Monceaux. Histoire Littéraire de L'afrique Chrétienne Depuis Les Origines Jusqu'à L'invasion Arabe (1901) - T IIII.

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DESCRIPTION DE L'AFRIQUE Dl!

NORD
ENTREPRISE PAK ORDRE DE

M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX ARTS

û
II*!!

HISTOIRE LITTÉRAIRE
DE

L'AFRIQUE CHRÉTIENNE
DEPUIS LES ORIGINES JUSQU'A L'INVASION ARABE
INGERS. - IMPRIMERIE ORIENTALE A. BURDIN ET .:- .
i. RUE GARN1BR
01
V. 1+

HISTOIRE LITTÉRAIRE
DE

L'AFRIQUE CHRÉTIENNE
DEPUIS LES ORIGINES .11 Mil! LIVASION 1R.4IIE

par

PAUL MONCEAUX
professeur au collège de france
et a l'école des hautes-études

TOME QUATRIEME
LE DONATISME

r
r

PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
e
28, RUE BONAPARTE, VI

1912
LIVRE HUITIÈME

LE DONATISME

DOCUMENTS SUR L'HISTOIRE DU SCHISME

IV
CHAPITRE I

L'ÉGLISE DONATISTE

Histoire du Donatisme. — Les sources de cette histoire. L'ouvrage de saint —


Optât. — Les œuvres de saint Augustin. —
Lois et lettres d'empereurs. Edits —
de gouverneurs africains. —
Actes des conciles. —
Dossiers de procès ou d'en-
quêtes judiciaires. —
Autres procès-verbaux et documents divers. Inscrip- —
tions. —
La littérature donatiste. —
Les principales périodes de l'histoire du
Donatisme.

L'Afrique chrétienne du iv e siècle et des premières années du


V e a produit une curieuse littérature polémique qui lui appar-
tient bien en propre la littérature donatiste et antidonatiste.
:

Ce vaste domaine, où s'est donné libre carrière le génie des


Africains, a été presque complètement délaissé par la critique
moderne. Les historiens des lettres latines n'y ont vu sans doute
que matière à théologie ou documents d'histoire; la plupart
ne mentionnent môme pas cette littérature, ils omettent jus-
qu'aux noms des principaux polémistes '..Les vieux historiens
de l'Église ont été plus clairvoyants 2 mais leurs solides tra- ;

vaux, peu familiers aux philologues et aux lettrés, n'ont pas


réussi à faire entrer dans l'histoire littéraire les pamphlets
donatistes ou antidonatistes. Malgré ce silence plusieurs fois
séculaire, il nous paraît légitime d'accorder ici une place, et
même une large place, à cette littérature polémique, qui ne
manque, on le verra, ni d'originalité, ni d'intérêt.
Pour comprendre et pour apprécier cette littérature, il est
3
indispensable de la replacer dans son cadre historique Ces .

œuvres de guerre, toutes vibrantes des passions du temps, ne


s'éclairent et ne revivent qu'à la lumière de l'histoire. On ne
pourrait en saisir le sens, ni en mesurer la portée, ni en goûter

1) Ou doit faire exception pour M. 2) Surtout Tillemont, Mémoires sur


Schanz, qui, dans le dernier volume paru l'histoire ecclésiastique, t. VI et XIII.
de son excellente Histoire littéraire, a ac- 3) C'est l'objet du présent volume, ré-
cordé une petite place au Donatisme, à Ty- serve à l'histoire du Donatisme et à l'étude
conius et à saint Optât (Geschichte der des documents historiques qui s'y rappor-
rœmischen Lilteralur,t. IV, erste Haelfte, tent.Un autre volume sera consacré à la
Munchen, 1904, p. 349-357). littérature donatiste et antidonatiste.
4 l'église donatiste

l'Apre saveur, si l'on ne connaissait exactement les causes, les

conditions et les incidents du combat, les principes et les doc-


trines en lutte, les prétentions rivales des Églises et des per-
sonnes, l'attitude des protagonistes, et les impressions chan-
geantes de ce public de fidèles dont les champions en présence
se disputaient les âmes. En un mot, Ton ne saurait s'orienter
à travers la littérature née du Donatisme, si l'on ne commen-

çait par préciser ce qu'a été le Donatisme, dans ses origines et


son évolution, dans ses principes et dans son organisation,
dans son rôle religieux et social.
LeDonatisme estun schisme africain, exclusivement africain ;

à ce titre, il tient une place à part, et fort importante, dans


l'histoire du christianisme local. Il est né, à Carthage et en Nu-
midie, des passions et des querelles du pays. Hors d'Afrique, il
n'a recruté de fidèles que dans les colonies d'Africains. S'il a
plus d'une fois provoqué l'intervention des empereurs, des
Eglises étrangères, des conciles d'Italie ou de Gaule, c'est tou-
jours par suite de ses violences ou des désordres dont il était
l'occasion; en lui-même, il a laissé tout à fait indifférents les
chrétiens d'outre-mer. En Afrique, au contraire, il a eu pendant
plusieurs générations un succès extraordinaire; il a surexcité,
comme une religion nouvelle, les esprits et les passions popu-
laires;opposant presque partout évêque à évêque, communauté
à communauté,il a constitué une Église indépendante, avec

des ramifications dans toute la contrée et jusque dans les cam-


pagnes, une Eglise aussi puissante, aussi riche en hommes et
en biens que l'Église catholique, plus puissante même à cer-
tains moments et dans certaines régions; pendant un siècle, il
a tenu tête au Catholicisme et au pouvoir civil, résistant ou
échappantaux persécutions, persécutant même ses adversaires,
terrorisant des populations entières, lassant la patience des
gouverneurs romains et des empereurs; vaincu enfin au temps
d'Augustin, il a survécu obscurément en bien des districts, sur-
tout en Numidie, où, près de deux siècles plus tard, il osait
encore menacer l'Église officielle. Evidemment, une secte si
puissante, si vivace, si résistante et si audacieuse, avait de très
s. ides attaches dans le pays; elle avait su gagner l'âme d'une
il

bonne partie des populations africaines, dont elle flattait les


secrèl - aspirations par les principes dirigeants de sa doctrine
el de sa politique. Par là. le Donatisme ;iété un facteur essen-
tiel dans l'histoire, non seulement du christianisme local, mais
de l'Afrique elle-même en ces temps-là.
Ces! ce qu'avaient bien compris plusieurs de nos grands
LES SOURCES 5

érudits d'autrefois, auteurs d'importantes monographies sur le


schisme africain Depuis deux siècles, le sujet n'a pas été traité '.

et c'est même
2
d'ensemble, sauf dans de courtes esquisses ;

seulement de nos jours que le Donatisme a de nouveau attiré


sérieusement l'attention des historiens de l'Église ou de l'Afri-
que Des études très neuves sur la chronologie des origines
3
.

4
du schisme des découvertes archéologiques ouépigraphiques 5
,
,

de bonnes éditions critiques des œuvres d'Optat et d'Augustin 6 ,

7
nos restitutions d'une partie de la littérature donatiste permet- ,

tent aujourd'hui de reprendre la question sur de nouvelles


bases. Il ne s'agit pas ici de refaire l'histoire complète du

1) Tillemont, Mémoires sur l'histoire Liller., t. Il, Leipzig, 1904, p. 453; Thiim-
ecclésiastique, t. VI, p. 1-193; 697-726 mel, Zur Beurlheilung des Donatismus,
(cf. t. XIII) ; Dupin, Hisloria Donatisla- Halle, 1893 Ferrère, La situation reli-
;

rum (dans son édition d'Optat, Paris, 1700, gieuse de l'Afrique romaine depuis la
p. i Monumenta vêlera ad Dona-
xlviii) ; fin du IV e siècle jusqu'à l'invasion des
tistarum Idstoriam perlinentia (ibid., Vandales, Paris, 1897, p. 127 Holme, ;

p. 223-520); Noris, Hisloria Donatisla- The extinction of the Christian churches


rum (histoire laissée inachevée par le car- in Norlh Africa, Loudon, 1898, p. 44;
dinal Noris ; complétée et publiée par les Gsell, Fouilles de Benian. Paris, 1899,
Ballerini dans leur édition des œuvres de p. 20; L'Algérie dans l'antiquité, Alger,
Noris, Vérone, 1732, p. 674).
t. IV, 1900, p. 65 Les monuments antiques
;

Africa ckrisliana, Brescia,


2) Morcelli, de l'Algérie, Paris, 1901, t. II, p. 175 ;

1817 (notices sur le Donatisme dans les Audollent, Carthage romaine, Paris, 190!,
tomes U et III) F. Ribbeck, Donalus und ; p. 505 et 739; H. Leclercq, L'Afrique
Augiislinus,E\berfe\<\, 1858. — Cf. Deutsch, chrétienne, Paris, 1904, t. I, p. 312 t. II, ;

Drei Aktenslùeke zur Geschichte des p. 98 Martroye, Une tentative de révo-


:

Donalismus, Berlin, 1875; Vœlter, Der lution sociale en Afrique; Donalistes et


Ursprung des Donalismus, Freiburg-i-B., Circoncellions, Paris, 1904 (extrait de la

1883 0. Seeck, Quellen und Urkunden


; Revue des questions historiques) ; Gen-
ueber die Anfœnge des Donalismus, séric, Paris, 1907, p. 3 ; Duchesne, His-
dans la Zeilschrifl fur Kirchengeschichte, toire ancienne de l'Eglise, t. II, Paris,
t. X (1889), p. 505 ; t. XXX, 2 (1909), 1907, p. 101 et 236; t. III, 1910, p. 107.
p 181 ; Zeilschrifl, fur Rechlgeschichle, 4) Duchesne, Le Dossier du Donatisme,
t. X
(1889), p. 144 et 177. Home, 1890 Pallu de Lessert, Fastes des
;

La chronologie des origines du Dona-


3) provinces africaines, t. II, Paris, 1901 ;
tisme a été précisée et en partie renouve- Harnack, Die Chronologie der altchrisll.
lée par le célèbre mémoire de Ms r Du- Litter., t. II, Leipzig, 1904, p. 433.

chesne (Le Dossier du Donatisme, Borne, 5) Surtout les fouilles d'Ala Miliaria, dans
1890 extrait des Mélanges de VEcole de
; la province d'Oran (cf. Gsell, Fouilles de
Rome, t. X, 1890, p. 589). M. Pallu de Benian, Paris, 1899), et les découvertes
Lessert, dans le tome 11 de ses Fastes des du commandant Guénin dans le cercle de
provinces africaines (Paris, 1901), a aussi Tebessa.
beaucoup contribué à élucider ces ques- 6) Edition d'Optat par Ziwsa, Vienne et
tions difficiles. Les travaux de ces deux Leipzig, 1893; édition des traités antido-
savants nous ont été d'un grand secours. natistes d'Augustin, par Petschenig, Vienne
— Mentionnons encore une série d'ouvra- et Leipzig, 1908-1910 (vol. XXVI et LI-LIII
ges récents qui touchent plus ou moins à du Corpus scriplor.eccles. lat. publié par
l'histoire du Donatisme Boissier, La Fin : l'Académie de Vienne).
du Paganisme, Paris, 1891, t. I, p. 82 ; 7) C. B. de l'Acad. des Inscript.,
Gagnât, L'armée romaine
d'Afrique, 1906, p. 40; 226; 314; 1907, p. 419 Re- ;

Paris, 1892, p. 66 Harnack, Gesch. der


; vue de Philologie, 1906, p. 218 et 286 ;

altchrisll. Litter., t. I, Leipzig, 1893, 1907, p. 28; 111 ;


241.

D . 745 ; Die Chronologie der altchrisll.


6 L EGLISE DONATISTE

schisme africain, mais, simplement, de poser les jalons de cette


histoire, d'en indiquer nettement les étapes, surtout de mar-
quer avec précision les traits essentiels et le rôle du Donatisme,
afin de reconstituer le cadre historique indispensable à notre
enquête littéraire.
Quoique beaucoup d'œuvres et de documents aient disparu
sans retour, les sources sont encore très abondantes et très
variées. C'est d'abord le livre d'Optat, dont on a médit parfois,
et à qui l'on a pu reprocher quelques méprises, mais qui n'en
a pas moins une valeur de premier ordre nous avons là le :

témoignage d'un contemporain, curieux des origines du


schisme, et souvent d'un témoin oculaire ou auriculaire, dont
la bonne foi n'est pas douteuse. Puis, c'est le groupe imposant
des ouvrages antidonatistes d'Augustin, traités, sermons, let-
tres, poème ouvrages d'une merveilleuse richesse documen-
:

taire et d'une exactitude presque impeccable, mine de rensei-


gnements précis sur toutes les périodes et tous les aspects des
luttes entre les deux Églises.
A ces sources littéraires s'ajoutent les sources historiques
proprement dites. Une foule de documents nous sont parvenus
intacts, presque tous dans le texte original d'autres, en grand
;

nombre également, nous sont connus du moins par des frag-


ments, des analyses ou des allusions. Pièces de chancellerie :

des lois, desrescrits et autres lettres d'empereurs, depuis Cons-


tantin jusqu à Honorius et Yalentinien III, même jusqu'aux
empereurs byzantins du vi e siècle; des édits de gouverneurs
africains des lettres de divers fonctionnaires impériaux.
;

Documents ecclésiastiques des correspondances d'évêques, de


:

clercs ou de fidèles; des procès-verbaux de conférences contra-


dictoires; surtout, une incomparable série de pièces relative s
aux conciles catholiques ou schismatiques. Documents judi-
ciaires des dossiers de procès ou d'enquêtes officielles; des
:

plaintes, des requêtes, des réquisitoires et des plaidoyers, des


arrêts; fies procès-verbaux de toute sorte. Documents archéo-
logiques ou épigraphiques, récemment découverts, témoins
irrécusables et contemporains des faits des ruines de basi-
:

liques, les inscriptions donatistes de Benian ou de Numidie.


Il est une autre source d'information que l'on n'a guère uti-
lisée jusqu'ici, et pour cause c'est la littérature don.il iste elle-
:

même. I);ms sa lutte obstinée contre l'Église officielle et par


fois contre les représentants de l'État, l'Église schismatique n'a
eu garde de négliger la polémique. Elle s'esl défendue par le
livre, le pamphlet, le sermon, la lettre, la proclamation et le
LES SOURCES 7

chant populaire, le plaidoyer et le discours de concile. Elle a


produit de redoutables polémistes, d'habiles avocats, de vigou-
reux orateurs. Cette littérature, longtemps méconnue et consi-
dérée comme perdue, est pourtant arrivée jusqu'à nous par-
tiellement. Des traités, des sermons, des pamphlets, des lettres,
des discours, se sont conservés tout entiers, ou transcrits à
part, ou insérés dans des recueils de documents, ou reproduits
phrase par phrase dans les réfutations des Catholiques qui nous
fournissent les éléments d'une restitution complète par
:

exemple, des lettres de Donatistes, des sermons et des relations


martyrologiques, un traité deTyconius, des pamphlets de Peti-
lianus, de Gaudentius, de Fulgentius, les innombrables dis-
cours des évêques schismatiques à la Conférence de Carthage.
D'autres œuvres donatistes, il reste du moins des fragments, par-
fois si nombreux et si méthodiquement cités qu'on peut recon-
stituer tout le contenu du livre : c'est le cas pour des ouvrages
de Parmenianus, de Tyconius, de Petilianus, de Cresconius,
d'Emeritus, de Gaudentius, de Vincentius, et autres. Les princi-
paux polémistes du Donatisme sont pour nous tout autre chose
que des noms; on peut les juger sur leurs livres, sur leur style.
Leurs œuvres, qui permettent de contrôler les réfutations des
Catholiques, ont naturellement une valeur documentaire hors
ligne. Si la littérature donatiste ne se peut comprendre sans
l'histoire du schisme, en revanche, elle doit être l'une des prin-
cipales sources de cette histoire.
Dans l'évolution du Donatisme, nous distinguerons quatre
grandes périodes. La première va des origines à la condamna-
tion du schisme par Constantin, en 316. La seconde s'étend
depuis la première persécution, en 317, jusqu'à l'entrée en
scène d'Augustin, en 391 ou 392. Dans ce long espace de temps,
plusieurs événements importants marquent le progrès ou le
recul, au moins apparent, de l'Église schismatique édit de
:

tolérance de 321 édit d'union et persécution de 347 violente


; ;

réaction sous l'empereur Julien, en 362 nouveaux édits contre


;

le schisme, depuis 373. La troisième période est la lutte déci-


sive des deux Églises au temps d'Augustin (392-430). La qua-
trième et dernière période est la longue agonie du Donatisme,
qui, malgré des retours offensifs, s'affaiblit et disparaît pro-
gressivement dans l'Afrique vandale, puis dans l'Afrique
byzantine.
.

8 l'église donatiste

II

Les origines du Donatisme, jusqu'à la condamnation du schisme pai Constantin


(3H-3IG). —
Les causes du schisme. —
Date de sou apparition. -- Grand
nombre des lapsi pendant la persécution de Dioclétien. —
Malentendus entre
Mensurius, évêque de Carthage, et Secundus, primat de Nuraidie. —Manifeste
des martyrs d'Abitina. —
Protocole de Cirta. —
Attaques et intrigues contre
Mensurius et son archidiacre Caecilianus. —
Le prétendu schisme de Donat des
Cases-Noires. —
Mort de Mensurius. —
Election de Caecilianus à Carthage. —
Protestations contre cette élection. —
Appel au primai de Numidie. —
Concile
des dissidents à Carthage. —
Rôle de Lucilla. - T Election do Majorinus, puis de
Donat, à Carthage. —
Organisation du parti, qui reçoit le nom de Pars Donati.
— Requête à Constantin. —
Concile de Rome. — Protestation des dissidents. —
Enquête sur Félix d'Abthugni. —
Concile d'Arles. —
Appel des Donatistes à
l'empereur. — Hésitations de Constantin. —
Procès du pape Silvcstre. — Mission
des évéques Eunomius et Olympius à Carthage. —
Sentence de Constantin.

La raison profonde des rapides succès du Donatisme paraît


être dans l'état social de l'Afrique, dans le mécontentement et
la misère d'une partie des populations, et, aussi, dans l'organi-
sation anormale de l'Église africaine, dans la sourde hostilité
des primats de Numidie contre l'évêque de Carthage, qui sur
toute la contrée exerçait depuis longtemps l'autorité d'un
patriarche sans en avoir le titre. La cause immédiate du schisme
fut la difficulté de régler la situation des fidèles et des clercs qui
avaient été compromis d'une façon ou d'autre dans la persécu-
tion de Dioclétien. lapsi est à l'origine du
La question des
schisme donatiste, comme
des schismes du temps de Gyprien.
Elle trouhla l'Église d'Afrique pendant plusieurs années, et
amena de graves malentendus, qu'envenimèrent encore des
querelles de personnes, des jalousies et des rancunes. Quant à
la rupture définitive, l'occasion, ou le prétexte, en fut l'élec-
tion de Caecilianus comme évoque de Carthage, en 31 1

La diversité de ces causes explique la divergence des histo-


riens sur la date de l'apparition du schisme. On l'a fait commen-
cer tantôt, d'une façon vague, à la persécution de Dioclétien,
« Concile de Cirta »,
tantôt à la réunion d'évêques numides, dite
en 305, tantôt au prétendu schisme de Donat des Cases-Noires,
qu'on place un peu au hasard en 306, tantôt au concile des dis-
sidents qui prononça en 312 la déposition de Caecilianus. En
réalité, la dernière de ces dates est seule exacte; les autres
marquent simplement les étapes des malentendus d'où sortit le
schisme proprement dit. optât, sans doute, fait remonter jus-
qu'à la persécution de Dioclétien les origines de la rupture
1

1) Optât, I. 13-14.
.

LES ORIGINES 9

mais il ajoute que cette rupture éclata après l'ordination de


Majorinus en 312'. Les témoignages d'Augustin sur ce point
peuvent sembler, à première vue, contradictoires; cependant,
ils se concilient aisément. Augustin écrit, par exemple « Il s'est :

écoulé plus de quarante ans entre la passion de Cyprien et


l'incendie des livres saints, incendie d'où les Donatistes ont tiré
la fumée de leurs calomnies, et où ils ont trouvé l'occasion de
8
faire un schisme ». Cela signifie simplement que les Donatistes,
pour justifier leur scission, ont accusé les Catholiques d'avoir
livré les Écritures aux persécuteurs. Ailleurs, parlant de la
réunion de Cirta en 305, Augustin écrit « Dans la même cité :

de Constantine, vos ancêtres ont ordonné évêque Silvanus, au


commencement même de leur schisme ». Et ce texte semble 3

s'accorder avec le procès-verbal de l'assemblée épiscopale, où le


neveu du primat Secundus dit au président, à propos de
l'évêque Purpurius a II est prêt à se retirer et à faire schisme,
:

non seulement lui, mais tous ceux que tu accuses ». Cependant, *

le président n'insista pas ce qui supprimait tout prétexte de


;

scission. En fait, vers le même temps, la correspondance du


primat de Numidie avec Mensurius de Carthage prouve que les
deux évoques restaient en communion 5
et le texte d'Augustin
;

relatif à la réunion de Cirta signifie seulement que cette réunion


fut l'un des symptômes avant-coureurs du futur schisme. En
effet, le même Augustin déclare formellement, dans d'autres
passages, que le schisme n'a pas commencé avant la mort de
Mensurius en 311 « Au sujet de Mensurius, écrit-il, que répon-
:

drai-je? De son temps, et jusqu'au jour de sa mort, aucune par-


tie du peuple n'a été détachée de l'unité catholique les lettres ;

mêmes de Secundus de Tigisi, où l'on prétend trouver un


blâme contre Mensurius, démontrent qu'ils ont entretenu entre
eux une correspondance pacifique et qu'ils sont restés en com-
munion » 6 Ainsi, les témoignages d'Augustin, éclairés l'un
.

par l'autre, confirment ceux d'Oplat. Quant à Donat des Cases-


Noires, nous n'avons aucune donnée précise sur le rôle qu'on
lui attribue pendant cette première période en tout cas, rien ;

1) Optât, I, 15 « Majorinum, cujus


: tu num episeopum majores vestri in ipso exor-
cathedram sedes, posl ordinationem Cucri- dio sui schismalis ordinaverunt ».
liaui ordinaverunt, sehisma facientes ». 4i Conlra Cresconium, III, 27, 30 :

2) Augustin, De bapiismo contra Do- « Paralus est recedere et sehisma facere,


?iatistas, V, 1, 1 « Divinorum
: codicum non tantum ipse, sed et omnes quos arguis »
exuslionem, undeisti, calumniarum suarum 5) Brevic. Collât., III, 13-15, 25-27.
fumos jactantes, oncasionem faciendi schis- 6) De unico baptismo, 16, 29 « !><; :

matis invenerunt ». Mensurio autem quid respondeam ? cum


3) Contra lilteras Pedliani, I, 21, 23 : ejus tempore usque ad obitus diem plebs
'< In eadem Constantiniensi eivilale Silva- unitatis nulla conscissa est... ».
10 l'église donatiste

ne prouve qu'il ait été dès lors le chef d'un groupe de vrais
« schismatiques », au sens exact du mot, ni qu'il ait lui-même
rompu complètement, dès 306, avec l'Église de Carthage.
C'est donc par suite d'un malentendu que l'on a fixé à des dates
différentes la première apparition du Donatisme. Les diver-
gences disparaissent, si l'on s'entend sur la valeur des mots.
Que la cause principale du schisme ait été dans la difficulté de
régler la situation des nombreux évêques, clercs ou laïques,
compromis dans la persécution, ce n'est pas douteux. Que la
mésintelligence ait éclaté dès le temps de la persécution et se
soit aggravée de plus en plus, c'est encore incontestable; et le
manifeste des martyrs d Abitina, la correspondance entre Men-
surius et Secundus, les scènes scandaleuses de l'élection et de
l'ordination de Silvanus à Cirta, les attaques contre Mensu-
rius et son archidiacre Caecilianus, étaient assurément de graves
symptômes. Mais tout cela n'avait fait que préparer le terrain.
En réalité, il résulte nettement des récits d'Optat et d'Augustin,
comme des documents conservés, que le schisme proprement
dit commença seulement en 312, lorsque le concile des dissi-
dents, à Carthage, déposa Caecilianus et ordonna Majorinus. On
n'en doit pas moins remonter plus haut, pour démêler claire-
ment les origines du Donatisme.
La persécution de Dioclétien éclatant après une longue
,

période de paix, avait surpris l'Église d'Afrique et entraîné beau •

coup de déroutes Sans doute, les martyrs avaient été nom-


1

breux; et leur héroïsme est attesté par des relations originales,


par le Calendrier de Carthage, par des inscriptions mentionnant
leurs reliques. Mais les apostasies, ou, tout au moins, les demi-
apostasies avaient été innombrables, surtout en Numidie. On
avait vu, en maint endroit, des chrétiens renier leur foi, des
clercs, jusqu'à des évêques, s'empresser de remettre aux magis-
trats des livres saints compromettants. A Cirta, notamment, le
procès-verbal officiel des saisies, qui nous est parvenu intact,
nous peint sur le vif l'effondrement moral de tout le clergé,
évêque en tète-. Dès que la persécution se ralentit, les renégats,
les gens à la conscience inquiète, commencèrent à s'enhardir,
H songèrent aux moyens de reprendre leur place dans l'Église.
A la méthode traditionnelle, qui n'allait pas sans quelques humi-
liations '-I une longue pénitence, ils préférèrent la poudre aux

l)Optat, 1,13-14 et 20; III, 8; Acla Cresconium, III, 27 , 30 ; Ad Donatistas


Satin /mi/, Ruinart; Acla Crispinae,
:i I
;
post Collât., 22, .'{K.

Passio Maximae, I. Acla purgationis 2) Afin Munali Felicis, \<. 186-188


Felicis, p. 201 /.ihmi ; Augustin, Contra Ziwsa
LES ORIGINES H
yeux de sauver la
et l'intimidation. D'abord, ils s'efforcèrent
face en portant aux nues la gloire des martyrs. Dans cette
Nurnidie, où la fermeté avait été rare à l'heure du danger, on
vit surgir partout des héros ce fut une épidémie d'héroïsme
:

rétrospectif. Puis, des gens avisés allèrent plus loin, et prirent


l'offensive dans la crainte que l'on ne suspectât leur conduite
:

passée, ils se mirent à incriminer le courage d'autrui. Prompts


à jeter un voile sur les faiblesses de leurs voisins, dont on pouvait
redouter les indiscrétions, ils se montrèrent intransigeants
dans leurs messages aux communautés lointaines; ils poussèrent
l'audace jusqu'à demander des comptes aux chrétiens d'autres
provinces, même à des évêques, même au chef de l'Eglise
d'Afrique. Nous pouvons suivre encore, dans une série de docu-
ments contemporains, les divers jeux de ce cynisme agressif.
Dans le courant de l'année 304, arrivèrent en Nurnidie des
nouvelles de Carthage, nettement défavorables à l'évêque
Mensurius. Ce Mensurius, assurément, n'avait rien d'un héros;
c'était un politique de l'école de Gyprien, ferme à l'occasion,
mais surtout prudent et avisé. Il estimait, suivant la tradition
de l'Église, que l'on ne doit pas courir au-devant du martyre,
et que le vrai courage consiste à attendre la mort, sans la pro-
voquer. Sommé de livrer les Écritures, il s'était tiré d'affaire
en homme d'esprit; il avait fait coup double, cachant les manu-
scrits bibliques et les œuvres orthodoxes, laissant saisir des
ouvrages d'hérétiques. Mis au courant du stratagème, le pro-
consul avait fermé les yeux et refusé d'ordonner de nouvelles
perquisitions on avait de l'esprit à Cartilage en ce temps-là.
:

Dans ses instructions aux fidèles, Mensurius s'était conformé


aux règles de la discipline. Il avait défendu aux chrétiens de
se dénoncer eux-mêmes, et d'honorer comme martyrs ou con-
fesseurs les téméraires emprisonnés pour leurs folles provoca-
tions. Préoccupé de prévenir les désordres et de ne fournir
aucun prétexte aux violences des païens, il avait pris des
mesures rigoureuses pour empêcher la foule de se porter vers
les prisons, où d'ailleurs, parmi les fidèles arrêtés, se trouvaient
bien des gens suspects, des aventuriers, des débiteurs du lise,
<Jes criminels, pour qui les cachots des confesseurs étaient un
abri contre la police ou un asile relativement confortable'.
Mais la passion populaire avait mal interprété la conduite et les
intentions de l'évêque. On répétait ouvertement qu'il avait livré
les Écritures, qu'il avait interdit aux fidèles de secourir des

1) Augustin, Brevic. Collât., III, 13, 25.


12 l'église donatiste

frères et d'honorer des martyrs. On se déchaînait plus encore


contre Gaecilianus, l'archidiacre, qui avait suivi trop ponctuel-
lement les instructions del'évêque, et qui, par là, s'était trouvé
directement aux prises avec la foule 1
.

Dès que ces accusations furent connues en Numidie, elles y


eurent naturellement beaucoup d'écho. On y jalousait l'évêque
de Carthage, on n'y parlait plus que du martyre; on y flétris-
sait de confiance tous les suspects, au moins ceux du dehors.
On y accepta sans enquête les bruits populaires dès lors se :

propagea la légende sur les crimes de Mensurius et de Caeci-


lianus, légende habilement exploitée, qui allait devenir l'un
des articles de foi du Donatisme.
Avisé de ce qu'on disait de lui en Numidie, Mensurius jugea
nécessaire d'expliquer sa conduite. Il le fît, très nettement et
très franchement, dans une lettre qu'il écrivit alors à Secundus
de Tigisi, primat de Numidie, probablement pour s'entendre
avec lui sur les mesures à prendre à l'égard des lapsi-. Tout
porte à croire que l'évêque de Carthage n'avait commis aucune
faute grave; car ses adversaires du moment, puis les Donatistes,
ont eu beau poursuivre pendant plus d'un siècle l'instruction de
son procès, ils n'ont jamais pu invoquer contre lui une preuve
sérieuse. Dans sa réponse à Mensurius, le primat de Numidie se
garda d'absoudre son chef, comme de l'attaquer ouvertement.
Il avait ses raisons pour ne pas trop préciser; on le soupçonnait,

lui aussi, d'avoir livré les Écritures, et quelques mois plus tard,
dans l'assemblée épiscopale de Cirta, on l'accusa d'avoir faibli
comme les autres Pour se tirer d'embarras, il inaugura une
3
.

tactique qui devait rester chère à la polémique donatiste il parla :

emphatiquement du martyre, des glorieux confesseurs du pays,


du culte qu'on leur devait. Incidemment, il se donnait lui-même
en exemple. Aux officiers qui lui adressaient une sommation, il
s'était contenté de répondre « Je suis chrétien e1 évêque, non
:

un traître ». persécuteurs n'avaient osé insister'.


El les
Comment soupçonner un homme capable d'un tel miracle? —
On connut vite en Afrique celle correspondance entre les deux
chefs du christianisme local, et le résultat visé par Secundus
fut atteint Mensurius, dont on n'avait même pas discuta
:

L'apologie, resta suspect; l'on exalta plus que jamais l'héroïsme


des Numides, et de leur modèle, le primat de Numidie.

i) Acta Saturnini, il el 20 lialuze ; 3) Optât, 1, 14 ; Augustin, Contra Cres-


Augustin, i lilleras Petiliani, II, conium, 111,27, 30; Brevic. Collât. ,111,
202. 15, 27; Contra Gaudentium, I, 37, 17.
2) Augustin, Brevic. Collai., III, 13, 4) Augustin, Brevic. Collai., III, 13,
25; Connu Gaudentium, I, '.il, 47.
LES ORIGINES 13

A conduite équivoque de l'évêque de Carthage et de son


la
archidiacre, on opposait dès lors, et les Donatistes aimeront
toujours à opposer, l'énergique profession de foi des martyrs
d'Abitina. Après leur interrogatoire et leurs tortures du
12 février 304, ces confesseurs avaient été ramenés dans leur
prison de Carthage, où ils eurent, semble-t-il, beaucoup à
souffrir. Ils partageaient sans doute les préventions populaires
contre Mensurius et Caecilianus. Dans leur orgueil naïf, ils se
laissèrent entraîner à empiéter sur les droits des autorités
ecclésiastiques. Ils tinrent conseil, et décidèrent d'excommunier
les chrétiens qui avaient faibli dans la persécution. Ils rédigèrent
une sorte de proclamation, qui avait probablement la forme
d'une lettre aux fidèles, proclamation commençant et se termi-
nant par ces mots o Quiconque aura été en communion
:

avec les Iraditores, n'aura point part avec nous aux royaumes
célestes » Cette excommunication lancée par des martyrs eut
1
.

en Afrique, surtout en Numidie, un retentissement extraordi-


naire elle devint aussitôt une arme contre Mensurius et
;

ses partisans; elle prit peu à peu la valeur d'un manifeste,


d'inspiration presque divine, et, à ce titre, elle a été sans cesse
invoquée par les Donatistes.
Cependant, quand ils se trouvaient entre eux, les évêques
numides étaient obligés d'en rabattre. Un curieux document,
que les Catholiques africains réussirent plus tard à se procurer
et à rendre public, trahit les secrètes préoccupations de ces
admirateurs forcenés du martyre, et montre ce que cachait leur
arrogance. C'est le procès-verbal delà réunion épiscopale tenue
8
à Cirta, le 5 mars 305, pour la consécration d'un nouvel évêque .

Paulus, le triste héros dessaisies du 19 mai 303, venait de mou-


rir; à sa place avait été élu, par l'intrigue et l'émeute, malgré
l'opposition des clercs et des notables, le sous-diacre Silvanus,
un clerc démagogue, très compromis lui-même lors des perqui-
sitions 3
. Pour ordonner Silvanus, douze évêques numides
s'assemblent h Cirta, sous la présidence de leur primat Secun-
dus parmi eux, Donatus de Mascula, Victor de Rusicade,
:

Marinus d'AquaeTibilitanae, Donatus de Calama, Purpurius de


Limata, Victor de Garbe, Félix de Rotarium, Nabor de Centu-
rionis, Secundus minor, tous ou presque tous futurs Donatistes.
Avant de procéder à la consécration, le président propose de
1) Acta Saturnini, 18 lialuze. — Cf. vie. Collât., 111, lo, 27; 17,31-33; Ad
ibid., 1-2; 16-17; 20. Donatistas post Collât., 14, 18; Contra
2) Optât, I, 13-14; Augustin, Contra Gaudentium, I, 37, 47.
Cresconium, 30;
III, 27, Epist. 43, 3; 3) Gesla apud Zenophilum, p. 186-188;
Contra litteras Petiliani, I, 21, 23; Bre- 192-196 Ziwsa.
14 l'église donatiste

s'assurer que tous les assistants sont dignes d'y prendre part.
Tour à tour, il interroge solennellement quatre de ses collègues,
suspects d'avoir livré les Écritures les malheureux avouent, :

en plaidant les circonstances atténuantes. Mais la scène change,


quand le primat interpelle Purpurius de Limata, accusé d'avoir
tué deux de ses neveux à Milev « Crois-tu donc m'efïrayer
:

comme autres? réplique Purpurius. Et toi, qu'as-tu donc


les
fait, toi que le curateur et le Conseil ont sommé de remettre les
Écritures? Comment t'es-tu tiré de leurs mains, si ce n'est que
tu as tout livré ou fait livrer? On ne t'a pas laissé aller sans
raison. Eh bien! oui, j'ai tué, et je tue qui me gêne. Ne va pas
me provoquer, et m'en faire dire davantage. Tu sais que je ne
ménage personne. » Le président perd contenance, et ne répond
rien. On le menace d'un schisme. Il craint de se trouver seul
contre tous, et renonce à poursuivre son enquête « Vous vous :

connaissez, dit-il, et Dieu vous connaît. Prenez place. » Tous


répondent « Grâces à Dieu »'. Et l'on procède à l'ordination.
: !

— Nous voilà loin de la lettre hautaine de Secundus à Mensu-


rius, loin des commentaires intransigeants sur le manifeste des
martyrs d'Abitina. Et cependant, ces évêques réunis à Cirta en
305 allaient être, sept ans plus tard, les principaux fondateurs
de l'Eglise schismatique. Sans doute, ils tiendront un autre
langage dans leur concile de 312, où ils donneront le change
sur leur conduite passée en incriminant, en déposant un évêque
de Carthage et leurs héritiers s'appelleront eux-mêmes les
;

« Saints », les a Purs ». Mais leurs confessions cyniques de

Cirta révèlent l'autre face du Donatisme, la tare secrète de la


future Église.
Des documents que nous venons de citer, il paraît résulter ([lie,
dès les derniers temps delapersécutiondeDioclétien en Afrique,
dès les aimées 304-305, il s'établit entre les évêques numides et
les mécontents de Carthage, sinon une véritable entente, du

moins une communauté de vues. Kien de plus divers, à ce


moment, que les aspirations et les mobiles des deux groupes
d'opposants d'une part, en Numidie, un primat ambitieux,
:

avide de jouer les premiers rôles, et des évêques compromis.


inquiets «les conséquences de leur faiblesse; d'autre part, à Car
thage, des chrétiens intransigeants, exaltés, sincèrement pré-
venus contre leur évêque dont ils suspectaienl la conduite.
Mais la différence des mobiles ira s'atténuanl peu à peu entre
les deux groupes, à mesure qu'en augmentera la complexité,

l) Augustin, Contra Cresconium, lll, 27, 30.


LES ORIGINES 15

par l'addition d'autres éléments. En Numidie, à côté des évoques


compromis et tout entiers à leurs préoccupations égoïstes, on
verra se multiplier les intransigeants sincères, les défenseurs
enthousiastes et désintéressés du martyre ou de la discipline.
A Carthage, au contraire, le groupe primitif des opposants
recrutera des auxiliaires d'une moralité médiocre, ambitieux
déçus, dépositaires infidèles, dévotes exaspérées. En tous cas,
dès la fin de la persécution, évêques numides et mécontents
de Carthage étaient complètement d'accord sur un point :

une défiance invincible à l'égard de Mensurius et de son entou-


rage. Qu'une occasion se présente; et de cette défiance, comme
de cette tacite alliance, sortira le schisme.
Malheureusement, nous ne pouvons noter avec précision,
pendant les années suivantes, les progrès de cette double oppo-
sition car nous connaissons mal l'histoire de l'Église d'Afrique
;

entre 305 et 311. Il est certain, pourtant, que les intrigues con-
tinuèrent, surtout à Carthage. De plus en plus s'accréditait la
légende sur la trahison et la cruauté de Mensurius, coupable,
disait on, d'avoir remis aux magistrats païens les livres sacrés,
d'avoir abandonné les confesseurs dans leurs cachots, d'avoir
même proscrit le culte des martyrs. La haine du vulgaire
s'acharnait surtout contre l'archidiacre Caecilianus, dont l'on
faisait une sorte de bourreau on racontait que, pendant la per-
:

sécution, il avait monté la garde autour des prisons, intercep-


tant tout secours, apostant des satellites qui écartaient les visi-
teurs à coups de fouets, condamnant les confesseurs emprison-
nés à mourir de faim C'est alors sans doute qu'on le surnomma
l
.

Eudinepisus, sobriquet injurieux qui parait être d'origine pu-


nique, et dont nous ignorons le sens \ D'ailleurs, Caecilianus
s'était fait encore d'autres ennemis par la rigueur avec
laquelle il imposait le respect de la discipline. Parmi les causes
directes du schisme, on doit compter les démêlés de l'archi-
diacre avec une riche et redoutable dévote, nommée Lucilla.
C'était une Espagnole, dont les hasards de la vie avaient fait
une Carthaginoise. Elle avait une foi enthousiaste dans la vertu
des reliques, et portait sur elle « un os de je ne sais quel mar-
tyr, si encore c'était un martyr » 3
Elle avait pris l'habitude
.

d'embrasser son os au moment de communier. Or, dès ce temps-


là, le clergé africain se préoccupait de réglementer le culte
des reliques il n'admettait que les martyrs et les saints auto-
;

1) Acta Saturnini, 17 Baluze. — Cf. dinepiso tune instante... ».


iàid., 20. 3) Optât, 1, 16.
2) Passio Donati, 2 : « Caeciliano Eu-
16 l'église donatiste

risés, homme de bon sens et nulle-


canonises. L'archidiacre,
ment mystique, ne qu'une superstition dans les pratiques
vit
dévotes de Lucilla; il lui enjoignit d'abandonner sa prétendue
relique. La dame fut exaspérée plutôt que de renoncer à son :

os, elle déclara la guerre à l'archidiacre, à l'évêque, à tout le


clergé. Désormais, la maison de Lucilla fut à Carthage le centre
de réunion et d'intrigues du parti des mécontents 1
.

C'est vers ce temps-là, généralement en l'année 306, que l'on


place le prétendu schisme de Donat des Cases-Noires. C'était un
Numide, évêque ou ancien évêque de Cases-Noires ( Casae
Nigrae) en Numidie. Tout porte à croire qu'il avait été com-
promis d'une façon ou d'autre dans la persécution et avait été
ensuite dépossédé de son siège épiscopal car on ne le rencontre ;

jamais dans son évêché. Il était venu se fixer à Carthage, et il


y devint le principal chef du parti des opposants. Il joua plus
tard un rôle prépondérant dans la crise qui donna naissance au
Donatisme'. On a môme souvent répété, depuis Tillemont
3
,

qu'il avait été à Carthage l'auteur d'un premier schisme. La


question est fort obscure. Sans doute, Donat des Cases-Noires
fut condamné par le concile de Rome pour avoir fomenté un
schisme à Carthage, pour avoir rebaptisé des apostats et
imposé les mains à des évêques coupables Augustin l'accuse *
;

aussi d'avoir été le premier à rompre avec l'Eglise"'. Mais on ne


voit pas nettement si ces textes se rapportent aux débuts du
Donatisme proprement dit, ou à un schisme antérieur. D'autre
part, Augustin déclare que l'unité religieuse n'a pas été rompue
fi

avant la déposition de Caecilianus par le concile de 312 Selon .

toute vraisemblance, Donat dès Cases-Noires a été seulement


jusqu'à cette date le chef du parti d'opposition et ce doit être ;

à cause de son rôle postérieur que l'on a fait de lui, après coup,
un schismatique avant le schisme. Il n'en est pas moins très
significatif, pour l'histoire des origines du Donatisme, que le
chef des mécontents de Carthage ait été précisément un évêque
numide.
La mort de Mensurius, en 311, fournit à la double opposition
carthaginoise et numide l'occasion de passer des paroles aux

1) Optât, I, 18-19; Gesta apud le.no- 4) Optât, 1,24 ; Augustin, Brevic. Collât.,
philum, p. 195-196 Ziwsa; Augustin, Epis t.. III, 12, 24; Episl. 13, 5, 13-16; 105,

6, 17; Contra Cresconium, III, 28, 2, s.


32. ustin, ('outra Cresconium, II, 1,

2) Optai, I. 22-26; Augustin, Episl. 43, 2; 2, 3; Retract., I, 20, 4; De haeres.,


.,, 15-16. 69.
3) Tillemont, Wémoiret sur l'histoire 6) Augustin, De unico baptîsmo, 16, 29.
ecclésiastique, t. VI, p. 3 et 697. — Cf. — Cf. Optât, I, 15.

Morcelli, Africa christiana, t. II, p. 198.


LES ORIGINE^ 17

actes. L'Afrique dépendait alors de Maxence. La défaite du


vicaire d'Afrique Alexander, qui avait été trois ans maître du
pays, y avait été suivie d'odieux massacres; et l'on y abhor-
rait le nom du vainqueur, devenu le tyran Un diacre de Car- 1
.

tilage; un certain Félix, traduisit les sentiments de ses compa-


triotes dans un hardi pamphlet contre Maxence. Le proconsul
s'émut, et ordonna l'arrestation du coupable. Le diacre se
2
réfugia dans la maison de son évoque, qui refusa de le livrer .

C'était le temps où Maxence, pour déjouer les plans de Cons-


tantin, cherchait à se concilier les chrétiens en promulguant un
édit de tolérance Le gouverneur n'osa violer le domicile épis-
3
.

copal il en
; référa à l'empereur, qui enjoignit d'envoyer à
Rome l'évêque de Carthage. Mensurius obéit. Avant de partir,
il se préoccupa de mettre en lieu sûr les trésors de son Église.

Il les confia à des senïores, c'est-à-dire à des notables de la

communauté, membres du conseil d'administration mais, par ;

mesure de précaution, il fit dresser un inventaire des trésors,


et laissa ce document entre les mains d'une vieille femme, qui
devait remettre plus tard soit à lui-même, soit à son succes-
le
seur. Arrivé à Rome, il réussit à se disculper auprès de l'empe-
reur, et fut autorisé à rentrer chez lui. Il mourut en route*.
L'ouverture de sa succession allait donner carrière à l'intrigue
et déchaîner le schisme.
Les candidats ne manquaient pas en première ligne, l'archi- :

diacre Caecilianus; puis, deux prêtres de Carthage, Botrus et


s
Caelestius peut-être aussi, Donat des Cases-Noires et le lec-
;

teur Majorinus 6 Les ennemis de l'archidiacre se mirent en


.

campagne, et, à leur tête, Lucilla. Chacun des candidats ayant


à Carthage ses partisans et se croyant sûr du succès, on résolut
de brusquer l'élection, sans attendre l'arrivée des Numides et
de leur primat. Caecilianus l'emporta, et fut aussitôt ordonné
7
par trois évêques voisins, dont Félix d'Abthugni .

De toutes parts, éclatèrent les protestations. Lucilla, les


prêtres évincés, Donat des Cases-Noires, tous les mécontents se
groupèrent en une puissante faction, grossie encore des seniores,
qui avaient dilapidé les trésors de l'Église et avaient été tout

1) Panegijrici veleres, X, 31 ; Aurelius 2) Optât, I, 17.


Victor, Caesar., 40; Zositne, II, 12-14.— 3) Ibid., I, 18.
Cf. Cagnat, L'armée romaine d'Afrique, 4) Ibid., 1, 17.
p. 64; Pallu de Lessert, Fastes des pro- 5) Ibid., I, 18.
vinces africaines, t. II, p. 133; Maurice, 6) Ibid., 1, 19.
Bull., des Antiquaires de France, 1901, 1) Ibid., I, 18; Augustin, Ad Donatis-
p. 322; Mémoires des Antiquaires de las post Collât., 22, 38.
France, t. LXI, 1900, p. 22.

IV 2
-

18 L EGLISE DONATISTE

surpris de voir une vieille femme apporter au nouvel évêque


l'inventaire de leurs vols 1
. On rappela tous les méfaits dont on
chargeait depuis longtemps la conscience de Caecilianus, sa
longue complicité avec Mensurius, sa férocité d'autrefois envers
les confesseurs emprisonnés, sa dureté à l'égard des dévotions
les plus légitimes On ajoutait que l'élection avait été irrégu-
2
.

lière, et, encore plus, l'ordination c'était l'usage, disait-on,


3
:

que l'évêque deCarthage, chef de l'Église africaine, fût ordonné


par le primat de Numidie*. En vérité, ce n'était qu'un usage,
non une règle de discipline mais on n'en invoquait que plus ;

fort la tradition. Enfin, la haine des ennemis de Caecilianus


découvrit un argument qui parut décisif l'un des évêques qui :

l'avaient ordonné, Félix d'Abthugni, était soupçonné d'avoir


livré jadis aux païens des manuscrits sacrés. Donc l'élection
était nulle ainsi, du moins, raisonnaient les mécontents"'.
:

La faction, habilement dirigée par Donat des Cases-Noires et


Lucilla, vit aussitôt la tactique à suivre pour arriver à ses fins
en se donnant les apparences du droit. Elle en appela au primat
de Numidie, et lui notifia la protestation contre l'élection de
Caecilianus . On
depuis plusieurs années, l'état
sait quel était,
des esprits en Numidie
consciences inquiètes, effroi des :

comptes à rendre, parti-pris de crédulité, défiance à l'égard des


évêques de Carthage, dont on suspectait la conduite, et dont on
jalousait les prérogatives. Secundus saisit donc avec empres-
sement l'occasion de jouer au patriarche et de demander
des comptes au lieu d'en rendre. Il convoqua les évêques de sa
province, et, dans le courant de 312, il partit pour Carthage
7
avec soixante-dix d'entre eux .

Dès les premières démarches des Numides, on s'aperçut que

1 Optât, I, 18-19. dinaverant Carthagini episeopum n Brevic. ;

2) Acla Saturnini, 17 et 20 Baluze ;


Collai.. III, 16, 29 « Quod non exspec- :

Augustin, Episl. 43, 5, li-15; Brev'f. taverit Caecilianus ni princeps a principe


Collât., III, 14, 26. ordinaretur; cum aliud babeat Ecclesiae
'fj « Coutra Caeciliaimin causae confie tac Catholicae consuetudo, ut non Numidiae,
sunl, ut vitiosa ejus ordinatio diceretur » Sed propinquioies episcopi episeopum I

[Optât, I, 19 . elesiiic Carthaginis ordinent... Boc autem


4) « Operam dederunt ut absenlibus Nu- dicentes de sua consuetudine, quam nescio
midis soli viciui episcopi pelerentur, qui quando instituerunt, Ecclesiae Catholicae
ordinationem apud Cartbaginem célébra praejudicare conabantur
mit » (Optât, I, 18). Cf. Augustin, — 5) « l'num traditionis eonvicium in ordi-
Psa/mus contra parlem Donali, 44-46 : natorem Caeeiliani derivanduin esse puta-
.m Cartbaginem venissenl episcopum wniiil n Optât, I, 20).
ordinare, invenerunt Caecilianum jam ordi- 6) Optât, I, 19.
natum in sua sede. irati simt quia i|>si non 7) Ibid., I, 19 ; Gesta a/nul Zenophi-
potuerunt ordinare »: Epis t. 43, 6, 17 : lum, p. 185 Ziwsa; Augustin, Epist. 43,
u Inerat etiam nonnullus dolor auimi de 2, .! : Br lai., 111, 14, 26.
typho superldae veniens, quod non ipsi or-
LES ORIGINES 19

Donat et ses amis avaient vu juste. Le concile refusa de siéger


dans l'église épiscopale, sous la présidence de l'évoque de Car-
tilage. Il tint séance dans une autre basilique ou dans un local
quelconque dont disposaient les dissidents. Il somma Gaecilia-
nus de comparaître devant lui, en accusé, en suspect. Caeci-
lianus refusa d'autant mieux que Purpurius de Limata, tou-
;

jours partisan des solutions radicales, avait parlé de l'attirer


dans l'église pour lui casser la tête. Pourtant, Caecilianus
offrit de répondre à toutes les questions du concile; dans le cas
où l'on persisterait à contester la validité de son ordination, il
consentait à se faire ordonner par le primat et ses collègues.
On écarta dédaigneusement ses propositions, et l'on instruisit
son procès. Faute de preuves, on dut laisser tomber les accusa-
tions tirées des calomnies populaires mais l'on déclara nulles ;

l'élection et l'ordination de Caecilianus, sous prétexte qu'il


avait été consacré, en l'absence du primat, par des indignes,
notamment par Félix d'Abthugni '. Suivant une tradition dona-
tiste, le concile aurait d'abord laissé vacant le siège de Car-
tilage, et aurait confié la direction du diocèse à un administra-
teur intérimaire {interventor ou visitât or), lequel aurait été tué
par les Catholiques". Quoi qu'il en soit de cette tradition, la
vacance du siège, si vacance il y eut, ne dura guère. Les
Numides ne rentrèrent pas chez eux avant d'avoir donné un
successeur à Caecilianus.
Cette nouvelle élection trahit l'intervention très active de
Lucilla. Une enquête ultérieure prouva qu'elle avait acheté une
partie des évoques du concile 3 Elle réussit à faire élire une de
.

ses créatures. Donat, le chef du parti, s'effaça ou fut écarté,


soit dans l'intérêt commun, à cause de son passé, soit par suite
de rivalités et de jalousies, soit pour toute autre raison. Le
choix des évêques dissidents se porta sur Majorinus, un simple
lecteur de Carthage, protégé de Lucilla*. Le concile l'ordonna
aussitôt; puis, dans une synodale, il notifia à toutes les
lettre
Églises africaines la déposition de Caecilianus et la consécra-
tion du nouvel évoque \ Le schisme était consommé c'en était :

fait, pour plus d'un siècle, de l'unité de l'Afrique chrétienne.


L'Église schismatique s'organisa rapidement, d'autant plus

1) Optât, I, 19-20; Augustin, Brevic. 43, 6, 17 ;


Contra Cresconium,Ul, 28-29,
Collât., III, 14, 26; Ad Donatislas post 32-33.
Collât., 22, 38. 4) Optât, I, 15 et 19; Augustin, Episl.

2) Augustin, Episl. 44, 4, 8; Serm. 46, 43, 2, 4.


15, 39. 5) Optât, I, 20; Augustin, Ad Catholi-

3) Gesla apud Zenophilum, p. 189 et cos Epislula- contra Donatistas, 25, 73.
194-196 Ziwsa. — Cf. Âagustin, Epis t.
.

20 L EGLISE DONATISTE

vite qu'elle n'innova en rien : elle conserva les cadres tradi-


tionnels, toute la discipline et la hiérarchie africaines, s'atta-
chant d'autant plus au passé que, malgré ses origines troubles,
elle prétendait être seule en Afrique à représenter, dans toute
sa pureté, l'Église universelle. Majorinus n'était qu'un fantôme;
et il disparut vite. Il mourut au bout de quelques mois, et fut
remplacé à la tête du parti par Donat de Carthage, dit Donat le
Grand, qu'on distingue ordinairement du premier auteur de la
rupture, et que pourtant l'on a bien des raisons d'identifier avec
Donat des Cases-Noires En tout cas, Donat de Carthage avait 1
.

toutes les qualités d'un vrai chef il acheva de constituer et il :

fortifia par tous les moyens la nouvelle Église*, qui prétendait


4
l'Église des martyrs
3
être la véritable Eglise catholique et , ,

qui fut aussi appelée de son nom le parti de Donat (Pars Donati)
ou le Donatisme (Dojiatismits)*
Cependant, Caecilianus n'avait pas abdiqué, et ses partisans
ne renonçaient pas à la lutte. Ils avaient pour eux les Églises
d'outre-mer, et même l'appui du pouvoir civil. Un coup de
théâtre venait de changer les rapports du christianisme avec
l'Etat la victoire de Constantin, bientôt suivie de l'édit de
:

Milan, assurait aux persécutés de la veille, non seulement la


pleine liberté de conscience et de culte, mais, déjà, la protec-
6
tion officielle Dans les deux communautés africaines, on se
.

1) Majorions n'est plus mentionné par de tactique, imaginèrent de distinguer deux


Optât après son élection et son ordination Donat ou insistèrent sur celte distinction
en 3 li! ^Oplat, I, 19). Suivant Augustin, il (Augustin, Brevic. Collai., III, 18, 36; Ad
vivait encore au printemps de 313, lors de Donalislas posl Collât., 13,17; Relract.,
la requête adressée à Constantin, le 15 avril, I, 20, 4; De haeres., 69). Bien qu'Augus-

parles évêques dissidents (Augustin, Epis t. tin ait fini par accepter cette thèse, nous

88, 1-2; 93, 4, 13; Brevic. Collât., III, avons tout lieu d'être en garde contre cette
12, 24). Majorinus était peut-être déjà affirmation intéressée des Donatistes, qui
mort au moment du concile de Rome (2 oc- apparaît si tardivement.
tobre 31 3), où l'on mit en cause Douai et 2) Optât, III, 3 ; Collai. Carthag., Il,

les évêques ordonnés par Majorinus («s 10; Augustin, Contra Cresconium, II, 1,
quos a Majorino ordinalos esse cons la- 2; Ad Donatistas posl Collât., 16, 20 ;

re t), mais non Majorinus lui-même (Augus- De haeres., 69.


tin, Epist. 43, 5, 16). Quant à la ques-— 3) Acta Salurnini, 16 et 20 Baluze :

tion des deux Donat, il est à remai i Acla puraalionis FeHcis, p, 198 Ziwsa ;

que le prétendu Donat des Cases-Noires Passio Donati, 3; Optai, 11, 1 et suiv ;

disparaît brusquement de l'histoire au mo- Augustin, Epist. 88, 2: Brevic. Collai.,


ment même où apparuit, comme chef du m. :;, 3; Collai. Carthag., III, 22.
parti, Donat de Carthage. Optai a toujours 4) Acta Saturnini, 19-20 Baluze.
identifié les deux personnages (I, 22-26 : 5) Optât, I, 22 et 26; III, 3; Augustin,
III, 1 et 3). Telle fui pondant bien Epist. 88, 1 ; 93, 8,24 25 Contra Epist.
.

des années, la manière de voir d'Augustin Parmeniani, III, i. 24; Contra Cresco-
[Psalmus contra partent Donati, 93-106 nium, II, 1, 2; IVj 6, 7; clc.
6) Lactance, De mort, persec, 41 et
:
et 132; Epist. 13 ., 15- I Relract.,
I, 20, 4). C'est seulement à la Confén 18; Eusèbe, S 'es., X, 5, 2. I i

de 411 que les Donatisl<s, poui det raisout


LES ORIGINES 21

préoccupa vite de savoir auquel des deux partis irait cette pro-
tection. Dès le début, Constantin n'hésita pas respectueux des :

traditions, et soucieux de l'ordre public, il se prononça contre


les schismatiques, en qui il voyait simplement des fauteurs de
désordres. Voulant réparer les injustices du passé, restituer les
immeubles confisqués, conférer des immunités et autres privi-
lèges aux clercs catholiques, distribuer même des secours aux
communautés les plus éprouvées par la persécution, il réserva
tout à l'Église dont Caecilianus était le chef. Écrivant à Caeci-
lianus lui-même pour lui notifier les secours en argent et le
charger de les répartir, il lui promit de le protéger contre ses
adversaires, l'engageant à invoquer l'aide du proconsul et du
vicaire d'Afrique contre ceux qui troubleraient la paix; dans ses
instructions aux gouverneurs, il leur ordonna de soutenir Cae-
cilianus contre les dissidents Dès les premiers mois qui sui- 3
.

virent la rupture, l'Église schismatique avait contre elle l'auto-


rité de l'empereur et de ses représentants en Afrique.
Les dissidents s'inquiétèrent de cette situation, et s'effor-
cèrent de ramener l'opinion. A deux reprises, ils envoyèrent
des députations aux principales Églises d'Italie, de Gaule et
d'Espagne Mais, dans ces divers pays, où l'on se souciait peu
3
.

des querelles africaines, les ambassades des sectaires paraissent


4
avoir été froidement accueillies les Églises d'outre-mer :

restèrent toutes en communion avec Caecilianus et les évêques


de son parti Déçus de ce côté, les schismatiques n'eurent plus
5
.

d'espoir qu'en Dieu, en eux-mêmes, et dans l'empereur, seul


capable désormais d'amener le monde chrétien à reconnaître
l'excellence de leur cause. Le 15 avril 313, une délégation de
dissidents remit au proconsul de Carthage deux pièces, Tune
scellée, l'autre ouverte la première, d'après le titre reproduit
:

sur l'enveloppe, était un mémoire précisant les griefs contre


Caecilianus; l'autre était une supplique adressée à Constantin.
Dans cette requête, plusieurs évêques du parti de Majorinus ou
de Donat demandaient à l'empereur de soumettre l'affaire à des
juges gaulois, la Gaule étant le seul pays où n'eût pas sévi la
persécution, et où, par suite, l'on pût être complètement impar-
tial sur la question des lapsi. Le proconsul transmit les deux
6
pièces à l'empereur, avec un rapport sur l'affaire .

1) Eusèbe, Hisl. Eccles., X, 5-7; Au- 5) Augustin, Epist. 43, 3, 8; 7, 19 :

gustin, Epist. 88, 2. « lpsis rébus experti sunt cum Caeciliano


2) Eusèbe, Hist. Eccles., X, G. permanere communionem orbis terrarum,
3) Augustin, Contra Epist. Parmeniani, et ad eum a transmarinis Ecclesiis commu-
I, 2, 2. nicatorias litteras mitti ».

4) lbicl., I, 2, 3. 6) Collât. Carthag ,


III, 215-220; Au-
22 l'église donatiste

La requête était modérée de ton, et semblait raisonnable :

après un mouvement d'impatience, Constantin y fit droit. Il


désigna comme juges trois éveques gaulois, Reticius d'Autun,
Maternus de Cologne, Marinus d'Arles; mais il chargea spécia-
lement de l'enquête et de la présidence le pape Miltiade ou
Melchiade, Africain d'origine, en lui adjoignant encore quinze
autres évêques italiens. Il manda Caecilianus avec dix représen-
tants de chaque parti. Les dix-neuf évèques-juges se réunirent
à Rome, au palais de Latran, le 2 octobre 313. Les débats occu-
pèrent trois séances. Donat et ses amis ne réussirent pas à jus-
tifier leurs accusations, et même parurent esquiver la question.
Par contre, on releva contre Donat différentes charges; on eut
la preuve de ses intrigues et de ses graves infractions aux règles
de la discipline. A l'unanimité, le concile condamna l'accusateur
et disculpa Caecilianus, dont l'élection et l'ordination furent
1
reconnues régulières .

Cet arrêt, qui paraissait terminer l'affaire, n'eut d'autre effet


que de la compliquer. Les dissidents s'obstinèrent après leurs :

adversaires, ils incriminèrent leurs juges et la composition du


concile et la procédure. Ils découvrirent après coup que le pape
Miltiade et son prédécesseur Marcel li nus avaient eu une attitude
équivoque lors de la persécution; ils les mirent sur le même
rang que Mensurius et Caecilianus D'ailleurs, ils avaient 2
.

demandé des juges gaulois; et, sur les dix-neuf membres du


concile, seize étaient des Italiens. Enfin, on avait négligé le
principal grief l'indignité de Félix d'Abthugni, qui avait
:

ordonné Caecilianus. Pour toutes ces raisons, les schismatiques


protestèrent contre la sentence; ils en appelèrent à l'empereur,
demandant une nouvelle enquête de nouveaux juges 3 et .

Malgré son irritation croissante contre ces entêtés, Constantin


leur donna satisfaction sur les deux points. Il enjoignit aux
gouverneurs africains d'ouvrir une enquête sur la conduite de
Félix d'Abthugni cette enquête, dirigée successivement par
:

plusieurs magistrats, commencée à Abthugni et poursuivie à


Carthage, se termina le 15 février 314 par une sentence du pro-
consul .Klinnus qui proclamait la complète innocence de Félix'.
gustin, Epist. 88, 2. — Cf. Optât, 1, 11 : 2) Augustin, Contra Epist. Parme-
lll. :;: Augustin, Epist. 'J3, 4, 13; Brevic. niani, 1, 5, 10 ; De unico baptismo, lti.
Collât., III, 7. 8; 12, 21. 11.
1) Optât, 1, 23-24 ; Eus, be, Bist. E<- 3) Optât, 1, 25 et 27 ; Constantin, Epist.
clés., X, 5,18; Augustin, Epist. 43,2, 4- ad Elafium [Appendix d'Optat, n. 3,

5; 43, 5, 14-16 ; 53, 2, :. ;


«s, 3 ; 105, 2, p, 205 Ziu i > ustin, De unico bap-
8; 185, 10, 47; Epist. Parme-I lismo, 16, 28; Epist. i3, : i3, 2,

niani, 1, 5, 10; Brevic. Collai., III, 1-\ 5; 76, 2; 88, 3; 89, 3; 105, 2, s.

24 :
17, 31, 4) Acta purgationis Felicis, dans i
Ap-
LES ORIGINES 23

Une l'empereur convoqua en Gaule, dans


fois ce point acquis,
pour le 1 er août 314, un grand concile où furent
la cité d'Arles,
représentées presque toutes les provinces d'Occident, et où
comparurent les délégations des deux Églises africaines. Ce con-
cile fixa diverses règles de discipline, notamment sur la pro-
cédure à suivre envers les apostats et dans les accusations por-
tées contre eux. Il amena les Catholiques africains, désormais
contraints de ménager les Eglises d'outre-mer, à abandonner
leur vieille tradition, celle qu'ils avaient défendue si énergique-
ment au temps de Cyprien, sur la nécessité de rebaptiser les
hérétiques convertis. Dans la grave affaire du schisme, il
instruisit de nouveau tout le procès de Caecilianus, et confirma
pleinement la sentence du concile de Rome. Il notifia ses déci-
sions à l'empereur et au pape Silvestre, le successeur de
1
Miltiade .

C'était, condamnation définitive du schisme


semble-t-il, la
africain, frappé deux fois par des conciles, et, la seconde fois,
après une grande enquête officielle, par les juges qu'il avait lui-
même demandés. En fait, la voix du concile d'Arles eut de
l'écho en Afrique, où bien des chrétiens sincères, égarés dans le
schisme, s'aperçurent qu'on les avait trompés, et revinrent à
l'Eglise catholique' Mais les chefs, les évêques et leurs fougueux
2
.

partisans, étaient trop compromis ou trop exaltés pour écouter


la raison et se rendre à l'évidence quant à Donat de Carthage, ;

désormais le maître et le prophète du parti, il n'était pas homme


à céder. Les dissidents protestèrent de nouveau contre la sen-
tence on ne sait trop sous quel prétexte, car leurs arguments
:

de l'année précédente, spécieux contre le concile de Rome, ne

pendix d'Optat, n. 2, p. 197-20* Ziwsa. indications d'Augustin, il résulte très net-


Cf.. 27; Augustin, Epist. 43, 2,
Optât, 1, tement que la sentence du proconsul .'Elia-
4 5; 88, 3-5; 105, 2, 8; 141, 11 Conlra ;
nus est du 15 février 314, « quatre mois »
Cresconium, III, 70, 80-81 ; De unico bap- après le concile de Rome du 2 octobre 313.
tismo, 16, 28; Brevic. Collât., III, 24, D'ailleurs, ce témoignage est pleinement
42 Ad Donatistas posi Collut., 33, 56.
;
d'accord avec la suite logique des faits :

— On admet généralement aujourd'hui que l'enquête sur Félix d'Abthugni se place évi-
la sentence du proconsul .-Elianus fut ren- demment entre le concile de Rome et le

due le 15 février 315; à l'appui de cette concile d'Arles.


hypothèse, on allègue une pièce qui fut lue 1) t. II, p. 469; Maas-
Mausi, ConciL,
à l'audience et qui aurait été datée du sen, Gesch. der Quellen und Litteratur
19 août 314 (Acla purr/ationis Felicis, des canonischen Rechtes un Abend/ande,
p. 198 Ziwsa). Mais l'en-tète de cette pièce Graz, 1870, t. I, p. 188 et 950. Cf. —
est mutilé et partiellement altéré. Il ne Eusèbc, Hisl. Ecctes., X, 5, 21 Appen- ;

saurait prévaloir contre le lémoignage for- dix d'Optat, n. 3-5, p. 204-210 Ziwsa;
mel d'Augustin, qui en 412, après les dis- Augustin, Epist. 43, 2, 4 ; 53, 2, 5 ; 88,
*
cussions de la Conférence de Carthage, a 3 ; 89, 3 ; 105, 2, 8.
précisé cette question de chronologie [Ad 2) Augustin, Epist. 88, 3.
Donatistas post Collât., 33, 56). Des
24 L EGLISE DONATISTE

portaient plus contre le concile d'Arles. Ils en appelèrent encore


à l'empereur; mais, cette fois, ils le mirent en demeure d'évo-
quer l'affaire à son propre tribunal 1
.

Constantin fut plus irrité que jamais, et un peu surpris de


cette façon de comprendre la résignation, l'humilité, la charité
chrétienne. Il ne se souciait pas, lui néophyte, de reviser les
jugements de deux assemblées d'évêqucs. Il essaya de se déro-
ber; mais les plaideurs étaient tenaces, décidés à tout, et le
désordre augmentait en Afrique L'empereur dut se rendre à la 2
.

raison d'Etat. Il accepta donc l'appel, du moins en principe;


mais il hésita ou tergiversa pendant deux ans. 11 changea plu-
sieurs fois de résolution ou de procédure. Tantôt il songeait à
1
envoyer des juges en Afrique 3
, ou à y passer lui-môme Tantôt.

il préférait instruire le procès à ordonnait au procon- Rome. Il

sul de lui expédier le faussaire Ingentius, convaincu de fraude


11 mandait à Rome les
5
dans l'enquête sur Félix d'Abthugni .

6
deux parties Donat se trouvait au rendez-vous, mais Caeci-
;

lianus, on ne sait pourquoi, ne se présentait pas ou arrivait trop


7
tard C'est vers ce temps-là, sans doute, que des « sacrilèges »,
.

probablement des Donatistes, intentèrent devant le tribunal de


l'empereur un procès criminel au pape Silvestre, en qui l'on
poursuivait le complice du concile d'Arles Cependant, L'agita- 8
.

3
tion croissait en Afrique Constantin se décida à en finir. ;

Pendant un séjour dans la Haute-Italie, il fit venir, puis garder


En même temps, il envoyait à
10
à vue, Caecilianus et Donat .

Carthage deux commissaires, les évêques Eunomius et Olympius,


chargés de procéder sur place à une nouvelle enquête, et de
rétablir, s'il se pouvait, l'unité religieuse, même en déposant les
deux compétiteurs pour ordonner un nouvel évêque accepté des
deux partis. La mission fut très mal accueillie par les schisma-
tiques, qui suscitèrent des émeutes; elle quitta Carthage au bout
de quarante jours, en proclamant le bon droit de Caecilianus
et du parti qui était en communion avec l'Eglise universelle".

1) Appendix d'Optat, n.5, p. 209 Ziwsa: Cf. Augustin, l>e unico baptismo, 16, 27.
Augustin, Epist. 43, 2,4; 13, 7, 20; 53, 9) Appendix d'Optat, n. 7, p. 211.
2, 5; 76, 2; 88, 3; 89, 3; 105, 2, 8. 10) Optât, 1, 20; Augustin, Epist. 13, 7,

2) Appendix d'Optat, n.7, p. 211 Ziwsa. 20.


3) Ibid . a. 6, p. 210. H) Optai, I, 26. — On place ordinaire-
Ibid., n. 7. p. 211. ment cette mission d'Eunomius el d'Olym-
, Augustin, Epist. 88, 4 : Contra pius après la sentence de C< Le
intin.

Cresconium, III, 70, 81. texte il Optai ne fournil pas d'indication


Appendix d'Optal, a. 6, p. 210. précise; mais, d'après la suite logique
6)
emenls, nous pai atl évident que la
7) Augustin, Epist. 43, 7, 20.
il

8) Epislula Coucilii romain ann mission ;

précédé la sentence

ad Gratianum et Valentinianum Impe- impériale Constantin retient en Italie les

ratores (Mansi, Concil., t. III, p. <i27). — deux évéques rivaux île Carthage, pendant
AVANT SAINT AUGUSTIN 25

Constantin rendit son arrêt à Milan, clans les premiers jours de


novembre 316, et le notifia, le 10 novembre, au vicaire
d'Afrique comme les conciles de Rome et d'Arles, comme les
:

magistrats qui avaient instruit le procès de Félix d'Abthugui,


comme les évêques Eunomius et Olympius. lempereur décida
que Caecilianus, régulièrement élu et ordonné, était l'évêque
légitime de Carthage C'était mettre hors la loi l'Eglise schisma-
'
.

tique.
La question de
droit était tranchée; mais la question de fait
restait entière.Sauf des exceptions individuelles, les Donatistes
ne s'inclinèrent pas plus devant l'arrêt de l'empereur que devant
les sentences des conciles. Donat s'échappa ou fut relâché, et
retourna en Afrique Caecilianus l'y suivit Les deux évêques
;
2
.

de Carthage se retrouvèrent en présence, et avec eux, dans


toute la contrée, les deux Eglises rivales. Une fois de plus, les

Donatistes réussirent à donner le change, et à garder leur pres-


tige. Ils racontèrent que l'empereur avait été trompé par son
entourage, notamment par son conseiller Hosius de Cordoue 3 .

Par une tactique encore plus audacieuse, ils affirmèrent plus


tard que Caecilianus, détenu ou exilé dans le nord de l'Italie,
avait été reconnu coupable et condamné par Constantin : cette
absurdité, ils l'ont répétée pendant un siècle, jusqu'à la Confé-
4
rence de 411, et ils ont fini par y croire Bref, la . sentence
impériale n'avait rien terminé. Le Donatisme ne fit que gagner
du terrain en Afrique. Déçu dans ce qu'il attendait de l'empe-
reur, et traqué par l'Etat, il deviendra peu à peu un parti d'op-
position.

III

Les destinées du Donatisme, depuis la première persécution jusqu'à l'entrée en


semé d'Augustin (317-391). —
Loi de Constantin contre les Donatistes. Per- —
sécution à Carthage. —
Batailles dans des basiliques. Les premiers martyrs —
donatistes. —
Apparition des Circoncellions. Guerre de pamphlets. —Enquête —
sur Silvanus, évêque schismatique de Constantine. Supplique des Donatistes —
persécutés à l'empereur. —
Edit de tolérance. Politique de Constantin. — —
Progrès du Donatisme. —
Concile de 270 évêques schismatiques à Carthage. —
Empiétements des Donatistes en Numidie. —
La basilique de Constantine. Le —
qu'Eunomius et Olympius vont en Afrique 3) Augustin, Contra Epistulam Parme-
procéder à leur enquête; c'est sur le rap- niani, I, 4, 7-9; 5, 10; 8, 13.
port de ces commissaires que l'empereur 4) Augustin, Brevic. Collai.,
III, 20,38;

rend sa sentence. 21, 39; 22, 40: Ad


Donatislas post Col-
1) Augustin, Brevic. Collai., III, 19, lat., 16, 20 17, 2!;Contra Cresconium, ;

37 ;
Ad
Donatislas post Collât., 33, 56 ;
III, 69, 80 71, 83
; Sermo ad Caesare-
;

Conlra Cresconium,' \\\, 71, 82; Epist. ensis Ecclesiœ pleôem, 7; Contra Gau-
43, 2, 5; 43, 7, 20 ; 53, 2, 5 ; 141, 10-11. dentium, I, 11, 12.
2) Optât, I, 26.
26 l'église donatiste

préfet du prétoire Gregorius. —


Violences des Circoncellions. Axido et Fasir. —
— Intervention des troupes et du comte Taurinus. Conciles donatistes de —
Numidie. —
Organisation d'une communauté donatiste à Rome. Relations des —
Donatistes avec les Ariens. —
Essai de réunion des deux Eglises africaines. —
Mission de Paulus et de Macarius. —
Les « artisans de l'unité ». Accueil que —
leur fait Donat de Carthage. —
Édit de l'empereur Constant. Martyre deiMaxi- —
mianus Carthage.— La mission en Numidie. — Résistance armée de
et d'Isaac à
Donat, évèquede Bagaï. — Appel aux Circoncellions. — Intervention des troupes
et du comte Silvester. —
Défaite de Donat de Ragaï. Concile des schismatiques —
en Numidie. —
Mort de Marculus —
Exil de Donat de Carthage et des princi-
paux évéques schismatiques. —
Rétablissement de l'unité religieuse. —Le Dona-
tisme au concile catholique de Carthage sous Gratus. — Période de paix rela-
tive. —
Mort de Donat de Carthage. —
Élection de Parmenianus comme primat
donatiste. —
Réaction sous le règne de Julien — Requêtes des schismatiques à
l'empereur. —
Edit de Julien. —
Violences des Donatistes en Numidie et en
Maurétanie. —
Concile des schismatiques à Theveste. Nouvelles persécutions —
contre les Donatistes. —
Le comte Romanus. Polémiques Parmenianus et — :

saint Optât. —
Alliance des Donatistes avec Firmus Edits impériaux. Le — —
vicaire d'Afrique Nicomachus Flavianus. —
Exil de Claudianus, évèque des Mon-
teuses de Rome. —
Schismes dans le parti donatiste. Nouveaux édits. Con- — —
ciles donatistes. —
Modération de Genethlius, évèque catholique de Carthage. —
Prospérité du Donatisme en 391.

Quelques mois après la sentence de Constantin, quatre ans


après Tédit de Milan qui avait proclamé l'entière liberté du
culte, la persécution recommençait en Afrique. Elle était diri-
gée cette fois, non plus contre l'Église, mais en son nom et
contre ses ennemis. C'était la première persécution entreprise
par l'État pour la défense du Catholicisme, traité déjà en reli-
gion officielle.
La sentence de Constantin avait eu pour résultat principal
d'exaspérer les schismatiques, de les décider h ne plus comp-
ter que sur la force, de donner libre carrière aux passions et aux
rancunes, de déchaîner enfin la guerre religieuse. Partout, les
violences redoublèrent, au point d'inquiéter les autorités.
L'empereur crut devoir intervenir par une loi qui fut promul- :

gue»' vers la fin de 316, il ordonna de rétablir en Afrique l'unité


religieuse, et d'enlever aux dissidents les basiliques dont ils
s'étaient emparés Il chargea les plus hauts représentants de
1
.

l'autorité civile et militaire, notamment Leontius et Ursacius,


l'un probablement vicaire d'Afrique, l'autre comte d'Afrique,
de veiller à l'exécution de l'édit*. La mesure était peut-être fon-
dée en droit; mais elle fut appliquée en certaines villes avec
une rigueur, une ponctualité militaire, qui transforma les opé-

1 \u^uslin, Epist. 88, 3; 93, 1, 14; creta sunt ...

105, 2, I; Conlra li Itéras Peliliani, 11, 2) Passio Donati, i 1


: Optât, III, I el

92, 205. Passio Donati, 3


Cf. « uni- : 10: Collai. Carthag., III, 258. - Sur
las igitur Bat »; Cod. Tkeod., Ul. li. J : Leontius et I cf. Pallu de Lessert,
« sien lege divali
t parentum nostrorum Fastes des provinces africaines, i. Il,

i
uustanlini, Constantes], Valentiniani de- p. 114 1 1 -
AVANT SAINT AUGUSTIN 27

rations de saisie en une véritable persécution. Une fois de plus,


les Donatistes refusaient de céder on essaya en vain de les ;

gagner par la douceur et des cadeaux '


; il fallut employer la

force et requérir les troupes-.


A Carthage, on se battit dans les basiliques. Une curieuse
relation du temps nous fait assister à des scènes sauvages, dont
plusieurs églises furent le théâtre. Dans Tune d'elles, les sol-
3
dats se livrèrent à des violences et à des orgies de toute sorte ;

dans une autre, beaucoup de dissidents furent assommés, et un


évêque blessé dans la même église, ou peut-être dans une troi-
4
;

sième, on massacra les fidèles, dont un évêque \ C'en était fait :

le sang avait coulé, et les Donatistes avaient leurs martyrs. On


recueillit pieusement les restes des victimes on les ensevelit ;

avec honneur, on célébra leur gloire dans de belliqueuses épi-


bientôt, on leur rendit un culte, comme aux victimes
6
taphes ;

1
des persécutions païennes L'Église schismatique eut désor-
.

mais son martyrologe livre d'or pour elle, livre de haine


:

contre l'autre Église. Nous n'avons pas de renseignements


explicites sur les circonstances de la persécution dans le reste
du pays. Mais on peut les imaginer d'après ce qui se passa à
Carthage des scènes analogues durent se produire partout où
:

les schismatiques avaient usurpé des basiliques, et où leurs


8
adversaires se croyaient assez forts pour les reprendre .

9
En ce temps-là, sans doute, jacquerie africaine commença la ,

qui périodiquement, pendant un siècle, allait désoler la contrée.


Des bandes de gens sans aveu, qu'on désigna plus tard sous le
nom d'Agonistiques ou de Circoncellions 10 ramassis de loque- ,

teux, de mécontents et d'aventuriers de tout genre, indigènes


échappés des tribus, colons ruinés, paysans dépossédés, esclaves
fugitifs, se chargèrent de défendre l'Église du Christ et de
Donat contre les Catholiques et le diable 11 Ils parcouraient les .

campagnes, armés de gros bâtons, chantant les louanges de


Dieu, détroussant les voyageurs, menaçant les propriétaires,
pillant les fermes, assommant les clercs catholiques, atta-

1) Passio Donati, 2-3. mis


liques, des Donatistes furent exilés ou

2) Ibid., 3 et 6. —
A Carthage, les à mort [Passio Donati, 5 Augustin, ;

troupes sont conduites par un tribun (ibid., Contra Epistulam Parmeniani, l, 8, 13;
2; 1; 13). 11, 18).
3) Passio Donati, 4-5. 9) Augustin, Contra Epistulam Par-
4) Ibid., "ï-8. meniani, I, 11, 18.

5) Ibid., 11-12. 10) Optât, III, 4; Augustin, Enarr.in


6) Ibid., 8 et 13. Psalm. 132, 3 et 6 ; Contra Gaudentium,
îfïb'id., 9. — Cf. 1 et 14. 1, 28, 32; De haeres., 69.
8) En bien des endroits, les basiliques 11) Augustiu, Enarr. in Psalm. 132, 6.

furent confisquées et rendues aux Catbo-


28 l'église donatiste

quant les églises, prêtant main-forte aux clercs schismatiques 1


.

De leur côté, les évoques et les lettrés du parti de Donat


menaient activement leur guerre de pamphlets. Dans de petits
écritshaineux et déclamatoires, qui se transmettaient de com-
munauté en communauté pour se répandre partout, ils ne se
lassaient pas de rééditer leurs vieux griefs, encore grossis par
la légende, contre les Catholiques, surtout contre Caecilianus
de Carthage, qu'ils rendaient responsable de tout, et qu'ils accu-
saient de diriger la persécution Ils inséraient leurs diatribes 1
.

jusque dans des relations martyrologiques, consacrées soit


aux martyrs de leur secte soit aux martyrs authentiques de la 3
,

persécution de Dioctétien'. Des libelles diffamatoires, conte-


nant des dénonciations, des accusations perfides contre tel ou
tel Catholique, arrivaient jusque dans les bureaux des magis-

trats, se glissaient dans les archives et entre les mains des gou-
verneurs. A plusieurs reprises, en 319 et 320, l'empereur dut
interdire à ses agents de tenir compte des dénonciations ano-
nymes contenues dans ces libelles {famosi libelli)',\\ ordonna
même d'en rechercher et d'en punir les auteurs \
Caecilianus n'en restait pas moins, pour tous les chrétiens
d'outre-mer, l'évêque légitime de Carthage et le chef de l'Église
d'Afrique. Fort de cet appui et de la protection impériale, il
tenait tête aux dissidents. Un instant même, les dissensions de
ses adversaires parurent compromettre sérieusement leur cause.
Un grand scandale éclata, en 320, dans le camp donatiste. Un
certain Xundinarius, diacre de l'Église schismatique de Cons-
tantine, était en querelle avec son évêque Silvanus. Frappé par
celui-ci, résolut de se venger. Il accusa Silvanus d'avoir fai-
il

bli dans la persécution de Dioclétien, et fit tant de bruit qu'il


obtint une enquête administrative. Le procès eut lieu à Thamu-
gadi, devant Zenophilus, gouverneur de Numidie. A l'audience
du 8 décembre 320, Xundinarius produisit contre Silvanus
des charges accablantes le procès-verbal de sa chute lors des
:

saisies dans l'église de Cirta en 303, des lettres d'évêques nu-


mides qui avaient cherché h étouffer l'affaire, des témoignages
multiples et irrécusables Bref, Silvanus fut reconnu coupable.
6
.

1) Optât, I!!, 4; Augustin, Epist. 108, memoria prorogatur » [ibid., 8).

6, 18: 185, 4, 15; Contra Cresconhtm, 3) Passio Donali, 1-:!: 5 14. ;

III, 42, 46: Brevic. Collât., III, 11, 21- 4) Acla Saturnini, 16-20 Baluze.

22; Ad Donalistas post Collai., r,, 22. 5) Cod. Theod., IX, 34, 1-3.

2)
.

i;, •
ssl Cae- •',) Gesta apud Zenophilum, dans
giliano Eudinepiso tune in tanle,... Diabolo VAppendix d'Optat, n. 1, p. ix:>-i97

tamen omnium istorum consiliator Ziwsa. - Cf. Optât, l, 11; Augustin,


tente t Passio Donati, 2): —
« perse- Epist. 43,6, 17 ; 53, 2, Catholicos
'.
; Ad
cutionis etiam Caecilianensis usque in finem Epistula contra Donalistas, 18, 46;
AVANT SAINT AUGUSTIN 29

Il n'en persista pas moins dans son attitude hautaine, manqua

d'égards envers les magistrats romains, et fut bientôt frappé


d'une sentence d'exil '. La même enquête avait révélé les étranges
marchandages qui avaient présidé à la naissance du Donatisme,
en préparant au concile de 312 la déposition de Caecilianus et
Majorinus
l'élection de C'était un coup droit porté à l'Église
2
.

schismatique, dont Silvanus était l'un des chefs, et dont les pré-
tentions à la sainteté recevaient une cruelle atteinte.
La persécution durait depuis près de cinq ans plus ou moins :

vive selon le moment ou le pays, mais toujours menaçante et


légale. Beaucoup de schismatiques avaient succombé dans les
bagarres; d'autres avaient été exilés, ou condamnés à mort 3
.

Le dévouement des adeptes du Donatisme en était ébranlé en


maint endroit. Les chefs se résignèrent à demander grâce. Au
début de l'année 321, ils adressèrent une supplique à Constan-
4
tin L'empereur, de son côté, commençait à désespérer de
.

rétablir l'unité il répugnait à continuer, sans résultat appa-


;

rent, une œuvre de violence. De cette lassitude mutuelle allait


sortir une paix relative, au moins une trêve. Le 5 mai 321,
Constantin promulgua un édit de tolérance, qu'il notifia au vi-
3
caire d'Afrique Verinus Le ton était très dédaigneux, injurieux
.

même pour les intéressés, puisque l'empereur s'en remettait à


Dieu du soin de châtier leur folie. Mais cet édit n'en allait pas
moins permettre aux schismatiques de respirer il autorisait les :

exilés à rentrer chez eux, suspendait les poursuites, il consa-


il

crait implicitement le statu quo. Les Donatistes gardèrent les


basiliques dont on n'avait pu les déposséder, ou qu'ils avaient
construites de leurs deniers. L'Église schismatique prouvait son
droit à l'existence en vivant. :

Désormais, et jusqu'à la fin de son règne, Constantin mon-


trera une sorte de répugnance à se mêler des affaires de l'Afrique
chrétienne. Il comprenait mal les querelles des /africains il les ;

jugeait absurdes, et ne s'y intéressait pas. 11 n'intervenait qu'à


contre-cœur, et mollement, dans le seul espoir de rétablir un
peu d'ordre clans la contrée D'où les hésitations et les contradic-
tions de sa politique. Vers 322, peu après son édit de tolérance,

Contra Cresconium, 111, 28, 32; 29, 33; 4) Collât. Carthag., 111, 544-547; Au-
IV, 56, 66. gustin, Brevic. Collai., 111, 21, 39; Ad
1) Augustin, Contra Cresconium, III, Donalistas post Collât., 31, 54; Epist.
30, 34. 141, 9.
2) Gesta apud Znnophilum, p. 189 et 5) Collât. Carthag., III, 549-550 ; Au-
194-196 Ziwsa. gustin, Epist. 141, 9; Brevic. Collai.,
3) Passio Donati, 5; Augustin, Contra 111,22, 40 24, 42; Ad Donatistas post
;

Epistu/am Parmeniani, I, 8, 13. Collât., 31, 54; 33, 56.


30 l'église DONATISTE

il écrivait aux évoques catholiques pour leur recommander la


modération c'était recommander à la bergerie de ménager
'
:

le loup. En 323, il songeait à envoyer en Afrique une mission


d' évêques orientaux, étrangers aux controverses locales, et
chargés d'une nouvelle tentative de conciliation mais les ;

événements d'Orient, les progrès de l'Arianisme l'empêchaient


de donner suite à cette idée En 326, il spécifiait que les pri- 2
.

vilèges accordés au clergé catholique devaient être refusés aux


schismatiques mais ceux-ci trouvaient le moyen de tourner la
3
;

loi, et parfois de se réserver à eux seuls les privilèges *. Quand

il apprenait ces insolentes usurpations, l'empereur, découragé,


Il se résigna même à enregistrer les
5
se contentait d'en rire .

conquêtes des Donatistes, sauf à proposer aux Catholiques une


compensation
fi

Naturellement, le Donatisme profita de cette politique d'ater-


moiements et de ménagements. Les communautés schisma-
tiques se multiplièrent avec une incroyable rapidité. Vers 336,
un concile réunit à Garthage deux cent soixante-dix évêques
donatistes. Pour faciliter encore la propagande, ce concile-
décida que les Eglises dissidentes pourraient accueillir, sans
7
les rebaptiser, les Catholiques convertis En Numidie, les .

Donatistes se sentaient si bien les maîtres, qu'ils ne se gênaient


pas pour empiéter sur les droits de leurs adversaires. Ils s'em-
paraient delà basilique de Constantine au mépris des consti- ;

tutions impériales, ils soumettaient les clercs catholiques, du


moins les clercs de rang inférieur, aux charges de la curie 8 Bon .

gré malgré. Constantin dut intervenir; mais son intervention


n'eut d'autre effet que d'encourager l'audace des sectaires. Par
une constitution datée du 5 février 330, l'empereur ordonna au
gouverneur de Numidie d'assurer partout, à tous les clercs catho-
liques, les immunités garanties par les lois antérieures .

Mais il céda sur la question de la basilique dans la crainte de :

nouvelles violences, il laissa l'église aux schisinatiques, tout en


promettant à leurs adversaires de leur faire construire une
autre église aux frais du trésor public. Dans la lettre où il avi-
sait les évêques catholiques de sa décision et des instructions
données en conséquence au gouverneur, il cherchait à se lviirc

i) Appendix d'Optat, n. 9, p. 212 Ziwsa; Cod. Theod., XVI, 2, 1.


Ziwsa. S) Eusèbe, Vita Constantin}, I, -l'i.

2) Constantin, Epislula ad Alexan- 6) Appendix d'Optat, n. 10, p. 215.

drum ep et Irium presbyterum 7) Augustin, Epis t. 93, 10, 43.


— Eusèbe, Vita Constantini, II, 66-68. 8) Appendix d'Optat, n. 10, p. 215.

3) Cod. Theod., XVI, 5, 1. 9) Cod. Theod. , XVI, 2, 7.

4) Appendix d'Optat, u. 10, p. 215


AVANT SAINT AUGUSTIN 31

pardonner sa capitulation en prodiguant les consolations \


A ces concessions de l'empereur, les Donatistes répondaient
par la violence et par l'émeute. Parfois, les deux partis en
venaient aux mains. Vers ce temps-là, dans une petite ville de
Maurétanie, on élevait une chapelle en l'honneur de martyrs
qui avaient succombé le 21 octobre 329, probablement dans une
2
bataille entre Catholiques et Donatistes La guerre de pam- .

phlets continuait, comme l'attestent deux constitutions impé-


riales : Tune de Constantin, en 328
l'autre de Constance,
3
;

adressée a Aux Africains », en 338 Aux pamphlets, à


4
.

l'émeute, s'ajoutait la controverse Donat de Carthage, vers :

336, publiait sa célèbre Lettre sur le baptême, que devait plus


5
tard réfuter Augustin .

La situation s'aggrava vers le temps de la mort de Constan-


tin. En 336 ou 337, Gregorius, préfet du prétoire d'Italie, inter-
vint en Afrique, où peut-être il se rendit lui-même il semble ;

avoir pris des mesures rigoureuses, mais peu efficaces, contre


les schismatiques. Il dut vite regretter son imprudence. Donat
lui écrivit une
lettre d'injures. Le préfet, qui connaissait son
homme ne manquait pas d'esprit, ne crut pas devoir se
et qui
fâcher au terrible primat, il répondit, nous dit-on, avec une
:

modération et une onction tout épiscopales\ L'audace des


dissidents ne connut plus de bornes. Des bandes de Circoncel-
lions terrorisaient la Numidie et soulevaient les indigènes, tou-
jours prêts à piller le pays romain pour la gloire du vrai Dieu
et la défense de l'Église persécutée. Deux des chefs de cette
jacquerie, Axido et Fasir, se firent alors
une sinistre réputation.
Comme plus tard les ingénieux brigands de Grèce ou de Sicile,
ils avaient la délicatesse d'avertir à l'avance leurs futures
victimes, en leur offrant de se racheter ils envoyaient aux :

propriétaires des lettres de menaces, et l'on savait que ces avis


1
n'étaient pas de vaines paroles . Parfois, quand les ennemis
manquaient, ils se résignaient à frapper leurs amis : c'est cette
héroïque résignation qui allait les perdre.
Les Circoncellions firent si bien qu'ils effrayèrent jusqu'aux
chefs de l'Église schismatique. V' ers 340, des évêques donatistes
de iNumidie, probablement assemblés pour un concile, écri-
virent à Taurinus, comte d'Afrique, pour lui demander son
appui contre leurs dangereux alliés. On envoya des troupes;

1) Constantin, Epistula ad episcopos 4) Ibid., IX, 34, 5.


Namidas, p. 213-216 Ziwsa. 5) Augustin, Retract., I, 20.
2) C. 1. L., VIII , 21511. 6) Optai, III, 3.
3) Cod. Theod., IX, 34, 4. 7) Optât, III, 4.
32 l'église donatfste

les Circoncellions osèrent tenir tête à l'armée régulière. Une


bataille s'engagea près du bourg- d'Octava elle se termina par ;

la déroute et un grand massacre des insurgés. Les évêques des


deux partis s'accordaient à considérer les victimes comme des
malfaiteurs justement punis un concile donatiste de Numidie ;

interdit de les ensevelir dans les basiliques. .Mais, pour la foule


et les exaltés de l'Église schismatique, les Circoncellions mas-
sacrés par les soldats devinrent des martyrs longtemps après, ;

on encore honorer leurs reliques sur le champ de


allait
bataille, où l'emplacement des tombes était indiqué par des
tables blanches en forme d'autel \
Tout en condamnant en principe les violences de leurs alliés
compromettants, les chefs du Donatisme en profitaient. Ils pour-
suivaient leur propagande, et s'efforçaient même de l'étendre
jusqu'aux pays d'outre-mer. Dans les condamnations succes-
sives prononcées contre leur Eglise, le grand argument, tou-
jours reproduit, avait été leur schisme même, leur rupture avec
les chrétiens des autres provinces, ils ne désespérèrent pas de
prouver qu'ils représentaient en Afrique la véritable Eglise
catholique et qu'ils n'avaient pas rompu avec toutes les chré-
tientés lointaines. On leur objectait surtout que leurs adver-
saires étaient en communion avec l'Eglise apostolique de
Rome ils ripostèrent en fondant, eux aussi, une Église dans
:

la ville de saint Pierre.


C'est sans doute vers 320 que les Donatistes organisèrent leur
communauté de Rome, dirigée d'abord par des administrateurs
provisoires ou intérimaires (hilerventores)*, puis par une série
d'évêques Le premier de ces évêques fut Victor de Garbe*,
3
.

probablement l'évêque numide de ce nom qui figure en 305


dans le Protocole de Cirta 5 La persistance de cette commu- .

nauté schismatique à Home, pendant tout le iv siècle, est attes-


f
tée par une succession régulière d'évêques '; nous en connais-
sons sept, dont le dernier, un certain Félix, assistera en 411 à
la Conférence de Carthage Les Donalistes de Rome se peu .

nissaient, semble-t-il, aux environs de la ville, sur une mon-


tagne rocheuse qui dominait une plaine d'où les noms qu'on :

leur donnait, Montenses, Compenses, Campitae, Cutzupitae nu


Rupilac*. Ils devaient se contenter, au moins à l'origine, d'une

1) Optât, III, 1. conium, III, 27, 30.


2) Augustin, l>e unir,, baptismo, 16, 28. 6) Optât, II, 4.
optât, II, 4. 1) Collut. Carthag.,
I, 149; 157-161.
4) u l't Victor Garbensis hinc prior mit- 8) Optât, II,4; Augustin, Epist. 53, 1,
teretur » (Optât, II, 4). 1: Contra lilleras Peti/iani, II, 108,
5) Optai, I, 14; Augustin, Contra Créa- 247; Ad Catholicoa epistula contra Do-
AVANT SAINT AUGUSTIN 33

simple chapelle à moitié souterraine une caverne, suivant :

Optât Ils n'étaient pas nombreux, et ne réussirent presque


1
.

jamais à faire des prosélytes autour d'eux. La colonie donatisle


de Rome ne se composait guère que d'Africains établis dans la
capitale de l'Empire; son évoque était toujours un Africain,
ordonné en Afrique ou par des évèques d'Afrique*. Cette com-
munauté de sectaires n'eut, d'ailleurs, aucune importance dans
l'histoire du Donatisme la raison principale qu'elle avait eue
:

de naître et quelle avait de subsister, c'est qu'elle fournissait


un argumenta la polémique du parti.
Malgré leurs prétentions farouches à l'orthodoxie, les Dona-
tistes se laissèrent alors entraîner, dans l'ardeur de la lutte, à
quelques coquetteries avec les Ariens. Au milieu du iv" siècle,

l'Arianisme, fort de la protection de Constance triomphait dans


tout l'Orient et dans une partie de l'Occident il semblait appelé ;

à supplanter l'Eglise catholique. Le schisme africain et la


grande hérésie orientale furent tentés de s'unir contre l'ennemi
commun. Vers 343, le concile semi-arien de Sardique ou de
Philippopoli, qui venait d'excommunier le pape, adressa un
exemplaire de sa lettre synodale à Donat de Carthage. Cette
lettre, que nous possédons, ne contient rien de particulier à
l'Afrique'; mais l'envoi seul de ce document au chef d'une
Église schismatique équivalait à une proposition d'alliance.
Les Donatistes, sans oser s'engager franchement dans l'hérésie,
ne repoussèrent pas ces avances; ils se montrèrent même dis-
posés, d'abord, à quelques concessions. Deux ans plus tard,
vers 345, Donat de Carthage publia son livre Sur la Trinité ou
sur l'Esprit saint on y remarqua que sa doctrine se rappro-
:

chait singulièrement de celle des Ariens*. Au début du


v e siècle, on accusera encore d'autres Donatistes de ménager la
même hérésie'. Pourtant, la plupart des schismatiques afri-
cains sont restés fidèles à l'enseignement catholique sur la
Trinité les coquetteries intermittentes du Donatisme avec
:

l'Arianisme n'ont pas eu de suites graves, au moins pour la


doctrine.
D'ailleurs, dès 347, des réalités pressantes vinrentcouper court
aux fantaisies théologiques de Donat et aux velléités d'entente

natistûs, 3, G; De haeres., 69 ; Jérôme, 3) Mansi, Concil., t. 111, p. 126-140. —


Chron. ad ann. 355. Cf. Augustin, Episl. 44, 3, 6; Contra
1) « Speluneam quamdam » (Optât, II, Cresconium, III, 34, 38; IV, 44,52.
4). . i) Jérôme, De vir. III., 93.
2) Optât, II, 4; Augustin, Conlra litte- 5) Augustin, Enist. 185, 1 : Serm. 183.
ras Petiliani, II. 108, 247; Contra Cres- 5, 9
conium, III, 34 38; De haeres , 69.

IV 3
34 l'église donatiste

avec les chefs de l'hérésie orientale. Une fois de plus, l'exis-


tence môme de l'Église schismatique fut remise en question.
L'anarchie africaine, les brigandages périodiques des Circon-
cellions et de leurs alliés indigènes, l'audace des Donatistes, le
succès de leur propagande et leurs empiétements, peut-être
aussi leurs relations suspectes avec les Ariens, avaient fini par
inquiéter les représentants du pouvoir central. L'empereur
Constant, de qui dépendait alors l'Afrique, pensa pouvoir réus-
sir là où avait échoué son père; il se crut assez fort ou assez
habile pour rétablir la paix, et résolut de supprimer le schisme
africain.
essaya d'abord de la douceur; c'est-à-dire, suivant les Dona-
il

tistes,delà corruption. Il envoya en Afrique deux commissaires,


Paulus et Macarius, chargés de préparer l'union des deux
Églises, de ramener les sectaires, s'il se pouvait, par la persua-
sion, de distribuer des secours aux communautés, et probable-
ment, aussi, des cadeaux aux chefs influents du parti Ce Maca- 1
.

rius et ce Paulus sont célèbres dans l'histoire du temps ce sont ;

les fameux « artisans de l'unité » [operarii unitatis), si souvent


accusés, honnis, calomniés et maudits par des générations de
Donatistes 2 Ces distributeurs d'aumônes avaient sans doute
.

reçu d'autres instructions, tenues secrètes ils devaient réussir :

à tout prix, par tous les moyens, au besoin par la force, avec
l'appui des autorités locales et des troupes. Comme l'exigeait le
protocole, ils se présentèrent d'abord au chef de l'Église schis-
matique, fougueux primat de Carthage. Donat les accueillit
le
fort mal. fit une réponse très
11 leur hautaine, qu'ils durent
juger impertinente, et qui se résumait en cette formule mena-
çante « Qu'a de commun l'empereur avec l'Eglise? » 11 ne s'en
:

tint pas là. Il adressa à toutes les communautés schisinatiques


une lettre circulaire, où il leur interdisait formellement d'ac-
cepter aucun secours C'était déjouer le plan des commissaires
3
. :

personne, dans le camp donatiste, n'eût osé désobéir à Douai,


chef souverain et vigilant du parti, très écouté et très redouté
de tous. Paulus et Macarius s'aperçurent vite qu'ils n'arrive
raient à rien, s'ils n'étaient nettement autorisés à employer les
grands moyens. Ils durent en référer à l'empereur, à qui Donat,

i, Qui e polcsl rem, cui tota niebant Paulus >{ Macarius, qui pauperes
Carthago principaliter lotis est, tmpcra- ubique dispungerenl el ad unitatcm singu-
Lorem Constante m Paulum et Macarium los hortarenlur » (Optât, III, 3-4 ,

primitus non ad faciendam unitatem mi- 2) Optât, i, 6-7; III, 1 et 4'-6; III, 9-
sisse, sed cum eleemosynis, quibus subie- 10; etc.
vata per Ecclesias singulas posset respirare, 3] Optât, lll, 3.
restiri, pasci, gauderc pauperlas?... Ve-
AVANT SAINT AUGUSTIN 35

de son côté, écrivait une lettre d'injures Vers le milieu de 1


.

l'année 347, Constant se décida à promulguer un édit d'union,


ordonnant la fusion des deux Églises rivales, c'est-à-dire la dis-
solution de toutes les communautés schismatiques, et l'attribu-
tion aux Catholiques de toutes les basiliques et autres biens 2 .

En lançant cet édit « d'union » ou « d'unité », comme on l'ap-


pela, Constant n'innovait pas il remettait simplement en
:

vigueur la loi de Constantin, celle de 316, qui n'avait jamais


été formellement abrogée, mais dont l'application avait été
suspendue par l'édit de tolérance de 321 \ Depuis trente ans,
le Donatisme n'était que toléré, il n'avait pas d'existence légale;
d'ailleurs, il n'en aVait pas moins prospéré. Toute la question
était donc de savoir si le gouvernement central et ses repré-
sentants en Afrique reculeraient ou non devant la difficulté de
faire appliquer le nouvel édit. Cette fois, les circonstances
aidant, l'empereur et ses agents purent aller jusqu'au bout.
Dans la partie orientale de l'Afrique latine, en Proconsulaire,
en Byzacène, en Tripolitaine, l'union s'accomplit sans trop de
4
résistance Les schismatiques y étaient relativement moins
.

nombreux; ils n'y formaient pas de groupes compacts, et ne


pouvaient compter sur des soulèvements d indigènes; peut-être
aussi avaient-ils perdu un peu de leur énergie farouche, pendant
ces trente années de paix et de prospérité. Nul doute que ces
régions aient été profondément troublées par l'arrivée des com-
missaires impériaux, que bien des fanatiques aient préféré l'exil
5
à la soumission et se soient enfuis avec leurs évêques mais, ;

ni dans l'intérieur de la Proconsulaire, ni en Byzacène, on


n'avait conservé le souvenir de luttes violentes. A Carthage, où
veillait Donat, la résistance fut assurément plus vive; mais elle
y rencontrait plus d'obstacles, et nous n'y connaissons que deux
victimes. Le 15 août 347, on y affichait un édit proconsulaire,
relatif à l'union des Églises, probablement aux mesures prises
par le proconsul, d'accord avec les commissaires, pour assurer
l'exécution de l'édit impérial 6 Un certain Maximianus ne put
.

contenir son indignation, et lacéra l'affiche. Il fut arrêté par


ordre du gouverneur, et mis à la torture \ Un autre Donatiste,
nommé Isaac, qui assistait à la scène, injuria les Catholiques ;

1) Optât, III, 3. 3) Cf. Cod. Theod., XVI, 6, 2.


2) Passio Marculi, p. 161 Migne; Pas- 4) « In Provincia Proconsulari tune nul-
sio Maximiani et Isaac, p. 768-769 lus armalum militera vitlit » (Optât, III, 4).

Migne ; Concil. Carthag. ann. 348, Exord.; 5) Optât, III, 1.


Optât, III, 1 et 3; Augustin, Psalmus con- 6) Passio Maximiani et Isaac, p. 768
ira partem Donati, 145; Epis t. 105, 2, Migne.
9. 7) Ibid., p. 769.
36 l'église donatiste

il eut le même sort 1


. Les deux fanatiques furent ensuite con-
damnés à l'exil. Isaac mourut en prison, le 15 août*. Poussé,
dit-on, par les Catholiques, le proconsul aurait fait jeter à la
mer le mort et le vivant 3 Mais la mer était complice des Dona-
.

tistes de Cartilage; ses flots ramenèrent au rivage les corps de


leurs deux martyrs '.
En Numidie, ledit de Constant déchaîna une véritable guerre
religieuse. Là, dans la région de Thamugadi, de Theveste, de
Bagaï, était le centre du Donatisme, devenu comme une reli-
gion nationale. Les communautés schismatiques y étaient plus
nombreuses et plus puissantes que les communautés catholiques;
elles pouvaient compter sur l'appui des foules, des paysans,
même des indigènes; elles avaient conservé la foi robuste et
l'intransigeance des premiers temps. Les commissaires impé-
riaux, dans ces contrées, se heurtèrent partout à l'hostilité des
populations. Des légendes se formèrent autour d'eux le bruit :

se répandit qu'ils prétendaient imposer aux fidèles l'adoration


d'une image, placée sur l'autel 5 La crédulité populaire, la .

crainte de pactiser avec l'idolâtrie, affermit les esprits dans


l'idée de la résistance ou de la fuite. A l'approche de Macarius
et de Paulus, les villes et les bourgades devenaient désertes :

la plupart des schismatiques s'en allaient au hasard, avec leur


évêque et leurs prêtres 6 A Bagaï, on organisa la défense. L'évê-
.

que Donat, un fanatique résolu à tout, fît appel aux Circoncel-


lions. 11 rédigea une proclamation, qu'on criait dans les bourgs
et les marchés de la région, pour exhorter tous les vrais chré-
tiens à sauver leur Eglise. Il fortifia sa ville, transforma sa
basilique en grenier, y entassa des approvisionnements pour
ses troupes de rencontre. En apprenant ces préparatifs de guerre,
les commissaires impériaux n'hésitèrent pas à requérir l'appui
de Silvester, comte d'Afrique. Comme au temps du comte Tau-
rinus, une armée marcha contre les Circoncellions, commandés
cette fois par un évoque. Une avant-garde, qui se montra aux
environs de Bagaï, fut maltraitée par un groupe de partisans
donatistes. Les officiers romains ne purent retenir leurs troupes,
qui se précipitèrent sur la ville, remportèrent une victoire facile,
et massacrèrent tout \ Donat de Bagaï péril dans la bagarre,
ou fut tué peu après on l'honora comme un martyr \
;

1) Passio Maximiani et Isaac, p.


~><
G) Ibid., III, 1.
770. 7) Ibid., III, 4.

2) UAd., p. 770. 8) Optât, III, 0; Augustin, Contra litte-


3j ////</., p. 772-773. ras Petiliani, II, 20, 46; lu Johannis
4) Ibid., p. 773-771. Evangelium, XI, \:>.

5, Oplal, III, 12, VII, 6.


AVANT SAINT AUGUSTIN 37

Vers le même temps, se réunit en Numidie un concile dona-


tiste. L'assemblée décida d'envoyer à Macarius une députation
de dix évêques, chargés sans doute de protester contre les me-
sures de répression et d'aviser aux moyens de rétablir la paix 1
.

Mais l'ambassade tourna mal ces évêques étaient de singuliers


:

diplomates, et Macarius n'était pas patient. Les députés rencon-


trèrent le commissaire impérial à Vegesela, au Nord del'Aurès,
entre Theveste et Mascula. Avant de lui exposer l'objet de leur
mission, ils crurent nécessaire de l'injurier. Ils parlèrent avec
tant d'insolence, que Macarius ne put contenir sa colère il or- :

5
donna de les attacher à des colonnes et de les bâtonner La .

vue de ces ambassadeurs, de ces évêques, fustigés publiquement


comme des malfaiteurs, dut soulever la population schismatique
de l'endroit. D'où probablement des bagarres, où succombèrent
de nouvelles victimes là périt sans doute le martyr Felicianus,
:

dont on a retrouvé le reliquaire, et qui, d'après l'inscription,


3
paraît avoir été tué à Vegesela, le 29 juin Macarius remit en .

liberté neuf des évêques envoyés par le concile; mais il retint


prisonnier le dixième, qui s'était signalé par son insolence, un
certain Marculus \ Il le traîna à sa suite dans plusieurs villes
de Numidie, où il achevait par la terreur sa mission de paix.
Enfin, le 24 novembre, l'évêque Marculus fut précipité, ou,
suivant les Catholiques, se précipita du haut d'un rocher, près
5
de NovaPetra C'est là qu'on montrait plus tard le tombeau
.

du martyr, devenu pour les schismatiquesun lieu de pèlerinage


très populaire et très fréquenté \
Force restait à la loi. L'édit de Constant avait soulevé une
partie des populations africaines on a vu ce que fut la répres-
:

sion, à Carthage et en Numidie. La plupart des évêques et des


clercs donatistes étaient en fuite, avec beaucoup de leurs fidè-
les 7 on avait livré de vraies batailles, on avait fait des mar-
;

tyrs. Les « artisans de l'unité » laissèrent en Afrique une répu-


tation de sinistres bourreaux les Catholiques eux-mêmes étaient
;

assez embarrassés pour défendre leur mémoire. On en voulait


surtout à Macarius, qui s'était montré le plus intraitable et le
plus impitoyable. Dans la bouche des dissidents, son nom devint
la suprême injure; ses cruautés furent l'un des grands argu-
ments des polémistes du parti, qui n'oublièrent jamais les temps

1) Passio Marcidi, p. 761 Migne. 5) Ibid., p. 762-765. — Cf. Optât, III,

2) Ibid., p. 761. 6; Augustin, Contra litleras Petiliani,


3) Gsell, Bull. arch. du Comité des 11,20, 46; Contra Cresconium, 111,49,
travaux historiques, 1899, p. 455; Atlas 54; In Johannis Evangelium, XI, la.
arch. de l'Algérie, feuille 28, n. 171. 6) Collât. Garthag., I, 187.
4) Passio Marculi, p. 762 Migne. 7) Optât, III, 1.
3& l'église donatiste

de Macarius (Macariana tempora)\ la persécution de Macarius


(Macariana persecittio) -, et pour qui les Catholiques, complices
du bourreau, devinrent les MacarionP le parti de Macarius ,

(pars Macarii) \ l'Eglise de Macarius (Macariana Ecclesia) \


Pour compléter l'œuvre d'union et de répression, on exila hors
d'Afrique Donat de Carthage et les principaux évêques schisma-
tiques, au moins ceux qu'on put saisir; on confisqua les basi-
liques au profit des Catholiques; on acheva partout la fusion des
communautés rivales Les commissaires et les gouverneurs
6
.

purent annoncer à l'empereur que la paix et l'unité régnaient


en Afrique.
C'était un triomphe éclatant pour les Catholiques du pays. Ils
fermèrent les yeux sur les moyens employés, pour ne considé-
rer que le résultat après trente-cinq ans de luttes, de querel-
:

les et de souffrances, les dissidents étaient vaincus, le schisme


anéanti, l'unité rétablie dans l'Afrique chrétienne. Les évêques
catholiques de la contrée ne se contentèrent pas de célébrer
leur victoire; ils surent en profiter, et semblent même n'en
avoir pas trop abusé. Laissant au pouvoir civil et militaire la
responsabilité des violences, voyant leurs adversaires en exil
ou réduits à l'impuissance, ils se préoccupèrent surtout de réor-
ganiser leurs communautés. Ce fut l'œuvre de synodes régio-
naux qui siégèrent dans toutes les provinces africaines puis '
,

d'un concile général tenu à Carthage, en 348, sous la prési-


dence de Gratus, évêque de Carthage et chef suprême de l'Eglise
africaine. Gratus ouvrit ce concile par un discours solennel, à
la fois enthousiaste et habile, relativement modéré, où il sut

entonner le chant de triomphe, rendre grâces à Dieu et à


l'empereur, louer l'édit d'union, approuver l'œuvre de Macarius
et de Paulus, se féliciter du retour à l'unité, sans pousser à
bout les schismatiques de la veille, en recommandant même
aux vainqueurs de ne pas abuser de leur succès 8 Le concile .

votadivers canonsdisciplinaires, dont deux visaient directement


le honatisme. Il condamna la pratique du second baptême, en

décidant qu'on réconcilierait les ralliés par la simple imposi-


9
tion des mains Il réglementa
. aussi le culte des martyrs,
qu'avaient souvent dénaturé les pratiques et les prétentions des

1) Augustin, Epist. 44, 2, 4; 44, 3, 5; liant, II, 39, 92 et 94; 46, 108.

Enarr. in Psalm. 10, 5. 5) Augustin, Epist. 49, 3.


2) Passio Marculi, p. 761 Migne; Au- 6) Optât, il, 15; III, 1 <:t '..

M, Epis t. Il, 3, 5. 7) Concil. Cartkag. anu. 348, Exord.


3) Augustin, Epist. 87, 10; Contra lit- et eau. 2-3.
teras Peliliani, II, 92, 208. 8) Ibid., Exord.
4) Augustin, l'unira litteras Peli- 9) lbid., 1.
AVANT SAINT AUGUSTIN 39

schismatiques; mais, en s'efïorçant de prévenir les abus, il se


garda de porter atteinte au principe, etles saints dûment auto-
risés n'y perdirent rien '.
Pendant quinze ans, de 348 à 362, l'Église d'Afrique, officiel-
lement unifiée, jouit d'une paix relative. De cet âge de paix, qui
à distance, et par contraste, lui semblait digne du Paradis,
Optât de Milev trace un tableau presque idyllique « Les peuples :

d'Afrique, disait-il plus tard aux Donatistes, les peuples d'A-


frique et les Orientaux et tous les autres chrétiens d'outre-mer
étaient unis dans la paix de l'unité; dans l'unité elle-même,
par l'harmonie de tous ses membres, s'était reconstitué le corps
de l'Église. D'où la douleur du Diable, qui se tourmente tou-
jours de voir les frères en paix. En ce temps-là, sous un empe-
reur chrétien, le Diable était délaissé; comme enfermé dans
les idoles, il se cachait dans les temples. En ce même temps,
vos chefs et vos principaux évêques étaient en exil, comme ils
l'avaient mérité. Dans l'Eglise, il n'y avait aucun schisme; et
il n'était pas permis aux païens de pratiquer leurs sacrilèges.

La paix, aimée de Dieu, habitait chez tous les peuples chrétiens.


Le Diable s'affligeait dans les temples; et vous, dans des pays
étrangers »\ Malheureusement, la vérité historique ajoute
quelques ombres au tableau d'Optat.
Sans doute, l'Église catholique profita largement de la
déroute des schismatiques, et fit de grands progrès dans la con-
trée. En divers endroits, elle fonda de nouvelles communau-
tés. Ce fut le cas à Carpi; un certain Veratianus, évoque dona-
tiste de cette ville, disait à la Conférence de 411 « Je suis le :

successeur de Faustinianus, qui avait été ordonné par Donat


dans l'unité de la vérité. Mais plus tard, aux temps de Maca-
rius, les traditeurs se sont montrés chez nous »
3
De plus, nous .

savons qu'un certain nombre d'évêques schismatiques s'étaient


ralliés après l'édit d'union; plusieurs d'entre eux assistaient, en
348, au concile de Gratus. Mais la paix apparente cachait de
sourdes rancunes, et fut mainte fois troublée par des incidents
assez graves. Ces anciens schismatiques, ralliés à l'Église
catholique, conservaient leur titre et leurs fonctions la plupart ;

n'attendaient qu'une occasion de jeter le masque. Dans beau-


coup de villes, ils partageaient les paroisses et les fidèles avec
l'ancien évêque catholique, devenu leur collègue, mais resté
leur rival. C'était la source de sérieuses difficultés. Au concile
de 348, Antigonus, évêque de Madauros, se plaignit amère-
1) Concil. Carlhag. ann. 348, can. 2. 3) Collât. Carlhag., I, 187.
2) Optât, II, 15.
40 i/ÉuLisr-; donatiste

ment des empiétements de son confrère Optantius « Quand il :

est venu me trouver, dit Antigonus, il a conclu avec moi un


pacte, et nous avons partagé les fidèles. Nos conventions
écrites sont là, et nos contrats. En dépit de ce pacte, il ose cir-
convenir les fidèles qui m'ont été attribués; il m'enlève mon
troupeau; si bien qu'on l'appelle, lui, le père, et, moi, le beau-
père*. Quand les Catholiques fondèrent leur communauté de
))

Carpi, ils durent être assez mal accueillis quelques années plus ;

2
tard, on massacra dans cette ville plusieurs de leurs diacres .

Les partisans de Donat n'avaient pas abandonné tout espoir


d'une revanche. Une constitution de l'empereur Constance,
datée de 355, prouve que la campagne de pamphlets conti-
3
nuait On célébrait la mémoire des martyrs du temps deMaca-
.

rius en ces années là fut rédigée la Passio Marculi, toute


;

vibrante de cris haineux contre les « artisans de l'unité » et


leurs complices'. Les Donatistes n'avaient même pas renoncé à
la polémique proprement dite: c'est pendant cette période de
paix apparente que l'un des leurs, Vitellius Afer, écrivit ses
ouvrages contre les Catholiques, où il protestait contre les
5
récentes persécutions Enfin, dans leur exil, les chefs du parti
.

vaincu réservaient l'avenir quand Donat le Grand mourut vers


:

355, on élut à sa place Parmenianus comme évêque de Carthage


et primat donatiste Donc, le feu couvait sous la cendre il suf-
. :

fisait d'une saute de vent pour rallumer l'incendie.


On s'en aperçut à l'avènement de l'empereur Julien. En
quelques mois, l'on vit renaître et partout se reconstituer
l'Église schismatique, aussi puissante et plus menaçante que
jamais. Tout en restaurant le polythéisme et en rouvrant les
temples, le nouvel empereur menait une campagne habile et
perfide contre le christianisme non seulement il enlevait ses
:

privilèges au clergé catholique, mais, sous prétexte de tolé-


rance, il déchaînait partout la guerre religieuse en rappelant
1rs bannis, en proclamant la liberté de toutes les sectes, en

accordant toute licence aux hérésies 7 Les Donatistes saisirent .

l'occasion. Plusieurs de leurs évêques, notamment Pontius,


Rogatianus et Cassianus, adressèrent des requêtes à l'empereur
et firent auprès de lui des démarches pressantes, en invoquant

1) Concil. Carl/wr/. ami. 348, can. 12. 46, 8, 17.


2] Optât, II, 18. 7) Optât, II, 16-17; Augustin, Confess.,
3) Cod. Theod., IX, 34, 6. Mil, 5, 10; Julien, Epist. 31 et 42; Am-
4) Passio Marculi, y. 700-761 Mignc. mien Mareellin, \\ll, ï>; Ruliu, Hist.
Gennadius, lie vir. ill., 4. Ecc/es., I, 27; Hist. aceph., 7; Cod.
6) Jérôme, Chron ad ann. 355; U|>lat, Thçod., Mil, 5, 12: X, 3, I; XII, 1, 50;
III, 3; Augustin, Retract., Il, 13; s>rm. XIII, 3, 5.
AVANT SAINT AUGUSTIN 41

le droit commun, pour obtenir l'assimilation du Donatisme aux


sectes proprement dites, c'est-à-dire l'annulation de l'édit de
Constant, rappel des exilés africains, la restitution des basi-
le
un rescrit solennel, probablement
liques, le droit de vivre'. Par
au début de l'année 362, Julien accorda aux Donatistes tout ce
qu'ils demandaient liberté du culte, rappel des bannis, resti-
:

tution des biens". Avec la résurrection du schisme, c'était


décréter la guerre religieuse.
Dans tous les cercles d'exilés, ef dans bien des villes ou des

bourgs d'Afrique, de bruyantes manifestations de joie accueil-


lirent le rescrit de l'empereur. Parmenianus, désigné depuis
longtemps comme successeur de Donat, partit aussitôt pour
Carthage, et prit la direction effective du parti; à sa suite, tous
les bannis débarquèrent en Afrique, empressés à reconstituer
leurs communautés comme à assouvir leurs longues rancunes
3
.

Quatre ans plus tard, s'adressant à Parmenianus lui-même,


Optât de Milev peignait en traits énergiques le retour des sec-
taires « Votre fureur revient en Afrique, presque au moment
:

où le Diable sort de ses prisons. Et vous ne rougissez pas, vous


qui avez avec l'Ennemi le souvenir de joies communes Vous !

êtes venus pleins de rage, vous êtes venus irrités, déchirant


les membres de l'Eglise; subtils dans la séduction, effrayants
dans le massacre, provoquant à la guerre les fils de la paix.
Vous avez chassé de leurs sièges beaucoup d'évêques. Avec des
troupes de mercenaires, vous avez envahi les basiliques. Beau-
coup parmi les vôtres, en bien des lieux qu'il serait trop long
de nommer, ont fait œuvre de sang dans des massacres si atroces,
que les gouverneurs de ce temps ont dû envoyer des rapports
sur de tels forfaits »*.
Un vent de folie et de schisme passa sur l'Afrique. Autour
des bannis de la veille, qu'entourait l'auréole d'un demi-mar-
tyre, on vit se grouper non seulement tous les intransigeants
du parti, ceux qui n'avaient jamais capitulé, mais les fidèles
d'autrefois, les ralliés du temps de iMacarius, et aussi tous les
mécontents, les Circoncellions et autres aventuriers. Partout se
reconstituèrent les communautés schismatiques. Les bourses
mêmes se délièrent nous savons qu'à Hippone, vers ce temps-
:

1) Optât, II, 16; III, 3; Augustin, Con- 37.


tra litteras Petiliani, 11, 97, 224; Epist. 3i 15-19; III, 3; VI, 7; Au-
Optât, H,
93,4,12:105,2,9. guslin, Centra epislulam Parmeniani,
2) Optât, 11, 16; Augustin, Contra lit- I, 12, 19; Contra litteras Petiliani, II,
teras Petiliani, II, 83, 184; 97, 224; 92,203.
Epist. 105, 2, 9; Cod Theod., XVI, 5,
, 4) Optât, II, 17.
42 l'église donatiste

démode chez les Donatistes de léguer à l'Église locale


là, il était
des propriétés et des maisons Mais on se préoccupa surtout1
.

de faire rendre gorge au clergé catholique, l'ennemi tradition-


nel, bénéficiaire de l'édit de Constant, détenteur des basiliques
et autres biens. Dans l'âpreté des revendications, la rancune et
la haine allaient se donner carrière.
Les gens raisonnables —
il y en avait même alors parmi les

Donatistes —
s'adressèrent aux tribunaux; forts du rescrit de
Julien, ils durent obtenir satisfaction 2 Mais les exaltés et les .

violents ne s'accommodaient pas des lenteurs de la procédure ;


ils trouvaient plus simple de se faire justice eux-mêmes. Des

bandes de fanatiques, que dirigeaient parfois des évêques, se


donnèrent pour mission de parcourir la contrée en expulsant
les usurpateurs. Pendant bien des mois, la Numidie et la Mau-
rétanie furent en proie aux barbares de la secte. On attaquait à
main armée les basiliques et les cimetières on dépossédait les ;

évêques catholiques, on massacrait leurs fidèles Pour effacer 3


.

toute trace de leur usurpation, on lavait les murs et le dallage


des églises, on raclait les autels de bois, on brisait les vases
sacrés
4
Quand on ne tuait pas les clercs catholiques, on les
.

humiliait par tous les moyens on leur rasait la tête, on les :

soumettait de force à la pénitence, puis à une nouvelle ordina-


tion
5
On arrachait leur mitre aux vierges sacrées, on leur
.

imposait des mortifications, un nouveau stage des évêques ;

scliismatiques se laissèrent entraîner aux pires violences contre


des religieuses \ A travers l'Afrique, une jacquerie sacerdotale
donna le hideux spectacle de la bête humaine déchaînée.
On pourrait croire à des exagérations de polémistes, si les
contemporains ne citaient des faits précis et des noms. A Carpi,
l'on égorgea des diacres catholiques A Tysedi ou Tiddi, un 7
.

évêque donatiste, souillé de crimes et de sacrilèges, joua une


sinistre comédie aux dépens de l'évêque Donatus, un vieillard
de soixante-dix ans, très honorable et très respecté jusque-là,
qui se vit infliger les humiliations et le ridicule d'une déposi-
8
tion solennelle Une bande d'énergumènes, commandée par
.

deux évoques, Félix de Zabi et lanuarius de Flumenpiscis,


arriva devant la basilique de Castellum Lemellefense, au Sud

1) Augustin, In Johannis Evangelium, 3) Optât, II, 11-19; VI, 1.


W, 25. 4) lbid., Il, -'1; M, 1-2 el 6.

2) Optât, III, 3; Augustin, Contra épis- 5) lbid., Il, 19 et 24.


tulam Parmeniani, I, 12, 19; Contra 6) lbid., H, 19; VI, 4.
/itteras Peliliani, II, 92, 203; Cod. 7) lbid., Il, 1s.

Theod., Wl, 5, 8) lbid , II, 19.


AVANT SAINT AUGUSTIN 43

Ouest de Sétif Les portes étant fermées, les murs solides et


.

l'église bien défendue, les Donatistes en firent le siège. Sur


l'ordre de leurs chefs, les plus lestes grimpèrent sur les toits
des bas-côtés, en arrachèrent les tuiles, et s'en servirent comme
de projectiles. Par les ouvertures des fenêtres de la grande
nef, on lapida les Catholiques réfugiés dans la basilique. Beau-
coup de fidèles furent grièvement blessés deux diacres, ;

Primuset Donatus, furent tués en défendant l'autel La ville 1


.

de Tipasa, en Maurétanie Césarienne, fut envahie par une


horde de Numides, que dirigeaient deux autres évêques, Urba-
nus de Forma et Félix d'Idicra. Avec la complicité de plusieurs
fonctionnaires, et même en présence d'Athenius, gouverneur
de la province 2 les Donatistes poussèrent les Catholiques hors
,

de l'église, blessèrent des hommes, violentèrent des femmes,


tuèrent des enfants. Les évêques firent jeter aux chiens l'eu-
charistie, et lancèrent par une fenêtre l'ampoule du saint
Chrême. Ces sacrilèges épiscopaux frappèrent tellement les
imaginations, qu'aussitôt naquirent des légendes les chiens, :

devenus subitement enragés, avaient déchiré leurs maîtres; la


main d'un ange avait soutenu l'ampoule, qui tomba sans se
briser sur les roches 3
.

Tous les gouverneurs romains ne ressemblaient pas à l'Athe-


nius de Césarienne. La plupart d'entre eux s'émurent de ces
scènes sauvages, et adressèrent des rapports au gouvernement
1
central sur les méfaits des schismatiques Mais ils n'osèrent .

ou ne purent réprimer ces désordres et ces émeutes liés sans :

doute par les instructions de l'empereur, qui n'avait pas prévu


toutes les conséquences de son rescrit, ils assistaient impuis-
sants aux manifestations tumultueuses et aux fantaisies san-
guinaires de la démagogie donatiste. Nul doute que beaucoup
des évêques du parti aient désapprouvé ces violences; on peut
l'affirmer pour le primat Parmenianus, qui composait alors son
grand ouvrage contre les Catholiques 3 mais qui n'était pas ,

homme à les traquer pour les convaincre. Cependant, les chefs


relativement modérés de l'Église schismatique ne désavouaient
pas nettement les crimes de toute sorte commis par leurs par-
tisans et, en fait, ils profitaient de ces crimes dans leur œuvre
;

de propagande. C'est ce qu'on vit bien dans le concile dona-


tiste qui se réunit alors à Theveste. Primosus, l'évêque catho-
lique de Castellum Lemellefense, adressa à cette assemblée une

1) Optai, II, 18. 3) Optât, H, 18-19.


2) « Athenio praeside praesenle cum si- 4) Ibid., Il, 17.
guis » (Optât, II, 18). 5) Ibid., I, 5-6.
44 l'église donatiste

protestation contre le sac de sa basilique etle meurtre de ses

diacres. Le concile se tira d'affaire par une échappatoire, en


déclarant que l'Église de Donat n'était pour rien dans ces
bagarres Il n'en était pas moins établi que des évoques du
1
.

parti avaient dirigé les bandes de fanatiques, qu'ils avaient


figuré au premier rang dans les drames sanglants de Lemellef
ou de Tipasa Qu'ils le voulussent ou non, tous les chefs du
2
.

Donatisme avaient leur part de responsabilité car ils avaient ;

tous contribué à déchaîner les passions populaires. Rien ne


peint mieux l'état des esprits que le mandement, original
dans sa sottise, et comique dans sa naïveté haineuse, d'un de
leurs confrères de Numidie Faustinus, évoque d'Hippone, :

interdit aux boulangers de son diocèse de cuire le pain des


Catholiques, même de leurs propriétaires. Or, les Catholiques
étaient alors peu nombreux à Hippone, qu'ils ne pouvaient
si

se passer du concours des artisans de l'autre Église l'évoque :

donatiste condamnait ses adversaires à mourir de faim 3


.

Malgré tout, les schismatiques ne purent abuser longtemps


de leur victoire. Après vingt mois de règne, l'empereur Julien
fut mortellement blessé en Orient, le 26 juin 363, dans une
bataille contre les Perses*. Aussitôt changea, en Afrique, la
situation réciproque des deux Églises. Nous ne savons si l'édit
de Julien fut expressément abrogé; mais les gouverneurs
romains reçurent d'autres instructions, et modifièrent leur
attitude. Les Donatistes furent de nouveau traités en suspects.
Ils eurent à soutenir des procès, sans doute relatifs à la resti-
tution des basiliques 5 Nous ne connaissons pas le détail des
.

mesures prises alors contre eux mais ils se plaignirent d'être ;

injustement poursuivis. Ils gardèrent une longue rancune au


comte Romanus, célèbre par ses exactions, qui commanda
l'armée d'Afrique de 363 à 1)1 '1, et qu'ils considéraient plus
tard comme un de leurs plus ardents persécuteurs". Dans de
vives polémiques, les deux Églises se reprochaient mutuelle-
ment leurs violences, celles du jour et celles de la veille. On
engageait une guerre de pamphlets, que l'empereur Valentinien
s'efforçait en vain d'arrêter en promulguant deux constitutions
De famosis Ithrll/s'- Macrobe, évêque donatiste de Rome, com-
.

posait vers ce temps-là la Passio Maximiani et lsaac, où l'éloge

1 Optât, II, 18. 5) Optât, III, .'f.

2) Ibid., II. 18-19. 6) Augustin, (unira HUeras Peliliani,


3) Augustin, Conlra Ht 1eras Peliliani, III, 25, 29 ; Collai. Carlhag III, 258. ,

II, 83, 184. Cf. Ammien Marcellin, XXVIII, 6.
'.) Immien Marcellin, XXV, 3. 7) Cod. Theod., i\. 34, 1-8.
AVANT SAINT AUGUSTIN 45

des martyrs de sa secte lui fournissait l'occasion d'âpres invec-


tives contre leurs bourreaux Enfin, vers 366, Optât de Milev,
1
.

dans un ouvrage resté célèbre, réfutait les traités de Parme-


2
nianus contre les Catholiques .

En 372, les Donatistes persécutés essayèrent encore de


prendre leur revanche, en profitant des troubles du pays, en
liant partie avec un grand chef indigène révolté contre Rome.
Firmus, fils de Nubel, appartenait à une famille princiôre de
Maurétanie, qui dominait la Kabylie occidentale, et dont on
retrouve la trace dans la région. Cette famille possédait le
château-fort de Petra, connu par Ammien Marcellin et par une
inscription métrique elle avait probablement pour tombeau
3
;

commun le vaste mausolée de Blad Guitoun, dont on voit les


restes près de Ménerville '. Poussé à bout par la politique
maladroite du comte Romanus, Firmus souleva les indigènes de
la contrée, gagna jusqu'à des fonctionnaires et des officiers
romains, puis se fit proclamer roi. Il envahit le littoral de la
Maurétanie Césarienne, s'empara d'Icosium, même de Caesarea,
5
capitale de la province, où il pilla le trésor public Il mit le .

siège devant Tipasa, où s'arrêta sa fortune. Après plusieurs


assauts inutiles, il imagina d'invoquer sainte Salsa, la patronne
de la ville, dont le sanctuaire était situé hors des murs. 11 entra
dans la chapelle; mais il s'aperçut bientôt, à plusieurs prodiges,
que la sainte restait inexorable. De dépit, il frappa d'un coup
de lance le tombeau de la martyre, et sortit en blasphémant.
Il fut puni de ce sacrilège dans le vestibule même, il fit une
:

chute inquiétante, et, le lendemain, il dut lever le siège de


G
Tipasa .

Par la mésaventure du barbare au tombeau de Salsa, on voit


que Firmus était chrétien, comme l'était d'ailleurs toute sa
famille. Mais il paraît avoir été affilié à l'Eglise qui dominait
alors dans cette partie de l'Afrique, c'est-à-dire à l'Eglise schis-
matique. En tout cas, il fut soutenu par les Donatistes, les
ménagea beaucoup, et les seconda par tous les moyens. Un
jour, il parut devant les murs d'une ville du littoral, proba-

1) Passio Maximiani et Isaac, p. "67 gérie, t. II, p. 412-417. — Cf. C. /. L.,

Migne VIII,9011; Gsell, Observations géogru-


2) Oplat, 1, 5-6. phiques sur la récolte de Firmus,
3) Ammien XXIX, 5, 11-12;
Marcellin, p. 7-9.
Gsell, C. de l'Acad. des Inscript.,
R. 5) Ammien Marcellin, XXVIII, 6, 26 ;

1901, p. 170; Observations géogra- XXIX, 5, 2 sqq. ;


Symmaque, Epist , 1,

phiques sur la révolte de Firmus, Cons- 64; Aurelius Victor, Epilom., 45, 7;
tantine, 1903, p. 2. Orose, VII, 33, 5.
4) Gsell, Monuments antiques de l'Ai- 6) Passio Salsae, 13.
46 l'église donatiste

blement Husubbicari (aujourd'hui Mers-el-Hadjedje), à l'Est de


Rusguniae il s'entendit secrètement avec l'évêque donatiste,
:

qui consentit à lui ouvrir les portes, sur la promesse que ses
partisans n'auraient pas à souffrir du pillage*. Dans la région
de Gartenna, Firmus aida ses alliés à satisfaire leurs rancunes :

il persécuta cruellement les Rogatistes, qui avaient récemment


rompu avec l'Eglise de Donat et de Parmenianus 2 Les Dona- .

tistes furent si bien compromis dans la révolte de Firmus,


qu'on les surnomma Firmiani, les « gens de Firmus » 3 .

Cette nouvelle revanche des schismatiques allait attirer sur


eux d'autres coups. La défaite de Firmus les mit en fâcheuse
posture. Le comte Théodose, père du futur empereur Théodose,
fut chargé de réprimer la révolte des Africains. Il partit
d'Arles, débarqua à Igilgili, remporta victoire sur victoire,
poursuivit l'ennemi jusque dans le désert, brûlant villages et
récoltes, châtiant les traîtres. Firmus se réfugia auprès d'Ig-
mazen, roi des Isaflenses. Se voyant sur le point d'être livré
aux Romains, il se pendit. Par les soins de son hôte, le corps
du rebelle fut hissé sur un chameau, et conduit au camp du
4
vainqueur .

Les alliés du vaincu payèrent naturellement les frais de la


campagne. Pendant les années suivantes, les Donatistes furent
traités, sinon en complices de Firmus, du moins en suspects.
Peu de temps après la fin de la guerre, le 20 février 373, un édit
de Valentinien, adressé au proconsul d'Afrique Julianus,
interdit formellement la pratique du second baptême, chère
aux Donatistes, et ordonna de déposer tout évoque qui aurait
contrevenu à cette prescription 5 L'avènement de Gratien, en.

375, fut bientôt suivi de mesures plus rigoureuses contre les


ennemis de l'Eglise officielle. Une constitution du 11 avril 376
enjoignit de confisquer tous les lieux de réunion des hérétiques,
et menaça de châtiments sévères les gouverneurs de province
ou les particuliers qui toléreraient ou faciliteraient les assem-
blées illicites. G'est peut-être pour veiller à l'exécution de
cette ordonnance, qu'un commissaire, nommé Nitentius, fut
7
envoyé en Afrique L'année suivante, Nicomachus Flavianus,
.

vicaire d'Afrique, reçut un édit impérial, daté du 17 octobre

1) Augustin, Epist. 87, 10. 5) Cod. Theod., XVI, 6, 1. — Cf. Au-


2) Augustin, Contra episluiam l'arme- gu&tin, Epist. 105, 2, 'J.

main. I, 10, 16; 11, 17; Conlra lilleras 6) Cod. Theod., XVI, 5, i.

Peliliani, II, 8.'J, 184. 7) « Dsto dudum ad Nitenliura praecepto»


3) Augustin, Epist. 87, 10. (Cod. Theod., Wl, 6, 2

4) Ammien Marcellin, XXIX, 5, 5-56.


AVANT SAINT AUG-USTIN 47

377, qui confirmait ou aggravait les instructions précédentes :


interdiction du second baptême; ordre de faire attribuer aux
Catholiques les églises de tous les clercs dissidents qui auraient
rebaptisé confiscation des maisons et des domaines (fundi) où
;

se seraient tenues des réunions d'hérétiques 1


.

Nous avons lieu de croire que ces rigoureux édits ne furent


pas sérieusement appliqués en Afrique La plupart des fonc-
tionnaires romains, rendus prudents par le souvenir des volte-
face du gouvernement central, cherchaient à esquiver les res-
ponsabilités de ce genre, et répugnaient à intervenir dans les
querelles des sectes chrétiennes; pour les décider à obéir, l'em-
pereur devait les menacer de fortes amendes, et, même alors,
ils trouvaient souvent le moyen de se dérober. D'ailleurs, les

Donatistes de ce temps avaient des intelligences jusque dans


les palais et la conscience de certains gouverneurs par :

exemple, Nicomachus Flavianus, vicaire d'Afrique en 376-377,


favorisait les schismatiquesaupointqu'on l'appelait un « homme
de leur parti » 2 On devine l'accueil qu'il dut faire à la consti-
.

tution impériale du 17 octobre 377 ses amis purent continuer


:

à rebaptiser, sans crainte de voir confisquer leurs basiliques.


L'année précédente, les dissidents avaient même savouré les
joies de la vengeance ils avaient assisté au supplice d'un
:

adversaire décidé, le vainqueur de leur allié Firmus. Accusé


d'aspirer à l'Empire, le comte Théodose avait été décapité à
3
Carthage Ceux qui l'avaient accusé, c'étaient, nous dit-on, ses
.

ennemis d'Afrique au premier rang des ennemis du comte


:

Thédose figuraient les Donatistes, dont on peut soupçonner


l'intervention dans cette tragique aventure.
Les édits de Valentinien et de Gratien n'en avaient pas moins
reçu un commencement d'exécution. Des Donatistes avaient
été exilés d'Afrique, et s'étaient réfugiés à Rome. Là, dans la
capitale même de l'Empire, ils eurent l'audace de reprendre
leur propagande, ils s'occupèrent de réorganiser et de déve-
lopper la communauté de leurs frères établis à Rome, les Mon-
teuses. L'évêque Lucianus, successeur de Macrobius, mourut
fort à propos; on le remplaça par un des nouveau-venus, homme
énergique et entreprenant, un certain Claudianus*. La commu-
nauté des Monteuses, qui jusqu'alors n'avait guère fait parler
d'elle, prit tout à coup un essor imprévu. Claudianus, se con-
sidérant sans doute comme le pape du Donatisme, osa déclarer

1) Cod. Tkeod., XVI, 6, ?.. — Cf. Au- 3) Jérôme, Chron. ad ann. 376.
gustin, Episl. 105, 2, 9. 4) Optât, II, 4.
2) Augustin, Epist. 87 S
48 L'ÉGLISE bONATISÎË

la guerre au pape des Catholiques, qui était alors Damase. Il

s'uuit à ses adversaires, et, par ses intrigues, lui créa toutes sortes
de difficultés 11 attaquait les Catholiques dans des pamphlets ou
des discours il allait répétant que tous leurs sacrements étaient
;

nuls, que tous leurs évêques étaient des païens, à commencer


par le pape. Damase dut appeler à son aide le pouvoir séculier.
Une sentence d'exil fut lancée contre le trouble-fête, qui reçut
l'ordre de retourner en Afrique. Malgré l'arrêtqui l'avait frappé,
malgré la police, Claudianus trouva moyen de rester ou de
revenir à Rome, continuant sa propagande à coups de ser-
mons ou d'aumônes, gagnant des adeptes parmi les pauvres
gens, et toujours rebaptisant ceux qui venaient à lui. Contre
Damase, il fit alliance avec les partisans de l'antipape Ursinus;
des émeutes ensanglantèrent les églises. Le concile romain de
378 s'émut de cette campagne et de ces désordres dans une :

lettre synodale adressée aux empereurs Gratien et Valentinien,


il porta plainte contre cet évêque des Monteuses, exilé en prin-

cipe, mais toujours présent, agissant et menaçant


1

Vers la fin .

de 378, un rescrit impérial ordonna au vicaire de Home Aqui-


linus de bannir les principaux adversaires de Damase et les
organisateurs d'émeutes*.
Chassé définitivement de Rome, Claudianus parait s'être
décidé à retourner en Afrique. Mais là, il continua sans doute
à se prendre au sérieux dans le rôle qu'il s'attribuait de pape du
Donatisme; il voulut régenter le parti, ce qui devait lui attirer
des difficultés avec Parmenianus, primat de Carthage. Tout
porte à croire que Claudianus se brouilla complètement avec
les Donatistes, et fonda une Eglise distincte il fut probable- :

ment le chef de cette petite secte des ClauUianistes qui est signa-
lée à Carthage en ces temps-là Les Monteuses de Rome regret-
3
.

tèrent vite les beaux moments de l'épiscopal de Claudianus.


Après son départ, leur communauté semble s'être beaucoup
affaiblie; une partie des fidèles, même des clercs, renoncèrent
au schisme pour rentrer dans l'Eglise catholique. Le concile
romain de 386 eut à s'occuper d'eux conformément à la tradi- :

tion, il décida que la réconciliation des clercs Monteuses con-


vertis devait se faire toujours par l'imposition des mains. Le
pape Sirice, successeur de Damase, profita de l'occasion pour

1) Epistula eoncilii romani ann. 978 p. 628.


ad Gratianum et Valenlinianum Impe- 3) Augustin, Enarr. in Paalm. 36,
ralores (Mansi, Concil., t. III, p. 626 . serm. Il, 20; Contra Cresconium, IV, 9,
2) Avellana Collectio, éd. Glïnther, 11.
Epiai. 13, Bsqq Mansi Coricil., I III,
AVANT SAINT AUGUSTIN 49

donner des instructions aux évêques africains le 6 janvier 386, :

il leur écrivit au nom du concile pour leur recommander d'ob-

server la même pratique à l'égard des Donatistes convertis *.

Depuis un quart de siècle, depuis sa résurrection au temps de


Julien, et en dépit de tous les édits impériaux qui l'avaient
menacée, l'Eglise schismatique africaine n'avait cessé de s'é-
tendre et de grandir. Pourtant, un danger intérieur apparais-
sait et inquiétait ses chefs née du schisme, elle était à son
:

tour minée parle schisme. Par un privilège assez rare, l'Eglise


de Donat avait longtemps échappée l'action dissolvante de cette
loi presque fatale qui condamne à l'émiettement les commu-
nions dissidentes. Pendant quarante ans, la main vigoureuse
de Donat le Grand avait tenu, réunies en faisceau, toutes les
forces de la secte. Malgré toute son habileté, et en raison peut-
être de son origine étrangère, Parmenianus fut moins heureux :

il assista, impuissant, à une dislocation partielle de son Eglise.

Le premier schisme dont nous entendions parler est celui de


Rogatus, évoque de Gartenna en Maurétanie Le Rogatisme ne 2
.

compta jamais beaucoup d'adhérents; mais il se maintint


longtemps dans ces régions. Il résista à toutes les attaques des
Parménianistes, même aux violences de leur allié Firmus en
372 Il eut à soutenir des procès, vers 375, au sujet des basi-
3
.

liques Nous ne savons s'il gagna ces procès; mais il vivait


4
.

encore quarante ans plus tard 5 L'exemple était donné; désor-


.

mais, les mécontents ou les intransigeants n'hésiteront plus à


rompre avec l'Église de Donat D'autres schismes sont men-
5
tionnés à Carthage, en Numidie, en Tripolitaine Les sectes .

issues du Donatisme se multiplièrent tellement que, suivant Au-


1
gustin, on n'en pouvait dresser la liste L'un de ces schismes .

eut une importance particulière et un grand retentissement en


Afrique celui de Tyconius. C'était un homme fort distingué,
:

d'esprit très indépendant. Vers 370-375, il publia deux ouvrages


considérables, où il contestait plusieurs des théories donatistes
et donnait souvent raison à ses adversaires catholiques 8 Pour .

1) Sirice, Epistula ad frah'es et coe- Petiliani, 11, 83, 184.


piscopos per Africain, 8 (Mansi, Concil., 4) Augustin, Epist. 93, 3-4, 11-12.
t. III, p. 669; Ferrandus, Brevialio ca- 5) Augustin, De anima et ejus origine,
nonum, 174) III, 2. — Cf. Epist. 93.
2) Augustin, Epist. 87, 10; 93, 1 sqq. ; 6) Augustin, Contra Cresconium, IV, 9,
'Contra epislutam Parmeniani, 1, 10-11, 11 ; 60, 73; Epist. 93, 8, 24.
16-17; Contra lilteras Petiliani, II, 83, 7) Augustin, Epist. 93, 8, 25; Contra
184; Ad Calholicos epistula contra Do- epistulum Parmeniani, III, 4, 24; De
nalislas, 3, 6; 14, 36. baptismo, I, 6, 8; I), 11, 16.
3) Augustin, Contra epislulam Parme- 8) Gennadius, De
M., 18; Augustin, oir.
niani, I, 10, 16; 11, 17; Contra litteras Contra epislulam Parmeniani, 1, 1; 11,
IV
50 l'église donatiste

arrêter le scandale, Parmenianus, primat de Carthage, essaya


vers 378, dans une Lettre à Tyconius, de réfuter et de ramener
le téméraire Mais Tyconius refusa de céder; vers 380, il fut
1
.

condamné solennellement par un concile donatiste 5 Exclu de .

la grande Eglise schismatique, il n'en persista pas moins dans


le schisme comme dans sa doctrine mais il ne semble pas avoir ;

fondé une véritable secte. Homme d'étude avant tout, il s'oc-


cupa désormais d'exégèse. Selon toute apparence, il n'enleva
pas beaucoup de fidèles à Parmenianus; mais, par sa critique
des idées de Donat, il inocula au Donatisme le virus du doute,
qui devait plus tard déterminer bien des conversions. Tyconius
avait démontré par son exemple que la vérité donatiste n'était
pas de nature à satisfaire une pensée indépendante. Les schis-
mes de Rogatus et d'autres avaient prouvé qu'on pouvait cher-
cher le salut hors de l'Eglise de Donat. Ce sont autant de
précédents, qui faciliteront, quelques années plus tard, la pro-
pagande des Maximianistes.
En attendant, les édits impériaux continuaient à pleuvoir
sur les hérétiques. L'orthodoxie catholique avait maintenant
un champion décidé dans l'empereur Théodose, qui, dès son
avènement en 379, entraîna ses collègues à une véritable cam-
pagne contre l'hérésie. D'année en année se multiplient les
constitutions impériales. Le 3 août 379 proscription de toutes :

les hérésies, défense aux dissidents de prêcher leur doctrine,


de rebaptiser, et de tenir des assemblées Le 27 février 380 3
. :

ordre àtous les sujets de l'Empire de professer lafoi catholique,


menaces contre les récalcitrants 4 Le 30 juillet 381 confiscation
. :

de toutes les églises d'hérétiques, qui devront être remises aux


évêques catholiques \ Le 19 janvier 386 constitution De fa- :

mosk libellis Le 23 janvier 386 peine capitale contre les gens


r
'. :

qui troublent la paix de l'Eglise, et qui, par là, se rendent cou-


pables d'un véritable crime de lèse-majesté \ Le 16 juin 388 :

défense de discuter en public sur la religion, peine de mort


s
contre les contrevenants Le 26 novembre 389 interdiction
. :

de tous les conciliabula d'hérétiques 9 Le 19 mai 391 confir- . :

mation de redit précédent l0 Ces diverses constitutions auront


.

22, 42; III, 3, H; Epist. 93, 10, 43 44 '.) Cod. Tkeoci., \\l. I. 2.

249. 5) Ibid . \\l. I, 3.

1) Con-
Augustin, Epist. 93, 10, 13-45; 6) Ibid., IV 34, 9.
Ira epistulam Parmeniani, I, 1. 1) Ibid., XVI, 4, l.

2) Augustin, Contra epistulam Panne- 8) Ibid., \\l, i, 2.

i, i, i. 9) Ibid., XVI, 5, 19.

Cod. Theod., XVI, 5, b. 10) Ibid., XVI, 5, 20.


AVANT SAINT AUGUSTIN ol

pour couronnement la célèbre loi du 15 juin 392, moins rigou-


reuse en apparence, mais plus efficace et d'application plus
facile : elle frappera d'une amende de dix livres d'or les clercs
hérétiques 1
.

Il est difficile de déterminer dans quelle mesure tous ces


édits visaient ou atteignaient les schismatiques africains. En
principe, ces constitutions étaient applicables à tout l'Empire;
mais il y avait loin, surtout en ce temps-là, de la théorie à la
réalité. Tout dépendait des circonstances, et des dispositions
personnelles des gouverneurs de provinces. D'ailleurs, les l)o-
natistes n'étaient pas, à proprement parler, des hérétiques ;

2
c'étaient simplement des schismatiques C'est plus tard seule- .

ment que leur schisme fut légalement assimilé aux hérésies';


au temps où nous sommes, la question était controversée. Il
y avait donc une équivoque, qui laissait aux gouverneurs une
grande liberté d'interprétation. En fait, pendant cette période,
les dissidents africains semblent n'avoir pas été beaucoup
inquiétés. prenaient même l'offensive
Ils en réponse au con- :

cile romain de 386 et aux constitutions impériales sur le second


baptême, des canons de conciles donatistes renouvelèrent l'or-
dre de rebaptiser tout Catholique rallié à l'Eglise de Donat 4
.

Par contre, les Catholiques africains paraissaient alors dé-


couragés. Après tant de luttes sans résultat, après tant de dé-
ceptions, ils se résignaient à voir vivre et grandir autour d'eux
les communautés schismatiques. Un concile se réunit à Carthage
le 16 juin 390 aucun des canons, aucune des propositions faites
:

par les orateurs, n'y vise les schismatiques, dont tous les assis-
tants connaissaient les progrès inquiétants, dont tous avaient
plus ou moins à se plaindre, mais qu'ils renonçaient implicite-
ment à combattre \ Le président de ce concile, Genethlius,
évêque de Carthage et chef de toute l'Eglise africaine, était lui-
même, nous le savons, un homme d'une modération exem-
plaire, évangélique; d'une modération si extraordinaire et si
évidente, que les Donatistes eux-mêmes lui ont rendu justice.
Genethlius poussa la bonté ou la condescendance jusqu'à inter-
venir auprès des autorités civiles pour empêcher l'application

l)Cod. Theod.,\yi, S, 21. Cf. Augus- — dex canon. Ecoles, afric, 03 Augustin, ;

tin,Contra epistu/am Parmeniani, I, 12, Contra Cresconium, II, 3-7, 4-9; III, 47,
19; Contra Cresconium, III, 47, 51; 51; Episl. 93, 11, 46; De haeres., 69.
Epist. 88, 7; 185, 7, 2o. 4) Augustin, Epist. 23, 3 et 5 ; 44, 5,

2) Optât, I, 10 et 12; V, 1; Augustin, 12.


Epist. 43, 1; 61, 1-2: 87, 9. 5) Concil. Carthag. ann. 390 (Mansi,
3) Cod. Theod., XVI, 6, 4. — Cf. Co- Concil., t. III, p. 691 et 867).
52 l'église DONATISTE

d'un des édits impériaux qui atteignaient les schismatiques '.


Le trait fait honneur à l'homme, mais autorise quelque scep-
ticisme sur la clairvoyance de l'évêque, qui s'armait d'une
patience évangélique contre des adversaires entreprenants et
des diables déchaînés.
Ainsi, les gouverneurs romains se désintéressaient des que-
relles d'Église, et laissaient faire. Les Catholiques, par modéra-
tion ou par faiblesse, semblaient renoncer à la lutte. Seul, le
Donatisme agissait; et, naturellement, il profitait des circons-
tances. Il étendait partout ses ramifications. En Proconsulaire,
en Byzacène, en Tripolitaine, dans les Maurétanies, il tenait
tête au Catholicisme il l'emportait en Numidie*. Dans certai-
;

nes villes, comme Hippone ou Bagaï, il avait gagné presque


toute la population Dans certaines localités, l'évêque schis-
3
.

matique n'avait même pas d'adversaire Chaqueannée, l'Église 4


.

donatiste avançait d'un pas, tandis que l'Église catholique


reculait. On ne sait ce qui serait advenu sans l'entrée en scène
d'Augustin.

Là lutte des deux Eglises au temps d'Augustin (392-430). Ordination d'Aurelius —


comme évèque catholique de Cartilage, et d'Augustin comme prêtre d'Hippone.
— Mort de Parmenianus. —
Election de Primianus comme primat donatiste de
Carthage. —
Edits contre les hérétiques. Démêlés de Primianus avec son —
diacre Maximianus. — Schisme des Maximianistes. Conciles maximianistes —
di- Carthage et de Cabarsussa. —
Condamnation île Primianus. Concile catho- —
lique d'Hippone canons relatifs au Donatisme.
: Débuts de la campagne contre —
le Donatisme. —
Concile primianiste de Bagaï condamnation des Maximianistes. :

— Procès intentés aux Maximianistes pour la restitution des basiliques. Vio- —


lences des Uonatistes. —
Alliance avec Gildon. Exploits d'Optatus de Thamu- —
gadi. — Conciles donatistes de Constantine et de Milev. Réconciliation d'une —
partie des Maximianistes avec les Primianistes. Concile catholique de Carthage —
en 391 canons relatifs au Donatisme.
:

Activité d'Augustin, devenu évèque
d'Hippone. —
Conférences entre Catholiques et Donatistes. Polémiques —
d'Augustin contre les écrivains schismatiques. Conciles catholiques de Car- —
thageen 101. —Tentative île réconciliation avec les Donatistes. Concile catho- —
lique de Milev en lui —
Concile de Carthage eu 403. Négociations et projets —
de conférences avec les évèques donatistes. Refus îles schismatiques. —
Vio- —
lences des Donatistes. —
Attentais contre des évèques catholiques. -Ambassade
envoyée à Tempèrent par le concile de Carthage en 404. —Nouveaux attentats.
— Lois d'Honorius, ordonnant de rétablir en Afrique l'unité religieuse. Dans —
quelle mesure furent appliquées ces lois. Concile de Carthage en 405. — —
Requête des Donatistes au préfet du prétoire. Concile de Carthage en 407. — —
1) Augustin, LfÂst. 44, 5, 12. 2; Contra /Uleras l'eliliuni, 11, 83, 184;
2) Collât. Carthay., I, 165; Augustin, Enarr. Il in Psalm. 21, 2t>.
Epist. 129, 6; 209, 2; Enarr. Il in 4) Collât. Carthag., I, 157; 163; 165;
Psalm. 21, 26; Senn. Il tn Psalm. 36, 182; 187-18S; 197-198; 201-202; 206;
19. 208.
3) 0|>lut, III, 4 ; Augustin, Epist. 20
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 53
Agitation en Afrique à la nouvelle de la mort de Stilichon. Conciles de Car- —
thage en 408. —
Nouvelles lois d'Honorius —
Edit de tolérance, bientôt abrogé.
— Concile de Carthage en 410. —
Conférence de Carthage en 411, entre les
évèques des deux Eglises. —
Edit du commissaire Marcellinus contre le Dona-
tisme. —Loi d'Honorius, confirmant la condamnation de l'Eglise schismatiquo.
— Mesures prises pour rétablir l'unité religieuse. —
Les commissaires impé-
riaux. —Concile catholique de Numidie. —
Nombreuses conversions. Vio- —
lences et procès des Circoncellions. —
Procès et condamnation de Marcellinus.
— Nouvelles lois d'Honorius. —
Conciles catholiques de Carthage en 418 et 419.
— Dernières luttes. —
Concile donatiste de Numidie. Schismatiques intran-—
sigeants Petilianus de Constantine, Emeritus de Caesarea, Gaudentius de Tha-
:

mugadi, Nemessanus d'Ala Miliaria. —


Le Rogatiste Vincentius Victor. —
Déroute du Donatisme.

Dans dernières années du iv e siècle, par l'effet de causes


les
multiples dont la principale fut l'action d'hommes nouveaux
sur la politique des deux partis, un revirement complet se pro-
duisit dans l'attitude et la situation respective des deux Églises
africaines. Compromis par
maladresses d'un primat inca-
les
pable, affaibli par des dissensions intérieures et par un nou-
veau schisme assez grave, le Donatisme fut réduit à la défen-
sive. Au contraire, l'Église catholique, soutenue par les
empereurs et par leurs représentants en Afrique, prit hardi-
ment l'offensive, sous la direction d'un chef habile, que secon-
dait ou inspirait un homme supérieur, et qui sut grouper autour
de lui toutes les forces de son parti. Une lutte régulière et
serrée s'engagea entre les deux Églises poursuivie presque ;

sans trêve pendant vingt ans, elle aboutit à la condamnation


définitive et à la déroute du Donatisme.
En 391 ou 392, la mort frappa coup sur coup les deux chefs des
deux partis, les deux évêques rivaux de Carthage. Le doux et
pâle Genethlius, si plein de mansuétude pour ses adversaires,
fut remplacé par Aurelius homme d'un esprit pondéré, très
'
:

modéré en apparence et dans son langage, mais clairvoyant,


énergique et adroit, aussi ferme sur les principes que conciliant
pour les personnes, capable de concevoir une politique simple
et nette, de tourner les obstacles, et de poursuivre sans faiblir
des desseins à longue échéance. Par une fortune singulière, ce
chef éminent des Catholiques africains eut pour lieutenant, pour

1) Genethlius était encore évêque de être diacre de l'Eglise de Carthage, et il


Carthage le 16 juin 390 (Concil. Carthag. encore dans l'automne de 388, lors
l'était
ann. 390, Praefat. et can. 1). 11 mourut du retour d'Augustin en Afrique (Augustin,
peu après, en 391 ou 392, le jour des De civ. Dei, XXII, 8, 3). Dans les derniers
nones de mai (Kal. Carthag., non. mai. : mois de 392, il était évêque de Carthage
Depositio Genecli episcopi). Aurelius, qui lAugustin, Epist. 22, 1). Le 8 octobre
succéda directement à Genethlius (Augus- 393, il présida ie concile d'Hippone.
tin,Epist. 44, 5, 12), avait commencé par
M L ÉGLISE D0NAT1STE

conseiller et pour ami, un homme extraordinaire, qui a marqué


pour toujours de son empreinte le christianisme latin, qui fut
non seulement la plus haute personnalité de son temps, l'un
des fondateurs de la théologie, un réformateur de la discipline,
un écrivain original, mais encore un homme d'action, un con-
ducteur de peuples, un remarquable administrateur, un poli-
tique très avisé, un orateur incomparable, un merveilleux
polémiste. Vers le temps où Aurelius fut élu évêque de Car-
tilage, son ami Augustin, célèbre depuis plusieurs années, fut
ordonné prêtre d'Hippone, et bientôt chargé, en fait, de la
direction du diocèse quand il devint évêque de cette ville,
:

trois ou quatre ans plus tard, il était déjà le conseiller toujours


écouté d'Aurelius, et l'âme de l'Afrique chrétienne L'appari- 1
.

tion et l'action concertée de ces deux hommes marquent une


ère dans l'histoire de la contrée.
En même temps, par une malechance qui parut providentielle,
le Donatisme était frappé à la tête. L'Église de Donat devait
surtout à l'habileté de ses chefs d'avoir tenu bon contre vents et
marées. <ir;W à Donat le Grand, elle avait pu s'organiser,
grandir, et résister aux persécutions. Entre les mains de Par-
menianus, elle avait pu se reconstituer après les terribles
épreuves du temps de Macarius. En 391, elle semblait enracinée
à jamais dans le sol africain. Pour l'ébranler, pour l'abattre, il
suffit d'une élection malheureuse, qui la livra désemparée à
l'arbitraire d'un chef médiocre, violent et borné. Parmenianus
mourut vers 391 on élut à sa place Primianus*. Le nouveau
:

primat ne sut que jouer au tyran cl si draper dans une sotte 1

intransigeance. En quelques mois, il mécontenta si bien les


siens, que la révolte éclata dans Carthage même, et que son
Église fut coupée en deux par un grand schisme. A la politique
adroite et ferme d'adversaires comme Aurelius et Augustin, il
ne sut opposer que des protestations déclamatoires, des for-
mules vides, des décisions imprudentes et contradictoires, des
injures, des coups de boutoir ou le silence. Entre les hommes
qui allaient mener les deux armées en présence, la partie (Mail
tellement inégale, que le destin des deux Églises semblait mar-

1) Possidius, Vita Auguslini, 5-10; née 400 {Conlra Epistulam Parmeniani,


Augustin, Epist. 21-32; Retract, I, 13- 1,1,1; 4, 9: il. :}, 7: 7, i.'i 22, :

'^'>
: Prosper Tiro, Epiloma Chronicon, D'autre part, les attaques contre Primianus
. — Cf Tillemont, commencent dès W-2, presque aussitôt
Mémoires sur V histoire ecclésiastique, après son élecl (Augustin, Serm. Il in
l. VI, p. 184 : I. Mil, p. 965 ri <J75. Psalm 36, 19-20; Epist. 13, 9,26 ;
Con
i Parmenianus étail morl depuis long- Ira Cresconium, l\, ti. 7).
temps, quand Augustin le réfutai) vers l'un-
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 55

que d'avance. Et cependant, telle était la force du Donatisme,


qu'il résista vingt ans à toutes les attaques, et qu'il fut vaincu
sans mourir tout à fait.
Dans ce duel mémorable, l'Église catholique pouvait compter
sur l'appui du pouvoir séculier. Néanmoins, pendant les pre-
mières années de la lutte, et même jusqu'au début de 405, cet
appui semble avoir été intermittent et peu efficace. D'ailleurs,
durant cette période, les Catholiques africains eux-mêmes ne
sollicitaient guère ce concours, qu'ils jugeaient encore un peu
compromettant ils espéraient pouvoir réussir, dans leur cam-
:

pagne, par la seule force de la persuasion et de la propagande.


Ce n'est pas que le zèle des empereurs se fût ralenti pour la
défense de l'orthodoxie. Le 15 juin 392, Théodose ordonna de
frapper d'une amende de dix livres d'or les clercs hérétiques,
d'infliger la même amende à quiconque aurait facilité les assem-
blées illicites, et de confisquer les maisons où se seraient tenues
ces réunions Mais c'est seulement en 405 que les Donatistes,
1
.

légalement assimilés aux hérétiques, tombèrent nettement


2
sous le coup de redit du 15 juin 392 jusqu'à ce moment, ils ;

ne furent menacés de cette grosse amende que dans des cas


particuliers, comme celui de Crispinus, évêque de Calama
3
.

Les schismatiques africains paraissent avoir été encore moins


atteints par les dernières constitutions de Théodose peine de :

la déportation contre quiconque troublerait l'Église catholique


4
(18 juillet 392) défense aux hérétiques d'ordonner des évêques
;

(15 avril 394)°, de tenir des assemblées, de faire de la propa-


G
gande, de procéder à des ordinations (9 juillet 394) La mort .

de Théodose, au début de 395, ne changea rien à la politique


impériale. Ses fils Arcadius et Honorius, ou plutôt les ministres
qui gouvernaient sous leurs noms, se hâtèrent de confirmer
toutes ses lois contre les hérétiques (13 mars 395) ') Puis ils
promulguèrent une série de nouveaux édits le 30 mars 395, :

interdiction aux hérétiques de se réunir, de célébrer aucun


8
culte public ou privé, d'ordonner aucun clerc le 3 septembre ;

395, assimilation aux hérétiques de quiconque n'admettrait


pas sur tous les points la doctrine catholique 9 le 29 janvier 404. ;

défense à tous les agents impériaux, sous peine de confiscation

1) Cod. Theod., XVI, 5, 2t. - Cf. Au- Epist. 88, 7 ;105, 2, 4.


gnstin, Epist. 88, 7 ; 185, 7, 25 ; Contra 4) Cod. Theod., XVI, 4, 3.
Epislulam Parmeniani, 1, 12, 19 ;Con- 5) Ibid., XVI, 5, 22.
Ira Cresconium, III, 47, 51. 6) Ibid., XVI, 5, 24.
2) Cod. Theod., XVI, 6, 4. 7) Ibid., XVI, 5, 25.
3) Possidius, Vita Augustini, 14; Au- 8) Ibid., XVI, 5,26.
gustin, Contra Cresconium, III, 47, 51 ; 9) Ibid., XVI, 5, 28.
56 L EGLISE DONATISTE

des biens, de se mêler aux tamultuosa convenu en la* le 11 sep- ;

tembre 404, ordre à tous les maîtres, sous peine d'amende,


d'empêcher leurs esclaves de fréquenter les assemblées de ce
genre" le 18 novembre de la même année, injonction aux
;

gouverneurs d'avoir à interdire tous les conventus i/liciti Mais 3


.

ces constitutions de Théodose ou de ses fils, à en juger par la


teneur même du texte, par les noms des destinataires ou les
allusions à telle ou telle secte, visaient surtout les hérétiques
d'Orient, qui furent alors vivement traqués. En Afrique, à ce
qu'ilsemble, la plupart de ces lois restèrent lettre morte.
D'autres édits, il est vrai, dans la rédaction qui nous est par-
venue, sont adressés spécialement à des gouverneurs africains :

au vicaire d'Afrique Hierius, une loidu 23 mars 395, confir-


mant les privilèges de l'Eglise catholique, et lui promettant
protection contre les violences des schismatiques* au pro- ;

consul d'Afrique Victorius, une constitution du 13 mars 398


« Sur les calomniateurs », qui défendait d'inquiéter des inno-
cents, et qui se rapportait sans doute aux poursuites contre les
partisans de Gildon au vicaire d'Afrique Sapidianus, une loi
'

du 25 juin 399, confirmant encore les privilèges des clercs


catholiques, et menaçant d'amendes les hérétiques ou autres
personnes qui porteraient atteinte à ces privilèges". Ces édits-
là,sans doute, visaient directement les schismatiques africains;
niaisils ne paraissent pas avoir été appliqués à la lettre, ni

d'une façon systématique. C'étaient des armes toujours prêtes


contre les fauteurs de désordres, mais des armes dont les gou-
verneurs et les tribunaux se servaient rarement, dans des cas
particuliers, ou même après une mise en demeure du gouver-
nement central.
Sur façon dont on appliquait alors en Afrique les édits
la
impériaux, nous connaissons des faits très significatifs. Vers
l'année 399, un riche Africain, alléguant une des lois contre les
hérétiques, adressa une supplique à l'empereur pour demander
l'annulation d'un testament fait par sa sœur en faveur de plu-
sieurs Donatistes, dont un évêque nommé Augustinus. Unresciit
impérial ordonna d'appliquer aux Donatistes la loi en vertu de
laquelle les hérétiques ne pouvaienl ni faire ni recevoir de do-
nations ou de legs; en conséquence, on attribua tout l'héritage
au frère de la défunte 7 De môme, c'est en vertu d'une procé
.

i ' od. Theod., XVI, 4, 4. 5) Cod. Theod., IX, 39, 3,

2) Md., XVI, 6) lbid., XVI, 2, 34.


