Troubles D'acquisition de La Lecture en Cours e Le Mentaire: Facteurs Cognitifs, Sociaux Et Comportementaux Dans Un e Chantillon de 1062 Enfants
Troubles D'acquisition de La Lecture en Cours e Le Mentaire: Facteurs Cognitifs, Sociaux Et Comportementaux Dans Un e Chantillon de 1062 Enfants
Troubles D'acquisition de La Lecture en Cours e Le Mentaire: Facteurs Cognitifs, Sociaux Et Comportementaux Dans Un e Chantillon de 1062 Enfants
Abstract
Background. – Reading impairment is the major learning disability in children. While research on illiteracy has mainly been conducted from a
sociological perspective, research on dyslexia has typically been studied from a cognitive-linguistic perspective. Studies that jointly investigate
sociological, behavioral and cognitive factors in predicting reading outcome are rare and limited to English-speaking populations. The goal of the
present study was to screen second grade children with reading impairment in French urban elementary schools and to pin down the factors that
explain the various facets of reading failure and success.
Methods. – A total of 1062 children from 20 different schools in the city of Paris participated in the study. Different aspects of reading were
assessed individually for children with a suspected impairment in reading acquisition. Subsequently, 131 poor readers and 50 typically developing
readers were matched for sex, age, and school. For these children, medical, cognitive, behavioral and individual socioeconomic data were obtained.
Group differences were examined and multiple regression analyses were conducted to examine how much variance in reading was explained by the
various variables.
Results. – The prevalence of poor reading skills in grade 2 was highly influenced by neighborhood socioeconomic status (SES) (ranging from
3.3% in high SES to 20.5% in low SES areas). Among the SES variables, employment of the father was a significant predictor of poor reading.
Among the cognitive variables, phonological awareness and rapid naming were the most significant factors, much more than verbal or nonverbal
intelligence. Among the behavioral variables, attention was an important factor but not externalized symptoms. Multiple regression analyses
showed that reading outcome was best predicted by phonological awareness skills and attention deficits.
Conclusion. – The majority of children with reading disability come from low SES areas. As in the English literature, the most robust predictor
for reading impairment is phonological awareness, even when SES is taken into account. In addition, attention deficits seemed to aggravate reading
impairments for children with weak phonological awareness skills. Successful early prevention should focus on reinforcing phonological
awareness, recoding and attention skills.
# 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Prevalence; Learning disabilities; Poor reading; Predictive factors; Dyslexia; Child
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Billard).
0398-7620/$ – see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.respe.2009.02.205
192 C. Billard et al. / Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 57 (2009) 191–203
Résumé
Position du problème. – Les troubles d’acquisition de la lecture constituent le problème principal d’apprentissage des enfants. En France, les
données épidémiologiques sont rares. La recherche, majoritairement en langue anglaise, concerne soit le champ sociologique, soit le champ
cognitif, se limitant alors aux critères stricts de dyslexie. Peu d’études, dont aucune en langue française, mettent en lien les facteurs prédictifs
sociaux, cognitifs et comportementaux. Le but de notre travail est d’analyser les variables liées à différentes compétences de lecture, à partir du
dépistage d’un échantillon d’enfants parisien.
Méthode. – Tous les enfants de cours élémentaire première année (CE1) ou redoublant le cours préparatoire (CP) de 20 écoles parisiennes
réparties en trois tiers selon la zone d’habitation, favorisée, moyennement défavorisée ou très défavorisée, ont participé à un screening des troubles
de la lecture, puis à une confirmation, par un examen individuel, des différentes compétences en lecture. Cent trente et un faibles lecteurs, ainsi
qu’un groupe de 50 bons lecteurs ayant la même répartition par âge, sexe et classe, ont bénéficié d’une large évaluation médicale, cognitive,
comportementale et socioéconomique. Les facteurs liés à la lecture ont été recherchés par comparaison des deux groupes ainsi que par des
régressions linéaires sur les valeurs quantitatives des différentes compétences en lecture.
Résultats. – La prévalence des difficultés de lecture était largement influencée par l’environnement (3,3 % dans la zone favorisée et 20,5 %
dans la plus défavorisée). La profession du père était liée à la lecture. Sur le plan cognitif, les différentes compétences phonologiques –
principalement conscience phonologique et dénomination rapide – sont les facteurs les plus significativement liés, bien plus que l’intelligence. Sur
le plan comportemental, l’inattention retentit sur la lecture et non les troubles de conduites. Les régressions multiples montrent que les différentes
compétences en lecture sont liées à la conscience phonologique et l’inattention.
Conclusion. – Les enfants faibles lecteurs sont majoritairement issus de zones défavorisées. La conscience phonologique, comme largement
décrit dans la littérature, ainsi que dans une moindre mesure les déficits d’attention, sont les facteurs les plus prédictifs des compétences en lecture,
compte tenu de l’environnement socioéconomique. Ces données nouvelles en France fournissent des orientations pour les bases d’un programme
de prévention efficace. La mise en place d’un programme d’entraı̂nement au décodage s’avère particulièrement nécessaire en milieu défavorisé, où
les troubles d’acquisition de lecture sont particulièrement fréquents. Le rôle de la conscience phonologique sur les compétences en lecture suggère
l’utilisation de programmes pédagogiques tels que ceux utilisés aux États-Unis.
