Précis de droit de la circulation routière: Droit des assurances
Par Bernard Dewit et Virginie Katz
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À propos de ce livre électronique
Le droit de la circulation routière a connu de nombreux développements ces dernières années, tant au niveau législatif belge qu’au niveau européen. La jurisprudence belge a également fortement évolué en matière de droit du contrat d’assurance automobile.
Les auteurs de ce Précis se sont attachés à décrire de manière très didactique et complète toutes les facettes de cette matière.
Dans une première partie, ils exposent les règles qui gouvernent la police de la circulation routière, notamment :
- le rôle et les compétences de la police de la circulation routière
- les différents types d’infractions
- les conditions de forme et de fond des procès-verbaux
- les modifications récentes du Code de la route
- la formation à la conduite
- les peines applicables dans cette matière
- la compétence du tribunal de police et la procédure devant celui-ci.
La seconde partie de l’ouvrage est consacrée à l’assurance obligatoire de la responsabilité civile automobile : l’obligation d’assurance, le défaut d’assurance et les responsabilités couvertes font l’objet d’un examen approfondi. Par ailleurs, les auteurs n’ont pas négligé de commenter le rôle important que jouent les conventions collectives Assuralia. Enfin, le fonctionnement du Fonds commun de garantie fait également l’objet d’un chapitre.
Cet ouvrage constituera sans nul doute un guide précieux pour tout praticien souhaitant appréhender les aspects multiples du droit de la circulation routière.
Un ouvrage écrit par des professionnels, pour des professionnels.
À PROPOS DES ÉDITIONS ANTHEMIS
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Aperçu du livre
Précis de droit de la circulation routière - Bernard Dewit
978-2-8072-0116-3
TITRE I
La police de la circulation routière
Chapitre 1
La police de la circulation routière,
les infractions et les procès-verbaux¹
Section 1
Introduction
Les titres IV etV de l’arrêté royal du 16 mars 1968, mis à jour le 12 février 2013, portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière, organisent la répression des infractions relatives, notamment, à la conduite en état d’imprégnation alcoolique et d’ivresse ou sous l’influence d’autres substances, comme les drogues ou les médicaments.
La loi précise les différentes infractions, les sanctions qui y sont attachées, les moyens de détection à utiliser pour les constater, les mesures de sûreté qui peuvent être prises à l’encontre des contrevenants, ainsi que certains modes d’extinction de l’action publique.
Ainsi, l’article 62 de l’arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la circulation routière instaure le principe de la force probante particulière accordée aux procès-verbaux rédigés par les agents verbalisants.
Cet arrêté royal – appelé familièrement « Loi du 16 mars 1968 » – a évolué de manière importante au fil du temps, et ce, notamment eu égard aux méthodes de plus en plus modernes de constatation des infractions de roulage comme les radars, les caméras, les photos…
Ces méthodes qui permettent de détecter de manière automatique des infractions déterminées existaient bien avant les modifications législatives. Elles ont fait couler beaucoup d’encre du côté de nos juridictions et ont amené le législateur à se prononcer sur leur fiabilité et sur leurs critères de fonctionnement.
Pour renforcer la sécurité juridique de ces constatations automatiques, l’agrément ou l’homologation des appareils automatiques se voient imposer des dispositions d’ordre technique très rigoureuses². Ces dispositions ont encore été renforcées par un nouvel arrêté royal du 12 octobre 2010 qui a remplacé l’arrêté royal du 11 octobre 1997³.
La disposition transitoire de la loi du 4 août 1996⁴ a prévu, en ce qui concerne les infractions commises avant les modifications législatives, que les preuves matérielles fournies par les appareils fonctionnant automatiquement sans être agréés ou homologués, en présence d’un agent qualifié, garderaient leur valeur de simples renseignements dans le cadre de la constatation des infractions.
Par la suite, certains appareils, pour autant qu’ils soient homologués ou agréés, allaient également pouvoir constater la matérialité de faits constitutifs d’infractions, même en l’absence d’agents verbalisants⁵.