3) lbid., XVI, 4, 6. 7) Augustin, Contra Epis Lulam Parme-
4) lbid., XVI, :2, 29. nid ni, I, \2, 19.
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 57

dure exceptionnelle que trois ou quatre ans plus tard, dans le


procès de Crispinus, évêque schismatique de Galama, le pro-
consul de Carthage assimila Crispinus aux hérétiques, et le
condamna à l'amende de dix livres d'or prévue parla loi du 15
juin 392 '. Dans les deux cas, d'après les circonstances du récit,
il s'agit, sinon de mesures d'exception, du moins d'une inter-

prétation exceptionnelle de lois générales. Ces exemples mêmes


prouvent que, dans le cours ordinaire des choses, les lois con-
tre les hérétiques n'atteignaient pas encore les schismatiques
africains. C'est seulement en 405 que l'empereur Honorius pren-
dra nettement position contre le Donatisme, en proclamant
l'assimilation des schismatiques aux hérétiques, et en promul-
guant un nouvel édit d'union*. Jusque-là, le pouvoir séculier
n'intervintqu'accidentellement, dans des cas déterminés, pour
des raisons spéciales, à la suite de requêtes ou de mises en de-
meure. En principe, il protégeait l'Eglise catholique, lui garan-
tissait ses privilèges, s'engageait à la défendre contre les coups
des schismatiques. Mais, en fait, il n'agissait guère que pour
rétablir l'ordre, pour réprimer les attentats, ou encore à la de-
mande des intéressés, comme en 403 pour dresser des procès-
verbaux relatifs aux projets de conférences '. Presque toutes les
affaires auxquelles sont mêlés alors les gouverneurs africains,
sont des affaires purement judiciaires, nées de crimes ou de
délits ordinaires. Réserve faite pour ces procès de droit commun
et pour la protection de principe accordée aux Catholiques, on
peut presque conclure que, de 392 à 404, l'autorité civile laissa
les deux Eglises rivales vider leur querelle entre elles dans le
champ-clos africain.
Les Donatistes commencèrent par se déchirer entre eux. Pri-
mianus, le nouveau primat, n'avait pas été long à semer autour
de lui l'inquiétude et la défiance; dès les premiers mois de son
épiscopat, par sa politique incohérente, faite de maladresse, de
tyrannie et de partialité, il avait sérieusement indisposé contre
lui beaucoup des siens, clercs ou laïques. 11 s'acharna surtout
contre le diacre Maxirnianus, en qui sans doute il voyait un rival,
et qui peut-être avait été son concurrent pour la succession de
Parmenianus. Ce Maxirnianus était un personnage dans la com-
munauté donatiste de Carthage très aimé de tous et fort estimé,
:

éloquent, cher aux dévotes, il passait en outre pour être parent

1) Possidius, Vita Auguslinl, 14; Au- 3) Codex canon. Eccles. afric, can.
guslin, Contra Cresconium, III, 47, 51 ;
91-92; Collât. Carthag., III, 174; Au-
Efjist. 88, 7; 105, 2, 4. gustin, Brevic. Collât. III, 5, 6
, ; Contra
2) Cod. Theod., XVI, 6, 3-5 ; 11, 2. Cresconium, III, 45, 49.
58 l'église donatiste

de Donat le Grand. A mesure qu'on s'écartait de l'évêque, les


mécontents se groupaient autour du diacre, qui devenait le
chef d'un parti d'opposition. Primianus voulut en finir; niais,
en fait de diplomatie et de raisonnement, il ne connaissait que
l'anathème et les coups. Il lança donc une sentence d'excommu-
nication contre Maximianus et trois autres diacres 1

Le primat dut être surpris de l'effet produit par cette excom-


munication, qui excita une indignation presque générale. Non
seulement le public avait peine à admettre ce procédé de dis-
cussion, mais encore on s'irritait d'apprendre que le juge n'a-
vait observé aucune des formes prescrites par les règle-
ments ecclésiastiques les diacres avaient été condamnés en
:

leur absence, sans être cités à comparaître, sans pouvoir se jus-


tifier, et Maximianus lui-même était alors malade, cloué sur un
2
lit de douleur Les clercs n'osèrent pas défendre ouvertement
.

les victimes les uns ménageaient le primat, les autres crai-


:

gnaient d'attirer sur leur tête les foudres de l'évêque. Les laïques
furent plus bardisle conseil des seniorex, composé des notables
:

de la communauté, écrivit à Primianus pour protester énergi-


quement contre l'excommunication des diacres, et aussi contre
l'indulgence inexplicable que montrait le primat envers cer-
tains pécheurs, envers de francs schismatiques comme
même
3
les Claudianistes L'évêque ne tint aucun compte de cette pro-
.

testation. Le parti de Maximianus profita de cette nouvelle


maladresse aux opposants d'autrefois se joignirent les gens
:

de bonne foi qu'indignait l'attitude de Primianus. lue riche


dévote, dont nous ignorons le nom, joua dès lors, dans les
origines du Maximianisme, le même rôle que Lucilla jadis
dans les origines du Donatisme elle fut l'ange gardien de :

Maximianus, l'âme de sa politique, la châtelaine et la trésorière


de son parti. Elle acheva sans doute de lui gagner les notables '.
Voyant que la protestation restait sans effet, le conseil des
seniores se déclara nettement contre Primianus il adressa une :

lettre circulaire à tous les évêques donatistes d'Afrique, pour


demander une enquête sur la conduite du primai de Carthage
Quarante trois évêques, la plupart de Byzacène, répondirent
à cet appel. Ils se rendirent à Carthage pour y tenir concile,

Augustin, Epist. 43, 9, 26; Sermo II


1) 36,20).
/,/ Psalm. 36, )!t-20. 3) Sermo II in Psalm. 36, 20.
2) In Maximianum diaconum, virum,
ii
4) Episl. 43, 9, 26 ; Sermo 11 in Psalm.
sicut omnibus notum est, innocentent, ine 36, 19.
causa, sine iccusatore, sine teste, absentera Sermo II m Psalm. 36, 20.
aclecto cubantem... •• (Sermo II in Psalm.
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 59

vers la fin de 392. Ils pensaient bien que Primianus les accueil-
lerait sans empressement; mais l'accueil dépassa leur attente.
Comme ils s'apprêtaient à siéger dans une basilique, Primia-
nus lança sur eux une bande de barbares, qui les jeta dehors.
Ils se réunirent alors dans une maison particulière, sans doute
une villa des environs. Le concile invita leprimat de Carthage
à venir s'expliquer et plaider sa cause : Primianus refusa de
comparaître. On n'en instruisit pas moins son procès. Primia-
nus fut condamné à l'unanimité. Cependant, on ne prononça
pas sa déposition on décida môme de lui accorder un délai, le
;

temps delà réflexion. L'assemblée eut la sagesse de ne pas


brusquer les choses, de ne pas se laisser entraîner à une sen-
tence irrévocable d'où pouvait sortir un schisme elle réserva :

la solution définitive à un concile postérieur. Elle informa de


ses décisions, par une lettre synodale, toutes les communautés
'.
donatistes
La situation étaitgrave; mais tout pouvait encore s'arranger,
avec un autre homme. Primianus ne comprit pas le danger: il
ne sut que s'entêter, maudire, et frapper. Il songea surtout à se
venger. Il intenta un procès à Maximianus pour se faire rendre
la maison qu'occupait le diacre, et qui sans doute appartenait
à l'Eglise donatiste. Il eut gain de cause, mit en mouvement
la police, fit expulser son ennemi et saisir l'immeuble
2
Pen- .

dant que le primat de Carthage plaidait et se vengeait, les évé-


nements suivaient leur cours, et le parti de Maximianus ga-
gnait du terrain. Le 24 juin 393, une centaine d'évôques se
réunissaient à Cabarsussa, en Byzacène. Ce nouveau concile
recommença l'instruction du procès de Primianus, recueillit et
enregistra contre lui des griefs de tout genre, confirma sa con-
damnation, prononça solennellement sa déposition on élut à :

sa place son ennemi Maximianus. Une lettre synodale annonça


aux Donatistes, dans toute l'Afrique, qu'ils avaient désormais
un autre primat. Peu de temps après, Maximianus fut ordonné
à Carthage par douze évoques Primianus, naturellement, re-
3
.

fusa de céder, et considéra comme non avenue la décision du


concile. Carthage, qui depuis un siècle avait déjà deux évêques,
en eut trois désormais; et, dans toute la moitié orientale de
l'Afrique donatiste, une Eglise maximianiste s'organisa en face
de l'Eglise primianiste.

1) Contra Cresconium, [\, 6, 1 Episl.


; 3; Contra Cresconium, IV, 6, 7 ;

43, 9, 26 Sermo 11 in Psalm. 36, 19-20.


; Sermo II in Psalm. 36, 20 Episl.
;
141,

2) Sermo 11 in Psalm. 3fi, 19; Contra 6 ; 185, 4, 17 De haeresibus, 69.


;

Cresconium, IV, 47, 57.


60 l'église donatiste

On devine avec quels sentiments les Catholiques africains as-


sistaient aux péripéties de ce drame étrange. Ils y voyaient la
main de Dieu. Ils ne pouvaient expliquer que par une interven-
tion divine ce spectacle imprévu, qui évoquait pour eux de
lointains souvenirs et semblait dérouler sous leurs yeux, une
seconde fois, les tableaux successifs d'une histoire vieille d'un
siècle la genèse même du Donatisme. Les analogies étaient
:

surprenantes, et ont beaucoup frappé Augustin comme le Do- :

natisme, le Maximianisme naissait d'une querelle de personnes ;

le concile de Cabarsussa jouait le même rôle que jadis le con-


cile des dissidents de 312; Primianus se voyait traité comme
l'avait étéCaecilianus Maximianus était un autre Donat, et
;

trouvait un appui dans une autre Lucilla. Sans doute, un spec-


tateur non prévenu aurait distingué des différences; mais on
ne voulut voir alors que les analogies, et cette réédition d'un
vieux drame parut providentielle. Le Maximianisme rappelait
trait pour trait le Donatisme naissant le schisme était le châti- :

ment du schisme Dieu l'avait voulu '.


Cette croyance à une intervention divine rendit confiance aux
Catholiques, qui justement alors prirent l'offensive. Trois mois
après le concile maximianiste de Cabarsussa, qui avait prononcé
la déposition de Primianus, un grand concile catholique se
réunit à Hippone, la ville d'Augustin, sous la présidence
d'Aurelius de Carthage, le 8 octobre 393. Ce concile d'Hippone
tient une place considérable dans l'histoire religieuse du temps;
car il commença la réorganisation de l'Église africaine, décida
de nombreuses réformes, et en prépara d'autres. Deux canons
votes par cette assemblée visent directement le Donatisme; et,
trait significatif, tous deux ont pour objet de faciliter la
propagande catholique, la conversion des schismatiques. On
décida de conserver leur dignité aux clercs donatistes ralliés
qui n'auraient pas rebaptisé ou qui auraient ramené à l'Église
leurs fidèles. On décida également que les convertis baptises
dans leur enfance par les dissidents pourraienl être ordonnés
clercs C'était une dérogation à l'usage ordinaire de l'Eglise,
2
.

notamment à l'usage romain; mais les solutions adoptées


3
étaienl conformes à de vieilles traditions africaines et elles ,

témoignaienl d'une habile politique, résolue aux concessions


légitimes pour hâter les com ersions désirées. Augustin, encore

I / 3, 6; lus, 2, non. Ecoles, afric, can. n.


6: 108, 4, 13; Sermo II in Psalm. 36, 3) Codex canon. Ecoles, afric., can.
ontra ' resconium, IV, i, I. 68; Augustin, Epis t. 185, 10, 17.
2) Concil. Hippon., can. 37 ; Codex ca-
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 61

simple prêtre, eut l'honneur de prêcher devant les évêques


réunis à Hippone '; s'il n'eut pas voix délibérative au concile,
il en suivit de près les travaux et probablement en inspira
plusieurs décisions. C'est à ce moment qu'il commença sa
campagne contre le Donatisme. Au lendemain des séances du
Concile, il composa son célèbre Psaume contre le parti de
Donat, destiné à être chanté dans l'église pour l'instruction des
2
fidèles Au temps de sa prêtrise appartiennent encore sa
.

réfutation de l'ouvrage de Donat Sur le baptême sa lettre à 3


,

l'évêque donatiste de Sinitum qui avait rebaptisé un diacre


catholique \ et d'assez nombreux sermons contre le Donatisme".
Il était prêtre encore, quand il déposa une plainte contre les
5
Circoncellions qui avaient saccagé une basilique Ce n'étaient .

là que des débuts, mais des débuts inquiétants pour ses adver-
saires. On ne peut dire si c'est Augustin qui inspirales deux
canons du Concile d'Hippone relatifs au Donatisme, ou si c'est
le Concile qui lui suggéra l'idée de combattre le schisme. Mais
la coïncidence est significative elle atteste, à la fois chez
:

Augustin et chez les évêques catholiques, la résolution de


travailler par tous les moyens au rétablissement de la paix
religieuse et de l'unité.
Primianistes et Maximianistes y travaillaient de leur côté,
mais à leurs dépens. Malgré la sentence du concile de Cabar-
sussa, la grande majorité des Donatistes restaient fidèles à
Primianus en dépit de leurs déceptions et de leurs griefs, ils
:

n'avaient pu se résoudre à abandonner leur primat. Après les


surprises et l'inertie du début, les Primianistes avaient repris
confiance. Trois cent dix évêques répondirent à l'appel de
Primianus, et se rencontrèrent au concile de Bagaï, le 24 avril
394. Sous la présidence de Primianus lui-même, ils révisèrent
à leur tour son procès, lui donnèrent gain de cause, excom-
munièrent Maximianus et les douze évêques qui l'avaient
ordonné, menacèrent du même châtiment les autres Maximia-
nistes qui n'auraient pas fait amende honorable dans un
délai fixé Les Maximianistes ne s'inclinèrent pas plus devant
7
.

la sentence de Bagaï, que les Primianistes devant la sentence


de Cabarsussa; et le schisme devint définitif Les Primianistes, .

1) Augustin, Retract., 1, 16. 7) Contra Epistutam Parmeniani, II,

2) Ibid., I, 19. 3,7; Contra Cresconium, III. 53, 59 ;

3) Ibid., I, 20. 54, 60 ; 56, 62 ; IV, 31, 3S ; 32, 39 ; 37,


4) Epist. 23. 44 ; 38, 45 ; 39, 46 ; 40, 47 ; Gesta cum
5; Sermo 252 ;
Enarr.
Psalm. 10; in Envrito, 9-11 ; Epist. 51, 2 ; 53, 3, 6 ;

35, 9 54 Possidius, Vita Augustini, 8.


; ; 108, 1 ; 141, 6; 185, 4, 17.
6) Augustin, Eput. 29, 12.
62 l'église donatiste

plus nombreux et plus hardis, entreprirent alors une singulière


campagne pour forcer leurs adversaires à restituer les basi-
liques. Ils s'adressèrent aux magistrats et aux tribunaux.
Quoiqu'ils fussent eux-mêmes hors la loi, comme tous les
ennemis de l'Église catholique, de par les constitutions
impériales, ils osèrent invoquer les lois qui ordonnaient
d'attribuer à l'Eglise catholique Ce qui toutes les basiliques
est encore plus étrange, ce qui reste difficile à expliquer, c'est

qu'ils trouvèrent des juges pour leur donner satisfaction. Sans


doute, les Donatistes prétendaient être la véritable Église
catholique; mais les gouverneurs romains et les tribunaux
ne pouvaient être dupes de cette prétention. En fait, cependant,
et malgré les interdictions légales, les Donatistes possédaient
d'innombrables basiliques il est probable que les juges tinrent
:

compte de cette situation de fait, et assimilèrent la jouissance


à la possession légale. Quoi qu'il en soit, les Primianistes
gagnèrent leurs procès. Dès la fin de 394, Primianus lui-même
revendiqua la basilique de Maximianus, qui fut détruite par
la foule et rasée jusqu'aux fondements'. Pendant les années
suivantes, de 395 à 397, nous entendons parler d'interminables
procès pour la restitution des basiliques, procès intentés par
les Primianistes à des évêques maximianistes, notamment à
Felicianus de Musti, à Pnetextatus d'Assuras, à Salvius de
Membressa'. Dans ces revendications, les Primianistes appor-
tèrent une extraordinaire àpreté, qu'ils durent regretter plus
tard; car ils fournirent par là un argument décisif aux
Catholiques, qui s'autorisèrent de leur exemple pour faire
appel contre eux au pouvoir séculier.
Tandis que Les deux Eglises donatistes s'excommuniaient
mutuellement et se disputaient les basiliques, les communautés
catholiques de la région jouissaient d'une paix relative, dont
elles profitaient pour leur propagande. Mais le Maximianisme
ne recruta guère d'adhérents en dehors de la Byzacène et de la
Proconsulaire 3 Dans le pays numide, resté la forteresse du
.

Primianisme, la lutte séculaire se poursuivait entre schisma-


tiques et Catholiques. On y signale alors bien des violences.
surtout dans le district d'Hippone. Des évèques donatistes, de

Contra Cresconium, III, 59, 65 IV,


1) : 3, 3 : '., 5; iS, 58; 66, 82; Gesta cum
1, 1;3, 3: 46,55; Epist. 44, \, 7 ;
Emerito, 9 \ Epist. 51, 2-5:70,2: 76,

Emarr. Il in Psalm. 21, 31. 3-4 : 108, 2, 5: 108, 4, 13: 108, 5, 11


Contra Epislulam Parmeniani, I, 3) Epist. 93, 8, 24; Ad Catholicos
Ki. 16 H, 17-18 13, 20 II, 3, 7 Co
: : :
; Epistula contra Donalistas, 3, 6 19, :

tra litlerai Petiliani, II, 58, 132 Con- : 51 : Contra Cresconium, IV, 58, 69.
tra Cresconium, III, 56, 62 59, 65 IV,; :
ALI TEMPS DE SAINT AUGUSTIN H3

gré ou de force, rebaptisaient des Catholiques, même des


clercs; Augustin dut adresser des plaintes et demander des
enquêtes En 395, des Circoncellions mirent à sac la basilique
1
.

d'Hasna; ce qui donna lieu à un procès 2 Vers 397, des évêques .

schismatiques excitaient publiquement la foule à tuer le nouvel


évêque d'Hippone; et on lui tendait des embuscades Des 3
.

bandes de Circoncellions tenaient la campagne. Renonçant à


leurs bâtons traditionnels, en dépit de leurs scrupules évangé-
liques, pour adopter de vraies armes de combat, ces pieux bri-
gands attaquaient les villages et les fermes, s'en prenant sur-
tout aux clercs catholiques qu'ils frappaient sans merci et
4
soumettaient parfois à de terribles supplices Ces attentats et .

ces batailles entre les deux partis ont laissé leur trace jusque
dans l'épigraphie du temps. On vient de découvrir, près de
Tiaret, l'épitaphe de martyrs qui furent tués en l'année 400,
probablement dans une bagarre de ce genre". Du même temps
date l'épitaphe d'un martyr, peut-être donatiste, qui succomba
le 17 septembre à Novar (aujourd'hui Sillègue) C'est alors .

aussi qu'Augustin composa l'épitaphe du diacre Nabor, un


7
Donatiste converti, victime de la vengeance des schismatiques .

Ce qui augmentait le désordre et l'audace des sectaires,


c'était la situation troublée du pays, qui, de nouveau, fut livré
à l'anarchie d'une redoutable insurrection. Comme au temps
de Firmus, les Donatistes trouvèrent un allié dans un grand-
chef indigène, révolté contre Rome. Gildon, lui aussi, était fils
de Nubel. Jadis, il avait combattu son frère Firmus dans les
rangs de l'armée romaine, et avait alors rendu de grands ser-
vices au comte Théodose. Vers 387, il fut nommé comte
d'Afrique, et chargé du commandement de toutes les troupes
d'occupation. Dès lors, il manœuvra pour se tailler dnns la
contrée une principauté indépendante. Quand il apprit en 392
l'usurpation d'Eugenius à Rome, il eut une attitude équi-
voque, affectant la neutralité, s'arrangeant pour ne pas
envoyer les secours attendus par l'empereur Théodose. Après
la mort de Théodose au début de 395, il exploita la rivalité qui

ï)Epist. 34-35 ; Possidius, Vila Augus- Epistulam l'armeniani, I, 11, 17-18 ;

Uni, 8. Contra litteras Peliliani, I, 24, 26 ; II,

2) Augustin, Epist. 29, 12. 65, 146 ; 84, 186 ; 88, 195 ; 96, 222 : Con-
3) Possidius, Vila Augustini, 10 <;t 13 ;
Ira Cresconium, III, 42, 46 ; 45, 49.
Augustin, Epist. 35, 4; Ènchiridion,5, 17. 5) Gsell, Bull, arc h. du Comité des
4) Possidius, Vila
Augustini, 11 Au- ; travaux historiques, 1908, p. ccr.
gustin, Psalmus contra partem Donali, 6) C. /./,., VIII, 10932 ;
2048U.
84; 137-142; 154155; Enarr. in Psalm. 7) De Rossi, lnscript. christ., f. II,

54, 26; 132, ô; Epist. 23, 6-7; 29, 12; p. 461.


35,2; 108, 5, 14; 185, 4, 15; Contra
64 i/ÉGLISE DONATtSTË

mit aux prises Stilichon et Rufin, les ministres d'Honorius et


d'Arcadius. 11 crut le moment venu de réaliser ses plans ambi-
tieux, et de se constituer un royaume indépendant, au moins
de fait. Il commença par arrêter ou entraver périodiquement
le service de l'annone, compromettant ainsi le ravitaillement
du marché de Rome. En 397, il rompit avec Honorius, et
reconnut l'autorité d'Arcadius, dont la suzeraineté lointaine et
nominale lui semblait plus légère. Le sénat romain le déclara
ennemi public, et la guerre éclata. Une armée partit d'Italie
sous le commandement de Mascezel, frère du rebelle, et frère
dès longtemps ennemi Gildon l'avait chassé d'Afrique, et lui:

avait tué ses deux fils. Gildon concentra ses troupes près de
Theveste, attendant les contingents des tribus du Sud. Les deux-
adversaires se rencontrèrent près d'Aminaedara. Dans l'armée
romaine, on se prépara au combat par des jeûnes et des
prières; Mascezel vit en songe saint Ambroise, qui lui promit
la victoire. Dès les premières escarmouches, Gildon fut aban-

donné par ses troupes. Il s'enfuit vers la côte numide, réussit


à s'embarquer pour l'Orient, mais fut rejeté par un coup de
vent sur le rivage de Thabraca. Reconnu, arrêté, il s'étrangla
dans sa prison'. La victoire de Mascezel eut un grand retentis-
sement. Le souvenir en fut consacré, sur le Forum romain, par
deux monuments, élevés l'un en l'honneur des empereurs au
nom du sénat et du peuple, l'autre au nom de l'Afrique en
l'honneur de Stilichon 2 On célébra en vers et en prose la .

défaite du barbare les orateurs officiels dans leurs panégy


:

riques, Claudien dans son poème Dp bello (rildonico. La répres-


sion fut sévère. Plusieurs des chefs rebelles furent emprison-
nés, mis à mort ou proscrits. On confisqua les biens de Gildon
et de ses partisans. Une série de constitutions impériales, pro-
mulguées de 398 à 409, se rapportent à ces confiscations et aux
poursuites contre les complices L'aventure fut si profitable 3
.

au lise, qu'on dut créer une administration spéciale, sous la


direction d'un cornes Gildoniaci patrimonii k '.

Comme autrefois avec Firmus, les Donatistes de la Numidie


et de la Maurétanie orientale avaient fait cause commune avec
Gildon. Les plus compromis de leurs chefs partagèrent le sort
des autres partisans du rebelle. En 398, dans le nord de la

1) Marcellinus Cornes, Chron. ad ann. vinces africaines, t. Il, p. 256 et suiv.

398; Symmaque, E/jist., IV, S : Claudien, 2) C. 1. I... VI, 1181 . n


De bello Gildonico, I et suiv.; ((ruse, l. I teod., VII, 8, 1 ri '.i
; i\, 39,
VII, 36, 2-12. — Cf. Mommsen, Chronica 3: 10, 19 . 42, 16 cl 18-19.
minora, I, p. 246; 298; 164; 650; II, i \. ,1,11,1 Uignilalutn, Occid., cap.
ji. 65 ; l'allu de Lesserl, Fastes des pro- 12. — Cf. C. I. /.., IX, 4051.
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 65

Numidie i les schismatiques s'attendaient à une nouvelle persé-


cution, châtiment de leur révolte ou de leurs violences '. Il n'y
eut pas, semble-t-il, de persécution proprement dite mais il ;

n'est pas douteux que beaucoup de Donatistes aient été atteints


par les constitutions impériales dirigées contre les complices
de Gildon.
Des évêques mêmes avaient fait campagne avec le rebelle.
Le héros de cette insurrection épiscopalefutle célèbre Optatus,
évêque schismatique de Thamugadi. Vrai barbare mitre, sans
mesure ni scrupule, tout à ses passions sauvages tyran impi- :

toyable, cruel et farouche, mais d'une énergie indomptable,


conducteur d'hommes, chef résolu, devant qui tous tremblaient.
Optatus fut le conseiller de Gildon, son âme damnée, et souvent
l'exécuteur de ses hautes œuvres on l'avait surnommé le Gil- :

donien, Gildonianus. Il appela à lui les Donatistes mécontents,


recruta des bandes de Circoncellions, qu'appuyaient peut-être
des troupes régulières. Pendant dix ans, il fut la terreur de la
Numidie. Il parcourait le pays en tout sens, pillant les bourgs,
rançonnant les villes, rebaptisant, intervenant même dans les
affaires des particuliers, réglant des contrats et ordonnant des
mariages, imposant à tous ses volontés et ses caprices 2 D'ail- .

leurs, homme de tradition, orthodoxe à sa façon, fidèle au parti


des Primianistes, et prêt à le défendre par les menaces ou par
l'épée il poussa une pointe en
: Proconsulaire, et y rétablit la
paix, en forçant plusieurs évêques maximianistes à se récon-
cilier avec Primianus Il ménagea encore moins les Catho-
3
.

liques, qu'il persécuta sans trêve, et qui se souvinrent longtemps


de lui. Après la défaite de Gildon, son maître et son « dieu »,
il fut arrêté et mourut en prison \ Sa mort fut une délivrance,

même pour ses amis on fit de lui un martyr, mais on l'aimait


:

mieux saint que vivant. Seuls, quelques évêques catholiques


avaient essayé de lui résister vers 39.Ï, ils lui avaient intenté :

un procès devant le vicaire d'Afrique Seranus 3 .

Quelques mois avant la mort d'Optatus, et grâce à son inter-


vention, la lutte des deux Eglises donatistes s'était terminée
par la victoire définitive des Primianistes. Les partisans de
Primianus étaient restés maîtres en Numidie, où ils établirent
leur centre d'action. Vers 396-397, ils y tinrent successivement

1) Augustin, Epist. 44, 5, il. liliani, 11, 83, 184; Contra Cresconium,
2) Epist. 43, 8, 24 Contra ; lilteras III, 60, 66 ; Gesta cum Emerilo, 9.
Petiliuni, 1, 24, 26; II, 23, 53-55 ; 28, 4) Contra litteras Petiliani, II, 92,
65 ; 33, 78 ; 37, 88 39, 94
; 52, 120; ; 209. — Cf. Epist. 76, 3.
103, 237. 5) Contra litteras Petiliani, 11, 83, 184.
3) Epist. 53, 3, 6 ; Contra litleras Pe-

IV 5
66 l'église donatisTe

deux conciles, à Constantine Dans ces Jeux assem- et à Milev 1


.

blées, ils eurent sans doute à enregistrer les premières capitu-


lations et à régler le sort de leurs schismatiques. En 397, cédant
aux impérieux conseils d'Optatus et à la peur des coups, plu-
sieurs évêques maximianistes de Proconsulaire, notamment
Felicianus de Musti et Praetextatus d' Assuras, demandèrent la
paix à Primianus et rentrèrent en grâce auprès de lui Malgré s
.

• les anathèmes du concile de Bagaï, on conserva aux ralliés leur


titre et leur dignité Praetextatus fut évêque primianiste d'As- :

suras jusqu'à sa mort, vers iOO' Felicianus était encore évêque ;

de Musti en 411*. On déclara valables les baptêmes conférés


par eux pendant toute la durée de leur schisme cette conces- :

sion, dictée par l'intérêt politique, mais contraire aux principes


de Donat, permit désormais aux Catholiques d'opposer un argu-
ment irréfutable, un argument de fait, à la thèse intransigeante
des Donat istes qui contestaient la validité du baptême conféré
hors de leur Eglise L'unité donatiste une fois rétablie dans '.

ces régions, la haine des sectaires se retourna contre les adver-


saires traditionnels le successeur de Praetextatus a Assuras, :

un certain Rogatus, s'étant rallié à l'Eglise catholique, une


bande de Circoncellions le surprit, lui coupa la langue et une
6
main .

Cependant, quelques évêques maximianistes s'obstinèrent


dans leur schisme. Salvius de Membressa, malgré la sentence
du proconsul, refusa de rendre sa basilique. Dans sa résistance,
il fut soutenu par ses fidèles. Mais, en 397, les habitants de la
ville voisine d'Abitina se chargèrent d'exécuter la sentence.
Ils partirent en masse pour Membressa, s'emparèrent de la basi-
lique, saisirent Salvius, l'accablèrent d'outrages ils allèrent :

jusqu'à lui attacher au cou des chiens morts et à l'entraîner


dans des rondes endiablées avec son collier macabre 7 Le .

schisme n'en continua pas moins ses obscures destinées. Il y


avait encore des Maximianistes en i05, et Maximianus lui-
même survivait
8
. Ces entêtés se glorifiaient des persécutions
subies, et en tiraient argument pour démontrer qu'ils repré-

1) Epist. ::4 - s- *) Collai. CaHhag., I, 121. — Cf. Vu-


2) Contra Epistulam Parmeniani, I, gustin, Episl. '.08,4. 13.
4, '.) : II, 1 Contra Cresconium, III,
.'ij . 5) Augustin, Episl. 51, 4; 53, 3, 6;
15, 18; 24, 27; 60, 66 ; IV, 51,61 ; Epist. 108,2 S 185, 4, 17 ; Contra Cresconium,
51 I, 3, •- : 70, I : 108, 2, ... III, 15, 1s ; 60, 66 : IV, 1,1. Gesla cum
'.i) <> Ëcce non longe mortuus Praetexla- Emerilo, 9 De Haeresibus, 69.
;

lus. '
itra Epistulam Parmeniani, 6) Gesla cum Emerito, 9.
III, 6, 29). — Cf
Catholicos EpistulaAd 7) Contra Epistulam Parmeniani,
contra Donatiilas, 18, 46; Episl. lus, |H, 6, 29 ; Contra Cresconium, IV, 49, 59.
2, 5. 8) Contra Cresconium, IV, 46, 55.
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN (17

sentaient la véritable Eglise. Plus tard, en 411, des évoques


maximianistes demandèrent leur admission à la Conférence de
Carthage Ils se faisaient sans doute peu d'illusions sur l'issue
1
.

de la Conférence, et même sur l'effet de leur requête; mais


l'Eglise maximianiste se sentait si près de sa fin, qu'elle tenait
à donner signe de vie.
Après la déroute du Maximianisme, l'Eglise de Primianus,
affaiblieencore par quelques schismes secondaires, mais pour-
tant reconstituée en grande partie et presque aussi puissante
qu'aux temps de Parmenianus ou de Donat, se retrouva face à
face avec l'Eglise catholique. La lutte recommença, plus âpre
et plus serrée. A ce moment apparaissent dans le camp dona-
tisle, de redoutables polémistes ou de vigoureux orateurs,
comme Emeritus de Caesarea, comme Cresconius, et surtout
Petilianus de Constantine, un adversaire presque digne d'Au-
gustin. L'Eglise de Donat pouvait compter encore sur la foi
tenace, le dévouement aveugle et l'énergie farouche de la plu-
part de ses fidèles, qui parfois ne reculaient pas devant le
crime pour défendre la cause. Et cependant, malgré le nombre
et le fanatisme de ses adeptes, malgré la vigueur de ses polé-
mistes, le Donatisme continua de reculer peu à peu tant la :

politique du parti fut maladroite et incohérente, par l'irrémé-


diable médiocrité du primat de Carthage. Les Catholiques
gagnèrent naturellement le terrain que perdaient leurs adver-
saires.
Pendant les premières années, jusqu'en 404, les évèques
catholiques espérèrent encore arriver à leurs fins par la seule
force d'une propagande pacifique, de la libre discussion et de la
persuasion. Au concile de Carthage du 28 août 397, ils se con-
tentèrent d'approuver ou de remettre en vigueur les règles de
discipline antérieurement fixées interdiction du second :

baptême, défense d'ordonner de nouveau les clercs convertis;


confirmation des deux canons d'Hipponc qui avaient pour objet
de faciliter les conversions". Dans les années suivantes, les
Catholiques menèrent une active propagande, par les moyens
les plus divers prédication, lettres, polémique, concessions
:

opportunes. Ils surent parler à l'àme des foules, qui en maint


endroit leur revenait, guidée même par des visions « Celui- :

ci, nous dit-on, dans un songe par une vision, celui-là dans

une extase par une voix, a été averti soif de ne pas aller dans

1) Collât. Carthag., I, 10. — Cf. Au- et 48; Coder canon. Ecoles, afric, can.
gustin, Contra Julianum, 111, 1, 5. 47-48.
2) Concil. Carlharj. ann. 397, can. 38
B8 L EGLISE UONATISTE

le parti de Donat, soit de quitter le parti de Donat »'. La pro-


gaiide, en ce pays de latifundia, était secondée très efficace-
ment par de grands propriétaires qui travaillaient eux-mêmes
à la conversion de leurs colons et au rétablissement de l'unité
religieuse dans leurs domaines de Numidie*. Les adroites con-
fions des Catholiques, qui généralement laissaient leur
dignité aux clercs convertis, contribuèrent à ramener des
prêtres ou des diacres sehismatiques, jusqu'à des évèques par :

exemple, Rogatus d' Assuras, Gandidus de Villa Regia, Donatus


de Macomades
3
. Même dans leur luth* contre les Dooatistes
intransigeants et montraient alors
agressifs, les Catholiques
une modération relative. Ils ne réclamaient l'application des
lois que pour se défendre, pour réprimer les violences et punir
les attentats, pour assurer le libre choix des fidèles entre les
deux Eglises. En dehors des véritables affaires criminelles qui
relevaient du droit commun et des tribunaux ordinaires, ils
n'invoquaient guère que la loi du 15 juin 302, frappant les
clercs hérétiques; et la peine encourue se réduisait à une
amende. Cette modération encore était de bonne politique;
elle réservait l'avenir en évitant de susciter des haines irrécon-
ciliables.
De plus en plus, Augustin qui inspirait et personni-
c'était
fiait cette Depuis qu'il avait remplacé Valerius
politique.
comme évêque d'Hippone 3 il déployait une activité extraor- ,

dinaire dan- sa campagne contre le Donatisme. Il poursuivait


son dessein avec une énergie persévérante, dédaigneuse de la
haine et des menaces qu'il s'attirait, même des attentats dont
il faillit être victime'. Il exhortait ou réfutait les sehismatiques

dans d'innombrables sermons, prononcés soit à Hippone, soit


à Carthage et dans bien d'autres villes Il écrivait à des Dona-
T
.

tistes, évêques, clercs ou laïques, pour les engager à se con-


vertir, pour discuter avec eux, pour se plaindre de leurs vio-
8
lences, pour justifier les lois de répression Il entretenait .

\ui'u<tin, Ad Catholicof Epistula _ 1-2: Prosper Tint, Epitoma Chroni-


conlra Donatistas, 19, 50. con. i
ad ann. 395.
.

_ / . 7-58. 6) Possidius, Vita Augustini, 10 et 13;


Contra Cresconium, II. 10, 12: istin, Epist. 35,4; Enchiridion, 5, 17.

a cum Emerito, 9. : \ igustin, Serm. 46-47 62 88 202 ; ; ; :

I Epist. 66. I 88, 7; 105, 2


; 268-269 271 285: : ;

Ira lit levas Petiliani. II, 83, 184; Ad Enarr. in P*alm. 21


Cathoticos Epistula conlra Donatistas, (Enarr. Il) : . I irr. III : 36 -erm.
Cresconium, III. 17 . .'il ; Il et III : 51 : 1"! [Serm. Il; ; 12i : 132;
lias, Vil . 14. 139 : 145; 149.
iius, Vita '<(. 9-10 :

"
/
t.
49 : M -52 ; 66;
Augustin, Retract., Il, 21 ; fi 31, 4 ;
70 ; 105-108.
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 69

aussi, à propos du schisme, une très active correspondance


avec des Catholiques, des évèques, des prêtres de son diocèse,
des laïques, des magistrats ou de grands propriétaires, qui
l'aidaient dans sa propagande, et dont il voulait louer ou sti-
muler le zèle Confiant dans le bon droit de son Eglise et
1
.

dans la puissance de la raison, il élargissait son champ d'ac-


tion en visant le public entier, sans distinction de sectes, en
provoquant ses adversaires à des discussions pacifiques dans
des salles ouvertes à tous. En 397-398, dans les célèbres confé-
rences de Thubursicum Numidarum (aujourd'hui Khamissa),
il put ainsi s'expliquer en toute sincérité, d'abord avec un
groupe de Donatistes modérés, puis avec l'évèque Fortunius*.
A bien d'autres évèques schismatiques, il proposa des confé-
rences analogues; s'il se heurta trop souvent au refus formel
ou déguisé d'intransigeants adversaires, il obtint du moins ce
résultat que ces adversaires, aux yeux des témoins non pré-
venus, parurent douter de leur cause ou de la force de leurs
arguments Il prit d'ailleurs sa revanche dans la controverse
3
.

écrite, où il se montra le plus clairvoyant, le plus loyal et le


plus redoutable des polémistes. Pendant quinze ans, il ne laissa
passer aucun pamphlet, aucun argument, aucune accusation
des Donatistes. sans y répondre aussitôt et victorieusement :

dans ses livres Contre le parti de Douât dans son grand traité ,

Sur le baptême, dans ses réfutations de Parmenianus, dePetilia-


nus, deCresconius. et dans maint autre ouvrage'. Dans ses livres,
dans ses sermons, dans ses lettres, où nous pouvons admirer
encore l'étonnante activité d'Augustin, nous le voyons à
l'œuvre comme champion de l'Eglise contre le Donatisme. 11
détermine autour de lui de nombreuses conversions. Il sur-
veille tous les mouvements des schismatiques, leur adresse des
proclamations, signale aux magistrats leurs méfaits, proteste
contre leurs usurpations et leurs violences, porte plainte,
exige des enquêtes et des actions judiciaires, réclame à qui de
droit l'application des lois et toujours il pose nettement la :

question, ne laissant rien passer, mais n'exagérant rien, pro-


duisant de bonnes raisons, courtois même envers ses adver-
saires, aussi respectueux des formes qu'intransigeant sur le
fond, avec un mélange unique d'énergie, de modération, de
volonté clairvoyante et de bon sens. Tel il se montre partout :

1) Epist. 34-3 .6-58: 61 ; 69 ; gusliu, Epist. 33-34; 51.


^
85 ; 89 9"
: 100
; 111-112 : : 245. 4) Augustin. Retracé. , II, 31 ; 43-45 ;

2) Epist. 43-44. 51-55; 60-61.


3) Possidius. Vita Auguslini, 10: Au-
70 l'église donatiste

dans ses livres, dans ses discours, dans sa correspondance,


dans l'administration de son diocèse, dans les conciles afri-
cains dont il provoque et inspire les décisions.
C'est désormais dans ces grandes assises des conciles que les
évêques catholiques arrêteront en commun les principes diri-
geants de leur politique et les détails d'exécution. Vn concile
tenu à Carthage le 27 avril 39 eut à s'occuper des poursuites
(
.>

contre les partisans de Gildon, parmi lesquels on comptait tant


de Donatistes il revendiqua hautement le droit d'asile pour les
:

églises, et chargea une députation de porter à l'empereur cette


revendication En 401, deux conciles se réunirent à Carthage;
1
.

le second marqua le début d'une nouvelle tactique. L'assemblée

du 16 juin se contenta de confirmer les canons relatifs au Do-


natisme votés à llippone en 393, puisa Carthage en 397, et
(renvoyer uneambassadeauxévêques de Rome et de .Milan pour
leur exposer les motifs des concessions faites aux convertis 2
.

Mais l'assemblée du 13 septembre traça un plan hardi de négo-


ciations et de réconciliation avec les schismatiques malgré :

l'avis contraire du pape et d'un concile romain, tout chef d'un


diocèse africain aurait le droit de conserver leur dignité aux
anciens clercs dissidents revenus à l'Eglise; on engagerai! des
discussions pacifiques avec les Donatistes; on enverrait à leurs
communautés une députation d'évêques catholiques, qui s'ef-
forceraient de les ramènera l'unité en dissipant leurs préven-
tions, en leur exposant la conduite contradictoire des Primia-
nistes envers les Maximianistes pour appuyer cette démons
;

tration, on demanderait aux gouverneurs africains d'ordonner


partout des enquêtes sur les démêlés des deux Eglises donatistes,
et de faire consigner le résultat de ces enquêtes dans des Gesla
publica ou procès-verbaux officiels Nous n'avons pas de ren-
3
.

seignements précis sur le succès de ces démarches il esl pro- :

bable que la bonne volonté des missionnaires de paix se heurta


comme toujours à l'intransigeance des dissidents. Au concile
de Milev 11 août i02), on eut seulement à enregistrer la dé-
mission de Maximianus, évêque de Vaga, un Donatiste converti
qui se sacrifia sans doute pour rétablir la paix dansson Eglise '.
Le concile ai thage du 25 aoûl i03 n'en tenta pas moins
di I

un nouvel pour amener les schismatiques à une entente.


elTorl
Avec un remarquable sens pratique, il traça tout un programme
d'action, qui avait plus de chances d'aboutir. Tout évêque catho-

1) Codes canon. Eccles. afric, à la 3j llml., can. 21 : 6G 69 : s;;.

suite du canon 56, l) /6zrf.,can. 88, Cf, Augustin, E/>iit.


Wd . can, 51.
AU TEMPS r>E SAINT AUGUSTIN 71

liqne devait, dans sa ville, négocier avec le chef de la commu-


nauté donatiste, pour préparer une conférence générale enlre
les deux partis. Chaque évoque recevrait des instructions précises
(mandatum) et un modèle de procédure (forma conventionis
Donatistùrum). L'évêque de Carthage demanderait aux gouver-
neurs africains de faciliter ces négociations et d'en faire dresser,
dans chaque localité, le procès-verbal officiel '. Le programme
tracé par le concile fut exécuté à la lettre, avec beaucoup de
méthode et de décision. Une série de documents nous permet-
tent de suivre sur quelques points le détail de l'application :

requête d'Aurelius et des Catholiques au proconsul Septiminus,


le 13 septembre
2
édit du proconsul, conforme à la demande
;
3
;

fragments de procès-verbaux, relatifs aux négociations avec


4 5 6
les schismatiques à Carthage à Hippone à Calama Cepen- , , .

dant, le projet de conférence générale n'eut pas de suite pour


le moment. Les avances des Catholiques furent repoussées;
malgré la modération et l'habileté des mesures prises, toute
leur bonne volonté se brisa contre le mauvais vouloir des Dona-
tistes. C'est encore Primianus qui imposa à son parti cette
désastreuse fin de non-recevoir. Non seulement, il refusa pour
son compte de conférer personnellement avec son collègue
7
catholique mais, dans une lettre circulaire, il notifia à tous les
;

évêques schismatiques sa réponse à Aurelius de Carthage 8 .

C'était dicter aux autres leur conduite. Vers la fin de 403, un


9
concile donatiste décida de refuser la conférence Toute la .

procédure imaginée par l'assemblée du 25 août était désormais


sans objet. La politique de paix et d'entente avait échoué.
L'Eglise catholique, poussée à bout, accepta la guerre.
Au moment où les évêques donatistes repoussaient le projet
de Conférence, les Circoncellions semblaient prendre à tâche
de les compromettre plus que jamais dans l'opinion publique
et dans l'esprit du gouvernement central. Sous le commande-
ment de clercs schismatiques, des bandes de ces barbares
tenaient la campagne, surtout en Numidie. Ils s'attaquaient

1) Codex canon. Eccles. afric, can. o) Epist. 88, 7.


91_92. — Cf. Augustin, Contra Cresconium, 6) Contra Cresconium, III, 46, 50.
III, 45, 49
Epist. 88, 7.
; 7) Brevic. Collât., III, 4, 4 : 8, 11 :

2) Collât. Carlhar/., III, 174. — Cf. Contra Cresconium, IV, 47, 57 ; Ad Dn-
Augustiu, Brevic. Collai., III, 5, 6. natistaspost Collât., 1, 1 ; 16, 20 ; 31, 53.
3) Collât. Carthaq., III, 174. 8) Sermo II in Psalm. 36, 18.
4) Augustin, Brevic. Collai., III, 4, 4 ;
9) Epist. 76, 4 ; 88, 7 ;
Contra Cresco-
8, 11 ; Ad Donatistas post Collât., 1, 1; ninm, 111, 45, 49 46, ; 50. — Cf. Codr.,:

16, 20 ; 31, 53 ; Sermo II in Psalm. 36) canon. Eccles. afric, can. 93.
18 ; Contra Cresconium, IV, 47, 57.
72 l'église donatiste

principalement aux évêques et aux clercs catholiques que leur


ardeur pour la propagande entraînait loin des villes, et qui
s'aventuraient dans les bourgs où les dissidents étaient en
majorité. On menaçait de mort ces missionnaires, s'ils ne ces-
saient leur prédication. On les attendait sur les chemins, pour
les rouer de coups et les soumettre parfois à d'horribles tor-
tures Un de ces attentats souleva l'indignation de tous les
1
.

honnêtes gens. Vers la fin de 403, Possidius, évêque de Calama,


fut surpris sur une route par une troupe de fanatiques que diri-
geait un prêtre. Il se réfugia dans un domaine voisin à trois ;

reprises, on mit le feu à la maison où il se cachait; il eût été


brûlé vif sans l'intervention des colons qui craignaient de voir
l'incendie se propager 2
Possidius porta plainte contre les
.

énergumènes et contre Crispinus, l'évêque donatiste, qui refu-


sait de punir son prêtre. Après un long procès, Crispinus fut
condamné par le proconsul à l'amende de dix livres d'or. Il en
appela à l'empereur, qui confirma la sentence. Les évêques
catholiques, entre autres Augustin et Possidius lui-même,
adressèrent une requête à Honorius pour obtenir la remise de
l'amende Mais ce bel exemple de modération ne désarma pas
3
.

le fanatisme de leurs adversaires.


Les violences des Circoncellions, la complicité des clercs qui
dirigeaient leurs coups, et l'intransigeance de presque tous les
évêques donatistes, décidèrent les Catholiques à changer de
politique, à solliciter l'intervention du pouvoir séculier. Le
Concile de Cartilage du 16 juin i04 envoya une ambassade à
l'empereur pour lui exposer la situation. Les tentatives de
réconciliation et les projets de conférence avaient échoué; les
violences redoublaient. On suppliait Honorius de protéger les
Catholiques, de faire appliquer aux Donatistes les lois qui frap-
paient les hérétiques, de donner des instructions en consé-
quence aux gouverneurs africains. En attendant les décisions
impériales, le Concile crut prudent de s'adresser directement à
ces gouverneurs, pour leur demander de rétablir l'ordre et
d'assurer partout aux Catholiques la protection des autorités
municipales'.
Si l'empereur hésita, les Donatistes se chargèrent de lui

1) Possidius, Augustini, 13-14;


Vita nium, 111,46, 50.
Augustin, Epist. 185, 4, 18; Con-
88,6; 3) Augustin,
Epist. 88,7; 105, 2, 4;
Ira Cresconium, III, 45, 49: 46, 50; 4S, Contra Cresconium, III, 47, ",l Possi-
;

Collat, Carlhag., III, 174; Codex dius, Vila Augustini, l».


canon. Ecoles. afric, can. 93. 4) Codex canon. Eccles. afric, can. 93.
2. Possidius, Vita Augustini, 14; Au- — Cf. Collai. Cart/iay., III, lit Augus-
:

k'ustin, Epist. 105, 2, 4; Contra Crcsco- lin, Epist. 80, 1; 88, 7.


AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 73

enlever tout scrupule. Les attentats se multiplièrent. De jour


en jour arrivaient aux gouverneurs, et jusqu'à Rome, les
plaintes de nouvelles victimes. Aux environs d'Hippone, Res-
titutus, un ancien prêtre schismatique rallié à l'Eglise catho-
lique, fut enlevé de sa maison, accablé de coups et d'outrages,
roulé dans la fange d'une mare, couvert d'un grotesque man-
teau de joncs, traîné ainsi au milieu des huées, et retenu douze
jours prisonnier. Augustin dut déposer une plainte'. Ailleurs,
les fanatiques s'attaquèrent à des évêques catholiques qui
avaient intenté des procès pour la restitution de leurs basi-
liques. Servius, évêque de Thubursicum Bure (Teboursouk),
fut maltraité avec son père Maximianus, évêque de Bagaï, fut
2
.

presque assommé avec les planches de son autel, puis frappé


d'un coup de poignard, précipité du haut d'une tour, et aban-
donné dans un fossé malpropre, où il resta longtemps sans
connaissance. Il survécut par miracle, et s'empressa d'aller
raconter son aventure à Rome, où déjà le bruit de sa mort
avait couru. Il y rencontra beaucoup de ses collègues, qui tous
apportaient quelque plainte analogue 3
.

L'impression fut profonde, en Italie comme en Afrique.


L'empereur se décida à prendre des mesures énergiques. Le
12 février 405, il promulgua un nouvel édit d'unité, qui équiva-
lait à la mise hors la loi du Donatisme, et qui spécifiait les
principaux moyens de supprimer le schisme ordre d'appli- :

quer à la lettre toutes les lois antérieures; défense de rebapti-


ser, sous peine d'arrestation immédiate et de confiscation des
biens; interdiction aux dissidents de faire ou recevoir des
donations ou des legs assimilation des schismatiques aux
;

hérétiques; attribution de toutes les églises aux Catholiques;


amendes contre les contrevenants'. Dans son objet et dans sa
teneur, Ledit d'Honorius rappelait les vieux édits d'union,
lancés par Constantin en 316 et par Constant en 347. Mais il
contenait une clause nouvelle, d'une importance décisive :

l'assimilation légale du Donatisme aux hérésies". Par le fait


même, les schismatiques africains tombaient sous le coup des
innombrables lois contre les hérétiques; et les agents de
l'empereur n'avaient plus aucune raison ni aucun prétexte à
invoquer pour les ménager.

1) Augustin, Contra Cresconium, III, 4) Cod. Theod., XVI, 5, 38: 6, 3-5;


48, 53; Epist. 88, 6. 11. ~1. — Cf. Codex canon. Eccles. afric,
2) Contra Cresconium, 111, 43. 47. can. 94; 99; 117; 119; Augustin, Epist.
3) Epist. 88, 7; 183, 7, 26-27; Contra 88, 5-10; 185, 7, 26.
Cresconium, III, 43, 47; 45, 49. 5) Cod. Theod., XVI, 6, 4,
7't l'église donatiste

L'expérience du passé pouvait autoriser quelque scepticisme


sur les résultats positifs de cette nouvelle proscription du
Donatisme Cependant, il n'est pas douteux que les ordres de
l'empereur aient été rigoureusement exécutés en beaucoup
d'endroits. L'Eglise schismatique continua de vivre, elle résista
même victorieusement sur bien des points, elle conserva
nombre de ses basiliques mais elle n'en fut pas moins sérieu-
;

sement atteinte, et presque anéantie en certaines villes. Ce


n'est pas sans raison qu'elle s'est plainte d'avoir été alors dure-
ment persécutée. Nous avons là-dessus cent témoignages pré-
cis, contemporains, dans les œuvres des polémistes, dans les
Actes des Conciles, surtout dans les procès-verbaux de la Con-
férence de 411.
Le 5 mars 405, l'empereur ordonna d'afficher partout
l'édit d'unité (edictitm de unilate) D'après une chronique1
.

donatiste, recension africaine du Liber ç/enealogus, la persé-


cution commença le 26 juin \ Mais l'édit ne fut d'abord
appliqué que dans la capitale de la Proconsulaire. Le Concile
de Carthage du 23 août 405 décida d'envoyer aux empereurs
une lettre synodale et une ambassade pour les remercier
d'avoir rétabli l'unité à Carthage mais, en même temps, il
;

adressa d'autres lettres aux gouverneurs africains pour les invi-


ter à faire exécuter l'édit dans le reste de l'Afrique Honorius 3
.

lui-même crut devoir stimuler le zèle de ses agents; par une


constitution datée du 8 décembre 405, il leur ordonna de
veiller à l'application des lois contre les Donatistes *. Devanl
cette insistance de l'empereur, les gouverneurs se décidèrent
à prendre des mesures pour restaurer, autant que possible,
l'unité religieuse.
Partout où l'on osa, on traqua les dissidents. On confisqua
leurs basiliques, les caisses de leurs communautés, même des
biens privés; les violences légales fournirent l'occasion
attendue aux vengeances particulières'. L'importance de ces
confiscations est attestée, quelques années plus tard, par un
document officiel au début de 411, pour décider les évêques
:

donatistes à venir siéger dans la Conférence de Carthage,


le commissaire impérial leur fera rendre provisoirement leurs

églises". En outre, beaucoup de schismatiques, surtout des

1) eo,l. Theod., XVI, 11, 2. 4) Cod. Theod., XVI, ri, 39.

2) Liber genealogus, C. 627 (Mommsen,


:
.
Augustin, Epist. 88,
ii H: 93, 1.'. 10.

Çhronica minora, I, p. 196). 6) Collai. Carlhag., I, 5; Augustin,


3) Code* i les. afric.,cva. 94. Brevic. Collal.,1, .'.
,

AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN /


."'>

clercs, furent frappés d'amendes ou condamnés à l'exil'. Mais


la rigueur, la durée, les résultats persécution ont étrange- de la
ment varié d'une région, d'une ville à l'autre, selon les dis-
positions des magistrats, et surtout, suivant la force relative
des deux partis.
A Carthage, comme nous l'avons vu, l'unité fut rétablie
officiellement dès l'été de 405 2 et pourtant Primianus put se ;

maintenir à son poste, où nous le retrouverons encore en 411


continuant à gouverner l'Église schismatique Dans le diocèse 3
.

d'Hippone, Augustin nous dit que la persécution ne fut pas


;
bien terrible les dissidents se virent enlever des basiliques,
;

mais leur évêque était toujours là, leurs prêtres n'avaient


pas désarmé, et les Circoncellions faisaient encore parler
5
d'eux Dans d'autres villes, où les Donatistes étaient moins
.

capables de résistance, ils furent plus durement traités. A la


Conférence de 411, on entendit les plaintes des victimes, qui
citaient des faits précis. En voici des exemples, empruntés
aux diverses provinces africaines. A Membrone, en Procon-
sulaire, l'évèque schismatique « succomba au temps de la
persécution » 6 A Hippo Diarrhytus (Bizerte), l'évèque dissident
.

Victor accusait Florentins, son collègue catholique, de l'avoir


livré à la police « 11 m'a persécuté, disait-il, malgré mon
:

innocence; il m'a fait arrêter, m'a remis à YO/ftcium pour


qu'on m'emprisonnât et qu'on me tuât j'ai fait trois ans de ;

prison » A Marazana, en Byzacène, la communauté schis-


7
.

matique avait été complètement dissoute. Voici le dialogue qui


s'engagea en 411 entre les deux évêques rivaux de cette
localité :

Le Donatiste « Mon prédécesseur a été ordonné à Marazana.


:

Après avoir pris possession de son siège, il a été expulsé ».


Le Catholique « Il n'a jamais siégé ». :

Le Donatiste « Moi non plus, je n'ai pu entrer en posses-


:

sion j'ai dû m'installer à trois milles de la cité ».


;

Le Catholique « Il n'y a jamais eu chez nous de Donatistes,


:

et il n'y en a pas, et jamais ils n'ont pris possession de leur


siège ».

1) Augusliu, Eplst. 89, 2: 93, 3, 10. et 12; 105, 2, 3; 106-108; III, 1.


2) Codex canon. Eccles. afric, eau. 94. 6) Collât. Carthag., I, 133.
3) Collai. Carthag., I, 1 104 120; '. ; ; 7) Ibid., I, 142. — Ce passage, qui est
129-133; 148-149; 151; 163; 119; 183; placé aujourd'hui à la findu paragraphe 142,
19*j; 208; 223; II, 2 et 12: III, 2 et 116; a élé sûrement transposé (par suite d'une
Augustin, Ad Donatistas posé Collai., confusion avec un autre Victor); il doit
24,41. être reporté à la fin ilu paragraphe 139,
4) Augustin, Epist. 88, 8. où il est questiou de l'évèque d'flippo Diar-
5) Retract., II, 53, 1; Epist. 86; 88, 8 rhvtus.
76 l'église donatiste
1

Le Donatiste ont été opprimés naguère ».


: « Ils

A Hospita, en Numidie, l'évêque catholique ayant déclaré


qu'il n'avait pas de rival, son adversaire dissident réplique :

« J'ai dû fuir sans cesse devant la persécution »


2
A Quiza, en .

Mauritanie Césarienne, l'évêque schismatique « succomba dans


la persécution » A Gratianopolis, dans la même province, le
3
.

Catholique dit de son adversaire « J'ai contre moi Deuterius; :

mais il est seul, sans fidèles ». A quoi Deuterius réplique :

« C'est que tu as renversé nos maisons, et que tu m'as persé-

cuté » '. —
Ces petites scènes, notées sur le vif, en disent long
sur les violences qui accompagnèrent en Afrique l'exécution
de l'édit d'unité.
Dans d'autres localités, surtout en Numidie, les rôles
changent. Les Donatistes y étaient si bien maîtres de la situa-
tion, qu'ils trouvaient moyen de persécuter les persécuteurs.
Dans la région d'Hippone, l'audace des Circoncellions s'accrut
encore après les lois de 405, et les attentats se multiplièrent 6 .

Vers 406, le clergé catholique d'Hippone adressa une lettre de


plaintes au primat schismatique de Numidie 6 A Constantine, .

les deux évoques rivaux s'accusaient mutuellement de violence.


Le Donatiste dit de son adversaire catholique « Il est le persé- :

cuteur de l'Eglise dans la ville où je suis évêque ». « Dans —


la même cité, répond le Catholique, tous les autels ont été
brisés par les hérétiques ». « C'est toi le persécuteur, réplique —
le Donatiste. Le procès-verbal en fera mention. Le moment
venu, tu seras traité comme tu le mérites »
8
A Milev, 7
.

l'évêque schismatique avait détruit quatre basiliques A Bagaï, .

les dissidents, qui en 404 avaient presque l'évêque assommé


catholique 9 recommencèrent leurs exploits après l'édit de
,

10
'lO.'i ils incendièrent la basilique et brûlèrent les livres saints
: .

A Rotaria, ils tuèrent l'évêque catholique". A Thibilis, ils


réduisirent à la condition de catéchumène, puis rebaptisèrent
l'évêque Simplicius, un vieillard de quatre-vingt-dix ans". A
Caesariana, le chef de la communauté schismatique, Cresco-
nius, commit toutes sortes de méfaits. Voici ce que disait de lui
Novatus de Sitili : « Il y a ici, à Carthage même, un prêtre et

\) Collât. Carthag., I, 133. 7) Collât. Carthag., I, 139.


2) Ibid., 1, 1 :',:',. -
Ibid., I, 201.
; Ibid., 1, 143. ''
Augustin, Contra Cresconium, III,

I Ibid., I, 135. 43, 47: Epist. 88,7; 18! -27.


S \ iguslin, Epist. 88, 1 et 8; 108, 5, 10) Brevic. Collât., III, 11, 23.
14: lu-;, 6, 18; 111, 1: Contra Cresco- 11) Collât. Carthag., I, 187.
nium, III, 43, 47; 47, 51. 12) Ibid., I, 188 et 197.
pi t. 88.
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 77

un diacre que Cresconius a volés, qu'il a torturés, qu'il a pen-


dus, a dépouillé l'Eglise catholique, lui a pris son argent, lui
il

a dérobé ses provisions de blé, lui a enlevé ses chariots »'.



Voilà des schismatiques qui interprétaient à leur façon l'édit
d'unité. Et tout cela se passait au moment où les gouverneurs
africains, en vertu des ordres de l'empereur, étaient censés
anéantir l'Eglise de Donat.
Cependant, si l'on considère l'ensemble de la contrée, l'Eglise
catholique gagna beaucoup plus qu'elle ne perdit aux persécu-
tions qui suivirent les lois de 405. Tandis qu'on lui attribuait
les basiliques enlevées aux dissidents, elle cherchait à gagner
les populations par une propagande encore plus active, ne
négligeant aucun moyen d'action prédication, traités polé- :

miques, correspondances collectives ou personnelles, procla-


mations même ou affichage de documents sur les murs des
2
,

églises Les conversions furent nombreuses des cités entières


3
. ;

abandonnèrent le schisme*. Thagaste, qui jadis avait été com-


plètement acquise au Donatisme, était depuis longtemps rede-
venue catholique, sans doute après l'édit de Constant La loi
5
.

de 405 eut le même effet en certaines villes à Vazari, par :

exemple, toute la population revint à l'Eglise catholique, et


8
l'évêque schismatique, resté seul, dut se retirer Ce qui surprit .

plus encore, c'est la conversion d'assez nombreux Circoncel-


lions, las peut-être de leurs vagabondages et de leur existence
de brigands Des clercs dissidents, par la vertu de l'édit impé-
7
.

rial, furent également touchés de la grâce des prêtres, comme :

des évêques, comme ceux de Culusi


8
Cassianus de Bamaccora ;

9
et de Vaga en Proconsulaire Des propriétaires de Numidie, .

comme Festus, usaient de leur influence pour convertir les


colons de leurs domaines 10 Une adroite politique, qui tenait.

compte des circonstances et des cas particuliers, facilitait les


conversions. sévère pénitence à ceux qui, une
On imposait une
fois baptisés, avaient abandonné l'Eglise; mais' on se montrait
indulgent pour ceux qui appartenaient à des familles schisma-
tiques. On n'admettait pas dans le clergé catholique ceux qui
avaient été rebaptisés, ni ceux qui, après un premier retour à
l'Eglise, étaientredevenus donatistes". Sauf ces exceptions assez

1) Collai. Carthag., I, 188-189. Carthag., I, 136.


2) Augustin, Epist. 105; Retract., Il, 6) Collât. Carthag., I, 129.
53 et 55. T) Augustin, Epist. 93, 1, 2.

3) Retract., Il, 53, 1. 8) Collât. Carthag., I, 128 et 187.


4) Augustin, Epist.' 93, 5, 16; Codex 9) Ibid., I, 138 et 176.
canon. Eccles. afric, can. 99. 10) Augustin, Epist. 89, 8.
5) Augustin, Epist. 93, 5, 17; Collât. 11) De unico baptismo, 12, 20,
78 l'église donatiste

justifiées, on conservait leur dignité aux évoques et aux clercs


ralliés même, ils obtenaient de l'avancement Cas-
'. Parfois :

sianus de Bamaccora, ancien prêtre schismatique, surnommé


le traître « Absalon » par ses amis d'autrefois, devint évêque
catholique Grâce à ce concours de circonstances favorables
2
.

et d'habiles concessions, les conversions se multiplièrent telle-


ment dans certains districts, que les conciles durent réorga-
niser des diocèses 3
, et même en créer de nouveaux, comme
lediocèse de Tucca, près de Milev 4
.

Parmi les conversions, il y en eut de sincères; beaucoup


même, au jugement d'Augustin \ D'autres, qui ne l'étaient pas
au début, le devinrent avec le temps. Bien des gens qui fei-
gnirent d'abord de se convertir, ou qui avaient été retenus
jusque-là par la crainte de la vengeance des sectaires, ou qui
étaient schismatiques de tradition sans avoir jamais réfléchi
sur le schisme, ou qui étaient incapables de distinguer entre le
Catholicisme et le Donatisme, finirent par se rallier complète-
ment, sous l'influence de la prédication et de l'habitude". Mais
l'Eglise eut aussi ses ennemis intérieurs, convertis par crainte
et seulement en apparence, traîtres d'intention, attendant
7
l'heure Enfin, la majorité des dissidents résistèrent à toutes
.

les pressions, aux exhortations comme aux menaces. Les fana-


tiques s'acharnaient contre les convertis, surtout contre les
H
clercs Malgré les résultats décisifs obtenus sur certains points,
.

des raisons multiples compromirent l'effet de l'édit d'unité :

la force même des schismatiques dans les régions où ils domi-


naient, la peur, la fréquence des attentats contre les ralliés,
l'habitude, les calomnies populaires sur la prétendue idolâtrie
des Catholiques, le dédain des querelles de sectes, l'indifférence
9
à connaître la vérité Bref, l'édit d'union de 105 n'a pas été
.

sans résultat il a déterminé des conversions durables, il a


:

affaibli le parti des dissidents là où ils étaient déjà en minorité.


Mais le Donatisme a résisté il a conservé presque toute sa :

force en Numidie, et, à la Conférence de \\\, lesévêques sclii-*


matiques seronl encore aussi nombreux que les Catholiques '".

1) Coder canon. Eçcles a/ri<\, can. 1) Episl. 89, 7: 185, 7,30.


Collât. Carthag., I, i:iO: 138; 176; 8) Episl, 88, ti-S: 97, 4; 105, 2, 3

187. 108, 5, 14: 108, 6, 18: 111, 1 ; Contra


_ Collai, Carthag., I, 187. Cresconium, m. 47, M.
Coder canon. Ecries, afric, can. 9) Episl. 93, 1, 12; 93, '>, 17; 185,
99 et 117. 7, 29.
ij Collai. Carlhag., 1, 1:10-131. l(i) Collât. Carthag., I, 213-217 : Au-
5) Augustin, Epis t. '.''(, 1. gustin, llrevic Cvllat., I, 14: Ad Dona-
6) Episl. 9.;, :,. 16; 185, 7, 29-3H. tislas post Collât., 24, 41.
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 70

Le résultat le plus clair des lois de 405 fut de dissiper toute


équivoque, et de déchaîner une lutte à mort entre les deux
Eglises.Tout persécutés qu'ils fussent, les Donatistes osèrent
quelquefois prendre l'offensive. Au début de 406, ils songèrent
à adopter la politique qui avait réussi à leurs adversaires ils :

se tournèrent vers le pouvoir séculier, et lui soumirent un


projet analogue à celui qu'ils avaient repoussé trois ans plus
lot. Le 30 janvier, des évêques donatistes étaient à Ravennes :

ils adressèrent une requête au préfet du prétoire, pour obtenir

l;i convocation d'une conférence publique et contradictoire


entre les deux partis La demande eût été certainement bien
1
.

accueillie avant Ledit d'union arrivant en pleine persécution,


:

elle ne rencontra sans doute que scepticisme ou dédain. Le


projet n'eut pas de suite pour le moment; mais les Catholiques
africains n'oublièrent pas cette démarche, ils devaient souvent
l'alléguer plus tard pour démontrer que ces sectaires si intran-
sigeants avaient eux mômes sollicité l'ouverture d'une con-
férence.
Pendant les deux années suivantes, sauf les exploits de leurs
Circoncellions et des succès locaux de représailles, les Dona-
tistes n'eurent à enregistrer que des défaites. Les évoques
catholiques, dans leur concile de Carthage du 13 juin 407,
s'efforcèrent d'assurer leur victoire en réorganisant leur Eglise.
Us envoyèrent une ambassade à l'empereur, pour obtenir
quelques mesures complémentaires contre le schisme. Ils
fixèrent entre eux les principes de la politique à suivre dans
les localités où se produisaient de nombreuses conversions.
Les anciennes communautés dissidentes, une fois ralliées à
l'Eglise,devaient garder leur évoque. S'il était mort, et si elles
ne demandaient pas à le remplacer, elles pourraient être
rattachées à un autre diocèse. Tout évêque schismatique qui
avait ramené ses fidèles au Catholicisme, avant ledit d'union,
conservait de droit sa dignité. Partout où les conversions
étaient postérieures à l'édit, les évêques devaient revendiquer
toutes les églises; et de même, là où les schismatiques refu-
Cette intelligente politique, mélange do con-
2
saient de céder .

cessions prudentes et de fermeté, était propre à rendre durables


les succès partiels déjà obtenus. Elle paraît avoir été pleine-
ment approuvée par le gouvernement central. Une constitution
d'Honorius, datée du 15 novembre 407, et adressée au procon-
animée du même esprit ordre de
sul d'Afrique Porfyrius, est :

1) Collât. Carthag. ,111, 141 Augusliu,


; 2) Codex canon. Ecclcs. afric, can.
Brevic. Collât., 111,' 4, o; Epitt. 88, 10. 99; 106. — Cf. tbicl., can. 117.
80 L'ÉGLISE DONATISTli

se montrer indulgent pour lesschismatiques qui se rallient à


l'Eglise catholique, et de poursuivre l'application des lois
contre les intransigeants 1
.

En 408, les Donatistes se crurent à la veille de prendre une


nouvelle revanche. On apprit coup sur coup la disgrâce, puis
la mort de Stilichon, le ministre tout-puissant d'Honorius et
le grand ennemi des hérétiques. Ces événements causèrent en
Afrique une vive émotion, et même des troubles. Schismatiques
et païens s'agitèrent. On prétendait que les lois de répression
étaient l'œuvre personnelle de Stilichon. que ces lois allaient
être rapportées, que tout allait changer Des dissidents peu 2
.

scrupuleux fabriquèrent et firent circuler dans le pays un faux


édit impérial de tolérance". Les évêques catholiques s inquié-
tèrent, et tinrent cette année-là deux conciles à Carthage. Dans
leur assemblée du 16 juin, ils décidèrent d'envoyer à l'empe-
reur une ambassade pour demander confirmation des lois
1

contre les Donatistes Le 13 octobre, à la suite de nouveaux


.

attentats contre plusieurs d'entre eux, à la suite d'émeutes où


deux Catholiques furent tués et trois évêques maltraités, ils
chargèrent une autre députation de porter en Italie une requête
analogue et de solliciter des mesures d'urgence. De son côté,
Augustin se mit en campagne il écrivit à Olympius, le nou-
:

veau ministre, pour le presser d'appuyer la demande du


concile 6 .

Honorius s'émut de toutes ces démarches et de l'agitation


africaine. Le M novembre 408, une constitution impériale
enjoignait une fois de plus de proscrire les partisans de Gil-
don, c'est-à-dire, probablement, les Donatistes compromis
1
naguère dans la révolte Une autre constitution, datée du
.

±\ novembre, et adressée au proconsul d'Afrique Donatus,


frappait de la peine capitale quiconque troublerait les cérémo-
8
nies des églises Puis, les lois se succédèrent de plus en plus
.

menaçantes le 27 novembre, ordre d'empêcher toute réunion


:

d'hérétiques, confiscation des lieux de réunion, exil des cou-


pables 9 le 13 janvier i09, peine capitale contre ceux qui
;

saccageraient les basiliques ou insulteraient les évêques et les


prêtres, ordre de poursuivre d'office sans attendre la plainte

1) Cod. Theod., XVI, 5, 41 et 43. 5) lbid., avant le canon 107. — Cf.

2) Augustin, Epist. 97, 2-3 Codex ca-


: Augustin, Episl. 91, 2-4.
non. Ecoles, a fric, à la suite du canon 6) Augustin, Epist.
106. 1) Cod. Theod., IX, 10, 19.

3; Augustin, Epist. 105,2,6. 8) lbid., XVI ... — Cf. Augustin,


4) Codex canon. Ecoles, afric, à la Episl. 100, 2.
suite du canon 106. 9) Cod. Theod., \\l. 5, 15,
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 8J

des chefs de communauté, ordre à tous de dénoncer les vio-


lences, instructions spéciales aux gouverneurs africains qui
devront demander des troupes au comte d'Afrique'; le 15 jan-
vier, ordre exprès d'appliquer toutes les lois, révocation des
gouverneurs qui n'obéiraient pas, amendes à leurs agents,
déportation des magistrats municipaux qui ne dénonceraient
pas les infractions"; le 26 juin, menace de disgrâce contre
tous les détenteurs de l'autorité qui ne se conformeraient pas
aux instructions reçues 3 .

La persécution recommença donc en Afrique. Le proconsul


Donatus promulgua lui-même un édit sur l'application des
lois* édit si sévère, qu'Augustin crut devoir lui écrire pour
:

lerappeler à la modération, pour l'inviter à punir les dissidents


sans les mettre à mort Ce qui explique sans doute la rigueur
5
.

de Donatus, ce sont les éclats de fanatisme, dont les échos lui


parvenaient chaque jour. En bien des pays, les Circoncellions
semaient la terreur et s'entraînaientà de terribles représailles 5 .

Des évoques catholiques intentaient des procès aux Donatistes


'devant le proconsul A Sinitum, près Hippone, les schisma-
7
.

8
tiques lançaient une audacieuse proclamation Des prêtres .

dissidents adressaient à Augustin une sommation aussi mena-


9
çante qu'injurieuse Augustin répondit par un Avertissement
.

aux Donatistes, où il les exhortait à rentrer dans l'Eglise et jus-


10
tifiait les lois de répression Malgré tout, les violences redou-
.

blaient de tous côtés. Elles surexcitèrent tellement l'opinion


publique, que les évêques schismatiques crurent sage
d'enrayer ne réussissant pas à arrêter leurs auxiliaires trop
:

compromettants, ils ouvrirent des listes de souscription pour


indemniser les propriétaires lésés par les Circoncellions".
Au début de 410, coup de théâtre. Heraclianus, comte
d'Afrique, chef de toutes les troupes qui travaillaient par la
terreur à la conversion des Donatistes, reçut une constitution
impériale qui dut l'étonner fort, et qui ne nous surprend pas
moins c'était un édit de tolérance, qui proclamait la liberté
:

de toutes les sectes 12 On ne sait trop d'où venait cette volte-


.

1) Cod. Theod., XVI, 2, 3t. 7) Augustin, Epist. 100, 2.

XVI, 5, 46.
2) lbid., 8) Epist. 105, 2, 4.
3) lbid., XVI, 5, 47. 9) Epist. 105, 1, 1; 5, 17.

4) Augustin, Epist. 100, 2. Cf. Cod. — 10) Epist. 105.


Theod., XVI, 5, 44. H) Epist. 108, 6, 18.
5) Augustin, Epist. 100. 12) Cod. Theod., XVI, 5,51 Codex ca-
;

6) Epist. 108, 5, 14; 108, 6, 18; 111, non. Ecoles, afric, eau. 107; Augustin,
1 ;Codex canon. Eccles. afric, à la Epist. 108, 6, 18.
suite du canon 10G.

IV 6
82 L'ÉGLISE DONATISTE

face, ni ce qui s'était passé à Rome peut-être la crainte des :

Goths, qui envahissaient l'Italie, fut-elle pour l'empereur le


commencement de la sagesse, en le décidant à tenter, après
l'union des Eglises, l'union des citoyens. En tout cas, cet accès
d'indulgence pour les dissidents ne semble pas avoir rétabli la
paix en Afrique. Vers ce temps- là, Macrobius, le nouvel
évêque schismatique d'Hippone, fit son entrée solennelle dans
sa ville épiscopale, escorté par des compagnies de Circoncel-
lions qui mêlaient aux cantiques leur farouche refrain Deo
laudes C'est alors aussi qu'il rebaptisa un sous-diacre du dio-
1
.

cèse d'Augustin 3 Les évêques catholiques tinrent conseil.


.

Résolus à en finir, ils se décidèrent à reprendre leur plan de


403, mais en assurant le succès par l'intervention du pouvoir
séculier. Leur concile de Carthage du 14 juin 410 envoya une
ambassade à l'empereur pour lui exposer la situation, pour
demander l'abrogation de l'édit de tolérance et la convocation
d'une Conférence générale entre les deux partis Par une 3
.

constitution datée du 25 août 410, Honorius annula son précé-


dent édit, et frappa de la peine capitale ou de la proscription-
tous les hérétiques qui tiendraient des assemblées 4 En même .

temps, il accepta le projet de conférence, et prit des mesures


pour le réaliser. Par la constitution du 14 octobre de la même
année, il chargea un commissaire spécial, Marcellinus, séna-
teur, tribun et notaire impérial, de se rendre à Carthage, d'y
convoquer la Conférence, d'en présider les débats, de rétablir
en Afrique l'unité religieuse au profit de celle des deux
Eglises qui aurait prouvé son bon droit, et, jusqu'à la sen-
tence, de faire appliquer toutes les lois en faveur de l'Eglise
5
catholique .

C'est un moment solennel, une épogue, dans l'histoire de


l'Afrique chrétienne de la Conférence allait sortir la condam-
:

nation définitive du schisme, l'arrêt de mort, ou, au contraire,


la justification et l'apothéose du Donatisme, reconnu enfin
comme la véritable Eglise en Afrique. A vrai dire, les schis-
matiques se firent peu d'illusions. Ils connaissaient trop bien
leur destin de persécutés, les anciens édits d'union, la longue
série des lois antérieures, la politique traditionnelle du gou-
vernement central, les dispositions personnelles de l'empe-

1) Augustin, Epiât. 108, 5, 14. 2, 2 ; 3, 3 ; 4, 4-o.

2) Epist. 106-108. — Cf. Sermo 46, 13, 4) Cod. Theod., XVI, !, 51.
31. 5) lbid., XVI, 11, 3; Collât. Cnrlhay.,
3) Codex canon. Ecoles, afric, eau. I, 4 ; III, 29. —
Cf. Augustin/ Brevic.
107. — Cf. Augustin, Brevic. Collai., III, Collât., I. 1 ; 111, 2, 2.
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 83

reur; ils savaient que le commissaire lui-même était catho-


lique. Cependant, ils se décidèrent à tenter l'aventure; et Mar-
cellinus mena
toute l'affaire en vrai juge, avec une remar-
quable impartialité.
Les préliminaires furent assez longs. Par un premier édit,
promulgué le 19 janvier 411, le commissaire impérial convo-
qua la Conférence pour le 1 er juin afin d'amadouer les dissi- ;

dents, promit de faire rendre provisoirement leurs églises à


il

ceux de leurs évêques qui participeraient aux réunions de Car-


thage Primianus lui-même parut renoncer à son intransi-
1
.

geance par une lettre circulaire, il engagea tous les évêques


2
:

donatistes à accepter le rendez-vous Le 18 mai, les schisma- 3


.

tiques, en grande pompe, tirent une entrée théâtrale à Car-


thage 4 Les Catholiques y arrivèrent de leur côté, mais discrè-
.

5
tement, sans cortège Vers le 20 mai, un second édit du .

commissaire fixa le local de la Conférence, la date d'ouver-


ture, et la procédure' Le 25 mai, les évêques donatistes se
5

réunirent en concile, rédigèrent une lettre synodale en réponse


7
au second édit élurent leurs mandataires et leur remirent des
,

instructions (mandatumY Vers . le même jour, le concile catho-


9
lique adressa également sa réponse à Marcellinus ; pour faci-
tous les évêques présents s'engagèrent à démis-
liter l'entente,
sionner, si les Donatistes étaient vainqueurs 10 Le 30 mai, .

nouvelle séance du concile catholique, pour l'élection des man-


dataires et la rédaction du mandatum" ; seconde lettre au com-
missaire, pour protester contre certains passages de la réponse
des schismatiques'-.
Les débats remplirent trois séances, dont deux intermi-
nables. Ils eurent lieu dans un vaste et luxueux édifice de Car-
tilage, les Thermae Gargilianae n Les deux partis étaient à peu .

près d'égale force. On comptait 286 évêques catholiques pré-


sents, 120 absents, 64 sièges vacants; du côté des Donatistes,

1; Collai. Carthag., I, 5; Augustin, 8) Collât. Carthag., I, 148; Augustin,


Brevic. Collât., I, 2. Brevic. Collai., I, 14; II, 3.
2) Collai. Carthag., Il, 50 ; Augustin, 9) Collât. Carthag., I, 16; Augustin,
Brevic. Collai., 11, 3. Epist. 128; Gesta cum Emerilo, 5-7;
3) Augustin, Ad Donalislas posl Col- Brevic. Collât., I, 5.
lai., 24, 41. 10) Augustin, Gesla cum Emerilo, 6;
4) Collât.
Carthag., I, 14 et 29; III, Brevic. Collât., 5; Epist. 128, 2.
I,

204; Augustin, Ad Donatistas post Col- 11) Collât. Carthag., 1, 55; Augustin,
lât., 25, 43. Brevic. Collât., I, 10.
5) Augustin, Brevic. Collât., I, 11. 12) Collât. Carthag., I, 18: Augustin,
6) Collât. Carthag., I, 10; Augustin, Epist. 129 Brevic. Collât., I, 7.
;

Brevic. Collai., 1, 3. 13) Collât. Carthag., I, 1 et 10; II, 1 :

7) Collai. Carthag., I, 14 ; Augustin, III, 1 Augustin, Brevic. Collât., I, 14.


;

Brevic. Collât., 1, 4.
84 L EGLISE DONATISTE

279 évoques présents, à peu près autant d'absents et de sièges


vacants que pour les Catholiques Marcellinus présidait les 1
.

débats. Il était assisté par plusieurs officiers, et tout un per-


sonnel d'huissiers, de greffiers, de notariï' Les sept manda- .

taires (adores) ou avocats-représentants du parti donatiste


étaient Primianus de Cartilage, Petilianus de Constantine,
Emeritus de Caesarea, Protasius de Thubunae, Montanus de
Zama, Gaudentius de Thamugadi, Adeodatus de Milev Les 3
.

mandataires des Catholiques étaient Aurelius de Cartilage,


Alype de Thagaste, Augustin d'Hippone, Vincentius de Culusi,
Fortunatus de Constantine, Fortunatianus de Sicca, Possidius
de Calama*. En outre, chaque parti avait désigné sept consi-
iiarii ou conseillers sans voix délibérative, quatre archivistes
(custodes chartarum), et quatre greffiers (notarii)'.
r
La première séance eut lieu le 1 er juin On procéda d'abord à '.

7
l'installation du bureau Puis, des greffiers lurent les docu- .

ments relatifs à la convocation édits de l'empereur et du :

commissaire, réponses des deux partis 8 Alors les Donatistes .

cherchèrent à entraver la discussion par des obstructions de


tout genre chicanes sur la dernière réponse de leurs adver-
:

saires, sur la méthode à suivre, sur le mandatum des Catholi-


ques'. présence de tous les évêques qui avaient
Ils exigèrent la
signé ce document "'. On fit venir ces évêques, dont on vérifia
une à une toutes les signatures ". Puis, il fallut lire le mandatum
des Donatistes '- et leurs signatures", où Ton constata des irré
gularités, même la signature d'un mort
u Après le recensement .

t5
des deux partis le président congédia tous les évoques non
,

mandataires. Mais la journée avait passé au milieu de toutes


ces vérifications; on dut renvoyer la discussion au surlende-
16
main

1) Collai. Carlhag., I, 213-217; Au- tin, Ilrevic. Collai., I, 8-9.


gustin, lirevic. CUlaL, 1, 14; Ad Dona- 10 Collai. Carthag., I, 55-98; Augus-
j

li-itus posl Collai., 21, 41. tin, Ilrevic. Collai., I, 10-11.


2 Collai. Carthag., I, 1 cl 4; II, 1 ;
11} Collât. Carthag.,l, 99-143; Augus-
III, I. tin, Brevic. Collât., I, 12.
3) Ibid., 1, 148. - Cf. Il, 2; III, 2. \-2)Collal. Carthag., I, 148; Augustin,
4) lbid., I, 55. — Cf. I, 2; II, 2: III. 2. Brevic. Collai., I, 1 4.

5) lbid., I, 1-2; 10; 55 21 s 223 ; ;


; 13) Collât. Carlhag., I. 149 210.
11, 1-2: III, 1-2; Augustin, lirevic. Col- 14) lbid., 207-208; Augustin, Brevic.
I,

lât., I, 4; Episl. 141,2. Collât., I, 14; Ad Donalislas />osl Col-


6) Collai. Carlhag., I, 1 et 10. lai., 23, 40 ,
Epist. 141, 1.

7) lbid., I, 1-3. 15) Collai. Carlhag., I, 211-217; Au-


8) lbid., \, 4-5 ;
in ; 14; 16-18; A gustin, Brevic. Collai., I, 14.
tin, Brevic. < ollal., I, 1-7. 16) Collai. Carthag., 1, 217-222 ; Au-
9) Collai. Carlhag., I, 20 53 : Augus- guslin, Brevic. l'uttat., I, 15.
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 85

Les Donatistes n'attendirent pas jusque-là pour soulever des


difficultés.Dès le lendemain, 2 juin, ils adressèrent une re-
quête au président, pour réclamer une copie du mandat um des
Catholiques'. Marcellinus ordonna de leur remettre la copie
demandée '.
Au début de la seconde séance de la Conférence, 3
3
juin on s'aperçut que les schismatiques préparaient de nou-
,

velles manœuvres. Le président ayant


invité tout le monde à
s'asseoir, ilsrefusèrent en alléguant des textes bibliques et
l'impiété de leurs adversaires 4 On resta donc debout, mais .

sans avancer davantage. Les greffiers lurent la requête de la


veille, et la réponse du commissaire*. Après d'orageux débats,
on décida que chaque orateur devrait signer le procès-verbal de
toutes les paroles qu'il aurait prononcées''. Puis, les Donatistes
demandèrent l'ajournement de la discussion, jusqu'à ce qu'ils
eussent reçu copie des Gesla de la première séance Ils invoquè- '
.

rent aussi la prescription, prétendant que la Conférence aurait


dû s'ouvrir le 19 mai, quatre mois après le premier édit du
commissaire, conformément à la constitution impériale 8 Bref, .

l'on n'aboutit à rien le président dut céder, et ajourner la Con-


;

9
férence à six jours Les greffiers furent prêts avant la troi-
.

sième séance. Le G juin, ils remirent aux mandataires des deux


10
partis les procès-verbaux des débats antérieurs Le même .

jour, Marcellinus fit afficher ces procès-verbaux, avec un Avis


au public 11 Le 7 juin, les évêques donatistes présents à Carthage
.

se réunirent, et rédigèrent une longue lettre synodale, adressée


au commissaire, en réponse au mundatam des Catholiques".
La troisième séance, qui occupa toute la journée du 8 juin ",
et qui décida du sort des schismatiques, mérite une place d'hon-
neur dans les annales de la chicane, delà résignation chrétienne
et de la patience présidentielle. Les Donatistes épuisèrent tous
les systèmes d'obstruction, avec une réelle habileté d'avocats
retors. Ils posèrent d'abord une question préjudicielle quel :

était le demandeur? Incidemment, ils soulevèrent des discus-


sions accessoires ; lequel des deux partis avait le droit de se

1) Collai. Carlhag., Il, 12; Augustin, 8) Collât. Carthag., Il, 48-50.


Brevic. Collai., II, 2. 9) lbid., II, 61-73; Augustin, Brevic.
2) Collât. Carthag., II, 12 et 34. Collât., II, 3.

3) lbid., II, 1. 10) Collai. Carthag. ,111, 4-5 ;


Augustin,
4) lbid., Il, 3-7; Augustin, Brevic. Col- Brevic. Collât., III, 1,1.
làt., Il, 1. 11) Collât. Carthag., II, proœm. — Cf.

5) Collât. Carthag., Il, 12 ; Augustin, II, 73.


Brevic. Collât., II, 2. 12) Collai. Carthag., III, 25 e
? ;
Auyus-
G) Collât. Carthag., Il, 13-17 ; 46. tin, Brevic. Collât., III, 8, 10 ;
Ad Dona-
1) lbid., U, 20-46 ; Augustin, Brevic. listas posl Collât., 29, 49.
Collai., Il, 3. 13) Collai. Carlhag., III, 1.
86 l'église donatiste

dire catholique ? quelle procédure devait-on suivre ? Fallait-il


alléguer des textes de l'Ecriture, ou des documents publics? N'y
avait-ilpas prescription, le délai de quatre mois étant expiré
depuis longtemps? De part ou d'autre, on produisait des pièces
de tout genre l'édit d'Honorius, la requête des Catholiques
:

demandant la Conférence, les instructions remises alors à leurs


députés, les Gesta praefectoria de Ravennes en 406, les procès-
verbaux de 403, jusqu'à la supplique des dissidents à Constan-
tin en 313 '. Le président se débattait en vain au milieu de ces
chasses-croisés, de ces obstructions et de ces chicanes ; il n'ar-
rivait même pas à faire lire jusqu'au bout la plupart des docu-
ments invoqués. Malgré tout, les avocats des schismatiques
commirent des maladresses, et, dans l'entraînement de la polé-
mique, laissèrent échapper des déclarations imprudentes ou
contradictoires L'enquête sur le demandeur, à laquelle ils
9
.

revenaient sans cesse, les ramena insensiblement aux questions


essentielles 3
. Les Donatistes exigèrent qu'on lût entièrement
leur lettre synodale, rédigée la veille en réponse au mandatum
de leurs adversaires '
: la discussion même de cette lettre eut
pour conséquence un long débat sur les prétentions rivales
des deux partis, sur les caractères de l'Eglise universelle, sur
le schisme et la persécution, sur l'ensemble des points qui cons-
tituaient la Causa Ecclesiae*. Les accusations des Donatistes
contre Caecilianus de Carthage amenèrent la discussion sur la
Causa Cacciliani, c'est-à-dire sur les origines du schisme et les
circonstances de la rupture Malgré toutes leurs obstructions, .

et en cherchant à esquiver le débat, les avocats des dissidents


avaient eux-mêmes, sans le vouloir, posé les deux questions
dont lasolution importait ;ettousleursargumentsavaienttourné
7
contre eux, avaient parfois fait rire à leurs dépens Le com- .

missaire impérial était désormais fixé; il déclara clos les débats.


Il invitales évêques des deux partis à se retirer, puis les fit
rentrer pour leur lire sa sentence 8 C'était la condamnation du .

Donatisme.

1) Collai. Carthag.,\\l, 15-220; Augus- pitula Gestorum, III, 282-3f4; Augustin,


lin, Brevic. Collât., III, 2. 2 & III, 7, 8. Brevic. Collât., III, s. iO h III. 11, 23.
2) Augustin, Brevic. Collai., III, 16, 6) Capitula Geslorum, III, . ; 1 *i - 578 ;

28 ; Ad Donalislas posl Collât., 2, 2; 3, Augustin, Brevic. Collai., III, 12, 24 à


3 : i. 4-5; 10, 14; 12, 1ti; 19, 25. III, 24, 42.
3) Augustin, Brevic. Collai., III, 6,7 ; 7) Augustin, Brevic Colla/., m, 20,
11, 2:t. 38; Ad Donalistas posl Collât., 31, 54.
4) Collât. Carlhag., III, 258 ; Augustin, 8) Capitula i.estorum, III, 585-587;
Brevic. Collai., \l\, 8, 10. Lu [ustin, Brevic. Collât., III, 25, 43.
5) Collai. Carlhag., III, 259-281; Ca-
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 87

Condamnation théorique tout d'abord, mais qui bientôt se


traduisit par des prescriptions légales et par des faits. Marcel-
linus adressa aussitôt son rapport à l'empereur et fut autorisé 1
,

sans doute à tirer les conséquences politiques de sa sentence.


Le 26 juin, il promulgua et fit afficher à Carthage un édit de
proscription contre le Donatisme 2 Les dissidents en appelèrent .

à Honorius lui-même Ils entreprirent aussi une campagne de


3
.

pamphlets et de sermons contre les Catholiques, surtout contre


Marcellinus qu'ils accusaient de partialité et de vénalité*. L'em-
pereur leur répondit par la constitution du 30 janvier 412, qui
était l'arrêt de mort de l'Église schismatique révocation des :

mesures antérieures de tolérance; confirmation de toutes les


lois de répression; ordre à tous Donatistes, clercs ou laïques,
de revenir au Catholicisme; en cas de désobéissance, amendes
variant selon le rang, puis confiscation des biens châtiments ;

corporels pour les esclaves et les colons déportation des clercs ; ;

attribution aux Catholiques des églises et autres immeubles qui


5
avaient appartenu aux communautés dissidentes .

Restait l'exécution. L'empereur en chargea simultanément


les gouverneurs africains et des commissaires spéciaux. Il
ordonna aux gouverneurs de mettre en mouvement les magis-
trats des cités,d'appuyer les évêques catholiques qui revendi-
quaient les basiliques, et de veiller à l'application intégrale des
lois. Les gouverneurs promulguèrent des édits en ce sens tel :

était, par exemple, l'édit de Macedonius, vicaire d'Afrique en


414 6 Mais on se souvenait du passé on se défiait du zèle de
. :

ces administrateurs de carrière, rendus prudents par l'expé-


rience, et enclins à esquiver les responsabilités de ce genre. On
envoya donc en Afrique des agents extraordinaires, chargés
spécialement de faire exécuter les lois contre les Donatistes. Ces
commissaires impériaux, ces agents d'exécution (exe eut ores),
allaient de diocèse en diocèse pour prêter main-forte aux
évêques et rétablir partout l'unité. Le premier de ces commis-
saires fut Marcellinus, le président de la Conférence de 411, qui
7
était encore en Afrique deux ans plus tard Il eut probablement .

pour successeur Caecilianus, qui, en 413, lança un édit contre

1) Collât. Carthag., I, 4; III, 29. 36; Ad Donatislas post Collât., 1, 1 ;

2) Edit conservé, avec le titre inexact de 4, 6 ; 11, 15 ; 12, 16 : 13, 17 ; 16, 20 ; 17,
Sententia Cogniloris, à la suite des 21 ; 25; 23, 39; 34, 57 35, 58; Pos-
19, ;

Gesta Collationis. sidius, Vila Augustini, 16.


3) Ad Donatistas post Collât., 12, 16 ; 5) Cod. Theod., XVI, 5, 52. - Cf. Au-
Possidius, Vila Augustini, 15. gustin, Epiai. 185, 9, 36.
4) Augustin, Epist. 141, 1 et 12; Re- 6) Augustin, Epist. 155, 4, 17.
tract., Il, 66: Brevic. Collât., III, 18, 7) Epist. 133, 1-3; 139, 1-2; 151, 4-9.
88 i/ÉCLISE DONATISTE

les Donatistes D'autres agents d'exécution sont mentionnés


1
.

dans les Actes du Concile de Garthage en 418*. Enfin, vers 420,


nous rencontrons en Numidie un autre commissaire impérial,
le tribun Dulcitius, auteur de deux édits successifs contre les
schismatiques*.
On appliqua rigoureusement les lois, non seulement contre
les Primianistes, qui seuls avaient été expressément condamnés
à la Conférence de 411 mais contre les Maximianistes et autres
,

sectaires qui avaient depuis longtemps rompu avec l'Église de


Primianus \ On confisqua les édifices du culte, le mobilier des
basiliques, les autres biens des communautés schismatiques
5
A .

Hippone, par exemple, les immeubles urbains et ruraux (villae,


fundi) de l'Église donatiste furent attribués à l'Église d'Augus-
tin A Uzali, vers 420, il est question d'une basilique, usurpée
f
'.

jadis par les dissidents, puis rendue aux Catholiques, et appelée


pour cette raison Restitnta\ A Carthage, les schismatiques
furent dépossédés de leurs églises, dont Aurelius prit posses-
sion On pourrait citer bien d'autres exemples.
8
.

Tout en revendiquant les basiliques et autres biens, les


évêques catholiques s'occupèrent de ramener les esprits, de
rallier les âmes. Ils recommencèrent partout leur campagne de
propagande, par la prédication, par des correspondances offi-
cielles ou privées, par la polémique. Dans leurs discussions et
leurs exhortations, ils prirent désormais pour base les débats
de la Conférence de Carthage et la sentence du commissaire
impérial. Us se servirent habilement de la publicité, en répan-
dant à travers la contrée, et par tous les moyens, les Actes
(Gcsta) delà Conférence. Les procès-verbaux des deux premières
séances, à peine rédigés et mis au net, avaient été affichés à Car-
thage dès le 6 juin 411, avant l'ouverture de la troisième
9
séance L'ensemble des Gesta fut ensuite affiché dans la même
.

ville, et sans doute en bien d'autres, avec l'édit de Marcel li nus


du 26 juin n Ce n'était pas encore assez on répandit dans le
'

. :

public des copies de ces procès-verbaux. L'édition que nous


possédons fut donnée, vers la fin de 41 1 par un certain Marcellus, ,

1) Epist. 86. 6) In Johannis Evangelinm tractatus,


2) Codex canon. Ecoles, a fric, can. VI, 25.
12.'J. 7) De miraculis sancli Stephani, I, 7.

3) Augustin, Epist. 204, 'A ; llelrac/., 8j Augustin, Contra Gaudentium, I, 6,


II, 85 ; Contra Gaudentium, I, 1, 1 ; 10, 7.
21 ; 31, 40. 9) Collât. Carlhag., Il, proœm.
4) Ad Donatistas posl CoHal., 17, 21. 10) Sententia Cognitoris, h la suite
5) Contra Gaudentium, I, 36, 16 :
37, '1rs Gesta Collationis.
50 : :ïn, .M.
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 89

qualifié d'historiographe (memorialis) qui avait assisté à tous ,

les débats et avait été attaché au bureau, probablement parmi


les scribes pour aider le lecteur à se reconnaître au milieu de
'
:

ces interminables discussions, il divisa les Gesta en chapitres


et y joignit une table des chapitres {Capitula Gestorum) 2 De .

son côté, et vers le même temps, Augustin élaborait une autre


édition, beaucoup plus rationnelle et plus nette, des mômes
documents; pour faciliter encore la tâche du lecteur, il publiait
un Abrégé des Gesta, très précis, complet, et relativement
court, le Brevicu/us Collationis* Ainsi rendus accessibles au .

public, les procès-verbaux de la Conférence devinrent un mer-


veilleux instrument de propagande, la démonstration, par les
faits, de l'erreur et de la déroute des évoques schismatiques.
Chaque année, dans bien des villes, à Carthage, à Constantine,
à Thagaste, a Hippone, on lisait à l'église, d'un bout à l'autre,
pendant le Carême, les Gesta Collationis. En 418, Augustin
engageait Deuterius, son collègue de Caesarea, à suivre cet
exemple \
Comme les vaincus cherchaient à donner le change, incrimi-
naient la vénalité du juge, prétendaient que la procédure avait
été irrégulière, qu'on ne les avait pas laissés librement s'ex-
pliquer et que leurs arguments étaient irréfutables 5 les évêques ,

catholiques se préoccupaient surtout d'éclairer l'opinion, en


s'adressant aux laïques. Le 14 juin 412, dans leur concile de
Numidie, ils décidèrent de renseigner la foule par une lettre

synodale, véritable Avertissement aux Donatistes, où ils résu-


maient brièvement les débats et en tiraient les conséquences".
C'est Augustin qui avait rédigé ce document Alors, comme 7
.

toujours, il était le premier sur la brèche. En ces années-là, il


prononça d'innombrables sermons sur le schisme, à Carthage,
à Hippo Diarrhytus (Bizerte), à Constantine, à Hippone, en
mainte autre ville 8 Il écrivait aux commissaires impériaux,
.

aux proconsuls, aux vicaires d'Afrique, à des convertis". Il com-


posait de nouveaux ouvrages polémiques notamment, au début :

1; Marcellus Memorialis, Praefatio ad 12, 16; 13, 17; 16, 20; 17, 21 ; 19, 25;
Severianum lulianum.
et 23, 39 ; 34, 57 ; 35, 58.
2) Capitula Gestorum, joints aux 6) Augustin, Epist. 141.
Gesta Collalionis. 7) Relract., II, 66.
3) Augustin, Retract., II, 65; Brevic. 8) Serm. 10112 138 147 164
; 99 ; ; ; ; ;

Collât., 1, Praefat. 182-183 357-359 Enarr. in Psalm. 67


; ; ;

4) Gesta cum Emerilo, 4. 147 In Johannis Evangelium tractatus


;

5) I'ossidius, Vita Auqustini, 16 ; Au- IV-X1I ; In Johannis Epistulam tracta-


gustin, Epist. 141, 1 et 12; Relract., II, tus 1-XUI. —
Cf. Epist. 144, 1-3.
66 ;
Iireoic. Collât., III, 18, 36; Ad Do- 9) Epist. 86 133-134 ; 139 142 144
; ; ; ;

natistasposl Collât., 1, 1 ; 4, 6 ; 11, 15 151 155; 185; 204.


;
90 l'église donatiste

de 412, le livre Ad Donatistas post Collationem., où il réfutait les


1
calomnies des évêques dissidents et, cinq ans plus tard, le De ,

correctione Donatistarum, où il exposait complètement au comte


Boniface sa théorie sur la légitimité des lois de répression 11
5
.

combattait directement des Donatistes intransigeants, comme


Emeritus de Caesarea et Gaudentius de Thamugadi'. Il suivait
de près les événements, applaudissait aux succès de son Église,
portait plainte contre les violences des Circoncellions de son
diocèse, surveillait les procès qui se déroulaient à Cartilage*.
Cette double campagne, des évêques catholiques et des agents
de l'empereur, eut des résultats décisifs. Les conversions furent
innombrables; de « grandes multitudes » revinrent à l'Église 5 .

Ce revirement de la foi populaire est attesté par des faits pré-


cis, par les œuvres d'Augustin, par les Actes des Conciles.
L/évêque d'Hippone fut alors en correspondance avec des ral-
liés de Constantine, avec des prêtres et autres clercs convertis
des environs d'Hippone, avec une ancienne religieuse schis-
6
matique De ce temps date encore un curieux document, où
.

l'on suit l'évolution de l'âme populaire la profession de foi :

7
d'un Donatiste réconcilié avec l'Église Des cités entières rede- .

vinrent catholiques comme Caesarea en Mauritanie comme


8
: ,

9
Fussala près d'Hippone Les conciles durent prendre des me-
.

sures spéciales pour introduire ces nouveaux-venus dans les


cadres ecclésiastiques' on dut même créer des diocèses,
;

comme celui de Fussala ".


Malgré ces succès rapides, l'unification religieuse rencontra
bien des résistances, et n'en triompha pas partout. Le Dona-
tisme se maintint dans nombre de localités, surtout de Numidie
et de Maurétanie, où les partisans de la réconciliation étaient
en minorité, et où la foule était terrorisée par quelque tout-
puissant fanatique '-. La plupart des évêques et des clercs resté-
rent obstinément fidèles à l'Eglise de Donat, dont ils défen-
daient la cause à coups de sermons et de pamphlets l; A l'oc- .

1) Relract., II, 66. 8) Gesta cum Emenlo, 2.

2) Ibid., 74: Epist. 185.


Il, 9) Epist. 20'.), 2.

3) Retracé., Il, 72; 77: 85. 10) Codex canon. Eccles. afric, can.
4) Epist. 133, I; 134, 2; 139, 1-2; 117-119.
loi, 3-9. 11) Augustin, Episl. 209, 2.
:i) « Intentes eoruin mulliludines » 12) Episl. 185, 7, 30.
(Epist. 204, \ — Cf. Epist. 2,7;
185, 13 Epist. 141,1 et 12; Brevic. Collai.,
3, 13; 185, S, 32-33; Contra Gau- III, 18, 36; Ad Donatistas post Collai.,
denlium, l, 24, 27 Possidius, Vita Au-
; 1, 1 ; 4, 6 ; 11, 15; 12, 16:13,17:17,
gustini, 21 : 19, fi ;
35, 58; Retract., Il,

6) Augustin, Epist. 142: 114: 208. 66 ; Possidius. Vita Augustini, 16.


7) Sermo 360.
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 91

casion, même isolés, ils luttaient contre leurs persécuteurs et


contre la police. Un jour, on arrêta Donatus, prêtre schisma-
tique de Mutugenna, près d'Hippone. Comme il refusait de
marcher, on le hissa de force sur un cheval, pour le conduire à
l'église catholique. Il se débattit si bien, qu'il tomba de cheval
et se blessa. Un peu plus tard, il réussit à s'échapper, et courut
se jeter dans un puits. On l'en tira à grand'peine. En fin de
compte, il ne put se dérober ni aux sermons ni aux railleries
d'Augustin '. Vers ce temps-là, beaucoup d'évêques furent
exilés, sans doute pour avoir continué à rebaptiser, ou pour
avoir résisté aux autorités en cherchant à défendre leurs basi-
liques*. Pour en finir, de nombreux dissidents recoururent au
suicide ; d'autant mieux qu'ils croyaient mériter ainsi la gloire
3
des martyrs dans l'Église donatiste, on devenait un
. Jadis,
saint en se précipitant du haut d'un rocher. Maintenant, la
mode avait changé il était de bon goût de se brûler vif, en
:

compagnie, et des évêques donnaient l'exemple '.


D'autres schismatiqucs prétendaient ne pas quitter ce monde
d'iniquité avant d'avoir tiré von^eance de leurs persécuteurs.
Tls ne reculaient pas devant les attentats et les crimes de droit
commun, ni devant l'incendie, ni devant le meurtre. Les basi-
liques de Carthage qui avaient été enlevées aux Donatistes et
rendues aux Catholiques, furent détruites successivement par
des incendies on soupçonna les sectaires de n'être pas étran-
;

5
gers à ces sinistres Autour d'Hippone, des bandes de Circon-
.

cellions, conduites par des clercs scliismatiques, harcelaient les


Catholiques, guettant surtout les convertis ou les membres du
clergé qui allaient prêcher dans les campagnes. Deux attentats
causèrent une vive émotion dans le pays coup sur coup, les :

fanatiques tuèrent le prêtre Kestitutus, puis mutilèrent le prêtre


Innocentius, à qui ils arrachèrent un œil et coupèrent un doigt.
On arrêta les coupables, qui furent traduits devant le procon-
ù
sul Apringius et condamnés après un long procès Bien .

d'autres attentats sont signalés alors dans diverses régions de


l'Afrique. Les Circoncellions attaquaient de nuit et brûlaient les
maisons des clercs. Ils incendiaient les basiliques, ils jetaient
7
dans les flammes les manuscrits des Livres saints Ils tuèrent .

des évêques et des clercs; à d'autres, ils crevèrent les yeux à ;

un évêque, ils coupèrent une main et la langue 8 .

1) Augustin, Epist. 173, 1 et 4. 5) Contra Guudentiurn, I, 6, 7.

2) Contra Gaudenlium, I, 14, 15: 16, 6) Epist. 133, 1; 134, 2: 139, i-2.
17 ; 18, 19. 7) Epist. 185, 7, 30.
3) Epist. 204, 1-2 et 5. 8) Gesta cum Emerito, 9; Epist. 185,
4) Contra Gaudenlium, I, 37, 47. 7, 30 ; Possidius, Vita Augustini, 15.
92 l'église donatiste

On comprend que l'audace de ces fanatiques et leurs féroces


représailles aient souvent intimidé leurs adversaires. Certains
évêques catholiques, dans les régions où les sectaires restaient
puissants, montraient peu d'empressement à rétablir l'unité,
môme quand un commissaire impérial venait leur offrir son
concours les conciles durent intervenir, et mettre les hésitants
:

en demeure d'agir, sous peine d'excommunication ou de dépo-


sition '. Dans l'été de 413, les Donatistes réussirent à se venger
de l'homme qui avait déchaîné la persécution le président de :

la Conférence de 441. Le comte d'Afrique Heraclianus avait


cherché à se rendre indépendant, et avait même tenté une
descente en Italie. Le comte Marinus, qui l'avait vaincu, pour-
suivi dans sa fuite et fait exécuter à Carthage, traquait en
Afrique les partisans du rebelle. Marcellinus et son frère
Apringius, l'ancien proconsul, étaient encore là on les savait ;

en mauvais termes avec Marinus. Les deux frères furent dé-


noncés comme complices d'Heraclianus on les arrêta, on ins- ;

truisit vivement leur procès, et, malgré l'intervention des


évêques catholiques, malgré l'appel adressé à Rome, on les fit
exécuter par surprise le 13 septembre 413'. On ne douta point
que les dénonciateurs fussent des Donatistes 3 En tout cas, les .

schismatiques triomphèrent bruyamment ils prétendirent ;

même que la condamnation de Marcellinus entraînait celle de


ses actes, l'annulation de sa sentence de 411 et des édits de
proscription*.
L'empereur crut devoir couper court à ces bruits, et prendre
de nouvelles mesures contre les dissidents africains. Déjà, le
21 mars 413, il avait confirmé les lois antérieures contre ceux
5
qui rebaptisaient ou se faisaient rebaptiser Le 17 juin 414, il .

ordonna à lulianus, proconsul d'Afrique, d'enlever leurs droits


civils aux schismatiques, d'attribuer leurs églises aux Catho-
liques, de déporter leurs évêques et leurs clercs, d'infliger des
amendes aux contrevenants selon leur rang, des châtiments
corporels aux esclaves et aux colons Par une autre constitu- .

tion, datéedu 30 août 414, et adressée encore au proconsul lu-


lianus, il spécifia expressément que la condamnation et la mort
de Marcellinus n'empêchaient pas que la sentence de 411 eût
son plein effet, et ne changeaient rien aux mesures prescrites 1 .

1) Codex canon. Ecoles, afrit in. Epist. 151, 4 et 11.


123-124. 4) Cod. Theod., XVI, 5, 55.
2) Augustin, Epist. 151, 3-9. 5) Ibid., XVI, tî, 6.

3) Jérôme. Adv<>rsus Pe/ayianos, lit, 6) Ibid., XVI, 5, 54.


s.
f.: Orose, VII, \±. —a. logu lin. 1) Ibid., XVI, 5, 55.
\

AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 93

Le 25 août 415, il ordonna d'afficher de nouveau à Carthage la

loi de 410, frappant de la proscription ou de la peine capitale


tous hérétiques qui tiendraient des assemblées Le 6 novembre
1
.

415, il enjoignit de poursuivre tous les sectaires qui prati-


quaient le second baptême confiscation des maisons où se
:

réunissaient ces hérétiques, déportation de quiconque laisserait


rebaptiser, et des clercs qui rebaptiseraient ou procéderaient à
des ordinations ou présideraient des assemblées, interdiction
aux hérétiques de faire ou de recevoir des donations ou des
2
legs Ce furent les dernières lois d'Honorius qui visaient ou
.

atteignaient les dissidents africains. Mais, dix ans plus tard,


de nouvelles constitutions furent promulguées par son succes-
seur Valentinien III, ou en son nom. Le 6 juillet 425, le pro-
consul d'Afrique Georgius reçut l'ordre de proscrire toutes les
hérésies et tous les schismes Le 6 août de la même année,
3
.

une loi enjoignit d'expulser des villes tous les hérétiques ou


schismatiques '. A la veille même de l'invasion vandale, le
30 mai 428, une dernière constitution confirma les lois anté-
rieures de répression restitution des églises aux Catholiques,
:

défense aux hérétiques d'avoir sur le sol romain aucun lieu


d'assemblée ou de prière, amendes contre ceux qui ordonne-
raient des clercs, interdiction des testaments ou des donations,
défense de rebaptiser, exil et amendes aux contrevenants, me-
nace d'infliger les mêmes peines aux gouverneurs qui n'assu-
reraient pas l'exécution de la loi
Ces prescriptions sévères paraissent avoir stimulé le zèle des
agents impériaux chargés détraquer le Donatisme. Deleurcôté,
les évêques catholiques cherchaient à achever l'œuvre d'unité,
en réorganisant leurs communautés accrues par les conversions,
en réglant les difficultés nées de ces conversions mêmes et de
la non-coïncidence des évêchés des deux partis. Dans un concile
de Byzacène, le 24 lévrier 418, on rappela que la réconciliation
des schismatiques convertis devait se faire toujours par l'im-
6
position des mains Le concile de Carthage du 1 er mai 418
.

arrêta toute une série de mesures importantes relatives aux


conversions et à la délimitation des diocèses. Il fixa les princi-
pes d'après lesquels on devait attribuer à tel ou tel diocèse
catholique les anciennes paroisses schismatiques. Il détermina
les conditions du partage des églises, dans un même diocèse,
entre l'évêque catholique et l'évêque donatiste converti. On

1) Cod. Theod., XVI, 5, 56. 4) Cod. Theod., XVI, 5, 64.


2) Ibid ,XVI, 5, 58. 5) Ibid., XVI, 5, 65.
3) Ibid., XVI, 5, 63. 6) Ferraudus, Breviatio canonum, 174.
04 l'église donatiste

décida encore qu'il y aurait prescription, trois ans après qu'une


ancienne paroisse schismatique aurait été rattachée à un dio-
cèse. Enfin, l'on enjoignit à tous les chefs de communauté, qui
n'étaient pas encore en règle, de supprimer le schisme dans
leur ville. Si l'évêque néglige de poursuivre le rétablissement
de l'unité, ses collègues du voisinage devront lui adresser des
remontrances. Si dans un délai de six mois, et malgré la pré-
sence d'un commissaire impérial, il n'a pas anéanti le schisme,
il sera excommunié jusqu'à entière exécution de la loi. Pour

déjouer le plan de certains évêques peu scrupuleux qui cher-


chaient encore à ménager les deux partis, on menaça de dépo-
sition tout évêque qui prétendrait faussement avoir restauré
dans son diocèse l'unité religieuse L'année suivante, le1

25 mai 419, un autre concile de Carthage réunit et confirma


les canons relatifs au Donatisme, votés par les assemblées an-
2
térieures Ce fut désormais, pour les Africains, le code de
.

l'unité catholique.
Les dernières décisions du concile de 418 montrent nettement
que les ordres d'Honorius n'avaient pas encore été exécutés
partout. En fait, jusqu'à la fin du vi e siècle, il subsistera des
communautés donatistes ou ces communautés n'ont jamais
:

été dissoutes, ou elles se sont reconstituées après la tourmente.


Malgré l'appui du pouvoir séculier, l'Eglise catholique ne réus-
sit pas à évincer le schisme dans certains districts de Numidie

et de Maurétanie. En. 418 ou 419, au milieu de la persécution,


tandis que les conciles catholiques de Carthage enregistraient
les conversions, un concile donatiste, tenu en Numidie, réunit
encore plus de trente évêques. Et ces schismatiques escomptaient
une revanche un canon voté par eux décida que les évêques
:

et prêtres donatistes convertis par force obtiendraient leur


grâce et conserveraient leur dignité dans l'Eglise de Donat, s'ils
n'avaient ni officié ni prêché dans une basilique des « tradi-
teurs ». Bien mieux, ces persécutés, la plupart proscrits de leur
diocèse, continuaient à ordonner de nouveaux évêques Enfin, 3
.

l'on signale encore en 418 des violences de Circoncellions*.


Pour vaincre cette résistance désespérée, le pouvoir séculier
tenta, vers 420, un nouvel effort. A ce moment, des commis-
saires impériaux sont encore à l'a^uvre en Numidie; l'un d'eux,
le tribun Dulcitius, promulgua deux édits sur l'application des

1) Codex canon. Eccles. a/Wc.,cau. 117- 3) Augustin, Contra Gaudentium, 1, 37


119; 123-124. 47-48.
2) Ibid., can. 27; 47-48 57; 66-6!i: 8.
:
:
i : 4) Gesta cum Emerilo, 12.
91-94: 9!); 106-107: 117-119; 123-124.
AU TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 95

loisde répression, et s'efforça de restaurer l'unité religieuse


dans un des vieux centres du Donatisme, à Thamugadi '. Cette
nouvelle campagne ne fut pas stérile. Dulcitius lui-même parle
2
de conversions assez nombreuses parmi les ralliés, il cite ;

notamment un certain Gabinus, sans doute le personnage de ce


nom qui avait assisté à la Conférence de 41 1 comme évêque
dissident de Vegesela Des Circoncellions mêmes furent tou- 3
.

chés de la grâce, et renoncèrent à leur vie errante de brigands


pour se remettre à cultiver les champs '.
Mais bien des intransigeants s'entêtèrent jusqu'au bout. Beau-
coup d'évêques avaient fui leur ville, et se cachaient où ils pou-
vaient; parfois, leurs fidèles n'osaient donner asile à ces pros-
5
crits ou à ces exilés volontaires Parmi eux, nous reconnais- .

sons plusieurs des chefs du parti, mandataires de leurs collègues


à la Conférence de 411 Petilianus de Constantine, Emeritus :

de Caesarea, Gaudentius de Thamugadi. Le premier assistait


encore, en 418 ou 419, au concile de Numidie"; puis, il disparaît
de l'histoire. Emeritus, également, était resté intraitable. Après
la Conférence de Carthage, il avait cherché à rallier son parti
par une ardente prédication, où il ne ménageait pas les Catho-
liques Vers 416, Augustin, qui l'estimait, lui avait dédié un
7
.

ouvrage Cependant, Emeritus avait vu tous ses fidèles l'aban-


8
.

donner; il se tenait ordinairement aux environs de Caesarea,


dans une retraite sûre; parfois, il s'aventurait dans les rues de
9
sa ville épiscopale C'est ainsi qu'Augustin put le rencontrer
.

en 418 sur la place de Caesarea, et le provoquer à une discus-


10
sion, qui fit grand bruit en Afrique D'ailleurs, l'intarissable .

avocat de 411 avait joué dans cette discussion un rôle presque


muet devant les questions et les objections de son célèbre ad-
:

versaire, il s'était enfermé dans un silence farouche ". Quant à


Gaudentius de Thamugadi, dont l'attitude avait été si effacée
li
à la Conférence de Carthage il n'avait pas davantage fait par- ,

ler de lui dans les années qui suivirent. Brusquement, vers

1) EpisL 204, 3; Contra Gaudentium, Caesai eensis Ecclesia? p/ebem, 6; Con-


I, 1, 1 ; 19, 21 ; 31, 40 ;
Retract., Il, 85. Ira Gaudentium, I, 14, 15.
2) Contra Gaudentium, I, 11, 12; 12, 10) Possidius, Vita Auguslini, 16 Au- ;

13 ; 33, 42-43. gustin, Retract., II, 77 ; Gesta cum Eme~


3) Collât. Carlharj., I, 135 et 181. rilo, 3 12.

4) Augustin, Contra Gaudentium, I, 11) Augustin, Gesta cum Emerito, 2-4;


29, 33. Contra Gaudentium, I, 14, 15 ;
Possi-
5) Ibid., I, 14, 15; 16, 17 ; 18, 19. dius, Vita Auguslini, 16.
6) Ibid., I, 37, 47. 12) Collât. Carlhag., 1, 148 et 208; II,
7) Gesta cum Emerito, 2. 2 et 12 III, 2 et 102
;
Augustin, Retract.,
;

8) Retract., Il, 72. Il, 85; Contra Gaudentium, I, 3, 4 ; II,

9) Gesta cum Emerito, 1 ; Sermo ad 4, 4.


96 l'église donatiste

420, il devint le héros de l'Église persécutée. Après les édits de


Dulcitius, quand on voulut lui prendre sa basilique, il menaça
de s'y brûler avec ses fidèles Nous ne savons s'il a donné suite
1
.

à ce projet; mais il eut encore le temps d'écrire des lettres au


tribun et de soutenir une polémique contre l'évêque d'Hippone 2 .

A côté de ces intransigeants qu'ont illustrés leurs controverses


avec Augustin, en voici d'autres en Maurétanie, des inconnus,
dont l'existence et l'obstination nous ont été révélées naguère
par des découvertes épigraphiques Nemessanus, évêque dis- :

sident d'Ala Miliaria, et sa sœur Iulia Geliola, une religieuse,


tous deux morts dans l'automne de 422, et tous deux dans l'im-
pénitence schismatique 3
Près de leur caveau funéraire, bien
.

d'autres Donatistes, évoques ou clercs, sont venus plus tard


dormir leur dernier sommeil, devant le chevet d'une basili-
que neuve consacrée à une nouvelle martyre de la secte \
Parmi les convertis mêmes, beaucoup n'étaient ralliés qu'en
apparence. Leur foi catholique, souvent imposée, ne pouvait se
soustraire complètement à l'action des vieux souvenirs et des
habitudes antérieures; elle restait à la merci des événements.
Quand Augustin, en 418, entraînait Emeritus dans l'église de
Caesarea, les anciens fidèles de l'enragé Donatiste semblèrent
hésiter entre le présent et le passé sans le mutisme obstiné :

d'Emeritus, sans l'éloquence et l'habileté d'Augustin, les choses


auraient pu tourner autrement". Nous connaissons d'autres indi-
ces de cet état d'esprit, de cette hantise des vieux souvenirs, chez
les ralliés. Vers 422, les convertis de Fussala causèrent tant de
tracas à l'évêque d'Hippone, qu'il parla de démissionner". Vers
420, Vincentius Victor, Hogatiste converti, catholique de nom,
conservait un véritable culte [tour la mémoire de son maître
Vincentius, évêque rogatiste de Gartenna et grand pontife de la
petite secte il restait si fidèle aux idées de ce
: schismatique,
qu'il le considérait comme un saint et le voyait en songe
7
.

En résumé, malgré la Conférence de Carthage, malgré les lois


de proscription et les commissaires impériaux, malgré la pro-
pagande catholique et l'énergie d'Augustin, le Donatisine vivait
encore à la veillé de l'invasion vandale. Mais il venait dépasser
par des épreuves aussi terribles que jadis, au milieu du iv siècle;
il avait été frappé si durement, et si longtemps traqué, qu'il ne

1) Augustin, Contra Gaudenlium, I, 1, cl 42 : VIII, 21571-21574.


C. /. />.,

1: Retract., 11,85. i
Gesta cum Emerito, 1-2;
Augustin,
2) Epist. 204, I et 9; Retracé., 11,85; Possidius, Vita Augustini, \u.
<_i,i>Ii-il Gaudentium, I, 1, 1 : 11, 12. 6) Augustin, Episl. 20!», 10.
3) C. 1. /.., VIII, 21370. 7 //«• anima <l ejus origine, III. -'.

4) Gsell, Fouilles de Benian, p. 22 21


ALT TEMPS DE SAINT AUGUSTIN 97

pouvait guère se relever sans un concours presque extraordi-


naire de circonstances très favorables. Ces circonstances s'étaient
présentées par miracle après redit d'union de Constant, grâce
à la paradoxale réaction de l'empereur Julien; elles ne devaient
plus se présenter après les édits d'Honorius. Pendant bien des
générations encore, le Donatisme conservera des adeptes; mais
il ne réussira plus à rassembler en un véritable corps d'Église

ses membres épars Atteint mortellement en 411, il résistera


tout juste assez pour mettre deux siècles à mourir.

Le Donatisme dans l'Afrique vandale et byzantine. —


Persistance du schisme en
Numidie et en Maurétanie. —
La basilique et les épitaphes donatistcs d'Ala Milia-
ria, en Césarienne. —
Lettre du pape Léon I aux évèques de Maurétanie, en 446.
— Donatistes à Narbonne, en 458. —
Ouvrages de l'évèque numide Asclepius
contre le Donatisme. —
Recensions donatistes du Liber genealogus. —Autres
témoignages sur le Donatisme. —
Le Liber de promissionibus et praedictio-
nibus Dei. —
Petrus Chrysologus. —
Théodoret. — Victor de Vita. —
Avitus.
— Donatistes à Lyon, vers 502. —
Fulgence de Ruspae et l'Arien Fastidiosus.
— Edit de Justinien contre les schismatiques africains. —
Témoignages de
Cassiodore, de Ferrandus et de Cresconius. —
Le Donatisme en Numidie
à la fin du vi e siècle. —
Intervention du pape Grégoire le Grand. — Lettre
aux évèques de Numidie. — Lettre à l'exarque Gennadius. —
Procès d'Ar-
gentius, évèque de Lamiggiga. —
Concile de Numidie contre les Donatistes en
59t. —Lettre du pape à l'évèque Columbus. —
Procès de Maximianus, évèque
de Pudentiana. —
Conciles de Numidie en 592 et 593. —
Violences des schisma-
tiques. —
Lois de l'empereur Tibère Maurice contre le Donatisme. —Plainte
adressée parle pape au préfet du prétoire d'Afrique. —
Affaire de l'évèque Paulus,
victime des intrigues donatistes. —
Nouvelles lettres du pape a l'exarque Gen-
nadius et à des évèques africains. —
Conciles de Carthage et de Numidie contre
les Donatistes en 594. —
Requête du pape à l'empereur en 596, pour demander
l'application des lois contre les schismatiques. — Dernières lettres de Grégoire le
Grand, relatives au Donatisme.

Il nous reste à suivre la longue agonie du Donatisme dans


l'Afrique vandale ou byzantine. On a souvent répété que les
schismatiques, persécutés par l'État romain et par l'Eglise catho-
lique, avaient fait cause commune avec les barbares envahisseurs.
A vrai dire, ce n'est là qu'une hypothèse historique, qu'aucun
fait précisne confirme ni ne dément. Il faut sans doute distin-
guer entre les régions et entre les temps. Là où les dissidents
étaient encore nombreux et formaient des groupes compacts,
dans plusieurs districts de Maurétanie et de Numidie, il est vrai-
semblable que les Donatistes et les Circoncellions suivirent
l'exemple des indigènes, qu'ils se ruèrent avec les barbares sur
les populations catholiques et sur les défenseurs de la civilisa-

IV i
98 LÉGLISE DONATISTE

tion romaine. Nous savons que lé clergé fut particulièrement


visé au cours de l'invasion vandale on incendiait, on rasait les :

basiliques, on massacrait ou l'on torturait les évêques et les


clercs On peut supposer que les Donatistesne furent pas étran-
'.

gers à ces sauvages exécutions, depuis longtemps familières à


leur secte. Cependant, l'on ne doit pas oublier que les Vandales
étaient Ariens la haine des Ariens contre l'Église suffirait à
:

expliquer l'acharnement tout particulier contre les clercs au


milieu des horreurs de la conquête. Dans la partie orientale de
l'Afrique latine, en Proconsulaire, en Byzacène, en Tripolitaine,
il n'existait plus guère de véritables communautés schisma-

tiques les rares dissidents, perdus au milieu des Catholiques,


:

ne purent jouer un rôle bien important dans l'histoire de l'in-


vasion 11 est à noter, d'ailleurs, que la littérature de ce temps

est muette sur la prétendue alliance des persécutés avec les


Vandales dans les lettres où il montre les barbares s'avaneant
:

victorieux et saccageant tout, où il peint les désastres de tout


genre, les églises rasées, les clercs massacrés, les populations
en fuite, Augustin ne parle jamais des Donatistes '-'.

On n'en doit pas conclure, assurément, que lesschismatiques


n'aient jamais saisi l'occasion de se venger. Mais il est pro-
bable que ces vengeances furent des incidents isolés, locaux,
sans aucun plan d'ensemble. D'ailleurs, beaucoup des schis-
matiques, surtout les Circoncellions, étaient des indigènes :

les auxiliaires africains des Vandales eussent été souvent


embarrassés de dire s'ils pillaient comme indigènes ou comme
schismatiques. Une fois la conquête terminée, il semble bien
que les nouveaux maîtres ariens du pays ne se soient pas mis
en peine de distinguer entre les sectes, et qu'ils aient traqué
tous les non-ariens, les Donatistes comme les Catholiques, les
païens ou les Manichéens 3
.

Cependant, l'invasion vandale dut contribuer indirectement


à sauver ce qui restait du Donatisme. Elle réduisit à l'impuis-
sance les deux grands ennemis du schisme l'État romain, qui :

perdit peu à peu ses provinces africaines, l'Église catholique,


qui fut à son tour cruellement persécutée, et qui, pendant un
siècle, dut renoncer à rien entreprendre contre ses anciens
adversaires. L'Afrique fut en proie à l'anarchie; surtout les
provinces occidentales, les Maurétanies et la Numidie, que les

I) Victor .le 1, 4-10; 15 18; 23


Vila, i> Augustin, Epist. 220, 7; 228, 1 11 :

Malin; Epiât. 228; Possidius,


Augustin, Possidius, Vita Augustini, 38 et 41.
Vita Augustini, 38 d
41; Prosper Tiro, 3) Victor de Vita, I, '.-10 15-23; 28-51
; :

Epiloma Chronicon, e. 1327, adann 437. Il, 1-2; 23 et suiv. III, 1-14.
;
APRÈS SAINT AUGUSTIN <)9

envahisseurs ne réussirent pas à occuper solidement, et qu'ils


finirent même par évacuer en grande partie, laissant le champ
libre aux tribus indigènes et aux sectes religieuses. Le Dona-
tisme profita naturellement de cette anarchie politique. Les
communautés dissidentes qui avaient résisté aux persécutions
d'Honorius, continuèrent à vivre obscurément. D'autres, sans
doute, se reconstituèrent par le retour d'anciens fidèles,
naguère convertis de force ou à demi, maintenant livrés à
eux-mêmes, sans crainte des lois impériales, par la brusque
disparition du pouvoir central et de la prédication catholique.
Néanmoins, rien n'autorise à croire qu'il y ait eu alors, à
proprement parler, restauration ou résurrection du Donatisme.
Il n'est plus question désormais d'une véritable Eglise schis-

matique, formant corps, étendant ses ramifications et son


action sur tout le Nord de l'Afrique, ni même sur une partie
considérable de la contrée. Nous constatons seulement la survi-
vance de communautés isolées, souvent fort éloignées les unes
des autres, sans lien apparent, qui peut-être s'ignoraient entre
elles simples épaves du naufrage de 411.
:

Ce qui est certain, c'est que des témoignages précis, pen-


dant plusieurs générations, attesteront en Afrique la présence
de Donatistes; c'est que des Eglises schismatiques trahiront ou
affirmeront longtemps encore leur existence, en Maurétanie
jusqu'au milieu du vf siècle, en Numidie jusqu'à la fin du vr .

En Maurétanie, l'invasion des Vandales n'avait pas réconci-


lié les sectes rivales. D'ailleurs, les barbares ne s'étaient guère
attardés dans les provinces de l'Ouest; ils s'étaient contentés de
les piller en les traversant, puis ils les avaient abandonnées à
elles-mêmes, se hâtant vers l'Est, où les attiraient l'appel du
comte Boniface, la richesse des populations, et le renom de
Carthage. Les dernières bandes de Vandales disparaissaient à
l'horizon, quand la guerre religieuse recommença. Nous avons
quelques données précises sur l'un des épisodes de cette lutte,
grâce aux récentes découvertes épigraphiques et archéologiques
d' Via Miliaria (aujourd'hui Renian, à environ trente-cinq kilo-

mètres au Sud-Est de Mascara). Ce coin perdu de la Maurétanie


fut, pour les Donatistes, un petit centre de résistance. Nous

y avons déjà signalé le caveau funéraire de deux intransigeants


du parti l'évêque Nemessanus et sa sœur, la religieuse lulia
:

Geliola, morts le 22 décembre et le 7 octobre 422 '. Quelques


années après le départ des Vandales, on ensevelit dans des

1) C. 1. L., VIII, 21570.


100 l'église donatiste

caveaux voisins deux autres schismatiques : le 21 septembre


le 27 février 434, le prêtre Crescens*. Un
1

433, le prêtre Victor ;

mois après les funérailles de Grescens, les deux partis en


vinrent aux mains dans la bagarre, le 25 mars 434, une reli-
:

gieuse donatiste, nommée Robba, sœur d'Honoratus, l'évêque


dissident d'Aquae Sirenses, fut tuée par les traditores, c'est-à-
dire par les Catholiques On fit aussitôt d'elle une martyre, et
3
.

l'on décida d'élever une basilique en son honneur. Cet édifice,


dont on visite encore les ruines, fut construit entre les années
434 et 439; on y aménagea une crypte, d'où, par une fenêtre,
les dévots pouvaient contempler l'intérieur du tombeau de la
sainte et vénérer ses reliques \ Ce fut bien vite un lieu sacré
pour les dissidents de la contrée. Désormais, les clercs de la
ville, même des cités ou des bourgades voisines, voulurent
obtenir une sépulture près du tombeau de la martyre. De 430
à 446, deux évêques, un prêtre et un diacre, furent tour à tour
ensevelis près de Robba, soit dans des caveaux voisins, soit
3
dans le porche de la basilique .

Ce ne sont pas les seules preuves que nous ayons de la per-


sistance du Donatisme en ces régions au milieu du v e siècle.
Il est encore question du schisme dans une lettre adressée le

10 août 446 par le pape Léon I aux évêques de Césarienne. A


la suite d'une convention entre l'empereur romain et les Van-
dales, la Maurétanie avait été, pour quelques années, rattachée
6
de nouveau à l'Empire Le pape profita de cette circonstance
.

favorable pour essayer de restaurer et de réorganiser dans le


pays l'Église catholique. D'où sa correspondance avec les
évêques de Maurétanie Césarienne. On lui avait signalé, entre
autres, le cas d'un évêque nommé Maximinus Donatiste ré- :

cemment converti, qui, étant encore laïque, avait été brusque-


ment élevé à l'épiscopat, et dont l'orthodoxie paraissait sus-
pecte à beaucoup de ses nouveaux collègues. Le pape n'osa
casser l'élection. Mais il blâma ce choix imprévu, et il exigea
des garanties Maximinus devait lui adresser une profession
:

1
de foi nettement catholique Cet incident éclaire l'état d'es-
.

prit qui dominait alors dans certaines communautés de Mauré-


tanie les fidèles et les clercs qui avaient pu songer à prendre
:

1) C. 1. L., VIII, 21o~i. 6) Piosper Tiro, Epitoma C/ironicon,


2) lbid., Mil, 21573. c 1347, ad ann. 442; Cassiodore, Chron.,
Gsell, Fouilles de Benian, p. 25. c. 1240, ad ami. 442; Novell. Valenlin.,
4) lbid., p. 32-48 Monuments anti-
;
III, 18 cl 33 ; Vidor de Vita, I. 13. — Cf.

ques de l'Algérie, I. Il, p. 175-179. Martroye, Genséric (Paris, 1907), p. 135.


5) C. I. t., VIII, 21571-21572; Gsell, 7) Léon 1, Epist. 12, G.
Fouille* de Benian, p.22-27 et 42.
APRÈS SAINT AUGUSTIN 101

pour évêque un Donatiste à peine converti, et encore laïque,


devaient être eux-mêmes des Catholiques assez tièdes, hantés
par le regret du schisme.
Douze ans plus tard, nous rencontrons des Donatistes de
Maurétanie bien loin de leur pays, sur l'autre rive de la Médi-
terranée, dans un port de Gaule, à Narbonne. C'est encore à
la correspondance du pape Léon I que nous devons ce rensei-
gnement et cette surprise. De nombreux
Africains, fuyant la
persécution des Vandales, s'étaient réfugiés dans le midi de la
Gaule; la plupart venaient de Maurétanie. On soupçonnait
beaucoup d'entre eux d'être des schismatiques, ou, tout au
moins, des schismatiques déguisés, ralliés seulement en appa-
rence, baptisés ou rebaptisés par des clercs donatistes. Rusticus,
évêque de Narbonne, signala le cas à Rome, et demanda des
instructions. Dans une lettre écrite en 458, le pape engagea
l'évêque de Narbonne à suivre surce point la tradition romaine,
devenue peu à peu l'usage catholique on devait tenir pour:

valable le baptême reçu par les Africains, mais on devait les


réconcilier avec l'Église par l'imposition des mains, pour ap-
peler sur eux l'Esprit Saint qui ne répondait pas aux adjura-
tions des hérétiques D'après les circonstances du récit, il est
1
.

probable que ces schismatiques africains de Narbonne étaient


récemment arrivés en Gaule ils avaient dû émigrer entre 455
;

et 458, après le sac de Rome par les Vandales, lorsque Genséric,


n'ayant plus à redouter l'intervention de l'Empereur, redoubla
de cruauté envers ses sujets non-ariens.
En Numidie comme en Maurétanie, des communautés dissi-
dentes subsistaient après l'invasion vandale. Elles étaient même
encore assez remuantes pour inquiéter les évoques catholiques,
à qui pourtant les nouveaux maîtres ariens de la contrée ne
laissaient guère de répit. Vers le milieu du \" siècle, Asclepius
Afer, évêque numide qui avait de la réputation comme orateur,
écrivit successivement contre les Ariens et contre les Dona-
tistes 2
.

Carthage, également, avait encore ses cercles schismatiques;


et même, il y régnait une certaine activité littéraire. Nous en
avons la preuve dans plusieurs passages curieux d'une chro-
nique. Il s'agit du Liber genealogns, où l'on peut distinguer
nettement plusieurs recensions successives, toutes donatistes.
Sous sa forme première, cet ouvrage paraît avoir été composé
vers la fin du iv e siècle, sans doute par un Catholique. Il fut

1) Epist. 167, 18. 2) Gennadius, De scriptor. écoles., 73.


102 l'église donatiste

remanié et complété à Carthage, entre 405 et 411, par un schis-

ma tique qui y ajouta un long- épilogue sur les persécutions, no-


tamment sur l'édit d'union de 405 et sur la persécution dirigée
les années suivantes contre l'Église de Donat Cette nouvelle
1

édition du Liber généalogies resta populaire chez les schismati-


ques de Carthage, et fut elle-même l'objet de plusieurs recen-
sions successives, attestées encore par divers manuscrits. Cha-
cune de ces recensions contient quelques additions nouvelles,
par exemple, des indications chronologiques, les années de
règne de Genséric; ce qui permet de les dater exactement -.

Toutes sont l'œuvre de Donatistes. De la comparaison des ma-


nuscrits, il résulte que les schismatiques de Carthage donnèrent
successivement de nouvelles éditions du Liber genealogus en
427, en 438, en 455, en 463. On en peut conclure évidemment
à l'existence d'une Église donatiste à Carthage jusque vers la
fin du règne de Genséric.
Sur la résistance du vieux schisme dans l'Afrique vandale,
voici encore d'autres témoignages contemporains. L'auteur du
Libérée promissionibtis et praedictîonibus Dei, ouvrage composé
en Afrique vers 452, mentionne parmi les hérésies encore vi-
vantes celle des Donatistes, et môme celle des Maximianistes,
dont nous n'avions guère entendu parler depuis 4M Vers le 3
.

même temps, dans un sermon, Petrus Chrysologus raille les


martyrs donatistes *. Vers 453, mais sans doute d'après les li-
vres d'Augustin, Théodoret rédige une notice sur les schisma-
tiques africains, sur leur doctrine qu'ilrapprochedel'Arianisme,
sur leurs martyres volontaires qu'il raille dans d'amusantes
5
anecdotes .

Les persécutions de Genséric et des Ariens, pas plus que


celles d'Honorius et des Catholiques, n'extirpèrent complètement
le Donatisme. L'édit d'Hunéric, promulgué à Carthage le 21
février 484, proscrivait avec le Catholicisme toutes les sectes
non ariennes; les Circoncellions y sont expressément frappés
d'une amende 6 Il est probable que, par ce terme injurieux de
.

a Circoncellions », la chancellerie vandale désignait tous les

Donatistes. Par une terrible ironie, cet édit d'Hunéric, dirigé


surtout contre les Catholiques, reproduisait en grande partie
les clauses des anciennes lois promulguées jadis par les empe-

1) Liber y-nealogus, c. 627 (édition 13, 22.


Moinmsen, Chronica minora, I, p. 196). 4) Pelrus Chrysologus, Sermo 13.
2) Ibid., c. 428 409 628 (p. 181 188;
; ; ; 5) Théodoret, Haereticarum fabularum
196 Mornmsen). compendiian, IV, 6.

3) lÀber de promissionibux et praedic- 6) Victor de Vila, III, 10.


tionibus Dei, II, C, 10. — ('(. ibid., IV,
APRÈS SAINT AUGUSTIN 103

reurs contre les hérétiques et spécialement contre les schisma-


tiques africains. Néanmoins, quelques dissidents s'étaient ralliés
à l'Eglise officielle des rois vandales, et n'étaient pas les der-
niers à pousser aux persécutions Victor de Vita, vers 486, :

parle d'un de ces renégats, un certain Nicasius, qui avait aban-


donné le et qui mourut en ce
Donatisme pour l'Arianisme,
temps-là, comme
Hunéric, d'une horrible mort 1
.

Après Genséric, après Hunéric, Thrasamond poursuivit en


Afrique tous les chrétiens qui refusaient de se convertir à l'A-
rianisme. Innombrables furent les victimes, les proscrits, les
exilés volontaires 2 Beaucoup de Donatistes firent comme les
.

Catholiques ils émigrèrent. Comme jadis ceux de leurs frères


:

que nous avons rencontrés à Narbonne, ils se dirigèrent vers


les rivages de Gaule. Mais, cette fois, la plupart d'entre eux
remontèrent la vallée du Rhône, et se fixèrent à Lyon. Vers
l'année 502, Stephanus, évoque de Lyon, crut devoir signaler
à son collègue Avitus, évêque de Vienne, la présence de ces
schismatiques africains, et lui demanda conseil. Dans une
lettre qui nous est parvenue, Avitus engagea Stephanus à s'ef-
forcer de convertir ces dissidents. Conformément à la tradition
catholique, il lui rappela qu'on ne devait pas rebaptiser les Dona-

mais
tistes, avec l'Église par la simple imposition
les réconcilier
des mains. Il recommandait
d'agir sans tarder, pour ne pas
3
laisser l'hérésie africaine s'implanter en Gaule De la lettre .

d' Avitus, on doit conclure évidemment que l'immigration était

alors toute récente.


Jusqu'à la fin de l'occupation vandale, divers témoignages
contemporains, la plupart africains, prouvent la persistance du
Donatisme. Dans le premier tiers du vi° siècle, il est men-
tionné par plusieurs évêques ou polémistes lettre des évoques :

4
catholiques africains exilés en Sardaigne sermon de l'Arien ;

5
Fastidiosus lettre d'un certain Victor " ouvrages de Fulgence,
; ;

7
évêque de Ruspae Ces écrivains, appartenant à deux commu-
.

nions différentes, s'accordent pour considérer le Donatisme


comme un ennemi encore assez redoutable, dont on doit réfu-
ter la doctrine les Catholiques le placent sur le même rang
:

que l'Arianisme l'Arien, sur le même rang que le Catholicisme.


;

1) Victor de Vila, 111, 71. diosi Ariani ad Victorem, 10.


2) Vita Fuloenlii, 8-13; 16; 20; Victor 5) Fastidiosus, Sermo (dans la Palrol.
de Tunnuna, Chron. ad ann. 497 et 505; lai. de Migne, t. 65, p. 375-376).
Procope, Bell. Yondal., I, 8; Grégoire de 6) Victor, Epist. ad Fulgeutium, 4.
Tours, Hislor. Francor., II, 1-2. 7) Fulgence, Ad Feticem notarium de
3) Avitus, Epist. 26. Trinilate liber, 1 Contra Sermonem Fas-
;

4) Fulgence, Contra Sermonem Fasli- tidiosi Ariani, 10.


104 l'église donatiste

Bref, le Donatisme comptait encore en Afrique, quand l'ar-


mée de Bélisaire vint en déloger les Vandales. Aussi ne fut-il
pas oublié par les Byzantins dans la réorganisation du pays.
L'édit Sur l'Église africaine, promulgué par l'empereur Justi-
nien le 1 er août 535, et adressé à Solomon, préfet du prétoire
d'Afrique, vise expressément les Donatistes, comme les Ariens,
les Juifs ou les païens il leur interdit formellement de bapti-
:

ser, d'ordonner des évoques ou autres clercs, de posséder


aucun édifice de culte, de célébrer aucune cérémonie religieuse,
« môme dans des cavernes » En même temps, le Code Jttsti-
l
.

2
nicji confirmait les lois anciennes contre le schisme Il était .

dans le destin des Donatistes d'être proscrits traqués d'abord :

par les Catholiques avec les hérétiques et les païens, puis par
les Vandales avec les Catholiques, ils le furent désormais par
les Byzantins avec les Ariens. Et pourtant, ils résistèrent
encore. Vers le milieu du vi e siècle, Cassiodore rendait hom-
mage à leur vitalité en les combattant, en discutant leur
théorie sur les caractères de l'Église universelle En ce temps- 3
.

là, aussi, deux auteurs africains, Ferrandus et Cresconius,


dans leurs recueils systématiques de canons, réunissaient avec
soin les décisions des anciens conciles relatives au Donatisme:
armes toujours prêtes pour la guerre au schisme toujours
1
vivant .

Enfin, c'est presque sur un triomphe que le Donatisme dis-


paraîtra de l'histoire. Il y avait près de deux siècles que la
Conférence de Carthage et la chancellerie d'Honorius avaient
dressé son acte de décès, quand tout à coup, on ne sait com-
ment, il se réveilla en Numidie, se ramassa sur lui-même, se
réorganisa, puis reprit sa propagande, gagna du terrain, rede-
vint menaçant. Il inquiéta sérieusement le pape Grégoire le
Grand, qui dans sa correspondance trahit souvent ses préoccu-
pations, et qui, pendant près de dix ans, mena une vigoureuse
campagne contre le schisme africain.
L'attention du pape Grégoire fut attirée de ce côté dès les
premiers jours de son pontificat. Un concile catholique de
Numidie avait adressé une requête à son prédécesseur Pelage II,
pour réclamer le maintien des antiques prérogatives de la pro-
vince. Pelage fut surpris par la mort avant d'avoir pu
répondre. Le nouveau pape examina la requête, et la trouva

1) Justinien, Novell. XXXVII, 5 et 8. 4) Ferrandus, Rrevialio canonum, can.


2) Cod. luslin., I, 5, 2 et suiv. ; 6,1; 50; 114-175: 189-191; 193; Cresconius,
VII, 52, 6; ele. Concordia canonum, can. 253; 275; 278-
3) Cassiodore, In Psalm. 60 et 66. 280 ; 284.
APRÈS SAINT AUGUSTIN 105

justifiée. 'Au mois d'août 591, par une lettre adressée à tous
les évêques de Numidie, il confirma les privilèges traditionnels

de leur Église, notamment en ce qui concernait l'élection du


primat; mais il leur interdit de nommer primat un Donatiste
converti'. Dansil avait probablement ordonné
l'intervalle,
une enquête sur du schisme africain, dont il avait
la situation
pu constater les progrès. Il écrivit directement au patrice
Gennadius, exarque d'Afrique et commandant de toutes les
troupes de la contrée, pour l'engager à combattre le Dona-
5
tisme Ce fut le signal d'une nouvelle persécution.
.

Grégoire le Grand avait vu juste. Bientôt lui arrivèrent


d'Afrique des plaintes de Catholiques, qui attestaient l'audace
croissante des schismatiques et démontraient la nécessité
d'agir. Le pape reçut de Numidie une autre requête deux :

diacres de Lamiggiga, Felicissimus et Vincentius, accusaient


leur évoque Argentius de s'être laissé corrompre par les Dona-
tistes, qui avaient pu faire nommer ou élire des prêtres de leur
parti. Grégoire chargea l'un de ses agents, un certain Hilarus,
administrateur du domaine pontifical en Afrique (rector patri-
monii per Africant), d'ouvrir une enquête sur les méfaits
imputés à Argentius, de le faire juger par le concile de Numi-
die, et d'assurer l'exécution de la sentence". Le procès eut lieu
devant le concile, vers la fin de 591.
L'année suivante, le pape eut à s'occuper d'une affaire ana-
logue, plus grave même. Une nouvelle requête arriva
d'Afrique Constantius et Mustelus, diacres de Pudentiana,
:

annonçaient que leur évoque Maximianus s'était vendu aux


Donatistes de son diocèse et les avait autorisés à élire un
évêque dissident. Le 23 juillet 592, Grégoire le Grand écrivit à
l'évêque Columbus, qui jouait alors dans la contrée le rôle
d'un légat pontifical il l'invitait à s'entendre avec son primat
:

Adeodatus pour faire convoquer un concile qui instruirait le


procès de Maximianus, pour déposer Maximianus, s'il était
reconnu coupable, et pour prendre les mesures nécessaires
4
contre les schismatiques Le concile dut se réunir vers la fin
.

de 592, et juger le prélat; nous ne connaissons pas, d'ailleurs,


la sentence.
En Numidie tinrent un nouveau synode,
593, les évêques de
où s'occupèrent sans doute du Donatisme. Mais cette assem-
ils

blée paraît avoir compté parmi ses membres des évêques

1) Grégoire le Grand, Epist., I, 15 (édi- 2) Epist., I, 12.


tioa Ewald et Hartmann, Berlin, 1891- 3) Epist., I, 82.
1899, dans les Monumenla Germaniae). 4) Epist., II, 46.
106 l'église donatiste

gagnés par les schismatiques et soucieux de ménager le


schisme. Toujours est-il que les décisions du concile furent
jugées irrégulières à Home. Grégoire le Grand refusa de les
approuver. Il crut même devoir signaler le cas au pouvoir
séculier. En septembre 593, il écrivit à l'exarque Gennadius
pour lui dénoncer l'attitude suspecte des Numides, et pour
l'inviter à s'entendre là-dessus avec l'évêque Columbus, à
l'appuyer au besoin '.
En attendant, les Donatistes s'enhardissaient de plus en
plus. Non contents de séduire ou d'acheter des évêques catho-
liques, de faire nommer des prêtres et d'élire des évêques à
eux, d'entraver l'action des conciles réunis pour les combattre,
ils gagnaient les populations par une active propagande et

osaient même persécuter leurs adversaires, comme aux beaux


temps de Donat ou de Parmenianus Ils rebaptisaient ouverte-
ment, de gré ou de force ils chassaient de leur siège des
;

évêques catholiques; ils régnaient par la terreur dans une


partie de la Numidie. Ils poursuivaient surtout de leur haine et
de leurs calomnies un évêque du pays, nommé Paulus
2
Le .

pape désespéra d'arriver à ses fins sans l'intervention ferme de


l'autorité civile et militaire. Il supplia l'empereur Tibère
Maurice de venir au secours de l'Église africaine. Au milieu de
l'année 594, cet empereur promulgua contre le Donatisme une
loi sévère, qui remettait en vigueur les anciens édits d'Hono
riusetde Justinien Le pape surveilla l'exécution. En juillet
3
.

594, il écrivit à Pantaléon, préfet du prétoire d'Afrique, pour


lui signaler les méfaits des schismatiques, pour le presser de
réprimer leur audace, et de protéger contre leurs intrigues
4
l'évêque Paulus Il s'adressa également à l'exarque Gennadius,
.

et lui recommanda le même personnage Il envoya aussi ses


1
.

instructions à l'évêque Columbus, à l'évêque Victor qui devint


plus tard primat de la province il les invita à faire convoquer
:

un nouveau concile, et à hâter le départ de Paulus pour


l'Italie*.
Deux conciles catholiques
se réunirent en Afrique vers la lin
de de 594
l'été l'un à Carthage, l'autre en Numidie. Tous
:

deux s'occupèrent du Donatisme. Nous ne savons rien de précis


sur l'assemblée des Numides Nous sommes mieux rensei-
7
.

gnés sur l'autre synode, que présida Dominicus, évêque de

1) Efiist., IV, 7. 5) E],isl., VI, 59.


2) Epist., IV, 32. 6) Episl., IV, 35.
3) Epist., V 3; VI, 61. 1) Ibid., IV, 35.
4) Epist., IV, 3.'.
APRÈS SAINT AUGUSTIN 107

Carthage. Ce concile prit fort au sérieux sa tâche; il arrêta des


mesures rigoureuses contre les schismatiques il menaça même ;

de déposition et de confiscation des biens les évoques catho-


liques qui négligeraient de poursuivre les Donatistes. Domini-
cus envoya aussitôt au pape les canons du concile de Carthage,
qui devaient assurer l'exécution des lois de Tibère Maurice.
Grégoire le Grand trouva qu'on était allé trop loin, et que la
rigueur exagérée des décisions synodales risquait d'en compro-
mettre le succès. Dans sa réponse, qui date du mois de sep-
tembre 59i, il félicita Dominicus du zèle déployé par les
évêques de sa province mais il blâma l'excès de sévérité,
;

surtout le canon qui visait la nonchalance de certains chefs de


communauté'.
Deux ans plus tard, le pape put constater que toutes ces
mesures de l'empereur et des conciles avaient eu peu de résul-
tats. La propagande des Donatistes se poursuivait avec un
succès croissant, jusque dans le clergé de l'Eglise officielle.
On apprit que des Catholiques, même des clercs, se ralliaient
secrètement au parti des schismatiques, et, par crainte, lais-
saient rebaptiser leurs enfants ou leurs esclaves. En juin 596,
Grégoire le Grand écrivit, une fois de plus, à son ami l'évêque
Columbus, lui signalant ces faiblesses déconcertantes, enjoi-
gnant aux coupables de ramener dans l'Église catholique ceux
des leurs qu'ils avaient égarés, ordonnant d'exclure du clergé
quiconque, à l'avenir, encouragerait ou tolérerait dans sa famille
des apostasies de ce genre
2
.

Un peu plus tard, on reçut à Rome une nouvelle non moins


surprenante. L'exarque Gennadius annonça au pape que le
concile de Numidie, gagné par les schismatiques, venait de
lancer une sentence d'excommunication contre leur vieil adver-
saire, l'évêque Paulus; l'exarque, qui n'aimait pas ce person-
nage, paraissait trouver la condamnation toute naturelle'.
Grégoire le Grand, d'ordinaire si calme dans sa fermeté, eut
peine à garder son sang-froid. Il répondit aussitôt à Gennadius,
au mois d'août 590 il lui reprocha de n'avoir tenu aucun
:

compte de ses instructions, annonçant qu'il allait ouvrir lui-


même une enquête sur l'affaire de Paulus, s'étonnant aussi que
la sentence d'excommunication ne lui eût pas été notiliée
v
directement par le primat de Numidie .

Le pape ne s'en tint pas là. De nouveau, il écrivit à l'empe-


reur. Il se plaignit auprès de lui que l'on n'appliquât pas en
9
1) EpisL, V, 3. 3) EpisL, YI, 59 VU,
;

2) EpisL, VI, 34. 4) EpisL, VI, 59.


108 l'église donatiste

Afrique les lois contre les Donatistes;


il le supplia de répri-
mer enfin l'audace des hérétiques. exposa aussi à Tibère Il

Maurice toute l'affaire de Paulus. Cet évêque, avec deux de ses


collègues, venait d'arriver à Rome, pour y porter plainte
contre les violences des dissidents. Mais l'exarque d'Afrique,
de son côté, accusait Paulus. En raison de cette intervention
du haut fonctionnaire africain, le pape croyait devoir soumet-
tre l'affaire à l'empereur lui-même il envoyait donc à Cons- :

tantinople les trois évêques Vers le mois de septembre,


1
.

Columbus notifia enfin à Rome l'excommunication lancée par le


2
concile de Numidie contre Paulus En octobre, Grégoire le .

Grand répondit à Columbus en l'avisant du renvoi de l'affaire


à l'empereur Au début de 598, Paulus revint de Constanti-
3
.

nople, où il s'était complètement justifié. En février, le pape


écrivit simultanément à Columbus et à deux autres évêques
numides, dont le primat Adeodatus, pour les inviter à accueil-
lir sans arrière-pensée la malheureuse victime des Donatistes*.

C'est alors, en février 598, que le schisme africain disparaît


définitivement de l'histoire, après trois siècles d'existence et de
luttes. Cette disparition brusque suggère naturellement deux
réflexions. Il n'est plus question du Donatisme dans la corres-
pondance de Grégoire le Grand, pendant les six dernières
années de son pontificat on peut donc supposer que, durant
:

ces années-là, les dissidents se tinrent plus tranquilles. Mais,


d'autre part, on ne peut méconnaître que, de 590 à 598, les
sehismaliques de Numidie s'étaient montrés singulièrement
actifs, entreprenants et menaçants. Au début du vn e siècle,
évidemment, ils dominaient encore une partie de la Numidie.
Si désormais l'on n'entend plus parler d'eux, c'est que les
sources historiques manquent en Afrique pour cette nouvelle
période. Tout porte à croire que le schisme a duré longtemps
encore en certains districts, et que les conquérants arabes ont
rencontré en Afrique bien des communautés jusque-là fidèles à
l'Eglise de Donat.

1 EpisL, VI, (il. 3) EpisL, VII, 2.


2) E/ùsL, VII, 2. — Cf. VI, 1)9. 4) EpisL, VIII, 13 et 15.
EXTENSION ET SCHISMES 109

VI

Extension du Donatisme et des divers schismes donatistes. —


Nécessité de distin-
guer entre les temps. —
Domaine du Donatisme pendant la période des origines.
— La Numidie et Carthage. —
Progrès du Donatisme après la loi de tolérance
de 321. —Le concile des 270 évèques schismatiques. —
Extension du Donatisme
dans les provinces de l'Est. —
Extension en Maurétanie. —
La propagande dona-
tiste. — Grand succès dans toutes les classes sociales. —
Conversion de clercs
catholiques. —
Le Donatisme et les indigènes. —
Rôle de la langue punique
dans l'Eglise schismatique. —
Nombre des évêchés donatistes à la fin du iv ft

siècle. —
Colonies donatistes à Rome, en Espagne et en Gaule. —
Principaux
centres de la secte. —
Morcellement du parti de Donat. -- Le Donatisme pro-
prement dit. — Parménianisme ou Primianisme. —
Le Rogatisme en Mauréta-
nie. —Le schisme de Tyconius. —
Les Claudianistes cà Carthage. —Les Urba-
nenses en Numidie. —
Les Arzuges en Tripolitaine. —
Le Maximianisme. —
Domaines respectifs du Primianisme et des schismes donatistes. —
Impor-
tance relative des Eglises africaines au moment de la Conférence de 411.

Nous devions suivre jusqu'au bout la longue et dramatique


histoire du Donatisme, marquer ses succès et ses revers, les
péripéties émouvantes de sa lutte contre le Catholicisme afri-
cain. Revenons maintenant au premier siècle de cette histoire,
le seul où le schisme ait vraiment mis en péril l'unité du
christianisme local. Après avoir assisté au duel des deux
Eglises rivales, pénétrons dans l'Eglise de Donat, pour en
noter l'extension, les dissensions intestines et le morcellement,
puis l'organisation, les caractères et le rôle.
Si l'on veut se rendre nettement compte de l'extension du
Donatisme, il est indispensable de distinguer entre les temps.
L'histoire du schisme nous a montré que ses destinées avaient
été très diverses. Si le plus souvent il a fait preuve d'une grande
force de résistance contre la persécution, contre les attaques
successives ou simultanées des Catholiques africains et des
gouverneurs romains, il n'a pu cependant tenir tête aux repré-
sentants de la puissance séculière, quand les empereurs ont eu
laferme volonté d'assurer l'application des lois et de rétablir
l'unité religieuse. Une première fois, vers le milieu du iv e siè-
cle, après de Constant, l'Église schismatique avait été
l'édit
presque anéantie; elle ne put se reconstituer que grâce à la
réaction imprévue du règne de Julien. Traquée de nouveau au
début du w- siècle, elle résista encore à la persécution qui sui-
vit l'édit d'union de 405 mais elle ne se releva pas du coup qui
;

la frappa après la Conférence de 411. Nous ne reviendrons pas


sur ces périodes de déclin, où le Donatisme persécuté se défen-
ditcomme il put, battit forcément en retraite, et attendit dans
l'ombre l'heure d'une revanche. Pour comprendre le danger
110 l'église donatisîe

très sérieux que le schisme de Donat fit courir à l'unité de


l'Église locale, il faut évidemment mesurer l'étendue de ce
schisme aux époques de sa plus forte expansion. C'est, d'abord,
la période d'énergique propagande qui suivit l'édit de tolérance
promulgué par Constantin en 321. C'est, ensuite, la période
d'apogée, vers 390. C'est, enfin, la période de concentration et
d'eiïort suprême, à la veille de la Conférence de 411.
Dès le début, et avant même la rupture définitive, le schisme
fut assez menaçant. Vers le temps où se ralentissait en Afrique
la persécution de Dioclétien, depuis l'année 304, on voit s'y
dessiner deux centres d'opposition. A Carthage, le manifeste
des martyrs d'Abitina, les accusations et les intrigues contre
l'évêque Mensurius, les attaques contre l'archidiacre Caecilianus,
l'hostilité d'une partie du clergé et des laïques, l'attitude équi-
voque de Donat des Cases-Noires, montrent que de jour en jour
grossissait le parti des mécontents'. En Numidie, les symp
tomes n'étaient pas moins inquiétants, comme l'attestent la
lettre du primat Secundus à Mensurius et les scènes scanda-
leuses de Cirta*. La mort de Mensurius en 311, les protestations
contre l'élection de Caecilianus, l'appel aux Numides et les
intrigues de Lucilla, eurent pour résultat presque immédiat
d'unir les deux groupes d'opposants et d'associer leurs rancunes
dans une même Eglise schismatique Au moment de la rupture, 3
.

cette Église paraît n'avoir compté d'adeptes qu'en Numidie et


4
à Carthage .

Nous n'avons pas de données précises sur l'importance numé-


rique du parti à Carthage. Mais les dissidents, dès le début,
semblent y avoir été nombreux ennemis personnels du nou- :

vel évoque, intransigeants sincères, partisans des teniores pré-


varicateurs, des prêtres déçus et de Donat des Cases-Noires,
créatures de Lucilla Pendant la persécution de 317, les schis-
1

matiques de Carthage oseront défendre leurs basiliques contre


6
les troupes . En Numidie, dès 305, lors du Protocole de Cirta,

l)Acta Salurnini, 16-20 lialu/.c ; Gesla I, 37, 47.


apud Ze?iophiium,]}. 194-196 Ziwsa;0p- 3) I, 17-20: Ge$ta apud
Optât, Zeno-
tat, I, 16-19 et 24 ; Augustin, Epis t. 43, philum, 189 et 194 196 Ziwsa; Augus-
p.
5,14-16; Contra litteras Petiliani, II, lin, Epist. 43, 2, 3; 43,6, 17; Contra
92, 202; Contra Cresconium, II, 1,2; Cresconium, 111,28, 32 ; 29, 33 ; Brevic.
III, 28, 32; Brevic. Collât., III, 12, 24; Collât., III, 14, 26; 16, 29; Ad Dona-
13, 25; 14, 26. listas post Collât., 22, 38.
2) Optât, I, 13-14; Augustin, Epist. 4) Oplat, I, 15 et 18-20.
43, 2, 3; 43, 3, 6; Contra litteras Veti- '•
Ibid., I, 1S; Acta Salurnini, 16 20
liani, I, 21, 23; Contra Cresconium, llalu/c
III, 27, 30; Brevic. Cnl/at., III, 13, 25; 6) Passio Uonnli, 4-12
15, 27 ; 17, 31-33: Contra (jaudentium,
EXTENSION ET SCHISMES 114

une douzaine d'évêques, dont le primat de la province, étaient


déjà très compromis, et gagnés d'avance aux fauteurs du
schisme'. Tout porte à croire qu'ils n'étaient pas les seuls dans
la région. En 312, au Concile de Carthage qui prononça la dépo
sition de Caecilianus, soixante-dix évêques numides siégeaient
sous la présidence de leur primat Ils furent naturellement
2
.

les premiers adeptes et les apôtres de la nouvelle Église schis-


matique, qui gagna vite du terrain, ralliant bien d'autres
évêques et des communautés entières, grâce à l'habile propa-
gande des sectaires et à l'autorité croissante de Donat le Grand 3
.

Néanmoins, pendant cette première période, jusqu'à la loi de


Constantin en 316, le Donatisme ne semble pas s'être beaucoup
propagé en dehors de la Numidie et des environs de Carthage.
Il restait un schisme local. Les chrétiens des autres provinces

africaines, étrangers aux intrigues antérieures et aux décisions


du Concile de 312, hésitaient encore entre les deux partis,
attendant sans doute l'arrêt des conciles d'outre-mer et de
l'empereur, peut-être aussi, l'arrêt de la fortune, qui d'ordinaire
guide les indécis dans la reconnaissance du bon droit.
La loi promulguée par Constantin en 316, et la persécution
qui en fut la conséquence, enrayèrent pour quelques années les
progrès du schisme*. C'est probablement ce qui décida les
chefs du Donatisme à changer d'attitude ils adressèrent leur :

supplique à l'empereur 5 L'édit de tolérance du 5 mai 321, si


.

dédaigneux qu'il fût dans les termes, trahissait la lassitude des


persécuteurs, et rendait aux sectaires, en fait, une liberté
8
presque entière de propagande L'Église schismatique sut en .

profiter, sous l'énergique et habile direction de Donat le Grand.


Un chiffre suffit à rendre sensible l'extraordinaire expansion du
schisme en ces temps-là : quinze ans plus tard, vers 336, un
concile donatiste réunit à Carthage deux cent soixante-dix
7
évêques .

Désormais, c'est sur l'Afrique latine tout entière que l'Église


schismatique étend ses ramifications. Carthage en resta la

1) Oplal, 1, 13-14; Augustin,


*
Contra Contra Epistulam Parmeniani, I, 8,13:
Cresconium, III, 27, 30. Epist. 88, 3.
2) Augustin, Epist. 43, 2, 3; Brevic. 5) Augustin, Epist. 141, 9; Brevic.
Collai., \\\, 14, 26; Ad Donalistas post Collât., III, 21, 39; Ad Donatistas post
Collât., 22, 37. Collât., 31, 54.
3) Acta Satumini, 19 Baluze; Optât, 6) Brevic. Collât., III, 22,40; 24, 42;
III, 3; Collât. Carlhag., Il, 10; Augus- Ad Donatistas post Collai., 31, 54; 33,
tin, Contra Cresconium, II, 1, 2; De 56 ; Epist. 141,9.
haeres., 69. 7) Epist. 93, 10, 43.
4) Passio Donali, 4-12; Augustin,
112 l'église donatiste

capitale officielle, comme elle était le centre de la vie écono-


mique, intellectuelle et religieuse de toute la contrée. C'est de
là que, pendant plus de quarante ans, Donat le Grand gouverna
l
son Église C'est là que résida toujours le chef du parti, et que
.

se tinrent la plupart des conciles. A Carthage, les schismatiques


ne paraissent pas avoir jamais égalé en nombre les Catholiques;
mais ils y formaient une faction imposante et turbulente, toujours
irréconciliable, et toujours prête pour l'émeute. Ils finirent par
se quereller entre eux, surtout lors du schisme deMaximianus*.
Vers la fin du iv siècle, lesDonatistes de la ville étaient divisés
en plusieurs Eglises rivales, dont chacune avait son évêque et
traitait les autres dissidents comme de simples Catholiques 3
.

De Carthage, le Donatisme rayonna sur l'intérieur de la Pro-


consulaire et sur la Byzacène, d'où l'on vit arriver en 411 bien
des évêques schismatiques *. De bonne heure, les missionnaires
de Donat semblent avoir été accueillis avec empressement dans
beaucoup de villes de Byzacène. C'est que dans ce pays on
jalousait depuis longtemps, et l'on jalousa toujours, la supré-
matie de l'évêque de Carthage. L'adhésion au
et les privilèges
Donatisme donc un moyen de s'affranchir et de satisfaire
fut
de vieilles rancunes. 11 est à noter, d'ailleurs, que ce sentiment
persista chez les dissidents de la contrée, tout en changeant
d'objet. Primianus s'en aperçut à ses dépens. C'est en Byzacène
que se recruta surtout le parti de Maximianus; là se tint le
concile qui prononça la déposition de Primianus Toujours 5
.

jalouse de Carthage, et, de plus, inquiète du rôle prépondérant


des Numides dans la grande Église schismatique, la Byzacène
6
devint le centre du Maximianisme La Tripolitaine suivit
.

l'exemple de la Byzacène, dont elle était presque une dépen-


dance; elle fournit des adhérents au Donatisme, puis au Maxi-
mianisme; elle se donna même le luxe d'un schisme spécial
7
.

Néanmoins, dans ces trois provinces de l'Est, la majorité des


chrétiens restèrent fidèles à la communion catholique \
11 en fut tout autrement en Numidie. C'est de là surtout

qu'était sorti le schisme; c'est là qu'il fit les progrès les plus

1) Optât, III, 3. 5) Augustin, Sermo II in Psalm. 36,

2) Augustia, Epist. 43, 9,26; Sermo II 20; Contra Cresconium,l\, 6, 7; Epist.


in Psalm. 36, 19-20; Contra Cresco- 141, 6 ; 185, 4, 17.
nium, IV, 6, 7 47, 57 Gesta eum Eme-
; ; 6) Epist. 93, 8, 24; Contra Cresco-
rito, 9. nium, IV, 58, 69; Ad Catholicos Epis-
3) De haplismo, 11, 11, 16; Contra tula contra Donatislas, 3, 6; 19, 51.
>onium, IV , 9, 11; Sermo II in 7) Epist. 93, 8, 24; Ad Catholicos
Psalm. 36, 20. Epistula contra Donatislas, 3, 6.

4) Collât. Cartharj., 1, U9-210. 8) Epist. 129, 6.


EXTENSION ET SCHISMES 113

rapides et les plus inquiétants. La Numidie, dès l'origine, et


jusqu'à la fin du VI e siècle, fut la forteresse du Donatisme,
qu'on appelait parfois « le schisme numide »*. Au jour même
de la rupture définitive avec les Catholiques, soixante-dix évo-
ques de la région étaient acquis à la nouvelle Église *. Ils réus-
sirent si bien dans leur propagande que, presque partout, les
populations se rallièrent au parti de Donat. Les schismatiques
étaient si complètement maîtres dans le pays, qu'en toute occa-
sion et par tous les moyens, même aux temps des persécutions
contre le Donatisme, ils persécutaient les Catholiques. On les
voit à l'œuvre dès les dernières années du règne de Constantin.
Ils enlevaient alors à leurs adversaires la basilique de Constan-
3
tine; et l'empereur n'osait ordonner de les en déposséder .

Malgré les clauses formelles des constitutions impériales, ils


astreignaient les clercs catholiques aux charges de la curie 4 .

Aux moments critiques de leur histoire, c'est en Numidie que


les Donatistes se sont le mieux défendus. Aux temps où la for-
tune leur souriait, c'est de là qu'ils partaient pour la conquête
ou le ravage des autres provinces. Là se formèrent ces bandes
de Circoncellions qui, à tant de reprises, terrorisèrent une par-
tie de l'Afrique vers 340, avec Fasir et Axido 5 en 347, avec
: ;

Donat de Bagaï en 362, avec les évêques numides qui envahi-


6
;

7
rent les Maurétanies plus tard, avec les partisans de Firmus
;

ou de Gildon, avec le terrible Optatus de Thamugadi 8 Dans .

certains districts de Numidie, l'Église schismatique comprenait


presque tous les habitants, colons et indigènes. Elle était toute
puissante à Thamugadi, à Bagaï 9 ; elle le fut longtemps à Cons-
tantine, à Thagaste, à Hippone ,0 Dans bien des villes où les .

schismatiques avaient un évêque et une communauté floris-


sante, les Catholiques durent renoncer à élire un évêque ".Le
Donatisme était si bien enraciné en Numidie, que jamais ni les
conciles catholiques, ni les lois impériales, ni les plus violentes
persécutions, n'ont pu complètement l'en extirper '-.

1) Sermo 46, 15, 39. Contra litteras Petiliani, I, 24, 26; II,

2) Epist. 43, 2, 3 ; Brevic. Collât., III, 23, 53-55; Contra Cresconium, III, 43,
14, 26. 47; 52, 58.
3) Appendix d'Optat, n. 10, p. 215 Ziwsa. 10) Possidius, Vita Augustini, 10-14;
4) Ibid., p. 215; Cod. Theod., XVI, 2,7. Augustin, Contra litteras Petiliani, II,

5) Optât, III, 4. 83, 184; Sermo ad Caesareensis Eccle-


6) Ibid., III, 4. siaeplebem, 8; Epist. 29, 12; 35, 4; 88,
7) lbid., II, 17-19. 1 6-12; 93, 5, 17; 209, 2; Collât.
et
8) Augustin, Epist. 43, 8, 24 ; Contra Carlhag., 1, 139.
litteras Petiliani, I, 24, 26; II, 23, 53- 11) Collât. Carthag., 1,157; 163: 165;
55 ; 39, 94. 182 187-188 197-198 201-202 206 208.
; ; ; ; ;

9) Enarr. Il in Psalm. 21, 26. — Cf. 12) Grégoire le Grand, Epist., I, 72; T,j ;

Optât, 111, 4; Augustin, Epist. 43, 8, 24; 82; 11, 46; IV, 32 et 35; V, 3; VI, 34.

IV 8
114 L EGLISE DONATISTE

Dans les Maurétanies, les Catholiques gardèrent toujours, et


de beaucoup, l'avantage du nombre. Cependant, et d'assez
bonne heure, le schisme y fit des progrès. En 329, les martyrs
de Renault succombèrent probablement dans une bataille
entre chrétiens des deux partis Vers 336, on signale en Mau- 1
.

rétanie la présence de nombreux évêques donatistes, qui tou-


J
jours restèrent en communion avec leur primat de Carthage .

En 362, des évêques numides, avec leurs bandes de Circoncel-


lions, s'avancèrent jusqu'à Tipasa, assaillant les basiliques
partout où ils passaient, et restaurant partout l'Eglise de
Donat Plus tard, dans leurs révoltes contre Rome, Firmus et
s
.