# 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
la lecture chronométrée d’un texte sans sens (Alouette [21]) l’audition et de la vision. La vision a été considérée comme
et de mots (LUM [23]) ; altérée en cas de trouble bilatéral de l’acuité au-dessous de
la compréhension de lecture d’un texte (« Pacha » de la 5/10, d’un strabisme ou d’un trouble de l’oculomotricité et
BELO [24]) ; l’audition en cas d’un déficit bilatéral de 30 décibels. Un
les procédures de lecture de deux listes, l’une de 39 mots entretien a également apprécié les soins dont les enfants
réguliers ou irréguliers et l’autre de 27 logatomes (EVALEC bénéficiaient (orthophonie, psychothérapie).
[25]).
2.3.2. Les variables cognitives
2.3. Les facteurs de risques potentiels Les variables cognitives, évaluées par un neuropsychologue
de l’équipe de recherche étaient les suivantes :
Les facteurs de risques potentiels ont été classés en quatre
champs : médical, cognitif, socioculturel et comportemental, compétences cognitives générales, appréciées par le score
détaillés dans le travail précédent [20]. non verbal (graphisme, perception et attention visuelles,
planification et raisonnement spatial) et verbal (phonologie,
2.3.1. Les variables médicales lexique, syntaxe, fluence et compréhension syntaxique), de la
Les variables médicales recueillies par les médecins batterie BREV très corrélée à l’échelle de Weschler et aux
scolaires étaient les antécédents périnataux, les troubles de tests de langage [26] ;
C. Billard et al. / Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 57 (2009) 191–203 195
Encadré 2. Compétences, tests utilisés pour les comme l’existence d’une autre langue en plus du français parlé
mesurer et normes en CE1 à la maison, les activités de lecture des parents conjointe avec
leur enfant (lecture avec leurs enfants : oui ou non). Compte
Compétences en lecture : tenu du mode de sélection des FL et des NL, il s’agissait de
Décodage : mesurée par la lecture de syllabes de com- distinguer lesquels de ces facteurs pouvaient rendre compte des
plexité croissante de la Batelem (score brut, norme = 25 disparités de lecture, à implantation scolaire identique.
sur 29 proposées)
Niveau de lecture chronométré : mesuré par deux tests : 2.3.4. Les variables comportementales
la lecture d’un texte sans sens « l’Alouette » (score Les variables comportementales de l’enfant en situation
exprimé en décalage en mois entre l’âge de lecture et scolaire ont été appréciées par le questionnaire d’Achenbach
l’âge chronologique, norme = 0 ; score négatif lorsqu’il
Teacher Report Form (TRF) [27], rempli par les enseignants.
existe un déficit) ; la lecture de mots de la LUM (score
brut en nombre de mots correctement lus en une
minute, norme = 36,7) 2.4. Analyse statistique
Compréhension : mesurée par la lecture du texte de
« Pacha » de la batterie BELO (score brut en nombre de Les analyses ont été réalisées à l’aide des logiciels Statistical
bonnes réponses, norme > 5 sur 10) Package for the Social Sciences et STATA version 9 (SPSS).
Procédures de lecture : mesurées par la lecture de deux Les deux groupes (FL et NL) ont été comparés pour
listes, l’une de mots irréguliers et réguliers et l’autre de l’ensemble des variables à l’aide de tests de Student (test de t)
logatomes issues de l’EVALEC (score brut en nombre de pour les variables continues et de Khi2 pour les variables
mots correctement lus (sur 39) ou de logatomes (sur 27 catégorielles.
proposés), pas de norme disponible) Pour étudier les facteurs de risques potentiels des différentes
Variables prédictives
compétences en lecture, on a utilisé des régressions linéaires.
Score verbal et score non verbal : scores composites Pour chaque compétence en lecture et chaque groupe de
mesurés par la batterie BREV (score normalisé, variables représentant les quatre dimensions suivantes –
norme = 100) médicale, cognitive, socioculturelle et comportementale – on
CP : conscience phonologique mesurée par la soustrac- a effectué une régression afin de sélectionner, pour ce groupe de
tion de syllabes et de phonèmes (sons) issue de la variables, celles qui paraissaient le plus liées à la compétence
batterie EVALEC (score brut, norme = 26 sur 34) en lecture. Enfin, pour chaque compétence en lecture, un
MCT : mémoire phonologique à court terme, mesurée modèle unique comprenant les variables sélectionnées à l’étape
par le subtest de répétition de chiffres de la batterie
précédente a permis de mettre en évidence le rôle propre de
BREV (score normalisé, norme = 10)
chacune de ces variables.
RAN : temps nécessaire à la dénomination des images
du subtest de la BELO (score brut, Ces régressions multiples ont été réalisées pour trois des
norme < 24 secondes : plus le temps est élevé, plus la quatre compétences en lecture : décodage, lecture chronomé-
compétence est faible) trée (texte et mots) et compréhension.
Le fait d’avoir inclus tous les faibles lecteurs hormis les 36
écartés et une partie seulement des normo lecteurs (50 sur 895)
aptitudes cognitives spécifiques à la lecture, soit la CP entraı̂ne une surreprésentation dans l’échantillon étudié des
évaluée par la soustraction de syllabes et de phonèmes de faibles lecteurs par rapport à la population réelle. Les analyses
l’EVALEC [25], la MCT par la répétition de séries de chiffres ont donc été conduites en prenant en compte les probabilités
de la BREV [26] et le RAN par le temps de RAN de la BELO inégales d’inclusion, en pondérant les sujets par leur poids réel
[24]. dans la population.