Les appareils automatiques agréés ou homologués vont être considérés comme les témoins privilégiés par excellence des infractions relatives à la circulation routière.
La difficulté réside dans le fait que dans les infractions de type franchissement de feux rouges, excès de vitesse… constatées par des radars automatiques flash ou caméras, le ministère public ne pourra poursuivre que le titulaire de la plaque d’immatriculation présumé responsable selon la loi. Si ce dernier n’est pas responsable de l’infraction, il devra se défendre soit en fournissant une preuve de l’impossibilité de cette imputabilité, soit en rapportant l’identité de la personne responsable.
Ces procès-verbaux et ces constatations matérielles issues de nouvelles technologies constituent un élément de preuve aussi longtemps que le contraire n’aura pas été démontré, mais doivent se limiter à de simples constats à propos des infractions à la législation routière.
Cette force probante particulière, contrairement aux principes des droits de la défense en droit pénal général, oblige en conséquence l’usager de la route, tenu pour responsable du fait constaté, à rapporter la preuve contraire de la matérialité des faits.
En contrepartie du renversement des principes généraux du droit pénal, ces constatations doivent bien évidemment se faire dans la stricte régularité en respectant les principes élémentaires que l’on peut attendre d’un procès équitable et du respect des droits de la défense.
Section 2
L’article 62 des lois coordonnées du 16 mars 1968
« Les agents de l’autorité désignés par le Roi pour surveiller l’application de la présente loi et des arrêtés pris en exécution de celle-ci constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu’à preuve du contraire.
Les constatations fondées sur des preuves matérielles fournies par des appareils fonctionnant automatiquement en présence d’un agent qualifié font foi jusqu’à preuve du contraire lorsqu’il s’agit d’infractions à la présente loi et aux arrêtés pris en exécution de celle-ci.
Les constatations fondées sur des preuves matérielles fournies par des appareils fonctionnant automatiquement en l’absence d’un agent qualifié font foi jusqu’à preuve du contraire lorsqu’il s’agit d’infractions à la présente loi et aux arrêtés pris en exécution de celle-ci, désignées par un arrêté royal délibéré en conseil des ministres. Lorsqu’une infraction a été constatée par des appareils fonctionnant automatiquement en l’absence d’agent qualifié, le procès-verbal en fait mention.
Les appareils fonctionnant automatiquement, utilisés pour surveiller l’application de la présente loi et des arrêtés pris en exécution de celle-ci, doivent être, pour autant qu’ils exécutent des mesures⁶, agréés ou homologués, aux frais des fabricants, importateurs ou distributeurs qui demandent l’agrément ou l’homologation, conformément aux dispositions déterminées par un arrêté royal délibéré en conseil des ministres, dans lequel peuvent en outre être fixées des modalités particulières d’utilisation de ces appareils.
Le Roi peut, après avis de la Commission de la protection de la vie privée, fixer les modalités particulières d’utilisation, de consultation et de conservation des données fournies par ces appareils. Lorsque la Commission n’a pas donné d’avis dans les délais qui lui sont légalement impartis, elle est supposée avoir donné son accord.
Sans préjudice des dispositions de l’article 29 du Code d’instruction criminelle, les appareils et les informations qu’ils fournissent ne peuvent être utilisés qu’aux fins judiciaires relatives à la répression des infractions à la présente loi et aux arrêtés pris en exécution de celle-ci, commises sur la voie publique, ainsi qu’en vue de la régulation de la circulation routière.
Lorsque les appareils sont destinés à fonctionner comme équipement fixe sur la voie publique, en l’absence d’agent qualifié, leur emplacement et les circonstances de leur utilisation sont déterminés lors de concertations organisées par les autorités judiciaires, policières et administratives compétentes, dont les gestionnaires de la voirie. Le Roi détermine les modalités particulières de cette concertation. L’installation sur la voie publique d’équipements fixes pour des appareils fonctionnant automatiquement en l’absence d’agent qualifié se fait de l’accord des gestionnaires de la voirie.