Gildôn trouvèrent des alliés parmi les Donatistes de Mauréta-


Le même pays a vu commencer le morcellement de
1
nie .

l'Église schismatique, avec le schisme des Rogatistes Au 1

temps d'Augustin, des inscriptions de la contrée nous font


connaître de nouveaux martyrs, victimes des guerres reli-
gieuses 6 beaucoup d'évêques donatistes de Maurétanie assis-
;

7
tèrent à la Conférence de 411 l'évêque dissident de Caesarea, ;

le célèbre Emeritus, compte alors parmi les principaux chefs


du parti 8
Les épitaphes de Benian et la correspondance du
.
'

pape Léon L rl ° attestent la présence de schismatiques en ces


régions jusqu'au milieu du v° siècle. Pourtant, selon toute
apparence, le Donatisme n'a pas remporté, dans ces provinces
de l'Ouest, des succès décisifs. Nous y rencontrons bien des
évêques et des communautés schismatiques; mais c'étaient
probablement des groupes isolés, des colonies de dissidents.
Rien ne prouve qu'en Maurétanie, comme en Numidie, l'Église
de Donat ait conquis des régions et des populations entières.
Maître en Numidie, et largement répandu dans les provinces
voisines, le Donatisme fut longtemps considéré par la moitié
des chrétiens d'Afrique comme une sorte de religion nationale.
L'une des causes les plus certaines de son succès, ce fut l'in-
contestable habileté de la propagande. Optât reconnaît que ses

1) C. I. L., VIII. 2 loH. Huit. arch. du Comité des travaux his-


2) Augustin, Epist. 93, 10, 43. toriques, 1908, p. cci.
3) Optât, 11, 18-19. 7) Collai. Carlhaq., I, 149-210.
4) Augustin, Epist. 87, 10; Conlra 8) Augustin, Epist 87, 1; Retract., Il,

Epislulam Parmeniani, I, 10, 16; 11, 72 et 11 : Gesla cum Emerito, 1-10;


17; Contra lilteras Petiliani, 11, 83, 184. Conlra Gaudentium, I, 14, l;i: Il, 4, 4;
5) Epist. if, 10 93, 1 et suiv. Conlra ; ; Possidius, \'ila Auguslini, 16 Collât. ;

Epistulam Parmeniani, I, 10, 16; 11, 17; Carthag., I, 20: 22: 31: 33 11, 2; 28; :

Conlra tilluras Petiliani, II, 83, 184; III, 2; L5; 39; 43, etc.
Ad Calholicos Epistula conlra Uona- 9) C. I. L., VIII, 21570-21574; Gsell,
tistas :;, 6 ; 14, Fouilles de. Benian, p. 22-27 et i2.
6) C. I. I.., VIII, 10932; 20480; C.sell, 10) Léon I, Epist. 12, 6.
EXTENSION ET SCHISMES 115

adversaires étaient « subtils dans leur séduction »'; et il en


donne, ainsi qu'Augustin, bien des exemples.
Au début, la conversion des foules avait été souvent presque
inconsciente. En bien des endroits, la plupart des chrétiens
étaient devenus donatistes, tout naturellement, par la simple
raison qu'il y avait une seule communauté, un seul évoque,
et que cet évêque s'était rallié à l'Église schismatique igno- :

rance ou insouciance, les fidèles avaient suivi leur chef les


yeux fermés. Même des gens de la classe moyenne, des gens
instruits, des lettrés, étaient ainsi devenus donatistes sans le
vouloir, presque sans s'en apercevoir. Un exemple bien curieux
est celui du grammairien Victor, ancien lecteur de l'Église de
Cirta. Voici comment il racontait plus tard sa conversion :

« Je suis professeur de littérature romaine, grammairien


latin... père a été décurion de Constantine; mon aïeul
Mon
dans la garde. Notre famille est de
était soldat, et avait servi
sang maure... Moi, je ne connais pas l'origine du schisme; je
suis un fidèle quelconque dans le peuple des chrétiens. Comme
j'étais à Carthage, l'évêque Secundus y vint un jour on ;

trouva, dit-on, que l'évêque Caecilianus avait été ordonné irré-


gulièrement par je ne sais qui, et on élut contre lui un autre
évêque. C'est ainsi qu'à Carthage commença le schisme. Je ne
puis bien connaître l'origine du schisme, parce que notre cité
(Constantine) n'a toujours qu'une seule Église; s'il y a eu un
schisme, nous n'en savons rien du tout 2 ». On a lieu de croire
que le grammairien Victor, pour les besoins de sa cause, exa-
gérait un peu son ignorance. Sa déclaration n'en est pas
moins très caractéristique elle trahit l'indifférence naïve ou
:

cynique de certains chrétiens du temps pour les querelles des


clercs. En fait, les évêques traditeurs de Xumidie, compromis
dans la réunion de Cirta en 305 et dans le concile de Carthage
en 312, semblent avoir entraîné avec eux et rallié sans peine
au Donatisme la grande majorité des fidèles de leurs Églises.
C'est pour cela surtout que, plus tard, ils redoutaient tant un
scandale qui pouvait ouvrir les yeux du public, comme le
montrent leurs lettres lues en 320 à l'audience de Thamugadi 3
.

Quand l'Eglise schismatique fut définitivement constituée,


et que, dans toute l'Afrique, la lutte se fut engagée entre les
deux partis, les évêques dissidents durent renoncer naturelle-
ment à escompter ces conversions automatiques. Mais ils con-

1) « Subtiles in seduclionilius » (Optai, Ziwsa.


II, 11). 3) Ibid., p. 189-192.
2) Gesta apud Zenophilum, p. 185
116 l'église donatiste

tinuèrent à gagner les foules par une infatigable et très habile


propagande. Autour de Carthage, en Byzacène, en Numidie,
jusqu'en Maurétanie, ils eurent des missionnaires et des
agents recruteurs, qui allaient de communauté en commu-
nauté, s'abouchant avec les fidèles, leur racontant à leur façon
l'histoire du schisme, répétant les vieilles calomnies, réveil-
lant les vieilles rancunes contre Caecilianus et autres chefs du
parti catholique. Ingentius fut un de ces agents si dévoué à :

sa faction, ou si résolu à se venger d'un ennemi, qu'il en


devint faussaire Pour attirer de nouveaux adeptes, les Dona-
1
.

tistes employaient les moyens les plus divers. Malgré leur


intransigeance théorique, ils se résignèrent parfois à céder sur
l'un des principes qui leur tenaient le plus à cœur. Beaucoup
de Catholiques, quoique séduits par le schisme, reculaient
devant la perspective d'un second baptême, et les évêques
dissidents de Maurétanie condamnaient cette pratique un :

concile donatiste de Carthage, vers 336, autorisa les Églises du


parti à admettre les convertis sans les rebaptiser. Donat lui-
même ne protesta pas contre cette concession contraire aux
principes de la secte, et resta toujours en communion avec ses
collègues de Maurétanie 2 Les Donatistes sacrifiaient tout aux
.

intérêts du parti; aussi leur propagande eut-elle un grand suc-


cès dans toutes les classes sociales.
Leurs chefs connaissaient bien la psychologie des foules, dont
ils s'entendaient à exploiter les instincts généreux, les préju-
gés, les rancunes ou les passions. D'abord, ils accueillaient à
bras ouverts tous les mécontents, tous les transfuges de l'autre
Eglise. Certains Catholiques, menacés d'excommunication ou
simplement admonestés par leur évêque, n'hésitaient pas à
passer au camp ennemi. C'est ce que remarque Augustin dans
un de ses sermons « Tu entends dire Mettez-le hors de
: :

l'Église. —
Aussitôt tu réponds Je m'en vais vers le parti de :

Donat» Un jeune homme des environs d'Hippone avait été


3
.

réprimandé par l'évêque pour avoir frappé sa mère il se fit :

4
donatiste C'étaient là d'étranges recrues pour l'Église « des
.

Saints ». Les schismatiques, si intransigeants sur les principes,


toujours inexorables, pour les prétendus péchés de leurs adver-
saires, toujours prêts à lancer la pierre aux plus vertueux
évêques catholiques et à maudire en eux les crimes de Caeci-
lianus, témoignaient souvent une indulgence évangélique aux

1) Acla purgalionis Felicis, p. 200- 3) In Johannis Evange/ium Iraclalus


203 Ziwsa. X, 5.
2) Augustin, Epist. 93, 10, 43. 4) Epist. 34, 2.
EXTENSION ET SCHISMES 117

pécheurs les plus effrontés qui venaient à eux. Ils rassuraient


vite la conscience des coupables, et parfois les dispensaient de
toute pénitence « Quand vous séduisez quelqu'un, leur disait
:

Optât, vous lui promettez le pardon de ses péchés » l


.

Ce parti-pris d'indulgence pour leurs néophytes n'empêchait


pas les clercs donatistes d'en imposer à la foule par le théâtral
appareil d'une orgueilleuse sainteté. Ils représentaient, disaient-
ils, la véritable Église, qui seule avait conservé, avec la pureté

de la foi, les vertus du christianisme évangélique et la sévérité


de la discipline Pour justifier leurs prétentions aux yeux des
2
.

chrétiens hésitants, ils affectaient de considérer les Catholiques


comme des païens déguisés. Ils traitaient souvent comme tels
les convertis, leur faisaient réciter les mômes formules qu'aux
« Le langage de votre
3
idolâtres Optât le leur reprochait
. :

séduction est connu de tous. Vous dites à vos dupes Regardez :

derrière vous Vous leur dites Rachetez vos âmes Vous dites
! : !

à des chrétiens baptisés, même à des clercs Soyez chré- :

tiens! » 4 En 347, les schismatiques exploitèrent perfidement la


.

légende qui s'était répandue en Afrique à l'arrivée de Macarius


et de Paulus l'histoire absurde de cette « image » que les
:

envoyés de l'empereur devaient faire placer, dans toutes les


églises, en avant de l'autel'. On répétait des propos attribués à
des Donatistes ralliés lors de l'édit d'union communier dans :

6
un sanctuaire catholique, c'était participer à un sacrifice païen .

Ces sottises étaient des arguments décisifs pour les simples


d'esprit, dont beaucoup s'éloignaient de l'Église catholique
comme d'un repaire d'idolâtrie, pour implorer leur admission
dans l'Église des Saints.
Un des principaux moyens de propagande était, précisément,
la mise en scène de la sainteté donatiste, opposée à l'impiété de
l'autre Église. De là, toutes ces cérémonies expiatoires, desti-
nées à frapper les imaginations populaires. Une basilique avait-
elle été enlevée aux Catholiques? Elle ne pouvait servir au
culte dissident avant d'avoir été purifiée on lavait le dallage :

et les murs avec de l'eau salée Une communauté entière 1


.

s'était-elle ralliée de gré ou de force? On astreignait tous les


fidèles à une pénitence, mais en les divisant par groupes, plus

1) Optât, II, 20. traclatus V, 13.


2) Acla purgationis Felicis, p. 198 4) Optât, III, 11.
Ziwsa; Acta Saturnini, 16 et 20 Baluze; 5) Ibid., III, 12. - Cf. Augustin,
Passio Donati, 3; Augustin, Epist. 8S,2; Epist. 93, 5, 17.
Brevic. Collai., III, 3^3; 4, 5. 6) Optât, III, 12.
3) Optât, 11; Augustin, Enarr. in
111, 1) Ibid., II, 21; VI, 6.
Psalm. 145, 16; In Johannis Evangelium
118 L'ÉGLISE DONATISTE

ou moins arbitrairement, selon la gravité de leurs fautes: pour


les uns, une expiation d'un an; pour d'autres, un mois; pour
les privilégiés, un jour. Le temps accompli, on faisait aligner le
groupe des libérés, on étendait sur eux un voile, on imposait
les mains sur la file des tètes inclinées, et le pardon de l'Église
de Donat tombait sur la masse des pénitents Tous les ralliés, 1
.

du moins en principe, étaient soumis à ces épreuves, et rebap-


tisés : laïques et clercs de toute catégorie, hommes, enfants,
vierges, matrones, diacres et prêtres, jusqu'aux évêques 2
. On
aimait surtout à humilier les clercs catholiques, moins encore
pour le plaisir de l'humiliation même, que pour l'édification du
public. Quand on avait réussi à gagner, par la persuasion ou
par la crainte, un évêque ou un prêtre, on l'astreignait à une
pénitence publique, on l'exorcisait, on le reléguait parmi les
catéchumènes; puis, on le rebaptisait, on lui imposait un stage
parmi les laïques, sauf à l'ordonner de nouveau, pour lui rendre
ensuite dans l'Église de Donat le rang qu'il avait occupé dans
l'Église catholique Après toutes ces humiliations, le malheu-
3
.

reux « portait le deuil de sa dignité perdue », suivant l'éner-


gique expression d'Optat*. Mais ce lamentable spectacle avait
pour etïet ordinaire d'entraîner, avec la conversion de la vic-
time, celle d'une partie de la communauté. Les âmes simples
étaient attirées par la force et la vertu mystérieuse de cette
Église, qui d'un évêque faisait un pénitent, puis d'un catéchu-
mène un évêque'. A leur tour, ces nouveaux convertis, ardents
et naïfs, devenaient d'eux-mêmes les meilleurs agents de la
propagande donatiste, les complices inconscients de ces chas-
seurs d'âmes qu'Optât compare ingénieusement à l'oiseleur .

Ce n'est pas seulement la foule anonyme que visait le prosé-


lytisme. Non moins efficace, surtout dans les temps de paix
relative, était la propagande individuelle dans les familles, :

dans les grands domaines, dans les cercles d'amis. Des Dona-
tistes intransigeants refusaient de marier leur fille à un Catho-
7
lique; ils obligeaient leur futur gendre à se convertir Les .

grands propriétaires usaient de leur toute-puissante autorité


pour amener au schisme leurs esclaves, leurs fermiers ou
métayers Crispinus de Calama, ayant acheté un domaine, en
:

rebaptisa d'office tous les colons, de pauvres gens qui ne com-

1 Optât, II, 24 el 26. 4) « Kreplae portant limera dignilatis »

2) Ibid., Il, 1!); '24-20: VI, 4. (Optât, II, 24).


r
3) Ibid., II. 19: 21 ;
_>ï j:, : Augustin, . i) Optât, II, 21.
Epist. 23, 2; 10G, 1 ; 108, unico1 ; L>e 6) Ibid., VI. 8.

baptismo, 11, 19; Collât. Carlhag., I, 7) Augustin, Sermo 46, 7, 15.


188 et 197.
EXTENSION ET SCHISMES 119

prenaient pas même le latin


1
. Un prêtre schismatique de Cons-
tantine entreprit de gagner un de ses compatriotes catholiques,
nommé Generosus; il multiplia les avances et les exhortations,
alléguant même des visions, se disant chargé par un ange de
2
le convertir Quand les sermons et les promesses avaient
.

échoué, on recourait aux menaces, aux outrages, à l'intimida-


tion. Optât disait à ses adversaires « Malheur à quiconque fait :

quelque chose contre votre volonté! Vous le terrorisez, vous le


calomniez... Glorifiez-vous de ce que vos calomnies ont décidé
certains hommes Si Ton ne reculait devant rien
à mourir »
3
.

pour conquérir un Catholique, on poursuivait d'une haine


implacable quiconque abandonnait l'Église de Donat il était :

de tradition d'assommer, de mutiler, de tuer ces traîtres Tous 4


.

ces moyens de propagande ou d'intimidation avaient d'autant


plus de succès, que beaucoup de chrétiens d'Afrique, indifférents
sur les principes, flottaient entre les deux partis, sans se préoc-
cuper de savoir où était le bon droit. Augustin aime à tracer le
portrait satirique de ces chrétiens sans conviction, qui passaient
alternativement du Catholicisme au Donatisme ou du Dona-
tisme au Catholicisme, selon les circonstances ou les exigences
de leurs intérêts matériels 3 Tous ces indifférents n'avaient
.

d'autre souci que de prendre le vent; et longtemps le vent


souffla pour eux du côté d'où venaient les promesses ou les
coups.
Les grands triomphes de la propagande donatiste, c'étaient
les conversions de clercs catholiques. Ces conversions ne furent
pas rares, non seulement dans les temps de guerre religieuse
où ces apostasies furent souvent imposées par la force 6 mais ,

encore pendant les trêves, par le libre consentement des inté-


ressés. Diacres rebelles ou de mœurs équivoques, excommu-
niés ou réprimandés par leur chef, ambitieux déçus qui rêvaient
de l'épiscopat, parfois même des évêques mécontents ou peu-
reux, émigraient vers l'Église de Donat, et volontairement, par
ambition ou désir de vengeance, se soumettaient aux humi-
liantes cérémonies d'une dégradation solennelle, d'un nouveau
baptême, d'une nouvelle ordination A la Conférence de 411,
7
.

nous rencontrons plusieurs de ces renégats. Vitalis était un

1) Epist. 66, 1; Contra litleras Peli- Gesta cum Emerilo, 9 ; Possidius, Vjta
liant, 11, 83, 184. Auguslini, 15.

2) Epist. 53, 1. a) Augustin, Sermo 252, 5.

3) Optât, 11, 25. 6) Optât, II, 19 et 25.


4) Augustin, Epist. 88, 6-8; 97, 4; 105, 7) lbid., II, 24 ; Augustin, Epist. 23, 2;
2,3; 108,5, 14 ; 108, 6, 18; 111, 1; 106, 1; 108, 1; Collai. Carthag., I,
133, 1; 134,2; 139,1-2; 185, 7,30; 197-198; 201-203.
120 l'église donatiste

ancien diacre catholique de Sitifi; condamné pour adultère, il


passa aux Donatistes, qui le rebaptisèrent et relurent prêtre,
puis évêque de Mascula Félix et Rogatus, évêques schisma-
1

tiques de Voset et de Zaraï, avaient également commencé par


2
être diacres dans l'Église catholique Simplicius, évêque de .

Thibilis, se laissa gagner par les dissidents, qui le reléguèrent


d'abord parmi les catéchumènes, puis le rebaptisèrent et rele-
vèrent de nouveau à l'épiscopat il avait alors quatre-vingt-dix
:

ans, on peut supposer que le pauvre homme était tombé en


3
enfance Un autre évêque catholique, Leontius de Rusticiana,
.

s'obstinait à rebaptiser les schismatiques convertis, suivant la


vieille tradition de Cyprien; il eut sans doute, à ce propos, des
difficultés avec ses collègues et avec les conciles; toujours est-
il qu'il finit par se rallier à l'Église dissidente, où il put rebap-

tiser à son aise


4
On pourrait multiplier les exemples; ceux-là
.

suffisent pour montrer que, même au temps d'Augustin, le


Donatisme trouvait des prosélytes jusque dans le clergé catho-
lique. Cette adhésion imprévue de certains clercs de l'Église
rivale produisait naturellement beaucoup d'effet sur l'esprit des
populations. Ces recrues de choix étaient d'autant plus pré-
cieuses, qu'un clerc changeant de parti, et, à plus forte raison,
un évêque, entraînait presque toujours avec lui bien des fidèles
de sa communauté.
Un dernier trait à noter dans l'histoire de la propagande
donatiste, c'est le succès qu'elle obtint auprès des indigènes.
Dans beaucoup des districts de la montagne ou des Hauts-Pla-
teaux, les vieilles populations de langue punique ou berbère et
les tribus nomades avaient été à peine effleurées jusqu'alors
par la prédication chrétienne, comme par la civilisation
romaine; il y avait encore des païens dans ces régions à l'arri-
vée des Arabes. Pour des raisons multiples, dont la principale
est sans doute l'activité même de leur propagande, les Dona-
tistes réussirent mieux que les Catholiques, surtout en Numidie.
C'est dans le courant du iv e siècle que se dessine le grand mou-
vement de conversion au christianisme dans les masses popu-
laires et chez les populations arriérées. Or, pendant cette
période, c'est l'Hlglise de Donat qui régnait en Numidie. C'est
donc presque toujours sous la forme donatiste que les indi-
gènes de la région ont connu le christianisme. Toujours est-il
que le Donatisme fut accueilli avec enthousiasme par les popu-
lations barbares du pays numide, et y trouva souvent un point

1) Collât. Carlhag., I, 201. 3) Ibid., I, 188 et 191.


2) Ibid., 1, 202-203. 4) lôid., 1, 198.
EXTENSION ET SCHISMES 121

d'appui dans ses luttes contre les Catholiques. Les indigènes


paraissent avoir été en majorité dans les bandes de Circoncel-
lions. Il suffit de rappeler les noms de deux de leurs chefs,
Axido et Fasir, qui, vers 340, descendirent de l'Aurès'. De
même, dans la région d'Hippone, au temps d'Augustin, la plu-
part des Circoncellions étaient certainement des indigènes,
puisqu'ils ne comprenaient pas le latin 8 .

Pour évangéliser et gouverner ces tribus farouches, les clercs


donatistes durent parler leur langue ou se résigner à se servir
d'interprètes. S'ils gardaientlelatincommelangueliturgique,ils
prêchaient souvent en punique. « Les Donatistes, dit Augustin,
ont une façon à eux d'honorer le Christ; ils prétendent que son
domaine est désormais réduit à deux langues, le latin et le
punique, c'est-à-dire la langue des Africains .. En effet, ce sont
3
les deux langues en usage dans le parti de Donat » Nous avons .

quelques renseignements précis sur ce rôle du punique dans


l'Église dissidente. Par exemple, les colons rebaptisés d'office
par Crispinus de Calama ne comprenaient que le vieil idiome
carthaginois, ou plutôt, une langue dérivée de celle-là, ce
qu'on appelle aujourd'hui le « néo-punique ». Augustin,
écrivant au même Crispinus pour réfuter le système donatiste,
demande que sa lettre soit traduite en punique et lue aux schis-
matiques avec la réponse de son adversaire *. Vers 409, Macro-
bius, évêque dissident d'Hippone, voulant haranguer les Cir-
concellions, est obligé de leur faire traduire son discours par un
interprète comme ferait aujourd'hui, en face des indigènes
5
,

d'Algérie, un administrateur français ignorant le berbère ou


l'arabe. Dix ou douze ans plus tard, les Donatistes de Fussala,
aux environs d'Hippone, revinrent en masse à l'Église catho-
lique. Augustin fit démembrer son propre diocèse, dont une
partie constitua le diocèse de Fussala pour cet évèché, il dut :

choisir parmi les candidats qui savaient le punique Ces petits .

faits nous fournissent la preuve décisive du succès qu'obtint la


propagande donatiste auprès des populations indigènes de
Numidie.
Cette propagande, les schismatiques africains l'ont poursuivie
ouvertement, tant qu'ils ont été les maîtres. Ils la continuaient
dans l'ombre pendant les périodes de persécution. Ils n'y ont
jamais renoncé tout à fait. Augustin pouvait dire encore après

1) Optât, III, 4. II, 3.

2) Augustin, Epist. 66, 2; 108, 5, 14; 4) Epist. 66, 2.


209, 3. 5) Epist. 108, 5, 14.
3) In Joltannis Epislu/am Iraclalus, 6) Epist. 209, 3.
.

122 l'église donatiste

l'édit d'union de 405 : « L'Église catholique gémit au milieu de


tant de scandales des hérétiques. Elle voit que par de perfides
exhortations et des mensonges on enlève de son sein les
faihles, les enfants, pour les traîner dans je ne sais quelles
cavernes, aux horribles mystères, pour les rebaptiser, pour
exorciser en eux le Christ » Les schismatiques recommençaient .

ouvertement leur campagne, dès que les circonstances le per-


mettaient; on les voit à l'œuvre encore à Ja fin du vi" siècle 2
.

Leur infatigable et habile prosélytisme explique qu'ils aient


pu si longtemps attirer à eux tant de néophytes, Romains ou
indigènes, souvent des communautés entières, jusqu'à des
clercs et des évoques catholiques.
Les résultats obtenus furent surprenants. Ici encore, rien ne
vaut l'éloquence des chiffres. En 394, après le schisme de
Maximianus, le concile de Bagaï réunit trois cent dix évèques
primianistes D'autre part, les évèques maximianistes étaient
3
.

plus de cent au concile de Cabarsussa '. Or, presque par-


tout, la communauté entière avait suivi son chef; sauf à Car-
tilage et dans deux ou trois autres villes, il n'y avait alors,
dans chaque localité, qu'une seule communauté dissi-

dente, ici maximianiste. On en doit conclure


primianiste, là
e
que, vers la fin du iv siècle, l'Afrique renfermait plus de
quatre cents évèchés donatistes. Ce nombre formidable serait
même grossi encore, si l'on tenait compte des schismes secon-
daires, et des évèques absents ou des évêchés vacants lors des
conciles de Cabarsussa et de Bagaï. Si petits qu'on suppose la
plupart des diocèses —
et nous savons que quelques-uns étaienl
grands, —
le chiffre des sièges dissidents reste tout à l'ait
extraordinaire. 11 est fort douteux que l'Église catholique ait
alors compté en Afrique autant d'évèchés.
Toutes ces communautés schismatiques, à l'exception de
deux ou trois, étaient situées dans l'Afrique latine Proconsu- :

laire, Byzacène, Tripolitaine, Numidie, Maurétanie Sitilienne,


Maurétanie Césarienne. Rien n'indique que le Donatisme ait eu
des adhérents en Tingitane. En tout cas, il ne dépassa pas la
frontière orientale de Tripolitaine Augustin remarque expies ;

6
sèment qu'il n'y avait pas de Donatistes en Cyrénaïque ni, à ,

6
pins forte raison, dans l'Orient grec Dans les provinces .

1. Enarr. m Psalm. 145, 16. I Contra Epislulam Parmeniani, I,


Grégoire le Grand, Epist., I, s^ ; II, 4, 8 ; Contra Cresconium, IV, 6, 7 ; Gesta
4H : i\, 32; VI, 34. cum Emerito, '.».

3) Augustin, Contra Epislulam Par- 5) Sermo 46, 17, 41.


meniani, I, 4, 8; II, 3, 7 Contra Cres- ; 6) lbul., 46, 8, 18.
um. IV, '
6, ; 13, 51
.

EXTENSION ET SCHISMES 123

méditerranéennes de l'Occident latin, l'Église de Donat a fait


quelques tentatives d'extension. Pour justifier sa prétention de
représenter en Afrique l'Eglise universelle, elle alléguait les
communautés qu'elle avait fondées en Italie, en Espagne,
peut-être en Gaule'. Mais ces colonies se réduisaient presque à
rien deux ou trois évêchés, et encore, un seul dont l'existence
:

soit absolument certaine.


Une de ces communautés était en Espagne; nous ne pouvons
dire dans quelle partie du pays. Lucilla, l'ennemie de Caecilia-
nus et des Catholiques, l'Egérie du concile des dissidents de
312, était une Espagnole 2 Môme après s'être fixée à Cartilage,
.

elle avait conservé de grands domaines dans son ancienne


patrie. Elle y introduisit le nouvel Évangile, et paraît même y
avoir fait instituer un évêché, pour le salut des colons de ses
terres. Cette communauté dissidente existait encore au temps
d'Augustin ; mais tout ce que nous en savons, c'est qu'elle exis-
tait 3 .

Dans le midi de que des communau-


la Gaule, il est possible
tés aient été créées, dès le iv e siècle,
par des Donatistes fuyant
la persécution ou émigrés pour une raison quelconque. Des
évêques dissidents d'Afrique étaient venus en Gaule dès l'an-
née 314, pour le concile d'Arles. C'est en Gaule, ou en Espagne,
que mourut Donat Grand, et que fut ordonné Parmenianus
le *

C'est surtout Gaule que se dirigèrent, pendant la


vers la
domination vandale, les schismatiques africains fugitifs on :

rencontre des Donatistes à Narbonne en 458, à Lyon vers 502 5 .

C'est donc peut-être en Gaule que se trouvait le troisième des


évêchés que les Donatistes auraient fondés hors d'Afrique, et
auxquels Augustin semble faire allusion 6 Quoi qu'il en soit, .

ces colonies dissidentes de Gaule n'eurent aucune importance


historique; elles ont dû disparaître vite au milieu des popula-
tions catholiques qui les entouraient.
La seule Église donatiste du dehors, qui mérite de nous
arrêter un instant, est celle de Rome. Elle fut fondée vers 320,
sur la demande
des schismatiques africains fixés dans la capi-
gouvernée d'abord par un administrateur intéri-
tale'. Elle fut
maire {interventor)*: Plus tard, et jusqu'au début du v e siècle,
1) Contra Cresconium, III, 63, 70. 4) Optai, II, 7.
2) « la domo vel patrimonio unius His- 5) Léon I, Epist. 167, 18; Avitus, Episl.
panse mulieris » {Ad Calholicos Epislula 26.
contra Donatislas, 3, 6). 6) Augustin, Contra Cresconium, 111,

3) Contra lilteras PetiHani, II, 108, 63,70.


247 Ad Calltolicos Epislula contra
; 7) Optât, II, 4.
Donatislas, 3, 6; Contra Cresconium, 8) Augustin, De unico baptismo, 16, 28.
111, 63, 70.
124 l'église donatiste

elle eut un évêque. Nous connaissons la série à peu près com-


plète de ces papes du Donatisme'. Le premier fut Victor de
Garbe on doit probablement l'identifier avec l'évêque numide
:

du même nom qui apparaît à Cirta en 305 A Victor succéda 2


.

Bonifatius, puis Encolpius, puis Macrobius, l'auteur de la


Passio Maximiani et lsaac. Macrobius fut remplacé par Lucia-
nns. Ce dernier eut pour successeur Claudianus, qui vers 378
fut en guerre avec le pape Damase, et qui fut plusieurs fois
3
exilé Après le départ définitif de Claudianus, qui paraît être
.

retourné à Carthage et y avoir fomenté un nouveau schisme,


le siège donatiste de Rome resta vacant sans doute pendant
plusieurs années. Plus tard, on élut un certain Félix, qui,
chassé de Rome par l'invasion des Goths, put assister en 411
4
à la Conférence de Carthage .

Les Donatistes de Rome étaient ordinairement désignés par


les Catholiques sous le nom de Monteuses, les « Montagnards »;
on les appelait aussi Campitae, Campe?ises, Cutzupitae* lisse .

réunissaient d'abord, aux environs de la ville, sur une mon-


tagne rocheuse, dans une caverne (spehmca) munie de gradins
6
et entourée d'une haie Ils se contentèrent longtemps de cette
.

chapelle souterraine, d'installation très primitive; au temps


7
de saint Jérôme, ils paraissent avoir eu une basilique La .

communauté ne comprenait guère que des Africains domiciliés


à Rome; en cas de vacance du siège, on lui envoyait d'Afrique
8
un nouvel évêque Elle ne joua un rôle apparent que sous
.

l'épiscopat de Claudianus, grâce à l'énergie et à l'audace de ce


chef; elle fit même alors des prosélytes parmi les pauvres gens
de la capitale Après le départ de Claudianus, elle rentra dans
.

l'ombre. Elle avait pourtant quelque vitalité, puisqu'elle dura


pendant tout un siècle. Elle fut même assez populaire chez ses
amis d'Afrique, qui, grâce à elle, pouvaient se dire en com-
munion avec l'Église de Rome.
Exception faite pour ces petites colonies d'Italie, de Gaule et
d'Espagne, le Donatisme resta toujours un schisme exclusive-

i) Optât, 11,4; Collai. Carthag.,\, las, 3, 6; De haeres., 69; Jérôme, Chron.


157-161. ad anu. 355; Epist. 37, 1 ; Dialogus ad-
2) Optai, I, 14 : Augustin, Contra Cres- versus Luciferianos, 28.
conium, III, 27, 30. Optât, II, 4.

3) Epistula concilii romain ann. 878 ') Jérôme, Chron. ad anu. 355.
ad Gralianum et Valentinianum Impe- 8J Optât, II, 4 ; Augustin, Contra Cres-
ratores (Mansi, Conci/., t. III, p. 626). conium, 111,34, 38; De haeres., 69 ; Epist.
4) Collât. Carthag., I, 149; 157-161. 53, 1, 2.

5) Optât, II, 4 ; Augustin, Epist. 53, 1, 9) Epistula concilii romani ann. 878
2;Contra litteras Petiliani, II, 108, l'47 ;
(Mansi, Concil., t. III, p. 626).
Ad Cathohcos Episln/a cuntra Donalis-
EXTENSION ET SCHISMES 125

ment africain, et même, avant tout, numide. Carthage, où les


dissidents étaient d'ailleurs nombreux, était la capitale offi-
cielle du parti, la résidence du chef, le lieu de réunion ordi-
naire des centre de l'action politique. L'Église
conciles, le
schismatique comptait, aussi, bien des communautés et des
évêques dans l'intérieur de la Proconsulaire, en Byzacène et en
Tripolitaine, en Maurétanie; la Byzacène fut le centre du
Maximianisme Cartenna, en Césarienne, la capitale du Boga-
1
;

tisme 2 Caesarea, l'une des places fortes du Primianisme au


;

temps d'Emeritus 3 Pourtant, c'est toujours vers la Numidie


.

que nous ramène l'histoire du schisme, aux jours de souffrance


comme aux jours de triomphe. « En Numidie est né le parti
de Donat », dit Augustin*. C'est dans cette région, et principa-
lement « au milieu de la Numidie consulaire » 5 qu'était le ,

réduit du Donatisme, le point d'appui et de résistance, le centre


d'attraction et de rayonnement. Au temps d'Augustin, quand
on leur objectait la puissance universelle de l'Église catholique,
les schismatiques répliquaient avec une naïve arrogance :

« Notre Église aussi est grande que vous semble de Bagaï et :

de Thamugadi? » 6 .

Bagaï est célèbre dans les annales de l'Église dissidente. C'est


là que l'évêque Donatus avec ses Circoncellions, en 347, osa
tenir tête aux commissaires impériaux et aux troupes du comte
7
Silvester C'est là qu'en 394 siégea le grand concile primia-
.

niste, et que fut lancé l'anathème contre les chefs du Maxi-


mianisme 8 Quelques années plus tard, les schismatiques y
.

incendièrent l'église catholique, jetant au feu les livres sacrés,


9
laissant pour mort l'évêque ennemi qui officiait à l'autel En .

411, à la Conférence de Carthage, parut Donatianus, un autre


évêque dissident de Bagaï 10 .

Thamugadi, notre Timgad, où l'on a trouvé déjà tant de


ruines d'églises, le disputait à Bagaï par l'importance de sa
communauté schismatique et par l'énergie farouche de ses
évêques. Là régna pendant dix ans le terrible Optatus, le grand
chef des Circoncellions, l'ami de Gildon, le champion du

1) Augustin, Epist. 93, 8, 24 Ad Ca- ; 7) Optât, 111, 4.


tholicos Epistula contra Donatistas, 3, 8) Augustin, Epist. 51, 2 ; 53, 3, 6 ; 108,
6; 19, 51 ; Contra Cresconium, IV, 58, 69. 15; 141, 6; Contra Cresconium, 111,
5,
2) Epist. 93, 6-7, 21-22. 53,59; 54,60 56, 62; IV, 31, 38etsuiv\;
;

3) Retract.,Il, 77 Gestacum Emerilo,


; Gesta cum Emerito, 9-1 i.
1 ; Contra Gaudenlium, I, 14, 15; Pos- 9) Contra Cresconium, III, 43, 47;
sklius, Vita Aur/ustini, 16. Brevic. Collât., III, 11, 23; Epist. 88,
4) Augustin, Sermo 46, 15, 39. 7 ; 185, 7, 26-27.
5) Epist. 58, 1. 10) Collât. Carthag., I, 177.
6) Enarr. Il in Psalm. 21, 26.
126 l'église donatiste

Primianisme, persécuteur des Maximianistes comme des


le
Catholiques, Son successeur, Gauden-
la terreur de l'Afrique 1
.

tius, fut l'un des représentants du parti à la Conférence de


Carthage Plus tard, vers 420, il devint le héros du Donatisme
3
.

aux abois, en osant défier le commissaire impérial, en mena-


çant de se briller dans son église, en soutenant une dernière
polémique contre Augustin 3
.

Ces deux cités numides, Bagaï et Thamugadi, étaient les


deux centres dynamiques de la secte, comme Cartilage en était
le centre d'apparat. On pourrait citer en Numidie bien d'autres

camps secondaires, mais puissants encore, de l'armée dona-


7
tiste Constantine Theveste", Madauros Vegesela Tigisi
:
v
, , ,
8
,

Casae \igrae s Calama 10 Thagaste 11 llippone -. Enfin, c'est en


, , ,
1

Numidie que se rencontraient les pèlerins de toutes les com-


munautés schismatiques à Nova Petra, au tombeau de Mar- :

13
culus .

L'un des éléments essentiels de la force du Donatisme avait


été longtemps sa puissante concentration, le dévouement
exclusif, souvent fanatique, de tous ses fidèles. Pendant les
cinquante premières années de l'histoire du schisme, on n'en-
tend parler d'aucun dissentiment grave entre ses adeptes :

temps héroïques, où l'enthousiasme des néophytes sacrifiait


tout aux intérêts de la nouvelle Église, où tous ses partisans
comprenaient la nécessité de la discipline, où la main vigou-
reuse de Donat le Grand maintenait unies toutes les énergies.
Les successeurs de Donat furent moins heureux. Le jour vint

1) Augustin, Episl. 43,8, 24; 33, 3, 6; G) Concil. Carthag. ann. 348, ran. 12.
87, 5: Conlra litleras Petiliani, I, 24, 7) PassioMarculi, p. 7ôl Mignc. —
26 ; II, 23, 53-55 37, 88 39, 94 52, 120
; ; ; ;
Cf. (Isell, Bull, arch. du Comité des
83,184; 103, 237; Contra Cresconium, travaux historiques, 1899, p. 455; Atlas
III, 66; Gesla cum Emerito, 9.
60, arch. de V Algérie, feuille 28, n. 171.
2) Cotlut. Carthag., I, 148 et 208; II, 8) Optât, I, 14 et 19; Augustin, Sermo
2 cl 12; 111, 2 et 102; Augustin, flefc'ac*., 46, 15, 39.
II, 85: Contra Gaudentium, 1, 3, 4; II, 9) Augustin. Episl. 88 ; Brevic. Collai.,
4, 4. III, 36; Ad Donalislas post Collai.,
18,
3) Augustin, Episl. 204; Conlra Gau- 13, 17; Retract 1, 20, 4; De haeres.,
,

dentium, I, 1 et suiv.: Il, I et suiv, ; lie- 1.9: Collai. Cartha;/., I, 149 et 157.

Iract., Il, 85. 10) Possidius, Vita Auguslini, 14; Au-


4) Sermo ad Caesareensis Ecclesiae gustin, Episl. 66; 105, 2, 4; Contra
plehem, 8. — CI. Colla/. Carthag., 1,139. Cresconium, III. 46, 50.
Optât, 18. — On a trouvé réc( m
II, 11) Augustin, Episl. 93, 5, 17.
ment, eri diverses localités du cen le tic 12) Contra litleras Petiliani, il, 83,
rebessa, une curieuse série d'inscriptions 184; Episl. 29, 4; 88, 8 et 12;
12; 35,
donalistes ou relatives au Donatisme. Cf. 133, 1 et 3; 134, 2; 139, 1-2: 209, 2:
Recueil de ConstanCine, Xl.ll, 1908, p. Possidius, Vita Auguslini, 10 el 13.
193 et suiv.; Bull, de la Société des An- 13) Collât. Carthag., 1,187: Passio
tiquaires <le France, 1909. Marculi, p. 762 Migne.
EXTENSION ET SCHISMES 127

où l'Église née du schisme fut à son tour déchirée par le


schisme, où fut créée à ses dépens une petite Eglise rivale. A par-
tir de ce jour, le Donatisme s'émietta de plus en plus, en vertu de

ses principes mêmes légitimité du schisme, idéal évangélique,


:

prétention à la pureté, à l'austérité, à la perfection. Des intran-


sigeants, des dévots trop scrupuleux, jugèrent que la grande
Église donatiste ressemblait trop à l'Église catholique, qu'elle
se laissait aller aux compromis, aux capitulations. En outre,
des rivalités de province à province facilitèrent la dislocation;
les dissidents de Byzacène, de Tripolitaine, de Maurétanie,
jalousaient le rôle prépondérant de Carthage et des Numides.
Telles sont les causes profondes des rapides succès du Maxi-
mianisme, et de l'extraordinaire multiplication des sectes
africaines. Cet émiettement progressif diminua beaucoup la
force de résistance des partis dissidents en face des Catholiques
disciplinés, conduits à la victoire par des chefs comme Aure-
lius et Augustin.
La principale Eglise schismatique resta toujours celle des
successeurs directs de Donat celle de Parmenianus, puis de :

Primianus. Elle prétendait toujours être la véritable, la seule


Église catholique prétention commune à toutes les sectes
1
:

chrétiennes, en Afrique comme ailleurs. On l'appelait ordinai-


rement le « parti de Donat » (para Doiiati), ou Donatisme pro-
prement dit*. Souvent aussi, on la désignait par le nom du pri-
mat actuel elle fut successivement le « parti de Parmenianus »
:

ou Parménianisme (Parmeniani pars)*, le « parti de Primia-


nus » ou Primianisme {pars Primiani)'. Augustin donne aussi
aux fidèles de la plus grande Église schismatique un nom d'appa-
rence singulière, mais qui correspond bien à la réalité des
faits il les
: appelle les « Donatistes cardinaux » (cardinales
5
Donatistas), c'est-à-dire les Donatistes principaux L'Église de .

Primianus était, en effet, l'héritière directe de celle de Donat.


Elle conserva toujours, de beaucoup, la supériorité du nombre
et de l'organisation; seule parmi les Églises dissidentes, elle
étendait ses ramifications sur toute l'Afrique. Elle profita de ces

1) Optât, II, 1; Collai. Carllian III, , meniani, 1, 4, 9; De haeres., 41; Filas-


22; 91; 258; Augustin, Br^vic. Collât., trius,Haeres., 83; Praedestinal., 43.
III, 2, 3 ; 4, 5. 4) Augustin, Episl. 43, 9, 26;De bap-
2) Optât, I, 22 et 26; III, 3; Augustin, tismo, I, 6, 8; Contra Epislulam Par-
Episl. 88, 1; 93, 8,24-25; Contra Epis- meniani, I, 10, 16; 111, 4, 21; Conlra
tulam Parmeniani, III, 4, 24; Contra Cresconium, III, 60, 66; IV, 3, 3 4, 5;
;

Cresconium, II, 1, 2; IV, 6, 7: (lesta 48, 58; 58, 70.


cum Emerito, 5 et 9. 5) De baptismo, I, 6, 8.
3) Augustin, Contra Epislulam Par-
128 L EGLISE DONATISTE

avantages pour traquer sans merci tous les schismatiques qui


l'avaient abandonnée.
Le premier schisme né du Donatisme fut le Rogatisme (pars
Rogati; Rogatistae; Rogatenses; Rogatiani)'. Il apparaît brus-
quement, vers 370, dans un coin de la Maurétanie Césarienne.
Il eut pour apôtre et pour premier chef un homme distingué,

d'esprit modéré Ce Rogatus 2


Rogatus, évêque de Cartenna
: .

paraît s'être indigné des violences et des attentats de toute


sorte commis en Maurétanie, sous le règne de Julien, par les
bandes de Numides que dirigeaient des évêques donatistes Il 3
.

rompit avec l'Église de Parmenianus entre 362 et 372 ', et fonda


une Église distincte, qui prétendait être seule fidèle à là tradi-
tion chrétienne. Mais il ne recruta guère d'adhérents que dans

son diocèse de Cartenna et dans les diocèses voisins. Son


schisme resta un schisme tout local. Les Rogatistes passaient
pour être beaucoup plus modérés que les autres Donatistes.
Augustin prétend, il est vrai, que leur modération relative
3
tenait surtout à leur impuissance Il raille volontiers leur petit .

nombre 6 La raison principale de cet échec est sans doute dans


.

la très violente persécution qu'eut à subir, dès sa naissance et


pendant bien des années, la nouvelle Église. Les Parménianistes
s'acharnèrent contre elle, cherchèrent à l'exterminer, lui inten-
1
tèrent une série de procès pour la restitution des basiliques .

En 372, ils profitèrent de leur alliance avec Firmus pour la


traquer sans merci, avec l'aide des agents et des troupes du
8
grand-chef tout puissant dans la région Le Rogatisme résista .

pourtant, mais en se ramassant de plus en plus sur lui-même


dans son pays d'origine. Vers 408, il ne comptait plus qu'une
9
dizaine d'évêques Son chef était alors Vincentius, successeur
.

immédiatdeRogatus, et, commelui, évêquedeCartenna 10 Corres- .

pondant d'Augustin, et son ancien camarade aux écoles de Car-


tilage, Vincentius était fort estimé de l'évèque d'Hippone". Il

t) Contra E/)islulam Parmeniani, I, au plus tôt, en 363, au plus lard, en 371,


11, 17; Contra Cresconium, IV, 60, 73: peut-être dès 363.
Sermo 138, 10; Episl. 87, 10; 93, 3, 11 ; 5) Augustin, Epist. 93, 3, 11.
93, 8. 24. 6) Ad
Catholicos Epistula contra Do-
2) Episl. 93, 1 ; Contra Epistulam natislas, 3, 6; Epist. 93, 6, 20-21; 93,
Parmeiiimti, I, 10, 10; In Johannis 8, 24-26; 93, 11, 49.
Evungelium tracta lus X, 6. 7) Epist. 93, 3, 11; 93, 4,12.
3) Optât, II, 18-19. — Cf. Augustin, 8) Contra Epistulam Parmeniani, I,
/. 93, 3, 11. 10, 16; 11, 17; Contra litleras Petiliani,
4) Le schisme de Rogatus es) postérieur 11, 83, 184; Epist. 87, 10.
à l'édit de Julien (Augustin, Epis t. 93, 4, 9) Epist. 93, (i, l>0-21.

12), el antérieur a la révolte de I rmus 10) Epist. 93, 1 ; 93, 6, 20-21.


(Contra Epistulam Parmeniani, I, 10, 11) Ibid., 93, 1.
16; 11, 17). La rupture s'est donc produite,
EXTENSION ET SCHISMES 129

eut des disciples enthousiastes, comme ce Vincentius Victor


qui par se rallier à l'Église catholique, mais qui n'en con-
finit
servait pas moins un véritable culte pour la mémoire de son
ancien maître'. C'est alors, vers 420, que le Rogatisme dispa-
rait de l'histoire.
La conséquence la plus grave du schisme de Rogatus fut d'en
préparer d'autres, en ouvrant la voie à la libre fantaisie des sec-
taires. Désormais, les mécontents du parti ne reculèrent plus
devant une rupture. L'exemple fut suivi bientôt par l'un des
hommes qui honoraient le plus l'Église de Donat. Tyconius,
penseur d'esprit indépendant, historien et théologien émi-
2
nent, avait contesté la légitimité des principes de la secte .

Sommé de se rétracter, il refusa, fut excommunié vers 380 par


un concile, et désormais vécut à part 3 Il ne semble pas avoir .

fondé d'Église distincte; mais, par son attitude et par ses


ouvrages, il dut entraîner bien des défections. C'est vers le
même temps, sans doute, que se produisit à Carthage le schisme
1'

des Claudianistes (Claudianistae) Il eut probablement pour


'.

chef ce Claudianus qui avait été évêque donatiste à Rome, et


qui, banni de la capitale à cause de ses querelles avec le pape
Damase, était revenu à Carthage pour s'y quereller avec Par-
menianus'. D'ailleurs, ce schisme paraît n'avoir eu aucun suc-
cès en dehors de Carthage; et il ne dura guère, quelques années
seulement. En 392, au début de l'épiscopat de Primianus, les Clau-
dianistes se réconcilièrent avec la grande Église dissidente, qui
fit tous les frais de la réconciliation, si l'on en juge par les accu-

sations portées à ce sujet contre le primat \ Mentionnons encore,


vers cette époque, deux autres schismes tout locaux, sur lesquels
nous n'avons pas de données explicites celui des Urbanemes :

dans un district de Numidie, celui des Arzuyes en Tripolitaine


ou dans le Sud de la Byzacène 7 .

Vers la fin de 392, un nouveau schisme, plus dangereux que


tous les précédents, éclata soudain à Carthage, et, de là, gagna
rapidement une grande partie des provinces de l'Est. Nous
avons raconté plus haut les origines du Maximianisme (pars
Maximiani', Maximianistae Maximianemesy et ses luttes dra-
; ,

1) De anima et ejus origine, III, 2. (Mansi, ConciL, t. III, p. 626). — Cf.

2) Gennadius, De scriptor. eccles., 18 ; Optât, II, 4.

Augustin, Contra Epislutam Parmeniani, 6) Augustin, Sermo II in Psalm. 36, 20 ;

I, 1; H, 22, 42; III, 3, 17; Epist. 93, 10, Contra Cresconium, IV, 9, 11.
43-44; 249. 7) Epist. 93, 8, 24; Contra Cresco-
3) Augustin, Contra Epistulam Parme- nium, IV, 60, 73.
niani, I, 1. 8) Epist. 43, 9, 26 « Pars : Maximiani
4) Contra Cresconium, IV 9, 11. ,
o.omparata parti Primiani ». — CL Epist.
$) Epislnla concilii romani ann. 3T8 108, 1; Sermo 138, 10; Contra Epistulam
IV 9
130 L EGLISE DONATISTE

matiques contre le parti de Primianus querelles du primat :

avec son diacre Maximianus; sentence arbitraire d'excommu-


nication contre Maximianus et trois autres diacres; vaines pro-
testations des seniores; appel des notables à tous les évêques
donatistes; condamnation de Primianus par un concile de Car-
tilage, à la fin de 392 nouvelles violences du primat; déposi-
' ;

tion de Primianus par le concile maximianiste de Cabarsussa,


en 393*; excommunication de Maximianus et de ses partisans
3
par le concile primianiste de Bagaï, en 394 longs et mul- ;

tiples procès entre les deux partis pour la possession des basi-
liques réconciliation d'assez nombreux Maximianistes avec
*
;

les Primianistes vainqueurs, en 397 \ L'Église maximianiste,


qui avait rallié plus de cent évêques n'en survécut pas moins 6
,

à sa défaite; elle existait encore en 411 7


.

Chose curieuse, et pourtant logique, la défaite même du


Maximianisme eut pour conséquence de multiplier les schismes.
Le parti de Primianus, pour faciliter le retour des partisans de
Maximianus, avait décidé de laisser fléchir le principe à leur
8
profit, et de les accueillir sans les rebaptiser Cette concession, .

dictée par la politique, indigna les intransigeants, qui, de


toutes parts, renièrent l'Église de Primianus. Un vent de
schisme souffla sur la contrée. Partout se constituèrent des
sectes locales, des Églises minuscules, jalouses de leur entière
indépendance, toutes prétendant être seules à garder le sens
de la vraie religion, le monopole du vrai baptême « Moins ils :

sont nombreux, dit Augustin, plus ils croient être restés de


purs Donatistes... Le parti de Donat s'est brisé en une multitude
de menues parcelles; et toutes ces menues parcelles d'Eglise
blâment l'Église beaucoup plus grande de Primianus d'avoir
déclaré valable le baptême des Maximianistes; chacune d'elles

Parmeniani, I, 10, 16; Ad Çathoiicos III, 56, 62 ; 59, 65 ; IV, 3-4, 3-5 ; 48, 58 ;

Epistula contra Donalislas, 14, 36; 66, 82; Gesta cum Emerito, 9; Epist.
''outra Cresconium, IV, 6, 7. 51, 2-5 ; 70, 2 : 76, 3-4 108, 2, 5 et suiv.
;

) Sermo II inPsatm. 36, 19-20 ;Epist. 5) Contra Epistulam Parmeniani, I,


i'i, 9, 26; Contra Cresconium, IV, 6, II, 3, 7; Contra Cresconium, III,
7; 4, 9;
Gesta cum Emerilo, 9. 15, 18; 24, 27; 60, 66; IV, 51,61 : Epist.
2) Sermo II in Psalm. 36, -lu: Epis t. 51, 2-4; 53, 3, 6 ; 70, 1 ; 108, 2, 5.

108, 2, 5; 141, 6; 185, 4, 17; Contra 6) Epist. 108, 2, 5; 141, 6; Contra


<'r,;.sconium, IV, 6, 7 47, 57;Dehueres.,
; Epistulam Parmeniani, I, 4, 8; Contra
69. Cresconium, Vf, 6, 7; 58,69; Gestacum
3) Contra Cresconium, III, 53-56, 59- Emerito, 9.
62; IV, 31-40,38-47; G es la cum Emerito, 7) Collât. Carthag., I, 10; Auguslin,
9-11; Epist. 51, 2; 53, 3, 6; ms, 5, 15 ;
Contra .lu lia nu m, III, 1 , 5.

141, 6. Augustin, I>e baplismo, 1, 6, 8;


4) Contra Epistulam Parmeniani, I. Conlra Cresconium, III, 15, 18; 60, 66;
10-13, 16^20; II, 3, 7; Contra litteras IV, 1,1; Gesta cum Emerito, 9; Epist.
Petiliani, II, 58, 132; ConlraCresconu/iii, 51, I 53, 3, 6; 108, 2, 5; 185, 4, 17.
EXTENSION ET SCHISMES 131

s'efforce de démontrer que la tradition du vrai baptême s'est


conservée seulement chez elle, et nulle part ailleurs »'. Suivant
Augustin, les schismes donatistes s'étaient tellement multi-
pliés en Numidie, en Maurétanie, à Carthage même, que per-
sonne, ni Catholique, ni Donatiste, ne pouvait en dresser le
compte exact, ni simplement connaître l'existence et le nom de
ces poussières d'Église C'est probablement une de ces petites
2
.

communautés dissidentes qui est mentionnée sur un cippede


Sétif, du commencement du v e siècle on y lit l'épitaphe de deux :

fidèles qui appartenaient au «parti de Trigarius » (parsTrigari) 3 .

Ces innombrables schismes locaux contribuèrent évidem-


ment à affaiblir le Donatisme. Mais ils étaient si restreints, et,
d'ailleurs, ils nous sont si peu connus ou si complètement
inconnus, que nous n'avons pas à en tenir compte pour dresser
la carte de l'Afrique chrétienne au début du V e siècle. A ce
moment, le Claudianisme avait disparu à Carthage le Roga- 4
;

tisme n'était plus représenté que par une dizaine d'évêques dans
la région de Carlenna'. A la veille de la Conférence de 411,
trois grandes Eglises restaient seules en présence celle de :

Maximianus, celle de Primianus, et l'Église catholique. On peut


déterminer avec assez de précision quels étaient leurs domaines
respectifs et leur importance relative.
Le Maxirnianisme avait été, pendant plusieurs années, une
puissante Église il avait envoyé au concile de Cabarsussa
:

6
plus de cent évêques Il était bien afïaibli depuis la victoire
.

des Primianistes et la trahison de plusieurs de ses chefs'. 11


perdait chaque année une partie de ses fidèles. De moins en
moins, il pouvait lutter par le nombre avec les Primianistes,
qui, dès le début, avaient trois fois plus d'adeptes; l'écart aug-
mentait de jour en jour. Cependant, en 411, l'Église maximia-
niste comptait encore en Afrique; ses évêques réclamèrent leur
admission à la Conférence, et, d'ailleurs, essuyèrent un refus ".
9
Le centre du parti fut toujours en Byzacène et en Tripolitaine .

\) De baptismo, 1, 6, 8. nalistas pOst Collât., 22, 37 ;


Gesla cum
2) Contra Epistulam Parmeniani, III, Emerilo, 9.
4, 24; De baptismo, II, 11, 16 Epist. ; 7) Contra Epistulam Parmeniani, 1,
93, 8, 2$ In Jokannis Evangelium trac-
; 4, 9; 11,3,7; Contra Cresconium, 111,
ta(«s X, 6. 15,18; 24, 27; 60, 66; IV, 51,61 Epist. ;

3) C. /. L., VIII, 8650. 51, 2-4; 53, 3, 6; 108, 2, 5.


4) Augustin, Sermollin Psalm. 36, 20; S) Collai. Carthag., I, 10; Augustin,
Contra Cresconium, IV, 9, 11. Contra Julianum, 111, 1, 5.
5) E/jist. 93, 6, 20-21. 9) Augustin, Ad Catholicos Epislula
6) Epist. 2, 5 ; 141, 6; Contra
108, contra Donàtistas, 3, 6; 19, 51; Contra
Epislulam Parmeniani, 1, 4, 8 Contra ; Cresconium, IV, 58,69 ;
Epist. 93, 8,24.
Cresconium, IV, 6, 7 58,69-70; Ad Do-
;
132 L EGLISE DONATISTE

Le Maximianisme avait un évêque à Carthage, et d'autres dio-


cèses en Proconsulaire; mais, vers l'Ouest, il s'était brisé contre
la résistance du Primianisme. Il était à peu près complètement
inconnu en Numidie et dans les Maurétanies. Augustin marque
bien la situation respective des deux Églises donatistes « Dans :

toutes les régions de l'Afrique où il y a des Maximianistes, on


rencontre aussi des communautés primianistes; mais dans les
autres parties de l'Afrique, bien plus nombreuses et bien plus
vastes, on ne saurait trouver un seul Maximianiste, à moins
qu'il n'y voyage »'.
L'Église de Primianus restait donc en 411, et de beaucoup, la
principale Église dissidente. Seule, elle s'étendait sur toute
l'Afrique latine. Sans doute, elle avait été affaiblie par la défec-
tion de nombreux par la lutte contre le Maximianisme
fidèles,
et autres persécution dont l'édit d'union de
schismes, par la
405 avait donné le signal. Mais elle avait résisté à tout; elle
avait même réussi à concentrer de nouveau ses forces; à la
veille de la Conférence, elle semblait encore aussi puissante
que jamais. Elle avait toujours pour centre d'action Carthage,
pour centre de résistance la Numidie mais elle conservait ;

d'innombrables diocèses bien loin de là, dans toutes les pro-


vinces africaines, depuis laTripolitaineet la Byzacène jusqu'aux
extrémités de la Maurétanie*. Partout, elle tenait tête à l'Église
catholique.
On le constata officiellement le 1 er juin 411, à la première
séance de la Conférence de Carthage. Quand on fit le recense-
ment des deux partis, on compta deux cent soixante-dix-neuf
évoques primianistes présents, sans parler des absents et des
sièges vacants. Dans le camp adverse, on enregistra les signa-
tures de deux cent quatre-vingt-six évêques catholiques pré-
sents; cent vingt autres étaient absents; soixante-quatre sièges
étaient vacants 3 Les deux partis étaient à peu près d'égale
.

force.Les Primianistes l'emportaient en Numidie par le nombre


4
des évêchés les Catholiques, dans les autres provinces, surtout
;

en Proconsulaire 6 .

1) Gonlra Cresconium, IV, 58, 70. l'salm. 36, 19 : « Tu libi servasti Numi-
2i Collât. Carlfia;/., I, 1 cl 149-210; diam ».

Augustin, Contra Cresconium, IV, 58, 5) « De liis locis dici verissime potuit
69-70. ubi nostrorumcoepiscoponmi et clericorum
3) Collât. Carthag., 1,213-211; Augus- atque laicorum longe major est numerus,
tin, Brevic. Collai., I, 14; Ad l>ona- et maxime in Proconsulari provincia :

tistas posl Collai., 24, 41. quanquam, excepta Numidia consulari,


4) Collât. Carthag., I, 16;>; Augustin, etiamin céleris provinciis africains nostro-
Ad Cal holicos Epis lula contra Uonatis- riiiii numéro facillime (DonatistaeJ supe-
tas, 19,51; Epist. 129, 6; Sermo II in renlur » (Lettre adressée eu 411, au pré-
ORGANISATION 133

le dernier grand jour du Donatisme. Au lendemain de


Ce fut
la Conférence, la persécution recommença, plus terrible, plus
systématique, plus efficace que jamais. Elle dura bien des géné-
rations, d'abord jusqu'à l'arrivée des barbares, puis sous la
domination des Vandales et des Byzantins. Malgré sa résistance
énergique, l'Église dissidente décrut de jour en jour. Elle vit la
mort gagner peu à peu ses lointaines extrémités, en Proconsu-
laire, en Byzacène, en Tripolitaine, puis en Maurétanie. Elle ne
conserva qu'au cœur sa force vitale dans cette Numidie qui :

lui avait donné l'être, où elle avait vécu de sa vie la plus


intense, et où l'on est tout surpris de la retrouver bien vivante
deux siècles plus tard.

VII

Organisation des Eglises donatistes. — Elles conservent les institutions antérieures


au schisme, mais repoussent les innovations des Catholiques. —
Les diocèses.
— Ils ne coïncident pas partout avec les diocèses catholiques. —
Les paroisses
rurales et les paroisses urbaines. —
Les basiliques. —
Les cimetières. Les —
biens d'Eglise. —
Richesse de certaines communautés. —
Administration. —
Les seniores laid. — La hiérarchie ecclésiastique. Les clercs.— Les vierges —
sacrées et les continents. —
Condamnation de la vie monastique. (ïrande —
autorité des évêques. —
La tète d'Optatus de Thamugadi. —
Les provinces
ecclésiastiques. —Le primat de Numidie. —
Le primat de Carthage. Les —
conciles. — La liturgie. —
Refus d'admettre certaines fêtes nouvelles, adoptées
par les Catholiques. —Culte des anciens martyrs et des martyrs donatistes. —
Doctrine et liturgie du haptème. —Rites de la réconciliation des Catholiques
convertis au Donatisme. —
Fidélité au souvenir de saint Cyprien et à la tradition
africaine. — La Rible donatiste. —
La discipline. —
L'idéal évangélique. Rôle —
de l'Esprit saint. — Miracles et visions donatistes. —
Prétention à l'austérité et
à la pureté. —Les « Saints ». — Nombreuses défaillances. —
Les tribunaux
ecclésiastiques. —Excommunications. —
Déposition d'évêques ou de clercs. —
Schisme ou hérésie ? — Donatistes semi-ariens. —
Les Donatistes n'étaient pas
considérés d'abord comme des hérétiques. —
Témoignages d'Optat et d'Augus-
tin. — Loi d'Honorius qui assimile définitivement aux hérétiques les schisma-
tiques africains.

Dans l'organisation de ces Donatistes si


leurs Églises,
batailleurs et si révolutionnaires en appa-
intransigeants, si

rence, ont été d'obstinés conservateurs. C'est là, d'ailleurs,


un trait commun aux hérétiques et aux schismatiques de tous
les temps le schisme ou l'hérésie ont presque toujours pour
:

point de départ un regret du passé, la prétention ou le rêve de


remonter à la source d'une religion, à la discipline ou à la
foi de l'âge apostolique. Aux aspirations vers l'idéal évangé-
lique, les Donatistes joignirent un véritable culte pour la
vieille tradition africaine, que reniaient en partie leurs adver-

sidenl de la Conférence de Carthage, par thag., I, 18; Augustin, Epist. 129, 6).
les évtques catholiques Collât. Car-
:
134 l'église donatiste

saires. L'organisation de leurs Églises s'explique par ce


double principe ils conservaient pieusement toutes les insti-
:

tutions antérieures au schisme, ils repoussaient systématique-


ment les innovations admises par les Catholiques depuis la
rupture Exception faite pour quelques modifications de détail
qu'imposaient des circonstances nouvelles, le Donatisme est
resté ce qu'était le Catholicisme africain dans les premières
années du iv e siècle.
Au début du schisme, les dissidents avaient conservé, sans y
rien changer, les diocèses dont ils avaient réussi à se rendre
maîtres. Jusqu'au bout, la constitution intérieure des circons-
criptions schismatiques est demeurée à peu près ce qu'elle
était en 312. Mais dans le cours du iv e siècle, à mesure que le
christianisme gagnait les campagnes, les Donatistes furent
amenés, comme les Catholiques, à délimiter nettement les
diocèses, et souvent à en augmenter le nombre. Dans cette
œuvre de délimitation et de créations nouvelles, chacun des
deux partis en présence a procédé naturellement comme il
l'entendait, suivant ses intérêts propres. Aussi constatons-nous
qu'au temps d'Augustin, beaucoup de diocèses donatistes ne
coïncidaient pas avec les diocèses catholiques '.
Par exemple, à la Conférence de 4M, on reconnut que les
Primianistes n'avaient pas d'évôque dans un certain nombre de
localités où résidait un évoque catholique Parfois, le Dona- 2
.

tiste était mort, et n'avait pas été remplacé'. Ailleurs, les


dissidents étaient si peu nombreux, qu'on se contentai! de leur
envoyer un prêtre ou un diacre, sous l'autorité de l'évoque
voisin*. Dans quelques endroits, il n'y avait même pas de
clerc dissident". A Mididi, en Byzacène, l'évêque catholique
n'avait en face de lui qu'un prêtre schismatique, rattaché au
siège de Suies à Vegesela de Byzacène, un prêtre dissident
6
;

qui dépendait de l'évêque de Cillium'. Même situation à


Usula, à Trofoniana, en Byzacène; à Casae Calanae, en
Numidie 8 Le cas se présentait plus souvent encore en Procon-
.

sulaire, où l'Église schismatique avait relativement peu


d'adhérents 9 A Canopc, à Uchi Majus, à Zuri, pas d'évêque
.

primianiste in A Abziri, un simple prêtre, envoyé par l'évêque


.

1) Collât. Carlhag., 1,64-65; 99-143; 5) /ôtd.,1, 121 ; 126; 128; 133; 135-136.
149-210. 6)//«tf., I, 142.

2) /Aid., I, 120 cl suiv. ?) // '" / > '- 1:i:i -

lbid., I, 120-121 ; 126; 128: 133; 8) Ibid., 126 el


I, I

| 139. 9) lbid., I, 18; Augustin, Epist. 129,6.

4) Ibid.,l, 126; 128; 133 ; 142. 10) Collât. Carlhag., I, 133.


ORGANISATION 135

d'Uthina
1

; à Meglapolis, un prêtre dépendant du siège de


Maxula*.
Dans beaucoup d'autres localités, c'était l'inverse : les
Catholiques n'y avaient qu'un prêtre ou un diacre, ou ils n'y
avaient aucun clerc, en face d'un évêque primianiste Tel 5
.

était le cas de la ville de Numidia, près Sufasar, en Maurétanie


Césarienne des villes de Cabarsussa et de Macomades, en
*
;

Byzacène 5 C'est principalement dans les cités numides, où


.

les Primianistes étaient souvent les maîtres, que les Catho-


liques renonçaient à entretenir un évêque à eux, en face de
6
l'évêque donatiste C'est ce que nous observons dans les villes
.

7
numides d'Aquae de Caesariana
s
de Casae Bastalae 9 de
, , ,

CasaeNigrae 10
de Cedias u de Gemellae '-, deLambiridi ,3 de
, , ,

Lamiggiga u de Lamzella 1S
de Nova Petra 16 de Rotaria ,7 de , ,
, ,

Rusticiana ,8
de Sigus de Thibilis 20 de Zerta 2I
,
''',
,
.

Là même où les diocèses des deux partis coïncidaient à peu


près, il arrivait que les deux évêques rivaux n'eussent pas la
même résidence. C'est ce que l'on constate, par exemple, dans
le diocèse de Sinnar, près de Sicca, en Numidie Proconsulaire :

l'évêque catholique résidait à Sinnar, et l'évêque donatiste à


Siccenna-'.
A la Conférence de 411, les deux partis s'accusèrent mutuel-
lement d'avoir créé sans raison de nouveaux diocèses, pour
jeter delà poudre aux yeux, pour agir sur l'opinion en exagé-
rant leur force apparente - 3 En certains endroits, Donatistes ou .

Catholiques avaient établi des évêques dans de simples bourgs,


jusque dans de grands domaines. Témoin ce dialogue. Le —
Catholique (Alype de Thagaste) « Qu'il soit acquis que tous :

ces évêques donatistes ont été ordonnés dans des vil/ae ou des
fundi, et non dans des cités ». Le Donatiste (Petilianus de —
Constantine) « Il en est de même pour vous, qui avez beaucoup
:

d'évêques dispersés dans toutes les campagnes. Bien plus, là


où vous avez tant d'évêques, il ne leur manque que des fidèles » 24 .

1) Collât. Carthag., 1, 128. 13) Collai. Carthag., I, 206.


2) lbid., I, 133. 14) Ibid., I, 187.
3) lbid., I, 157 el suiv. 15) Ibid., I, 206.
4) lbid., I 188. 16) lbid., I, 187.
h) lbid., I, 197 et 208. 17) Ibid.
6) lbid., 157; 163; 165; 182; 187-188; 18) lbid., I, 198.
197-198; 201-202: 206 208. ; 19) lbid., I, 197.
7) lbid., I, 198. 20) Ibid.
8) lbid., I, 188. 21) lbid., I, 187.
9) lbid. 22) lbid., 1, 133.
10) lbid., I, 157. 23) Ibid.j 1, 65 ; 1 17; 126 130; 181-182;
;

11) lbid., I, 163. Augustin, Brevic. Collai., I, 12.


12) lbid., 1, 206. 24) Collât. Carthag., 1, 181-182.
136 l'église donatiste

En certaines régions, pour y rendre leur propagande plus


efficace, les Catholiques avaient créé plusieurs diocèses dans
un seul diocèse donatiste. Par exemple, ils avaient deux
évêques à eux dans l'ancien diocèse de Constantine trois, 1
;

dans l'ancien diocèse de Milev (l'un à Milev, les autres à Tucca


1
et à Ceramussa) quatre évêques, dans l'ancien diocèse de
;

3
Libertina, en Proconsulaire quatre aussi, dans le vieux dio- ;

cèse de Tacarata, en Numidie*. Les Donatistes s'indignaient


de cette multiplication des sièges épiscopaux, de ce morcelle-
ment des anciennes circonscriptions. Mais ils avaient procédé
de même dans d'autres districts. Ils avaient fondé deux évêchés
dans le diocèse de Tiguala, en Byzacène\ Dans la circonscrip-
tion de Musti, en face d'un seul évoque catholique, ils avaient
également deux évêques à eux, dont l'un résidait à Musti,
6
l'autre à Turris Toutes ces créations nouvelles avaient évi-
.

demment leur raison d'être dans l'histoire locale, dans la


situation respective des deux partis en ces localités. Cette ten-
dance au morcellement explique, d'ailleurs, le nombre formi-
dable des évêchés africains, constaté officiellement pour les
deux partis à la Conférence de Carthage 7 .

Chez les Donatistes, comme chez les Catholiques, les dio-


cèses étaient divisés en paroisses. Il est probable que cette
subdivision était encore inconnue, ou du moins exceptionnelle,
m 312, au moment où se produisit le schisme. Les deux partis
furent amenés également, par les progrès mêmes du christia-
nisme dans les campagnes, à créer les paroisses ou à les mul-
tiplier de plus en plus. Les Donatistes avaient de véritables
paroisses rurales, administrées par un prêtre par exemple, :

celle de Mutugenna, qui dépendait de l'évêque d'Hippone, et


qui, au temps d'Augustin, était gouvernée par le prêtre Dona-
tus ou encore, dans le même diocèse, celle de Fussala, dont
8
;

les Catholiques, après la conversion des habitants, firent plus


tard un évôché D'autres paroisses, également dirigées par un
'.

prêtre, avaient été fondées par les schismatiques dans les


grands domaines, à l'usage des colons et des fermiers comme :

10
celle du Spanianus fiiîirftis, aux environs d'Hippone Enfin, les .

Donatistes comptaient de nombreuses paroisses urbaines. Dans

\) Collât. Carthag., I, 65. vie. Collai., I, 12.


2) Ibid., I, «:;. — Cf. 1,130 ;
133-134; 7) Collât. Carthag. , 1, 213-217: Au-
215. gustin, Brevic. <'<>llat., 1, 14.
3) Ibid , I, 117. Augustin, Epist. 11:',, 7.
4) Ibid., I, 121. 9) Epist. 209, 2-3.
10) Epist. 35, 4. — Cf. Epist. 139, 2.
6) Ibid., I, 121. — Cf. Augustin, Ihe-
ORGANISATION 137

les villes où ils n'avaient pas d'évêque, ils confiaient à un


prêtre, sous la surveillance de l'évêque voisin, le gouverne-
ment de la communauté C'est ce que nous constatons dans 1
.

les villes d'Abziri, de Canope, de Meglapolis, d'Uchi Majus, de


Zuri, en Proconsulaire de Casae Calanae, en Numidie de 8
;
3
;

Mididi, de Trofoniana, d'Usula, de Vegesela, en Byzacène


4
.

Y avait-il également de véritables paroisses dans les grandes


cités épiscopales? C'est ce qu'on ne saurait dire. Pour l'Église
catholique elle-même, dans l'Afrique de ce temps, la question
reste incertaine sauf pour Carthage, qui était divisée en
:

« régions » ecclésiastiques (regiones), ayant chacune sa basi-


5
lique, son diacre, son clergé spécial .

D'innombrables monuments, dans toutes les parties de


l'Afrique, ont été plus ou moins longtemps, souvent à plu-
sieurs reprises, consacrés au culte donatiste. Tout évêque dissi-
dent avait naturellement sa cathédrale; toute paroisse, urbaine
ou rurale, possédait au moins une chapelle en beaucoup d'en- ;

droits, le long des routes, dans les cimetières, dans les


domaines, s'élevaient des sanctuaires de martyrs 6 Au début .

du schisme, les dissidents n'eurent pas à se mettre en frais


pour construire des églises les évêques ralliés avec leurs :

fidèles au parti de Majorinus ou de Donat, se contentèrent de


s'approprier celles dont ils avaient disposé jusque-là pour le
1
culte catholique Dans les villes où la population était parta-
.

gée entre les deux camps, les schismatiques prétendirent


partager aussi les immeubles de l'ancienne communauté. Par-
tout où ils le purent, ils s'emparèrent d'une ou plusieurs

églises : par exemple, à Carthage'. Plus


c'est ce qui arriva,
tard, quand
les deux ou réorganisés partis se furent organisés
dans tous les diocèses africains, les Donatistes durent renoncer
à ce moyen pratique de se procurer des lieux de culte. Du jour
où ils se mirent à bâtir pour leur compte, ils furent de grands
et intrépides bâtisseurs. Optât accuse d'avoir construit les
beaucoup de basiliques u » On peut se deman-
non nécessaires J
.

der, il est vrai, si un adversaire était bon juge de cette

1) Collât. Carlfiag., I, 126 ; 128 ; 133 ;


sionibus et praediclionibns Dei, IV, 6, 10.
142. 6) Concil. Carlfiag. ann. 348, can. 2.
2) lbid., I, 128 et 133. 7) Passio Donati, 4-13 Augustin, Con-
;

3) lbid., I, 133. tra Epistulam Parmeniani, 1, 13, 20 ;


41 lbid., I, 126 ; 133; 142. Contra litteras Petiliani, 11, 43, 102; 58,
5) C. 1. /.., V11I, 13423 ; 22656, 30 ; C. 132 92, 205
; ; 91, 224.
R. de V Acad. des lnscript.. 1906, p. 121 ;
8) Passio Donati, 4-13.
Mausi, Concil., t 111, p. 787 799 1159 : 9) « Basilicas feceruut non necessarias »

; ;

t. IV, p. 496 498; 500 t. VI II, p. 648;


; ; (Optât, 111, \). Cf. Augustin, Contra
Augustin, Sermo 15- Liber de promis- Epistulam Parmeniani, I, 11, 18 ; 13, 20.
138 l'église donatfste

« nécessité ». Le fait certain, c'est que les Donatistes élevèrent


de tous cotés des basiliques, jusque dans les campagnes et les
grands domaines ruraux 1
.

Le nombre de ces sanctuaires donatistes varia naturelle-


ment selon les temps, suivant les péripéties de la lutte enga-
gée entre les deux partis. Successivement, les édits d'union de
316, de 347, de 405, de 411 ordonnèrent de confisquer toutes
les basiliques des dissidents". Mais la plupart de ces édits ne
furent pas appliqués à la lettre, ou n'eurent pas d'effet durable :

la preuve, c'est que, périodiquement, les empereurs durent


prescrire de nouveau la confiscation. Malgré les édits d'union,
les schismatiques réussirent presque toujours à garder ou à
reprendre la plupart de leurs immeubles. Après la loi de
Constantin, on leur enleva quelques églises, dont celles de
Carthage mais, dès 321, un édit de tolérance consacra le
3
;

k
statu quo En fait, les Donatistes conservèrent la majorité des
.

basiliques dont ils s'étaient emparés au début du schisme. La


tourmente passée, ils osèrent revendiquer et s'approprier
d'autres églises, dont ils dépossédèrent les Catholiques par :

exemple, à Constantine'. En 347, l'édit de Constant eut des


conséquences beaucoup plus graves. Partout traqués, aban-
donnés à eux-mêmes par la mort ou l'exil de tous leurs chefs,
les schismatiques perdirent presque toutes leurs basiliques;
ils ne durent conserver leurs sanctuaires que dans des coins

perdus de Numidie G Mais ils prirent largement leur .

revanche quinze ans plus tard sous le règne de Julien, ils :

obtinrent la restitution officielle de leurs immeubles, et se les


firent rendre par leurs adversaires, soit en leur intentant des
procès, 'soit par l'intimidation et la violence, à l'aide des
bandes de fanatiques qui parcouraient alors, en les terrorisant.
le pays numide et le pays maure
7
Désormais, et pendant plus .

de quarante ans, les Donatistes ne furent pas inquiétés sérieu-


semenl dans la possession de leurs basiliques. Augustin le
constate avec insistance vers l'année 400 « Non seulement. :

dit-il, les Donatistes occupent les basiliques qu'ils ont édifiées

i) Augustin, Epist. 139, 2. 4) Augustin, Epist. 141,9; Brevic.


2) Optât, II, 15; III, I et 3; Augustin, Collât., III, 22, 40: 24, '.2: Ad Dona-
Episl. 88, a II. 53,
;
Cnn-
Retract., t : listas post Colla/., 31, 54 : 33, 56.
Ira Epistulam Parmeniani I, 11, 1S , : 5) Appendix d'Optat, n. 10, p. 215
Contra litteras Petiliani, 11,92,205; Ziwsa.
Contra Gaudenlium, I, 6, " 36, 46; : 6) Optât, 11, 15 : III. 1 cl 3.

51 ; Collât. Carthag., 1, S ; III, 7) Ibid., 11,16-19; Augustin, Epist.


105, 2, 9 Contra litteras Petiliani, II,

3) l'agio Donali, 4 ; 6 ; 8 : 10 ; 13. 83, 184 : 92, 203 el 205 97, 224.
ORGANISATION 139

après leur schisme, mais ils n'ont pas môme rendu à l'unité
catholique toutes celles que l'unité catholique a possédées dès
l'origine... De beaucoup des lieux de culte que l'unité catho-
lique possédait antérieurement, ils ne sont pas même délogés
par les lois des empereurs catholiques » '. Durant cette période,
qui marque l'apogée de la prospérité matérielle pour l'Église
de Donat, les Catholiques et le pouvoir séculier avaient si bien
renoncé à troubler les communautés schismatiques dans leur
quiétude de propriétaires, que les divers groupes de dissidents
osaient se disputer entre eux les immeubles, jusque devant les
tribunaux c'est le temps des grands procès entre Parménia-
:

nistes et Rogatistes, entre Primianistes et Maximianistes, pour


la possession des basiliques'. I/édit de 405 fut suivi d'un
certain nombre de confiscations mais, six ans plus tard, les 3
;

1
dissidents occupaient encore bien des églises Les confisca- .

tions se multiplièrent de plus en plus après la Conférence de


411"'. Cependant, vers 420, l'évêque schismatique de Thamu-
6
gadi est encore maître de sa basilique Quinze ans plus tard, .

des dissidents de Maurétanie construisent tranquillement une


grande église Cent soixante ans plus tard, des dissidents de
7
.

Numidie, renouvelant les exploits de leurs ancêtres, s'em-


8
parent de sanctuaires catholiques .

On sait que les ruines d'édifices chrétiens, visibles encore en


Algérie ou en Tunisie, se comptent par centaines. Il n'est pas
douteux que beaucoup de ces édifices, pendant une période
plus ou moins longue, aient été affectés au culte donatiste.
Mais, le plus souvent, nous n'avons aucun moyen de les
reconnaître rien ne ressemblait plus à une église catholique,
:

qu'une église schismatique La seule basilique, existant encore,


dont on puisse affirmer l'origine donatiste, est celle de Benian
(Aia Miliaria), construite entre les années 434 et 430 en
l'honneur de la martyre Robba, une victime des Catholiques 9 .

Cependant, Ton peut encore attribuer à des monuments dona-


tistes une série de piliers sculptés, architraves, linteaux ou

1) Augustin, Contra Epistulam Par- 4) Collât. Carlhag., I, 120-143; 149-


rneniani, I, 13, 20. — Cf.Contra Mite- 210.
ras Petiliani, II, 43, 102 ; 58, 132. 5) Augustin, Contra Gaudentium, I, 6,

2) Epist. 3-4,11-12; 108, 2,5;


93, 7; 36, 4ô; 37, 50 38, 51.
;

Contra Epistulam Parmeniani, F, 10, 6) Relract., II, 85 Contra Gauden-


;

16 13, 20
; Contra litteras Petiliani, II,
; tium, I, 1,1; 6, 7.
58, 132; Contra Cresconium, III, 56, 62; 7) Gsell, Foui/les de Benian, p. 32-50.
59, 65 ; IV, 3-4, 3-5 ; 48, 58 ; 66, 82 ;
Grégoire le Grand, Epist., IV, 32.
8)
Gesla cum
Emerito, 9. Fouilles de Benian, p. 32-50 ;
9) Gsell,
3) Collât. Carthag.,1, 5; 116-143; Monuments antiques de V Algérie, t. Il,
III, 258 ; Augustin, Retract., II, 53, 1. p. 175-179.
140 L EGLISE DONATISTE

montants de portes, claveaux, chapiteaux, ou autres fragments


d'architecture, qui présentent la devise de la secte (Deo laudes)
ou d'autres inscriptions donatistes fragments découverts :

surtout en Xumidie ou en Sitifienne, notamment à Mascula ou


2
Bagaï à Henchir Gosset
1
, Bir-es-Sed Henchir Bou-Saïd 4 ,
3
, ,

Henchir El Atrous 5 Henchir El-0gla Henchir Oum-kif ,


e
,
7
,

DjemmaTitaya 8 Dalaa 9 Ain Mtirschu 10 Medfoun", Si lègue' 2


, , , 1 .

On peut supposer aussi que les inscriptions relatives à des


martyrs donatistes proviennent de basiliques élevées en leur
honneur, ou de ces chapelles de martyrs, si nombreuses dans
13
les cimetières schismatiques et jusque dans les campagnes .

Nous connaissons, d'ailleurs, par les auteurs ou lesdocuments


du temps, beaucoup d'autres sanctuaires donatistes. ACarthage,
en 317, deux ou trois basiliques dont s'étaient emparés les
dissidents, leur furent reprises par la force, avec le concours
des troupes 14 Les schismatiques trouvèrent moyen de rentrer
en possession de l'une au moins de ces basiliques, où ils
montraient plus tard avec orgueil les épitaphes de leurs
martyrs 15 Au début du v e siècle, la principale église des Dona-
.

tistes de Carthage, leur cathédrale, était la Theoprepia c'est :

là que se réunissaient en 411 évêques du parti, dans l'inter- les


valle des séances de la Conférence' Citons encore la cathédrale .

de Constantine, où prêcha l'évêque Silvanus, et plus tard


Petilianus ,7 labasiliquede la même ville, que les schismatiques
;

enlevèrent aux Catholiques vers 329 18 l'église de Bagaï, où ;

l'évêque Donatus installa son magasin de guerre et se retrancha


en 347 '"; le sanctuaire de Nova Petra, où se voyait le tombeau
de Marculus- toutes les églises de Numidie et de Maurétanie,
;

que les fanatiques reprirent en 362, et dont ils lavèrent si


soigneusement les murs 2l les basiliques de Cartonna, d'Assuras, ;

1) C. /. />., VIII, 17718 ; 17732. ann. 348, can. 2.


2) Ibid., Vlll, 2046. 14) Patsio Donati, 4 ; 6 ; 8: 10; 13.
Ibid., VIJI, 10694. 15) Ibid., 8.
4) Bull, des Antiquaires de France, 16) Collât. Carlhag., III, 5; Augustin,
1909, p. 210 et suiv. Epist. 139, 1.

5) Ibid., 1909, p. 313. 17) Gesta apud Zenop/tilum, p. 193


Ibid., 1909, p. 277. Ziwsa.
7) C. /. L., Vlll, 2223 Bull. arc/,, du ; 18) Appendix «"Optât, n. 10, p. 215
Comité des travaux historiques, 1907, Ziwsa.
p. ci. XXXVI. 19) Optât, III, 4. —
Sur d'autres basili-
8; Toutain, Bull. arch. <lu Comité ques de liagaï ou des environs, cf. Augus-
des travail / histoi innés, 1894, p. 85, n. 4. tin, Epist. 185, 7, 27 Contra Cresco- ;

9) C. /.Mil, 2308.
/... nium, III, 43, 47 : Brevic. Collât., III,

10) Ibid., VIII, 17768. 11, 23.


il) Ibid., VIII, 18669. 20) Collât. Carthag., I, 187.
12) Ibid., Mil. 20482. 21) Optât. Il, 17-19.
13) Optât, III, 4 : Concil. Car! /un/.
ORGANISATION 141

de Musti, de Membressa, que les Parménianistes disputèrent


aux Rogatistes, ouïes PrimianistesauxMaximianistes' l'église ;

de Caesarea, où régna longtemps Emeritus, et où il discuta


avec Augustin en 418 la basilique des dissidents d'Hippone, 2
;

d'où les clameurs arrivaient jusqu'à la cathédrale des Catho-


les nombreuses églises rurales construites par les
3
liques ;

schismatiques dans les fandi des environs d'Hippone, notam-


ment dans le domaine de Celer, et rouvertes de force par
4
l'évêque Macrobius vers le milieu de 412 la basilique de ;

Lamiggiga, dont provient la mosaïque tombale de l'évêque


Argentius 5 celle de Thamugadi, où Gaudentius voulait se
;

brûler vers 420 \ Bien d'autres sanctuaires donatistes sont


mentionnés par les procès-verbaux de la grande Conférence de
7
Carthage Ceux dont nous avons parlé suffisent à montrer
.

qu'on doit réserver une large part auDonatismedans le partage


des ruines chrétiennes encore visibles sur le sol africain. Il y a
certainement en Afrique beaucoup de restes de monuments
donatistes, comme il y a beaucoup de schismatiques parmi ces
martyrs, ces évêques, ces clercs ou ces simples fidèles, dont
on retrouve chaque jour les reliques, les pierres commémora-
tivesoules épitaphes.
Il en est des nécropoles comme des basiliques. Les Donatistes

avaient leurs cimetières à eux. De même que les Catholiques


africains au iv e siècle, ils n'admettaient que par exception
l'ensevelissement dans les églises vers 340, leur concile de :

Numidie interdit de déposer dans les basiliques les corps des


Circoncellions tués dans les rencontres avec les troupes du
comte Taurinus 8 Au début, et môme plus tard, quand l'occasion
.

1) Augustin, Episl. 93, 3-4 et 11—12 ; intransigeants, qui sans doute continuaient
108, 2, 5 Contra littéral Petiliani, II,
; à y habitude ou en guise de
venir par
58, 132; Contra Cresconium, 111,56,62; protestation (Gesla cum Emerito, 1-2);
59, 65 ; IV, 3-4, 3-5 ; 4S, 58 ; 66, 82 ;
3° Emei'itus lui-même, malgré son enlète-
Gesla cum Emerito, 9 ruent, se laisse entraîner dans VEcc/eûa
2) Sermo ad Caesareensis Ecclesiae major avec une singulière facilité, consi-
plebem, 1 ; Gesta cum Emerito, 1 ; Con- dérant sans doute qu'il y est encore chez
tra Gaudentium, 1, 14, 15 ; Possidius, lui(Sermo ad Caesareensis Ecclesiae
Vita Auguslini, 16. En 4-18, cette — plebem, 1 Gesla cum Emerito, 1). ;

Ecclesia major, où parla Augustin, était 3) Augustin, Epist. 29, 11 ; Retract.,


la cathédrale catholique de Caesarea. Mais II, 53, 1.
elle semble avoir appartenu précédemment 4) Episl. 139, 2.
aux Donatistes. Nous avons plusieurs rai- 5) Gsell, Monuments antiques de l'Al-
sons de le supposer 1« Augustin répète : gèrie, t. Il, p. 255. — Cf. C. R. de l'Acad.
avec complaisance que cette église est dé- des Inscript., 1908, p. 308.
sonnais catholique (Gesla cum Emerito, 6) Augustin, Contra Gaudentium, I, 1,

1 ; Contra Gaudentium, I, 14, 15) ;


2° 1 ; 6, 7 ; Retract., Il, 85.
Cette basilique était encore fréquentée par 7) Collât. Carlhag., I, 5; 120-143;
les schismatiques, non seulement par les 149-210; III, 2.J8.
Donatistes à demi convertis, mais par les 8j Optât, III, 4.
J ïl l'église donatiste

s'y prêta, schismatiques s'emparèrent de cimetières


les
catholiques. en aménagèrent d'autres à leurs frais. Mais,
Ils

quelle qu'en fût l'origine, ils réservaient leurs nécropoles à


leurs seuls partisans ils n'admettaient pas qu'un Donatiste y
:

voisinât avec un Catholique, pas plus qu'avec un païen. Cet


exclusivisme indignait Optât a Vous avez voulu, dit-il, envahir
:

les basiliques, afin de revendiquer pour vous seuls les cimetières,


où vous ne permettez pas d'ensevelir les corps des Catholiques.
Pour effrayer les vivants, vous maltraitez jusqu'aux morts, à
qui vous refusez la place d'un tombeau »'. On peut croire que
la nécessité dut imposer, en maint endroit, des dérogations à
cette règle d'intransigeance. Là où les dissidents étaient peu
nombreux, ils ont dû se résigner à dormir leur dernier sommeil
au milieu de leurs adversaires de la veille. Mais on ne peut
douter que la règle ait été observée partout où les schismatiques
étaient assez puissants pour aménager une nécropole à eux.
Parmi les cimetières chrétiens du iv ou du v e siècle, beaucoup
ont dû appartenir aux communautés donatistes mais il est ;

très rare qu'on puisse les distinguer des autres. Les dispositions
des tombes, même les formules des épitaphes, paraissent avoir
été ordinairement identiques à celles des Catholiques c'est ;

seulement par exception qu'un détail de rédaction trahit


l'origine sectaire. La seule nécropole sûrement donatiste est
celle d'Ala Miliaria, qui date de la première moitié du v e siècle.
Encore n'est-ce pas une véritable nécropole, mais un petit
cimetière de privilégiés, de clercs, et dépendant d'une église :

il se compose d'une série de caveaux alignés devant le chevet

d'une basilique, et de tombes disposées à l'intérieur de l'édifice


ou sous le porche 2 .

Outre leurs nécropoles, leurs basiliques, leurs baptistères et


autres dépendances, les communautés donatistes possédaient
divers et biens-fonds. En dépit des lois qui frap-
immeubles
paient hérétiques d'incapacité légale, elles recevaient des
les
donations, des legs; elles disposaient de maisons, déterres,
de fermes 1 A Carthage, dès que Maximianus eut rompu avec
.

Primianus, il se vit intenter un procès en restitution de la


maison qu'il occupait connue diacre, et qui appartenait à la
communauté primianiste*. L'Eglise donatiste d'Hippone était

1) Optât, VI, 7. Hum nul al us M,


l ir,
: Contra Cresco-
2) Gsell, Fouilles de lieniun, \k 20-:>7 nium, IV, lit;, 82.
et 4l'. \) Conlra Cresconium, IV, 4", 57 ;

3) Augustin, Conlra Epistulam Par- Sermo II m Psaltn. .'jts,19.


meniani, I, 12, 19; InJohannis Evange-
ORGANISATION 143

particulièrement riche. Vers 362, sous l'épiscopat de Fausti-


nus, en vertu de divers testaments, elle avait hérité de mai-
sons et autres propriétés. Au temps d'Augustin, elle possédait
des villae, des fundi, qui, après 411, furent confisqués au
profit de l'Eglise catholique
1
.

L'administration de ces biens d'Eglise semble n'avoir pré-


senté aucun trait particulier. Comme chez les Catholiques afri-
cains, l'évêque avait la haute main sur la gestion, sauf recours
au primat et aux conciles. Mais il était de même assisté par un
conseil de notables (seniores), sorte de conseil de fabrique,
qui comprenait les principaux laïques de la communauté. Des
conseils de ce genre sont mentionnés par nos documents chez
les Donatistes de Carthage de Constantine
2 3
d'Abthugni',
, ,

de Musti et d'Assuras\ Les seniores contrôlaient l'administra-


tion proprement dite; ils assistaient l'évêque dans la gestion
des intérêts matériels, comme les clercs dans les affaires spi-
rituelles. Ilspouvaient jouer à l'occasion un rôle fort impor-
tant, accuser même leur évoque devant les conciles. En 312,
6
les seniores de Carthage contribuèrent à déchaîner le schisme .

En 392, ils donnèrent le signal des protestations contre la


7
conduite de Primianus, et en appelèrent aux conciles ils :

furent les parrains du Maximianisme, comme leurs prédéces-


seurs l'avaient été du Donatisme. Vers 320, les évêques de
Numidie s'adressent simultanément aux clercs et aux seniores
8
de Constantine En 395 et 396, les seniores de Musti et d'As-
.

suras interviennent directement dans les procès relatifs aux


Suivant le cas, ce conseil de notables était un
1

basiliques' .

appui, un frein, ou une menace pour l'évêque.


La hiérarchie ecclésiastique était restée, chez les Donatistes,
ce qu'elle était depuis longtemps chez les Catholiques. Au-
dessous de l'évêque, les clercs et les diacres; puis, les clercs
inférieurs, sous-diacres, acolytes, lecteurs, exorcistes; enfin,
les auxiliaires, ou fossoyeurs, janitores ou portiers.
fossores
Pour les laïques ou demi-laïques, les groupements admis dans
l'Église donatiste étaient également les mêmes que dans l'autre
Église catéchumènes, pénitents, fidèles ou chrétiens baptisés,
:

1) In Jokannis Evangelîum tractalus 5) Augustin, Contra Cresconium, 111,


VI, 25. 56, 62.
2) Acta purgationts Felicis, p. 198 6) Optât, I, 1 8-i 9.
Ziwsa; Optât, 1, 17-18; Augustin, .Sermo 7) Augustin,Sermo II in Psalm. 36, 20.
Il in Psalm. 36, 20. 8) Gesla apud Zenophilum, p. 189-190.
3) Gesta apud Zenophilum, p. 189- 9) Augustin, Contra Cresconium, III,
192 Ziwsa. 56, 62.
4) Acta purgationis Felicis, p. 201.
144 l'église donatiste

veuves, vierges, continents, seniores 1 Cependant, en ce qui .

concerne les demi-laïques spécialement voués à la vie ascé-


tique, on voit s'accuser vers la fin du iv e siècle une divergence
de plus en plus grande entre les tendances des deux Églises.
Jusque vers l'année 390, rien ne distinguait les religieux et
religieuses des deux partis, pas même le nom. Les schisma-
tiques, comme leurs adversaires, comptaient parmi eux des
ascètes, qu'on appelait les « continents » (continentes) -, et des
vierges sacrées (sacrae virgines, sanctimorvales, sacrae Dei) 3 .

Continents et vierges faisaient profession (continmtiàe pro-


fessr'o; consignatio virginitatis), et occupaient une place d'hon-
neur dans la communauté (honor sanctimonii et continentiae)*.
On reconnaissait les vierges sacrées à leur voile, à la disposi-
tion particulière de leur chevelure, que couronnait \d.mi/ra"\
D'ailleurs, comme les continents, elles vivaient dans le monde,
dans des maisons particulières, si ce n'est qu'elles habitaient
généralement par groupes. Beaucoup de ces religieuses dona-
tistes avaient une extraordinaire liberté d'allures et un fana-
tisme entreprenant. On nous peint des « troupes ivres de
religieuses errant çà et là le jour et la nuit, mêlées aux troupes
6
ivres des Circoncellions » Assurément, rien ne permet de .

croire que les évêques schismatiques fussent pour rien dans


les fantaisies aventureuses de leurs bacchantes; mais ils ne
paraissent pas s'être préoccupés sérieusement de ramener ces
égarées au respect de la règle. Toujours attachés aux vieilles
traditions locales, ils ne voulurent pas suivre l'exemple des
Catholiques dans l'organisation nouvelle de la vie ascétique
A peine revenu d'Italie, Augustin introduisit en Afrique le
monachisme proprement dit. 11 fonda des couvents à Tha-
7
gaste, à Hippone en quelques années, les monastères
;

d'hommes ou de femmes se multiplièrent chez les Catholiques


de toute la contrée 8 Les Donatistes repoussèrent nettement .

1) Oj>lat, II, 19-21; 24-26; V, 10; VI, 4; 4) Augustin, Episl. 61, 2. — Cf. Up-
Cesla apud
Zenop/iilum, p. 189-197 ;
lat, VI, 4.

Co/lat. Carthag., I, 116-143; 149-210 ; S; Optât, II, 19; VI, 4


III, 2">«Augustin, Episl. 35, 2
; et 4 ; 61, 6) Augustin, Contra Epistulam l'ai -
2 ; Sermo 11 in l'salm. 36, 20 ; Conlra meniani, 11, 9, 19. Cf. Epist. 35, 2— ;

Epistulam Parmeniani, II, 9, 19; De Conlra Gaudenlium, 1,36, 46.


unico baplismo, il, 19. 7) Posaidius, Vita Augustini, 4 6; ;

2)Optat, II. 11 ;
Augustin, Episl. 61, 2; 12; 14; 31 Augustin, Epist. 00 64, 3;
; ;

Enarr. in l'salm. 132, 3 el 6. 78 83 209, 3


; ; 211 Sermo 353, 1,
; ; 2 :

3) Passa, hnnati, -,
; Optât, II, 19; M, 356, lOet 13; Vita Uelaniae Junioris, :'l'.

4; Augustin, Episl. 33, 2; In Johannis 8} Possidius, Vita Augustini, 12; Au-


Evurtf/cltum Iraclalus XIII, 13 Conlra ; ^ustin, Relrad., Il, 47; Epist. 4N 211 ; :

Epistulam Parmeniani, II, 9, m : ('ou- 214-216.


Ira Gaudenlium, I, 36, 46.
ORGANISATION 145

ces institutions nouvelles. Ils reprochèrent vivement à iUigus-


tin son innovation, et ne cessèrent de railler ou d'attaquer les
communautés de religieuses ou de moines Dès le début du 1
.

v e siècle, le contraste était frappant sur ce point entre les


deux Églises chez les Catholiques, presque tous les ascètes
:

vivaient déjà dans des couvents sous l'autorité d'un abbé ou


d'une supérieure (mater)*; chez les Donatistes, les continents
et les vierges sacrées continuaient à vivre libres, suivant
3
l'antique tradition africaine .

Comme il arrive chez tous les sectaires, les chefs des com-
munautés dissidentes en Afrique étaient particulièrement
jaloux de leur autorité. Le primat de Carthage donnait
l'exemple Donat le Grand fut un vrai despote*, Parmenianus
:

5
foudroya les Rogatistes et Tyconius Primianus essaya de ,

jouer au tyran 6
La plupart des évêques donatistes
. avaient sur
leurs fidèles une autorité extraordinaire. Optât de Milev leur
disait « Pour vous égarer, votre peuple vous loue, vous
:

appelle bienheureux, vous encense, jure par vous, vénère vos


personnes comme Dieu lui-même » On fêtait avec enthou-
7
.

siasme l'anniversaire de l'évêque, c'est-à-dire de sa consécra-


tion épiscopale. Une de ces fêtes fut quelque temps, pour tous
les Primianistes de l'Est et du centre, l'occasion d'une sorte de
pèlerinage on venait en foule célébrer l'anniversaire du
:

sinistre Optatus de Thamugadi La peur y était pour beau- 8


.

coup, surtout chez les chefs; mais les hommages du vulgaire


s'adressaient à l'évêque autant qu'au capitaine des Circoncel-
lions.
Rien ne trahit mieux l'esprit étroitement conservateur des
Donatistes, que le développement fort incomplet, presque
embryonnaire, de leurs provinces ecclésiastiques. Ils en sont
restés exactement au point où en était l'Afrique chrétienne en
312, lors de la rupture. A ce moment, dans cette vaste contrée
qui comprenait six provinces administratives, une seule pro-
vince religieuse était nettement constituée la Numidie, dont :

le primat, Secundus de Tigisi, agissait dès 305 en chef de

1) Augustin, Contra litteras Petiliani, 5) Augustin, Epist. 87, 10; 93, 10-, 44;
111, 40, 48; Enarr. in Psalm. 132, 3 et 6. Contra Epistulam Parmeniani, 1,1, 1;
2) Augustin, Retract., II, 47; Epist. 10, 16; 11,17; Contra litteras Peti-
48; 64, 3 ; 211 ;
214-216. liani, II, 83, 184.
3) Epist. Contra Epistulam
61, 2; 6) Sermo 11 in Psalm. 36, 19-20.
Parmeniani, II, 9, 19; Contra litteras 7) Optât, II, 21.
Petiliani, III, 40, 48; Contra Gauden- S) Augustin, Episl. 108, 2, 5; Contra
tium, I, 31, 37; 36, 46. litteras Petiliani, 11,23, 53.
4) Optât, III, 3.

IV 10
2

146 L'ÉGLISE DOiNATlSTE

toutes les Églises numides 1


. Les communautés des autres
régions, dans les Maurétanies comme en Tripolitaine ou en
Byzacène^ ne formaient pas encore de groupements distincts :

comme au temps de Cyprien, elles relevaient directement de


l'évêque de Cartilage, chef suprême de toute l'Afrique chré-
tienne. Tel est précisément l'état de choses que nous présentent
les documents donatistes. Pendant tout le iv e siècle, tandis que
les Catholiques instituaient les nouvelles provinces ecclésias-
tiques de Proconsulaire, de Césarienne, de Byzacène, de Siti-
lienne et de Tripolitaine, les schismatiques ont conservé fidè-
lement l'organisation incomplète du temps de la rupture. On
ne doit pas se méprendre sur l'en-tête de la lettre synodale qui
fut adressée en 393, par le concile maximianiste de Cabar-
sussa, à tous les évêques en fonction « dans l'Afrique tout
entière, c'est-à-dire, dans la Province Proconsulaire, en Numi-
die, en Mauritanie, en Byzacène et en Tripolitaine » 2 il s'agit :

là, tout simplement, d'indications géographiques, et les cinq

provinces énumérées sont les provinces administratives. En


réalité, à toutes les époques de l'histoire du Donatisme, une
seule province religieuse de l'Église schismatique est men-
tionnée expressément et, comme en 305 ou en 312, c'est la :

Numidie. En dehors du pays numide, toutes les communautés


dissidentes, de la frontière de Tingitane à la frontière de Cyré-
naïque, ne reconnaissaient qu'un chef le primat de Carthage. :

C'est ce que montrent hien encore tous les textes relatifs


aux primais donatistes. En dehors de l'évêque de Carthage, un
seul évoque dissident portait le titre de primat (primas), ou
d'évêque « du premier siège » (episcopiis primae cathedrae ou
sedis) le doyen des évêques de Numidie. Nous connaissons
:

deux personnages qui ont rempli ces fonctions au début du :

schisme, Secundus de Tigisi, qui présida le concile de 3 1 au 3


;

temps d'Augustin, Ianuarianus, évêque de Casae Nigrae*. Mais


le primat par excellence de l'Église schismatique, c'était le
chef de tout le parti l'évêque de Carthage. Les titulaires :

essivemenl Majorinus, élu en 312; Donat


ftirenl suci : le Grand,
de 313 à 355 environ; Parmenianus, de 355 à 3'.M ;
Primia-
dus, depuis 392 Ce dernier, à la Conférence de . \ I I . est

1) Optât, I, 14 ; Augustin, Episl. 43, 2, Parmeniani, I, 3,5.


13,4; Contra Cresconium, 111, 26,
2, 4) Augustin, Epis t. 88 ; Possidius, Indic.
29; 27,30; Brevic. Collât., III, 13, 25. operum Augustini, 3; Collât. Carthag.,
2) Augustin, Sermo II in Psalm. 36, I, Il : 148; 157; 111, 258.
20. —Cf. Colla. Carthag., I, 1. 5 Augustin, Contra Epislul an Parme-
3 Optât, I, 19; Augustin, Epist. 13, 2, niant, III. 2, Il ; 3, 18.
, 14 • ' 'onlra Epislulam
ORGANISATION 147

appelé par un des évêques de son Église « notre père bienheu-


reux, notre prince »'. Le primai de Carthage exerçait un con-

trôle direct sur toutes les communautés, recevait les appels,


présidait les conciles, gouvernait le parti. Cependant, en 411,
nous voyons Primianus, primat de Carthage, céder le pas à
Ianuarianus, primat de Numidie, et signer après lui des pièces
officielles
2
Cette anomalie du protocole s'explique sans doute
.

par une préséance tout honorifique accordée au plus ancien


des deux primats, en souvenir des temps héroïques du schisme.
D'ailleurs, le primat donatiste de Carthage était ordonné par
le primat de Numidie, tandis que l'évêque catholique de Car-
thage l'était par les évoques voisins, et le pape lui-même par
3
l'évêque d'Ostie Cet usage des dissidents africains venait
.

évidemment du rôle prépondérant qu'avaient joué les Numides


et leur primat Secundus au moment de la rupture
4
.

L'institution des conciles, déjà très populaire dans l'Afrique


du temps de Cyprien, est restée chère aux Donatistes. De ce qui
précède, on pourrait conclure qu'ils ont eu seulement deux
sortes d'assemblées épiscopales les conciles généraux de tout :

le parti, les synodes provinciaux de Numidie. C'est, en effet,


ce que nous constatons dans les documents conservés. Des
synodes d'évêques numides sont mentionnés vers 340 e vers ,

347 6 à Theveste, en 362 7 à Constantine et à Milev, vers


; ;

396-397 8 même en 418 9 Les conciles généraux, où se ren-


; .

contraient les évêques dissidents de toute l'Afrique, ont été fort


10
nombreux. La plupart se sont tenus à Carthage . En 393, les
Maximianistes se réunirent à Cabarsussa, en Byzacène 11 les ;

Primianistes, àliagaï, en 394 -. Les synodes de Numidie étaient [

convoqués et présidés par le primat de la province; les conciles


généraux, par le primat de Carthage. C'est dans ces grandes
assises que les schismatiques prenaient toutes les décisions
importantes, fixaient la politique du parti, instruisaient les
procès en appel, excommuniaient les coupables ou les rebelles,

1) « Bealissiuius pater et princeps nos- 8; Augustin, Epist. 34, 5.


ter Primianus » (Collât. Carthag., I, 201). 9) Co?itra Gaudenlium, I, 37, 47-48.
2) Collât. Carthag., 1, 14; 148; 157; Contra Epistulam Parmenia?ii, I,
10)
111, 258. 1; Contra Cresconium, IV, 6, 7; Epist.
3) Augustin, Brevic. Collât., 111,16, 29. 93, 10, 43; Sermo II in Psalm. 36, 19-
4) Optât, I, 19; Augustin, Contra Epis- 20; Collât. Carthag., I, 14 et 148; II,

tulam Parmeniani, I, 3, 5; Contra Cre- 12; III, 258.


sconium, III, 27, 31 ; Epist. 43, 2, 3; 43, 11) Augustin, Sermo II in Psalm. 36,
5, 14. 20.
5) Optât, III, 4. 12) Contra Cresconium, III, 53, 59 ;

6) Passio Marcull, p. 701 Migne. 54,60; 56, 62; IV, 37-40, 44-47; Gesta
7) Optât, II, 18. cum Emerito, 9-11.
148 l'église donatiste

et, au besoin, déposaient les évêques, même les primats'. Dans


l'Église dissidente, comme
dans l'Église catholique, le concile
était le conseil dirigeant et le tribunal suprême, la plus haute
juridiction, l'âme et la conscience du parti.
Considérée d'ensemble, et réserve faite pour les quelques
divergences notées plus loin, la liturgie donatiste était iden-
tique à celle des Catholiques africains du iv e siècle. Optât le
dit formellement « Nous avons, vous et nous, la même
:

organisation ecclésiastique; s'il y a opposition entre les


personnes, il n'y a pas opposition entre les sacrements. Nous
pouvons le dire, nous aussi nous avons la même foi que vous, :

nous avons été marqués du même signe et baptisés du même


baptême, nous lisons comme vous le divin Testament, nous
prions le même Dieu, l'oraison dominicale est la même chez
vous et chez nous » \ Plus tard, Augustin constatait également
que les églises et les offices présentaient le même aspect chez
les dissidents et chez les Catholiques : absides surélevées d'où
les clercs dominaient la nef, chaires couvertes d'un voile,
3
chœurs des religieuses, évoluant et chantant devant l'évêque .

« Nous sommes frères, disait Augustin aux schismatiques :

nous invoquons un même Dieu, nous croyons en un même


Christ, nous entendons le même Évangile, nous chantons les
mêmes Psaumes, nous répondons par le même Amen, nous
entendons le même Alléluia, nous célébrons la même Pâques.
Pourquoi es-tu hors de l'Église, et moi dans l'Église ? » 4
.

A l'appui de cette observation générale, nous relevons bien


des détails précis. Comme beaucoup de communautés catho-
B
liques, les Donatistes célébraient la messe tous les jours Pour .

le sacrement de l'Eucharistie, ils observaient les mômes rites


G
que dans l'autre Eglise Malgré leur intransigeance théorique,
.

ils admettaient la pénitence et la rémission des péchés Pour 7


.

la réconciliation des pénitents ordinaires, leurs rites ne


différaient pas de l'usage eatholique : ils faisaient agenouiller les
coupables, les couvraient d'un voile, leur imposaient les mains
et leur remettaient leurs péchés, en se retournant vers l'autel
pour réciter l'oraison dominicale Outre le Pater, ilschantaient 8
.

Y Alléluia, Y Amen*, ils faisaient le signe de croix aux mêmes

1) Contra litteras Petiliani, II, 26, 5) Optât, II, 12.


61 ; III, 34, 40 ; Sermo II in l'salm. 36, 6) Augustin, Conlra litteras Petiliani,
20; Collât. Carthag., 1, 129-130; 201; 11,23,
208. 7) Optât, II, 20; 24- 26.
2) Optai, III. 9. 8) Ibid., Il, 20.
3) Augustin, Epist. 23, 3. 9) Ibid., 11, 20; III, 9; Augustin, Epist.
4) Enarr. in Psalm 54, 16. 10o, 2, 7; Enarr, in l'salm. 54, 16;
ORGANISATION 149

moments que les '. Au Pax vobiscum de l'officiant,


Catholiques
ils répondaient : Et cum spiritu tuo »*. Ces formules liturgiques
«

étaient même devenues leur salutation familière quand des :

Donatistes se rencontraient, la conversation commençait par un


« Paxtecum » ou un « Pax vobiscum » Les fragments des livres s
.

saints que lisaient les lecteurs des Eglises dissidentes, étaient


les mêmes que chez les Catholiques fragments des Evangiles, :

des Epîtres, des Psaumes, du livre de Daniel Le Vendredi 4


.

saint, chez les schismatiques comme chez leurs adversaires, on


3
chantait vingt-et-unième Psaume
le .

Les rares divergences entre les liturgies des deux Eglises


s'expliquent aisément par l'histoire même du schisme et des
luttes entre les deux partis. Elles portaient sur le nombre des
fêtes,sur le culte des martyrs, sur le baptême et la réconciliation
des Catholiques convertis.
Fidèles à leur principe, les Donatistes conservèrent les fêtes
anciennes, celles qui étaient en usagedans l'Afrique chrétienne
avant la rupture de 312. Ils célébraient la Pâques, la Pentecôte,
6
la Noël Ils observaient avec beaucoup de rigueur les jeûnes
.

traditionnels, notamment ceux du Carême et des jours de


station Mais ils repoussaient systématiquement les fêtes
7
.

nouvelles, admises par leurs compatriotes catholiques dans le


courant du iv e siècle. Par exemple, ils refusèrent toujours
d'accepter l'Epiphanie, fête d'origine orientale, adoptée par les
Catholiques après 312, et, d'ailleurs, simple équivalent grec de
la Noël latine. Dans un de ses sermons prononcés le jour de
l'Epiphanie, Augustin disait à ses auditeurs « Il n'est pas :

étonnant que les hérétiques donatistes n'aient jamais voulu


célébrer avec nous ce jour de fête ils n'aiment pas l'unité, :

et ne sont pas en communion avec l'Église de cet Orient où


8
apparue »
l'étoile est .

Au contraire, dans le culte des martyrs, les Donatistes ont


péché par excès. Mais cet excès même était presque logique.

149, 2 Sermo ad Caesareensis Ecclesiae contra Donatistas, 12, 31.


;

plebem, 6 Contra Epistulam Parme-


;
5) Augustin, Enarr. II in Psalm. 21,

10, 20-, Contra litteras Peii- 28-29; Ad Johannis Evangelium trac-


nia?ii, II,

liani, II, 92, 212. tatas XIII, 14.


Optât, III, 9; Augustin, Epist. 105, 6)Enarr. in Psalm. 54, 16; In Johan-
1)
2, 7.
nis Evangelium traclatusWW, 14 Epist.
;

Augustin, Enarr. in Psalm. 124, 10; 51, 4.


2)
Epist. 43, 8, 21; 53, 1, 3. 7) Passio Donaii, 6; Passio Marculi,
p. 762-763 Migne.
3) Optât, III, 10.
4) lbid., III, 9 Augustin, Epist. 43,8,
;
8) Augustin, Sermo, 202, 2 (In Ëpipha-
nia Domini).
21; 53, 1,3; 87,5; 105, 2, 7; Enarr. in
Psalm. 54, 16 Ad Catholicos Epistula
;
150 L EGLISE DONATISTE

Les premiers schématiques s'étaient séparés de l'Église catho-


lique, parce qu'ils reprochaient à ses chefs d'avoir faibli en
face des persécuteurs ils prétendaient s'être seuls conduits en :

vrais chrétiens, ils appelaient leur Église «l'Église des martyrs ». 1

Aussi les Donatistes ont-ils toujours honoré les victimes des


persécutions avec une dévotion fanatique, aveugle. Tandis que
le clergé catholique réglementait ce culte et n'acceptait un
nouveau saint qu'après une enquête sérieuse, une canonisation
(vindicalio, probatio marlyrum) 2 les évêques dissidents laissaient ,

libre cours aux fantaisies de la dévotion populaire. D'abord,


les Donatistes conservèrent pieusement le souvenir des héros
des persécutions païennes; ils essayèrent même de confisquer
à leur profit la gloire de certains martyrs communs aux doux
Églises, comme Cyprien ou les martyrs d'Abitina Mais, à 3
.

ces victimes des païens, ils joignirent ceux des leurs qui avaient
succombé dans les batailles ou les querelles avec les Catholiques,
ceux-là mêmes qui s'étaient tués dans un accès d'exaltation
farouche \ Ces martyrs de la secte, encore plus chers que les
autres au cœurdes foules, ontété innombrables ils se comptaient :

5
par milliers Ils peuplaient les cimetières, les basiliques, et
.

toutes ces chapelles qui s'alignaient le longdes routes, jusque


5
dans les coins perdus de la campagne De là vient sans doute .

qu'on découvre chaque année en Afrique tant d'inscriptions ou


listes de martyrs. Ces intrus se glissaient naturellement dans les
7
calendriers locaux et dans la liturgie des Eglises dissidentes On .

8
fêtait régulièrement leurs anniversaires on gravait leurs ;

noms sur les autels, les balustrades ou les colonnes des


9
basiliques Dans la liturgie traditionnelle, partout où étaient
.

invoqués ou nommés des martyrs authentiques, on ajoutait


à leurs noms ceux des principaux martyrs de la secte, de
Donat, de Marculus, de Maxiniianus et d'Isaac, ou de quelque
saint particulièrement cher aux gens de la localité' De là, .

1) Acta Salurnini, 19-20 lîalu/.e; Col- I, 30-31; 28, 32.


22, 25; 27,
lât. Carthag., III, ^58. Passio Maximiani el Isaac, p. 768
5)

2) Optât, I, lii: l'iirfcx canon. Ecoles, Migne; Augustin, Contra Gàudentium, I,


afric, can. x.'i : De Rossi, Inscript, christ., 28, 32.
t. Il, p. 461. ô) Concil. Carthag. ann. 348, can. 2.
3) Acta Salurnini, 1-2: 16-20 Balnze; 7) Augustin, Contra Epislulam Parme-
Augustin, Sermo 310, 1 : Epis t. 93, 10, niani. III, (i, 29.
3S-45; 108, 3, 9-12: De haplismo, I. 18, 8) Passio Donati, '.»: Augustin, Contra
j.h : II, 1 cl. suiv : Contra Cresconium, Epistulam Parmeniani, III, 6, i'.'; Episl.
II, 31, 39; III, I, -1 et suiv. 29, H.
i) Passio Donati, 4-14; Pûssio Mar- 9) Passio Donati, x: Optât, III, 4.

culi, \>. I Migne; Optât, III. Au- I ; 10)'Augustin, ('nui ru Epislulam Parme-
gustin, Episl. SX. S; 18:;, i', S; 204, 1-2 niani, III, 6, 29.
pi . Sermo 138, 2; Contra Gàudentium,
ORGANISATION I
.">
1

beaucoup de ces intrus ont réussi à s'introduire dans le mar-


tyrologe Hiéronymien, jusque dans le martyrologe Romain.
Les schismatiques africains considéraient comme nuls les
sacrements conférés par les Catholiques l'ordination aussi bien :

que le baptême '. Un pamphlétaire de la secte disait des cérémo-


nies de l'Eglise rivale « Ces rites trompeurs, ces mystères fictifs
:

sont célébrés moins pour le salut que pour la perte des malheu-
reux adeptes. C'est un sacrilège qui érige l'autel, un profane
qui officie, un coupable qui baptise, un blessé qui soigne, un
persécuteur qui vénère les martyrs, un traditeur qui lit les
Evangiles, un incendiaire du divin Testament qui promet l'héri-
tage du ciel » *. Les schismatiques s'appuyaient sur un raison-
nement sophistique pour refuser aux clercs catholiques tout
pouvoir de conférer les sacrements. Ils résumaient leur théorie
en cette formule « Celui qui n'a pas ce qu'il prétend donner,
:

comment le donnerait-il? » Pour les Catholiques africains du


3
.

iv siècle, peu importait la personne du clerc car Dieu seul


e
;

opérait dans les sacrements. Pour les Donatistes, l'efficacité du

sacrement dépendait également de l'intermédiaire, de la per-


sonne; le sacrement ne pouvait donc être conféré que par un
homme de conscience pure, et dans la véritable Église. Or, tous
les Catholiques, héritiers et complices des traditeurs du temps
de Dioclétien, étaient souillés à jamais; donc, leurs ordinations
et toutes leurs cérémonies étaient nulles. On ne pouvait être
baptisé ou ordonné que par des clercs de la seule Église légi-
time, la seule innocente, l'Église de Donat Les dissidents pous-
4
.

saient si loin cette théorie ,


qu'ils assimilaient nettement
5
les Catholiques aux païens Optât de Milev le leur reprochait
.

amèrement « A des chrétiens, même à des clercs, vous dites


:
:

Soyez chrétiens Par un miracle de votre façon, vous osez dire


!

à tout Catholique Gai Sei, Gaia Seia, tu es encore païen ou


:

païenne! Celui qui a fait profession de se tourner vers Dieu, tu


l'appelles païen!... Si tu obtiens l'assentiment de celui que
tu cet assentiment et l'imposition de tes mains et
séduis,
quelques formules te suffisent pour faire d'un chrétien un chré-
tien. Celui-là vous paraît chrétien, qui s'incline devant votre
6
volonté, non celui qui a été guidé par la foi » En consé- .

quence, tout Catholique rallié à l'Eglise de Donat, fût-il clerc


1) Optât, III, il; àugustin, Contra lit- leras Petiliani, 11, 2-7, -4-16; 32-37, 72-
teras Petiliani, II, 32,72; 33, 77; 50-54, 85.
115-123; De unico baptismo, 11, 19. 5) Optât, 111, 11: Augustin, Epis/. 35,

2) Acla Salurnini, 19 Baluze, 3; Enarr. in Psalm. 145, 16.


3) Optât, V, 4 et 6. 6) Optât, III, 11.

4) Ihid., V, 4-7; Augustin, Contra lit-


152 l'église donatiste

ou évêque, était relégué d'abord dans les rangs des catéchumènes


ou des pénitents C'est ce qui explique certains rites du bap-
1
.

tême et de la réconciliation dans les Eglises dissidentes.


Les pénitents dont le seul crime était d'avoir été catholiques,
étaient soumis à des humiliations particulières. On s'acharnait
surtout contre les clercs. Pour eux, on « préparait le rasoir »,
suivant la pittoresque expression d'Optat 2 Non seulement on .

les astreignait aux épreuves ordinaires des pénitents cilice et :

cendres, confession publique, supplication aux fidèles, renon-


ciation au Diable, agenouillement sous le voile, imposition des
mains. Mais encore, on rasait la tête des clercs et des évêques,
on dépouillait les religieuses de leur mitra; on purifiait les
personnes, comme les murs et le dallage des basiliques recon-
quises sur l'Église rivale Les malheureux Catholiques égarés
3
.

dans le parti de Donat ne pouvaient y reprendre leur rang


qu'après une longue série d'épreuves humiliantes une dégra- :

dation complète, une pénitence particulièrement dure, un


nouveau stage de catéchumène, un nouveau baptême suivi
l
d'une nouvelle ordination ou d'une nouvelle consécration .

Les rites du baptême étaient à peu près ceux du vieil usage


africain. En attendant, le Catholique rallié de gré ou de force
devait commencer par se déclarer païen, et était inscrit comme
telsur les listes de catéchumènes Comme dans l'autre Église, 5
.

le baptême avait lieu généralement au moment des fêtes de


Pâques; mais on pouvait baptiser aussi à d'autres époques de
l'année,quand les circonstances paraissaient l'exiger Les 6
.

cérémonies proprement dites du baptême ne présentent aucun


trait particulier à la liturgie des dissidents. Augustin décrit
quelques-uns de ces rites, dans une lettre où il conte l'histoire
d'un jeune brutal de son diocèse qui venait de passer au Dona-
tisme « Il menace sa mère, il passe au parti de Donat; furieux
:

encore, il se fait rebaptiser; tout frémissant encore de l'attentai


contre sa mère, il est revêtu de vêtements blancs; il s'installe
entre les balustrades, qu'il dépasse de la tête, bien en vue; puis,
sous les regards de l'assistance qui gémit, cet homme, qui
médite de tuer sa mère, se dresse comme renouvelé par l'eau

1) Optât, II. 21-26; Augustin, De unico il, 10; Collât. Carthag., I, 188 et 197.
baptismo, 11, 19; Collât. Carthag., I, 5) Optât, III, 11 ; Augustin, Epist. 35, 3 ;

197, Enarr. m Psaltn, 1 if., 16; /// Johannis


2) « Parasti novaculam » (Optât, II, 23). Evangelium tractatus Y, 13.
Optât, H, 23; VI, 4. 6) Augustin, Dr baptismo, Y, f>, 7;
4) Ibid., Il, 19-26; Augustin, Epist. 2.'î, Epist. 51, 4.
2: 100, 1; 108, 1: /'< unica baptismo,
ORGANISATION 153

sainte... Les clercs qui l'ont sanctifié le presseront sans doute


de tenir sa promesse dans l'octave de sa retraite » '.
Dans la liturgie du baptême donatiste, le seul trait vraiment
caractéristique était l'usage de conférer de nouveau ce sacrement
aux hérétiques convertis, même aux Catholiques. Cette pratique
était d'ailleurs conforme à la vieille tradition locale, celle de
Cyprien Jes Catholiques africains eux-mêmes n'y avaient
;

renoncé qu'en 314 Cependant, bien des gens refusaient de se


2
.

soumettre à ce second baptême, notamment en Maurétanie.


C'est pour cela que, vers 336, un concile d'évêques schisma-
tiques et Donat lui-même avaient autorisé à dispenser de cette
cérémonie les Catholiques ralliés au schisme Plus tard, les 3
.

dissidents revinrent sur cette concession, et, dans plusieurs


conciles, décidèrent qu'on rebaptiserait tout le monde*. Néan-
moins, même au temps d'Augustin, la pratique du second
baptême choquait encore beaucoup d'Africains attirés vers le
schisme, et les empêchait de se convertir". Elle paraît bien
n'avoir pas été observée dans toutes les communautés dissidentes
à la fin du iv e siècle vers 392, Augustin ne voulait pas croire
:

que l'évêque schismatique de Sinitum eût rebaptisé un diacre


6
catholique Cette question du second baptême, qui jadis avait
.

mis aux prises les Eglises de Carthage et de Rome, est une de


G
celles qui, dans l'Afrique du iv siècle, passionnèrent le plus les
deux Eglises rivales et donnèrent lieu aux plus vives polémiques.
Là, comme ailleurs, le Donatisme n'avait guère innové. Mais
il restait immobile, tandis que l'Eglise catholique continuait à

évoluer. Il repoussait toutes les nouveautés venues de Rome ou


d'Orient, s'en tenait aux vieux usages qu'abandonnaient en partie
les Catholiques africains, et se contentait d'adapter ces usages
aux principes et aux besoins de la secte. Dans sa liturgie, comme
dans sa hiérarchie et presque toute son organisation, il était
l'image fidèle du passé africain.
C'est pour cela que les schismatiques s'attachaient si
ardemment au souvenir et à la tradition de saint Cyprien. Ils
vénéraient en lui non seulement le grand évoque et le glorieux
martyr, mais surtout le représentant le plus illustre et le plus
autorisé de cette antique Eglise nationale dont ils se croyaient
les seuls héritiers. Ils invoquaient sans cesse son nom, son
œuvre et son rôle, pour justifier leur attitude et leur doctrine,

1) Epist. 34, 2-3. 4) Episl. 23, 5; 44, 5, 12.


2) Concil. Arelal. ann. 314, can. 8. — 5) De baptismo, V, 5, G.
Cf. Concil. Carthag. ann. 348, can. 1. 6) Epist. 23, 2.
3) Augustin, Epist. 93, 10, 43.
\dï l'église donatiste

notamment du second baptême Ce patronage du


lenr pratique 1
.

plus grand des évoques de Carthage ne laissait pas que d'em-


barrasser les Catholiques, et Augustin lui-même d'autant :

mieux que les schismatiques avaient pleinement raison, histo-


riquement. Augustin cherchait à expliquer les idées de Cyprien,
sans le compromettre il le réfutait en alléguant les circons- :

tances atténuantes, il essayait de démontrer que Cyprien aurait


eu une autre manière de voir, s'il eût vécu cent ans plus tard 5
.

Malgré tout, le fait brutal éclatait aux yeux cette doctrine des :

dissidents africains, cette doctrine qu'on déclarait si coupable,


c'était la doctrine de Cyprien. Alors, Augustin exhortait les
schismatiques à suivre du moins jusqu'au bout l'exemple du
grand évêque, qui n'avait pas rompu avec ses contradicteurs :

« Insensés Donatistes, vous que nous désirons et souhaitons

ramener à la paix et à l'unité de la sainte Eglise, vous que nous


voulons guérir, que répondez-vous à ceci? Sans doute, vous
a \ iv, coutume de nous objecter les lettres de Cyprien, la doctrine

de Cyprien, le concile de Cyprien pourquoi donc invoquer :

l'autorité de Cyprien pour justifier votre schisme, et ne pas


suivre son exemple en restaurant la paix de l'Eglise ? » 3 .

Tant qu'il y eut des Donatistes, leur Bible fut presque exclu-
sivement celle de Cyprien. Au lendemain du schisme, les deux
Eglises africaines étaient entièrement d'accord, et sur le canon
des livres saints, et sur le choix des textes latins. Mais, tandis
que la Bible latine des Catholiques se transformait peu à peu,
l;i Bible donatiste resta immuable Les schismatiques conser- v
.

vèrent tous les livres qui figuraient en 312 au canon de


5
l'Afrique chrétienne Mais ils n'acceptèrent pas les ouvrages .

admis par les Catholiques africains au cours du [V e siècle :

pour l'Ancien Testament, les deux premiers livres d'Esdras;


pour le Nouveau, YEpttre aux Hébreux, et la plupart des
E pitres dites « catholiques », la deuxième de Pierre, la
deuxième et la troisième de Jean, les Epitres de Jacques et de
Jude 6 En ce qui concerne le texte latin, la divergence entre
.

les deux Eglises commença plus tard, mais alla beaucoup plus

1) De baptismo, I, 1; 18, 28; 11, 1 et 4) Cf. Uisloii-e littéraire de l'Afrique


suiv. : Contra Cresconium, II, 31, 39; 'S2, chrétienne, t. I, p. 136 et suiv.
40; III, 1 el suiv.; IV, 17, 20: Epist. 93, 5) Optât, III, 'J : Augustin, Epist. 43, 8,
10, 35 '.:,; 10S, .'!, 9-12. 21: 53, 1,3; 87, 5; 105,2,1; 105, 4,14;
2) /'< baptismo, J, 1 el suiv.; Il, I cl 121), :i ; Enarr. in Psalm. 54, 16: Ad
suiv. ; III, 1 el suiv.: Epist. 93, ni, 35- Catkolicos Epistula <;>ntni Donaiislas,
45; Conlra Cresconium, II, 31, 39 el 12, 31.
suiv.; III, I et suis. ii) Histoire littéraire de l'Afrique chré-
/'- baptismo, II, .'i, i. tienne, I. III, p. 229 et suiv.
ORGANISATION 155

loin. Jusque vers la fin du iv e siècle, les deux partis ne con-


nurent que les antiques versions « africaines » du temps de
Cyprien Mais Augustin rapporta de Milan et popularisa en
1
.

Afrique des textes « italiens revisés ». Un peu plus tard, arri-


vèrent dans la contrée les versions de saint Jérôme. Dès lors,
la Bible des Catholiques africains fut une mosaïque de textes
d'origines très diverses, appartenant à trois familles distinctes :

vieux textes « africains », textes « italiens revisés », Yulgate


de Jérôme Au contraire, les Donatistes continuèrent à em-
2
.

ployer presque exclusivement les vieilles traductions contem-


poraines de Cyprien Sans doute, Tyconius traduisit à son
3
.

tour l' Apocalypse * mais cette version d'un demi-transfuge ne


;

paraît pas avoir été adoptée par les dissidents, et Tyconius


lui-même avait pris pour base de son Commentaire le vieux
5
texte de Cyprien En fait, les Donatistes s'en sont tenus tou-
.

jours aux antiques versions « africaines ». On le constate à la


Conférence de 411, où leurs citations bibliques concordent
avec celles de Cyprien, tandis que leurs adversaires emploient
de préférence les textes « italiens » ou même la traduction de
Jérôme 5 Même contraste dans les ouvrages qui mettent aux
.

prises des interlocuteurs appartenant aux deux partis rivaux :

par exemple, dans le Contra litteras Petiliani, le Contra Cres-


conium, ou le Contra Fulgentium 1 La Bible des Donatistes a .

conservé, par là, une physionomie originale. Comme ils


n'avaient pas d'adeptes en Orient et presque pas hors d'Afrique,
comme d'ailleurs la plupart d'entre eux savaient mal le grec,
ils n'ont pas eu, ainsi que leurs compatriotes catholiques, la

tentation de consulter des versions étrangères ni de reviser


leurs vieux textes sur des manuscrits grecs leur Bible n'a :

pas plus subi les influences orientales que les influences ita-
liennes. En cela, comme en tout, ils ont été les représentants
obstinés de l'antique tradition africaine.
Pour la discipline, ils prétendaient remonter plus haut
encore, plus loin que les plus lointaines origines de l'Église
d'Afrique jusqu'à l'âge apostolique. Leur idéal était l'idéal
:

évangélique. Dans la règle de vie, l'Évangile et le martyre

1) Histoire littéraire de l'Afrique 5) Haussleiter, Die lateinische Apoka-


chrélienne, t. I, 134 et suiv.
p. hjpse der alten afrikanischen Kwche
2) Ibid., t. I, p. 138 et suiv. (Erlangen et Leipzig, 1891), p. 78 et suiv.
3) Ibid., t. I, p. 157 et suiv. 6) Collât. Carthag., III, 258.
4) Primasius, Comment, super Apoca- 7) Contra Fulgentium Donalistam, 1-
lypsin Johannis, ad cap. 9, 16 : a Alia 26; Augustin, Contra litteras Petiliani,
Iranslatio, quam Tyconius exposuil, ha- II, 6,12 et suiv.; Contra Cresconium, II,

bet... » 17, 21 et suiv.


15G L ÉGLISE DONATFSTE

étaient les deux idées fixes, les deux pôles du Donatisme. On


peut dire de tous les schismatiques africains ce que le pané-
gyriste de Marculus disait de son héros « Il avait toujours à :

la bouche l'Évangile; dans la pensée, le martyre »'. Cette


préoccupation des sectaires se retrouve jusque dans les docu-
ments officiels. En 393, les évêques du Concile de Cabarsussa
adressaient leur lettre synodale à tous les évêques, prêtres,
diacres et fidèles « qui combattaient avec eux dans la vérité de
l'Évangile »\ Au milieu du v e siècle, un évêque dissident de
Maurétanie s'endormit, suivant son épitaphe, « dans la foi de
l'Évangile » L'Église de Donat se considérait comme la seule
3
.

Église « évangélique ».
Comme aux premiers âges du christianisme, elle croyait
sentir passer en elle le souffle de l'Esprit Saint. Il va sans dire
que, d'après les sectaires, l'Esprit de Dieu s'était à jamais
détourné de l'Église rivale. Parmenianus disait aux Catho-
liques « Dans votre Église, quel Esprit peut-il y avoir, si ce
:

n'est celui qui enfante les fils de l'Enfer? »*. Plus le Diable
gagnait de terrain chez les Catholiques, plus Dieu se manifes-
tait chez les Donatistes. Suivant un pamphlétaire du parti,
c'est l'Esprit Saint qui avait inspiré le manifeste des martyrs
5
d'Abitina, point de départ du schisme Et ce pamphlétaire .

ajoutait « Dans notre Église, les vertus du peuple sont multi-


:

pliées par la présence du Saint Esprit... La joie de l'Esprit


Saint, c'est de vaincre dans les confesseurs, de triompher dans
les martyrs »'. L'Esprit est toujours là, quand les héros de la
secte courent au devant de la mort. Il est là, quand Marculus
se précipite de son rocher, quand Maximianus déchire à Car-
tilage l'édii d'union, quand Isaac injurie les Catholiques,
quand les Circoncellions s'enivrent et se tuent pour mériter le
Paradis Donat le Crand composa un ouvrage « Sur l'Esprit
7
.

Saint », dont il passa plus tard pour avoir été une incarna-
lion*. Petilianus de Constantine, qui avait commencé par être
avocat iT.y.y):/.'/:r,'c;), laissait entendre qu'il pouvait bien avoir

\) Passio Marculi, p. 762 .Aligne. fosse, Bull, des Antiquaires de France,


2) « In veritate Evangelii nobiscum mili- 1 000, p. M4).
tantibus » (Augustin, Sermo II in Psalm. 4) Optât, II, 7.

36, 20). — Petilianus de Constantine adresse 5) Acla Saturnini, 17-18 Batuze.


l'un de ses ouvrages « dileclissimis fratri- 6) Ibid., 20.
bus, compresbyteris et diaconibus, minis- PassioMarculi,'p.l6i',PassioMaxi-
1

tris, per dioecesim nobiscum "/ sancto miani et Isaac, p. 769 Higne.
constituas » (Contra litleras 8) Jérôme, l>e vir. ill.,93. — Cf. Optât,
Peliliani, 11, 1, 2). III, 3; Augustin, Sermo 197, h : Contra
Ib fidi Evangelii » (Héron de Ville- Epistulam Parmeniani, II, 7, \'.i.
ORGANISATION 157

quelque parenté avec le Paraclet'. L'Esprit Saint a été le colla-


borateur assidu des politiques du parti, l'inspirateur et le pré-
sident honoraire des conciles. On lit dans la lettre synodale
des évoques maximianistes réunis à Cabarsussa en 393 « Nous :

avons décrété, nous tous, évoques de Dieu, en présence du


Saint Esprit... Nous avons décidé, nous et le Saint Esprit... » a .

Les évêques primianistes, assemblés à Bagaï Tannée suivante,


ne furent pas moins affirmatifs « 11 a plu à l'Esprit Saint, qui
:

est en nous, d'assurer la paix pour toujours et de briser les


schismes sacrilèges... » En ces années-là, l'Esprit de Dieu
3
.

dut être dans un cruel embarras on le mettait en demeure :

d'excommunier simultanément Primianus au nom des Maxi-


mianistes, et Maximianus au nom des Primianistes.
Étant donné cette intervention constante de l'Esprit dans les
affaires du parti, on ne saurait s'étonner que la foi au surna-
turel ait été surexcitée dans l'âme des foules. Les Donatistes, à
certains moments, ont été affolés de miracles. Non seulement
ils croyaient, comme les Catholiques, aux guérisons miracu-

leuses et autres prodiges accomplis sur les tombeaux des mar-


tyrs; mais ils étaient convaincus que tels de leurs évoques
vivants pouvaient à leur gré bouleverser les lois de la nature,
et même entrer directement en communication avec Dieu*. Un
jour que Donat le Grand était en prière, Dieu lui répondit du
haut du ciel 5 Le même Donat, l'évêque Pontius, qui vivait au
.

temps de Julien, et bien d'autres, étaient célèbres pour leurs


miracles 6 A défaut de miracles, les mystiques moins ambi-
.

tieux pouvaient espérer du moins une vision. Pour les confes-


seurs, c'était un phénomène courant. A Carthage, en 347,
avant leur martyre, Isaac et Maximianus eurent, chacun de
7
son côté, une vision En Numidie, avant de mourir, Marculus
.

obtint le même privilège; et son bourreau eut la même bonne


8
fortune Ce qui est plus caractéristique, c'est que des appari-
.

tions surnaturelles se produisaient également dans le cours


ordinaire de la vie. Au temps d'Augustin, elles n'étaient pas

1) Augustin, Contra litleras Petiliani, 4) Ad Catholicos Epislula contra Do-


III, 16, 19. natistas, 19, 49.
2) « Decreviuius omnes sacerdotes Dei, 5) In Joliannis Evangeiium tractatus
praesente Spiritu sancto... Placuit nobis et XIII, 17.
Spiritui sancto... » {Sermo 11 in Psalm. 6) Ibid., XIII, 17 Ad Catholicos Epis-
;

36, 20). tula contra Donatistas, 19, 49.


3) « Placuit Spiritui sancto, qui in nobis 7) Passio Maximiani et Isaac, p. 768
est, pacem firmare perpetuam et schismata et 770-771 Migne.
resecare sacrilega » {Contra Cresconium 8) Passio Marculi, p. 763-764 Migne.
111, 53, 59; IV, 10, 12).
158 l'église donatiste

rares dans la communauté dissidente d'Hippone 1


. Vers l'année
400, un prêtre schismatique de Constantine cherchait à con-
vertir un bourgeois catholique de la ville à bout d'arguments, :

il raconta qu'un ange lui avait ordonné de renouveler sa ten-

tative .

Forts de leur pouvoir surnaturel et de leur collaboration


permanente avec l'Esprit Saint, les Donatistes prétendaient
donner à leurs contemporains le spectacle de la véritable vie
évangélique. Modestement, ils appelaient leur Église l'Église
« des Saints », ou « des Justes », ou « des martyrs »
:1

Et, .

naturellement, ils ne voyaient hors de leur communion que


des sacrilèges, des coquins ou des traîtres. Optât de Milev et
Augustin ont souvent raillé ces prétentions extravagantes, qui
s'étalent dans la littérature donatiste et jusque dans les inscrip-
tions de la contrée. « Dans votre orgueil, dit Optât aux schis-
matiques, vous revendiquez pour vous le monopole de la
sainteté... Mais vous-mêmes, qui voulez être considérés par
les hommes comme des saints et des justes, apprenez-nous
d'où vous vient cette sainteté que vous usurpez si téméraire-

ment... D'où vient donc que, par orgueit, vous affichez une
sainteté parfaite?... Quand vous voulez remettre les péchés,
vous proclamez bien haut votre innocence, et vous pardonnez
aux autres comme si vous n'aviez en vous-mêmes aucun
péché... Vous vous vantez d'être des saints; et nous, vous
nous méprisez manifestement, ouvertement»*. Cinquante ans
plus tard, Augustin écrit à son tour « Nous le savons, les :

Donatistes s'attribuent une telle surabondance de justice, qu'ils


prétendent non seulemenl avoir en eux la justice, mais encore
la communiquer à d'autres hommes » '.

Malheureusement, la pauvre nature humaine infligea sou-


vent un cruel démenti à cette orgueilleuse prétention de réali-
ser sur la terre l'idéal évangélique. Sans doute, il y eut parmi
les Donatistes beaucoup de très honnêtes gens, dont le péché
mignon était seulement de pousser l'effort vers la sainteté
jusqu'à l'oubli des préceptes chrétiens sur la fraternité et la
charité. Mais les défaillances de tout genre furent innom-
brables et graves. Ne parlons ni des Circoncellions, ni de
toutes les violences des clercs sehismaliques, ni même des

1) Augustin, Ad Calhulicos Epislula 20; III, 10; V, 7; Augustin, Contra litte-


contra Donatistas, lit, 49. ras l'etiliani, 11, 20, 44; 67, 149-150;
Epist. 53, 1. Sermo 99, 8; Epiât. 185, 9, 37-38.
3) Acta Saturnini, 19-20 Baluze; Col- 1; Optât, II, 1 cl 20.
lai. Carthag., III, 258; Optât, Il I ;
i
i 5) Augustin, Epist. 185, 9, 37.
ORGANISATION 159

attentats contre les évêques et les prêtres catholiques aux :

yeux des sectaires, ces crimes de droit commun trouvaient leur


excuse dans l'intérêt du parti, dans le dévouement fanatique de
vrais chrétiens pressés de faire régner sur la terre la paix de
Jésus et de Donat. Mais la sainteté donatiste a été bien souvent
compromise par d'autres distractions des « Saints ». Les annales
de l'Église schismatique sont pleines d'histoires scandaleuses :

proscriptions de rebelles, procès en malversations, aventures


galantes, anecdotes scabreuses. On nous parle de prêtres,
1
d'évôques donatistes, déposés à la suite de vilaines intrigues .

An début du v e siècle, l'évêque d'Aquae, près Thusurus, fut


convaincu d'adultère 2 Quelques années auparavant, un cer-
.

tain Gyprianus, évoque de Thubursicum Bure, avait été « sur-


pris avec une femme de mauvaise vie dans un mauvais lieu,
puis traduit devant Primianus de Carthage, et condamné » 3
.

On pourrait multiplier les exemples. Malgré leurs belles


phrases sur l'austérité et la pureté, les évoques et les clercs
schismatiques semblent avoir été plus faibles contre le Diable
que leurs compatriotes et collègues catholiques.
On étouffait ces scandales tant qu'on pouvait. On cherchait
surtout à les cacher aux Catholiques. Mais, peu à peu, les
langues se déliaient; les polémistes tiraient bon parti de ces
histoires, à commencer par Augustin, qui a pris soin de nous
renseigner. L'Église schismatique dut se rendre à l'évidence, et
introduire dans ses communautés de « Justes » les institutions
boiteuses de la justice humaine. Comme l'Eglise catholique,
elle avait ses tribunaux ecclésiastiques, qui connaissaient de
toutes les affaires religieuses, des questions de discipline, par-
fois même, de certaines affaires profanes. Un tribunal de ce
genre existait dans le diocèse d'Hippone, et, probablement,
dans tous les diocèses de l'Église schismatique*. En Numidie,
on pouvait en appeler au tribunal du primat ou au synode
provincial, puis à Carthage. Dans les autres régions afri-
caines, les appels étaient directement soumis au primat de
Carthage ou au concile général, dont relevaient tous les
évêques. On dut souvent sévir, prononcer des excommunica-
tions, déposer des évêques ou des clercs 5 On déposa même .

parfois le chef du parti Primianus au concile de Cabarsussa,


:

1) Collât. Carthag., I, 129-130; 201; III, 34, 40.


208; Augustin, Contra litteras Peliliani, 4) Episl. 33, 5.
11,26, 61; III, 34, 40. 5) Contra litteras Peliliani, III, 34,
2) Collât. Carthag., I, 208. 40; Collai. Carthag., 1, 129-130; 201;
3) Augustin, Contra litteras Peliliani, 208.
160 l'église donatiste

Maximianus au concile de Bagaï 1


. C'étaient de mauvais jours
pour la sainteté donatiste.
Une dernière question se pose à propos du Donatisme :

seulement un schisme, ou, en même temps, une héré-


était-ce
sie? - La réponse est facile pour des modernes elle l'était
- :

beaucoup moins pour les gens du iv e siècle.


En étudiant pièce à pièce l'organisation de l'Église dissi-
dente, nous y avons relevé des divergences avec l'Église catho-
lique africaine du temps, mais des divergences de détail, et
qui s'expliquent par l'instinct conservateur des schismatiques.
En somme, rien qui sente l'hérésie. Il y a, cependant, une
réserve à faire à deux reprises, des Donatistes se compromi-
:

rent un peu avec l'Arianisme. Vers 343, Donat le Grand reçut


une lettre synodale du concile semi-arien de Sardique; peu de
temps après, il publia un livre Stw la Trinité, où on l'accusa
d'avoir fait quelques concessions à la doctrine d'Arius 8
. Au
début du v e
Goths ariens commencèrent à
siècle, quand les
dominer l'Italie, des Donatistes, voyant leur Église persécutée
par les Catholiques, cherchèrent à se concilier les vainqueurs
du jour en déclarant adhérer à leur doctrine; d'autres admet-
taient que le Fils est inférieur au Père, mais de même sub-
stance'. Enfin, vers le milieu du v e siècle, Théodoret prétendait
que, sur la Trinité, les Donatistes étaient d'accord avec les
Ariens*. On peut négliger l'affirmation de Théodoret, qui était
mal renseigné sur les choses d'Afrique. Les autres témoignages
sont irrécusables, et les faits bien établis; mais on doit se gar-
der d'en tirer des conclusions exagérées. Augustin met les
choses au point la grande majorité des Donatistes étaient
:

parfaitement orthodoxes, quelques-uns seulement inclinaient


vers l'hérésie Ou plutôt, vers les hérétiques, et pour des rai-
s
.

sons où n'avait rien à voir. Comme au temps de Donat,


la foi
c'est pour des motifs politiques que l'on se rapprochait des
Ariens. D'ailleurs, ces tentatives de rapprochement restèrent
isolées, et n'eurent pas de suite. L'exemple des contemporains,
et d'Augustin lui-même, nous autorise à n'attacher aucune
importance à ces fantaisies théologiques de quelques dissi-
dents africains. Donc, pour l'historien moderne, aucun doute
n'est possible le Donatisme est simplement un schisme.
:

i) Augustin, Sermo II in Psalm. 36, 20 ; 3) Augustin, Sermo 183, 5, 9; Epist.


ra Cresconium, III, 53, 59; 56, 62. 18:;. 1.

2) Mansi, Conti/., t. III, p. 126; Jérôme, 4) Théodoret, llaereluzarum fabularum


De vir. ///., Epis t. 44, 3,
I ustin, cutnpeiidium, IV, 6.
6; Contra Cresconium, III. 34, 38; IV, 5) Augustin, Epist. 61, 2; 185, 1; Sermo
44, 183, 5, 9.
ORGANISATION 161

Mais que pensaient là-dessus les contemporains, et, avant


tout, les Africains? En
n'ont jamais pu se mettre
réalité, ils
d'accord, et cela pour deux raisons les mots, dans le lan- :

gage ordinaire, n'avaient pas alors la précision qu'ils ont


aujourd'hui puis, chacun des deux partis avait intérêt à tirer à
;

lui ces mots, et môme en divers sens selon les temps. Beaucoup
de Donatistes, comme Parmenianus, considéraient sincèrement
leurs adversaires comme des hérétiques et le fait n'a rien de '
;

surprenant, puisque les clercs dissidents traitaient en païens


2
les Catholiques convertis Quant aux polémistes catholiques,
.

ils ont beaucoup varié sur ce point. Dans l'entraînement des

controverses, ils appelaient souvent leurs contradicteurs des


hérétiques Mais, quand ils avaient des raisons de préciser, ils
3
.

pesaient davantage les mots. Chose curieuse, ils ont incliné


dans un sens ou dans l'autre, selon l'intérêt du moment. Jus-
que vers la fin du iv e siècle, les lois générales contre les héré-
tiques n'atteignaient pas encore les schismatiques. Aussi les
Catholiques africains, comptant sur la libre discussion pour
ramener leurs adversaires, les ménagent visiblement, répètent
que les Donatistes sont simplement des schismatiques, séparés
seulement de l'Eglise par le schisme même. C'est ce que pro-
clame Optât de Milev dans ses réponses à Parmenianus * c'est ;

aussi la pensée d'Augustin au temps de sa prêtrise et dans les


premières années de son épiscopat \ C'était, d'ailleurs, l'opi-
nion des hommes d'État et des empereurs les édits :

« d'union » n'auraient pas eu de sens, si le Donatisme avait

été autre chose qu'un schisme. Mais le jour vint où le schisme


africain fut légalement assimilé aux hérésies 6 Dès lors, les .

Catholiques s'évertuèrent à démontrer que ce schisme était


aussi une hérésie Par contre, les Donatistes commencèrent à
1
.

s'apercevoir que, même du point de vue de leurs adversaires,


8
ils étaient seulement des schismatiques Les deux partis avaient .

changé de thèse : conséquence singulière, mais très humaine,


d'une constitution impériale.
Depuis le début du v e siècle, les dissidents africains furent

1) Optât, I, 5; 10; 12. 4) Optât, I, 5; 10; 12; II, 1; III, 9;


2) Ibid., 11; Augustin, Enarr. in
111, V, 1.
Psalm. 143, 16; la Johannis Eoangelium 5) Augustin, Epist. 43, 1; 61, 1-2;
Iraclalus V, 13. Enarr. in Psalm. 54, 16.
3) Optât, 1, 3; IV, 6 et 8; Augustin, 6) Cod. Theod., XVI, 6, 4.
Epist. 29, 11; 61, 1; 66, 1 Sermo 62, ; 7)Augustin, E/nst. 87, 4; 93, 11, 46;
12, 18; Enarr. in Psalm. 35, 9; 54, 20; Contra Cresconium,U, 3-7, 4-9; De hae-
57, 6 et 15; 124, 5; Retracl., I, 20; Con- res., 69.
Ira Epistulam Parmeniani, I, 8, 13 ; Cou- 8) Contra Cresconium, 11, 3, 4.
Ira lilteras Petiliani, I, 1.

IV U
162 L ÉGLISE DONATISTE

officiellement traités en hérétiques. Vers l'année 400, un rescrit


d'Honorius avait ordonné de leur appliquer les lois qui inter-
disaient aux hérétiques de recevoir ou de faire des donations
ou des legs Vers la fin de 403, à la suite de l'attentat commis
1

contre son collègue Possidius, Crispinus de Calama fut con-


damné à une amende de dix livres d'or, en vertu de la loi de
Théodose qui visait les hérétiques Encouragés par cette sen- 2
.

tence, et poussés à bout par les violences de leurs adversaires,


les évêques catholiques, réunis à Carthage le 16 juin 404,
demandèrent à l'empereur d'assimiler définitivement le Dona-
tisme aux hérésies L'édit du 12 février 405 leur donna pleine
3
.

satisfaction. Honorius y proclame sa ferme résolution d'anéan-


tir cette secte qui « dans la crainte d'être appelée une hérésie,

se couvrait du nom de schisme », mais qui « par sa pratique


1
du second baptême, avait transformé le schisme en hérésie ».
C'est précisément entre les années 400 et 405 que les polé-
mistes des deux partis firent volte-face. Un Donatiste, Cresco-
nius, entreprit de démontrer que ses amis n'étaient pas des
hérétiques, qu'aucune divergence de doctrine ne les séparait
des Catholiques. A la confusion volontaire que trahissaient les
rescrits de l'Empereur et les arrêts des tribunaux, il opposa
une définition rationnelle des deux termes abusivement assi-
milés « Une hérésie, dit-il, est une secte composée de gens
:

dont la doctrine est différente un schisme est une rupture ;

entre gens qui ont la même doctrine ». C'était la première fois 5

qu'un Donatiste y voyait si clair. Augustin fut embarrassé. 11


ne trouvait pas décisif l'argument tiré du second baptême :

argument qui, depuis un siècle, n'avait pas empêché les Catho-


liques africains de voir dans leurs adversaires desimpies schis-
matiques. D'autre part, il approuvait et cherchait à justifier
l'édit impérial. Il imagina donc une définition ingénieuse et
assez singulière « Un schisme, dit-il, est une rupture récente
:

avec l'Eglise, rupture causée par quelque divergence d'opinions;


car il ne peut y avoir schisme, si ceux qui le font n'ont pas
quelque divergence d'opinions. L'hérésie est un schisme invé-
téré 6 ». D'après cette thèse curieuse, le schisme devient hérésie
par l'effet seul du temps. Cette explication, peu rationnelle en
apparence, pourrait être justifiée dans une certaine mesure par

1) Contra Epislulam Parmeniani, I, 4) Cod. Theod., XVI, (i, i.

12, 19. S \n •iisiin. Conlra Cresconium, II.

2) Epist. 88, 7; 105, 2, 4; Contra 3, 4.


Cresconium, III, 17,
:
. JI ; Possidius, Vita 6) Ibid., Il, 7, '.t. — Cf. Epist. 87, 4 ;

Augualini, 14. De haeres., 69.


3) Codex canon. Eccles. a/ric, can. 93.
CARACTÈRES ET RÔLE SOCIAL 163

des exemples historiques car souvent le schisme, à la longue,


;

se complique d'hérésie. Mais ce n'était pas le cas pour le Dona-


tisme, qui n'avait nullement varié depuis sa naissance. Il n'est
donc pas certain que, sur ce point, Augustin ait raison contre
Cresconius. Mais le fait légal était acquis depuis la loi de 40">,
:

confirmée par bien d'autres, et sauf le court entr'acte de la Con-


férence de 411, le Donatisme fut définitivement assimilé aux
hérésies, traité et proscrit comme tel.

VIII

Caractères et rôle du Donatisme. —Causes apparentes et causes profondes du


schisme. — Rivalité du primat de Numidie et de l'évêcpje de Carthage. Fidé- —
lité aux traditions locales. — Dévotion et intransigeance des Africains. Etat —
social du pays. —Mécontentement d'une partie de la population. Principe —
du schisme. — Esprit conservateur et intransigeant. —
La véritable Eglise. —
Haine contre les Catholiques et contre les païens. —
Calomnies populaires. —
Controverses. — Refus de discuter avec les Catholiques. —
Objet et caractère
des polémiques. —Protestations contre l'intervention du pouvoir séculier. —
Appels à la violence et aux passions populaires —
Les Circoncellions. Cucrre —
religieuse et guerre sociale. — Les Donatistes modérés et les intransigeants. —
Rôle des clercs donatistes dans les émeutes et les attentats des Circoncellions. —
Dans quelle mesure on peut considérer le Donatisme comme un parti d'opposi-
tion politique ou un mouvement uational. —
Rôle du Donatisme dans l'histoire
du christianisme africain.

L'histoire et l'organisation du Donatisme permettent d'en


déterminer avec assez de précision les causes réelles et durables,
les caractères dominants et les principes, les aspirations, le rôle
social et politique.
Tout d'abord, on doit distinguer entre les causes apparentes,
accidentelles, et les causes profondes du schisme. L'origine
immédiate du Donatisme est dans les surprises de la persécu-
tion de Diocléticn, dans cette question des lapsi qui avait déjà
produit les schismes du temps de Cyprien, dans la difficulté de
régler la situation des innombrables chrétiens qui avaient faibli
d'une façon ou d'autre en face des persécuteurs. Avant môme
le rétablissement de la paix religieuse, le malentendu éclate
dans le manifeste des martyrs d'Abitina, dans la réunion des
évêques numides à Cirta, dans la correspondance du primat
Secundus avec Mensurius de Carthage, dans la campagne d'in-
vectives contre Mensurius et son archidiacre A ces malenten- 1

dus s'ajoutent des querelles de personnes, des jalousies, des


rancunes, les intrigues de Donat des Cases Noires, de Lucilla,

1)Acla Saturnini, 16-20 Baluze; Optât, 111, 27, 30: Brevic. Collai., III, 13, 25 et
1, 13-16; Augustin, Contra Cresconium, suiv.; Contra Gaudentium, 1,37, 47.
.

164 L'EGLISE DONATISTE

des seniores prévaricateurs, des prêtres ambitieux et déçus


1
.

Ces malentendus et ces intrigues aboutissent à une rupture


définitive, après l'élection de Caecilianus comme évoque de
Carthageen 311 \ Tout cela peut expliquer un schisme restreint
et momentané, mais non la rapide extension, la popularité et
la durée séculaire du Donatisme. Il y eut évidemment d'autres
causes, des causes profondes, dont l'action sourde s'exerçait
depuis longtemps et continua d'agir sur les générations succes-
sives.
La première de anormale de ces causes était l'organisation
l'Eglise provinces ecclésiastiques, alors à
africaine, où les
peine ébauchées, n'eurent jamais une véritable autonomie, où
le pays tout entier, de la frontière de Cyrénaïque à la frontière
de Tingitane, dépendait de l'évoque de Carthage, où cependant
l'évêque de Carthage exerçait l'autorité d'un patriarche sans en
avoir le titre De là, des jalousies entre les évêques des
3
.

diverses provinces, et une défiance persistante à l'égard de leur


chef commun jalousies et défiance dont sortiront plus tard
:

de nouveaux schismes dans l'Eglise schismatique elle même*.


La seconde cause, liée à la première, était la rivalité tradi-
tionnelle entre le primat de Numidie et l'évêque de Carthage.
Les circonstances de l'élection de Caecilianus, en 311, sont là-
dessus très caractéristiques. Par suite de diverses intrigues,
l'élection fut brusquée, et se fit, nous dit-on, « en l'absence
8
des Numides » D'où un vif mécontentement des Numides,
.

qui, à tort ou à raison, prétendaient être consultés sur le choix


du chef de l'Eglise africaine 6 Aussi la première mesure des .

dissidents de Carthage fut-elle d'appeler les Numides. Ceux-ci


accoururent avec leur primat Secundus ils composèrent à eux :

seuls tout le concile, et se vengèrent en déposant le chef élu


sans leur aveu". Plus tard, dans l'Eglise de Donat, les Numides
continuèrent de jouer un rôle prépondérant 8 à la Conférence ;

1) Optai, I, 16-18; Augustin, Epist. 13, 19, 51; ('oui ><i Cresconium, IV, 6, 7; 58,
ti, 17; (nuira Cresconium, II, 1, 2; III, 69; Sermo II in Psalm. 36, 20; Epist.
28, 32; Brevic. Collât., III, 12, 24. 87, 10; 9.'{, 1 cl suiv.: 185, 4, 17.

2) Geslit apud Zenophilum, p. 185 cl 5) Ut absenlihus Numidis soli vicini


«

194-196 Zhvsa; Optât, I, 19-20: Augustin, episcopi peterentur, qui ordinationem apiul
Contra Cresconium, III, 28, 32; Brevic. Carlhaginem cclebrarenl (Optât, I, 18). •

Collât., III, 1i, 26: 16, 29; Episl. 43, 2, 6) Augustin, Brevic. Collai., III, 16, 29.
:, 5, 14. 7) Oplat, 1, 19-20; Augustin, Episl. 13,
'.i) Cf. Tome III, p. 85 et sui?. ; Brevic. Collât., III, 14, 26; 16, 29.
. igustin, Contra Epislulam Parme- 8) Collât. Carlhag., I, 105; Augustin,
niani, I, 10, 16 cl suiv. Contra tilteras; Epint. 129, 6: Sermo 46, 15, 39 Enarr.
:

Peliliani, II, Catholicos


s.'J, 184; Ad Il in Psalm. 21, 26; Contra Cresconium,
Epislula contra Donalistas, 3, 6 li,36: ;
III, 52, 58 el sui\
CARACTÈRES ET RÔLE SOCIAL 165

de 411, leur primat aura encore la préséance sur le primat de


Cartilage '.

A ces rivalités, à ces jalousies entre évêques des diverses


provinces africaines, on doit ajouter d'autres causes, d'ordre
psychologique, moral, ou même politique le caractère des :

chrétiens d'Afrique, leur dévotion et leur intransigeance, leur


fidélité aux traditions locales, leur prétention de régler entre
eux leurs affaires, prétention qu'affichaient déjà les Catholiques
du pays au temps de Cyprien, et qu'ils conserveront parfois
même au temps d'Augustin *. La dernière cause, et non la
moins efficace, est dans l'état social de l'Afrique, où la misère
était grande depuis le milieu du e
siècle m
où le parti de la 3
,

misère était acquis d'avance à tous les mécontents, où ce parti


trouvait des réserves inépuisables dans une population indi-
gène restée barbare, et souvent, ignorante môme du latin'.
Toutes ces causes, surtout la dernière, expliquent le succès
rapide et durable du Donatisme. La propagande des schisma-
tiques a été infatigable, et habile mais le plus sûr agent de
:

propagande a été le mécontentement d'une bonne partie des Afri-


cains.
Ce qui, dans le Donatisme, a séduit l'âme des populations
africaines, ce sont précisément
ces principes exclusifs, ces
intransigeances sectaires, que lui reprochaient les Catholiques.
Pour la doctrine, il n'apportait rien de nouveau. C'était là une
condition négative, mais essentielle, du succès. L'Afrique
latine était la terre classique de l'orthodoxie. Elle n'entendait
rien et ne s'intéressait guère aux spéculations théologiques.
Jusqu'au temps d'Augustin, elle n'a pas produit de véritables
théologiens. Elle se tenait ferme à la foi qu'elle avait adoptée.
Elle n'adonné naissance à aucune hérésie proprement dite; et,
sauf dans quelques grandes villes voisines de la côte, elle n'a
guère accueilli les hérésies étrangères. Or, le Donatisme,
indifférent sur le dogme, est resté fidèle à l'orthodoxie tradi-
tionnelle en dépit des fantaisies semi-ariennes de quelques
;

sectaires, il n'est jamais tombé dans l'hérésie \ En revanche, il


répondait aux aspirations des Africains par son principe
même, par sa théorie réaliste du rôle de l'homme dans les

1) Collât. Carthag., I, 14; 148; 157; 4) Optai, III, 4; Augustin, Epist. 66,2:
III, 258. 108, 5, 14; 209, 3; In Johannis Epislu-
2) Cyprien, Episl. 69-74; Codex canon. lam tractalus, II, 3.
Eccles. a fric, can. 2S et 120. 5) Optât, I, 5; 10-12; 11, 1 ; Augustin,
3) Cf. Toutaiu, Les cités romaines de Epist. 61, 2; 185, 1 ; Sermo 183, 5, 9.
la Tunisie (Paris, 1895), p. 363 et suiv.
166 L'ÉGLISE DONATISTE

sacrements, par ses instincts conservateurs, par son respect


des traditions évangéliques ou africaines, par son intransigeance
systématique, par sa dévotion exigeante, par la sévérité de sa
discipline, par sa conception de l'Église qui entraînait l'auto-
nomie du christianisme local, par son exclusivisme national,
par la fatalité qui le mit en opposition avec l'autorité politique.
Le principe du schisme était fort séduisant pour des Ames
simples, et semblait s'imposer à la conscience des honnêtes
gens. Suivant les théoriciens du parti, l'efficacité des sacre-
ments dépendait des dispositions subjectives, de la valeur
personnelle de celui qui les conférait non seulement de la :

rectitude de sa foi, mais encore de sa dignité morale '.Les


Catholiques repoussaient cette conception à cause des difficultés
inextricables qu'elle entraînerait dans la pratique, à cause du
danger qu'il y aurait à subordonner la validité des sacrements
aux enquêtes préalables ou rétrospectives sur la vertu de tel
ou tel clerc; ils admettaient donc que tout sacrement adminis-
tré selon les rites était valable, parce que Dieu seul opérait'.
On ne peut nier, cependant, que le principe adopté par les
Donatistes fût conforme à l'esprit de l'Evangile et des commu-
nautés primitives. Cette théorie était de nature à séduire la
logique populaire, peu disposée à admettre qu'un coquin pût
ouvrir aux honnêtes gens les portes du Paradis. Quant aux
conséquences du principe, elles se tiraient d'elles-mêmes. Puis-
que tous les évoques donatistes dispensaient les sacrements,
c'étaient tous des saints; de leur sainteté participaient les
prêtres et autres clercs ordonnés par eux. Au contraire, tous
les clercs catholiques étaient coupables ou suspects; les sacre-
ments qu'ils conféraient étaient nuls, parce que tous ces clercs
étaient, pour le moins, les héritiers et les complices des
3
traditeurs Ainsi, par son principe seul, l'Église de Donat
.

imposait à la foule de ses adeptes le respect de ses clercs et le


mépris de l'Église rivale.
Parson esprit conservateur, elle flattait en même temps la
dévotion ardente du chrétien et le patriotisme local de l'Afri-
cain. Elle prétendait se rattacher directement à la tradition
apostolique, conserver ou faire revivre l'idéal évangélique*.

1) Optai, V, 4 7: Augustin , Contra lit- III, 11; Augustin, Contra litteras l'eti-
teras Peliliani, II, 2-7, 1-16; 32-37, liant, II, 32, 72 ; 33, 77; 50-54, 115-123;
72-85. De unico baplismo, 11,19.
2) Optât, V, 4: Augustin, De baplismo, . Passio
\i aveuli, p. 762 Migne;Au-
I, 2, 3 cl suiv. ; Contra lit leras Peliliani, ^uslin.Contra litteras Petiliani, II, 1,
II, 2, 5; 5, H. 2; Sermo II in Psalm. H6, 20.
3) Aria Salurnini, 19 Baluze; Optât,
CARACTERES ET ROLE SOCIAL 167

Comme aux temps héroïques du christianisme, en elle se sentait


communion permanente avec présence l'Esprit Saint, dont la

se manifestait aux plus incrédules par les miracles et les


visions Elle ravissait les fidèles par les pratiques multipliées
1
.

d'une dévotion exigeante, comme par la sévérité théorique


de sa discipline
!
d'autant mieux que cette sévérité de
:

principe ne l'empêchait pas de se prêter, en fait, aux accom-


modements". En face des trahisons et des corruptions de l'autre
Église, elle prétendait offrir au monde le merveilleux spectacle
4
d'une Église de Saints Et ces Saints étaient d'autant plus
.

chers au peuple, qu'ils témoignaient en toute chose d'un


étonnant respect pour les vieilles traditions de l'Eglise africaine.
Dans l'organisation matérielle, dans la hiérarchie et la liturgie,
ils ne différaient des Catholiques que sur les points où ces

traîtres de Catholiques avaient renié l'usage national quand :

l'on incriminait ces divergences, les évêques donatistes répon-


daient simplement, avec l'approbation de la foule, qu'ils
5
suivaient l'exemple de leurs pères S'ils ouvraient et lisaient .

leurs livres saints, on y reconnaissait les vénérables textes


bibliques qui avaient été en honneur aux temps glorieux de
Cyprien 6 Ils n'avaient rien changé aux habitudes des popula-
.

tions; et l'on connaît la mentalité des dévots, qui n'aiment


pas à être troublés dans leurs habitudes. L'Eglise de Donat
unissait en elle les deux traditions chères à ces passionnés
chrétiens d'Afrique elle était en communication avec l'Esprit
:

Saint, comme les Apôtres elle rebaptisaitles hérétiques, comme


;

Cyprien.
Son intransigeance théorique était en harmonie avec l'in-
transigeance naturelle du tempérament africain. Tout en
ménageant l'intérêt du parti, tout en sacrifiant aux nécessités
du moment les évêques donatistes ont toujours su sauvegarder,
7
,

aux yeux des foules, la souveraineté de leurs principes exclusifs.

1) Acta Salurnini, 17-20 Baluze Passio ; 4) Optât, II, 1; 14; 20; III, 4; Augus-
Marculi, p. 763-164 Migne; Passio Maxi- tin, Epist. 108, 7, 20; Contra lit 1er as

miani et Isaac, p. 768-771 Migne; Augus- Peliliani, II, 20, 44; De unico baptismo,
tin, In Johannis Evangelium tractntus 14, 24; Collât. Carthag., III, 258.
XIII, 17; Sermo II in Psalm. 36,20; Ad 5) Augustin, De baptismo, 1, 1 ; 18, 28 ;

Calholicos Epislula contra Donalistas, II, 1, 2 et suiv.; Contra Cresconium, II,

19, 49; Contra Cresconium, 111, 53, 59. 31, 39; III, 1 et suiv.; Epist. 93, 10, 35.
2) Optât, II, 26; 111, 11; Acta Salur- 6) RetracL, I, 20, 5; Contra /Ultras
nini, 16-20 Baluze; Augustin, Contra lit- Peliliani. II, 6, 12 et suiv. Collai. Car-
;

teras Peliliani, II, 56, 127 et suiv. ;


III, thag., Ili, 258.
32, 37. 7) Optât, II, 16; Augustin, Epist. 53, 3,
3) Augustin, Episl. 51, 4; 53, 3, 6; 93, 6; 93, 10, 43: 105, 2, 9; Contra lilleras
10, 43; 108, 2, 4-5; Contra Cresconium, Peliliani, II, 92, 203; 97, 224; Contra
III, 15, 18: 60, 66. Cresconium, III, 15, 18; 60, 66.
168 l'église donatiste

Ils faisaient profession de maintenir inviolables les règles de


la hiérarchie, de la liturgie et de la discipline Cette soumission 1
.

héroïque à la règle facilitait beaucoup la tâche des évêques, et


frappait d'admiration le vulgaire, qui aime les solutions
simples et les hommes tout d'une pièce. A cette abnégation
sublime, volontaire des clercs de Donat, on
à cette rigidité
opposait conduite équivoque des Catholiques, leurs hésita-
la
tions, leurs décisions contradictoires, leur oubli des traditions,
leur politique de concessions et de compromis, avec des
accès de sévérité ou de violence \ Sans doute, cette intransi-
geance des clercs donatistes leur attira bien des difficultés avec
le pouvoir séculier, et déchaîna contre eux des persécutions;
mais ils en furent d'autant plus populaires. Par cette attitude,
ils flattaient l'esprit d'opposition chez les mécontents si
nombreux en Afrique, colons ou indigènes ils couronnaient :

toutes leurs vertus de l'auréole du martyre


3
.

La conception donatiste de l'Église n'était point non plus


pour déplaire aux Africains, puisqu'elle aboutissait, en fait,
à la constitution d'une Église exclusivement nationale. Les
théoriciens du parti ne niaient pas que la véritable Église, en
principe, fût universelle. Ils accordaient même qu'elle s'était
étendue autrefois sur tout l'Empire romain, jusque chez des
populations barbares. Mais ils ajoutaient que, de leur temps,
elle se maintenait seulement en Afrique. Les chrétiens de
Home et de tous les pays étrangers s'étaient perdus en se
solidarisant avec les traditcurs africains, dont ils étaient
devenus les complices inconscients et qui leur avaient commu-
niqué la souillure héréditaire. Désormais, il n'y avait plus de
chrétiens authentiques que dans les communautés du parti de
Donat*. A l'appui de cette thèse surprenante, les schismatiques
invoquaient même des textes de l'Écriture. Aux innombrables
eitationsdes Catholiques sur l'Église universelle, ils opposaient
surtout ce verset du Cantique des Cantiques « Indique-moi, :

toi que chérit mon âme, où tu fais paître ton troupeau, où tu

{) Optât, II, 21-26; III, 3; Augustin, Collai. Carlhag., II, 10; III, 2S8; Augus-
Con/ra Epistulam Parmeniani, II, 13, lin, Contra litteras Peiiliani, II, IN.

:;l : Epist. 23, 5; 44, 5, 12; 93, 4, 14; 40: 23, 51: 71, 15!); 75, 167: 76, 169.
Collât. Carlhag., III, 258. I Optât, II, 1-13; Collât. Carlhag.,
i Optât, III,' 1: Augustin, Epist. H",, III, 258; tugustin, Epist. 93, lu, 44;
1-2; Contra litte.ras Peiiliani, II, '.t.. Conlra Epistulam Parmeniani, I, 1-4,
127 cl suiv.; III, 32, 37 et suiv.; Conlra 1-6; II, 1-9, 1-18; Brevic. Collât., III,

onium, II, 10, 12: IV, 15, 17. SU, 10-23.

3) Passio Marctili, p. 761 et 766 Migne;


CARACTÈRES ET RÔLE SOCIAL 169

reposes dans le midi, in mendie »'. Ce midi, c'était l'Afrique.


La Bible légitimait les prétentions de la secte 2
.

Donc, seule au monde, l'Église de Donat représentait la véri-


table Église. Elle repoussa toujours les noms dédaigneux que
lui donnaient ses adversaires, et par lesquels nous la désignons
encore pars Donati, ou schisma Donati, ou Donatistae
: Pour 3
.

ses fidèles, elle était simplement l'Église catholique, la vraie,


la seule. Elle n'a jamais cessé de réclamer ce titre. En 313, le
réquisitoire des dissidents contre Caecilianus fut présenté au
nom de l'Eglise catholique (Libellas Ecclesiae cathoiïeae''). En
314, dans le procès de l'évêque Félix d'Ahthugni, leur avocat
commença son discours par ces mots « Je parle au nom des :

5
setiiores du peuple chrétien de la Loi catholique... ». Quelques
années plus tard, un pamphlétaire du parti invoquait le mani-
feste des martyrs d'Abitina pour démontrer que son Eglise était
». Un
1

« l'Eglise sainte, la seule, la véritable Eglise catholique

autre pamphlétaire, pour expliquer le malentendu sur le nom,


mettait en cause le Diable lui-même Satan avait réussi à con- :

server aux traditeurs ce nom vénéré de Catholiques, pour faire


croire au monde que les vrais Catholiques étaient des héré-
tiques '. Tous la secte ont soutenu énergique-
les polémistes de
ment la même A
Conférence de 411, de vives discus-
thèse. la
sions s'engagèrent là-dessus entre les deux partis, dont chacun
8
prétendait représenter l'Église catholique Les Donatistes .

n'ont jamais varié ni cédé sur ce point. A grand renfort de


textes bibliques, ils analysaient un à un tous les caractères de la
véritable Église catholique, pour conclure naturellement que
ces caractères se trouvaient seulement dans l'Église de Donat \
Et cette conclusion ravissait leurs fidèles, en chatouillant
l'amour-propre de ces naïfs Africains, qui étaient fiers de pos-
séder, dans leur Église jalousement nationale, le seul rameau
encore vert de l'Église universelle.
Un des traits les plus marqués du Donatisme, d'un bout à
l'autre de son histoire, c'est le dévouement fanatique de ses

1) Canlic, 1,6. 6)Acta Salurnini, 20 Baluze.