Tableau 1
Scores et données catégorielles dans les groupes faibles lecteurs (FL, n = 131) et normo lecteurs (NL, n = 50).
Norme CE1 pa pb Pourcentage parmi les Moyenne des scores (écart-type)
Minimum–maximum
FL NL FL NL
Nombre d’enfants – pondération 131/167 50/895
Âge chronologique * 93,1 (6) 84–112 90,7 (6) 84–105
Décodagec 25 *** 13,2 (6) 1–27 23,8 (3) 17–29
Lecture texted 0 *** 14,3 (6) 34 à 5 0,8 (9) 6 à 17
Lecture motse 36,7 ** 15,2 (9) 0–48 42,3 (14) 19–85
Compréhensionf >5 *** 1,7 (2) 0–10 5,4 (3) 0–10
Score non verbalg 100 * 87,8 (12)52–123 94,1 (13) 67–120
Score verbalg 100 ** 80,8 (11)43–108 87,1 (11)58–111
Répétition non mots 100 ns 93,5 (9) 65–115 95,8 (7) 72–103
Évocation lexicale 100 ns 58,8 (29) 0–146 63,3 (32) 0–123
Compréhension phrases 100 ** 79,3 (21) 16–117 88,6 (20)39–112
MCTh 10 ns 11 (3) 5–20 11,7 (2) 8–16
RAN i < 24 ** 24 (6) 12–42 20,8 (6) 12–50
CPj 26 *** 14,7 (9) 0–33 26,4 (8) 36–34
Nombre de fratrie (143/181) ns 3,3 (1,7) 1–10 3 (1,8) 1–9
Quotient familial (164/181)k * 2,6 (2,1) 1–8 3,4 (2,4) 1–8
Troubles internalisésl * 53,9 (9) 37–73 50,9 (10) 37–69
Troubles externalisés l * 55,9 (9) 41–81 51,8 (90) 41–76
Trouble de la socialisationl *** 57,5 (7) 50–76 53,1 (4) 50–68
Trouble de la penséel ** 54,2 (6) 50–77 51,1 (3) 50–68
Inattentionl *** 78,5 (18) 19–99 55,7 (26) 12–97
Hyperactivitél ** 55,1 (28)17–100 42,1 (25) 17–98
Tableau 2a
Scores et compétences de lecture selon les facteurs démographiques, médicaux et socioculturels.
Décodage a Lecture Texte (mois) b Lecture motsc Compréhension Lectured Procédures
Mots e Lecture f
Sexe
Féminin 21,7 2,2 34,6 5 31,8 20,3
Masculin 22,9 ns 0,5 ns 41,7* 4,9 ns 32,6 ns 20,2 ns
Latéralité
Gauchère 21,3 0,2 45,3 4,6 33,3 18,7
Droitière 22,6 ns 1,4 ns 37,9 ns 4,9 ns 32,1 ns 20,4 ns
Zone éducation
Non REP 19,9 0,3 36,6 4,5 31,6 19,5
Zone 1 23,5 0,1 42,2 5,4 33,2 18,6
Zone 2 22,4 ns 2 ns 37,5 ns 4,7 ns 31,9 ns 21,2 ns
Poids naissance
2500 g 22,5 1,4 38,9 4,9 32,3 20,3
< 2500 g 18,4** 4,7 ns 31,2* 3,3* 31,4 ns 15,1*
Terme
32 semaines 22,4 1,6 38,8 4,9 32,5 20,2
< 32 semaines 14,9*** 3,9 ns 24,4** 1,7*** 25,4 ns 10,3***
Niveau education
Mère
Pas de diplôme 21,6 2,3 ns 37,5 4,7 31,1 20,4
CAP-BEP 19,6 1,9 30,3 3,6 29,6 17,9
Bac et + 23,1 ns 1,8 42,3 ns 5,3 ns 33,6 ns 20 ns
Père
Pas de diplôme 23 0,1 42,8 4,9 32,3 21,9
CAP-BEP 20,4 4 31,1 3,7 31,1 20,2
Bac et + 20,7 ns 1,3 ns 34,2* 5,1 ns 31,5 ns 17*
Profession f
Mère
Sans 22,7 1,1 38,4 4,9 32,6 21,6
Employé et ouvrier 19,9 3,7 35,3 3,6 29,7 18,4
Cadre 22,8 ns 1,4 ns 42,1 ns 5,8 ns 32,8 ns 19 ns
Père
Sans 15,2 10,9 24,5 3,4 23,9 12,7
Employé et ouvrier 22,7 0,4 40 4,8 32 21,4
Cadre 21,9*** S0,04** 39,5* 5,3 ns 33,1 ns 19,2**
Revenu
< 548 s 22,8 2,6 38,0 4,7 31,2 20,5
548–1500 22,1 0,6 38,9 4,6 32,0 19,3
> 1500 23,3 ns 1,4 ns 44,0 ns 6,4 ns 34,4 ns 22,3 ns
Bilinguisme g
Non 1,2 1,9 36,1 4,9 31,3 18,1
Oui 22,8 ns 0,4 ns 40,4 ns 5 ns 32,5 ns 21,4 ns
Activités lectureh
Oui 21,9 0,2 39,0 5,1 32,5 19,7
Non 22,0 ns 2,0 ns 37,8 ns 4,7 ns 31,0 ns 20,2 ns
Nombre d’enfants
1 à 2 21,7 0,15 40,4 5,4 32,3 19,5
3 à 4 22,2 1,5 36,1 4,5 30 20,2
>4 22,7 ns 3,3 ns 37,5 ns 4,3 ns 33,4 ns 21 ns
Student test de t si deux groupes, par exemple féminin/masculin ou Anova si trois groupes, par exemple zone d’éducation
ns : p > 0,05 ; * : p < 0,05 ; ** : p < 0,01 ; *** : p < 0,001.