Une copie de ces procès-verbaux est adressée aux contrevenants dans un délai de [quatorze jours] à compter de la date de la constatation des infractions⁷.
En cas d’infraction aux dispositions des règlements qui imposent au véhicule un maximum de chargement, les fonctionnaires et agents précités, ainsi que tous officiers de police judiciaire, peuvent obliger les conducteurs à décharger leurs véhicules de l’excédent de poids constaté.
En cas de refus de la part d’un conducteur, le véhicule est retenu aux frais, risques et périls du délinquant ou de ses ayants cause. »
Il y a lieu de signaler une proposition de loi soumise le 20 septembre 1999 par le sénateur Ludwig Caluwé. Ce dernier souhaitait modifier l’article 62, 1er alinéa, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière et la compléter par la disposition suivante :
« Ces procès-verbaux ne font foi jusqu’à preuve du contraire que si les fonctionnaires ou agents verbalisants de l’autorité ne sont pas impliqués personnellement dans les faits à propos desquels ils verbalisent. Lorsqu’ils sont impliqués personnellement, ce procès-verbal ne constitue qu’un début de preuve. »
Bien que cette proposition n’ait pas été adoptée, les cours et tribunaux la consacrent dans leur jurisprudence, et ce, notamment à la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle (anciennement dénommée « Cour d’arbitrage ») du 14 juillet 1997⁸.
Section 3
Force probante particulière – Ratio legis – Aperçu de la
jurisprudence dominante et actualités
Il y a lieu de commenter l’article 62 au travers de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 14 juillet 1997⁹.
La Cour a dit au terme d’une remarquable motivation en réponse à une question préjudicielle posée par le Tribunal de première instance de Bruges, « que l’article 62 de la loi relative à la police de la circulation routière violait les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu’une force probante particulière s’attache jusqu’à preuve du contraire, aux procès-verbaux visés dans cette disposition législative, sans distinguer suivant que le verbalisant est ou non personnellement concerné par les faits ».
La Cour précise ensuite que « les infractions visées à l’article 62 de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière ont souvent un caractère fugace et éphémère et leur constatation est rendue plus difficile par la mobilité du véhicule. Le but est de remédier à cette difficulté d’administrer la preuve en attachant une foi particulière aux constatations des faits établies par des personnes disposant du pouvoir nécessaire à cette fin.
Compte tenu de la ratio legis de la disposition litigieuse, il convient de souligner que la valeur probante légale particulière ne concerne que les éléments matériels¹⁰ de l’infraction et non les autres éléments constitutifs de celle-ci.
La valeur probante légale particulière visée à l’article 62 de la loi relative à la police de la circulation routière n’est attachée qu’aux procès-verbaux dressés par les personnes visées à l’article 3 de la même loi¹¹-¹² et est liée à la mission particulière qui leur est explicitement confiée par le législateur de constater les infractions de roulage, et à la responsabilité que cette mission implique. La valeur probante particulière vaut aussi seulement pour la constatation des infractions et des délits de police ; elle est seulement liée aux constatations faites personnellement par le verbalisant et ne s’attache pas aux constatations qui ont été faites d’une manière qui n’est pas légale ou compatible avec les principes généraux du droit¹³.
De surcroît, s’agissant des procès-verbaux ayant une valeur probante légale particulière, il est permis d’apporter la preuve contraire. Elle fait partie des droits de la défense et peut être administrée par tous les moyens de preuves légaux que le juge appréciera¹⁴.