2) Augustin, Epist. 93, 8, 24-25 ; Ad 7)Passio Donati, 3.
Catholicos Epislula conlra Donalislas, 8j Collât. Cartkag., III, 22: 75-76;
19, 51. 91-93; 258; Augustin, Brevic. Collât., III,
3) ÎAcla Saturnini, 1 et 16 Baluze; 3, 3; 4, 5.
Passio Donati, 3; Collât. Carthag., III, 9) Oplat, II, 1-13; Collât. Carthag.,
22; 75; 91-93; 258; Augustin, Brevic. III, 258; Augustin, Epist. 93, 10, 44;
Collai., III, 3; 4, 5.
3, Contra Epistu/am Parmeniani, I, 1-4,
4) Augustin, Epist. 88, 2; 93, 4, 13. 1-6; II, 1-9, 1-18; Brevic. Collai., III,

5) Acta purgalionis Felicis, p. 19S 8-11, 10-23.


Ziwsa.
170 l'église donatiste

adeptes, et la haine non moins fanatique dont ils poursuivaient


les Catholiques. La première raison qu'ils avaient d'exécrer
l'Eglise rivale, c'est que cette soi-disant Eglise, malgré son
indignité et sa déchéance irrémédiable, usurpait le nom sacré
de Catholique, s'en parait aux yeux du monde grâce à la com-
plicité des gens d'outre-mer, et reléguait ses adversaires dans
la vulgaire catégorie des hérétiques ou des schismatiques 1 Le .

second motif de haine, c'est que l'Église des traditeurs était


l'Église officielle, qu'elle pouvait compter sur l'appui du pou-
voir séculier, que périodiquement elle provoquait et déchaî-
nait la persécution La troisième raison, peut-être la plus
2
.

forte, c'est que les fidèles des deux partis étaient en présence
dans toutes les villes et dans la plupart des bourgs, se mena-
çant de l'œil et du poing, se disputant les âmes, les terres et
les basiliques ils se haïssaient d'une haine de frères ennemis
3
: .

Chez Catholiques, ce sentiment était ordinairement contenu


les
par un reste de charité chrétienne, par la modération relative
des évêques et du clergé. Chez les schismatiques, au contraire,
les clercs et les évêques donnaient fréquemment l'exemple de la
violence rien n'arrêtait les passions brutales de la foule, ni
:

les appétits grossiers des indigènes toujours prêts à piller pour


la gloire de Dieu. L'idéal évangélique de l'Eglise des « Saints »
devenait trop souvent, dans la réalité, une école de haine, de
pillage et de meurtre.
Les Donatistes ne se croyaient pas tenus à plus de ménage-
ments envers un Catholique qu'envers un païen. Or, tout leur
semhlait permis à l'égard des idolâtres les menaces, les :

attaques à main armée, les injures et les coups. Donatistes et


Circoncellions aimèrent toujours à surprendre les païens au
milieu de leurs cérémonies ils tombaient sur eux à l'impro- :

viste, brisant tous les objets du culte, frappant les gens à


l'aveugle. S'ils n'étaient pas les plus forts, ils obtenaient du
moins le martyre*. Après les lois de 399, qui ordonnaient la
destruction des temples, ils se firent les exécuteurs bénévoles
des volontés impériales ils redoublèrent de zèle dans leur :

campagne contre l'idolâtrie, brisant le mobilier et les instru-

1) Passio Donali, 3; Collai. Carlhag., suiv. ;


Voila/. Carlhag., III, 25S.
IH,22; 75; 91-93; i>58: Optât, II, 1-13; 3 Optât, 1, 3; II, 18-19; III. 1 et 10;
lin, lirevic. Collut., lll, 3, 3. IN. 2: Collai. Carlhag., I, 99-143; 151-
2j Passio Donali, l-."'>; Optât, I, 5 6 et 210; Augustin, Relract., II. 53, 1 ; Episl.
22; III. VU, 6; Augustin,
1-10; IV. I; 23,5; 33.:.; 108,6, 17-19; 185,4,15;
Contra Epistulam Parmeniani, I, 8, 13; Possidius, Vita Avguslini, x-16.
9, 15; 10, 16; Conlra litleras Petiliani, 4) Augustin, Episl. 185,3, 12; Contra
II, 18, 40; 19, 42: 20, 44; 19, 175 et Gaudenlium, I, 28, 32.
CARACTÈRES ET RÔLE SOCIAL 171

ments du culte, maltraitant les personnes, rasant les temples


ouïes transformant en basiliques
1

Pour l'Église de Donat, les Catholiques étaient de vulgaires


idolâtres. En livrant les Écritures pendant la persécution de
Dioclétien, ou en se solidarisant avec les traîtres qui les avaient
livrées, en acceptant leur héritage, ils avaient perdu tout droit
au titre de chrétiens leur baptême, tous leurs sacrements,
:

2
tous leurs rites étaient nuls Pour les pamphlétaires du parti .

de Donat, les Catholiques étaient les alliés du Diable, les sup-


pôts de Satan On racontait, et le vulgaire croyait, que leurs
3
.

cérémonies étaient réellement entachées d'idolâtrie En 347,


quand Macarius et Paulus avaient parcouru l'Afrique pour y
faire appliquer l'édit d'union, ils avaient, disait-on, contraint
les fidèles d'adorer une image placée sur l'autel '. Ces racontars
trouvaient encore créance soixante ans plus tard, et, vers 108,
Augustin pouvait écrire « Combien de Donatistes hésitaient à :

franchir le seuil de notre Eglise, arrêtés par les propos des


calomniateurs On leur répétait que nous placions je ne sais
!

quoi sur l'autel de Dieu ». En 378, l'évêque donatiste de Rome


"'

avait prétendu démontrer que le pape Damase lui-même était


un païen ". La plupart des dissidents africains croyaient sincè-
rement que les soi-disant Catholiques étaient des idolâtres; et,
naturellement, ils les traitaient en conséquence.
On n'imaginerait pas jusqu'où allait cette haine, si l'on n'en
connaissait, par des témoins irrécusables, les manifestations
odieuses, naïves ou burlesques. Laissons de côté les attentats
proprement dits, les massacres, les meurtres isolés, tous les
exploits des Circoncellions et du fanatisme déchaîné. Voyons
simplement les Donatistes à l'œuvre dans leur vie de tous les
jours, écoutons les mandements de leurs évêques, suivons ces
prélats dans leurs tournées épiscopalesou de propagande.
Un Donatiste qui se respectait ne devait jamais saluer un
Catholique, ni répondre à son salut ainsi le prescrivaient de :

nombreux évêques 11 ne devait pas s'asseoir dans la même


7
.

s
salle qu'un Catholique
9
ni lui permettre de l'appeler son frère
,
,

ni lui donner sa fille en mariage "\ ni l'aider en quoi que ce fût.

1) Conlra Epislulam Parmeniani, I, Augustin, Episl. 93, 5, 17.


5)
i0, 16: Contra Gaudentium, I, 38, 51. Epistula concilii romani ann.
6) 378
2) Oplat, Augustin, Episl. 35, 3;
111, 11 :
(Mansi, ConciL, t. III, p. 626).
Enarr. in Psalm. 145, 16; Contra litte- 1) Optât, IV, 5.

ras Petiliani, II, 32, 72 et suiv. 8) Collât. Carihag., I, 144-145; II,

3) Acta Saturnini, 2 Baluzc Passio ;


3-6.
Donali, 3; Augustin, Conlra litleras Peli- 9) Optât, I, 3; IV, 2.

liani, 11, 17, 38. 10) Augustin, Sermo 46, 7, 15.


4) Optât, 111, 12.
172 l'église donatiste

Pour justifier toutes ces prohibitions, les mandements épisco-


paux alléguaient des textes de l'Ecriture. Les évêques dissidents
ne désarmaient pas même devant la mort dans les villes où ils :

étaient les maîtres, ils interdisaient d'ensevelir les Catholiques


dans les cimetières chrétiens'. Parfois ils condamnaient les
vivants à mourir de faim un évoque d'Hippone défendit aux :

boulangers de son diocèse de cuire le pain des Catholiques La 9


.

plupart des évêques donatistes avaient pour principe de ne


jamais répondre aux lettres de leurs collègues de l'Église offi-
3
cielle .

La haine s'affirmait principalement dans tout ce qui touchait


au culte. La présence d'un Catholique dans un sanctuaire des
« Saints » était une souillure. Défense expresse aux Catholiques

d'entrer dans une église des dissidents à Hippone, un clerc :

veillait aux portes et arrêtait les intrus, qui n'auraient pu


sans grand risque franchir le seuil Quand une basilique avait '.

été enlevée à l'ennemi, elle ne pouvait être consacrée au nou-


veau culte qu'après une purification complète. On commençait
par briser les calices et tout le mobilier liturgique, dont on ven-
dait les morceaux \
on rasait ou l'on brûlait l'autel tout
Puis, ;

au moins, on énergiquement, de façon à effacer toute


le raclait
trace des mains de l'officiant sacrilège". Enfin, on lavait avec
7
de l'eau salée le dallage et les murs Quant aux Catholiques qui .

se ralliaient, on les assimilait aux païens, même les reli-


gieuses, les clercs ou les évêques, qui étaient astreints à la
pénitence, à un nouveau baptême, à une nouvelle consécra-
8
tion C'est surtout au temps de Julien que triompha le fana-
.

tisme épiscopal du Donatisme. Des évêques numides, suivis de


bandes d'énergumènes, se mirent en campagne pour reprendre
les églises et ramener les populations au vrai christianisme. Ils
parcoururent ainsi une grande partie de la Numidie et de la
Maurétanie, terrorisant les villes et les campagnes, donnant
l'assaut aux basiliques et purifiant les ruines, bousculant les
fidèles, massacrant des clercs, exorcisant les Catholiques,
humiliante plaisir les évêques, les prêtres ouïes diacres qui
venaient à eux de gré ou de force. Ils poussèrent la piété dona-

1) Optât, VI, 7. 5) Optât, VI. 2.

2) Augustin, Contra lilleras Pelilianî, 6) laid., VI. I.

Il, l 7) Ibid., Il, 21 : VI, 6. — Cf. Augustin,


r
Ibid., I, 1 ; Epist. 3. j, 1 ; 43, 1 ; 87, Epist. 108, :;. l
',.

6 el m : 107, I. 8) Optât, II, 19-26; VI, 4; Augustin,


Sernio 46, 13, 31.
4) — Cf. EptBt 108, l><> unir» haplismo, II, 19 Collai. Car- ;

5,14. ///</</., I, 197-198 201-203. :


CARACTÈRES ET RÔLE SOCIAL 173

tiste jusqu'au sacrilège, lançant par les fenêtres les ampoules de


saint chrême, jetant l'eucharistie aux chiens '.

Mêmes sentiments dans toute la littérature et dans tous les


documents du parti on peut dire que la haine fut la Muse de :

la polémique donatiste. Logiquement, cette haine aurait dû


couper court à toute controverse. En effet, les Donatisles
avaient pour maxime, pour règle de conduite, qu'on ne devait
jamais discuter avec un Catholique. La plupart d'entre eux se
dérobaient à toutes les questions de leurs adversaires, ne
répondaient pas à leurs lettres, déclinaient systématiquement
2
toute proposition de conférence publique ou privée Optât de .

Milev s'en plaignait vivement « Bien des gens, dit-il, ont :

souvent souhaité que, pour découvrir la vérité, une discussion


s'engageât entre quelques-uns des défenseurs des deux partis.
La chose n'a pu se faire. Les Donatistes empêchent tout rap-
prochement, ferment leurs portes, évitent de siéger avec nous,
refusent de s'entretenir avec nous » Cette attitude était dictée 3
.

aux schismatiques par des mobiles d'ordres divers. D'abord, la


crainte de compromettre leur sainteté dans le commerce des
coupables, de contaminer leur vertu au contact des sacrilèges.
Puis, l'amour du mystère des petites chapelles, l'horreur de la
publicité, le souci de dérober aux curiosités de la foule et de
réserver aux évêques le domaine de la théologie ou de la litur-
gie Petilianus de Constantinese plaignait de ce que les Catho-
:

liques, en initiant le vulgaire aux débats sur le baptême, « pro-


duisaient les mystères au grand jour »\ Ce qui expliquait
encore la discrétion des schismatiques, c'était la peur que leur
inspiraient certains polémistes redoutables de l'autre Eglise.
Augustin vit se dérober prudemment la plupart des évêques
dissidents à qui il proposa des conférences contradictoires, et
qui couvraient leur retraite en lui reprochant son humeur
5
querelleuse On lui cachait même les ouvrages des sectaires,
.

qu'il eut souvent beaucoup de peine à se procurer « Pourquoi, :

dit-il, les Donatistes ne veulent-ils pas converser avec nous?...

L'auteur même de la Lettre que j'ai entrepris de réfuter, si on


le pressait de signer et d'avouer son ouvrage, ne le ferait
peut-être pas tant ils craignent que nous ne tenions quelques
:

mots d'eux! En elïet, je désirais me procurer la seconde partie


1) Optât, II, 17-19. 3) Oplat, I, 4.

2) lbid., I, 4; Augustin, Conlra lille- 4) Augustin, De unico baplismo, 1, 2.

ras Petiiiani, I, 1 ; 19, 21 : Conlra Cres- 5) Epist. 35, 51, 1 66, 2


I 87, 1 cl
; ; ;

conium, 111, 45, 49; 46, 50 ; Epist. 35, 6 ; 88, 10-12; Conlra litteras Peliliant,
1 ; 43, 1 ; 76, 4 ; .87, 6 ; 88, 7 ; 105, 4, 1, 1 ; Contra Cresconium, I, 3, 4-5.
13; 107, 1.
174 l'église donatiste

de cette même Lettre, parce que mes correspondants n'avaient


pu obtenir une copie de tout l'ouvrage or, aucun de ceux à :

qui l'on a demandé la fin, n'a voulu la donner, quand ils ont su
que je m'étais mis à réfuter la première partie »'. Jusque dans
leurs conciles, les évoques donatistes s'inspiraient du même
principe. En 403, ils furent unanimes à repousser les proposi-
2
tions officielles de conférence, faites par les Catholiques Huit .

ans plus tard, ils ne vinrent à la Conférence de Carthage que


malgré eux, de mauvaise grâce, à la suite d'une longue persé-
cution, dans l'espoir chimérique d'un retour de fortune 3
.

Généralement, quand on leur parlait de discuter, ces Dona-


tistes si batailleurs devenaient muets et tournaient le dos.
Ils n'en étaient pas moins, quand ils le voulaient, d'assez
redoutables polémistes. Malgré leur aversion théorique pour
la controverse, ils furent amenés bien souvent, et de plus en
plus, à justifier leurs doctrines ou à réfuter celles de leurs
adversaires. Ils y furent contraints par la nécessité, soit de se
disculper auprès des empereurs et d'éclairer l'opinion publique,
soit de prémunir leurs
fidèles contre la propagande de l'autre
Eglise, soit de se défendre contre les attaques pressantes des
écrivains catholiques, soit de confirmer les excommunications
lancées par eux contre leurs propres schismatiques. Ajoutons
que les modérés du parti consentirent parfois à discuter dans
4
îles conférences publiques ou par correspondance Ainsi est .

née la riche littérature polémique du Donatisme. On y compte


de nombreux traités, des lettres, des pamphlets fort curieux;
la controverse ou l'invective s'est glissée jusque dans les ser-
mons, les relations de martyre, les Actes des Conciles, les
documents judiciaires ou autres. Dans cette littérature, on ren-
contre <lc vigoureux polémistes. Au début, les auteurs de pam-
phlets, de réquisitoires ou de récits inartyrologiques ne
s'élèvent guère au-dessus de l'invective. Avec Donat le Grand,
commence la polémique proprement dite. A Donat succèdent
Vitellius Afer, Macrobius et Claudianus, Tyconius, Parmenia-
nus. Plus lard, Augustin trouve en face de lui une pléiade
d'adversaires de talent Petilianus de Constantine, Emeritus
:

de Caesarea, Cresconius, Vincentius le Rogatiste, Gaudentius


de Thamugadi, et bien d'autres. A la Conférence de il 1, les

lj ConOa litleras l'eliliani, I, 19, 21. 3) Collai. Carlhag., I, 14; Auguslini


2) Codex canon. Ecoles, a fric, can. firevic. Collai., Praefat. ; I, 4 et M :
1"'

l onlra Cresconium, III, Donalislas post Collai., 1.


'i : Episl. 76, i : 88, 7 : 105, i) Augustin, Epist. 13-44 : 49 : 52 ;
56-
», 13. 51 ; 70.
CARACTÈRES ET ROLE SOCIAL 175

avocats de l'Église schismatique tiennent tête à Augustin et à


ses confrères.
La discussion portait à la fois sur la doctrine et sur les faits
historiques. Les Donatistes analysaient complaisamment,
d'après le témoignage des livres saints, les caractères distinc-
tifsde la véritable Église Ils réfutaient la conception catho- 1

lique de l'Eglise universelle, cherchaient à démontrer que le


vrai christianisme s'était conservé seulement clans les commu-
nautés du parti de Donat en face des traditeurs sacrilèges, ils :

gardaient intact l'héritage du Christ, des martyrs et des saints 2


.

Ils s'efforçaient aussi de prouver la légitimité du schisme, la

nécessité de rompre avec des coupables, des indignes; ou


plutôt, ils affirmaient que les vrais, les seuls schisma tiques
étaient les soi-disant Catholiques, qui, par leur trahison et
leurs crimes, s'étaient mis eux-mêmes hors de l'Église La 3
.

déchéance irrémédiable de Caecilianus et de ses successeurs *,


la nullité de leurs sacrements et de toutes leurs cérémonies 3 ,

l'aveuglement de leurs fidèles et la nécessité pour eux de faire


amende honorable 6 la comparaison des deux épiscopats, les ,

7
vertus évangéliques des « Saints » voilà autant de lieux- :

communs dans ces controverses. Les Donatistes aimaient sur-


tout à développer longuement leur théorie du baptême Enfin,
8
.

ils revendiquaient la liberté de conscience et de culte ils pro- ;

testaient contre l'intervention du pouvoir séculier 9 .

A l'appui de ces protestations et de ces théories, ils invo-


quaient les faits historiques, leurs destinées tragiques et celles
de leurs pères c'est aujourd'hui, pour nous, le principal élé-
:

\) Collai. Carlliaçj., 111,258; Oplat, leras Peliliani, 11,31,70 et suiv. ; 48,


II, 1-13; Augustin, Epist. 93, 11), 44 ;
111 et suiv.; De unico baptismo, 11, 19.
Contra Epislulam Varmeniani, I, 1 et 6) Optât, III, 11-12; VI, 3-4 ; Augustin,
suiv. ; Brcvic. Collât., III, 8, 10 et suiv. Contra litleras Peliliani, 11, 34, 79 et
2) Optât, II, 1 et 11-12 : Augustin, Con- suiv.
Ira Epistulam Panneniani, 1, I el suiv. ; 7) Passio Marculi, p. 762 Migne ; Au-
II, 1-9, 1-18 ; Contra litteras Peliliani, guslin, Contra Epislulam Panneniani,
II,56, 127 et suiv ; Brevic. Collât., III, II, 7-9, 13-18 -.Contra litleras Peliliani,
8-11, 10-23. Il, 1, 2 : Senno II in Psalm. 36, 20.
3) Oplat, 1,5-6; 21 ; 28 ; IV, 5 ; Vil, 8) Optât, V, 1-7 Augustin, Contra Epis-
;

1 ;
Augustin, Contra Epislulam Parme- lulam Parmeniani, II, 10, 20 el suiv ;

niani, I, 14, 21 ; II, 1 et suiv.; 18, 37 et Contra litteras Peliliani, II, 2, 4 et suiv. ;

suiv.; 111, 1 et suiv.; Contra litteras Pe- De unico baptismo, 2, 3 et suiv.


tiliani, 11, 38, 90 et suiv. Contra Fui-
; 9) Optât, I, Augustin, Contra
22 ; III, 3 ;

genlium, 26. Epistulam Parmeniani, 1, 8, 13 et suiv.;


4) Augustin, Contra Epistulam Par- Contra litteras Peliliani, II, 84, 185 ;

meniani, I, 2-4, 2-7 Contra litteras Pc-


; 92, 202 et suiv.; Conlra Cresconium,
tiliani, II, 18, 40 et suiv. ; 92, 202 ; De 111, 51, 57; Contra Gaudentium, 1, 19,
unico baptismo, 14, 23 24 ; 16, 27-30. 20.
5) Optât, III, 11 ; Augustin, Contra lit-
176 l'église donatiste

ment de vie dans ces polémiques. Pendant un siècle, les deux


partis ont poursuivi controverses sur les origines duleurs
schisme. Les Donatistes prétendaient établir par l'histoire que
les auteurs responsables de la rupture, donc les vrais schisma-
tiques, étaient les soi-disant Catholiques. Ils mettaient en cause
non seulement les évoques de Carthage, Mensurius et Caeci-
lianus, avec leurs partisans, mais encore tous les papes du
commencement du iv° siècle, Marcellinus et Marcellus, Mel-
1
chiade, Silvester Ils expliquaient à leur façon le rôle des
.

conciles de Rome et d'Arles, ou l'intervention de Constantin-.


Un autre argument de fait, qui leur tenait fort à cœur, c'était
la série des persécutions dont ils avaient été victimes. Ils
reprochaient amèrement aux Catholiques leurs démarches
auprès des empereurs, leur complicité avec les bourreaux des
« Saints »'. Ils montraient que l'histoire de leur Église avait

été un long martyrologe, à peine interrompu par quelques


trêves. A la liste traditionnelle des sinistres héros des persé-
cutions païennes, ils ajoutaient les noms de leurs propres per-
sécuteurs*. Ils retournaient contre les Catholiques la thèse de
Lactance sur la vengeance divine qui avait toujours frappé les
ennemis de Dieu. Petilianus de Constantine s'écriait « Il a :

péri, Macarius il a péri, Ursacius; et;


tous vos comtes ont
également péri par la vengeance de Dieu. Ursacius, vaincu
dans un combat contre les barbares, a été mis en pièces par
les serres des oiseaux de proie et par la dent avide des
5
chiens » .

En 41 1 dans une lettre à Marcellinus, les évêques donatistes


,

résumaient ainsi leurs griefs contre les persécuteurs « Nous :

reprochons à nos adversaires les persécutions et les horribles


cruautés dont eux et leurs ancêtres ont sans trêve, pendant cent
ans et davantage, frappé et tourmenté nous et nos pères...
Laissons de côté le passé, tout le sang chrétien versé par Leon-
tius, Ursacius, Macarius, Paulus, Taurinus, Homanus, et tous
les autres agents que nos adversaires ont fait envoyer par les

\, Optât, 1, 13 cl suiv.; Augustin, ' o i lhag., III, 258; Optât, I, 22; III, ! et 4-
Ira Epistutam Parmeniani, I, 4, 6 il 10; IV, 1; Epislulam
Augustin, Contra
suiv. Contra li lieras Petiliani, II,
;
'••2, Parmeniani, I, 8-11, 1317; Contra lit-
202; 111,25, 29; De unieo baptismo, 16, teras Petiliani, II, 92,202; III, 25-29.
27-30; Brevic. Collai., III, 12, 24 et i) Augustin, Conlra lilleras Petiliani,
suiv. II. 92, 202. — Cf. Liber genealogus,
2) Optât, 1,23-27: Augustin, Epist.iZ, I , 627 [édition Motnmscn, Chronica mi-
2, k el suiv.; Conlra Epislulam Parme- aura, I. p. 196).
niani, I, 5, 10; 6, 11 ; 8, 13; Brevic. 5 Augustin, Conlra lilteras Petiliani,
Collât., III, 12, 24; 17, 31 : 19, 37. Il, 92, 202.
3) l'assio Donali, 1-5; Collât. Car-
CARACTÈRES ET ROLE SOCIAL 177

princes du monde pour le meurtre des « Saints »; alors qu'on


tuait en foule nos vénérables évèques, qu'on exilait et reléguait
les autres, qu'on traquait partout les chrétiens, qu'on déshono-
rait les vierges saintes, qu'on proscrivait les riches, qu'on
dépouillait les pauvres, qu'on nous enlevait nos basiliques,
qu'on réduisait nos évoques à fuir. Laissons tout cela mais ;

tous les crimes commis de notre temps, personne ne les ignore.


On a condamné nos évoques à l'exil on a contraint des chré- ;

tiens fugitifs à se précipiterdu haut des rochers, on a opprimé


les peuples, on a dépouillé les clercs, on a envahi les basi-
liques, on a maltraité ceux qui refusaient de se convertir. Enfin,
dans la seule ville de Bagaï, à cause de nos adversaires, a coulé
le sang de nombreux chrétiens »'. Si l'on objectait aux évoques
donatistes les violences de leurs partisans, ils répondaient qu'ils
n'étaient pas responsables des méfaits des Circoncellions Sans 2
.

doute, il y avait quelque exagération dans les accusations réci-


proques des deux partis. Augustin n'était pas loin d'en conve-
nir il écrivait un jour à un évêque dissident
;
« Ecartons ces :

vains reproches que les ignorants de nos deux partis se lancent


mutuellement à la tête. Ne m'objecte pas les temps de Macarius,
et je ne t'objecterai pas la cruauté des Circoncellions. Si tu
n'es pas responsable de ceci, moi, je ne suis pas responsable
3
de cela » .

leurs controverses, les Donatistes procédaient généra-


Dans
lement par affirmations tranchantes, en gens sûrs de tenir la
vérité, impatients des contradictions, toujours surpris et indi-
gnés qu'il se trouvât encore des mécréants assez sourds pour
ne pas s'incliner aussitôt devant les oracles de l'Église des
o Saints ». Pour justifier leurs aphorismes, leurs théories ou
leurs malédictions, ils accumulaient les citations bibliques '. Ils
alléguaient sans cesse les faits historiques, recommençaient
sans se lasser le récit des origines de leur schisme ou des féro-
Ils citaient volontiers les documents
5
cités de leurs bourreaux .

d'archives, auxquels on en opposait d'autres les deux partis :

s'accusaient mutuellement de produire de fausses pièces


6
Au .

début, à la fin, au milieu de leurs démonstrations, les Dona-

1) Cullat. Carthag., 111, 258. suiv. ;


Contra Gaudentium,\, 11, 12 et

2) Augustin, Epis t. 108, 6, 18; 185, 4, suiv.; Collât. Carthag., III, 258.
16; Contra Epistulam Parmeniani, I, 5) Optât, I, 22; 111,1 et 4-10; IV, 1;
11, 17; Contra litteras Peliliani, 1, 24, VII, 6; Augustin, Contra Epistulam Par-
26. meniani, 1, 4-11, 7-11.

3) Efiist. 23, 6. 6) Optât, 1,22; Augustin, Epist. 43,

4) Optât, IV, 1 et 6-9; V, 9-10 ; Augus- 9, 27; 44, 2, 4; Brevic. Collât., 111, 17,
lin, Contra litteras Peliliani, II, 6, 12 et 31-33.

IV 12
178 l'église DONATISTE

aimaient à invoquer le Christ, on l'Esprit Saint, ou l'Évan-


tistes
ou les Prophètes '. Et surtout, ils aimaient à lancer l'ana-
gile,
thème entre deux phrases, entre leur idée et le mot qui devait
2
:

la traduire, ils apercevaient presque toujours la tète d'un Catho-


lique ou celle du Diahle. Rancuniers, défiants, sur le qtii-vive,
ilsont souvent l'air de policiers dévots montant la garde
autour de leur Eglise. Avec cela, ne sont indifférents ni ils

comme écrivains, ni comme orateurs. Us ont de la vigueur, du


trait, une éloquence farouche, des habiletés d'avocats retors.
Leur style, violent, sans nuances, âpre de ton, ne manque ni
de précision, ni de relief. Mais ils retombent souvent dans leurs
péchés mignons l'emphase, la déclamation, l'invective. Enfin,
:

bien qu'ils connaissent leur métier de rhéteurs, ils n'ont point


l'art de renouveler une question, une démonstration, un récit.
Sans cesse reparaissent les mômes arguments, les mêmes faits,
les mêmes litanies d'anathèmes sur toute cette littérature :

polémique, pourtant si montée de ton, s'étend un voile de


monotonie.
Quelque chose, dans ces controverses de sectaires, va droit
au cœur des modernes ce sont leurs belles protestations contre :

l'intervention du pouvoir séculier, leurs appels éloquents à la


liberté de conscience Cependant, sur ce point, l'on ne doit
3
.

pas être dupe des mots, ni des apparences. Toutes les Eglises,
tant qu'elles sont persécutées, professent ces beaux sentiments;
dès qu'elles sont maîtresses, elles deviennent presque toujours
persécutrices. C'est ce qui était' arrivé à l'Église catholique elle-
même. Pendant trois siècles, elle avait réclamé la liberté de
conscience et de culte quatre ans après l'édil de Milan qui :

proclamait cette liberté, la persécution avait recommencé à son


profit. La mentalité des schismatiques africains ne différait pas
de celle des Catholiques du temps. Moins que personne, les
Donatistes n'étaienl fondés à protester contre l'intervention
du pouvoir civil c'étaienl eux, les premiers, qui en313avaieni
:

4
f.iit appel à Constantin Plus tard, sous le règne de Julien, ils .

avaient pleinement usé et abusé, contre leurs adversaires, des


prérogatives d'une Eglise semi officielle \ Il est donc permis de
1) Acta Salurnini, 16-20 Baluze; Pas- 3) Optât, 111,3-4; Augustin, Contra
no Marculi, p, 7C2 Migne; Augustin, Con- Epistidam Parmeniani, I, S, L3 el suis.;
ira lit 1er as Petiliani, II, 1, 2; III, 16, Contra lit teras Petiliani, II, Si, 185;
19; Contra Cresconium, III, 53, 59; Ser- ''_', 202; Contra Cresconium, 111, 51, 57;
mo 11 in Psalm. 36,20. Contra Gaudenlium, I, 19, 20.
Donati, ' Acta Salurnini,
'<
: 4) Oplat, I, 22 : Augustin, Epist. 88, 2;
17-20; Augustin, Sermo 11 in Psalm. :i6, Collai. Carlhag., III, 215-220.
20; Contra litleras Petiliani, II, 105, 5) Optât, II, 16-19,
2i(i ;
Contra Cresconium, III, 53, 59.
CARACTÈRES ET ItÔLE SOCIAL 179

croire que leurs nobles professions de foi étaient des arguments


de circonstance. On n'en peut guère douter d'après leur tempé-
rament de fanatiques, et, aussi, d'après leurs actes. Bien sou-
vent, tandis qu'on était censé les traquer, c'étaient eux qui, en
mainte localité, persécutaient leurs adversaires \ Enfin, ce sont
presque toujours les Donatistes qui, par leurs violences, ont
forcé les empereurs à intervenir et les empereurs ne s'y déci- ;

daient qu'après bien des tergiversations, quand ils voyaient se


multiplier les crimes de droit commun 2
.

L'appel à la force brutale, au fanatisme populaire, voilà


encore, précisément, l'un des traits les plus accusés dans l'his-
toire du Donatisme. Quoique l'Eglise schismatique les ait par-
fois désavoués, les Circoncellions étaient ses éclaireurs, ses
auxiliaires d'avant-garde, l'instrument toujours prêt de sa
haine et de ses vengeances. Périodiquement, pendant plus d'un
siècle, à tous les moments critiques de l'histoire du schisme,
on voit entrer en scène les bandes farouches des condottieri
du Donatisme. Les premières paraissent s'être formées dès 317,
au lendemain de l'édit de Constantin qui ordonnait d'enlever
aux dissidents leurs basiliques Vers 340, en Numidie, les Cir- 3
.

concellions de Fasir et d'Axido livrent bataille aux troupes du


comte Taurinus en 347, ceux des environs de Bagaï répondent
;

à l'appel de leur évêque, et cherchent à défendre cette ville


1
contre l'armée du comte Silvester en 362, d'autres bandes ;

suivent des évoques schismatiques dans leur marche épique et


sinistre à travers la Numidie et la Maurétanie 5 Plus tard, les .

Circoncellions se multiplient autour des grands-chefs Firmus et


Gildon, révoltés contre Home ils acclament et partout escortent
;

l'évêque Optatus de Thamugadi, en qui ils se reconnaissent, et


qui trouve en eux ses plus fidèles satellites n Pendant les trente .

ans que dura la campagne d'Augustin contre le Donatisme, il


ne se passe guère d'année où nous n'entendions parler de
quelques nouveaux exploits des Circoncellions. Durant cette
période, on les rencontrait un peu partout, au moins dans le
pays numide; mais ils paraissent avoir été particulièrement
nombreux au Nord de l'Aurès et dans la région d'ilippone.
1) Collât. Carlhag., I, 139; 187-189; mmiani, I, .11, 18. — CI". Oplat, I, 26;
197; 201; Augustin, lirevic. Collât., III, l'assio Donati, 6-13.
II, 23; Episl. 88, 1 et 8; 108, 5, 14; 4) Optât, III, 4.
III, 1 ; 133, 1 ; 134, 2; 139, 1-2. 5) lbid.. Il, 18-19.
2) Codex canon. Ecoles, afric., can. 6) Augustin, Episl. 43, 8, 24: 87, 10;
93 et
107; Optai, I, 26: 111, 1 et 4; Au- Contra Epislulam Parmeniani, I, 10, 16;
^ustin, Episl. 88, 7 185, 7, 26-28; Con-
; il, 17 Contra Itllerus Peliliani, I,
; 24,
Ira Cresconium, III, 43, 47. 26 : II, 23, ii3 ; 39, 94; 83, 184; 103, 237.
3) Augustin, Contra Epistulam Par-
180 L EGLISE DONATISTE

Ce sont naturellement ceux des environs cTHippone que nous


connaissons le mieux. Augustin les met en scène dans une foule
de ses ouvrages, traités, lettres, sermons il décrit leur aspect :

farouche, leur brutalité, leurs armes, leurs orgies et leurs mar-


tyres volontaires, leurs attentats de tout genre, souvent suivis
d'actions judiciaires En 395, près d'Hippone, les Circoncellions '
.

saccagent une basilique de 396 à 400, ils redoublent d'audace, 2


;

et tendent même des embuscades à Augustin en 403 et 404, 3


;

4
ils maltraitent des évêques et des clercs catholiques après ;

5
l'édit d'union de 405, leur audace ne connaît plus de bornes ;

vers 409, ils font avec l'évêque Macrobius une triomphale


f
entrée à Hippone à la fin de 411, ils commettent de nouveaux
'

attentats contre des prêtres, ce qui amène de nombreuses


arrestations et un long procès devant le proconsul vers 420, 7
;

et jusque sous la domination vandale, des bandes tiennent


encore la campagne
8
A en juger par ce qui se passait autour .

d'Hippone, les Circoncellions ont été l'une des forces sociales de


l'Afrique latine au iv e et au v e siècle une force de destruction :

et d'anarchie.
Le nom que leur donnaient les Catholiques et même les lois
impériales, qu'un
Circumcelliones, ou Circelliones, n'était
sobriquet : on
parce que ces aventuriers
les appelait ainsi,
nomades, sans feu ni lieu, vivant de maraude, aimaient à rôder
autour des fermes et des celliers (circum ce/las) \ Ils s'appelaient
eux-mêmes les « Agonistiques » (Ago/tistici), ou les « soldats du
Christ » {milites Christi)™. Ils avaient la prétention de défendre
la véritable Église, celle du Christ et de Donat, contre le Diable,
c'est-à-dire contre les Catholiques". Leurs bandes se recrutaient
au hasard, dans la lie de la population, parmi les mécontents

1) l'salmus
contra parlent Donati, 46, 50; 48, 53: G es la cum Emerilo, 9;
84; 137-142: 148-153 Contra Epistulam : Contra Gaudentium, I, 22, 25; Possi-
Varmeniani, I, 11. 17-18; Contra lilte- dius, Vila Auguslini, 14.
ras Peliliani, I. 24, 26; II, 65,146; 84, 5) Augustin, Epist. 88, 1 et 6-8: 97, 4;
186; 88, 195; 96, ^22: Enarr. in Psalm. 105, 2, 3-4; 108, 5, 14: 108, 6, 18; 111,
132, :; el 6; Episi 23, 6-7; 29, 12; 35, 1 :
Contra Cresconium, III, 47, 51.
- 13, s, 24; 88, 1; 108, 5, 14; 133, 1; 6) Epist. 10S, 5, 14.
134, 2; 185, 4, 15. 7) Sermo 359, 8; Gesta cum Emerilo,
2 Episl. 29, 12. 2: Episl. 133, 1; 134, 2; 139, 1-2; 185,
3 Possidius, Vita Auguslini, 10-13; 7, 30.
Augustin, Epist. 35, 2 ei 4; 43, 8, 24 ; 8) Gesta cum Emerito, 12; Contra
Enarr. in Psalm. 54, 26 : 132, 6; Con- Gaudentium, I, 22, 25; Victor de Vita,
Ira Epislulam Parm i, M , 17 el lll. m.
suiv.: II. 3, 6-7 : III 3, 18; Contra hlle- 9] Augustin, Knitrr. in Psalm. L32, 3;
ras i
ni, l, 24, 26; II, I i, 33; 65, Conlra Gaudentium, I, 28, 32.
146; 96, J22. 10) Optât, lll, 4; Augustin, Enarr. in
i) Augustin, Epiât. 88, 6 7 ; Contra Psalm. 132, <>: Epist. 108, 6, 18.
Cresconium, III, 42, 16; 43, 17; 45, 49; 11) Augustin, Enarr. in Psalm. 132,6
CARACTÈRES ET ROLE SOCIAL 181

de toute race et de toute provenance indigènes ne parlant que :

le punique, esclaves fugitifs, colons ruinés, Catholiques excom-


muniés, banqueroutiers, repris de justice, sans parler des
1
naïfs fanatiques Ils avaient pour chefs soit des indigènes,
.

soit des clercs donatistes Pendant longtemps, ils furent 2


.

armés simplement de gros bâtons, qu'ils appelaient des « Is-


Ils ne voulaient pas d'autres armes, par
3
raëls » (Israeles) .

scrupule de conscience * ils se souvenaient que le Seigneur ;

avait dit « Celui qui


: frappera de l'épée, périra par l'épée 5 ».
Plus tard, aux redoutables Israël* ils joignirent des frondes et
des pierres Vers la fin du iv° siècle, ils découvrirent sans
.

doute une autre interprétation du texte biblique; car ils se


décidèrent à porter des épées, des haches, des lances A moins 7
.

de circonstances particulières, ils n'osaient guère se risquer


dans les villes ou plutôt, ils ne tentaient pas d'y exercer leur
;

industrie. Mais ils dominaient et terrorisaient les campagnes,


par leurs brusques attaques de jour ou de nuit, suivies de pil-
lage, d'incendie et de coups, souvent de meurtre \ Quand ils ne
tuaient pas, ils torturaient leurs victimes avec une cruauté
féroce, avec des raffinements de barbares coupant des bras ou :

des mains, arrachant la langue, crevant les yeux Ils cher- '.

chaient surtout à rendre aveugles les malheureux qui tombaient


en leur pouvoir. Pour cela, ils imaginèrent de couvrir les yeux
du patient d'une couche de chaux brûlante comme plusieurs ;

de leurs victimes avaient recouvré la vue, désormais ils ajou-


tèrent à la chaux du vinaigre ,0 .

Cette insurrection périodique, presque permanente, prit de


bonne heure et conserva toujours, surtout en Numidie, le
caractère d'une Jacquerie, d'une véritable guerre sociale. Comme
les Hagaudes des pays gaulois, les Circoncellions africains,
exaspérés par la misère et le servage, prétendaient réformer la

1) Optât, 111, 4 ; Augustin, Episl. 35, 2 ;


6j Augustin, Enarr. in Psalm. .*/4, 26 ;

108, 5, 14; 185, 4, 15. Contra litteras Peliliani, II, 88, 195.
2) Optât, III, 4; Augustin, Conlra Cres- 7) Contra Epislulam Parmeniani, I,
conium, III, 43, 47 ; IV, 51, 61 ; Brevic. il, 17; Conlra ht 1er as Peliliani, II, 88,
Collât., III. 11, 21-22; Episl. 105, 2,3; 195 96, 222 Enarr. in Psalm. 54, 26.
; :

108, 5, 14; 133, 1 134, 2. ; S) Conlra litteras Peliliani, II, 83,


3) Augustin, Psalmus contra parlem 184; Contra Cresconium, III, 42,46; Ad
Donati, 84: 140-141; 149-155; Contra Donalislas post Collât., 17, 22: Contra
E/tistulam Parmeniani, I, 11, 17 Con- ; Gaudenlium, I, 28, 32.
tra litteras Peliliani, II, 88, 195 ; 96, 9) Sermo 359, 8 : Episl. 88, 8 et 12 ;

222 ; Enarr. in Psalm. 10, 5. Gesla cum Emerilo, 9 ;


Contra Gauden-
4) Psalmus contra parlem Donati, tium, 1, 22, 25.
150 ; Contra litteras Peliliani, II, 88, 8 et 12: 11], 1
10) Episl. 88, Contra ;

195. Cresconium, 111,42,46; Brevic. Collai.,


5) Matth., 26, 52. III, 11, 22.
182 l'église donatiste

société. Ils ne se contentaient pas de régner sur les campagnes,


de piller ou d'incendier les fermes et les villages, de tuer ou de
mutiler ceux qui leur déplaisaient ils se posaient en redresseurs
:

de torts, en défenseurs des opprimés. Ils poussaient à la révolte


les colons des grands domaines, les métayers, les esclaves, les
indigènes Ils s'acharnaient contre* les riches, surtout contre
1
.

les propriétaires Même sans les connaître, sans avoir contre


2
.

eux aucun grief personnel, ils prenaient plaisir à les humilier.


S'ils rencontraient un homme en voiture, ils le forçaient de
descendre, de céder la place à l'un de ses esclaves, et de courir
lui-même devant la voiture à la façon des serviteurs Ainsi le 1

voulait le dicton populaire A chacun son tour. Mais ce


:

n'étaient là que jeux de princes. A l'égard des propriétaires de


leur pays, les Circoncellions procédaient méthodiquement.
D'abord, ils les mettaient en coupe réglée, les amenaient à com-
position par le chantage ou l'intimidation, leur imposaient de
grosses rançons, sous peine d'incendie ou de mort*. Par les
mêmes moyens, ils les contraignaient à affranchir leurs
esclaves \ Ils prenaient sous leur protection les débiteurs ils :

s'emparaient du créancier, et le mettaient en demeure d'annuler


lui-même sa créance en détruisant ou en abandonnant l'acte qui
la constatait. Si un propriétaire ou un créancier voulait résis-
ter, il était sûr d'être attaqué de jour ou de nuit, de voir brûler
sa maison ou ses fermes, d'être lui-même roué de coups. Par-
fois, on l'enlevait, on l'emmenait dans un coin perdu de la
région, où il était réduit en esclavage et condamné à tourner
6
la meule C'était la revanche des prolétaires et des indigènes.
.

Ces audacieux coups de mains, dirigés presque toujours


contre les riches, et très souvent en faveur des opprimés,
expliquent la popularité des Circoncellions, la complicité d'une
partie des campagnards, et la durée séculaire de cette insurrec-
tion. Ordinairement, les magistrats n'osaient pas intervenir,
même pour arrêter les meurtriers; les fonctionnaires de tout
rang tremblaient; les gouverneurs fermaient les yeux; les agents
du lise ne s'aventuraient plus dans les campagnes pour y per-
cevoir les impôts. Une partie de l'Afrique fut en proie à
l'anarchie C'esl là surtout ce qui inquiéta les empereurs et les
décida à tout tenter pour anéantir le Donatisme. Les Circoncel-

1) Optât, III, 4; Augustin, Episl 108, 5) Augustin, Epis t. 18b, '.. 15.

6, 18; 185, I 6) Optât, III. 4; Augustin, Episl. 108,


Augustin, Episl. 108,6,18. 19; 185, i, 15; Ad Donalistas post
Optât, III. '..
Collai., 17. 22.
i Ibid., Ili 7) Augustin, Episl. 185, 4, 15.
CARACTERES ET ROLE SOCIAL 183

lions étaient si nombreux et si puissants dans certaines régions,


qu'ils osèrent à plusieurs reprises tenir tète aux troupes régu-
1
lières .

Mais on doit se garder de voir seulement, dans ces révoltes


et ces désordres périodiques, une tentative de révolution sociale.
Le fanatisme y tenait autant de place que les rancunes de la
misère, et c'est toujours la guerre religieuse qui a donné le
signal des revendications économiques. Les Circoncellions
étaient tous des Donatistes exaltés. Ils s'appelaient les « soldats
du Christ l'armée des a Saints »; leurs chefs étaient les
»,

« chefs des Saints » (Sanctorum duces)* Leur cri de guerre était .

« Louanges à Dieu
3
la devise donatiste » et leur De<> laudes,
: ! ;

dit Augustin, était plus redouté que le rugissement du lion \ Ils


entraînaient avec eux des groupes de vierges sacrées, de reli-
gieuses (virgines sacrae, sanctimoniales)" Eux-mêmes, pour la .

plupart, avaient fait vœu de chasteté c'étaient des « conti- :

nents » (continentes) on les comparait aux moines catholiques 6 , .

Ils prétendaient former, dans la grande Église de Donat, une

élite de privilégiés, de « Saints » à la deuxième puissance.


Ils aspiraient tous au martyre. Pour arriver plus vite et plus

sûrement à leurs fins, ils avaient imaginé le martyre volon-


7
taire Mais, par scrupule de conscience, dans la crainte de se
.

fermer les portes du Paradis, ils ne voulaient pas se frapper


eux-mêmes ils cherchaient donc des assassins
: de bonne
8
volonté Ils en trouvaient parfois, soit parmi les païens dont
.

9
ils allaient renverser les idoles soit parmi les Catholiques ,

qu'ilsprovoquaient 10 soit parmi les passants inoffensifs qu'ils ,

sommaient, sous peine de mort, de les tuer". Mais les aspirants-


martyrs de sens pratique jugeaient plus simple de régler eux-

1) Optât, III, 4; Augustin, Contra 1900, p. 41.


Epistulam Parmeniani, 1, 12, 19. 7) Optât, III, 4 ; Augustin, Epist. 88,8:
2) Optai, III, 4 ; Augustin, Enarr. in 185, 2, 8 204, 1-2 et 5 ; Ad Donatistas
;

Psalm. 132, 6. post Collai., 17, 22; Contra Gauden-


3) Augustin, Epist. 108, 5, 14 108, 6, ; tium, I, 22, 25; 27, 30-31 ; 28, 32.
18 : Contra litleras Peliliani, 11,65, 146; 8, « Sibi percussores, subcupiditate fal-
84, 186. si martyrii, in suam perniciem conduce-
4) Enarr. Psalm. 132, 6. in bant » (Optât, III, 4).
5) Eplsl. 35, 2 Contra Epistulam ; 9) Augustin, Epist. 185, 3, 12; Contra
Parmeniani, II, 3, 6; 9, 19; Contra lit- Epistulam Parmeniani, 1,10, 16 Con- ;

leras Petiliani, II, 88, 195 Contra Gau- : tra Gaudentium, 1, 28, 32.
dentium, l, 31, 37; 36, 46. 10} Ad. Donatistas post Collai., 17,22;
6) Enarr. in Psalm. 132, 3 et G. Cf. — Epist. 185, 3, 12.
Von Nalhusius, Zur Charakleristik der 11) Ad Catholicos Epislula contra Do-
Circumcellionen des IVen und Ven Iahr- natistas, 19, 50: Epist. 185, 3, 12: 185,
hunderts in Ap-ika, 1901) Vôlter, Der : 4, 15: De haeres.. Filastrius, Iheres., (i'.i :

Ursprung des Monchthums, Tilbingen, 85.


1 84 l'église donatiste

mêmes leur affaire, tout en respectant la lettre des prescrip-


tions divines pour échapper, disaient-ils, à leurs persécuteurs,
:

ils se précipitaient du haut d'un rocher'. Plus tard, la mode


changea, ou se compliqua on préféra le suicide par l'eau ou :

par le feu, on se noyait ou l'on se brûlait vif, souvent de com-


pagnie-.
In dernier trait du fanatisme des Circoncellions, c'est leur
acharnement tout particulier contre les clercs catholiques, sur-
tout contre les anciens clercs donatistes ralliés à l'Église on :

dressait des embuscades contre ces ennemis de choix, on les


guettait sur les routes, on les surprenait la nuit dans leur niai-
son, on les rouait de coups, on leur infligeait des humiliations
de tout genre, on les mutilait, on les tuait La proportion 3
.

extraordinaire de ces attentats contre le clergé catholique ou


contre les convertis suffirait à prouver que les Circoncellions
étaient, avant tout,
les instruments de la haine donatiste.
Ce n'est pas à dire que l'Eglise de Donat ait toujours été com-
plice des Circoncellions, ni même qu'elle ait toujours approuvé
leurs coups de mains. En plusieurs circonstances, elle se jugea
compromise on sévit menacée à son tour par ses dangereux alliés.
Vers 340, des évêques dissidents implorèrent l'appui du comte
Taurinus contre les bandes qui dévastaient le pays*; vers 410,
d'autres évêques schismatiques ouvrirent des souscriptions
pour indemniser les propriétaires dépouillés par les « soldats
5
du Christ » C'est l'histoire de tous les politiques qui déchaînent
.

imprudemment les forces brutes, et qui, bientôt, s'effraient de


ne plus réussir à les maîtriser. Tout ce que prouvent ces mésa-
ventures des chefs du Donatisme, c'est qu'ils ne pouvaient pas
toujours arrêter à temps les bandes lancées par eux à l'assaut
de l'Église rivale. D'autres faits, et l'appréciation personnelle
de témoins comme Optât de Milev et Augustin, permettent de
déterminer assez exactement les rapports de l'Eglise schisma-
tique avec les Circoncellions.il serait injuste de rendre tous les
Donatistes responsables des méfaits et des brigandages de leur
avant-garde; mais il serait naïf, et contraire à la vérité histo-

1 Optât, III. i : Augustin, Episl. 43, 8, iium, I, 22, 25 ; 27, 30 ; 2'.), 33 ; 37, 47 ;

21: Contra Epistulûm Parmeniani, III, De heteres., 69.


I Ura litteras Peliliani, I, 21, 3) Episl 88, 6; 105, 2, 4; 133, 1 134, ;

26; II, -<>, 46; Contra Cresconium, III, 2; 185, 4, 18: Sermo* 359, S; Con/ra
| : Contra Gaudenlium, I, 28, 32; Cresconium, III. 42, 4<; 4. l, 19: 46, 50; ;
r

36, 46. 48,.'13 Gesta cum Emerito,9; Possidius,


;

2) Augustin, Epist, 185,3, \± : 185,4, Vita Augustini, 13-14.


l .
204, 2 . Ail Calholicos
Epislulacon- 4) Optât, III. i

Ira Uonalislus, 19, 50; Con/ra Gauden- 5) Augustin, Episl. 108, 6, 18.
CARACTÈRES ET RÔLE SOCÏAL 185

rique, de nier la participation directe denombreux clercs dona-


tistes, etde certains évêques, à la Jacquerie africaine.
L'Église de Donat n'était composée exclusivement ni de
saints, ni de coquins, ni d'énergumènes. Comme toute Église
et toutgroupe d'hommes, elle comprenait une majorité d'hon-
nêtes gens paisibles, que menait ordinairement une minorité
de violents. 11 y avait un parti des modérés, et un parti des
intransigeants.
Au témoignage d'Augustin, les exaltés étaient relativement
peu nombreux, mais dominaient les autres par l'intimidation 1
.

En beaucoup d'endroits, après la Conférence de Carthage, le


retour à l'Eglise se fit sans violences ni suicides 2 La plupart .

des dissidents étaient des gens pacifiques, assez conciliants et


sincères, comme ces Donatistes de Thubursicum Numidarum,
avec qui Augustin eut des conférences vers 307, et dont il fait
l'éloge Ceux-là condamnaient franchement les attentats des
3
.

Circoncellions ou les fantaisies tyranniques d'Optatus de ïha-


mugadi*. Beaucoup d'entre eux souhaitaient que les évêques
des deux partis pussent s'entendre pour mettre fin au schisme.
Augustin s'adressait à eux vers la fin de 411 « Nous savons, :

écrivait-il, nous savons combien d'entre vous, tous peut-être


ou presque tous, ont coutume de répéter Oh si les évêques : !

pouvaient se réunir dans une assemblée commune! Si un jour


ils conféraient ensemble, et si, dans leurs discussions, la vérité

apparaissait" » Beaucoup, parmi ces modérés, auraient voulu


!

se convertir; mais ils n'osaient pas, par crainte de la vengeance


6
des sectaires .

De même, parmi les évêques du parti, il se trouvait des gens


raisonnables, assez conciliants, disposés à chercher un terrain
d'entente, ou, du moins, un modus vivendi avec l'autre Eglise.
Tel était Parmenianus, primat de Carthage, un homme d'unele
modération son adversaire Optât de Milev ren-
relative, à qui
7
dait justice Tels étaient encore plusieurs des correspondants
.

d'Augustin notamment, cet Honoratus qui, vers 398, lui pro-


:

8
posa une discussion par lettres Macrobius d'Hippone, qui .

pourtant devait beaucoup à l'appui des Circoncellions, finit par


s'indigner contre leurs méfaits, et osa le leur dire en face il :

9
est vrai que ces Circoncellions n'entendaient pas le latin Sui- .

1) Epiât. 185, 3, 14; 185, 7, 30. 6) Episf. 57, 2; 93, 1,3; 185, 3, 13.
2) Ibid., 185, 3, li. 7) Optât, 1, 4. — Cf. Augustin, Contra
3) Epist. 43, 1 ; 41, 1 et suiv. Epistulam Parmeniani, II, 7, 13.
4) Contra litteras Peliliini, I, 24,26: 8) Augustin, Epist. 49, 1.
Epiai. 185, 4, 16; De, haeres., 69. 9) £/>«/.' 108, 5, 14.
5) Ad Donalistas post Collât., 35, 58.
186 L EGLISE DONATISTE

vaut Augustin, les évoques dissidents étaient tenus à une cer-


taine réserve, parce qu'ils résidaient dans les villes, où ils
étaient, pour ainsi dire, les « otages » des Catholiques'. Mais
l'explication ne vaut pas pour la plupart des cités numides, où
les schismatiques étaient incontestablement les maîtres*. Il est
plus naturel de supposer que la plupart des évoques dissidents
restaient étrangers aux entreprises des fanatiques dans l'intérêt
même de leur parti, et par souci de leur propre responsabilité.
Mais un intransigeant fait plus de bruit, et même plus de
besogne, que cent modérés. Et l'on s'en apercevait en Afrique,
où. d'ailleurs, les intransigeants étaient nombreux. Il y en
avait parmi les Catholiques, qui souvent répondaient par la
3
violence aux violences des Circoncellions Bien des convertis .

n'avaient pas changé de tempérament en changeant d'Église :

on s'en aperçut à Fussala, où les ralliés, mécontents de leur


évêque, osèrent le chasser, et menacèrent de le tuer, s'il
reparaissait'. Il se trouvait même des esprits indociles qui
refusaient de se soumettre à la discipline d'aucun des deux
partis Augustin conte l'histoire d'un ancien schismatique. qui
:

avait été excommunié parles siens, etqui était revenu à l'Église,


mais qui ne put supporter les pratiques de la pénitence et fut
congédié par les Catholiques 5 Naturellement, les intransi- .

geants étaient particulièrement nombreux dans l'Eglise de


Donat, puisque l'intransigeance était le principe même de la
secte. Ils arrêtaient par tous les moyens la propagande et la
prédication des Catholiques"; ils s'opposaient à la conversion
îles autres schismatiques, et châtiaient les convertis .

L'exemple de l'intolérance avait étédonné par Donal le Grand,


qui pourtant ne semble pas avoir jamais fait appel aux Cir-
concellions \ D'autres évêques eurent moins de scrupules :

Donat de lîagaï, en 347 9 des évêques numides, en 362"'; Opta- ;

1) Contra lilteras Peli/iani, II, 83, {Collai. Carthag., I, 133).


184 .1'/ Calholicos
; Epistula contra 4) Augustin, Èpist. 209, 5 et 10.
Donatislas, 20, 55. 5) Sermo II in Psalm. 36, 11.
2) Collai. Carthag , I, 165 . Optât, III, 6) Possidius, Augustini, 13-14;
Vila
4: Augustin, Epiât. 12;), n : 209, 2: Augustin, Epist. 88, 6; 105, 2, 3; 185,
Enarr. Il in Psalm. 21, 26 : Sermo II in 4, 18; Contra Cresconium, III, 15, 49:
P alm. 36, 19. 46, 50 ; 48, 53.
Au»uslin, Epist. 88, 9; Collai. Car-
3) 7) Augustin, Epist. 88, (i-8 ; '.17, 4 ; 105,
thag., I, 99-143; 157-210. A la Confc — 2, 3 ; 108, 5, 14 ; 111, 1 : 13:!. I ; 185, 3,
rence de Carthage, l'évêque catholique 13 ;
Ci m i
ra Cresconium, III, 47. 51 ; 48,
d'Abora, en Proconsulaire, déclare bruta-
lemenl que, danssa ville, on ne Lolère pas s Optât, 111,3.
la préseuce de Donatisles « Nomea si illic : 9) Ihid., 111,4.
auditum fuerit Donalistarum, lapidalur » 10) Ibid., M, 18-19.
CARACTÈRES ET RÔLE SOCIAL 187

tus de Thamugadi, au temps de Gildon Augustin parle 1


.

d'évêques dissidents qui commandaient en personne des troupes


2
de Circoncellions Mais ce furent là des exceptions. Ordinaire-
.

ment, les évoques donatistes se tenaient à l'écart ce qui ne ;

les empêchait pas de ménageries « soldats du Christ », tout en


ayant l'air de les désavouer Augustin écrit, en 410, à son 3
.

collègue et rival, Macrobius d'Hippone « Vous promettez de :

faire indemniser les propriétaires lésés. Et cependant, vous ne


désirez pas tenir complètement votre promesse, dans la crainte
de vous trop aliéner les audacieux brigands dont l'appui a paru
nécessaire à vos prêtres. En effet, les Circoncellions se vantent
des services qu'ils vous ont rendus précédemment. Ils rappellent
et énumèrent ce qu'ils ont fait pour vous avant cette loi de
tolérance, qui vous comble de joie en vous donnant la liberté.
C'est grâce à eux, disent-ils, que vos prêtres ont pu conserver
leurs immeubles et leurs basiliques, en dévastant les nôtres, en
chassant nos prêtres. Si vous vouliez vous montrer sévères
pour les Circoncellions, vous paraîtriez bien oublieux de leurs
bienfaits, bien ingrats »
4
Se servir des Circoncellions sans.

se compromettre, au besoin, les désavouer publiquement
et,

sans rompre avec eux telle semble avoir été la politique :

ordinaire des évêques donatistes.


Leurs prêtres, leurs diacres, et surtout les clercs inférieurs,
hésitaient beaucoup moins à jouer un rôle actif dans le pieux
brigandage à la mode. Vers la fin du iv° siècle, et au début
du v e la plupart des bandes qui tenaient la campagne avaient
,

pour chefs des membres du clergé schismatique \ Dans toutes


ses polémiques, Augustin signale et flétrit cette alliance. 11 dit,
par exemple, à ses adversaires en 409 « Rappelez-vous les :

hauts faits de vos Circoncellions et des clercs qui ont toujours


9
été leurs chefs » Ou encore « Vos Circoncellions, illustrés
. :

par leur fureur, sont les horribles gardes du corps de vos


clercs » \ Aux yeux de l'historien impartial, rien n'est plus
compromettant pour l'Église de Donat, que cette alliance
durable d'une partie de son clergé avec les hordes fanatiques de
la Jacquerie africaine.

1) Augustin, E/AsL 43, 8, 24 ; Contra 4) Augustin, Epist. 108, 6, 18.


iitleras Petdiani, I, 24, 26 ; II, 23, 53 ; 5) Epist. 105, 2, 3 108, 5, 14
; : 133,
39, 94; 83, 184. 1; 134, 2; Contra Cresconinm, III, 43,
Epist. 44, 4, 9
2) Enarr. in Psalm.
; 47 IV, 51, 61
; Brevic. Collât., III, 11,
;

10, 5. —
Cf. Optât, 11, 18-19. 21-22 Ad Donatistas post Collât., 17,
:

3) Optât, 11, 18: Augustin, Epist. 10S, 22.


6, 18 Contra Epi.stulam Parmeniani,
; 6) Epist. 105, 2, 3.
I, 1!, 17 ; Brevic. Collât., III, 11, 21. 7) Contra Cresconium, III, 43, 47.
188 l'église DONATISTE

Pour certains savants modernes, ce serait là, justement, la


principale originalité du Donatisme, presque un titre de gloire :

le parti de Donat aurait été surtout un parti d'opposition


sociale et politique, à la tête d'un mouvement national '. —
Cette thèse s'appuie sur des faits incontestables, mais déme-
surément grossis, et arbitrairement interprétés.
Voici les faits certains. Le Donatisme est un schisme pure-
ment africain, très populaire en Afrique pendant plusieurs
générations, et fréquemment compromis par son alliance avec
les ennemis de l'État ou de l'ordre social. Il a été presque
constamment proscrit et traqué par les empereurs ou leurs
agents. Il n'a guère cessé de protester contre l'intervention de
l'autorité civile. « Qu'a de commun l'empereur avec l'Église? »
5
s'écriait Donat le Grand Et Parmenianus disait à son tour
. :

« Qu'ont de commun les chrétiens avec les rois? les évoques avec
le Palais ?» 3
. Les Donatistesont
avec les Circoncel- fait alliance
lions, ennemis déclarés de formellement traités de la société,
a rebelles» par Augustin'. Ils ont soutenu Firmus et Gildon,

les grands-chefs indigènes révoltés contre Rome \ Tels sont —


les faits permettent-ils de conclure à l'existence d'un véritable
:

mouvement national, ou même d'un parti d'opposition


politique?
Tout d'abord, n'oublions pas que le parti de Donat est
toujours uniquement, dans ses visées, la véritable Eglise
chrétienne une Eglise qu'on traite à tort de schismatique,
:

6
et qui aspire à devenir l'Eglise officielle C'est seulement une .

minorité de ses adeptes, qui a vu dans la guerre une occasion


de satisfaire ses rancunes sociales ou politiques; jamais cette
préoccupation ne se trahit chez les dirigeants du parti. Pour
l'Église de Donat, les ennemis de l'ordre ou du pouvoir central
n'ont été qu'un instrument elle s'est servie d'eux, beaucoup
:

plus qu'ils ne se sont servis d'elle.


Le Donatisme, dit-on, est un schisme exclusivement africain.
— 11 est resté tel par la force des choses, et contre son gré :

1) Celle use a été soutenue surtout par


1 1
35, 45).
M. Thllmmel, Zur Beurtheilung des Ùo- 5) Augustin, Episl, 43, 8, 24; 81, 10:
natismus, Halle, 1893. Cf. Martroye, — Contra Episiulam Parmeniani, I, 10,
Une tentative ,lc révolution sociale en 16; 11, 17: Contra lilleras Petiliani,
Afrique. —
Donatistes et Circoncellions; 1,24, 26; II, 23,53: 39, 94; 83, ISi:
Paris, 1904. 103, 231.
2) Optât, III, 3. 6) Collât.Carlin,,/., 111,22; 73-16;
3) Ibid., I, 22. 91-93 258; Acla Saturnini, 16 et :>o l'.a-
:

4) « Adversus rebelles Circumcelliones et luze; Passio Donali,3\ Aclapurgalionis


insanos eorum sive participes sive princi- Felicis, p. 198 Ziwsa; Augustin, Episl.
pes " (Augustin, Contn, Gaudenlium, I, 88, 2: Brevic. Collai., III, 3, 3; 4, 5.
CARACTERES ET ROLE SOCIAL 189

simplement, parce pas réussi à s'étendre outre mer. Il qu'il n'a


fondé une communauté à Rome même 1

l'a tenté, il a il pré- :

tendait être l'Église universelle 2 Il a été très populaire en .

Afrique pour plusieurs raisons, dont aucune n'implique un sen-


timent d'opposition politique. D'abord, parce qu'il flattait
l'amour-propre local, en faisant de l'Eglise africaine la seule
3
Eglise vraiment chrétienne Puis, en vertu de son principe .

intransigeant, de son instinct conservateur, de sa fidélité aux


usages du passé, aux traditions d'indépendance de l'Église du
temps de Cyprien''. La plupart de ces traits s'observent égale-
ment, à peine moins accusés, chez les Catholiques du pays, qui,
malgré leur entente avec Rome et leurs concessions à leurs
alliés, ont su garder eux aussi, dans une certaine mesure, l'héri-
tage de Cyprien.
Les dissidents africains ont été sans cesse condamnés et tra-
qués par les empereurs. Ils ont cela de commun avec toutes —
les hérésies et tous les schismes de cette période. S'ils paraissent
aujourd'hui avoir été plus maltraités, c'est simplement que
nous sommes mieux renseignés sur leur histoire il suffit :

d'ouvrir le Code Thêodoùen pour constater que les empereurs ,

ont frappé impartialement tous les ennemis de l'Eglise offi-


cielle Comme tous les proscrits, les Donatistes ont souvent
5
.

une attitude de rebelles. Mais ce n'est qu'une apparence. Au


début, ils n'étaient nullement hostiles au pouvoir impérial; au
fond, ils ne l'ont jamais été. Ce sont eux, les premiers, qui en
313, par leur requête à Constantin, en ont appelé au gouverne-
6
ment Plus tard, sous le règne de Julien, ils ont connu et appré-
.

cié les avantages de la faveur officielle A la fin du iv e siècle, 7


.

ils ont demandé aux tribunaux civils la restitution de leurs basi-


8
liques En 400, ils ont sollicité l'intervention d'un préfet du
.

9
prétoire En 411, ils ont accepté de prendre part à une Confé-
.

1) Optât, 11, 4; Augustin, Contra lilte- ras Peliliani, 11, 1, 2 et suiv.; 32, 72 et
ras Peliliani, II,10ÎS, 247 De unico bap-
; suiv.
lismo, 16, 28 ;De haeres., 69. 5) Cod. Theod., XVI, 5, 1-66 De hae-
2) Collât. Carthag III, 258; , Optât, relicis.
II, 1-13; Augustin, Epist. 93, 10, 44; 6) Collât. Carthag., III, 215-2i(); Op-
Contra Epistulam l'armeniani, I, 1 et tât, 22; Augustin, Epist. 88, 2.
I,

suiv.; II, 1 et suiv. : Drevic. Collât., 7) Optât, II, 16-19; Augustin, Epist.
III, 8, 10 et suiv. 93, 4, 12; 105, 2. 9; Contra lilleras Pe-
13 Augustin, Enarr.
3) Oplat, II, 1 et ; liliani, II, 83, 184; 92, 203 97, 224. ;

in Psalm. 5i, 21 Epist. 93, 8, 24-25 ;


; 8) Augustin, Contra Epistulam Par.
Contra Epistulam l'armeniani, I, 1 et meniani, I, 10, 16 et suiv.; Contra Cres.
suiv. ; Ad Catholicos Epistula contra conium, 111, 56, 62 et suiv.; IV, 3, 3 4 ;
?

Donatislas, 19, 51. 5; 66, 82; Gesta cum Emerito, 9.


4) Optât, V, 4-7; Augustin, De baptismo, 9) Collât. Carthag., III, 141 Augustin, ;

I, 1 et suiv.; II, 1 et suiv. ; Contra lilte- Epist. 88, 10 : Brevic. Collât. ,111, 4, 5.
190 L EGLISE DONATISÎE

rence que devait présider un commissaire impérial Tout cela


1
.

n'est pas le fait de révolutionnaires. Sans doute, ils ont cons-


tamment, et très énergiquement, contesté au pouvoir séculier le
2
droit de se mêler des querelles d'Eglises mais tous les persécu- :

tés en tout temps ont tenu le même langage, et même beaucoup


d'honnêtes gens qui n'étaient pas persécutés. Si Constantin
s'était prononcé en sens contraire, le Donatisme serait devenu
l'Eglise officielle, les Catholiques auraient protesté les rôles :

étaient changés, voilà tout.


Et l'alliance avec les Circoncellions? Alliance toute natu- —
relle entre opprimés et persécutés. D'ailleurs, il n'est nullement
démontré que le cerveau rudimentaire des Circoncellions ait eu
des visées politiques. Esclaves fugitifs, colons ruinés ou indi-
gènes, ces pauvres gens pour qui la vie était dure, et qu'égarait
la rancune, ne prétendaient sans doute exiger des gouvernants
et des riches qu'un peu de justice et de pitié, avec le pain quo-
tidien. De même, l'alliance des Donatistes avec Firmus et avec
Gildon paraît s'expliquer simplement par l'espoir de faire triom-
pher leur Église. Les ambitions de Firmus et de Gildon restent
obscures ils semblent avoir voulu tout bonnement se tailler
:

un royaume en Afrique, comme tant d'autres ambitieux en


d'autres parties de l'Empire. En tout cas, l'Eglise sebismatique,
mise hors la loi, était condamnée à faire cause commune avec
tous les mécontents .

Rien, dans tout cela, ne justifie la thèse de ceux qui voienl


dans le Donatisme un mouvement national ou un parti d'oppo-
sition politique. Les choses sont plus complexes. Du fait même
de sa condamnation, en raison de son échec hors d'Afrique, en
vertu de son principe intransigeant, de son esprit conservateur,
de sa fidélité nécessaire aux traditions locales, l'Église deDonal
devint réellement, pour la moitié des Africains, une sorte
d'Eglise nationale. Sans cesse traquée par l'Etat au nom de
l'Église officielle, elle protesta naturellement contre l'interven-

\) Collul. Carlhag., I, 14; Augustin, Firmus contre le schisme rogatislc \huun-


Jirevic. Collul., I, 4; Ad Dotialis/a^ lin, Episl. 87, 10 ; Confia Epislulam
pont Collai., 24, 41. Parmeniani, I, 10, 16; 11, 17; Conlra
2) Optât, I, 22: III. 3-4; Augustin, litteras Peliliani, II, 8:s, 1S4), puis des
Contra Epislulam Parmeniani, I, 8, 13; Gildoniens contre le schisme maximianiste
Conlra lifteras Peliliani, II, Hî, 185; [Epist. o.'i, 3, 0; Conlra litteras l'eli-
92, 202; Conlra Cresconium, III, 51, 57; linni,\\, s:j, 184; Contra Cresconium,
Conlra Gaudentium, I, 19, 20. III, 60, 66; Gesta cum Emerilo, 9).
lalgré les échecs successifs de Fir- Ainsi, môme an milieu des guerres >i\;

mus <:l ni' Gildou, la grande Eglise dona- les chefsdu Donatisme paraissent n'avoir
Liste tira un profil positif il'
1

son alliance songé qu'aux intérêts de leur Eglise.


avec rcs ch«ft rebelles : elle se servil de
CARACTÈRES ET ROLE SOCIAL 191

tion du pouvoir central et de ses agents; elle fit alliance avec


les mécontents et les révoltés. Par la force des choses, les
Donatistes prirent eux-mêmes, à certains moments, une atti-
tude de rebelles; et Ton est tenté alors de voir dans l'histoire
de leur schisme une manifestation des tendances séparatistes
de l'Afrique romaine, une forme nouvelle de la rivalité sécu-
laire entre Rome et Carthage. Mais ce n'est là qu'une apparence ;

ou plutôt, ce n'est qu'une partie, la moindre, de la vérité histo-


rique. En réalité, le Donatisme ne visait pas si haut, ni si loin :

il ne songeait qu'à vivre, à voir la fin des persécutions, à détruire

l'Eglise rivale, ou, du moins, à prendre sa place. Pour trans-


former ces « rebelles » en loyaux sujets de l'Empire, pour
rompre aussitôt leur alliance avec les Circoncellions et autres
révoltés, il eût suffi d'une constitution impériale, proclamant
que l'Église de Donat représentait seule en Afrique l'Eglise uni-
verselle, l'Eglise catholique. Mais cette loi n'a pas été promul-
guée : jusqu'au bout, le Donatisme est resté l'éternel proscrit.
n'en a pas moins joué un rôle fort important dans l'his-
Il

toire de l'Afrique chrétienne un rôle malfaisant. Historiens et


:

critiques accorderaient volontiers au Donatisme des circons- ,

tances atténuantes. Par le long drame de ses destinées tra-


giques, il met beaucoup de vie et de relief dans l'Afrique du
IV e et du v e siècle. Il présente une riche galerie de figures ori-
ginales. Il une curieuse littérature schismatique, sec-
a produit
taire à souhait, mais nullement banale, et où ne manque pas
le talent ;
par contre-coup, il a suscité le livre d'Optat, et une
partie considérable de l'œuvre d'Augustin. Mais, si l'on juge le
Donatisme dans son rôle historique, on ne peut méconnaître
qu'il a été pour l'Afrique une cause de désordre, de faiblesse et
de décadence. Il a porté le trouble partout non seulement :

dans l'Eglise, mais dans le pays tout entier, dans les villes,
dans les campagnes, sur les routes, clans toutes les classes de
la société, jusque clans Il a déchaîné la guerre
les familles 1
.

religieuse, encouragé
guerre sociale, accru la misère. Il a
la
coupé l'Afrique chrétienne en deux tronçons, qui ne parvien-
dront jamais à se rejoindre tout à fait. Il a diminué ainsi la
force d'expansion du christianisme africain. En attirant sur lui
l'effort des Catholiques, il a ralenti leur propagande, entravé
le progrès de la civilisation dans les tribus indigènes, facilité
en bien des régions la survivance du paganisme et de la bar-

1) Uplat, 11, 18-19 111, 4 et 10; Augus-


; — Cf. Collât. Carlhag., I, 99-143 ;
157-
lin, Contra Cresconium, Ul,b2,l&;Epist. 210.
23, 5; 33, 5; 108, 6, 17-19; 185, 4, 15.
192 l'église donatiste

barie. 11 a livré presque tout le pays à l'anarchie. C'est en par-

tie à cause de ces guerres religieuses et de ces désordres sécu-


laires, que l'Afrique romaine s'est trouvée si faible en face des
Vandales, et, peut-être, l'Afrique byzantine en face des Arabes.
Bref, le Donatisme a été, pour la civilisation et pour le chris-
tianisme local, un terrible agent destructeur. Seule, la papauté
a tiré profit du schisme africain, qui a favorisé ses ambitions
en diminuant la résistance de la glorieuse Eglise africaine, en
forçant la Garthage catholique, jadis animée d'un si vif esprit
d'indépendance, à solliciter l'appui de Home'. De Cyprien à
Augustin, d'Augustin à Grégoire le Grand, on mesure aisément
les étapes de la suprématie romaine en Afrique. A ce recul de
Carthage devant Rome, il y eut sans doute bien des causes :

mais l'une de ces causes est la folie fratricide du Donatisme.

1) Concil. Are/ul. ann. 314, can. 8; pos per Africain, 8; Optât, I, 23-24;
Concil. Carlhag. ann. 348, can. 1; Co- Augustin, Contra Epistulam Parmeniani,
dex canon. Eccles. afric, can. 57-6S ;
1,5, 10; Brevic. Collai., III, 12, 24: 17,
Sirice, Epistula ad fratres et coepisco- 31.
CHAPITRE It

LES DOCUMENTS DONATISTES OU RELATIFS


AU DONATISME

Documents relatifs aux origines du schisme (303-330). — Comment ils nous sont
parvenus. — Chronologie. —
Divers groupes. —
Lois de Constantin sur le Dona-
tisme. — Correspondance officielle de l'empereur ou de ses représentants et des
gouverneurs africains. —
Pièces relatives a la persécution de Dioclétien en
Afrique et aux malentendus nés de cette persécution. —
Dossiers de conciles.—
Pièces relatives aux attaques des Donatistes contre les évèques de Carthage et
les papes. — Requêtes, appels et suppliques des dissidents. — Procès-verbaux
d'enquêtes.

De nombreux documents donatistes, ou relatifs à l'histoire du


Donatisme, sont arrivés jusqu'à nous en entier ou par frag-
ments, ou, tout au moins, nous sont connus par des témoignages
précis. Mais ces documents présentent un intérêt très inégal
pour l'histoire littéraire de l'Afrique chrétienne. Les uns, d'ori-
gine étrangère, surtout ceux qui émanent de la chancellerie
impériale, n'ont pour nous qu'une valeur objective. Ils nous
renseignent sur les faits, mais non sur la mentalité des Africains
ou leur littérature une fois reconstituée l'histoire du schisme,
:

ils ne sauraient plus rien nous apprendre. Sans doute, l'on n'en

peut faire complètement abstraction; car ils tiennent leur place


dans un ensemble, et contribuent souvent à dessiner le cadre
du récit ou de l'étude psychologique. Mais il nous suffira de les
mentionner brièvement, sans nous attarder à les analyser en
détail. Il en va tout autrement pour les pièces d'origine africaine.
Ces documents-là doivent être ici considérés en eux-mêmes.
D'abord, ils relèvent directement de notre domaine. Puis, ils
sont partie intégrante de la littérature locale c'est de la litté- :

rature ou de l'histoire en action. Enfin, ils nous guident souvent


dans l'interprétation des œuvres littéraires proprement dites,
dont ils nous aident à pénétrer l'âme en nous initiant aux
IV 13
194 LE DONATISME

secrets de la politique du parti, en nous révélant les impres-


sions d'un public très sectaire, en nous renvoyant l'écho des
protestations et des querelles du temps. D'où la méthode adop-
tée dans cette revue des documents relatifs au Donatisme une :

simple mention pour de la chancellerie impé-


les pièces sorties
riale et les autres textes d'origine étrangère; et, au contraire,

une étude minutieuse des pièces africaines, de celles, au moins,


qui peuvent éclairer par contre-coup la littérature donatiste.
Circonscrit de la sorte, le champ reste très vaste. Encore
laisserons-nous de côté, provisoirement, plusieurs catégories
de documents qui seront étudiées ailleurs les Actes des Con- :

ciles, les inscriptions, les relations martyrologiques, sans par-


ler de toutes les œuvres proprement littéraires.
Dans cette enquête, nous suivrons naturellement l'ordre chro-
nologique, sauf à grouper les pièces similaires d'une même
période. Nous étudierons tour à tour 1° les documents relatifs
:

aux origines du schisme (303-330) 2° le dossier connu sous le


;

nom de Gesta purgalionis Caecilianiet Felicis; 3° les documents


de la période qui va de 331 à 391 4° les documents du temps
;

d'Augustin 5° les pièces judiciaires de cette époque; 6° les docu-


;

ments contemporains de l'occupation vandale et de la domi-


nation byzantine.
L'ensemble de toutes les pièces historiques sur le grand
schisme africain constitue le Dossier du Donatisme, au sens
large du mot. Mais l'expression est employée couramment dans
un sens restreint. Aujourd'hui, en fait, l'on appelle ordinaire-
ment « Dossier du Donatisme » le groupe des documents rela-
tifs à la période des origines jusqu'à 330 groupe qui a joué le
:

rôle principal dans les controverses entre Catholiques et schis-


matiques, à cause de l'importance spéciale qu'avait pour les deux-
partis la question des origines et de la légitimité du schisme.
Dans un sens plus restreint encore et presque juridique, l'ex-
pression « Dossier du Donatisme » désigne les Gesta purga-
tionis Cseciliani et Felicis, c'est à-dire un recueil partiel, nette-
ment délimité, formé entre 330 et 347, dont les Catholiques
africains se servirent presqueconstamment pour les polémiques,
et qui fut utilisé successivement par Optât, par Augustin, par
les avocats-mandataires du parti catholique à la Conférence de
411. 11 est donc prudenl de ne pas abuser du terme « Dossier du
Donatisme », terme commode eu apparence, mais qui, on le
voit, prête à l'équivoque Avant d'étudier en détail la compo-
sition ei lr contenu du célèbre recueil îles Gesta purgationis,
nous devons brièvement passer en revue l'ensemble des pièces.
DOCUMENTS HISTORIQUES 195

comprises ou non dans ces Gesta, qui se rapportent aux ori-


gines.
Ces documents nous sont parvenus par les voies les plus
diverses. Quelques-uns, par exception, ont été transcrits à
part, et, de copiste en copiste, sont arrivés jusqu'à nous.
D'autres, et des plus importants, qui faisaient partie des Gesta
purtjationh, se sont conservés dans l'Appendice d'un manus-
crit d'Optat. La plupart des lois et constitutions impériales ont
été insérées dans le Code Théodosien. Beaucoup de pièces nous
sont connues plus ou moins complètement par les procès-ver-
baux de la Conférence de 411, par les Actes des Conciles, par
les citations ou allusions d'Optat, d'Augustin, d'Eusèbe ou
autres. L'ensemble est d'une richesse singulière, très variée et
très complexe. Sauf de rares exceptions, tous ces documents
sont des pièces d'archives, tirées, soit des dépôts officiels
(àrchivum piiô/icum, archiva pnblica, chartacpnblicae) ', archives
impériales, archives des cités, des gouverneurs africains, du
vicaire d'Afrique ou du proconsul de Carthage (àrchivum ou
archiva proconsulis)- soit des dépôts ecclésiastiques, archives
,

des Eglises catholiques ou des Eglises donatistes (archiva cccle-


3
siastica) .

Dans ce dédale, on ne peut s'orienter sans le fil conducteur


de lachronologie. Les points de repère ne manquent pas. In
certain nombre de documents sont datés le concile de Rome, :

plusieurs rescrils de l'empereur ou autres pièces de chancel-


lerie, plusieurs procès-verbaux. Ce sont autant de jalons, entre
lesquels se rangent d'elles-mêmes la plupart des autres pièces,
d'après les allusions qu'elles contiennent ou d'après la suite
logique des faits. Sans doute, il reste des difficultés de détail;
les solutions proposées par les critiques ne concordent pas
toujours, et nous signalerons à l'occasion ces divergences.
Mais les grandes lignes se dessinent nettement dans le récit
d'Optat, complété par les observations d'Augustin et de ses
contemporains. Au cours des controverses entre les deux
partis, la chronologie des origines du schisme a suscité des
discussions aussi précises que passionnées, dont le résultat est
consigné soit dans les procès-verbaux de la Conférence de Car-
thage, soit dans les livres d'Augustin. Plus tard, ces questions
de dates ont été élucidées avec soin, souvent avec un sens cri-

1) Collai. Carlftag., III, 164; 187; tin, Brevic. Collai., III, 7, 8; Contra
220; Augustin, Ad Donalislas post Col- Cresconium, lit, 61, 67; 70, 80.
lai., 16, 20. 3) Augustin, Brevic. Collai., III, 17, :il-
2) Collai. Carlhag., III, 220; Augus- 32; AdUonatislaspost Collai., 15, 19.
196 LE DONATISME

tique aiguisé, par les érudits modernes qui ont essayé, comme
Tillemont, Dupin et Morcelli, de reconstituer l'histoire du
Donatisme De nos jours, enfin, cette chronologie des ori-
1
.

gines du schisme a été contrôlée et précisée par plusieurs


savants avec une véritable maîtrise 11 nous paraît donc inutile 2
.

de recommencer ici un travail minutieux qui a été fort bien


fait. Là où l'on est d'accord, nous nous contenterons d'indiquer
la date du document. Nous ne reprendrons la question que sur
les points où nous sommes arrivé à des conclusions diffé-
rentes. On trouvera d'ailleurs, à la fin du présent volume, la
liste complète de tous les documents, classés dans l'ordre chro-
nologique.
Les pièces qui se rapportent aux origines du Donatisme sont
de nature très différente lois et constitutions impériales cor-
: ;

respondance officielle de Constantin ou de ses représentants,


et des gouverneurs africains documents relatifs à certains ;

épisodes de la persécution de Dioclétien en Afrique et aux


malentendus nés de cette persécution; dossiers de conciles;
pièces concernant les attaques des schismatiques contre les
évêques de Carthage et les papes de cette époque; suppliques et
appels des Donatistes à l'empereur; procès-verbaux d'enquêtes.
Les lois et constitutions impériales ont naturellement, pour
cette période, une importance historique de premier ordre :

car elles décidèrent de l'avenir du Donatisme. Cette catégorie


de documents comprend la sentence impériale de 316, la loi de
proscription qui suivit, l'édit de tolérance de 321, une série de
rescrits destinés à entraver la campagne donatiste de libelles
et de pamphlets, enfin deux constitutions qui avaient pour
objet d'assurer aux Catholiques et de retirer aux schisma-
tiques les privilèges précédemment concédés aux clercs.
Les dissidents africains, au lendemain de la nouvelle con-
damnation prononcée par le concile d'Arles, en avaient appelé
au tribunal de l'empereur qui, bon gré mal gré, après avoir
3
,

1) Tillemont, Mémoires sur l'histoire 1901); Harnack, Die Chronologie der ult-
ecc/ésiasliaue, t. VI. p. 1-193; 697-726; chrisll. /Aller., t. Il (Leipzig, 1904),
Dupin,Hisloria Donatistarum, cl Mo- p. 453; Secck, Quellen uni Urkunden
numenla vêlera ad Donatistarum histo- ueber die Anfaenge des Donati^nus
riam perlinenlia, clans son édition d'Optat (dans la Zeitschrift fur Kirchengeschi-
(Paria, 1700), p. i-xlviii et 22:3-020 : chte, t. X, 1889, p. 505) Dos : Urkunden-
Morcelli, A frira Clirisliana (Brescia, buch des Oplatus {ibid., t. XXX, 1909,
1817), tomes II et III. p. 181).
Duchesne, lu Dossier du l)ona- 3) Appendir d'Optat, n. 5, p. 209
tisme, Rome, 1890 (extrait de-* Mélanges Ziwsa; Augustin, Epist. 43, 2, 4; 43, 7,
de l'École française de Rome, t. \, 20; 53, 2, 5; 16, 2 88, 3; 89, 3; 105,
;

1890, p. 589); l'allu de Lessert, Fastes 2. 8.


des provinces africaines, I. II (Paris,
DOCUMENTS HISTORIQUES 197

tergiversé deux ans, dut instruire à son tour le procès. La sen-


tence de Constantin (judiciitm Consiantini', imperialis senten-
tia) fut rendue à Milan dans les premiers jours du mois de

novembre 316, et notifiée le 10 novembre au vicaire d'Afrique


Eumelius'. Elle proclamait que Caecilianus avait été calomnié
par ses adversaires, qu'il avait été régulièrement élu et ordonné,
qu'il était par conséquent le seul évêque légitime de Carthage.
Le texte même de l'arrêt impérial est perdu. Mais Augustin
nous a conservé la partie de la lettre à Eumelius où Constantin
résumait sa sentence « J'insère ici, dit Augustin, les paroles
:

mêmes de Constantin, d'après sa lettre au vicaire Eumelius,


où il atteste qu'il a instruit l'affaire entre les deux parties et

qu'il a constatél'innocence de Caecilianus. Après avoir raconté


dans ce qui précède, comment les deux parties, à la suite des
jugements épiscopaux, ont été conduites devant son propre
tribunal, l'empereur ajoute « Dans ce procès, j'ai reconnu
:

clairement que Caecilianus est un homme d'une parfaite inno-


cence, qui observe tous les devoirs de sa religion et la sert
comme il convient. Il m'est apparu en toute évidence qu'on n'a
pu relever dans sa conduite aucune faute, contrairement aux
accusations portées contre lui en son absence par l'hypocrisie
a
de ses adversaires » .

L'arrêt de Constantin impliquait la condamnation du Dona-


tisme. Les Catholiques africains durent presser l'empereur de
tirer les conséquences légales de sa sentence de leur côté, les ;

schismatiques, en redoublant de violence, décidèrent le gou-


vernement à sévir. Vers la fin de 316 ou le début de 317, fut
promulguée la première loi de proscription contre le Dona-
tisme, le premier édit « d'unité » Par un singulier hasard, le 3
.

texte de cette loi importante ne figure pas dans le Code Théo-


si

dosien, où elle est mentionnée seulement, et incidemment, par


un rescrit de Gratien*. La clause principale ordonnait la con-
fiscation des basiliques qui avaient été occupées par les dissi-
5
dents, et qui devaient être rendues aux Catholiques Devaient .

être également confisqués les biens de « ceux qui résisteraient


6
obstinément à l'unité » Suivant Augustin, cette loi, qui était
.

1) Collât. Carlhag., III, 516; 521-523 ; 71, 82.


Augustin, Brevic. Collât., III, 19, 31 et 3) Passio Donali, 3 ; Augustin, Epist.
suiv.; Ad
Donatistas posl Collât., 33, 93, 4, 14.
56; Contra Cresconium, III, 71, 82; 4) Cod. Theod., XVI, 6, 2.
Sermo ad Caesareensis Ecclesiae pie- Augustin, Epist. 88, 3
5) ; Contra lit-

bcm, 1 Epist. 43, 2, 4 et suiv. 53, 2,


; ; leras Peliliani, II, 92, 205.
5 ; 93, 4, 13; 105, 2, 8; 141, 10-11. 6) Epist. 93, 4, 14.
2) Augustin, Conlra Cresconium, 111,
.

198 LE DONATISME

« très sévère »', comprenait bien d'autres clauses, dirigées


surtout, des schismatiques. En
semble-t-il, contre les chefs
fait, dans les question non seulement
années suivantes, il est
de basiliques reprises par la force, mais de sentences d'exil,
même de condamnations à mort Au témoignage d'Augustin, 2
.

les lois postérieures contre le Donatisme ne firent que confirmer


3
celle de Constantin ; mais, selon toute apparence, ce qui sur-
vivait, c'était moins le texte même de la loi que le principe de
la condamnation.
Quatre ans passèrent, quatre années de persécution, de vio-
lence et d'anarchie, qui lassèrent les deux partis en présence
sans amener de résultat. Des évoques donatistes demandèrent
grâce; leur supplique fournit à Constantin l'occasion de battre
en retraite avec les honneurs de la guerre*. Il se décida à pro-
mulguer un édit de tolérance, qu'il notifia le 5 mai 321 au
vicaire d'Afrique Verinus". Dans cet édit, dont le texte original
est également perdu, mais dont nous connaissons assez bien le
contenu, l'empereur évitait de rapporter expressément son édit
d'unité; mais il l'annulait en fait par des déclarations toutes
différentes et par les instructions qu'il donnait à ses agents.
Sans doute, il parlait durement des schismatiques africains, les
traitait de scélérats, appelant même sur eux la vengeance
divine; mais, de guerre lasse, il leur accordait la liberté du
culte et le rappel des exilés, il mettait fin aux persécutions.
Nous ne savons s'il concédait formellement aux communautés
donatistes la jouissance des basiliques qu'elles avaient réussi à
garder; mais cette concession était la conséquence naturelle
de la clause relative à la liberté du culte, et c'est bien ainsi que
l'édit fut interprété par les agents impériaux. La loi « d'unité »
devenait lettre morte le nouvel édit de tolérance consacrai!
;

implicitement le statu guo.


D'autres constitutions impériales de cette période, également
relatives au Donatisme, mais beaucoup moins importantes,
nous ont été conservées par le Code Théodosien. Quatre d'entre
elles visent les libelles diffamatoires {famosi i/bellï) contre les
Catholiques, les dénonciations, généralement anonymes, que
les schismatiques envoyaient sans se lasser aux gouverneurs

i) Epist. 105, 2, 9. guslin, Brevic. Collai., III, 21, 39 ; Ad


2) Passio Douait, 3 el suiv. ; Augustin, Donatislas pont Collai., 31, 51 ; Epist
Contra Epistulam Parmeniani,], 8,13; 141,9.
11, 18; Epist. 141, 9. S Collât Carlhag., 111,549-550; Au-
lugustin, Epist. M,'.,; 'Xi, 4, 14; guslin, Epist. 141, 9; Hrevic. Colla/.,
105,2, 9-10. III, iiL\ '.u ri suiv. ;\,l Donatistas post

4) Collai. Car/ha,,., III, fî 4i -H 4T ; Au- Colla/., 31, . 33, 56


DOCUMENTS HISTORIQUES 199

africains. La première de ces constitutions, adressée comme


l'édit de tolérance au vicaire d'Afrique Verinus, et affichée à
Carthage le 29 mars 319, prescrivait de rechercher les auteurs
des libelles, et de les punir, alors même qu'ils prouveraient les
faits allégués par eux'. Un autre rescrit, affiché à Carthage le
25 février 320, et adressé au proconsul d'Afrique, rappelait à
ce magistrat que les accusations contenues dans un libelle ne
devaient pas nuire aux personnes dénoncées, alors môme que
le libelle serait gardé dans les archives du proconsul ou du
2
vicaire d'Afrique On relève des instructions analogues dans
.

deux rescrits du 4 décembre 320 et du 21 octobre 328 3 Enfin, .

deux autres constitutions impériales se rapportent à la question


des privilèges du clergé. Le 1 er septembre 326, Constantin
spécifie que les immunités accordées aux clercs catholiques
doivent être refusées aux schismatiques, et que ceux-ci sont
astreints aux mimera'. Le 5 février 330, il avise le consulaire
Valentinus, gouverneur de Numidie, d'avoir à prendre des
mesures pour assurer une entière immunité aux clercs inférieurs
de l'Eglise catholique qui avaient été indûment soumis par des
5
Donatistes aux charges de la curie .

Aux lois et constitutions impériales s'ajoutent une trentaine


de lettres officielles, dont beaucoup sont conservées intégra-
lement, qui souvent sont datées, et qui fournissent les éléments
essentiels pour la reconstitution de l'histoire du schisme entre
les années 313 et 330. Ce sont, pour la plupart, des pièces de
chancellerie lettres de Constantin, notifications de hauts
:

fonctionnaires, rapports de gouverneurs africains. Si précieuses


que soient ces pièces pour l'histoire du Donatisme, elles n'inté-
ressent guère l'histoire littéraire de l'Afrique chrétienne. Aussi
nous contenterons-nous de les mentionner, en les groupant
dans un ordre méthodique, d'après le contenu et la date. Elles
se rapportent soit à la première intervention de Constantin
entre les deux partis, soit au concile de Rome, soit à l'enquête
sur Félix d'Abthugni, soit au concile d'Arles, soit au procès de
Caecilianus devant le tribunal impérial, soit à la politique afri-
caine de Constantin dans ses dernières années.
A peine maître de Rome, Constantin eut à s'occuper de
l'Afrique et dut se prononcer entre les deux partis. D'abord, il
voulut réparer les dommages causés à l'Église locale parla per-
sécution de Dioclétien. Vers la fin de 312 ou le début de 313, il

1) Cod. Theod., IX, 34, 1. 4) Cod. Theod., XVI, 5, 1.


2) lbid., IX, 34, 2. 5) Cod. Theod., XVI, 2, 1 ; Appendix
3) lbid., IX, 34, 3 et 4. d'Optat, n. 10, p. 215 Ziwsa.
200 LE D0NAT1SME

écrivit au proconsul Anulinus pour lui ordonner de faire resti-


tuer aux communautés chrétiennes les immeubles confisqués
1

Par une autre lettre au môme personnage, il lui notifia sa vo-


lonté d'exempter des charges publiques les clercs de l'Eglise
catholique dont Caecilianus était le chef C'est, dans cette cor- 3
.

respondance officielle, la première allusion aux schismatiques


africains. Des Acta proconsularia constatèrent qu' Anulinus avait
communiqué à Caecilianus et aux Catholiques du pays le res
crit impérial, en les exhortant à rétablir l'unité religieuse Peu 3
.

après, l'empereur s'adressa directement à Caecilianus de Car-


tilage il lui annonçait l'envoi de
: secours en argent destinés
aux Églises africaines, l'avisait des mesures prises ou à prendre
pour la transmission et la répartition de ces indemnités, lui
promettait de le soutenir contre les fauteurs de troubles, et
,1'engageait à invoquer, en cas de besoin, l'appui des gouver-
neurs'. A la lettre impériale était joint un état financier, dressé
par l'évêque Hosius de Cordoue, et indiquant le mode de répar-
tition des sommes d'argent entre les communautés intéres-
sées
5
. En même temps, Constantin écrivait à Ursus, rationalis
d'Afrique, pour lui transmettre ses instructions sur le verse-
ment des fonds au proconsul Anulinus et au vicaire d'Afrique
;

Patricius, pour leur enjoindre de soutenir Caecilianus contre


7
les dissidents .

Un second groupe de pièces officielles se rattache à la pre-


mière requête des schismatiques et au concile de Rome qui en
fut la conséquence. Du 15 avril 313 est daté un très important
rapport du proconsul Anulinus à l'empereur 8 Une délégation .

de dissidents, suivie d'une foule considérable, s'était présentée


au gouverneur et lui avait remis, avec prière de les transmettre,
deux pièces relatives à la querelle des deux partis L'une de
ces pièces était cachetée d'après le titre reproduit sur l'enve-
:

loppe, c'était un réquisitoire contre Caecilianus de Carthage,


rédigé au nom de l'Eglise « catholique » des mécontents
3
.

L'autre pièce était une supplique à Constantin des évêques du :

parti de Donat ou de Majorinus demandaient que l'affaire fùl


soumise à un arbitrage d'évêques gaulois l0 Le rapport d' Anuli- .

nus avait précisément pour objet principal de porter ce fait

1) Eusèbe, llisl. Ecck-s., X, 5, 15-17. 6) Eusèbe, X, 6, 1.

2) ////</., X, 7. 7) Ibid., X, 6, 4.
3) Pièce mentionnée dans le premier 8) Collai. Carlhao., III, 215-J20 ; An-
Rapport d'Anulinus (Augustin, Epis t. 88, gustin, Epist. 88, 2 ; lireûic. Collai., III,

2). 7, .S; 12,24.


4) Eusèbe, flist. Ecoles., X, 6. y) Augustin, Epist. 88, 2; 93, 4, 13.
5) lbid., X, 6,2. 10) Optat,I,22; Augustin, Epist. 88, 2
DOCUMENTS HISTORIQUES 201

nouveau à la connaissance de l'empereur et de lui envoyer les


deux pièces en question. Constantin fit droit à la requête, mais
en se réservant de constituer le tribunal comme il le jugerait
bon. Vers le milieu de 313, il écrivit au pape Miltiade, qui était
d'origine africaine, pour le charger de présider le futur concile,
pour lui annoncer l'envoi des documents transmis par Anuli-
nus, l'arrivée prochaine de trois évêques gaulois, Reticius
d'Autun, Maternus de Cologne, Marinus d'Arles, qui devraient
figurer parmi les juges, et la comparution de Caecilianus avec
des délégations des deux partis africains'. D'autre part, il avisa
directement les trois évêques gaulois, les invitant à se rendre
au concile 8 Dans sa réponse au proconsul Anulinus, il lui
.

ordonna d'envoyer à Rome Caecilianus de Carthage avec


dix représentants de chaque parti Un second rapport d'Anu- 3
.

linus annonça bientôt le départ des deux délégations*. On sait


que le concile de Rome se réunit le 2 octobre, et donna gain
5
de cause à Caecilianus Dès que la sentence fut connue en .

Afrique, les protestations éclatèrent dans le camp des dissidents.


Vers la fin de l'année, un rapport du vicaire d'Afrique /Elafins
avisa de ces protestations le gouvernement central 1

'.

Dans l'espoir de mettre fin à cette agitation, l'empereur


ordonna d'ouvrir une enquête sur le cas de Félix d'Abthugni,
qui avait consacré Caecilianus, et que l'on accusait d'avoir fai-
bli dans la persécution les dissidents se plaignaient que le :

concile de Rome eût négligé ce grief, hautement invoqué par


leurs évêques lors de déposition de Caecilianus. Trois pièces la
de chancellerie visent procès de Félix une lettre où Constan- le :

tin prescrivait au vicaire d'Afrique yElius Paulinus d'ouvrir


7
immédiatement l'enquête une lettre d'.Elius Paulinus aux ;

duumvirs d'Abthugni, contenant les instructions du gouver-


neur 8 un rapport officiel où le proconsul rElianus, chargé de
;

l'affaire en l'absence dVElius Paulinus, notifiait à l'empereur


les résultats de l'enquête, qui avait prouvé l'innocence de

1) Eusébe, Hist. Ecoles., X, 5, 18. — suiv. ; 53, 2, 5 ; 88, 3 ; 103, 2, 8 ; 185,


Cf. Collât. Carthag., 111, 319 ; Augustin, 10, 47.
Brevic. Collât., 111, 12, 24. 6) Rapport mentionné dans la Réponse
2) Eusèbe, Hist. Ecoles., X, 5, 18. Je Constantin à .4^1afius (Appendix d'Op-
3) Collai. Carthag., III, 318 ; Augus- tat, n. 3, p. 205 Ziwsa).
tin, Brevic. Collai., 111, 12, 2't. 7) Optât l'ait allusion à celte lettre (I,

4)Rapport cité à la Conférence de 411 27); mais il confond le vicaire Mlius


{Collai. Carthag., 111, 318 Augustin, ; Paulinus avec le proconsul Ailianus. On
lirevic. Collât., III, 12, 24). peut, d'ailleurs, soupçonner ici une erreur
5) Optât, I, 23-24 ; Collât. Carthag, de copiste.
III, 320-326 ; Augustin, Brevic. Collai., 8) Lettre citée dans les Acta purgalio-
III, 12, 24 ; 17, 31 ; Epist. 43, 2, 4 et nis Felicis, p. 197 Ziwsa.
202 LE DONATISME

l'évêque Félix*. La sentence du tribunal proconsulaire était


donc une réponse péremptoireà l'un des principaux arguments
invoqués par les schismatiques contre le concile de Rome.
Armé de cette sentence, Constantin résolut de faire régler
définitivement l'affaire de Caecilianus, comme persistaient à le
demander les mécontents, par un grand concile gaulois. Au
concile d'Arles se rattache un autre groupe de pièces officielles :

une lettre adressée par l'empereur à Chrestus, évèque de Syra-


cuse, pour l'inviter à se rendre au synode* des convocations ;

analogues envoyées aux évoques italiens, gaulois, bretons, espa-


gnols, qui devaient prendre part à la même assemblée une 3
;

lettre de l'empereur au vicaire d'Afrique .Elafius, prescrivant


de diriger sur Arles, pour le 1 er août, Caecilianus de Carthage
avec quelques-uns de ses partisans et de ses adversaires appar-
4
tenant aux diverses provinces africaines une lettre de remer- ;

ciements et de congé, adressée par Constantin aux membres


du concile enfin, une notification des préfets du prétoire au
5
;

vicaire d'Afrique Domitius Celsus, relative au retour des


évêques dissidents en Afrique \
Les schismatiques en appelèrent encore du concile à l'empe-
reur, et le mirent en demeure de trancher lui-même le débat
:
.

Une série de pièces nous peint sur le vif l'embarras de Constan-


tin, qui cherche à se dérober, hésite sur la procédure, et plu-
sieurs fois modifie ses résolutions. Il avait songé, d'abord, à
envoyer des juges en Afrique; puis il changea d'avis. Dans les
premiers mois de 315, il écrivait au proconsul Probianus d'ex-
pédier à Rome un certain Ingentius, convaincu de faux dans le
procès de Félix d'Abthugni Vers le milieu de la même année,
8
.

par des lettres adressées simultanément à Caecilianus de Carthage


et à ceux des évoques dissidents qui avaient représenté leur
coterie au concile d'Arles, il mandait à Rome les deux parties,
marquant son intention d'instruire l'affaire en leur présence*.
Mais, Caecilianus manquant au rendez vous, plusieurs délégués
«lis schismatiques en profilèrent pour se dérober. A la fin de

l'année 315, un rapport du vicaire d'Afrique Domitius Celsus


avertit l'empereur que l'agitation donatiste augmentait dans le

\)CoUut. Carlhag., III. 55S-56Û : Au- 5) Appendix d'Oplat, n. 5, p. 208.


gustin, Bretic. Collai., |||, 24, 42. 6 Ibid., n. 8, p. 212.
r
2) Eusèbe, llist. Eccles., \, . ;, 21. 7) ibid., n. 5, p. 209; Augustin, Episl.
L'existence <!< ces lettres semble ai- i:i, 2, ',
; i.'i, 1, 20; 53, 2, 76, 2; 88,
r, ;

i. tée par un passage de la lettre a Chres- .'*


; 89, ''•
; 105, 2, s.

tus Eusèbe, ">,


V21), el par les signa- 8) Augustin, Epist. 88, 4; Contra Créa-
tures 'lu concile d'Arles. conittm, III, "in, 81.
l)Appendix d'Optat, n.3, p. 201 Ziwsa, 9) Appendix d'Optat, n. <',,
p. 210.
— Cf. Augustin, Epist. 53, 2, 5.
.

DOCUMENTS HISTORIQUES 203

pays 1
. Dans sa réponse, contenant ses instructions à ce gouver-
neur, Constantin se plaignait amèrement du sans-gêne des
deux parties, et déclarait qu'il passerait bientôt la mer, pour
terminer sur les lieux le différend*. Les choses traînèrent encore
en longueur; Constantin renonça à son projet de voyage en
Afrique, réussit pourtant à mettre les plaideurs en présence et à
instruire le procès. Par une lettre datée du 10 novembre 310, il
notifia sa sentence au vicaire d'Afrique Eumelius
3
.

Les dernières lettres officielles de cette période ont trait


à la politique africaine de Constantin entre les années 321 et
330. Las de persécuter, de lutter sans résultat contre l'entête-
ment des schismatiques, il 'se résigna à capituler, en essayant de
sauver la face. Par une lettre au vicaire d'Afrique Verinus, datée
du 5 mai 321, il mit fin aux poursuites, rappela les exilés,
1
accorda aux dissidents la liberté du culte, accepta le statu quo .

Peu de temps après, il lança une sorte de proclamation évangé-


lique, où il exhortait les Catholiques africains à se résigner,
eux aussi, et, dans l'intérêt de la paix, à s'armer de patience en
face des provocations des schismatiques
5
Comme l'agitation .

ne cessait pas, il songeait un peu plus tard à envoyer comme


arbitres en Afrique quelques évoques orientaux; mais, en rai-
sondes progrès de l'Arianisme qui troublait l'Orient lui-même,
il dut renoncer à ce projet, et, vers le début de 324, il consi-

gnait ses regrets dans sa lettre à l'évêque Alexandre et au prêtre


Arius d'Alexandrie \ Six ans plus tard, il fut avisé que les
Donatistes redoublaient d'audace en Numidie, au point de
persécuter les Catholiques. Le 5 février 330, il écrivit à onze
évêques catholiques de cette province, pour leur promettre de
faire respecter les immunités des clercs de leur Église, et de
faire construire à Constantine une nouvelle basilique en rem-
placement de celle qu'avaient usurpée les schismatiques''; le
même jour, il envoyait des instructions en conséquence au
8
consulaire Valentinus, gouverneur de Numidie Sur ce mélan- .

colique aveu d'impuissance se termine la correspondance offi-


cielle de Constantin sur le schisme africain.

1) Rapport mentionné dans la Réponse 105, 2, 8; 141, 10-11.


de Constantin (Appèndix d'Optat, n. 7, 4) Collât. Carthag., III, 549-550; Au-
p. 211). gustin. Epist. 141, 9; Brevic. Collât.,
2) Appèndix d'Oplat, n. 7. 111, 22, 40 et suiv.; Ad Donatistas post
3) Collai. Carthag., III, 516 et suiv.; Collât., 31, 54; 33, 56.
Augustin, Brevic. Collât., 111, 19, 31 et 5) Appendi.r. d'Optat, n. 9.
suiv.; Ad Donatistas pott Collât., 33, 6) Eusèbe, Vita Constantin/, 11,66-68.
56; Contra Cresconium, III, 71, 82: 7) Appèndix, d'Optat, n. 10.
Epist. 43, 2, 4 et suiv. ; 53, 2, 5 ; 93, 4, 13 ; 8) Cod. Theod., XVI, 2, 7
2

204 LE DONATISME

Il suffira de rappeler d'un mot une catégorietrès différente

de pièces, qui intéressent directement l'histoire littéraire de l'A-


frique, mais que nous avons étudiées antérieurement Ce sont 1

des pièces relatives à la persécution de Dioclétien, et souvent


citées ou alléguées dans les controverses entre les deux partis :

les Acta Mimati Felicis, procès-verbal des saisies dans l'église


de Cirta, le 19 mai 303*; des Gesta publica, plus ou moins
authentiques, et d'ailleurs perdus, sur la prétendue iradùio de
Félix d'Ahthugni, de Novellus de Tyzica, de Faustinus de Thu-
burho, les trois évêques qui plus tard ordonnèrent Gaecilianus
les Acta Saturnin? ou des martyrs d'Abitina,
3
de Carthage ;

torturés à Carthage le 12 février 304 4 le manifeste rédigé dans ;

leur prison par ces confesseurs 5 ; d'autres Acta, qui étaient rela-
tifs à des martyrs inconnus du même temps, et qui furent éga-

lement produits à la Conférence de 411 °; la correspondance de


Mensurius de Carthage avec Secundus de Tigisi. primat de
7
Numidie, en 304 ; le protocole de Cirta, du 5 mars 305 8 .

Mentionnons encore, pour mémoire, les dossiers de conciles


qui seront analysés ailleurs les Actes du Synode des dissidents :

les Actes du concile de Rome en 313 10 ceux


9
à Carthage en 31 , ,

du concile d'Arles en 314".


Nous ne devons pas nous arrêter beaucoup plus aux pièces
qui concernent les attaques des schismatiques africains contre
les évêques de Carthage ou contre les papes de cette période.
Parmi ces pièces, les unes sont perdues et nous sont très mal
connues; les autres, qui sont conservées, et qui sont précieuses

1) Voy. plus haut, l. III, p. 93 et suiv. 8) Optât, I, 13-14; Augustin, Contra


2) Gesla apud Zenophilum, p. 186 Cresconium, III, 27, 30.
Ziwsa. — Cf. Augustin, Contra Cresco- 9)Optat,I,15 el 19-20; Collai. Carthag.,
nium, III, 29, 33; IV, 56, 66; Epist. 53, 111,347; 351 et suiv.; Augustin, Brevic.
2, 4; 76, 2. Collai., III, 14, 26; 16, 28-30; Ad Do-
3) Optai, 1,20; Augustin, Brevic. Col- nalislas posl Collât., 22, 38; Contrit
lai., III, 14, 26; Ad Donalislas posl Cresconium, III, 28, 32; IV, 7, 9; Epist.
Collai., 22, 38. 43, 2, 3 et suiv.; 141, 6; Contra Fulgen-
4) Acta
Saturnini, 1 et suiv. — Cf. lium, 26.
Collai. Carthag., III, 434 el 445-448; Au- 10) Optât, I, 23-24; Collai. Carthag.,
gustin, Brevic. Collai., III, 17. 32; Ad III,320-326; 403 540; Augustin, Brevic.
;

Donalislas posl Collai., 14, 18. Collât., Ill, 12, 24; 17, 31 Ad Donalis- ;

5) Acta Salurnini, 18 lîiiluzc. — Cf. tas post Collât., 15, 19:33, 56; Contra
ibid., 2 et 16-17. Epislulam Parmeniani, I, 5, 10; De
6) Collât. Carthag., ill, 449-450; Au- unico baptismo, 16, 28; Epist. 43,2, 4 et
gustin, Brevic. Collât., III, 17, 33:.l(/ suiv.; 53, 2, 5; 88, 3; 105,2, 8; 185, 10,
Donalislas post Collai., 14, 18. 47.

7) Collai., Carthag., \\\, 334-34 I; Au 11) Appendix d'Optat, n. 3 5; Eusèbe,


:

gustin, Brevic. Collai., 111,13, 25 et suiv. ;


llist. Ecoles., \, . i, 21 : Augustin, Epist.
Ail Donalislas posl Collai., 14, 18; De 13, I, 7, 20; 53, 2, 5; 88, 3; 105,
vnico baptismo, 16, 29; Contra Gau- 2,8; Contra Epislulam Parmeniani, I,

drnliiim, I, 37, 47. 6, 11: Mansi, Canal., I. Il, |>. 469.


3

DOCUMENTS HISTORIQUES 205

pour l'intelligence de la psychologie du Donatisme, doivent


être étudiées à part ou avec les œuvres analogues. Ici, nous
nous bornerons donc à les signaler en passant. On se souvient
que, dès la fin de la persécution de Dioclétien, avait commencé
à Carthage et en Numidie une campagne d'invectives
et de
calomnies contre Mensurius et Caeciliamis. Les attaques redou-
blèrent en 312, au concile des dissidents. Elles prirent corps
dans un document qui est malheureusement perdu, et qui devait
êtrecomme un manifeste du parti dissident le Libellus, Eeclenae :

catkolicae criminum Cacciliani, c'est-à-dire le réquisitoire remis


au proconsul Anulinus et envoyé à Constantin par ce gouverneur
avec son Rapport du 15 avril 31 On ne peut dire si ce libelle l
.

doit être identifié avec le Denuutiationis libellus adversus Caeci-


liaaum, réquisitoire adressé quelques mois plus tard au concile
2
de Rome Un autre pamphlet contre Caecilianus et les Catho-
.

liques africains nous a été conservé dans Y Appendix des Acta


Saturnini 3 Enfin, la Passio Donati, à bien des égards, peut être
.

considérée aussi comme une sorte de pamphlet contre le même


4
Caecilianus C'est à des libelles de ce genre que faisait allusion
.

Constantin dans plusieurs constitutions adressées alors aux


gouverneurs africains '.

Les Donatistes ne se contentèrent pas de calomnier copieu-


sement et d'accuser bruyamment leurs compatriotes catho-
liques. Ils n'ignoraient pas que des lettres de communion
avaient été envoyées à Caecilianus de Carthage par l'Eglise de
Rome et diverses Eglises d'outre-mer Pour se venger de cette 6
.

intervention et des condamnations prononcées contre eux par


les conciles, les schismatiques africains imaginèrent d'incrimi-
ner aussi la conduite des évèques de Rome. Ils prétendirent que
le pape de l'année 303 et ses clercs les futurs papes, que Mar-
cellinus, Marcellus, Miltiade, Silvestre, avaient tous trahi leur
devoir pendant la persécution de Dioclétien 7 Pour le démon- .

trer, ils alléguaient et interprétaient à leur façon deux docu-


ments, qu'ils produisirent encore un siècle plus tard des Gesta :

apud praefeclum, les procès-verbaux des saisies faites en 303


dans les églises de Rome 8
, et le procès-verbal de restitution de
ces églises au pape Miltiade, par ordre de Maxence, en 311 \ A
1) Augustin, Epist. 88, 2; 93, 4, 13. 5, 10; De unico baptismo, 16, 27; Bre-
2) Epist. 43, 5, 15. vie. Collât., III, 18, 34.
3) Acla Saturnini, 16-20 Baiuze. 8) Collât. Carthag., III, 490-498; Au-
4) Passio Donati, 2 et 8. gustin, Brevic. Collât., III, 18, 34-36.
5) Cod. Tkeod., IX, 34, 1-2. — Cf. 9) Collât. Carthag., III, 499-514; Au-
ibid., IX, 34, 3-4. gustin, Biwic. Collât., III, 18, 34 et
6) Augustin, Epist. 43, 3, 8; 43, 7, 19. suiv. ; Ad Donatistas post Collât., 13, 17.
7) Contra Epistulam Parmeniani, I,
206 LE DONAT1SME

cette campagne contre les chefs de l'Église de Rome se ratta-


chaient sans doute les pièces du procès criminel intenté devant
l'empereur, vers 315, au pape Silvestre' procès dont nous igno- :

rons d'ailleurs les circonstances exactes, et dont le dossier est


entièrement perdu.
Les requêtes, appels et suppliques des dissidents à Constan-
tin forment un autre groupe très important pour l'histoire des
origines et de la mentalité de l'Eglise donatiste. Comme nous
n'aurons pas l'occasionde revenir sur ces pièces, nous indique-
rons ici, avec plus de détail, ce qu'on en sait.
A son Rapport du 15 avril 313,1c proconsul Anulinus joi-
gnit une Requête à l'empereur (Preces ad Constant inutn), que
venait de lui remettre une délégation des dissidents, et par
laquelle ceux ci réclamaient un arbitrage d'évêques gaulois \
De cette pièce, qui a été mainte fois produite dans les polé-
miques entre les deux partis, Optât nous a conservé le texte
intégral. En voici la traduction « Nous t'adressons une :

requête, ô Constantin, excellent empereur. Tu es d'une race


juste; ton père, seul parmi les empereurs, n'a pas déchaîné la
persécution, et, grâce à lui, la Gaule est restée à l'abri de cette
criminelle entreprise. En Afrique, il y a des difficultés entre
nous et les autres évêques. Nous demandons que ta piété nous
fasse donner des juges de Gaule. Signé par Lucianus, Dignus, —
Nasutius, Capito, Fidentius, et les autres évêques du parti de
3
Donat ». Les derniers mots du document (partis Donati) sont
probablement une interpolation. Dans l'exemplaire qu'Augus-
tin avait entre les mains, on lisait « et les autres évêques du :

parti de Majorinus » [partis Majorini) \ En effet, Majorinus


devait être encore vivant en avril 313; il paraît être mort
seulement quelques mois plus tard. Cependant, à notre avis,
l'exemplaire d'Augustin, sur ce point, n'était pas plus exact que
celui d'Optat les deux leçons doivent être des additions de
:

copistes du [V e siècle. Les dissidents africains repoussaient


alors cette appellation injurieuse de parti de Majorinus ou de
Donat :avaient la prétention d'être la véritable Église,
ils

l'Eglise catholique »
« Selon toute vraisemblance, la Requête
'.

originale se terminait soit par une longue liste de noms

i) Epislulu concilii romani ami. 378 3) Optai, I, 22.


ad Gralianum Valentinianum ///>/»-
et h) Augustin, Episl. 88, l 2: 93,4, 13;
ralores (Mansi, ConciL, t. III, \<. 621). Breiric. Collai., III, 12, 24.
2) Optât, I, 22; lll, 3; Augustin, icta Satvrnini, Iti et 20 Baluze;
Contra Cre -'nnirn, lll, 61, t;7 ; Epist. Passio Donali, '': Acta purgalionis Fe-
I, 2, >; ;•, 2; 88, 2; 93, '., lias, \>. 198 Ziwsa; Optât, II, il suit. I

13; 105, 2, S; 141, 8.


DOCUMENTS HISTORIQUES 207

d'évêques, soit par les mots « et les autres évêques de l'Église


catholique » (et ceteris episcopis Ecclesicip catholicae). On
s'explique aisément que les premiers copistes africains n'aient
pas hésité, soit à abréger, soit a modifier la fin du document.
Quant aux cinq évêques dont les signatures sont mentionnées
expressément, c'étaient sans doute les commissaires chargés de
rédiger la requête et d'agir au nom de leur parti. Il esta noter
que quatre d'entre eux sont encore nommés dans une pièce de
chancellerie comme étant les délégués des schismatiques au
concile d'Arles '• Il y a pourtant, dans cette liste de noms, une
omission bien surprenante on ne s'explique guère que, :

parmi ces délégués, ne ligure point le chef du parti, soit Majo-


rinus, soit Donat. Quoiqu'il en soit, la Requête envoyée à Cons-
tantin le 15 avril 313 est sûrement authentique, sauf pour les
deux derniers mots. Elle est d'une importance majeure pen- :

dant un siècle, elle a servi à confondre les Donatistes, qui se


plaignaient sans cesse de l'intervention du pouvoir séculier,
oubliant qu'ils avaient été les premiers à solliciter cette
intervention.
Les autres requêtes des dissidents sont perdues; mais nous
en connaissons à peu près le contenu. C'est d'abord un appel
(appellatio) contre la sentence du concile de Rome
2
Vers la .

fin de 313, Un rapport du vicaire d'Afrique Aelafius annonça


que les schismatiques protestaient contre l'arrêt des évêques
réunis sous la présidence du pape Miltiade Suivant Optât, 3
.

l'appel fut adressé à l'empereur par Donat, condamné person-


nellement par le concile de Rome, et devenu le chef du parti
dissident depuis la mort de Majorinus*. Constantin lui-même
raconte que des schismatiques vinrent le trouver pour justifier
5
et soutenir l'appel Dans leur protestation, les dissidents
.

renouvelaient leurs accusations contre Caecilianus, contestaient


l'impartialité des juges, critiquaient la composition du concile
et la procédure. Peut-être n'incriminaient-ils pas encore,
comme ils le firent plus tard, la conduite du pape Miltiade au
temps de la persécution de Dioclétien G mais ils lui reprochaient ;

du moins de s'être laissé gagner par leurs adversaires, d'avoir


dirigé les débats en juge prévenu. Ils insistaient principale-

1) Appendix cTOptat, n. 8, p. 212 Ziwsa. 4) Optât, I, 25.


— Cf. Optât, I, 22. o) Anpendix d'Optat, n. 3.
25; Appendix d'Optat, n. 3,
2) Optât, I, 6) Augustin, Contra Epislulam Parme -
p. 205; Augustin, Epist. 43, 7, 20; 53, niani, I, 5, 10; De unico baptismo, 16,
2, .1; 76, 2; 88, 3; 105, 2, S; De un'co 27-28; Brevic. Collât., III, 18, 34; Ad
baptismo, 16, 2S. !><jnal>slas post Collai., 13, 17.
3) Appendix d'Optat, n . 3, p. 205.
208 LE D0NAT1SME

ment sur deux arguments de fait, qui n'étaient pas sans valeur :

ilsavaient demandé des juges gaulois, et trois Gaulois seule-


ment avaient siégé au concile ils avaient toujours soutenu que ;

l'attitude suspecte de Félix d'Abthugni lors des persécutions


rendait nulle l'ordination de Caecilianus, et le concile avait
entièrement laissé de côté la personnalité de Félix'.
A la sentence d'Arles, les dissidents africains répondirent
aussitôt, vers la fin de l'été de 314, par un second appel à
l'empereur (appellatio)* Ils durent renoncer cette fois aux
.

arguments sérieux qu'ils avaient habilement invoqués contre


la décision du concile précédent. Ils ne pouvaient plus se
plaindre de la composition de l'assemblée, où avaient dominé
les Gaulois, où étaient représentées presque toutes les pro-
vinces d'Occident; et l'innocence de Félix d'Abthugni, après un
procès en règle, avait été solennellement proclamée en Afrique
par tribunal proconsulaire. Ils se contentèrent donc, semble-
le
t il,d'accuser de partialité et de corruption leurs nouveaux
juges, qui auraient été gagnés par Caecilianus avec la complicité
du tout-puissant Hosius de Cordoue Ils contestèrent caté-
3
.

goriquement la compétence des juridictions ecclésiastiques, et


prièrent ou sommèrent l'empereur d'évoquer l'affaire à son
propre tribunal.
Six ans plus tard, au début de 321, las de la persécution
qu'avaient déchaînée la sentence de Constantin et la loi sur la
confiscation des basiliques, des évoques donatistes, probable-
ment exilés, adressèrent à l'empereur une supplique (libellus) *.
Ils demandaient grâce, mais sur un ton bien surprenant,
et qui aurait redoublé la colère de persécuteurs moins décou-
ragés. Ces évêques schismatiques se plaignaient des violences,
niais dans un langage propre à en provoquer de nouvelles.
Parlant à l'empereur lui-môme, ils se déchaînaient contre
Caecilianus, qu'ils appelaient « son pontife, un vaurien »
6
[antistiti ipsius Jiebidoni) . Ils déclaraient hautement qu'ils
étaient décidés à n'entrer jamais en communion avec un
pareil scélérat; ils préféraient s'exposer encore à tous les
coups. D'ailleurs, suppliaient Constantin de mettre fin à la
ils

persécution, de rappeler les exilés, d'accorder la liberté du

1) Appendix d'Oplat, n. 3, p. 20.j ; Au- 3| Augustin, Contra Epislulam l'ar-


gustin, Contra Creseonium, III, 61, ti7 : mentant', I. 5, 10; 8. 13.
De unico baptismo, 10,28; Epist, 76, 4) Cullat. Carthag., III, 544 547; Au-
-s,3. gustin, Brevic. Collât., III. 21, 39 el

2) Appendix d'Optat, n. 5 et 6. Au- suiv. ; Ad Donalislas post Collât., 3!,


gustin, Epist. 43, 2, 4; 43, 7, 20 ; 53, 2, 54: Epist. 141, 9.

5 ; 76, 2 ; 88, 3 ; 105, 2, X. 5) Augustin, Ihevic. Collât., III, 21, 39.


DOCUMENTS HISTORIQUES 209

culte avec la restitution des basiliques et des biens confisqués.


Ce qu'il y du
a d'extraordinaire, ce qui atteste l'impuissance
gouvernement et la force du Donatisme,
que cette supplique c'est
impertinente fut suivie de l'édit de tolérance tout en maudis- :

sant la folie endiablée des dissidents, Constantin leur accorda


presque tout ce qu'ils demandaient 1
.

Un dernier groupe de documents comprend des procès-


verbaux d'enquête. Ce sont d'abord des pièces relatives au
séjour de Caecilianus et de Donatus dans la Haute-Italie en 316*.
Les deux parties s'étant dérobées précédemment, Constantin,
résolu à en finir, prit ses précautions il manda les deux prin- :

cipaux intéressés, et les fit garder à vue, d'abord à Brescia,


puis à Milan. C'est sur ce fait que s'appuyaient plus tard les
Donatistes pour soutenir que Caecilianus avait été condamné,
puis exilé ou emprisonné par ordre de l'empereur'. Optât
connaissait diverses pièces qui concernaient ce séjour en
Italiedes deux évêques rivaux de Cartilage, et qui par suite se
rattachaient au procès de Caecilianus devant le tribunal
impérial; il avait sans doute inséré ce dossier dans la partie

qui est aujourd'hui perdue de son Appendix*.


Il on est de môme pour un autre dossier les procès-verbaux :

de l'enquête faite à Carthage sur l'ordre de l'empereur, vers le


milieu de 316, par les évêques Eunomius et Olympius On 5
.

place ordinairement cette mission après la sentence de Constan-


tin, à la fin de 316 ou en 317 hypothèse bien invraisemblable. :

Quelle utilité pouvait avoir une nouvelle enquête épiscopale,


après la sentence impériale? Dès lors, évidemment, la question
était tranchée, il n'y avait plus qu'à faire exécuter l'arrêt par
les gouverneurs africains ce fut l'objet de la loi sur la confis-
:

cation des basiliques. Le récit d'Optat, qui est confus et peut-


être altéré ou mutilé à cet endroit, ne fournit pas d'indication
chronologique précise. Mais la suite logique des faits semble
imposer cette conclusion, que la mission des évêques Euno-
mius et Olympius se place dans l'été de 316, avant l'arrêt impé-
rial. Au moment où l'on instruisait le procès, Constantin vou-
lut naturellement être bien renseigné sur la situation, et faire
une nouvelle tentative de conciliation d'où la mission des :

1) Collât. Carlhag., 111 , 549-550 ; Au- Augustin, Brevic. Collai ,


III, 20, 38 et
gustin, Epist. 141, 9; Brevic. Collai., suiv.; Ad
Donatistas post Collât., 16,
111, 22, 40 et suiv. ; Ad Donatistas post 20 et suiv. Contra Cresconium, III, 69,
;

Collât., 31, 54 ; 33, 56. 80: Contra Gaudenlium, I, 11, 12;


2) Optât, I, 26. — Cf. Epist. 43, 7, Epist. 141, 8.
20; Brevic. Collât., III, 20, 38 et suiv. 4) Cf. Optât, I, 26.
3] Collât. Carlhar,., III, 533 et suiv. ; 5) Ihid., I, 26.

IV 14
210 LE DONATISME

évêques enquêteurs, envoyés à Carthage en l'absence de Caeci-


lianus et de Donatus alors retenus dans la Haute-Italie. Euno-
mius et Olympius étaient munis de pleins pouvoirs. Ils devaient
faireune enquête complète et impartiale, se mettre en rapports
avec les deux partis, chercher à les réconcilier pour faciliter :

l'entente, ils étaient autorisés à prononcer simultanément la


déposition de Donatus et de Caecilianus, afin de les remplacer
par un autre évêque accepté de tous. La mission échoua com-
plètement, par la faute des schismatiques, qui répondirent
aux tentatives de conciliation par la violence et par l'émeute.
Au bout de quarante jours, Eunomius et Olympius quittèrent
Carthage, en proclamant que l'évêque légitime était Caecilia-
nus, reconnu tel par les conciles d'outre-mer. Les procès-ver-
baux de cette enquête épiscopale formaient un volumineux dos-
sier, que connaissait Optât, et qu'il avait reproduit dans son
Appendix. Aujourd'hui, ils nous sont connus seulement par
quelques lignes de cet auteur. Optât nous a conservé du moins
une partie de la sentence rendue par les évêques « L'Eglise :

catholique, disaient-ils, répandue dans le


est celle qui est
monde entier. La sentence rendue jadis par les dix-neuf évêques
(du concile de Rome) ne peut être cassée ». Avant départir, les
évêques enquêteurs se déclarèrent en communion avec le clergé
de Caecilianus'.
Au même groupe de documents appartiennent encore deux
grands procès-verbaux, infiniment précieux pour l'histoire des
origines du Donatisme les Acta purgationis Felicis, dossier de
:

l'enquête sur Félix d'Abthugni en 314*; les Gesta apud Zeno-


philum, procès-verbal de l'enquête sur Silvanus deConstantine,
faite à Thamugadi en 320 par le gouverneur de Numidie Ces 3
.

deux dossiers sont les pièces maîtresses des Gesta purgationis


Caeciliani et Felicis, dont nous allons parler maintenant.

Il

Les Gesta purgationis Caeciliani et Felicis. Le dossier d'Optat. Origine el —


histoire de ce recueil. —
Reconstitution du dossier complet. Les Epistulae de —
l'Appendix d'Optat. -- Les Acta purgationis Felicis. - Procès de Félix d'Abthu-
gni. — Date de l'enquête. —
Lacunes du dossier. Documents insérés ou —
mentionnés dans les Acta. —
Audience d'Abthugni. Audience h la curie de —
Carthage. audience proconsulaire du 15 février 31 4. Physionomie de ces —
audiences. —
Les personnages el les débats. —
Valeur historique de cesprocès-
verbaux. —
Les Gesta apud Zènophilum. Enquête sur Silvanus, évèque
donatiste de Constantinej en 320. —
Lacunes du dossier. •- Documents contenus

1) Optât, l, 2fi. •">) Appendix d'Optat d. 1, p. 185.


\'j~
2) Appendix à Optai, n. 2, p. Ziwsa!
DOCUMENTS HISTORIQUES 1\ 1

dans Gesta.
les —
Pièces lues à l'audience. —
Le libellus du diacre Nundina-
rins. —
Les lettres d'évêques numides. —
Les interrogatoires. Physionomie —
de l'audience de Thamugadi. —
Intérêt historique et littéraire de ces docu-
ments.

Dans son grand ouvrage contre Parmenianus, Optât renvoie


souvent aux pièces justificatives d'un Appendice qu'il avait joint
à son livre, et qui était intitulé Gesta purgationis Caeciliani et
Felicis*. Ordinairement, Optât se borne à résumer les pièces 2
;

parfois, il en cite textuellement des passages Cet Appendice 3


.

nous a été conservé partiellement dans un manuscrit d'Optat :

un manuscrit célèbre, qui a longtemps appartenu à l'abbaye de


Saint-Paul de Cormery (diocèse de Tours), et qui est aujour-
d'hui à la Bibliothèque nationale de Paris'. Le recueil, mal-
heureusement incomplet et mutilé, comprend encore dix docu
ments, qui tous sont relatifs aux origines du Donatisme, et
dont les deux principaux contiennent eux-mêmes d'assez nom-
breuses pièces. On a victorieusement démontré l'authenticité
de tous ces documents on a reconstitué le contenu du recueil,
;

dont on a marqué nettement l'origine et l'histoire'. Nous ne


perdrons pas notre temps à recommencer une démonstration
qui a été bien faite, et dont la conclusion serait identique, sauf
pour la date de certaines pièces. Nous nous contenterons de
résumer brièvement les données de M- Duchesne sur la forma-
1
'

tion et les destinées du recueil, pour arriver le plus vite pos-


sible à l'étude détaillée des deux grands dossiers judiciaires
que nous a conservés en partie l'Appendice d'Optat les Acta :

purgationis Felicis et les Gesta apud Zenophilum.


Bien des années avant qu'Optât écrivît son ouvrage (composé
vers 366), on a formé en Afrique, pour les besoins de la con-
troverse catholique, un recueil de documents où étaient réunies
des pièces propres à établir la légitimité de Caecilianus comme
évêque de Carthage. Ce recueil ne peut être antérieur à 330 :

il s'ouvre par les Gesta apud Zenophilum, datés du 8 décembre

320, et se termine par une lettre de Constantin écrite le 5 février


330. D'autre part, il était déjà ancien au temps d'Optat il ne ;

peut guère être postérieur à l'année 347, date de Ledit de Cons-


tant qui supprima l'Eglise schismatique. Le recueil parait donc
avoir été composé entre 330 et 347 6 .

Il était intitulé Gesta purgationis Caeciliani et Felicis. Ce


titre est nettement indiqué dans Y Explicit du manuscrit, où on

1) Optât, 1, 14: 19-20; 22-27. ix° siècle.


2; lbid., 20; 23; 26.
1, 5) Duchesne, Le Dossier du Donalisme
3) lbid., I, 13-14; 19; 22; 24-25; 27- (home, 1890 1
p. 5 et suiv.
,

4J Cod. Paris. 1711 (= Colbert. 19.j1); 6) lbid., p. 41 et 65.


212 LE DONATISME

lit : « Ici se terminent l'ouvrage de l'évoque saint Optât, en sept


livres, et les Gesta purgationis Caeciliani episcopi et Feli-
cis... ))'.

Ce recueil, devenu vite populaire, a été utilisé non seule-


ment par Optât, qui le joignit à son ouvrage, mais encore par
Augustin dans ses polémiques contre les Donatistes, et par les
avocats-mandataires de l'Église catholique à la Conférence de
411-. Il existe encore, mais incomplet, à la suite de l'ouvrage
dOptat, dans le manuscrit de Cormery. Toutes les pièces dont
il se compose sont sûrement authentiques'.

Les lacunes du manuscrit sont considérables. Nous ne possé-


dons plus que le commencement
du recueil une et la fin :

bonne apud Zenophilum


partie de la première pièce, les Gesta ;

le texte des Acta purgationis Felicis, moins le début; huit


lettres, dont six de Constantin. Heureusement, les citations ou
allusions d'Optat, d'Augustin, des procès-verbaux de 411,
permettent de déterminer avec assez de précision quelles pièces
figuraient dans la grande lacune du milieu '*.

Voici, semble-t-il, quelle était la composition des Gesta


purgationis Caeciliani et Felicis. Le recueil primitif comprenait
deux parties la Purgatio Caeciliani, la Purgatio Felicis. Dans la
:

première partie se succédaient les Gesta apud Zenophilum,


:

procès-verbal de l'enquête sur Silvanus de Constantine, faite


à Thamugadi le 8 décembre 320; le Protocole de Cirta, du
5 mars 30"), relatif à l'ordination épiscopale du même Silvanus ;

les Actes du concile des dissidents à Carthage, en 312; le


Rapport du proconsul Annlinus à Constantin, daté du 15 avril
313; la Requête des dissidents, qui était jointe à ce Rapport;
la lettre de Constantin au pape Miltiade, sur la convocation du
concile; le second Rapport du proconsul Annlinus, annonçant
l'envoi des deux parties; les Actes du concile de Home; les
pièces relatives au séjour de Caecilianus et de Donatus, dans la
Haute-Italie, en 316; le procès verbal de l'enquête faite à
Carthage, la même année, par les évèques Eunomius et Olvin-
pius; la lettre de Constantin au vicaire d'Afrique Eumelius,
8
datée du 10 novembre 316, et notifiant la sentence impériale .

La Purgatio Felicis, beaucoup moins volumineuse, semble


avoir contenu seulement trois pièces le Rapport du proconsul :

/Elianus, annonçanl l'empereur le résultat de l'enquête; la


;i

lettre où Constantin ordonnait au proconsul Probianus de lui

1) Appendix d'Optat, p. 216 Ziwsa. 3) Duchesne, Ibid., p. in et 66.

2) Duchesne, Le Dossier du Dona Usine, 4) Ibid., p. 10 cl suiv.


p. 6-23 el 65. 5) llnd., p. 12.
1

DOCUMENTS HISTORIQUES 213

envoyer le faussaire Ingentius les Acta purgationis Felicis, ;

dernière pièce du recueil primitif 1


.

Recueil fort incomplet, assurément. L'existence de certains


documents, comme la supplique des Donatistes persécutés et
l'édit de tolérance de 321, n'a été révélée aux Catholiques afri-
cains que par les mandataires donatistes en 4 1 a On peut .

objecter, il est vrai, que ces documents-là ne se rattachaient


pas directement à la justification de Caecilianus. Mais d'autres
lacunes des Gesta purgationis sont plus surprenantes. L'a plus
extraordinaire est l'omission des Actes du concile d'Arles, con-
cile dont Optât ne parle pas, et qu'il semble avoir complète-
ment ignoré. Évidemment, l'auteur de la compilation, un clerc
quelconque, avait formé son dossier un peu au hasard, avec
les pièces qu'il avait sous la main dans les archives de son
Eglise. A Carthage, sans doute, où les archives étaient riches,
on eût été mieux renseigné. Il est à remarquer qu'Optât de
Milev et Augustin d'Hippone sont deux Numides, et que la
Numidie était la forteresse du Donatisme. Aussi ne serions-
nous pas surpris que le dossier des Gesta purgationis Caeciliani
et Felicis eût été formé en Numidie.
Jusqu'ici, nous avons à dessein laissé de côté les dernières
pièces du manuscrit de Cormery les Epistulae. C'est que, pour :

ce groupe, la question nous paraît se poser autrement nous :

avons des raisons très sérieuses de douter qu'il ait figuré dans
le dossier primitif.
Voici, d'abord, la liste des huit Epistulae qui nous sont par-
venues à la fin du manuscrit d'Optat : lettre de Constantin au
vicaire d'Afrique rElafius (ordre d'envoyer au concile d'Arles
Caecilianus de Carthage avec des délégations de ses partisans
et de ses adversaires)'; lettre du concile d'Arles au pape Sil
vestre (décisions de l'assemblée)'; lettre de Constantin aux
évêques catholiques, qui avaient siégé dans ce concile (remer-
ciements et congé, avis de l'appel des dissidents)'; lettre de
Constantin aux évêques schismatiques qui avaient comparu
devant le concile d'Arles (invitation à comparaître devant le
G
tribunal de l'empereur) lettre de Constantin au vicaire
;

d'Afrique Domitius Celsus (agitation donatiste, mesures à


7
prendre, projets de l'empereur) lettre des préfets du prétoire ;

1) Duchesne, Ibid., p. 42-43 et 54-56. 4) Appendix d'Optat, n. 4, p. 206.


2) Collai. Carlkag., III, 544-550; Au- 5) Ibid., n. 5, p. 208.
gustin, Brevic. Collai., 111, 21, 39 et suiv. (i) Ibid., n. 0, p. 210.
3) Appendix d'Optat, n. 3, p. 204 7) Ibid., n. 1, p. 211.
Ziwsa. »
214 LE DONATISME

au même gouverneur (instructions sur le retour en Afrique


des évèques dissidents, après le concile d'Arles) lettre adressée '
;

par Constantin, vers 322, aux Catholiques africains, pour les


exhorter à la patience envers les Donatistes* réponse de l'em- ;

pereur à onze évêques catholiques de Numidie, au sujet de la


basilique de Constantine et des immunités du clergé (5 février
330 ).
3 —
Il est à noter que, sauf les deux dernières, toutes les

lettres de ce recueil se rapportent plus ou moins directement


au concile d'Arles, et, par suite, aux enquêtes sur Caecilianus
de Carthage et Félix d'Abthugni.
L'authenticité de plusieurs de ces lettres a été vivement con-
testée.Assurément, l'on y relève parfois un ton qui surprend,
des expressions inattendues, où l'on peut soupçonner quelques
interpolations de détail encore faut-il être très prudent sur ce
:

point, car on trouverait l'équivalent dans les lettres conservées


par Eusèbe, et dans certains rescrits du Code Théodosien. En
tout cas, les huit lettres du manuscrit de Cormery, considérées
dans leur ensemble et dans leur destination, paraissent authen-
tiques; elles s'accordent bien avec ce que nous savons de l'his-
4
toire du temps Ce qui reste difficile à expliquer, c'est la place
.

qu'elles occupent dans le manuscrit, à la suite des Gesta pur-


yationis elles devraient se trouver à leur rang chronologique,
:

dans le corps des Gesta. On est obligé de supposer, ou qu'elles


figuraient dans le dossier primitif et ont été rejetées à la fin
pour une raison quelconque, ou qu'elles ont été ajoutées plus
tard.
La première hypothèse ne s'accorde ni avec les données du
manuscrit ni avec le témoignage des contemporains. Les Epis-
tulae sont mentionnées dans YExplicit du manuscrit d'Optat,
mais d'une façon singulière et significative. Voici l'indication
complète du manuscrit « Expliciunt s(an)c(t)i Optati ep(iscop
: i

libri numéro Vil, vel Gesta purgationis Caeciliani ep(iscop)i


et Felicis ordinatoris ejusdem, necnon Epistola Constantin!
imperatoris. Amen »
5
On doit . évidemment corriger Epistola
en Epistolae, et admettre que les mots Epistolae Constant} ni
imperatoris désignent tout le groupe des Epistolae du manus-
crit : six, dont la première et la der-
sur les huit lettres,
nière, sont de Constantin. Ces petites inexactitudes, qui s'ex-
pliquent aisément par des négligences de copiâtes, ne suf-
fisent pas à affaiblir la valeur du témoignage. Or, Yexplicit est

1 Afipetuti r d'Optat, n. s. p. 2\i. i) Duchesne, Le Dossier du Donalisme,


2 Ibid., ii. 9, p. 212. p. 23-40.
3) Ibid., u. 10, p. 213. 5) Appendix d'Optat, p. â!6 Ziwsa.
DOCUMENTS HISTORIQUES 215

formel : comme le manuscrit lui-même, il distingue nettement


entre les Epistulae et les Gesta purgationis. Cette distinction
n'a pu être imaginée par les copistes du Moyen Age, qui igno-
raient déjà la teneur et la plus grande partie du dossier : elle
remonte sûrement très haut. Dès l'origine, comme dans le
manuscrit de Cormery, les Epistulae devaient être en dehors
des Gesta proprement dits. Rien ne fait supposer qu'elles y
aient jamais été insérées à leur place chronologique.
également du témoignage des contem-
C'est ce qui résulte
porains témoignage presque négatif en ce qui concerne les
:

Epistulae. Quoiqu'on admette généralement le contraire, nous


doutons fort qu'Optât les ait connues autrement, il n'aurait pu :

ignorer l'existence et le rôle du concile d'Arles, dont il n'y a


pas trace clans son récit. Il a seulement lu par hasard, égarée
dans quelque bibliothèque, l'une de ces pièces, la lettre de
Constantin au concile d'Arles, lettre où ne figure pas le nom
d'Arles'. Or, il a mal compris le document, et l'a rapporté à
l'appel qui suivit le concile de Rome Cette grosse méprise 2
.

était absolument impossible pour un homme qui aurait eu


entre les mains tout le dossier des Epistulae, où la ville d'Arles
est nommée à plusieurs reprises De même, Augustin a pu
3
.

connaître directement, par des archives, les lettres de Cons-


tantin à /Elafius et au concile d'Arles'; mais il n'a pas dû con-
sulter l'ensemble du recueil des Epistulae, sans quoi il aurait
eu mainte fois l'occasion de citer les autres pièces.
On voit combien la question est complexe. Il nous paraît à
peu près certain que les Epistulae ne faisaient pas partie du
dossier primitif des Gesta purgationis, qu'elles ont été ajoutées
plus tard. Mais, à quelle époque? C'est ce que nous ne sau-
rions aujourd'hui déterminer avec précision sans doute, vers :

le temps d'Augustin. D'ailleurs, cet Appendice de 1 'Appendice


d'Optat paraît avoir été souvent omis par les copistes et rare-
ment utilisé par les polémistes. Il n'en a pas moins traversé
les siècles grâce au manuscrit de Cormery.
Mais, depuis l'origine, il a changé de physionomie. Au début,
les lettres étaient reliées par un récit, dont il reste des traces
entre les pièces, dans des bouts de phrase transcrits machina-
lement par les copistes". Plus tard, cette compilation a subi
divers remaniements. On a supprimé la narration, sauf quel-

le Appendix d'Oplat, n. 5, p. 208. 4) Augustin, Epist. 43, 7, 20; 53, 2, 5;


2) Optât, I, 25. — Cf. I, 23. 105, 2, 8.
3) Appendix d'Optat, u. 3, p. 205; n. 4, 5) Appendix d'Optat, n 4, p. 208. —
p. 207; n. 8, p. 212. Cf. ibid., p. 206 ; 210-213.
216 LE DONATISME

ques lignes oubliées par mégarde. On a même abrégé certaines


pièces, notamment la lettre du concile d'Arles: lettre incom-
plète dans le manuscrit d'Optat, comme l'indique d'ailleurs un
1
et cetera .

Ainsi, non seulement les Epistulae ont été ajoutées après


coup au dossier apologétique, mais elles ont eu une destinée
indépendante de celle des Gesta purgationis Caeciliani et Felicis.
Il est même possible, aujourd'hui encore, de démêler la pensée

du clerc africain qui a entrepris de composer ce recueil supplé-


mentaire. On se souvient que le dossier des Gesta purgationis
présente une surprenante lacune, qui correspond à une lacune
du récit d'Optat omission complète des Actes du concile
:

d'Arles. Or, sur les huit lettres du recueil des Epistulae, six se
rapportent directement ou indirectement au concile d'Arles 2 .

Il semble donc qu'un clerc africain, probablement au temps

d'Augustin, ait voulu combler la grande lacune du dossier apo-


logétique de Caecilianus pour cela, il a recueilli les princi-
:

pales pièces relatives à l'intervention du concile d'Arles dans


l'affaire du Donatisme, il a relié ces pièces par un court récit,
il en a fait une sorte de supplément aux Gesta. Comme ce
second Appendice renfermait surtout des lettres de Constantin,
on y a encore ajouté plus tard deux autres lettres du même
empereur Mais la raison d'être du recueil nouveau était de
3
.

compléter le dossier de Caecilianus et de Félix, en y annexant


une série de documents sur le concile d'Arles. On s'explique
bien ainsi, et que les Epistulae aient été ajoutées après coup
aux Gesta purgationis, et que ce second Appendice ait été sou-
vent joint au premier, mais en soit toujours resté distinct.
Voilà ce que Ton peut dire aujourd'hui de certain ou de vrai-
semblable sur l'origine et l'histoire du dossier d'Optat, sur la
composition de ce recueil, sur le rapport des Epistulae do l'Ap-
pendice avec la collection primitive. La plupart des documents
qui formaient le dossier apologétique ont été précédemment
étudiés 4 11 nous reste seulement à parler des deux pièces prin-
.

cipales les Acta purgationis Felicis et les Gesta apud Zeno-


:

philum.
Le procès de l'évêque Félix fut, avant tout, une enquête préa-
lable ou complémentaire, destinée à éclairer l'opinion publique
el la conscience des membres du futur concile d'Arles sur la

légitimité de Caecilianus comme évêque de Carthage. On sait


commenl ce Félix attira sur lui, sans y songer, la haine des
\) Appendix d'Optat, n. 4, p. 208. 3) Appmdix d'Optat, u. 9-10, p. 212-213,
2) Ibid., n. 3-8, p. 204-212. 4) Voyez plus haut, § I.
,

DOCUMENTS HISTORIQUES 217

dissidents africains. Il était évêque d'une petite ville obscure,

dont le nom, longtemps défiguré, a pu être restitué et fixé de


nos jours grâce aux découvertes épigraphiques la ville d'Ab- :

thugni, l'Aptunga ou l'Autumna des manuscrits, qui occupait


l'emplacement de la localité moderne d'Hencliir Es-Souar, et
qui était située clans la province de Byzacène, mais tout près
de la frontière de Proconsulaire'. En 311, à la mort de Men-
surius, Félix d'Abthugni s'était naturellement rendu à Carthage
pour l'élection du nouveau chef de l'Église africaine élection :

où, suivant l'usage, la communauté locale jouait seule un rôle


actif, mais sous
contrôle des évêques voisins Dès que le
le

choix des Carthaginois se fut porté sur l'archidiacre Caeci-


lianus, on décida de brusquer l'ordination pour arrêter cer-
taines intrigues. Félix d'Abthugni comptait sans doute parmi
les doyens du groupe des évêques présents : avec deux col-
lègues des environs de Carthage, Faustinus de Thuburbo et
Novellus de Tyzica 2 il procéda aussitôt à la
, consécration de
Il dut vite regretter d'avoir été à l'honneur ce
5
Caecilianus .

jour là.

Les ennemis du nouvel évêque de Carthage, cherchant des


raisons spécieuses pour faire casser l'élection, commencèrent
à répandre le bruit que l'ordination était nulle à cause de l'in-
dignité des trois évêques qui y avaient présidé ces consécra- :

teurs du prétendu chef de l'Eglise africaine étaient, disait-on,


des traîtres qui avaient capitulé devant les païens au temps
des persécutions de Dioclétien*. On alléguait la renommée; on
produisait même, semble-t-il, de faux documents, des Gesta
publica attestant la trahison On s'acharna surtout, nous ne 5
.

savons pourquoi, contre Félix d'Abthugni. Les dissidents l'at-


6
taquèrent violemment, en 312, dans leur concile de Carthage .

Ils ne durent pas le ménager davantage dans le réquisitoire


qu'ils remirent au proconsul Anulinus, et que celui-ci transmit
7
à l'empereur le 15 avril 313 Quelques mois plus tard, les griefs
.

contre Félix d'Abthugni fournirent aux schismatiques leur prin-

1) Bull. arck. du Comité des trav. trav. histor., 1910, p. ccxxxvn).


histor., 1893, p. 226. — Cf. Fallu de Les- 3) Optât, I, 18; Augustin, Ad Donatis-
sert, Mémoires des Antiquaires de France tas post Collât., 22, 38.
t. LX (1899), p. 17 et suiv. 4) Optât, I, 19-20 ; Augustin, Ad Dona-
2) 11 s'agit probablement de la ville de listas post Collât., 22, 38.
Thizika, dont le nom exact et l'emplace- 5) Augustin, Brevic. Collât., III, 14,
ment viennent d'être déterminés par la 26.
découverte d'une inscription, mentionnant 6) Optât, 1, 20 ; Augustin, Epist. 88, 3;
le Municipium AElium Thizika, Hen- à Contra Cresconium, III, 61, 67 ; Brevic.

chir-Teehga, 6 kilomètres au Sud de Ma- Collai., III, 14, 26.


teur (Merlin, Bull. arch. du Comité des 7; Augustin, Epist. 88, 2; 93, 4, 13.
218 LE DONATISME

cipal argument contre la sentence du Concile de Rome sen- :

tence partiale et nulle, disait-on, parce que les juges avaient


négligé les accusations lancées contre les consécrateurs de
Caecilianus Aussi, dès que l'empereur eut reçu et accepté
1
.

l'appel des dissidents, il ordonna d'ouvrir une enquête sur le


2
cas de l'évêque Félix .

Bien que cette enquête ait été menée assez vivement, le


procès de Félix est complexe. Il fut porté successivement
devant plusieurs juridictions; ou plutôt, l'audience décisive fut
précédée d'autres audiences où d'autres magistrats avaient
commencé l'instruction. Constantin chargea de l'affaire le
vicaire d'Afrique .Elius Paulinus, de qui dépendait laByzacène 3
.

Ce fonctionnaire étant tombé malade, l'empereur confia l'in-


térim au gouverneur de la province voisine, c'est à-dire de la
Proconsulaire. C'est ainsi que le proconsul ^Ëlianus, par une
anomalie assez rare, fut amené à instrumenter hors de sa cir-
conscription, à instruire et juger le procès de Félix d'Abthugni 4
.

Il y eut trois audiences successives, devant des magistrats dif-

férents une première audience devant les duumvirs d'Ab-


:

5 5
thugni une seconde à la curie de Carthage
, la dernière au ,

tribunal proconsulaire Il est probable que la complexité de


"'.

cette procédure s'explique tout simplement par les hésitations


de Constantin. L'empereur parait s'être proposé d'abord de
juger lui-même, en Italie, l'affaire de Félix. Comme certains
témoins, en raison de leur âge, ne pouvaient entreprendre le
voyage 8 on prit des mesures pour faire recueillir en Afrique
,

leur déposition d'où les comparutions à la curie d'Abthugni,


:

et les interrogatoires à la curie de Carthage. Les dossiers


allaient être envoyés en Italie, quand l'empereur se ravisa et
délégua tous ses pouvoirs au proconsul .Flianus de là, ces :

procès-verbaux d'interrogatoires antérieurs, dont on donna


J
lecture à l'audience proconsulaire L'affaire se termina par la .

sentence du proconsul, qui proclama l'entière innocence de


Félix, et qui adressa aussitôt son rapport à Rome 10 Plus tard, .

1) Contra Cresconium, III, Gl, U7 : De Epiât. 88, 4.


unico baplismo, 16, 28 Epist. 88, 3. ; y) Acla purgalionis Felicis, p. 197-
2) Optât, I, 27; Augustin, De unico 198Zi\vsa.
baptimo, 16, 28. 6) Ibid., p. 198-200.
3) Optât, I, 27 (confusion entre le vicaire 7) Ibid., p. 197-20'*.
Elius et le proconsul Mlianus). — Cf. 8) Ibid., p. 199.
Acla purgalionis Felicis, p. 191 Ziwsa; 9) Ibid., p. 197-200.
Augustin, Epist. 88, 4. 10) Ibid., p. 204; Collât. Carthag., III,

4) Optât, I, 27 Collât. ; Carlhag., III, 555 et suiv. ; Optât, I, 27 ; Augustin, Con-


Lugustin, tireoic. Collât., III, Ira Cresconium, 111, 70, 80 ; Brevic. Col-
2i, 42; Contra Cresconium, III, ~0, 81; lai., 111, 24, 42.
\

DOCUMENTS HISTORIQUES 219

lorsque Constantin, après un second appel, dut instruire per-


sonnellement le procès de Caecilianus, il manda au nouveau
proconsul, Petronius Probianus, de lui envoyer le témoin
Ingentius, qui avait été convaincu de faux dans l'affaire de
Félix 1
.

Avant d'analyser les procès-verbaux des audiences, il importe


d'en préciser la date. On s'accordait jadis à placer l'enquête sur
Félix d'Abthugni entre le concile de Rome (2 octobre 313) et
er
le concile d'Arlesaoût 314) \ D'après l'hypothèse généra-
(1
lement admise de nos jours, la dernière audience, celle où le
proconsul rendit son arrêt, serait du 15 février 315, plus de six
mois après le concile d'Arles Malgré l'autorité des savants qui
3
.

ont proposé ou admis cette chronologie, nous ne pouvons nous


décider à l'accepter.
Le malentendu est d'autant plus surprenant, que cette ques-
tion de chronologie a été pleinement élucidée par Augustin.
Quelques mois après la Conférence de Carthage, se référant aux
discussions et aux procès-verbaux de cette assemblée, l'évêque
d'Hippone indiquait, avec la précision d'un historien sûr de lui,
la date de la dernière audience du procès de Félix « Le pro- :

consul JËlianus, dit-il, a entendu la cause de Félix sous le con-


sulat de Volusianus et d'Annianus, le 15 des calendes de Mars
(= 15 février 314), c'est-à-dire environ quatre mois après (le
4
concile de Rome du 2 octobre 313) » .

A ce témoignage si net, décisif, du plus exact des polémistes,


on a voulu opposer une date tirée du dossier de l'enquête. Le
préambule de l'audience proconsulaire est malheureusement
perdu; mais, dans cette séance, on donna lecture du procès-
verbal d'une audience antérieure, celle de la curie de Carthage,
qui aurait eu lieu « sous le consulat de Volusianus et d'An-
nianus, le 14 des calendes de septembre » (=19 août 31 4)
Rien, dit-on, ne saurait prévaloir contre le témoignage d'un
document original. Donc, Augustin s'est trompé, sinon sur le
jour, du moins sur l'année il a confondu les consulats, ou bien
:

il a pris la date consulaire du document lu à l'audience pour la

1) Augustin, Epist. 88, 4 ; Contra Cres- de Lessert, Fastes des provinces afri-
conium, 111, 70, 81. caines, t. Il, p. 165 et suiv. —
M. Mar-
2) Tillemont, Mémoires sur l'histoire troye (Genséric, Paris, 1907, p. 14 et 383-
ecclésias tique, t. VI, p. 704; Morcelli, 388) défend la date traditionnelle du 15 fé-
Africa christiana, t. Il, ad ann. 314; vrier 314.
Goyau, Chronologie de l'Empire romain 4) Augustin, Ad Donatistas post Col-
(l'aris, 1891), p. 390, ad ann. 314. lut., 33, 56.
3) Seeck, Zeitschrift fur Kirchenges- 5) Acta purgationis Felicis, p. 198
chichte, t. X (1889), p. 509; Duchesne, Ziwsa.
Le Dossier du Donalisme, p. 60 l'allu ;
220 LE DONATISME

date consulaire de l'audience elle-même, et son affirmation


erronée ne doit pas nous empêcher de supposer que la sentence
du proconsul .Elianus est du 15 février 315.
Nous avons peine à accepter cette explication. Le témoignage
d'Augustin est absolument formel, et confirmé par d'autres
textes où, s'attachant à marquer la suite des événements, le
même auteur place l'enquête sur Félix immédiatement après
le concile de Rome. On ne peut supposer ici une erreur de texte
ni de calcul. Augustin, toujours si précis dans ses controverses,
s'est justement préoccupé de tirer au clair cette question de
chronologie. Il donne ici le résultat d'une enquête approfondie,
où il avait comparé lui même, nous dit-il, les dates consulaires
des pièces originales, qui n'étaient pas alors mutilées comme
aujourd'hui'. En tête du procès-verbal de l'audience procon-
sulaire, il a lu de ses yeux la date que nous cherchons, et qu'il
nous indique sans la moindre hésitation. Bref, la grossière
méprise qu'on lui attribue est complètement invraisemblable.
Puisqu'il y a erreur d'un côté ou de l'autre, et qu'Augustin
ici n'a pu se tromper, on est amené à soupçonner une bévue de

copiste, une altération dans le texte des Actapurgationis Felicis.


Notons que ce dossier nous a été conservé par un manuscrit
unique, très mutilé. Au début du compte-rendu de l'audience à
la curie de Garthage, dans la date consulaire, il y a justement
une lacune il est évident que l'entête du document a souffert
2
:

de la négligence des copistes. En admettant même que la date


consulaire restituée par les éditeurs soit exacte, on peut se
demander si l'indication du jour n'est pas altérée. Une confu-
sion est possible dans le nom du mois, que les scribes écrivaient
généralement en abrégé. Une correction très simple supprime-
rait toute difficulté les interrogatoires à la curie de Cartilage
:

auraient eu lieu, non le 19 août, mais le 19 janvier 314".


La logique des faits semble justifier cette chronologie et
donner pleinement raison à Augustin. Après la sentence du
concile de Home (2 octobre 313), les dissidents africains pro-
testèrent en déclarant bien haut que les juges avaient négligé
le cas de Félix d'Abthugni. Donc, avant de convoquer un nou-
veau concile, l'empereur dut ordonner l'enquête sur Félix; el
les résultats de cette enquête fournirent le fait nouveau qui

1) Augustin, Brevic. Collât., 111, 24, (tembres) ou 19 août (ibid., p. 19S), lire

.- Epist. 141, 11. — Cf. Re tract., Il, XIII KAL(endas) FKB (rua n7w) ou 19 jan-
iïa et 60.. vier. Ou s'explique aisément la confusion
2) Acla purgaiionis Felicis, p. 198. de I avec S, el de l> avec H.
3) Au lieu 'de Mil KAL[endas) SE1>-
DOCUMENTS HISTORIQUES 221

permit au concile d'Arles de recommencer l'instruction du


procès de Caecilianus. D'ailleurs, l'enquête n'aurait plus eu de
raison d'être après ce concile d'Arles, dont un des canons, évi-
demment inspiré par les controverses africaines, déclara
valable l'ordination faite par un évêque traditeur On objecte, il
1
.

est vrai, la lettre au proconsul Probianus, écrite au début de


315 on s'étonne que Constantin ait tant tardé à se faire envoyer
:

le faussaire Ingentius, dénoncé dans le rapport du proconsul


.Klianus. Mais est-il si surprenant qu'à Rome on ne se soit
guère soucié d'abord de ce personnage peu intéressant, et qu'on
l'ait oublié dans sa prison de Carthage? On l'y laissa tant qu'on

n'eut pas besoin de lui, jusqu'au jour où l'empereur, après le


concile d'Arles et le second appel des dissidents, dut reprendre
pour son compte l'instruction du procès de Caecilianus.
Voici donc les données chronologiques qui nous paraissent
résulter du témoignage d'Augustin, des documents et de la
logique des faits. Aussitôt après le concile de Rome et l'appel
des schismatiques, Constantin écrit au vicaire d'Afrique /Elius
Paulinus d'ouvrir l'enquête, de faire recueillir les dépositions
des principaux témoins. Vers la fin de 313, Jîlius Paulinus
transmet ses ordres aux magistrats d'Abthugni; puis il tombe
malade. Le proconsul ^Elianus est chargé de l'instruction, puis
de la présidence des débats, l'empereur renonçant à juger lui-
même. Les interrogatoires se succèdent rapidement, et l'enquête
est promptement terminée dans les derniers jours de l'année
:

313, l'audience d'Abthugni; un peu plus tard, peut-être le ^jan-


vier 314, l'audience à la curie de Carthage; le 15 février 314,
l'audience proconsulaire et la sentence d'.Elianus en faveur de
Félix. Après lecture du rapport où le proconsul lui notifie son
arrêt, l'empereur convoque le concile d'Arles, qui siège en
août 314. Au début de l'année suivante, après le second appel
des dissidents, au moment où recommence l'instruction du
procès de Caecilianus devant le tribunal impérial, Constantin
mande au nouveau proconsul Probianus de lui expédier le faus-
saire Ingentius.
Le dossier de l'enquête sur Félix d'Abthugni (Acta ou Gesta
purgationis Felicis) nous a été conservé en grande partie dans
les Gesta purgationis Caeciliani et Felicis, dont il était l'une
des pièces capitales*. L'authenticité en est certaine : elle est
attestée par le contenu même, par l'accord avec les faits connus,
par les analyses, allusions ou citations d'Optat, d'Augustin,

i) Concil. Arelal. anuo 314, ran. 13. 2) Appendix d'Optat, n. 2, p. 197-204.


111 LE DONATISME

des Gesta Collationis de 411 D'ailleurs, le dossier présente *


.

d'importantes lacunes. Sur les deux pièces qui avec les Acta
constituaient la Purg ado Felicis, une seule nous est entière-
ment connue, Probianus, dont Augustin nous a
la lettre à
transmis le texte 2 le rapport du proconsul .Elianus est perdu'.
;

Les Acta mêmes, c'est-à-dire les procès-verbaux des audiences,


sont mutilés le début manque, et plus loin l'on constate bien
:

d'autres lacunes, môme des omissions volontaires. Il est pro-


bable qu'un copiste a voulu abréger le document, non sans
maladresse, non sans compromettre parfois la clarté du texte.
Ce copiste paraît s'être proposé surtout de découper, dans l'en-
semble du dossier, tout ce qui concernait et démontrait le faux
d'Ingentius. Nous connaissons indirectement le contenu de
plusieurs des passages supprimés. Optât et xAûgustin mention-
nent divers interrogatoires dont on ne trouve pas trace dans
le dossier ackiel interrogatoires du centurion Superius, de
:

Claudius Saturianus ou Saturninus, un ancien curator d'Ali-


thugni, de Calibius ou Callidius Gratianus, le curator en fonc-
tions, de Solo, un esclave public de la même ville*. Le Dona-
tiste Cresconius prétendait que « Félix d'Abthugni, dans
l'audience proconsulaire, avait été convaincu de traditio par un
5
certain Vincentius »; mais, nulle part ailleurs, il n'est ques-
tion de ce témoin imaginaire, et le nom de Vincentius doit être
une altération de celui à'bigentïus, le faussaire mentionné plus
haut.
Pour s'orienter dans le dossier de l'enquête sur Félix, il est
indispensable de distinguer nettement les trois audiences suc
cessives, et de bien dégager les divers documents insérés ou
résumés dans les Acta purgationis Le dossier qui nous est par .

venu est très complexe. Non seulement


il contient le procès

verbal des débats proprement dits qui s'engagèrent le 15 février


devant le tribunal proconsulaire; mais encore il reproduit les
pièces de l'instruction, le texte des deux procès-verbaux qui
furent lus ce jour-là et qui se rapportent aux deux audiences
antérieures. Enfin, chacun des trois procès-verbaux renferme
lui-même une série de pièces.

1) Collât. Carthag., III, 565-, Optât) conium, III, 70, 81.


I, 27 ; Augustin, Epist. 13, 2, 5; 88, 3- Collai. CaHImg., III. 555-560; Au-
;;
;
105, 2, 8; 129, 4; 141, 10-11 : l'on- guslin, Brevic. Collât., III, 24, 12.
Lra 111,01,67: 70,80 ri
Cresconium, 4) Optât, I, 27 ; Augustin, Episl. 88, i:

suiv.; IV, 7, 9; Du unico baplismo, 16, Contra Cresconium, III, 70, 81.
28 Brevic. '-"Il a t., III, 21, 12; Ad Do-
: 5) Augustin, Contra Cresconium,' III,

nalùtas post C Hat., 33, 56. 69, 80.


2) Augustin, Eidst. 88, 4; Cont res- i <
DOCUMENTS HISTORIQUES 223

Le début des Acta est perdu. La première phrase conservée


nous transporte dans la curie d'Abthugni, devant les duumvirs
de cette cité. Suit le compte-rendu de l'audience. Au cours de
la séance est mentionnée à plusieurs reprises une lettre adressée
aux duumvirs par le vicaire d'Afrique .Elius Paulinus, et rela-
tive aux témoins qui devaient être envoyés à Carthage pour le
procès del'évêque d'Abthugni. L'objet de l'audience est précisé
par les deux pièces insérées dans le compte-rendu les actes :

de comparution de l'ex duumvir Alfius Caecilianus et du scribe


Miccius, cités comme témoins à charge par les adversaires de
1
Félix .

Plus loin est reproduit, sauf quelques lacunes, le procès-


verbal de la seconde audience, tenue à la curie de Carthage par
le duumvir Aurelius Didymus Speretius. Ce magistrat était
chargé notamment de pour l'enquête sur l'évêque
recueillir,
Félix, la déposition d'Alfius Caecilianus, l'ex-duumvir d'Ab-
thugni, qui, en raison de son âge, ne pouvait se rendre en
Europe devant le tribunal de l'empereur. Le procès-verbal de
l'audience présidée par Speretius renferme trois pièces fort
importantes un réquisitoire de l'avocat Maximus, qui, au
:

nom des dissidents, invoque contre l'évêque Félix le témoi-


gnage de l'ex-duumvir d'Abthugni; la déposition d'Alfius
Caecilianus; enfin, la pièce capitale produite par les accusa-
teurs, une lettre adressée par le même personnage à l'évêque
Félix \
Quant au compte-rendu de l'audience proconsulaire du
15 février, il se confond avec le dossier môme des Acta purga-

tionis Felicis. 11 comprend deux éléments distincts une copie :

des pièces d'instruction lues en séance, c'est-à-dire des pièces


relatives aux audiences antérieures et le procès-verbal de la
:i

dernière audience, celle que présida le proconsul iElianus 4 .

Quoique le dossier soit encore assez volumineux, les lacunes


y sont considérables. Il y manque notamment les interroga-
toires dont parlent Optât et Augustin interrogatoires de l'an- :

cien curator Claudius Saturianus ou Saturninus, du carator


Callidius Gratianus, du centurion Superius, de l'esclave public
5
Solo Malgré ces lacunes et bien d'autres, le procès-verbal des
.

débats du 15 février nous a conservé la plupart des pièces essen-


tielles : l'interrogatoire de l'ex-duumvir Alfius Caecilianus par

1) Acta purgalionis Felicis, p. 197-198 4) Acta pur gationis FeVcis, p. !98 et


Ziwsa. 200-204.
2) Ibid., p. 198-200. 5) Optât, I, 27; Augustin, Epist. 88, 4:
3) Ibid., p. 197-200. Contra Cresconium, 111, 70, 81.
l'I'i LE DONATISME

le proconsul une fausse lettre de l'évoque Félix, fabriquée


1
,

par le scribe Ingentius 1 le réquisitoire de l'avocat Apro-


,

3 4
nianus l'interrogatoire du faussaire
, la sentence du pro- ,
5
consul -Llianus .

Les pièces si diverses dont l'ensemble constitue les Acta pur-


gationis Fellcis, ces procès-verbaux, ces réquisitoires, ces let-
tres, ces interrogatoires, où les greffiers ont fidèlement noté
toutes les paroles prononcées et les moindres incidents, tout
cela nous permet de suivre la marche du procès et de nous
représenter assez exactement la physionomie des audiences, la
suite des débats, le rôle et l'attitude des personnages.
Nous voici d'abord dans la curie d'Abthugni, vers la fin de
l'année 313. La séance est présidée par les chefs de la munici-
palité, les duumvirs Gallienus et Fuscius. Près d'eux, un per-
sonnage muet, mais d'importance, le curator de la cité, sans
doute ce Callidius Gratianus qui déposera plus tard devant le
tribunal proconsulaire. L'audience est motivée par une lettre
du vicaire d'Afrique /Elius Paulinus, qui, pour se conformer
aux volontés de l'empereur, et pour recueillir leur témoignage
dans l'instruction du procès de l'évêque Félix, ordonne d'en-
voyer à Carthage l'ancien duumvir de l'année 303, avec son
scribe d'alors et son archiviste [tabuler im) L'archiviste est .

mort dans l'intervalle; mais les deux autres personnages sont


encore vivants. Alfius Caecilianus, l'ex-duumvir, est présent.
Gallienus lui notifie la convocation du gouverneur, et l'invite à
partir au plus tôt avec son ancien scribe et tous les documents
relatifs à son administration. Caecilianus se déclare prêt à
obéir; il s'engage à se mettre en route, dès que le scribe Mic-
(ius aura réuni toutes les pièces nécessaires. Bientôt arrive
Miccius, que l'on introduit à son tour. Le duumvir Fuscius lui
adresse une invitation analogue, et le scribe va expliquer où
il en est dans ses recherches Malheureusement, une lacune 6
.

s'ouvre ici dans le manuscrit. La lin du procès-verbal se rap-


portait peut-être à la comparution des autres témoins, égale-
ment domiciliés à Abthugni, que nous retrouverons devant le
tribunal du proconsul.
Quelques semaines plus tard, sans doute le 19 janvier 314,
seconde audience, à la curie de Carthage. 11 s'agit, cette fois,
d'une instruction ou d'une commission rogatoire, confiée

1) Acla purgalionis Felicis, p. 201- 4) A'-lu purgationis Felicis, p. -"\-


203. 203.
2) Ibid., p. 200. 5) Ibid., y. 204.
Ibid ,
i>.
200-201 et 21 6) Ibid, p. 197-198.
DOCUMENTS HISTORIQUES 225

encore à un magistrat municipal, Aurelius Didymus Speretius,


duumvir de Carthage et prêtre de Jupiter. Speretius, naturelle-
ment, préside la séance A la barre se tient l'avocat Maximus,
1
.

accusateur de l'évêque Félix au nom des dissidents. Le procès-


verbal présente des lacunes, probablement assez importantes :

il est vraisemblable que, ce jour-là,


devant le duumvir de Car-
tilage, comparurent tous les témoins mandés d'Abthugni. La
partie conservée du compte-rendu se rapporte exclusivement
à la déposition d'Alfius Caecilianus, le magistrat païen de 303.
L'avocat Maximus prend la parole au nom des chrétiens dissi-
dents d'Afrique. Dans son réquisitoire, il explique que le pro-
cès des évêques Caecilianus de Carthage et Félix d'Abthugni
doit être porté devant le tribunal de l'empereur, que Félix a
livré les Écritures lors de la persécution, et que la preuve en
sera fournie par l'ex-duumvir Alfius Caecilianus, chargé en 303
de faire exécuter à Abthugni l'édit impérial comme le témoin :

est maintenant trop âgé pour aller déposer en personne devant


l'empereur, les accusateurs demandent qu'on recueille à Car-
thage sa déposition 1 Conformément aux conclusions de l'avo-
.

cat, le président donne la parole au témoin. Mis en demeure


de s'expliquer, Alfius Caecilianus raconte ce qui s'est passé en
303 et depuis de ses déclarations il résulte que l'évêque Félix
:

était absent lors des perquisitions d'Abthugni, et par suite n'a


pu être compromis dans la persécution. Le témoin raconte
encore comment il reçut plus tard la visite d'Ingentius, et, sur
la prière de ce scribe,remit une lettre pour l'évêque Félix,
lui
lettre relative à l'exécutionde l'édit de 303 contre les chrétiens 3 .

