Balutet Nicolás Reinaldo Arenas Le Poète

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Reinaldo ARENAS, «Le poète»

Reinaldo ARENAS, «El poeta»


Reinaldo ARENAS, «The Poet»

Traducido por NICOLAS BALUTET


Université Polytechnique Hauts-de-France. Institut Sociétés et Humanités. Le Mont-Houy.
59313 Valenciennes cedex 9 (France).
Dirección de correo electrónico: [email protected]
ORCID: https://orcid.org/0000-0002-3429-9202
Recibido: 2/5/2020. Aceptado: 11/9/2020.
Cómo citar: Arenas, Reinaldo, «Le poète», trad. Nicolas Balutet, Hermēneus. Revista de
Traducción e Interpretación, 23 (2021): 643-652.
DOI: https://doi.org/10.24197/her.23.2021.643-652

PRESENTACIÓN DEL TEXTO TRADUCIDO

Reinaldo Arenas (1943-1990), mundialmente conocido por su


autobiografía Antes que anochezca que el director Julian Schnabel transpuso
al cine en 2000 con Javier Bardem en el papel principal, es uno de los
mayores escritores cubanos de la segunda mitad del siglo XX. Conocido
sobre todo por sus novelas y poemas, es también el autor de cinco textos
dramáticos («Traidor», «El paraíso», «Ella y yo», «El Reprimero» y «El
poeta») escritos entre 1973 a 1985 y reunidos en Persecución en 1986.
Cada pieza, que trata de la represión política y sus consecuencias en la vida
de los protagonistas, corresponde a un acto distinto porque, según el mismo
Arenas (1986: 5), «se enlazan unas con otras como fragmentos de un todo
que se puede armar o desarmar de diferentes maneras». Si toda la obra de
Reinaldo Arenas fue traducida a varios idiomas, Persecución, por su
carácter marginal en la producción del escritor, resulta poco conocida por
el gran público y merece más atención crítica. En las líneas siguientes, se
propone la primera traducción al francés del último acto de la pieza, «El
poeta» (pp. 59-67), en el que se afirma el triunfo sobre el totalitarismo
gracias a la palabra: «no partir sin antes decir, dejar, estampar en la
eternidad, o donde sea, la verdad sobre la porción de horror que hemos

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padecido y padecemos (…) nuestro unánime e intransferible grito» (Arenas,


1986: p. 62).

«LE POÈTE»: TEXTO TRADUCIDO AL FRANCÉS

Personnages :

Le poète.
Le chœur.

Le poète est interprété par le vieillard de la cage (Deuxième Acte).


Mais, au lieu de porter la corde au cou, il la tient dans une main ; dans
l’autre, il a le cartable avec ses manuscrits. Le poète commencera à lire sur
scène ces manuscrits (qui sont la pièce théâtrale qui se joue) et il les jettera
peu à peu n’importe où. Parfois, pendant qu’il déclame son monologue, il
prendra une feuille par terre ou dans son cartable comme pour s’assurer que
ce qu’il dit est correct ou pour aider sa mémoire. Il est important de
souligner le rajeunissement du poète en pleine scène, à mesure qu’il
prononce son discours. Ainsi, à son entrée, c’est un vieillard barbu et hirsute
qui marche avec difficulté ; puis il se transforme en un homme d’une
cinquantaine d’années ; ensuite, en un autre de quarante ans. Enfin, presque
à la conclusion du texte, c’est un jeune homme svelte et dynamique. Pour
tout cela, on comptera sur la complicité des lumières et des costumes. Les
cheveux passeront du blanc au noir, les yeux gagneront peu à peu en éclat.
Au début, l’acteur peut porter une cape dont il se défera par la suite. De
même, la barbe disparaîtra à un moment opportun.
Le chœur sera composé de tous les acteurs des actes précédents. Les
membres portent les vêtements caractéristiques de leur personnage. Le
chœur apparaîtra seulement à la fin de l’œuvre.