Eu égard à l’objectif poursuivi, à la nature spécifique des infractions dont il s’agit et compte tenu de ce qui précède l’article 62 de la loi relative à la police de la circulation routière ne limite pas déraisonnablement les droits du prévenu et ne viole pas en soi les articles 10 et 11 de la Constitution. »
Mais la Cour ajouta que « dans l’hypothèse où le verbalisant est impliqué dans les faits qu’il prétend constater, l’article 62 empêche que le procès se déroule de manière équitable puisqu’il oblige le juge à admettre la force probante du procès-verbal. L’article 62 viole ainsi les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les règles du procès équitable, confirmées d’ailleurs par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. »
§ 1. La force probante ne concerne que les éléments matériels
On peut faire cinq observations à ce sujet :
1o La jurisprudence a eu, à plusieurs reprises, l’occasion de soulever que cette valeur probante des procès-verbaux s’attache uniquement aux faits constatés. En effet, selon les termes des cours et tribunaux, elle ne s’étend ni aux déductions ou présomptions que l’agent tire de ces constatations¹⁵ ni aux considérations juridiques qui s’y attachent¹⁶.
La Cour de cassation a ainsi encore récemment affirmé que : « La valeur probante particulière du procès-verbal visée à l’article 62, alinéa 1er de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière, s’attache uniquement aux constatations de fait établies par la personne compétente et non à la véracité des déclarations faites ou à l’authenticité des faits qui lui ont été rapportés. »¹⁷ « En outre, cette valeur probante particulière ne vaut que pour la constatation elle-même et non pour les éléments recueillis ultérieurement. »¹⁸
2o L’appréciation de la question de savoir si un fait constaté constitue une infraction ou non relève de la compétence exclusive du juge. La qualification que donne le verbalisant ne lie aucunement le magistrat.
3o La Cour de cassation a également soulevé que cette valeur probante spéciale ne s’étend pas aux informations que l’agent recueille en dehors de ces constatations¹⁹, ni aux considérations juridiques qui s’y rattachent²⁰.
4o La Cour de cassation a aussi énoncé que le juge du fond apprécie souverainement la valeur probante qu’il entend reconnaître aux éléments de fait qui lui sont régulièrement soumis et que le prévenu a pu contredire, notamment les constatations du verbalisateur²¹.
5o Enfin, lorsque le verbalisant est personnellement impliqué dans l’infraction ou les faits qu’il a constatés, il a été jugé qu’il n’est reconnu au procès-verbal de constat aucune force probante spéciale²², celui-ci ne valant, conformément à l’article 154 du Code d’instruction criminelle, que comme simple renseignement ou indication²³.
Allant plus loin, le Tribunal de police de Dinant, se fondant sur le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, a jugé que le verbalisant en litige avec un client du prévenu dans le cadre d’une affaire relevant de sa vie privée n’offrait pas les garanties d’objectivité et de sérénité suffisantes pour dresser un procès-verbal à l’occasion d’un accident de la circulation²⁴.
Toutefois, la Cour de cassation a affirmé dans son arrêt du 4 septembre 2012 que « la seule circonstance que l’agent de police ayant consigné de telles constatations dans un procès-verbal fasse l’objet d’une plainte, n’a pas pour conséquence que la preuve du contraire en soit apportée et ne prive pas davantage le procès-verbal de sa valeur probante. Dans la mesure où il est déduit d’une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit. »²⁵
§ 2. La force probante n’est attachée qu’aux procès-verbaux dressés
par les fonctionnaires ou agents de l’autorité compétente, agissant
en personne, dans les limites de leur mission légale
La Cour constitutionnelle rappelle que c’est l’article 3 de l’arrêté royal du 1er décembre 1975 qui désigne les treize catégories d’agents habilités à dresser de tels procès-verbaux en matière de circulation routière.