a
Batelem (norme = 25) [22].
b
Décalage avec âge chronologique à la lecture de l’Alouette (norme = 0) [21].
c
LUM (norme = 36,7 mots) [23].
d
Texte « Pacha » de la BELO (norme > 5) [24].
e
Listes de l’EVALEC [25].
f
Profession actuelle selon la classification INSEE regroupée – chômeurs inclus dans « sans profession ».
g
Considérés comme bilingues les familles où une autre langue que le français est parlé à la maison.
h
Activité de lecture conjointe parents–enfant.
198 C. Billard et al. / Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 57 (2009) 191–203
Tableau 2b
Corrélations entre les facteurs cognitifs et comportementaux et les variables de lecture (r Pearson).
R Décodagea Lecture texteb LUMc Compréhensiond Procédurese
Mots Logatomes
Variables cognitives
Score non verbal f 0,20** 0,25** 0,18* 0,26*** 0,14 ns 0,16*
Score verbal f 0,27*** 0,30*** 0,26** 0,29*** 0,19* 0,20**
CPg 0,69*** 0,44*** 0,64*** 0,60*** 0,62*** 0,67***
RANh 0,31*** 0,18* 0,36*** 0,30*** 0,31*** 0,28***
Comportementi
Trouble de socialisation 0,34*** 0,21*** 0,40*** 0,30*** 0,42*** 0,44***
Trouble de la pensée 0,31** 0,18* 0,29** 0,26*** 0,32* 0,27***
Troubles internalisés 0,26*** 0,20* 0,31*** 0,25** 0,28*** 0,29***
Troubles externalisés 0,24** 0,20** 0,25* 0,22** 0,18* 0,14 ns
Inattention 0,50*** 0,40*** 0,56*** 0,47*** 0,50*** 0,47***
Hyperactivité 0,25* 0,12 ns 0,23** 0,16* 0,28*** 0,25*
*p < 0,05, **p < 0,01, ***p < 0,001.
a
Batelem [22].
b
Décalage en mois avec l’âge chronologique à la lecture de l’Alouette [21].
c
LUM [23].
d
Texte « Pacha » de la BELO [24].
e
Listes de l’EVALEC [25].
f
Répétition de chiffres BREV [26].
g
Conscience phonologique EVALEC [25].
h
Temps de dénomination BELO [24].
i
Données comportementales au TRF [27] en t-scores.
sociaux et comportementaux. Les résultats quantitatifs des Pour les régressions linéaires effectuées séparément selon
scores de lecture selon ces facteurs sont détaillés dans les les quatre dimensions – médicale, cognitive, socioculturelle et
Tableaux 2a et 2b. comportementale – le coefficient affecté à chaque variable dans
Dans les limites de la méthodologie (même répartition selon la prédiction des différentes compétences de lecture ainsi que la
le sexe et l’école parmi les FL et NL), il n’y a de différence dans variance (R2) expliquée par les différentes variables sont
les valeurs quantitatives des scores de lecture ni selon la présentés dans le Tableau 3.
latéralité, le sexe (sauf la lecture de mots qui est plus élevée Les facteurs médicaux n’expliquent que peu de variance en
chez les garçons) ou la zone d’implantation scolaire. Tous les lecture (3 à 7 %), au contraire des variables cognitives,
scores de lecture des redoublants sont plus faibles. Les comportementales et SES qui représentent un pourcentage
antécédents de prématurité ou de petit poids de naissance sont beaucoup plus élevé de la variance. La variance dans le champ
rares, mais les scores dans toutes leurs compétences de lecture cognitif est expliquée par seulement deux variables, la CP et à
sont plus faibles. La vision n’influe pas sur les compétences de un moindre degré le RAN, et elle est particulièrement élevée
lecture. L’audition est liée à la lecture, mais seuls trois enfants pour le décodage (48 %). Les variables comportementales
FL ont un déficit. expliquant jusqu’à 33 % de la variance sont essentiellement
Toutes les variables cognitives sont liées à tous les scores de représentées par l’inattention. Enfin, la seule variable SES
lecture en dehors du score non verbal et de la lecture de mots. réellement significative dans ce modèle est le statut du père,
La relation la plus forte concerne la CP et, à un moindre degré, inactif ou chômeur. La validité de l’influence du niveau de
le RAN. diplôme du père sur la lecture chronométrée de mots (LUM) est
Le bilinguisme familial, les revenus familiaux et les activités discutable, puisque les enfants dont le père avait le niveau de
de lecture parents/enfants n’influent pas sur les scores de diplôme le plus élevé lisaient moins de mots, mais un faible
lecture des enfants, vraisemblablement du fait de la trop grande nombre d’enfants avaient un père de niveau au moins
homogénéité de ces facteurs socioculturels dans l’échantillon équivalent au BAC. Aucune des variables SES n’était
étudié. Le statut familial – parents séparés ou non – famille significativement liée à la compréhension dans les régressions
monoparentale – n’influe pas non plus sur les scores en lecture. linéaires.
