« Parce qu’elle organise une forme d’éclectisme des propositions, associe offre musicale, muséale, et éducative, la Cité de la musique – Philharmonie de Paris est un laboratoire passionnant de l’offre culturelle » indique Loup Wolff, chef du département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture. Passionnant au point que le DEPS, dont il n’est pas dans les habitudes de travailler directement avec un établissement public, a décidé, aux côtés de la Direction générale de la création artistique du ministère de la Culture et de l ‘institution de mener une enquête – « Diversité des publics et des appropriations d’une offre culturelle plurielle : le cas de la Cité de la musique – Philharmonie de Paris », Wided Merchaoui et Loup Wolff – destinée à mieux connaître ses publics sur une saison complète. En l’occurrence la saison 2016-2017, marquée entre autres par l’arrivée de Daniel Harding à la direction de l’Orchestre de Paris, les 40 ans de l’ensemble intercontemporain, les expositions « MMM - Mathieu Chedid rencontre Martin Parr », « Ludwig Van » ou encore « Jamaica Jamaica ! ».
Un premier élément donne une idée de l’ampleur de l’enquête : pas moins de 38 302 questionnaires ont été distribués au total à des publics âgés de 15 ans et plus. Avant de se pencher sur la typologie des publics, certaines données prises isolément sont particulièrement éclairantes : l’âge moyen des publics, proche de celui de l’ensemble de la population française, est de 47,9 ans, équitablement répartis en trois tiers : 15 à 38 ans, 39 à 58 ans, et plus de 59 ans ; pour 45% ce sont des hommes et 55% des femmes en forte corrélation une fois de plus avec les données nationales (à noter la sur-représentation des femmes dans les activités éducatives). Les niveaux de diplômes sont élevés (65% ont un niveau bac +4 contre 21% dans l’ensemble de la population francilienne). Une petite moitié du public est francilien, un quart est extérieur à l’Île-de-France. 30% de l’ensemble des publics sont venus pour la première fois en 2016-2017, ces « nouveaux spectateurs étant moins âgés et sensiblement moins diplômés que les anciens, représentatifs aussi d’une plus grande diversité dans l’origine géographique » précise Loup Wolff . Les motivations sont liées aux œuvres autant qu’à l’attrait de la salle. Le musée a tendance à être visité dans un cadre touristique, les expositions quant à elle attirent prioritairement un public de parisiens et de franciliens.
Surtout, 74% des spectateurs sont très satisfaits de leur sortie ce qui témoigne d’un niveau particulièrement élevé d’appréciation – presque un plébiscite – et 3 visiteurs sur 4 estiment que la Philharmonie est bien située.
Distinguant « une première moitié des publics dont le rapport à l’établissement se construit à travers la musique et les concerts, une seconde, à travers la pluralité de l’offre », les résultats de l’étude mettent en évidence « six groupes distincts de publics » indique Loup Wolff. Les spectateurs mélomanes classiques arrivent en premier : 87% sont déjà venus à un concert par le passé, 55% ont déjà assisté à plus de six concerts, beaucoup ont une fréquentation particulièrement assidue des lieux de culture. Ce sont pour l’essentiel des personnes jeunes ou âgées. Viennent ensuite les spectateurs mélomanes éclectiques, très diplômés, manifestant autant d’intérêt pour les concerts classiques que non classiques ; les visiteurs occasionnels (28%), sensiblement moins diplômés, d’âge intermédiaire, parmi lesquels on trouve une part importante de public non franciliens, pour qui les expositions sont un motif de visite plus important que pour les mélomanes ; les spectateurs participants (13%) qui plébiscitent les activités éducatives ; les néo visiteurs (11%), comportant une part importante de non franciliens, dont 60% découvrent l’établissement par la visite du musée de la musique ou une exposition ; enfin les étrangers experts caractérisés par leur très haut niveau de diplôme.
« Au moment de l’ouverture de la Cité de la musique – Philharmonie de Paris, les enjeux, concernant le développement de l’institution, étaient doubles : il s’agissait de doter la France d’un équipement comparable à ceux que l’on trouve à l’étranger et de réussir le pari de la démocratisation des publics, commente Laurent Bayle, son directeur général, Pour ce qui est du premier point, nous avons tout lieu de nous réjouir des résultats de l’étude, s’agissant du second, celle-ci constitue à mon sens un point de départ plus qu’un comparatif » poursuit-il. Un point de départ qui témoigne déjà d’un grand nombre de points positifs : un rajeunissement lié à une offre qui combine cultures classiques et populaires, un élargissement attesté par une origine géographique diversifiée de même que des niveaux de diplômes différents. Reste que pour attirer les publics les plus éloignés de la culture, la réussite passe nécessairement par une démarche approfondie. « C’est tout le sens des actions que nous menons à destination des jeunes publics. L’éventail de nos propositions est particulièrement large, allant des conventions que nous signons avec les établissements scolaires jusqu’aux orchestres d’enfants. 80% de nos actions sont menées dans les quartiers relevant de la politique de la ville. » poursuit Laurent Bayle. Enfin, le rayonnement à l’international, et la promotion de « la marque Orchestre de Paris à l’intérieur de la Philharmonie » est également l’objet de la plus grande attention.
« L’étude va nous aiguiller pour l’avenir »
L’enquête menée auprès des publics de la Cité de la musique – Philharmonie de Paris est un premier jalon autant qu’une matière que les équipes vont faire fructifier analyse Carole Balaz, responsable des études et du suivi des publics : « L’étude est intéressante en ce qu’elle conforte pour l’essentiel le projet et les ambitions portés par la Cité de la musique – Philharmonie de Paris dans le même temps qu’elle sert d’aiguillon pour l’avenir. Si le projet global continuera naturellement à s’articuler autour des concerts et des expositions, la programmation dans les prochaines années ne devrait cesser de s’affiner. Les équipes vont progressivement s’approprier les résultats. Le musée, par exemple, exprime déjà une grande satisfaction devant la somme d’informations récoltées, lesquelles mettent en regard la collection permanente et les expositions, toutes données précieuses quand il s’agit de se projeter. De même, la collaboration va se poursuivre avec le département éducation et ressources avec lequel nous travaillons, avec l’aide de chercheurs, à la mise en place d’éléments qualitatifs ».
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