Balutet Nicolás Reinaldo Arenas Le Poète
Balutet Nicolás Reinaldo Arenas Le Poète
Balutet Nicolás Reinaldo Arenas Le Poète
Personnages :
Le poète.
Le chœur.
Décor :
insistante qui se répète, comme si elle eût été jouée par quelqu’un désirant
poursuivre le thème, mais ne pouvant pas. Lumières. Le poète entre et
commence son monologue. À mesure qu’il avance dans son discours et qu’il
jette des feuilles n’importe où, du toit commenceront aussi à tomber des
feuilles manuscrites, jusqu’à devenir, presque à la fin, une véritable pluie de
papiers. Le poète (en accord avec l’interprétation du texte) se montrera
ironique, passionné, sarcastique, furieux – à un moment, il prendra le
palmier et le lancera contre le public ; peu importe qu’il tombe dans le
couloir ou sur la tête d’un spectateur. On prendra les mesures pertinentes
pour que l’arbre artificiel soit fabriqué en une matière douce... – À la fin, ou
presque à la fin, le poète lancera aussi la corde au public, dans un acte (peut-
être) de libération. En général, je n’ai pas voulu indiquer les moments précis
où le personnage réalise telles ou telles actions afin de lui laisser une marge
de liberté et d’interprétation dans son jeu. La possibilité d’adapter le texte de
différentes façons dépend aussi du critère et de l’imagination de l’acteur et
du metteur en scène.
LE POÈTE (il fait son entrée par un côté de la scène, avec la corde dans
la main ; il s’arrête au centre, près du palmier, face au public, qu’il semble
interroger ou consulter en même temps que lui-même) : Continuer ? Ne pas
continuer ? Tel est le dilemme... Comment donc supporter la vexation
perpétuelle qu’impose le fait d’être vivant, la certitude que bientôt nous ne le
serons plus ? Comment donc supporter la file d’attente pour la viande,
l’offense de la vieillesse, les discours du leader, les interrogations (les
moqueries) incontestables que nous renvoie toujours le temps, la faim
obligatoire et exaltée dans des restes « glorieux », la chaleur du tropique,
l’horreur du tropique, les attitudes irrévocables des adolescents, la solitude
sans subterfuge ni réconfort, l’humiliation du tyran, la trahison répétée de
nos amis, l’assemblée hebdomadaire, la nourriture sans sel, la chemise sale,
le bus archiplein, le bassin sans eau, les films bulgares, la perte de presque
toutes nos haines et passions, la vie réduite à une seule dimension dans la
stupeur, la persécution sexuelle, l’ostracisme sans appel, l’expropriation de
nos rêves les plus minuscules, la répression la plus barbare face à la manière
de s’habiller ou de se peigner, l’implantation d’un crime certain,
l’escroquerie certaine dont il faut entonner les louanges infinies ? Comment
supporter les chaussures en plastique, l’« Internationale », la perte des
cheveux et de la dignité, l’agonie méthodique et domestique (matin, midi,
après-midi, soir), les journées interminables dans les champs, l’imminente,
désolante certitude d’être prisonnier, l’impuissance face à cette certitude, les
HERMĒNEUS, 23 (2021): págs. 643-652
ISSN: 2530-609X
646 Reinaldo Arenas
1
Le personnage se moque de Jean-Paul Sartre en le féminisant.
Indra Verdâtre,
Isis Grisonnante,
Vénus Frigide,
Gardien de Chèvres,
Neptune Équestre,
Zeus Amant,
Saturne,
Divines Parques,
Diane Luciférienne,
Diane Chasseresse,
Dieux du Plafond,
Érinyes Furieuses,
Bacchantes et Satyres,
Nymphes Marines,
Flore,
Faune,
Chronos,
Petits Diables aux Ondulants Pagnes qui soutiennent
la Sphère,
Portier d’Hadès,
Néréides et Petits Génies,
Claudia Vestale,
Claudia Romaine,
Ouragan des Liturgies,
Vierges Scandinaves,
Vierges Martyres,
Santus Medicantes,
Santus Minable,
Santus Santorum,
Agnus Dei,
Oprora Nobis,
Indira Gandhi,
Lagrima Christi,
Vin de Muscat,
Vin de Raisins,
Touron d’Alicante,
HERMĒNEUS, 23 (2021): págs. 643-652
ISSN: 2530-609X
648 Reinaldo Arenas
2
Dans le texte original, le nom du poète Joaquín Baquero apparaît en minuscules.