Les enfants dont les pères sont sans profession ont des scores de Pour trois des quatre compétences en lecture (décodage,
lecture plus faibles. lecture chronométrée de texte et de mots, compréhension), les
L’ensemble des scores comportementaux est, en règle variables liées à cette compétence dans l’analyse par domaine
générale, lié aux scores quantitatifs de lecture. Le lien concerne de variables ont été introduites dans une régression multiple
les troubles de socialisation, de pensée, les troubles internalisés unique (Tableau 4). Les facteurs médicaux n’expliquant qu’une
et, surtout, l’inattention. En revanche, les troubles externalisés petite partie de la variance totale, ils n’ont pas été pris en
et l’hyperactivité sont moins liés à la lecture. compte dans ces modèles finaux. Cinquante-six pour cent de la
C. Billard et al. / Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 57 (2009) 191–203 199
Tableau 3
Régressions multiples sur quatre variables de lecture (décodage de syllabes ; lecture de texte ; lecture de mots ; compréhension de texte) au sein de chaque domaine
(facteurs médicaux, cognitifs. . .).
Décodagea Lecture texte b Lecture mots c Compréhensiond
Variables R2 Coefficient p R2 Coefficient p R2 Coefficient p R2 Coefficient P
Médicaux 0,07 *** 0,03 *** 0,03 *** 0,05 ***
Poids naissance 2,2 3,3 * 4,3 0,8
Terme 5,9 * 0,03 11,1 * 2,6 ***
Auditione 7,1 *** 17,3 *** 21,9 *** 2,6 ***
Cognitifs 0,48 *** 0,27 *** 0,37 *** 0,28 ***
Score non verbal f 0,02 0,02 0,19 0
Score verbal f 0,01 0,06 0,06 0,06
CPg 0,37 *** 0,38 *** 0,1 *** 0,1 ***
RANh 0,13 * 0,12 0,50 * 0,03
Comportement i 0,32 *** 0,26 *** 0,33 *** 0,16 ***
Troubles internalisés 0,01 0,05 0,10 0
Troubles externalisés 0,14 * 0,03 0,28 0
Trouble de socialisation 0,29 * 0,26 0,93 * 0,14
Trouble de pensée 0,05 0,17 0,08 0,08
Inattention 0,09 *** 0,12 *** 0,27 ** 0,03 *
Hyperactivité 0,01 0,02 0,01 0,02
SESj 0,12 *** 0,10 ** 0,19 *
Éducation
Père2 8
Père3 19 *
Profession
Père1 7,5 *** 10,6 ** 13 *
Père3 0,8 0,3 12,4
Régressions par paquets des variables significatives en univarié dans chaque champ (médical, cognitif, comportemental et SES) par le Test de Wald (comparant à 0 le
coefficient de chaque variable).
R2 de l’ensemble des variables de chaque domaine et coefficient de chaque variable ; * p < 0,05, **p < 0,01, ***p < 0,001.
a
Batelem [22].
b
Alouette [21].
c
LUM [23].
d
« Pacha » BELO [24].
e
Les troubles de l’audition ne concernent que trois enfants FL sur 131.
f
BREV [26].
g
Conscience phonologique : EVALEC [25].
h
Temps de dénomination d’image BELO [24].
i
TRF [27].
j
SES : éducation père 2 (CAP, BEP), ou 3 (Bac et +) se lit comparativement au niveau 1 (pas de diplôme) ; profession 1 (pas d’activité chômeurs inclus), ou 3
(cadre, entrepreneur) se lisent comparativement au niveau 2 (employés, ouvriers)
variance du décodage est expliqué par deux variables cognitif, les FL suivis en orthophonie ne diffèrent de leurs
cognitives, la CP et le RAN et par une variable SES, le statut pairs non suivis que très modérément et uniquement en lecture
de « sans » profession du père. L’inattention participe aussi à la de mots (13 versus 16 mots lus en une minute). Les NL en
variance des deux activités chronométrées (lecture de texte et orthophonie ne différent aussi de leurs pairs non suivis qu’en
mots), et le score verbal à la variance de la compréhension de lecture de mots. La lecture est néanmoins nettement plus
lecture de texte. efficiente chez les NL suivis que celle des FL non suivis
(37 mots lus en une minute versus 16). Seul un score plus
3.2. Soins des enfants élevé de troubles internalisés distingue les enfants FL en
thérapie de ceux non suivis.
Globalement, les scores de lecture sont plus faibles chez
les enfants suivis en orthophonie et/ou en psychothérapie. 4. Discussion
Néanmoins, le suivi orthophonique a concerné un pour-
centage non négligeable de bons lecteurs (18 %) et limité de Les résultats de cette enquête épidémiologique transversale
mauvais lecteurs (35 %). Le Tableau 5 détaille les sur les difficultés de lecture conduite à Paris ne peuvent être
caractéristiques des enfants selon qu’ils sont faibles ou bons extrapolés sans précaution à la population française dans son
lecteurs, suivis ou non en orthophonie ou en thérapie. On ensemble, les enfants issus de familles immigrées et de faible
observe un nombre important d’enfants FL non rééduqués niveau SES étant surreprésentés. Néanmoins, la prévalence est
malgré leurs scores en lecture très déficitaires. Au plan proche de celles de la littérature [1,8,28,29] et varie avec le
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Tableau 4
Régression multiple unique pour les quatre variables de lecture.