Décor :

Le même que dans l’acte précédent. Mais l’écran sera au début


absolument noir et s’éclairera peu à peu lentement, de sorte qu’à la fin de
l’acte, quand le poète dit « Mon triomphe », l’écran soit d’une blancheur
resplendissante.
La pièce commencera avec la scène (toujours sans rideau)
complètement obscure. On entendra une seule note du thème musical, note
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insistante qui se répète, comme si elle eût été jouée par quelqu’un désirant
poursuivre le thème, mais ne pouvant pas. Lumières. Le poète entre et
commence son monologue. À mesure qu’il avance dans son discours et qu’il
jette des feuilles n’importe où, du toit commenceront aussi à tomber des
feuilles manuscrites, jusqu’à devenir, presque à la fin, une véritable pluie de
papiers. Le poète (en accord avec l’interprétation du texte) se montrera
ironique, passionné, sarcastique, furieux – à un moment, il prendra le
palmier et le lancera contre le public ; peu importe qu’il tombe dans le
couloir ou sur la tête d’un spectateur. On prendra les mesures pertinentes
pour que l’arbre artificiel soit fabriqué en une matière douce... – À la fin, ou
presque à la fin, le poète lancera aussi la corde au public, dans un acte (peut-
être) de libération. En général, je n’ai pas voulu indiquer les moments précis
où le personnage réalise telles ou telles actions afin de lui laisser une marge
de liberté et d’interprétation dans son jeu. La possibilité d’adapter le texte de
différentes façons dépend aussi du critère et de l’imagination de l’acteur et
du metteur en scène.

LE POÈTE (il fait son entrée par un côté de la scène, avec la corde dans
la main ; il s’arrête au centre, près du palmier, face au public, qu’il semble
interroger ou consulter en même temps que lui-même) : Continuer ? Ne pas
continuer ? Tel est le dilemme... Comment donc supporter la vexation
perpétuelle qu’impose le fait d’être vivant, la certitude que bientôt nous ne le
serons plus ? Comment donc supporter la file d’attente pour la viande,
l’offense de la vieillesse, les discours du leader, les interrogations (les
moqueries) incontestables que nous renvoie toujours le temps, la faim
obligatoire et exaltée dans des restes « glorieux », la chaleur du tropique,
l’horreur du tropique, les attitudes irrévocables des adolescents, la solitude
sans subterfuge ni réconfort, l’humiliation du tyran, la trahison répétée de
nos amis, l’assemblée hebdomadaire, la nourriture sans sel, la chemise sale,
le bus archiplein, le bassin sans eau, les films bulgares, la perte de presque
toutes nos haines et passions, la vie réduite à une seule dimension dans la
stupeur, la persécution sexuelle, l’ostracisme sans appel, l’expropriation de
nos rêves les plus minuscules, la répression la plus barbare face à la manière
de s’habiller ou de se peigner, l’implantation d’un crime certain,
l’escroquerie certaine dont il faut entonner les louanges infinies ? Comment
supporter les chaussures en plastique, l’« Internationale », la perte des
cheveux et de la dignité, l’agonie méthodique et domestique (matin, midi,
après-midi, soir), les journées interminables dans les champs, l’imminente,
désolante certitude d’être prisonnier, l’impuissance face à cette certitude, les
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programmes de télévision, de cinéma et de radio ; la même rhétorique


