structure de déploiement. En partant de la figuration, comme modèle de représentation mimétique, Deleuze et Didi-Huberman l’articulent aux concepts de déformation et de dissemblance. Le dissemblable et la déformation introduisent l’altérité dans la matière en bousculant toutes les relations sur lesquelles s’appuyait la figuration mimétique.
Organisée par Bruno Nassim Aboudrar, Hélène Kuntz et Antonio Somaini
Le corpus des films de trois cinéastes russes – Andrei Tarkovski, Andrei Zviaguintsev et Kira Mouratova – permet d’élaborer une réflexion sur le processus de métamorphose de la matière temporelle en matière filmique par la technique cinématographique. A la manière de l’art sculptural, le cinéma confronte l’artiste à une matière infiniment vaste : le temps. Ce postulat semble à l’origine de la célèbre expression de Tarkovski : « sculpter le temps ». La matière temporelle existe indépendamment de toute intervention ou même existence humaine. Le simple enregistrement mécanique de ce flux temporel sur la pellicule (principe même de la technique cinématographique) transforme la matière temporelle en matière filmique. Ce premier processus de transformation matérielle génère un tissu filmique semblable à une chair vivante. L’analyse filmique comparée de deux (ou trois) extraits de films révèle le déploiement de ce procédé technique en procédés plastiques et philosophiques.
Location: Paris-France
Maison de la recherche
Event Date: 29/06/2016
Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, LIRA
Location: Maison de la recherche
ENSTA Paris / INHA / Centre Pompidou / Centre de l’Université de Chicago à Paris
Au cours de ce colloque, nous reviendrons sur les films de Chantal Akerman à travers le motif essentiel de l’espace intérieur, un motif qui nous permettra également de mettre l’accent sur la partie de son œuvre moins étudiée – les installations. La mise en scène et le montage des espaces intérieurs dans les films d’Akerman, l’architecture complexe des espaces clos et de leurs temporalités, intègrent déjà une réflexion spatialisée et posent les prémices du travail sur l’installation. Comment le passage d’un médium à un autre se produit-il et comment les deux pratiques se complètent-elles et se répondent-elles ? Comment penser le paradoxe inscrit dans le geste et dans l’acte d’installation et d’exposition de matières aussi sensibles que l’intériorité ou encore l’intimité ? De quelle manière ces installations mobilisent-elles le spectateur et spatialisent-elles l'écran plat du cinéma dans l'espace itinérant de la galerie ?
En photographie et au cinéma, le « nocturne » reste pour l’essentiel à concevoir et à élaborer. Il existe à peine — dans la rubrique des « effets » (spéciaux, comme la « nuit américaine ») ou dans le lexique de l’éclairage (« extérieur nuit »). C’est un simple état d’apparence (producteur d’ethos) réduit au rang d’une poïétique, d’une technique, d’un art du faire, qui n’a pas accédé au statut de forme, a fortiori de catégorie esthétique. Et cela, alors même que depuis l’origine, la photographie comme le cinéma ont fait du noir (le négatif, le noircissement de la pellicule), de l’obscurité (la salle obscure, le labo) et de la nuit (le thème, le motif, le décor, l’ambiance), le centre même de leur univers visuel. Construire la question dans ses multiples dimensions sera l’ambition même de ce colloque.
Nous nous intéressons tout particulièrement à des moments de crise de temps qui marquent et interrogent le rapport au temps et à l'Histoire dans de nombreuses filmographies durant des périodes de bouleversements sociopolitiques, ainsi qu’à l’idée de trace du passé dans ses multiples formes (thématiques, esthétiques, narratives, formelles). Une attention particulière sera portée à la question de la présence du passé historique dans les films comme la forme d'une construction ou d'une reconstruction. Enfin, nous interrogerons la manière dont ces régimes d’historicité et l’histoire des représentations qu’ils produisent, permettent de penser une histoire du cinéma travaillée autant par les continuités et les héritages que par les ruptures. Le terme même de la contemporanéité et des « cinémas contemporains » sera repensé et interrogé au prisme de leur ancrage dans la mémoire, la dyschronie et le principe de déphasage temporel comme mode opératoire.
Nous nous intéressons tout particulièrement à des moments de crise de temps qui marquent et interrogent le rapport au temps et à l'Histoire dans de nombreuses filmographies durant des périodes de bouleversements sociopolitiques, ainsi qu’à l’idée de trace du passé dans ses multiples formes (thématiques, esthétiques, narratives, formelles). Une attention particulière sera portée à la question de la présence du passé historique dans les films comme la forme d'une construction ou d'une reconstruction. Enfin, nous interrogerons la manière dont ces régimes d’historicité et l’histoire des représentations qu’ils produisent, permettent de penser une histoire du cinéma travaillée autant par les continuités et les héritages que par les ruptures. Le terme même de la contemporanéité et des « cinémas contemporains » sera repensé et interrogé au prisme de leur ancrage dans la mémoire, la dyschronie et le principe de déphasage temporel comme mode opératoire.