Sur la demande de l'avocat Maximus, on présente la pièce au


témoin, qui s'en reconnaît l'auteur. Maximus en prend acte,
donne lecture de la lettre, et la fait insérer au procès-verbal 4
.

— Chose étrange, cette lettre était interpolée, au point de deve-


nir un faux et personne n'en fit la remarque ce jour-là, pas
;

même celui qui l'avait écrite. Ou bien l'avocat des dissidents


eut la perfidie de lire seulement le début, que n'avait pas
altéré le faussaire; ou bien l'ex-duumvir, qui était vieux, avait
mauvaise vue et l'oreille dure. Toujours est-il qu' Alfius Caecilia-
nus ne protesta pas sur le moment. C'est plus tard qu'il s'aper-
çut de la fraude et démasqua le faussaire 5 .

Après l'instruction à la curie de Carthage, Constantin chan-


gea d'avis il renonça à juger lui-même l'affaire, et, à défaut
:

1) Acta purgationis Felicis, p. 198. 4) Acta purgationis Felicis, p. 199-


2) Ibid., p. 198-199. 200.
3) Ibid., p. 199. 5) ibid., p. 200 et 202-203.

IV 15
226 LE DONATISME

du vicaire d'Afrique, qui était tombé malade, il en chargea le


proconsul /Elianus'. L'audience proconsulaire du 15 février 314
ne nous est connue que partiellement. Il est évident que, ce
jour-là, fut instruit et plaidé à fond le procès de l'évêque Félix.
Or, le compte-rendu qui nous est parvenu ne se rapporte
guère qu'à l'un des incidents le fauxd'Ingentius, prouvé par la :

déposition d'Alfius Caecilianus et les aveux du faussaire lui-


même. Le copiste qui a voulu abréger le dossier, a laissé de
côté tout le reste par exemple, les interrogatoires du curator
:

Callidius Gratianus, de l'ancien curator Claudius Saturianus,


du centurion Superius, de l'esclave Solo*. Il y a certainement
bien d'autres lacunes. Cependant, l'on n'en doit pas exagérer
l'importance relative. L'incident du faux, en mettant à nu la
mauvaise foi des accusateurs, avait pris des proportions inat-
tendues le proconsul lui-même y fait allusion au début de sa
:

sentence 3
Si incomplet qu'il soit, notre procès-verbal de
.

l'audience du 15 février doit donner une idée assez juste delà


physionomie des débats.
. Le tribunal est présidé naturellement par le proconsul
.Elianus. Les autres personnages sont Q. Sisenna, duumvir de
Carthage, sans doute l'un des assesseurs; Agesilaus, greffier,
représentant de YOfficium; Apronianus, avocat de l'évêque
Félix; Alfius Caecilianus, l'ex-duumvir d'Abthugni, témoin
cité par les accusateurs; Ingentius, scribe public d'Abthugni,
décurion de la Civitas Ziquensium, témoin à charge. Nous ne
savons rien de précis sur le commencement de l'audience. Au
moment où s'ouvre aujourd'hui le procès-verbal, on donne lec-
ture des rapports sur la comparution d'Alfius Caecilianus et du
scribe Miccius devant les magistrats d'Abthugni Suit un 4
.

échange d'observations entre Sisenna, Apronianus et le pro


5
consul le passage est d'ailleurs obscur à cause d'une lacune.
;

Sur l'ordre du président, le greffier Agesilaus lit le compte-


rendu de l'audience précédente à la curie de Carthage 6 La der- .

nière pièce insérée dans ce procès-verbal soulève un très vif


débat, qui peu à peu tourne à la confusion des accusateurs il :

s'agit de la pièce produite par le scribe Ingentius, la lettre


adressée par l'ex duumvir Alfius Caecilianus à Félix d'Abthugni,
7
et très compromettante pour l'évêque Le greffier fait observer .

que maintenant le témoin déclare fausse la fin de la lettre :

1) Optât, 1, 27 ; Augustin, Contra Cres- 4) Aclapuryalionis Felicis, p. 191-198.


conium, 111, 70, 81 ; Kpist. 88, 4. 5)lbid., p. 19S.
2) Ibid. 6) lbid., p. 198-200.

3) Actn purgationis Felicis, p. 204. 7) Ibid., p. 199-200.


DOCUMENTS HISTORIQUES 227

l'ancien duumvir confirme lui-même cette déclaration en pré-


cisant où s'arrête le texte authentique'. Alors Apronianus,
l'avocat de Félix, prononce un violent réquisitoire contre les
dissidents, contre leur mauvaise foi, leurs intrigues et leurs
calomnies; accuse Ingentius d'avoir interpolé la lettre d'Al-
il

fius Caecilianus, comme d'avoir fabriqué de toutes pièces une


prétendue lettre de Félix; il termine en demandant la compa-
rution du faussaire 2 L'interrogatoire d'Ingentius remplit
.

presque toute la seconde moitié du procès-verbal. Le malheu


reux essaie d'abord de nier, raconte des histoires à côté; mais
il est bientôt convaincu de mensonge Sur l'invitation du pré-
3
.

sident, Alfius Caecilianus explique en détail comment les choses


se sont passées, comment le scribe lui a rendu visite, l'a cir-
convenu et trompé, remettre la lettre authentique des-
s'est fait
tinée à l'évêque Félix 4 On lit de nouveau la pièce en question
. :

l'ancien duumvir affirme une fois de plus que la fin est une
interpolation, il dénonce le faussaire Plus que jamais, Ingen-
1
.

tius s'embrouille dans ses explications; menacé de la torture,


il se décide à avouer Dès lors, le juge est fixé. Il prononce sa
.

sentence il ordonne d'emprisonner le faussaire, et proclame


:

solennellement que les débats ont démontré l'innocence de


7
l'évêque Félix .

Tel se déroule sous nos yeux, dans les pièces originales, le


curieux procès de Félix d'Abthugni. Assurément, dans ce dos-
sier, rien ne trahit une préoccupation littéraire; et cependant,
la littérature elle-même y trouve son compte, dans ces petites
scènes de mœurs vivement esquissées, dans ces dépositions
naïves en latin vulgaire, dans ces réquisitoires passionnés où
se révèlent les premiers polémistes et les premiers orateurs de
la querelle donatiste. Quant à la valeur historique du dossier,
elle éclate aux yeux. Ces procès-verbaux constituent l'un des
documents les plus précieux pour l'étude des origines de
l'Eglise dissidente africaine, et même pour l'histoire du temps :

on y trouve le tableau presque complet d'un grand procès qui


mit aux prises les païens avec les chrétiens, les Catholiques
avec les schismatiques.
Les personnages sont d'une réalité vivante magistrats scru- :

puleux, admirables de sang-froid et d'impartialité, soucieux


seulement d'assurer la régularité de la procédure et de faire

1) Acla purgalionis Felicis, p. 200. 5) Acta purgalionis Felici", p. 202-


2) lbid., p. 200-201. 203.
3) lbid., p. 201-203. 6) lbid., p. 203.
4) lbid., p. 201-202. 7) lbid., p. 204.
228 LE DONATISME

respecter les droits des deux parties; greffiers indifférents,


méticuleux et ponctuels; avocats habiles, âpres et tenaces, au
verbe haut; témoins honnêtes ou vendus, tous saisis dans leur
attitude vraie de petits bourgeois d'une ville de province. Deux
figures, surtout, se détachent au premier plan le faussaire :

Ingentius, homme d'intrigue et de haine, victime enfin de


ses machinations et de ses mensonges; l'ancien duumvird'Ab-
thugni, le vieux Caecilianus, un païen plein de droiture et de
bonhomie, quelque peu naïf sans doute, mais très galant
homme. Au temps de ses grandeurs, Caecilianus avait su exé-
cuter l'édit de persécution sans violences inutiles. Plus tard,
dupé par la fourberie d'Ingcntius, il a compromis sans le
vouloir l'évêque Félix. Mais, dès qu'il s'aperçoit de l'erreur
commise et de l'intrigue, il parle net et ferme, résolu à démas-
quer le faussaire en faisant éclater la vérité.
Pour l'histoire des origines du Donatisme et des querelles
religieuses qui troublèrent l'Afrique du iv e siècle, on doit noter
surtout, dans le procès de l'évêque Félix d'Abthugni, l'acharne-
ment des adversaires. Le malentendu haineux, qui déjà sépa-
rait les deux partis, éclate partout dans ce dossier dans le :

réquisitoire de Maximus, l'avocat des accusateurs; dans la


déposition d'ingentius, cet agent des schismatiques, qui a
poussé la rancune jusqu'au faux; dans le discours violent
d'Apronianus, le défenseur de Félix et le mandataire des Catho-
liques. L'attitude des deux partis et de leus avocats, à l'au-
dience proconsulaire comme à la curie de Cartilage, explique
d'avance l'acharnement des longues luttes entre les deux
Églises africaines.
Les Gt'sia <ipud Zenophi um, postérieurs de six ans aux
Acta purgationis Felicis, nous donnent le spectacle plus curieux
encore d'une confession publique, involontaire et cynique,
de l'Eglise donatiste En 3\ï, l'enquête sur Félix d'Abthugni,
1

ouverte sur les instances des dissidents, avait tourné à leur


confusion. En 320, les Catholiques n'eurenl même pas à inter-
venir dans l'enquête sur Silvanus de Constantine simples :

spectateurs d'une querelle entre schismatiques, ils n'eurent qu'à


marquer les coups, à enregistrer les révélations et les scan-
dales. Ils n'en furent pas inoins les vrais vainqueurs. Ils virent
leurs adversaires se déchirer entre eux, et déchirer en même
temps la charte de leurs principes. Devant le tribunal d'un
gouverneur romain, des Donatistes s'acharnèrent à démontrer

1) Appendii d'Optat, n. 1, p. 185-197 Ziwsu.


DOCUMENTS HISTORIQUES 229

que leur Église, malgré ses prétentions au monopole de la


sainteté, était née de la corruption, de la lâcheté, de l'intrigue,
de la vénalité L'un des chefs de cette Eglise, Silvanus de Cons-
'

tantine, fut convaincu judiciairement d'avoir faibli dans la


persécution de Dioclétien, d'avoir été irrégulièrement élu
évêque, de s'être fait ordonner par des traditeurs. de s'être
vendu, d'avoir même commis des délits de droit commun s Or, .

ce Silvanus avait été l'un des consécrateurs de Majorinus 3 la ;

plupart des évêquesqui l'avaient assisté dans cette consécration


n'étaient guère moins compromis *. C'était la déroute des prin-
cipes du schisme. En bonne logique . si la logique était le —
fait des partis, —
les Donatistes auraient dû en conclure à la
nullité de l'élection de Majorinus, à l'usurpation de son succes-
seur Donatus, à la vanité de toutes les prétentions de leur
Eglise schismatique.
Un diacre dissident de Constantine, un certain Nundinarius,
était en querelle avec son évêque Silvanus, nous ne savons à
quel propos. Malmené par son chef et menacé par lui d'excom-
munication, il résolut de lui tenir tête, et, le cas échéant, de
3
se venger Le passé de l'évêque était fort sujet à caution; et
.

le diacre était habile homme, audacieux, tenace, très renseigné


sur les points faibles de son adversaire. Il s'arma de pied en
cap, évoqua autour de lui les vieux souvenirs de la persécu-
tion païenne ou des débuts du schisme, recueillit des témoi-
gnages, fureta dans les archives bref, il se constitua un dos- :

sier formidable, où figuraient des pièces très compromettantes


pour Silvanus. Avant de rompre définitivement, il essaya de
l'intimidation. Il alla trouver divers évêques de Numidie^ leur
exposa ses griefs, personnels ou non, et les pria d'intervenir
en sa faveur. Pour les décider, il leur parla de son dossier, et
leur remit un libelle, en forme de lettre, où il résumait ses
accusations, en prenant à témoin tous les évêques, les clercs et
les notables du parti Ce libelle et les démarches de Nundina-
.

rius causèrent, dans le monde donatiste de Numidie, une très

1) Gesla apud Zenophilum, p. 186 et 4) Gesla apud Zenophilum, p. 189 et


suiv., 189, 194-196. — Cf. Optât, I, 13- suiv. ; Optât, 13-15; 19-20; Augustin,
l,

6, 17; Ad Catho-
14; Augustin, Epist. 43, Contra Cresconium, III, 27, 30 et suis ;

licou Epistula contra Donalislas, 18, Brevic. Collai., IIJ, 15, 27; 17, 31-33;
46; Contra Cresconium, III, 27, 30-31; Ad Donalistas post Collât., 14, 18;
28, 32 et suiv. Contra Gaudenliion, I, 37, 47.
2) G es lu apud Zenophilum, p. 187-189, 5) Augustin, Episl. 43, 6,17; 53,2,4;
192-196. Contra Cresconium, HT, 28, 32.
3) Augustin, Contra Cresconium, III, 6) Gesla apud Zenophilum, p. 189.
27, 31 ; 30, 34; IV, 56, 66.
230 LE DONATISME

vive émotion. Plusieurs évêques dissidents s'empressèrent


d'intervenir, soit auprès de Silvanus, soit auprès du clergé et
des seniores de Constantine, pour essayer de prévenir le scan-
dale en réconciliant les deux adversaires. D'où une curieuse
correspondance épiscopale, vers le début de l'année 320, avant
les fêtes de Pâques'. Ces démarches n'eurent, d'ailleurs, d'autre
résultat que de grossir le dossier du diacre.
Malgré les instances de ses collègues, Silvanus s'obstina ;

inconscient de l'orage qui allait fondre sur lui, il lança l'excom-


munication 2 Nundinarius riposta par une accusation en règle,
.

devant le gouverneur de Numidie D'après l'acte d'accusation,


3
.

Silvanus s'était rendu coupable de traditio en 303, lors des


saisies de Cirta en 305, il n'avait dû son élection épiscopale
;

qu'à l'intrigue et à l'émeute; en 312, il avait reçu de l'argent


de Lucilla pour appuyer la candidature de Majorinus à Car
thage; il en avait reçu encore d'un certain Victor, un foulon,
pour le nommer prêtre; enfin, de complicité avec l'évêque
Purpurius et quelques clercs, il avait commis un vol dans un
temple de Sérapis On juge du scandale. Nundinarius se
4
.

démena si bien, fit tant de bruit, qu'on ne put arrêter l'affaire,


et que le gouvernement ordonna une enquête. Le procès eut
lieu à Thamugadi (aujourd'hui Timgad), le 8 décembre 320,
devant le tribunal du consulaire Zenophilus, gouverneur de
8
Numidie Nundinarius produisit contre son ennemi des
.

charges accablantes pièces d'archives, témoignages de toute


:

sorte, lettres des évêques donatistes qui avaient cherché à


éviter le scandale. Toutes les accusations furent reconnues
exactes, et confirmées solennellement par la sentence du juge.
Silvanus fut condamné à l'exil 6 D'après une tradition dona- .

tiste, il aurait été frappé de cette peine, non pas à ce moment,


en raison des faits établis par l'enquête, mais plus tard, à cause
de son attitude hautaine envers le gouverneur Zenophilus et le
comte d'Afrique Ursacius, avec qui il avait rompu toute rela-
tion'. Tradition bien invraisemblable, sans doute imaginée
après coup pour sauver l'honneur du parti. La sentence du
S décembre 320 eut évidemment une sanction; d'autant mieux
que plusieurs faits établis à l'audience constituaient des délits

1) Gesta apud Zenophilum, p. 189-192. 6) Augustin, Contra Cresconium, III,

\n-ustin, Episl. 43,6, 17 ; 53, 2, 4. 30, 34.


.
Gesta apud Zenophilum, p. 185. 1) « Scd postea, inquis, Ursacio el Zcno-
f.f. ibid., p. 189. philo persequentibus cum comraunicare no-
4) Ihid., p. 189 et 192-197. luisset, actus est in cxsilium » (ibid., III,

S Ibid., p. 185. 30, 34).


DOCUMENTS HISTORIQUES 231

de droit commun'. En dépit de la légende donatiste, tout


porte à croire que l'exil de Silvanus a été la conséquence
directe du procès de Thamugadi.
Le dossier de ce procès nous a été conservé dans les Gesta
àpud Zenophilum, la première pièce des Gesta purgationis
Caeciliani et Felicis*. Le titre exact du document (Gesta apud
Zenophilum consularem) nous est connu par Augustin dans 3
;

le manuscrit de Cormery, il est remplacé par une formule de


polémique, qu'a imaginée sans doute le compilateur de la Par-
gatio Caeciliani*. L'authenticité du texte est attestée par le con-
tenu même, par
la précision des détails, par l'exactitude des
des procès-verbaux, par la justesse du ton, par les nom-
faits et
breuses citations ou allusions d'Augustin La plus grande '".

partie du dossier nous est parvenue presque intacte, sauf les


altérations de détail dues à la négligence des copistes ou aux
mésaventures du manuscrit. L'en-tête indique la date consu-
laire et le jour de l'audience : si l'on admet une légère correc-
tion, qui paraît s'imposer, cette datecorrespond au 8 décembre
Suit le compte-rendu de l'audience consulaire de Thamu-
6
320 .

gadi. On y distingue deux éléments le procès-verbal propre- :

7
ment dit de la séance, c'est-à-dire les interrogatoires et une ;

1) Gesta apud Zenophilum, p. 193 et ainsi créé de pièces, on fait arbi-


toutes
195-196. trairement un évèque de Thamugadi,
soit

2) Appendix d'Optat, u. 1, p. 1S5-I97. qui figurerait ici on ne sait à quel titre

3) Augustin, Epist. 43, 6, 17; 53 2, 4. (Toulolte, Géographie de l'Afrique chré-

4) « Incipiunt Gesta ubi constat tradito- tienne —


Numidie, Paris, 1894, p 290),
rem Silvanum, qui eum céleris ordinavit soitun gieftier, un scribe de Thamugadi,
Majoi'inum cui Donatus suceessit » (Appen- dont l'intervention n'est pas moins inatten-
dix d'Optat. n. 1, p. 185 Ziwsa). due (Deutsch, Drei Aktenstùcke zur Ges-
5) Augustin, Contra Cresconium, III, chichle des Donatismus, Berlin, 1875).
28, 32; 29, 33 ; IV, 56, 66 ; Ad Catholicos Rien de tout cela n'est satisfaisant. Ici,
Epistula contra Donatis/as, 18, 46; comme l'en-tête des documents analogues,
Epist. 43, 6, il; 53, 2, 4. on doit trouver simplement, après la date
dans le manuscrit
6) L'en-tête est altéré consulaire, l'indication du jour et du lieu
de Cormery, où le document débute par de l'audience. Il nous paraît évident que
ces mots incohérents : « Coustantino Ma- sexto est un nom de nombre, indiquant le
ximo Augusto et Constantino iuuiore nobi- jour, et maladroitement transposé. On en
lissimis caesaribus constat diebus decem- reconnaît encore des débris, dans le ma-
bribus sexto Thamugadi ensi induclo et ap nuscrit, à la place qu'il occupait primitive-
plicito Victore grammatico... ». Le dernier ment ;

éditeur restitue : « Constantino Maximo CONSTATDIEBVS =


CONS(u^7> M s),
Augusto et Constantino iuuiore nobilissi- S(ex)TO ID(ms).
m(o) Caesar(e) cons ulibus), ... idibus de- On lira donc « Constantino Maximo Au-
:

cembribus, ...Sexto Thamugadiensi, inducto gusto et Constantino iuniore nobilissim(o)


et applicito Victore grammatico... » (éd. Caesar(e) cons(ulibus), sexto id(us) décem-
Ziwsa, p. 185). Généralement, on considère bres), Thamugadi in ci(vitate), inducto et
sexto comme un nom propre le nom d'un : applicito Victore grammatico Cette
Sexlus, qui est d'ailleurs complètement date correspond au 8 décembre 320.
inconnu, et dont il n'est pas question 7} Gesta apud Zenophilum, p. 185-
dans le reste du document. De ce Sextus, 186 et 192 197.
232 LE DONATISME

copie des pièces lues à l'audience, pièces produites par le diacre


Nundinarius ce qu'Optât appelait Scripla Nundinarii*.
1

On constate quelques lacunes dans chacune de ces deux


parties du dossier. Suivant Optât, le Protocole de Cirta, du
5 mars 305, figurait dans les Scripta Nundinarii* ; or ce docu-
ment, connu d'autre part, ne se trouve pas aujourd'hui dans
les Gesta apnd ZenophUum. En outre, le compte-rendu propre-
ment dit de l'audience du 8 décembre 320 est incomplet il :

s'arrête brusquement au début de l'interrogatoire du sous-


4
diacre Ianuarius La fin du procès-verbal devait contenir deux
.

interrogatoires annoncés antérieurement, ceux du prêtre Don-


3
tius ou Donatus et du diacre Lucianus peut-être encore ;

d'autres interrogatoires; et, en tout cas, la sentence du juge.


Mais ces lacunes du dossier sont relativement peu importantes,
en comparaison de ce qui nous est parvenu.
Voici l'inventaire des pièces contenues dans notre texte des
Gesta apitd ZenophUum. C'est d'abord, naturellement, le pro-
cès-verbal de l'audience tenue à Thamugadi,le 8 décembre 320,
par Zenophilus, gouverneur de Numidie 9 Ce compte-rendu .

lui-même s'ouvre par l'interrogatoire du grammairien Victor,


ancien lecteur de Cirta Au milieu de cet interrogatoire sont
7
.

reproduites intégralement plusieurs pièces capitales, tirées du


dossier de Nundinarius, et lues à l'audience les Acta Munati :

Felicis, procès-verbal des saisies dans l'église de Cirta, le


le libellus du diacre Nundinarius, résumé de ses
8
19 mai 303 ;

9
accusations contre Silvanus une série de lettres d'évêques ;

numides, deux lettres de Purpurius à Silvanus et au clergé de


10
Constantine deux lettres de Fortis aux mêmes 11 deux lettres
, ,

12
de Sabinus à Silvanus et à Fortis La fin des Gesta apud Zeno- .

phUum comprend une série d'interrogatoires nouvel interro- :

gatoire du grammairien Victor


13
interrogatoires des fossores ;

Saturninus et Victor Samsurici '*, du diacre Saturninus 15 du ,

1) Ges la apud ZenophUum, p. 186-192. turninus est évidemment distinct du fos-


2) Optât, I, 14. soyeur Saturninus. La différence des titres
3) Ibid., I, 14. et des conditions suffirait à le prouver.

4) Gesla apud ZenophUum, p. 197. D'ailleurs, le fossor Saturninus est congé-

5) Ibid., p. 194. dié après un court interrogatoire (ibid.,


p. 193 et remoto Saturnino); et c'est plus
6) Ibid., p, 185-197.
:

tard, à la suite de la déposition de Victor


7) Ibid., p. 185-186 et 192-193.
8) Ibid., p. 186-188.
Samsurici, que parait le diaconus Satur-
189. ninus (ibid., p. 193). 11 y a pourtant quel-
9) Ibid., p.
10) Ibid., p. 189-190 .
que altération dans le texte; car, plus loin,
11) Ibid., p. 190-191.
C" résumant cette partie des débats, le

12) Ibid., p. 191-192.


juge ne nomme qu'un seul Saturninus (ibid.,
13) Und. i>. 192-193. P- 198 : responsione Victoris grammatici et
Victoria Samsurici etSaturnini claruif vera
14) Ibid., p. 193.
15) Ibid., p. 193-195. — Le diacre Sa- esse omnia).
DOCUMENTS HISTORIQUES 233
1
diacre Castus , du sous-diacre Crescentianus 8 ; interrogatoire
3
incomplet du sous-diacre Ianuarius .

Ces diverses pièces méritent d'être brièvement analysées.


Laissons de côté le très curieux et très précieux procès-verbal
des saisies dans l'église de Cirta, document qui peint sur le vif
la procédure suivie par les magistrats païens en 303 pour
l'application de l'édit de Dioclétien, et qui, à ce titre, a été pré-
cédemment étudié*. Restent le libellus, les lettres, les interro-
gatoires.
Le libellus du diacre Nundinarius est un réquisitoire contre
Silvanus, sous la forme d'une lettre aux évêques, aux prêtres,
aux diacres et aux seniores des Eglises dissidentes 5 Il est repro- .

6
duit, mais partiellement, au procès- verbal Il est mentionné, .

en outre, dans les lettres de Purpurius', sans parler d'Augus-


tin qui en a transcrit le texte d'après les Gesta*. Au début et à
la fin de son réquisitoire, Nundinarius atteste solennellement
leChrist et ses anges. Il formule catégoriquement ses accusa-
tions principales 1° Silvanus est un tradilor-, 2° c'est un
:

voleur; 3° c'est un homme vénal, il a reçu de l'argent de


Lucilla pour intriguer contre Caecilianus de Carthage et pour
travailler à l'élection de Majorinus; 4° c'est un chef indigne
qui trafique des charges ecclésiastiques, il a vendu la prêtrise à
un foulon —
D'ailleurs, le texte conservé du libellus est sûre-
.

ment incomplet il omet certains griefs qui sont visés dans les
:

interrogatoires (circonstances de l'élection épiscopale de Silva-


nus, vol au temple de Serapis) l0 et il ne renferme pas les ren- ,

seignements dont parle Purpurius, sur la cause des démêlés


entre Nundinarius et son évêque 11 Tout écourté qu'il soit, le .

libellus n'en est pas moins fort important il a été le point de :

départ et la base de l'enquête.


Les lettres d'évêques sont au nombre de six : deux de Pur-
1) Gesta apud Zenophilum, p. 195- lum rei gestae » (ibid., p. 189). —
196. « Tradidit enim mihi libellum, in quo
2) Ibid., p. 196-197. omnia sunt conscripta » [ibid., p. 190).
3) Ihid., p. 197. 8) Augustin, Contra Cresconium, III,
4)Histoire littéraire de l'Afrique chré- 29, 33. —
Dans cette citation, Augustin
tienne, t. III, p. 93 et suiv. nous a conservé l'en-tête du libellus, au-
5) Ne pas confondre le libellus du diacre jourd'hui altéré dans les Gesta apud Ze-
Nundinarius, c'est-à-dire sa lettre aux nophilum (p. 188-189). Voici quel était,
évêques numides [Gesta apud Zenophi- d'après Augustin, l'en- tète du document :

lum, p. 189 Augustin, Contra Cresconium,


; o Exemplum libelli traditi cpiscopis a Nun-
III, Scripta Nundinarii
29, 33), avec les dinario diacono ». Suit le texte de la pièce
dont parle 14), ensemble des
Optât (I, originale : « Testis est Christus et Angeli
documents produits à l'audience de Tha- ejus, etc. ».
mugadi par Nundinarius. 9) Gesta apud Zenophilum, p. 189.
6) Gesta apud Zenophilum, p. 189. 10) Ibid., p. 192-196.
7) « Manu sua enim mihi tradidit libel- 11) Ibid., p. 189.
234 LE D0NAT1SME
1

purius de Limata deux, de Fortis 2 deux, de Sabinus


; ;
3
.

4
L'authenticité en est certaine, et attestée par Augustin Cette .

correspondance épiscopale est très curieuse à étudier. Les


évêques donatistes de Numidie avaient été mis dans un cruel
embarras par la démarche et les menaces de Nundinarius.
D'une part, ils voulaient ménager Silvanus, un des chefs du
Donatisme, un des ordinateurs de Majorinus. Quelques-uns
d'entre eux, comme ce farouche Purpurius dont on connaît les
3
violences à Milev, à Girta et à Carthage n'avaient pas la ,

conscience tranquille ils avaient, eux aussi, livré les Ecritures:

6
et reçu l'argent de Lucilla D'autre part, ils savaient que les .

imputations de Nundinarius étaient exactes, et ils redoutaient


pour leur parti un gros scandale « Je sais, écrit Purpurius, je :

7
sais que tout est vrai, tout, dans le libelle qui m'a été remis » .

Ce scandale redouté, les évêques numides voudraient l'éviter à


tout prix. Aussi ont-ils fait bon accueil à Nundinarius, pour ne
pas le pousser à bout. Ils cherchent sincèrement à s'entre-
mettre; ils offrent leur médiation en même temps qu'à Silva- ;

nus, ils écrivent aux clercs et aux notables de Constantine,


qui semblent se ranger au parti de Nundinarius. Ils s'efforcent
de ne mécontenter ni l'évêque, ni le clergé, ni les laïques; au
contraire, ils les flattent également. Ils prodiguent les bons
conseils et les citations de l'Ecriture. Mais ils n'osent se pro-
noncer trop ouvertement Cherche le remède », dit Purpu- : «

rius à Silvanus*. Et même temps au clergé de Cons- il écrit en


9
tantine « Cherchez un bon remède »
: On s'étonnerait un peu .

de voir le sanguinaire Purpurius devenu si bon diplomate, si


l'on ne devinait ses bonnes raisons. Avant tout, ces évêques
craignent de se compromettre. Ecoutez les recommandations
du même Purpurius. 11 dit à Silvanus « Je veux que personne :

ne sache ce qui se passe entre nous » 10 Puis, aux clercs de .

Constantine « Prenez garde que personne ne connaisse ce


:

complot » M Dans les autres lettres, c'est le même refrain


. :

« Que personne ne le sache Nemo sciai » '-. Refrain de conspi- ! !

1) Gesla aputt Zenophilum, p. 189- III, 27, 30; 28, 32 et suiv. ;


Brevic. Col-
190. lat., 111, 15, 27 et suiv.
2) Ibid., p. 190-191. 7) Gesla apud Zenophilum, p. 189.
3) Ibid., p. 191-192 8) « Quacrc reniedium » (ibid.,\>. (89).
4) Augustin, Epist. 43, 6, 17 ; 53, 2, 4. 9) « Bon uni quaerite remedium » (ibid.,

5) Optai, I, 13-14 et 19; Augustin, Con- p. 190).


Ira Creaconium, III, 27, 30. 10) « Hoc enim volo fieri ut nemo sciai

6) Gesla apud Zenophilum, p. 189 el quid inter nos agatur » (ibid., p. 189).
suiv. ; Optât, I, 13-16; Augustin, Epist. H) «Elaborate, nemo sciât quaesit conju-
43, 6, 17 AdCatkolicos Epistula contra
; ratio haec » [ibid., p 190).
Donatislus, 18, 46 Contra Creaconium, ; 12) Ibid., p. 190-192.
DOCUMENTS HISTORIQUES 235

rateurs, mais de conspirateurs malheureux ou maladroits :

malgré toutes ces précautions des évêques, Nundinarius s'est


procuré des copies de leurs lettres, et les a lues publiquement,
en pleine audience.
Le reste du procès-verbal se compose d'interrogatoires,
notés sur le vif, et sans doute sténographiés. L'un d'eux est
assez piquant, à cause de l'attitude piteuse du pauvre grammai-
rien Victor, qui s'empêtre dans ses mensonges Les autres 1
.

interrogatoires sont moins variés. Mais tous sont frappants


de vérité. Tous, d'ailleurs, sont conduits de même, vivement
et habilement. D'un bout à l'autre, l'audience est présidée et
dirigée par Zenophilus, considaris ou gouverneur de Numidie.
Avec le sang-froid et la netteté d'un président qui sait son
métier, il pose à chacun des témoins une foule de questions
minutieuses, auxquelles on répond d'un mot; il contrôle point
par point les accusations ou affirmations de Nundinarius.
L'accusateur lui-même, sur la demande ou avec l'autorisation
du président, intervient souvent dans l'interrogatoire, pour
citer des pièces à l'appui de ses dires, pour préciser les ques-
tions à poser, au besoin, pour confondre le mensonge. Après
chaque interrogatoire, le président constate l'exactitude des
allégations de l'accusateur*.
il est facile, physionomie de
maintenant, de reconstituer la
l'audience. La scène se passe à Thamugadi,
décembre 320, le 8
sans doute dans cette basilique judiciaire dont on visite aujour-
d'hui les ruines sur le forum de Timgad. L'objet du débat est
une enquête sur la conduite et la légitimité de Silvanus, évêque
donatiste de Constantine depuis 305. L'enquête a pour base un
acte d'accusation, déposé contre son évêque par le diacre Nun-
dinarius Elle porte sur les points suivants: 1° Silvanus, en
3
.

303, étant sous-diacre, lors des saisies dans l'église de Cirta,


a-t-il livré En 305, a-t-il été régulière-
des objets sacrés ? 2° 4

ment ordonné évêque 5 ? 3° En 311-312, a-t-il reçu de


élu et
l'argent de Lucilla, une dame carthaginoise, pour combattre
Caecilianus de Carthageet travaillera l'élection de Majorinus"?
4° A-t-il vendu au foulon Victor le titre et la charge de prêtre'?
5° A-t-il,
de concert avec l'évêque Purpurius et d'autres clercs,
8
dérobé des vases et du vinaigre dans un temple de Sérapis ?

1) Gesta apud Zenopliilum, p. 185- 5) Gesta apud Zenophilum, p. 192, 194


186 et 192-193. et 196.
2) Ibid., p. 186, 188, 192- 191. 6) Ibid., p. 1S9, 194-196.
3) Ibid., p. 189. . 7) Ibid., p. 189, 194 et suit.
4) Ibid., p. 185-186, 189, 192 et suiv. 8) Ibid., p. 193, 195-196.
236 LE DONATISME

Les personnages sont le consulaire Zenophilus, gouverneur


:

de Numidie, président; un greffier [exceptor), qui donne lec-


ture des pièces et rédige le procès-verbal le diacre Nundina- ;

rius, accusateur; de nombreux témoins, le grammairien Victor,


des fossores ou clercs inférieurs, des diacres, des sous-diacres.
11 est à noter que l'accusé n'assistait pas à l'audience. On peut

supposer que Silvanus avait récusé le juge civil, ou, tout au


moins, qu'il avait refusé de comparaître. D'où, probablement,
la légende donatiste sur les démêlés de Silvanus avec le gouver-
neur Zenophilus et le comte d'Afrique Ursacius, sur les pour-
suites exercées par ces fonctionnaires, et sur les causes de
l'exil auquel fut condamné l'évêque
1
.

L'audience s'ouvre par l'interrogatoire du grammairien


Victor, ancien lecteur de l'Église de Cirta 2 Après la procédure .

d'identité, on lui demande ce qu'il sait sur les origines du


schisme et le rôle de Silvanus pendant la persécution de Dio-
clétien. Le témoin répond qu'il ne sait rien, qu'il était alors
absent. Pour le convaincre de mensonge, sur la requête de
l'accusateur, le juge fait lire le procès-verbal des perquisitions
dans l'église de Cirta en 303 3 Il résultait clairement de cette
.

pièce que le témoin était à Cirta pendant la persécution, puis-


que lui-même avait livré des manuscrits sacrés*. Pourtant.
Victor s'obstine contre l'évidence, et déclare de nouveau qu'il
était absent. L'accusateur passe outre, et fait lire une série de
pièces, prises encore dans son dossier son libellus, adressé :

aux évêques de Numidie, où il avait résumé ses griefs contre


5
Silvanus et les six lettres d'évêques numides qui prouvaient
;

la culpabilité de Silvanus avec leur propre complicité Sur une .

nouvelle question du juge, Victor se décide à avouer ce qu'il


sait Silvanus, étant sous-diacre, a livré des objets sacrés plus
:
;

tard, le peuple a protesté contre son élection épiscopale, et


7
Victor lui-même l'a combattue Puis défilent les autres témoins
. :

8
les fossores Victor Samsurici et Saturninus le diacre Saturni- ,

nus \ le diacre Castus ,0


le sous-diacre Crescentianus
u Au dé .
,

but de l'interrogatoire du sous-diacre lanuarius, commence la


lacune du manuscrit '- la fin du document devait renfermer,
;

entre autres, les interrogatoires du prêtre Dontius ou Donatus

1) Augustin, Contra Cresconium, III, 6) Geslaapud Zenaphilum,\>. 189-192.


-
30, Ibid., p. 192.
2) <ifisl(i apud Zenophilvm, p. 185- 8) Ibid., p. 193.
186. 9) Ibid., p. 193-195.
3) Ibid., p. 186-188. 10 Ibid., p. L95-196.
4) Ibid., p. 188. il) Ibid., p. 196-197.
5) Ibid., p. 189. 12) Ibid., p. 197.
DOCUMENTS HISTORIQUES 237

et du diacre Lucianus naturellement, la sentence du juge.


1
, et,

On sait que Silvanus 2


d'après ce qui nous reste du
fut exilé :

procès-verbal de l'audience, sa condamnation était certaine. Les


témoins sont unanimes dans leurs dépositions, et chacun d'eux,
dans la mesure de son information personnelle, confirme les
accusations de Nundinarius sur tous les point traditio d'objets :

sacrés en 303, irrégularité de l'élection épiscopale en 305,


vénalité dans l'affaire de Lucilla et dans celle du foulon Victor,
vol au temple deSérapis Au cours des débats, Nundinarius
3
.

avait poussé encore plus loin ses avantages, plus loin peut-être
qu'il ne l'eût voulu il avait compromis son Église autant que
:

son évêque. Entraîné par l'ardeur de la lutte, il avait forcé les


témoins à raconter en détail les circonstances de l'élection de
Silvanus en 305 et de l'élection de Majorinus en 312 \ Non
seulement il était désormais avéré que Silvanus avait été élu
par la ruse, par la violence, par l'émeute, et que son ordination
avait soulevé les protestations de tous les honnêtes gens de la
communauté mais, autant que Silvanus, le Donatisme venait
;

de recevoir un coup terrible. L'un de ses chefs, un de ses pre-


miers adeptes, était convaincu de lâcheté, de vénalité, de vol;
et ce chef avait eu des complices, en Numidie comme à Gar-
B
thage . Le coup atteignait
la secte jusque dans son principe.
L'Eglise schismatique s'était constituée pour se séparer de
prétendus iraditeurs; et elle-même avait été fondée par des
traditeurs authentiques. L'élection de son premier primat,
Majorinus, avait été obtenue par l'intrigue, à prix d'argent ;

et ce premier primat avait été ordonné par des évêques traîtres


à leur foi, voleurs et vendus On conçoit que Purpurius et ses
1
'.

7
amis se soient tant démenés pour étouffer le scandale ils :

avaient vu juste.
Telle est la portée historique des Gesta apudZenophilum, con-
sidérés dans leur ensemble et dans leur signification morale.
On comprend que les Catholiques africains aient recueilli avec
soin ce procès- verbal, et l'aient fait figurer en tête des Gesla
purgationis Cacciliani et Felicis avant de justifier Caecilianus :

de Carthage, il était de bonne guerre de montrer, par leurs


propres confessions, ce qu'avaient été ses adversaires. De plus,

1) Gesla apud Zenophilum, p. 194. 6) Ibid., p. 186 el suiv., 194-196. —


2) Augustin, ContraCresconium, 111, Cf. Augustin, Epist. 43, 6, 17 ; 53, 2, 4;
30, 34. Ad Catholicos Epistula contra Donalis-
3j Gesta apud Zenophilum, p. 192- tas, 18, 46; Contra Cresconium, III,
197. 28, 32 et suiv.
4) Ibid., p. 189, 192, 194. 196. 7) Gesta apud Zenophilum, p. 189-
5) Ibid., p. 189-197. 192.
238 LE DONATISME

les Gesta apud Zanophilum renferment beaucoup de renseigne-


ments précieux sur la persécution de Dioclétien, sur la situa-
tion de l'Église de Cirta au début du iv e siècle, sur l'organisa-
tion matérielle et les institutions du christianisme africain à
cette époque.
Ce dossier judiciaire offre encore un certain intérêt littéraire
et psychologique. Le style est naturellement un style de procès-
verbal, le plus souvent sec et impersonnel; mais il est précis et
sobre, très net partout où le texte n'a pas été altéré par les
copistes. Il y a une saveur particulière dans les réponses des
témoins, qui tous, même les diacres, même le grammairien,
étaient évidemment des gens peu instruits ils disent bien ce :

qu'ils veulent dire, mais avec des expressions populaires, des


incorrections ou des familiarités, des tournures naïves ou pitto-
resques, qui sentent le latin vulgaire. Enfin, presque tous les
personnages appartiennent à l'Église schismatique ces réqui- :

sitoires, ces dépositions, ces lettres, comptent parmi les pre-


miers monuments de la littérature donatiste.
Dans les (lesta apudZenophilum se dessinent même quelques
caractères. Le gouverneur est un parfait fonctionnaire juge :

impassible, correct et froid, indifférent au fond de l'affaire, mais


soucieux de ne se point laisser duper et de ne pas perdre son
temps, presque satisfait de constater le bien fondé de tous les
griefs, et pourtant un peu étonné de découvrir un coquin sous
l'évêque. L'accusateur est merveilleux de vie et de vérité. Ce
diacre, en guerre ouverte contre son évêque, est implacable et
clairvoyant dans sa rancune. Il s'est armé de toutes pièces sûr :

du succès, toujours maître de lui, froidement, il tire de son


dossier au bon moment, l'un après l'autre, les documents, les
vieux procès-verbaux, les lettres d'amis, qui frapperont l'adver-
saire au bon endroit les questions, marque les
1
Il précise .

points, dirige parfois l'interrogatoire sans empiéter sur les


attributions du juge. Il aide les témoins à réveiller leurs sou-
venirs; il enveloppe peu à peu son ennemi dans l'inextricable
réseau des témoignages concordants 2 .

Parmi les pâles silhouettes des témoins se profile drôlement,


dans sa veulerie pittoresque, un amusant personnage le gram- :

mairien Victor. Le pauvre homme se croit obligé de mentir


pour sauver la face; mais peu l'expérience du mensonge,
il a si

qu'il inspire surtout de la Il a eu un premier malheur


pitié.
dans sa vie, c'est de savoir lire comme il savait lire, on
:

1) Gesta apud Zenophilum, p. 186, 2) Gesta apud Zenophi/um, p. 192-


189-192. 197.
DOCUMENTS HISTORIQUES 239

l'avait nommé lecteur dans l'Église de Cirta. Puis, il a eu la


malechance de se trouver chez lui le 14 des calendes de juin, le
jour des perquisitions : comme demandait les
le magistrat lui
livres sacrés dont il avait la garde, Victor les a donnés
Le voilà 1
.

donc traditor, comme Silvanus son futur évêque, qu'il ne


pourra ni défendre ni accuser, sous peine de s'accuser lui-même.
En 320, il espère qu'on a oublié ses capitulations de l'année 303.

Donc, au début de l'audience, il paie d'audace. Au juge qui l'in-


terroge sur son métier, il répond avec emphase « Je suis profes- :

seur de lettres romaines, grammairien latin ». Il parle avec com-


plaisance de sa famille il est de race indigène, de sang maure,
:

fils d'un décurion de Cirta, petit-fils d'un soldat Malheureuse- 2


.

ment, on l'interroge ensuite sur les origines du schisme, sur


la conduite de Silvanus. Alors, il joue la naïveté sans doute il :

se trouvait à Carthage lors des débuts du schisme, mais il ne


connaît rien à ces querelles, il a simplement suivi son évêque;
il appartient à l'Église donatiste de Constantine, parce qu'il

n'y a pas à Constantine d'autre Église; il ne sait si l'évêque


est coupable. On fait observer à Victor qu'il doit le savoir, puis-
que lui-même a livré en même temps des manuscrits sacrés.
Le grammairien cherche à se tirer d'affaire par un mensonge :

il était alors absent, dit-il, il avait fui dans la montagne, et l'on


a saisi ses livres en son absence 3 Mais on s'acharne contre lui
. :

il entend la lecture d un procès-verbal authentique, vieux de


dix-sept ans, où figure son nom avec ses réponses 4 Il veut nier .

encore, contre toute évidence 3 décide à parler,


. Enfin, il se
mais en se ménageant une belle retraite. Eh bien oui, s'écrie- !

t-il, il sait que Silvanus a trahi sa foi; mais plus tard, quand le

peuple a protesté contre l'élection de Silvanus comme évêque,


Victor a combattu cette élection, il a protesté plus fort que les
autres 6 Et maintenant, il se console d'avoir menti, en criant
.

très haut la vérité. —


L'enquête du gouverneur de Numidie
n'avait pas eu seulement pour effet de venger le diacre Nundi-
narius, de déposséder l'évêque Silvanus, et de déconsidérer les
chefs du'Donatisme elle avait encore entraîné au mensonge
:

l'honnête grammairien Victor, ce Donatiste malgré lui.

1) Gesta apud Zenophitum, p. 188. 4) Gesta apud Zenophilum, p. 186-188.


2) Ibid., p. 185. 5) Ibid., p. 188.
3) Ibid., p. 186. 6) Ibid., p. 192-193.
240 LE DONATISME

III

Documents de la période 331-391.— Groupes divers. —


Edits impériaux et autres
pièces officielles. —
Lettre de Gregorius, préfet du prétoire, à Donat de Carthage.
— Constitution de l'empereur Constance, adressée aux Africains. Edit de —
l'empereur Constant, ordonnant l'union des deux Eglises rivales, en 347. Edit —
proconsulaire affiché à Carthage le 15 août 347. —
Discours de Macarius, com-
missaire impérial. —
Rescrit de l'empereur Julien, en 362. Rapports des —
gouverneurs africains sur les violences des schismatiques. Autres édits impé- —
riaux. —Documents donatistes — Lettres de Donat de Carthage. Lettres —
d'Axido et de Fasir. —
Proclamation de Donat, évêque de Bagaï. Requêtes des —
évèques donatistes exilés à l'empereur Julien, en 362. —
Mandement de Fausti-
nus, évêque schismatique d'Hippone. — Testaments de Donatistes. Pièces —
j udiciaires.

Pour la période suivante, celle qui va de l'année 330 environ


jusqu'à la première intervention d'Augustin en 392, les docu-
ments sont beaucoup moins nombreux que pour la période des
origines. Ils sont aussi moins bien conservés; si l'on met à
part deux relations martyrologiques
1
les conciles et quelques
,

constitutions impériales, ne nous sont connus que par de


ils

courts fragments ou de simples mentions. C'est que les cir-


constances avaient changé. Las d'une lutte sans résultat, les
Catholiques africains se résignèrent d'abord à laisser se déve-
lopper autour d'eux les communautés schismatiques. Quand le
Donatisme fut mis hors la loi et officiellement supprimé par
l'édit de Constant, ils profitèrent naturellement de l'occasion,
mais, alors même,
2
et crurent avoir rétabli l'unité religieuse ;

ils ne prirent guère d'initiatives. Pour préparer ou assurer leur

victoire, ils comptaient principalement sur l'intervention et


sur l'appui du gouvernement. Pendant tout le second tiers du
iv e siècle, jusqu'au temps d'Optat, ils semblent avoir presque
renoncé à la polémique. La période des controverses pas-
sionnées, des grands procès et des enquêtes, était close pour
longtemps. Plus tard, quand avec Optât, avec Augustin, les
Catholiques reprirent hardiment l'offensive, la discussion ne
porta guère que sur les événements contemporains ou sur les
origines du schisme. La période intermédiaire resta dans
l'ombre aussi est-elle relativement pauvre en docume'nts.
:

En dehors des Actes des Conciles et des relations de mar-


tyres, dont nous réservons provisoirement l'étude, les docu-
ments de cette période forment trois groupes les édits impé- :

riaux et autres pièces officielles, les pièces rédigées par des


Donatistes, enfin, les dossiers judiciaires.

1)La Passio Marculi et la Passio Ma- littéraires.


ximiani et Isaac, qui seront étudiées 2) Conril. Carthag. ann. 348, Exord.:
daus le volume suivant, avec les œuvres Optât, II, 15; 111, 1 et 4.
DOCUMENTS HISTORIQUES 241

Les pièces officielles sont d'importance très inégale et, ;

malheureusement, ce ne sont pas les plus intéressantes qui


sont le mieux conservées. Ainsi, l'on aimerait à connaître le
texte de la lettre adressée à Donat de Carthage, vers 336, par
le du prétoire Gregorius Ce fonctionnaire avait pris
préfet 1
.

sans doute quelques mesures de rigueur contre les dissidents


2
africains qui protestèrent sur un ton très vif. Optât nous dit
,

simplement, non sans esprit, qu'à une lettre injurieuse du pri-


mat schismatique le préfet répondit « avec une patience tout
épiscopale ». Par contre, nous possédons le texte d'une consti-
3

tution De famosis libellis, envoyée « aux Africains » par l'empe-


reur Constance le 18 juin 338* mais ce texte ne nous apprend
;

rien sur les libelles que visait l'empereur.


Un document d'une importance capitale était cet édit de
Constant, promulgué en 347, qui faillit donner le coup de mort
au Donatisme. Ce précieux texte est perdu; il ne nous est
connu qu'indirectement, d'une façon très incomplète". On sait
comment, vers début de l'année 347, l'empereur Constant
le
avait confié à deux de ses agents, Paulus et Macarius, une mis-
sion toute pacifique, destinée à préparer le rétablissement de la
6
paix religieuse en Afrique Les deux commissaires devaient
.

aller de ville en ville et prêcher l'union des deux Eglises rivales,


en amadouant les sectaires, en distribuant des secours aux
communautés pauvres, et, probablement, des cadeaux aux
chefs. Cette tentative de réconciliation par la manière douce,
par la persuasion, l'aumône ou la séduction, échoua presque
partout devant l'intransigeance des schismatiques, mis en
garde par l'opposition énergique et les instructions de Donat
7
le Grand Sur le rapport de ses commissaires, sans doute après
.

les premiers troubles de Numidie, l'empereur se décida à


changer de méthode, et à lancer un édit d'union. Cet édit
remettait en vigueur et aggravait la loi de proscription pro-
mulguée par Constantin en 316, loi qui était restée lettre
morte depuis l'édit de tolérance de 321, mais qui n'avait jamais
été formellement abrogée. Voici, semble-t-il, quelles étaient les
clauses principales de l'édit de Constant fusion des deux :

Eglises rivales dans toutes les cités africaines; dissolution de

1) Optât, 111, 3. p. 168-769 Migne Concil. Carthag.


;

2) « Secuta est pluvia sub Gregorio » ann. 348, Exord.; Optât, 111, 1-3; Au-
(iôid., 111, 10). gustin, Psalmus contra partem Donali,
3) Ibid., 111, 3. 145; Epist. 105, 2, 9. — Cf. Cod. Theùd.,
Cod. Theod., IX, 34, 5.
4) XVI, 6, 2.
5) Passio Marcuti, p. 761 ut 764 6) Optât, III, 1 et 3-4.
Migne; Passio Maximiani et Isaac, 1) Ibid., III, 3. — Cf. III, 1.

IV 16
242 LE DONATISME

toutes les communautés schismatiques attribution de leurs ;

biens, notamment des basiliques, aux communautés catho-


liques; défense de rebaptiser ; exil des récalcitrants, surtout
des évêques En cas de résistance, les commissaires et les
1
.

autres agents du pouvoir civil avaient le droit de requérir la


force publique, l'intervention de l'armée locale, et de son chef,
le comte d'Afrique 8
.

L'édit de Constant paraît avoir été suivi d'une série d'autres


aux mesures d'exécution, et promulgués soit par
édits, relatifs
les commissaires impériaux, soit par les gouverneurs africains,
au moins par le proconsul de Carthage et par le vicaire
d'Afrique. L'un de ces documents est mentionné dans une rela-
tion martyrologique. C'est un édit proconsulaire, qui fut affi-
ché à Carthage le 15 août 347, et dont un exemplaire fut lacéré
par le Donatiste Maximianus Cet édit avait pour objet de 3
.

porter à la connaissance du public, avec le texte de la constitu-


tion impériale, les mesures arrêtées par le proconsul, d'accord
avec les commissaires, pour assurer le rétablissement de l'unité
religieuse l'une des mesures était l'interdiction formelle de
:

donner asile aux schismatiques qui refuseraient de se sou-


1
mettre Un édit analogue, émanant du vicaire d'Afrique, dut
.

être affiché dans les autres provinces africaines, principale-


ment dans les cités numides. D'autre part, les commissaires
impériaux s'adressèrent directement aux populations, et durent
également lancer des édits il est question de discours que :

Macarius prononça dans les églises, discours où l'orateur se


proposait apparemment d'expliquer au public la constitution
impériale, de justifier les mesures d'exécution, et d'exhorter
les dissidents à accepter le nouvel état de choses L'activité '.

des divers agents de l'empereur est attestée par bien des faits :

l'histoire de Maximianus et d'Isaac à Carthage, celle de Marcu-


lus en Numidie, le rôle du comte Silvester et de ses troupes
dans l'échaufTourée de Bagaï, les récits d'Optat, le discours de
Gratus au concile de 348, l'exil de Donat et de nombreux
évêques, la suppression au moins apparente de toutes les com-
munautés schismatiques 6 .

Plus encore que l'édit de Constant contre le Donatisme, le

1) Passio Marculi, p. 761 l'assio


; 4) Passio Maximiani et Isaac, p. 768.
Maximiani et Isaac, p. 768: Optai, II, 5] Oplat, VII, 6.
15; III, 1-2. 6) Passio Marculi, p. 761 et suiv. ;

2) Optât, III, 1-i; Passio Marculi, Passio Maximiani et Isaac, p. 769 et


p. 161. suiv. ; Concit. Carthag ann. 348, Exord. ;

3) Passio Maximiani et Isaac, p. 768- Optât, III, • i.

769.
DOCUMENTS HISTORIQUES 243

rescrit de Julien en faveur des Donatistes est de nature à piquer


la curiosité.On sait comment l'empereur Julien fut amené à
intervenir dans les affaires religieuses de l'Afrique. Quand on
le vit rompre avec l'Église catholique et rendre toute liberté
aux hérésies, les Donatistes saisirent l'occasion et se mirent en
campagne. Plusieurs de leurs évêques, encore exilés, commen-
cèrent circonvenir l'empereur
à ils lui adressèrent des ;

requêtes, où ils invoquaient le droit commun et réclamaient

l'abrogation de l'édit de Constant Un rescrit de Julien, pro- 1


.

mulgué vers le début de 362, leur donna pleine satisfaction.


L'empereur y affirmait solennellement sa doctrine favorite sur
la tolérance en matière de religion. Il accordait aux Donatistes,
comme à tous les sujets de l'Empire, une pleine et entière
liberté du culte. Il exprimait nettement sa volonté de réparer,
envers ces persécutés de la veille, les injustices de ses prédé-
cesseurs. En conséquence, il abrogeait l'édit d'union de 347 ;

il autorisait tous les bannis africains à rentrer dans leur pays il ;

ordonnait de restituer aux dissidents les basiliques confisquées,


tous les biens qu'ils possédaient naguère, même les livres
saints dont s'étaient emparés les Catholiques
s
Telles étaient .

les clauses essentielles du rescrit. De ce document original,


presque paradoxal pour le temps, nous possédons quelques
fragments textuels. Dans la constitution impériale, probable-
ment au début, était reproduite une partie de la requête rédigée
au nom des Donatistes par l'évêque Pontius notamment, la :

phrase célèbre où cet évêque déclarait à Julien « qu'auprès de


lui la justice seule trouvait accès » L'intention de l'empereur 3
.

éclatait dans cette clause, d'une portée presque indéfinie, qui


terminait sans doute le rescrit, et dont Augustin nous a con-
servé le texte « Nous ordonnons encore, conformément à la
:

requête de Rogatianus, de Pontius, de Cassianus et de tous les


autres évêques, et aussi des clercs nous ordonnons, pour mettre ;

le comble à l'œuvre de justice, d'annuler toutes les mesures


prises à tort contre les Donatistes en dehors du rescrit, et de
4
rétablir toutes choses en l'état où elles étaient autrefois ».

Les schismatiques de faire appliquer l'édit.


se chargèrent
Les exilés rentrèrent en foule, et partout l'on vit renaître les

1) Optai, II, 16; III, 3; Augustin, Epist. XVI, 5, 37.


93, 4, 12; 105, 2, 9; Contra litteras Pe- 3) Augustin, Epist. 93, 4, 12; 105, 2,
tiliani, II, 92, 205; 97, 224; Sermo Il in 9; Sermo Psalm.11 in 18; Contra
36,
Psalm. 36, 18. Epistulam Parmeniani, 1, 12, 19; Con-
2) Optât, II, 16; Augustin, Contra lit- Ira litteras Petiliani, II, 92, 203 et 205.
ter as Pe tiliani, 11,83,184; 92.205; 97, 4) Contra litteras Petiliani, II, 97,
224; Epist. 105, 2, 9. —Cf. Cod. Theod., 224.
244 LE DONATISME

Églises dissidentes. Les évêques donatistes revendiquèrent


devant les tribunaux leurs basiliques et leurs biens, tandis que
des bandes de fanatiques parcouraient la Numidie et la Mauré-
tanie pour restaurer par la force leurs communautés '. Le pays
fut en proie à une véritable guerre civile, où se donna carrière
toute la brutalité des passions populaires. Indifférents d'abord
à la querelle religieuse, les gouverneurs des provinces afri-
caines s'émurent de l'anarchie et des crimes de droit commun :

ils adressèrent à l'empereur des rapports, pour lui signaler les


violences des schismatiques 2 Nous ne connaissons qu'en gros .

le contenu de ces rapports sac de basiliques, massacres, :

attentats de tout genre contre des Catholiques, contre des clercs


et des religieuses, contre des évêques déposés ou dépossédés.
L'un de ces documents devait être assez piquant le rapport de :

cet Athenius, gouverneur de Césarienne, qui n'avait pas craint


d'encourager par sa présence les folies de la démagogie dona-
3
tiste, en assistant à l'assaut de l'église de Tipasa On ignore ce .

que Julien répondit aux gouverneurs africains, et même, s'il


leur répondit il guerroyait alors en Orient, où il mourut bientôt
:

des suites d'une blessure, et cette mort prématurée lui épargna


peut-être le regret d'avoir déchaîné sur l'Afrique le fléau de la
vengeance donatiste. En tout cas, la bienveillance de cet
empereur pour les dissidents avait seule rendu possible la
résurrection miraculeuse de leur Église. Il est vrai que, plus
tard, cette alliance avec l'Apostat devint pour eux un souvenir
compromettant. Quand le vent eut tourné, les Catholiques ne
se firent pas d'évoquer ce souvenir. Pour justifier les
faute
mesures contre le Donatisme, Honorius et ses ministres ne
trouveront rien de mieux que de faire afficher partout en
Afrique le rescrit de Julien*.
Nous devions insister sur l'édit de Constant, qui faillit tuer
le Donatisme, et sur le rescrit de Julien, qui lui rendit la vie. A
côté de ces documents célèbres, les pièces officielles sorties de
la chancellerie des Valentinien, des Valens ou des Gratien, ne
présentent pour nous qu'un intérêt secondaire. De 363 à 391,
de nombreuses constitutions impériales ont été promulguées
contre les hérétiques, et la plupart sont conservées nous :

mentionnerons seulement ici celles qui paraissent avoir visé


ou atteint les Donatistes. L'empereur Valentinien, à son tour,

1) Optât, II, 17-19 ; III, 3; VI, 1-2 et 2) Optât, II, 17.


Augustin, Contra EpUtulam l'arme- 3) Ibirf., Il, 18.
niani, I, 12. 19; Contra litterat Pelilia- 4) Cod. Theod., XVI, 5, 37.
ni, II, 83, 184 : 92, 203.
DOCUMENTS HISTORIQUES 245

essaya d'arrêter la campagne de pamphlets et de libelles, qui


toujours recommençait, en lançant deux édits De famosis
libellis Le 20 février 373, après la défaite de Firmus qu'avaient
1
.

soutenu les schismatiques, le même empereur adressa au pro-


consul d'Afrique Julianus un édit qui interdisait la pratique du
second baptême, et qui ordonnait de déposer tout évêque cou-
pable d'avoir rebaptisé Une constitution de Gratien, du
2
.

22 avril 376, prescrivit aux gouverneurs de confisquer les lieux


de réunion des hérétiques, et menaça de peines sévères
quiconque faciliterait ou tolérerait leurs assemblées Un autre 3
.

édit, daté du 17 octobre 377, et notifié au vicaire d'Afrique


Nicomachus FJavianus, renouvela l'interdiction du second
baptême, en invitant les gouverneurs à attribuer aux Catho-
4
liques toute église où l'on aurait rebaptisé Vers la fin de 378, .

sur la requête d'un concile romain, un rescrit des empereurs


Gratien et Valentinien enjoignit au vicaire Aquilinus de bannir
Claudianus, le chef turbulent des Donatistes de Home, et l'un
des principaux adversaires du pape Damase'. Dans les années
suivantes, sous l'influence de Théodose, se multiplièrent les
édits contre les hérétiques mais nous pouvons nous dispenser
;

d'énumérer ici toutes ces constitutions, dont aucune ne paraît


avoir été appliquée sérieusement aux Donatistes, jusqu'à la loi
7
du 15 juin 392 sur l'amende des dix livres d'or .

Le second groupe des documents de cette période comprend


les pièces rédigées par des Donatistes lettres, requêtes, rela- :

tions ou proclamations. Ces documents-là présentent assuré-


ment un intérêt particulier pour l'histoire littéraire du temps,
et ils sont de nature à expliquer bien des faits en éclairant la
psychologie des schismatiques. Malheureusement, sauf les
deux relations de martyre, ils sont presque entièrement per-
dus; nous ne les connaissons guère qu'indirectement, par les
citations ou allusions d'Optat et d'Augustin.
Au premier rang figurait la correspondance de Donat le
Grand. Le célèbre primat de l'Eglise dissidente, outre divers
ouvrages, avait laissé des lettres, dont quelques-unes, écrites

1) Cod. Theod., IX, 34, 7-8. mie de Vienne) ; Mansi, ConciL, t. III,

i) Ibid., XVI, 6, 1. Cf. — Augustin, p. 628.


Epist. iK, 2, 9. 6} Cod. Theod., XVI, 1, 2-3; 4, 1-2;
3) Cod. Theod., XVI, 5, 4. 5, 5 et 19-20.
4) Cod. Theod., XVI, 6, 2. — Cf. Au- 7) Ibid., XVI, 5, 21. — Cf. Augustin,
gustin, Epist. 87, 8; 105, 2, 9; 105, 3, 12. Contra Ephlulam Parmeniani, I, 12,
5) Avellana Cotlectio, Epist. 13, 8, 19; Contra litteras Petiliani, II, 83,
p.56 (éd. Gïinther. —
Volume XXXV du 184; Contra Çresconium, III, 47, 51 ;

Corpus scriptor. eccles. lai. de l'Acadé- Epist. 66, 1 ; 88, 7; 105, 2, 4; 185, 7, 25.
246 LE DONATIS.ME

dans des circonstances solennelles, étaient de véritables docu-


ments historiques. Telle était la lettre adressée par Donat, vers
336, au préfet du prétoire Gregorius, qui avait eu l'imprudence
d'intervenir dans les affaires religieuses de l'Afrique. La pièce
ne manquait pas d'originalité, ni le style de saveur, si l'on en
juge par un trop court fragment que nous a conservé Optât. Le
primat donatiste n'avait pas craint d'interpeller ainsi le haut
fonctionnaire « Gregorius, toi, la souillure du Sénat et la
:

honte des préfets... »'. Le magistrat romain, homme d'esprit,


se contenta de rire, et ne se vengea qu'en donnant dans sa
2
réponse, à l'irascible prélat, une leçon de tact épiscopal .

Cette correspondance eut beaucoup de succès en Afrique, où,


trente ans plus tard, presque tout le monde citait encore de
mémoire les phrases fameuses de l'évoque et du préfet En 3
.

347, le même Donat, toujours bouillant malgré l'âge, accueillit


sur le même ton les communications de Macarius et de Paiilus,
les commissaires de l'empereur Constant. Emporté par la
colère, il leur demanda de quel droit un prince se mêlait des
affaires de l'Eglise; il déclara que son Eglise à lui n'avait pas
besoin des aumônes du gouvernement; il ajouta qu'il avait
pris ses mesures pour déjouer le plan des commissaires. En
effet, il venait d'envoyer à toutes les communautés donatistes
une lettre circulaire, où il leur interdisait formellement
4
d'accepter pour leurs pauvres les secours offerts par les intrus .

Dans sa fureur, Donat de Carthage ne ménagea pas même


l'empereur, à qui il semble avoir notifié directement son refus
par une lettre insolente. Au témoignage d'Optat, « il dit à
Constant autant d'injures qu'il put, et repoussa ce que l'empe-
reur avait envoyé pour les pauvres » \ D'après les fragments
conservés, cette correspondance de Donat devait être l'un des
monuments les plus significatifs de l'orgueil et de l'incon-
science donatiste. Ces débris de lettres ont une réelle impor-
tance historique ils aident à comprendre et la force du schisme
:

africain en ces temps-là, et l'autorité extraordinaire du primat


donatiste, et le sentiment qui poussa l'empereur à lancer son
édit d'union.

1) « Gregori, macula senatus et dedecus 4) « Me (Donalus) dixit ubique se liîle-

praefectorum. .. » (Optât, III, 3). ras praeinisisse, ne id, quod adlatum fuc-
2) « Cui Donato praefatus ((Iregoiïus) rat, pauperibus alicubi dispensaretur »

patientia episcopali reseiïpsit » (ilrid., III, (ibid., III, 3).

3). 5) « Donatus, qui et convicia Constanti


3) « Harum epistularum cxemplaria mul- quanta potuit dixit. et, quod ab eo paupe-
toruni ore ubique cantantur » (ibid., III, ribus missum l'uerat, repudiavit » (ibid.,

3). III, 3).


DOCUMENTS HISTORIQUES 1\1

D'autres pièces, non moins curieuses, se rapportaient aux


exploits des Circoncellions. C'étaient, par exemple, les lettres
de menaces que deux de leurs chefs, Axido et Fasir, adres-
sèrent vers 340 à des propriétaires de Numidie. A ce moment,
des bandes de pillards fanatiques terrorisaient les campagnes,
visant surtout les riches, les créanciers des indigènes et des
paysans sous couleur de guerre religieuse, c'était un brigan-
:

dage organisé. Axido et Fasir, les « chefs des Saints », avaient


perfectionné le système, en mêlant à la violence l'intimidation
et le chantage. Avant d'en venir aux coups, ces honnêtes com-
merçants écrivaient aux victimes de leur choix pour les aviser
du taux de la rançon qu'on leur imposait, et des moyens de
s'acquitter quiconque tardait à obéir, pouvait s'attendre à la
:

visite d'une bande de « Saints », prête à l'incendie, au pillage


et au meurtre. Souvent, ces lettres menaçantes avaient pour
objet d'annuler des créances en réduisant à merci le créan-
cier. « En ce temps-là, nous dit-on, quand Axido et Fasir se
faisaient appeler les chefs des Saints par la folie des Circon-
cellions, personne ne pouvait avoir aucune sécurité dans la
possession de ses biens. Les billets signés de la main des débi-
teurs avaientperdu toute valeur; aucun créancier, alors,
n'avait la liberté d'exiger un remboursement. Tous étaient ter-
rorisés par les lettres de ceux qui s'intitulaient Chefs des Saints.
Si l'on tardait à s'incliner devant ces mises en demeure, on
voyait tout à coup s'abattre sur soi une multitude de furieux,
devant qui marchait la Terreur. Les créanciers étaient assiégés
de périls l'homme qu'on aurait dû implorer à cause des
:

avances faites, était réduit par crainte de la mort à supplier


humblement. Chacun se hâtait de renoncer à ses créances,
même fort importantes, et l'on s'estimait heureux d'avoir
échappé aux coups »'. On imagine aisément le contenu des
lettres de ces brigands numides elles devaient être fort élo-
:

quentes, puisqu'elles tuaient chez les riches l'amour de l'argent


et rendaient philosophes jusqu'aux usuriers.
Les Circoncellions abusèrent de ce genre d'éloquence, et des
autres modes de brigandage, au point d'effrayer leurs amis.
C'est ce que prouve un autre document de la même époque la :

requête adressée par des évêques donatistes au comte d'Afrique


Taurinus, pour le supplier de les défendre contre leurs alliés.
Voici ce qu'Optât nous apprend sur cette requête imprévue :

« Les excès de leurs partisans, dit-il aux schismatiques, ren-

lj Optât, III, 4.
248 LE DONATISME

dirent alors si odieux les évêques de votre parti, que ces


évêques écrivirent à Taurinus, alors comte d'Afrique. Les
évêques lui déclarèrent que des hommes de cette espèce ne
pouvaient être corrigés dans l'Église, et ils demandèrent au
susdit comte de les mettre à la raison. Alors Taurinus, en
réponse à la lettre des évêques, ordonna à des soldats de se
rendre en armes sur les marchés où sévissait d'ordinaire la
folie vagabonde des Circoncellions ». Il en résulta des bagarres,
'

même des batailles, où périrent de nombreux fanatiques.


Le danger passé, les évêques schismatiques oublièrent leurs
griefs de la veille contre leurs turbulents auxiliaires. Quelques
années plus tard, ils les appelèrent encore à l'aide, comme en
témoignait une pièce curieuse la proclamation adressée aux
:

Circoncellions de Numidie par l'évêque donatiste de Bagaï.


C'était en 347. Les commissaires de l'empereur Constant
approchaient de Bagaï, où ils venaient restaurer l'unité reli-
gieuse. L'évêque dissident de cette ville, un certain Donat,
résolut de les arrêter par la force. Il lança une audacieuse pro-
clamation, qu'il fit colporter dans les campagnes par des
crieurs, et où il donnait le signal de l'insurrection. « Il envoya,
nous dit-on, des crieurs publics à travers tous les bourgs voi-
sins et tous les marchés par leur bouche, il appelait aux
:

armes les Circoncellions Agonistiques, leur donnant rendez-


vous à l'endroit indiqué ». La proclamation de Donat de
2

Bagaï, cet appel public aux Circoncellions après la requête à


Taurinus, après les lettres de Fasir et d'Axido, c'était l'aveu
cynique des compromissions du parti, et de l'inconséquence
des évêques donatistes.
Cette inconséquence éclata encore, quinze ans plus tard,
dans leur requête à l'empereur Julien les mêmes hommes qui :

s'étaient plaints si souvent et si énergiquement de l'interven-


tion du pouvoir séculier, déclarèrent bien haut, dans une sup-
plique, qu'ils attendaient du gouvernement leur salut et celui
de leur Église. L'avènement de Julien, ses premières mesures
en faveur des païens et des hérétiques, avaient rendu l'espoir
aux chefs du Donatisme, exilés d'Afrique depuis les mesures de
rigueur qui avaient suivi l'édit de Constant Vers le début de 3
.

362, quelques-uns des évêques proscrits résolurent de profiter


des circonstances pour tenter une restauration de leur Eglise.
Ils multiplièrent les démarches. Encouragés par l'accueil des

1) Optât. 111, 4. nisticos auncupans, arl praedictum Incum


2) Praecones per vicioa loca et per
« ut coucurrerent iuvilavit » [ibid., III, 4).
omnes nundinas misit, Circuincellioncs Ago- .')) Optai, H, 15; III, 1.
DOCUMENTS HISTORIQUES 249

maîtres du jour, ils adressèrent à l'empereur une requête solen-


nelle [preces, petitio), où ils le suppliaient de réparer l'injustice de
son prédécesseur '. Il esta noter que Parmenianus, le nouveau
chef de l'Eglise donatiste, le successeur de Donatle Grand, resta
complètement étranger à la pétition c'est ce qui résulte net- :

tement du témoignage d'Optat Cette abstention surprenante 2


.

du principal intéressé s'explique sans doute par l'éloignement


de Parmenianus, qui était Espagnol ou Gaulois de naissance, et
qui devait résider encore dans son pays d'origine Quoi qu'il 3
.

en soit, l'initiative de la pétition fut prise par trois évêques


exilés d'Afrique, probablement fixés alors en Italie Rogatia- :

nus, Pontius et Cassianus*. La requête, signée de ces trois


évêques, était présentée en même temps au nom de tous les
autres évêques et même des clercs du «parti de Donat » \ Elle
fut rédigée par Pontius, qui avait alors un grand renom parmi
6
les siens, et dont on vantait les miracles Augustin déclare .

avec insistance que la rédaction de la pièce était l'œuvre de


Pontius « Tels sont les termes de la supplication adressée à
:

l'ennemi du Christ, à l'apostat, à l'adversaire des chrétiens, au


serviteur des démons, par le fameux Pontius, votre Pontius...
C'est Pontius qui l'a fait, c'est Pontius qui a supplié, c'est Pon-
tius qui a loué la justice de l'apostat Pontius a déclaré qu'au- :

près de l'apostat la justice seule trouvait accès. Que Pontius l'a


supplié en ces termes, Julien lui-même l'indique dans son res-
crit, et cela sans équivoque, en nommant l'auteur
7
».

De cette requête si importante, plusieurs fragments nous


sont parvenus. Les signatures étaient précédées de cette for-
mule, qui indignait Optât « Donné par les évêques du parti
:

8
de Donat ». Les pétitionnaires, faisant appel à l'équité de
l'empereur, déclaraient « qu'auprès de lui la justice seule
trouvait accès » flatterie qui put contribuer au succès de la
:

démarche, mais qui plus tard attira sur les schismatiques les
foudres d'Augustin En dehors de ces citations textuelles, on
.

1) Optât, II, 16; 111, 3; Augustin, Con- 4) Augustin, Contra litteras Petiliani,
tra EpisLulam Parmeniani, I, 12, 19; H, 97, 224; Epist. 105, 2, 9.
Contra litteras Petiliani, II, 92, 203; 97, 5) Optât, III, 3; Augustin, Contra litte-
224; Epist. 93, 4, 12; 105, 2, 9; Sermo ras Petiliani, II, 97, 224.
II in Psalm. 36, 18. 6) Augustin, Ad
Catholicos Epislula
2) « Ordinatores tui... ubi fuerint non contra Donatifttas, 11, 28; 19, 49; la
ignoras, et qui vel a quo petiverint et qua- Johannis Evanqel'mm traclatiisW\\,\.~l.
lem rogaverint, ut redirent et tecum redire 7) Contra litteras Petiliani, 11, 92,
potuissent; et nos didicimus, cum easdem 203 et 205.
preces, quas dederant, apud africanos judi- 8) Optât, 11!, 3.
ces adlegarent » (Optât, III, 3). 9) Augustin, Contra Epislulam Par-
3) Optât, 11, 7. — Cf. 1, 5; III, 3. meniani, I, 12, 19; Contra litteras Peti-
250 LE DONATISME

peut reconstituer à peu près le contenu du document. Les


évêques pétitionnaires commençaient par se plaindre de l'in-
juste persécution dont ils avaient été victimes. Ils invoquaient
le droit commun. Ils demandaient l'assimilation du schisme
africain aux sectes hérétiques, auxquelles l'empereur venait de
rendre toute licence. En conséquence, ils revendiquaient une
entière liberté de conscience, de culte et de propagande. Us
réclamaient l'abrogation de l'édit de Constant, et de toutes les
mesures arbitraires qui avaient accompagné ou suivi le rétablis-
sement de l'unité religieuse. Ils insistaient sur. deux points :

rappel des proscrits, restitution des basiliques et de tous les


biens, y compris les livres saints, qui avaient appartenu à leurs
communautés 1

.

On sait que le rescrit de l'empereur donna
2
pleine satisfaction aux pétitionnaires On sait aussi comment .

les Donatistes usèrent de leur victoire, et restaurèrent leurs


Églises dans toute l'Afrique, par des revendications en justice,
par d'audacieux coups de main, par l'intimidation et la ter-
3
reur .

Du temps de cette revanche des schismatiques dataient sans


doute plusieurs documents d'Hippone, dont parle Augustin.
C'est d'abord le mandement, original dans sa niaiserie, de
l'évêque Faustinus, qui interdit aux boulangers de son diocèse
de cuire le pain des Catholiques « A Hippone où je suis, dit:

Augustin aux Donatistes, bien des gens se souviennent du


mandement adressé à ses fidèles par votre Faustinus, au temps
de son règne. Il y avait alors, dans notre ville, très pende
Catholiques. L'évêque défendit défaire cuire leur pain. Un bou-
langer, qui était locataire d'un diacre de notre Église, jeta sans
le cuire le pain de son propriétaire. Le diacre n'était pas hors
la loi en vertu d'une sentence d'exil et cependant, l'on refusa :

de communiquer avec lui, non seulement dans une cité


romaine, mais dans sa patrie, et non seulement dans sa patrie,
mais dans sa propre maison' ». En 40 J, date de ce texte d'Augus-
tin, le mandement de Faustinus était déjà ancien, pas assez
cependant pour que les vieillards d'Hippone n'en eussent con-
servé le souvenir. D'autre part, Faustinus n'avait pu promul-

liani, II, 92, 203 et 205; 97, 224: Sermo 184 92, 205: 97, 224.
;

Cf. Cod. Theod.,
Il in Psa/m. 36, 18; Epist. 93, 4, 12; XVI, 5. 37.
105,2, 9. 3) Optât, II, 17-19; III, 3; VI, 1-2 et
H, 16; III, 3; Augustin, Epist.
i) Optât, 5-7; Augustin, Conlra E/nstulam Par-
93, 12-13; 105, 2, 9; Conlra H lieras
4, meniani, I, 12, 19; Conlra lilleras Peli-
Petiliani, II, 92, 205; 97, 224. liani, II, 83. S4 92, 203; 97, 224.
1 ;

2) Optât, 11, 16; Augustin, Epist. 105, 4) Augustin, Contra lilleras Veliliani,
2, 9; Contra lilleras Petilinni, II, 83, 11, 83,184.
DOCUMENTS HISTORIQUES 251

guer cet étrange arrêt qu'en un temps de crise où il exerçait à


Hippone une véritable dictature, « au temps de son règne »,
dit Augustin Ces deux indications permettent de supposer
1
.

avec beaucoup de vraisemblance que le mandement de Fausti-


nus fut lancé sous Julien, vers 362, lors du retour triomphant
des exilés.
Pendant le même
épiscopat furent rédigés divers testaments,
par lesquels des Donatistes d'Hippone léguaient des propriétés
et des maisons à leur Église. Cinquante ans plus tard, tous ces
biens furent confisqués en vertu d'un édit d'Honorius, et attri-
bués aux Catholiques A propos de la confiscation, Augustin
2
.

mentionne ces vieux testaments qui, sous l'épiscopat deFausti-


nus, avaient enrichi la communauté schismatique d'Hippone :

« Quel argument nous opposent les Donatistes, ne sachant plus

quedire? Ils vont répétant: « On nousapris nos fermes (villae),


on nous a pris nos domaines (fundï). » Ils produisent des testa-
ments « Voici, disent-ils, l'acte par lequel Gaius Seius adonné
:

un domaine à l'Église qui avait pour chef Faustinus ». Mais —


quelle est cette Église dont Faustinus était évêque? Qu'est-ce
que cette Église? —
C'est, dit-on, l'Église dont Faustinus était
le chef. —
Mais Faustinus n'était pas le chef de l'Eglise il était ;

lechef d'un parti... Vous savez, mes frères, que maintenant ces
fermes n'appartiennent pas personnellement à Augustin. Si
vous ne le savez pas, si vous croyez que je prends plaisir à la
possession de ces fermes, eh bien Dieu me connaît; il sait, lui, !

ce que je pense de ces fermes, et ce que j'y souffre ». Si


3

Augustin souffrait des tracas que lui causait l'administration
de ces nouveaux domaines attribués à son Église, les Donatistes
souffraient bien davantage à la pensée de ces legs qu'on annu-
lait brutalement, à la vue des maisons et des terres dont on
dépossédait leur communauté.
Ces documents d'Hippone, ces testaments de schismatiques,
ce mandement de Faustinus, éclairent d'un jour cru la tyrannie
insolente et la richesse territoriale de l'Église dissidente en
cette ville avant le temps d'Augustin. Ils éclairent aussi, par
un exemple typique, l'histoire générale du Donatisme pendant
cette après le rescrit de Julien, les schismatiques
période :

africains ne se contentèrent pas d'abuser de leur victoire, ils


surent la rendre durable par un dévouement exclusif aux inté-
rêts de leur Église, qu'ils enrichirent pour la fortifier.

1) « Faustinum vestrum regni sui te in- gustin, Epist. 185, 9, 36.


pore » {ibid., II, 83, 184). 3) Augustin, In Jokannis Evangelium
2) Cod. Theod., XVI, 5, 52. — Cf. Au- trac talus VI, 25.
252 LE DONATISME

A côté des pièces officielles et des pièces proprement dona-


tistes, nous avons signalé une troisième catégorie de docu-
ments : les pièces judiciaires. Si mal connue que nous soit cette
série, on relève des traces de plusieurs dossiers relatifs à des
procès successifs auxquels furent mêlés des schismatiques afri-
cains procès entre Catholiques et Donatistes sous le règne de
:

Julien, puis après la mort de cet empereur; et, quelques


années plus tard, procès entre Donatistes de deux sectes rivales.
Les plus importants de ces dossiers dataient du temps de
Julien. A peine rentrés en Afrique, les évoques dissidents se
préoccupèrent de recouvrer les basiliques et autres immeubles
qui avaient appartenu à leurs anciennes communautés, et qui
avaient été confisqués en vertu de l'édit d'union. Partout où les
Catholiques ne cédèrent pas de bonne grâce ou devant la force,
les évêques donatistes leur intentèrent des procès en restitution.
Toutes ces affaires paraissent avoir été portées directement
devant les plus hautes juridictions de la contrée, les tribunaux
des gouverneurs africains (africani judices)*. Les revendica-
tions visaient non seulement les immeubles, mais encore le
mobilier liturgique, jusqu'aux livres saints. C'est ce que nous
dit expressément Optât « Par les tribunaux séculiers et les
:

lois publiques, en faisant exécuter les arrêts par la police, vous


avez extorqué à une foule de nos évêques les livres de la loi
divine vous avez voulu posséder à vous seuls ce que nous pos-
:

sédions en commun dans l'unité religieuse. Je ne crains pas de


dire, moi chrétien, ce que n'ont pu ignorer les exécuteurs
païens, agissant sur votre requête vous avez extorqué les :

voiles d'autel et les livres du Seigneur, que depuis longtemps


nous possédions en commun. Avec les manuscrits, vous avez
extorqué les étoffes 2 ». Les clauses du rescrit de Julien étant
formelles, les juges ne purent que donner gain de cause aux
Donatistes, et leur attribuer ce qu'ils revendiquaient. En cas
de résistance des Catholiques, l'exécution des jugements rendus
parles tribunaux civils (judicia saecularia) fut assurée par l'in-
tervention des autorités locales et de la police (executio of/icio-
rum*).
Pour chaque affaire, le dossier (judicum Gcsia) comprenait
trois parties une copie de la requête des Donatistes à l'empe-
:

reur (petitio, preces); une copie du rescrit de Julien [rescriplum,


constitutio) enfin, le texte de la requête du demandeur {aile
;

l)0|»tat, III, 3; Augustin, Contra Epis- Cod. Theod., XVI, :;, 37.
lulam Parmeniani, I, 12, 19; Contra 2) Optât, VI, 5.
lilteras Peliliani, 11, 92, 203. — Cf. 3) Ibid., VI, 5.
documents historiques 253

f/atio), et le procès-verbal des débats [allegationis Gesta)*. Il est

probable que, sur les instructions de leur primat, les évoques


donatistes s'étaient mis d'accord pour adopter un modèle
unique de procédure. C'est pourquoi Optât et Augustin parlent
tantôt de nombreux dossiers, tantôt d'un seul les dossiers ont :

dû être innombrables, mais tous se ressemblaient. Ces procès


du temps de Julien comptaient en Afrique parmi les causes
célèbres quarante ans plus tard, les Gesta judicum qui s'y rap-
:

portaient eurent les honneurs d'une très large publicité, qui


tourna au scandale. En 405, au moment où l'on cherchait à en
Unir avec le Donatisme, le gouvernement central imagina de
déconsidérer l'Église schismatique en démontrant à tous sa
monstrueuse alliance d'autrefois avec l'empereur apostat :

Honorius ordonna de faire afficher dans toutes les cités afri-


caines ces Gesta de 362 où figuraient la requête de l'évêque Pon-
2
tius et le rescrit de Julien .

Julien mort, certains évêques catholiques semblent avoir


cherché à prendre leur revanche, en se faisant restituer par les
tribunaux une partie des immeubles précédemment attribués
aux Donatistes. Optât, vers 366, mentionne des procès de ce
genre, plaides de son temps, où les demandeurs devaient être
des Catholiques « Depuis le temps de Donat et jusqu'à aujour-
:

d'hui, dit Optât, toutes les fois que devant les tribunaux publics
s'est engagé quelque procès relatif aux affaires ecclésiastiques,
tous les Donatistes ont déclaré en justice, dans l'interrogatoire,
qu'ils étaient du parti de Donat ils n'ont pas parlé du Christ ».
:
3

Dans ce passage, Optât paraît faire allusion, non pas aux procès
de 362, dont il parle ensuite', mais à des procès plus récents,
tout à fait contemporains, dont l'objet était précisément d'obte-
nir l'annulation d'arrêts antérieurs. A l'appui de leurs revendi-
cations, les évêques catholiques devaient invoquer soit quelque
constitution perdue où était abrogé le rescrit de Julien, soit
l'un des nombreux édits lancés par divers empereurs contre
les hérétiques.
Une dernière catégorie de pièces judiciaires comprenait les
dossiers des procès qui mirent aux prises les Rogatistes et les
Parménianistes, vers le temps de la révolte de Firmus, entre

1) Optât, III, 3; Augustin, Contra Epis- aliqua celebrata est actio, interrogati siu-
tulum Parmeniani, I, 12, 19; Contra guli sic apud Acta loculi suât, ut dicerent
litteras Petiliani, II, 92, 203 et 205; se de parte esse Donati... » (Optât, 111,

97, 224. 3).


2) Cod. Theod., XVI, 5, 37. 4) « Nain cum et ordinatores tui... pre-
3) « Usque in hodiernum si quando de ces quas dederaut apud africanos judices
rébus ecclesiasticis in judiciis publicis adlegarent .. » (ibid., III, 3).
254 LE DONATISME

370 Rogatus, évêque dissident de Cartenna en Mauré-


et 375.
tanie, venait de rompre avec la grande Eglise donatiste, et de
fonder une petite Eglise indépendante, qui de son nom s'appela
l'Eglise Rogatiste (pars Rogati) Les Parménianistes s'achar-1
.

nèrent contre la secte nouvelle, qu'ils cherchèrent à anéantir


avec l'aide de leur allié Firmus 2 Ils prétendirent enlever aux .

Rogatistes leurs basiliques, dont ils revendiquèrent en justice


la propriété exclusive, sans doute devant le tribunal du gou-
verneur de Césarienne Rogatus lui-même joua un rôle très
3
.

actif dans ces contestations judiciaires il lutta, nous dit-on, :

« avec une persévérance infatigable, même devant les tribu-

naux »*. Il serait intéressant d'avoir des renseignements plus


explicites sur ces procès entre Rogatistes et Parménianistes,
qui annoncent les grands procès entre Primianistes et Maxi-
mianistes. D'ailleurs, qu'il s'agisse de Catholiques en guerre
avec les schismatiques, ou de Donatistes se querellant entre
eux, la possession des basiliques était l'enjeu ordinaire de ces
procès, le thème monotone de ces dossiers judiciaires.

IV
Documents du temps d'Augustin (392-430). — Grand nombre des pièces conser-
vées ou partiellement connues. Différentes catégories.—Edits et lois des —
empereurs contre le Donatisme. — Loi de Théodose en 392. Autres lois et —
rescrits. — Edit d'unité de 403. — Edit
de tolérance de 410. Edit d'union de —
412. — Dernières lois contre le Donatisme au temps d'Augustin. Edits des —
gouverneurs africains et des commissaires impériaux. Edits du proconsul —
Septiminus et d'autres gouverneurs africains en 403. Edits du proconsul —
Donatus en 408. —
Edits de Marcellinus en 411. —
Edit de Caecilianus en 413.
— Edit du vicaire d'Afrique Macedonius en 414. —
Edits du tribun Dulcitius vers
420. —
Documents donatistes. —
Liste des évoques schismatiques de Constan-
tine. —
Listes de .souscriptions. — Proclamations donatistes. Proclamation —
de Sinitum en -109. —
Sommation de prêtres schismatiques. Protestation de —
Donatus de IWutugenna. —
Proclamations ou Avertissements catholiques. Pro- —
clamation d'Augustin aux Donatistes laïques en 403. — Documents affichés à
Hippone vers 406. —
Avertissements aux Donatistes en 409 et en 412. Docu- —
ments relatifs aux Conférences entre les deux partis. Compte-rendu des —
Conférences de Thubursieum Numidarum en 397-398. Procès verbal d'une —
entrevue avec Macrobius, évèquc donatiste d'Hippone, en 410. Gesla procon- —
sularia et Gesla vicariae praef'ecturae, relatifs aux projets de Conférences en
403. —
Gesta municipalia de Carthage, d'Hippone, de Calama, relatifs aux négo-
ciations de 403. —
Gesta praefectoria de Havenncs en 406. Autres procès- —
verbaux de Conférences.

Durant la période de quarante ans qui correspond à la prê-

1) Augustin, Episl. 87, 10; 93, 1 et 3) Episl. 93,3,11 etsuiv.


suiv. ;Ad Calholicos Epistula contra 4) « Rogatus auctor vester... de nescio
Donalistas, 3, 6; 14,36. quibus rebus (ut dicitis) vestris, acerrima
2^ Contra Epistulam Parmèniani, I, perseverantia, etiam forensi disceptatione
1U, 16 et suiv. Contra lilieras Peti-
; conflixit » {Episl. 93, 3, 11).
/tant, II. «. 184.
DOCUMENTS HISTORIQUES 255

trise et à l'épiscopat d'Augustin, surtout pendant la première


moitié de cette période, les documents relatifs au Donatisme se
multiplient dans des proportions extraordinaires. De 392 à 412,
la lutte contre le schisme a été la préoccupation principale de
l'Eglise africaine, qui sut alors prendre l'offensive, profiter des
circonstances, ramener et fixer la fortune. Augustin et ses
amis eurent pour principe de porter la question devant le
public aussi la guerre entre les deux Eglises s'est-elle pour-
:

suivie presque toujours à ciel ouvert, à coups de proclamations


et. d'affiches, de requêtes officielles et d'édits, de discours et de
sermons, devant l'empereur et les gouverneurs, devant les tri-
bunaux, dans les assemblées de fidèles, dans les conciles, dans
des conférences publiques et contradictoires, dans des contro-
verses retentissantes et des livres partout répandus. Des deux
parts, on fixait avec soin, dans des procès-verbaux sténogra-
phiés, le souvenir des décisions prises, des débats, des moindres
démarches. Beaucoup de ces pièces nous sont parvenues
entières ou par fragments, dans les œuvres d'Augustin, ou
autour d'elles, ou grâce à elles soit insérées au milieu même
:

de ces œuvres, soit rejetées dans des Appendices, soit copiées


de génération en génération à cause de leur étroit rapport avec
les livres polémiques du maître.
Il ne s'agit point ici de passer en revue toutes les pièces de

cette époque qui peuvent avoir une valeur documentaire :

dans cette revue défilerait toute la littérature donatiste ou anti-


donatiste de la fin du iv e siècle et des premières années du v e .

Nous ne devons nous occuper, pour. le moment, que des docu-


ments d'archives, et encore de ceux-là seuls dont nous n'aurons
pas à parler plus loin. Nous laisserons donc de côté, provisoi-
rement, plusieurs séries de pièces historiques, qui comptent
parmi les plus importantes : toutes les œuvres polémiques
d'Augustin et de ses partisans, ou des schismatiques de son
temps toutes les lettres de Donatistes ou relatives au Dona-
;

tisme les sermons ou autres discours, qui se rapportent aux


;

mêmes controverses; toutes les pièces émanant des conciles;


enfin, les dossiers judiciaires, qui, en raison de leur nombre et
de leur intérêt spécial, nous paraissent mériter une place à
part. Tout cela écarté, il nous reste à étudier ici cinq groupes
de pièces originales, dont beaucoup sont fort importantes pour
l'histoire du Donatisme :1° les édits et constitutions des empe-
reurs; 2° les édits des gouverneurs africains et des commis-
saires impériaux; 3° les documents rédigés par des Donatistes,
proclamations ou protestations ou autres pièces 4° les Aver-
;
256 LE DONATISME

tissements ou proclamations des Catholiques; 5° les documents


relatifs aux Conférences ou aux projets de Conférences entre
les deux partis.
La série des constitutions impériales est d'une richesse sin-
gulière; et presque toutes nous sont parvenues dans leur texte
original. Nous nous contenterons d'une mention rapide ou d'une
très brève analyse pour la plupart de ces pièces de chancellerie;
nous nous arrêterons seulement à celles qui ont exercé une
action décisive sur les destinées de l'Église schismatique.
Telle est la constitution promulguée par Théodose le 15 juin
392, vers le temps où Augustin entrait en scène et où les Catho-
liques africains reprenaient l'offensive. Cette loi frappait d'une
amende de dix livres d'or tout hérétique qui se serait fait
ordonner clerc ou qui aurait procédé à l'ordination, et quiconque
aurait facilité les réunions illégales elle prescrivait de confis- ;

quer les maisons où se seraient tenues ces assemblées Com- 1


.

parée à la plupart de celles qui l'ont précédée ou suivie, la


constitution du 15 juin 392 était relativement modérée c'est :

en partie pour cela qu'elle fut assez efficace, au moins en


Afrique. Quoiqu'elle ne visât pas spécialement les Donatistes,
elle permit d'atteindre, en frappant à la bourse, ceux de leurs
clercs qui encourageaient les violences ou qui laissaient faire.
Augustin lui-môme, qui répugnait encore à l'idée d'employer la
contrainte, ne se fit pas scrupule de requérir l'application
d'une loi qui permettait de punir les auteurs ou les complices
des attentats sans rendre odieux les accusateurs et sans donner
aux coupables une auréole de martyre. Bref, pendant une
douzaine d'années, l'amende des dix livres d'or fut une menace
constamment suspendue sur la tête des clercs schismatiques.
C'est vers 395, dans le procès intenté à l'évêque Optatus de
Thamugadi devant le vicaire d'Afrique Seranus, que les
évoques catholiques invoquèrent en justice, pour la première
2
fois, la constitution de 392 Vers l'année 400, quand Cris-
.

pinus de Calama rebaptisa de force les colons d'un de ses do-


maines, Augustin le menaça de la fameuse amende Trois ans 3
.

plus tard, à la suite de l'attentat contre son collègue Possidius,


le même Crispinus fut condamné par le proconsul à payer les
dix livres d'or; il n'échappa à cette cruelle nécessité que grâce
à la généreuse intervention des accusateurs *. Au concile de

1) Cod. Theod., XVI, 5, 21. — Cf. 111,47, 51.


Augustin, Epis t. 66, 1; 88,7; 105, 2, 4; 2) Augustin, Contra litterus Petitiani,
185,7, 25; Conlm Epislulam l'arme- 11,83, 184.
niani, 1, 12, 19; Contra litteras Peli- 3) Episl. 66, 1.

liant, 11, 83, 184; Contra Cresconium, 4) Possidius, Vita Augustini, 14; Au-
DOCUMENTS HISTORIQUES 257

Carthage du 16 juin 404, Augustin fit décider l'envoi d'une


lettre synodale et d'une ambassade à l'empereur, pour lui
demander de spécifier que les lois générales contre les héré-
tiques, notamment la loi de 392, étaient applicables aux clercs
donatistes accusés devant les tribunaux pour violences com-
mises dans leur diocèse'. D'ailleurs, les attentats qui se multi-
pliaient à ce moment poussèrent le gouvernement à des mesures
beaucoup plus rigoureuses*: dans la tourmente qui suivit
l'édit de 405, les schismatiques durent regretter le temps où l'on
se tirait d'affaire avec l'amende de dix livres d'or.
Entre 392 et 404, le gouvernement impérial lança bien
d'autres constitutions contre les hérétiques. Par exemple, le
18 juillet 392, Théodose prescrivit de déporter quiconque trou-
blerait l'Église catholique Le 15 avril 394, il défendit aux 3
.

hérétiques d'ordonner des évêques \ Le 9 juillet de la même


année, il leur interdit toute réunion, toute ordination, toute
5
propagande Deux mois après la mort de Théodose, ses fils
.

B
confirmèrent toutes ses lois (13 mars 395) Puis ils poursui- .

virent avec ardeur la campagne contre les ennemis de l'Église


officielle. Le 30 mars 395, ils défendirent aux hérétiques de se
1
réunir, de célébrer aucun culte, d'ordonner aucun clerc Le .

3 septembre, ils assimilèrent légalement aux hérétiques qui-


conque n'admettait pas strictement, en toute chose, la doctrine
catholique
8
Le 29 janvier 404, on interdit aux agents impé-
.

riaux, sous peine de confiscation des biens, d'assister aux


tumultuosa conventicula* le 11 septembre, on spécifia que les \

maîtres, sous peine d'amende, devaient empêcher leurs esclaves


10
de se rendre à ces assemblées le 18 novembre, on enjoignit ;

aux gouverneurs de fermer tous les conventus illiciti ll En prin- .

cipe, ces constitutions s'appliquaient à tout l'Empire; mais


elles ne paraissent pas avoir eu d'effet en Afrique, où elles n'ont
pas laissé de trace.
Plus intéressantes pour nous sont les lois qui furent adres-
sées à des gouverneurs africains, ou qui visaient nettement
les choses d'Afrique. De 398 à 409, ont été promulguées une
série de constitutions relatives à la confiscation des biens

gustin, Epist. 88, 7 ; 105, 2, 4 ; Contra 5) Cod. Theod., XVI, 5, 24.


Cresconium, III, 47, 51. 6) Ibid., XVI, 5, 25.
1) Augustin, Epist. 185, 7, 25. — Cf. 7) Ibid., XVI, 5, 26.
Cod. fheod., XVI, 6, 4 ; Codex canon. 8; Ibid., XVI, 5, 28.
Èccles. a fric, can. 93. 9) Ibid., XVI, 4, 4.
2) Cod.Theod., XVI, 5, 3S ; 6, 3-5. 10) Ibid., XVI, 4. 5.
3) Ibid., XVI, 4, 3. II) Ibid., XVI, 4, 6.
'.) Ibid., XVI , 5, 22.

IV 17
258 LE DONATISME

des partisans de Gildon, et aux poursuites contre ses complices,


dont beaucoup étaient des Donatistes*. Par la loi du 23 mars 395,
adressée au vicaire d'Afrique Hierius, l'empereur Honorius con-
firma solennellement les privilèges de l'Église catholique, en
2
lui promettant aide et protection contre les schismatiques Le .

13 mars 398, il envoya au proconsul d'Afrique Yictorius une


constitution Sur les calomniateurs, qui avait pour objet de
modérer l'excès de zèle des policiers, et qui se rapportait proba-
blement aux poursuites contre les Donatistes et autres partisans
de Gildon Dans une loi du 25 juin 399, adressée au vicaire
3
.

d'Afrique Sapidianus, il confirma de nouveau les privilèges des


clercs catholiques, et menaça d'amendes les hérétiques ou autres
qui y porteraient atteinte 4 .

Des rescrits impériaux, dont parlent Augustin et Possidius,


visaient l'application aux Donatistes des lois générales contre
l'hérésie. Vers l'année 399 mourut une grande dame africaine, qui
était Donatiste par testament, elle léguait presque toute sa for-
:

tunée des schismatiques, dont un évêque, un certain Augustinus.


Le frère de la défunte, un Catholique, attaqua le testament.
11 en demanda l'annulation, en alléguant la loi générale qui

interdisait à tout hérétique de faire ou de recevoir des dona-


tions ou des legs. Il adressa à l'empereur une supplique, où il
réclamait tout l'héritage, en se plaignant aussi des Circoncel-
lions qui prétendaient se mêler de l'affaire. Un rescrit impé-
rial ordonna d'appliquer aux schismatiques la loi générale, et,
en conséquence, d'attribuer tout l'héritage au frère de la
défunte quant aux Circoncellions, « s'ils tentaient selon leur
:

coutume de s'y opposer par la violence », l'empereur indiquait


6
les moyens de les mettre à la raison Quelques années plus .

tard, Crispinus de Calama, condamné d'abord à l'amende de dix


livres d'or par le proconsul de Carthage, puis dispensé du
paiement de cette amende par le juge sur la requête de l'accusa-
teur, eut l'idée fâcheuse d'en appeler à l'empereur contre le
principe môme delà condamnation. Un rescrit d'Honorius, vers
le début de 404, confirma le premier jugement, blâma le pro-
consul d'avoir faibli dans l'application de la loi, et prescrivit
défaire payer des amendes de dix livres d'or, non seulement à
Crispinus, mais encore au juge et au représentant de YOfficium*.

1) Co<l. Theod., VII, 8, 1 et 9 ; IX, o; Augustin, Contra Epislulam Par-


39, 3; 40, 19; 42, 16 et 18-19. meniani, I, 12, 19.

2) Ibid., XVI, 2, 29. » ; Epist. 88, 1 : Contra Cresconium,


3) lbid., IX, 39, 3. III, 47, 51.
4) lbid., XVI, 2, 34.
DOCUMENTS HISTORIQUES 259

Pourtant, l'empereur revint sur sa décision, après une démarche


d'Augustin et d'autres évêques catholiques un nouveau res- :

crit accorda la remise des amendes 1


.

Sauf les individus directement intéressés, les Donatistes ne


paraissent pas s'être beaucoup inquiétés de ces pièces de chan-
cellerie. Au contraire, tous les dissidents s'émurent de l'édit
d'union de 405, qui décrétait la mort de leur Église. Poussés à
bout par les attentats des Circoncellions et par les plaintes una-
nimes des évêques catholiques, Honorius et son ministre Stili-
chon résolurent d'anéantir le schisme africain comme Cons- :

tantin en 316, comme Constant en 347, ils ordonnèrent de réta-


blir en Afrique, par tous les moyens, l'unité religieuse. Tel est
l'objet de l'édit qu'ils lancèrent le 12 février 405. Cet édit
d'unité {edictum de unitate; lex de unitate] lex anitatis) ne
nous est pas parvenu intégralement; mais on peut le reconsti-
tuer presque complètement avec les fragments qui figurent au
CodeThéodosien, comme autant de lois différentes, sous cette
date du 12 février 405. Voici les clauses de l'édit rétablisse- :

ment de l'unité religieuse, au profit des communautés catho-


liques, dans toutes les cités africaines; assimilation du schisme
africain aux hérésies; ordre d'appliquer rigoureusement aux
schismatiques toutes les lois antérieures contre les hérétiques;
interdiction de faire ou de recevoir des legs ou des donations;
défense de rebaptiser, sous peine d'arrestation immédiate et de
confiscation des biens; affranchissement des esclaves qu'on
aurait voulu rebaptiser de force et qui se seraient réfugiés dans
une église catholique attribution aux Catholiques de toutes
;

les basiliques des dissidents; confiscation des maisons et


domaines où se seraient réunis des Donatistes exil des évêques ;

etdes clercs qui s'obstineraient dans le schisme; amendes aux


contrevenants, même aux gouverneurs et aux magistrats muni-
cipaux qui n'auraient pas assuré l'exécution de la loi Cet édit 2
.

du 12 février 405 reproduisait, dans leurs articles essentiels,


3
les édits d'union de Constantin et de Constant Il y ajoutait .

une clause d'une importance capitale l'assimilation du schisme


:

aux hérésies*. Par là, abstraction faite de l'édit lui-même, les


schismatiques africains tombaient sous le coup des innom-
brables lois qui frappaient ou frapperaient les hérétiques. Par

1) Possidius, Vita Augustini, 14; Au- 88, 5-10; 93, 5, 16-19 ; 185, 7, 26-29;
gustin, Epist. 88, 7. Contra Cresconium, 111, 43, 47 et suiv.

Cod. Theod.,\\l, 5, 38; 6, 3-5


2) 11, ; 3) Augustin, Episl. 89, 3 ; 93, 4, 14.
2. —
Cf. Codex canon. Eccles. afric, 4) Cod. Theod., XVI, 6, 4.
can. 94; 99; 117; 119; Augustin, Epist.
260 LE DONATISME

une constitution datée du 5 mars 405, et adressée au proconsul


d'Afrique Diotimus, l'empereur ordonna de faire afficher dans
toute l'Afrique l'édit d'unité'. Le 25 février, pour justifier la
proscription de l'Église schismatique en la vouant au mépris
de tous les chrétiens, il avait également ordonné l'affichage du
rescrit de Julien l'Apostat en faveur des Donatistes*.
Malgré la persécution que déchaîna l'édit d'unité, l'Église
dissidente garda ses positions dans la plus grande partie de
l'Afrique. C'est ce que suffiraient à prouver les constitutions
impériales promulguées dans les années suivantes. Déjà, le
8 décembre 405, Honorius avait recommandé au proconsul
d'Afrique Diotimus de veiller à l'application des lois contre les
schismatiques et de châtier sans délai les récalcitrants La loi 3
.

du 15 novembre 407 prescrivit au proconsul Porfyrius, succes-


seur de Diotimus à Carthage, de se montrer indulgent pour les
ralliés, mais inexorable pour les intransigeants 4 En 408, .

quand on apprit la mort de on crut à une volte-face


Stilichon,
du gouvernement central des Donatistes peu scrupuleux
:

fabriquèrent et mirent en circulation un faux édit impérial de


5
tolérance La réponse fut une constitution authentique, datée
.

du 24 novembre, et adressée au proconsul d'Afrique Donatus :

elle édictait la peine de mort contre les dissidents qui trouble-


6
raient les cérémonies catholiques Trois jours plus tard, le
.

27 novembre, l'empereur ordonnait d'empêcher toute réunion


d'hérétiques, de confisquer les lieux d'assemblée, d'exiler tous
7
les coupables Le 13 janvier 409, nouvelle constitution
. :

peine capitale contre ceux qui saccageaient les églises ou insul-


taient les évêques et les clercs; ordre de poursuivre d'office;
ordre à tous de dénoncer les violences; instructions spéciales
aux gouverneurs, qui devaient demander des troupes au comte
8
d'Afrique Le 15 janvier, l'empereur rappela encore sa volonté
.

de faire appliquer strictement toutes les lois il menaça de ;

révocation les gouverneurs qui n'obéiraient pas, d'amendes les


autres fonctionnaires trop peu zélés, de déportation les magis-
trats municipaux qui ne dénonceraient pas les infractions Le .

2b" juin, il menaça encore de disgrâce tous ceux de ses agents


10
qui ne se conformeraient pas aux instructions reçues .

Après ces lois si sévères et ces mises en demeure si explicites,

1) Cod. Ttieod., XVI, 11, 2. guslin, Epist. 100, 2.


2) lbid., XVI, 5, 37. 7) Cod. Theod., XVI, 5, 45.
3) lbid., XVI, 5, 39. 8) Ibid., XVI, 2, 31.
4) lbid., XVI, 5, 41 et 43. 9) lbid., XVI, 5, 46.
5) Augustin, Epist. 105, 2, 6. 10) lbid., XVI, 5, 47.

6) Cod. Theod.. XVI, '>, 41. — Cf. Au-


DOCUMENTS HISTORIQUES 261

on ne s'attendait guère à l'édit impérial qui fut adressé au comte


d'Afrique Heraclianus vers le début de 410'. C'était un véri-
table édit de tolérance il proclamait la liberté de toutes les
:

sectes chrétiennes, en spécifiant que « chacun pratiquerait la


religion chrétienne suivant sa libre volonté » 2 C'était, dit .

Augustin, la « liberté de perdition » s Elle ne dura guère. Les .

évêques catholiques se mirent aussitôt en campagne le concile :

de Carthage du 14 juin 410 supplia l'empereur de revenir sur


sa décision et de convoquer une conférence générale entre les
deux partis*. Le comte d'Afrique Heraclianus reçut bientôt une
nouvelle constitution impériale, datée du 25 août 410, qui
annulait l'édit de tolérance, et qui frappait de la peine capi-
tale ou de la proscription les hérétiques convaincus d'avoir
tenu des assemblées 5 Cependant, l'empereur accepta le projet
.

que lui avait soumis le concile de Carthage. Il chargea un


commissaire spécial, le sénateur et tribun Marcellinus, de
convoquer et de présider la conférence, puis de rétablir l'unité
au profit de celle des deux Églises qui aurait prouvé sa légiti-
mité c'est l'objet d'une très importante constitution, qui est
:

datée du 14 octobre 410, et que nous retrouverons dans le dos-


6
sier de la célèbre conférence tenue à Carthage en 411 .

L'édit d'union, promulgué par Honorius le 30 janvier 412,


fut la confirmation définitive de la sentence de Marcellinus et
de son édit du 26 juin 411 contre les Donatistes. Ce fut aussi
une réponse à une démarche imprudente des schismatiques :

l'appel qu'ils avaient adressé à l'empereur contre la décision


et les actesdu commissaire. Le nouvel édit d'unité, dont nous
possédons texte intégral, était encore plus sévère que celui
le
de 405. D'abord, il révoquait toutes les mesures antérieures de
tolérance, et confirmait les lois de répression. Puis il spécifiait
que tous les Donatistes, clercs ou esclaves, ou laïques, libres
hommes ou femmes, devaient immédiatement rentrer dans
l'Kglise catholique. Il supprimait naturellement toutes les
communautés dissidentes, et, suivant l'usage, attribuait aux
communautés catholiques les basiliques ou autres immeubles.

1) Cod. Theod., XVI, 5, 51; Codex 1,24,27).


canon. Ecoles, afric. can. 107; Collât.
, 4) Codex canon. Ecoles, afric, can.
Carthag., I, 4 III, 29 ; Augustin, Epist.
; 107; Collât. Carthag., 1, 4 et suiv. III, ;

108, 6, 18; Contra Gaudentium, I, 24, 29; Augustin, B?*evic. Collât., 111,2, 2 et
27. suiv.
2) « Lex data est ut libéra voluntate 5) Cod. Theod., XVI, 5, 51.
quis cultum Christianilatis exciperet » 6) Cod. Theod., XVI, 11, 3; Collât.
{Codex canon. Ecoles, afric, can. 107). Carthag., I, 4; 111, 29; Augustin, Brevic.
3) « Vobis illa perditionis Hbertate con- Collât., I, 1 ; 111, 2.
cessa « (Augustin, Contra Gaudentium,
262 LE DONATISME

Contre les récalcitrants ou les suspects, il dressait une échelle


de peines, savamment graduées selon la condition des coupa-
bles. Les évêques et les clercs seraient déportés hors d'Afrique,
et relégués isolément dans des provinces lointaines. Les laïques
seraient frappés d'amendes, dont le taux s'élevait avec le rang;
en cas d'obstination, on prononcerait la confiscation des biens.
Les esclaves et les colons seraient ramenés dans les voies de la
vraie religion par des coups et autres châtiments corporels, que
leurs maîtres ou propriétaires étaient tenus de leur infliger,
sous peine d'amendes. Des mêmes amendes étaient menacés
encore tous les agents impériaux qui montreraient trop peu
de zèle dans l'application de la loi ou la dénonciation des cou-
pables, dans la défense des intérêts communs de la religion et
du fisc 1
.

Le coup mortel pour l'Église schismatique, dont com-


fut
mença gouvernement impérial
bientôt l'agonie séculaire. Le
essaya de l'aider à mourir plus vite, en l'accablant sous des lois
nouvelles. Le 21 mars 413, confirmation des mesures anté-
rieures contre quiconque rebaptisait ou se laissait rebaptiser 3
.

Le 17 juin 414, constitution adressée au proconsul d'Afrique


Julianus ordre d'enlever leurs droits civils aux schismatiques,
:

d'attribuer leurs églises aux Catholiques, de déporter les évêques


et clercs dissidents, d'infliger des amendes aux contrevenants,
des châtiments corporels aux colons ou esclaves Le 30 août 3
.

414, en réponse à certains bruits qui couraient en Afrique, le


même proconsul fut avisé par la chancellerie que la condamna-
tion et la mort de Marcellinus n'entraînaient en rien l'annula-
4
tion des mesures prises par l'ancien commissaire L'année .

suivante, le 25 août 415, l'empereur ordonna d'afficher de


nouveau à Carthage la loi du 25 août 410, qui frappait de mort
ou de proscription tous les hérétiques coupables d'avoir tenu
des réunions illégales 5 Le 6 novembre 415, ordre de pour-
.

suivre tous ceux qui pratiquaient le second baptême, de confis-


quer les maisons où ils s'assemblaient, de déporter tout fidèle
rebaptisé et tout clerc convaincu d'avoir rebaptisé ou d'avoir
procédé à des ordinations ou d'avoir présidé une réunion;
interdiction aux hérétiques de faire ou recevoir des legs ou
donations 6 Les mesures de proscription recommencèrent après
.

la mort d'Honorius, au début du règne de Vaientinien 111. Une

1) Cod. Theod., XVI, 5, 52. — Cf. Au- 3) Cod. Theod., XVI, 5, 54.
gustin, Epist. 185, 9, 36; In Johannis 4) lbid., XVI, 5, 55.
Evanr/elium Iraclatus VI, 25. 5) lbid., XVI, 5, 56. — Cf. XVI, 5, 51.
2) Cod. Theod., XVI, 6, 6. il) lbid., XVI, 5, 58.
DOCUMENTS HISTORIQUES 263

loi du 6 juillet 425 enjoignit au proconsul d'Afrique Georgius


de proscrire toute hérésie et tout schisme'. Le 6 août suivant,
ordre d'expulser des villes tous les hérétiques ou schismati-
ques s Enfin, une constitution du 30 mai 428 confirma toutes
.

les lois antérieures. Elle prescrivit de rendre aux Catholiques


toutes les églises, et défendit aux hérétiques d'avoir aucun lieu
de prière en territoire romain. Elle renouvela les interdictions
relatives au second baptême, aux ordinations, aux donations
ou aux testaments. Elle menaça d'amendes et d'exil tous les
contrevenants, même les gouverneurs qui n'assureraient pas
l'exécution des ordres impériaux 3
Cette constitution de 428,
.

lancée vers le temps de l'invasion vandale, est le dernier des


documents connus dans cette interminable et funèbre série des
lois de proscription qui ont atteint ou visé le Donatisme sous
l'épiscopat d'Augustin.
Un autre groupe de pièces officielles comprend les édits des
gouverneurs africains et des commissaires impériaux. Les
documents de ce genre ont été certainement très nombreux
pendant la période qui nous occupe. Nous en connaissons une
dizaine.
Le plus ancien qui nous soit parvenu est un édit promulgué
le13 septembre 403, ou quelques jours après, par le proconsul
d'Afrique Septiminus. Cet édit se rattachait aux projets de Con-
férences, dont l'initiative avait été prise par le concile catho-
lique tenu à Carthage le 25 août. Conformément aux décisions
du concile, Aurelius de Carthage remit ou fit remettre au pro-
consul Septiminus, 13 septembre, une lettre synodale où
le
l'on priait le gouverneur de faciliter dans toutes les villes de
son ressort négociations avec les schismatiques
les il s'agis- :

sait d'inviter lesmagistrats municipaux à seconder partout les


démarches de l'évêque catholique, à convoquer l'évêque dona-
tiste ou les notables du parti, et à dresser le procès-verbal offi-
ciel des négociations. Par son édit, qui paraît avoir été rédigé
séance tenante, Septiminus accorda aux Catholiques tout ce
qu'ils demandaient « En tout lieu, mande le proconsul, en tout
:

lieu est donnée aux ministres de la Loi sainte, pour la tran-


quillité de l'Empire, la faculté de faire rédiger des Gesta. Ce
qui détermine la teneur de ce décret, c'est notre désir de faire
comprendre aux chefs d'une foule égarée, qu'ils doivent
répondre à une demande salutaire et rendre compte de leurs
propres croyances. Ainsi, la discussion publique assurera
1) Cod. Theod., XVI, 5, 63. 3) Cod. Tkeod., XVI, 5, 65
2) lbid., XVI, S, 64.
264 LE DONATISME

le règne bienfaisant de la loi, et terrassera la superstition »'.


L'empereur dut féliciter son proconsul on ne pouvait :

mettre plus d'empressement à soutenir l'Église officielle. Des


édits analogues furent rendus par les autres gouverneurs afri-
cains, notamment par le vicaire d'Afrique, à qui le concile de
Carthage avait envoyé la même requête*. D'ailleurs, ces divers
documents ne contenaient aucune clause hostile aux Donatistes.
Même, ils auraient pu être des instruments de paix, puisqu'ils
visaient simplement à mettre partout en présence les chefs des
deux partis, et à conserver le souvenir écrit des paroles pro-
noncées dans leurs entrevues.
Tout autres furent les édits lancés cinq ans plus tard, vers la
fin de 408, par le proconsul Donatus, un ami d'Augustin Les 3
.

circonstances avaient bien changé, depuis l'édit d'unité de 405.


Les dissidents africains s'agitaient alors plus que jamais, dans
l'allégresse des espérances qu'éveillait en eux la mort de Stili-
chon; et les évêques catholiques demandaient protection. Dès
l'automne de 408 se multiplièrent les lois impériales contre les
fauteurs de troubles et les ennemis de l'Église catholique. Ces
lois ne parlaient que de confiscation, de proscription, de mort.
Elles ordonnaient de mettre en mouvement les troupes, et
menaçaient de révocation les gouverneurs trop indulgents.
Deux de ces constitutions, celles des 11 et 24 novembre 408,
4
étaient adressées spécialement au proconsul de Carthage .

Donatus était un fort honnête homme, mais un fonctionnaire


et un très fervent Catholique il se signala par son zèle.
: Il

condamnait à mort tous les schismatiques traduits devant son


tribunal. 11 paraît avoir lancé un premier édit très sévère, où
il réglait les détails d'exécution des lois contre les Donatistes,
notamment de la loi du 24 novembre : il devait y viser princi-
palement les Circoncellions qui alors faisaient rage, multipliant
les attentats, troublant les cérémonies du culte, saccageant les
églises, maltraitant les clercs catholiques. Donatus se montra
si implacable et prodigua tellement la peine capitale, que les

évêques finirent par s'inquiéter. Augustin écrivit au proconsul


pour lui recommander la modération. Il l'engagea à promul-
guer un nouvel édit, où sans doute l'on rappellerait aux Dona-
tistes que les lois portées contre eux restaient en vigueur, mais
où l'échelle des châtiments n'irait pas jusqu'à la peine de mort.
On devait se garder, ajoutait Augustin, de donner à ces obsti-
1) Collât. Carthag., III, 174. 91-92.
2) Augustin, Brevic. Collât., III, 5, 6. 3) Augustin, Episl. 100, 1-2.
— Cf. Codex cavon. Ecoles, afric, can. 4) Cod. Theod., IX, 40, 19; XVI, 5, 44.
DOCUMENTS HISTORIQUES 265

nés, en les frappant trop fort, l'auréole ou l'illusion du mar-


tyre; et surtout, devait chercher à les instruire, à les
l'on
ramener, plutôt qu'à les frapper Donatus s'est-il décidé à 1
.

montrer plus de modération, et à lancer le nouvel édit que lui


conseillait son ami l'évêque d'Hippone? Nous n'en avons pas la
preuve, mais c'est assez vraisemblable car dans une autre :

lettre, écrite un ou deux ans plus tard, alors que Donatus


n'était plus proconsul, Augustin loue sans réserve son admi-
4
nistration .

Marcellinus, le commissaire impérial, le président de la


Conférence de 411, est l'auteur de trois édits, tous les trois fort
importants et de dimensions considérables, tous les trois
conservés intégralement. Par un premier édit, le 19 janvier
411, le commissaire impérial invita les évêques des deux par-
tis à se rendre à Carthage, pour la Conférence, avant le
il promit de faire restituer provisoirement leurs
fir
l juin ;

églises à tous les évêques dissidents qui seraient exacts au


rendez-vous Dans son second édit, promulgué vers le 20 mai,
3
.

Marcellinus fixa le local de la Conférence, la date d'ouverture,


4
et les détails de procédure Le troisième édit fut affiché à Car- .

thage, le 26 juin, dix-huit jours après la dernière séance le :

commissaire impérial y confirmait sa sentence du 8 juin, et en


tirait les conséquences légales, qui impliquaient la proscription
5
du Donatisme Il suffira de signaler ici ces trois édits de Mar-
.

cellinus, que nous étudierons avec le dossier de la Conférence


de Carthage.
De l'année 413 date presque sûrement un édit dont parle
Augustin l'édit de Caecilianus On plaçait autrefois ce docu-
:
6
.

ment vers 405 c'est que la lettre où il est mentionné avait été
:

mal datée. Rien n'autorise à supposer que ce Caecilianus ait été


vicaire d'Afrique, comme on le répétait, ni qu'il ait exercé en
Afrique des fonctions de gouverneur, ni même qu'il y soit venu
7
avant 413 Cette année-là seulement, nous le trouvons à Car-
.

thage, d'où il correspond avec Augustin, au moment du pro-


8
cès de Marcellinus Tout porte à croire que Caecilianus, ami
.

et confident du comte Marinus, avait succédé précisément à


Marcellinus en qualité de commissaire impérial. Et c'est pro-

1) Augustin, Epist. 100, 1-2. Senlentia Cognitoris, à la suite des Gesta


2) Episl. 112, 2. Collationis.
3) Collât. Carthag., I, 5; Augustin, 6) Augustin, Epist. 86.
Brevic. Collai., I, 2. 7) Cf. Pallu de Lessert, Fastes des pro-
4) Collât. Carthag., 1, 10; Augustin, vinces africaines, t. II, p. 224.
Brevic. Collât., I, 3. 8) Augustin, Epist. 151.
5) Edit conservé, sous le titre inexact de
266 LE DONATISME

bablement à ce titre qu'il promulgua un édit contre les Dona-


tistes, vers le début de 413. Cet édit se rapportait à l'application
des lois contre les schismatiques. Il avait produit des résultats
décisifs dans certaines parties de l'Afrique. Mais on se plaignait
que le commissaire ou ses agents eussent négligé la région
d'Hippone, toujours terrorisée par les Circoncellions. Dans la
lettreoù il mentionne l'édit, Augustin écrivait à Caecilianus
lui-même « Nous nous réjouissons d'apprendre que dans
:

d'autres contrées de l'Afrique tu as travaillé pour l'unité catho-


lique avec un merveilleux succès ; mais nous nous affligeons
de constater que la région d'Hippo Regius et les districts voi-
sins de Numidie n'ont pas encore profité de ton vigoureux et
présidial édit... Avec l'aide du Seigneur notre Dieu, tu aviseras
sans doute à ce que l'orgueil d'une hérésie sacrilège soit guéri
par la terreur, plutôt que tranché vif par la vengeance )>' On
ne sait si cette « terreur », dont parle Augustin, vise la pro-
mulgation d'un nouvel édit ou simplement l'application de
l'édit antérieur dans la région d'Hippone il n'est plus question
:

des mesures contre les schismatiques dans une autre lettre


adressée quelques mois plus tard au même Caecilianus
2
.

Les gouverneurs africains, en ces années-là, rivalisaient de


zèle avec les commissaires impériaux dans la campagne contre
le schisme. Témoin l'édit du vicaire d'Afrique Macedonius, en
414. Dans une de ses lettres à ce personnage, Augustin parle
avec enthousiasme de cet édit, dont il nous a même conservé
un fragment « Si déjà, dit-il à Macedonius, tu n'avais parti-
:

cipé à la vertu chrétienne, si tu n'avais cru devoir mettre à son


service tes honneurs temporels, tu n'aurais pas tenu aux Dona-
tistes hérétiques un tel langage, pour les ramener dans l'unité
et la paix du Christ; tu ne leur aurais pas, dans ton édit,
adressé les paroles que voici « C'est pour vous que cela se
:

fait; c'est pour vous que travaillent les évoques interprètes


d'une foi incorruptible c'est pour vous que travaille l'empe-
;

reur lui-même; c'est pour vous que nous travaillons, nous


aussi, nous, ses gouverneurs et ses juges »; et bien d'autres
paroles que tu as insérées dans le même édit. Elles prouvent
clairement que dans l'appareil terrestre de ta puissance, avec
ta ceinture de juge, tu songes principalement à la république
céleste » 3 Comme ceux de Caecilianus et de Donatus, l'édit de
.

Macedonius avait pour objet de régler l'application des lois de


proscription contre le Donatisme; il devait contenir notam-
\) Episl. 86. 3) Episl. 155, 4, 17.

2) Epis t. 151.
DOCUMENTS HISTORIQUES 267

ment des instructions aux magistrats municipaux sur l'appui à


donner aux évêques catholiques dans leur revendication des
églises.
Vers 420, deux édits du même genre
ont été lancés en Numi-
die par le tribun Dulcitius, un autre ami d'Augustin
Ce Dul- 1
.

citius était, nous dit-on, « exécuteur en Afrique des lois impé-


riales données contre les Donatistes »
2
c'est-à-dire qu'il était ;

commissaire impérial, chargé « d'achever l'unité Ardent ))


3
.

Catholique et fonctionnaire zélé, il promulgua d'abord un édit


très rigoureux, qui répandit partout la terreur. On peut re-
constituer à peu près la teneur de ce document, d'après les
citations ou allusions d'Augustin et de Gaudentius. Le com-
missaire rappelait d'abord les clauses des constitutions impé-
riales qui avaient proscrit le Donatisme depuis la Conférence
de 411. Il annonçait qu'il venait achever partout l'œuvre
d'unité. En conséquence, il sommait les dissidents de se sou-
mettre et de rendre les basiliques. Il notifiait les mesures qu'il
avait prises ou comptait prendre. Il prévenait les intéressés que
4
les obstinés seraient envoyés en exil Ce qui exaspéra surtout .

les dissidents, c'est le ton même de l'édit ton menaçant, d'al- :

lure trop militaire, et qu'Augustin jugeait un peu déplacé. Par


exemple, le tribun disait aux Donatistes « Sachez-le bien, :

vous êtes voués à la mort que vous méritez » 5 Le commis- .

saire, paraît-il, faisait ici allusion à la manie donatiste du sui-


cide. Mais la formule était équivoque et malheureuse elle pro- :

duisit en Afrique un effet désastreux.


Dans un second
édit, Dulcitius essaya de rassurer l'opinion,
et de préciser ses intentions. Le fond, assurément, était le
même en vertu des instructions de l'empereur, il fallait bien
:

sommer les schismatiques de se rallier et de livrer les églises,


sous peine d'exil. Mais le ton était beaucoup plus conciliant.
Le tribun cherchait cette fois à amadouer les Donatistes.
Il leur donnait l'assurance qu'on ne mettrait personne à
mort. Il les exhortait à ne pas se tuer eux-mêmes dans un
accès de désespoir ou de fanatisme. Il indiquait aux intran-
sigeants le moyen de se tirer d'affaire il leur conseillait de :

1) Episl. 204, 3; Retract,, II, 85; leges suas exsequendas cura perficieudae
Contra Gaudentium, I, 1, 1 ; 19, 21; unitatis injunxit » {Contra Gaudentium,
31, 40. I, 1).
2) « Dulcitius tribuuus et notarius hic 4) RetracL, 11,85; Epist. 204, 3; Cog-
érât in Africa execulor imperialium jussio- Ira Gaudentium, I, 1,1; 11, 12; 19, 21 ;

num contra Donatistas datarum » (Retract., 31, 40; 33, 43; 39, 53; II, 12, 13.
II, 85). 5) « Noveritis vos debitae neci dandos »

3) « Dulcitio, cui piissimus Imperator (Epist. 204, 3).


268 LE DONATISME

se cacher, il presque les invitait à fuir '. Bref,


les autorisait et
il clairement qu'il répugnait à employer la force.
laissait voir
Les deux édits de Dulcitius furent affichés sans doute dans
beaucoup de cités numides. Nous savons, en tout cas, qu'ils
furent notifiés aux Donatistes de Thamugadi. L'évêque Gau-
dentius parla aussitôt de se brûler avec ses fidèles*. D'où un
échange de lettres entre le tribun et l'évêque, puis entre Dulci-
tius et Augustin, et, enfin, des polémiques directes entre Au-
gustin et Gaudentius S'ils avaient effaré les Donatistes de
3
.

Thamugadi, les édits du commissaire avaient contribué à enri-


chir la littérature locale.
En face de ces pièces officielles, de ces édits et de ces lois,
il est instructif de placer deux groupes de documents tout
africains, qui en sont la contre-partie, et qui contribuent à
expliquer les interventions si fréquentes des empereurs ou de
leurs agents. Ce sont des instruments de guerre, d'origine. ou
de visée populaire des listes rédigées dans une intention
:

polémique, des proclamations, des sommations, des protesta-


tions, des Avertissements où schismatiques et Catholiques éta-
,

laient devant le public leur bruyante querelle, énumérant leurs


griefs ou leurs prétentions réciproques, se menaçant ou s'exhor-
tant, cherchant à se convaincre ou à se vaincre. Et cette guerre
à coups de proclamations et d'affiches est d'autant plus curieuse
à suivre pour l'historien, que nous entendons la voix des deux
partis.
L'un des arguments favoris des Catholiques, dans leurs
controverses contre les dissidents, c'était la force de leur tradi-
tion ecclésiastique, leur communion jamais interrompue avec
les chrétientés d'outre-mer et les Églises apostoliques, leurs
listes d'évêques qui leur permettaient de remonter d'épiscopat
en épiscopat jusqu'aux plus lointaines origines du christia-
nisme africain. Les schismatiques essayaient de riposter en
alléguant, eux aussi, des catalogues qui attestaient la continuité
de leur tradition épiscopale, et qui rattachaient la série de leurs
évêques particuliers à la série des évêques communs d'avant
la rupture. Des documents de ce genre ont existé dans toutes
les Églises dissidentes. L'un d'eux, celui de la communauté
donatiste de Rome, a été connu d'Optat*. Un autre est men-
tionné vers la fin du iv e siècle la liste des évêques schisma-
:

tiques de Constantine (ordo episcoporum Constantinensis

1) Episl. 204, 3. 3) Epist. 204; Contra Gaudentium, I,

2)Conlra Gaudentium, I, 1; Retract., 1 et suiv. — Cf. RetracL., Il, 85.


Il, 85. 4) Optai, 11, 4.
DOCUMENTS HISTORIQUES 269

civiiatis) 1 . Ce document
à deux reprises par des clercs
fut cité
2
dissidents de
d'abord par l'évêque Petilianus
cette ville, ,

puis par un de ses prêtres dans des lettres polémiques où


3
,

ils opposaient la tradition donatiste à la tradition catholique.

Cette liste, où figurait Silvanus, le premier évêque dissident


de Constantine', se terminait naturellement par le nom de
Petilianus.
D'autres listes, également polémiques d'intention, se rappor-
taient à des souscriptions ouvertes par des évêques donatistes.
Vers le début de 410, les violences des Circoncellions et de
certains clercs dissidents avaient exaspéré l'opinion publique
et indisposé les gouverneurs, au point qu'on s'attendait à de
terriblesmesures de répression. Ne réussissant pas à arrêter
leurs auxiliaires, les évêques schismatiques crurent parer au
danger en les désavouant. Ils déclarèrent bien haut qu'ils se
chargeraient eux-mêmes d'indemniser les propriétaires avec le
produit de souscriptions et de quêtes. Augustin écrivait alors à
Macrobius, son collègue et rival d'Hippone « Pour donner le :

change à la haine publique, vous ouvrez des souscriptions, vous


promettez que dans vos tournées vous rendrez aux victimes le
butin qu'on leur a enlevé 5 » Les évêques schismatiques espé-
.

raient prouver par là qu'ils n'étaient pas complices, ni respon-


sables des attentats. Suivant Augustin, c'était de la poudre aux
yeux ces redresseurs de torts ménageaient secrètement les
:

6
bandits qu'ils désavouaient publiquement Nous ne savons, .

d'ailleurs, ce qu'il advint des souscriptions.


Deux documents fort curieux nous montrent à l'œuvre les
Circoncellions, et leurs chefs ou alliés, les clercs dissidents.
C'est d'abord la proclamation de Sinitum, près d'Hippone. Dans
cette petite ville, les Donatistes étaient complètement les
maîtres un prêtre catholique, qui s'y était aventuré, avait été
:

battu et chassé. Vers le commencement de 409, se produisit


dans ce coin de Numidie un véritable coup de théâtre Maxi- :

minus, l'évêque schismatique, se rallia au Catholicisme. Aus-


sitôt, les dissidents le mirent hors la loi. On lança contre lui et
ses partisans une violente proclamation, dont un fragment
nous est parvenu « Tout récemment, dit Augustin, vous avez
:

envoyé un crieur public, chargé de faire à Sinitum une procla-

1) Augustin, Epist. 53, i, 1-2; 2, 4. vestrae, episcoporum ordine... » {Epist.


2) « Partis Donati, cujus ordo tibi expo- 53, 1, 2 ; 2, 4).
nitur in Epistula episcopi tuae civiiatis 4) Ibid., 53, 2, 4.
(Petiliani)... » (Epist. 53, 1). 5) lbid., 108, 6, 18.
3) « Ordo episcoporum sibi succeden- 6) lbid., 108, 6, 18.
lium... — Coustaiitiuensi, hoc est civitatis
270 LE DONATISME

mation où il était dit « Avis à quiconque aura communiqué :

avec Maximinus on brûlera sa maison »'. En même temps,


:

la haine des sectaires se tournait contre Augustin lui-même,


qui avait failli déjà être victime d'attentats, et qui probable-
ment n'était pas étranger à la conversion de Maximinus. Il reçut
un jour une sommation brutale de prêtres schismatiques, qui
le menaçaient de mort, s'il ne renonçait à sa propagande. Lui-
même nous l'apprend et cite une phrase du document. 11 dit
aux Donatistes « Certains prêtres de votre parti nous ont
:

envoyé une sommation où ils déclaraient « Laissez tranquilles :

nos fidèles, si vous ne voulez pas qu'on vous tue » \ Voilà —


deux documents précieux sur la psychologie de certains clercs
dissidents. Ces apôtres de la vertu évangélique ne connaissaient
que deux moyens d'action l'incendie et l'assassinat. :

Une autre pièce nous peint sur le vif le fanatisme têtu de ces
sectaires, leur résistance indomptable aux lois de répression.
C'est la protestation de Donatus, prêtre schismatique de Mutu-
genna, près Hippone Vers 412, on arrêta ce Donatus pour le
3
.

convertir, et l'on voulut le conduire de force à l'église catho-


lique. Il se débattit, se blessa en tombant de cheval; plus loin, il
s'échappa et se jeta dans un puits, d'où on le tira malgré lui '.
Entre temps, il protesta vivement contre la violence dont il était
l'objet. Sa protestation, consignée sans doute dans le procès-
verbal d'arrestation, nous est connue par Augustin, qui l'ana-
lyse en la réfutant et la raillant. Donatus n'en avait pas moins
le beau rôle. Tout d'abord, il déclarait arbitraire l'ordre d'arres-
5
tation, et se plaignait de la brutalité des agents Puis, il reven-
.

diquait hautement la liberté de conscience « Personne, disait- :

il, ne doit être amené, même au bien, par la force... Dieu

nous a donné le libre arbitre; par conséquent, l'homme ne doit


pas être contraint, même pour son bien »
6
Logique jusqu'au .

bout, il réclamait pour tous le droit à l'erreur « Eh bien oui, : !

7
veux errer ainsi, je veux périr ainsi » 11 ajoutait,
répétait-il, je .

d'ailleurs, que les Donatistes n'étaient nullement dans l'erreur.


Quand on lui objectait la condamnation de son parti à la Confé-
rence de Carthage, il répliquait que les Gesta de la Conférence
ne prouvaient rien, sauf la maladresse de certains mandataires
donatistes; il se faisait fort de le démontrer, même aux évêques
catholiques 11 affirmait la légitimité du schisme,
8
.
en alléguant

i) Epist. 105, 2, 4. 5) E»ist. 173, 1-2.

2) Ibid., 105, 1, 1 ; 5, 17. 6) Ibid., 113, 2.

3) Ibid., 173, 1-3; 5; 7; 10. 7) Ibid., 173, 3.

4) Ibid., 173, 1 et 4. S) Ibid., 173, 7.


.

DOCUMENTS HISTORIQUES 271

l'exemple des nombreux disciples qui, d'après l'Évangile de saint


Jean, abandonnèrent le Christ, sans qu'on cherchât à les retenir '

Et il citait un mot de saint Paul pour justifier le martyre volon-


taire, le droit au suicide*. Il prétendait trouver dans l'Écriture
le fondement de toutes les libertés, depuis la liberté de circuler
jusqu'à la liberté de mourir à son heure. Cette éloquente pro-
testation d'un prêtre fanatique et retors, cuirassé de textes
bibliques, ne laissa pas que d'embarrasser un peu Augustin.
A ces protestations ou proclamations donatistes s'opposent
des proclamations catholiques, très différentes de ton, mais non
moins significatives. Plusieurs de ces documents sont conservés
intégralement dans l'œuvre d'Augustin. Bien qu'ils soient de la
main d'Augustin lui-môme, nous devons en dire ici quelques
mots. En ces circonstances, l'évêque d'Hippone parlait au nom
de l'Église africaine tout entière ces proclamations adressées
:

au grand public, aux laïques, et largement répandues dans toute


la contrée, étaient les manifestes d'un parti et devenaient aussitôt
des documents d'archives.
Le premier de ces manifestes a été lancé par Augustin vers
la fin de l'année 403 3 Les évêques donatistes, réunis en concile,
.

venaient de repousser définitivement les propositions du con-


cile catholique tenu à Carthage le 25 août, c'est-à-dire le projet
d'une Conférence générale entre les deux partis*. Obligé de
renoncer à l'espoir d'une controverse publique, Augustin ima-
gina un autre moyen de poser devant l'opinion la question du
schisme. Ne pouvant discuter avec les évêques, il voulut éclairer
les fidèles de l'autre Eglise, surtout les laïques il leur adressa :

une proclamation. Ildébutaitpar une prosopopée: l'Église catho-


lique elle-même interpellait les Donatistes, et leur démontrait
que le schisme est interdit par l'Écriture Peu à peu, l'Eglise 3
.

cédait la parole à l'évêque, qui résumait brièvement ses argu-


ments familiers origines louches du Donatisme, condamnation
:

au temps de Constantin, défense de rompre avec les pécheurs,


conduite des Primianistes envers Optatus de Thamugadi et les
Maximianistes 6 En terminant, on invitait les laïques à deman-
.

der sur tout cela des explications à leurs évêques 7 Cette procla- .

mation, en raison même de sa destination toute populaire, ne


contenait rien de bien nouveau ce qui était neuf, c'était l'idée
:

d'exposer aux ignorants, aux laïques, des questions ordinaire-


ment réservées aux clercs.
1) Epist. 173, 10. Epist. 76, 4 88, 7
; ; 103, 4, 13.
2) Ibid., 173, 5. 5) Epist. 76, 1.
3) Ibid., 76. 6) Ibid., 76, 2-3.
4) Contra Cresconium, III, 46, 50; 7) Ibid., 76, 4.
272 LE DONATISME

Les Catholiques allèrent encore plus loin dans cette voie :

ilsvoulurent forcer l'attention du public, en mettant sous les


yeux du passant les principales pièces du procès. Après l'édit
d'unité de 405, Augustin eut l'idée originale d'utiliser pour sa
propagande les murs mêmes de la basilique qu'on venait
d'enlever aux schismatiques d'Hippone. C'était vers l'année
406. Il avait composé un petit recueil de textes dans lequel,
après une courte introduction, il avait réuni les pièces
d'archives et les versets bibliques qui lui paraissaient les plus
propres à démontrer au vulgaire la vanité des prétentions
donatistes « Avant de publier ce recueil, dit-il, je l'ai fait
:

afficher, pour en faciliter la lecture, sur les murs de la basi-


lique qui avait appartenu aux Donatistes »*. Voilà, sans doute,
un procédé de polémique et de propagande qui n'a rien de
banal. Il put être efficace les dissidents, qui par habitude
:

rôdaient autour de leur église, ne pouvaient s'empêcher de


regarder les affiches, de lire et de réfléchir.
Trois ans plus tard, au début de 409, nouveau manifeste,
2
nouvel Avertissement aux Donatistes Augustin venait de rece- .

voir l'étrange sommation de ces prêtres schismatiques qui le


menaçaient de mort, s'il persistait à tenter la conversion de
leurs fidèles Sa réponse fut cette proclamation, où il déclarait
3
.

publiquement, en développant ses raisons, qu'il continuerait


sa propagande. Il expliquait d'abord que « l'amour du Christ
ne lui permettait pas de se taire », devant cette impudente
sommation 4 Il s'efforcerait donc de rétablir l'unité religieuse.
.

5
Il repoussait ensuite les accusations des schismatiques justi- ,

citait des exemples de violences


6
fiait les lois de répression ,

8
racontait les origines du schisme exposait la
7
donatistes , ,

9
théorie du baptême et les caractères de la véritable Eglise
11
catholique 10 Il terminait par un appel à la réconciliation
.
.

Le dernier Avertissement aux Donatistes date du 14 juin 412 '-.


Ilfut rédigé au nom d'un concile de Numidie, mais encore par
Augustin, qui lui-même s'en déclare l'auteur 13 Comme les pré- .

cédents, ce manifeste est adressé aux Donatistes, spécialement


aux laïques. Les évêques schismatiques, vaincus à la Confé-
rence de 411, allaient partout racontant, et répétant dans leurs

1) lielract., II, 53, 1. 7) Epist. 105, 2, 4.

2) Episl. 105. 8) lbid., 105, 2, 8-10.


3) lbid., 105, 1, 1 ; 5, 17. 9) lbid., 105, 3, 11-12.

4) « Charitas Christi... tacere nobis non 10) lbid., 105, 4, 13-15; 5, 16.
permittit ». (lbid., 105, 1). 11) lbid., 105, 5, 17.
5) lbid., 105, 1, 2. 12) Epist. 141.

6) lbid., 105, 2, 3-7. 13) lielract., II, 66.


DOCUMENTS HISTORIQUES 273

1
sermons, que juge avait été acheté parleurs adversaires
le .

L'objet de la proclamation catholique était d'éclairer l'opinion.


On voulait avertir les Donatistes sincères que leurs évêques,
avant d'être condamnés, avaient été convaincus d'erreur \ Pour
cela, on se contentait de résumer les faits garanties d'impar- :

tialité, élection des mandataires, précautions prises pour assu-


rer l'exactitude des procès-verbaux*, obstructions des Dona-
4
tistes analyse des débats 5 déroute des évêques dissidents qui
, ,

s'étaient perdus par leurs maladresses dans la défense d'une


mauvaise cause 6 Invitation à lire ou à se faire lire le texte
.

1
même des procès-verbaux, exhortation à rentrer dans l'Église :

telles étaient les conclusions logiques de ce remarquable mani-


feste qui consacrait la victoire des Catholiques, et qui clôt pour
nous l'intéressante série des proclamations.
Non moins digne d'attention est le groupe des documents qui
se rapportent aux Conférences ou aux projets de Conférences
entre les deux partis. L'idée de ces controverses publiques
semble appartenir à Augustin. Mais elle fut bientôt adoptée par
les conciles, même par l'empereur elle triompha en 411, :

dans les grandes assises de la Conférence de Carthage. Le sou-


venir de ces discussions solennelles s'est conservé dans des
pièces très diverses de nature et de proportions, comptes-ren-
dus sommaires, analyses, témoignages d'auteurs, fragments,
Actes synodaux, procès-verbaux détaillés, dont la valeur histo-
rique augmente à mesure que s'étendent le champ d'action et
la portée des débats, par l'intervention des conciles et du gou-
vernement.
Dès le temps de sa prêtrise, Augustin inaugura cette tac-
tique. Vers 392, l'évêque donatiste de Sinitum, ce Maximinus
qui plus tard se convertit, rebaptisa un diacre catholique de
Mutugenna. En l'absence de son évêque, Augustin prit l'initia-
tive d'une protestation. Dans sa lettre à Maximinus, il lui pro-
posa de régler la question par une discussion publique, en pré-
sence des fidèles « J'ai résolu, écrivait-il, j'ai résolu, dans la
:

mesure de mes forces et de l'éloquence que Dieu daigne me


donner, de plaider la cause de l'Église dans des conférences
pacifiques par nos discussions, tous ceux qui sont en commu-
:

nion avec nous sauront quelle différence il y a entre les


hérésies ouïes schismes et l'Église catholique... Si tu acceptes

1) Augustin, Epist. 141, 1 et 12; Ad 4) Epist. 141, 3.

Donatistas post Collât., 1; Possidius, 5) Ibid., 141, 4-1 i.

Vita Augustini, 16. 6) Ibid., 141, 12.


2) Augustin, Epist. 141, 1. 1) Ibid., 141, 13.
3) Ibid , 141, 2.

IV 18
274 LE DONATISME

volontiers cette conférence avec moi, si tu admets que nos


lettres à tous deux soient lues aux fidèles, j'en éprouverai une
joie ineffable » Il ne semble pas que Maximinus ait donné
'
.

suite au projet; mais le prêtre d'Hippone venait d'ouvrir la voie.


Une fois évêque, Augustin put agir et parler avec plus d'auto-
rité. Dans les premières années de son épiscopat, il invita à
des controverses publiques plusieurs évêques dissidents du voi-
sinage, qui se dérobèrent pour la plupart des procès-verbaux :

officiels de convocation (pubiica Gesta) constataient et permet-


taient de prouver à tous, avec ses propositions de paix, le refus
de ses adversaires 2 .

L'un de ces prudents adversaires était Proculeianus, l'évêque


schismatique d'Hippone. Nous possédons encore le compte-
rendu de plusieurs conversations, relatives aux projets de
conférences entre les deux chefs des Eglises rivales. Un jour,
dans une maison neutre, Proculeianus rencontra Evodius,
l'élève et l'ami d'Augustin. On parla de la querelle religieuse,
des moyens de rétablir la paix. Au cours de l'entretien, Procu-
leianus déclara qu'il désirait conférer avec Augustin en présence
des notables Ces bonnes dispositions ne durèrent pas. Les
3
.

jours suivants, le Donatiste se plaignit d'Evodius, qui, dans la


chaleur de la discussion, avait laissé échapper quelques mots
un peu vifs*. Augustin écrivit à son collègue schismatique
pour excuser jeune clerc, et pour annoncer que lui-même
le
acceptait le conférence
projet de controverse publique ou :

privée, au choix de son adversaire, en présence de qui l'on


voudrait, sous la seule condition que l'on dresserait un procès-
verbal des débats'. Les choses en restèrent là. Proculeianus
répéta bien, dans une autre conversation, qu'il était partisan
d'une Conférence entre dix notables de chaque Église 6 Mais, un .

autre jour, comme on lui reparlait du projet, il demanda sur


un ton d'impatience pourquoi Augustin n'était pas allé argu-
menter à Constantine, où venaient de se réunir les évêques
donatistes, et pourquoi il n'allait pas à Milev, où devait s'ouvrir
un nouveau concile'. C'était une lin de non-recevoir. Bientôt
même, Proculeianus prit une attitude hostile, à la suite d'une
affaire de baptême et d'une enquête exigée par les Catholiques.
8
Il refusa désormais de recevoir les lettres d'Augustin ,
qui

\) Episl. 23, 6. 4) Epist. 33, 3.

2) Possiclius, Yita Auguxli/ii, 10. — 5) lbid., 33, 4.


Cf. Augustin, Episl. 33-35; 51 ; 6C ; Con- 6) lbid., 34, 5.
tra Hlleras Petiliani, I, 1. 7) lbid., 34, 5.

3) AugustiD, Epist. 33, 2. 8) lbid., 35, 1.


DOCUMENTS HISTORIQUES 275

essaya vainement, par l'intermédiaire d'un magistrat, de cor-


respondre avec son collègue et de l'amener à une conférence'.
Sept ans plus tard, quand il reprendra son projet en vertu des
instructions du concile de Carthage, Augustin se heurtera à la
même intransigeance*.
Il ne fut guère plus heureux avec Crispinus de Calama. Il

l'avait rencontré à Carthage, vers 397 il avait eu alors avec


:

lui une assez vive discussion, et avait obtenu on ne sait quelle


promesse Les deux évêques étaient depuis longtemps rentrés
3
.

dans leurs diocèses respectifs, quand fut agité entre eux un


projet de conférence. C'était vers 399. Crispinus, paraît-il,
avait exprimé le désir d'une controverse publique sur les ques-
tions qui séparaient les deux Églises. Cette fois, c'est Augustin
qui se déroba. Il connaissait le caractère de l'homme, et
semble avoir suspecté sa bonne foi; en outre, il craignait,
dit-il, que les personnes les plus directement intéressées ne
pussent assister aux débats. Il écrivit donc à Crispinus que
1
désormais il discuterait seulement par lettres il lui envoyait :

en même temps un certain nombre de questions et d'objec-


tions". Cependant, il revint vite à son idée première. Un an
plus tard, quand Crispinus rebaptisa d'autorité les colons de
son domaine, Augustin lui proposa une conférence populaire,
en présence des colons eux-mêmes. On dresserait le procès-ver-
bal, qui serait traduit en punique; et les intéressés choisiraient
librement entre les deux Églises. On pourrait procéder de
même à l'égard des Donatistes convertis
6
. Crispinus écarta
dédaigneusement ce projet, comme il repoussa ensuite les pro-
positions de conférence que lui notifia Possidius, son collègue
7
catholique de Calama .

Les Donatistes de Thubursicum Numidarum se montrèrent


beaucoup plus conciliants. Vers la fin de 397 ou le début de
398, Augustin eut avec quelques-uns d'entre eux plusieurs
conférences, dont il nous a laissé un compte-rendu détaillé.
Comme on n'avait pu faire rédiger de procès-verbaux complets,
il résuma lui-même les discussions dans des lettres qui devaient

en tenir lieu, et qu'il soumit à l'approbation de ses contradic-


8
teurs .

Il était évêque depuis deux ou trois ans, quand il eut l'occa-


sion de se rendre à Thubursicum Numidarum (aujourd'hui
1) Epist. 34 et 35. 5) Epist. 51, 2-5.
2) Epist. 88, 1. 6) lbid., 66, 2.
3) Epist. 51, 1. 7) Contra Cresconium, III, 46, 50,
4) lbid., 51, 1. 8) Epist. 43 et 44.
276 LE DONATISME

Khamissa), ville située au Sud d'Hippone, non loin de Tha-


gaste'. Il y connut un groupe de Donatistes, Glorius, Eleusius,

Félix, Grammaticus, d'autres encore, avec qui il eut de longues


discussions. La controverse porta principalement sur les ori-
gines du schisme. Dans la première réunion, les dissidents
produisirent les Actes du Concile de 312, qui avait déposé
Caecilianus de Carthage. Augustin répliqua en alléguant les
nombreuses pièces qui attestaient la légitimité de Caecilianus,
les intrigues de ses ennemis, et les condamnations répétées du
Donatisme sous le règne de Constantin 2 Mais il ne put faire .

lire les documents eux-mêmes, qu'il n'avait pas sous la main.


Il proposa donc d'ajourner la discussion, pour avoir le temps

de se procurer les pièces nécessaires. On prit rendez-vous pour


le surlendemain. En attendant, il alla régler une autre affaire
dans une ville voisine 3
.

Deux jours après, nouvelle conférence à Thubursicum, entre


les mêmes personnages. Les documents étaient arrivés. Dans
la matinée, on donna lecture du Protocole de Cirta, et des
Gesia proconsularia relatifs à l'enquête sur Félix d'Abtbugni.
L'après-midi, on lut la Requête des dissidents à Constantin, les
Actes du Concile de Rome, la lettre où l'empereur notifiait sa
sentence en faveur de Caecilianus. Augustin tira de ces pièces
les conclusions ordinaires, répondit aux objections de ses
4
interlocuteurs, et les exhorta à se convertir .

Quelques mois sans doute avaient passé, quand une confé-


rence plus solennelle mit en émoi la population de Thubursi-
cum. Augustin venait encore d'arriver dans cette ville; il se
rendait à Constantine pour une ordination, mais n'avait pas
pris le plus court chemin. Glorius et ses amis lui avaient fait
l'éloge de leur évêque Fortunius, comme ils avaient fait à For-
tunius l'éloge d'Augustin les deux hommes étaient curieux do
:

se voir et de s'entendre. A peine arrivé, Augustin écrivit à


l'évêque schismatique pour lui proposer une entrevue et une
discussion Fortunius y consentit de bonne grâce. La nouvelle
;

se répandit dans la ville, où l'évêque d'Hippone, presque un


compatriote, était bien connu et fort admiré. Quand Augustin
se mit en route pour rendre visite au Donatiste, la foule l'atten-
dait. Elle le suivit, et, derrière lui, envahit le local de la confé
rence. D'ailleurs, cette foule était composée surtout de curieux,
qui couraient là comme au spectacle. Les orateurs eurent bien

I) Episl. 43, 2, 3 et o ; 4 4, i. 3) Epiai. 43, 2, 5.


2 Ibid., 4:<, 2. 3-4. 4) Ibid., 43, 2-9, 5-27.
DOCUMENTS HISTORIQUES 277

de la peine à obtenir un peu de silence'. Néanmoins, après un


échange de compliments, la discussion s'engagea. Elle se
poursuivit tant bien que mal, pendant des heures, devant un
public très nombreux, sympathique, mais turbulent et bavard 2 .

On parla de tout ce qui divisait les deux partis les caractères :

de la véritable Église la persécution*, les rapports avec les


3
,

communautés d'outremer les origines du schisme 8 les vio- 5


, ,

7
lences réciproques, l'attitude envers les pécheurs, le baptême ,

et bien d'autres questions accessoires, soulevées au hasard de


la controverse, dans l'intervalle des manifestations tumul-
tueuses du public. En terminant, Ton se mit d'accord sur le
projet d'une autre conférence, de plus de portée, entre dix
évêques donatistes et dix évêques catholiques, qui devraient à
8
tout prix trouver une formule d'entente Pour assurer la tran- .

quillité des débats dans la future conférence, Augustin propo-


sait de choisir un terrain neutre, une maison de campagne
située sur le territoire de Thubursicum ou de Thagaste, la Villa
Titiana ou une autre, en tout cas, une maison assez éloignée
des cités pour qu'on n'eût à redouter ni le tumulte des foules
9
ni l'affluence des importuns et des badauds .

Sur ces conférences de Thubursicum, le compte-rendu


d'Augustin est merveilleux de précision et de vérité pitto-
resque. Quelques traits suffisent à dessiner les attitudes variées
des auditeurs, ou des spectateurs de ce public frivole, que :

n'anime aucune mauvaise intention, mais qui veut voir, qui


veut entendre, qui veut crier, et qui, malgré les prières ou les
objurgations, couvre de son brouhaha la voix des orateurs 10 .

Au milieu de tout ce bruit, la controverse semble aller presque


au hasard. Les assistants en sont responsables pour une moi-
tié; pour l'autre, l'évêque donatiste. Augustin cherche en vain
à diriger, à ramener le débat vers les questions essentielles :

dès qu'on touche aux points délicats, son adversaire se dérobe,


le tapage aidant. Au milieu des redites, des sous-entendus et
des propos oiseux, la discussion se déroule avec l'allure capri-
cieuse, le laisser-aller incohérent d'une conversation. Telle fut,
dès le début de la conférence avec Fortunius, l'impression des
greffiers eux-mêmes. Augustin demandait que toutes les
paroles prononcées fussent recueillies par des notarii ou sténo-

1) Epis t. 44, 1, 1. 6) Epist. 44, 4, 8.


2) Ibid., 44, 1,2. T, Ibid., 44, a, 10.
3) Ibid., 44, 2, 3. 8) Ibid., 44, S, 12.
4) Ibid., 44, 2, 4; 4, 7 et 9 ; 5, 11. 9) Ibid., 44, 6, 14.
5} Ibid., 44, 3, 5-6. 10, Ibid., ii, 1, 1-2; 5, 11; 6, 14.
278 LE DONATISME

graphes. Il l'obtint, non sans peine, de son adversaire mais ;

des sténographes de profession, qui se trouvaient dans l'assis-


tance, refusèrent leur concours. Il fallut s'adresser à des clercs
ou à des auditeurs de bonne volonté, qui consentirent à rem-
plir l'office de greffiers. Ces sténographes improvisés firent
d'abord de leur mieux. Bientôt, ils se déclarèrent impuissants
à consigner sur leurs tablettes, au milieu du vacarme des assis-
tants, les soubresauts d'une controverse nécessairement entre-
coupée Augustin y a réussi pourtant. Il a noté, dans son
1

compte-rendu, jusqu'aux menus incidents, à ces petits détails


qui donnent l'impression de la vie. Par exemple, il indique lui-
même, d'un trait discret et spirituel, la façon dont il est sorti
d'embarras dans un moment critique. Fortunius, pour démon-
trer que les Donatistes étaient longtemps restés en communion
avec les Églises d'outre-mer, produisait une lettre adressée à
Donat le Grand par un concile de Sardique. Augustin, qui ne
connaissait pas ce document, ne savait trop que dire. Tout à
coup, son ami Alype, évêque de Thagaste, qui regardait par
dessus son épaule, lui murmura un mot à l'oreille. Augustin
était tiré d'affaire en lisant quelques phrases de la lettre syno-
:

5
dale, il prouva aisément qu'elle émanait d'un concile arien .

Ce qu'on doit noter encore, dans ces conférences de Thubur-


sicum, c'est le ton courtois des discussions. On fait assaut
d'arguments et de textes, non d'accusations ou d'injures.
Augustin loue la modération de Glorius et de ses amis il ;

déclare qu'il ne les considère pas comme des hérétiques Ces 3


.

Donatistes, à leur tour, ont autant d'admiration pour Augustin


que de vénération pour leur évêque*. Fortunius est un honnête
homme et un galant homme. Il accepte de bonne grâce
l'entrevue proposée. Il prélude à la discussion par des compli-
ments à son adversaire. Il condamne les violences de certains
schismatiques. Il regrette la décision des conciles donatistes
qui ordonnaient de rebaptiser tous les Catholiques. Il est d'avis
que les deux Églises devraient renoncer à se reprocher mutuel-
lement les excès de leurs partisans. 11 reconnaît la loyauté de
son contradicteur. Il montre beaucoup de bonne volonté, et
accepte le projet d'une autre conférence. Le lendemain, il va
5
rendre visite à Augustin, et le quitte à regret Ces conférences .

de Thubursicum, où les adversaires font assaut de courtoisie,


sont un spectacle reposant au milieu des querelles, des vio-

1) Episl. 44, 1, 2. 4) Epist. 44, 1, 1; 2, 3.


2) Ihid., 44, 3, 6. ;i) Ibid., 44, 1, 1 : 2, 3 ; 5, 12 ; 6, 13.
3) //m/., 43, \.
DOCUMENTS HISTORIQUES 279

lences et des meurtres, où s'emportait trop souvent la rivalité


des deux Églises.
Spectacle unique, au moins dans les conférences du temps.
Le plus souvent, d'ailleurs, on n'en vint même pas à la discus-
sion publique devant le mutisme intransigeant des Donatistes,
:

1
les appels les plus éloquents n'avaient pas d'écho Augustin .

ne renonça pas pour cela à son idée. Il essaya de discuter par


correspondance, et y réussit parfois 2 Dans des circonstances .

graves, il proposa de nouveau des conférences contradictoires


à des évêques de Numidie. Vers 406, à un moment où les Cir-
concellions redoublaient de rage dans les environs d'Hippone,
il tenta une démarche solennelle auprès de Ianuarianus, le pri-

mat schismatique de la province. Tout en le sommant d'arrêter


les violences, il l'invita à négocier la réunion d'une grande
conférence entre les deux partis, ou, tout au moins, entre les
3
évêques de la région Tout porte à croire que Ianuarianus fit
.

le sourd.
A Hippone même, dans sa ville épiscopale, Augustin dut
abandonner tout projet de discussion et d'entente avec son
collègue schismatique. Un document significatif, rédigé vers le
milieu de 410, nous peint l'état des esprits dans le camp
ennemi. Macrobius, le nouvel évêque donatiste, le successeur
de Proculeianus, venait de faire son entrée dans la ville,
presque en triomphe, au milieu des bandes de Circoncellions'.
Peu de temps après, on annonça qu'il allait rebaptiser un
sous-diacre catholique, passé au schisme à la suite d'une
excommunication \ Augustin envoya aussitôt à Macrobius deux
notables de sa communauté, Maximus et Theodorus, chargés de
lui remettre une lettre de protestation. Voici le procès-verbal
de l'entrevue « Suivant les instructions de ta Sainteté, nous
:

nous sommes rendus auprès de l'évêque Macrobius. Comme


nous lui présentions la lettre de ta Béatitude, il refusa d'abord
d'en entendre la lecture. Enfin, il se laissa émouvoir par notre
insistance, et consentit à écouter. Après la lecture, il dit : « Je
« ne puis me dispenser d'accueillir ceux qui viennent à moi, et
« de leur donner le sacrement qu'ils ont sollicité ». Comme
nous lui demandions son sentiment sur la conduite de Primia-
nus, il dit qu'il avait été récemment ordonné, qu'il ne pouvait
se faire le juge de son primat, qu'il s'en tenait aux règles éta-

1) Possidius, Vita Augustini, 10 ; Au- 70 ; 93.


gustin, Epist. 43, 1 ; Contra litlevas Pe- 3) Epist. 88, 10.
tiliani, 1,1. 4) Epist. 108, 5, 14.
2) Augustin, Epist. 49 ;
52-53 ; 56-57 ; 5) Epist. 106 ; 108, 6, 19.
280 LE DONATISME

blies par ses anciens «.Augustin crut devoir


réfuter longue-
5
ment ces réponses ; mais
raison et l'éloquence des Catho-
la

liques avaient peu de prise sur Macrobius.


Emeritus, l'évêque schismatique de Caesarea, n'était pas plus
accommodant, pas plus disposé à agréer des propositions de
Conférences. Augustin, qui malgré tout l'estimait, avait essayé
vainement de l'amener à discuter, au moins par lettres 3 Mais, .

en 411, à la Conférence de Carthage, les deux évêques se trou-


vèrent face à face, chacun d'eux au premier rang des cham-
4
pions de son parti Sept ans plus tard, un concours singulier
.

de circonstances mit encore en présence les deux adversaires.


Ce jour-là, le 20 septembre 418, Augustin savoura l'un de ses
3
plus beaux triomphes oratoires Il jugeait cette séance si .

importante, qu'il faisait figurer les Gesta cum Emerito dans la


6
liste de ses ouvrages Le procès-verbal sténographié de cette
.

conférence célèbre nous est parvenu intact; il mérite une étude


détaillée, qu'on trouvera plus loin, au dossier d'Emeritus.
Cependant, ces controverses avec tel ou tel évêque schisma-
tique, que ce fût Emeritus, Macrobius ou Ianuarianus, n'étaient
plus que des épisodes dans l'ardente campagne qui se poursui-
vait contre le Donatisme. Depuis longtemps, l'idée d'Augustin
sur l'utilité des Conférences publiques avait pris une forme
nouvelle elle s'était élargie et précisée, au point de devenir la
:

préoccupation dominante des conciles, le principe dirigeant


de leur politique. Peu à peu, dans les cercles catholiques afri-
cains, on était arrivé à cette conviction, que le moyen le plus
pratique et le plus sûr de supprimer le schisme était de faire
trancher définitivement la question par une conférence géné-
rale entre mandataires des deux partis. Pour que cette confé-
rence donnât les résultats attendus, elle devait avoir un carac-
tère officiel, qui engageât également les deux Églises. Aux
initiatives individuelles devait donc s'ajouter ou se substituer
l'action des conciles, qui au besoin solliciteraient l'interven-
tion des magistrats. D'où l'aspect nouveau des documents qui
se rapportent à ces projets. Ce ne sont plus des procès-verbaux
quelconques ce sont des Gesta publica, des documents offi-
:

ciels, rédigés par ordre des magistrats, sous leur surveillance et


leur responsabilité.

1) Episl. 107. — Cf. Episl. 108, 1, 1- 97 et suiv. 200 et suiv.


; 260 et suiv. ;

2 ; Sermo 46, 13, 31. 5) Augustin, Sermo ad Caesareensis

2) Epist. 108. Ecclesiae plebem, 1 cl suiv. ; <iesla cum


3) Epist. 87. Emerito, 1 et suiv.

4) Collât. Carthag., 111, 39 et suiv. î 6) lielract., Il, 77.


DOCUMENTS HISTORIQUES 281

Le premier concile qui entra dans cette voie, est le concile


tenu à Carthage le 13 septembre 401. 11 vota le principe d'une
tournée de conférences, où l'on engagerait des controverses
publiques avec les Donatistes une députation d'évêques catho- :

liques, munie d'instructions précises (mandatum), se rendrait


de ville en ville, se mettrait partout en rapports avec la com-
munauté schismatique, et préparerait le retour à l'unité en
cherchant à dissiper les malentendus, en démontrant au public
que les évêques primianistes avaient eux-mêmes renié leurs
principes dans leur conduite envers les Maximianistes Pour 1

fournir une base solide à ces discussions, on pria les gouver-


neurs africains d'ouvrir partout des enquêtes sur les démêlés
entre les deux sectes donatistes, et de faire consigner le résul-
tat de ces enquêtes dans des Gesta publica*. Nous ne savons ce
qu'il advint de cette campagne.
En 403, des controverses ou des entrevues officielles, par-
devant les magistrats, entre les évêques des deux partis, eurent
lieu dans presque toutes les cités africaines. Le concile de Car-
thage du 25 août, dans l'espoir de faciliter et de hâter la convo-
cation d'une conférence générale qui supprimerait le schisme,
avait imaginé de mettre tous les évêques schismatiques en
demeure d'adhérer au principe de cette conférence. Il avait
décidé que, dans toutes les villes où les deux Églises étaient en
présence, l'évêque catholique négocierait sur ce point, suivant
une procédure fixée d'avance, avec son collègue donatiste En 3
.

même temps, l'on avait demandé aux gouverneurs africains de


faciliter ces négociations et d'en faire dresser partout le pro-
cès-verbal 4 Le programme fut suivi de point en point. A ces
.

négociations et conférences entre évêques rivaux, se rap-


portent deux groupes de Gesta pablica ou documents officiels :

1° des Gesta jitdicum, procès-verbaux relatifs aux démarches


5
faites auprès des gouverneurs 2° des Gesta municipal? a, pro- ;

cès-verbaux dressés en différentes villes, par le soin des auto-


rités locales, et relatifs à l'entrevue de l'évêque catholique avec
6
l'évêque donatiste .

Les Gesta judicum, rédigés sous les yeux des gouverneurs et

1) Codex canon. Ecoles, afric, can. tin, Brevic. Collât., III, 5, 6. — Cf. Co-
66-67 ; 69 ; 85. dex canon. Ecoles, afric, can. 92.
2) lbid., can. 61. — Cf. can. 69. 6) Collât. Carthag., III, 116; Augus-
3) lbid., can. 91-92. — Cf. Augustin, tin, Brevic. Collât., III, 4, 4 5, 6 8, ; ;

Contra Cresconium, 111, 45, 49; Epist. 11 ; Ad


Donatistas post Collât., 1,1;
88, 7. 16, 20; 31, 53; Contra Cresconium, III,
4) Codex canon. Ecoles, afric, can. 91. 46, 50 ; IV, 47, 57 ; Epist. 88, 7 ; Sermo
5) Collai. Carthag., III, 174 ; Augus- // in Psalm. 36, 18.
282 LE DONATISME

conservés dans leurs archives, avaient pour objet de constater,


de prouver au besoin, que les Catholiques avaient obtenu
l'autorisation de requérir partout l'intervention des autorités
municipales pour la convocation de l'évêque schismatique et la
rédaction du procès-verbal de l'entrevue. Les deux pièces essen-
tielles de ces dossiers étaient la requête du concile de Carthage
et la réponse du gouverneur. Il est très vraisemblable que des
Gesta de ce genre ont existé dans les Archives de toutes les pro-
vinces africaines. Deux de ces recueils sont mentionnés
expressément les Gesta proconsularia et les Gesta vicariae
: ,

praefeclurae, tirés des archives du proconsul de Carthage et du


vicaire d'Afrique'. Sur le second de ces dossiers, nous n'avons
pas de données précises mais on peut se le représenter d'après
;

le premier, qui est presque entièrement conservé. En effet, nous


possédons encore le texte à peu près complet des deux pièces
principales dont se composaient les Gesta proconsularia la :

requête du concile au proconsul Septiminus, et la réponse de


ce proconsul, c'est-à-dire son édit, dont il a été question plus
haut 2
.

Quant aux Gesta municipalia, ils ont dû être innombrables,


puisqu'on devait en dresser dans toutes les villes où étaient en
présence deux communautés rivales. On peut reconstituer le
contenu de ces dossiers à l'aide des fragments conservés, et
d'après le modèle de procédure (Forma co/tventionis Donatista-
ram) envoyé à tous les évêques catholiques par le concile du
25 août. Tous ces procès-verbaux renfermaient 1° l'édit du :

gouverneur, autorisant les négociations; 2° le mandatum,


c'est-à-dire l'invitation ou la sommation adressée par le Catho-
lique au Donatiste 3° la réponse du Donatiste
;
3
La seconde .

de ces pièces, le mandatum était partout identique nous en
, :

avons le texte complet dans les Actes du Concile*. La première


pièce variait seulement avec la province nous en possédons :

5
un spécimen dans l'édit du proconsul Septiminus La troisième .

pièce différait, naturellement, d'une ville à l'autre nous con- :

naissons, au moins par fragments, les réponses des évêques


G
donatistes de Carthage, d'Hippone et de Calama .