savourée, répétée, reproduite sur les murs, les consignes, les panneaux
publicitaires, les gros titres, les haut-parleurs, les magnétophones... ? Notre
inéluctable, manifeste, condition d’esclave ; le fait d’être né dans le
caquetage fermée d’une île, l’effrayant abandon d’une île, la prison-prison-
prison qu’est une île... Oh, la lecture du Gramma ! Les visiteurs officiels, la
démagogie de celui qui traduit dans les écouteurs, les promesses d’un avenir
ni pour aujourd’hui ni pour demain, la vengeance au lieu de la raison, la
haine et la passion au lieu de l’intelligence et de l’amour ; notre propre
grimace phénoménale, notre phénoménale incrédulité et notre phénoménal
tort d’exister ; la couleur du dimanche, la couleur de l’été, la couleur des
corps qui se courbent ; la lâcheté et l’opportunisme de nos défenseurs, la
bassesse de nos ennemis, la maladresse de nos amis ; la fin de toute
civilisation – de toute authenticité – de toute individualité, de toute grandeur
(fin qui s’abat déjà sur le monde) : la mort de l’homme comme tel, et de
toutes ses sacrées, inspirées, nobles vanités... Oh, le cri perçant de la
présidente du CDR ! L’absence de déodorant, les chaises pliantes, les films
« progressistes » faits par des producteurs capitalistes, la conversion au
communisme de cinéastes et de pédés millionnaires, l’épouvantable odeur à
corbeau freux, l’après-midi et la sueur des mains, la cuvette des toilettes qui
ne se débouche pas et les dernières déclarations de Sartre – cette insolente1
fait toujours des dernières déclarations –, les lettres de la mère et les stylos
algériens ; et, face à la certitude qu’il n’y a plus d’échappatoires, encore des
masques dans la main, dans la danse qui se prolongera jusqu’à ce qu’on
crève, et, peut-être, au-delà... Comment donc supporter tant de moqueries,
tant de stupeur, tant de bruits, tant de misère imprimée et exprimée, tant de
raclées, tant de confrontations, tant de figures inexistantes qui crient, tant de
tristesse et d’impuissance, de furie et de douleur, quand il suffit de la légère
précipitation du métal dans mon corps, de la douce corde ou du tir dans la
nuque ?... Continuer ? Ne pas continuer ? Tel est le dilemme... Qu’est-ce qui
nous fait résister, supporter, feindre et ne pas envoyer au diable d’un coup de
pied phénoménal tant de peines, d’avilissement et de folie, sinon la
stimulation de cette furieuse, divine, persistante soif de vengeance, de
revanche, de comptes à rendre, de ne pas partir sans avant dire, laisser,
imprimer dans l’éternité, ou n’importe où, la vérité sur cette portion
d’horreur que nous avons subie et que nous subissons... ? Mourir – ne jamais
rêver ? –. Mourir – peut-être rester ? – Peut-être, avant de partir, éditer

1
Le personnage se moque de Jean-Paul Sartre en le féminisant.

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définitivement ce qu’on ne nous permet jamais de dire et que nous sommes :


notre unanime et incessible cri. Mourir... Peut-être rester ?

Indra Verdâtre,
Isis Grisonnante,
Vénus Frigide,
Gardien de Chèvres,
Neptune Équestre,
Zeus Amant,
Saturne,
Divines Parques,
Diane Luciférienne,
Diane Chasseresse,
Dieux du Plafond,
Érinyes Furieuses,
Bacchantes et Satyres,
Nymphes Marines,
Flore,
Faune,
Chronos,
Petits Diables aux Ondulants Pagnes qui soutiennent
la Sphère,
Portier d’Hadès,
Néréides et Petits Génies,
Claudia Vestale,
Claudia Romaine,
Ouragan des Liturgies,
Vierges Scandinaves,
Vierges Martyres,
Santus Medicantes,
Santus Minable,
Santus Santorum,
Agnus Dei,
Oprora Nobis,
Indira Gandhi,
Lagrima Christi,
Vin de Muscat,
Vin de Raisins,
Touron d’Alicante,
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Touron au Jaune d’œuf,


Touron de Jijona – ha !, ha ! : qu’elle était bonne la fille de Jijona !
Croquettes dans l’Assiette,
Purée de Lentilles...
Oh !, Divinités grandes et petites,
intérimaires et subalternes.
Oh !, grotesques, horribles,
inexistants, inéluctables
dieux,
venez-moi en aide,
l’appel est urgent.
Dansez
en mon honneur,
fatiguez-vous en mon honneur,
immolez-vous en mon honneur,
aidez-moi.
Que je puisse terminer mon poème,
que mon blasphème courroucé arrive à sa fin.
Dieux aux bras verts et répétés,
arrêtez donc de vous cacher, formez
autour de moi une cage protectrice, une jungle
si c’est possible... Que personne ne me découvre, que
personne ne se rende compte que j’existe toujours, qu’ils me
laissent en paix et que je puisse continuer.
Néréides et leurs Petits Génies
(tout nus),
dansez dans la rue,
dansez à l’angle de mon quartier,
occupez-les,
qu’ils ne pensent pas à moi.
Neptune Équestre,
viens avec tes chevaux marins,
tes tritons et tes dauphins, apporte aussi
le trident ; disperse les adoles-
cents, qu’aucun pécheur radieux
ne s’approche de moi.
Claudia matronale et obèse,
Sainte Claudia,
Dis à Nicolas Guillén
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de m’offrir mille feuilles de papier