Variables Décodagea Texte b LUM c Compréhensiond
R2 Coefficient p R2 Coefficient p R2 Coefficient p R2 Coefficient P
0,56 *** 0,36 *** 0,50 *** 0,28 ***
Score verbal e 0,07 *
CPf 0,24 *** 0,21 * 0,48 *** 0,09 **
RAN g 0,14 ** 0,55 **
Inattentionh 0,02 0,11 ** 0,21 ** 0,01
Socialisation 0,2 0,36 0,01
Troubles externalisés 0,01
Profession Père1i 30,9 ** 8,2 ** 5,5
Profession Père3 0,5 0,6 0,6
Dans le modèle unique, sont considérées les variables significatives dans les régressions par paquet, en dehors des variables médicales rendant compte d’une très
partie de la variance. *p < 0,05 ; **p < 0,01 ; ***p < 0,001
a
Batelem [22].
b
Alouette [21].
c
LUM [23].
d
Pacha BELO [24].
e
BREV [26].
f
Conscience Phonologique EVALEC [25].
g
Temps de dénomination d’images BELO [24].
h
TRF [27].
i
SES : profession du père 2 (employés, ouvriers), ou 3 (cadre, entrepreneur) se lit comparativement au niveau 1 (pas d’activité).
milieu socioculturel, en accord avec les études françaises l’hyperactivité et les troubles externalisés, dans l’association
[5,8,30]. Certaines données étant manquantes dans le champ fréquente TDAH – difficultés en lecture [32,33]. Les données
SES, les scores de lecture et des fonctions cognitives des individuelles socioculturelles et socioéconomiques sont plus
enfants ont été comparés selon l’absence ou la présence de ces difficiles à interpréter. Les ressources et le bilinguisme sont
données et ils sont similaires. L’existence d’un biais lié aux peut-être peu discriminants du fait de la méthodologie, les
non-réponses est ainsi peu probable. groupes de bons lecteurs ayant été choisis dans la même classe
La répartition des zones de scolarisation en trois tiers de que les faibles lecteurs. Le choix d’une enquête multifacto-
même effectif, ainsi que l’analyse multidimensionnelle des rielle (médicale, cognitive, comportementale et socioécono-
facteurs de risques potentiels apportent des données, actuel- mique) a limité les variables sociales individuelles étudiées et
lement inexistantes en France, sur les liens entre environne- on ne peut exclure qu’une enquête plus précise aurait pu faire
ment, comportement et facteurs cognitifs dans l’acquisition de ressortir d’autres résultats. Le lieu de naissance des parents, la
la lecture. Le choix de la classe est justifié par la nécessité de date d’arrivée en France, la maı̂trise du français des parents et
prendre en compte les difficultés d’identification des mots dès de la fratrie, les conditions d’habitation (surpeuplement,
la fin du cycle deux [2,5]. logement HLM) seraient des indicateurs plus pertinents de la
Le fait que même dans un environnement socioculturel position sociale de la famille, en lien avec les difficultés de
défavorisé la majorité des enfants apprennent à lire exclut un lecture. De la même façon, nos données sur le rôle des activités
facteur purement pédagogique et souligne l’importance de de lecture des parents, habituellement décrits comme pouvant
déterminer les facteurs rendant compte de cette disparité, afin influencer le langage oral, l’exposition à la lecture et les
de lutter efficacement contre l’échec scolaire dans cette connaissances du principe alphabétique [34] doivent être
population particulièrement sensible. La disparité est essen- nuancées. Ces dernières sont plus fréquentes dans cet
tiellement liée à la conscience phonologique (CP, mesurée par échantillon chez les BL que les FL, sans atteindre la
la soustraction de syllabes et de phonèmes), facteur décrit de significativité. Ces notions sont probablement difficiles à
façon consensuelle dans la littérature française [4] et renseigner précisément ou sincèrement. Elles n’ont pas pu être
internationale [12,13] comme le plus en cause dans le modulées par les modalités de devoirs à la maison, trop
décodage, phase initiale de l’apprentissage de la lecture. Le hétérogènes selon l’enseignant. Néanmoins, les résultats
RAN influt de façon conjointe à la CP sur les compétences en permettent d’insister sur le rôle fondamental des facteurs
lecture [31]. L’intelligence, étudiée par une batterie (BREV) cognitifs spécifiques à l’acquisition de la lecture susceptibles
largement corrélée au quotient intellectuel (QI) mesuré par d’être entraı̂nés à l’école, au-delà des conditions sociales plus
l’échelle composite de Weschler [26], est beaucoup moins liée difficiles à changer. Les données des régressions multiples font
à l’apprentissage de la lecture [11]. Le second facteur en cause également apparaı̂tre que, si la CP et le RAN sont les plus
interagissant clairement avec les AP (caractérisés par la CP, la prédictifs du décodage de syllabes et de la lecture de mots, les
MCT et le RAN) est l’attention, alors que les troubles de tests chronométrés sont aussi très dépendants des facteurs
conduite et/ou l’hyperactivité n’ont aucun rôle significatif. Ces attentionnels, et la compréhension de texte lu de la
données mettent l’accent sur le facteur attentionnel, plus que compréhension syntaxique orale.