A Carthage, les deux primats, les chefs suprêmes des deux


I) Collai. Carlhng., 111, 174. — Cf. nium, III, 46, 50.
111, 141 et 146 ; Augustin, Brevic. Collai., 4) Codex canon. Eccles. a fric, can.
III 5, 6. 92.
ollat. Curtha;/., III, 174. 5) Collai. Carthag., III, 174.
3) Coder canon. Eccle*. afric, can. 6) Collai. Carlhaq., III, 116; Augustin,
92. — Cf. Col/ut. Carthag., III, 116; Contra Cretconiwn, III, 46, 50 : Epist.
Augustin, Epist. 88, 7 ; Conlra Cresco- 88, 7.
DOCUMENTS HISTORIQUES 283

Églises rivales, se trouvèrent en présence Convoqué par un 1


.

magistrat municipal sur la demande d'Aurelius, Primianus


apporta ou envoya une réponse écrite, qu'il fit lire par un
diacre C'était une fin de non-recevoir, sur un ton de défi,
2
.

avec récriminations et injures. Primianus repoussait catégori-


quement les propositions de conférence « Ce serait une indi- :

gnité, disait-il, que de réunir les fils des martyrs et les descen-
dants des traditeurs »*. Il osait railler l'appui prêté aux
Catholiques par le gouvernement « Eux, ils apportent les :

lettres sacrées de nombreux empereurs; nous, nous offrons


seulement les Évangiles »\ Puis, faisant allusion aux confisca-
tions de basiliques « Eux, ils volent le bien d'autrui; nous,
:

nous renonçons à ce qu'on nous vole » 5 Il protestait contre .

les persécutions « Vos ancêtres ont proscrit nos pères, qu'ils


:

6
ont exilés de tous côtés » Il prétendait que les Catholiques, en
.

ce moment même, « aiguisaient leurs épées »\ Telles sont —


les déclarations qu'eut à enregistrer le greffier du magistrat de
Carthage, dans les Gesta miinicipalia. Cependant, Primianus
était si content de sa réponse, qu'il crut devoir la notifier par
8
une lettre circulaire à tous les évêques de son parti Puis, il .

convoqua un concile, qui refusa définitivement la conférence 14

Dans la ville d'Augustin, l'évêque donatiste, qui au fond


n'était pas moins intransigeant, se montra plus diplomate. Les
magistrats d'Hippone eurent à faire rédiger un double procès-
verbal, parce qu'il y eut deux entrevues successives, à quelques
semaines ou quelques mois d'intervalle. Dès son retour de Car-
thage, Augustin se préoccupa d'agir conformément aux pres-
criptions du concile, prescriptions qu'il avait d'ailleurs
inspirées. Une première fois, il fit convoquer devant les magis-
trats de la cité son collègue schismatique Proculeianus se :

contenta de déclarer que les évêques de son parti allaient se


réunir en concile pour aviser, qu'il ajournait donc sa réponse.
Après le concile donatiste, Augustin revint à la charge, et fit
adresser à son collègue une nouvelle convocation cette fois, :

1) Collât. [Cartkug., 111, 116; Augus- lat., 31, 53; Senno II in Psalm. 36, Irt.
tin, Brevic. Collât., III, 4, 4 ;
S, 11 ;
Ad 5) Contra Cresconium, IV, 47, 57 ;

Donalistas post Collât., 1, 1 16, 20; ; Brevic. Collât., III, 8, H ; Sermo II in


31, 53; Contra Cresconium, IV, 47, 57 ; Psalm. 36, 18-19.
Sermo II in Psalm. 36, 18. 6) Ad Donatistas post Collât., 16, 20.
2) Augustin, Ad Donatistas post Col- 7) Sermo II in Psalm. 36, 18.
lat., 1. 8) Ibid., 36, 18.
3) Collât. Carthag., III, 116; Augustin, 9) Collât. Cartfiag., III, 110; Augustin,
Brevic. Collât., 111, 4, 4; Ad Donatistas Epist. 76, 4 ;
8S,7 ; Contra Cresconium,
vos/. Collât., 1. 111, 46, 50.
4) Augustin, Ad Donalistas post Col-
284 LE DONATISME

Proculeianus consentit à répondre, mais pour refuser la confé-


rence. Augustin garda précieusement les copies des deux pro-
cès-verbaux, pour s'en servir à l'occasion
1
.

Les choses se passèrent de même à Calama, si ce n'est que


l'évêque donatiste y fit rire à ses dépens. Là aussi, il y eut
double entrevue, et double procès-verbal Possidius ayant fait 2
.

convoquer son collègue devant les magistrats, Crispinus


déclara, comme Proculeianus, qu'il allait se rendre à un concile
donatiste, et qu'il répondrait seulement à son retour. La
seconde convocation eut lieu, nous dit-on, assez longtemps
après. Crispinus consentit à comparaître, mais on ne put tirer
de lui autre chose que des versets bibliques. A la première
question, il répondit par une citation du livre des Macchabées :

« Ne crains pas les paroles du pécheur » Puis, ce fut un pas- 3


.

sage des Proverbes « Garde-toi de parler devant les oreilles


:

d'un insensé s'il t'entend, il raillera la sagesse de tes dis-


:

cours »*. Pressé de s'expliquer, il ajouta « Voici ma réponse, :

conforme au langage du patriarche Que les impies s'éloignent :

de moi, je ne veux pas connaître leurs voies » Le prophète '".

donatiste de Calama eut en Numidie un succès de fou rire. On


se moqua de cet apôtre, qui ne voulait pas connaître les impies ;

de cet orateur si discret, qui ne s'aventurait pas à parler en


public, comme si personne lui demandait ses secrets de ce ;

héros qui déclarait ne pas craindre les paroles du pécheur, et


qui cependant n'osait pas répondre. On rit beaucoup mais :

quelques' jours plus tard, aux environs de Calama, une bande


d'énergumènes, conduite par un prêtre schismatique, tendit
une embuscade à l'évêque catholique, le roua de coups, essaya
même de le brûler vif \
L'intransigeance des sectaires, l'exemple et la circulaire de
Primianus, la décision du concile donatiste, avaient fait échouer
7
à la fin de 403 le projet d'une conférence générale et les ;

Catholiques purent désespérer de le voir jamais aboutir. Cbose


curieuse, les dissidents furent les premiers à reprendre ce pro-
jet et, circonstance aggravante, ils s'adressèrent au pouvoir
;

séculier. Traqués sans merci depuis 405 en vertu de l'édit d'u-


nion, ils commençaient à regretter le temps où ils n'étaient
menacés que de controverses et de sermons. Au début de l'an-
1) Augustin, Epist. 88, 7. 6) Possidius, Yita Auguslini, 14; Au-
2) Contra Cresconium, III, 46, 50. gustin, Contra Cresconium, III, 46, 50 ;
3) / Macchab., 2, 62. Epiât. 105, 2, 1.

4) Proverb., 23, 9. 7) Collât. Car thag., III, 110: Augustin,


'>) Augustin, Contra Cresconium, III, Epist. "36,4; 88, 7: 10ri, 4, 13; Contra
46, 50 - Cf. Job, 34, 27. Cresconium, III, 46, 50.
DOCUMENTS HISTORIQUES 285

née 406, une députation d'évêques donatistes, parmi lesquels


Primianus de Carthage et Maximinus de Sinitum, se rendit en
Italie. Arrivés à Ravennes, où était la cour, les schismatiques
demandèrent une audience au préfet du prétoire. Le 30 janvier,
ils remirent à ce fonctionnaire une requête, qui donna lieu à

un assez long débat Leur requête paraît avoir eu un double


1
.

objet. D'abord, ils sollicitaient la convocation d'une conférence


générale entre les mandataires des deux Églises africaines. En
attendant, puisqu'ils étaient persécutés, ils prétendaient plai-
der leur cause devant le préfet du prétoire pour que le juge :

pût entendre la voix des deux partis, ils le priaient de convo-


quer en même temps des évoques catholiques africains, dont
un certain Valentinus, qui se trouvaient également à Raven-
nes-. Le préfet, après quelques questions et objections, opposa
un refus catégorique, fondé sur les trois raisons suivantes :

l'empereur seul avait autorité pour ordonner la réunion d'une


conférence générale, les Catholiques africains présents à
Ravennes n'avaient pas mandat de parler au nom de leur Eglise,
et le rôle d'un fonctionnaire se bornait à faire appliquer l'édit
impérial, l'édit d'union Suivant l'usage, on dressa un pro-
3
.

cès-verbal, où étaient consignées la requête des Donatistes, leurs


déclarations faites à l'audience, et la réponse du préfet ce sont :

ces Gesta pracfectoria de Ravennes, dont il est souvent ques-


4
tion dans la littérature africainedu temps De ce document, .

le préambule seul nous est parvenu c'est que les Donatistes :

firent tous leurs efforts pour en empêcher la divulgation. Ils


regrettèrent vite leur démarche maladroite et intempestive,
qui fournit contre eux aux Catholiques un argument décisif.
1

Dans la Conférence de 411, à plusieurs reprises, le président


essaya vainement de faire lire les Gesta praefectoria malgré :

toutes les tentatives des greffiers, il dut y renoncer devant


5
l'obstruction des Donatistes .

La fameuse conférence, réclamée tour à tour par les deux


partis, finit par se réunir.Les Catholiques reprirent leur pro-
jet en 410; leur concile du 14 juin le fît aboutir en s'adressant
directement à l'empereur, qui, par sa constitution du 14 octobre,
chargea un commissaire spécial de convoquer les deux partis,
de présider les débats, de rétablir l'unité au profit de l'Eglise
victorieuse
6
A cette conférence de Carthage, qui siégea du 1 er
.

\) Collai. Carthag., III, 141 ; Augus- Donatistas post Collât., 25, 44; Epist.
tin, Brevic. Collât., III, 4, 5 et suiv. 88, 10.
2) Augustin, Epist. 88, 10. S) Collât. Carthag., III, 110; 124 128- ;

3) Ibid., 88, 10. 130; 140-141; 153-154; 170; 173.


4) Brevic. Collât., III, 4,4-5; 5, 6; Ad 6) Codex canon. Eccles. afric, can.
286 LE DONATISME

au 8 juin 411, se rapporte un dossier extraordinairement volu-


mineux, les Gesta Collation/s, que nous nous contentons de
mentionner ici. C'est aux Actes des Conciles qu'il faut joindre
ce dossier car l'idée d'Augustin avait fait son chemin, et il y
:

a loin des modestes controverses d'Hippone aux solennelles


assises de la conférence officielle de Carthage.

Dossiers judiciaires du Donatisme au temps d'Augustin. Gesta pub/ica relatifs —


n des enquêtes faites à Hippone en 396 et en 403. Pièces des procès intentés —
par les Catholiques à des Donatistes. —
Procès de Circoncellions des environs
d'Hippone en 1595. —
Procès intenté par des évèques catholiques à I'évêque
donatiste Optatus de Thamugadi, vers 395. Les procès de Crispinus de Calama, —
in 403-404. —
Procès intentés aux Donatistes en 404 par Maximianus de Bagaï et
par Servus de Thuhursicum Bure. Autres procès à la tin de 408. — Procès —
des Circoncellions d'Hippone en 411-412. Pièces des procès intentés par les —
Primianistes aux Maximianistes pour la restitution des basiliques (39S-397). —
Gesta proconsularia et Gesta municipalia relatifs aux actions judiciaires des
deux partis. —
Les procès de Maximianus de Carthage. Les procès de Salvius —
de Membressa. —
Les procès de Felicianus de Musti et de Praetextatus d'Assu-
ras. —Autres procès qui se rapportent indirectement au Donatisme. Procès —
de Marcellinus et d'Apringius en 413. Pièces de l'enquête de Fussala. —
A tous ces documents, qui marquent pour nous, au temps
d'Augustin, les principaux incidents de la lutte entre les deux
Églises, on doit joindre une riche série de dossiers judiciaires.
Les Africains, au moins dans cette période de leur histoire, ont
été de terribles plaideurs la manie processive était l'expres- :

sion légale de leur humeur batailleuse. Dès l'origine du schisme,


les deux partis avaient porté leurs querelles devant les tribu-
naux témoin les Acta puryatioiiis Felicis et les Gesta apud
:

Zenophilum 1 Plus tard, sous le règne de Julien, les Donatistes


.

avaient intenté une foule d'actions judiciaires en revendication


des basiliques'. Après le schisme de Rogatus, les Parménia-
nistes s'adressèrent également aux juges civils pour se faire
rendre les églises occupées par des Rogatistes Vers la fin du 3
.

iv siècle, les procès se multiplient, d'abord entre Primia-


nistes et Maximianistes, puis entre Catholiques et Donatistes.
La revendication en justice fut, pour Augustin et ses amis, l'un
des principes de leur politique c'était la guerre légale, en face :

de la guerre à coups de bâtons ou de couteaux. La plupart des

101; Cad. T/teod., XVI, 11, 3; Collât. 2) Cod. Theod., XVI, 5, 37 ; Optât, 111,

Carthag., I, 4-5; III, 29; Augustin, lire- 3; VI, o; Augustin, Contra Epislulam
vie. Collât., I, 1 : III, 2-4. Parmeniani, I, 12, 19; Contra lit teras
1) Appendix d'Optat, n. 1 et 2, \>. 18S l'eliliuiti, II, 'J2, l'03 et 205; 1*7, 224.
et i'>7 /i > 3 y Augustin, Epis t. 93, 3, 11 et suiv.
DOCUMENTS HISTORIQUES 287

procès du temps se rapportent soit à des plaintes déposées contre


les auteurs d'attentats, soit à des contestations au sujet des
basiliques ou autres immeubles. On distingue plusieurs groupes
de dossiers enquêtes officielles, non suivies d'une action judi-
:

ciaire proprement dite procès entre Catholiques et Donatistes;


;

procès entre Primianistes et Maximianistes; procès qui se rat-


tachent indirectement au Donatisme. Parfois, l'action judiciaire
s'est poursuivie successivement devant les magistrats munici-
paux (Gesta rhunicipalia) 1 et devant le gouverneur de la pro-
,

vince (Gesta proconsulària ou Gestd vicariae praefecturae*.


Beaucoup de ces dossiers étaient volumineux, et renfermaient
des pièces de tout genre. Aucun n'est conservé entière-
ment; sur plusieurs, nous n'avons que des données très
et,

incomplètes. Mais, pour d'autres, et des plus importants, nous


possédons des renseignements précis, avec de nombreux frag-
ments. Souvent, Ton peut reconstituer assez exactement la
liste des pièces.
Certaines enquêtes, ouvertes à Hippone sur une plainte
d'Augustin, semblent n'avoir pas été suivies de procès. Telle
est l'enquête de 396. Un certain Victor, prêtre schismatique
d'une paroisse rurale, avait rebaptisé un jeune Catholique, qui
avait été réprimandé par son évêque pour avoir battu sa mère,
et qui, pour se venger, avait passé au Donatisme le prêtre
3
:

dissident tombait sous le coup des lois qui interdisaient le


second baptême. A la suite d'une plainte d'Augustin, les magis-
trats d'Hippone firent une enquête. On interrogea le prêtre Vic-
tor, qui déclara avoir agi en vertu des instructions de Procu-
leianus, son réponse fut consignée dans un
évêque : la
procès-verbal {Gesta public a) ^ Augustin ne songeait pas à .

pousser l'affaire plus loin il comptait seulement se servir de


;

la pièce dans ses controverses sur le schisme. Mais, bientôt, il


s'inquiéta. Les greffiers avaient-ils mal entendu? ou fallait-il
suspecter la bonne foi des schismatiques ? Toujours est-il que
des bruits fâcheux couraient dans Hippone. On contestait l'exac-
titude du procès verbal Proculeianus, disait-on, n'avait pas
:

donné l'ordre en question, et le prêtre Victor n'avait pas mis

1) Epist. 76, 3; 108, 5, 14 et suiv. ; 133, tulam Parmeniani, I, 11, 18 et suiv. ;

1; Contra lilteras Petiliani, II, 15, 35; Contra lilteras Petiliani, II, 15, 35; 20,
20,45; 58, 132; III, 39, 45; Contra 45; 58, 132; Conlra Cresconium, III,
Cresconium, 111, 47, 51 52, 58; 60, 66;
; 47, 51 ; 52, 58; 60, 66 ; IV, 1, 1 ; 3, 3 et
Possidius, Vita Augustmi, 13-14. suiv. Gesta cum Emerito,
;
9 ; Possidius,
2) Augustin, Epist. 51, 2: 93, 4, 12; Vita Augustini, 14„
105, 2, 4; 108, 2, 5 et suiv.; 108, 5, 14 3) Augustin, Epist. 34, 2 et 5.
et suiv.; 134, 4; 139, 1-2; Contra Epis- 4) Ibid., 34, 4-5. —
Cf. Epist. 35, 1.
288 tE DONATFSME

en cause son évêque Pour couper court à ces racontars,


1
.

Augustin sollicita une nouvelle enquête, qui porterait sur le


rôle joué en cette affaire par Proculeianus. Il s'adressa à Euse-
bius, un haut fonctionnaire romain, qui paraît avoir été légat
du proconsul pour la Numidie proconsulaire. Il lui fit parvenir
sa demande, d'abord par une délégation de fidèles, puis dans
une lettre. Il l'invitait à convoquer l'évêque donatiste d'Hip-
pone, et à le sommer de s'expliquer oui ou non, Proculeianus
:

avait-il autorisé le à rebaptiser 2 ? Eusebius


prêtre Victor
accueillit très froidement cette requête. Comme beaucoup de
fonctionnaires, il ne se souciait pas d'intervenir dans les que-
relles religieuses du pays; de plus, il était ami de Proculeianus.
Il répondit à Augustin qu'il n'avait pas à prononcer de juge-
ment (judicium) entre des évêques 3 Augustin répliqua sur un .

ton assez vif, où la mansuétude épiscopale laissait percer une


sourde irritation*. Il n'avait pas sollicité un « jugement »,
disait-il il avait simplement prié le magistrat de poser une
;

question à l'évêque schismatique, et de transmettre le procès-


5
verbal de la comparution Il profitait de l'occasion pour.

dénoncer de nouveaux méfaits des Donatistes, notamment


l'insolence d'un prêtre schismatique qui l'avait poursuivi
d'injures Il pressait Eusebius de notifier à Proculeianus cette
.

nouvelle plainte avec la question relative au prêtre Victor, et


1
de transmettre les réponses Il ajoutait que, si on ne lui don- .

nait pas satisfaction, il porterait lui-même ces faits à la


connaissance de Proculeianus par les voies judiciaires, par un
acte d'accusation « consigné sur les registres publics, ce qu'on
ne pouvait lui refuser dans une cité de droit romain » 8 Ici .

s'arrête notre dossier. Nous ne savons si Eusebius se décida à
ordonner une seconde enquête, et rien n'autorise à supposer
qu'Augustin ait intenté un procès à Proculeianus. Le dossier
se composait des pièces suivantes, dont deux sont entièrement
conservées, et dont les autres sont connues par des analyses
ou des fragments plainte d'Augustin auprès des magistrats
:

10
d'Ilippone procès-verbal de l'enquête municipale
;
lettre ;

d'Augustin, relative à la seconde enquête" réponse d'Eusebius, ;

\) Episl. 34, 4. 8) « Haec illi perferri in notitiam per


2) Ibid., 34,5. — Cf. Episl. 35 , I et 5. codices publicos feccro, qui mihinegari, ul
3) Epist. 35, 1. arbitrer, in romana civitate uon possunt »

4) Episl. 35. [Ibid., 35, 3).

5) lbid., 35, \ et 5. 9) Epist. 34, 4.


6 Ibid., 35, 2-4. 10) lbid., 34, 4-5.
7) ibid.. 3:;, 5. 11) Epist. 34.
DOCUMENTS HISTORIQUES 289

notifiant le refus du fonctionnaire' seconde lettre d'Augustin, ;

contenant de nouvelles plaintes, et insistant pour l'enquête,


avec menace de pousser l'affaire en justice'.
Les deux évêques d'Hippone se retrouvèrent en présence,
sept ans plus tard, vers le début de 403, dans une autre
enquête qui fut motivée par un attentat donatiste. Une bande
de Circoncellions, où figuraient des clercs, s'était abattue en
plein jour sur la maison d'un prêtre de Victoriana, nommé
Restitutus, qui avait abandonné le schisme pour rentrer dans
l'Église catholique. On s'empara du prêtre, qu'on entraîna dans
un bourg*voisin. Là, devant une foule de curieux qui riaient,
ou qui n'osaient intervenir, on meurtrit le malheureux à coups
de bâtons, on le roula dans la fange d'un marais, d'où on le
retira pour l'habiller d'un burlesque manteau de jonc. Dans cet
accoutrement, on le promena à travers les campagnes. On ne
le relâcha qu'au bout de douze jours, dans la crainte de la
police Dès qu'il avait eu connaissance de ces faits, Augustin
3
.

avait adressé une plainte aux magistrats d'Hippone. Procu-


leianus fut mandé devant les magistrats en présence de son
collègue catholique, qui le somma de punir les coupables
(Gestamunicipalia). Mais il se déroba, suivant sa coutume, et
ne fit même pas d'enquête. Invité une seconde fois à compa-
raître devant les magistrats, il se contenta de déclarer qu'il ne
dirait rien. L'affaire n'eut pas d'autre suite. Le dossier compre-
nait seulement la plainte d'Augustin et les deux procès-ver-
baux de comparution 4
.

Les enquêtes ouvertes sur la demande des Catholiques ne


furent pas toujours si anodines le plus souvent, elles furent
:

suivies de procès civils ou criminels, qui se terminèrent devant


le gouverneur de la province, parfois devant l'empereur. Nous
connaissons toute une série d'actions judiciaires, qui furent
intentées aux Donatistes entre 395 et 412.
C'est encore diocèse d'Hippone que nous ramène le
dans le
plus ancien des procès de cette période entre Catholiques et
schismatiques. En 395, dans le bourg d'Hasna, où résidait un
prêtre catholique, une troupe de Circoncellions envahit sou-

1) Epist. 35, 1. dendam post eliam non respondeudo puta-


2) Epist. 35. verit, satis eadem Gesta testantur » (Con-

3) Epist. 88, 6; 105, 2, 3; Contra Ira Cresconium, III, 48, 53). —Cf. Epist.
Cresconium,*lll, 48, 53. 88, 6 : « Conventus municipalibus Gestis

4) « Hoc episcopo
Hipponensi
vestro a nostro episcopo Proculeianus, cum ab
Proculeiano ipse sum questus, Gestis sane inquirenda causa dissimulasset et iterum
municipalibus... Quid responderit, quem- continuo conventus esset, nihil se dicturum
admodum ab inquirenda causa dissimula- amplius Gestis expressif ».

verit nostramque intentionem dolosius elu-

IV 19
290 LE DONATISME

dain la basilique, la saccagea, et brisa l'autel. Une plainte fut


déposée, et un procès s'engagea, sans doute devant le proconsul
d'Afrique ou son légat. Augustin, encore prêtre d'Hippone.
écrivait alors à son ami Alype, déjà évêque de Thagaste « Au :

bourg d'Hasna, où est prêtre notre frère Argentius, des Cir-


concellions ont envahi notre basilique et ont brisé l'autel. La
cause se plaide en ce moment. Nous souhaitons qu'elle se
poursuive pacifiquement, comme il convient à l'Église catho-
lique, mais en réduisant au silence la remuante hérésie nous :

vous en conjurons, priez pour nous » '. Nous ne savons si les


prières de Thagaste ont été exaucées.
Vers le même temps, des Catholiques de la Numidie consu-
laire attaquèrent en justice le farouche Optatus, évêque de
Thamugadi et chef de bandes, lieutenant de Gildon et tyran de
la bien des années, l'Église officielle de
contrée. Depuis
Numidie, malgré protection théorique de l'empereur et de
la
ses agents, tremblait devant le terrible prélat donatiste, qui
« avec ses foules armées la persécutait cruellement et lui don-
s
nait l'assaut » Vers 395, des évêques catholiques de la région
.

osèrent riposter ils intentèrent un procès à Optatus devant le


:

vicaire d'Afrique Seranus, et cherchèrent a lui faire appliquer


3
la loi de 392 sur l'amende des dix livres d'or Il ne semble pas, .

d'ailleurs, qu'Optatus se soit beaucoup inquiété de cette


menace, ni que l'affaire ait été poussée jusqu'au bout. L'accusé
se garda de comparaître, et la police ne s'aventurait guère alors
dans la région où régnait l'ami de fiildon. Augustin lui-même
n'avait sur ce procès que des renseignements assez vagues. Il
ne connaissait pas le dossier « Au sujet d'Optatus, disait-il, je
:

ne puis lire aucun document écrit... Nous n'avons pas le


moyen de le convaincre car il s'est bien gardé de se risquer
;

en justice » *.

Nous sommes beaucoup mieux renseignés sur les procès de


Crispinus, l'évêque dissident de Calama. On sait que l'origine
de ces procès fut un attentat commis, vers la fin de 403, contre
Possidius, l'évêque catholique de cette ville. Les Donatistes de
Calama étaient alors très surexcités. Crispinus, convoqué à

1) Epist. 29, 12. gem illam de decem libris auri » {ibid.,


2) « Ipsa Ecclesia catholica, solidala 11,83, 184). —
Serauus fut successivement
principibus catholicîs imperantihus terra vicaire d'Afrique et proconsul. Cf. I'allu
manque, armatis lurbisab Optato atrociier de Lessert, Fastes des provinces africai-
oppugnata est » [Contra litte-
et hostiliter nés, t. Il, p. 111 et 2IK.
ras Petiliani, II, 83, 184). 4) Augustin, Contra Cresconium, 111, 12,
3) <- Quae res coegit tune primo adTer- 15; 13, 1t>. — Cf. IV, M, 57.
sus vos allegari apud vicarium Seranum le-
DOCUMENTS HISTORIQUES 291

deux reprises devant les magistrats municipaux sur la requête


de Possidius, venait de repousser insolemment les propositions
de conférence qu'on lui soumettait en vertu des décisions du
dernier concile de Carthage. Quelques jours après le refus défi-
nitif, Possidius se mit en route pour une tournée pastorale :

il comptait se rendre dans le Fundus Figulinensis, un grand

domaine de son diocèse, pour y visiter les fidèles et tâcher de


ramener quelques dissidents. Une bande de fanatiques en
armes lui tendit une embuscade : elle avait pour chef un
prêtre schismatique, qui s'appelait Crispinus, comme son
évêque, et qui était probablement de la même famille. Le cor-
tège épiscopal s'avançait paisiblement, au pas mesuré des
bêtes de somme, quand tout à coup, au milieu du chemin, sur-
git la troupe d'énergumènes. Possidius put se réfugier dans
un domaine voisin de la route, le Fundus Livetensis. Mais on
l'y poursuivit. On fit le siège de la maison, dont on battit les
murs à coups de pierres. A trois reprises, on y mit le feu :

l'évêque eût été brûlé vif, sans l'intervention des colons du


domaine, qui éteignirent l'incendie dans la crainte de le voir se
propager, et aussi dans la crainte de payer pour les crimes
d'autrui. Enfin, la porte céda, sous la poussée des assaillants,
qui envahirent aussitôt le rez-de-chaussée, pillant le bagage
épiscopal, bousculant tout, blessant jusqu'aux bêtes dans
l'écurie. L'avant-garde s'était précipitée dans l'escalier. A
l'étage supérieur, on découvrit le pauvre évêque, qu'on fit
descendre brutalement, au milieu des injures et des coups.
Possidius ne serait pas sorti vivant des mains de ces forcenés,
si, à ce moment, le prêtre donatiste ne s'était décidé à donner

le signal de la retraite à la vue des colons de plus en plus


:

nombreux qui assistaient au drame, et qui n'étaient pas tous


de son Église, il redouta les conséquences d'un meurtre commis
devant tant de témoins 1
..

D'où ces longs procès, qui commencèrent vers la fin de 403,


et qui se terminèrent seulement dans le courant de l'année sui-
vante. A peine de retour à Calama, Possidius déposa une
plainte devant les magistrats municipaux, il somma l'évêque
:

Crispinus de désavouer son prêtre et de le punir en le dégra-


dant. Le Donatiste refusa d'intervenir. Alors, le deftnsor
Ecclesiae de Calama entra en scène il poursuivit l'évêque :

schismatique devant le tribunal proconsulaire, en demandant


l'application de la célèbre loi de Théodose contre les clercs héré-

1) Possidius, Vita Augustini, 14; Augustin, Epist. 105, 2, 4; Contra Cresconium,


III, 46, 50.
292 LE DONATISME

tiques, l'amende des dix livres d'or. A l'audience du proconsul


de Garthage, Crispinus déclara bien haut qu'il n'était pas héré-
tique. Par son assurance et sa théologie, il embarrassa si bien
le juge, et même l'accusateur, que le defensor Ecclesiae aban-
donna les poursuites. Poussé par Augustin, son maître et son
ami, Possidius reprit pour son compte l'accusation. Le procès
recommença donc à Carthage. Devant le tribunal du proconsul
d'Afrique, les deux évêques de Calama se retrouvèrent face à
face ils engagèrent entre eux
: une controverse, qui dura
longtemps, sur les caractères de l'hérésie. Dans sa sentence, le
juge déclara Crispinus hérétique, et le condamna à l'amende
légale mais, bientôt, sur la prière de Possidius lui-même, il
;

accorda la remise de l'amende. Cependant, le Donatiste, hau-


tain et têtu, continuait à protester contre le principe même de
la condamnation il en appela à l'empereur. Honorius
:

confirma la première sentence et blâma l'indulgence du pro-


consul il ordonna de faire payer l'amende, non seulement à
:

Crispinus, mais encore au juge et au représentant de XOffï-


civm. Il fallut une requête de Possidius, d'Augustin et d'autres
évêques catholiques, pour décider l'empereur à remettre les
amendes 1
.

Cette affaire complexe, poursuivie successivement devant


trois juridictions, donna naissance à de volumineux dossiers,
dont nous pouvons reconstituer à peu près le contenu. Il y
avait au moins quatre recueils de pièces les Gesta mumcipa- :

lia, relatifs Calama


Gesta proconsularia du
à l'enquête de ; les
procès intenté par le defensor Ecclesiae les Gesta procoiisula- ;

ria du procès entre Possidius et Crispinus; les Gesta relatifs à


l'intervention de l'empereur. Dans les Gesta municipalia de
Calama figuraient la plainte de Possidius (protestatio), le récit
de l'attentat, et le procès-verbal de la comparution de Crispi-
nus (cotwentio). Le premier groupe de Gesta proconsularia con-
tenait la requête du defensor Ecclesiae, le compte-rendu de la
séance où le Donatiste nia être hérétique, la déclaration de
désistement de l'accusateur (recessio), le non-lieu du tribunal.
Les Gesta du second procès proconsulaire devaient être consi-
dérables requête de Possidius; procès-verbal de l'interroga
:

toire et de la longue controverse entre les deux évêques


(controversia) sentence du juge (sententia); intervention de
;

l'accusateur en faveur du condamné (intercessio) arrêl du juge ;

accordant la remise de l'amende (indulgentia). Enfin, le dos-


tin, Epi$t. 88, 7; 105, 2, l: Contra Cresconium, III, 47, 51 ; 48, 52 ; Pos
sidius, i
ita Attguslini, 14.
.

DOCUMENTS HISTORIQUES 293

sier de l'appel à l'empereur devait renfermer cinq pièces le :

rapport du proconsul (re/at/o) l'appel de Crispinus (appella-


;

tio provocatio); le premier rescrit d'Honorius (rescriplitm


; ;

praeceplum) la requête de Possidius, d'Augustin et autres


;

évêques catholiques (intercessio) le second rescrit impérial,;

accordant la remise des amendes (rescriptum; indalgeatiay


En tout, une vingtaine de pièces au moins on voit que le fana- :

tisme têtu des Donatistes enrichissait à l'occasion la littérature


judiciaire.
Tandis que Crispinus maudissait ses juges, d'autres procès
surexcitaient l'opinion publique, et déchaînaient de nouveaux
attentats. Dans le courant de l'année 404, plusieurs commu-
nautés catholiques revendiquèrent en justice la possession
d'immeubles détenus par les communautés schismatiques. Par
exemple, un certain Servus, évêque de Thubursicum Bure
(Teboursouk), intenta une action judiciaire devant le tribunal
du proconsul, en restitution d'un terrain (/ocus)*. Les procu-
reurs des deux parties (procuratores) étudiaient leurs dossiers
en attendant le jour de l'audience proconsulaire, quand des
fanatiques essayèrent de régler l'affaire par une procédure plus
expéditive. Attaqué dans la ville même et poursuivi par une
bande de Donatistes en armes, Servus ne s'échappa qu'à grand'
peine. Son père, un vieux prêtre fort honorable, fut roué de
coups, et mourut peu de jours après. On ne sait ce qu'il advint
du procès mais Servus partit aussitôt pour Rome, où il porta
;

3
lui-même sa plainte .

y rencontra de nombreux collègues africains, venus pour


Il

des raisons analogues parmi eux, un revenant, l'évêque


:

Maximianus de Bagaï. Ce Maximianus, chef de la petite com-


munauté catholique dans une des capitales du Donatisme, avait
eu l'imprudence d'attaquer ses adversaires en justice il récla- :

mait la restitution d'une basilique rurale, située dans le Fundus


Calvianensis. L'affaire fut portée devant la juridiction ordinaire
(apud ordinarium judicem) sans doute devant le gouverneur de
,

Numidie. L'évêque catholique eut gain de cause en vertu de :

la sentence du juge (judiciaria senlentia), il entra en posses-


sion de la basilique*. C'est dans cette même église qu'il fut

1) Possidius, Vita Augustini, 14; Au- examen... » (Augustiu, Contra Cresco-


guslin, Contra Cresconium, 111,46, 50; ?iium, 111,43, 47).
47, 51; Episl. 88, 7; 105, 2, 4. 3) Ibid., III, 43, 47.
2) Episcopus catholicus a Thubursi-
« 4) « Maximianus episcopus catholicus
cum Bure, Servus nomine, cum invasum a Bagaiensis, dicta inter partes judiciaria
vestris locum repeteret et utriusque partis sententia, basilicam fundi Calvianensis evi-
procuratores proconsulare praestolarentur cerat, quam vestri illicite aliquando usur-
294 LE DONATISME

frappé par la vengeance donatiste. Un jour qu'il s'y trouvait,


il vit se ruer vers les portes une troupe de furieux. Il n'eut que

le temps de se cacher sous l'autel de bois. On l'y découvrit bien-


tôt, et Ton brisa sur son dos les planches de l'autel. On acheva
de l'assommer avec des bâtons et des armes de tout genre. Il
reçut même un coup de poignard dans l'aîne. Heureusement,
tandis qu'on le traînait sur le sol, la poussière arrêta le sang
qui coulait de la blessure. Enfin, les assassins se retirèrent, le
laissant pour mort. Les Catholiques s'empressèrent alors autour
de leur évêque ils l'emportaient en chantant des psaumes,
:

quand les Donatistes revinrent, se firent place à coups de


bâtons, et arrachèrent le corps aux mains des porteurs. Croyant
toujours l'évêque mort, les meurtriers le hissèrent en haut
d'une tour, d'où ils le précipitèrent dans un fossé rempli
d'immondices. Le moribond tomba sur un sol mou, où il resta
longtemps sans connaissance. La nuit suivante, un passant des-
cendit par hasard dans le fossé. Croyant y apercevoir un
cadavre, il appela sa femme, qui était près de là, tenant une
lanterne. Sous la lumière, tous deux reconnurent l'évêque, qui
respirait encore par charité, un peu aussi, nous dit-on, dans
:

l'espoir d'une récompense, les pauvres gens soulevèrent le corps


et le transportèrent dans leur maison. A Bagaï, dans toute
l'Afrique, jusqu'à Rome, courut le bruit de la mort de Maximja-
nus; la nouvelle de ce meurtre causa partout une vive indigna-
tion. Contre toute vraisemblance, après une très longue conva-
lescence, Maximianus guérit. Un jour, à Rome, on vit arriver
le défunt. Il venait porter plainte devant l'empereur lui-même 1
.

Il racontait volontiers son aventure, et montrait les pièces à

l'appui ses « nombreuses, énormes, horribles cicatrices » s


: .

Avec Maximianus de Bagaï et Servus de Thubursicum Bure,


bien d'autres évêques africains se trouvaient alors à Rome :

tous victimes des violences schismatiques, tous chassés de leurs


sièges ou exilés plus ou moins volontaires, et n'osant plus ren-
trerdans leurs diocèses. Tous avaient déposé des plaintes (pro-
auprès des autorités municipales de
testationcs, querelae), soit
leur pays, soit auprès du gouverneur de la province, soit devant
l'empereur « Les protestations des nôtres, dit Augustin aux
:

paverant » (Contra Cresconium, III. 43, 2) « Cicatricibus suis lain multis, tam
47). _ cf. Epist. 185, 7, 27 : c. Apud ingrntibus, tam recentibus, dod frustra fa-
ordinariutn judicem, dicta inter partes sen- muni mortuum se uuntiasse tnonstravit »

tentia, oblinuerat basilieam quam illi, cum (Epist. 185, 7, 27). —


« Cicatrices épis-

catholica esset, invaserant ». copi catholici Bagaitani horrendae ac receu-


1) Epist. 38, 7; 185, 7, 26-28; Contra tissimae Imperatorera rmnmoverant »

Cresconium, III, 43, 47. (Epist. 88, 7).


DOCUMENTS HISTORIQUES 295

Donatistes, les plaintes sur les violences furieuses des vôtres,


ont rempli les archives publiques »'. 11 ne semble pas que
toutes ces plaintes individuelles, déposées dans le courant de
l'année 404, ni les protestations collectives notifiées dans les
lettres synodales du concile de Carthage, aient donné lieu à de
véritables actions judiciaires la réponse du gouvernement fut :

ledit d'union de 405 2


.

D'ailleurs, après cet édit d'union, en dépit de la persécution,


les dissidents continuèrent leurs exploits : les évoques catho-
liques durent plaider de nouveau. Vers la fin de l'année 408,
beaucoup de schismatiques, arrêtés à la suite d'attentats, étaient
détenus dans les prisons de Carthage. Plusieurs procès relatifs
aux querelles des deux Églises (caasae ecclesiasticae) venaient
de se dérouler devant le tribunal du proconsul Donatus, qui
avait prodigué la peine capitale. On s'attendait à de nouvelles
exécutions, que semblaient annoncer encore des lois très
sévères promulguées coup sur coup et un édit non moins rigou-
reux du proconsul. C'est alors qu'Augustin écrivit à son ami
Donatus pour lui prêcher la modération et le supplier de ne
plus condamner personne à mort. Il lui demandait aussi de faci-
liter au cours même de ces procès la propagande catholique, de
l'aider à gagner des âmes jusque dans les prisons, d'autoriser
les avocats à instruire les prévenus, devant le tribunal du pro-
consul ou devant les magistrats de rang inférieur (minores
judices), par des controverses sur le schisme dont on dresserait
le procès-verbal (apnd Acta) On ne sait si Donatus fit bon 3
.

accueil à cette idée originale, qui devait transformer l'audience


judiciaire en conférence et le plaidoyer en sermon.
Le dernier des procès connus de cette période, entre Catho-
liques et Donatistes, eut un grand retentissement. Il dura de
longs mois, depuis l'automne de 411 jusqu'au printemps de
412 Après l'échec de leur parti à la Conférence de Carthage,
'.

1) « Tôt protestationes nostrorum de fu- XI, 32; 7, 19-21


1, XII, 6, 31.
; Cf. —
riosissimis vestrorum violentiis archiva pu- Pallu de Lessert, Fastes des provinces
blica citius impleverunt... » (Contra Cres- africaines, t. II, p. 125). La lettre 139,
conium, Ul, 45, 49).— Cf. Epist. 185, 7, où Augustin cite parmi ses ouvrages le?
26. plus récents le Breviculus Collationis et

2) Epist. 88, 7 ; 185, 7, 26-28 ; Contra le livre Ad Donatistas post Collationem


Cresconium, III, 43, 47; 44, 48; 45, 49. (cf. Epist. 139, 3), est naturellement pos-
Epist. 100, 2.
3) térieure, et de plusieurs mois, à la Confé-
4) Epist. 133-134 et 139. La date de— rence de Carthage (juin 411). D'autre part,
ce procès peut être déterminée approxi- elle est antérieure au 28 février 412; car
mativement. Apringius, à qui est adressée Apringius était encore proconsul au mo-
la lettre 134, fut proconsul d'Afrique en ment où elle fut écrite (ibid., 139, 2). En-
411 il était déjà remplacé le 28 février
; fin, elFe a suivi les lettres 133 et 134,
412 (Cod. Theod., VI, 29, 9; VIII, 4, 23; qu'elle suppose, et que d'ailleurs elle men-
29fi LE DONATISME

sous le coup des édits et des lois de proscription qui suivirent,


les Circoncellions et les clercs qui les commandaient avaient
redoublé de fureur et d'audace dans la région d'Hippone. Ils
s'en prirent surtout à ceux des leurs qui s'étaient ralliés. Ils
enlevèrent de sa maison et mutilèrent le prêtre Innocentius, qui
eut un doigt coupé et un œil arraché. Ils tuèrent le prêtre Res-
titutus, probablement ce Restitutus de Victoriana qui avait été
!
déjà fort maltraité en 403 Augustin déposa une plainte, et .

l'affaire suivit son cours*.


Elle fut portée simultanément devant le proconsul Apringius
et devant son frère Marcellinus, le commissaire impérial, qui,
après la Conférence de Carthage, était resté en Afrique pour y
surveiller l'exécution des lois contre le Donatisme. Anormale
et surprenante en elle-même, cette dualité de juridiction s'ex-
plique par une sorte de défiance du gouvernement central, qui,
se souvenant des échecs antérieurs, avait chargé un commis-
saire spécial de contrôler ou de stimuler le zèle des gouverneurs
africains. Du témoignage d'Augustin, il paraît résulter que
Marcellinus intervint seulement dans l'instruction de l'affaire,
et qu' Apringius seul eut à prononcer la sentence'. Quoi qu'il
en soit, après l'enquête locale, les magistrats d'Hippone
envoyèrent leur rapport au commissaire et au proconsul*. Mar-
cellinus procéda à un premier interrogatoire les verges aidant, :

5
les prévenus avouèrent leurs crimes C'est à ce moment que le .

commissaire dut transmettre le dossier au proconsul. Apringius


passait pour être inexorable, et l'on s'attendait à une sentence
capitale. Augustin écrivit le même jour aux deux frères pour
leur recommander l'indulgence, dans l'intérêt même de

tionne, comme assez récentes [ibid., 139, 3). Le môme jour, Augustin écrit au pro-
2). En conséquence, la lettre 139 se place consul Apringius Haec cum comperis-
: «

en janvier ou février 412; les lettres 133 sem illos fuisse confessos ideoque
minime
et 134, écrites le même jour, à la fin de dubitarem sub jura tuae securis esse
411. Le procès des Circoncellions d'Hip- venluros, has ad tuam Nobilitatem lilteras
pone, commencé dans l'automne de 411, a acceleravi... Sed ne vel ipsi, vel illi quo-
duré jusque vers la fin de l'hiver de 412. rum homicidium patefactum est, per tuae
1) Augustin, Episl. 133, 1; 134, 2.
— poteslalis senteiitiam multcntur » (Epist.
Sur l'attentat antérieur contre Restitutus, 134, 2). L'affaire devait être jugée par le
cf. Epist. 88, 6; 105, 2, 3 ; Contra Cres- proconsul, puisqu'il s'agissait d'un procès
conium, III, 48, 53. capital : mais il est possible que Marcelli-
Epist. 133, 1
2) 134, 1-2. ; nus ait siégé au tribunal comme assesseur
3) Augustin écrit à Marcellinus « Srio : du proconsul. S'adressanl plus tard à Mar-
quidem causas ecclesiaslicas Excellentiae cellinus, Augustin lui dit : « Si Proconsul
luae potissimum injunctas sed, quia cre-
; vel simu/ ambo in illos estis sententiam
do islam curam ad virum clarissimum prolaturi... » (Epist. 139, 2).
atquc spectabilem proconsulem peHinere, 4) Episl. 133, 1 ; 134, 2.
ad eum quoque litteras dedi >» {Epist. 133, 5) Episl. 133, 1-2 ; 134, 2; 139, 1.
DOCUMENTS HISTORIQUES 297

Marcellinus promit d'agir en ce sens. Il


1

l'Église catholique .

faut croire que les dispositions d'Apringius ne se modifièrent


pas; car Augustin s'adressa encore à Marcellinus, le priant d'in-
tercéder auprès de son frère. Pour dégager sa propre responsa-
bilité, l'évêque d'Hippone demandait que ses lettres figurassent
dans le dossier Malgré toutes ces démarches, il est probable
2
.

que tous les meurtriers du prêtre Restitutus furent condamnés


à mort.
Le dossier de cette affaire comprenait trois groupes de
pièces. D'abord, les Gesta municipalia d'Hippone, où figuraient
la plainte procès-verbal de l'enquête, et le rapport
d'Augustin, le
3
(notoria) des autorités locales Puis, les Gesta de l'instruction.

(inquisitio) devant Marcellinus interrogatoires des prévenus, :

l>

aveux des coupables (sceleram confessio) deux lettres relatives ,

à l'intervention (intercessio) d'Augustin auprès du commissaire ',

une de Marcellinus à l'évêque d'Hippone 6 Les deux lettres


lettre .

d'Augustin sont conservées intégralement. Quant aux interro-


gatoires, nous possédons encore, sinon le compte-rendu textuel,
du moins l'analyse de la partie du procès-verbal qui se rappor-
tait aux aveux « Les uns ont avoué l'homicide commis, et l'at-
:

tentat contre le prêtre qui a été aveuglé et mutilé. D'autres, qui


disaient désapprouver ces attentats, n'ont pas osé nier qu'ils
avaient été tenus au courant ces honnêtes gens, qui fuyaient :

la paix catholique dans la crainte d'être souillés par les crimes


d'autrui, persistaient dans leur schisme sacrilège au milieu de
cette foule d'affreux scélérats. D'autres, enfin, ont déclaré qu'ils
ne se retireraient jamais de leur Église, même si on leur démon-
7
trait la vérité du Catholicisme et l'erreur des Donatistes » .

Outre le dossier d'Hippone et le dossier de l'instruction par


Marcellinus, les Gesta proconsularia contenaient les pièces rela-
tives à la dernière partie du procès un rapport du commissaire :

impérial, la lettre relative aux démarches d'Augustin auprès


d'Apringius (intercessio), un mémoire (commonitorium) d'Au-
gustin sur l'affaire, le compte-rendu des débats devant le pro-
consul, enfin la sentence du juge (sententia) 8 .

Dès le début du procès, Augustin avait surveillé la composi-


tion du dossier, qui lui paraissait devoir être un précieux
instrument de polémique. Il craignait seulement que l'effet

1) Episl. 133 et 134. 6) Epist. 139, 1.

2) Epist. 139, 2. 7) Epist. 139, 1. — Cf. 133, 1-2; 134,


3) Epist. 133, 1 ; 134, 2. 2.
4) Epist. 133, 1-2; 134, 2; 139, 1. 8) Epist. 139, 1-2 et 4. — Cf. 134, 4.
5) Epist. 133 et 139.
298 LE DONATISME

des premières pièces sur le public ne fût gâté par la dernière,


si,par une sentence trop rigoureuse, on transformait les meur-
triers en martyrs. Il « On devra lire ces
écrivait au proconsul :

Gesta pour guérir les âmes empoisonnées par des discours


pernicieux. Veux-tu donc que, dans notre lecture, nous crai-
gnions d'arriver à la fin des Gesta, si elle doit contenir la
mention du supplice sanglant des coupables ?'». Augustin
s'intéressait surtout au procès-verbal de l'interrogatoire
devant Marcellinus, à la partie de ce procès-verbal où étaient
consignés les aveux des prévenus. Il engageait le commis-
saire impérial à faire aussitôt afficher ce document à Car-
tilage, soitdans la Theoprepia, l'ancienne cathédrale donatiste,
soit dans quelque autre endroit très fréquenté « Ton Excel- :

lence m'écrit que tu te demandes si tu dois faire afficher ces


Gesta dans la Theoprepia oui, si l'église est accessible à une
:

foule nombreuse. Autrement, mieux vaut chercher un autre


endroit plus fréquenté. En tout cas, l'affichage s'impose »
2
.

L'évêque d'Hippone pressait Marcellinus de lui envoyer -le plus


tôt possible une copie de ce procès-verbal, qu'il avait hâte de
lire à ses fidèles « J'attends avec impatience les Gesta que
:

m'a promis ton Excellence. Je désire les faire lire aussitôt dans
l'église d'Hippone, et, s'il se peut, dans toutes les églises du
diocèse. De cette façon, le public entendra la voix des cou-
pables il apprendra à connaître pleinement ces hommes qui
;

ont confessé leur iniquité, non par crainte de Dieu, sous le coup
du remords, mais grâce au zèle d'un juge qui a su ouvrir le
cœur endurci des scélérats » \ Dans son ardeur de propagande,
Augustin allait jusqu'à souhaiter d'autres affaires analogues qui
fourniraient d'aussi éloquents procès-verbaux « Dieu veuille :

que des causes de ce genre soient fréquemment jugées par


toi que les crimes des Donatisteset leur sot entêtement soient
!

souvent révélés de même! Que des Gesta semblables puissent


être également publiés et portés à la connaissance de tous » \ !

On saisit ici sur le vif l'importance des pièces judiciaires dans


la querelle des deux partis ces interrogatoires, où des clercs
:

donatistes avaient confesse leurs forfaits, étaient des armes


terribles entre les mains de leurs adversaires.
Toutes les actions judiciaires dont nous avons parlé jusqu'ici
visaient les Donatistes proprement dits, les Primianistes. Dans

1) Epist. 134, i. sic audias, et farinera eorum atque insana


2) Epist. 139, 1. pertinacia >i> saope prodatur,cademque
3) Ibid., 139, 1. publicata Gesta iu omnium nolitiam perfe-
4) « Utiiiain laies eorum causas crebras rantur ! » [Epist. 139, 1).
DOCUMENTS HISTORIQUES 299

une autre série de procès, ce sont ces mêmes Primianistes qui


poursuivent en justice leurs propres schismatiques, Maximia-
nus et ses partisans. Défendeurs contre les Catholiques, ils
sont demandeurs contre les Maximianistes. D'ailleurs, une
seule chose est changée la personnalité des plaideurs. Par un
:

retour ironique de fortune, ces procès entre schismatiques


ressemblent trait pour trait aux procès civils que leur inten-
taient les Catholiques. Mômes revendications la restitution des :

basiliques et autres immeubles. Même juridiction et même


procédure l'affaire est portée devant les tribunaux civils,
:

d'abord devant les magistrats municipaux, puis devant le


gouverneur de la province. Mêmes moyens de coercition :

pour assurer l'exécution du jugement, on fait appel à la


force publique, à la police, aux milices des cités. Ce qu'il
y a d'extraordinaire, c'est que ces schismatiques avérés, con-
nus et traqués par le gouvernement, se présentaient en jus-
tice en tant que Catholiques, et, comme tels, gagnaient leur
cause. Ils invoquaient les constitutions impériales contre les
hérétiques ils se faisaient rendre les basiliques en vertu des
:

lois qui leur interdisaient à eux-mêmes de posséder On ne 1


.

peut supposer que les gouverneurs aient pris au sérieux cette


prétention paradoxale, ni qu'ils aient été toujours complices :

mais les Donatistes, depuis Julien, occupaient beaucoup de


basiliques qu'on n'avait pas osé ou voulu leur enlever, et les
juges considérèrent sans doute qu'il y avait prescription, que
possession valait titre. Le fait certain, c'est que les Primia-
nistes eurent gain de cause.
Ces procès entre schismatiques ont été fort nombreux et ont
passionné le public africain. Outre Maximianus, chef de la
nouvelle Église, les Primianistes traduisirent en justice les
douze évêques qui l'avaient ordonné, et probablement tous les
autres évêques du même parti qui refusaient de rendre les
immeubles de l'ancienne communauté donatiste. Contre cer-
tains de leurs adversaires, les Primianistes engagèrent plusieurs
actions successives, visant peut-être des biens divers ou des
localités diverses d'un même diocèse. Il y eut sûrement des
procès en Byzacène, où était le centre du Maximianisme, et
quelques-uns en Numidie. Mais tous ceux que nous connais-
sons avec quelque détail appartiennent à la Proconsulaire. Ils
ont duré plusieurs années le premier commença vers la fin de
:

392, le dernier ne se termina qu'en 397. On nous dit que ces

\) Enarr. in Psalm. 57, 15 ; Contra litLeras Petiliani, II, 58, 132.


300 LE DONA.TISME

affaires furent plaidées successivement devant un légat de


Cartilage et au moins quatre proconsuls 1

. De ces longues
contestations sortirent de gros dossiers, qui ont été souvent
allégués, cités, analysés dans les polémiques du -temps, et dont
nous possédons bien des fragments. Comme dans les procès
intentés par les Catholiques, on y distingue généralement
deux catégories de pièces les procès-verbaux de l'enquête :

municipale et delà saisie (Gesta municipaliay le dossier du ;

procès proprement dit ou des procès successifs devant le pro-


consul (Gesta proconsularia) Nous avons des renseignements 3
.

assez précis sur les actions judiciaires intentées par les Primia-
nistes contre quatre évêques maximianistes Maximianus de :

Carthage, Salvius de Membressa, Felicianus de Musti, Praetex-


tatus d'Assuras.
C'est naturellement le chef des dissidents que l'on visa tout
d'abord. Primianus se mit en campagne dès la fin de 392,
aussitôt après le premier concile que ses adversaires avaient
tenu à Carthage, bien avant leur concile de Cabarsussa qui
consacra la rupture définitive (24 juin 393)'. Il revendiqua la
maison qu'occupait Maximianus. La question de droit est assez
obscure. Suivant Maximianus, cet immeuble était sa propriété
personnelle. Suivant Primianus, il appartenait à la commu-
nauté donatiste, et devait lui revenir en raison du schisme.
Peut-être la maison avait-elle été donnée ou léguée à Maxi-
mianus au temps où il était diacre primianiste, et en cette
qualité ce qui expliquerait le malentendu. En tout cas, Pri-
:

mianus affirmait les droits de son Eglise, et déclarait avoir


3
besoin du bâtiment pour les exorcismes Il donna procuration .

1) « Nonne melius, obsecro te, causa Contra litleras Peliliani, II, 15, 35; 20,
veritatis et unitatis pacifiais verbis et paca- 45; 58, 132; III, 39, 45; Contra Cresco-

tioribus locis inter episcopos ageretur, nium, III, 52, 58; 56, 62; 60, 66.
quam in foro ab episcopis per advocatos 3) Contra Epislulam Parmeniani, I,
litigaretur? Quod a partibus Primiani Car- 11,18; 11, 3, 7 III, 6, 29 Contra lit-; ;

thaginensis episcopi adversus Maxi


vestri •
leras Peliliani, II, 15, 35 ; 20, 45 ; 58,
mianuni, et adversus eos qui eum illo Ka- 1:12 ; III, 39, 45; Contra Cresconium,
gaiensi concilio damnati sunt, apud lega- 111,52,58; 56, 62; 60, 66: IV, 1, 1 3, ;

tum Carthaginis et apud quatuor vel 3; 47,57; Brevic. Collât., III, 11, 22;
amplius proconsules faclum est » (Con- Gesta cum Emerilo, 9; Epist. 51, 2;
tra Cresconium, IV, 3, 3). « llli duo- — 70, 2; 76, 3-4; 108, 2, 5; 108, 5, 14 et
decim cum Maximiano damnati apud 1res suiv. ; Enarr. in Psalm. 57, 15.
aut amplius proconsules accusati sunt, ut 4) La lettre synodale du concile de Ca-
e sedibus suis judiciario vigore pelleren- barsussa allusion au premier procès
fait

tur » {Epist. 108, 2, 5). —


Maximianis- « intenté par
Primianus à Maximianus :

tas, quos apud 1res vel eo amplius pro- « Quod (Primianus) loca mulla vi primo,
consules persecuti sunt » (Brcvic. Collât., dehinc aucloritate judiciaria, usurpave-
III, 11, 22). rit » (Sermo II in Psalm. 36, 20).
2) Epist. 76,3; 108, 5, 14 et suiv. ; 5) « Ges<a,quibus ostendam don]um,quani
DOCUMENTS HISTORIQUES 301

à un avocat L'affaire fut portée devant le légat de Carthage,


1
.

lieutenant du proconsul 2 La faveur aidant, nous dit-on, Pri- .

mianus gagna sa cause; il lit saisir la maison, d'où l'on expulsa


Maximianus Plusieurs pièces du dossier (Gesta) nous sont
3
.

connues procuration de Primianus {procuratioy le procès-


: la ;

verbal des débats, où le défendeur avait allégué et fait insérer


la lettre synodale {tractatoria) du récent concile de Carthage
qui avait condamné son adversaire '; enfin, le procès-verbal de
saisie, qui paraît avoir été rédigé en présence du légat
lui-même 6 .

Deux ans plus tard, nouveau procès contre Maximianus, dont


le concile de Bagaï venait de prononcer la déposition (24 avril
394). Cette fois, on sommait l'évêque dissident de restituer
l'église dont il s'était emparé sans doute la basilique de la :

« région » de Carthage où il avait été diacre. Le procès se plaida


devant le proconsul, vers la fin de 394. Primianus eut encore
1
gain de cause Mais les débats avaient tellement surexcité l'o-
.

pinion, qu'une émeute éclata. La foule se rua sur la basilique,


la « caverne » des brigands [spelunca), comme on l'appelait :

l'édifice fut saccagé, brûlé, rasé jusqu'aux fondements Au 8


.

second procès contre Maximianus se rapportaient des Gesta


proconsidaria, où figuraient la requête de Primianus, le compte-
rendu des débats, et la décision du juge 9 Dans le procès-ver- .

bal était reproduite, au moins partiellement, la pièce princi-


pale qu'avait alléguée le demandeur la sentence du concile de :

Bagaï 10 Un curieux fragment de l'interrogatoire peint à mer-


.

veille l'audace des Primianistes et l'embarras du juge en face


de ces schismatiques qui se donnaient pour Catholiques. Au
grand étonnement du proconsul, qui connaissait évidemment
l'évêque catholique Aurelius, Primianus se présentait comme

Maximianus propriam defcndebat, Primia- sacerdoti désignerait Primianus et forme-


num procuratione mandata, exorcisterii ec- rait antithèse avec legalo Augustin s'indi-
:

clesiastici nomine, faventc sibi Sacerdote gnerait de cette complicité d'un évoque
legato,quod ipsa Gesta indieanl, abstulisse » avec un magistrat.
(Contra Cresconium, IV, 47, 57). Cf. — 3)Contra Cresconium, IV, 47, 57.
Sermo II in Psalm. 36, 18-20. 4) II in Psalm. 36, 18-19; Con-
Sermo
1) « Recito Gssta ubi procurationem tra Cresconium, IV, 47, 57.
ad exigenda fecisti... Cum litigarent de 5) Sermo II in Psalm. 36, 19.
domo cum procuratore illius » (Sermo II 6) Contra Cresconium, IV, 47, 57.
in Psalm. 36, 18-19). 7) Ibid., III, 59, 65 ; IV, 46, 55 ;
Sermo
2) « Favente sibi Sacerdote légale- » II in Psalm. 21, 31.
[Contra Cresconium, IV, 47, 57). — Il 8) Epist. 44, 4, 7 ; Contra Cresconium,
s'agit de ce
Legatus Carlhaginis dont III, 59, 65; IV, 46, 55.
parle plus haut Augustin (ibid., IV, 3, 3). 9) Sermo II in Psalm. 21, 31; Contra
Sacerdos est sans doute le nom du légat. Cresconium, III, 59, 65; IV, 1, 1 46, 55. ;

Cependant, on pourrait lire aussi « favente : 10) Contra Cresconium, IV, 1, 1 Sermo ;

sibi sacerdoti legalo ». Eu ce cas, le datif Il in Psalm. 21, 31.


302 LE DONATISME

étant le seul évêque légitime de Carthage. « Alors le juge


demanda Quel est donc ce second évêque? Est-il du parti de
:

Donat? —
Le représentant de YOffîciiim répondit Nous ne con- :

naissons qu'un seul évêque catholique, Aurelius »'. Chose


étrange, le proconsul passa outre, et adjugea la basilique à
l'intrus.
Salvius de Membressa, comme Maximianus de Carthage, fut
assigné deux fois en justice au début de 395, et en 397. Le :

concile de Bagaï ayant prononcé sa déposition, les Primianistes


le remplacèrent aussitôt par un de leurs partisans, nommé
Restitutus'. Salvius refusant de céder la basilique de Mem-
bressa, Restitutus la revendiqua devant les tribunaux, où il se
fitreprésenter par l'avocat Nummasius Le procès fut jugé 3
.

par le proconsul Herodes, au commencement de 395, avant le


2 mars un avocat qui plaidait dans une autre affaire, le 2 mars
:

de cette année-là, rappela à ce proconsul la sentence qu'il avait


récemment prononcée contre Salvius Soutenu par les fidèles ;
.

de Membressa, l'évêque maximianiste refusa de rendre la basi-


lique, et l'affaire traîna en longueur. Deux ans plus tard, Resti-
tutus intenta un nouveau procès il réclamait cette fois, non :

seulement la basilique urbaine, mais tous les immeubles (loca


omnia) de la communauté donatiste encore détenus par son
adversaire 5 entre autres des champs (agellï), des magasins ou
,

des celliers (cellulae) 6 L'affaire se plaida devant le proconsul .

Seranus, en 397 7 non pas, comme on le répète, dans la ville


,

d'Abitina, mais à Carthage, comme nous le dit formellement


Augustin 8 Le proconsul adjugea à Restitutus tous les biens
.

revendiqués 9 . Mais on savait, par le procès précédent, que


l'exécution de la sentence n'irait pas sans difficulté l'évêque :

maximianiste était aimé de ses compatriotes, les autorités de


Membressa lui étaient favorables, et ses fidèles étaient résolus
à le défendre. Aussi, par une singulière anomalie, le proconsul

1) « Tune judex interrogavit : Quis hic nus, cf. Pallu de Lesseit, Fastes des pro-
alter episcopus est? De parte Douati? — vinces africaines, t. Il, p. 111.

Respoi dil Offieium : >ios non novimus oisi 8) « Neque occulte factum esse dictu-
Aurelium catholicum » (Sermo II in Psalm. rus es : aut posset hoc latere Primianum,
21, 31). quod in ea civitale factum est ubi ipse
2)Epis t. 108, 5, 14; Contra Cresco- episcopus praesidehat, et in lanta civi-
nium, IV, -4S, 58. tale, apud lautum judicem, ut ex hoc aliis
3) Contra Cresconium, 111, 56, 62 59, ; ctiain civitatibus occultum esse non pos-
IV. 4, 5; Episl. 108, 4, 13 el suiv. set? » (Augustin, Contra Cresconium,
4) Contra Cresconium, IV, i, '>. — Cf. IV. 50, I

111, 56, 62. 9) Contra Epistulam Parmeniani, lll,


5) Ibid., IV, 48, 58. 6, 29 G»ttra Cresconium, IV, 48, 58 et
:

6) llnd., IV, 6b, 82. suiv.

7) Sur la date du proconsulat de Sera-


1

DOCUMENTS HISTORIQUES 3"^.

chargea les magistrats d'Abitina, une ville voisine, de se


rendre à Membressa pour y procéder aux saisies'. Les gens
d'Abitina étaient, pour la plupart, des Primianistes convain-
cus ils suivirent en niasse leurs magistrats, et veillèrent eux-
:

mêmes à l'exécution. Ces policiers improvisés entrèrent en


maîtres dans Membressa, houspillèrent les habitants, occu-
pèrent la basilique contestée. Ils s'emparèrent de l'évêque Sal-
vius et l'accablèrent d'outrages. Puis, ils attachèrent des chiens
morts au cou du vieillard, qu'ils promenèrent en triomphe au
milieu des huées, l'entraînant de force dans leurs orgies,
entonnant autour de lui des chansons obscènes, le contraignant
à danser avec son fardeau macabre 2 Force restait à la loi, .

grâce à l'émeute. Le pauvre Salvius n'osa même pas déposer


une plainte; il se consola en protestant dans ses sermons et
en faisant bâtir par ses fidèles une autre basilique Restitutus, 3
.

son heureux compétiteur, était encore évêque primianiste de


4
Membressa en 41 .

Les dossiers des deux procès de Salvius nous sont connus


avec assez de précision. Dans les Gesta proconsularia de 395
figuraient la requête (poslulatio) de Restitutus, qui invoquait
:

5
le concile de Bagaï et les lois contre les hérétiques le compte- ;

rendu des débats, où était reproduite la sentence du concile de


Bagaï le réquisitoire de l'avocat Nummasius, dont nous pos-
;

sédons des fragments 7 la sentence du proconsul Herodes qui;

ordonnait de restituer la basilique 8 Le juge motivait son arrêt .

par cette déclaration de principe, que les Primianistes ne man-


quèrent pas d'alléguer dans les procès ultérieurs « Nonobstant :

toute opposition de la partie adverse, les églises contestées qui


sont occupées par des sacrilèges, doivent être restituées aux
9
très saints évêques » Les Gesta proconsularia de 397 conte-
.

naient une nouvelle requête de Restitutus, le procès-verbal des


interrogatoires, la sentence du proconsul Seranus. Dans sa
requête, Restitutus alléguait et citait la décision du concile de

1) « lmpetrasse a proconsule Primianis- SU1V.


tas... ut per Abitinenses Salvius de basi- 6) Contra Cresconium, III, 59, 65 ; IV,
lica pelleretur » {Contra Epistulam Par- 4, 5.
meniani, III, 6, 29). —
Cf. Contra Cres- 7) Epist. 108, 4, 13 et suiv. ; Contra
conium, IV, 49, 59. Cresconium, IV, 4, 5.
2) Contra Epistulam Parmeniani, III, 8) Contra Cresconium, III, 5(i, 62 ;

6, 29 Contra Cresconium, IV, 49, 59.


; 59, 65 ; IV, 4, 5.

3) Contra Epistulam Parmeniani, III, 9) « Ut Gesta testantur, exploso omni con-


6, 29. tradietionis effectu, sacratissimis sacerdo-
4) Collât. Carthag., 1, 133 el 198. tibus a profanis mentibus ecclesias \indi-
5) Augustin, Contra Cresconium, III, catas oportere restitui » (Contra Cresco-

59, 65 ; IV, 4, 5 ; Epist. 108, 4, 13 et nium, III, 56, 62 ; IV, 4, 5).


304 LE DONATISME

Bagaïqui avait déposé Salvius en conséquence, il sommait :

son adversaire ou de se rallier aux Primianistes, ou de quitter


la place et de céder tous les immeubles de la communauté'. On
voit, par un passage de l'interrogatoire, que le proconsul admit
complètement cette thèse. Voici le fragment du procès-verbal :

« Le proconsul Seranus dit Les litiges entre évêques, selon la


:

loi,doiventêtre jugés par les évêques. Les évêques ont jugé. Pour-
quoi donc (dit-il à Salvius), pourquoi donc ne te décides-tu pas,
soit à donner satisfaction et à rentrer dans le chœur des évêques
de ton ancienne Église, soit, comme te le conseille l'Écriture,
à fuir devant tes persécuteurs? » 2 Nous possédons aussi des .

fragments de la sentence rendue par Seranus. Il décida que


« Restitutus entrerait en possession, sans partage, de tous les

immeubles détenus par Salvius » Il spécifia que « par les


3
.

autorités d'Abitina Salvius serait expulsé de sa basilique* ».


L'un des procès les plus retentissants de cette période est
celui qui se plaida le 2 mars 395 devant le proconsul Herodes :

à Carthage, dans la salle d'audience du palais proconsulaire


(Carthagitie, in secretario praetoriï), comme en témoigne encore
l'en-tête des Gesta*. L'objet de la contestation était le même
que dans les poursuites contre Salvius de Membressa. C'étaient
encore des Primianistes qui revendiquaient les basiliques et
autres immeubles (loca ecclesiastica) occupés par deux évêques
maximianistes, deux des principaux chefs du parti Felicia- :

nus de Musti et Praetextatus d'Assuras La requête des Primia-


fi

nistes de Musti était présentée au nom du prêtre Peregrinus


et des seniores de sa communauté
7
Elle fut soutenue devant .

8
le tribunal proconsulaire par l'avocat Titianus Cet orateur, .

dans son plaidoyer, attaque également Praetextatus et Felicia-


nus. Suivant Augustin, il était le mandataire, le procureur
(procurator) des Primianistes d' Assuras, comme de ceux de

1) Contra Cresconium, IV, 48, 58. 5) « Post consulatuin dominorum Arcadii


2)Serauus proconsul dixit « Lis : ter cl llonorii iterum Augustorum, VI nonas
episcoporum secundum legem ab episcopis Marlias, Carthagine iu secretario praeto-
auilienda est Episcopi judicaverunt. Quare rii... (Contra Cresconium, III, 56, 62).
»

non aut sub satisfactione ad chorum re- 6) Epiât. 70, 2: 76, 3 88, il; 108, ;

verteris velustatis, aut, ut habcs scriptum, 5, 14; De baptismo, II, 12, 17; Ad
terga persecutoribus prodis ? » (ibid., IV, Catholicos Epistu/a contra Donatistas,
48, 58). 18, 46; Contra Cresconium, III, 56, 62;
3) « Ut Hestilutus... loca omnia, quae a IV, 4, 4 et suiv. Contra Gaudentium, ;

S;ilvio teiiebaiilur, sine adrersario possi- I. 39, 54.


deret » {ibid., IV, 48, 58). 7) Contra Cresconium, 111,56, 62 . IV,

4) « Ut per Abitinenses Salvius de basi- '..


5 ; 39, 46 et suiv.
lica pelleretur » {Contra Epislulam Par- 8) Ibid., III, 56, 62; IV, i, S :
39,46;
meniani, III, o, 29).— Cf. Contra Cresco- 40, il ; 41, 48 ; Epist. 108, 5, 14.
nium, l\ , 19, ''.
DOCUMENTS HISTORIQUES 305

Musti 1
: cumul qui n'a rien d'extraordinaire, et qui s'explique
dans la circonstance, soit par la réputation de l'avocat, soit
par la proximité des deux villes. A l'audience, Titianus lut et
justifia la requête de ses clients de Musti. Il s'acharna contre
les évêques maximianistes, non seulement contre les défen-
deurs, mais contre leur chef, contre Maximianus lui-même.
Il allégua la sentence de déposition lancée dix mois plus tôt

par le concile de Bagaï. Fort habilement, il rappela au pro-


consul la déclaration de principe que ce gouverneur avait faite
quelque temps auparavant, sur la requête de l'avocat Numma-
sius, dans le procès de Salvius de Membressa L'issue du
2
.

débat n'était pas douteuse le juge décida que, dans le diocèse :

de Musti comme dans celui d' Assuras, l'évêque maximianiste


céderait aux Primianistes tous les immeubles indûment occu-
3
pés .

Cette décision resta lettre morte. Felicianus et Praetextatus


refusèrent également d'obéir*. Le premier, qui sans doute était
tout-puissant dans sa ville, ne paraît pas avoir été sérieusement
inquiété par ses adversaires de la région ni par les autorités
locales,au moins jusqu'à l'apparition d'Optatus de Thamugadi
en 397. Au contraire, les Primianistes d' Assuras reprirent
bientôt l'offensive. Ils élurent pour évêque un certain Roga-
qui plus tard devait se convertir au Catholicisme et être
1

tus ,

affreusement mutilé par des Circoncellions Le 22 décem- 6


.

bre 396, un nouveau procès s'engagea devant le proconsul


Theodorus Une requête fut présentée au nom de l'évêque
7
.

Rogatus, des clercs et des seniores de la communauté primia-


niste d'Assuras on réclamait encore aux Maximianistes la :

restitution des immeubles


8
Condamné de nouveau, Praetexta- .

tus réussit pourtant à garder les basiliques et autres biens


3
contestés Pour rétablir dans les villes d'Assuras et de Musti
.

la paix donatiste, il fallut les menaces et l'intervention armée


d'Optatus de Thamugadi, qui en 397 força les deux évêques
maximianistes à se réconcilier avecPrimianus 10 Les transfuges .

obtinrent d'ailleurs un pardon illimité, et toutes les conces-

1) Contra Cresconium, III, 56, 62 : 7) « Usque ad Theodorum proconsulem,


IV, 4, 5 ; 5, 6. hoc est, usque ad anni alterius diem XI
2) Ibid., III, 56, 62. — Cf. IV, 4, 5; calendas ianuarii » (Contra Cresconium,
40, 47. III, 56, 62).
3) Ibid., III, 56, 62; IV, 4, 4 ; 40, 47. 8) Ibid., III, 56, 62.
4) Cum, jubente proconsule, locis quos
« 9) Ibid., IV, 4, 4.

tenebaut pellere conati minime valuissent » 10) Epist. 53, 3, 6; 108, 2, 5 Contra;

{ibid., IV, 4, 4). litteras Petiliani, II,83,184; Contra


5) Ibid., 111, 56, 62. Cresconium, III, 60, 66 Gesta cum Eme-
;

6) Gesta cum Emerito, 9. rito, 9.

IV 20
306 LE DONATISME

sions qu'ils pouvaient désirer Praetextatus mourut trois ans 1


.

2
plus tard, vers 400 Felicianus était encore évêque primianiste
;

en 411, lors de la Conférence de Carthage 3


.

Dans ces batailles entre les schismatiques d'Assuras ou de


Musti, les vrais vainqueurs furent les Catholiques, qui tirèrent
bon parti des paroles et des concessions imprudentes échappées
ou imposées alors aux antagonistes. Malheureusement pour les
Primianistes, les dossiers des procès étaient restés dans les
archives publiques, où Augustin et d'autres surent les trouver.
Ces dossiers fournirent des armes à la controverse catholique;
et c'est pour cela qu'ils nous sont assez bien connus. Les Gesta
proconsularia du 2 mars 395, dont le début et beaucoup de frag-
4
ments sont conservés renfermaient diverses pièces qui ,

devinrent d'une importance capitale après la volte-face involon-


taire des deux évêques maximianistes et le pardon empressé,
sans conditions, de Primianus. C'étaient la requête (postula- :

tio) du prêtre Peregrinus et des seniores de Musti contre Felicia-

nus 5 et, sans doute, une requête analogue des Primianistes


,

d'Assuras; l'âpre réquisitoire, que nous possédons en partie, de


l'avocat Titianus" le compte-rendu des débats, où était repro-
;

duit l'anathème du concile de Bagaï, où étaient alléguées les


7
lois contre les hérétiques et l'affaire antérieure de Salvius ;

enfin, la sentence du proconsul Herodes, entièrement favorable


aux demandeurs 8 A ce même dossier se rattachaient des Gesta
.

municipalia de Musti, où paraît avoir figuré, avec le compte-


rendu de l'enquête locale, le procès-verbal des défis adressés
par Felicianus aux magistrats municipaux qui essayaient de
faire exécuter le jugement rendu à Carthage '. Les Gesta pro-
1

consularia du second procès contre Praetextatus d'Assuras ren-


fermaient le compte-rendu de l'audience tenue à Carthage par
10
le proconsul Theodorus le 22 décembre 396 La pièce princi- .

1) Epist. 51, 4; 53, 3, 6 108, 2, n tra Gaudentium, I, 39, 54.


185, 4, 17: Contra Cresconium, lll, 15,
; ;

5) Contra Cresconium, III, 56, 62. —


18 ; 60, 66 ; IV, 1 Gesta cum Emerito,
: Cf. IV. 4, 5 ; 39, 46 el suiv.
9 Contra Gaude?itiitm, I, 39, 54.
; 6) Epist. 108, 5, 14 ;
Contra Cresco-
Contra Epistulam Parmeniani, III,
2) nium, 111, 56, 62 : IV, 4, 5 ; 39, 46 ; 40,
6, 29 Ad Catholicos Epistula contra
; 47; 41, 48.
Donatiséas, 18, 46; Epist. 108, 2, 5. 7) Epist. 88, 11 I>e baptismo, II,; 12,
3) Collât. Carthag., I, 121-122. — Cf. 17 ; Contra Cresconium, III, 56, 62 ; IV,
Augustin, Epist. 108, 4, 13.
i Augustin, Epist. 51, 2 el 4; 10, 2; 8) Contra Cresconium, lll, 56, 62;
76, 3 ; 88, 11 ; 108, 5, 14; De baptismo, IV, 4, 4-;'.; 40,47.
11, 12, 17 ; Ad Catholicos Epistula con- 9) Ibid., lll, 56, 62; 60, 66; Epist. 76,
tra I)onatistas,i\S, 46; Contra Cresco- 3; 88, 11.
nium, III, 56, 62 IV, 4, 4 et suiv. Con- ; : 10) Contra r.re.cotiium, lll. 56, 62.
DOCUMENTS HISTORIQUES 307

pale était la requête présentée au nom


de l'évêque Rogatus, des
senîores et des clercs primianistes d'Assuras Les demandeurs 1
.

alléguaient les sentences antérieures rendues en faveur des


Primianistes. L'argument paraissait sans réplique en donnant :

une première fois raison aux persécuteurs, en acceptant de les


considérer comme des Catholiques qui poursuivaient des héré-
tiques, les proconsuls s'étaient engagés à leur donner toujours
raison.
Ces dossiers qui nous montrent aux prises les deux princi-
pales sectes donatistes, comme ceux qui se rapportent aux
revendications légales des Catholiques contre les dissidents,
présentent un intérêt de premier ordre pour l'histoire du
schisme africain. A cette histoire se rattachent encore, indirec-
tement, deux procès dont nous devons analyser brièvement les
dossiers le procès de Marcellinus et d'Apringius en 413, le
:

procès d'Antonius de Fussala en 422-423.


Marcellinus, le commissaire impérial, l'ancien président de
la Conférence, et son frère Apringius, le proconsul de 411,
étaient encore à Carthage dans l'été de 413. Brusquement, ils
furent arrêtés par ordre du comte Marinus, qui venait d'étouf-
fer la révolte d'Heraclianus, et qui traquait en Afrique les par-
tisans du rebelle'. On avait dénoncé les deux frères comme
étant des complices d'Heraclianus dénonciateurs étaient, : les
nous dit-on, des Donatistes qui avaient voulu se venger de leurs
persécuteurs 3 Marinus, qui n'aimait pas les deux accusés,
.

mena militairement l'enquête malgré les démarches d'Au-


:

gustin auprès du nouveau commissaire Caecilianus, malgré


l'appel adressé à Rome, Marcellinus et Apringius furent
condamnés à mort et exécutés à Carthage le 13 septembre'.
Nous connaissons diverses pièces du dossier ou qui s'y
5
rattachent une relation du procès et du supplice
: une ;

r
requête adressée à l'empereur par des évêques africains plu- '

sieurs récits se rapportant aux démarches de Caecilianus, ou


aux conversations que Marcellinus eut dans sa prison avec son
frère Apringius et avec l'évêque d'Hippone une lettre de 7
;

8
Caecilianus sur le procès , et la réponse d'Augustin 9
; un res-

1) Contra Cresconium, III, 56,62. Lessert, Fastes des provinces africain''.';,


2) Episl. 151, 4 et suiv. t. II, p. 280.
3} Jérôme, Adversus Pelagianos, 111, 5) Augustin, Episl. 151, 4-6 et 9.
6; Orose, VII, 42. 6) Ibid., loi, 5 et 11.
4) Augustin, Epist. loi, 4-9. —
Les 7) Ibid., 151,4-5 et 9.
deux frères furent exécutés la veille de la 8) Ibid., 151, 1.

fête de saint Cyprien {ibid., 151, 6), donc 9) Epist. 151.


le 13 septembre. Sur l'année, cf. Pallu de
308 LÉ DONAT1SME

crit impérial, arrivé trop tard, qui ordonnait de mettre en


liberté les accusés*.
L'enquête sur Antonius de Fussala nous ramène aux envi-
rons d'Hippone. Le bourg de Fussala, situé à quarante milles
de cette cité, avait été longtemps une des forteresses du Dona-
tisme. Dans l'enceinte même du Castellum, il n'y avait pas un
seul Catholique; et les clercs d'Hippone ne s'y aventuraient pas
sans grands risques. Peu à peu, grâce à la propagande d'Au-
gustin, les lois de répression aidant, les dissidents de cette
région avaient fait amende honorable. L'administration du
vaste diocèse d'Hippone devenant de plus en plus lourde à la
suite des conversions, Augustin résolut de démembrer son
1
Eglise, et d'installer un autre évêque à Fussala Pour ce poste .

de confiance, il fit choix d'un prêtre de grand mérite, qui


savait le punique, la seule langue connue d'une partie des
fidèles. Au dernier moment, quand déjà le primat de Numidie
arrivait pour la consécration, le candidat élu se déroba par
modestie. Pressé par le temps, Augustin se décida à choisir
parmi les clercs qui l'entouraient il désigna un jeune homme,
:

encore simple lecteur, un certain Antonius, qui avait été élevé


sous ses yeux, dans son monastère, et pour qui il avait de
l'affection 3 Malheureusement, cet Antonius ne ressemblait
.

guère à son maître devenu évêque, il causa des scandales de


:

tout genre, par sa tyrannie, ses débauches, ses malversations,


ses rapines, ses violences *. Les gens de Fussala n'étaient pas
patients dans la plupart de ces ralliés vivait encore un Dona-
:

tiste impénitent. Ils se plaignirent amèrement auprès d'Augus-


5
tin, qui essaya d'arranger les choses Puis, ils demandèrent
.

une enquête. Antonius, condamné par un concile, était tou-


jours là. Ses fidèles voulaient se débarrasser de lui à tout prix;
6
ils parlaient de le tuer Ils finirent par s'en prendre à Augustin
.

lui-même, qu'ils rendaient responsable de tout, et qu'ils accu-


sèrent auprès du pape \
De ces plaintes et de ces enquêtes sortit un dossier assez im-
portant (multiplicia Gesta)*, dont voici les pièces principales :

lettre d'Augustin au primat de Numidiejpour le prier de venir


ordonner le futur évêque de Fussala 9 plaintes contre leur ;

évêque Antonius, adressées à Augustin par les Donatistes con-

1) Epist. 151, H. 6) Epis/. 209, 5.


Epist. 209, 2. 1) Ibid., 209, 9.
3) Ibid., 2H9, 3. 8) Ibid., 209, 7.
ij Ibid., 209, i el suiv. 9) Ibid., 209,
5) Ibid., 209, 4.

DOCUMENTS HISTORIQUES 309

vertis de Fussala
1
; dossier de l'enquête ordonnée par le concile
de Numidie sur la conduite d'Antonius 2 décret du concile de
;

Numidie, enlevant à Antonius l'administration de son diocèse,


et le condamnant à restituer tout ce qu'il serait convaincu
d'avoir volé appel d'Antonius au pape Bonifatius, et mémoire
3
;

justificatif [libellus)
1
rapport adressé à ce pape par le primat
;
3
de Numidie, qui, trompé par Antonius, le déclarait innocent ;

lettre du pape Bonifatius sur cette affaire autre rapport du •


;

primat de Numidie, envoyé au nouveau pape Caelestinus 7


;

plaintes adressées directement au pape par les Donatistes con-


vertis de Fussala, qui accusaient Augustin de leur avoir donné
un évêque indigne lettre de justification, envoyée par Augus-
8
;

9
tin au pape Caelestinus .

On ne sait pas au juste comment finit l'affaire. Mais ces


anciens Donatistes de Fussala trahissaient, jusque dans leurs
plaintes les plus légitimes, un reste d'humeur querelleuse,
d'intransigeance sectaire, et de fureur processive. Us ne se las-
saient pas de harceler non seulement leur évêque, mais le pri-
mat de leur province, le concile de Numidie, jusqu'au pape.
Ils apportaient tant d'àpreté dans leurs reproches, qu'on crai-
10
gnait de les voir retomher dans le schisme et qu'Augustin ,

ll
put songer un instant à donner sa démission d'évêque II dut .

faire un retour mélancolique sur la vanité des triomphes,


quand il vit, douze ans après l'écrasement du Donatisme à la
Conférence de Carthage, l'esprit donatiste pénétrer autour de
lui jusque dans l'Eglise catholique.

VI
Documents du temps de l'occupation vandale ou de la domination byzautine. —
D'où vient rareté des pièces sur le Donalisme pendant toute cette période.
la
Témoignages divers sur la persistance du schisme sous les rois vandales. —
Edit d'Hunéric en 484.— —
Edit de Justinien en 535. Textes divers sur le Dona-
tisme au temps de Justinien. — Derniers documents sur l'histoire du schisme à
la du vi siècle. — Correspondance du pape Grégoire
fin e
Grand avec des le
évèques et des gouverneurs africains. — Dossiers judiciaires. — Procès d'Argen-
tius, évêque de Lamiggiga. — Procès de Maximianus, évêque de Pudentiana. —
Procès de l'évêque Paulus. —
Lois de l'empereur Tibère Maurice contre Je Dona-
tisme. — Requête du pape à l'empereur contre les schismatiques africains.

Autant les pièces d'archives sur le Donatisme étaient nom-


\, Episl. 209, 4. 7) Epist. 209, 6.

2) Ibid., 209, 6-7. 8) Ibid., 209, 9.


3) Ibid., 209, 4-5 et 7. 9) Epist. 209.
4) Ibid., 209, 9. 10) Ibid., 209, 9.
5) Ibid., 209, 6. M) Ibid., 209, 10.
6) Ibid., 209, 9.
310 LE DONATISME

breuses et variées pour l'époque d'Augustin, autant elles se


font rares dans la période suivante. 11 faut attendre jusqu'à la
fin du vi siècle, pour rencontrer de nouveau un groupe impor-
e

tant. Dans l'intervalle, pendant les cent années de l'occupation


vandale et les cinquante premières années de la domination
byzantine, les documents font presque entièrement défaut.
De cette pénurie, le hasard n'est pas seul responsable. D'abord,
le nombre des documents conservés est souvent en rapport
avec l'importance historique des choses et des faits. Or l'Église
schismatique ne se remit jamais du coup qui l'avait atteinte
en 411 après avoir longtemps occupé les premiers plans de
:

l'histoire, elle était devenue un élément secondaire de la


société africaine. Les archives sont à peu près muettes, tant
que schisme ne trouble point la paix publique; au contraire,
le
vers du vi e siècle, le Donatisme est visé dans d'assez nom-
la fin
breux documents, parce qu'alors il est redevenu menaçant. En
outre, l'on doit tenir compte de la façon dont nous sont par-
venues les pièces historiques de ce genre. C'est autour des grandes
œuvres polémiques, comme celles d'Optat et d'Augustin, ou
dans ces œuvres mêmes, que se sont conservés la plupart des
documents relatifs au Donatisme. Or, au v e siècle, la pensée des
Catholiques africains est ailleurs persécutés eux-mêmes par les :

Ariens, ils ne songent plus à poursuivre leurs propres schis-


matiques, qui se confondent avec eux aux yeux des conquérants.
L'historien des persécutions vandales, Victor de Vita, mentionne
à peine le Donatisme. Au vi e siècle, les polémistes de l'Afrique
byzantine regardent vers Constantinople et prennent part aux
querelles religieuses de l'Orient. Sans le retour offensif du
Donatisme au temps de Grégoire le Grand, et sans la corres-
pondance de ce pape, nous n'aurions même pu soupçonner que
l'Église dissidente eût gardé tant de fidèles et tant de force en
Numidie. De la rareté des pièces d'archives pendant la période
précédente, on ne doit donc pas conclure que l'Eglise schisma-
tique ne comptait plus alors en Afrique.
A défaut de documents officiels, la persistance du schisme
africain jusqu'à la fin de la domination vandale est prouvée par
toute une série de textes ou de témoignages contemporains :

les épitaphes des clercs donatistes de Benian, qui s'échelonnent


entre 422 et 446' les recensions donatistes du Liber genealog us,
;

en 427, en 438, en 455, en 463* la correspondance du pape ;

Léon le Grand, qui atteste la présence de Donatistes dans les


1 C. /. L., VIII, 21570-21514; Gsell, 2) Liber Genealogus, c. 428 ; 499 ; 628
Fouilles de lienian, p. 22-27 et 42. (p. 181, 188, l'.)6 Mommsen).
DOCUMENTS HISTORIQUES 311

Maurétanies en 446, et jusque dans les Gaules, à Narbonne, en


458 les ouvrages polémiques de l'évêque numide Asclepius
1
;

contre les schismatiques, au milieu du v e siècle*; les allusions


au Donatisme dans le Liber de promissionibus Dei, dans les
œuvres de Petrus Chrysologus, de Theodoret, de Victor de Vita 3
;

une lettre d'Avitus, où il est question de Donatistes établis à


Lyon en 502'; enfin, divers passages des œuvres de Fulgence
3
de Ruspae, de ses amis ou de ses adversaires .

Le schisme africain est visé peut-être dans un document offi-


ciel, émané de la chancellerie des rois vandales le célèbre :

édit promulgué par Hunéric le 24 février 484. Cet édit, inspiré


par la rancune du clergé arien, était un arrêt de proscription
contre le Catholicisme et les sectes non-ariennes. Par un raffi-
nement de cruauté, ou par une singulière ironie de scribes, qui
atteste dans cette cour barbare un respect significatif de la tra-
dition romaine, l'édit royal reproduisait exactement toutes les
clauses des anciennes lois promulguées par les empereurs
catholiques contre les hérésies, et principalement contre le
schisme africain. Parmi les suspects qui sont frappés d'amendes
diverses selon le rang et la catégorie, figurent les « Circoncel-
lions » ". Il est probable que ce nom désigne ici tous les Dona-
tistes; car tous les fidèles de l'Église schismatique, partout
dépossédés de leurs basiliques, proscrits et traqués depuis plu-
sieurs générations, étaient désormais réduits à mener la vie
errante ou précaire des Circoncellions d'autrefois.
Au lendemain de la conquête byzantine, le Donatisme est
encore frappé dans l'un des premiers édits promulgués en
Afrique au nom des nouveaux maîtres du pays. L'édit de Justi-
nien « Sur l'Église africaine », adressé le 1 er août 335 à Solo-
mon, préfet du prétoire d'Afrique, avait pour objet de réor-
ganiser le Catholicisme local, proscrit depuis un siècle, et rede-
venu brusquement l'Église officielle. Selon les idées du temps,
cette réorganisation impliquait la mise hors la loi de tous les
non-catholiques. A côté des Ariens, des Juifs, des païens, sont
nommés à deux reprises les Donatistes on leur interdisait de :

baptiser, d'ordonner des évêques ou des clercs, de posséder


aucune basilique, de célébrer aucun culte « même dans les

1) Léon I, Episl. 12, 6 167, 18.


; 4) Avitus, Epist. 26.
2) Gennadius, De scriptor. eccles., 73. Fulgence de Ruspae, Contra Sermo-
5)
3) Liber de promissionibus et prae- nem Faslidiosi Ariani ad Victorem, 10 ;

diclionibus Dei, II, 6, 10; IV, 13,22; Ad Felicem notarium deTrinilnle liber,
Petrus Chrysologus, Sermo 13; Theodoret, 1 ;
.Fastidiosus, Sermo, 1 ; Victor, Episl.
Haereticarum fabularum compendium, ad Fulgentium, 4.
IV, 6; Victor de Vita, 111, 71 Halm. C) Victor de Vita, III, 10 Halni.
312 LE DONATISME

cavernes »'. Les dissidents africains purent croire revenus les

beaux jours des persécutions d'Honorius.


Contre le Donatisme, le Code Justinien remit en vigueur les
vieilles lois impériales Néanmoins, l'Église schismatique
3
.

poursuivit ses obscures destinées jusqu'à la fin du règne de


Justinien, et au-delà. Elle est visée alors par Cassiodore dans ses
Commentaires des Psaumes*. Deux clercs africains, Ferrandus
et Cresconius, dans leurs compilations canoniques, sortes de
Codes disciplinaires, ne manquèrent pas d'insérer les principaux
canons contre le Donatisme, votés jadis par les conciles du
pays \ On ne prend pas ce genre de précautions contre des
morts.
En effet, vers lafinduvi e siècle, l'Église schismatique reparaît
au grand jour de l'histoire, du moins en Numidie. Elle se
montre alors si vivante, si confiante en ses forces, qu'elle
reprend l'offensive et ose menacer l'Église officielle. Par ses
attaques, elle inquiète le pape Grégoire le Grand, qui se décide
à mener une nouvelle campagne contre le schisme africain. A
cette campagne se rattachent les derniers documents connus
sur le Donatisme.
La lutte contre les dissidents d'Afrique tient une place
importante dans la correspondance de Grégoire le Grand.
Lettres officielles à l'empereur Maurice Tibère ou aux gouver-
neurs africains, à l'exarque Gennadius, au préfet du prétoire
5
Pantaléon Lettres moins solennelles à des évêques de la
.

6
contrée, à Dominicus de Carthage ou à des Numides
1
au ,

primat Adeodatus, à Maurentius, à Victor 8 surtout à Columbus, ,

qui jouait alors, probablement sans en avoir le titre, le rôle


9
d'un légat pontifical Toutes ces lettres, qui nous sont parve-
.

nues et qui nous permettent de suivre la politique africaine de


Grégoire le Grand, ont déjà par elles-mêmes la valeur de
documents historiques. En outre, elles nous fournissent des
renseignements précieux sur différentes pièces d'archives :

dossiers judiciaires, lois impériales contre le Donatisme,


requêtes du pape, sans parler des dossiers de conciles.
L'histoire du Donatisme, qui sous Constantin s'était ouverte

1) Justinien, Novell. 37, 5 et 8. 7 et 32 ; VI, 59 et 61 (edit. Ewald et Bart-


2) Cod. lustinian , I, 5, 2 et suiv. ; 6, manu, Berlin, 1 891 - 1S99, dans les Monu
1 ; Vil, 52, 6 ; etc. rnenta Germaniae).
In Psalm. 60 et 66.
3) Cassiodore, 6) Ibid., V, 3.
Ferrandus, Brevialio canonum, can.
4) 1) Ibid., I, 75.
50; 174 et suiv.; 189 et suiv.; 193; Cres- 8) Ibid., IV, X, : VIII, 13.
cornus, Concordia canonum, can. 253; 9) Ibid., II, 46; IV, 35; VI, 34; VII,
275; 278-280; 284. 2; VIII, 15.
5) Grégoire le Grand, Epist., I, 72; IV,
DOCUMENTS HISTORIQUES 313

par des enquêtes judiciaires, nous a si souvent


et qui plus tard
ramenés devant les juges, se termine également par des
procès. Il y avait trois cents ans que les deux Églises africaines
se querellaient devant les tribunaux. Trois procès de la fin du
vi e siècle se rattachent à l'histoire du schisme le procès d'Ar- :

gentius, évêque de Lamiggiga, en 591 le procès de Maximia- ;

nus, évêque de Pudentiana, en 592; le procès de l'évêque


Paulus, qui dura quatre ans, de 594 à 598. Sur ces trois affaires,
la correspondance de Grégoire le Grand nous donne des
indications précises, et même nous permet de reconstituer en
partie les dossiers.
Vers le milieu de l'année 591, le pape reçut une plainte
contre Argentius, évêque de Lamiggiga en Numidie. Deux
diacres de cette Église, Felicissimus et Vincentius, accusaient
leur évêque d'avoir commis une grosse injustice à leur
égard et bien d'autres méfaits, notamment d'avoir nommé
prêtres certains Donatistes qui avaient acheté leur nomination à
beaux deniers comptants. Le pape envoya aussitôt ses instruc-
tions à son légat Hilarus , notaire ecclésiastique (notarins
Africae), administrateur domaine pontifical en Afrique
du
[re.clor 'patrimoniiper Africain). En août 591, il lui communi-

qua le texte de la plainte, en le chargeant d'ouvrir une enquête


sur les faits reprochés à Argentius, de demander immédiate-
ment la convocation d'un concile qui jugerait l'affaire, et de
veiller ensuite à l'exécution du jugement « Presse-toi, disait:

le pape ; insiste pour que dans


pays, suivant la coutume, se
le
réunisse un concile. Que les évêques examinent, point par
point, toutes les allégations contenues dans le texte de la plainte
en question. Qu'ils mènent leur enquête d'après les règles
canoniques, en présence des parties, avec un minutieux scru-
pule. Quelle que soit la décision des juges, tu veilleras à ce que
le jugementsoit exécuté sur tous les points. Hàte-toi donc
d'agir apporte tous tes soins à ce procès, afin qu'on ne puisse
;

invoquer aucun prétexte pour différer l'enquête ordonnée.


Sache que tu t'exposerais à de graves reproches, si l'exécution
de mes ordres était retardée par une excuse quelconque » l On .

voit que le pape était pressé d'aboutir. Il n'est pas douteux


qu'Ar^entius ait été traduit devant un concile de Numidie, sans
doute vers la fin de 591, et qu'on ait suivi la procédure recom-
mandée. Nous ne savons, d'ailleurs, comment finit l'affaire.
Dans le dossier figuraient les pièces suivantes, dont la seconde

1) Epist., 1, 82.
,

314 LE DONATFSME

est entièrement conservée la requête (petitio) des diacres Feli-


:

cissimus et Vincentius contre leur évêque; les instructions


(praeceptum) envoyées par le pape à Hilarus le procès-verbal ;

de l'enquête (Gesta)\
L'année suivante, une affaire analogue amena une nouvelle
intervention du pape. Un autre évêque numide, Maximia-
nus de Pudentiana, était soupçonné aussi de complaisances
intéressées pour les schismatiques Deux de ses diacres
.

Gonstantius et Mustelus, le dénoncèrent comme ayant commis


diverses malversations, et comme ayant reçu de l'argent pour
autoriser les Donatistes à élire, dans son propre diocèse, un
évêque de leur parti. Les accusateurs se rendirent à Rome, au
début de l'été de 592, et remirent eux-mêmes leur plainte.
Grégoire le Grand procéda comme pour Argentius il ordonna :

immédiatement d'ouvrir une enquête et de traduire Maximia-


nus devant ses pairs. Par une lettre qu'il confia aux plaignants,
le 23 juillet 592, il chargea l'évêque Columbus de s'entendre
avec son primat et avec le légat Hilarus pour la convocation du
concile. Si Maximianus était coupable, on devait le déposer, le
dégrader, le condamner à indemniser tous ceux qu'il avait lésés ;

s'il était reconnu innocent, on punirait sévèrement les calom-

niateurs. Nous ignorons l'issue du procès, qui dut avoir lieu à


la fin de 592. Le dossier comprenait la requête (petitio) des
:

diacres Gonstantius et Mustelus contre leur évêque; les ins-


tructions du pape à Columbus, et, sans doute, des instructions
analogues à Hilarus; le compte-rendu de l'enquête (cognitio) et
des débats devant le concile 2 .

Les deux procès précédents trahissaient d'étranges compro-


missions l'inconscience ou l'imprudence d'évêques catholiques,
:

accusés de s'être vendus aux Donatistes. Le procès de Paulus


montre l'audace croissante des schismatiques de Numidie.
Pendant quatre ans au moins, ils s'acharnèrent contre un mal-
heureux évêque catholique, dont le seul tort paraît avoir été de
ne pas s'incliner devant eux. Ils réussirent à le faire excom-
munier par un concile soi-disant catholique. Ils obtinrent l'ap-
pui de l'exarque d'Afrique, dont l'intervention entrava l'en-
quête du pape. On peut douter qu'ils se soient inclinés devant la
sentence de l'empereur, proclamant l'innocence de leur ennemi.
Ce Paulus était évêque quelque part en Numidie; on ne nous
dit pas dans quelle cité. Nous ne savons pas au juste ce qu'on
lui reprochait. Probablement, des malversations ; mais ce

\) Epist., I, 82. 2) Epist., Il, 40.


DOCUMENTS HISTORIQUES 315

n'était là qu'un prétexte. Ce qui est certain, c'est que les Dona-
tistes soulevèrent contre Paulus l'opinion publique de Numidie,
et que Paulus se plaignait beaucoup des Donatistes. Son pro-
cès fut instruit successivement devant trois juridictions en :

Numidie, devant le concile provincial; à Rome, devant le pape;


à Constantinople, devant l'empereur.
Le premier acte se passe en Numidie. L'évêque Paulus avait
cherché sans doute à arrêter autour de lui les progrès du schisme :

d'où la haine des dissidents. Comme bien d'autres de ses col-


lègues, il paraît avoir été chassé de son diocèse par ses adver-
saires. Vers le début de 594, il se plaignit auprès du pape, et
voulut se rendre à Rome pour exposer lui-même ses griefs. Ses
ennemis l'accusèrent auprès des agents impériaux, et réussirent
à l'empêcher de partir. Grégoire le Grand intervint. Au mois de
juillet, il écrivit simultanément au préfet du prétoire Panta-
léon, à l'exarque Gennadius, aux évêques numides Victor et
Columbus à tous, il demandait de faciliter et de hâter le départ
:

de Paulus Les Donatistes furent plus puissants que le Pape.


1
.

Ils manœuvrèrent si bien que, deux ans plus tard, leur accusa-
teur était encore en Afrique. Bien mieux, ils le firent condamner
par l'Église même dont il s'était fait le champion. Une perfide
campagne de calomnies l'avait rendu suspect à ceux-là mêmes
qui auraient dû le défendre au préfet du prétoire d'Afrique, à
:

l'exarque, aux autres évêques catholiques de la région. Vers le


commencement de l'été de 596, Paulus fut traduit devant le
concile de Numidie, qui l'excommunia 2 .

C'est alors que


pape évoqua l'affaire devant son tribunal.
le
Au lendemain de l'excommunication, Paulus avait pu tromper
la surveillance de ses ennemis, et s'embarquer pour l'Italie.
Les haines qu'il fuyait l'y poursuivirent. Bientôt arrivait à
Rome un rapport de l'exarque d'Afrique Gennadius, très :

hostile à l'évêque persécuté, avisait le pape de la sentence d'ex-


communication lancée par le concile, et justifiait cette sentence
par ses propres accusations. C'était au mois d'août de l'année
596. Le pape répondit aussitôt à l'exarque. Il lui reprochait de
n'avoir tenu aucun compte des instructions envoyées deux ans
plus tôt. Il ajoutait qu'il avait fait lire à Paulus la lettre accu-
satrice, et que l'accusé avait énergiquement protesté. Le pape
3
annonçait qu'il ouvrait lui-même une enquête Justement, .

Gennadius avait envoyé à Rome son chancelier (cancellarius),


avec trois témoins à charge contre Paulus. Donc, rien ne man-

1) Epist., IV, 32 et 35. — Cf. VI, 59. 3) EpisL, VI, 59.

2) lbid. t VI, 59; VU, 2.


316 LE DONATISME

quait pour le procès en appel, ni la sentence du concile, ni


réquisitoire, ni accusateur, ni accusé, ni témoins, ni juge. Et
cependant, le procès n'eut pas lieu. Dès les préliminaires de
l'instruction, le chancelier de l'exarque se déroba, affîrmantqu'il
n'avait pas de pouvoirs en règle pour se porter accusateur.
D'autre part, l'accusé exprimait le désir d'en référer à l'empe-
reur. lui-même s'effrayait un peu à la pensée
Enfin, le juge
qu'il pourrait être amené
à proclamer l'inanité des griefs for-
mulés contre un évêque par le chef de l'armée d'Afrique. On se
mit d'accord pour renvoyer l'affaire devant le tribunal de
l'empereur Le pape autorisa Paulus à partir pour Constanti-
1
.

nople avec ses témoins, deux autres évêques qui étaient venus
d'Afrique avec lui, et qui personnellement avaient aussi à se
plaindre des Donatistes. Grégoire le Grand écrivit à l'empereur
pour lui exposer la situation il déclarait n'avoir pas voulu
:

remplir l'office de juge dans un procès où l'une des parties était


un haut fonctionnaire 2 Paulus était déjà en route pour Cons-
.

tantinople, quand arriva une lettre de Golumbus l'évêque :

numide notifiait à son tour la sentence d'excommunication, en


accusant aussi son collègue excommunié. Dans sa réponse, le
pape blâma Columbus d'avoir tant tardé désormais, l'accusé :

n'étant plus là, c'est de l'empereur que relevait l'affaire 3


.

Paulus dut comparaître devant le tribunal de l'empereur


Maurice Tibère, à Constantinople, dans le courant de l'an-
née 597. On ne sait rien de précis sur ce troisième procès. Une
seule chose est certaine, c'est que Paulus eut gain de cause. Il
revint à Rome, la tête haute, en février 598*. Le pape n'hésita
plus à prendre franchement son parti. Paulus se préparant à
retourner en Afrique, Grégoire le Grand lui remit deux lettres
de recommandation pour des évêques numides Tune pour :

Columbus, l'autre pour le primat Adeodatus et son collègue


Maurentius. Le pape exhortait les destinataires à s'incliner
devanl le jugement d<> l'empereur, à oublier leurs griefs ou
leurs préventions contre Paulus, à plaider sa cause auprès des
Catholiques de Numidie, à le défendre envers et contre tous,
même au risque de déplaire 5 D'après les précautions oratoires
.

et les réticences du pape, on devine que ses lettres de recom-


mandation n'ont pas dû produire beaucoup d'effet. Les Dona-
tistes ne désarmaient pas volontiers; l'opinion africaine,
même dans le camp catholique, était très montée contre le pro-
1,1 EpisL, VI, 61 ; VII, 2. —Cf. VI, 59. i) Epist., VI, fil;VII, 2; VIII, 13 el 15.
2 Ibid., VI, 6t. 5) Ibid., Mil, 13 cl 15.
,, Ibid., vu, 2.
.

DOCUMENTS HISTORIQUES 317

tégé de Grégoire le Grand il n'est pas sûr que le concile de ;

Numidie consenti à retirer son excommunication. Selon


ait
toute apparence, le pauvre évêque Paulus n'était pas encore
au bout de ses tribulations.
La procédure complexe de cette interminable affaire, plaidée
successivement en Numidie, à Rome, à Constantinople, pro-
duisit un dossier très considérable, dont beaucoup de pièces
nous sont parvenues. Dans ce dossier figuraient trois lettres :

du pape Grégoire le Grand, qui priait le préfet du prétoire Pan-


taléon, l'exarque Gennadius, les évoques Victor et Columbus,
de faciliter le départ de Paulus pour Rome (juillet 594) les '
;

Gesta du concile de Numidie, et la sentence d'excommunica-


tion (été de 596)'; un rapport de l'exarque Gennadius, notifiant
au pape l'excommunication la réponse du pape à l'exarque 3
;

(août 596) le procès-verbal de l'enquête (inquisitio) faite à


'
;

Rome 5 le rapport du pape à l'empereur Maurice Tibère


;

6
(août 596) une lettre de l'évêque Columbus notifiant à son
;

tour l'excommunication'; la réponse de Grégoire le Grand à


Columbus (octobre 596) les Gesta du procès devant le tribu-
8
;

9
nal de l'empereur à Constantinople (597) enfin, les deux ;

lettres de recommandation remises à Paulus par le pape, l'une


pour Columbus, l'autre pour le primat Adeodatus et l'évoque
Maurentius (février 598) 10 Toutes ces pièces, et d'autres sans
.

doute, que Paulus rapportait dans son bagage, durent être pro-
duites devant le concile de Numidie, où le dossier s'enrichit
encore.
Ces procès, nés des intrigues donatistes, attirèrent l'attention
du gouvernement central sur le réveil et les progrès inquié-
tants du schisme africain. D'ailleurs, les avertissements
affluaient plaintes de nombreux évêques, décisions de conciles,
:

requêtes du pape, rapports des gouverneurs. Comme autrefois


Honorius ou Constantin, l'empereur Maurice Tibère se décida
à édicter des mesures spéciales contre le Donatisme. Il y eut
probablement plusieurs lois successives. Nous avons quelques
renseignements sur celle qui fut promulguée vers le milieu de
594 H Au mois de juillet de cette année-là, Grégoire le Grand
.

invita le préfet du prétoire d'Afrique à appliquer la loi (lex)


qui ordonnait de poursuivre les hérétiques, à sévir contre ces

1) Epist., IV, 32 et 35. — Cf. VI, 39. 6) Epist., VI, 61


2) Cf. VI,59 VII, 2.
; 7) Lettre mentionnée par le pape (VU, 2).
3) Rapport mentionné par le pape (VI, 8) Ibid., VII, 2.
59). 9) Cf. VI, 61; V11I, 13 et 15.
4) Epist., VI, 59. 10) Ibid., VIII, 13 et 15.
5) Ibid., VI, 61 ; Vil, 2. — Cf. VI, 59. 11) Ibid., V, 3; VI, 61. — Cf. IV, 32.
318 LE DONATISME

Donatistes que condamnait rigueur des lois humaines »


« la
(legumdistrictîo mundanarum) l
. En septembre,
il parlait encore

des récentes constitutions impériales (allegatio principalium


jussiojium), qui venaient d'inspirer au concile de Carthage une
série de canons contre le schisme*. Deux ans plus tard, il se
plaignait que les instructions de l'empereur (principales jus-
siones) n'eussent pas été suivies (août 596) 3 Nous ne connais- .

sons pas exactement la teneur de ces lois contre le Donatisme.


D'après les allusions du pape, elles devaient contenir des
clauses analogues à celles des édits d'Honorius et de Justinien :

défense de rebaptiser, d'ordonner aucun clerc, de célébrer


aucun culte. L'empereur prescrivait de rétablir partout l'unité
religieuse d'où le canon du concile de Carthage qui, cette
:

même année, menaça de déposition et de confiscation des biens


tout évêque convaincu de n'avoir pas supprimé le schisme dans
son diocèse'-.
A ces constitutions impériales se rattache étroitement un
dernier groupe de documents les requêtes adressées par
:

Grégoire le Grand aux représentants du pouvoir séculier, pour


réclamer la stricte observation des lois contre les Donatistes.
Au mois d'août 591, le pape envoya une requête de ce genre à
Gennadius, l'exarque d'Afrique, pour l'exhorter à arrêter la
propagande des schismatiques 5
Dans les années suivantes, à
.

plusieurs reprises, il s'adressa au même personnage pour


stimuler son zèle, qui ne fut jamais très ardent; il essaya même,
sans succès, de lui donner des instructions pour la lutte contre
6
les dissidents Il tenta
. des démarches analogues auprès de
Pantaléon, préfet du prétoire d'Afrique en juillet 594, il le :

pressait de réprimer l'audace des Donatistes, de veiller à l'exé-


1
cution des nouvelles lois impériales Mais ces fonctionnaires,
.

responsables de l'ordre public, et soucieux d'éviter les compli-


cations, ménageaient plus ou moins ouvertementles Donatistes,
qu'ils voyaient si intraitables, et qui dominaient alors la Numi-
die avec la complicité tacite ou l'assentiment résigné d'une
partie des évêques catholiques. Grégoire le Grand comprit que,
seul, l'auteur des lois pourrait en assurer l'application. D'où
la requête solennelle qu'il envoya à l'empereur Maurice Tibère,
en août 596. Au milieu des exhortations et des compliments, le
pape glissait un reproche discret « Ta piété Sérénissime,
:

i) Epist., IV, 32. 5) Episl., I, 72.


2)lbid., V, 3. 6) Ihid., IV, 7; VI, 59.
3) Ibid., VI, 61. 7) Ibid., IV, 32.
4) Ihid., V, 3.
DOCUMENTS HISTORIQUES 319

disait-il, s'est vivement émue de l'horrible perversité des


Donatistes, par considération de justice, et par zèle pour la
vraie religion c'est ce qu'atteste clairement la teneur de tes lois
:

dirigées contre eux. Mais des personnages révérendissimes,


des évêques venus de la province d' Afrique, affirment qu'on
apporte là-bas, dans l'application de ces lois, une incurie, une
négligence incroyable. On n'y redoute même pas le jugement
de Dieu, et, jusqu'ici, les ordres de l'empereur n'ont eu aucun
effet. Ces évêques ajoutent que, dans la dite province, les
Donatistes obtiennent tout à prix d'argent, et que la foi catho-
lique s'y vend publiquement aux enchères »'.
La requête découragée du pape décida-t-elle l'empereur à
promulguer quelque loi nouvelle, ou, du moins, à envoyer des
instructions formelles pour l'application des lois antérieures?
On ne saurait dire. En tout cas, la constitution impériale de 594
et la requête de Grégoire le Grand en 596 sont les dernières
pièces connues dans cette interminable série de documents
officiels, qui, depuis Constantin jusqu'à Maurice Tibère, atteste
l'elïort intermittent, les succès apparents et l'impuissance
définitivedu pouvoir séculier, au cours de la lutte trois fois
séculaire contre le Donatisme.

\) EpisL, VI, 61.


CHAPITRE III

LES ACTES DES CONCILES


DONATISTES OU ANTIDONATISTES

Vue d'ensemble. — Liste chronologique des conciles qui se rapportent à l'histoire


du Donatisme. — L'institution synodale chez les schismatiques africains. — Con-
ciles de la province de Numidie. — Conciles généraux.

L'une des sources de l'histoire du Donatisme


les plus riches
est la série des documents
aux conciles. Dès le milieu
relatifs
du 111 e siècle, les réunions périodiques d'évêques avaient été en
Afrique l'un des organes essentiels du gouvernement de l'Église.
Fidèles en cela, comme en tout, aux traditions de Cyprien, les
schismatiques conservèrent cette antique institution, qui a joué
un rôle décisif dans leur histoire. Si haut qu'on remonte ou si
bas qu'on descende dans les annales du Donatisme, on y ren-
contre des conciles depuis les plus lointaines origines du
:

schisme jusqu'au temps de Grégoire le Grand. Plusieurs années


avant la rupture, c'est dans la réunion épiscopale de Cirta que
se manifeste pour la première fois l'esprit sectaire d'où sortira
l'Église nouvelle' et la rupture est consommée en 312, à Car-
;

tilage, par une assemblée des évêques dissidents 2 Plus tard, .

c'est toujours dans des conciles que les schismatiques se


comptent, s'organisent pour la lutte, développent leur propa-
gande, arrêtent les principes de leur politique et les moyens
d'action c'est là aussi qu'ils lancent l'anathème aux Catho-
;

liques ou s'excommunient mutuellement. Et c'est encore par


des conciles que les Catholiques se défendent, proscrivent le
schisme et cherchent à l'entraver, puis, au temps d'Augustin,
reprennent l'offensive, fixent le plan et règlent les détails de
l'habile campagne qui finit par leur assurer la victoire.
Pendant les trois siècles qu'a duré la lutte entre les deux
Eglises africaines, surtout pendant la période où cette lutte a

1) Optât, I, 14; Augustin, Contra Cres- Epùt. 43, 2, 3; Ad Catholicos Ëpistula


conium, III, 27, 30. contra Donatistas, 25, 73 Brevic. Col-
;

2) Optât, I, 15 et 19-20; Augustin lai., 111, 14, 26.

IV 21
.

322 LE DONATISME

été la plus vive, c'est-à-dire au iv e siècle et dans les premières


e
années du V , les assemblées d'évêques de l'un ou de l'autre
parti,ou même des différentes sectes donatistes, les conciles
de tout genre relatifs au schisme, ont dû être innombrables.
Beaucoup nous sont connus et nous croyons utile d'en donner, ;

dès maintenant, tableau d'ensemble. Voici donc, dans Tordre


le
chronologique, la liste de tous les conciles donatistes sur les-
quels nous avons des renseignements plus ou moins explicites,
et des conciles catholiques qui, d'une façon ou d'autre, ont
combattu le schisme.

Liste chronologique des Conciles donatistes ou relatifs au Donatisme.

305 (5 mars] Réunion épiscopale de Cirta.


312. . . . Conciledes dissidents à Carthage schismatique.
313 (2 octobre) Concilede Rome catholique.
314 {1" août) Concile d'Arles id.
Vers 336 . . Concile des 270 évêques à Carthage donatiste.
Vers 340 . . Synode provincial de Numidie id.
Vers 341 . . Synode, provincial de Numidie id.
Vers 343 . . Synode de Sardique, qui adressa une lettre à Do-
nat de Carthage semi-arien.
317. . . Synode provincial de Numidie donatiste.
347 ou 348 Synodes provinciaux de Ryzacène, de Numidie, de
Maurétanie catholiques.
Vers 348 Concile de Carthage sous Gratus id.
Vers 362 Synode provincial de Thcveste donatiste.
378. . Concile romain qui porta plainte contre l'évêquc
donaliste de Rome catholique.
Vers 380 . . Concile qui condamna Tyconius donatiste.
386 (6 janvier Concile de Rome catholique.
Avant 392. . Conciles schismaliques ordonnant de rebaptiser tout
catholique converti donatistes.
392 . Concile de Carthage maximiauisle.
393 (24 juin)! Concile de Cabarsussa id.
393 (8 octobre) Concile d'Hippone catholique,
394 (24 avril) Concile de Bagaï primianiste.
Vers 396 . . Concile de Constantine
'
id.
Vers- 397 . . Concile de Milev id.
397 . Concile de Thamugadi id.
397 (28 août) Concile de Carthage catholique.
399 (27 avril, Concile de Carlhage id.
401 (16 juin). Concile de Carthage id.
401 (été) . . Concile de Rome id.
401 (13 septembre Concile de Carlhage id.
402 (27 aoûl Concile de Milev. . id.
403 (25 août) Concile de Carthage id.
403 (fin de l'année !e schismatique qui repoussa le projet de Con-

férence .... primianiste.


404 (16 juin). . Concile de Carthage catholique.
405 (23 août). . Concile de Carthage id.
407 (13 juin). . Concile de Carthage id.
408 (16 juin). . Concile de Carthage. id
408 (13 octobre) Concile de Carthage id.
410 (14 juin). . Concile de Carthage. id.
411 (23 mai -7 juin) Concile de Carthage, réuni à l'occasion de la Con
férence
411 (25 mai-7 juin) Concile schismatique de Carthage, a l'occasion de la
Conférence primianiste.
411 (1-8 juin) . . onférence de Carthage entre Catholiques et Dona
<

tisles.
..
.

ACTES DES CONCILES 323

412 (14 juin). . Concile de Numidie. catholique.


418 (24 février). Concile de Byzacène id.

418 (1 er mai). . Concile de Carthage. id.

418 ou 419 . . Concile de Numidie. donatiste.


419 (25 mai). . Concile de Carthage catholique.
Vers 422 . . . Concile de Numidie id.

446 Concile de Césarienne id.

590 Concile de Numidie . id.

591 Concile de Numidie. id.


592 Concile de Numidie id.
593 Concile de Numidie. id.
594 Concile de Carthage id.

594 Concile de Numidie id.

596 Concile de Numidie. id.

Voilà donc plus de cinquante conciles qui se rapportent à


l'histoire du Donatisme. Dans cette liste, comme on l'a vu,
figurent des conciles de tout genre : donatistes ou catholiques,
primianistes ou maximianistes, régionaux ou généraux. Par
là, ce simple catalogue, où les assemblées devêques rivaux se
succèdent et s'opposent dans l'ordre des temps, est une image
assez fidèle de la mêlée des partis.
D'ailleurs, dans toute l'Afrique chrétienne, l'institution
synodale présentait alors presque les mêmes traits. Nous ne
nous arrêterons pas ici à l'organisation des conciles catholiques.
Nous avons étudié précédemment' ceux du 111 e siècle, puis ceux
du iv e quant à ceux du temps d'Augustin ou des périodes
;

suivantes, ils ne nous intéressent pour le moment que dans la


mesure où ils touchent au Donatisme. Il nous suffira donc de
résumer brièvement ce que nous savons sur les conciles des
schismatiques.
Une fois de plus, nous surprenons ici l'esprit conservateur
des Donatistes. Tandis que les Catholiques africains, au cours
du iv e siècle, organisaient définitivement leurs provinces
ecclésiastiques et instituaient partout des synodes régionaux,
les schismatiques s'en tenaient à l'organisation embryonnaire
du temps de Dioclétien. Comme les Catholiques au moment de
la rupture, ilsn'ont jamais eu qu'une seule province ecclésias-
tique : Numidie. En dehors de cette contrée, toutes leurs
la
Églises relevaient directement de Carthage. Par suite, les Dona-
tistes n'ont connu que deux espèces d'assemblées épiscopales :

les synodes provinciaux de Numidie, et les conciles généraux


du parti.
En raison de la forte centralisation de l'Eglise schismatique,
les conciles provinciaux de Numidie n'y ont eu qu'une impor-

1) Histoire littéraire de l'Afrique chrétienne, t. Il, p. 41-66; t. III, p. 205-237.


324 LE DONATISME

tance secondaire. Ils étaient naturellement convoqués et prési-


dés par le primat de la province, qui, suivant la tradition afri-
caine, était simplement le doyen des évêques, le plus ancien
par la date d'ordination. On doit considérer probablement
comme des conciles régionaux les conciles schismatiques
tenus en Numidie vers 340-341 l
en 347*, vers 362 (Theveste)
,
3
,

vers 396-397 (Gonstantine et Milev) 4 ,en 418-419 5 Notons pour- .

tant qu'il n'est pas toujours facile de distinguer les conciles


numides, proprement dits, des conciles généraux siégeant en
Numidie.
Chez les Donatistes, encore plus que chez les Catholiques, le
rouage essentiel du gouvernement ecclésiastique était le concile
général du parti (concilhim plenarium ou universelle)*. Les
évêques dissidents s'y rendaient avec empressement de tous
les pointsde l'Afrique, d'autant mieux que, Numidie à part, ils
n'avaient pas de synodes provinciaux. C'est une des raisons
pour lesquelles ils se sont rencontrés en si grand nombre dans
certaines de leurs assemblées. Le concile général du parti de
Donat se réunissait presque toujours à Carthage, où résidait
son chef suprême. C'est seulement par exception, et pour des
raisons particulières, que des assemblées plénières ont siégé
ailleurs. Si, en 393, les Maximianistes ont tenu leurs grandes
7
assises à Cabarsussa en Byzacène c'est qu'ils dominaient dans ,

cette province, et que, voulant déposer le primat, ils ne pou-


vaient guère se risquer à Carthage, où ils comptaient beaucoup
moins de partisans. Par contre, en 394, si les Primianistes se
donnèrent rendez-vous àBagaï en Numidie c'est que la Numi- 8
,

die était alors la forteresse du Primianisme. Abstraction faite


de ces circonstances exceptionnelles, Carthage était le siège
ordinaire des grands conciles du Donatisme dans cette ville :

ont dû se tenir les assemblées plénières dont on n'indique pas


le lieu.
Le concile général des Donatistes
était convoqué et présidé
j)irl'évêque-primat de Carthage, patriarche et chef tout-puissant
de l'Église dissidente. On relève, cependant, quelques anomalies
apparentes. Dans plusieurs pièces du dossier de 411, le primat
de Carthage, le très autoritaire Primianus, cède le pas à son

1) Optât, III, 4. 3, 7; Conlra Cresconium, III, 19, 22; 25,


2, l'assio Marcuii, p. 761 Migne [Palrol. 28 ; IV, 10, 12; 31, 38.
lut., t. VIII). 7) Sermo 11 in Psalm. 36, 20.
Optât, II, is. 8) Contra Cresconium, III, 52, 58; IV,
. taguslin, Episl. 34, j. 10, 12; 37, 44: (leahi cum Emerilo, 9;
5) Conlra Gaudenlium, I, 37, 47-48. Episl. 141, 6.
G) Conlra Epislulam Parmeniani, il,
.

ACTES DES CONCILES 325

collègue Ianuarianus, primat de Numidie, qui signe le premier '

Il croyons-nous, d'une préséance purement honori-


s'agit là,
fique, accordée au plus ancien des deux primats, en souvenir du
rôle joué à Carthage par Secundus de Tigisi dans les origines
du schisme 2 En tout cas, il n'est pas douteux que le primat de
.

Carthage, au temps du grand Donatou de Parmenianus comme


au temps de Primianus, ait présidé toujours les assemblées
plénières, toutes convoquées par lui. Ces assemblées exerçaient
une autorité souveraine elles réglaient toutes les affaires du
:

parti, jugeaient les procès en appel, excommuniaient ou amnis-


3
tiaient, déposaient des évoques Elles jouaient, en somme, le
.

même rôle que chez les Catholiques, mais avec plus de rigueur
dans le fond, et plus de rudesse dans la forme, comme il con-
venait chez des sectaires.
Donatistes ou Catholiques, ces conciles ont décidé de l'orien-
tation et de la destinée des deux partis. L'histoire de l'Eglise
schismatique nous a montré quelle avait été leur importance.
Il s'agit maintenant d'en analyser les dossiers, qui, d'ailleurs,

nous sont connus très inégalement. Nous étudierons successi


vement, à ce pointde vue, les conciles antérieurs au temps d'Au-
gustin, puis les conciles du temps d'Augustin et la Conférence de
411, enfin les conciles postérieurs. Pour chaque période, aux dos-
siers donatistes, nous verrons s'opposer des dossiers catholiques.

II

Conciles antérieurs au temps d'Augustin (303-391). —


Protocole deCirta du 5 mars
305. —
Concile des dissidents à Cartilage en 312. -- Procès-verbal des négocia-
tions avec Caecilianus. —
Réquisitoires. —
Procès -verbal des votes motivés. —
Lettre synodale aux Eglises africaines. —
Concile des 210 évoques schismatiques à
Carthage, vers 336. —
Synodes donatistes de Numidie, vers 340-341. Concile —
donatiste de Numidie, en 347. —
Synode donaliste de Theveste, vers 362. —
Concile donatiste, vers 380. —
Autres synodes schismatiques. Conciles catho- —
liques contre le Donatisme. —
Concile de Rome du 2 octobre 313. Lettres —
qui s'y rapportent. —
Actes du concile. —
Réquisitoire des schismatiques afri-
cains. —
Sentence du pape Miltiade. —
Rapport à l'empereur. Concile —
d'Arles du l ep août 314. —
Lettres qui s'y rattachent. —
Canons et lettre syno-
dale au pape Silvestre. —
Synodes africains, en 347-348. Concile de Carthage —
sous Gratus, vers 348. —
Canons relatifs au Donatisme. Concile romain de —
378. —
Plainte contre l'évèque donatiste de Rome. —
Concile romain de 386.
— Lettre synodale aux évoques africains.

A la première période, celle qui précède le schisme maxi-


mianiste et les débuts de la campagne d'Augustin, se rapportent

1) Collât. Carthag.,
" I, 14; 148-149; listas, 25, 73; Brevic. Collât., III, 14,
157; 208; III, 258. 26.
2) Optât, 1, 19; Augustin, Epist. 43, 2, 3) Augustin, Contra litte.ras Petiliani,
3; Ad Calholicos Epislula contra Dona- II, 26, 61; 111, 34, 40; Contra Cresco-
326 LE DONATISME

une quinzaine de conciles, les uns donatistes, les autres catho-


liques. Sur la plupart d'entre eux, nous n'avons que des don-
nées sommaires. Mais pour quelques-uns, et précisément pour
ceux qui ont exercé l'action la plus décisive, ceux qui par suite
ont été souvent allégués dans les controverses, nous possédons
encore, sinon des Actes proprement dits, du moins des pièces
authentiques, ou des fragments, et des renseignements expli-
cites, qui permettent d'en reconstituer assez exactement le
dossier.
Nous commencerons naturellement par la série des conciles
schismatiques, dont les plus anciens ont préparé ou décidé la
rupture. Nous ne reviendrons pas sur le Protocole de Cirta, du
5 mars 305, qui a été précédemment analysé. Si précieuse et
si instructive que soit cette pièce, où se trahissent la conscience

inquiète et l'esprit sectaire des futurs schismatiques, nous avons


montré que les Actes de ce prétendu « Concile de Cirta » se
rapportent, non pas à un véritable concile, mais à un groupe
restreint d'évêques, réunis simplement, selon l'usage, pour
l'ordination d'un collègue Ce sont les circonstances, c'est
1
.

l'effarement de ces prélats compromis dans la persécution, et


inquiets du lendemain, qui ont donné une valeur historique à
ce banal protocole d'ordination, précédé et compliqué d'un
examen de consciences épiscopales. C'est donc seulement pour
mémoire que nous mentionnons ici le célèbre document de
En réalité, la série des conciles schismatiques s'ouvre
Cirta.
par le dossier de l'assemblée des évêques dissidents, à Carthage,
en 312.
On ne saurait trop regretter la perte de ce fameux dossier,
qui figurait en partie dans l'Appendice d'Optat 3 et qui a été si ,

souvent cité dans les controverses. Heureusement, Optât,


Augustin, le procès-verbal de 411, nous renseignent assez bien
sur les séances de ce concile, sur les questions soulevées et les
incidents, sur les décisions prises, sur les documents qui s'y
rapportaient et dont quelques fragments nous sont parvenus 3 .

Le premier concile des dissidents comptait environ soixante-


dix évoques, tous ou presque tous numides. Il fut convoqué à

nium, IV, 4, 5; Sermo II in Psalm. 36, 3) Optât, I, 15 et 19-20; Collai. Car-


20; Collai. Carthag., I, 129-130: 201 et thag., III, 34"!; 351 ut suiv. ; Augustin,
suiv. Brevic. Collât., III, 14, 26; 16, 28; Ad
1) Optât, I, 14; Augustin, Contra Cres- Donalislas post Collai., 22, 38; Contra
conium, III, 27, 30.— Cf. Histoire litté- Cresconium, III, 28, 32 IV, 7, 9; Epis t. ;

raire de VAfritjue chrétienne, t. III, 43,2, 3 el ^uiv. 141, 6; Contrit Fulqen-


;

p. loi. Hun, Donalist., 2tf.


2) Optai, I, 20.
ACTES DES CONCILES 327

Carthage et présidé par le primat de Numidie, Secundus de


Tigisi Le choix seul du lieu des séances fut une déclaration
1
.

de guerre au nouvel évêque de Carthage. Le concile refusa de


siéger, suivant l'usage, dans l'église épiscopale, sous la prési-
dence de Caecilianus, devenu par sa récente ordination le chef
de toute l'Afrique chrétienne pour réserver sa liberté, c'est-à-
:

dire pour affirmer sa défiance, il se réunit dans une maison


particulière (in domum privatam) \ On ne peut fixer exactement
la date au témoignage d'Augustin qui les lisait encore en
:

entier, les Actes mêmes du concile ne contenaient l'indication


ni de l'année consulaire ni du jour Cependant, d'après la 3
.

suite des événements, on arrive à une approximation suffisante.


Le concile est antérieur à la requête des dissidents et au rapport
du proconsul Anulinus, daté du 15 avril 313*. Il est naturelle-
ment postérieur, mais de peu, à l'élection de Caecilianus. Cette
élection eut lieu vers la fin de 311 elle suivit de près une série
:

d'événements historiques qui se déroulèrent cette année-là,


tous en rapport les uns avec les autres, la conquête de l'Afrique
par les troupes de Maxence et la chute du gouvernement de
Domitius Alexander au printemps de 311, le sac de Carthage
et la dévastation de la contrée par les vainqueurs, le pamphlet
du diacre Félix contre Maxence et ses bourreaux, le voyage à
Rome et la mort de l'évêqueMensurius, enfin l'édit de tolérance
promulgué par Maxence pour apaiser les esprits et rallier les
8
chrétiens contre Constantin déjà menaçant De la suite des .

faits, il résulte évidemment que les évêques dissidents se sont


réunis à Carthage dans le courant de l'année 312.
Cette assemblée a son histoire officielle et son histoire
secrète. Celle-ci nous est connue par les indiscrétions d'Optat,
d'Augustin, des Gesta apud Zenophilum. On sait que les
Numides furent les instruments, plus ou moins conscients,
d'une puissante coterie locale; qu'ils furent appelés et poussés
par Donat, par les prêtres Botrus et Caelestius, surtout par la
matrone Lucilla, qui acheta de ses deniers une partie des
évêques 6 Mais, naturellement, tandis que les Numides agis-
.

saient, les gens habiles qui tenaient les fils de l'intrigue res-

1) Optât, I, 19; Augustin, Brevic. Collât., Afrique (dans les Mémoires des Anti-
111, 14, 26. quairesde France, t.LXI (1900), p. 1-22).
2) Augustin, Episl. 43, 6, 18. 6) Gesta apud Zenophilum, p. 189 et

3) Brevic. Collât., III, 14, 26. 194-196 Ziwsa ;


Optât, I, 18-19; Augus-
4) Collât. Carthag., III, 215-220 Au- ;
tin, Epist. 43,6, 17 43, 9, 26; Ad Calho-
;

gustin, Epist. 88, 2. licos Epistula contra Donatislas, 25,


5) Optât, I, 17-19. —
Cf. Maurice, Mé- 73; Contra Cresconium, III, 28, 32; 29,
moire sur la révolte d'Alexandre en 33.
,

328 LE DONATISME

tèrent dans l'ombre. Les Actes du concile racontaient seule-


ment l'histoire officielle des séances. Ces Actes comprenaient
tout un groupe de documents, dont nous possédons encore des
fragments, et que l'on peut classer ainsi 1° procès-verbal des :

négociations préliminaires avecCaecilianus; 2° procès-verbaux


des enquêtes et des réquisitoires contre Caecilianus ou ses
partisans 3° procès-verbal des votes motivés de chacun des
;

membres du concile 4° procès-verbal des décisions prises;


;

5° lettres synodales aux Églises africaines.


Le procès-verbal des négociations préliminaires avec Caeci-
lianus était un document assez complexe. Il contenait d'abord
une sommation adressée à l'évêque de Carthage, qu'on mettait
en demeure de se présenter devant le concile pour se justifier 1
.

Caecilianus répliqua par une sommation en sens inverse, qui


fut consignée au procès-verbal « Il invita ses collègues à venir
:

près de lui, nous dit Augustin eux-mêmes ont dû le constater :

dans le décret de leur concile, décret qu'ils promulguèrent


contre lui » 2 Optât nous a conservé une phrase de cette som-
.

mation « Alors, dit-il, Caecilianus manda à ses adversaires


: :

Si l'on a quelque preuve à produire contre moi, que l'accusa-


teur se présente, et qu'il prouve ». Les évêques dissidents
répondirent dédaigneusement que la convocation était nulle,
venant d'un intrus, Caecilianus parut se résigner à une impor-
tante concession, qu'il notifia au concile par un second mes-
sage. « De nouveau, nous dit-on, Caecilianus manda aux évêques:
Si l'ordination conférée par Félix n'est pas valable, comme
vous le pensez, eh bien! venez m'ordonner comme si j'étais
encore diacre ». Cette proposition inattendue, qui donna il
satisfaction à tous, inquiéta les intransigeants décidés d'avance :

à la rupture, ils osèrent en plein concile démasquer leur vrai


dessein. Le sinistre Purpurius de Limata se chargea de couper
court au projet de conciliation « Eh bien dit-il, que Caeci- : !

lianus vienne ici sous prétexte de lui imposer les mains pour
:

la consécration épiscopale, qu'on lui casse la tête pour sa péni-


tence 3 ». Il va sans dire que ce propos arrêta les négociations.
Caecilianus refusa définitivement de comparaître devant le
concile tous les fidèles de son Eglise, dit Optât, l'empêchèrent
:

de se livrer aux brigands Et le premier procès-verbal fut clos.


4
.

C'est donc par contumace quefut jugé Caecilianus. Un second


document contenait le compte-rendu des enquêtes et des réquisi-

1) Optât, I, 19; Augustin, Brevic. Col- 3) Optât, I, 19.


lai., Ml, 14, 26. 4) Ibid., 1,19; Augustin, Brevic. Collât.,
c 2) Augustin, Conlra Cresconium, l\ ,1 9. III, 14, 26; 16, 29.
ACTES DES CONCILES 329

toires (cognitio) Le concile instruisit le procès, non seulement


1
.

de Caecilianus, mais encoredes trois évêques qui l'avaientordon-


né. Contre Caecilianus, on produisit toutes sortes de griefs.
Suivant Optât, on n'en retint qu'un seul son ordination par :

un traditeur Cependant, d'après le texte des Actes qui fut


2
.

communiqué à la Conférence de 411, l'évêque de Carthage fut


condamné pour deux raisons. A cette Conférence, nous dit-on,
« les Donatistes lurent les pièces du concile, d'environ soixante-

dix évêques, tenu à Carthage contre Caecilianus. Celui-ci fut


condamné en son absence, attendu qu'il n'avait pas voulu venir
verseux. On le condamna sous prétexte qu'il avait été ordonné
par destraditeurs, et parce qu'on l'accusait d'avoir, étantdiacre,
empêché les fidèles de porter des vivres aux martyrs empri-
sonnés » On s'explique aisément que le second grief ait été
3
.

souvent négligé il était fondé seulement sur des racontars,


:

déjà anciens, qui avaient travesti le rôle disciplinaire joué par


l'archidiacre pendant la persécution En réalité, le premier 4
.

grief avait seul quelque apparence des gens scrupuleux pou- :

vaient avoir des doutes sur la validité d'une consécration faite


par des indignes. Il avait donc fallu établir l'indignité des trois
évêques qui avaient présidé à l'ordination d'où une enquête :

complémentaire sur Félix d'Abthugni, Novellus de Tyzica,


Faustinus de Thuburbo. On avait allégué contre eux des docu-
ments officiels (Gestâ publica), plus ou moins authentiques, où
l'on prétendait trouver la preuve de leur faiblesse au temps des
persécutions
3
Contre Novellus et Faustinus, les charges ne
.

devaient pas être bien sérieuses désormais, comme le remarque :

Augustin, on les laissa tranquilles Au contraire, on s'acharna


6
.

dès lors, et pendant des années, contre Félix d'Abthugni, qui


fut accusé en plein concile d'être « la source de tous les maux » ',
et qui néanmoins devait être proclamé innocent le 15 février
314, après une enquête approfondie, parla sentence du procon-
8
sul /Elianus Tel ne fut pas l'avis des évêques dissidents réu-
.

nis à Carthage en 312. Voici comment Augustin résume la par-

tiedes Actes du concile où étaient visés les consécrateurs de


Caecilianus « Étaient nommés aussi certains collègues de
:

Caecilianus. On affirmait qu'ils étaient des traditeurs, en invo-

1) Optât, 1, 20 ;
Augustin, Brevic. Col- 5) Augustin, Brevic. Collai., 111, 14, 26.
lat., III, 14, 26 ; Ad Donatistas post Col- 6) Ad Donatistas posl Collât., 22, 38.
lat., 22, 38. 7) Epiât. 88, 3; Brevic. Collât., III,
2) Optât, l, 20. 14, 26.
3) Augustin, Brevic. Collât., III, 14, 26. 8) Acta purgationis Felicis, p. 204
i) Acla Saturnini, 17 et 20 Baluze ; Ziwsa ; Optât, I, 27; Augustin, Brevic. Col-
Augustin, Epist. 43, 5, 14-15. lat., III, 24,^42.
330 LE DONATISME

quant des Gesla pubii.cn : cependant on ne lisait pas ces Gesta.


Parmi ces évoques, c'est surtout Félix d'Abthugni qui était
accusé avec violence; on allait jusqu'à dire qu'il était la source
de tous les maux » '. En résumé, le procès-verbal des enquêtes
du concile de 312 comprenait deux parties, d'ailleurs étroite-
ment liées l'une à l'autre on prétendait établir l'indignité de
:

ses consécrateurs, au moins de Félix d'Abthugni, pour en con-


clure que l'élection de Gaecilianus était nulle.
Les enquêtes terminées, on procéda au vote. A ce moment,
l'on put croire que l'esprit de Cyprien planait sur cette assemblée
de sectaires, prête à déchaîner le schisme. Pour donner plus de
solennité et d'autorité à leurs décisions, les dissidents de 312
adoptèrent la procédure suivie, sur la proposition de Cyprien,
dans l'affaire du baptême des hérétiques, par le grand concile du
er septembre 256 appels nominatifs, votes motivés « Chacun 2
1 : .

à son tour, nous dit-on, donna son avis; avant tous, Secundus de
Tigisi, qui présidait; puis, tous les autres. Tous déclarèrent for-
mellementqu'ilsn'étaient pas en communion avec Caecilianus et
ses collègues » On dressa le procès-verbal des votes motivés de
3
.

tous les membres du concile. La pièce est perdue; mais on peut


s'en faire une idée assez exacte d'après le modèle, les Sentenliae
episcoporum de 256. D'ailleurs, nous possédons encore des
fragments du document de 312. Augustin mentionne les votes
de Silvanus de Cirta, de Secundus de Tigisi, et des autres
évêques qui avaient assisté précédemment à la réunion de 305,
« ces traditeurs qui avec d'autres, à Carthage, ont voté contre
Caecilianus et ses partisans; parmi eux, Silvanus de Cirta »\
L'un des votes motivés du concile de 312 nous a été conservé
intégralement, celui d'un certain Marcianus, qui parla en ces
termes « Dans son Evangile, le Seigneur a dit Je suis la vraie
: :

vigne, et mon Père est le vigneron. Toute branche qui en moi


ne porte pas de fruit, il la coupera et la jettera; toute branche
qui reste et porte du fruit, il rémonde (Jean, Evang.,15, 1-2).
Eh bien de même que les branches stériles sont coupées et
!

jetées, de même les brûleurs d'encens, les traditeurs, et ceux


qui dans le schisme sont ordonnés par les traditeurs, tous ceux-
là De peuvent rester dans l'Église de Dieu, à moins qu'ils ne se

fassent reconnaître par leurs cris de détresse et ne soient


réconciliés par la pénitence. C'est pourquoi il ne faut pas être
en communion avec Caecilianus, qui a été ordonne dans le

1) kugustin, Brevic. Collât., III, 14, 2tJ. 3) Augustin, Hrevic. Collai., III, 14, 26.
2) Senlentiae episcoporum /le haeret. 4) Contra Cresconium, 111, 21, 31.
bapliz. aun. 2;Jt>, prou,,,
ACTES DES CONCILES 331

schisme par des traditeurs »'. Citation biblique, affirmation


d'un principe, application à la circonstance présente tels sont :

les éléments de ce vote motivé, qui pour la forme, sinon pour


le fond, rappelle certaines Sentèntiae du concile de Cyprien.
Qu'on suppose répété soixante-dix fois, avec quelques variantes,
le petit discours de Marcianus et l'on aura les Sentèntiae
:

episcoporum de 312.
De ces votes unanimes sortirent les décisions du concile,
consignées dans un procès-verbal, dont on ne peut dire s'il
formait une pièce indépendante, ou la conclusion des Sentèntiae,
ou une annexe. De toute façon, on résuma dans une série
d'articles les résolutions de l'assemblée et les mesures prises :

déposition de Caecilianus, ou plutôt, annulation de son ordina-


tion reconnue vicieuse, même de son élection, qui avait
été contestée à Carthage, illégalement précipitée, faite « en
3
l'absence des Numides » et du primat de Numidic déclaration ;

d'indignité contre Félix d'Abthugni excommunication de Cae-


;

cilianus, de Félix et de leurs partisans; élection et ordination


de Majorinus comme évêque de Carthage et chef de l'Église
d'Afrique envoi d'une lettre synodale à toutes les commu-
;

nautés africaines, pour leur notifier ces arrêts (decretnm) 3


.

Cette lettre synodale était la plus populaire des pièces du


dossier. Les évêques dissidents, dit Optât, « envoyèrent partout
des exemplaires d'une lettre écrite sous la dictée de l'envie :

lettre que nous donnons à la fin du livre avec les autres docu-
ments. Etant encore à Carthage, ils se firent précéder de leurs
lettres, afin de glisser dans toutes les oreilles de fausses
rumeurs. La renommée répandit le mensonge dans les foules » 4 .

Augustin nous dit aussi « qu'après ce concile séditieux et tur-


bulent de Secundus de Tigisi à Carthage, concile où une femme
noble, Lucilla, avait mis en œuvre la corruption, comme le ré vêla
plus tard une enquête judiciaire, des lettres furent envoyées
dans presque toute l'Afrique, partout où avaient germé des
Églises du Christ, et qu'on ajouta foi aux lettres du concile » \
Faut-il identifier cette lettre synodale avec les documents qui
furent communiqués à la Conférence de 411, avec « le décret sur
la condamnation de Caecilianus » que mentionnent les Capitula
Gestorum 6 avec « le concile lu par les Donatistes » dont parle
,

1) Contra Fulqentium Donatist. ,26. 4) Optât, I, 20.


2) Optât, 18; Augustin, Epist. 43,6,
I, 5) Augustin, Ad Catliolicos Epislula
17; Brevic. Collât., III, 16, 29. contra Donatislas, 25, 73.
3) Optât, I, 19-20; Augustin, Brevic. 6) Collai. Car thag., III, 347 {Capitula
Collât., 111, 14, 26. Gestorum).
1

332 LE DONATISME

plus tard Augustin '? C'est possible; mais ce n'est pas certain.
On a quelque peine à admettre qu'une simple lettre synodale,
destinée à la propagande, et nécessairement assez courte, ait
pu reproduire intégralement tout le dossier de 312, notamment
les soixante-dix votes motivés. En outre, il est à remarquer que
le dossier proprement dit du concile fut produit par les Dona-
2
tistes à la Conférence de 41 tandis que la lettre figurait depuis
,

longtemps dans le dossier catholique d'Optat D'après cela, on 3


.

est tenté de distinguer entre les deux documents. La lettre aux


Églises africaines aurait contenu simplement un procès-verbal
sommaire des enquêtes sur Caecilianus et Félix, du résultat des
votes, et des décisions prises, déposition de Caecilianus, élec-
tion et ordination de Majorinus. Tandis que les Actes du concile
allaient dormir dans les archives, en attendant l'heure des
grandes controverses, la lettre synodale, alerte comme un
pamphlet, courait l'Afrique pour la conquête des foules.
Le concile de 312 dut être suivi de bien d'autres, où les
Donatistes s'organisaient, se concertaient pour la propagande,
pour l'attaque ou pour la défense. Les requêtes à Cons-
tantin en 313 et en 321, l'envoi de délégations pour les procès
de Rome, d'Arles ou de Milan, les protestations contre les juge-
ments rendus, tout cela paraît impliquer la convocation et
l'intervention d'assemblées générales du parti. Mais de ces
assemblées, dont on peut deviner le rôle, le souvenir même
s'est perdu. Il faut attendre plus de vingt ans pour relever en
Afrique la trace certaine d'un nouveau concile schismatique.
Il s'agit d'un autre concile célèbre, connu indirectement par

le témoignage de Tyconius que cite Augustin. Nous devons


traduire ici ce texte, qu'il est
indispensable d'avoir sous les
yeux pour déterminer de la réunion épiscopale. Augus-
la date
tin dit aux Donatistes « Voici ce qu'écrit Tyconius, un homme,
:

je le répète, de votre communion. Il rapporte que deux cent


soixante-dix évêques de votre parti tinrent un concile à Car-
tilage. Ce concile siégea pendant soixante-quinze jours négli- :

geant toutes les dispositions antérieures, il élabora un décret,


dont il pesa les termes, et en vertu duquel lestraditeurs, malgré
tous les griefs, s'ils refusaient de se laisser rebaptiser, devaient
être admis à la communion sans aucune réserve. Deuterius de
Macriana, évêque de votre Eglise, dit encore Tyconius, réunit
à sa communauté la foule des traditeurs selon les statuts de :

1) Augustin, Bievic. Collai., III, 14, 26. sniv.

2) Collât. Carthag., III, 341; 351 cl 3) Optât, 1, 20.


ACTES DES CONCILES 333

ce concile tenu par deux cent soixante-dix évêques de votre


parti,il rétablit dans son diocèse l'unité avec les traditeurs.
Après mesure, Donat resta toujours en communion avec
cette
ce Deuterius; et non seulement avec ce Deuterius, mais encore
avec tous les évêques de Maurétanie pendant quarante ans. Et
cependant ces évêques, ajoute Tyconius, jusqu'à la persécution
de Macarius, furent en communion avec des traditeurs non
rebaptisés. Comme le déclare le même Tyconius, bien des gens
. .

vivaient encore, qui pouvaient attester très nettement l'exacti-


tude du fait »\
A quelle époque faut-il placer cet important concile dona-
tiste? On a proposé les dates les plus différentes, depuis l'année
307 jusqu'au milieu du iv e siècle 2 Nous avons pourtant des
.

raisons sérieuses d'écarter toutes les hypothèses qui trans-


portent cette réunion épiscopale soit en 307, soit dans les
vingt premières années du schisme. Le concile de 312, qui
décida la rupture, n'avait pu grouper que soixante-dix évêques
3
environ est-il admissible que, dans cette période des débuts,
:

l'Eglise dissidente ait jamais envoyé à Carthage deux cent


soixante-dix évêques? Notons aussi que, lors du concile visé
par Tyconius, Donat était le chef officiel du parti* or, c'est :

en 313 que Donat remplaça Majorinus. En outre, la politique


de tolérance inaugurée par l'assemblée des deux cent soixante-
dix évêques ne se comprend que pendant une période de paix
religieuse entre l'édit de 321 et l'édit de 347. Enfin, au temps
:

où écrivait Tyconius, vers 375, beaucoup de Donatistes con-


testaient la réalité de la décision attribuée à leurs pères, et
b
Tyconius répliquait en invoquant le témoignage des gens âgés :

cela suppose un intervalle d'une quarantaine d'années, ce qui


reporte le concile vers 335. Comment donc a-t-on pu songer à
l'année 307? Tout simplement, à cause de la phrase où il est
dit que Donat fut en communion avec les évêques de Mauréta-
nie jusqu'à la persécution de Macarius, pendant quarante ans,
per quadraginta annos* cette persécution étant de 347, le con-
:

cile serait de 307, donc antérieur au schisme. Le calcul condui-

1) Augustin, Epist. 93, 10, 43-44. sima et apertissima esse ostenderentur. »

2) Tillemont, Mémoires sur l'histoire (Epist. 93, 10, 44.)


ecclésiastique, t. VI, p. 81, p. 710 et 829; 6) « Eique Deuterio post hoc factum ju-
Mansi, Concil., t. II, p. 409 et 1121 ;
giter coinmunicasse Douatum nec solum
;

Morcelli, Africackristiana, aun. 329. huic Deuterio, sed etiam universis Mauro-
3)Augustin, Breuic. Collai., III, 14,26. rum episcopis per quadraginta annos,
4) Epist. 93, 10, 43. quos dicit usque ad persecutionem per Ma-
5) « Sicut idem Tyconius commémorât, carium factam traditoribus sine baplismo
adhuc vivebant multi, per quos hacc certis- commuuicasse » (Epist. 93, 10, 43).
334 LE DONATISME

sant à un résultat absurde, on aurait dû se demander si le texte


n'avait pas subi quelque altération. A notre avis, la correction
est facile XI au lieu de XL '. Le concile a siégé onze ans avant
:

la persécution de 347 donc en 336. Cette conclusion confirme


:

les autres indications du texte, qui nous conduisaient vers


Tannée 335. Dès lors, tout devient clair en 336, Donat était
:

le chef du parti, l'Eglise dissidente pouvait compter près de


trois cents communautés, et Tyconius a pu connaître dans
leur vieillesse les derniers témoins de cet âge d'or du Dona-
tisme.
C'est donc en 336 qu'a siégé pendant soixante-quinze jours,
à Carthage, le concile des deux cent soixante-dix évêques.
Parmi les décisions de l'assemblée (statuta concilii), une seule
nous est connue mais elle est fort importante. C'était l'autori-
;

sation d'admettre à la communion, sans aucune réserve, dans


toutes les communautés donatistes, les Catholiques convertis
qui ne voulaient pas se prêter à la cérémonie d'un nouveau
baptême 2 Cette tolérance était en contradiction avec le prin-
.

cipe qui avait prévalu jusque-là, et qui plus tard redevint la


règle. Mais la concession était habile. Elle enlevait aux Catho-
liques un de leurs principaux griefs. Elle facilitait la propa-
gande donatiste en supprimant le grand obstacle aux conver-
sions, surtout dans les diocèses où il n'y avait plus de clergé
officiel. Ce sont, semble-il, les évêques dissidents de Mauréta-
nie qui réclamèrent contre l'obligation du second baptême et
qui obtinrent la réforme disciplinaire ce sont eux, en tout cas,
;

qui profitèrent le plus, pour leur propagande, des facilités nou-


velles. Donat, dans cette circonstance, prouva son esprit poli-
tique en sacrifiant ses principes d'intransigeance à l'intérêt de
son parti. D'ailleurs, l'Eglise schismatique allait revenir vite
sur une concession qui lui avait échappé dans un accès de tolé-
rance.
Vers 340, au moment où les Circoncellions terrorisaient la
contrée, se réunit probablement en Numidie un synode provin-
cial d'une assemblée de ce genre devait émaner la lettre
:

adressée au comte d'Afrique Taurinus par des évêques schis-


matiques. Dans cette requête, un peu inattendue, les évêques
priaient le commandant en chef de l'armée locale d'envoyer

\) rorame Tyconius, a dû
Augustin, nuscrits, là oii des copistes ont voulu ex-
écrireper XI annoa. Un copiste a lu per primer en toutes lettres des nombres |iri-

XL annos, dont il a fait naturellement/je/- milivement exprimés en chiffres.


quadraijinia annos. Les méprises de ce 2) Epist. 93, 10, 43.
genre sont très fréquentes dans les ma-
ACTES DES CONCILES 335

des troupes contre les bandes de brigands fanatiques; ils décla-


raient que « des hommes de cette espèce ne pouvaient être cor-
rigés dans l'Eglise;ils mandaient au susdit comte de les mettre

à la raison »'. L'année suivante, semble-t-il, nouveau synode


des dissidents de Numidie. Taurinus ne s'était pas fait prier
longtemps les troupes avaient rétabli l'ordre, et bien des Cir-
:

concellions étaienttombéssurleschampsdebataille, notamment


à l'endroit appelé Locus Octavensis. Des victimes, la dévotion
populaire fit des martyrs, et l'on se mit à les ensevelir dans les
basiliques. Mais l'évêque du diocèse s'y opposa il paraît résul- :

terdu récit d'Optat, qu'un concile interdit alors toute sépulture


dans les édifices du culte 2
.

C'est vers ce temps-là, probablement en 343, qu'un synode


semi-arien adressa une lettre à Donat de Carthage Gratus et 3
.

trente-cinq autres évêques catholiques africains avaient assisté


au concile orthodoxe de Sardique 4 Les semi-ariens, réunis .

dans une assemblée distincte, d'abord à Sardique, puis à Phi-


lippopoli, cherchaient des alliés contre le pape et les Catho-
liques ils songèrent aux schismatiques africains, et crurent
:

habile de leur expédier un exemplaire de leur lettre synodale.


Dans l'en-tête du document, figure, au troisième rang, « Donat,
évêque de Carthage » 5 L'explicit indique expressément que la
.

6
pièce a été « envoyée en Afrique » D'ailleurs, sauf ces détails .

d'expédition, la lettre est complètement étrangère aux querelles


africaines : le seul fait à retenir ici, c'est l'envoi de la procla-
mation hérétique au chef de l'Eglise schismatique.
Au milieu de la terreur déchaînée en 347 par l'empereur
Constant et son édit d'union, par la mission sanglante de Maca-
rius, par les massacres de Bagaï', un concile donatiste de
Numidie essaya d'intervenir entre les partis en armes, et ne
réussit qu'à enrichir le martyrologe de l'Eglise dissidente. Le
souvenir de cette intervention nous a été conservé par un écri-
vain de la secte, qui dit en son langage emphatique « Le très :

saint chœur de nos Pères vénérables, un concile de nos évêques


réunis, envoya en ambassade, auprès de Macarius, dix évêques

1) Optât, III, 4. Domino aeterna salus » (ibid., t. III,

2) Ibid., III, 4. p. 126).


3) Mansi, Concil.,
t. III, p. 126 Syno- : 6) » Explicit decretum synodi orientalium
dalis epistulapseudosynodi Sardicensis ad apud Sardicam episcoporum a parte Aria-
Donatum Carthaginensem scripta. Cf. — norum, quod miserunt ad Africain » [ibid.,
Augustin, EpisL 44, 3, 6; Contra Cres- t. III, p. 140).
conium, 111,34, 38; IV, 44, 52. 7) Optât, III, 1-6; Pussio Marcuti,
4) Mansi, Concil., t. III, p. 67. p. 761 Migne; Passio Maximiani et Isaac,
5) « Donato Carthaginis episcopo... in p. 768-769 Migne.
336 LE DONATISME

éminents, choisis dans l'assemblée. Les députés devaient porter


à Macarius des avertissements salutaires, le détourner d'un si
grand crime, ou du moins (ce qui arriva) se précipiter les pre-
miers sur le champ de la bataille religieuse où luttait la foi »'.
Les dix députés donatistes devaient donc protester contre la
répression, et s'efforcer de rétablir la paix. Mais c'étaient de
médiocres diplomates. Quand ils rencontrèrent le commissaire
impérial à Vegesela, ils se mirent, suivant leurs instructions,
à lui prodiguer les « avertissements salutaires ». Ils le firent
avec tant d'insolence ou de maladresse, que Macarius leur
répondit à coups de bâtons. L'un d'eux fut même retenu pri-
sonnier le célèbre Marculus qui, un peu plus tard, se jeta ou
:

fut jeté du haut des rocs de Nova Petra, et qui devint l'un des
martyrs les plus populaires de la secte 2 C'est probablement .

le concile de 347, qui, par représailles, rapporta la décision de
336 et prescrivit de rebaptiser désormais tous les Catholiques
convertis d'après Tyconius, la dispense prit fin lors des persé-
:

cutions de Macarius 3
.

D'ailleurs, pendant les quinze années qui suivirent, on n'eut


guère l'occasion d'appliquer la règle nouvelle le vent ne pous- :

sait pas les consciences flottantes vers le parti de Donat, en ces


temps d'unité officielle, où l'Eglise dissidente était supprimée
en principe, ses communautés dissoutes, ses basiliques confis-
4
quées, ses évoques proscrits Alors, il ne pouvait être question
.

de réunions épiscopales, si ce n'est pour pleurer ou espérer


ensemble. Remarquons cependant que, vers 355, à la mort de
Donat, Parmenianus fut choisi pour lui succéder 5 le nouveau :

primat, qui était alors loin de Cartilage et de l'Afrique, ne put


guère être élu et ordonné que par un synode d'évêques exilés.
Le règne de Julien, qui vit la résurrection de l'Eglise dissi-
dente, y remit naturellement en honneur l'institution syno-
dale. La requête à l'empereur, rédigée par Pontius, et signée
6
d'autres ryrques, émanait peut-être d'un autre concile d'exilés .

Une fois rentrés en Afrique, c'est évidemment à des assemblées


plénières du parti que Parmenianus et les autres chefs de la
secte soumirent leurs plans pour la réorganisation des commu-
nautés, pour la propagande, pour la revendication des basi-

1) Pasno Marculi, p. 161. 4) Optât, II, 15; 111, 1 et 4 ; Concil.


2) Ibid., p. 762-76;! ; Collai. Carl/iag., Cartkag. ami. 348, Exord.
1, 187; Optât, III, 6: Augustin, Conlra Jérôme, Chron. ad ann. 355; optât,
'.'>)

litterns Peliliani, II, 20, 46; Contra III, 3; Augustin, Retract., II, 43.
Cresconium, III, 49, 54; In Johannis 6) Optai, II, 16; III, 3; Augustin,
Evanr/elium, XI, 15. Epist. 93, 4, 12; 105, 2, 9; Contra lil-

3) Augustin, Epist. 93, 10,43. lerus Petiliani, II, 97,224.


ACTES DES CONCILES 337

liques. A propos de la déposition violente d'un vieil évêque


catholique par une bande de fanatiques, Optât reconnaît que le
chef de la troupe, un évêque, exécutait une sentenee il agis- :

sait, dit Optât aux Donatistes, « suivant vos instructions, sûr


de votre complicité, armé de vos lois et de vos décrets » '. C'est
une allusion à des synodes schismatiques, qui avaient prononcé
la déposition des évêques intrus et la reprise des basiliques
autrefois confisquées. Un de ces conciles est mentionné expres-
sément celui qui se réunit à Theveste, sans doute en 362. Cette
:

assemblée reçut une plainte de Primosus, évêque catholique


de Castellum Lemellefense, qui protestait contre des attentats
de tout genre commis dans son diocèse, sac de sa basilique,
meurtre de deux de ses diacres sous les yeux de prélats dona-
tistes*. Le concile se tira d'affaire par une sinistre comédie :

l'Eglise des Saints ne pouvait même être soupçonnée de pareils


forfaits.
Parmenianus, qui avait reconstitué l'Église schismatique,
qui lui rendit toute sa puissance, et qui présida pendant trente
ans à ses destinées, dut convoquer bien souvent ses collègues à
Carthage ; mais nous ne savons presque rien sur ces réunions
épiscopales, comme sur toute l'histoire de cette période. On
est fondé seulement à supposer que des assemblées plénières
du parti eurent à se prononcer sur l'entente avec Firmus sur 3
,

les mesures à prendre contre le schisme de Rogatus en Maure-


tanie, sur la procédure à engager contre les Rogatistes pour
obtenir la restitution de leurs basiliques'. Un concile donatiste
de cette période est resté célèbre celui qui frappa Tyconius, :

vers 380. On sait quelle stupeur avaient causée aux chefs de


l'Eglise dissidente les ouvrages hardis où ce théologien sincère
et d'esprit libre osait critiquer les principes de la secte, en don-
nant parfois raison aux Catholiques. Parmenianus avait essayé
d'abord de réfuter le téméraire ne pouvant obtenir une :

rétractation, il le déféra, lui ou ses livres, devant l'assemblée


générale des évêques du parti Tyconius fut condamné, exclu
5
.

de l'Eglise de Donat, s'en consola par des travaux d'exégèse, et


désormais vécut isolé. Dans les dernières années de l'épiscopat
de Parmenianus, la question du second baptême paraît avoir
été de nouveau soumise à des synodes schismatiques. Des cons-
titutions impériales et le concile romain de 386 avaient interdit

1) Optât, II, 19. Contra litleras Peliliani, II, 83, 184.


2) ifiirf., II, 18. 4) Epis t. 93,3, 11 etsuiv.; Contra
3) Augustin, Epist. 87, 10; Contra Epistulam Parmeniani, I, 11, 17.
Epistulam Parmeniani, I, 10, 16 etsuiv. : 3) Contra Epistulam Parmeniani, 1, 1.

IV 22
338 LE DONATISME

sévèrement cette pratique'. L'Eglise dissidente riposta par une


sorte d'édit (forma), qui prescrivait de rebaptiser tout Catho-
lique rallié édit promulgué ou confirmé entre 386 et 392,
:

2
semble-t-il, dans plusieurs conciles Ce sont les dernières .

traces de l'activité synodale des Donatistes avant l'interven-


tion personnelle d'Augustin.
Passons maintenant dans l'autre camp, pour y dépouiller
les dossiers des assemblées qui ont condamné ou combattu le
schisme africain. Nous y rencontrons d'abord deux conciles
célèbres, qui ont siégé hors d'Afrique, mais qui ont exercé l'in-
fluence la plus décisive sur les destinées du Donatisme les :

conciles de Rome et d'Arles.


On se souvient que le concile de Rome fut convoqué par
Constantin, à la suite de la requête des dissidents, pour instruire
le procès de Caecilianus et trancher la question de droit entre
les deux partis L'assemblée se réunit le 2 octobre 313, dans
3
.

le palais du Latran, qu'on appelait alors la « maison deFausta »


(domus Faustae in Laterano), et qui sans doute venait d'être
cédé à la communauté romaine*. Les mécontents d'Afrique
avaient demandé des juges gaulois 5 Cependant, sur les dix- .

neuf membres du concile, trois seulement étaient des évêques


de Gaule, Marinus d'Arles, Reticius d'Autun, Maternus de
Cologne. Les autres étaient des Italiens, venus de toutes les
parties de la péninsule notamment, les évêques de Milan, de
:

Rimini, de Sienne, de Florence, de Pise, de Capoue, de


Bénévent, de Terracine, de Prénesle, d'Ostie". Le président de
ce tribunal ecclésiastique avait été désigné par l'empereur :

pape Miltiade ou Melchiade, d'origine africaine, élu


c'était le
depuis deux ans \ Les Africains étaient arrivés en nombre:
d'abord, le principal intéressé, Caecilianus; puis dix délégués
de chaque parti; en tout, vingt-et-un évêques, sans parler des
témoins 8 La délégation des dissidents avait à sa tête un Donat
. :

Donat des Cases Noires, d'après l'opinion accréditée Donat ;

1) Cod. Theod., XVI, 5, 5; 6, 1-2; 4) Optât, 1, 23.


Mansi, ConciL, t. III, p. 66'.). 5) Ibid., I, 22.
2) Augustin, Epist. 23, 3 et 5 ; 44, 5, 6) lbid., I, 23.
12. 7) Eusèbe, Ilist. Kccles., X, a. 18;
3) Optai, 1,23-24; Collai. Car/ha;;., Optât, 1, 23-24 ; Augustin, Epist. '.:(, 2,
III, 320-326; 403; 540; Augustin, Brevic. 4; 105, 2, 8: Contra Epistulam Parme
Collât., III, IJ, 2i; 17, 31 Ad Uonatis- ; muni, I, 5, 10 Contra Julianum, I, 3, 7.
:

taspott Collât., 15, il): 33, 56; Contra 8) Collât. Cartkag., III, 31S; Augus-
EpistulamParmeniani,l,$ iO;Deuni- t
tin, Itrevic. Collât., III, 12,24; Epist.
co baplismo, 16, 28; Coritra Julianum, 43, 2, 4; Appendix d'Optat, n. 3, p. 204
I, :, 7; Epist. 13, >, 4-5; 43, 5, 14-16; Zrwsa.
53, 2, 5; SX, 3: 105, 2, 8; 185, 10, 47
3

ACTES DES CONCILES 339

tout court, dans les documents les plus anciens'. Malgré l'ingé-
nieuse distinction imaginée plus tard par les schismatiques,
qui voulaient sauver l'honneur de leur grand homme 8 il ne ,

nous semble pas douteux que les deux évoques rivaux de Car-
tilage se trouvèrent face à face au palais du Latran, que le chef
de la délégation accusatrice était Donat le Grand, récemment
élu en remplacement de Majorinus la confusion plus ou moins :

involontaire s'explique aisément, si, comme nous le croyons,


Donat de Cartilage d'abord appelé Donat des Cases Noires.
s'est
Evidemment, dans procès de Caecilianus, l'évêque dissident
le
de Carthage devait, avant tout autre, représenter son parti si :

pour une raison quelconque il n'avait pu venir, s'il avait cédé


la place à un comparse qui, par une singulière coïncidence,
serait un homonyme, le fait eût été sûrement consigné dans
les Actes de l'assemblée, d'autant mieux que les juges condam-
nèrent le Donat présent à Rome Quoi qu'il en soit, les débats 3
.

occupèrent trois audiences, consacrées tout entières à « la cause


de Donat et de Caecilianus* ». Le tribunal acquitta l'accusé,
avec des considérants très durs pour ses adversaires; il déclara
-légitime l'ordination de Caecilianus, et blâma sévèrement le
principal accusateur, Donat lui-même, pour diverses infractions
aux règles de la discipline 5 .

Au concile de Rome se rapportait un dossier volumineux.


Rappelons d'un mot la série des pièces relatives à la convoca-
tion de l'assemblée la requête des dissidents à Constantin 6 le
: ;

Libellus criminum Caeciliani 1 le rapport du proconsul Anu- ;

linus, du 15 avril 31 8 la lettre de Constantin au pape Miltiade,


;

pour l'inviter à présider le tribunal ecclésiastique 9 les lettres ;

adressées par l'empereur aux trois évêques gaulois, pour les


appeler à Rome 10 la lettre de Constantin au proconsul d'Afrique,
;

contenant l'ordre d'envoyer en Italie Caecilianus avec dix


représentants de chaque parti, et le second rapport d'Anulinus,
notifiant le départ des Africains u Nous n'avons pas à revenir .

sur ces documents, dont nous avons parlé antérieurement. Il

1) Optât, I, 24; Augustin, Epis t. 43, 2, 7) Augustin, Epist. 88, 2; 93, 4, t3.
4 et suiv.; 105, 2, 8. 8) Collât. Carthag., III, 215-220; Au-
2) Augustin, Brevic. Collai., III, 18, gustin, Epist. 88, 2.
36; Ad Donatistas posl Collât.., 13, 17. 9) Eusèbe, Hist. Ecoles., X, 5, 18. —
3) Optât, 24-25; Augustin, Epist. 43,
I, Cf. Collât. Carthag., III, 319; Augustin,
5, 15-16; Brevic. Collât., III, 17, 31. Brevic. Collât., III, 12, 24.
4) Optât, 24; Augustin, Brevic. Col-
I, 10) Eusèbe, X, 5, 18; Optât, 1,23; Au-
lat., III, 12, 24; Epist. 43, 5, 14-16. gustin, Epist. 53, 2, 5.
5) Optât, I, 24-25 ; Augustin, Epist. 43, 11) Collât., Carthag., 111, 318; Augus-
2, 4-5; 43. 5, 15-16. tin, Brevic. Collai., III, 12, 24.
6) Optât, 1, 22; III, 3.
340 LE DONATISMK

Actes da concile, au sens restreint du mot A notre


s'agit ici des .

connaissance, le dossier proprement dit comprenait cinq pièces :

le Denuntîationis libellas adversus Caecilianum, c'est-à-dire un


réquisitoire contre l'accusé les procès-verbaux des trois
;

audiences; les Sententiae ou votes motivés; les décisions du


concile; le rapport du pape à l'empereur.
Le Denuntialionis libellas adversus Caeciliajiîim* paraît
d'abord devoir être identifié avec le Libellas Ecclesiae catholicae
criminum Caeciliatii, remis au proconsul Anulinus par les dissi-
dents en avril 313, transmis par le proconsul à l'empereur, et
par l'empereur au pape 2 Cependant, l'identification est loin
.

d'être certaine. Le Libellus criminum Caeciliani, lu aux juges


dès l'ouverture des débats, servit évidemment de base à la dis-
cussion; or, il semble bien que le Denunlialionis libellus ait été
produit seulement, par les schismatiques, vers la fin de la pre-
mière séance. Augustin, qui avait sous les yeux le dossier
complet du concile, dit expressément qu'une nouvelle discus-
sion s'engagea après le dépôt de cette pièce « Autre incident : :

certaines gens remirent aux juges un Demtntiationis libellus


3
adversus Caecilianum. Après cela, l'enquête recommença... » .

On pourrait donc supposer qu'il s'agit de deux libelles distincts.


D'ailleurs, le contenu ne devait guère différer. Les accusateurs
reproduisaient simplement les griefs énumérés dans la letlre
synodale du concile des dissidents de 312 violences et tyrannie :

de Caecilianus, rendu responsable de la mort de certains con-


fesseurs emprisonnés au temps delà persécution; irrégularité
de son élection nullité de son ordination, à cause de l'indignité
;

de son consécrateur Félix d'Abthugni\


Les procès- verbaux des trois audiences sont perdus mais on ;

peut les reconstituer en partie grâce aux analyses d'Augustin .

Le plus considérable, de beaucoup, était le compte-rendu de la


première séance, qui eut lieu le 2 octobre. Après les procédures
préliminaires, on donna lecture de tout le dossier relatif à la
convocation, depuis la requête des dissidents jusqu'au dernier
rapport du proconsul. Puis le président accorda la parole aux
accusateurs. l)onat, se croyant encore à Cartilage, se répandit
en invectives contre Caecilianus et ses partisans. Sans se
préoccuper de rien prouver, il fulmina contre ses adversaires.
évoquant les passions populaires déchaînées là-bas contre les

:
1 Augustin, Episl. 43, ., 15. Int., III, 14, 2t>.

2) Episl. 88, 2; 93, 4, 13. 5) Augustin, Episl. 43, 5, 14-16; Bre-


Episl. 13, ., IS vie. Collai., III, 12, 24.
4) Optât, l, 2u-, Augustin, Brevic. Cul-
ACTES DES CONCILES 341

traditeurs. A
mainte reprise, on dut rappeler le tribun à la
question. voulait, nous dit-on, il voulait ramener toute
« Il

l'affaire à l'opinion des foules du parti de Majorinus, c'est-à-


dire d'une multitude séditieuse, en révolte contre la paix de
l'Église. Par ces foules, apparemment, il voulait faire accuser
Caecilianus par ces foules qui pouvaient, croyait-il, avec le
:

tumulte seul des clameurs, sans documents à l'appui, sans


examen de la vérité, égarer à volonté les esprits des juges...
Telles étaient les foules par qui, une fois de plus, il voulait
faire accuser Caecilianus. Mais les juges n'étaient pas hommes
à se laisser persuader cette folie... On ne put convaincre le
tribunal que le rôle d'accusateur, contre Caecilianus, pût être
dévolu à la foule du parti de Majorinus, foule anonyme, sans
personnalité » '. On comprend la stupeur des évêques en face de
ces réquisitoires d'énergumènes. On invita Donat à modérer
les éclats de son éloquence pour arriver aux faits. Alors, il
invoqua l'autorité du concile des dissidents qui l'année précé-
dente, à Carthage, avait condamné Caecilianus devant ce :

tribunal romain où siégeaient seulement dix-neuf évêques, il ne


se lassait pas de répéter que le tribunal carthaginois en avait
compté soixante-dix. On lui fit observer que peu importait le
nombre des juges, ou leur origine mieux valait ne pas parler
:

de ce concile africain, qui avait trahi une passion aveugle par


la précipitation de son jugement, et qui n'avait pas craint de
frapper, sans les entendre, des collègues absents
2
Donat était .