journal.
Ouragan des Liturgies
(tropicales),
souffle !, souffle !,
emporte loin cette automobile
de marque M Z,
étrangement garée
en bas de chez moi.
Évangéliste Discipliné,
laisse tes prières
et cours calmer cette recrue
car je la vois déjà ronronner
réclamant d’être soignée.
Dieux noirs aux trois pattes
(une dressée),
enfilez, s’il vous plaît,
les folles les plus revêches,
celles qui en plus sont poètes,
comme joaquín bacüero 2 ;
rachetez-les de tant de rhétorique,
fatiguez-les,
qu’elles ne me rendent plus visite cette après-midi.
Jeanne en Flammes,
viens cette nuit
à l’heure du « pic électrique »
Thérèse au gros cul
je ne te demande pas une maison
(ni une roseraie non plus)
je désire seulement quatre murs
où je puisse continuer mon
tacla tacla
tac.
Bruno le noble, Bruno le Grand
– Ah !, Bruno le laconique malgré tant
de feu –,
prête-moi un de tes tisons

2
Dans le texte original, le nom du poète Joaquín Baquero apparaît en minuscules.

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pour encrer le ruban


de ma machine à écrire.
Avatars et petits Dieux,
fouillez mon appartement
et tombez sur le magnétophone
stratégiquement placé.
(Il doit forcément être quelque part !)
Cherchez, cherchez bien.
Brahma (qui ne brame plus) aux
quatre visages,
prête m’en un
pour quand arrive le moment
des interrogatoires.
Zeus délirant,
de la même manière que durant la guerre de Troie
tu sus arrêter le soleil,
arrête maintenant ce membre
du Ministère de l’Intérieur
chargé de « mon cas », qui
me surveille.
Car il s’approche déjà.
Artémise !,
oublie Xerxès
et viens ici.
Vois qu’il n’y a plus d’art.
Vois qu’il n’y a plus de messe.
Thétis maternelle,
sors de la mer à nouveau,
viens, parle avec Achéron.
Pleure à nouveau.
Dis-lui de faire l’idiot
et de me laisser un moment de plus.
Dis-lui que je suis sur le point de terminer.
Dis-lui qu’on aura toujours le temps
pour la petite promenade... Dis-lui
d’attendre un instant, que j’arrive,
que j’arrive de suite,
dis-lui...
Bonne sœur
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toi qui dans la plaine de Cuauhtémoc


renonça à la tortilla
et te fis savante,
arrête maintenant d’écrire à sœur Philothée
et viens avec tes règles, tes équerres
et tes compas, tes sphères et tes cartables,
fais-moi un trou, un faux mur,
un coin hermétique et inaperçu
où je puisse cacher tous ces
papiers sans que eux ne les trouvent
jamais.
Vin de Porto,
Divinités Chinoises,
Divinités de Pin,
Orange de Greffe,
Mangue des Effilochures,
Herbe de Guinée,
Herbe Fétide,
Horion, Fétiches et Orishas,
Mensonges Sacrés,
Venez.
L’appel – prie le télégramme –
est
URGENT !
Et
ils
répondirent :

CHŒUR (faisant irruption) : Tu répandras


Sur la terre ton chant
et il portera la saveur de la défaite
la saveur de la haine et de la malédiction.

POÈTE : et j’ajoutai : Mon triomphe !

(Lumière totale. Obscurité. Fin du Cinquième Acte, Le poète.)

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FUENTE DEL TEXTO ORIGINAL

Arenas, Reinaldo (1986), Persecución (Cinco piezas de teatro


experimental), Miami, Ediciones Universal.

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