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Tableau 5
Caractéristiques des enfants selon les soins : orthophonie et thérapie.
Suivi orthophonique Faibles lecteurs Faibles lecteurs Normo lecteurs Normo lecteurs
en orthophonie sans orthophonie en orthophonie Sans orthophonie
Pourcentage d’enfants 35,2 % 64,8 % 18,4 % 81,6 %
Âge chronologique 93,5 92,9 90,3 89,4
Zone non REP 5/45 2/83 3/9 3/40
REP 1 13/45 19/83 3/9 12/40
REP 2 27/45 62/83 (p : 0,07) 3/9 25/40 (p : 0,08)
Décodage (norme : 25) a 12,5 13,5 22,3 24,1
Lecture texte (norme : 0) b 15,2 13,8 ,7 1,1
LUM (norme : 36,7)c 12,9 16,5* 33,7 44,1*
Compréhension lecture (norme > 5)d 1,4 2 4,1 5,6
Score verbale 81 80,6 79,4 88,9*
Phonologie 94,1 93,2 93,8 96,7
Lexique 58,8 59 51 66,1
Compréhension 79,5 79,1 76,7 92,3*
CPf 13,4 15,6 20,4 27,6*
RANg 24,3 23,9 23,7 20
MCTh 10,9 11,1 10,2 12,1*
Discrimination sons 82,4 83,8 79,1 88,1**
Troubles Internalisés 56,8 53,4* 57,4 49,7*
Externalisés 53,7 57,4* 52,9 51,4
Inattention 80,2 77,2 79,4 50,9**
Hyperactivité 49,4 59,5* 40,6 41,6
Suivi psychologique Faibles lecteurs Faibles lecteurs Normo lecteurs Normo lecteurs
psychothérapie sans thérapie psychothérapie sans thérapie
Pourcentage d’enfants 25 % 75 % 6% 94 %
Âge chronologique 95,4 92,4 88,7 90,8
Zone non REP 3/32 4/96 1/3 5/47
REP 1 11/32 21/96 1/3 14/47
REP 2 18/32 71/96 1/3 28/47
Décodagea 11,2 13,8 23,7 23,8
Lecture texte b 17,0 13,4 1 0,7
LUMc 11,6 16,4 40,7 42,4
Compréhension lecture d 1,0 12,0 3,3 5,5
Score non verbal e 87,6 88,0 96 93,9
Score verbal e 81,8 80,4 82,3 87,4
CPf 12,8 15,5 21,3 26,7
RANg 25,3 23,6 20,8 20
MCTh 10,8 11,2 10,7 11,7
Discrimination sons 80,4 84,3 83,7 86,6
Troubles Internalisés 58,2 53,5* 56,3 50,5
Externalisés 55,7 56,1 60,3 51,2
Socialisation 59 57,1 55 53
Pensée 56 53,7 53,3 50,9
Inattention 82,8 76,8 67,3 54,9
Hyperactivité 50,9 57,4 51,3 41,5
Cent vingt-huit sur 131 faibles lecteurs dont la donnée est renseignée et 49/50 normo lecteurs.
a
Batelem [22].
b
Décalage en mois à la lecture de l’Alouette [21].
c
LUM [23].
d
« Pacha » de la BELO [24].
e
BREV [26].
f
Conscience phonologique EVALEC [25].
g
Temps de dénomination d’images BELO [24].
h
Répétition de chiffres BREV [26].
Ces données suggèrent plusieurs axes de réflexion dans la causes neurobiologiques de la dyslexie, risque, en termes de
lutte contre l’illettrisme. Tout d’abord, la validité des critères santé publique, de laisser pour compte la prise en charge de
de troubles spécifiques excluant les enfants de faible niveau nombreux enfants dont les difficultés sont de causes variées
socioculturel [35,36], indispensables pour la recherche sur les [37]. Ensuite, le rôle de la CP, à environnement similaire,
202 C. Billard et al. / Revue d’Épidémiologie et de Santé Publique 57 (2009) 191–203
influant plus que l’intelligence sur la diversité de l’acquisition Le rôle des compétences langagières hors CP est à préciser
des bases de la lecture, montre que le déficit de cette fonction dans les stades ultérieurs de l’apprentissage de la lecture, dont
n’est pas limité à la population classiquement dyslexique [38]. la vitesse et la compréhension en fin de primaire [47,39]. Le
Ces résultats donnent un poids supplémentaire à l’importance diagnostic de dyslexie, tel qu’il est défini par la plupart des
de s’attacher aux compétences phonologiques dans tous les chercheurs [35], comporte comme facteur d’exclusion la
environnements, défavorisés comme favorisés, pour dépister grande précarité et comme critère d’inclusion la persistance
et aider les enfants en difficulté dans ce début d’apprentissage du trouble au fil des années. La population de notre étude et
de la lecture. Le faible poids du langage oral est en partie lié à l’absence de suivi longitudinal ne permettent pas d’affirmer
la fréquence du bilinguisme dans l’échantillon, responsable de un tel diagnostic chez les FL. L’étude concerne plus la
score particulièrement faible en évocation lexicale. À l’âge description des poor readers décrits par Shaywitz [40].