A. Disposition légale – article 3 : agents qualifiés²⁶
« Les agents qualifiés pour veiller à l’exécution des lois relatives à la police de la circulation routière, ainsi que des règlements pris en exécution de celles-ci sont :
1o [le personnel du cadre opérationnel de la police fédérale et de la police locale ;]
2o [les fonctionnaires et agents de l’Administration de la Réglementation de la Circulation et de l’Infrastructure […], investis d’un mandat de police judiciaire ;]
3o les fonctionnaires et agents de la Régie des Voies aériennes investis d’un mandat de police judiciaire, dans la limite des aérodromes et de leurs dépendances ;
4o les ingénieurs et conducteurs des Ponts et Chaussées et autres agents préposés à la surveillance de la voie publique ;
5o les fonctionnaires et agents des services voyers provinciaux, autres que les employés de bureau ;
6o les agents préposés à la surveillance et à la manœuvre des ponts livrant passage à la voie publique, en ce qui concerne la circulation sur ces ouvrages et à leurs abords ;
7o les agents des douanes dans l’exercice de leurs fonctions ;
8o les officiers et agents de la police des chemins de fer, dans la limite de leur compétence territoriale ;
9o les conducteurs contrôleurs et surveillants du Service général des Constructions militaires en ce qui concerne l’usage des routes militaires ;
10o les ingénieurs principaux chefs de service, les ingénieurs des Eaux et Forêts de l’État, les chefs de brigade et agents techniques de l’Administration des Eaux et Forêts en ce qui concerne la circulation sur les routes et chemins forestiers de l’État ;
11o [le personnel de la police militaire belge dans l’exercice de leur fonction, pour ce qui concerne uniquement l’application de l’article 4.1 à 4.3] ;
12o les agents des sociétés de transport en commun dans l’exercice de leur fonction, investis d’un mandat de police judiciaire [et uniquement pour ce qui concerne les articles 5 et les signaux C5 avec le panneau additionnel "Excepté 2 + ou
3 +", F17 et F18, 72.5 et 72.6, 25.1, 2o et 6o, 62ter ainsi que 77.8].
13o les membres intervenants des services publics d’incendie et des services de la Protection civile sur les lieux de l’intervention, exclusivement pour l’application de l’article 4 et pour autant que le personnel visé au point 1o ne soit pas présent sur le lieu de l’intervention. »
Quatre observations peuvent être formulées sur quelques cas particuliers :
a) Dans un premier temps, certains tribunaux se sont interrogés sur la compétence des agents auxiliaires.
Le Tribunal de police de Malines a ainsi jugé que « les agents auxiliaires ne sont pas des fonctionnaires
ou des agents
de la police communale au sens de l’article 59, § 1er de la loi coordonnée du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière et qu’ils n’étaient dès lors pas compétents pour procéder à des constatations en matière d’imprégnation alcoolique »²⁷. Ce jugement fut réformé en appel par le Tribunal correctionnel de Malines qui précisa que l’agent auxiliaire est un fonctionnaire disposant de compétences de police restreintes²⁸ mais néanmoins parfaitement compétent pour procéder à un test ou une analyse de l’haleine.
b) En ce qui concerne le personnel du cadre administratif et logistique des services de police, il n’a aucune compétence de police administrative ou judiciaire et ne peut remplir des missions de police (art. 117 et 118 de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux).
c) Il y a également lieu de préciser que la validité d’un procès-verbal relatant une infraction n’est pas atteinte par la circonstance que son rédacteur a constaté les faits en dehors de l’exercice de ses fonctions alors qu’il circulait en habits civils à bord d’un véhicule démuni de signes distinctifs.
La Cour de cassation s’est prononcée sur la question²⁹ en cassant un jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Dinant du 19 septembre 2005 statuant en degré d’appel, qui avait estimé que de telles poursuites étaient irrecevables et avait acquitté le défendeur de l’infraction qui lui était reprochée, au motif que le procès-verbal constatant cette infraction était nul, dès lors que l’officier de la police qui l’avait rédigé « ne se trouvait pas en service au moment des faits et était de surcroît en dehors de sa zone ».
Les juges d’appel avaient décidé que le fait de dresser un procès-verbal en de telles circonstances constituait un procédé déloyal interdisant au tribunal de prendre en considération, fût-ce à titre de simples renseignements, les informations ainsi rapportées.