à bout d'arguments. Sommé encore de préciser ses griefs, il


avoua qu'il n'accusait pas Caecilianus personnellement, qu'il
lui reprochait seulement d'avoir été irrégulièrement ordonné.
On lui demanda des preuves de cette irrégularité où étaient :

ces témoins, qu'on savait être venus avec lui d'Afrique, et que
depuis il semblait avoir escamotés ? Donat promit d'amener ses
témoins à une prochaine audience En attendant, Caecilianus
3
.

et les Catholiques prirent l'offensive. Par un singulier retour


des choses, c'est le principal accusateur qui fut mis en cause.
Pressé par les questions de ses adversaires, Donat dut avouer
que, même avant l'ordination de Caecilianus, il s'était séparé à
Carthage de la communauté catholique, qu'il avait rebaptisé des
apostats, qu'il avait imposé les mains à des évêques renégats :

toutes choses contraires à la discipline de l'Église*. Vers la fin


de la séance, quelques-uns des évêques dissidents cherchèrent

, 1) Epist. 43, 5, 14-15. 15; Brevic. Collai., III, 12, 24.


2) Ibid., 43, 5, 16. 4) Optât, I, 24; Augustin, Brevic. Col-

3) Optât, I, 24; Augustin, Epist. 43, 5, lat., III, 12, 24.


342 LE DONATISME

à prendre leur revanche en produisant une nouvelle pièce, le


Denuntiationis HbeUus adversus Caeciliauum On dut recom- 1
.

mencer l'enquête, mais toujours avec le même résultat. Quand


le président leva la séance, l'accusé paraissait innocent plus

que jamais seul, le principal accusateur était en mauvaise


:

posture.
Et l'on en resta là. Les deux autres audiences ne révélèrent
aucun fait nouveau. A la seconde séance, ni Donat ni ses
témoins ne se présentèrent le procès-verbal dut se borner à
:

constater leur absence. Dans la dernière séance, le tribunal


rendit son arrêt, après un double vote 2
.

Les Sententiae du concile de Rome étaient mot pour mot


reproduites dans un procès-verbal détaillé, qui formait soit une
partie intégrante, soit une annexe, du compte-rendu de la troi-
sième audience. L'un après l'autre, et à deux reprises, les dix-
neuf juges furent appelés à donner leur avis d'abord, sur la :

conduite de Donat, qui fut condamné à l'unanimité pour


infractions diverses aux règles disciplinaires; puis, sur la légi-
timité de Caecilianus, qui, également à l'unanimité, fut pro-
clamé innocent, régulièrement élu et ordonné Augustin 3
.

résume ainsi les votes motivés de l'un des évoques gaulois :

« Heticius, évêque d'Autun, eut une grande autorité dans l'É-

glise au temps de son épiscopat. C'est ce qu'indiquent les Gesta


ecclesiastica. Dans la ville de Rome, sous la présidence de Mel-
chiade, alors évêque du siège apostolique, Reticius avec d'autres
intervint comme juge il condamna Donat, le premier auteur
:

du schisme des Donatistes, et acquitta Caecilianus, évêque de


4
l'Eglise de Carthage » En ce qui concerne Donat, tous les vo-
.

tants s'accordèrent à constater « qu'il avouait avoir rebaptisé,


et avoir imposé les mains à des évêques renégats choses con- :

traires à la discipline de l'Eglise »\ Enfin, Optât nous a con-


servé intégralement le second vote du pape Miltiade, qui
parla dernier en ces termes « Attendu qu'il a été établi que
le :

Caecilianus n'est pas accusé par les témoins venus avec Donat,
comme les demandeurs l'avaient annoncé, et que sur aucun
point il n'a été convaincu par Donat je suis d'avis que Caeci- :

lianus, comme il est juste, doit être maintenu entièrement dans


sa communion ecclésiastique »
6
.

I, Augustin, Epist. 43, 5, 15. '.


Augustin, Contra Ju/ianum, I, 3, 7.
2) Optai, I, 24; Augustin, Epist. 43, 5, Optât, I, 24.
15-16: lirevic. Collai., III, 12, 24. (i) Ibid., I, 24. — CI. Augustin, Epist.
3) Optai, l, 24-25; Augustin, Brevic. 43,5,16.
Collnt., III, 17, 31.
ACTES DES CONCILES 343

Au procès-verbal des votes motivés étaient naturellement


jointes les décisions du concile. La Sentent ia du tribunal était
une sorte de synthèse des Sententiae individuelles. Les deux
points essentiels étaient la condamnation de Donat, sévère-
ment blâmé pour ses infractions disciplinaires, et l'acquitte-
ment de Caecilianus, reconnu évêque légitime de Cartilage'.
Mais sentence réglait aussi d'autres questions. Le concile
la
était d'avis que Donat et les autres délégués des dissidents ne
devaient pas être autorisés à retourner en Afrique*. Cependant,
il spécifiait que la condamnation atteignait seulement Donat.
A tous les autres évêques ou clercs égarés dans le schisme, on
proposerait de les réintégrer dans l'Eglise catholique et dans
leurs dignités. On accorderait des lettres de communion « même
à ceux qui avaient été ordonnés par Majorinus ». Dans les loca-
lités africaines où deux évêques rivaux étaient en présence, on
maintiendrait en charge le plus ancien; l'autre serait pourvu
d'un autre diocèse Le concile entendait ne frapper que le
3
.

chef; il ne reculait devant aucune concession pour ramener les


partisans de Donat.
La dernière pièce était un rapport adressé à l'empereur par
le pape au nom du concile. Ce rapport est mentionné par Cons-
tantin lui-même dans sa lettre au vicaire d'Afrique /Elafîus. Les
évêques réunis à Rome, écrit l'empereur, « ont porté à ma con-
naissance, par un rapport accompagné de leurs procès-verbaux
(Acta), tout ce qui s'était fait en leur présence. Ils m'ont affirmé
en outre que leur enquête avait été conduite suivant toutes les
règles de l'équité. Ils m'ont dit que ceux-là plutôt étaient cou-
pables, qui ont cru devoir incriminer Caecilianus. Ils m'enga-
geaient à interdire, après ce jugement, le retour en Afrique
des accusateurs »
4
On voit quel était le contenu du rapport
. :

résumé des débats, avec copie des procès-verbaux; affirmation


d'impartialité; constatation de 1 innocence de Caecilianus et
des méfaits de ses accusateurs; invitation à retenir hors
d'Afrique les délégués du parti dissident.
L'histoire du concile d'Arles nous est connue très inégale-
5
ment . Aussitôt après la sentence de Rome, les schismatiques

1) Optât, I, 24-25; Augustin, Brevic. Hist. Ecoles., X, 5, 21; Augustin, Epist.


Collai., III, 17, 31; Epist. 43, 2, 4-5; 43, 2, 4 43, 7, 20; 53, 2, 5; 88, 3; 89,
;

43, 5, 15-16; 105, 2, 8. 3; 105, 2, 8; Contra Epistulam Parme-


2) Appendix d'Optut, a. 3, p. 205 Ziwsa. niani, 1, 6, 11. —
Mansi, Concil., t. Il,
3) Augustin, Epist. 43,5, 16; 185, 10, 47. p. 469; Maassen, Gescfiichte der Quel-
4) Constantin, Epist. ad sElafium (dans len und Litteralur des canonise tien
V Appendix d'Optat, n. 3, p. 205 Ziwsa). Redites im Abendlande (Graz, 1870), t.
5) Appendix d'Optat, n. 3-5; Eusèbe, 1, p. 188 et 950.
344 LE DONATISME

avaient protesté auprès de l'empereur; en Afrique, le vicaire


/Elafius reçut des protestations analogues '. Les Donatistes, se
plaignaient de la composition du tribunal, qui avait compté
trois Gaulois seulement, de la négligence et de la partialité des
juges, qui avaient laissé de côté les griefs contre l'ordinateur
de Caecilianus. Constantin prescrivit une enquête sur Félix
d'Abthugni, et décida que toute l'affaire serait soumise à une
nouvelle assemblée d'évêques siégeant en Gaule. Le concile
d'Arles se réunit le 1 er août 314
2
Dans presque toutes les pro-
.

vinces d'Occident, beaucoup d'Églises y avaientenvoyé des repré-


sentants, évêques, prêtres ou diacres. Par exemple, en Italie,
les Églisesde Rome, d'Ostie, de Porto, deCentumcellae, de Milan,
d'Aquilée, de Capoue, d'Arpi, de Cagliari, de Syracuse; en
Gaule, les Églises d'Arles, de Vienne, de Marseille, d'Apt,
d'Orange, de Vaison, de Xice, de Gabales, d'Eauze, de Bordeaux,
de Lyon, d'Autun, de Rouen, de Reims, de Trêves, de Cologne;
en Bretagne, les Églises de Londres, d'York, de Lincoln; en
Espagne, les Églises de Tarragone, d'Emerita, de Saragosse, de
Basti, d'Ursona 3 Les Africains, dont la querelle avait mis tant
.

de monde en mouvement, ne manquaient pas à l'appel. De


Cartilage était venu l'éternel accusé, Caecilianus. Il était accom-
pagné de son diacre Sperantius, et d'une délégation d'évêques
ou autres clercs de chacun des deux partis. Parmi ces Africains
figuraient Lampadius d'Uthina, Victor d'Utique, Faustinus de
Thuburbo, Victor de Legisvolumen, Fortunatus de Caesarea,
avec son diacre Deuterius sans parler des schismatiques et de
:

l'accusateur en chef,Donatde Carthage Le concile, qui paraît 4


.

avoir siégé longtemps, recommença toute l'enquête sur Caecilia-


nus, dont il proclama de nouveau l'innocence et la légitimité s
.

Ilvota en outre diverses réformes disciplinaires, dont plusieurs


avaient pour objet de résoudre les difficultés nées delà persécu-

1) Optât, I, 25; Appendix d'Optat, n. 3, 56-60 (— Mélanges de l'École française


p. 205 Ziwsa; Augustin, Epist. 43, 7, 20; de Rome, t. X (1890), p. 640-644); Fallu
53, 2, 5 76, 2: 88, 3; 89, 3; 105, 2, 8;
; de Lessert, Fastes des provinces africai-
De anico baplismo, 16, 28. nes, t. II, p. 162; 0. Seeck, Dus Ur-
2) L'année 314 —
Yolusiano et Anniano kundenbuch des Optatus, dans la Zeit-
cons(ulibus) —
est indiquée dans les re- sclirift fur Kircltengeschic/ite, I. XXX, 2
cueils canoniques (Mansi, Conci/., t. Il, (1909), p. 183.
p. 471). h'aulres documents prouvent que 3) Mansi, Concil., t. 11, p. 476.
le concile était convoqué pour le 1
er
août, 4) Ibid., p. 477. — Cf. Appendu 'd'Op-
u intra diem Kalendarum auqusla- tat, n. 3, p. 205-206 Ziwsa ; Augustin,
rum {Appendix d'Optat, u. 3, p. 206
>- Contra Epistutam Parmeniani, I, 6, 11.
Ziwsa. —
('A. Eusèbe, Hist. Ecoles., \, 5) Appendia d'Optat, n. 4, p. 207 ; n. 5,
5, 21). —Sur la date du concile, vo p. 209 Ziwsa.
Duchesae, Le Dossier du l'onalisme, p.
ACTES DES CONCILES 345

tion ou des querelles africaines'. 11 notifia ses décisions, par

lettres synodales, à l'empereur, au pape Silvestre, à l'Église de


Carthage'.
Le dossier d'Arles n'était pas moins considérable que celui
de Rome. Rappelons plusieurs groupes de pièces, dont nous
avons déjà parlé, et qui touchent à l'histoire du concile sans
faire partie du dossier proprement dit. Ce sont d'abord les
pièces relatives à la convocation la protestation des dissidents :

contre la sentence de Rome le rapport d'zElafîus, vicaire


3
;

4
d'Afrique, notifiant à l'empereur l'appel des schismatiques la ;

lettre de convocation adressée par Constantin à Chrestus,


évêque de Syracuse ù des lettres analogues aux évêques italiens,
;

6
gaulois, bretons ou espagnols la lettre de Constantin à /Ela-
;

fius, ordonnant au vicaire d'envoyer à Arles, pour le 1 er août,


Caecilianus de Carthage avec des délégations de ses partisans et
de ses adversaires \ Il n'est pas douteux que le gouvernement
ait également communiqué à l'assemblée d'Arles les principales
pièces des enquêtes antérieures les Actes du concile de Rome 8
:
;

les Acta pitrgationis Felicis, ou, tout au moins, le rapport du


proconsul ^Elianus, transmettant à l'empereur les résultats de
l'enquête sur Félix d'Abthugni 9 Mentionnons enfin d'autres .

documents qui sont postérieurs au concile d'Arles, mais qui


s'y rapportent encore plus ou moins directement l'appel des :

10
dissidents contre la nouvelle sentence les instructions des ;

préfets du prétoire au vicaire d'Afrique Domitius Celsus sur les


mesures à prendre pour le retour des dissidents " différentes ;

lettres de Constantin, qui peignent sur le vif ses tergiversations


et son embarras après l'appel des schismatiques Nous devions
'
1 2
.

signaler ces annexes du dossier d'Arles; mais nous n'avons à


étudier ici que les Actes proprement dits de ce concile. On y
distingue six pièces les procès-verbaux des séances; les
:

canons; la lettre synodale au pape Silvestre; une lettre à


l'Eglise de Carthage; une lettre à l'empereur, et la réponse de
Constantin.
1) Concil. Arelat. ann. 314, can. 8 et 8) Optât, I, 23-24; Collai. Carthag.,
13-14. III, 320-326; Augustin, Brevic. Collai.,
2) Appendix d'Oplat, n. 4-5. III, 12, 24; Epist. 43, 5, 14-16.
3) lbid., n. 205 Ziwsa; Optât, I,
3, p. 9) Collai. Carthag., III, 555-560: Au-
25; Augustin, Epist. 43, 7, 20; 53, 2, 5; gustin, Brevic. Collât., 111, 24, 42. —
76, 2; 88, 3; 105, 2, 8. Cf. Acta purgationis Felicis, p. 204
4) Appendix d'Optat, n. 3, p. 205. Ziwsa ; Optât, I, 27.
5) Eusèbe, Hist. Ecoles., X, 5, 21. 10) Appendix d'Optat, n. 5 et 6, p. 209-
6) lbid., X, 5, 21. —
Cf. Mansi, Con- 210; Augustin, Epist. 43, 2, 4; 43, 7, 20 ;

cil., t. II, p. 476. 53, 2, 5 ; 76, 2; 88, 3 ; 89, 3; 105, 2, 8.


7) Appendix d'Optat, n. 3, p. 204-206. 11) Appendix d'Optat, n. 8.
— Cf. Augustin, Epist. 53, 2, 5. 12) lbid., n. 5-7 ; Augustin, Epist. 88, 4.
-

346 LE DONATISME

Canons à part, les procès-verbaux des séances sont complète-


ment perdus. Signalons cependant quelques allusions aux
réquisitoires des schismatiques. Dans sa lettre synodale au
pape, l'assemblée d'Arles se plaint de l'attitude des dissidents,
de leurs déclamations violentes et emphatiques, de leur inso-
lence « Ici, disent les évoques, nous avons dû supporter des
:

injures odieuses et mortelles contre notre loi et notre tradition,


les attaques d'hommes à l'esprit sans frein. A ces hommes
étaient si étrangères l'autorité toujours présente de notre Dieu,
la tradition, la règle de vérité, qu'ils n'avaient plus aucune
réserve dans leurs discours, aucune mesure dans l'accusation,
aucun souci de prouver ce qu'ils avançaient* ». Dans les
réquisitoires ici visés, on reconnaît la manière de Donat :

évidemment, depuis le concile de Rome, les schismatiques


n'avaient rien oublié, rien appris. En dehors de ces allusions
aux déclamations donatistes, nous n'avons aucune donnée
précise sur l'enquête du concile d'Arles. Seul, le résultat en est
connu d'une façon certaine. Caecilianus fut de nouveau acquitté,
et, de nouveau, ses adversaires furent condamnés « C'est :

pourquoi, disent encore les évêques, par le jugement de Dieu


et de notre mère l'Église, qui connaît et approuve les siens,
condamnés et déboutés » \
ces gens-là ont été
A
défaut du procès-verbal des audiences, nous possédons les
Canons du Concile. Ces canons nous ont été conservés par de
nombreux manuscrits des Libri canonum de Gaule; de plus,
ils sont ordinairement joints à la rédaction abrégée de la lettre
synodale. Il en existe deux recensions, l'une complète, l'autre
3
incomplète, sans parler des sommaires Les canons sont au .

nombre de vingt-deux. La plupart touchent à des réformes de


la discipline, qui n'ont rien de commun avec le Donatisme. Mais
quelques-uns visent les choses d'Afrique. Tel est le huitième
canon, sur le baptême des hérétiques. Par ce canon, les Catho-
liques africainsabandonnaient leur vieille tradition, qu'avait
si énergiquement défendue Cyprien, et que devait garder
jalousement l'Kglise de Donat; ils s'engageaient à ne plus
rebaptiser les hérétiques convertis, à les réconcilier seulement,
selon l'usage de Rome, par l'imposition des mains. Le canon
13, évidemment inspiré par les attaques contre Caecilianus de
Carthage et Félix d'Abthugni, fixait la procédure à suivre dans
les accusations de traditio. On devait écarter du clergé qui

1) Appendia d'Optat, n. 4, p. 207. •'*) Mansi, Concil., t. II, p. 470-474;


2) Ibid., n. 1, p. 207. Cf. i.. 5, p. Maassen, ilesch. der Quelten des cano-
•M j.{
nischen l<e< htes, t. 1, p. ISS et 950.
ACTES DES CONCILES 347

conque aurait ou les vases sacrés ou encore


livré les Écritures
les noms des fidèles, mais seulement dans le cas où les faits
seraient établis par des Acta pub/ica. Les ordinations faites par
des traditeurs devaient être considérées comme valables, si
Ton n'avait rien à reprocher aux personnes ordonnées.' D'ail-
leurs, les accusations ne seraient admises, que si les plaignants
produisaient des documents officiels. Le canon 14 menaçait
d'excommunication quiconque porterait une fausse accusation.
D'autres décisions d'Arles paraissent avoir eu aussi quelque
rapport avec les querelles africaines. Il est probable que
certains évêques ralliés cherchaient dès lors à arrondir leur
diocèse le canon 17 défendit à tout évêque d'empiéter sur le
:

domaine de ses voisins. Des clercs, plus ou moins compromis


dans la persécution ou le schisme, imaginaient de changer
d'Église, pour éviter de rendre des comptes trois canons :

tentèrent d'empêcher ces migrations suspectes. Désormais,


tout clerc devait rester dans le diocèse où il avait été ordonné
(can. 2); le clerc qui se serait établi hors de son diocèse, devrait
être.déposé (can. 21) une excommunication ne pouvait être
;

levée que là où elle avait été prononcée (can. 16). Les abus
signalés en Afrique semblent n'avoir pas été étrangers à ces
règlements disciplinaires.
La lettre synodale au pape Silvestre avait pour objet d'aviser
l'Église romaine de toutes les décisions prises à Arles. Ce docu-
ment nous est parvenu sous trois formes La lettre propre- 1
.

ment dite est conservée seulement dans l'Appendice d'Optat;


elle y est un peu incomplète, ce qu'indique d'ailleurs, dans le
manuscrit, un et cetera. Des abrégés de la pièce originale
figurent dans les Libri canonum de Gaule. Quelquefois, c'est
tout bonnement une rédaction plus courte. Mais, généralement,
le sommaire de la lettre est suivi des signatures et des déci-
sions les quelques phrases qui notifient l'envoi, forment sim-
:

plement une introduction aux canons. En tout cas, le texte


authentique de la lettre synodale ne se trouve que dans l'Ap-
pendice d'Optat. Cette lettre est adressée « au très cher pape
Silvestre ». Suivent les noms de trente-trois évêques d'abord, :

Marinus d'Arles, et plus loin, entre autres, Caecilianus de Car-


thage, Faustinus de Thuburbo, Reticius d'Autun, Fortunatus
de Caesarea, Lampadius d'Uthina, Maternus de Cologne. La
façon dont est rédigée la salutation d'usage marque bien l'in-

\) Appendix d'Optat, n. 4 ; Mansi, Concil., t. II, p. 469 et 471 ;


Maasson, o. Z.,p. 188
et 950.
348 LE DONATISME

tention du concile : « Au
très cher pape Silvestre... salut éter-
nel dans le Seigneur Tous unis par le lien commun de la cha-
!

rité, dans l'unité de notre mère l'Église catholique, nous


sommes venus ici, dans la cité d'Arles, par la volonté du très
pieux empereur. D'ici, ô très glorieux pape, nous te saluons
avec le respect qui t'est dû » '. Aussitôt, le concile se plaint de
la violence desDonatistes, de leurs déclamations verbeuses qui
ne contenaient pas une apparence de preuve. En annonçant la
condamnation des dissidents, les évêques expriment le regret
que le pape n'ait pu prendre part au jugement. D'ailleurs,
ajoutent-ils, ils ont profité de l'occasion pour régler divers
points de discipline ils communiquent leurs décisions à leur
:

collègue de Rome, en le priant de les faire connaître. Suit un


résumé des huit premiers canons. Après le huitième, le texte
conservé est brusquement interrompu par Y et cetera d'un
2
copiste La lacune est facile à combler, avec l'aide de l'autre
.

rédaction la fin du document contenait en abrégé les quatorze


:

derniers canons. Le ton de cette lettre synodale est à noter en :

même temps qu'il atteste l'égalité des Églises et la pleine indé-


pendance du concile, le document porte la marque de la défé-
rence particulière témoignée à l'évêque de Rome par les repré-
sentants des diverses Églises d'Occident.
Une lettre analogue dut être adressée par l'assemblée d'Arles
à la communauté de Carthage, pour lui notifier les décisions
prises, surtout en ce qui concernait la légitimité de Caecilianus,
la condamnation des schismatiques et la suppression du second
baptême. L'existence de cette pièce n'est pas formellement
attestée; mais elle est très vraisemblable, à peu près certaine,
d'après les usages du temps, et, plus encore, d'après les cir-
constances. Evidemment, la nécessité s'imposait d'une commu-
nication directe, officielle, aussi prompte que possible, pour
couper court aux progrès du schisme.
Quant à la lettre du concile à l'empereur, elle est attestée par
les allusions et la réponse de Constantin. Aussitôt après avoir
rendu son jugement, l'assemblée d'Arles s'empressa de trans-
mettre au gouvernement, sans doute avec les procès-verbaux,
les résultats de l'enquête ordonnée par lui. La réponse de l'em-
pereur paraît s'être fait un peu attendre, et n'être parvenue aux
évêques que dans les derniers jours de l'année. C'est que l'obsti-
nation des schismatiques avait encore compliqué les choses. En

1) Appendix d'Optat, n. 4, p. 200-207 2) Ibid., p. 208.

Ziwsa.
ACTES DES CONCILES 349

même temps que le rapport du concile était arrivée à la cour une


nouvelle protestation des dissidents. Plus que jamais, Constantin
était embarrassé. Il s'étonnait et s'irritait de cette querelle tou-
jours renaissante. Il le laissa voir dans la lettre, d'ailleurs assez
étrange, qu'il adressa au concile. Au début, il parle avecquelque
emphase, et non sans obscurité, de sa conversion. Puis il féli-
cite les évêques il souhaite, sans
; y croire, que leur jugement
rétablisse la paix. D'un ton méprisant, qui trahit une colère mal
contenue, il annonce que les dissidents s'obstinent, protestent
déjà contre la sentence, en appellent encore au gouvernement.
Tout en s'indignant contre ces entêtés, il se résigne à accepter
leur appel. En terminant, il invite les membres du concile à
regagner leurs diocèses. Il déclare qu'il prend des mesures pour
régler lui-même l'affaire il a ordonné qu'on lui amenât les
:

délégués des schismatiques, il a également écrit au vicaire d'A-


frique de faire arrêter et envoyer à Rome les trouble-fête 1
.

Malgré tout, cette lettre maussade et découragée trahit l'irréso-


lution de l'empereur et l'impuissance du gouvernement.
Les Catholiques africains n'étaient pas moins découragés,
semble-t-il. En tout cas, pendant les trente années qui sui-
virent, nous ne relevons aucune trace de leur activité synodale.
Il est possible que leurs évêques se soient réunis parfois, par

exemple vers 322 et en 330, comme paraissent l'indiquer des


lettres de Constantin mais ce fut seulement pour adresser des
:

plaintes à l'empereur, qui, en retour, leur prodiguait les condo-


2
léances et les sermons Il faut aller jusqu'à la fin du règne de
.

Constant, pourvoir les évêques catholiques du pays se concerter


dans des synodes en vue d'une action commune contre le schis-
me :ils profitent alors des circonstances pour réorganiser leurs
Eglises subitement agrandies et enrichies par l'édit d'union.
Au lendemain de la mission de Macarius, vers la fin de l'an-
née 347 ou en 348, des synodes provinciaux furent convoqués
en Afrique. L'une de ces assemblées est mentionnée expressé-
ment celle de Byzacène, que paraît avoir présidée Abundan-
:

tius d'Hadrumète Il n'est pas douteux que des réunions ana-


3
.

logues aient eu lieu en Numidie et en Césarienne'. Entre autres


réformes disciplinaires, ces synodes régionaux s'occupèrent de
réglementer le culte des martyrs, depuis longtemps compromis
5
par la dévotion aveugle des Donatistes .

1) Appendice d'Optat, n. 5, p. 208-210 3) Coticil. Cartliag. ann. 348, can. 13.


Ziwsa. 4) Exord., et can. 2-3.

2) Appendix d'Optat, n. 9 et 10 ; Cod. 5) Can. 2.


Theod., XVI, 2, 7.
350 LE DONATISME

La mémo année ou l'année suivante, probablement en 348,


un concile général se réunit à Carthage sous la présidence de
Gratus D'anciens évoques dissidents, ralliés de la veille et
1
.

maintenus dans leur dignité, assistaient à cette assemblée Les 5


.

débats furent dominés par l'idée fixe d'affermir la victoire


récemment remportée sur le schisme. Il s'agissait de réor-
ganiser l'Afrique chrétienne, violemment unifiée par Ledit de
Constant, de confirmer les décisions des divers synodes provin-
ciaux, de fortifier la discipline.
C'est ce que marqua bien le président Gratus, dans son
discours d'ouverture, aussi habile que ferme, et relativement
modéré Rendons grâces à Dieu, dit-il, à Dieu tout-puissant et
: «

Il a mis un terme à ces funestes schismes; il s'est


à Jésus-Christ.
tourné vers son Église, pour ramener dans son sein tous ses
membres dispersés. Il a ordonné au très religieux empereur
Constant de rétablir l'unité et d'envoyer les ministres de sa
sainte entreprise, les serviteurs de Dieu, Paulus et Macarius.
Donc, par la volonté de Dieu, nous sommes réunis en un seul
corps. Nous avons pu célébrer des conciles dans les diverses pro-
vinces ; et aujourd'hui le concile de l'Afrique entière s'assemble
à Carthage par la grâce de Dieu. Délibérez avec votre humble
serviteur. Discutons les statuts nécessaires et, en le faisant, ;

souvenons-nous des préceptes divins et de l'enseignement des


divines Ecritures. Rappelons-nous que l'unité est rétablie sur :

chaque point, nos votes doivent montrer en même temps que


Carthage n'affaiblit pas la force de la loi, et que néanmoins, en
ce temps d'unité, elle ne prend point de décisions trop
3
sévères » .

Les deux premiers canons sont dirigés nettement contre le


Donatisme. L'un d'eux défendait expressément de rebaptiser
les hérétiques ou sohismatiques ralliés, qu'on devait réconcilier
par la simple imposition des mains Le second canon pros- 4
.

crivait sévèrement les pseudo-martyrs donatistes, et réglemen-


tait le culte des saints « Qu'aucun profane, dit Gratus, ne
:

puisse compromettre la dignité des martyrs; qu'il ne puisse


conférer cette dignité à des cadavres quelconques inhumés
seulement grâce à la charité de l'Eglise. Qu'on ne donne point
le nom de mail vis à des gens qui se sont précipités d'un rocher
dans un accès de folie, ou qui se soûl tués d'une façon ana-
logue en commettant le même péché. Ce n'est ni le moyen, ni

1) Cf. Histoire littéraire de l'Afrique 3) Exord.


chrétienne, t. III, p. 221. 4) Can. 1.
2) Concil. Carthag. ann. 348, can. 12.
ACTES DES CONCILES 351

le temps de martyrs » On menaça de peines sévères


faire des
l
.

les auteurs de canonisations téméraires laïques, ils seraient :

condamnés à faire pénitence; clercs, ils seraient réprimandés et


déposés après enquête 2
.

D'autres décisions du concile paraissent avoir visé indirecte-


ment les Donatistes intransigeants ou les ralliés suspects :

par exemple, les canons 5 et 7, qui défendaient aux clercs de se


fixer, sans autorisation préalable, dans un autre diocèse. Les
canons 10 et i%, qui interdisaient aux évêques d'empiéter sur
le domaine ou de leurs voisins, s'éclairent à la
les attributions
lumière d'un curieux commentaire historique que nous a con-
servé le procès-verbal Antigonus, évêque catholique de:

Madaure, s'était plaiut à l'assemblée des agissements de son


collègue Optantius, un rallié, avec qui il avait loyalement par-
tagé les paroisses de l'ancien diocèse, mais qui n'observait pas
les clauses du contrat, et qui ne cessait de lui enlever des
3
fidèles Enfin, le dernier canon trahit une certaine méfiance à
.

l'égard des schismatiques convertis il édictait des châtiments :

sévères contre les clercs ouïes fidèles qui ne se conformeraient


pas strictement aux prescriptions du concile, notamment contre
quiconque rebaptiserait On voit que Gratus et ses collègues ne
4
.

se faisaient pas complètement illusion sur la sincérité des


conversions.
Après le réveil d'énergie dont témoigne le concile de Gratus,
il semble que les Catholiques africains se soient de nouveau, et

pour longtemps, abandonnés. Sans doute, il est probable que


leurs chefs se réunirent plus tard pour combattre le schisme
renaissant, soit sous le règne de Julien, lors de la rentrée
triomphante des Donatistes exilés", soit après la mort de
6
Julien, lors des procès pour la possession des basiliques :

pourtant, ce n'est qu'une supposition, et le silence des textes


est une raison de croire que les adversaires des schismatiques
ne déployèrent pas une grande activité. Pendant quarante ans,
il n'est plus question en Afrique de conciles catholiques; même

dans l'assemblée de Carthage que présida Genethlius en 390,


personne ne parut songer à l'Église dissidente, alors plus
puissante que jamais \ On dirait que les Catholiques africains de
cette période désespéraient d'arrêter le progrès du schisme :

1) Can. 2. Epistulam Parmeniani, 1, 12, 19; Centra


2) lbid., 2. /itleras Petiliani, 11, 92, 203.
3) lbid., 12. 6) Optât, III, 3.
4) lbid., 14. 7) Concil. Carthag, ann. 390 (Mansi,
5) Optât, II, 15-19; Augustin, Contra Concil., t. III, p. 691 et 867).
352 LE DONATISME

presque muets pour leur compte, ils n'attendaient le salut que du

gouvernement. Fait significatif, pendant ces quarante années,


nous connaissons seulement deux conciles qui aient repris la
lutte contre l'Église de Donat et tous deux sont des conciles
:

romains.
On se souvient de Claudianus, cetévêque donatiste de Rome,
qui causa tant de tracas au pape Damase. Exilé une première
fois en Afrique, il était revenu dans la capitale, où il avait
recommencé sa propagande et ses intrigues. Dans une lettre
synodale adressée aux empereurs Gratien et Valentinien, le
concile romain de 378 porta plainte contre Claudianus, et contre
un autre Africain, un certain Restitutus « En Afrique, disait :

le concile, Votre Clémence a ordonné qu'un nommé Restitutus


serait traduit devant un tribunal d'évêques. Il aurait dû obéir;
mais cet homme, par l'intervention violente d'une troupe d'in-
solents, a échappé à la nécessité de plaider sa cause. En Afrique,
encore, vous avez prescrit par la volonté de Dieu l'expulsion des
sacrilèges qui rebaptisent; mais les expulsés ont ordonné ici
Claudianus, et, pour troubler la ville de Rome, ils en ont fait
leur pseudo-évôque. Ce Claudianus, en dépit des préceptes de
la divine Écriture, en dépit des règles évangéliques, prétend
que nos évoques, ceux du temps passé et ceux du temps pré-
sent, ont tous été des profanes, ou, pour employer son expres-
sion, des païens. Ce Claudianus, Votre Sérénité a prescrit de le
chasser de Rome, de le renvoyer dans sa patrie. Mais, au mépris
des tribunaux, et malgré ses fréquentes arrestations, il n'en
réside pas moins ici. Souvent, avec de l'argent, il tente les
pauvres gens; et, quand il lésa achetés, il ne craint pas do les
rebaptiser. Il les dépouille ainsi du sacrement qu'ils avaient
reçu, plutôt qu'il ne leur confère un sacrement qui, de toute
évidence, ne saurait être conféré deux fois '... ». Les empereurs
Gratien et Valentinien s'émurent des plaintes du concile dans :

un édit, qui fut promulgué vers la fin de 378, et qui reprodui-


sait les griefs allégués, ils ordonnèrent au vicaire Aquilinus
d'exiler Claudianus, comme les autres ennemis du pape Damase,
à cent milles de la capitale*. Une fois de plus, l'on chassa de

Rome l'entreprenant Donatiste, qui alla chercher querelle àses


amis de Carthage 3
.

1) Epistula concilii romani (ami. 378) Epis t. 18, 8sqq. = Mansi, Concil.,i. III,

ml Gratianum et Valentinianum Impe- p. tii'S.

ralores (Mansi, Concil., I. III, p. 625- 3) Augustin, Contra Cresconium, IV, 9,

626). 1 1 : Sermo II inPsalm. 36, 20.


2) Avellana Colleclio, éd. Gllnther,

ACTES DES CONCILES 353

Huit ans plus tard, un autre concile romain s'occupa encore


du Donatisme et du second baptême. Abandonnés par leur
évêque, beaucoup d'anciens fidèles de Claudianus, ceux qu'on
appelait les Monteuses, étaient revenus à l'Eglise catholique.
Par son huitième canon, le concile de 386 spécifia que ces
ralliés, notamment les clercs, devaient être réconciliés par
l'imposition des mains. Le pape saisit cette occasion pour
réveiller le zèle des Africains en leur donnant une leçon il le :

fit dans une lettre « à ses frères et co-évêques d'Afrique » \ La

même année, un concile de Carthage parait avoir adopté les neuf


canons joints à y compris le canon sur les schisma-
la lettre,
tiques convertis
2

En ces temps-là, les Catholiques africains
.

en étaient réduits à attendre de Rome la nouvelle d'une vic-


toire sur le Donatisme; mais les choses allaient changer bien-
tôt, avec la campagne d'Augustin et de ses amis.

III

Conciles du temps d'Augustin (392-430). —


Assemblées donatistes. Concile maxi- —
mianiste de Carthage, en 392. Lettre synodale. — Concile maximianiste de —
Cabarsussa, du 24,juin 393. —
Lettre synodale, notifiant la déposition de Pri-
mianus. —
Concile primianiste deBagaï.du 24 avril 394. — Sentence de condam-
nation contre Maximianus et ses partisans. — Conciles primianistes de Constan-
tine et de Milev, vers 396-397. -- Concile primianiste de Thamugadi en 397. —
Concile primianiste de 403. —
Concile donatiste, réuni à Carthage en 411. —
Synode donatiste de Numidie, en 418 ou 419. Assemblées catholiques. — —
Concile d'Hippone, du 8 octobre 393. —
Canons relatifs au Donatisme. Concile —
de Carthage, du 28 août 397. — Canons sur le Donatisme. Concile de Car- —
thage, du 27 avril 399. —
Concile de Carthage, du 16 juin 401. Députation aux —
évèques de Rome et de Milan. —
Concile romain (été de 401). Lettre syno- —
dale aux évèques africains. —
Concile de Carthage, du 13 septembre 401. —
Projets de conférences avec les schismatiques. Lettres synodales. —
Concile —
de Milev, du 27 août 402. —
Concile de Carthage, du 25 août 403. Nouveaux —
projets de négociations et de conférences avec les évèques schismatiques. —
Instructions aux évèques catholiques, et modèle de procédure. Lettres syno- —
dales aux gouverneurs africains. —
Concile de Carthage, du 16 juin 404. —
Députation à l'empereur et lettres synodales. —
Coûcile de Carthage, du 23aoùt
405. —Lettres synodales. —
Canon relatif à la conversion des Donatistes. —
Concile de Carthage, du 13 juin 407. —
Réorganisation des anciennes commu-
nautés schismatiques. —
Ambassade aux empereurs. Conciles de Carthage, —
du 16 juin et du 13 octobre 408. —
Ambassades à l'empereur Concile de Car- —
thage, du 14 juin 410. —
Députation et requête à l'empereur. Concile catho- —
lique, réuni à Carthage en mai 411. —
Concile de Numidie, du 14 juin 412. —
Lettre synodale aux Donatistes. —
Concile de Byzacène, du 24 février 4i8.
Concile de Carthage, du 1" mai 418. —
Canons relatifs à la conversion des
schismatiques et à la réorganisation des diocèses. Concile de Carthage, du —

1) Sirice, Epislula ad fratres et coe- 2) Ferraudus, Breviatio canonum, 174;


piscopos per Africain, 8 Mansi, Concil., Mansi, Concil.-, 1. 111, [>. 669 t. IV, p. 379.
;
;

t. III, p. 670.

IV • 23
354 LE DONATISME

25 mai 419. — Confirmation de divers canons antérieurs sur le Donatisme. —


Concile de Numidie, vers 422.

De 392 à 430, c'est-à-dire depuis l'arrivée d'Augustin à Hip-


pone jusqu'à sa mort, nous ne connaissons pas moins de trente
conciles, donatistes ou antidonatistes. D'ailleurs, l'activité
synodale des deux partis pendant cette période présente des
caractères nouveaux. Les assemblées antérieures, presque tou-
jours, nous ont montré directement aux prises, avec des chances
de succès variables selon les époques, les deux Églises afri-
caines; les assemblées du temps d'Augustin nous les montrent,
tantôt poursuivant à part leurs destinées, tantôt se tournant
vers le pouvoir séculier, et ne s'atteignant l'une l'autre que par
contre-coup. Si l'on suit la série des réunions donatistes, on y
voit s'affaiblir peu à peu l'Église dissidente, d'abord coupée en
sectes rivales qui se lancent mutuellement l'anathème, puis
reconstituée par la victoire du Primianisme, mais occupée à se
concentrer en silence, à éviter les coups en se dérobant aux
discussions. Au contraire, en suivant la série des congrès catho-
liques, on assiste au succès d'une offensive hardie, qui, tour à
tour, vise à ramener les schismatiques, puis à tourner contre
eux l'opinion publique, puis à mettre en mouvement le pouvoir
séculier.Pendant les premières années, ce sont les dissidents
qui déploient la plus grande activité synodale, mais pour se
frapper entre eux. Depuis le commencement du v e siècle, l'ini-
tiative est du côté des Catholiques, dont les réunions épisco-
pales se multiplient d'année en année, et dont chaque résolu-
tion marque un pas en avant. Ces traits divers se retrouvent
dans la composition des dossiers.
La sériedes assemblées schismatiques s'ouvre alors, au grand
scandale des fidèles de Donat, par des conciles d'excommuni-
cations mutuelles conciles maximianistes de Carthage et de
:

Cabarsussa, concile primianiste de Bagaï.


Le congrès maximianiste de Carthage offrit aux Catholiques
africains le spectacle édifiant d'un nouveau schisme sortant du
vieux schisme de Donat. On sait d'où vint la rupture. A peine
élu en remplacement de Parmenianus, Primianus avait excité
contre lui, par sa tyrannie et ses maladresses, une très vive
opposition. 11 crut rétablir son autorité par un coup d'audace,
en excommuniant quatre de ses diacres, dont Maximianus.
Le conseil des seniores protesta contre cette sentence arbitraire,
prononcée dans des conditions irrégulières; ne pouvant obte-
nir satisfaction, il adressa à tous les évêques donatistes une
lettre circulaire, où il portait plainte el réclamait ni oquête.
ACTES DES CONCILES 355

Quarante-trois évêques, la plupart de Byzacène, répondirent à


cet appel, et arrivèrent à Carthage quelques mois après l'élec- :

tion de Primianus, c'est-à-dire vers la fin de 392. Les évêques


se proposaient de siéger, suivant la coutume, dans une des basi-
liques de Carthage, probablement dans celle que Maximianus
administrait en qualité de diacre. Expulsés de l'église par une
émeute, et même par la police dont Primianus avait requis
l'intervention, ils se réfugièrent dans une maison particulière,
quelque villa des faubourgs. L'assemblée, qui paraît avoir été
présidée par primat de Byzacène, délibéra dans un calme rela-
le
tif. A envoya des députés (legati) à Primia-
trois reprises, elle
nus, l'invitant à venir se justifier, offrant même de se trans-
porter en corps auprès de lui. Le primat refusa net, et même
laissa malmener les ambassadeurs. Le concile passa outre, et
instruisit le procès. Il entendit de nombreux témoins, releva
de nombreux griefs. Primianus fut condamné à l'unanimité;
mais on décida de lui accorder un délai pour se justifier, et de
réserver la solution définitive à un autre concile. On avisa, par
lettres synodales, toutes les communautés donatistes 1
.

Le dossier du concile maximianiste de Carthage nous est


connu indirectement par les Actes de Cabarsussa et par le
témoignage d'Augustin. Il comprenait les pièces suivantes :

la lettre des seniores à Primianus, et leur requête aux évêques


2
du parti le procès-verbal des négociations avec Primianus
;
3
;

le compte-rendu des séances et de l'enquête, avec les déposi-


tions des témoins, les votes, la sentence [sententia, decretum)*',
enfin, la tractaioria, ou lettre synodale envoyée à toutes les
communautés dissidentes pour leur notifier les faits, les
plaintes contre le primat, son refus de comparaître, les griefs
relevés, la condamnation provisoire {praedamnalio praejudi- ,

cium), sous réserve d'appel'.

1) Augustin, Epist. 43, 9, 26; Sermo de illo (Primiano) miserunt, conquerentes

Il in Psalm. 36, 19-20; Contra Cresco- quia noluit ad illos exire... Non est egres-
nium, IV, 6, 7; 7, 8; Gesla cum Eme- sus (Primianus), sicut eorum indicat Trac-
rito, 9. tatoria Actis inserla... » (Sermo II in

2) Sermo 11 in Psalm. 36, 20 (p. 377- Psalm. 36, 19 — p. 375). — Dans ce pas-
378 Migne). sage, il évidemment, non de la lettre
s'agit
Contra Cresconium, IV, 7, 8; Sermo
3) synodale du concile de Cabarsussa (docu-
// Psalm. 36, 19 et 20 (p. 375 et
in ment qui avait pour objet de notifier la
379) Gesta cum Emerito, 9.
;
déposition de Primianus, et qu'Augustin
4) Contra Cresconium, IV, 6, 7 ; appelle concilium Maximianistarum)
Sermo II in Psalm. 36, 20 (p. 378-379). mais d'une lettre synodale antérieure, celle
5) « Episcopi consentientes cum Maxi- du concile de Carthage de 392, partielle-
miano, adhuc diacono ipsius (Primiani), ment reproduite dans la synodale de Cabar-
venerunt ad Carthaginem, sicut se habet sussa.
Tractatoria... Ergo primo Traclatoriam
"

356 LE DONATISME

Quelques mois plus lard, la rupture fut consommée par le


concile de Cabarsussa. Maximianistes Dans l'intervalle, les
avaient gagné du terrain, surtout en Byzacène. C'est dans cette
province, devenue leur centre d'action, qu'ils se réunirent de
nouveau en juin 393, à Cabarsussa, sous la présidence de leur
doyen, Victorinus de Munaciana. Une centaine d'évêques du
parti étaient présents. Ils recommencèrent complètement l'ins-
truction du procès de Primianus et confirmèrent à l'unanimité
la condamnation antérieure le 24 juin, comme l'indiquent les :

Actes, prononcèrent solennellement la déposition du primat.


ils

Ils rédigèrent aussitôt une lettre synodale, qui par toute


l'Afrique, à toutes les communautés dissidentes, alla porter la
sentence, en menaçant d'excommunication quiconque n'aurait
pas rompu avec Primianus dans les délais prévus '.

Cette lettre synodale nous a été conservée par Augustin, qui


l'a commentée et transcrite phrase par phrase, dans un sermon
prononcé à Carthage vers la fin de 403- il suffit de mettre :

bout à bout les fragments pour reconstituer le document tout


entier, y compris l'entête et les signatures. Très précieuse en
elle-même, la lettre nous renseigne en outre sur les Actes du
concile, dont elle était comme un résumé. Voici les pièces que
contenait le dossier : les protestations adressées successive-
ment à Primianus et à tous les autres évêques donatistes parles
seniores de la communauté schismatique de Carthage [seniorum
3
litterar) la lettre du concile maximianiste tenu à Carthage en
;

392 (tractaloria Actis inserta)* le procès-verbal des séances de ;

Cabarsussa et des enquêtes sur Primianus ( -.ognilio) a la sen- ;

tence du concile {sententia, decretum) 6 la lettre circulaire aux ;

1
Eglises {iractatoria) Les premières pièces du dossier nous
.

sont connues déjà; les autres sont insérées en grande partie


dans la lettre synodale.
A défautdu procès-verbal détaillé des débats, nous possédons
encore, émanant du concile lui-même, deux résumés officiels
des charges produites confie Primianus au cours des deux
enquêtes successives. Un premier document contient rémuné-
ration des actes scandaleux du primat {scandale, Primiani), qui
avaient entraîné sa condamnation provisoire par l'assemblée de

1, Epist. 108, 2, 5; 141; t.: 185, 1,17; 5) Sermo II u, Psalm. 36. 20 {}>. 319).

no II in Psalm. 36, 19-20; im, ha 6 « II".- noslrum decretum » [ibid.,


onium, IV, 6, 1 : l><- haeres., 69. p. 380). — Cf. Contra Cresconium, IV, 6,
2) Sermo II in Psalm, 36, :>0. 1 ; 7, s.
:i) Ibid., i'.
377-378. 7) H&c uostra Tractatoria » [Sermo II in

h) Sermo II in Psalm. 36, 19 (p. 375). Psalm. 36, 20. — |>. 380).

I
ACTES DES CONCILES 357

Carthage. Voici le A peine ordonné,


relevé de ces griefs : 1°
Primianus a voulu contraindre ses prêtres à frapper sans rai-
son quatre diacres estimés de tous, Maximianus, Rogatianus,
Donatus, Salgamius; 2° Sur le refus des prêtres ou devant leur
silence, il a lui-même excommunié les susdits diacres, et cela
au mépris des règles de la discipline, sans souci de la procédure
en usage, « au point que le diacre Maximianus, un homme dont
l'innocence est connue de tous, a été frappé arbitrairement,
sans procès, sans accusateur, sans témoin, en son absence,
étant malade et dans son lit » 3° Primianus, contrairement à
;

la loi et aux décrets des conciles, a admis des coupables à la


sainte communion, des avérés comme les
schismatiques
Claudianistes; 4° Malgréde presque tous les
l'opposition
fidèles, malgré les protestations des seniores, il n'a pas voulu
rapporter ces mesures illégales; 5° Quand les évêques, sur la
demande des sehiores, se sont réunis à Carthage pour ouvrir
leurenquête, il a refusé obstinément d'entrer en communication
avec eux; 6° Il a lancé sur eux une bande d'énergumènes, puis
il a mis en mouvement la police pour leur interdire l'accès des

basiliques 1
. —
Telles sont les raisons qui avaient motivé la pre-
mière condamnation de Primianus, et que reproduit d'abord la
Iractatoria de 393, évidemment d'après les Actes du précédent
concile de Carthage.
Dans un second document sont consignés les résultats de la
seconde enquête, celle de Cabarsussa. Le dossier s'était grossi
dans l'intervalle aux griefs déjà connus s'ajoutent alors
:

beaucoup d'autres charges. En voici le relevé complet et officiel,


d'après les considérants de la condamnation définitive a Ce :

même Primianus, premièrement, a fait élire des évêques en


remplacement d'évêques encore vivants. Il a admis des sacri-
lèges à la communion des saints. Il a tenté de contraindre des
prêtres à former un complot. Il a fait jeter le prêtre Fortunatus
dans un cloaque, pour avoir baptisé des malades. Il a refusé la
communion au prêtre Demetrius, pour le forcer à déshériter son
fils. Il a outragé le même prêtre pour avoir donné l'hospitalité
à des évêques. Le susdit Primianus a encore envoyé une foule
de scélérats renverser des maisons de chrétiens. Des évêques et
des clercs ont été assiégés ensemble, puis lapidés par ses satel-
lites. Dans une basilique ont été frappés des seniores, qui
s'indignaient de voir les Claudianistes admis à la communion.
Primianus a cru devoir condamner des clercs innocents. Il

1) Sermo 11 in Psa/m. 36, 20. — P. 378-379.


358 LE DONATISME

n'a pas voulu se présenter à nous pour se justifier; il nous a


empêchés d'entrer dans les basiliques, dont il nous a fait fermer
les portes par la foule et par la police. Il a repoussé avec des
outrages les députés envoyés par nous. Il a usurpé beau-
coup d'immeubles, d'abord par la force, puis en vertu de
décisions judiciaires. Enfin, il s'est rendu coupable d'autres actes
illicites, que, par bienséance de style, nous avons passés sous
silence »'. —
Malgré son souci des bienséances, on voit que le
concile avait tenu à motiver amplement son excommunication,
et que son procès-verbal des crimes du primat ne manquait ni
de précision ni de pittoresque.
La sentence du concile deCabarsussa (senfentia, decretum) est
reproduite tout au long dans la lettre synodale. On y distingue
trois articles, où sont visées trois catégories de coupables et de
suspects d'abord Primianus seul, puis les évêques ou clercs de
:

son parti, enfin les laïques. Voici, en laissant de côté les considé-
rants, les termes de la condamnation du primat « Nous avons :

décrété, nous tous, évêques de Dieu, en présence de l'Esprit-


Saint, que ce même Primianus... était condamné à perpétuité par
le chœur des évêques il ne faut pas que son contact puisse
:

souiller l'Église de Dieu par la contagion de quelque crime... ».


Suit une citation de saint Paul, destinée à justifier l'ordre de
rompre avec le condamné. Le second article concerne les
membres du clergé, qui, sous peine de déposition et d'excom-
munication, devaient se séparer de Primianus dans un délai de
six mois « Nous avons décidé, nous et l'Esprit-Saint, d'accorder
:

aux retardataires un délai pour leur conversion, aux conditions


suivantes quiconque, parmi les évêques ou les clercs, aura
:

négligé son salut, et depuis le jour de la condamnation du sus-


dit Primianus, c'est-à-dire depuis le 8 des calendes de juillet,
jusqu'au 8 des calendes de janvier, n'aura pas abandonné la
communion du condamné Primianus, tombera sous le coup de
la même sentence ». Pour les simples fidèles, sans doute jugés
plus lents dans leurs conversions, et sur lesquels on pouvait
d'ailleurs escompter l'action des évêques ralliés, le délai était
prolongé jusqu'à la fête de Pâques, environ neuf mois « Les :

laïques aussi, spécifiait le dernier article, les laïques devront se


séparer de Primianus entre le jour susdit de sa condamnation
et le jour delà prochaine Pâques sinon, qu'on le sache, nul
:

ne pourra reprendre sa place dans l'Eglise que parle moyen


do la pénitence » s .

1) Strmo II in l'salm. 36, 20. - 2 Senno II in l'salm. 36, 20. —


1». 379. P. 319-380.
ACTES DES CONCILES 359

La lettre synodale (traclatoria), résumé des Actes du concile,


estun document assez complexe. Elle est adressée « Aux très
saints frères et collègues établis dans l'Afrique entière, c'est-à-
dire dans la Province Proconsulaire, en Numidie, en Mauréta-
nie, en Byzacène et en Tripolitaine, mais aussi aux prêtres, aux
diacres, et à tous les fidèles qui combattent avec nous dans la
vérité de l'Evangile... Vient ensuite une liste de trente-neuf
» '.

noms d'évêques, qui se termine par la formule « et tous les :

autres, nous tous qui étions au concile de Cabarsussa, salut


éternel dans le Seigneur 3 ». L'exorde ne manque pas d'habileté.
C'est Dieu lui-même, affirment les évêques, qui leur a imposé
les terribles fonctions de juge « Il n'est personne qui ne le
:

sache, nos très chers frères les évêques du Seigneur, non par
:

leur propre volonté, mais sur les injonctions de la loi divine,


doivent rendre leur sentence contre les coupables, comme ils
doivent suivant l'équité écarter des innocents une condamna-
tion injuste. Il s'exposerait à un danger terrible, celui qui épar-
gnerait un coupable ou tenterait d'accabler un innocent... »'.
Donc, le devoir des évêques était tracé d'avance quand ils ont :

reçu la requête des seniores de Carthage, ils ont dû instruire le


procès de Primianus. Ils espéraient, ils souhaitaient constater
et proclamer son innocence. Malheureusement, « les scandales
de Primianus, son extraordinaire scélératesse, ont attiré sur lui
le jugement du ciel on a dû retrancher du corps de l'Eglise
:

l'auteur de ces forfaits »*. Le concile énumère avec complai-


sance les crimes du primat, d'abord ceux qui avaient été révélés
par la première enquête, et qui l'avaient fait condamner une
première fois à Carthage. Puis, dans une longue suite de consi-
dérants, il résume toutes les charges produites contre l'accusé
5
dans le procès de Cabarsussa Enfin, il notifie sa sentence
. :

excommunication et déposition de Primianus, peines analogues


contre tous ses complices ou partisans qui n'auraient pas rompu
avec le coupable dans un délai fixé à six mois pour les évêques
6
ou clercs, à neuf mois pour les laïques L'objet principal de la
.

lettre synodale était précisément d'inviter tous les fidèles à se


séparer aussitôt du primat indigne « Pour assurer la pureté
:

de l'Eglise, nous avons jugé utile d'avertir par la présente trac-


latoria tous les saints évêques et tous les clercs et tous les
peuples qui se souviennent d'être chrétiens tous doivent éviter :

avec soin et prendre en horreur la communion de Primianus,

1) Sermo ll,mPsalm. 36,20. — P. 376. 4) Sermoll in Psalm. 36, 20. - P. 318.


2) Ibid., p. 376-377. 5) Ibid., p. 378-379.
3) Ibid., p. fc 377. 6) Ibid., p. 379-380.
360 LE DONATISME

désormais condamné. 11 devra lui-même rendre compte de sa


mortelle déchéance, celui qui sera resté sourd à notre décret et
aura tenté de le violer ». '

Le document se termine par une longue série de signatures :

d'autant plus précieuse, que le nom de chaque évêque est


accompagné du nom de son évêché. En tête figure le président
du concile, doyen-primat de Byzacène, Victorinus de Muna-
ciana. Puis se succèdent, peut-être au hasard, peut-être dans
l'ordre d'ancienneté, les évêques des différentes provinces la :

plupart de Byzacène, plusieurs de Tripolitaine ou de Proconsu-


laire, quelques-uns de Numidie ou de Maurétanie. Parmi les
signataires, on remarque notamment Florentius d'Hadrumète,
un certain Miggin signant pour Salvius de Membressa, Donatus
de Sabrata, Praetextatus d'Assuras, Victorinus de Leptis Magna,
(Juintasius de Capsa, Felicianus de Musti, Helpidius de Thys-
drus, Perseverantius de Theveste En tout, cinquante-trois 2
.

signatures, « omnes numéro quinquaginta très », comme l'in-


diquent les derniers mots du document Il y a cependant là 3
.

une erreur ces quatre mots ne peuvent être qu'une addition


:

de copiste, provenant d'un exemplaire mutilé, et la liste con-


servée des signatures est sûrement incomplète. D'abord, plu-
sieurs évêques mentionnés dans Ten-tête de la lettre, comme
ayant rédigé ou approuvé la pièce, ne figurent plus aujour-
d'hui parmi les signataires. D'autre part, nous savons que l'as-
semblée avait réuni une centaine d'évêques Augustin l'a dit :

4
vingt fois et il le répète dans le sermon même où il reproduit
,

d'un bout à l'autre le texte du document Malgré la petite .

lacune de la fin, la lettre de Cabarsussa est l'une des pièces les


plus complètes en ce genre. Elle présente un très grand intérêt
pour l'histoire du Maximianisme et des querelles religieuses en
Afrique. On doit en noter le ton relativement modéré, avec
lequel contrastent singulièrement les déclamations haineuses
et apocalyptiques du concile primianiste de Bagaï.
On a souvent répété, et cela dès le temps d'Augustin, que
l'assemblée de Cabarsussa avait élu Maximianus h la place de
Primianus. Ce serait une erreur, si ce n'était simplement une
façon abrégée de parler en tout cas, c'est confondre l'inten-
;

tion avec le fait. Maximianus, encore simple diacre, n'avait pu


jouer un rôle officiel dans les réunions épiscopalesdeses amis;

1) Sermo II in Psalm. .'!6. 20. — P. 380. Epistulam Parmeniani, 1, 4, 8 ; Conlra


2) Ibid., p. 380-381. Cresconium, III, 13, 16; IV, 6, 7 ; De
3) Ibid., p. 382. haeres., 69.
4) Epist. 108, 2, 5; 141, 6; Contra Sermo II in Psalrr). 36, 23 (p. 383).
ACTES DES CONCILES 361

et le concile des dissidents n'avait pas à élire l'évêque de Car-


tilage. Cependant, Maximianus n'en était pas moins le chef du
parti, qui déjà portait son nom; et le concile de Cabarsussa,
en déposant Primianus, songeait évidemment à le remplacer
par son diacre. Rien pourtant ne l'indique dans la lettre syno-
dale. C'est que les Donatistes affectaient le respect des tradi-
tions ils tenaient à observer la procédure en usage pour les
:

élections épiscopales. A Cabarsussa, les Maximianistes ne sou-


levèrent même pas la question du remplacement de Primianus ;

mais, aussitôt après leur sentence, ils se rendirent à Carthage,


où ils firent élire Maximianus par leur communauté locale.
Douze d'entre eux, suivant la coutume, ordonnèrent immédia-
tement nouveau primat Par là, ils se désignaient plus spé-
le
1
.

cialement aux coups de ses adversaires ils devaient s'en aper- :

cevoir bientôt, à leurs dépens, en se débattant au milieu des


procès et des persécutions.
Malgré leurs griefssi légitimes contre Primianus, la majo-

ritédes Donatistes avaient fini par se rallier autour de lui. Ils


répondirent en foule à son: appel, quand il les convoqua l'an-
née suivante, dans le pays de ses plus nombreux et de ses plus
fougueux partisans, en Numidie, à Bagaï, pour un concile
général de toute l'Afrique (concilium plenarium universelle). ,

Trois cent dix évêques primianistes, venus de toutes les pro-


vinces, se trouvèrent au rendez-vous. Là, sous la présidence
de Primianus lui-môme, ils firent à leur tour le procès des Maxi-
mianistes. Le 24 avril 394, ils promulguèrent leur sentence :

excommunication immédiate de Maximianus, de ses douze


consécrateurs et des clercs rebelles de Carthage, menace d'ex-
communication contre tous les autres Maximianistes qui n'au-
raient pas fait leur soumission dans un délai de huit mois. De
nouveau, des lettres synodales coururent l'Afrique, jetant sur
les communautés dissidentes la terreur des anathèmes primia-
3
nistes .

Dans l'enquête de Bagaï paraissent avoir été produites diffé-


rentes pièces relatives aux querelles antérieures la sen- :

tence d'excommunication lancée en 392 par Primianus contre


Maximianus et les autres diacres, les décisions des assemblées

1) Contra Cresconinm, III, 52, 58 et iS; II, 3, 7 ; Contra litteras Petiliani, 1,

suiv. ;
IV, 6, 7; 31, 38 et suiv. ; Epist. 10, 11; 19, 21 16; Contra Cresco-
; II, 7,
108, 2, 5 ; 185, 4, 17 ; Gesla cum Eme- nium, III, 13, 16 et suiv. 52, 58 et suiv. ; ;

rito, 9. IV, 2, 2 et suiv.; 31, 38 et suiv. Gesta ;

2) Epist. 51, 2; 108, 2, 5-6; 108, 4, 13 cum Emerito, 9-11 Contra Gaudentium,
;

et suiv. Sermo II in Psalrn. 36, 21-22;


; I, 39, 54; II, 7, 7; De haeres., 69.
Contra Epistulam Parmeniani, I, 11,
362 LE DONATISME

maximianistes de Cartilage et de Cabarsussa, une note sur l'é-


lection et l'ordination de Maximianus. Le dossier proprement
dit du concile de Bagaï renfermait, tout au moins, le compte-
rendu des séances et de l'enquête, la sentence du concile, une
lettre synodale. Nous ne savons rien de précis sur les conditions
de l'enquête ni sur le procès-verbal des débats; mais nous pos-
sédons encore des fragments de la lettre synodale, et la plus
grande partie du texte original de la sentence.
Comme le rédacteur de la lettre y avait reproduit la sentence,
les deux pièces, composées à peu près des mêmes éléments, ne
différaient que dans certaines parties, et surtout par le cadre.
Cependant, on reconnaît encore, dans les fragments du dossier
de Bagaï, des phrases qui proviennent évidemment de la lettre
synodale. Par exemple, l'entête « Alors que, par la volonté du
:

Dieu tout-puissant et de son Christ notre Sauveur, nous tous,


venus de toutes les provinces de l'Afrique, nous tenions un
concile dans la sainte Eglise de Bagaï, nous, Gamalius, Primia-
nus, Pontius, Secundianus, Ianuarius, Saturninus, Félix, Pega-
sius, Rufinus, Fortunius, Crispinus, Florentius, Optatus, Dona-
tus, Donatianus, et tous les autres, au nombre de trois cent dix,
nous avons décidé .. ». Aux quinze évêques ici nommés, il
1

faut joindre sûrement Emeritus de Caesarea, qui, nous le savons


d'autre part, assistait à l'assemblée où il joua même un rôle
très actif 2 Le Gamalius qui figure le premier sur la liste, avant
.

le primat de Carthage, était assurément le primat de Numidie,


sans doute plus ancien que Primianus. Parmi les autres membres
du concile, on doit reconnaître probablement Fortunius de
Tlmbursicum Numidarum, Crispinus de Calama, Optatus de
Thamugadi. Voici encore un fragment de la lettre synodale :

« Parlons, nos très chers frères, parlons des causes du schisme;

car nous ne pouvons plus taire les noms des personnes ». Plus
3

loin, à propos des excommunications prononcées « Sachez :

que par la volonté de Dieu qui nous présidait, par la sentence


véridique du concile universel, les coupables ont été condam-
nés » *. Les signatures sont malheureusement perdues. Mais
les quelques fragments conservés permettent de reconstituer à
peu près le cadre do la lettre circulaire où le concile de Bagaï
notifiait ses décisions à toutes les communautés dissidentes.
Quant à la sentence proprement dite (sententia, decrelum),

1 Contra Cresconium, III, ">'i, 5'J ;


IV, 4) Cotitra Cresconium, III, 25, 28; 53,
ni, 12. 59; IV, :\ï, :t>; Gesta cum Emerilo, H;
2) Gesta cum Emerilo, 10. Contra 'iuudentium, II, 7, 7.

3) Ibid., 10.
ACTES DES CONCILES 363

elle a été si souvent citée et partiellement transcrite par


Augustin, qu'on peut la reconstituer presque intégralement. On
y distingue quatre parties un préambule, un réquisitoire,
:

des anathèmes, des clauses relatives aux délais. Nous savons


par Augustin que le document était daté du 8 des calendes de
mai, du troisième consulat d'Arcadius et du deuxième consulat
d'Honorius c'est-à-dire du 24 avril 394. Le préambule, mal-
'
:

gré l'allusion presque ironique à la paix, avait toute l'allure


d'une déclaration de guerre « Il a plu à l'Esprit Saint, qui est
:

en nous, d'affermir à jamais la paix en tranchant dans le vif


8
des schismes sacrilèges ». Le réquisitoire, plus riche de mots
que de faits, ne contenait que des accusations vagues, des cita-
tions ou allusions bibliques, des déclamations sibylliques et
verbeuses contre les traîtres enfin démasqués, contre les schis-
matiques successivement comparés aux vipères, aux parricides,
aux naufragés, aux Egyptiens Les anathèmes ne sont pas 3
.

moins obscurs dans leur rédaction, ni moins encombrés de


phraséologie biblique et de métaphores haineuses- On y voit
pourtant que Maximianus est «l'adversaire de la foi, l'adultère de
la vérité, l'ennemi de notre mère l'Eglise » qu'il a été « chassé ;

du sein de la paix par la foudre de la sentence » que, « si les ;

gouffres de la terre ne l'ont pas encore englouti, il a été réservé


pour un plus grand supplice » qu'il « paiera désormais les ;

intérêts de son crime, en vivant comme un mort au milieu des


vivants » \ Le concile déclare que, malgré son désir de ne pas
mutiler le corps empoisonné de l'Eglise, il a dû porter le fer
dans la plaie 5 En même temps que Maximianus, l'excommu-
.

nication immédiate atteint ses principaux partisans, ses douze


consécrateurs et les clercs rebelles de Carthage a les complices :

du fameux forfait, Victorianus de Carcabia, Marcianus de Sul-


lectum, Beianus de Baia, Salvius d'Ausapha, Theodorus d'Usula,
Donatus de Sabrata, Miggin d'Elephantaria, Praetextatus d'As-
suras, Salvius de Membressa, Valerius de Melzi, Felicianus de
Musti, Martialis de Pertusa, dont l'œuvre néfaste a rempli d'or-
dure le vase de perdition mais aussi les anciens clercs de l'Eglise
;

de Carthage, qui, en coopérant à une consécration illicite, se


sont rendus complices du sacrilège » 6 La quatrième partie de .

1) Conlra Cresco?iium, III, 56, 62; IV, Conlra Cresconium, 111, 19,
4) 22; IV,
37, 44; 39, 46. 4, cum Emcrilo, 10.
5; Gesta
2; lbid., III, 53, 59; IV, 10, 12. 5) Gesta cum Emerito, 11; Conlra
3) Contra litleras Peliliani, I, 10, 1 1
;
Cresconium, III, 19, 22 IV, 4, 5; ; 55, 65.
II, 7, 16; Conlra Cresconium, IV, 2, 2; 6) Contra Cresconium, III, 19, 22; 53,
16, 18; Gesta cum Emerito, 10; Co?ilra 59; IV,'4, 5; Contra Gaudentium, 11,7,7.
Gaudentium, I, 39, 54.
364 LE DONATISME

]a sentence visait les Maximianistes moins directement compro-


mis, ceux qui n'avaient pris part ni à l'élection ni à l'ordination
de Maximianus. Ceux-là pouvaient espérer leur pardon « Il a :

été décidé, par le décret du concile, qu'on leur accorderait un


délai s'ils font amende honorable avant le temps fixé, ils seront
:

tenus pour innocents ». Le délai était de huit mois ceux qui :

ne se seraient pas soumis avant le 8 des calendes de janvier,


c'est-à-dire avant la Noël, ne pourraient plus rentrer dans
l'Eglise de Donat qu'après une pénitence en règle Malgré 1
.

tout, le concile admettait sur ce point l'hypothèse du pardon.


C'est la seule trace de bon sens dans cette sentence célèbre et
farouche, encombrée de souvenirs bibliques, de malédictions
obscures, de déclamations haineuses, et de pathos chef-d'œuvre :

de rancune et de sottise, rédigé, dit-on, par Emeritus de Caesa-


5
rea allégué par les Primianistes dans leurs procès pour les
,

cité sans cesse et raillé par Augustin qui en a tiré


3
basiliques ,

4
bon parti pour ses polémiques .

Les conciles donatistes des vingt ou trente années suivantes


nous sont, pour la plupart, assez mal connus. Sauf pour l'un
d'eux, rien ne nous est parvenu de leurs Actes à peine, quelques ;

canons, ou quelques renseignements sur leurs principales


décisions.
Vers 396-397, on signale en Numidie deux synodes d'évêques
5
primianistes, l'un à Constantine, l'autre à Milev ces deux ;

assemblées délibérèrent sans doute sur les mesures à prendre


envers les nombreux Maximianistes qui faisaient alors leur paix
avec la grande Eglise de Donat. En 397, un autre concile, plus
important, paraît avoir siégé à Thamugadi, sous la présidence
de Primianus. C'était quelques mois avant la défaite deGildon.
Optatus, le terrible évoque de Thamugadi, était encore tout-
puissant dans la région, où ses amis le redoutaient presque
autant que ses ennemis. A la tête de ses bandes, le belliqueux
prélat s'était avancé jusqu'en Proconsulaire, où il avait prétendu
imposer aux deux partis la paix donatiste par ses menaces, il :

avait décidé plusieurs évêques maximianistes, notamment


Felicianus de Musti et Praetextatus d'Assuras, à abandonner
l'Église <li' Maximianus, en môme temps qu'il invitait Primia-

1) Contra Cresconium, III, 17, 20: 54, 7; Contra Cresconium, 62; 59,65;
III,.Mi,

60; 4,5; 32, 3!): 34, il; 38, 45;


IV, IV, 4, 5; 48, 58: Gesta mm Emerito,9.
Conlra Gaudenlium, 11,7, 7. i) Epis t. 108, 5, 15; Contra Cresco-
2) Gesla cum Emerilo, 10. nium, III, 19, 22 cl suis.; 55, (il ; IV, 2,

3) Epitt. 51, 2; 108, 5, 14: Contra 2 ; 16, 19.


Epistulan l'armeniani, 1, 11, 18; II, 3, 5) Epist. 34, 5.
ACTES DES CONCILES 365

1
nus à par des concessions la capitulation des rebelles
faciliter .

A la suite de cette victoire diplomatique, les évoques Primia-


nistes se réunirent en foule à Thamugadi, pour y rendre
hommage à l'arbitre en célébrant l'anniversaire de sa consécra-
tion épiscopale (Optati. natalitia) 3 Ils profitèrent de l'occasion
.

pour régler définitivement la grosse affaire du jour. Oubliant


leurs anathèmes de Bagaï, ils se résignèrent à accueillir leurs
collègues ralliés avec tous les honneurs de la guerre on leur :

laissa leur dignité avec leurs fonctions épiscopales, et l'on


déclara valable tout baptême conféré par eux pendant leur
schisme Cette concession, dictée par la politique ou par la
3
.

peur, équivalait à un abandon des principes de la secte l'in- :

dulgence des Primianistes pour leurs propres schismatiques


fournit désormais aux Catholiques, dans leurs controverses, le
meilleur des arguments, un argument de fait \
C'est sans doute vers ce temps-là que des conciles donatistes,
mentionnés par Augustin, interdirent à leurs fidèles le martyre
5
volontaire devenu un scandale parle nombre des victimes ou
,

la mise en scène des suicides, et de plus en plus à la mode


chez les Circoncellions, les aventuriers ou les fanatiques du
parti. Il va sans dire que cette prohibition n'arrêta pas l'épidé-
mie des suicides dévots jamais en Afrique on ne s'est tant
:

brûlé vif, noyé ou précipité dans les gouffres, que pendant les
vingt premières années du v e siècle 6 .

Une assemblée plénière du parti primianiste siégea vers la


fin de 403, soit à Carthage, soit en Numidie. L'objet de cette
réunion épiscopale était de se concerter en vue de la réponse
à faire aux Catholiques, qui venaient de lancer à Carthage le
projet d'une grande conférence contradictoire, et qui en beau-
coup de villes, suivant la procédure adoptée, notifiaient leurs
propositions à leurs adversaires par devant les magistrats
municipaux. Primianus, en ce qui le concernait, avait déjà
décliné la proposition, et, par une lettre circulaire, avisé ses
7
collègues de sa réponse Le concile approuva la décision du
.

1) Contra lilteras Peliliani, I, 10, 11 ; 4) Epist. 51, 4; 53, 3, 6; 108, 2, 5


13, 14; li, 83, 184; Contra Cresconium, III, 185, 4, 17; Contra Cresconium, III, 16,
60, 66; IV, 25, 32; 47, 57; Ges/a cum 19 ; 60, 66; IV, 1, 1 Gesta cum Emerilo,
;

Er. erilu, 9 ; Epis t. 53, 3, 6. 9 ; De haeres., 69.


2) Epist. 108, 2, 5 Contra titteras
; 5) Contra Cresconium, III, 49, 54.
Peliliani, 11, 23, 53. b)Epist. 185, 2, 8; 185, 3, 1:2; 204, 1-
3) Contra Epislulam Parmeniani, I, 2 et 5 Contra Cresconium, III, 49, 54;
;

4, 9; II, 3, 7; Contra Cresconium, 111, Ad Donalistas post Collai., 17, 22; Con-
15, 18; IV, 25, 32; 51, 61 Contra Gau-
; tra G audenlium, 1, 27, 30; 31, 37; 36, 46.
dentium, I, 39, 54; Epist. 108, 2, 5. 7) Sermo II in Psalm. 36, 18.
366 LE DONATISME

primat, tous les évêques du parti à repousser le pro-


et invita
jet
1
. Au
dossier de cette assemblée devaient figurer le procès-
verbal des notifications faites à Primianus et à d'autres, la
circulaire du primat, le compte-rendu des débats, la lettre
synodale indiquant à tous les chefs de communauté la conduite
à tenir. Trois ans plus tard, au milieu des persécutions qui
suivirent l'édit d'union de 405, des évêques donatistes reprirent
pour leur compte le projet de leurs rivaux: ils se rendirent à
Ravennes en janvier 406, et prièrent le préfet du prétoire de
convoquer une conférence publique entre les deux partis*. Il est
vraisemblable que ces Donatistes, et parmi eux Primianus,
agissaient en vertu d'une délégation de leurs collègues, et qu'ils
avaient été envoyés à Ravennes par un synode primianiste
convoqué vers la fin de 405.
L'Église de Donat tint pour la dernière fois ses grandes
assises dans un concile de deux cent soixante-dix-neuf évêques
qui siégeait à Carthage du 25 mai au 7 juin 411, au moment du
débat suprême entre les deux partis et dont les Actes, fort
3
,

importants, mais intimement liés aux péripéties de ce débat,


seront étudiés plus loin avec le dossier de la Conférence. Après
cette date, nous ne connaissons qu'une seule réunion d'évêques
donatistes: un synode tenu en Numidie, vers 418, où se ren-
contrèrent encore plus de trente évêques, dont Petilianus de
Constantine. A ce moment, le Donatisme avait reçu le coup
mortel traqué méthodiquement et sans merci depuis la Con-
:

férence de Carthage, abandonné par la plupart de ses fidèles et


par beaucoup de ses clercs, il n'était plus que l'ombre de lui-
même. Cependant, il s'obstinait à vivre encore, et ne désespérait
pas de voir luire des jours meilleurs. Chose extraordinaire, et
qui atteste ou l'incroyable vitalité du schisme ou une incroyable
illusion, le synode de Numidie, composé de proscrits, se pré-
occupa d'ordonner de nouveaux évêques et de régler le sort
des clercs transfuges qui solliciteraient leur grâce. A ces con-
versions plus ou moins hypothétiques se rapporte un canon ou
décret [decrelum) de ce synode qui nous a été conservé par
hasard « Les clercs qui malgré eux, soit évêques, soit prêtres,
:

ont été amenés de force à la communion des traditeurs, ces


clercs-là, s'ils n'y ont pas offert le sacrifice, ou s'ils n'y ont pas
prêché devant le peuple, pourront obtenir leur pardon et seront

1) Epist. 76, 4; 88, 7; Contra Cresco- 88, 10.


. m, 45, 19; 16, 50. 3) Collai. Cartkag., I, li el 148; M,
2) Collât. Carthag., III, 141 ot suiv. ; 12: lli,258; Augustin, Brevic. Collât., I

Augustin, Iirevic. Collât., m, 4, 5; Epist. 4 el 14; II, 2-3: III, 8, 10.


ACTES DES CONCILES 367

reçus par nous avec leurs honneurs ». Sur cette promesse d'indul-
1

gence à l'égard des transfuges dont le parti vaincu escomptait


le retour, se clôt pour nous l'histoire synodale du Donatisme.
Mais tout porte à croire que les dissidents des générations sui-
vantes ont tenu dans l'ombre bien d'autres réunions.
Parmi les innombrables conciles catholiques tenus en Afrique
au temps d'Augustin, une vingtaine ont joué un rôle plus ou
moins efficace, parfois décisif, dans la lutte contre le schisme.
De ceux-ci seulement nous avons à parler ici, et encore dans la
mesure où ils touchent à l'histoire du Donatisme. Les Actes de
ces assemblées nous sont connus très inégalement, souvent par
desimpies sommaires ou des extraits; mais il en est bien peu
pour lesquels nous n'ayons pas quelque pièce, ou quelque frag-
ment de dossier, ou, tout au moins, quelque canon.
Dans ce domaine, comme dans tous les autres, c'est le con-
cile d'Hippone du 8 octobre 393 qui ouvrit la voie. Il vota un
canon, peut-être deux, destinés à faciliter la conversion des
schismatiques'. En vertu des règlements ecclésiastiques et de
l'usage romain, récemment confirmés à diverses reprises, un
clerc hérétique ou schismatique, revenu à l'Église catholique,
ne pouvait y être admis que parmi les laïques Mais les déro- 3
.

gations à cette règle avaient été fréquentes, notamment en


Afrique, où, en 313 après le concile de Rome, en 314 après le
concile d'Arles, en 347 après l'édit d'union, bien des évêques
ou clercs dissidents s'étaient ralliés en conservant leur dignité 4 .

Vers la fin du iv e siècle, la question était particulièrement


grave pour l'Église africaine, dont le clergé se recrutait diffici-
lement. Le concile d'Hippone fut frappé de cette situation cri-
tique, qu'il constate en ces termes « En Afrique, les Églises :

souffrent d'une telle disette de clercs à ordonner, que certaines


5
localités sont absolument abandonnées » On essaya donc de .

tourner la difficulté, par une ingénieuse application de ce prin-

1) Augustin, Contra Gaudentium, \, visum fuerit, in suis honoribus suscipian-


37, 47-48. tur, sicut ejusdem divisionis
priorihus
2) Concil. llippon., can. 37 (Mansi, temporibus factum esse manifestum est :

Concil., t. III, p. 924). quod multarum et paene omnium africa-


3) « In praecedentibus conciliis statu- naruin Ecelesiarum, in quibus talis error
tum est ne quis Donatistarum eum honore exortus excmpla testantur » [Codex
est,

suo recipiatur a nobis, sed in numéro lai- canon. Eccles. afric, can. 68). Cf. —
corum » (ibid., can. 37). Concil. Carthag. ann. 348, can. 12; Au-
4) « Ex ipsis Donatistis quicumque cle- gustin, Epist. 43, 5, 16; 185, 10, 47.
rici correcto consilio ad catholicam unita- o) « Tantum autem inopiae clericorum
tem transire voluerint, seeundum uniuscu- ordinandorum in Africa patiuntur Eccle-
jusque episcopi catholici voluntatem atque siae, utquaedam loca omnino déserta sint »
consilium qui in eodem loco gubernat Ec- (Concil. Hippon,, eau. 37).
clesiam, si hoc paci chrislianae prodesse
368 LE DONATISME

cipe, que les exceptions confirment la règle. Le concile décida


que, conformément à la tradition, « les Donatistes seraient
reçus dans l'Église, non pas avec leur dignité, mais au nombre
des laïques »; toutefois, « à l'exception de ceux qui n'auraient
pas rebaptisé, ou qui voudraient passer avec tous leurs fidèles
à la communion catholique » l C'est encore à Hippone, sem- .

ble-t-il, que fut proposée pour la première fois une autre mesure
propre à faciliter le recrutement du clergé on pourrait ordon- :

ner clercs les convertis qui auraient été baptisés dans leur
enfance par l'Église dissidente, et que l'on ne pouvait équita-
blement rendre responsables d'une erreur de leurs parents.
Cependant, le concile d'Hippone crut devoir procéder avec
prudence, et n'autorisa pas formellement ces dérogations à la
règle commune « On décida de ne pas les confirmer avant
:

d'avoir consulté là-dessus l'Eglise transmarine »*. On devait


s'adresser aux évoques de Rome et de Milan mais la consulta- ;

tion n'eut pas lieu alors, probablement à cause de la situation


troublée de l'Afrique, des menées du comte Gildon, et de la
guerre menaçante.
Quatre ans plus tard, le 28 août 397, un concile de Carthage
confirma les canons d'Hippone relatifs au Donatisme. De nou-
veau, il décida que l'on soumettrait la question aux Églises
d'outre-mer, au pape Siricius, à Simplicianus, évêque de
Milan 3 La même assemblée, sur la proposition d'Honoratus et
.

d'Urbanus, légats de Sitifienne, approuva le statut du synode


de Capoue qui, en 391, avait interdit de baptiser deux fois,
d'ordonner deux fois, de transférer un évêque d'un siège à un
autre 4 Le 27 avril 399, au moment où l'on traquait en Afrique
.

les partisans de Gildon, un autre concile de Carthage prit une


décision dont bénéficièrent sans doute bien des schismatiques
compromis dans la révolte il revendiqua pour les églises le :

droit d'asile, et, à cet effet, envoya une députation à l'empe-


reur '.
A vrai dire, la préoccupation du schisme tenait encore peu
de place dans ces premiers congrès présidés par Aurelius il :

semble qu'alors l'Église africaine, tout à sa réorganisation inté-

1) Contil. Bippon., can. 37. de 397. En effet, il ne semble pas douteux


2) Codex canon. Ecoles, afric, can. que celte ilécision ait été simplement con-
47 =Concil. nippon., can. 37. Celte — firmée à Carthage en 397, et qu'elle re-
seconde partie du canon 37 d'Hippone ne moule au concile d'Hippone «le 393.
se lit pas dans les plus anciennes éditions 3) Codea canon. Ecoles, afric, can. 47.
des Actes du c :ile. Elle a été rétablie par 4) lbid., can. 48.
les Ballcrinj dans le texte du canon 37. 5) lbid., a la suite du canon £6.
ii'u|U'< - li"* \ Us du Concile de Carlfa
ACTES DES CONCILES 369

rieure, n'ose encore engager la lutte, ou n'y songe guère. Au


contraire, depuis le début du v siècle, le Donatisme est cons-
(>

tamment à l'ordre du jour, et au premier plan, dans les assem-


blées africaines d'évêques catboliques.
à Cartilage en 401 tous deux impor-
Deux conciles siégèrent :

tants, surtout le dernier. Dans la séance du 16 juin, on revint


sur les deux questions qui, depuis huit ans au moins, préoccu-
paient les Africains droit de conserver leur dignité aux évoques
:

ou clercs ralliés qui n'auraient pas rebaptisé ou qui ramèneraient


avec eux leurs fidèles; droit de conférer les ordres aux convertis
qui auraient été baptisés enfants dans l'Église schismatique 1
.

Sur ces deux points, on confirma les canons de 393 et 397.


Cependant, la difficulté n'était toujours pas résolue. Dans l'in-
tervalle, les évêques de Rome et de Milan s'étaient prononcés
contre les propositions africaines. Aurelius et ses collègues
tenaient à éviter les risques d'une brouille avec les Églises
d'outre-mer d'autre part, ils ne pouvaient sacrifier leurs deux
;

canons, qu'ils jugeaient nécessaires pour le recrutement de


leur clergé. Sur l'initiative d' Aurelius, on décida d'envoyer en
ambassade l'un des membres du concile, chargé d'exposer la
situation aux Italiens, au nouveau pape Anastase et à l'évêque
de Milan Venerius -.
Une partie importante du dossier nous est parvenue le :

préambule, avec un grand discours d'Aurelius qui se rapporte à


l'ambassade et aux canons sur le Donatisme. Le discours est
intéressant, par un mélange significatif de fermeté, de prudence
et de sens pratique. Dès ses premiers mots, Aurelius insiste sur
l'urgence d'une solution : « Votre Charité, mes très saints
frères, connaît parfaitement comme moi les besoins des Églises
de Dieu établies en Afrique... ». 11 soumet alors à l'assemblée le

projet d'ambassade à Rome et àprécise les instructions


Milan. Il

à donner au délégué, qui devra principalement s'attacher à


éclairer les évoques deRome et de Milan sur les inquiétudes et
lesbesoins impérieux de l'Eglise africaine « Que l'on connaisse :

bien là-bas, ajoute l'orateur, la nécessité de parer ici à un


danger commun. Que l'on comprenne bien surtout que nous
manquons absolument de clercs. Beaucoup d'Églises sont com-
plètement abandonnées, au point qu'elles n'ont pas un seul
clerc, pas même un diacre illettré. Quant aux degrés supé-
rieurs de la hiérarchie, inutile d'en parler si, comme je l'ai :

dit, l'on trouve difficilement des sujets pour le ministère du

1) Codex canon. Ecoles, a fric, can.ol.


2) Codex, canon. Eccles. a fric, entre les canons 56 et ''>!.

IV ±'i
370 LE donatiSme

diaconat, à plus forte raison est-il évident qu'on n'en peut


trouver pour les fonctions supérieures. Chaque jour, nous
entendons les devenues pour nous intolérables, de
plaintes,
diverses communautés presque mortes
si l'on ne se hâte de :

leur venir en aide, nous aurons sur la conscience la perte,


lamentable et sans excuse, d'âmes innombrables dont nous
aurons à répondre devant Dieu »'. Puis, Aurelius rappelle et
justifie les résolutions adoptées antérieurement pour faciliter,
avec la conversion des Donatistes, le recrutement du clergé.
Sur la question des honneurs à conserver aux évêques ou clercs
ralliés,il est tenté d'accepter d'avance les décisions d'outre-
mer. Mais sur l'autre question, le droit d'ordonner clercs les
convertis baptisés enfants par les schismatiques, il laisse
entendre que les Africains ne peuvent céder. En terminant, il
invite l'assemblée à voter ses propositions \ Ce qui fut fait.
On ne comprit pas en Italie. Cependant, le pape s'émut de
l'insistance des Africains et de leur ambassade il convoqua :

aussitôt un synode romain. Mais ce synode ne voulut rien


entendre : il se contenta de repousser, comme contraires à la
discipline, propositions de Carthag-e
les Dans une lettre 3
.

courtoise et pleine de bons conseils, qui pourtant dutsembler


un peu ironique de l'autre coté des mers, Anastase s'empressa
de transmettre à Aurelius la réponse intransigeante du synode
romain il exhortait les Africains, « avec la sollicitude cl la
:

sincérité d'une charité paternelle et fraternelle, à se tenir en


garde contre les embûches et les perfidies des Donatistes,
hérétiques et schismatiques, persécuteurs de l'Eglise catholique
africaine »\
Déçus de ce côté, les Africains résolurent de régler entre
eux leurs affaires. Ils le tirent avec autant de modération
dans la forme que de fermeté. Tout en prodiguant les hom-
mages au pape et les protestations de déférence envers les
Eglises d'outre-mer, ils suivirent leur idée, conforme à leur tra-
dition locale, et même tracèrent tout un programme de récon-
ciliation avec les Donatistes. Le septembre iOi, moins de
I.'!

trois mois après leur dernière assemblée, ils se réunirent de


nouveau à Carthage. Tout d'abord, ils décidèrent de remercier
le pape de ses conseils, en lui expliquant pourquoi ils devaient

passer outre 5 Ils confirmèrent définitivement les canons blâ-


.

més à Rome, ces deux canons votés à Hippone en 393, puis à

1) Codex canon. Eccles. afric, avant 3) Codex canon. Et les. a fric, can 08.
le cai Ibid., entre les canons 65 et I

l
tbid., can, 57. 6) lùid., can. 68.
ACTES DES CONCILES !7 !

Carthage le 28 août 397, enfin le 16 juin 101, et jugés indis-


pensables pour le recrutement du clergé africain. On mainte-
nait le principe, d'après lequel tout clerc rallié redevenait laïque,
mais avec les deux exceptions prévues, qui, en fait, annulaient
ce principe désormais, tout évêque africain aurait le droit, non
:

seulement d'ordonner les convertis baptisés dans leur enfance


par les schismatiques, mais encore de conserver leur rang aux
anciens clercs dissidents, quand cette concession paraîtrait utile
aux intérêts de l'Eglise Pour éviter tout malentendu, un canon
'
.

spécifia que les prêtres et diacres coupables seraient récon-


ciliés sans être soumis à l'imposition des mains- cérémonie :

qui leur eût interdit à jamais l'exercice dusacerdoce. Le concile


alla plus loin, dans l'espoir de ramener les Donatistes. Il décida
d'engager avec eux des négociations et des discussions d'en- 3
;

voyer pour cela, de ville en ville, une députation d'évèques \


inimis d'instructions précises [mandatum) 8 chargés de « prê- ,

cher la paix et l'unité » 6 On invita les gouverneurs africains à


.

faire dresser partout les procès-verbaux officiels (Gesta publia)


des querelles entre Primianistes et Maximianistes, documents
précieux pour ouvrir les yeux des gens sincères '. Enfin, l'on
adressa une circulaire à tous les chefs de communauté, pour les
aviser des mesures prises 3 L'évèque de Carthage fut prié de
.

rédiger et de signer les différentes lettres au nom du concile'.


Nous possédons encore une bonne partie des Actes de cette
assemblée du 13 septembre 401 le préambule et des canons
:

développés. Avec ces pièces, on peut reconstituer le dossier


relatif au schisme procès-verbal de la séance, avec signa-
:

,0
tures série des canons, dont six visant le Donatisme"; lettre
;

du pape Anastase '-, et réponse du concile 12 lettres aux gouver- ;

neurs africains u instructions (mandatum) remises aux évêques


;

envoyés en mission {legati) auprès des communautés schisma-


tiques ,5 lettre circulaire aux évêques catholiques africains l6 Il
; .

faut y joindre sans doute un groupe de Gestâ publica ou muni-


cipalia, procès-verbaux officiels rédigés à la demande du concile,
par ordre des gouverneurs, sur les démêlés des Primianistes

1) Codex canon. Ecoles, afric, can. 68. non. Eccles. a fric. eau. 85. t

2) Ibid., can. 27. 10) Ibid., entre les canons 65 el 66. —


3) Ibid., can. 66. Cf. can. 85.
4) Ibid., can. 69. 11; Ibid., can. 27 ;
66-69
5) Ibid., can. 85. 12) Ibid., avant le canon 66.
6 « Legati etiain praedicandae pacis 13) Ihid., can. 68.
alquc unitalis » (Ibid., can. 69). 14) Ibid., can. 67.
7) Ibid., eau. 67. 15) Ibid., can. 69 el 85.
8) Ibid., can. 68. 16) Ibid., can. 68.
372 LE DONATISME

avec les Maximianisles '. A l'exception des canons et du préam-


bule, ces divers documents sont perdus. Mais tous, sauf les
Gesta publica, nous sont connus au moins par quelque fragment
ou une analyse : nous en avons indiqué précédemment, le con-
tenu.
L'année suivante, le 27 août 402, le concile général se réunit
à Milév, en Numidie, dans une région où les Donatistes étaient
nombreux et entreprenants. Cependant, parmi les canons con-
servés, un seul touche aux difficultés nées du schisme; et c'est
moins un canon proprement dit, qu'une décision d'espèce.
Voici ce texte « Au sujet de Maximianus de Vaga, il a été
:

décidé que des lettres, au nom du concile, seraient adressées et


à lui et à ses fidèles pour les inviter, lui, à donner sa démis-
:

sion d'évêque, eux, à chercher un autre évèque » Ce canon 2


.

resterait quelque peu énigmatiquc, si l'on n'en trouvait l'expli-


cation dans la correspondance d'Augustin. Maximianus, évoque
donatiste, probablement de Vaga en Numidie Proconsulaire,
venait de rentrer dans l'Eglise catholique, en même temps que
son frère Castorius, un orateur éloquent, nous dit-on, sans
doute un avocat. En vertu des principes de large tolérance qui
triomphèrent au dernier concile de 401, Maximianus avait
conservé son titre et ses fonctions d'évêque. Malheureusement,
il ne put s'entendre avec ses fidèles, des convertis comme lui;
et l'on redoutait un nouveau schisme dans la communauté, fa
question fut portée devant l'assemblée de Milev. Au reçu de la
lettre du concile, Maximianus donna sa démission et les fidèles ;

voulurent le remplacer par son frère Castorius, qui hésitait à


accepter. C'est alors, vers la (in de 402, qu'intervinrent Augustin
d'Ilippone et Alype de Thagaste dans une lettre où ils louaient
:

hautement l'abnégation de Maximianus, ils pressèrent Castorius


de ne pas se dérober au fardeau de l'épiscopat 3
.

L'un des plus beaux spectacles qu'offre l'histoire de l'Afrique


chrétienne est la séance du grand concile siégeant à Carthage,
dans la basilique de la seconde région, le 25 août 103. Là, mais
pour la dernière fois pendant cette période, les Catholiques
africains affirmèrent solennellement leur confiance da us la toute-
puissance de la raison et delà vérité, dans le succès d'une cam-
pagne toute pacifique, qui, par la libre discussion, par unesérie
d'entrevues préliminaires destinées à préparer l'entente, et par
un débat décisif entre les représentants îles deux Églises, devail

1) Codex canon. Ecoles, afric, can. 2) Codex canon. Eccles. a/rw., can. 88.
67 et 69. 3) Augustin. Epist. 69, 1-2.
.

ACTES DES CONCILES 373

enfin rétablir en Afrique l'unité religieuse Méprenant avec 1


.

plus d'ampleur le projet de 401, le concile de 403 élabora le


plan d'une grande conférence contradictoire avec les Donatistes.
Il décida que, dans tous les diocèses où les deux partis étaient

en présence, l'évêque catholique devrait notifier officiellement


à son collègue schismatique, par devant les magistrats muni-
cipaux, une convocation de principe à la conférence éventuelle.
Dans chaque cité devait être dressé un procès-verbal public
des négociations et de réponse du Donatiste on prierait les
la ;

gouverneurs de donner des instructions en conséquence aux


autorités municipales"-. Pour ne rien laisser au hasard ni au
caprice, on rédigea un modèle de procédure, contenant le texte
3
de la convocation .

Ce concile de 403 est l'un de ceux dont les- Actes sont le


mieux conservés. Le dossier en était volumineux compte-ren- :

du détaillé de la séance et des discours prononcés, avec signa-


6
tures'; canons et décisions prises (decretum) avec exposé des ,

motifs et copie des pièces lues en séance; modèle de procé-


dure (Forma conventionis Donatistarum) envoyé à tous les
évêques catholiques du pays, avec le texte de la convocation à
notifier (mandatum)* lettres synodales au proconsul et aux
;

Tel était le dossier proprement


7
autres gouverneurs africains .

dit. On y pourrait joindre encore une série de pièces qui se rap-


portent à l'exécution des mesures votées les édits rendus, sur :

la demande du concile, par le proconsul Septiminus et le


8
vicaire d'Afrique ; les Gesta proconsnlaria et les Gesta vicariae
9
praefecturae, aux démarches des Catholiques
relatifs une ;

foule de Gesta municipalia, rédigés dans les différentes cités,


notamment à Carthage, à Hippone, à Calama, lors de la com-
parution des évêques schismatiques, et contenant ledit du gou-
verneur de la province, le texte du mandatai», la réponse du
10
Donatiste Tenons-nous en au dossier proprement dit, qui
.

1) Codex canon. Ecoles, a fric, can. 7) Ibid., can. 91 ; Collât. Carlhag.,


91-92; Collât. Carlhag., III, 174; Au- III, 174; Augustin, Brtvic. Collât., III, 5,6.
gustin, Episl. 8 S , 7 ; Sermo 111 in Psalm. 8) Collai. Carlhag., III, 174. — Cf.
32, 29; Contra Cresconium, III, 45, 49; Codex canon. Eccles. a fric, can. 92.
Brevic- Collât., III, 5, 6 Prosper Tiro, ; 9) Collai. Carlhag., III, 174 ; Augus-
Epitoma Chronicon, c. 1225, ad ann. 403 tin, Brevic. Collât., III, 5, 6.
(dans les Chronica minora, éd. Mommsen, 10) Codex canon. Eccles. a fric, can.
t. 1, p. 465). 92-93 ; Collât. Carlhag., III, 116; Augus-
2) Codex canon. Eccles. a fric, can. 91 tin,Episl. 88, 7 Sermo ;
II in Psalm. 36,
3) Ibid., can. 92. 18; Contra Cresconium, III, 46, 50; IV,
4) Ibid., avant le canon 91. 47, 57 ; Brevic Collât., III, 4, 4; 5, 6;
5) Ibid., can. 91. 8, il ; Ad Donalislas posl Collai., 1, 1 ;

6) Ibid., can. 92. 16, 20 ; 31, 53.


::7'l LE DONATISME

forme aujourd'hui encore un ensemble imposant un long :

préambule, avec plusieurs discours d'évêques'; le procès-verbal


de la discussion el du vote sur le projet de négociations avec
2
les schismatiques la Forma conventionis Donatistarum, ou
;

i
modèle de procédure le ?nandatum 5
enfin, la requête au pro
; ;

consul Septiminus*. Voici une brève analyse de ces curieux


documents.
Après les discussions préliminaires sur le projet de négo-
ciations avec les schismatiques, le président de l'assemblée
mit aux voix un texte précis. L'évêque Aurelius dit « La ques- :

tion traitée par Votre Charité doit, je crois, faire l'objet d'un
vote consigné dans les Actes de l'Eglise. De vos déclarations
à vous tous il résulte, que chacun de nous, dans sa ville, devra
convoquer les chefs des Donatisles, soit seul, soit en s'adjoi-
gnant un collègue voisin; dans ce dernier cas, tous deux
ensemble devront convoquer les Donatistes dans chacune des
villes ou des localités, par l'intermédiaire des magistrats ou des
anciens de la localité (seniores locorum) Si vous êtes tous de cet .

avis, faites-le savoir ». Alors, tous les évêques s'écrièrent :

'
Nous sommes tous de cet avis, et tous, par notre signature,
nous avons approuvé cette proposition. Nous demandons aussi
que Ta Sainteté signe pour nous les lettres qui, au nom du con-
n
cile, seront envoyées aux gouverneurs ».
Puis, avec l'assentiment de l'assemblée, Aurelius communi-
qua et proposa d'adopter le modèle de procédure, la Forma
conventionis Donatistarum. Le notaire Laetus donna lecture de
ce document « Un tel, évêque de l'Église, dit
: « De l'autorité :

de la plus haute magistrature (du gouverneur) nous avons


obtenu un édit. Nous demandons à Votre Gravité (aux magis
trais municipaux' d'en ordonner la lecture, et l'insertion dans
les Gesta, puis de prendre les mesures nécessaires en vue de
l'exécution ». Une fois que Ledit aura été lu et inséré dans les
\ctes, un tel, évêque de l'Eglise catholique, dira a Daignez :

écouter le mandatum qui doit être porté par Votre Gravité à la


connaissance des Donatistes; daignez faire insérer ce manda-
tum dans les Actes, et le notifier aux Donatistes. et faire consi-
gner également leur réponse dans vos Aides, el nous trans-
mettre cette réponse ». Suit le texte Au mandatum, la formule
de convocation qui, dans chaque ville, devait être adressée à

\) Codex canon. Ecoles, afric, avanl 4) Codex canon. Ecoles, a fric., can.
mou 91. - Cf. can 91-92. '-'2.

2) lbid., can. 91. l ollat. Carthag., III, 174.


bid., can. 92. 6) Codex canon. Ecries, afric , can. 91.
ACTES DES CONCILES 37.")

l'évêque sohismatique par l'entremise des autorités munici-


pales : « Nous vous convoquons en vertu de
l'autorité de notre
concile catholique, dont nous sommes les missionnaires. Nous
désirons pouvoir nous réjouir de votre conversion. Nous con-
sidérons la charité du Seigneur, qui a dit Heureux les paci-
:

fiques, car ils seront appelés les fils de Dieu! Le Seigneur nous
en a encore avertis par son prophète même à ceux qui décla-
:

rent n'être pas nos frères, nous devons dire Vous êtes nos
:

frères. Donc, vous ne devez pas mépriser cet avertissement tout


pacifique que nous vous adressons et qui vient de la charité.
Nous vous offrons le moyen de prouver toutes les vérités que
vous croyez tenir. Voici comment. Réunissez votre concile ;

choisissez parmi vous des mandataires chargés de défendre vos


assertions. Nous ferons de même; nous aussi, nous choisirons
dans notre concile des mandataires chargés de discuter pacifi-
quement avec les vôtres, dans le lieu et le temps fixés, toutes
les questions qui séparent votre communion de la nôtre.
Ainsi, avec l'aide du Seigneur Notre Dieu, prendra fin une
vieille etlongue erreur, qui, par suite de l'animosité des hommes,
cause la perte d'âmes faihles et de peuples ignorants, égarés
dans un schisme sacrilège. Si vous acceptez fraternellement
notre proposition, la vérité brillera d'elle-même; mais, si vous
ne voulez pas le faire, alors se révélera d'elle-même à tous la
défiance que vous inspire votre cause ». Dès que fut terminée
la lecture des documents, l'adoption en fut votée par acclama-
tion. « Très bien Approuvé C'est cela! » criait-on. Et tous les
! !

évêques signèrent, à la suite du président qui écrivit de sa


main « Moi, Aurelius, évêque de l'Église de Carthage, j'ai
:

approuvé ce décret, je l'ai lu et signé »'.


Vingt jours plus tard, le 13 septembre, Aurelius remit ou fit
remettre au proconsul Septiminus la requête suivante, rédigée
et signée par lui, comme on l'en avait prié, au nom du concile
*

« Xous faisons appel à ton équité, Septiminus, personnage


clarissime. haut et sublime proconsul. Beaucoup d'attentats,
en dépit des lois divines et humaines, sont commis par les
hérétiques du parti de Donat contre l'Église catholique. Si
nous voulions invoquer les édits impériaux, anciens ou
récents, pour demander prohibition ou châtiment, les Dona-
tistesne pourraient oser se plaindre de nos actions judiciaires :

ils savent bien qu'eux-mêmes, n'ayant nul titre à invoquer une

loi de ce genre, ils ont cependant poursuivi leurs propres

1) Codex canon. Ecoles, afric., can. 92.


376 LE D0NAT1SME

schismatiques, les Maximianistes, et que, par des arrêts de


gouverneurs, ils les ont fait chasser ou expulser des lieux et
immeubles occupés. Mais nous, nous songeons en paix à leur
salut et à notre honneur, à cause de notre charité de chrétiens.
C'est pourquoi nous voulons les avertir avec douceur, pour les
amener à réfléchir et à reconnaître leur erreur. S'ils croient
tenir quelque vérité, qu'ils la défendent, non point par les
folies furieuses et les violences de leurs Circoncellions, aux
dépens de l'ordre public, mais par les raisonnements d'une
discussion tranquille. Voici donc ce que nous demandons à Ta
Sublimité partout où nous voudrons notifier aux Donatistes
:

cette proposition, par l'intermédiaire des magistrats, soit dans


les cités, soit dans les territoires qui en dépendent, ordonne
qu'on nous autorise à faire dresser des Gesta, et qu'à notre
requête on fasse comparaître honorablement les Donatistes.
Pour cette faveur, nous rendrons grâces devant Dieu à Ton
Excellence. —
Donné par tous les évêques catholiques du
concile de Carthage, sous le consulat de notre seigneur Théo-
dose P. P. Auguste et de Rumoridus V. C, le jour des ides de
septembre, à Carthage »'. Cette lettre au proconsul, et une
requête analogue au vicaire d'Afrique, marquent le début de
lacampagnede conférences organiséepar ce mémorable concile
du 25 août 403, dont le dossier atteste l'activité méthodique
dans le cadre d'un débat pittoresque.
Quand de là, sans sortir de Carthage, et dans la même basi-
lique', on passe au concile du 16 juin 404, on croit passer du
rêve à la réalité*. Dix mois seulement s'étaient écoulés, mais
pleins d'événements significatifs, qui avaient découragé les
plus optimistes, etqui décidèrent les évêques les plus modérés,
Augustin lui-même, à tourner les yeux du côté du pouvoir
séculier. Partout, les Donatistes avaient répondu par le dédain ou
l'injure aux propositions de conférence et de paix leur concile '
;

avait brutalement repoussé tout projet d'entente"; et les vio-


lences redoublaient, les Circoncellionsrivalisaientde prouesses,
surtout dans le diocèse de Calama, où l'attentat contre Possidius
et le cynisme de son collègue Crispinus avaient surexcité
6
l'opinion publique Lorsque les évêques catholiques se réunirent
.

1) Collai. C<u//«i</., III, 174. Augustin, Epist. 88, 7; Contra Cresco-


2) Codex canon. Eccles. afric, avant nium, III, 46, 50; IV, 47, 57; Brevic.
le canon Collai... III, 4, 4 ; 8. Il; Ad Donalislas
:i) Ibid., eau. 93 Collai. Carlhaq.,\U,
: post Collai., I, 1 ; 16, 20 ; 31, 53.
141; Augustin, Epist. 80,1; 88,7; lfS5, 7, i Augustin, Epist. 76, 88,7; Con- i;
l>:,-2G. ha Cresconium, III, 45, 49; 46,50.
; Codex canon. Eccles. afric , can. 93; 6) Codex canon. Eccles. afric, can.
ACTES DES CONCILES 377

à Carthage 16 juin 404, ils étaient d'accord sur la nécessité


le
de s'adresser à l'empereur, pour le supplier de protéger l'Église
catholique. Mais les avis étaient très partagés sur la nature
et la portée de cette intervention à solliciter du gouvernement.
Les évêques les plus âgés, qui avaient pu constater par eux-
mêmes l'effet des mesures antérieures de répression, déclaraient
que l'on devait réclamer un édit supprimant l'Église donatiste
et rétablissant l'unité. Telle n'était pas l'opinion d'Augustin
et de plusieurs autres. Suivant eux, on devait demander, non
pas un édit d'union, mais simplement l'assimilation des schis-
matiques africains aux hérétiques, et spécialement, partout où
se produiraient des violences, l'application delà loi de Théodose
imposant aux évêques et clercs hérétiques une amende de dix
livres d'or C'est ce dernier avis qui prévalut. On décida d'en-
1
.

voyer à l'empereur une députation chargée d'agir en ce sens,


et régulièrement accréditée auprès du gouvernement, comme
auprès du pape ou d'autres évêques italiens, par des lettres
synodales que signerait Aurelius'2 On remit aux ambassadeurs .

des instructions en règle On choisit pour cette mission délicate


3
.

deux membres du concile, Theasius de Membrone, Evodius


1
d'Uzali à qui la confiance de leurs collègues valut naturelle-
,

ment la haine des schismatiques. Petilianus de Constantine


disait d'eux « Theasius et Evodius, ces éclaireurs et ces navi-
:

gateurs en titre des Catholiques, ces légats de leur furie, tou-


jours prêts à réclamer du sang, à réclamer des proscriptions, à
répandre la terreur, à déchaîner les périls, à massacrer dans les
diverses provinces» 3 Nous ne connaissons guère Theasius;
.

mais Evodius, le doux et naïf Evodius de la correspondance et


des dialogues d'Augustin, n'avait rien de si terrible, et sa
première visite en Italie fut pour Paulin de Noie En tout cas, 6
.

l'on doutait un peu à Cartilage, sinon du zèle des délégués ou


de la bonne volonté du gouvernement, du moins de la prompti-
tude des décisions impériales en attendant, comme on crai- :

gnait un redoublement de violences de la part des Donatistes,


on résolut d'écrire aux gouverneurs des différentes provinces
pour les mettre en demeure de rétablir l'ordre et de protéger
7
partout les Catholiques .

93; Augustin, Epist. 88, 6-1 105, 2, 4 ; ; 7, 25.


183, 4, 18 Contra Cresconium, III, 45,
; 3) Codex canon. Eccles. afric, can. 93.
49 et suiv. Possidius, Vita Augustin?,
; 4) Ibid., 93 ; Augustin, Epist. 80, 1.

13-14. 5) Collât. Carthag., III, 141.


1) Augustin, Epist. 185, 7, 25. 6) Augustin, Epist. 80, 1.

2) Codex canon. Eccles. afric, avant 7) Codex canon. Eccles. afric, can. 93.
le canon 93 Augustin, Epist. 88, 7
; 185, ;
378 LE DONÀTISME

Outre le compte-rendu des débats, le dossier renfermait donc


des lettres synodales à l'empereur, au pape ou autres évêques
italiens, aux gouverneurs africains, et des instructions aux
légats (CommonitQrium ). Du procès-verbal de la séance, nous
1

possédons le préambule, une note sur l'ambassade d'Evodius et


Theasius*, un canon très développé qui reproduit le texte des
diverses décisions et des instructions aux ambassadeurs 3 Une .

curieuse notice d'Augustin nous renseigne sur les incidents de


la discussion qui précéda les votes \ Des lettres synodales, nous
connaissons seulement en gros le contenu, tel que nous l'avons
indiqué plus haut. Les instructions aux ambassadeurs nous sont
parvenues intégralement. La pièce est intitulée « Commoni- :

toriam remis à nos frères Theasius et Evodius, légats du concile


de Carthage, envoyés auprès des très glorieux et très religieux
empereurs » '. Dans ce précieux document, les évêques catho-
liques recommandent d'abord à leurs délégués de rappeler au
gouvernement leur généreuse initiative de l'année précédente,
leurs propositions de conférence, le refus brutal des Donatistes.
Puis les légats devront dénoncer les violences et attentats de tout
genre commis par les Circoncellions ou autres dissidents. Ils sup-
plieront l'empereur de prendre les mesures propres à assurer
partout la sécurité des Catholiques; d'appliquer aux schisma-
tiques africains les lois portées contre l'hérésie, notamment
celle qui interdit ou recevoir des dona-
aux hérétiques de faire
tions ou des legs; surtout, de décider qUe les évoques ou clercs
donatistes, dans toute localité où l'on signalerait des violences,
seraient déclarés responsables et astreints à l'amende de dix
livres d'or fixée par la célèbre loi de Théodose; enfin, d'envoyer
des ordres aux gouverneurs. Pour arriver à ces fins, et dans les
5
limites de ces instructions, les légats auraient toute liberté .

D'ailleurs, les événements allèrent plus vite que les ambas-


sadeurs. C'est au milieu d'une véritable persécution contre les
Donatistes, que les évoques catholiques se réunirent l'année
suivante, 23 août i05, toujours à Carthage et dans la basi-
le
7
lique de la seconde région Grâce aux folies de leurs adver-
.

saires, ils avaient obtenu beaucoup plus qu'ils ne demandaient.


Les attentats de plus en plus nombreux contre le clergé, les

l
|
Codex canon. Ecries, a fric, can. et Evodio, lcgalis ex Carthaginensi coucilio

93. ad gloriosissiiims religiosissimosque princi-


Ibid., avant le ranon 93. pes missis » [Codexcanon. Ecoles, a fric,
3) Ibid.. cail. 93. eau. 93).
4) Vuguslin, Episl. 185, 7, 25. 6 Ibid., can. 93.
5j " Commonitorium fratribus Theasio 1) Ibid., can. 94.
ACTES DES CONCILES 379

plaintes portées à Rome par les victimes, surtout l'aventure


lamentable de Maximianus, évêqué de Bagaï, avaient poussé le
gouvernement aux mesures extrêmes le 12 février 405, avait '
:

été lancé Tédit d'union A Carthage, cet édit avait été exécuté
2
.

l'unité religieuse y était rétablie, du moins en


3
le 26 juin :

apparence, au moment où s'ouvrit la nouvelle assemblée catho-


lique. En enregistrant la victoire, le concile s'efforça d'achever
la déroute de l'ennemi. Il décida l'envoi à l'empereur d'une
lettre de remerciements, qui serait portée en Italie par deux
clercs de Carthage, avec les actions de grâces particulières de
leur Eglise. Mais, dans l'intérieur du pays, l'exécution de l'édit
restait en suspens. On résolut donc d'écrire aux gouverneurs
des différentes provinces, pour les piquer d'émulation et les
presser de rétablir partout l'unité religieuse. On lut encore en
séance une lettre du pape Innocent, qui jugeait trop fréquents
les voyages à Rome des évêques africains il s'agissait sans :

doute de toutes ces victimes des Donatistes, qui passaient la


mer pour se plaindre en haut lieu. L'assemblée de Carthage
donna raison au pape, et interdit aux clercs de quitter le pays
sans autorisation '. C'est probablement le même concile qui
vota le canon suivant, relatif à la conversion de certains schis-
matiques « Il appartiendra à l'évêque, pour tout Donatiste qui
:

se convertit après avoir fait pénitence dans son Eglise, de fixer


b
le temps de la pénitence ou de la réconciliation » .

Si nous n'avons plus au complet les Actes de cette assemblée,


c'est la faute du compilateur d'un recueil de canons, qui d'ail-
leurs s'excuse en ces termes « Je n'ai pas transcrit intégrale- :

ment les Gesta de ce concile, parce que les mesures votées se


rapportent à des résolutions de circonstance, non à des règle-
ments d'une portée générale. Cependant, pour l'instruction des
6
curieux, j'ai donné un abrégé de ce concile » Malgré sa séche- .

resse, cet Abrégé (Brevis causarum) nous renseigne assez bien


sur la composition du dossier compte-rendu des débats, avec :

résumé des canons ou autres décisions; lettre du pape Innocent


aux Africains lettre synodale à l'empereur Honorius, avec une
;

Adresse de remerciements au nom de l'Eglise de Carthage ;

7
lettres aux gouverneurs africains .

1) Augustin, Contra Cresconium, 111, Chronica minora, éd. Mommsen, t. F, p.


43, 47 ; 43, 49 Epist. 183, 7, 26-27.
; 196).
2) Cod. Theod., XVI, 5, 38 6, 3-5 ; ;
4) Codex canon. Eccles. afric, can. 94
1 ! , 2. — Qf. Codex canon. Eccles. afric, 5) Ferrandus, Breviatio canon., can. 50.
can. 94 et 99 ; Augustin, Epist. 88, 5, 10 ;
6) Codex canon. Eccles. afric, avant
185, 7, 26. le canon 94 (Mansi, Concil., t. 111, p. 798).
3) Liber genea/oyus, c. 627 (dans les 7) llnd., can. 94.
380 LE DONATISME

En maint endroit, les conversions se multipliant, les évêques


catholiques eurent à régler la situation des schismatiques ralliés.
Bien des difficultés se présentaient, qu'on n'avait pas prévues,
surtout en ce qui concernait les clercs. Il devint nécessaire
d'arrêter les principes à suivre partout. La question fut portée,
avec bien d'autres, devant le concile général siégeant à Carthage
le 13 juin 407 '. L'assemblée s'efforça de prévoir tous les cas
relatifs aux « communautés ou diocèses de Donatistes conver-
tis » \ Elle promulgua le canon suivant, qui désormais fit loi :

« Les communautés de Donatistes convertis, qui avaient un

évêque, devront sans aucun cloute conserver leur évêque, et cela


sans qu'il soit besoin de consulter le concile. Si une commu-
nauté qui avait un évêque, et dont l'évèque est mort, ne désire
plus avoir un évêque particulier, mais préfère se rattacher au
diocèse de quelque évêque, on doit lui accorder ce qu'elle
demande. —
On a voté encore ce qui suit. Tout évêque qui,
avant l'édit d'union des empereurs (édit de 405), a ramené des
paroisses au Catholicisme, doit garder ces paroisses. Mais, si la
conversion est postérieure à l'édit d'union, l'évèque catholique
de la cité dont dépendaient les localités sous le règne des héré-
tiques, devra revendiquer toutes les églises des hérétiques,
convertis ou non au Catholicisme, ainsi que les paroisses, et
tout le mobilier de l'église, et tout ce qui lui appartenait. Qui-
conque a usurpé quelque chose, devra être cité en justice et
sommé de restituer ce qu'il aura usurpé après l'édit d'union » '.
Cependant, les convertis ne formaient alors en Afrique qu'une
petite minorité; dans bien des régions, les schismatiques repre-
naient même l'offensive, et les païens se mettaient de la partie.
L'assemblée de 407 en appela encore au pouvoir séculier :

« Autre vote, dirigé contre les Donatistes et les païens ou leurs

superstitions: des ambassadeurs, envoyés de ce glorieux concile,


étaient chargés d'obtenir des très glorieux princes tout ce qui
leur paraîtrait utile »*. Enfin, l'on se préoccupa des abus qu'en-
traînaient les voyages trop fréquents des Africains en Italie, les
démarches personnelles et les plaintes incessantes de certains
évêques auprès de l'empereur désormais lesclercs ne pourraient
:

se rendre à la cour sans une autorisation régulière, ils seraient


porteurs d'une lettre d'introductiou (formata) pour l'Eglise de

1) Codex canon. Ecoles, afric, can. aatislis eonversis » [lbid., can» 99).
106. 3 lbid., can. 99. — Cf. eau. 117.
2) « l>i; plebibus vel diœcesibus ex Do- 4) lbid., can. 106.
ACTES DES CONCILES 381

Rome, qui par une lettre analogue les accréditerait auprès du


gouvernement '.

On signale en 408 deux conciles de Carthage « contre les païens


et les hérétiques », c'est à dire les Donatistes. De ces assem-
blées, qui siégèrent dans le secretarium de la Basilica Restituta
ou cathédrale, les Actes sont presque entièrement perdus il :

en reste seulement les préambules, avec deux notes relatives à


2
l'envoi d'ambassades La situation s'était aggravée en Afrique.
.

La disgrâce et la mort de Stilichon, à qui l'on attribuait l'initia-


tive des lois de répression, avaient rendu l'espoir à tons les
persécutés; les schismatiques s'agitaient, comme les païens, et
accueillaient avec un enthousiasme menaçant un faux édit
impérial de tolérance, fabriqué par un sectaire Pour couper 3
.

court à ces racontars, le concile du 16 juin résolut de solliciter


une confirmation officielle des lois de proscription à cet effet, :

il envoya en ambassade, auprès de l'empereur, l'éveque Fortu-

natianus \ probablement ce Fortunatianus de Sicca qui fut un


des mandataires du parti à la Conférence de 411 '.
Comme on attendait la réponse impériale, les dissidents ne
manquèrent pas l'occasion d'en démontrer l'urgence, par une
série d'attentats ainsi, dans le courant de l'été, « Severus et
:

Macarius furent tués, et, pour leur cause, les évoques Evodius,
ïheasius et Victor furent maltraités )>''. Le concile du 13 octobre
408 revint à la charge « contre les païens et les hérétiques » il ;

confia une nouvelle ambassade aux évoques Restitutus et Flo-


7
rentins Aux députés en titre se joignirent plusieurs de leurs
.

collègues, qui partirent avec eux pour aller exposer en Italie


8
leurs griefs personnels Les ambassadeurs étaient porteurs
.

d'une requête, où l'on suppliait le gouvernement d'intervenir


3
au plus tôt Augustin, qui connaissait Olympius, le succes-
.

seur de Stilichon, et qui récemment avait reçu de lui des offres


de service, écrivit de son côté au nouveau ministre pour lui
,0
expliquer la situation et le presser d'agir Le gouvernement .

s'émut de l'émotion des Africains dès le mois de novembre, il :

répondit par une série de rescrits très sévères", que suivirent


des édits du proconsul 12 et qui d'ailleurs ne mirent pas lin aux
,

1) Codex canon. Eccles. a fric, eau. 106. 6) Codex canon. Ecoles, afric, entre
2) Ibid., entre les canons 106 et 107. les carions 106 et 107.
3) Augustin, EpièL 97, 2-3; 100, 2; 7) Ibid., entre 106 et 107.
105, 2, 4 ; 108, 5, 14. 8) Augustin, Epist. 97, 2.
4) Codex canon. Ecoles, afric, entre 9) Ibid., 97, 2-4.
les canons 106 et 107. 10) Epist, 97.
5) Collât. Carthag., I, 2 et 55 II, 2 ; : 11) Cod. Theod., IX, 40, 19; XVI, 5, 44-45.
III, 2 et 4. 12) Augustin, Epist. 100, 1-2.
382 LE DONATISME

violences. Le dossier de l'assemblée du 13 octobre comprenait,


avec le procès-verbal de la séance, la requête à l'empereur et
aux ambassadeurs On y peut joindre plusieurs
les instructions
1
.

pièces, qui n'avaient pas un caractère officiel, mais qui n'en


jouèrent pas moins un rôle dans cette affaire une lettre d'O- :

lympius à Augustin, où le ministre offrait à l'évêque d'Hippone


son appui contre ennemis de l'Église la réponse d'Augus-
les
s
;

tin, qui profitait de l'occasion pour hâter la solution un Com- 3


;

monitorium ou mémoire envoyé par Augustin, en son nom


personnel, aux députés du concile'; enfin, des lettres que ces
ambassadeurs et d'autres évoques africains adressèrent de Home
5
à Olympius .

Parmi tous ces congrès épiscopaux, l'un des plus importants,


sinon des mieux connus, est le concile du 14 juin i 10, siégeant
6
à Cartbage dans la basilique de la seconde région Par une de .

ces brusques volte-face qu'escomptaient les ennemis de l'Eglise,


et qui trahissent une politique incohérente, le gouvernement
venait de tout remettre en question par un édit de tolérance,
rendu peut-être sous l'influence du païen Jovius, successeur
d'01\ înpius, et aussitôt notifié au commandant- en chef de l'ar-
7
mée d'Afrique, le comte Heraclianus La nouvelle loi spéci- .

fiait que « chacun pourrait pratiquer le culte chrétien sui-


8
vantsa libre volonté ». La conséquence ne se fit pas attendre :

3
partout en Afrique, les Donatistes relevèrent la tète L'assem- .

blée du 14 juin résolut d'en finir, en sollicitant un nouvel édit


d'union, mais accompagné cette fois d'un grand débat public
qui en serait la justification, et dont la conclusion engagerait
devant le pouvoir séculier les chefs de l'Eglise dissidente. Bref,
on reprit le projet d'une conférence contradictoire entre les
ileux partis, mais d'une conférence officielle, suivie d'une sen-
tence, qui par là temps
serait de nature à convaincre en même
l'opinion gouvernement. On vola donc l'envoi d'une
et le

requête à l'empereur, et d'une ambassade chargée de deman-


der, avec l'abrogation immédiate du récent édit de tolérance,

odex canon. Ecoles, a fric, entre Collai., III, 2-4.


les cauous lOti et UH ; Augustin, Epis t. 97, 1) Cad. Theod., X.VI, 5, 51. (X Col- -
2-4. lat. Carlhag., I, 4; III, 29: Augustin,
2) Lettre mentionnée par Augustin (Epist. Epist. 108, 0,18; Contra Gaudentium,
97,1). 1,24,27.
3) Epist. 97, 8) « I.ex <l:da est ut libéra voluntate quis
4) lbid., 97, 4. culture ebristianilatis exciperel » (Codex
5) lbid., 97, 2. ' anon. Ecct s, afric, can. 107).
6) Coder canon. Eccles. a/ric, can. 9) Augustin, Epist. 105, 1; 105, 2, 4;
107': Collât. Carthag., I, 4-5; [II, 29; 108, 5, 14; LU, 1.

37-39 : 43: iii : 49 52; Augustin, Brevic.


:
ACTES DES CONCILES 383

la convocation d'une conférence générale qui trancherait pour


toujours la question On élut pour cette mission quatre évêques
'
. :

Florentius cl'Hippo Diarrhytos, Possidius de Calama, Benenatus


de Simitthu, et un certain Praesidius 2 L'ambassade eut un .

succès complet. En août, l'empereur annula son précédentédit 3


;

en octobre, il ordonna au tribun Marcellinus de se rendre en


Afrique pour y convoquer et y présider la conférence Au dos
4
.

sier de ce concile du 14 juin 410, figuraient deux pièces dont on


parla beaucoup dans les retentissants débats de l'année sui-
vante le matidatum renfermant les instructions aux députés,
:

et la requête à l'empereur (petitio, preces)" , où les Catholiques


justifiaient leur demande en alléguant la demande analogue
5
déposée à Ravennes, quatre ans plus tôt, par les Donatistes .

Avant l'ouverture de la grande Conférence, dans les derniers


jours de mai 411, se réunit plusieurs fois à Carthage, parallè-
lement au concile donatiste, un imposant concile catholique de
7
deux cent quatre-vingt-six évêques Il suffit de mentionner .

ici ces deux assemblées rivales, dont les Actes sont en rapport
étroit et seront analysés avec le dossier de la Conférence elle-
même.
Sous la forme d'une lettre synodale, une proclamation aux
Donatistes fut lancée le 14 juin 412, par un concile provincial
de Numidie, appelé vulgairement, et à tort, « concile de
Zerta »\ Pour Augustin,
cette assemblée est simplement le
« concile de Numidie
(Concilium Nimiidiae)\ La lettre syno- »

dale, d'après les manuscrits conservés, émanerait d'un « con-


10
cile de Zerta » (de concilio Zertensi) En effet, il paraît y avoir .

eu en Afrique une ville du nom de Zerta, et même deux, dont


l'une au moins en Numidie 11 Mais il est bien invraisemblable .

que les évêques de toute la province se soient réunis dans l'une

1) Codex canon. Eccles. afiic, can. Augustin, Epist. 128-129; Brevic. Collai ,

107; Collât. Carthag., I, 4-5; III, 29; I, 5 ; 7 10 Gesla cum Emerito, 5-7.
; ;

Augustin, Brevic. Collât., III, 2-4. 8) Augustin, Epist. 141. Cf. Epist. —
2j Codex canon. Eccles. a fric, can. 107. 139, i^Retract., II, 66.
Cod. Theod., XVI, 5, 51.
3) 9) Retract., II, 66. — Cf. Epist. 139, 4.
Cod. Theod., XVI, 11, 3; Collât.
4) 10) « Silvanus senex ... et céleri episcopi
Carthag., I, 4 III, 29 Augustin, Brevic.
; : de concilio Zertensi, ad Donatistas » (Epist.
Collât,', I, 1 ; III, 2. 141; Relract., II, 66). Telle est la le- —
5) Collai. Carthag., I, 4-5 29; 37-
: III, çon courante. Dans quelques manuscrits de
39; 43; 46; 49; 52; Augustin, Brevic. la lettre 141 ou des Rétractations, on relève
Collât., 111, 2-4. les variantes Zerlhensi, Czerlensi, Xer-
6) Collât. Carthag.,
III, 141 et suiv. : sensi, Cerlensi (d'oii la lecture Ciriensi
Augustin, Episl. 88, 10 Brevic Collât., ; de plusieurs anciennes éditions).
Ul, 4, 4-5 Ad Donatistas posl Collât.,
; 11) Gsell, Allas archéologique de V Al-
25, 44. gérie, feuille 28, p. i, n. 3.

7) Collât. Carthag., I, 16 ; 18 ; 46; 55;


384 LE DONATISME

ou deux petites villes obscures d'autant mieux


l'autre de ces :

que, d'après lesprocès-verbaux, de 411, les Donatistes seuls y


avaient des évêchés Tout porte à croire que la leçon Zertensi des
1
.

manuscrits est une altération de Cirtensi, et que le concile a


siégé dans la capitale de la province, à Cirta ou Constantine.
Augustin fut l'un des membres les plus actifs de cette assemblée :

or nous savons que justement, au milieu de l'année 412, il fit


un assez long séjour à Cirta, qu'il y prêcha et y convertit des
dissidents De plus, dans une lettre qu'il écrivit alors à Mar-
2
.

cellinus, il recommandait en même temps au commissaire impé-


rial le député que lui envoyait le concile, et l'un des principaux-
citoyens de Cirta, un certain Rufinus De ces faits, Ton doit 3
.

conclure apparemment qu'Augustin se trouvait à Cirta au


moment de la réunion épiscopale, et, par suite, que cette réu-
nion eut lieu à Cirta.
Dans la plupart des communautés d'Afrique se poursuivait
alors, sous la haute direction du commissaire impérial, la cam-
pagne officielle pour le rétablissement de l'unité religieuse. La
résistance était vive en Numidie, où lessehismatiques avaient la
majorité, et où lesCirconcellions se signalaient par de nouveaux
4
attentats Tandis qu'Augustin agissait personnellement auprès
.

de Marcellinus et du proconsul, le concile du 14 juin 412 char-


gea l'évêque Delphinus d'une mission officielle auprès du com-
missaire impérial En même temps, l'assemblée résolut d'adres-
5
.

ser une proclamation aux Donatistes, spécialement aux laïques.


Ce document a été rédigé par Augustin, dont il porte la
marque*. 11 n'en a pas moins les apparences d'une lettre syno-
dale. L'auteur s'est effacé modestement, au milieu de ses col-
lègues, dans l'en tète de la pièce, qui est ainsi conçu « Le :

primat Silvanus, Yalentinus, Innocentius, Maximinus, Optatus,


\iiinistinus, Donalus, et tous les autres évèques du concile de
7
Cirta, aux Donatistes » La lettre collective, dont les signatures
.

sont perdues, se termine par la date consulaire et un souhait


de large publicité « Voilà ce que nous vous avons écrit le 18
:

1) Collai. Carthag., 1, 181 et 201. thentique de l'en-téte, d'après le témoi-


2) Augustin, Epist. 144, 1-3. gnage formel d'Augustin. Mans les manu-
3) Epiai. 13'.), 4. scrits île la lettre synodale [Epitt. 141j,
4) Epist. 133. 1-2: 134, 2-4; 139, 1-2. le nom i'Aurelius est intercalé entre ceux
I , !. 13 », 4. de Valenlinus el d'Innocenlius. C'csl .pro-

6) Retract., Il, 66. bablement une interpolation. En tout cas,


7) « Sic quippe incipit « Silvanus senex,
: l'on ne pourrait identifier ce personnage
Valenlinus, lunoccnluis, Maximinus, Opta avec Aurelius de Carthage : il va -ans dire

tus. Auguslinus, Donatus, et ceteri epis- que l'évèque <!<• Carthage ne pouvait figu-
copi de concilio Zertensi, ad Donatistas » rer dans un concile provincial de Numidie.
(Retract., Il, 66). —
Tel est le texte au-
ACTES DES CONCILES 385

des calendes de juillet, sous le neuvième consulat du très pieux


Honorius Auguste. Que cette lettre parvienne à chacun de vous,
quand elle le pourra » '. !

L'objet de la proclamation était d'éclairer l'opinion publique


sur la réalité et les causes de la défaite du Donatisme à la Con-
férence de Carthage. Les évoques dissidents répétaient à leurs
fidèles que le juge était vendu aux Catholiques, que la procé-
dure avait été irrégulière, que les mandataires n'avaient pu
s'expliquer librement
2
. A ces calomnies, le concile répondit par
un exposé rapide des grands débats de l'année précé-
et précis
dente Souvent, disaient d'abord les signataires, souvent a
: «

retenti à nos oreilles un bruit qu'on fait courir. Vos évêques


vous diraient que le juge avait été corrompu à prix d'argent
pour prononcer contre eux sa sentence; et vous, vous ajoute-
riez foi à cette fable, et c'est pour cela que beaucoup d'entre
vous refuseraient encore de s'incliner devant la vérité. En con-
séquence, nous avons décidé, sous l'impulsion de la charité du
Seigneur, que de notre concile vous serait adressé le présent
écrit. Vous y serez avertis, tout d'abord, que ces mensonges
sont mis en circulation par des gens vaincus et convaincus...
Donc, toutes les choses que nous avons cru les plus nécessaires,
nous les avons réunies et insérées dans la présente lettre c'est :

comme un Abrégé des Gesla^ à l'usage de ceux d'entre vous qui


pourraient difficilement se procurer les gros volumes desGesta,
ou qui trouveraient laborieux de les lire » 3 Suit un résumé .

des procès-verbaux delà Conférence élection des mandataires; :

mesures prises pour garantir la liberté des débats, la régularité


de la procédure et l'exactitude des comptes-rendus obstructions ;

incessantes des Donatistes, maladresses de leurs orateurs, ré-


sultats des discussions, déroute complète du parti de Donat".
S'il reste des incrédules, le concile les renvoie au texte même
des procès-verbaux, qui convaincront les plus sceptiques :

« Mais, à quoi bon allonger encore cette lettre"? Si vous voulez

nous croire, croyez-nous; rétablissons ensemble cette unité


qu'ordonne et aime Dieu. Si vous ne voulez pas nous croire,
lisez les Gesta eux-mêmes, ou consentez à ce qu'on vous les
lise, et voyez par vous-mêmes si nous vous avons écrit la
vérité. Mais, si vous ne voulez faire ni l'un ni l'autre, si vous

1) « Haec ad vos scripsimus XVIII Kal. gustin, Relract., Il, 66; Ad Donalialis
iulias, Augusto IX cos.,
piissimo Honoiio post Collât., 1, 1 ; 12, 16 et suiv.
ut, quando possunt, ad quosque vestram 3) Augustin, Epist. 141, 1.
istae litterae pervenirent >< (Episl. 141,13). 4) Ibid., 141, 2-11.
2) l'ossidius, Vita Auqustini, 16; Au-

IV 2S
386 LE DONATISME

tenez à suivre encore le parti de Donat convaincu de fausseté


par l'évidence de la vérité, eh bien nous nous lavons les mains !

de votre châtiment vous vous repentirez un jour, mais trop


:

tard » La proclamation se termine naturellement par une


l
.

exhortation à rentrer dans l'Eglise •.


Les foules revenant de toutes parts au Catholicisme, on dut
confirmer ou reviser les règlements relatifs à la réconciliation
des schismatiques. Le 24 février 418, dans un concile provin-
cial de Byzacène, à ïhelepte ou à Zella, on donna lecture de
la lettre par laquelle le pape Sirice avait notifié jadis aux Afri-
cains les décisions du synode romain du 6 janvier 386 l'as- :

semblée de Byzacène adopta de nouveau ces canons, dont l'un,


le huitième, prescrivait de réconcilier les convertis, notamment
les clercs, par l'imposition des mains
3
.

D'une tout autre importance est le concile général tenu à


Carthage deux mois plus tard, le 1" mai 418. En même temps
qu'il lançait une série d'anathèmes contre le Pélagianisme et
réformait sur divers points la discipline, il promulgua un
véritable code des conversions, principalement en ce qui
concernait la délimitation des diocèses et l'attribution des
1
anciennes paroisses dissidentes D'après le statut de 407, une .

paroisse appartenait à l'évêque qui l'avait convertie, ou à


l'évêque du diocèse catholique où elle se trouvait, suivant que
la conversion était antérieure ou postérieure à l'édit d'union de
405 5 La distinction était justifiée sans doute par les circons-
.

tances, par le désir de ménager des situations acquises mais ;

elle était évidemment anormale, de nature à susciter des mal-


entendus et des conflits. En beaucoup de régions, les diocèses
donatistes ne coïncidaient pas avec les diocèses catholiques; et
la date de la conversion définitive n'était pas toujours facile à
déterminer. D'où une foule de contestations entre; voisins,
« beaucoup de controverses entre évêques au sujet des
paroisses »\ Le concile de 418 remplaça le statut antérieur par
cet autre règlement, beaucoup plus logique « Dans toute :

localité où il y avait une paroisse catholique et une paroisse


donatiste, dépendant de deux sièges épiscopaux différents, en
quelque temps qu'ait été faite ou doive se faire l'unité, suit
avant les lois d'union, soit après ces lois, les deux paroisses

1) Epist. 141, 13. 5) Coda canon. Eccles afric. ean.


2) lbid., 141, 13. 99.

3) Ferrandus, Brevialio canonum, 114. 6 Mjiltae controversiae poslea ioter


— Cf. Mausi, Concil., I. IV, p. 3?.). episcopos de dioecesibus orlae sunt cl oriun-
4) Code.r canon. Eccles. afric, eau. lur, quibus lune minus videtur esse |>ni->-
117-119 123-124.
; pectum - {lbid., caû. 117).
ACTES DES CONCILES 387

dépendront également du siège épiscopal dont dépendait


antérieurement la paroisse catholique »'. Un autre canon
déterminait, avec une précision minutieuse, les conditions du
partage égal des paroisses d'un même diocèse entre l'évêque
catholique et l'évêque donatiste converti. Le plus ancien des
deux prélats ferait les deux parts, et le plus jeune choisirait; pour
le rattachement de certaines paroisses, dont l'attribution était
particulièrement délicate, on devrait tenir compte des raisons de
voisinage, ou de l'ancienneté d'épiscopat, ou des préférences et
du vote des fidèles 5 D'ailleurs, pour les partages à l'intérieur
.

d'un môme
diocèse ou entre deux diocèses limitrophes, il y
aurait prescription au bout d'un temps fixé toute paroisse :

rattachée à un diocèse quelconque, depuis trois ans, lui serait


définitivement acquise, si dans l'intervalle n'avait surgi aucune
protestation 3 .

D'autres canons avaient pour objet de contraindre certains


évêques catholiques, jugés nonchalants ou trop conciliants, à
supprimer le schisme dans leur diocèse. Ces prélats peu zélés
étaient menacés de remontrances, puis d'excommunication
provisoire, même de déposition. Voici l'arrêt du concile a Si :

dans les Églises mères, à chaire épiscopale, l'évêque se montre


négligent en face des hérétiques, les évêques voisins devront
lui adresser une assignation précise, et lui prouver sa négli-
gence, pour qu'il n'ait pas d'excuse à invoquer. Si, dans les six
mois qui suivront l'assignation, il n'a pas fait appel aux agents
impériaux qui se trouveraient dans sa province, et n'a pas
ramené les hérétiques à l'unité catholique, il sera excommunié
jusqu'à ce qu'il se soit exécuté. Si pourtant aucun agent
impérial n'est venu dans son diocèse, on ne devra pas s'en
prendre à l'évêque »'. Le concile, qui sans doute avait ses
raisons d'être en défiance, prévoyait un cas bien extraordinaire :

« S'il a été établi que l'évêque a menti au sujet de la communion

des hérétiques, en prétendant convertis des hérétiques qu'il


3
savait n'être pas convertis, alors il devra être déposé » Voilà .

qui jette un jour singulier sur la mentalité de certains prélats


du temps.
L'œuvre du concile général de 418, et des commissaires
impériaux, dut être efficace; car, désormais, il ne sera plus
guère question du schisme dans les réunions épiscopales.

1) Codex canon. Eccles. afric. cm. , lll. 3) Codex canon. Ecc/es. afric, can.
2) Ibid., eau. 118. — Augustin,
Cf. 119.
Sermo ad Caesareensis Ecclesiae pie- 4) Ibid., can. 123.
bem, 1. 5J Ibid., can. 124.
,

388 LE DONATISMË

L'année suivante, à Carthage, l'assemblée du 25 mai 419, dans


son énorme dossier né de la controverse sur les appels à
Rome, se contenta de réunir, sans y rien ajouter de nouveau,
les canons sur le Donatisme votés par les conciles antérieurs
1

En 422, un synode provincial de Numidie eut à juger Antonius,


évèque de Fussala, qu'accusaient ses fidèles, des schismatiques
convertis Au dossier figuraient les pièces de l'enquête, avec
2
.

la sentence de l'assemblée, qui enlevait au prévenu l'adminis-


tration de son diocèse et le condamnait à restituer tout ce qu'il
avait usurpé'. On sait qu' Antonius en appela au pape, et causa
4
beaucoup d'ennuis à son ancien maître Augustin Mais l'affaire .

ne touche qu'indirectement à l'histoire du schisme. Jusqu'à


l'arrivée des Vandales, et bien au-delà, le Donatisme vaincu
poursuit dans l'ombre ses obscures destinées, sans obtenir
l'honneur de nouvelles controverses au grand jour des conciles.

IV

Le dossier de la Conférence de Cartilage en 411. —


Documents relatifs aux prélimi-
naires. — Requêtes des deux partis. —
Edit d'Honorius, du 14 octobre 410. -
Instructions spéciales de Tempereur à Marcellinus. Lettres d'Honorius au pro- —
consul de Carthage et au vicaire d'Afrique. —
Edit de Marcellinus, du 19 janvier
411. — Requête des Maximianisles. —
(}esla publica où était consignée la
réponse de Primianus à l'édit de Marcellinus. —
Lettre circulaire de Primianus
aux évèques donatistes. —
Réponse de Félix Pisitensis. Gesta municipa/ia et —
rapports adressés à Marcellinus par les municipalités africaines. Secon édil — I

de Marcellinus, vers le 20 mai. —


Nolaria du concile donatiste de Carthage. ru
réponse au second édit. —
Mandalum ftonalistarum, instructions aux mandataires
du parti. —
Réponse du concile catholique au secon é dit de Marcellinus. I —
Mandalum calholici conci/ii, instructions aux mandataires du parti.— Lettre du
concile catholique a Marcellinus, en réponse à la Volaria des Donatistes. P o- —
cès-verbal delà première séance de la Conférence (1 er juin). Nouvelle Xotana —
Donaiislarum, et réponse de Marcellinus. —
Procès verbal de la deuxième
séance de la Conférence (3 juin). Reçus délivrés aux greffiers, le G, juin. —

A\is au public, rédigé par Marcellinus. —
Lettre du concile donatiste, en réponse
au Mandalum des Catholiques. —
Procès-verbal de la troisième séance de la
Conférence (S juin —
Sentence de Marcellinus (S juin).
. Rapport à l'empe- —
reur. — Edit de Marcellinus contre les Don 26 juin). — Appel des Dona--

tistes à empereur.
l —
Edit d Honorius, ordonnant de rétablir en Afrique l'unité
religieuse. —
Etu le des G es la Collutionis. —
Publication du recueil. L'é lition —
d'Hippone. — L'édition de Marcellus Memorialis et les Capitula Gestorum. —
Lacunes du recueil actuel. —
Physionon me - - Le bureau et VOffi-
-

cium. — Obstructions des Donatistes. —


Attitude des Catholiques. Rôle du —
président. — Caractère d>- s débats. — Valeur historique des Gesla Collalionis

Au-dessus de tous ces dossiers de conciles s'élève l'imposant


dossier des débats de \ I 1 : la niasse énorme des Gesta Colla-

1) Codex canon. Ecoles, afric, can. 2 i.uguslin, Epist. 209, 4-7.

27; 47-48; 57: 66-69: 85: 91-94; 99; 3) Epist. 209, 6-7.
106-107; 117-119: 123-124 4) Ibid., 209, 10.
ACTES DES CONCILES 389

tionis Carthagînensis est comme le symbole du rôle prépondé-


rant joué par cette grande Conférence de Carthage, vers laquelle
gravite, au début du v e siècle, toute l'histoire du schisme afri-
cain. Le projet datait de loin modeste à l'origine, il n'avait
:

cessé de s'étendre en se précisant. Jadis, Optât de Milev repro-


chait aux schismatiques de se dérober à toute discussion*.
Augustin entreprit de faire parler ces muets, et, par leurs
propres discours, de les compromettre devant l'opinion. Simple
prêtre encore, à Hippone, il proposa un débat public à un évêque
dissident du voisinage 8 Devenu évêque, il multiplia autour de
.

lui, parfois avec succès, les offres de conférences contradic-


3
toires Peu à peu, l'idée rayonna d'Hippone en Numidie, de
.

Numidie à Carthage, où elle prit une forme nouvelle. Le concile


du 13 septembre 401 envoya aux communautés schismatiques,
de diocèse en diocèse, une mission d'évêques-orateurs \ L'assem-
blée du 25 août 403 lança le projet d'un colloque décisif entre
mandataires des deux partis'. Les Donatistes eux-mêmes, s'ils
refusèrent en 403 °, se ravisèrent en 406, après l'édit d'union :

sous le coup des persécutions, ils allèrent encore plus loin que
leurs adversaires, et, dans leur requête de Ravennes, ils invi-
tèrent le gouvernement à convoquer lui-même une conférence 7 .

L'empereur les prit au mot, quatre ans plus tard, alors qu'ils
regrettaient leur imprudence : il leur donna satisfaction, non
sans ironie, sur une requête des Catholiques ', par son édit du
14 octobre 410°. Enfin, le 1 er juin 411, s'ouvrit à Carthage la
Conférence solennelle l0 attendue ou redoutée, mais réclamée
,

tour à tour par les deux partis. Nous en avons raconté l'histoire;
il nous reste à en analyser le dossier.

Les pièces innombrables qui sont insérées tout au long, ou


résumées, ou mentionnées dans les Gesta Collationis, appar-
tiennent à deux catégories distinctes, dont l'une seulement
constitue le dossier proprement L'autre groupe, dont les dit.
éléments nous sont déjà connus ne doivent plus nous arrê- et
ter, se compose des documents déjà anciens aliégués au cours
des débats, et relatifs aux querelles antérieures, aux origines

1) Optât, I, 4. 7) Collât. Carlhag., Il/, 141 et sniv. ;

2) Augustin, Episl. 23, 6. Augustin, Brevic. Collai., III, 4, 5 ;

3) Epist. 33-34; 43-44; 51; 66; 88; Episl. 88, 10.


Possidius, Vita Augustini, 10. 8) Codex canon. Ecoles, a fric, can.
4) Codex, canon. Eccles.afric, can. 66; 107 ; Collai. Carlhag.,
4-5; 111,29; I,

69; 85. Augustin, Brevic. Collât., III, 2-4.


5) lbid., can. 91-92; Augustin, Contra 9) Cocl. Theod., XVI, 11, 3; Collai.
Cresconium, III, 45, 49. Carlhag. , I, 4; III, 29; Augustin, Brevic.
6) Augustin, Epist. 76, 4; 88, 7 ; Con- Collai., I, 1 ; III, 2.
Ira Cresconium, III, 45, 49; 46, 50. 10) Collât. Carlhag., 1,1.
390 LE DONATISME

ou à l'histoire du schisme : pour ces documents-là, il suffira


d'indiquer à l'occasion, en passant, qu'ils ont été produits ou
invoqués en séance. Nous n'avons à étudier ici que le dossier
proprement dit de la Conférence. Outre les procès-verhaux des
débats, il comprend nombre de pièces importantes, qui sont
relatives soit à la convocation et aux préliminaires, soit à
l'intervention des deux conciles rivaux siégeant alors à Car-
tliage pour élire et diriger leurs mandataires, soit à la sentence
du juge et aux édits consécutifs de proscription. Dans ce dédale
de procédures, d'obstructions et de controverses, on ne peut
s'orienter qu'à la lumière de la chronologie heureusement, la ;

plupart des pièces sont datées, ou peuvent l'être. C'est donc


dans l'ordre des temps que nous passerons en revue les divers
éléments du dossier d'abord, les documents relatifs a la con-
:

vocation et aux préliminaires; puis, les procès-verbaux des


séances, avec les annexes; enfin, la sentence et les édits. Nous
terminerons par quelques remarques sur la publication et la
valeur historique des Gesta.
documents qui se rapportent à la convoca-
Voici la liste des
tion aux préliminaires les requêtes des deux partis, ten-
et :

dant à la réunion d'une conférence officielle '; l'édit d'Honorius


{imperialis sanctio), du 14 octobre 410 des instructions spé- !
;

ciales {mandata), probablement secrètes, remises antérieure-


ment au commissaire Marcellinus d'autres instructions au 3
;

4
proconsul de Carthage et au vicaire d'Afrique un premier ;

édit (e die tu m) de Marcellinus, du 19 janvier 111 '; une requête


c
[libellus) des Maximianistes des (lesta pub ica de Carthage, ;

où étail consignée la réponse de Primianus (Piimianiprofrssio)


1
à l'édit du commissaire une lettre circulaire (tracloria) de ;

Primianus à tous les évêques donatistes f les réponses de ces ;

évêques, notamment une lettre d'excuse (lit terae excusationis)


J
d'un certain Félix de isita' d'innombrables Gesta munici- I
)

palia, et les rapports (ordinum relatin) adressés à Marcellinus


par les municipalités africaines " le second édit (edictum), pro- ;

mulgué par le commissaire vers le .20 mai"; la Nota n'a Dona-

Collât. Carlhag., I,
' " III. 29 et Contra Julianum, III, 1, 5.
1) :

141 ; Auguslio, Brevic. Collât., III, 2-4; 7) Collât. Carlhag., Il, 50; 111,206:
Epis t. m, 10. Augustin, Brevic. Collai., II, 3; Possi-
2 Cod. Theod., XVI, 11, 3: Collai. dius, Vita Auguslini, 16.
Carlhag., I. 4: III, 2'. 8) Augustin, Ad Donalistas /msl Col-
3 Collai, f'arlhag., I, ! et 30. lat., 24, 11,

4) lbid., i. i. 9 Collai. Carlhag., I, 133.

5) lbid., I, 5; Augustin, Brevic. Collât., L0) lbid . I, >.

|,.2. Il) //<"/., I. 10; Augustin, Brevic. Col-


6) Collai. Carlhag., I, 10; Augustin, lat., I, 3; Sermo 358, 6.
ACTES DES CONCILES 391

tistarum, du 25 mai, réponse du concile schismatique au second


édit
1
; le Mandatum Donatislarum du même , jour, instructions
2
aux mandataires du parti ,
avec les signatures de tous les
évoques (subscriptiones) 3
; la réponse (epistula) du concile
le mandatum des Catholiques, du
4
catholique au second édit ;
5
30 mai, instructions à leurs mandataires avec signatures épis- ,

6
copales (subscriptiones) une seconde lettre du concile catho-;

7
lique au commissaire, en réponse à la Notaria des Donatistes .

Les requêtes des deux partis, qui décidèrent l'empereur à


convoquer la Conférence, ont été souvent alléguées au cours
des débats. Cependant, elles ne sont connues qu'en gros ou par
des fragments; nous avons indiqué plus haut ce qu'on en sait.
Il s'agit, pour les Donatistes, de la requête insérée dans les Gesta
8
praefectoria de Ravennes, du 30 janvier 406 pour les Catho- ;

liques, de la requête adressée à l'empereur par le concile de


Carthage du 14 juin ilO (petitio, preces), avec instructions aux
députés du concile (mandatum) 9 Il est à remarquer que l'em- .

pereur, dans sa constitution, mentionne seulement la demande


et l'ambassade des Catholiques °; mais le commissaire, dans son
premier édit, a soin de spécifier que les schismatiques ont fait
naguère une démarche analogue auprès du gouvernement 11 .

L'édit impérial (imperialis sanctio rescriptum imperatoris) li ;

est entièrement conservé. Il est précédé de la salutation d'u-


sage « Les empereurs Césars, Flavius et Theodosius, pieux,
:

heureux, vainqueurs et triomphateurs, toujours Augustes, à


leur cher Flavius Marcellinus, salut ». A la fin, autre salutation,
ajoutée sur la pièce de chancellerie par la « main divine » d'Ho-
norius « Adieu, très cher Marcellinus ». Au-dessous, la date,
:

qui correspond au 14 octobre 410 « Donné la veille des ides :

d'octobre, à Ravennes, sous le consulat de Varanes-» 13 .

C'était le temps où les (ioths dévastaient l'Italie; deux mois


auparavant, Alaric avait occupé Rome. Cependant, l'édit com-

1) Collât. Carthag., \,\'i; Augustin, 8) Collât. Carthag., I, 5; 111,141 et


Brecic. Collât., 1, 4. suiv. ; Augustin, Brevic. Collât., III, 4,
2) Collât. Carthag., I, 148; Augustin, 5; Epist. 8S, 10.
Brevic. Collât., 1, 14; 11, 3. 9) Codex canon. Eccles. afric, can.

3) Collât. Carthag., 1, 149-210. 107; Collât. Carthag., I, 4-5; III, 29;


4) lbid., 1, 16; Augustin, Epist. 128; 37-39; 43; 46; 49; 52; Augustin, Brevic.
Brevic. Collât., I, o : (lesta cum Eme- Collât., III, 2-4.

nlo, ii-7. 10) Collât. Carthag., 1, 4; 111, 29.

5) Collât. Carthag., I, 55: Augustin, 11) lbid., I, 5.


Brevic. Collât., I, 10. 12) lbid., 1, 3; Augustin, Brevic. Col-
6) Collât. Carthag., 99-143.
I, lat , 1, 1.

7) lbid., I, 18; Augustin, Epist. 129: 13) Collât. Carthag., I, 4; III, 24 fit

Brevic. Collai., 1, 7. 29: Cod. Theùd., XVI, 11, 3.


392 LE DONATISME

mence par ces mots, qui attestent le sang-froid imperturbable


ou l'inconscience ou la routine de la chancellerie impériale :

« Parmi les plus grands soucis de notre empire, le respect de


la loi catholique est toujours ou le premier ou le seul ». Cette
profession de foi est suivie de paroles très dures pour les Dona-
tistes, que depuis longtemps l'on aurait dû ramener « par la
terreur ou les avertissements », ces Donatistesqui « par l'erreur
mensongère de leur funeste schisme, souillent l'Afrique, c'est-
à-dire la partie la plus importante de notre empire, un pays si
fidèlement attaché à ses devoirs séculiers ». Honorius fait ensuite
allusion aux nombreuses lois portées contre les schismatiques
africains, même au récent édit de tolérance dont il rappelle et
confirme l'abrogation. Il déclare que la vérité de la loi catholi-
que éclate aux yeux de tous. Après ce long exorde, aussi plein
de menaces que de théologie, il arrive à la question. Il a accueilli
volontiers, dit-il, la députation des évoques catholiques, de-
mandant la réunion d'une conférence, entre mandataires des
deux partis, c où la lumière de la raison doit confondre la su-
perstition ». En conséquence, il ordonne de convoquer la dite
conférence dans un délai de quatre mois. Si les Donatistes refu-
sent de comparaître, après trois citations et les délais de cou
tumace, ils seront condamnés par défaut; ils devront rendre
alors toutes leurs basiliques, et l'unité sera rétablie partout au
profit de leurs adversaires. Marcellinus est chargé de réunir les
évêques, de présider les débats, de prononcer la sentence arbi-
trale, au besoin, d'assigner et de condamner les contumaces le :

tout, en se conformant aux prescriptions du présent édit et aux


instructions spéciales qu'il a reçues précédemment. En atten-
dant, il devra faire appliquer toutes les lois anciennes ou
récentes en faveur de l'Église catholique, sans tenir aucun
compte de l'édit de tolérance qui est et reste abrogé. Pour cons-
tituer son bureau et accomplir sa mission, il s'adressera au
proconsul et au vicaire d'Afrique, qui ont reçu des ordres, cl
qui devront lui fournir le personnel nécessaire, lui prêter main
forte, le seconder en toute façon. S'il rencontre quelque part
de la mauvaise volonté, le commissaire est invité à « envoyer
des rapports » pour dénoncer les coupables, qui seront punis
en conséquence. Dès que sa mission sera terminée, qu'il ait
jugé après débats ou par contumace, il avisera l'empereur qui
1

attend le résultai avec impatience .

Ce résultat était évidemment escompté d'avance par la chan-

1) Collât. Carihag., I, 4; III, 29.


ACTES DES CONCILES 393

cellerie impériale; et cette partialité naïve ou cynique, non


moins que le ton de l'exorde et la confirmation intempestive
des lois de proscription, ne laisse pas que de surprendre un
peu dans un document officiel, destiné à préparer un jugement
arbitral. En outre, si redit devait être immédiatement affiché
ou notifié aux intéressés, on ne pouvait imaginer maladresse
plus insigne tout y semblait calculé pour détourner les évo-
:

ques donatistes de se rendre à une conférence où ils se savaient


d'avance condamnés. Aussi est-on amené à supposer que Mar-
cellinus n'a pas publié d'abord la constitution impériale. Selon
toute vraisemblance, il la tint secrète jusqu'au 1 er juin il 1, à
l'ouverture de la Conférence. Ce jour-là, quand tous les Dona-
tistes étaient à Carthage, il ne put se dispenser d'en faire lire,
suivant l'usage, le texte complet '. Mais, jusqu'à cette date, il
semble avoir prudemment gardé dans ses archives le rescrit de
l'empereur. Dans son éditde janvier, où il convoquait la con-
férence, il se contenta de mentionner la constitution d'Hono-
rius, et de la résumer, mais en laissant de côté tout ce qui
3
trahissait le parti-pris Il est probable, d'ailleurs, que le com-
.

missaire procédait ainsi avec l'autorisation du gouvernement


central.
En avant d'être investi officiellement de ses fonctions
effet,
d'arbitre par le rescrit du 14 octobre 410, Marcellinus avait
reçu des instructions spéciales [mandata). Nous n'en connais-
sons pas le contenu; mais le rescrit lui-même, à deux reprises,
y fait allusion. L'empereur dit à son commissaire, à propos de
son rôle futur de président et de juge « Tu te souviens exacte- :

ment de toutes les instructions que tuas reçues antérieurement


dans tes mandata... Ainsi, tu pourras t'acquitter, avec ton
zèle éprouvé, de tout ce qui est spécifié soit dans les mandata
3
antérieurs, soit dans les présents statuts » Ce sont probable- .

ment ces instructions spéciales, inconnues de nous, qui expli-


quent le désaccord apparent entre la constitution impériale
et l'édit du commissaire.
D'autres instructions, également antérieures au 14 octobre,
avaient été envoyées de Ravennes au proconsul de Carthage et
au vicaire d'Afrique. C'est l'empereur lui-même qui nous
l'apprend « Pour que tu ne manques pas des moyens d'action
:

nécessaires, dit-il à Marcellinus, Notre Sérénité a prévenu

1) Collât. Carlhag., I, 3-4; Augustin, acceperis, plenissime meministi... ; ut et


Brevic. Collai., I, 1. ca quae ante mandata sunt, et quac nunc
2) Collai. Carthag., I, 5. statuta cognoscis, probata possis implere
3) « Quicquid etiam unie in mandatis solertia » (Ibid., I, 4).
394 LE DONATISME

l'honorable proconsul et l'honorable vicaire de ce qu'ils auront


à faire. S'ils désirent conserver leurs propres dignités, s'ils
veulent que leurs subordonnés ne s'exposent pas aux derniers
supplices, ils devront le personnel néces- te fournir largement
saire, tiré aussi bien de leurs propres bureaux que des services
de tous les gouverneurs '. Autrement dit, le proconsul dans sa •>

province, et le vicaire d'Afrique dans toutes les provinces qui


dépendaient de lui, par l'intermédiaire des gouverneurs parti-
culiers, devaient faciliter au commissaire l'accomplissement de
sa mission, soit pour la convocation des évêques dans les
diiïérentes villes, soit pour la constitution du bureau de la
Conférence, soit pour l'assignation des récalcitrants, soit pour
l'exécution des jugements de contumace ou de la sentence
arbitrale. On voit que les préparatifs du colloque de Carthage
allaient mettre en mouvement presque toute l'administration
africaine.
Entre l'édit de xMarcellinus et la constitution impériale, le
désaccord éclate jusque dans la chronologie. D'après le rescrit
du 14 octobre 410, ia Conférence devait se réunir dans un
délai de quatre mois 2 donc, semble-t-il, avant le 14 février :

41 Néanmoins, c'estseulement le 19 janvier que le commissaire


1 .

c'était évidemment trop tard


3
lança son édit de convocation :

pour aboutir à temps. Autre difficulté Marcellinus, à son tour, :

parlait d'un délai de quatre mois*, donc jusqu'au 19 mai, et


pourtant il déclarait expressément que le délai expirerait seule-
ment le 1 er juin F jour où commencèrent en effet les débats A
,
1

'.

première vue, cette chronologie africaine est «le nature à dérou-


ter, et semble trahir un singulier mépris de l'arithmétique.
Cependant, ces données contradictoires peuvent seconcilier.au
moins dans une certaine mesure.
Commençons par justifier la date que nous avons assignée au
premier (''(lit de Marcellinus. Le texte conservé du document ne
fournit là-dessus aucune indication précise; mais un incident
de séance permet de rétablir la date. Les Donatistes invoquant
la prescription, le président ordonna aux greffiers de contrôler

leurs dires sur la pièce originale. Vérification faite, le scribe


Nampius répondit : « Depuis le jour de ledit de Ta Noblesse,

1) Collât. Carthag., 1, 1: III, 29. i intra quatuor merises <> (Collât. Car-
2) - Quam rem intra quatuor mnises Ikag., I, 5).
praecipimus explicari - [lbid., I. i . Qui (lies intra diem Kalendarum
3) Collât. •
, I, il : Augustin, luniarum sine dubio concludetur \b d
•>

c. Collai .1. I, 5). - Cf. I. 23; II.

4) - Intra Lempus h criptum, i'l 6) Collât. Carthag,, I, I.


ACTES DES CONCILES 395

le quatrième mois s'est terminé le 14 des calendes de juin d


( 19 mai '. Donc l'édit est bien du 19 janvier 411.
- i

Pourquoi donc Marcellinus avait-il tant tardé? Sans doute,


il n'avait pu partir immédiatement pour l'Afrique, à cause de
la situation troublée de l'Italie que sillonnaient encore des
bandes de Goths. Mais était-il légal de convoquer pour le
1
er
juin une assemblée qui aurait dû se réunirai! plus tard le
I \ février? Sur ce point, il n'est guère possible d'admettre une

erreur ou une négligence de la part du commissaire. Ou bien, il


obtint de l'empereur un nouveau délai. Ou plutôt, il interpré-
tait autrement que nous le rescritd'Honorius il devait compter :

les quatre mois à partir de la notification aux intéressés de la


décision impériale, qui jusque-là était inconnue d'eux. Les
instructions du commissaire devaient lui laisser une certaine
latitude pour le commencement des opérations, tout en fixant
une limite extrême pour la durée de l'exécution.
Reste l'autre difficulté. Si le délai des quatre mois partait du
19 janvier 411, il devait expirer le 19 mai. Ainsi raisonnèrent
les Donatistes, qui étaient entrés solennellement à Cartbage le
18 mai-, et qui ne cessèrent de protester ensuite contre la date
du er juin, en invoquant la prescription". Sur ce point, à coup
1

sûr, il y avait eu malentendu entre les scbismatiques et le com-


missaire. Selon toute apparence, Marcellinus avait calculé le
délai légal des quatre mois, non pas à partir du 19 janvier, jour
où il signa son édit, mais à partir du février, jour fixé pour 1
r

la notification officielle aux évêques et pour l'affichage. Propo-


natur, ordre d'afficher tel est le dernier mot du document, :

mot qui sur l'original était de la main du commissaire'. I-Ji


ajoutant ces douze jours, Marcellinus croyait agir dans la limite
de ses pouvoirs ii déclara lui-même en séance qu'il était auto-
:

risé par l'empereur, en cas de besoin, à prolonger de deux mois


le délai primitif".
C'est donc
le 19 janvier 411 que le commissaire impérial
lança de convocation {edictum). La pièce nous est parve-
l'édit
nue intacte, sauf l'en-tète et la date. Dès ses premiers mots,
Marcellinus annonce qu'il a reçu une constitution de l'empe-

1) « Nampius scril.a dixit : Secundum II, 3: III, 5,6.


iliem edicti Nobilitatis Tuae, quarlus men- 4 Collât. Carihag., I.
'.

sis conclusus est die XIV Kal. luniarum » 5) « Ut, si longinquitatc ilineris quarto
(Collai. Carthag., I, 27). -- Cf. Augus- mense partes ail constilutum loeum venire
tin, llreuic. Collât. , I S. minime potuissent, duorum mensium indu-
iCollat. Carihag. ,1, 1 i et 29 ; LU, 204. ciac praestarentur » {Ibid., I, 30). — Cf.
3) Ibid., I, 22-31); 11, 48-50; III, 203- Augustin, Brevic. Co/laL, I, 8.
20ii : Augustin., Brevic. Collât., I, 8 et 1 1 :
396 LE DONATISME

reur Honorius « pour la confirmation de la foi catholique ». Il


résume avec précision, en reproduisant même les expressions
de l'original, les principaux considérants et les clauses du res-
crit ambassade des évêques catholiques, résolution ferme de
:

rétablir l'unité religieuse, convocation d'une conférence entre


mandataires des deux partis, délai de quatre mois, présidence
de Marcellinus. Conformément aux ordres de l'empereur, le
commissaire décide que tous les évoques africains, catholiques
ou donatistes, devront être rendus à Carthage avant le 1 er juin.
Si l'un des deux partis manquait au rendez-vous, il serait con-
damné par défaut. Pour que nul ne puisse prétendre avoir
ignoré la convocation, les autorités municipales, dans chaque
cité ou chaque bourg, devront notifier l'édit aux évêques des
deux partis, dresser procès-verbal de la notification et des
réponses, puis adresser leur rapport au commissaire 1
.

Jusque-là, Marcellinus ne fait que traduire en formules admi-


nistratives les ordres de l'empereur. Sa politique personnelle
s'affirme dans d'autres parties de l'édit, dont l'esprit et le ton
contrastent singulièrement avec ceux du rescrit impérial. Le
commissaire, qui se savait responsable du succès, s'est efforcé
de mettre les choses au point, en usant de la liberté que lui
laissaient apparemment ses instructions spéciales. Ses omis-
sions et ses additions sont également significatives. D'abord,
dans son résumé du rescrit, il a eu soin de passer sous silence
tout ce qui aurait pu effaroucher les schismatiques la théolo- :

gie de l'empereur, ses récriminations, ses menaces. Au con-


traire, Marcellinus cherche à amadouer les Donatistes. 11 mul-
tiplie explications, les promesses, les concessions et les
les
garanties. Il justifie la convocation de la Conférence, en faisant
observer qu'elle a été réclamée tour à tour par les deux partis.
Il imagine de séduire les dissidents par l'espoir de recouvrer

leurs églises. Tout évêque donatiste qui promettra d'aller à Car-


tilage rentrera immédiatement en possession de sa basilique,
qui a dû être confisquée en vertu de l'édit d'union. Si tous les
évêques du parti acceptent le projet de conférence, on leur ren-
dra, avec leurs sanctuaires, tous les autres immeubles qu'ont
possédés jadis leurs communautés ainsi, la question sera rede-
:

venue entière à l'ouverture des débats. En outre, le commis-


saire s'engage, sous la foi du serment, à juger avec impartia-
lité, uniquement d'après les pièces el les raisons produites. Si
l'on se méfie de lui à cause de sa qualité de catholique, il con-

1) Collai. Carlhag., I, 5.
ACTES DES CONCILES 397

sent à ce que les Donatistes lui adjoignent un assesseur, choisi


par eux dans leur Église, sous la seule réserve que cet asses-
seur soit d'un rang égal au sien ou supérieur. A tout évêque
qui se rendra à Carthage, Marcellinus offre un sauf-conduit,
valable pour le retour comme pour l'aller, et quelle que soit la
sentence arbitrale. Jusqu'au jugement définitif, il interdit à
tous les agents de l'empereur, sous les peines les plus sévères,
de poursuivre l'application de l'ancien édit d'union dans le ;

cas où ces agents commettraient des abus de pouvoir, il auto-


rise tout Donatiste à porter plainte, et s'engage à châtier les
coupables 1
.

Ces garanties langage étaient assurément de nature à


et ce
rassurer l'opinion dans le camp des schismatiques. Sans doute,
toutes ces mesures ne paraissent pas avoir été appliquées à la
lettre. Marcellinus avait eu beau prendre sur lui de promettre la
restitution des églises; les dissidents se plaignirent plus tard
que, sur ce point, ses ordres n'eussent pas été partout exécutés 2 .

Quant à l'ofïre de siéger avec un assesseur donatiste, c'était


peut-être de la poudre aux yeux : il n'était pas facile de décou-
vrir un Donatiste du rang de Marcellinus, sénateur, tribun et
notaire impérial. Malgré tout, l'effet était produit. L'édit fait hon-
neur au commissaire, dont il atteste la clairvoyance, la loyauté,
la modération et l'esprit politique.
Au lendemain de la publication de cet édit, se produisit un
incident inattendu. Les Maximianistes, auxquels personne n'avait
songé, voulurent donner signe de vie. Ils adressèrent à Marcel-
linus une requête (libeilus), où ils sollicitaient leur admission
à la Conférence Au reçu de cette réclamation, le commissaire
3
.

paraît avoir pris l'avis des Catholiques, au moins d'Aurelius et


de quelques autres évoques présents à Cari liage; car Augustin
écrit à ce propos « Les Maximianistes désiraient se consoler
:

de leur petit nombre en figurant au moins dans les débats ils ;

espéraient avoir l'air d'être quelque chose aux yeux de ceux qui
les méprisaient, s'ils étaient admis à controverser avec nous.
Mais nous avons méprisé leur sommation ei [euv tibellus et leur
appel. En ell'et, ils voulaient être nommés dans les débats, plus
qu'ils ne craignaient d'y être vaincus. Ils n'espéraient pas l'hon-
neur de la victoire: ils ambitionnaient l'avantage d'avoir parti-
cipée la Conférence, n'ayant pas l'avantage du nombre... Aux
Maximianistes, l'Eglise catholique n'a daigné accorder aucune

1) Collai. Carlhag., I, 5; Augustin, 2) Collai. Carlhag., Il, '.8.

2.'
Brevic. Collât., 1, 3) Ibid., I, 10.
398 LE DONATISME

discussion, parce qu ils s'étaient séparés, non pas de nous, mais


des Donatistes »\ Marcellinus agit en conséquence, d'autant
mieux que ses instructions mentionnaient seulement les Dona-
tistesproprement dits, donc les Primianistes. Il rejeta la requête
des Maximianistes par cette clause de son second édit « Aux :

Maximianistes aussi sera notifié le présent édit. Ils compren-


dront qu'ils ne doivent pas être admis à ce concile, où tout le
débat doit être engagé et tranché entre Catholiques et Donatistes,
en vertu des religieuses prescriptions des cléments empereurs.
A l'appui de leur demande, ils ne peuvent invoquer leur pré-
tention «l'être des Donatistes, puisque l'on établit qu'ils ont été
condamnés par les Donatistes » \
Une riche série de documents, dont il reste peu de chose, se
rapportait aux notifications de ledit du commissaire dans les
cités ou bourgs des difïérentes provinces, et aux négociations
entre évoques donatistes. Dans ce groupe figuraient d'abord
des Gesta publica de Carthage, où était reproduite la réponse
officielle de Primianus {Primiani p ofessio) aux magistrats qui
lui avaient signifié l'édit. Le primat donatistc déclara qu'il
acceptait la Conférence, et promit de se présenter le I er juin 3
.

Comme il engageait par là son parti, il s'empressa d'en aviser


ses collègues par une lettre circulaire (iraciona), où il les invi-
tait tous à l'imiter : « Laissez là tout le reste, disait-il, hàtez-
vous de venir tous à Carthage. Sachez que, refuser de venir, ce
serait compromettre notre meilleure chance de succès dans
cette affaire ». Primianus entendait par laque le nombre même
i

des évêques du parti était le meilleur argument en faveur de


leur Eglise. En réponse à sa circulaire, le primat dut recevoir
environ quatre cents lettres. L'une d'elles est mentionnée
expressément la lettre d'excuse {litlerae
: usatio?iis) d'un cer- <

tain Félix, évêque de Pisita en Proconsulaire, qui déclarait ne


5
pouvoir venir à cause de son grand âge Cependant, par toute .

l'Afrique, les autorités municipales notifiaient l'édit aux évêques


des deux partis, enregistraient les réponses dans des procès-
verbaux, rédigeaient Ac> rapports. On peut se faire une idée
assez nette de cesdocuments d'après les instructions envoyées
par Marcellinus « Je requiers ('gaiement toutes les autorités
:

de toutes les provinces, curateurs, magistrats des cités et


membres de l'ordu, intendants, procurateurs, seuiores des

i, Augustin, i ontra Julianum, III, 1,5. Augustmi, le.