choisi de l’évaluation, le décodage est la compétence de Néanmoins, 26 % des enfants FL, soit 34 enfants (3,2 % de la
lecture la plus importante et est plus dépendant des AP que des cohorte initiale) ont déjà, en moyenne à huit ans cinq mois
autres fonctions langagières (lexique, compréhension). Il est d’âge chronologique, un retard de lecture de 18 à 34 mois
intéressant de noter que seule la compréhension de lecture est (moyenne 23), après exclusion des déficits intellectuels ou
influencée par le langage oral et particulièrement par la pathologies psychiatriques, soit toutes les caractéristiques
compréhension orale, suggérant le rôle important que joueront d’une dyslexie. Ces résultats doivent être pris en considéra-
ces fonctions langagières dans les stades ultérieurs de lecture tion dans une politique de santé publique de lutte contre
compétente [39]. En cohérence avec les données en langue l’illettrisme.
anglaise, cette étude propose de considérer qu’un grand
nombre d’enfants en milieu défavorisé ont toutes les 5. Conclusion
caractéristiques d’une « vraie » dyslexie phonologique,
difficilement compensée du fait du faible vocabulaire, dans Les troubles d’acquisition de la lecture sont particulièrement
cet environnement précaire. De ce fait, ces enfants doivent fréquents dans les milieux socioculturels défavorisés et les
bénéficier des mêmes actions pédagogiques que les enfants facteurs les plus en cause sont la CP et le RAN, puis les troubles
dyslexiques en environnement ordinaire [7,40–42]. Certains de l’attention, de façon similaire à ce qui est décrit dans les
facteurs doivent être mieux étudiés, comme les troubles milieux normalement favorisés. CP et attention sont beaucoup
attentionnels. Dans les limites évidentes de l’utilisation du plus déterminantes que les antécédents médicaux, les compé-
seul questionnaire TRF renseigné par les enseignants, nos tences intellectuelles, les autres fonctions langagières comme le
résultats reproduisent ceux des rares études sur les liens entre lexique et les troubles comportementaux. Ces résultats incitent
troubles comportementaux et lecture [43,44,48]. L’inattention à proposer, dès le début de l’apprentissage de la lecture en
est susceptible d’aggraver les déficits phonologiques, princi- milieu défavorisé, une stratégie de dépistage systématique de
palement en situation de test chronométré [33], tandis que les ces deux compétences cognitives et des capacités de décodage,
troubles externalisés et l’hyperactivité apparaissent moins afin de mettre en œuvre, lorsque ces compétences sont
importants sur l’apprentissage de la lecture. Les facteurs déficitaires, une prise en charge en milieu scolaire spécifique
médicaux rendent peu compte de la diversité d’acquisition de répondant aux critères définis dans la littérature [11,45] :
la lecture dans la population étudiée, invitant pour le dépistage entraı̂nement quotidien, en petits groupes à besoins similaires,
des troubles de la lecture à étendre l’examen médical aux axé sur la CP et le décodage et évalué rigoureusement. Une telle
fonctions cognitives au-delà des données classiques. Enfin, il stratégie, qui ne semble pas aujourd’hui systématisée en
est impossible de conclure sur les soins, à cause des limites des France, devrait réduire dans ces milieux sensibles le pour-
données recueillies qui n’incluaient ni l’ancienneté de la centage d’enfants en difficulté comme Torgesen [46] le décrit
rééducation, ni la durée, ni l’intensité ni les axes de dans les programmes de santé publique de Floride, où, en cinq
rééducation. Néanmoins, le faible pourcentage d’enfants FL ans, la prévalence des faibles lecteurs a baissé de 20 à 5 %. Si la
sans rééducation orthophonique contrastant avec un pour- réponse à une telle prise en charge pédagogique est insuffisante,
centage non négligeable de NL rééduqués, ainsi que l’absence une évaluation rigoureuse permettrait de définir une réponse de
de différences claires des compétences cognitives entre les soins appropriée, basée sur des critères stricts et non aléatoires,
enfants rééduqués et ceux qui ne le sont pas, interroge, tout comme semble le montrer notre étude, et harmonisée à la
comme dans le travail de Watier et al. [30], sur l’influence du pédagogie.
milieu social sur l’accès aux soins.
Beaucoup de points restent à préciser. Les faibles Remerciements
compétences phonologiques sont-elles sous-tendues par les
mêmes facteurs génétiques et cérébraux que dans la dyslexie Joel Fluss a bénéficié d’une bourse de la Fondation Eugenio
au sens strict de la définition [35,41,45] ? L’hypothèse Litta, Vaduz, Liechtenstein. Ce travail a bénéficié du soutien
récemment développée [15,16,40,42] d’une intrication entre financier de la ville de Paris et de l’Association pour la
les compétences phonologiques et les facteurs socioculturels, recherche sur les troubles des apprentissages.
entravant les compensations cérébrales, semble, au vu de ces Nous remercions vivement tous les enfants et leurs familles,
résultats, à retenir également en langue française. Le rôle de tous les enseignants, directeurs d’école et médecins scolaires
l’attention nécessite d’être étayé par des évaluations précises. pour le temps qu’ils nous ont consacré.
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