La Cour décida que « […] la validité d’un procès-verbal relatant une infraction n’est donc pas atteinte par la circonstance que son rédacteur a constaté les faits en dehors de l’exercice de ses fonctions alors qu’il circulait en habits civils à bord d’un véhicule démuni de signes distinctifs. Les articles 15 de la loi du 5 août 1992 et 117, alinéa 2, de la loi du
7 décembre 1998 accordent par ailleurs à tous les fonctionnaires de police de la police fédérale et de la police locale une compétence générale en matière de recherche et de la constatation des infractions. Cette mission s’exerce sur l’ensemble du territoire […]. »
Cette décision nous paraît sévère mais reste tempérée par le fait que cette force probante particulière n’est admise que pour autant que l’agent verbalisant ne soit pas personnellement impliqué dans les faits qu’il constate, afin de respecter les règles du procès équitable et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
d) En outre, bien que les agents de sociétés de transport en commun soient dans certaines circonstances des agents verbalisants, il a été jugé qu’en cas de collision entre véhicules automoteurs et véhicules sur rails, il n’est pas admissible que la déclaration du conducteur d’un véhicule sur rails bénéficie nécessairement d’une force probante supérieure à celle du conducteur d’un véhicule automoteur³⁰.
B. Mentions qui doivent figurer dans le procès-verbal et transmission de
celui-ci au contrevenant
a. Conditions de forme
L’article 62, alinéa 1er, confère une force probante particulière aux procès-verbaux par lesquels les agents de l’autorité constatent les infractions.
Le procès-verbal doit comporter des mentions spécifiques et doit être daté et signé par le verbalisant nommément désigné sous peine de perdre sa valeur probante particulière.
En cas d’omission, la doctrine et la jurisprudence sont partagées puisque, selon certains, un procès-verbal affecté d’un vice de forme est nul et n’emporte pas foi³¹, alors que, selon certaines décisions, il vaut à titre de simple renseignement et c’est au juge d’en apprécier librement et souverainement la valeur probante. Bien que la mention de la date de la commission de l’infraction soit le minimum que puisse attendre l’usager confronté à un procès-verbal rédigé à son encontre, il a été jugé qu’une erreur dans l’indication de la date de la constatation d’une infraction n’entraîne pas nécessairement la nullité du procès-verbal, pour autant que le prévenu n’ait pu se tromper quant à la date des faits mis à sa charge et que ses droits de la défense n’aient pas été violés³².
Un procès-verbal dans lequel figure une erreur quant à l’indication de la date des faits perd sa valeur probante légale, mais vaut néanmoins à titre de renseignement³³.
À ce titre, il faut noter qu’aucune disposition légale, et en particulier l’article 62, n’impose de forme sacramentelle et ne s’oppose à ce que le verbalisant acte ces constatations techniques ou autres en cochant, complétant, biffant ou supprimant des indications préimprimées sur le procès-verbal³⁴. Toutefois, comme le souligne la doctrine, on peut s’étonner du caractère parfois ambigu de certains termes utilisés sur ces formulaires³⁵.
En raison de l’extraordinaire force probante liée à ces procès-verbaux, il nous paraît qu’il n’est pas concevable que ces procès-verbaux ne mentionnent pas l’intégralité des données formelles requises, et les plaideurs comme les juges doivent y être attentifs.
En ce qui concerne le tachygraphe, aucune disposition légale n’interdit au juge d’en déduire la vitesse d’un véhicule. La preuve d’un excès de vitesse constaté à l’aide de cet instrument est jugée régulière. Le juge pénal peut donc accorder une valeur probante à des éléments de fait qui n’ont pas été constatés personnellement par les verbalisateurs³⁶.
b. Conditions de fond
Afin de permettre d’administrer la preuve contraire des faits constatés, les procès-verbaux doivent à tout le moins permettre de connaître les circonstances exactes et réglementaires de la constatation ainsi que la localisation et le moment où l’infraction a été constatée.
Une copie doit être adressée, dans un délai de quatorze jours (huit jours auparavant), au présumé contrevenant qui devrait toujours avoir le loisir d’y répondre ou d’être entendu dans les mêmes délais.
Pourtant, bien souvent, le présumé contrevenant aura constaté que plusieurs jours s’écoulent entre la date à laquelle le courrier transmettant ce procès-verbal est envoyé et la date à laquelle il le reçoit… réduisant ainsi son délai de réponse s’il conteste les faits.
De plus, en cas de contestation, l’audition de la personne verbalisée est très rarement organisée, et bien souvent ce n’est qu’à l’audience qu’il pourra développer plus amplement son point de vue…
c. Transmission du procès-verbal
Le fait de ne pas avoir transmis une copie du procès-verbal au contrevenant dans le délai prévu n’a pas pour conséquence, comme en matière de droit pénal social par exemple, que pareil procès-verbal sera considéré comme nul.
En droit de la circulation, il perd uniquement la valeur probante particulière dont il est revêtu, de sorte qu’il reste valable comme renseignement dont le juge apprécie librement et, dès lors, souverainement la valeur probante³⁷.
d. Corrections post factum du procès-verbal
Lorsque les agents auxiliaires ne mentionnent pas dans le procès-verbal le numéro de série du curvimètre avec lequel ils ont effectué la mesure de la vitesse, ni si ce curvimètre était étalonné ou non, mais que ces indications sont ajoutées par l’inspecteur de police qui reçoit le rapport des agents auxiliaires, ce dernier n’a pas fait lui-même les constatations et l’on ne peut vérifier si le curvimètre était étalonné ou non³⁸.
En l’absence de preuve d’étalonnage au moment des constatations et compte tenu de l’absence du numéro de série de l’appareil utilisé, ces constatations ne bénéficient pas de la force probante spéciale prévue par la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière³⁹.
§ 3. La force probante spécifique ne s’attache pas aux constatations
qui ont été faites illégalement ou de manière incompatible avec les
principes généraux du droit
1o L’arrêt de la Cour constitutionnelle du 14 juillet 1997 précise que « dans l’hypothèse où le verbalisant est impliqué dans les faits qu’il prétend constater, l’article 62 empêche que le procès se déroule de manière équitable puisqu’il oblige le juge à admettre la force probante du procès-verbal. L’article 62 viole les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les règles du procès équitable, confirmées d’ailleurs par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. »
2o L’équité implique que les constatations soient établies de manière loyale.
Relevons quelques cas tranchés par les cours et tribunaux :
- Le fait d’avoir répondu par l’affirmative à la question de savoir si le prévenu reconnaissait l’infraction sans autre précision, ainsi que le fait d’admettre qu’il se rendait « rapidement » à un endroit précis ne peuvent être interprétés comme des aveux et prouver la commission d’une infraction⁴⁰.
- Un jugement du Tribunal correctionnel de Bruges du 6 avril 2005⁴¹ a décidé, sur la base du secret de l’information consacré par l’article 28quin-quies du Code d’instruction criminelle, que la présence d’une équipe de cadreurs de la télévision commerciale VTM dans le véhicule des verbalisants lors de contrôles de vitesse violait incontestablement le secret de l’information et s’opposait à la présomption d’innocence du prévenu, à ses droits de la défense et au nécessaire respect de sa dignité. Le juge a dès lors estimé que les constatations des verbalisateurs faites à cette occasion sont illégales et que le procès-verbal est nul, emportant comme conséquence qu’il ne peut servir de preuve à l’incrimination.
- La Cour de cassation a d’ailleurs consacré cette jurisprudence dans son arrêt du 8 novembre 2005, estimant que le fait qu’une équipe de télévision ait accompagné la police pour filmer la constatation des infractions constituait une preuve illégalement obtenue, et notamment au vu de la méconnaissance des droits de la défense et de l’atteinte à la vie privée que ce tournage constituait⁴². La Cour précisa que la constatation par un agent compétent d’une infraction de roulage constitue une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée autorisée par l’article 8.2. de la Convention européenne des droits de l’homme lorsque la constatation en question a eu lieu à bord d’un véhicule équipé de trois caméras et en présence de tiers non compétents, qui, dès le départ, ont suivi chaque mouvement en « direct », puisque la prérogative de la police a été partagée en connaissance de cause avec des tiers qui furent d’emblée activement impliqués dans la phase de repérage initiale.
- Notons que