_': Collai. Carlkag., I, m. 4) Augustin, A>i Donalislas />u,sl <ol-
.
Ibid., Il, 50 ;
III - ustin, lai., 24, 41.

lireiic. Collât., Il, 3; l'ossidins, Vita 5) Collât. Carlhag., I, 133,


ACTES DES CONCILES 399

diverses local ilés sous leur responsabilité personnelle, sous


:

peine de perdre leur rang et la vie, que tous se hâtent de con-


voquer les évêques des deux partis dans les cités et les localités
où ils demeurent. De cette comparution, ils devront dresser
le procès verbal, soit dans des Gesia, soit dans des documents
quelconques. Si, au jour dit, on ne trouve pas les évoques dans
les cités, on devra les faire chercher jusque dans les campagnes,
pour leur notifier les clauses de l'ordonnance impériale et la
teneur du présent édit. Dans les quatre mois devront me parve-
nir les rapports des municipalités, qui me feront connaître les
intentions de chacun des deux partis ». C'est par centaines que '

se comptaient ces procès-verbaux [Gesta mun cip'ihà) et ces rap-


ports (ordinum relaUone.s) envoyés au commissaire.
De tous ces rapports, il résultait que le commissaire avait
pleinement réussi. Sauf les invalides et les malades, tous les
évêques des deux Églises rivales, les Catholiques avec empres-
sement, les Donatisfes avec résignation., tous s'étaient engagés
à assister au grand colloque. Une fois décidés, les schisma-
tiques se hâtèrent d'autant plus de se rendre à Carthage,
qu'ils avaient leur idée de derrière la tête à la faveur d'une :

équivoque sur le terme du délai légal, ils escomptaient une


prescription possible Sur un mot d'ordre,
2
. ils se rencon-
trèrent aux portes de Carthage, le 18 mai ils entrèrent en- :

corps, et parcoururent les principales rues de la capitale,


« avec toute la pompe d'un cortège solennel, propre à attirer

sur eux les regards et l'attention d'une si grande ville » Les ;i

4
Catholiques arrivaient aussi, mais isolément, sans fracas Vers .

le 20 mai, tout le monde était là près de six cents évêques, :

dont la moitié environ pour chaque Eglise"'. Les deux partis


s'organisaient pour la lutte les Catholiques tenaient concile
:

dans la Basilica Kestituta ou cathédrale les Donatistes dans ,

1
l'église de la Theoprepia .

Dès qu'il vit Carthage pleine d'évêques, Marcellinus promul-


gua un nouvel édit, qui fut ensuite affiché dans la ville \ Comme
le premier, ce second édit est entièrement conservé, sauf la
date et l' en-tête. La date ne peut être déterminée qu'approxinia-
tivement. Elle se place entre le 18 mai, jour de l'entrée des Do-

1) Collai. Carlhag., 1, 5. i Augustin, Bret i .


Collai , 1, II.

2) Ibid., 1, 22-30; II, 48-50; LU, 203- 5} Collât. Carlhag., I, 213-210; Au-
206; Augustin, Drevic. Collât., I, S et il ;
gustin, Brevic. Collât., I, 14.

Il, 3; III, 5, 6. 6) Collât. Carthag., III, 4.

3) Augustin, Ad Donalislas post Col- 7) Ibid., III, S.

lai., 25, 43. — Cf. Collât. Carthag., 1, 8) Ibid., I, 10 cl 17; Augustin, Brevic.

14 et 29; 111, 204. Collai., I, 0; Serrno 358, 6.


400 LE DONATISME

natistes', et le 25 mai, jour de leur réponse au commissaire 2


;

probablement, vers le 20 mai. Le document, qui est long, bien


ordonné et fort curieux, comprend quatre parties préambule, :

règlement de la Conférence, rédaction et expédition des pro-


cès- verbaux, conclusion.
Dans un préambule assez solennel, mais de circonstance, le
futur président montre l'importance des débats qui vont s'ou-
vrir, et qui doivent rétablir la paix de l'Eglise. Il s'excuse mo-
destement d'être obligé de jouer, entre des évoques, ce rôle
d'arbitre que lui impose la volonté de l'empereur 5
.

Puis il édicté le règlement de la Conférence règlement re- :

marquable, qui assurait la régularité des débats en prévenant


tout désordre, et qui, en tenant le public à l'écart, lui offrait,
pourtant les plus complètes garanties. Chacun des deux partis
devra élire sept avocats-mandataires (actores), qui seuls pour-
ront intervenir dans les discussions, et sept autres évoques,
conseillers (consiliarii) .officiellement muets, qui assisteront aux
séances sans y prendre publiquement la parole, mais avec qui
les mandataires pourront aller se concerter dans des conver-
sations privées. Les débats auront lieu dans les Thermes de
Gargilius. Ils commenceront au jour précédemment indiqué,
le jour des calendes de juin. Seuls, devront se présenter les
quatorze délégués de chaque parti, avec leurs greffiers et les
évêques-archivistes dont il sera question plus loin. Nulle autre
personne ne sera admise ni laïque, ni clerc. Le public est
:

invité à s'abstenir de toute manifestation, même à ne pas


s'approcher du lieu des séances; les évoques feront bien de
prêcher le calme aux fidèles des deux Eglises. Tous les évêques
non mandataires de chaque parti devront signer une déclara-
tion collective, qui sera adressée au commissaire avant l'ou-
verture de la Conférence, et par laquelle ils promettront de
ratifier tous les actes de leurs mandataires. Il va sans dire que
ces actes engageront, avec les évêques, tous leurs fidèles. En
revanche, pour éviter tous soupçons, récriminations ou malen-
tendus, l'arbitre publiera et fera afficher, à Carthage et dans
toutes les provinces africaines, les procès-verliaux complets des
séances, qui seront la justilication de la sentence \
Vient ensuite l'exposé minutieux de toutes les précautions
prises pour la rédaction et l'expédition de ces procès-verbaux.
D'abord, à l'exemple du président, tous les orateurs devront

1) Collât. Carlhag., 1, 14 cl 29. 4) Collai. Carlhag., I, 10. — Cf. I,

2> Ibid., 1, 14. 218: Augustin, Brevic. Collât., I, 3.

3) Jbid., I, 10.
ACTES DES CONCILES 401

signer, sur la minute des comptes-rendus, tous leurs discours


et les moindres paroles qu'ils auront prononcées. Tout ce qui
sera dit au cours des débats sera recueilli par plusieurs sténo-
graphes d'abord, des greffiers publics (exceptores); puis, des
:

notaires ecclésiastiques (notarii ecclesiastici), au nombre de


quatre pour chaque parti, et désignés par lui. Le travail de ces
notaires sera surveillé et contrôlé par des évêques-archivistes
(ad char tas; custodes chartarum) quatre pour chaque Eglise,
:

élus par elle. Ce personnel de greffiers et de notaires formera


deux groupes, qui opéreront à tour de rôle. Quand les sténo-
graphes d'un des groupes auront terminé leur tâche, ils céde-
ront la place à ceux de l'autre groupe, et sortiront de la salle des
séances, pour aller mettre au net leur procès-verbal, toujours
sous la surveillance de la moitié des évoques-archivistes des
deux partis. Après chaque audience, on réservera un jour
d'intervalle pour les copies et l'expédition des comptes-rendus,
qui seront affichés à mesure. Chaque volume de la minute,
revêtu des signatures de tous les mandataires, sera scellé aux
sceaux du président et des huit évêques-archivistes l
.

Sûr de n'avoir rien négligé, Marcellinus n'a pu s'empêcher,


en terminant, de louer son édit. Après une clause incidente, où
il rejette la demande des Maximianistes, il fait remarquer qu'il

a tout prévu, tout réglé. Contester la légitimité ou l'utilité des


mesures prises, ce serait trahir, dit-il, des arrière-pensées. 11 en
appelle au peuple de Carthage, qui bientôt jugera le juge, et
qu'il prend à témoin de son impartialité. Enfin, il déclare qu'il
attend les réponses des deux partis. Chacun des conciles rivaux,
par une lettre remise au commissaire, avant la Conférence et
le plus tôt possible, devra adhérer à toutes les conditions fixées
par l'édit. Pour ces lettres d'adhésion, il suffira des signatures
des primats. Mais les déclarations mentionnées plus haut, rela-
tives au màndatum et à l'engagement de ratifier les actes des
mandataires, devront porter les signatures de tous les évêques
du parti présents à Carthage 2 .

Conformément aux prescriptions de l'édit, les deux conciles


rédigèrent chacun une lettre au commissaire et un mandatum.
Les deux groupes de pièces, qui nous sont parvenus intégrale-
ment, diffèrent beaucoup et par les dimensions, et par le sens,
et par le ton, et par l'esprit.
Les deux déclarations des Donatistes, fabriquées à la hâte
dans leur séance du 25 mai, trahissent la mauvaise humeur,

1) CoUat. Carthag., I, 10. — Cf. Au- 2) Collât. Carthag., 1, 10.


gustin, Episl. 141, 2.

IV £6
Ï02 LE DONATISME

l'intention de se dérober par des faux-fuyants et des chicanes.


La première pièce, désignée sous le nom de Notaria Donattsta-
rum, a la forme d'une lettre à Marcellinus « L'année d'après :

le consulat de Varanes, clarissime, le 8 des calendes de juin


(=z 25 mai 411). A Flavius Marcellinus, clarissime, honorable
tribun et notaire, Ianuarianus, Primianus, et tous les autres
évêques du vrai christianisme et de la vérité catholique... ».
Dans cette lettre à leur futur président, les schismatiques ne
parlent de son édit que pour le critiquer. Ils commencent par
lui notifier leur entrée solennelle à Cartilage, le 18 mai. Us
ajoutent qu'ils sont arrivés en nombre sauf les invalides, tous:

sont venus, même les vieillards. Ils avaient eu confiance dans


le serment du commissaire, dans sa promesse d'être impartial.
Mais le nouvel édit, qui contredit le premier, leur cause une
véritable inquiétude. Ils s'étonnent qu'on réclame leur adhé-
sion aux clauses de cet édit ce qui est contraire à l'usage. Ils
:

protestent contre les articles du règlement qui interdisent à la


plupart d'entre eux l'accès delà salle des séances. Us prétendent
y entrer tous c'est là seulement qu'ils pourront répondre et
:

prendre les divers engagements exigés d'eux. On a si souvent


contesté l'importance de leur Église, qu'ils tiennent à montrer
leur nombre. Et, puisqu'on les a tous appelés à Carthage, tous
doivent assister aux débats, sauf à charger quelques-uns d'entre
eux de plaider la cause commune. La lettre est signée par Ianua-
rianus, primat de Numidie, et Primianus, primat de Carthage 1

Cette réponse des schismatiques était loin de donner satisfac-


tion au commissaire. Jusqu'au jour de la Conférence, on put se
demander s'ils se décideraient à accepter le règlement, à élire
des représentants, à produire le mandat um exigé. Cependant,
le concile donatiste n'osa pas pousser les choses à l'extrême,
probablement dans la crainte de s'exposer à une condamnation
par défaut. Le 25 mai, le jour même où il rédigeait son imper-
tinente Notaria, il désignait ses mandataires et préparait son
mandatum. Comme orateurs du parti, il choisit Primianus de
Carthage, Petilianus de Constantine, Adeodatus de Milev, Eme-
rilus de Caesarea, Gaudentius de ïhamugadi, Mon tan us de
Zama, Protasius de Thubunae; à ces sept adores, il adjoignit
sept consiliarii et quatre custodes chartarum. Le mandatum,
dont le proprement dit est très court, est
texte adressé aux man-
dataires eux-mêmes « L'année d'après le consulat de Varanes,
:

clarissime, le 8 des calendes de juin — 25 mai 411), à Car-

i Collât. Carlhctf/., 1, 14: Augustin, Brevic. Collai., I, 4.


Actes des conciles 403

thage. — Ianuarianus, Primianus, Félix,


Donatus, Candorius,
Optatus, Donatianus, Antonianus, Victorianus, Fortis et tous
les autres, à Primianus, à Petilianus, à Emeritus, à Protasius,
à Montanus, à Gaudentius, à Adeodatus, nos co-évêques, nous
présents à eux présents, salut. Nous vous confions par ce mon-
datum la cause de l'Eglise de Dieu. Nous faisons de vous nos
défenseurs contre les traditeurs qui nous persécutent... Nous
ratifierons tout ce que vous aurez fait dans l'intérêt de la sainte
Église nous nous y engageons par notre signature. Nous sou-
:

haitons que le Seigneur vous soit en aide; souvenez-vous de


nous »'. Suivent deux cent soixante-dix-neuf signatures (sub-
scriptiones) en tête, Ianuarianus de Casae Nigrae, primat de
:

Numidie, Primianus de Carthage, Félix de Rome 2 Les Dona- .

tistes tinrent d'abord secret ce mandatum, qu'ils se réservaient


de présenter au cours des débats, et qu'ils produisirent en effet
au milieu de la première séance 3
.

Tandis que les schismatiques récriminaient et cherchaient à


se dérober, les Catholiques adhéraient avec empressement à
toutes les clauses de l'édit, et envoyaient leur mandatum. Déjà,
dans ces pièces officielles, ils esquissaient leur système de
défense. Augustin nous dit pourquoi. Le bruit courait que les
Donatistes songeaient à invoquer des prescriptions, peut-être à
se retirer définitivement au cas où la Conférence n'aurait pas
:

lieu, les Catholiques voulaient atteindre du moins ce résultat,


que le public trouvât dans un dossier officiel un résumé de leur
argumentation, et que leurs adversaires parussent s'être dérobés
par crainte '.
Dans une première réunion, les Catholiques fixèrent le texte
5
de leur réponse au commissaire Quoique la lettre ne soit plus .

datée, on ne peut douter qu'elle ait été écrite vers le 25 mai. En


effet, quelques jours plus tard, entre le 26 et le 31 mai, les Catho-
liques adressèrent à Marcellinus une seconde lettre, où ils réfu-
taient la Notaria donatiste du 25 mai, affichée dans l'intervalle 6 .

On en peut conclure que les réponses des deux partis ont été
remises au commissaire vers le même temps celle des schis- :

matiques étant du 25 mai, celle de leurs adversaires doit être


du même jour, ou à peu près.

1) Collât. Carthag., I, 148. — Cf. I, 4) Augustin, Brevic. Collât., 1. 10.


208; II, 50; Augustin, Brevic. CotluL, 5) Collât. Carthag.,16; Augustin,
I,

1, 14. Epist. 128 Brevic. Collât.. I, 5; Gesta


;

2) Collât. Carthag., I, 149-210 ; Au- cum Emerito, 5-7.


gustin, Brevic. Collât., 1, 14 ; Ad Dona- 6) Collât. Carthag., I, 18; Augustin,

lis tas post Collât., 24, 41. Epist. 129.


3) Collât. Carthag., 1, 147.
404 LE DONATISME

Nous avons quelques renseignements sur cette séance où le


concile catholique arrêta le texte de sa réponse à l'édit. Les
membres de cette assemblée donnèrent un bel exemple d'abné-
gation une
etpreuve décisive de leur sincérité, en prenant d'eux-
mêmes l'engagement solennel de sacrifier jusqu'à leur dignité
d'évêque au rétablissement de l'unité religieuse. Vaincus à la
Conférence, ils démissionneraient tous; vainqueurs, ils traite-
raient en collègues tous les Donatistes ralliés Augustin conte 1
.

une petite scène qui précéda la séance du concile. On parlait de


la proposition nouvelle, la démission en cas de défaite. ;\.utour
d'Augustin, dans un groupe d'évêques, on se demandait com-
ment l'idée serait accueillie dans la réunion plénière. On citait
des noms un tel votera pour, un tel votera contre. En séance,
:

la surprise fut générale. La proposition fut adoptée à l'unani-


mité, moins deux voix et encore, l'un des opposants ayant
:

changé d'opinion, le vieil évêque qui seul avait combattu l'idée


de la démission resta seul de son avis \ On rédigea en consé-
quence la lettre à Marcellinus.
Dès les premiers mots de cette lettre synodale, signée au nom
de tous leurs collègues par Aurelius de Carthage et par Silva-
nus, primat de Numidie, les évêques catholiques déclarent accep-
ter sans aucune réserve tous les articles du règlement. Ils vont
désigner leurs représentants et préparer leur mandatum; ils
prient Marcellinus d'assister à leur prochaine séance, où tous
les membres du concile signeront cette pièce Puis ils notifient 3
.

au commissaire l'engagement qu'ils viennent de prendre. Si


la sentence est favorable au parti de Donat, tous donneront
leur démission pour faciliter l'œuvre d'union, et, d'eux-mêmes,
iront se ranger sous les lois de leurs adversaires d'aujourd'hui.
S'ils ont gain de cause, ils restaureront l'unité en s'associant
les évêques donatistes ralliés, qui tous conserveront avec leur
rang leurs fonctions épiscopales\ On aura le choix entre diverses
combinaisons ou bien les deux évêques gouverneront ensemble
:

le diocèse cl siégeront dans la même basilique en exerçant tour

à tour la préséance, ou bien ils se partageront les paroisses, en


attendant que la mort de l'un d'entre eux permette de rétablir
l'unité de fait. Dans le cas où les (idèles ne voudraient pas
accepter cet épiscopat à deux, les deux évêques se démettraient
simultanément de leurs fonctions, et on leur donnerait un suc-
cesseur unique'. Les Donatistes ne peuvent l'aire mauvais

\) Augustin, Episl. 128, 2; lirevic. 3) Epist. 12S, 1.

Collât., I, 5. 4) Ibid., 128, 2.


1) dénia cum Emeiilo, G. > Ibid., 128, .')
; Uievic. Collai., I, 5.
ACTES DES CONCILES 405

accueil à ces propositions, qui réservent tous leurs droits;


d'ailleurs, c'est ainsi qu'eux-mêmes ont procédé lors de leur
réconciliation avec les Maximianistes Tout en expliquant leur
1
.

généreux projet, Catholiques plaident habilement la cause


les
de leur Église ils indiquent déjà les principaux arguments qui
:

seront repris et développés dans leur mandatum.


Le 30 mai, nouvelle séance du concile, pour l'élection des
mandataires et la rédaction du mandatum Suivant les termes .

de l'édit, on élut sept adores, sept consiliarii, quatre custodes


chartarum. Furent désignés comme orateurs du parti Aure- :

lius de Carthage, Augustin d'Hippone, Alype de Thagaste,


Yincentius de Culusi, Fortunatus de Constantine, Fortunatia-
Le mandatum est un
2
nus de Sicca, Possidius de Calama .

document considérable, très différent de celui des Donatistes


qui s'étaient contentés de quelques mots pour conférer à leurs
représentants les pouvoirs nécessaires. A ces pouvoirs, les
Catholiques crurent devoir ajouter des instructions détaillées,
indiquant aux mandataires la marche à suivre, les raisons à
invoquer, les pièces à produire. En même temps qu'un acte de
procédure, leur mandatum est un petit traité de controverse
anti-donatiste, un recueil d'arguments et de textes bibliques,
un catalogue de documents.
« L'année d'après le consulat de Varanes, clarissime, le 3 des

calendes de juin (— 30 mai 411). Mandatum fait dans —


l'Église de Carthage par le concile universel des évoques catho-
liques, sous la présidence d'Aurelius, évêque de l'Église de
Carthage, et de Silvanus, primat de Numidie ». Ce début, qui
sent la procédure, est immédiatement suivi d'une petite apo-
logie du Catholicisme. Puis, le concile annonce qu'il s'est
réuni pour désigner ses délégués et pour leur remettre des
instructions. Aussitôt, il précise les points que devront déve-
lopper les mandataires. On commencera par distinguer avec
soin la cause de l'Église {Causa Ecclesiae) de celle des préten-
dus traditeurs. L'Eglise universelle n'a pu être compromise
par les fautes de quelques-uns elle s'est toujours composée de
;

bons et de méchants. C'est ce que prouvent d'innombrables


textes bibliques; et les Donatistes l'ont reconnu implicitement
par la façon dont ils ont accueilli les Maximianistes après les
avoir excommuniés. Cependant, l'on ne devra pas négliger de
défendre aussi les prétendus traditeurs (Causa CaecU/.am) on :

1) Epist. 128, 4.
2) Collai. Cartliaq., I, 55. — Cf. I, 46; Augustin, Brevic. Collai., I, 10.
406 LE DONATISME

montrera que la question est tranchée dès longtemps par une


série dedocuments authentiques, que Caecilianus de Carthage
et Félix d'Abthugni ont été proclamés innocents par des
conciles, par des magistrats, par l'empereur Constantin. En
outre, l'on justifieraconception catholique du baptême,
la
l'intervention du pouvoir séculier. Pour tout cela, on allé-
guera la conduite des Primianistes envers les Maximianistes.
Enfin, si les Donatistes dirigent des attaques personnelles
contre les évoques catholiques, on leur répondra que ces accu-
sations n'ont rien à voir avec l'objet de la Conférence et
devront être portées plus tard devant les juridictions compé-
tentes'.
Après ces instructions, le concile formule les pouvoirs de
ses délégués et ses propres engagements « Telles sont nos :

instructions, dans les termes mêmes du présent écrit, et avec


tout ce que le Seigneur pourra suggérer de plus abondant ou
de plus solide à nos orateurs. Telles sont les instructions que
nous remettons par ce mandat uni à nos frères et co-évêques,
Aurelius, Alypius, Augustinus, Yincentius, Fortunatus, Fortu-
natianus, Possidius. Ce mandatum, leurs signatures attestent
qu'ils l'ont accepté, comme nos signatures attestent que
nous le leur avons remis. Nous ratifierons tout ce qu'ils
auront fait pour nous défendre, avec l'aide du Seigneur. Nous
leur adjoignons, comme conseillers, Novatus, Florentins,
Maurentius, Priscus, Serenianus, Bonifacius, Scillatius et, ;

pour surveiller la rédaction des Gesta, Deuterius, Léo. Aste-


rius, Restitutus »*. La pièce est signée par Aurelius de Car-
thage, par Silvanus, primat de Numidie, et par tous les
évoques Ces signatures [mhscriptiones), comme en témoigne
3
.

la formule, ont été apposées à Carthage en présence de Mar-

cellinus lui-même. On en comptait d'abord deux cent soixante-


six. Mais vingt autres évêques, absents ce jour-là, adhérèrent
plus tard au mandatum d'où un total de deux cent quatre
:

vingt-six signatures 4 .

Le concile catholique envoya encore au commissaire une


seconde lettre, pour protester contre la Nolaria donatiste qui
venait d'être affichée 6 La Notaria étant datée du 25 mai, et la
.

Conférence s'étant ouverte le 1 er juin, la seconde lettre des


Catholiques a été rédigée entre le 26 et le .31 mai probable- :

1) Collai. Carthag., 1, 55; Augustin, 4) Collai. Carthag., I, 214-216; Au-


Brevic. Collât., I, 10. gustin, Brevic. Collai., 1, 14.

2) Collai. Carthag., 1, 5) Collai. Carthag., 1, 18; Augustin,


3) Collai. Carthag , I, 98-143. Epist. 121); Brevic. Collai., I, 7.
ACTES DES CONCILES 407

ment le 30, en même temps que le manda tum. Comme la pré-


cédente, elle est adressée à Marcellinus par « Aurelius, Silva-
nns, et tous les évêques catholiques », et ne porte que les signa-
tures des deux primats. Les Catholiques entrent brusquement
en matière. Ils sont vivement émus, disent-ils, de la Salaria
des dissidents, qui protestent contre l'édit et prétendent assis-
ter tous à la Conférence Cette prétention ne trahit-elle pas
1
.

une arrière-pensée, l'intention de troubler les débats? Cepen-


dant, l'on peut croire aussi, et l'on doit souhaiter, que les
Donatistes désirent entrer tous pour abjurer leur erreur, et
rétablir l'unité. Les Catholiques appellent de tous leurs vœux
cette réconciliation. Une telle espérance, même chimérique,
leur fait un devoir de s'expliquer encore sur les points contes-
tés : caractères de l'Eglise universelle, innocence des prétendus
traditeurs, baptême, rôle du pouvoir séculier, affaire du Maxi-
mianisme'-. Si les Donatistes ont réfléchi surtout cela en pré-
parant leur plaidoyer, ils ont dû comprendre leur erreur peut- :

être veulent-ils pénétrer dans le local de la Conférence, pour y


proclamer leur retour à la paix et à l'union. En tout cas, l'on
ne peut prendre au sérieux les motifs invoqués dans leur Nota-
ria. Les schismatiques ont-ils réellement le désir de prouver
qu'ils sont nombreux? Mais ils n'ont la majorité que dans la
Numidie consulaire. D'ailleurs, pour montrer combien ils sont,
ils ont un moyen bien simple c'est de signer tous le manda-
:

tum qu'on leur réclame 3


Prétendent-ils entrer tous, parce
.

qu'ils ont tous été convoqués à Carthage? Mais il fallait bien les
appeler tous, pour leur faire élire leurs mandataires. Bref, les
schismatiques veulent le désordre ou la paix. Si c'est le désor-
dre, les Catholiques tiennent à dégager leur propre res-
ponsabilité ils ne s'opposent pas à ce que leurs adversaires se
:

présentent en masse, mais eux-mêmes n'enverront que leurs


délégués, et l'on saura d'où vient le tumulte. S'il s'agit de
paix, que les Donatistes le disent : les Catholiques sont prêts à
accourir tous 4 .

Il ne s'agissait point de paix. On s'en aperçut à la Confé


rence, où les sténographes eurent à noter surtout les discus-
sions et incidents soulevés par les obstructions des schisma-
tiques. La première séance eut lieu, comme il était convenu,
le 1 er juin, dans le secretariam des Thermes de Gargilius'. Elle

1) Augustin, Epist. 129, 1. 5) Collât. Carthaq., 1, 1 et 10. Cf. II,


2) Ibid., 129, 2-5; Brevic. Collât., I, 7. 1 ; III, 1 ; Augustin, Brevic. Collai., I, 14 ;

3) Epist. 129, 6. Ad Donatistas post Collât 25, 43; 35, ,

i) Ibid., 129, 7. 58. —


On a proposé d'identifier les Ther-
.

408 LE DONATISME

fut consacrée tout entière à la lecture des pièces que nous avons
analysées ci-dessus, et à la vérification des pouvoirs. Il suffira
donc d'indiquer brièvement le contenu du volumineux procès-
verbal. D'abord, l'en-tête: lieu et date de la séance, installation
et composition du bureau, avec le service d'ordre, le personnel
de greffiers et de notarié. Un des cbefs de YOf/icium, un cer-
tain Ursus, prend la parole pour proclamer que le jour de la
Conférence est arrivé, et pour annoncer au commissaire que
les évêques des deux partis, venus de toutes les provinces afri-
caines, attendent l'ouverture des portes Sur l'ordre du prési- 2
.

dent (cogwtor), les dix-huit délégués catholiques font leur


entrée, et, avec eux, se précipitent en foule tous les évoques
donatistes Dans un discours inaugural, Marcellinus rappelle
3
.

l'objet de la Conférence et les lourdes fonctions de juge dont il


est investi; il ordonne au greffier de lire le rescrit impérial du
14 octobre, première pièce du dossier relatif à la convocation
ou au règlement On donne lecture du rescrit, puis des autres
4
.

pièces les deux édits du commissaire, la Notaria Donatistarum


:

du 25 mai, les deux lettres du concile catholique''. Après


quelques essais d'obstruction de la part des schismatiques\ le
président fait lire le mandatum catholique du 30 mai Sur la 7
.

requête des Donatistes qui exigent la présence de tous les signa-


taires, on envoie chercher tous les évêques, qui bientôt
arrivent Alors commence une interminable vérification dos
8
.

signatures, avec confrontation, souvent orageuse, de chaque


signataire avec l'évêque rival du même diocèse ou d'un diocèse
9
voisin Des querelles rompent un peu la monotonie de ces
.

procédures, que suit un intermède héroï-comique malgré l'in- :

vitation du président, les schismatiques refusent de s'asseoir,


à cause du psaume qui interdit de siéger avec des impies lu .

Cependant, à leur tour, les Donatistes consentent à produire


leur mandatum 11 On le lit
12
et ce sont maintenant leurs signâ-
.
,

mes de Gargilius avec des ruines impor- 6) Collai. Carthag , I, 20-53; Augus-
tantes de thermes qui couvrent (ou plutôt, tin, Brème. Collât., 1, 8-9.
qui couvraient naguère) la colline du Petit- 7) Collai. Carthag., I, 55; Augustin,
Séminaire, au Nord-Est <lc Saint-Louis. Brevic. Collai., 1, 10.
L'hypothèse n'est pas invraisemblable : 8) Collai. Carthag., 1, 59 -!>S: Augus-
mais ce n'est qu'une hypothèse. Voir Au- tin, llrevic. Collai., I, 1 1

dôllent, Carl/iagc romabie (Paris, 1901), 9) Collât. Carthag., I. 99-143 ; Augus-


p. 265. tin, llrevic. Collai., 1, 12.
1) Collât. Carthag., I, 1. 10) Collât. Carthag., I. l i i -t 15; Augus-
2) Ibid., 1,1. tin, Brevic. Collât., I, 13.
3) Ibid., 1, 2. 11) Collât. Carthag., 1, i ,7.

4) Ibid., I, 3. 12) Ibid., 1, 148; Augustin, Brevic. Col-


5) Ibid., I, 4-5; 10 ; 14-18; Augustin, la/.. I, 14.
Brevic. Collât,, I, 1-7.
ACTES DES CONCILES 409

tures qu'il faut contrôler les confrontations recommencent,


:

avec les incidents et les disputes Une fois les vérifications 1


.

terminées, le greffier proclame le nombre des évêques de


chaque parti, et le président fait sortir tous les non-manda-
taires'. Les controverses sérieuses pourraient s'engager; mais
déjà finit la onzième heure du jour, et la nuit approche D'un 3
.

commun accord, on renvoie les débats au surlendemain*. Avant


de lever la séance, le président s'assure que toutes les mesures
sont prises pour contrôler de part et d'autre la mise au net et
l'expédition du procès-verbal
:;

Dès le lendemain, 2 juin, les Donatistes imaginèrent un


nouveau moyen d'obstruction, propre à causer de longs retards.
Ils réclamèrent une copie du manda tum des Catholiques, qu'on

avait lu la veille puisque la partie adverse n'avait pas craint


:

de développer ses conclusions dans une simple procuration, ils


avaient le droit, à leur tour, d'obtenir communication de la
pièce pour l'étudier et la discuter en détail. Ils adressèrent donc
à Marcellinus une nouvelle Notaria, signée par Primianus au
nom des mandataires, et ainsi conçue « L'année d'après le :

consulat de Varanes, clarissime, le 4 des nones de juin


(= 2 juin 411). —
A Flavius Marcellinus, clarissime, hono-
rable tribun et notaire, Primianus, Petilianus, Emeritus, Pro-
tasius, Montanus, Gaudentius, Adeodatus, évêques et défenseurs
de l'Église de vérité, disent par la présente Notaria Hier, jour :

des calendes de juin, Ton Excellence a daigné écouter le débat


entre nous et nos adversaires; pendant presque toute la journée,
tu as bien voulu entendre patiemment les parties et la lecture
de plusieurs pièces relatives aux préliminaires. Il est nécessaire
pour notre cause, que le mandatwn produit par nos adver-
saires soit porté à notre connaissance. Si le procès-verbal com-
plet ne peut être encore terminé, en raison de sa longueur, il
importe du moins que nous n'arrivions pas aux débats sans
être prêts. Ordonne donc qu'on nous remette aujourd'hui même,
4 des nones de juin, des copies de ce mandatum lu sur la
demande de nos adversaires. Nous pourrons ainsi nous prépa-
rer pour la controverse qui nous est imposée. Moi, Primia- —
nus, évêque, j'ai signé la présente Notaria, le 4 des nones de juin,
6
à Carthage ». Nous avons la réponse de Marcellinus, qui est

1) Collât. Carlhag., I, 149-210; Au- 4) Collât. Carthag., I, 221-222; Au-


gustin, Brevic. Collât., I, 14. guslin, Brevic. Col/al., I, 15.
2) Collât. Carthag., 1,211-217; Au«us- ' 5) Collât. Carthag., I, 222-223.
tin, Brevic. Collât., I, 14. 6) Ibid., Il, 12; Augustin, Brevic. Col-
3) Collai. Carthag., I, 219-220. lai., II, 2.
410 LE DONATISME

courte et nette : il déjoua le plan des schismatiques en leur


faisant remettre aussitôt ce qu'ils demandaient, la copie du
mandatum '.

Les controverses purent donc reprendre au jour fixé, le 3 juin.


Le compte-rendu de cette seconde séance est beaucoup moins
long que celui de la première et cela, pour la raison bien ;

simple que cette séance fut courte et qu'on n'y fit absolument
rien. L'en-tête du procès-verbal, sauf pour la date, est iden-
tique à celui de la réunion antérieure même composition du :

bureau et des services auxiliaires*. Libosus, un collègue


d'Ursus, annonce que le jour convenu est arrivé, et que les
évêques des deux partis sont exacts au rendez-vous « Qu'ils 3
.

viennent », dit le président. Alors entrent les dix-huit délégués


4
catholiques, par une autre porte, les mandataires donatistes
et, .

Avant tout, Marcellinus prie les assistants de s'asseoir; mais les


dissidents refusent encore de siéger avec des impies, et tout le
monde doit rester debout 3 Un greffier lit la Notaria de la veille
.

6
et la réponse du commissaire Aussitôt, les Donatistes renou- .

vellent leurs obstructions. Ils protestent contre l'article du règle-


ment qui les oblige à signer toutes leurs paroles 7 Ils invoquent .

la prescription, prétendant que le terme légal pour la réunion de


8
la Conférence est passé depuis le 19 mai Enfin, ils déclarent .

qu'ils ne peuvent poursuivre les débats sans avoir entre les


mains le procès verbal complet de la première séance. En con-
séquence, ils réclament l'ajournement jusqu'à remise de ces
Gesta\ Les Catholiques finissent par y consentir, et le président
ajourne la controverse à six jours' Les greffiers s'engagent à .

pousser vivement leur travail, et à livrer les comptes-rendus


des deux audiences le 7 juin, au matin 11 On se réunira le len- .

demain, pour terminer l'affaire 12 .

Les greffiers allèrent encore plus vite qu'ils n'avaientpromis :

ils terminèrent leur tâche en trois jours. Dès le 6 juin, on put

envoyer aux mandataires des deux partis les deux procès-


verbaux, mis au net par les scribes de YOfficïum avec le con-
cours des notarii ecclésiastiques, sous le contrôle des évêques-

1) Collai. Carthag., Il, 12. Cf. Il, 34; 7) Collai. Carthag., II, 16 et *6; Au-
August'm, fireuic. Collai., Il, 2. gustin, Brevic. Collât., Il, 3.

2) Collât. Carthag., Il, 1. 8) Collât. Carthag., Il, 48-5o.


3) Ihid., Il, 1. 9) Ïbid., Il, 20 et suiv. ; 55 et suiv. ;

4) ïbid., Il, 2. (i7: Augustin, Brevic. Collât., II, 3.

5) ïbid., II, 3-7; Augustin, Brevic. 10) Collai. Carthag., H, 56 ; 61 68.


Collât., II, 1. 11) Ihid., II, 64.
6) Collai. Carthag., Il, 12; Augustin, 12) Ihiil., II, 66-68; Augustin, Brevic.
Brevic. Collât.. Il, 2. Collât., Il, 3.
ACTES DES CONCILES 411

archivistes, avec la signature des greffiers responsables :

« Publié et corrigé par nous, Hilarus et Martialis, exceptores » '.


Au nom des Donatistes, Montanus de Zama signa le reçu [cau-
tio) suivant « L'année d'après le consulat de Varanes, claris-
:

sime, le 8 des ides de juin (= 6 juin 411). Moi, Montanus, —


évêque de la cité de Zama Regia, je vous écris à vous, greffiers,
Hilarus et Praetextatus, que j'ai reçu de vous les Gesta des deux
audiences où nous avons lutté contre les traditeurs nos persé-
cuteurs l'audience des calendes de juin, et l'audience du 3 des
:

nones de juin. Vous, greffiers du siège proconsulaire, vous


nous avez remis les Gesta en présence des Pères nosco-évêques,
le 8 des ides de juin, à la troisième heure du jour, dans l'église
Tbeoprepia. Les Gesta nous ayant été livrés aux lieux et temps
susdits, nous déclarons que nous viendrons exactement pour
plaider l'affaire au jour fixé par les Actes »
2
. Un reçu analogue,
également conservé, fut signé au nom des Catholiques par
3
Fortunatianus, évêque deSicca .

Marcellinus avait promis solennellement, dans son édit, de


tenir le public au courant de la marche des débats A la fin 4
.

du compte-rendu de la première séance, il écrivit de sa main :

« Ordre de publier » \ Au moment de clore la deuxième au-

dience, il tint à préciser, et ses derniers mots furent « Comme :

l'a spécifié mon édit, les Gesta seront affichés »


6
Le 6 juin, le .

jour même où les greffiers achevèrent la mise au net


7
les deux ,

procès-verbaux furent placés à Carthage sous les yeux du public.


Le commissaire y joignit la note suivante, que les copistes et
les éditions ont maladroitement transportée au début de la
seconde audience, mais qui est certainement un « Avis au pu-
blic», affiché avec les Gesta des deux premières séances « Tout :

le monde sait ce que j'ai promis depuis longtemps dans l'édit


affiché tout ce qui aurait été fait entre les évêques des deux-
:

partis, devait être porté aussitôt à la connaissance du public.


C'est pourquoi j'ai soin de communiquer à votre piété le pro-
cès-verbal de ce qui s'est fait jusqu'ici vous pourrez ainsi juger, :

de vos propres yeux, la partie du débat qui a eu lieu. Ordre —


d'afficher » Dès le 6 juin, on put lire cet Avis sur les murs
8
.

9
de Carthage, au-dessus des Gesta des deux premières journées .

1) Collât. Carthag., I, 223; II, 73. 6) Collât. Carthag., II, 73.


2) Ibid., III, 5; Augustin, Drevic. Col- 1) Ibid., III, 3-5.
lat., III, 1. 8) Ibid., II, proœm.
3) Collât. Carthag., III, 4. 9) Collai. Carthag., Il, proœm. —
4) Ibid., I, 10. Cf. Il, 64-6S ; 71 73; III, 3-5.
;

5) Ibid., I, 223.
412 LE DONATISME

Cependant, les Donatistes ne se laissaient pas désarmer par


l'empressement qu'on mettait à les satisfaire. Dans les pièces
qu'on leur communiquait, ils ne cherchaient que des prétextes
à obstructions nouvelles. Us préparèrent notamment une
réfutation systématique du mandatum de leurs adversaires,
dont ils avaient reçu une première copie le 2 juin ', une seconde
le 6 avec les procès-verbaux complets Leur réponse, qui fut 3
.

lue le 8 à la Conférence paraît avoir été définitivement arrêtée 3


,

et votée le 7, dans une réunion plénière du parti. Elle a la


forme d'une lettre adressée à Marcellinus par tous les évoques
schismatiques « A Flavius Marcellinus, clarissime, honorable
:

tribun et notaire, Ianuarianus et tous les autres évêques de la


vérité catholique, celle qui souffre la persécution, non celle
qui persécute ». Dans un exorde insinuant, le concile essaie de
justifierson intervention, qui peut sembler un empiétement
sur les attributions de ses mandataires. Mais un juge équitable
ne peut refuser à l'une des parties ce qu'il a permis à l'autre.
Or Catholiques, dans leur mandatum, ont développé longue-
les
ment toute leur thèse. On doit autoriser leurs adversaires à
procéder de même autrement, les conditions du débat ne
:

seraient pas égales entre les mandataires des deux Eglises.


Après ce préambule, les Donatistes entreprennent de réfuter la
thèse catholique et d'exposer la leur caractères de la véritable :

Eglise, qui doit être pure, déchéance des traditeurs et de tous


leurs complices, théorie du baptême, explications sur la conduite
des Primianistes envers les Maximianistes, protestations contre
l'intervention du pouvoir séculier. A l'appui de leurs critiques
et de leurs affirmations, les Donatistes accumulent les textes
bibliques ou invoquent l'autorité de leurs martyrs. Dans une
éloquente péroraison, ils décrivent leurs malheurs séculaires,
leur destin lamentable d'éternels persécutés et de toutes les :

cruautés, de toutes les injustices, de tout le sang versé, ils


rendent responsables les Catholiques
4
Cette lettre synodale .

au commissaire, dirigée contre le mandatum du concile rival,
étail comme un second mandatum donatiste. Par ce document,
dont ils exigèrent la lecture à la Conférence 5 les schismatiques ,

croyaient réduire au silence les orateurs de l'autre parti. En


réalité, ils commettaient une grosse imprudence, et s'exposaient

11 Collât. Carlhag., Il, 12 : Augustin, 4) Collât. Carlhag., III, 258 ;


Augustin,
-
ic. Collât., Il, 2; III, 8, 10. Brevic Collai., 111, 8, 10-14 ; Ad Dona-
2) Collât. Carlhag., III, 5 ; Augustin, listas posl Collai., 29, 49.
Brevic. Collât., III, 1. 5) Collai. Carlhag. , III, 249-257.
3 Voilai, Carlhag., III, 251-259.
ACTES DES CONCILES 413

à perdre le bénéfice de leurs obstructions antérieures. En


voulant réfuter leurs adversaires, ils s'étaient laissé entraîner à
discuter eux-mêmes les questions fondamentales qu'ils avaient
jusque-là réussi à esquiver. La lecture de celte pièce permit aux
Catholiques d'engager la controverse sur les points essentiels,
et au juge de prononcer sa sentence'. Les Donatistes durent
s'apercevoir de leur maladresse à la fin de la dernière audience.
Le 8 juin, comme il était convenu, eut lieu cette troisième
séance, qui devait être décisive Le procès-verbal en était 2
.

extraordinairement volumineux. Nous en possédons seulement


la première moitié mais nous connaissons par des abrégés le
3
;

contenu de l'autre partie '.L'en-tête du document est la reproduc-


tion de celui des autres séances, si ce n'est que le personnel
adjoint au bureau est un peu plus nombreux \ Ursus, qui avait
déjà joué ce rôle le premier jour, prononce les formules
d'usage, pour annoncer que les deux parties attendent « devant
les portes » Marcellinus ordonne de les introduire les dix-
tt
. :

huit délégués catholiques font leur entrée, et, d'autre part, les
7
mandataires donatistes avec quatre de leurs conseillers Sur .

une question du président, l'un des greffiers déclare que les


Gesta des audiences antérieures ont été communiqués aux
intéressés avant le jour convenu en foi de quoi, il donne :

s
lecture des deux reçus (cautiones) Après ces préliminaires, le .

Cognitor et les Catholiques cherchent vainement à ouvrir le


3
débat sur le fond Les schismatiques soulèvent une question
.

10
préjudicielle des deux partis, quel est le demandeur?
: Là- .

dessus s'engage une controverse interminable et très confuse,


coupée par d'autres chicanes droit des Donatistes à se dire les :

vrais Catholiques", procédure à suivre, nécessité de choisir


entre les textes bibliques et les pièces d'archives 12 expiration ,

du délai légal et prescription Pour trancher la question pré- ,:!


.

judicielle, les deux partis allèguent et le président fait lire, ou

1) Augustin, Brevic. Collât., III, 9, 15 9) Collât. Carthag. ,\\\, 6-14; 16 20 ; ;

et suiv. Augustin, Brevic. Collât., III, 2.


2) Collât. Carthag., 111, 1; Augustin, 10) Collai. Carthag., III, 15 et suiv. ;

Brevic. Collai., 111, 1. Augustin, Brevic. Collât., III, 2 et suiv.


3) Collât. Carthag , 111, 1-281. H) Collai. Carthag., I LI , 22; la et
4) Capitula Gestorum, III, 282-581 ; suiv. ; 91 et suiv. ; 123 ; 146 et suiv. ; Au-
Augustin, Brevic. Collât., III, 9, 16 et gustin, Brevic. Collât.^ III, 3.
suiv.; Episl. 141, 4 et suiv. 12) Collât. Carthag., III, 89; 149 et
5) Collai. Carlhag., III, 1. suiv. ; 181 et suiv. ; Augustin, Brevic. Col'
6) Ibid., III, 1. lut., Ul, 5, 6; 6, 7.
7) lbid., III, 2. 13) Collât. Carthag., III, 203-206: Au-
8) lbid., III, 3-6; Augustin, Brevic. gustin, Bievic Collât., III, 5,6.
Collai., III, 1.
414 LE DONAÎISME

essaie de faire lire, des documents de toute sorte édit impérial :

du 14 octobre 410 requête et mandatum du concile de Car-


1
,

a
tilage du 14 juin 410 Gesta praefectoria de 406 Gesta ,
3
,

pub lieu de 403% requête des dissidents et rapport d'Anulinus


en 313 5 La lecture de ces derniers documents, vieux d'un siècle,
.

exaspère les schismatiques, qui renouvellent leurs attaques


n
contre Caecilianus de Carthage et dont la colère se tourne ,

même contre Augustin 7


.

C'est au milieu de cette confusion et de ces querelles, que les


Donatistes commettent leur plus insigne maladresse ils exi- :

gent la lecture de leur lettre synodale, rédigée la veille en ré-


ponse au mandatum de leurs adversaires \ Cette lecture termi-
née, ils réclament la discussion immédiate de la pièce
;

Les '.

Catholiques, dirigés par Augustin, se gardent bien de s'y oppo


,0
ser Dès lors, la situation devient nette. Il suffit de passer en
.

revue les allégations et les textes des Donatistes, pour préciser


les deux questions essentielles. D'abord, la Causa Ecclesiae :

caractères de l'Église universelle, schisme, persécution, Maxi-


mianisme". Puis, la Causa Caecdiani, c'est-à-dire la question de
12
fait L'innocence de Caecilianus et de ses partisans est prouvée
.

par tous les documents produits, même par ceux qu'apportent


les Donatistes rapports d'Anulinus 13 lettres de Constantin '*,
: ,

conciles de Carthage, de Rome et d'Arles


l5
protocole de Cirta ,c , ,

lettres de Mensurius et de Secundus", Gesta de martyrs 18 Gesta ,

apudpraefectum relatifs au pape Melchiade 10 sentence de Cons- ,

1) Collât. Carthag., III, 24 et 29: Au- Brevic. Collât., III, 9, 15 et suiv.


gustin, Brevic. Collât. , III, 2. 12) Capitula Gestorum, III, 316-578;
2) Collât. Cart hag., III, 37 et suiv. ; 49 Augustin, Brevic. Collât., III, 12, 24 et
et suiv.; Augustin, Bi'evic. Collât., III, 2 suiv.

et suiv. 13) Collai. Carthag., III, 215-220 ;

3) Collât Carlhag., 111, 124 et suiv.; Capitula Geslorum, III, 316-318; Augus-
141 et suiv. Augustin, Brevic. Col/ut., III,
;
tin, Brevic. Collât., III, 12, 24.

4, 5. 14) Capitula Geslorum, III, 319; 519-

4) Collât. Carlhag., 111, 141; 146; 174: 550 ; 558-558 ; Augustin, Brevic. Collât.,
Augustin, Brevic. Collât., III, 5, 6. III, 12, 24; 19, 37; 22, 40 et suiv.
5) Collai. Carlhag., III, 215-220 ; Au- 15) Capitula Gestorum, 111, 320-326;

gustin, Brevic. Collai., III, 5, 6 ; 7, 8. 347 et suiv.: 4(13; 516; Augustin, Brevic.
6) Collât. Carthag., 111,200 et suiv.; Collai., III, IJ. 2i; 14, 26; 16, 28-30;
Augustin, Brevic. Collai., 111, 7, 8. 17, 31; 19, 37.
7) Collât. Carlhag., 111, 221 et suiv. ; 16) Capitula Gestorum, III, 351 et suiv. ;

238-247 ; Augustin, Brevic. Collai. ,111, 7,9. 388 et suiv.; 408 et suiv.; Augustin, Bre-
8) Collai. Carthag., III, 249-258; Au- vic. Collât., III, 15, 27 17, 31-33. ;

gustin, Brevic. Collât., 111, 8, lu. 17) Capitula Gestorum, III, 337-342 :

9) Collât. Carlhag., III, 260. Augustin, Brevic. Collât., III, 13, 25.

10) Ibid., III, 261 Augustin, ;


Brevic. 18) Capitula Geslorum, III, 434 ; 145
Collai., 111, 9, 15. 449 ; Augustin, Brevic. Collât., III, 17, 32.
11 1 Collât. Carthag ,III, 261-281 Ca- ;
19) Capitula Gestorum, III, 490-514 ;

pitula Geatorum, III, 282-314; Augustin, Brevic. Collai., III, IN, 34-36.
ACTES DES CONCILES 415

tantin 1
,
2
requête des dissidents en 321
citation d'Optat Gesta
,
3
,

du procès de Félix d'Abthugni \ Après lecture et discussion de


toutes ces pièces, la conscience du juge était fixée Marcellinus :

prononça des débats, invita les mandataires des deux


la clôture
partis à se retirer, puis les fit rappeler, et, à la lumière des
cierges, leur lut sa sentence \
Cette sentence (senlentia) contrairement à ce qu'on répète, ne,

nous est point parvenue. La soi-disant Se?itenlia Cognitoris, qui


figure à la suite des Gesta Collationis, et qui est datéedu 26 juin,
n'est pas la sentence de l'arbitre, rendue le 8 au soir, mais l'édit
postérieur du commissaire. La sentence proprement dite tran-
chait la question de droit, mais sans en tirer les conséquences
légales. Cela résulte nettement du témoignage d'Augustin, qui
avait la pièce entre les mains « Les uns et les autres étant :

sortis, le Cognilor rédigea sa sentence, puis fit introduire de


nouveau les deux parties, et leur lut sa décision. Cette sentence
embrassait tous les faits dont il put se souvenir, dans ces débats
prolixes qui avaient duré trois jours. Certaines choses n'y étaient
pas mentionnées dans Tordre où elles s'étaient produites; mais
tout y était exact. Le juge proclama que les Catholiques, sur
tous les points, avaient réfuté les Donatistes à l'aide de tous
c
les documents allégués » Bref, la sentence du 8 juin contenait
.

deux parties un assez long résumé des controverses, une con-


:

clusion où l'Église catholique était reconnue comme la véritable


et la seule Église.
sait rien de précis sur le rapport que le président de
On ne
la Conférence, en vertu de ses instructions, dut adresser aussi-
tôt à l'empereur'. Cette pièce devait être en grande partie la
reproduction de la Sentence. Le 26 juin, agissant en qualité de
commissaire extraordinaire, Marcellinus promulgua et fit affi-
cher à Carthage, avec les Gesta, un édit d'union. C'est la pré-
tendue Sententia Cognitoris, dont nous parlions plus haut. Le
document est assez long. Marcellinus commence par y affirmer
son désir sincère de voir rétablir la paix religieuse. 11 invite les
Donatistes à s'incliner devant sa décision les Catholiques ont :

démontré victorieusement que leur Église est la vraie, et que

1) Capitula Geslorum, 111, 516; 521- suiv.


523 ; Augustin, Brevic. Collât., III, 19, 37. 4) Capitula Gestorum, 555-571 III,

2) Capitula Geslorum, 111, 531-537 ;


Augustin, Brevic. Collât., 24,42.
III,

Augustin, Brevic. Collât., III, 20, 38; 5) Capitula Geslorum, 111, 585-587;
Ad Donatislas post Collât., 31, 54; Augustin, Brevic. Collai., 111,25, 43.
Epi.it. 141, 9. 6) Augustin, Brevic. Collai., 111, 25, 43.

3) Capitula Gestorum, III, 544-550; 7) Collai. Cartfiaf/., I, 4; III, 29.


Augustin, Brevic. Collai., 111, 21, 39 et
416 LE DONATISME

lesaccusations portées contre les prétendus traditeurs n'étaient


pas fondées. Aux schismatiques qui refuseraient d'obéir, on
doit appliquer la rigueur des lois. Suit rénumération des
mesures prises ordre à tous les clercs donatistes de se sou-
:

mettre immédiatement ou d'abandonner leurs églises aux com-


munautés catholiques; défense à toutes les autorités munici-
pales, aux propriétaires de grands domaines, à tous les agents
de l'empereur ou des particuliers, de tolérer sur le territoire
d'aucune cité, d'aucun bourg, les réunions de dissidents (con-
vention la); confiscation des domaines où l'on n'aurait pas fait
la chasse aux Circoncellions. Il est bien entendu, d'ailleurs, que
rien n'est changé à ce qui a été promis antérieurement les :

évêques donatistes ne seront pas inquiétés jusqu'à leur retour


dans leur diocèse, et, s'ils font leur paix avec l'Église, ils con-
serveront leurs basiliques avec leurs fonctions épiscopales. En
terminant, le commissaire engage les indécis à lire les procès-
verbaux de la Conférence, affichés au-dessous de son édit on y :

verra que les Donatistes sont les seuls auteurs du schisme, et


que leurs pères n'ont eu aucune raison de rompre avec l'Église.
Marcellinus ajouta de sa main, sur la pièce originale « Ordre :

d'afficher. Donné à Carthage, l'année d'après le consulat de


Varanes, clarissime, le 6 des calendes de juillet » (= 26 juin
411)'.
Pas plus que devant la sentence de l'arbitre, la plupart dis
Donatistes ne s'inclinèrentdevantl'édit du commissaire. Comme
le faisail'prévoir la formule intransigeante « sous réserve
d'appel » que leurs mandataires avaient partout jointe à leurs
signatures, ils en appelèrent à l'empereur*. Le texte de cette
requête (appellatio) est perdu; mais nous en connaissons à peu
près le contenu. Les dissidents alléguaient des irrégularités de
procédure, la partialité et la vénalité de l'arbitre; ils se plai-
gnaient qu'on les eût tenus enfermés comme dans une prison,
qu'on ne les eût pas laissés parler, que la sentence eût été ren-
due de nuit 3
,

Ces protestations et cet appel n'eurent d'autre eiïet que de


provoquer des mesures encore plus rigoureuses. Par son rescrit
(responsum) du 30 janvier 412, l'empereur Honorius marqua sa
résolution d'en finir avec le schisme. Il abrogea les concessions
antérieures, et confirma toutes les lois répressives. Il spécifia

1) Senientia Cognitoris, à la suite des 3) Augustin, Epiât. 141, 1 il 12; lie-


la Collalioîiis. tract., Il, Go;
Brevic. Collât., III, 18, 3ri;

2) Augustin, Ad Donulistas posl Col- Ad Donatislas post Collât., 1,1 ; 12,16


lai., 12,16; l'osbidius-, Vita Auguslini, 15. et suiv.
ACTES DES CONCILES 417

que tous Donatistes devaient aussitôt rentrer dans l'Église


les
catholique. Sinon, ils seraient frappés de grosses amendes, qui
variaient avec le rang-; en cas d'obstination, on confisquerait
leurs biens. Les colons et les esclaves affiliés à la secte pros-
crite seraient ramenés dans le bon chemin par des châtiments
corporels. Les basiliques et autres immeubles des anciennes
communautés schismatiques devenaient la propriété des com-
munautés catholiques. Les évêques ou clercs qui refuseraient
de céder seraient déportés hors d'Afrique Cette loi si sévère, 1

qui fut sévèrement appliquée par les gouverneurs, les magis-


trats des cités et les commissaires spéciaux, est la conséquence
directe de la sentence rendue par Marcel linus, le 8 juin, à la
clôture de la Conférence de Carthage. C'est aussi la dernière
pièce qui se rapporte au dossier des Gesta Collationis.
Sur publication de ces Gesla, nous possédons des rensei-
la
gnements assez précis. Du jour où il fut chargé de l'enquête,
Marcellinus eut pour principe de tenir le public au courant de
tout. Le 19 janvier 411, il ordonna d'afficher son premier édit,
où étaient reproduites les clauses essentielles du rescrit impé-
2
rial Vers la fin de mai, on lut sur les murs de Carthage son
.

second édit avec les réponses des deux partis Le G juin, avant 3
.

la troisième audience, le commissaire fit mettre sous les yeux


de tous, avec un Avis au public, les comptes-rendus sténogra-
phiés des deux premières séances L'ensemble des Gesta fut 4
.

ensuite affiché à Carthage, et probablement dans beaucoup


3
d'autres villes, avec l'édit du 26 juin Ce fut l'édition officielle .

des Gesla Collationis Carthàginensis, appelés aussi parfois Mar-


5
celUni Gesta :

Cette édition officielle, dont toutes les autres furent naturel-


lement des copies, avait cependant un défaut assez grave en :

dehors de la division en trois séances, elle ne comportait ni


sections ni chapitres. Il était très difficile de s'orienter dans ces
énormes dossiers, qui effrayaient le lecteur par les dimensions,
ou le rebutaient par la prolixité, ou l'égaraient dans le dédale
7
des controverses Or, les évêques catholiques entendaient se
.

servir des Gesta pour leur propagande; ils voulaient les faire

1) Cocl. Theod., XVI, 5, 52. — Cf. Au- 4) Collât. Carlhag., Il, proœm. -
gustin, Epist. 185, 9, 36; Possidius, Vita Cf. II, 73; III, 3-5.
61-68; 71 ;

Augustini, 15. 5) Sentenlia Cogniloris, à la suite de*


2) Collât. Garthag., I, 5. Gesta Collationis.
3) lùid., 10 et 17.
I, Cf. Augustiu, — 6) Contra Fulgenêium, 22.
Brevic. Collai., I, 6; Sermo 358, 6 : 7) Augustin, Retracé..-, Il, 65; Drevic.
« Edictum viri illustris publiée propositum Collai., 1, Praefat.) Epist. 141, 1 et 7;
legistis ». 185, 2, 6.

IV 27
418 LE DONATISME

connaître à tous les intéressés, même aux simples fidèles. Les


années suivantes, dans bien des diocèses, comme ceux de Car-
thage, de Constantine, d'Hippone, de Thagaste, on lisait les
Gesta d'un bout à l'autre à l'église pendant le Carême'. On se
préoccupa donc de rendre ce gros dossier plus accessible au
public. On en fit des abrégés, dont deux nous sont parvenus,
de la main d'Augustin le Breviculus Collationis, et la procla-
:

2
mation aux Donatistes du 14 juin 412 Mais ce n'était pas .

encore assez c'est au texte même


: des Gesta qu'on voulait ren-
voyer les incrédules. Ces renvois n'étaient possibles qu'avec
des points de repère on découpa donc le dossier officiel en
:

sections ou en chapitres. Nous connaissons deux de ces édi-


tions, indépendantes l'une de l'autre, et publiées toutes deux
vers la fin de 411 : celle d'Augustin, et celle de Marcellus.
C'est principalement pour les besoins du diocèse d'Hippone,
qu'Augustin élabora son édition des Gesta Collationis. Bien
qu'elle soit perdue, on peut s'en faire une idée nette d'après les
références du Breviculus Collationis. Cet Abrégé n'était pas des-
tiné seulement aux lecteurs qui ne liraient pas les Ges/a; il avait
également pour objet de faciliter les recherches dans le dos-
sier, grâce à la concordance des numéros. L'auteur le déclare
dans sa Préface « En se reportant aux numéros, qui se corres-
:

pondent et dans cet Abrégé et dans les Gesta eux-mêmes, cha-


cun pourra trouver sans difficulté ce qu'il voudra » \ Et ailleurs,
parlant du Breviculus « Chacun peut savoir sans peine ce qui
:

s'est passé en consultant


: les numéros dont j'ai marqué chaque
chose, on lira dans les Gesta tout ce qu'on voudra, à l'endroit
correspondant » \ D'après les références de l'Abrégé, l'édition
d'Augustin comprenait un nombre assez restreint de chapitres :

quinze pour la première séance, trois pour la seconde, au moins


cinq pour la troisième. Cette édition d'Hippone, très différente
de celle qui nous est parvenue, était beaucoup plus nette et plus
rationnelle chacun des chapitres y marquait une phase de la
:

controverse.
Tout autre est le système adopté dans l'édition que nous
possédons, et qui nous a été conservée par un manuscrit unique.
Cette édition est l'œuvre d'un certain Marcellus, qui est qualifié

1) Gesta cum Emerito, i. voluerit » (Brevic. Collai., I, Praefat.).


2) Brevic. Collât., I, Praefat.', Epist. I Quisque commonitus vel sciai sine
141, 1. — Cf. Retract., Il, 65. labore quid actum sit, vel consultis nume-
3) « Ad signa numcmnim, quae et in ris, quos rébus singulis annotavi, légal in

Breviculo cl in ipMs Gestis annolan- eisdem Geslis ad locuinquodrumque voluo-


lur, sine difficultate quisqui ietquod rit » (Helracl., Il, 65).
ACTES DES CONCILES 1l (
.)

de memorialis (= a memoria), et qui paraît avoir été secrétaire


ou avocat-conseil du président de la Conférence. Marcellus nous
dit qu'il a assisté aux débats, qu'il a été associé au travail de
Marcellinus, qu'il l'a aidé à préparer sa sentence, qu'il « adonné
son avis au Cognitor » '. Il ne figure pas dans les Gesta parmi

les membres du bureau : à moins qu'il n'y soit désigné sous un


autre de ses noms, comme cela se voit à cette époque. En tout
cas, un personnage important. Il entreprit son travail
c'était
sur la prière de deux évêques catholiques, Severianus et Julia-
nus sans doute, deux évêques qui avaient figuré à la Confé-
:

rence, Severianus deCeramussa près Milev, et Julianus de Tas-


balta en Byzacène 2
.

Ce qu'on avait demandé, semble-t-il, à Marcellus, c'était de


composer, sous une forme quelconque, un abrégé ou un som-
maire des Gesta, Il a donné à cet abrégé la forme d'une table
très détaillée, où le numéro de chaque titre correspond à un
numéro des Gesta. Nous possédons sa préface, sa table, et la
plus grande partie de son édition. Dans sa Préface, qui a la
forme d'une dédicace (Praefatio ad Severianum et Julianum), il
rappelle avec un naïf orgueil son rôle à la Conférence, indique
comment il a compris son travail, exprime l'espoir d'avoir fait
œuvre utile, et multiplie les protestations d'amitié le : tout,
dans un style verbeux et contourné'. La table, intitulée Capi-
tula Gestorum, a de très vastes proportions deux cent vingt- :

quatre numéros pour la première journée, soixante-treize pour


4
la seconde, cinq cent quatre-vingt-sept pour la troisième Ce .

sommaire est naturellement fort utile, surtout pour la partie


des procès-verbaux qui est perdue. L'édition conservée des
Gesta, dont les numéros correspondent exactement à ceux de
la table, est évidemment l'œuvre de Marcellus \ Et l'on doit
avouer qu'elle peu d'honneur les sections y sont mul-
lui fait :

tipliées à l'excès,sans méthode apparente, comme au hasard.


L'édition doit dater des derniers mois de 411": elle est complè-
tement indépendante de celle d'Augustin, et du même temps.
Malheureusement, des deux éditions données alors, c'est la
moins bonne que nous avons. Encore est-elle incomplète. Il ne
manque rien aux procès-verbaux des deux premières séances,
\) Marcellus Memorialis, Praefatio ad 5) Celte édition des Gesta Collationis
Severianum et luliaiuim. par Marcellus Memorialis nous est par-
2) Collât. Carthag., I, 128 et 133. venue dans un manuscrit unique, du
3) Marcellus Memorialis, Praefat. ix e siècle, qui a longtemps appartenu à la
4) Ces Capitula Gestorum figurent en Cathédrale de Lyon, et qui est aujourd'hui
tête de toutes les éditions modernes des à Paris [Cod. Paris., n. 1546).
Gesta Collationis.
420 Le donàtismë

que gâtent pourtant bien des fautes de copistes. Pour la troi-


sième journée, il reste seulement la première moitié du compte-
rendu deux cent quatre-vingt-une sections, sur cinq cent
:

quatre-vingt-sept. On voit encore aujourd'hui d'où vient la


lacune. La cause en est dans la longueur même des débats, dont
le compte-rendu remplissait plusieurs volumes. C'est ce que
montrent de menus incidents d'audience. Vers le milieu de la
première séance, les greffiers déclarent que leurs registres sont
pleins, et demandent qu'on les remplace par des collègues
1
.

Même incidentau milieu de la troisième séance, avant la lacune


actuelle du procès-verbal. Le greffier Hilarus dit au président :

« Comme les parties ont commencé dès le point du jour à plai-

der, nous avons déjà rempli deux registres (codices). Si Ton


Excellence y consent, qu'on nous remplace par d'autres gref-
fiers (exceptores) Qu'on nous donne aussi des surveillants (cus-
.

todes), et nous pourrons sortir pour notre travail de collation ».


Aussitôt Vitalis, l'un des notarii de l'Eglise catholique, ajoute:
« Moi à Ta Noblesse la même demande que
aussi, j'adresse
Yexceptor Marcellinus donne des ordres en conséquence
». :

« Comme cela s'est fait à l'audience antérieure, les greffiers,

qui déclarent avoir rempli leurs registres (tabidae), vont sortir


avec des custodes, et on les remplacera par d'autres » 2 Après .

cet épisode, on ne trouve qu'un petit discours d'Augustin,


ajouté par quelque copiste et Ledit du 26 juin, pièce étrangère
3
,

au procès-verbal. On voit ce qui s'est passé. Le compte-rendu


des séances occupait plusieurs registres (codices), mis au net
par des greffiers différents, et cette division en volumes avait
été conservée dans les éditions des Ges/a le dernier registre :

ou les deux derniers se sont perdus, d'où la brusque interrup-


tion du procès-verbal. Pour combler dans une certaine mesure
la lacune, il faut recourir aux parties correspondantes des Capi-
tula Gestorwnou du Breviculus d'Augustin*.
Les Gesta Col/ationis Carthaginensis, dont les dimensions
épouvantent à première vue, n'en sont pas moins un document
très curieux à bien des titres, et infiniment précieux pour l'his-
toire du temps. Nous avons là, noté sur le vif avec une
incroyable minutie, le spectacle d'une grande enquête officielle,
qui est en même temps un grand débat religieux.
Ce qui frappe tout d'abord, c'est l'étendue et l'exactitude évi-

I] Collai. Carlhag.,], I3l 4) Capitula Gestorwn, III, l»n2 587 ;

2) Ibid., 111,279-280. Augustin, Brevic. Collât., III, 9, 16 el


3) Ibid., III. 281. suiv.: Epist. 141, 4 cl suiv.
ACTES DES CONCILES 421

dente des procès-verbaux. Il n'y a peut-être pas dans toute


l'antiquité un seul document où se montrent mieux la dextérité
des greffiers et la perfection dès lors atteinte par les services
de sténographie. Tout est saisi, fixé, puis transcrit en clair, par
ces muets témoins des débats non seulement les discours, :

mais les moindres mots, les interruptions, les querelles, les


entrées et les sorties, les attitudes, les mouvements d'opinion,
les murmures, remarquer aussi toutes les pré-
les rires. Il faut
cautions prises pour assurer l'exactitude des comptes-rendus et
le contrôle mutuel. Le service sténographique comprend douze
greffiers, qui alternent par groupes de six deux greffiers :

publics (exceptores), et quatre greffiers ecclésiastiques (notarii),


deux pour chaque parti Chacun des groupes, pour la mise au
1
.

net et les expéditions, est surveillé de près d'abord, par les :

bureaux de YOfficium, ensuite par quatre évoques-archivistes


(custodes chartarum), deux Catholiques et deux Donatistes 2 .

Après chaque séance, chacun des orateurs va signer sur la


minute toutes les paroles qu'il a prononcées Chaque volume 3
.

des procès-verbaux est scellé aux sceaux du président et des


custodes chartarum*. L'affichage se fait sur l'ordre et sous la
surveillance du commissaire \ C'est à toutes ces précautions
que nous devons ces procès-verbaux si fidèles.
Audébut du compte-rendu de chaque séance est indiquée en
détail la composition du bureau, de YOfficium et des services
auxiliaires Ce personnel est le même dans les trois audiences,
.

si ce n'est que, pour le troisième jour, il a été un peu augmenté.

Voici les noms et les titres des personnes de tout rang qui
entouraient le président (cognitor), le 8 juin, à l'ouverture de
la séance, dans le secretarium des Thermae Gargilianae 1° Trois :

protectores domestici, Sebastianus, Maximianus et Petrus ;


2° Deux agentes in rebu<, Vincentius et Taurillus 3° Trois duce- ;

narii, Ursus, Petronius et Libosus 4° Deux apparitores illus- ;

trium atque eminentium potestatum, Bonifacius et Evasius ;

5° Deux apparitores illustris comitivae scdis, Filetus et Octavia-


nus 6° Deux adjutores cornicularii, Restitutus et Exitiosus
;
;

7° Trois adjutores commentariorum Offi.cii proconsulis, Possi-

1) Collât. Carthag., 1,1; 10; 132; 218; 222-223 ; II, 2; III, 2 ; 279-280; Au-
223; II, 1; 61; 64; 68; 73; III, 1 ; 219- gustin, Brevic. Collât., 1,4 ; Epist. 141, 2.
280. — Cf. Augustin, Epist. 14), 2 : 3) Collât. Carthag., I, 10; II, 64;
« Dati sunt etiam a nobis (Catholicis) et ab Augustin, Epist. 141, 2.
ipsis (Donatistis) notarii, quatuor hinc, et 4) Collât. Carthag. I, 10 et 223 11,53.
, ;

quatuor inde, ut bini cum exceptoribus ju- 5) Ibid., I, 10 et 223; II, proœm.; Il,
dicis alternarent ». 64-68 ; 71 ; 73 , III, 1, 3-5.
2) Collât. Carthag., 1, 2; 10; 132; 6) lbid., I, 1; II, 1 ; III, 1.
422 LE DONATISME

dius, QuodvultdeusetColonicus; 8° Un adjator numerorum Na- ,

vigius 9° Un adjutor subadjuvarum Officii Vicarii, Peregrinus;


;

10° Un scriba Officii legati Carthaginis, Nampius; 11° Un scriba


curatoris Carthaginis, Rufinianus 12° Deux exceptores Procon- ;

suls, Hilarus Praetextatus (Martialis ); 13° Un exceptor


et
1

Vicarii, Fabius; 14° Un exceptor legati Carthaginis, Romulus ;

15° Deux notarii Ecclesiae catholicae, Ianuarius et Yitalis ;

16° Deux notarii Ecclesiae Donatistarinn, Victor et Cresconius 2 .

En personnes; trente, avec le président. Rap-


tout, vingt-neuf
pelons que chacun des deux partis était représenté par dix-huit
délégués sept adores, sept consiliarii, quatre custodes charta-
:

rum*. Ajoutons l'autre groupe des Notarii, qui alternaient avec


ceux du début delà séance. Et nous aurons le tableau complet
du personnel de la Conférence.
On suit également, dans le dossier, toute la procédure adop-
tée par le commissaire dans son enquête, depuis son édit du
19 janvier jusqu'à son édit du 26 juin. Nous ne pouvons entrer
ici dans le détail, qui relève surtout des jurisconsultes. D'ail-

leurs, à propos des différentes pièces, nous avons indiqué


ci-dessus les traits principaux de cette procédure.
Il est intéressant de noter l'attitude des deux parties et du

président. Le système de défense des Donatistes, dont les man-


dataires étaient des avocats retors, se ramène à une perpé-
tuelle obstruction. Les schismatiques commencèrent leurs chi-
canes dès le 25 mai, dans leur réponse au second édit*. Ils tra-

hirent leur plan au début de la première séance, quand Petilia-


nus de.Constantine dit en leur nom « Nous réservons tous nos :

droits et sur la personne et sur la cause ». Au cours des déliais,


6

ils ne cessèrent de soulever des difficultés de tout genre véri- :

fication des signatures,communication de pièces, prescription,


arguties, protestations Pendant toute la troisième audience, 6
.

à la suite d'un mot d'ordre, ils n'apposèrent leurs signatures

1) Dans les en-tête des procès-verbaux 3) Collât. Carthag., I, 2; 10; 55 148; ;

des trois séances, 1rs deux greffiers prin- 218; II, 2; III, 2 ; Augustin, Drevic. Col-
cipaux sont Hilarus et Praetextatus, excep- lât., I, 4: Epist. 141, 2.
tores du Proconsul (Collât. Carl/iag., I, 4) Collai. Carl/iag., I, 14: Augustin,
1; II, 1 : III, 1). D'autre part, les procès- Brevic. Collât., 1, 4.
verbaux sont signés par les exceptores 5) « Salvis omnibus quac ccmpetunl
Hilarus et Martialis [Ibid., I. 223 ; II, 73), nobis et de persona et in causa » (Collai.
et c'est Martialis qui lit la plupart des Carthag., 1, 9).
pièces. Évidemment, l'on doit identifier 6) Carthag.,l, 20-53; 59-9G;
Collât.
Praetextatus et Martialis : personnage
le 144-146; 3-7; 12 et suiv. 111,15-258;
II, ;

s'appelait Praetextatus Martialis ou Mar- \ gustin, Brevic. Collât., I, 8-13; II. 1-2;
tialis Praetextatus lll. ri suiv.; Gesta
-l cum Emerilo, 4;
2) Collât. Carthag., III, I. Epist. 141, 3.
ACTES DES CONCILES 423

que « sous réserve d'appel ». Avec cette tactique des Dona-


1

tistes, toute d'obstructions et de chicanes, contraste singulière-


ment l'attitude des Catholiques, qui, eux, vont droit leur che-
min, en s'efforçant d'écarter les prétextes, de poser et de traiter
lesquestions essentielles. Entre les deux partis, le président
montre une impartialité très méritoire, une patience à toute
épreuve. Il dirige les débats avec autorité, sans rudesse comme
sans faiblesse, avec un respect de jurisconsulte pour la légalité
et pour les droits de tous. Sans doute, il s'embrouille parfois
au milieu des documents allégués il confond le mandatum du ;

concile de 410 avec le mandatum du 30 mai 411 2 il est obligé ;

d'inviter YOfficium à comparer les dates


des pièces produites,
pour s'orienter dans cette chronologie de chicanes \ Cependant,
il ne manque pas de clairvoyance, il sait ramener les discus-

sions dans la bonne voie. Et partout, il manifeste la volonté


d'aboutir, d'éclairer sa conscience pour se prononcer en toute
sécurité d'àme.
Ce n'est pas la faute du président, si la controverse semble
aller au hasard, toujours déviée par les obstructions donatistes.
On se bat tantôt à coups d'arguments ou de dossiers d'archives,
tantôt à coups de textes bibliques ou d'injures. Leplus souvent,
on est si loin de la question à résoudre, que les assistants
paraissent oublier pourquoi ils sont là. C'est seulement dans la
seconde moitié de la troisième journée, autour de la lettre des
Donatistes, que s'engage la vraie discussion*.
Des incidents de toute sorte mettent un peu de variété, ou
même de gaieté, dans la monotonie des débats. Ce sont les scru-
pules bouffons des Donatistes, qui refusent de s'asseoir". Ce sont
les scènes amusantes ou violentes, auxquelles donne lieu la véri-
fication des signatures confrontation des évêques d'une même
:

localité, qui se regardent de travers et s'injurient ou s'accusent


mutuellement 6 querelles des évêques rivaux de Constantine 7
; ,

8 J
ou d'Hippo Diarrhytus ou du diocèse de Milev ou d'ailleurs;
, ,

attitude piteuse de pauvres prélats qui n'ont pu signer eux-


mêmes, ne sachant pas écrire 10 fréquentes interventions et ;

bavardage d'Aurelius de Macomades, qui connaît et reconnaît

1) « Salva appellatione recoguovi » 5) Collât. Carlhag., I, 144-145 II, 3- ;

(Collal. Cart/tag., III, 8; 13; 22; etc.). 7; Augustin, Brevic. Collai., 1, 13; II, 1.
2) Ibid., III, 158-159. 6) Collât. Carlhag., I, 99-143; 149-210.
3) lbid., 111, 147; 150; 154; 167; 171. 7) Ibid., I, 138-139.
4) lbid., III, 260-281; Capitula Geslo- 8) lbid., I, 139 et 142.
rum, III, 282-578; Augustin, Brevic. 9; lbid., h, 133-134 ; 201.
Collai., III, 9, 15 et suiv. 10) lbid., I, 133 : « lilteras nesciente ».
424 LE DONATISME

tout le monde en Numidie', ou d'Habetdeus et Yalentinianus,


deux diacres donatistes de Cartilage, qui se trouvent là on ne
sait comment, ni à quel titre, pour fournir des renseignements
sur les communautés de leur parti'. Parfois, le ton s'élève, et
la situation devient dramatique par exemple, quand Emeritus :

et Petilianus dirigent des attaques personnelles contre Augus-


tin
3
ou quand Augustin discute la lettre des Donatistes au
,

milieu des interruptions et du tumulte \ 11 y a jusqu'à des inci-


dents comiques, ou macabres. Les schismatiques produisent
un passage d'Optat, pour démontrer que Caecilianus de
Carthage a été condamné par Constantin or le texte prouvait :

le contraire, d'où les éclats de rire dans les rangs des


3
Catholiques En vérifiant les signatures des Donatistes, on
.

relève celle d'un mort après enquête, on établit que le signa-


:

taire était décédé en se rendant à Carthage, et que par suite il


6
avait signé après sa mort .

Conférence à part, le dossier de 411 conserve une valeur


historique de tout premier ordre. Il nous fait connaître près de
sixcentsévêchés africains, la moitié pour chaque parti, avec les
noms des titulaires, et souvent d'autres données". Il nous
permet d'étudier la répartition des sièges épiscopaux dans les
différentes provinces, et dans chacun des deux partis. Il nous
renseigne sur l'organisation des communautés, sur les épisodes
de la persécution entre 405 et 410, sur les conversions, les
violences, les procès, les confiscations d'immeubles, les exils
ou les meurtres de clercs. Il renferme une foule de documents
sur les origines du schisme, sur la lutte des deux Églises entre
392et410,surles querelles entre Primianistes et Maximianistes.
A bien des égards, les Gesta Collationis sont un tableau précis
et vivant de l'Afrique chrétienne.
Non seulement de sonhistoire et de son organisation, mais
encore de son état moral. A ce point de vue, et réserve faite
pour quelques évoques éminents, comme pour la foule des
braves gens inconnus, clercs ou laïques, on doit reconnaître
que le tableau n'est pas flatteur. On constate presque partout
l'oubli des vertus évan^éliqucs, surtout de la charité chrétienne;

1) Collât. Carthag., 1, 182 187 et suiv.


; Augustin, Brevir. Collât., III, 20, 38; Ad
2) Ibid., I, 12G-143. — Les Catholiques Donatislas post Collât., 31, 54: Episl.
protestent contre cette intervention de 141, 9.
dîacres donatistes [Ibid., 1, 127). 6) Collai. Carthag., I, 207-208; A u-
3) Ibid., III, 221 et suiv.; 238-247: gustin, Ihevic. Collai., 1, 14: Epist.
Augustin, Brevic. Collai., 111.7,9. 11!, 1.

4) Collât. Carlhag., III, 261-272. 7) Collât. Carlhag., 1. 1*9-143 ; 149-217.


5) Capitula Gestorum, III, 531-537;
ACTES DES CONCILES i25

le déchaînement des passions, les violences et les attentats; la


guerre religieuse, d'autant plus vive et plus brutale que partout
les deux Églises sont en présence; la disparition de tout
scrupule, chez la plupart des Donatistes et chez beaucoup de
Catholiques; l'anarchie des âmes, au milieu de l'anarchie
matérielle; une singulière déformation du sens moral, comme
du sentiment religieux. Dans chaque parti, on n'est guère dis-
cipliné que pour la lutte. La piété consiste surtout dans un
dévouement fanatique à la secte; le devoir, dans la résolution
de viser et de frapper l'ennemi, c'est-à-dire les fidèles de l'autre
Église.
La lecture des Gesta Collationis offre même un certain intérêt
littéraire.Sans doute, il faut s'armer de patience, ne pas
s'eifrayer de la longueur et de la confusion apparente du
dossier. Quand on a dominé cette première impression, on
prend plaisirà observer les péripéties de cet imposant spectacle,
comme la tactique des deux partis, l'action méthodique et
raisonnée des Catholiques ou l'ingéniosité des obstructions
donatistes. Surtout, l'on voit se dessiner de vivantes physiono-
mies d'orateurs. Dans le camp des schismatiques, le fougueux
Petilianus de Constantine, fertile en inventions, âpre, têtu,
retors, presque toujours éloquent; ou encore, Emeritus de
Caesarea, têtu lui aussi, mais bel esprit, souvent prolixe et
verbeux, parfois brillant et spirituel. Du coté des Catholiques,
dans un groupe d'orateurs distingués qui sont tous ses amis,
le vrai triomphateur de la Conférence, le grand maître de la
parole en ces temps-là, l'ardent, avisé, subtil et malicieux
Augustin.

Conciles postérieurs au temps d'Augustin. — Concile de Mauritanie Césarienne,


en 416. — Lettre du pape Léon I aux évèques de Césarienne. — Canons relatifs
au Donatisme dans les recueils de Ferrandus et de Cresconius. — Concile de
Numidie, en 590. —Requête au pape Pelage IL — Lettre du pape Grégoire le
Grand aux évèques numides. — Concile de Numidie contre le Donatisme, en
591. — Enquête sur Argentius de Lamiggiga. —Concile de .Numidie, en 192.—
Procès de Maximianus de Pudentiana. — Concile de Numidie, en 593. — Concile
de Carthage, en 594. —Mesures contre le Donatisme. — Concile de Numidie
contre le Donatisme, en 394. — Concile de Numidie, en 596. — Excommunica-
tion de Févêque Paulus, victime des intrigues donatistes.

Les Donatistes, que nous avons vus si bavards dans les con-
troverses de 411, le devinrent de moins en moins après leur
défaite. A en juger sur les apparences, d'après l'absence de
documents, ils auraient même été d'une discrétion surpre-
426 LE DONATISME

nante, au moins on paroles, pendant les deux derniers siècles de


leur histoire. A vrai dire, durant l'occupation vandale, puis
sous la domination byzantine, si par intervalles nous enten-
dons encore parler des Donatistes, plus jamais nous n'enten-
dons leur voix. On rencontre alors des conciles africains qui
se rapportent au schisme; mais tous ces conciles sont des
assemblées d'évêques catholiques, jamais de schismatiques.
On ne doit pas se hâter d'en conclure que l'institution syno-
dale ait dès lors disparu de l'Eglise dissidente. D'abord, les
documents deviennent rares pour cette période, et souvent les
faits eux-mêmes nous sont inconnus ou mal connus. En ce qui
concerne le Donatisme, les écrivains catholiques du temps et

de la région nous renseignent d'autant moins, que leur pensée


était ailleurs, absorbée par la lutte contre l'arianisme vandale
ou les hérésies byzantines. Puis, on doit tenir compte des con-
ditions nouvelles d'existence qui s'imposaient aux groupe-
ments de schismatiques. Il n'est plus question alors d'une
grande Eglise donatiste, étendant ses ramifications sur tout le
nord de l'Afrique, et fortement centralisée; depuis le coup
reçu en 411, l'Eglise schismatique ne se survit à elle-même
que dans des communautés éparses, presque complètement
isolées les unes des autres, sauf en certains districts de Numi-
die ou de Maurétanie.
Etant donné ces conditions nouvelles, les Donatistes durent
renoncer sans doute aux réunions plénières du grand concile
général où se rencontraient jadis tous les évèques de la secte.
Mais ils ont pu tenir encore bien des synodes régionaux par :

exemple, en Numidic, à la fin du vr siècle, quand le retour


ofi'ensif de l'Eglise schismatique causa tant de troubles dans la
région et inquiéta jusqu'au pape Grégoire le Grand'. Seule-
ment, instruits par les douloureuses expériences du passé,
les derniers fidèles de Donat paraissent avoir tenu secrètes les
réunions où se concertaient leurs évêques. Depuis leur
défaite, ils avaient adopté la règle de conduite qui s'impose à
tous les vaincus agir en silence. Qu'on se rappelle la singu-
:

lière attitude d'Emeritus à Caesarea en 418 rencontrant au :

bout de sept années son grand adversaire de la Conférence,


qui le harcelait de propositions et d'exhortations, Emeritus,
l'orateur intarissable de 411, joua en perfection, devant l'élo-
quence d'Augustin, un rôle de muet». Le mutisme d'Eme-

i Grégoire le Grand, Epist., 1,72;75; 2) Augustin, Gesla mm Emeiito, l-i;


82; II./.fi; IV, 7 ; 32; 35 ; V, 3; VI, 34 ;
8-12; l ïaudentium, I, 14, 15; Re-
59;61: VII, 2; Vlll, 13 ci l! frac*., 11,17; Possidius, VilaAugustini,W.
ACTES DES CONCILES Ml
ritus à comme le symbole du mutisme qui devint
Caesarea est
la règle du Donatisme vaincu. C'est en se taisant qne l'Eglise
schismatique a pu durer deux siècles encore, en face des Van-
dales ariens ou des Byzantins catholiques. On s'explique ainsi
que nous ne sachions rien sur les synodes schismatiques de
cette période, tandis qu'une série de conciles catholiques, déli-
bérant et légiférant contre le schisme, attestent la résistance
tenace et encore menaçantes des Donatistes.
les entreprises
D'une lettre le Grand, on doit probablement
du pape Léon
conclure que, vers le milieu de l'année 446, un synode provin-
cial de Maurétanie Césarienne s'inquiéta de la persistance du
Il y avait encore, dans cette
1
schisme dans certains diocèses .

province, bien des groupes de Donatistes; on continuait d'en-


sevelir des évêques et autres clercs dissidents autour de la basi-
lique d'Ala Miliaria quelques années plus tard, des bandes de
2
;

schismatiques allaient quitter les rivages maures pour se réfu-


5
gier en Gaule En 446, la Maurétanie, abandonnée par les
.

1
Vandales, était de nouveau rattachée à l'Empire Les évêques .

de la province cherchaient à réorganiser leurs Eglises. Dans un


rapport adressé au pape, ils signalèrent le cas d'un de leurs col-
lègues, un certain Maximinus, Donatiste converti, qui brusque-
ment, étant encore laïque, venait d'être élu évêque catholique.
Le pape, naturellement, s'étonna du choix, et soupçonna une
intervention de schismatiques plus ou moins déguisés. Cepen-
dant, tout en blâmant l'élection, il n'osa pas l'annuler; il exigea
seulement que l'évêque suspect lui adressât une profession de
foi nettement catholique. Le 10 août 446, il écrivit aux évêques
de Césarienne Quant à Maximinus, c'est à tort que, malgré
: «

sa qualité de laïque, il a été ordonné évêque. Cependant, s'il


n'est plus donatiste, s'il est désormais étranger à tout esprit de
perversion schismatique, nous ne nous opposons pas à ce qu'il
conserve sa dignité épiscopale, malgré la façon dont il l'a
obtenue. Nous y mettons pourtant une condition c'est qu'il :

nous adresse lui-même une déclaration où il. affirme clairement


sa foi catholique »\
Si l'évêque suspect se mit en règle, le dos-
sier de cette affaire contenait au moins trois pièces :,le rapport du
concile au pape; la réponse du pape; la profession de foi de
Maximianus {libellits).

Après cet incident, et pendant plus d'un siècle, l'histoire des

1) Léon le Grand, Epist. 12, 6. 4) Prosper Tiro, Epiloma Chronicon,


2) C. I. L..21511-21514; Gscll,
V11I, c 1347, ad ann. 442; Cassiodore, Chron.,
Fouilles de Benian, p. 22-27 et 42. C. 1240, ad ann. 442: Victor de Vita, I, 13.
3) Léon le Grand, Epist. 167, 18. 5) Lion le Grand, Epist. 12, 6.
42<S LE DONATISME

conciles est presque complètement muette sur les destinées du


Donatisme. Notons seulement, vers la fin du v siècle, la con- ft

damnation rétrospective des ouvrages de Donat et de Tyconius


dans la décrétale De. recipiendis et non recipiendis libris, qui
paraît émaner d'un synode romain Un peu plus tard, après la 1
.

conquête byzantine, deux clercs africains dans des recueils cano-


niques, Ferrandus dans sa Breviatio canonum, Cresconius dans
sa Concordia canonum, insèrent toute une série de canons diri-
gés contre le Donatisme, et empruntés à d'anciens conciles 2
.

La plupart de ces règlements visent les conversions de schisma-


tiques, et les mesures à prendre envers les convertis ce qui per- :

met de supposer que les auteurs africains de ces recueils son-


geaient aux Donatistes de leur temps. L'Eglise dissidente vivait
toujours, comme l'indiquent pour chaque génération divers
témoignages, malheureusement trop brefs ou peu explicites 3
;

et sans doute nous verrions le Donatisme mis en cause dans


bien des conciles, si nous étions mieux renseignés sur l'his-
toire intérieure de l'Eglise africaine en ces temps-là.
Brusquement, dans les dernières années du vi e siècle, la cor-
respondance du pape Grégoire le Grand projette une vive
lumière sur la situation vraie du Donatisme en Numidie. De
nouveau, nous voyons les évêques africains aux prises avec le
schisme. En sept ans, de 590 à 596, ils ne tinrent pas moins de
sept conciles où le Donatisme fut à l'ordre du jour.
En 590, l'assemblée des évoques numides avait adressé au
pape Pelage II un rapport (relatio), où elle protestait contre
des projets de réforme et réclamait le maintien des vieilles cou-
tumes de la province. Ce rapport, dont nous n'avons pas le
texte, devait contenir des plaintes contre les dissidents de la
contrée; car il causa quelque inquiétude à Rome, et l'ut le point
de départ d'une campagne contre le schisme africain, l'élage
étant mort dans l'intervalle, c'est son successeur qui se chargea
de répondre: En août 591, Grégoire le Grand avisa les Numides
qu'il consentait à. leur laisser leurs privilèges traditionnels,
notamment pour la désignation de leur primat, mais sous la

I Pseudo-Gélasc, De recipiendis el non L96 Mommsen); Petrus Chrysoloçus, Sermo


bris, S. 13; Théodoret, tiaeret. lab., IV, 6; Victoi
2) Ferrandus, /:• canonum, can. de Vita, III, 10 et 11; Gennadius, De
ïjO : 174 et suiv. : 180 et suiv. ; Cresconius, scriptor. eccles.,'l'i; Avitus, Epist. 26;
Concordia cation : 275; 278 Fulgence de Ruspae, Contra Sermonem
el suiv.; 284. / istidiosi, 10 : Ad Felicem nolariumde
3) Liber de promissionibus el praedic- Trinilale, 1 : Justinien, Novell. 37, 5 et
tionibm Dei, II, 6, 10; IV, 13, 22 Liber ;
s : Cassiodore, //> Psalm. 60 H 6fi

r/enealorjtts, c. 428, 499, 628 (p. 181, 188,


ACTES DES CONCILES 120

réserve que ce primat ne serait jamais un Donatiste converti :

« Conformément aux conclusions de votre Rapport [relatio),

disait le pape, rien ne sera changé à vos usages, dans la mesure


où ils ne portent pas atteinte à la foi catholique. Nous vous
autorisons à conserver vos coutumes, soit pour le choix de vos
primats, soit, sur tous les autres articles; mais nous faisons
exception pour les anciens Donatistes parvenus à l'épiscopat,
que nous vous interdisons formellement d'élever à la dignité
de primat, môme quand Tordre d'ancienneté (ordo) les désigne-
rait pour ces fonctions. Qu'il leur suffise, à ceux-là, de gouver-
ner les fidèles de leur diocèse mais ils ne sauraient passer avant
;

les évoques que la foi catholique a enfantés et instruits dans le


sein de l'Église, pour arriver au point culminant de la hiérar-
chie et devenir primats »*. Et le pape invitait les évoques à
s'unir pour combattre les ennemis de l'Église.
En même temps, comme s'il doutait un peu du zèle des
Numides, Grégoire le Grand crut devoir mettre en mouvement
le pouvoir séculier. Il écrivit directement à l'exarque Genna-
dius, commandant en chef de l'armée d'Afrique, pour lui expo-
ser la situation et lui demander son appui contre les schisma-
tiques « On sait par expérience, disait-il, que les gens de la
:

religion hérétique, si on leur laisse (ce qu'à Dieu ne plaise!)


toute licence de nuire, s'insurgent avec violence contre la foi
catholique, et cherchent à répandre partout le venin de leur
hérésie, pour corrompre, s'ils le peuvent, les membres du corps

chrétien. Nous avons appris qu'ils menaçaient l'Eglise catho-


lique, ces adversaires du Seigneur, qu'ils relevaient la tête et
voulaient abaisser la foi du nom chrétien. Que Votre Eminence
réprime leurs efforts, et ramène leurs têtes orgueilleuses sous
le joug du devoir ». Grégoire le Grand priait même l'exarque
d'agir auprès du concile de Numidie, et d'aviser aux moyens
d'augmenter l'autorité du primat pour rendre plus efficace son
action contre le Donatisme « Faites parvenir aussi vos remon-
:

trances au concile des évêques catholiques, pour qu'il renonce


à désigner son primat d'après l'ordre d'ancienneté, sans tenir
compte du mérite auprès de Dieu, ce qui trouve grâce, ce n'est
:

pas l'avantage des rangs, mais la supériorité du mérite clans


une vie mieux remplie... Quant au primat lui-même, qu'il
réside désormais, non plus au hasard, dans des bourgades quel-
conques, comme c'est la coutume là-bas, mais dans une même
cité choisie par le concile par cette réforme des conditions de
:

1) Grégoire le Grand, Epist., I, 73.


430 LE DONATISME

sa charge, il sera mieux en situation de résister aux Dona-


». L'insistance du pape est caractéristique évidemment,
1

tistes :

l'on considérait à Rome que le schisme africain redevenait


menaçant.
Quelques mois plus tard, vers la fin de 591, un nouveau con-
cile de Xumidie eut à juger un procès où des schismatiques
étaient compromis, sans être directement en cause, et où furent
révélées leurs intrigues. Il s'agit du procès de cet Argentius,
évêque de Lamiggiga, qu'on accusait d'avoir vendu des charges
de prêtre à des Donatistes, et que deux de ses diacres avaient
dénoncé au pape. Vers le temps où il réglait la question du
primat, Grégoire le Grand avait écrit à l'un de ses représen-
tants en Afrique, un certain Hilarus, administrateur du domaine
pontifical en ces régions; il l'avait chargé d'ouvrir une enquête,
de faire juger par un concile l'évêque prévaricateur, et de veil-
ler ensuite à l'exécution de la sentence. Grégoire le Grand don-
nait à Hilarus des instructions précises « Ne néglige pas de
:

faire traduire le susdit évêque devant le tribunal dont il relève,


insiste pour que dans le pays, suivant la coutume, se réunisse
un concile. Que les évêques examinent, point par point, toutes
les allégations contenues dans le texte de la plainte en ques-
tion. Qu'ils mènent leur enquête d'après les règles canoniques,
en présence des parties, avec un minutieux scrupule. Quelle que
soit la décision des juges, tu veilleras à ce que le jugement soit
exécuté sur tous les points ». On ne sait rien de plus sur ce con-
?

cile de ;">9I. Le dossier devait comprendre toute une série de


pièces la réponse du pape au sujet des privilèges de la pro-
:

vince; la requête [petitio) des diacres de Lamiggiga; les ins-


tructions (praeceptum) du pape à Hilarus; probablement, une
lettre d'Hilarus au primat de Xumidie enfin, les pièces de
;

l'enquête proprement dite (cognitio), et la sentence.


Une affaire analogue fut portée l'année suivante, dans les
derniers mois de 592, devant une autre assemblée des évêques
numides Maximianus, évêque de I'udentiana, était accusé par
:

deux diacres d'avoir vendu aux Donatistes de son diocèse l'auto-


risation d'élire un évêque à eux. Le pape, saisi de la plainte,
écrivit le 23 juillet 592 à Columbus, un évêque de Xumidie en
qui il avait toute confiance il l'invitait à faire une enquête, de
:

concert avec Hilarus, puis à demander au [trimât la convoca-


tion d'un concile qui instruirait le procès. On devait déposer
Maximianus, s'il était reconnu coupable; sinon, punir les

i) Epist., 1, Tl. 2) Epist.i I, ^J


ACTES DES CONCILES 134

calomniateurs « Après l'arrivée d'Hilarus, notre chartularius,


:

disait le pape, demandez la réunion du concile universel. Que


les évêques, ayant toujours devant les yeux les spectacles ter-
rifiants du jugement à venir, fassent une minutieuse et scrupu-
leuse enquête. Si les porteurs de la présente fournissent des
preuves décisives à l'appui de leur accusation contre le susdit
évêque, le coupable devra être dépouillé de sa dignité et de ses
fonctions par une dégradation complète, qui le préparera aux
bienfaits de la pénitence en lui faisant reconnaître sa faute, et
qui sera pour tous les autres un avertissement contre la tenta-
tion de commettre un semblable crime. Châtiment légitime :

celui qui pour de l'argent, dit-on, à un hérétique, a vendu


Notre Seigneur Jésus-Christ, doit assurément être écarté des
mystères sacro-sainls de son corps et de son sang ». Aux ins-
tructions se mèlnient des lamentations sur l'audacieuse pro-
pagande des schismatiques, qui rebaptisaient ouvertement,
comme au temps de leur toute-puissance Nous avons appris
: «<

que l'hérésie des Donatistes s'étend chaque jour, et qu'une foule


de gens, profitant d'une licence due à la vénalité, après avoir reçu
le baptême catholique, se font rebaptiser par les Donatistes ».
1

On ne sait comment tourna l'affaire; mais il n'est pas douteux


que Maximianus ait été jugé par ses pairs. Au dossier du con-
cile figuraient la requête (petitio) des diacres de Pudentiana,
les instructions du pape à Columbus, et, sans doute, des instruc-
tions semblables à Hilarus, des lettres d'Hilarus et de Colum-
bus au primat Adeodatus; puis, les pièces de l'enquête {cogni-
tio). Il n'est pas impossible que la même assemblée, conformé-

ment au désir du pape, ait voté quelque canon visant le schisme.


Les évêques numides se réunirent encore vers le milieu de
l'année 593. Les décisions de ce synode, dont nous ne connais-
sons pas la teneur, furent sévèrement blâmées par Grégoire le
Grand. Elles devaient se rapporter au Donatisme, et impliquer
des concessions aux dissidents, de plus en plus écoutés et
redoutés dans la région. Ce qui le fait supposer, c'est que le
pape en appela au pouvoir séculier, même à l'autorité
militaire, en réclamant une intervention énergique: démarche
qui ne se comprendrait guère, si le schisme n'avait pas été en
cause. Grégoire le Grand écrivit donc à l'exarque Gennadius,
au mois de septembre 593, en le priant d'appuyer par tous les
moyens, même par la force, l'évêque Columbus, chargé d'une
enquête « Nous devons informer Votre Excellence de ce que
:

1) Epist., Il, 46.


432 LE DONATISME

certaines personnes, venant des provinces africaines, ont


porté à notre connaissance : à savoir, que plusieurs décisions
prises dans le concile deNumidie sont contraires à la tradition
et aux statuts canoniques. Là-dessus, nous avons reçu de
nombreuses plaintes, que nous n'avons pu négliger plus long-
temps. Nous avons donc chargé d'une enquête notre frère et
co-évêque Columbus, dont la réputation est si bien établie que
nous ne pouvons douter de sa sincérité. C'est pourquoi, en vous
saluant avec une affection paternelle, j'exhorte Votre Excellence
à lui prêter main-forte en tout ce qui touche à la défense de
l'Eglise. Le mal qui se fait actuellement, s'il n'était dévoilé par
une enquête et puni, grandirait avec le temps, et se répandrait
à l'avenir avec plus de licence, en donnant lieu à plus d'abus »'.
Le ton de cette lettre indique assez que la situation était
devenue grave. De cette déclaration du pape si l'on rapproche
les faits connus et les renseignements sur les procès de cette
période, on est amené à croire que le concile de 593, intimidé
ou gagné par les schismatiques, et sous la pression d'une partie
de l'opinion publique, avait accepté un modus vivendi, autori-
sant les Donatistes de certains districts, dans certaines
conditions, à élire des prêtres ou des évêques. 11 est possible,
d'ailleurs, que ces décisions aient été en rapport avec le
procès de Maximianus. En tout cas, il est remarquable que,
dans une assemblée de prélats catholiques, il se soit trouvé une
majorité d'évêques décidés ou résignés à ménager le schisme :

rien ne montre mieux la force du Donatisme en Numidie, et ne


justifie mieux l'émoi du pape.
Deux conciles africains siégèrent en 594, dans deux provinces
différentes l'un à Carthage, l'autre en Numidie'. Tous deux
:

furent convoqués sur l'invitation de Grégoire le Grand. Le


programme des deux assemblées était identique de part et :

d'autre, il s'agissait d'organiser la lutte contre les dissidents.


Les circonstances semblaient plus favorables que les années
précédentes. Vers le milieu de 594, l'empereur Maurice Tibère
avait promulgué de nouvelles lois contre le Donatisme, lois qui
confirmaient ou remettaienl en vigueur les vieux éditsd'Hono-
i-iiis etdeJustinicn Le pape avaii saisi l'occasion. Au mois de
2
.

juillet, il écrivit simultanément aux deux principaux repré-


sentants de l'empereur dans la contrée, à Pantaléon, préfet du
prétoire d'Afrique, et à l'exarque Gennadius : il exhortait ces

1) EpisL, IV, 7. 3) Epist., V, 8; VI, 61. - Cf. IV, 32.


pist., IV, 35 ; V, 3.
ACTES DES CONCILES 433

hauts fonctionnaires à faire appliquer immédiatement les lois


de répression et à combattre énergiquement les schismatiques,
qui semblaient maintenant dominer le pays, rebaptisant des
fidèles et chassant des évoques En même temps, le pape
1
.

hâtait la réunion des deux conciles l'un en Numidie, l'autre en


:

Proconsulaire.
Suivant l'usage, le concile de Proconsulaire fut convoqué et
présidé par Dominicus, évêque de Carthage. Il siégea dans cette
ville, au cours de l'été. Il prit sa tâche fort au sérieux, presque
trop, régla l'exécution des lois récentes, et vota divers canons
contre le Donatisme. Le dernier de ces canons ordonnait à tous
les évêques de rechercher les schismatiques de leur dio-
cèse; il menaçait même de déposition et de confiscation des
biens tout évêque qui négligerait de convertir ou de poursui-
vre les dissidents. Par une lettre synodale, que signa son pré-
sident, l'assemblée de Carthage s'empressa de notifier au pape
toutes ces décisions; à la lettre était joint le texte des canons,
et, aussi, des lois de répression récemment promulguées en
Afrique 2 .

Chose curieuse, la chancellerie romaine, qui depuis des an-


nées prêchait la guerre contre le schisme, trouva cette fois
qu'on était allé trop loin. Dans sa réponse à Dominicus de Car-
thage, en septembre 594, Grégoire le Grand félicita sans doute
les Africains pour le zèle qu'ils mettaient maintenant à com-
battre l'hérésie; mais il blâma la rigueur exagérée de leurs
décisions, notamment le canon qui prescrivait de déposer les
évêques trop conciliants. Il recommandait la modération, insis-
tait sur les ménagements nécessaires entre collègues. D'ailleurs,
en politique clairvoyant, il invoquait discrètement une raison
de circonstance, qui probablement explique ses réserves il :

craignait que la sévérité du concile de Carthage ne fût inter-


prétée comme une critique indirecte de l'indulgence montrée
à tort ou à raison par les conciles et les primats d'autres pro-
vinces 3
Il songeait surtout à la Numidie, où l'on
. ménageait
par nécessité les schismatiques, beaucoup plus nombreux en
cette contrée et plus puissants. Voyant les choses de plus haut,
et se rendant compte de la différence des situations, le pape
voulait amener les évêques des diverses provinces africaines à
adopter la même tactique pour la guerre au schisme voilà :

pourquoi il demandait plus de sévérité en Numidie, où l'on

1) Epist., IV, 32; VI, 59. 3) Epist., V, 3.

2) Epist., V, 3.

IV 2b
434 LE DONATISME

hésitait à poursuivre les dissidents, plus d'indulgence en Pro-


consulaire, où Ton avait moins de mérite à se montrer
rigoureux.
Quoi qu'il en soit, le dossier de ce concile de Carthage nous
est assez bien connu. On y distingue deux groupes de pièces :

1° le dossier proprement renfermant le texte des


dit (car tu la),
nouvelles lois impériales (allcgatio principalium jussionum) le ,

compte-rendu des séances (Gesla), les canons (sententiac) 2° la ;

lettre synodale au pape, et la réponse de Grégoire le Grand.


En Numidie, on mit moins d'empressement à engager la
lutte contre le schisme. Le concile se réunit seulement vers la
fin de 594, sur les instances du pape '. Au mois de juillet, Gré-
goire le Grand avait adressé une lettre pressante aux évêques
Victor et Columbus. Il leur reprochait avec quelque vivacité
de tolérer dans leur pays les méfaits des Donatistes, dont l'im-
punité encourageait l'audace « Nous avons appris, disait-il,
:

que dans vos régions les Donatistes ont dispersé à coups de


fouets le troupeau du Seigneur, comme si ce troupeau n'avait
eu pour le défendre aucun pasteur. On nous a encore annoncé
des choses que nous ne pouvons répéter sans une douleur pro-
fonde. Un très grand nombre de fidèles ont été déchirés déjà
par les dents venimeuses des hérétiques. Les Donatistes ont
poussé leur audace criminelle jusqu'à chasser de leurs églises les
évêques catholiques. En outre, bien des gens, qui avaient été
régénérés par l'eau salutaire du baptême, ont été rebaptisés par
ces scélérats, vrais meurtriers des âmes. Ge qui redouble notre
affliction, c'est la pensée que vous êtes là, dans le pays, et que
sous vos yeux ces coquins hors la loi ont pu commettre un si
grand crime ». En conséquence, le pape invitait ses correspon-
dants à réclamer aussitôt la convocation du concile qui orga-
niserait la guerre contre le schisme « C'est pourquoi, par la
:

présente lettre, nous vous exhortons, vous nos frères, à vous


concerter, à réunir le concile. Le mal en est encore à ses débuts :

hâtez-vous, et, de toutes vos forces, combattez-le. Autrement,


si vous le négligez, il grandira, il portera la contagion pestilen-

tielle dans le troupeau qui vous est confié »'.


Malheureusement, non- ne savons rien de précis sur l'œuvre
de ce concile qui devait mettre à la raison les Donatistes. Tout
porte à croire que les décisions des Numides furent beaucoup
moins sévères et moins nettes que ccllesde Carthage. D'ailleurs,
toute cette campagne de 594, inaugurée par les lois impériales,

\) Epis t., IV, 35. 2 Epist., IV, 35.


ACTES DES CONCILES 435

poursuivie avec tant d'ardeur par Grégoire le Grand et Domini-


ons, n'eut pas de résultats appréciables. Deux ans plus tard, en
août 596, nous voyons le pape adresser une requête solennelle
à l'empereur Maurice Tibère pour demander encore la stricte
observation des lois contre les schismatiques africains. Des
plaintes contenues dans cette requête, il résultait clairement
que les lois n'avaient pas encore été appliquées en Afrique, que
les dissidents redoublaient d'audace, chassaient des évêques,
rebaptisaient, et trouvaient des complices jusque dans les fa-
milles des clercs catholiques 1
.

Au moment où pape envoyait cet appel à l'empereur, les


le
Donatistes dominaient en Numidie, par l'intimidation ou l'in-
trigue, jusqu'aux assemblées d'évêques soi-disant catholiques.
Dans l'été de 596, ils réussirent à faire excommunier l'un de leurs
principaux adversaires par le concile de Numidie". Il s'agit de
cet évêque Paulus, dont les mésaventures et les interminables
procès causèrent au pape tant de tracas. Depuis plusieurs an-
nées, Paulus était poursuivi par la haine des schismatiques,
qui l'avaient chassé de son diocèse. Dans sa détresse, il cher-
chait vainement à se rendre en Italie, pour y porter plainte per-
sonnellement. Malgré l'appui du pape qui le recommandait à tout
le monde, même à l'exarque et au préfet du prétoire d'Afrique, le

malheureux avait été retenu en Afrique sous divers prétextes, et


n'avait jamais pu s'embarquer Ses ennemis avaient si bien
3
.

manœuvré, qu'ils avaient fini par le rendre suspect aux autori-


tés civiles et militaires, même à ses collègues. Le chef-d'œuvre
des Donatistes fut de faire condamner Paulus par ceux qui au-
raient dû le défendre contre eux. Brusquement, par une lettre
de l'exarque Gennadius, le pape apprit que son protégé venait
d'être excommunié par le concile de Numidie La nouvelle fut 4
.

bientôt confirmée par Paulus lui-même, qui avait enfin réussi à


s'embarquer \ Onsait comment le procès s'engagea de nouveau
à Home devant le pape, puis à Constantinople devant l'empe-
6 7
reur le suspect fut reconnu innocent
: et son seul crime était ,

d'avoir osé combattre les schismatiques de son diocèse.


Paulus n'en avait pas moins été condamné en Numidie par
l'assemblée des évêques catholiques 8 Nous ne connaissons pas .

1) Epist., VI, 61. — Cf. VI, 34. 6) Epist., VI, 59 et 61; VU, 2; VIII,
2) Epis t., 59; VII,
VI, 2. 13 et 15.
3) Epist., IV, 32 et 35 ; VI, 59. 1) Epist., VIII, 13 et 15.
4) Epis t., VI, 59. 8) Epist., VI, 59; VII, 2.
5) Epist., VI, 59.
436 LE DONATISME

les considérants de la sentence. Mais il est étrange que le seul


acte connu de ce concile de 596, le dernier concile connu où il
soit question du schisme africain, soit une excommunication
lancée par des évêques catholiques, intimidés ou complices,
contre un des leurs, un innocent, victime des rancunes dona-
tistes.
CHAPITRE IV

L'ÉPIGRAPHIE DONATISTE

Intérêt et difficultés de l'épigraphie donatiste. — Premier groupe de documents.


— Inscriptions qui reproduisent le cri de guerre des schismatiques africains. —
Diversité des monuments où se lit le Deo laudes. —
Pilastres sculptés, piliers,
linteaux, et autres fragments d'architecture. —
Bagues. —
La devise des schis-
matiques et chrisme.
le —
Documents plus complexes où figure la même
acclamation. —
Le Deo laudes précédé d'une invocation au Christ. La for- —
mule Deo laudes dicamus sur des linteaux de porte. —
La formule Deo laudes
agamus. — Variantes de ces formules. —
Le Deo laudes dans la dédicace d'un
baptistère donatiste. —
Réponses des Catholiques au cri de guerre des schisma-
tiques. — La formule Deo gralias sur un chapiteau de Bagaï. —
La formule
Deo gralias agamus sur la clef d'arc d'une abside de basilique.

Aux Actes des conciles, aux documents historiques ou litté-


raires de tout genre, qui nous permettent de reconstituer en
grande partie l'histoire du Donatisme, on doit joindre aujour-
d'hui une curieuse série de documents épigraphiques. Les pierres
elles-mêmes nous content à leur façon, sinon l'histoire de
l'Église schismatique africaine, du moins ses aspirations, ses
haines, ses naïves prétentions. Souvent l'épigraphie nous ren-
voie le double écho des discussions et des querelles qui, aux
temps d'Optat ou d'Augustin, passionnèrent les deux Eglises
rivales aux pierres donatistes répondent encore aujourd'hui
:

des pierres catholiques.


Donc, on a découvert dans l'Afrique du Nord, surtout dans
la région qui correspond à l'ancienne Numidie, un assez grand
nombre de fragments d'architecture et d'autres monuments
archéologiques, où se lisent des inscriptions qui intéressent
directement l'histoire du Donatisme. Les trouvailles de ce
genre se sont multipliées depuis quelques années; plusieurs
sont toutes récentes. Désormais, dans l'épigraphie chrétienne
du pays, si riche et si variée, on doit distinguer un domaine à
part, presque inconnu jusqu'ici l'épigraphie donatiste ou anti-
:

donatiste.
Il est inutile d'insister sur l'intérêt historique tout particu-
lier de cette classe de documents originaux, contemporains des
438 LE DONATISME

faits,témoins irrécusables des passions et des querelles reli-


e
gieuses, de la psychologie des chrétiens d'Afrique au iv ou
au v e siècle. Grâce à ces modestes inscriptions, la voix
d'humbles fidèles des deux Églises rivales arrive jusqu'à nous
sans altération ni intermédiaire nous entendons, répercutés :

sur la pierre, les propos populaires et quotidiens, où se


résument les aspirations et les griefs des schismatiques, comme
les répliques de leurs adversaires. C'est là vraiment de L'his-
toire, et de la plus authentique, de la plus vivante une his- :

toire écrite au jour le jour, inconsciemment, par ceux-là mêmes


qui la font.
Mais l'étude de cette épigraphie donatiste présente autant de
difficulté que d'intérêt. Là, comme ailleurs, on n'arrive à des
résultats solides, que si l'on se résigne à beaucoup ignorer.
Sans doute, d'assez nombreuses inscriptions chrétiennes, trou-
vées en Afrique, sont sûrement donatistes celles où l'on relève :

des formules particulières aux schismatiques africains. D'autres


sont très probablement donatistes celles qui traduisent les :

prétentions et les espérances chères aux dissidents. Mais beau-


coup d'autres, qui peuvent être donatistes, ne nous livrent pas
leur secret. On ne saurait aujourd'hui délimiter exactement ce
domaine épigraphique, en raison des caractères propres au
schisme africain, qui est toujours resté un schisme sans deve-
nir une hérésie, et qui a conservé sur bien des points les tradi-
tions catholiques. A plusieurs reprises, au cours du iv siècle,
e

et jusqu'au début du v
e
l'Eglise donatiste prit une
,
extension
extraordinaire dans le pays numide, de l'aveu même de ses
:

adversaires, elle l'emportait sur l'Eglise catholique par le nom-


bre des fidèles Donc, selon toute apparence, la moitié des
1

inscriptions chrétiennes de cette période, qui ont été décou-


vertes en Numidie ou dans les districts voisins, ont été gravées
par les dissidents ou pour eux. Mais ces dissidents avaient
gardé toute l'organisation traditionnelle de l'Eglise locale, l'an-
cienne liturgie, et jusqu'aux formules d'épitaphes. Aussi, dans
la plupart des cas, nous n'avons aucun moyen de distinguer
les dédicaces ou les tombes des deux partis, pas plus que nous
ne pouvons distinguer leurs basiliques. C'est seulement par
exception que les documents épigraphiques du Donatisme
trahissent leur origine sectaire.
Heureusement, les exceptions ne sont pas rares. Nous pou
vons donc reconstituer, dans une certaine mesure, le domaine

1) Collât. Carthag., I, 165 ; Augustin, Epist. 129, 6.


DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 439

de l'épigraphie donatiste. Nous y distinguerons quatre groupes


de documents, dont chacun doit être étudié à part 1° les ins- :

criptions, sûrement donatistes, où figure la devise des dissi-


dents 2° une riche série d'inscriptions monumentales où s'ex-
;

priment les aspirations et les rancunes donatistes, avec une


série parallèle de documents catholiques qui contiennent au-
tant de réponses aux prétentions des sectaires; 3° les inscrip-
tions relatives aux martyrs de l'Eglise dissidente; 4° les épita
phes de Donatistes.
Le premier groupe, très nettement caractérisé, comprend les
inscriptions qui reproduisent, isolément ou dans une formule
plus complexe, la devise des Donatistes Deo laudes. De cette:

devise, les violents du parti, surtout les Circoncellions, avaient


fait un cri de guerre, qui terrorisait les campagnes. Augustin
parle souvent de l'épouvante que répandait en Afrique cette
farouche clameur. Il dit, par exemple, aux schismatiques :

« Pour combien de gens le Deo laudes de vos bandes armées a

été une cause de deuil!... Votre Deo laudes est plus redouté que
la trompette de guerre »'. Quand Macrobius, son collègue
dissident, fit son entrée triomphale à Hippone vers 409,
Augustin nous montre les chefs et les bataillons des Circoncel-
lions escortant l'évêque, et « hurlant au milieu des cantiques
leur refrain Deo laudes, refrain qui dans tous leurs brigandages
avait été leur clairon de bataille » a L'autre parti avait aussi sa
.

devise au Deo laudes des Donatistes répondait le Deo grattas


:

des Catholiques. Augustin oppose nettement les deux formules :

« Plût à Dieu, dit-il, que les Circoncellions fussent réellement

les « soldats du Christ », et non les soldats du Diable On !

redoute plus leur Deo laudes que le rugissement du lion. Et


pourtant, ils osent nous insulter, parce que nos frères, pour
saluer quelqu'un, disent Deo grattas... Vous riez de notre Deo
grattas mais votre Deo laudes fait gémir les hommes )>\ On ne
;

saurait être plus expliciteil est certain que, dans l'épigraphie


:

ou du v e la formule Deo grattas indique


africaine du iv e siècle ,

un document catholique, et la formule Deo" laudes un document


donatiste.
Or le Deo laudes des schismatiques se lit sur une vingtaine
de monuments, qui ont été trouvés surtout en Numidie, parfois
en Sitiflenne, et dont plusieurs datent sûrement du îv" siècle.
La plupart de ces monuments sont des fragments d'architecture,

1) Augustin, Contra litleras Peliliam, 2) Epist, 108, 5, 14.


II, 65, 146: 84, 186. 3) Enarr. in Psalm. 132, 6.
440 LE DONATISME

qui proviennent évidemment d'édifices don.itistes : pilastres


sculptés, piliers de basilique, linteaux de porte, claveaux ou
clefs de voûte, pierres quelconques dont on ne peut déterminer
aujourd'hui la destination. La devise donatiste se lit aussi sur
des objets d'un caractère très dillerent, comme des chatons de
bague. Il est évident que cette devise fut très populaire dans
l'Église schismatique. Elle était le signe de ralliement du
parti elle jouait un rôle dans la décoration des basiliques ou
:

des chapelles, jusque dans la vie privée et la toilette des dévots.


Sur quelques monuments, la formule Deo laudes se présente
seule, sans autre inscription ni symbole par exemple, sur un :

et sur une
1

pilier d'Henchir Gosset (au Sud-Ouest de Tebessa) ,

pierre d'Aïn Mtirschu (région de Khenchela), où sont simple-


ment sculptées deux rosaces au-dessous de l'acclamation
donatiste La devise se montre encore isolée sur des bagues
2
.

de bronze, conservées à Constantine, qui ont peut-être servi


d'anneaux et de cachets à des évêques dissidents. Une de ces
bagues, trouvée dans le Ferdjioua, entre Milev et Cuicul, porte
en deux lignes, sur un chaton carré, l'inscription complète
Deo laudes Une autre bague, de provenance incertaine,
3
.

présente en abrégé la même formule D(e)o laad(e)s


k
Ces deux
: .

mots étaient si éloquents pour les dévots de la secte, que toute


addition et tout commentaire leur semblaient superflus.
Ailleurs, la accompagnée d'un mono-
devise donatiste est
gramme constantinien, présence permet d'attribuer
dont la
l'inscription au iv e siècle. C'est le cas pour de beaux pilastres que
l'on conserve aujourd'hui à Khenchela (l'ancienne Mascula),
et qui proviennent sans doute des ruines de Cedias ou de
Bagaï. Ces pilastres, hauts de deux mètres environ, sont riche-
ment sculptés sur les trois faces. La décoration comporte des
cadres rectangulaires, des rosaces, des cercles concentriques,
des arcades, des rameaux, des fleurons et des couronnes, des
ampoules, des quadrupèdes, des poissons et des colombes;
enfin, un grand monogramme constantinien au-dessus de l'ins-
cription Deo laudes*. Ce sont les restes d'un somptueux
monument probablement une basilique, qui devait
donatiste.
être antérieure au temps d'Augustin.
D'autres documents épigraphiques de Numidie nous montrent
le Deo laudes associé à d'autres formules. Telle est l'inscription,

1) C. /./.., VIII, 2040. 1 Vars, Recueil de Constantine, t.

2) Ibid., VIII, 11768. W\ll (1898), p. 352, n. 207.


3) Ibid., VIII, 22653, 10; Besnier [et 5) C. /. L., VIII, 2223 ; 17718 ; 17732.
Hlaochet, Collection Farges, p. 65, n. 36.
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 441

du comme les précédentes, qui est gravée sur la clef


iv e siècle
d'un arc, dans les ruines d'une basilique, à Henchir Bou-Saïd
(entre Tebessa et Khenchela). Ici, comme sur les pilastres de
Mascula, de Cedias oudeBagaï, un monogramme constantinien
se dessine au-dessus du Deo laudes; mais le chrisme est flanqué,
à droite et à gauche, de deux B, abrégé de la formule B(onis)
Quelquefois, le monogramme chrétien est remplacé
1
b(ene) .

par une invocation au Christ, exprimée et gravée en toutes


lettres sur une pierre découverte à Djemma Titaya (entre Ain
:

Beïda et Khenchela), le Deo laudes est précédé de l'invocation


« In nomine [Ch]risti Fi[l]i (De?) 3
».

. Parfois, au lieu de s'associer à d'autres formules, la devise


donatiste se développe elle-même, par l'adjonction d'un verbe,
commedicamits ou agamus, qui en complète eten précisele sens.
Sur un linteau de porte trouvé à Bir-es-Sed (auS.-O.de Tebessa),
on voit au milieu de la face un grand monogramme constan-
tinien, qui occupe toute la hauteur de la pierre; aux deux bouts,
une rosace adroite et à gauche du chrisme, sur deux lignes où
;

la plupart des lettres sont retournées et où l'écriture change de


sens, l'inscription « Deo laudes dicamus » Même formule sur 3
.

une grosse pierre de Medfoun (route d'Ain Beïda à Constan-


tine) \ Un monument de Dalaa (entre Mascula et Theveste) pré-
sente la variante « Deo laudes agamus » 5 L'une ou l'autre de ces .

formules figurait sans doute dans un document plus complexe


que l'on vient de découvrir à Henchir El-Atrous (au S.-O. de
Tebessa, près de Tellidjen), dans les ruines d'un petit bâtiment
à piliers carrés et pilastres sculptés. Sur l'un des piliers, dans
un cadre, à la suite d'un monogramme constantinien enfermé
dans un cercle, est grossièrement gravée une inscription du
iv e siècle, en sept lignes, très difficile à déchiffrer et de lecture
incertaine, mais qui contient sûrement le Deo laudes".
Plusieurs documents africains, sans reproduire textuellement
la devise donatiste, paraissent y faire allusion ou la paraphra-
ser. On observe notamment la substitution de Dominus à Deus.
A Vallis Roumie, en Tripolitaine, dans des ruines d'édifices
chrétiens, on a lu sur une pierre « [D]o[mi]ni [la]udes ca[7i]a-
[mus'l] »; et, sur un pilier, « Dei Domini justi [laudes cana-
mus?] y>\ Un claveau récemment découvert dans une petite

1) Bull, des Antiquaires de France, 4) C. 1. L., VIII, 18669.


1909, p. 210. 5) Ibid., VIII, 2308 et p. 950.
2) Toutain, Bull. arch. du Comité des 6) Bull, des Antiquaires de France
travaux historiques, 1894, p. 85, n. 4. 1909, p. 31.3.

3) C. I. L., VIII, 10694. 1) C. I. L, VIII, 10969.


442 LE DONATISME

chapelle, à Henchir Bekkouche (au sud de Tebessa), porte la


dédicace suivante, au-dessous d'un monogramme constantinien
accosté de l'a et de l'w « Maximinus cum suis votum solverunt.
:

Laude{s) D(o)m(i)n(o) »'. Ces documents-là, sans être franche-


ment donatistes, semblent trahir
une influence sectaire.
De tous les monuments où figure le Deo laudes, le plus
curieux est sans doute un linteau de porte trouvé à Sillègue
{Nocar...) en Silifienne. On lit sur ce linteau l'inscription sui-
vante, malheureusement incomplète « Deo laudes super au uas :

a No[varensibus?...y La formule super aquas nous renseigne


.

sur la destination du monument. Elle est empruntée à la Bible,


soit à un verset de la Genèse « Spiritus Dei ferebatur super :

aquas à un verset des Psaumes


3
», soit « Vox Domini super :

aquas, Dominus super aquas multas »\ Ce dernier verset a été


fréquemment cité dans les polémiques africaines relatives au
baptême, et souvent gravé sur des bénitiers On ne peut douter '.

que l'inscription du linteau de Sillègue ait été placée au-dessus


de la porte d'un baptistère donatiste.
Ainsi, la devise des schismatiques africains se lit encore
aujourd'hui surnombre de monuments archéologiques, sur des
fragments d'architecture provenant de basiliques ou autres
édifices du culte dissident. Elle s'étalait souvent jusque sur des
façades, sur des linteaux de porte, au-dessus de l'entrée des
sanctuaires. Dans bien des localités, elle affirmait aux yeux du
passant l'existence d'une communauté du parti de Donat, prou-
vait que ce parti restait puissant malgré les lois de proscrip-
tion, et semblait un défi aux lidèles de l'Église officielle. Le
clergé catholique a parfois relevé le défi, en opposant devise à
devise nous en avons la preuvesur d'autres monuments. Dans
:

les ruines mêmes de Bagaï, l'une des villes saintes du Dona


Usine où l'évèque Donatus et ses Circoncellions osèrent tenir
1

',

tête aux troupes d'un comte d'Afrique 1 où plus tard les schis ,

matiques se ruèrent si souvent sur leurs adversaires dont un


jour ils assommèrent l'évèque on a découvert un chapiteau où 8
,

se lit la devise des Catholiques Deo gratias*. A Henchir-Bou-


^lïd (à l'Ouest de Tebessa), où nous avons signalé plus haut une
clef d'arc présentant l'acclamation donatiste avec le mono-

1) Bull, des Antiquaires de France, 6) Augustin, Enurr. Il in Psalm. 21 >

p. 268. 26.
2) C. 1. L., VIII, 20482. 7) Optât, III, 4.
3 Henes., I, 2. 8) Augustin, E^sl. 185, 7, 27; Contra
4) Psa/m. 28, 3. Cresconiurn, III, 43, 47.
Bull, des
r
.
.) Antiquaires de France, 9) C. /. L., VIII, 2292.
1902, p. 291 -2'.u.
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 443

gramme constantinien et la formule Bonis bene, on vient de


trouver une autre clef d'arc, provenant celle-là de l'abside d'une
église officielle, et portant une dédicace où figure la devise
catholique. Voici cette inscription, qui est gravée sur huit
lignes, en caractères réguliers, et qui parait dater également
du iv e siècle Votum complelum. Deo gratias agamus. Ex
: «

officinà Fortuni et Victoris filin*. Dans cette petite ville de


Numidie, comme en bien d'autres sans doute, chacun des deux
partis possédait sa basilique et y avait gravé sa devise. Notons
encore que le Deo gratias agamus des Catholiques d'Henchir
Bou-Saïd correspond exactement au Deo laudes agamus des
2
Donatistes de Dalaa Nous avons là un exemple frappant de ce
.

curieux parallélisme des formules rivales, que nous aurons


bien souvent à constater un mot changé dans une devise,
:

laudes au lieu de gratias, et c'était une raison suffisante pour se


haïr mutuellement, quelquefois pour s'entr'égorger.
On voit que ces humbles inscriptions, pieusement recueillies
par archéologues, contribuent à éclairer l'histoire de
les
l'Afrique chrétienne aux temps d'Optat ou d'Augustin. Toutes
paraissent dater de la période où le Donatisme dominait en
Numidie et dans les régions voisines, c'est-dire du iv e siècle ou
des premières années du v e le fait est certain pour tous ceux
;

des documents où se dessine le monogramme constantinien.


Ces monuments où se lit tantôt la dévise des dissidents, tantôt
celle des Catholiques, ne relèvent pas seulement de la curiosité
archéologique; ils sont les témoins les plus fidèles, les plus
irrécusables, des querelles religieuses de ces temps-là, les inter-
prètes les plus sûrs de la psychologie des foules. Ils nous trans-
mettent, toute vive, l'impression de la réalité historique. Ils
nous aident à comprendre les âmes, en nous montrant com-
ment la guerre entre les deux Eglises africaines se poursuivait
jusque dans les asiles de la prière et de la foi, jusque sur les
murs, les piliers et les chapiteaux, les portes et les façades des
basiliques.

II

Autres inscriptions monumentales, relatives aux polémiques donatistes. Protes- —


tations des schismastiques contre les persécutions. —
Versets des Psaumes, —r
Versets de saint Paul. —
Réponses des Catholiques éloge de la paix religieuse
:

et de l'unité de l'Eglise. —
Orgueil des Donatistes les « Purs •>, les « Saints »,
:

les « Justes ».— Verset des Psaumes addition qui trahit la main d'un schis-
:

matique. —Nom de « Saints » donné aux fidèles dans des dédicaces. Glori- —
1) Bull, des Antiquaires de France, 2) C. 1. L. t VID, 2308 et p. 950.
1909, p. 215.
444 LE DONATISME

fication du « Juste » dans des inscriptions de Numidie. —


Interprétation sectaire
d'un verset de saint Paul. —
Adaptations donatistes de la formule Bonis bene.
— Réponses des Catholiques aux « Saints » et aux « Justes » de l'Eglise schisma-
tique. — Les « pécheurs de Gedias ». —
Documents relatifs à la liturgie dona-
tiste. — La Noël. —
Le baptême. —
Réponse des Catholiques. — Documents
relatifs aux querelles des deux partis. —
La confiscation des basiliques dona-
tistes et la dédicace d'un sanctuaire des Apôtres à Ain Ghorab. — Mention de
YEcclesia Catholica dans des inscriptions de Thagaste, de Ksar El-Kelb, de Tipasa.

Donatistes et Catholiques africains ne se contentaient pas de


répéter à satiété leurs devises, et de les graver sur les murailles
de leurs édifices ou sur les chatons de leurs bagues. Ils aimaient
tant à exposer leurs principes et leurs griefs réciproques, qu'ils
ont fait souvent à la pierre ou au marbre la confidence de leurs
idées directrices, de leurs prétentions, de leurs espérances et
de leurs rancunes. Un second groupe de documents épigra-
phiques, qui n'est ni le moins riche ni le moins curieux, com-
prend les inscriptions monumentales, donatistes ou antidona-
tistes, qui nous onttransmis l'écho de ces débats interminables,
toujours renouvelés et toujours passionnés, entre les clercs ou
les fidèles des deux Églises rivales.
Dans ces polémiques sur pierre, qui se sont poursuivies en
Afrique pendant plusieurs générations, deux méthodes ont été
simultanément en usage la controverse directe, à coups de
:

formules ou d'acclamations; la controverse indirecte, à coups


de textes bibliques. Dans le premier cas, le rédacteur de l'ins-
cription reproduisait une des maximes traditionnelles de son
Eglise, ou s'ingéniait à trouver une formule expressive et courte
qui pût traduire les sentiments de son parti. Dans le second
cas, il cherchait un verset de l'Ecriture, qui fût l'expression
exacte de sa pensée, de sa prétention ou de sa haine; parfois,
des variantes ou des interpolations caractéristiques trahissent
l'intention du sectaire. Les Catholiques, retenus sans doute par
un scrupule, voyant peut-être une sorte de profanation dans ces
interprétations trop visiblement intéressées des livres sacrés,
ont employé de préférence la méthode directe. Les dissidents,
au contraire, aimaient à accabler leurs adversaires sous le
poids des textes bibliques. Ce trait de l'épigraphie des Dona-
tislesse retrouve, nettement accusé, dans tous les ouvrages de
leurs polémistes, dans les Actes de leurs conciles, dans tout ce
qui nous reste de leur littérature. Ecraser l'ennemi sous un témoi-
gnage vin, le percer avec une arme empruntée à David ou à
il i

saint Paul, c'était faire d'une pierre deux coups: c'était attester
son respect de l'Ecriture en l'opposant aux mécréants, c'était
mériter le Paradis en frappant ici-bas les complices du Diable.
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUÉS 445

Ces citations bibliques des pierres africaines peuvent laisser


indifférent le touriste non averti, ou même l'archéologue qui
les copie sans en pénétrer le sens et l'intention pour l'histo-
;

rien qui cherche l'âme des choses, elles sont la traduction


vivante et vibrante de sentiments profonds, du fanatisme ou
de l'esprit de paix, de la rancune ou de la charité, d'une passion
féroce ou d'une mansuétude évangélique. Elles ont joué dans
l'Afrique chrétienne du iv e ou du v siècle le même rôle que les
e

versets du Coran transcrits dans les mosquées aux jours des


conquêtes de l'Islam.
Les thèmes de cette épigraphie polémique ne sont pas très
variés. Et cela n'a rien de surprenant. De par leur destination
même, ces inscriptions étaient d'inspiration populaire et visaient
la foule, qui toujours aime à simplifier les choses elles se rap-
:

portent donc aux trois ou quatre idées fondamentales qui


séparaient les deux Eglises. Les Donatistes persécutés protestent
naturellement contre la persécution, maudissent leurs ennemis,
affirment leur confiance dans la protection divine les Catho-
;

liques justifient l'appel au pouvoir séculier en faisant l'éloge de


la paix religieuse et de l'unité. Les Donatistes, qui se croyaient
les seuls « justes »,qui prétendaient au monopole de la pureté
et de la sainteté, glorifient le « Juste », vantent la pureté, s'at-
tribuent le titre de « Saints » les Catholiques, plus modestes
;

dans leurs professions de foi, en vertu de leurs principes


mêmes, se qualifient de « pécheurs », reconnaissent la faiblesse
de l'homme, et recommandent la pénitence. Sur les pierres,
comme dans leurs débats quotidiens, les deux partis se repro-
chent mutuellement leurs violences, et affirment également
leur prétention d'être la véritable Eglise « catholique ». Enfin,
quelques inscriptions se rapportent à la liturgie donatiste et
aux controverses sur le baptême.
Desdocuments assez nombreux contiennent des protestations
directes ou indirectes contre la persécution, des malédictions
contre les ennemis de l'Eglise. Ici se pose une question préju-
dicielle en l'absence d'un indice certain, quelle raison a-t-on
:

de supposer une origine donatiste ? Considérées en elles-mêmes,


abstraction faite de l'aspect architectural, paléographique ou
philologique du monument, beaucoup de ces protestations
pourraient convenir soit aux chrétiens du m siècle persécutés
parles païens, soit aux Catholiques de la période vandale tra-
qués par les Ariens, soit à des hérétiques de la période byzan-
tine. Mais, dans la plupart des cas, l'examen critique du monu-
ment contredit aussitôt ces hypothèses. D'abord, plusieurs docu-
446 LE DONATFSME

ments sont sûrement contemporains des persécutions contre le


Donatisme, comme ceux qui contiennent un monogramme
constantinien et qui appartiennent par conséquent au iv e siècle;
d'autres trahissent une main donatiste, comme ceux qui repro-
duisent des leçons de vieux textes bibliques africains, textes
conservés seulement par les schismatiques depuis le temps
d'Augustin. En outre, d'après la paléographie des inscriptions,
d'après les caractères architecturaux des basiliques où elles ont
été trouvées, on ne peut douter que la plupart des documents
de ce groupe datent du iv e ou du v e siècle. On a donc tout lieu
de croire qu'ils sont les témoins de la lutte séculaire entre Dona-
tistes et Catholiques.
Ce n'est pas à dire que toutes
les protestations relevées sur
les pierres africainespuissent être attribuées aux Donatistes.
11 y a des exceptions. Sans doute, on peut écarter sans hésita-

tion la première des hypothèses indiquées plus haut, celle de


protestations contre les persécutions païennes aucune de ces :

inscriptions ne peut être antérieure à la paix de l'Église. D'ail-


leurs, ces documents proviennent d'édifices chrétiens, et c'est
seulement vers la fin du e
m
siècle qu'apparaissent en Afrique
les premières basiliques. Mais les autres hypothèses sont moins
invraisemblables il est possible, et même probable, que plu-
:

sieurs des documents en question émanent soit de Catholiques


persécutés par les Vandales ariens, soit d'hérétiques traqués
sous la domination byzantine. En voici un exemple. On a
trouvé à Carthage, dans la région de Douar-ech-Chott, un lin-
teau de porte où est gravée cette paraphrase d'un verset des
Psaumes « [F]ac nobhcu(m),
: D(omi)ne, signum D(c)i, ut
vid[e]ant qui[m]e oderunl, et confundantw »'. Le sentiment
qui a dicté le choix de ce verset conviendrait parfaitement à
des Donatistes du temps d'Augustin; mais, au centre du lin-
teau, dans un cercle, se dessine une croix pattée, et sur les bras
de cette croix sont disposés des sigles qu'on interprète « Av(e), :

s(ancta) C(rux), n(o$tra) l(ux) ». A en juger par la forme de la


%

croix, le monument ne semble pas antérieur à la lin du


V e siècle il a pu être
: exécuté soit par des Catholiques sous la
domination vandale, soit par des hérétiques ou des schisma-
tiques au temps des Byzantins. Sur deux ou trois autres docu-
ments de cette catégorie, on relève aussi quelque indice d'une
origine postérieure, surtout des croix grecques.
Mais ce sont là des exceptions. Presque toujours, les carac-

1) Psaim. 85, 17.


2)Delattre,C. R.del' Acad. des lnscript., 1894, |>. 101.
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 447

tères paléographiques nous reportent au iv e siècle ou au début


du v e Parfois, la présence d'un chrisme de forme ancienne
.

confirme pleinement cette indication. Par exemple, sur un


cippe quadrangulaire qu'on a découvert dans les ruines d'une
basilique à Henchir El-Hammam (au Sud de Guelma), et qui
était placé sans doute près de l'autel, on lit « In Cristo persé- :

vères. Pater dat panem 1


persévérer dans le
». Cette invitation à «
Christ » s'accorde tout à avec
doctrine donatiste; or elle
fait la
date du iv e siècle, comme en témoigne le monogramme constan-
tinien qui la termine. D'autres inscriptions du même groupe,
d'après la forme du chrisme qui les accompagne, appartiennent
à la même
période ou ne sont guère postérieures. D'autres,
enfin, peuvent être rapportées à la même époque d'après les
éléments décoratifs dé l'édifice dont elles faisaient partie. Bref,
l'étude critique des documents épigraphiques où l'on relève
une protestation contre la persécution, conduit à cette conclu-
sion que ces documents, sauf de rares exceptions, ont été gra-
vés pendant la période de grande extension du Donatisme,
dont ils portent la marque.
En plusieurs endroits, c'est par des versets des Psaumes que
s'exprime la protestation des schismatiques. Sur deux blocs de
pierre de Sitifi, des persécutés de la veille rendent grâces à
Dieu qui les a délivrés de leurs ennemis « Exalta te, Do(mi)ne, :

quia suscepisti ??ie, et non jucundasti inimicos meos super me'- ».


Ailleurs, des dévots proclament qu'ils ont foi dans le secours
de Dieu et ne redoutent pas les hommes. On voit au Musée du
Louvre un petit panneau en pierre, qui provient d'Aïn
Fakroun (région d'Aïn Beïda) Ce panneau, orné d'une croix, 1
.

percé de deux baies en forme d'arcades que sépare une colon-


nette, était sans doute une fenestella confessionh, placée dans
le soubassement d'un autel, en avant du reliquaire. On y lit :

« In Deo sperabo; non timebo quid mi(c)hi faciat homo* ». Le


même verset, mais plus complet, est gravé sur un chapiteau
découvert tout récemment dans les ruines d'une chapelle chré-
tienne à Tocqueville (Thamallula). Deux des faces du tailloir
présentent des inscriptions. D'un côté, la dédicace « Bono :

presbitero Fausto suo, [cu]jus (in)stantia ec(c)iesia fabricata


e[st\ ». D'autre part, le verset « [In D]eo Laudabo verbu(m), :

in Deo lau[d\abo sermone(m); in Deo speravi, non timevo quit

{) Gsell, Bull. arch. du Comité des 3) Marbres antiques du Louvre, u.3016.


travaux historiques, 1896, p. 194, n. 110. 4) C. /. £., VIII, 18742. Cf. Psalm. 55,

2) C. /. L., VIII, 8623-8624. Cf. Psalm. 11.


29, 2.
448 LE DONATISME

mihi facial ». Le choix de ces citations bibliques est


(h)o??io
i

significatif dévots qui déclarent ne point redouter


: ces
l'homme, croyaient évidemment avoir à se plaindre des
hommes. C'est le langage qu'ont toujours tenu les Donatistes.
Plus souvent encore, c'est à saint Paul que l'on empruntait
l'expression du même sentiment. Un verset de YÉpître aux
Romains, qui résumait dans une formule énergique la con-
fiance en Dieu et le mépris des ennemis d'ici-bas, a été particu-
lièrement populaire chez les mécontents d'Afrique. C'est le
mot célèbre « Si Deus pro îiobis, guis contra nos*?*' ». On a
:

relevé ce verset sur toute une série de monuments découverts


en Proconsulaire, en Byzacène, en Numidie. Tantôt la formule
de saint Paul se présente seule par exemple, sur un disque de :

marbre gris qui a été trouvé dans le quartier de Douïmès à Car-


thage ou sur une pierre récemment signalée au bord du lac
3
,

de Tunis Un monument d'Ain Tellidjen (au S.-O. de Tebessa)


4
.

offre la variante « Si Deus pro nobis, nilmihi décrit* ». Tantôt


:

la fière devise de saint Paul se glisse dans un document plus


complexe. On lit sur un monument du Kef (Sicca Veneria),
sur les côtés d'une croix « [Si Deus pro nobi]s, quis contra
:

nosl... fundata labore* »; sur une corniche d'Henchir Khan-


guet-Reguiba (au S.-O. de Tebessa) « [Si Deus pro nobis, </u]is :

contra nos*? D{omi)n(u)s pascit me et n[ihil mihi décrit] » sur


1
;

une mosaïque des environs de Lamta (Leptiminus), où sont


représentés avec leurs noms (Geon, Fison, Tigris, Eufrates)
les quatre fleuves du Paradis « (H)ic of{f)icina Lauri. Plura :

facias, et meiiora (a)edi/[ice]s. Si Deus pr[o] nobis, quis contra


nos'? [Cuj)us nomen Deus scit bo[tu\m [so)lvit eu m suis ». ,
6

Tantôt, enfin, le verset de YEpître aux Romains se combine


avec un autre souvenir de saint Paul, comme sur un linteau de
porte d'Ain Gueber (au S.-O. de Tebessa) « Vide in Deu et :

i J
ambula. Si Deus pro nobis, quis adversus )ios ?' ». Le Vide in
Deu et ambula d'Aïn Gueber est une paraphrase d'un passage
de la seconde Epître aux Corinthiens « Per fidem ambula- :

». On vient de relever un souvenir du môme texte sur un


10
nuis

1) Osell, Bull. areh. du Comité des Ira- travaux historiques, 1891, p. 415, n. 156.
vaux- historiques, 1908, |>. ccxvi. 7) Bull, des Antiquaires de France,
2) Saint Paul, liomau., VIII, 31. 1901», p. 353. Ici —
le versel de saint

3) Delattre, Musée Lavigerie, III, p, 1^- Paul {Roman., VIII, 31) csl suivi d'un ver-
13; pi. III, 2. sel des Psaumes [Psalm. 22, 1).

4) Dolaltre,Bull. arch. du Comité des 8) C. /. /,., VIII, 11133.


travaux historiques, 1908, p. lxxix. 9) Ibid., VIII, 2218.
C. /. /,., VIII, 17610. 10) Saiul Paul, // Cor., V, 7.
6) Gauckler, Bull, arch du Comité des
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 449

autre linteau, orné d'une croix monogrammatique dans un


cercle, à Henchir Mohammed El-Bordji (près d'Ain Taga et de
la frontière tunisienne). On y lit ces mots « Fidein Deu,ct :

vales... »'. Ces divers datent pas de la même


monuments ne
période historique. Deux d'entre eux, qui présentent des croix,
ont dû être exécutés sous la domination des Vandales ou des
Byzantins. Mais la plupart appartiennent certainement au
iv e siècle ou au début du v e et doivent être l'œuvre des Dona-
,

tistes, pour qui la devise de saint Paul était une sorte de défi
aux Catholiques persécuteurs.
C'est toujours un rôle ingrat que celui de persécuteur, ou
d'allié des persécuteurs. Les Catholiques africains le compre-
naient, et ne manquaient pas une occasion de justifier leurs
appels au pouvoir séculier ou l'intervention spontanée des
empereurs et des gouverneurs romains, les lois et les mesures
de coercition contre les schismatiques. C'est l'un des thèmes les
plus familiers aux polémistes catholiques de cette période. On
alléguait la nécessité de rétablir ou de maintenir l'unité de
l'Église africaine, on faisait l'éloge de la paix religieuse. Ces
mots de paix et d'unité reviennent sans cesse dans les ouvrages
d'Optat et d'Augustin. A l'un des livres de l'évèque d'Hippone,
on a même donné ce titre, d'ailleurs conventionnel De unitate :

Kcclesiae''. En 417, parlant de la conversion de nombreux Dona-


tistes et du rétablissement de l'unité, Augustin emploie cette
formule expressive et pittoresque « Pax catholica cucurrit et
:

currit » \ Plus loin, il ajoute « Paris atque unilatis Christi pau-


:

latim doctrina crescebat » \ Dans l'Afrique du iv e siècle, on


avait si souvent répété ces formules, que le mot pax avait fini
par prendre un sens particulier, très différent du sens qu'il a
dans les épitaphes il était devenu l'équivalent à'anitas. Il dési-
:

gnait l'unité du christianisme local, représenté exclusivement


par l'Église catholique dans le langage des polémistes africains
:

du temps, la « paix », la a paix du Christ », la « paix catho-


lique », comme dit Augustin, c'était l'unité religieuse, l'unité
catholique, maintenue ou rétablie par la proscription du
schisme. Or, ces expressions se rencontrent dans une série
d'inscriptions monumentales de cette période, où le mot pax a
évidemment le même sens que dans les ouvrages et les lettres
polémiques d'Augustin.
L'éloge de la paix religieuse ainsi entendue apparaît dans

1) Bull, des Antiquaires de France, 3) Augustiû, Epist. 185, 3, 14.


1909, p. 234. 4) Epist. 185, 4, 15.
2) Patrol. lut. de Mignc, t. 43, p. 391.

IV 29
450 LE DONATISME

l'épigraphie catholique de la contrée dès les premières années


de l'histoire du Donatisme. Témoin les inscriptions sur mo-
saïque de la basilique d'Orléansville (Castellum Tingitanum),
basilique qui, d'après la dédicace, a été construite en 324 \ Sur
le sol du bas-côté de gauche, on lit : «Semperpax »'. Non loin
de en face de l'entrée, un carré enfermé dans un labyrinthe
là,

est couvert de lettres combinées de telle sorte qu'elles répètent


en tout sens les mots « Sancta Ecc/esia ». Il suffit de rappro-
:
3

cher les deux inscriptions pour saisir l'intention de l'évêque


qui a inspiré l'architecte ou le mosaïste cette « paix » que le :

dallage recommande aux fidèles, ce n'est pas seulement la paix


chrétienne, la paix évangélique, c'est encore et surtout la
« paix de l'Eglise », gravement compromise par les schisma-

tiques du pays.
Dans une autre localité de Césarienne, à Kherba (Tigava),
voici une inscription analogue, presque contemporaine des
précédentes « Hic pax (Christi) (a)eterna moretur* ». Cette
:

inscription est gravée sur un linteau de porte, qui devait sur-


T,J
monter l'entrée d'une église. Elle appartient au i\ siècle; car
elle encadre un monogramme constantinien. On doit sans
doute en fixer la date vers 375. En effet, elle semble de peu
postérieure à la révolte de Firmus. Une inscription métrique
sur mosaïque, trouvée en même temps et à côté, se rapporte à
la réparation d'un baptistère après la défaite d'un rebelle
[domito virtute rebelliy 11 s'agit probablement des dévasta-
.

tions commises dans cette région par Firmus, allié des Dona-
tistes. Si l'interprétation est juste, l'inscription gravée sur le
linteau de Tigava serait une protestation directe contre les
violences des schismatiques, complices du rebelle.
En Proconsulaire, et surtout en Numidie, on a relevé des
acclamations du même genre sur des fragments d'architecture.
Une pierre de Mateur, architrave ou linteau, présente l'inscrip-
tion suivante au-dessous d'une palme « Pax Dei Pa/ris* ». :

Dans la région de Theveste, qui fut longtemps un des centres


de résistance du Donatisme, on vient de signaler une série de
monuments où reparaît, comme un refrain, l'éloge de la paix :

« Hic pax in Deo », à Henchir Touta, dans les ruines d'une

basilique, sur un montant de porte qui est orné d'un mono-


gramme constantinien accosté de l'a et de l'w 7 « Pax Dei ;

1) C. I. /.., VIII, 9708. 5) C. /. /... Mil, 10946; 21497.


2) Ibid., VIII, 9712. 6) Ibid., VIII, 1214.
3) Ibid., VIII, 9710. 7) Recueil de Cons/anline, t. XLII
4) Ibid., VIII, 10947; 214'H. (1908), p. 216.
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 451

», à Henchir El Abiod, sur un ban-


{b)ona. Caritas s[an)c(t)i...
deau de pierre avec croix Toujours dans la même région, à
1
.

Aïoun Bedjen, au milieu des ruines dune chapelle, sur un


grand linteau de porte tout récemment découvert, entre deux
monogrammes constantiniens flanqués de l'a-w, se déroule
une curieuse inscription où le même souhait est plus large-
ment développé « JEcle[si]ae domn(s). In Deo vivitur. Fiat
:

pa[x i]n virtute tua, et abun\dantia i]n turribus tuis* ». La fin


3
de cette inscription est la reproduction d'un verset biblique .

Ici, la citation est tout à fait significative et accuse nettement


l'intention du rédacteur; car ce texte était l'un de ceux que les
polémistes catholiques opposaient volontiers aux schisma-
tiques. xVugustin dit, par exemple, dans une lettre où il combat
les Donatistes « Veniant : (Donatistae) fiât pax in virtute ;

Hierusalem, quae virtus charitas est; cui sanctae civitati dic-


tum est « Fiat pax in virtute tua, et abundantia in turribus
:

tuis (Psalm. 121,7). Non se extollant (Donatistae) adversus


»

maternam sollicitudinem quam pro ipsis et pro tantis populis,


4
quos decipiunt vel decipiebant, colligendis et habuit et habet ».
Le rapprochement est décisif, d'autant mieux que le document
d'Aïoun Bedjen, d'après la forme des chrismes, est contempo-
rain d'Augustin : dans l'inscription comme dans la lettre, la
citation biblique est évidemment une réponse aux Donatistes,
une invitation à accepter la paix catholique.
Un autre linteau, trouvé à Henchir Touta comme le mon-
tant de porte où on lit Hic pax in Deo, présente peut-être une
inscription encore plus significative : « D(e)i un{i)tate favente...
cr(e)scentes felices...-' ». Par malheur, le document est mutilé,
et la restitution n'est pas certaine . Si la lecture est exacte,
l'inscription aurait débuté par un appel à Vanité. Elle aurait
appartenu;! une église ou une chapelle restaurée, dans le cours
du iv e siècle ou au début du v°, pendant une des périodes dites
« d'unité » où le Donatisme fut proscrit expressément en vertu

des « édits d'union ».

Toutes ces inscriptions relevées sur des fragments d'archi-


tecture, provenant soit d'édifices donatistes, soit d'édifices
catholiques, sont la transcription monumentale des arguments
sans cesse reproduits par les deux partis dans leurs débats sans

1) Bull, des Antiquaires de France, 4) Augustin, Epist. 185, 10, 46.


1909, p. 226. 5) Recueil de Constanline ,
t. XLII
2) Recueil de Constantine,l.\LU(\m), (1908), p. 217.
p. 204. 6) On pourrait lire aussi : « Div(i)n(i)lale
3) Psalm. 121, 7. favente ».
452 LE DONATISME

fin, dans leurs conciles ou leurs conférences, dans leurs


ouvrages polémiques. Les pierres ne font que nous répéter ce
que chaque jour elles entendaient dire aux hommes. C'est
pourtant une surprise étrange de rencontrer aujourd'hui dans
des champs de ruines, parfois dans des régions complètement
désertes, sur des linteaux de porte ou autres débris de basiliques,
les arguments, les formules et les citations bibliques, que se
lançaient mutuellement à la tête Augustin et les Donatistes.
Sur les pierres de leurs églises, comme dans les traités de
Petilianus ou les lettres de Gaudentius, les schismatiques pro-
testent contre la persécution et invoquent contre leurs ennemis
le secours de Dieu. Sur d'autres pierres, comme dans les
ouvrages polémiques ou les lettres d'Augustin, les Catholiques
justifient les lois de répression et l'emploi de la force par la
nécessité de rétablir la paix religieuse et l'unité. Jamais on n'a
tant parlé de paix et d'unité qu'en ces temps de guerre et de
luttes intestines.
documents épigraphiques visent les principes
D'autres
mêmes de la doctrine et de la discipline donatistes. On sait que
les schismatiques africains considéraient leurs adversaires
comme des indignes. Ils prétendaient que les Catholiques
s'étaient souillés à jamais en livrant les Ecritures pendant la
persécution de Dioclétien, ou en se solidarisant avec les
traîtres, ou en acceptant leur héritage seule, l'Église de :

Donat était restée pure. Les dissidents croyaient donc détenir


le monopole de la pureté; cette idée est l'un des thèmes favoris
de leurs polémistes, un thème qui leur a valu bien des raille-
ries de la part d'Optat et d'Augustin'. Ici encore, l'épigraphie
africaine nous permet de saisir sur le vif cette étrange préten-
tion. On a trouvé à Henchir El-Guis (au S.-E. de Tebessa), dans
les ruines d'une chapelle, une pierre longue de deux mètres,
pilier ou montant de porte. En haut, dans un cadre carré qui
occupe toute la largeur de la pierre, est sculpté un grand
monogramme constanlinien accosté de l'a et de l'a). Au-dessous,
en six lignes, l'inscription suivante « Adfertc Dom(ino) mun- :

dum sacrificium, adferte D(o)m(ino) palriae gentium* » D'après


la forme du chrisme, cette inscription date delà fin du iv siècle

ou du commencement du v donc du temps d'Augustin el de


,

ses polémiques contre le Donatisme. A première vue, elle n'est


qu'une reproduction assez libre de deux versets d'un Psaume*.

1) Optât, II, 20; III. 10;V, 4-7; Augus- 2 C. I. /.., VIII, 106
tin, Contra lilteras Peliliani, I, 1, 2; 2, 3) Psalm. 95, 7-S.
;t; 4, 5; II, 2, 5; 3, 7; 4. 9; 5,11; etc.
DOCUMENTS ÉPIGRAPIHQUES 453

Mais un mot qui accuse nettement une intention


elle contient
sectaire un mot dont l'équivalent ne se trouve ni dans le
:

grec ni dans la Vulgate. Ce mot ne figurait pas non plus dans


les textes bibliques africains; il est inconnu de Tertullien, qui
C'est le mot mimdum, qui signifie « pur ». Or
1

cite ces versets .

cemot, comme
l'idée, est donatiste dans l'Afrique de ce ;

temps, il exclusivement donatiste. C'est précisément l'un


est
des points sur lesquels portaient les controverses entre les deux
partis. Suivant les Catholiques, tout sacrement était valable,
s'il était conféré régulièrement, même par un prêtre indigne.

Suivant les Donatistes, au contraire, la validité du sacrement


dépendait de la « pureté » de l'officiant. Pour exprimer cette
idée, ils employaient justement les mots mundus, munditia,
2
qui étaient pour eux des termes techniques Il y a donc, dans .

la citation biblique du monument d'Henchir El-Cuis, une inter-


polation sectaire. Cette interpolation, contemporaine des polé-
miques d'Augustin contre le schisme, est l'œuvre d'un Dona-
tiste presque sûrement d'un clerc, bien au courant des
,

controverses de son parti.


On connaît aussi l'orgueil des dissidents africains, qui
s'appelaient eux-mêmes Sancti, les « Saints ». Cette prétention
3
surprenante leur a attiré les sarcasmes d'Optat et d'Augustin .

Or, ce titre de Sancti se retrouve encore sur des monuments


du pays. Nous ne parlons pas, bien entendu, des innombrables
inscriptions où le mot sanctits est simplement le qualificatif
d'un saint, d'un martyr ou d'un évêque; mais de certains docu-
ments, d'inspiration sectaire, où le titre de Sancti est un titre
collectif et exclusif, désignant tous les fidèles d'une Église
qui est sûrement l'Église donatiste. A Henchir El-Ogla (un peu
au Sud d'Henchir El-Adjedj et au Sud-Ouest de Tebessa), on
vient de signaler les restes d'une basilique. L'arc triomphal
de l'abside était décoré d'une guirlande de vigne sculptée.
Sur la clef de cet arc, au-dessus et au-dessous d'un cercle
où se dessine une croix monograinmatique accostée de l'a et
de l'w, on lit l'inscription suivante « Sanctovum sedes. :

Dnmu(s) Domini, qui pure petita (ac)cipit '». Dans la formule

1) Tertullien, Adversus Judaeos, 5. nec vestra mundamur... lncerta erit


2) Par exemple, Petilianus de Conslantine accipienlis mundalio » (ibid., II, 2, 5 ;

disait des Catholiques, au début du grand 3, 7).


pamphlet dirigé contre eux « Quibus equi- : 3) Optât, II, 1 ; II, 14 et 20 ;
Augustin,
dem obscenis sordes eunctae mundiores Contra litleras l'eliliani, 20,44;
II, 48,
sunt, quos perversa munditia aqua sua 111-112; etc. — Cf. Collât. Carthag., III,

contigit inquinari » (Augustin , Contra 258.


litleras Petiliani, H, 2, 4). Augustin 4) Bull, des Antiquaires de France,
répond : « Nec aqua noslra inquinamur, 1909, p. 211.
454 LE DONATISME

initiale, les mots Sanctorum sedes, employés seuls, sans


noms de martyrs, ne peuvent désigner les « saints » au sens
ordinaire et catholique du terme. Il s'agit certainement des
« Saints » selon la doctrine sectaire, c'est-à-dire des fidèles
de l'Église donatiste. La fin de l'inscription confirme pleine-
ment pure petita, équivalent du mun-
cette interprétation : le

dum d'Henchir El-Cuis, est encore l'expression sectaire de ce


principe exclusif de pureté dont les schismatiques s'attri-
buaient le privilège.
Ce n'est pas, d'ailleurs, le seul monument où les Donatistes
soient appelés Sancti. A
Henchir Oum-Kif (Cedias, au S.-E. de
Mascula), on a trouvé récemment une pierre, qui a été utilisée
plus tard comme couvercle de sarcophage, mais qui primitive-
ment devait être placée près de la porte d'un sanctuaire. On y
lit cette curieuse inscription « [H]aec facilis palet aida Sanctis.
:

[In]grediens fabre faction parvis [o]pibus vic/ebis opus. Jam


pater [Se]cundus operam navavit. Si qui[s fa]ctu facile putarit,
1
[si] polis est, meli[us] faxit ». C'est la dédicace d'un sanctuaire
chrétien par un évêque nommé Secundus. Le mot aida désigne
l'atrium, la cour aménagée devant la basilique, ou l'édifice

tout entier. Le début de l'inscription signifie donc « Cette :

église est ouverte aux Saints », et, par suite, fermée aux pro-
fanes. Ces « Saints » ne peuvent être les Catholiques, qui n'ont
jamais prétendu à ce titre orgueilleux, et qui au contraire, sur
un autre monument de la même cité, s'intitulent humblement
les «pécheurs de Cedias » (Cedienses peccalores)\ Ces « Saints »
d'Henchir Oum-Kif, comme les « Saints » d'Henchir El-Ogla,
ce sont les fidèles de l'Église dissidente, les Donatistes. Rappe-
lons qu'on a découvert dans les ruines de Cedias un pilier
sculpté avec l'acclamation des schismatiques Deo laudes*.
Notons encore qu'au début du v" siècle, d'après un procès-
verbal officiel, il y avait à Cedias un évêque donatiste, nommé
4
Fortis, mais pas d'évêque catholique Les Donatistes étaient .

donc maîtres dans cette ville; ce qui explique l'arrogance de la


dédicace placée sur la façade de leur basilique.
Ces « Saints », ces « Purs » de l'Église dissidente, préten-
daient naturellement être les seuls « Justes » (Jusli), au sens
biblique du mot'. Aussi aimaient-ils à reproduire dans leurs
sanctuaires les versets de l'Ecriture qui exaltent les « Justes ».

1) Gsell, Bull, arch. du Comité des 4) Collât. Carthag., 1, 163.


travaux historiques, 1907, p. clxxxvi. 5) Augustin, Episl. 185, 9, 37-38:
2) C. I. L-, Mil, 2309; 17759. Contra lilteras Petiliani, II, 60, 147;
3) lbid., Mil, 2223. 67, 149-150: etc.
.

DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 455

Parfois, ils n'hésitaient pas à modifier le sens d'un texte sacré


pour le ramener un curieux exemple.
à leur doctrine. En voici
On a découvert à Constantine mosaïque, probablement
une belle
du iv e siècle, qui paraît avoir été encastrée dans le pavement
d'une chapelle. Elle a la forme d'un grand cadre carré, dont la
bordure est ornée d'une torsade. Intérieurement s'épanouit une
riche décoration de feuillages, dont les tiges sortent de quatre
vases disposés aux quatre angles. Au milieu du grand cadre,
une large couronne multicolore. Au centre de la couronne,
entre deux oiseaux et deux rameaux, un petit cadre rectangu-
laire qui enveloppe cette inscription « Justus sibi lex est »'.
:

C'est une allusion évidente à un passage de saint Paul « Ipsi :

sibi sunt lex »


2
Mais la formule ne peut avoir ici le même sens
.

que dans Y Epîlre aux Romains. En effet, dans le passage en


question, saint Paul explique que les païens honnêtes ne peuvent
être sauvés, parce qu'ils sont « à eux-mêmes leur loi ». Il est
inadmissible que, dans une église chrétienne, on ait voulu pro-
tester contre la doctrine de saint Paul, et promettre le salut
aux païens honnêtes. Donc, la formule a ici une autre signifi-
cation. On a ajouté le mot justus, qui ne figure ni dans la Vul
gâte ni dans les vieux textes africains, et l'on a joué sur le sens
du mot à l'idée du païen juste, on a substitué l'idée du juste
:

devant Dieu, qui est à lui-même sa loi. Or c'est là une idée


contraire à la doctrine catholique, et particulière aux Donatistes :

cette interprétation sectaire du mot de saint Paul équivaut à la


glorification du Juste selon Donat.
Voici encore des inscriptions où s'étale cette naïve préten-
tion des schismatiques. A Henchir El-Guesseria (au N.-O. de
Batna), on lisait sur un montant de porte, à la façade de l'église :

« H(a)ec porta Domi[n]i. Justi intrabunt » Ce verset n'a pu être 3


.

gravé par les Catholiques, qui ne prétendaient pas ne compter


parmi eux que des Justes. Au contraire, il traduit exactement
l'idée donatiste seuls, les fidèles
: du parti de Donat, c'est-à-dire
les « Justes », avaient le droit d'entrer dans les églises schis-
matiques. Le tailloir d'un chapiteau, dans une chapelle de Toc-
que ville (Thamallula), présente cette inscription « L(a)eta- :

mini Domino et exult[a]te, justi, et gloriemur omnes recti corde


Bono qui iscribsit! V
C'est encore un verset des Psaumes \ Mais
le texte authentique donne la leçon gloriamini. A la seconde

1) C. /. L., Vlil, 7922. 4) Gsell, Bull. arch. du Comité des


2) Saint Paul, Roman., II, 14. travaux historiques, 1908, p. ccxvi.

3) C. /. L., VIII, 10863; 18552. Cf. 5) Psalm. 31, H.

Psahn. 117, 20.


456 LE DONATISME

personne (gloriamini) le graveur africain, ou plutôt le clerc


,

qui guidait sa main, a substitué la première personne (glorie-


mur). Donc, il appliquait le verset à lui même et aux siens en :

vrai Donatiste, il se mettait au nombre des Justes. Et il paraît


enchanté de sa variante Bono qui scripsit! :

Selon toute vraisemblance, on doit encore attribuer aux schis-


matiques africains la plupartdes documents chrétiens de la con-
trée où figure la formule Bonis bene. Cette formule était d'ori-
gine païenne; mais elle avait été adoptée par les chrétiens,
surtout par les dissidents, dont elle traduisait bien les prétentions
intransigeantes. Elle était d'usage courant au IV siècle, comme
le prouvent les nombreux monuments où elle est accompagnée
du monogramme constantinien. On la rencontre, par exemple, à
Henchir Guessès (près Timgad), sur un chapiteau chrétien'; à
Henchir Ceïdra (au Sud-Est deTebessa, près de la frontière tuni-
sienne' sur un linteau de porte
3
1

, à Henchir Sidi El-Hadj (Aquae ;

Herculis), sur une pierre ornée d'une croix monogrammatique


dans un cercle 3
Souvent, le Bonis bene est associé à d'autres
.

formules. En voici des exemples « Virginum canc(elli). B(onis) :

b{en)e », sur une balustrade qui marquait la place des vierges


sacrées dans la basilique d'Ain Sfar (entre Khenchela et Ain
Beïda) 4 « A(djuva) n(os). B(onis) b(ene) », avec une croix et une
;

dédicace, sur un linteau de porte d'Henchir Redir El-Fras (au


b
S.-O. de Tebessa) « B(onis) b(ene). (H)oc uruc(e)u(m) Ti(berius)
;

Fortunatus fecit », avec deux monogrammes constantiniens,


sur un bénitier de Timgad
6
Il est très probable que ces divers .

monuments sont donatistes. En tout cas, nous avons la preuve


que la formule B(onis) b(ene) était familière aux dissidents
africains. Elle figure en tète de l'épitaphe d'un martyr, qui
7
paraît donatiste, du temps d'Augustin Et sur la clef d'arc .

d'une basilique d'Henchir Rou-Saïd, où elle encadre un mono-


gramme constantinien, elle précède immédiatement la devise
des schismatiques « B(onis) b(ene). Deo laudes » : L'emploi de 8
.

celle brève formule était, pour les dissidents, une autre façon
d'affirmer qu'ils étaient les seuls Justes, et que, seuls, ils avaient
droit à la protection divine.
En face de ces prétentions extravagantes de leurs adversaire-,

1) C. 1. L., MU, 17810. b) Jiallu, Bull. arck. du Comité des


2) Recueil de Conslunline, t. XL1I travaux historiques, 1907, p. CLXXXVll
(1908), p. 230. et 277.
.i) C. I. L., VIII, 2492. 7) C. 1. L., VIII, 10932; 2O480.
4) Ibid., VIII, 17S01. 8)Bull, des Antiquaires de Frunce,
5) Recueil de Conslantine, t. XLII 1909, p. 210.
(1908), p. 223.
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 457

les Catholiques avaient la partie belle. Voués ou condamnés à


la modestie par leur doctrine même, ils ne se croyaient ni
« justes », ni « saints », ni « purs » '. Aux orgueilleuses procla-

mations des dissidents, ils répondaient dans leurs basiliques


par de touchantes professions d'humilité, par des allusions aux
pécheurs, à la faiblesse de l'homme, à la nécessité de la péni-
tence. Plusieurs inscriptions monumentales semblent l'écho des
paroles d'Augustin, qui, dans tous sesouvrages contre leschisme,
oppose ironiquement la modestie des Catholiques à la présomp-
tion des Donatistes. Nous avons vu qu'à Cedias, sur la façade
d'une basilique des dissidents, une dédicace avertissait les pro-
fanes que l'accès du sanctuaire était réservé aux « Saints »' :

dans une autre dédicace, qui a été trouvée sur le territoire de la


même cité, et qui devait être placée à l'entrée d'une église de
l'autre parti des Catholiques s'intitulaient humblement
,

« pécheurs de Cedias ». Voici ce curieux document, qui semble

contemporain de l'autre « l(n) n(omine) Patri(s) Domini Dei,


:

qui est Sermone, Donatus et Navigius feceninl, Cedienses pecka-


tores » 3
Les dédicants étaient peut-être des Donatistes convertis,
.

désireux de prouver la sincérité de leur conversion en répudiant


les prétentions de leurs anciens amis. Sur un fragment d'archi-
trave ou de linteau, qui a été découvert dans les ruines d'Aïn
Segar (au S.-O. de Tebessa), et qui surmontait la porte d'une
chapelle de saint, on lit cette inscription « (H)ic sedes sancli...:

(H)ic recisio caits(a)e [peccatorum]. [H)icin Cristo floreat...)) '. La


formule du milieu une allusion au sacrement de la pénitence
est
et à l'absolution des péchés; c'est sans doute une protestation
contre l'intransigeance des Donatistes, qui prétendaient ne pas
compter parmi eux de pécheurs. Dans la même région, à Ksar
Ouled-Zid, on vient de signaler un linteau de porte, qui était
évidemment placé au-dessus de l'entrée d'une basilique, et où
5
est reproduit un verset biblique avec une addition très signi-
ficative : « [Petite], et dabitur (v)obis; qu(a)erite, et in{v)enietis.
[Est ap\erta doma(s) Chr(isti) puisante p(o)p(u)lo, expeclans
G
pontificum s(a)c(e)rd(o)t(u)m p(reces) pro delicta populi » Les .

derniers mots font encore allusion à la pénitence, et peut-être à


la conversion des schismatiques. C'est un écho des polémiques
d'Optat ou d'Augustin.
Comme on le voit par ces inscriptions relatives au sacrement

1)Augustin, Epist. 185, 9, 38; etc. 4) C. 1. L., VIII, 10701; 17617.


2) Gsell, Bull. arch. du Comité des 5) Mathieu, VII, 7; Luc, XI, 9.
travaux historiques, 1907, p. clxxxvi. 6) Fiull. des Antiquaires de Frcntce,
3) C. I. L., VIII, 2309; 17759. 1909, p. 200.
458 LE DONATISME

de la pénitence, la liturgie catholique du iv et du


e
siècle a V
laissé des traces dans l'épigraphie africaine. Il en est de même

pour la liturgie donatiste. Obstinément conservateurs, les schis-


matiques célébraient les fêtes qui avaient été en usage dans
l'Église locale avant la rupture de 312, mais rejetaient toutes
les innovations postérieures par exemple, ils célébraient la
:

Noël suivant la tradition africaine, mais repoussaient l'Epipha-


nie, fête d'origine grecque, qui avait également pour objet de
commémorer la naissance du Christ, et qui avait été admise par
e
les Catholiques du pays au cours du iv siècle
1
Or, l'on a trouvé .

à Sétif l'inscription suivante « Natale Domini Cristi VIII Ka-


:

(lendas) Ianuarias »*. Cette mention épigraphique serait oiseuse,


et même absurde, de la part des Catholiques, qui auraient ainsi
paru renier l'Epiphanie. Au contraire, elle est toute naturelle,
venant de Donatistes, et prend même en ce cas une valeur polé-
mique c'est une protestation contre une innovation catho-
:

lique.
La question du baptême, qui donna lieu à d'incessantes con-
troverses entre les deux partis, est visée dans d'autres docu-
ments épigraphiques. A Sillègue (Novar...), on lisait sur un lin-
teau de porte, à l'entrée d'un baptistère donatiste « Deo laudes :

super agitas a No[varensibusl ...] » en gravant ainsi leur Deo


3
:

laudes sur la façade d'un baptistère, les dissidents affirmaient


leur prétention au monopole exclusif du baptême. De leur côté,
les Catholiques critiquaient vivement la thèse donatiste, qui,
dans la pratique, entraînait à conférer une seconde fois le bap-
tême au fidèle séduit par l'Église schismatique ils démontraient ;

donc que ce sacrement devait être donné une seule fois. Or, dans
les inscriptions métriques d un baptistère de Carthage ou des
environs, on relève ces vers significatifs :

« Semper enim vivit, quem semel unda lavât ...

« Idque semel factum sit tibi perpetuum »*.

Ces vers résument nettement la théorie catholique, et con-


damnent implicitement la pratique du second baptême. Visent-
ils les Donatistes? C'est possible, mais non certain. Ils peuvent

être dirigés contre les Ariens d'Afrique, qui rebaptisaient égale


ment leurs prosélytes. Ils sont l'œuvre du grammairien Calbulus,
qui vivait probablement sous la domination des rois vandales.
Ou peut supposer, d'ailleurs, que cette affirmation de la thèse

\) Augustin, Serm. 202, 2 (In Epiphania 3) C. I. /.., Vlll, 20482.


Domini). 4) De Rossi, Inscript, christ., t. Il,

2) C. /. £., Vlll, 8628. p. 240, n. 4 : A, 4 ; C, 2.


DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 459
catholique visait tous les adeptes du second baptême, Ariens ou
Donatistes.
Catholiques et dissidents se reprochaient mutuellement leurs
violences. Une épitaphe métrique met en cause les Donatistes,
qui avaient tué un diacre numide, nommé Nabor :

« Donatistarum crudeli caede peremptum... »*.

Une curieuse charte lapidaire, qui a été trouvée à Kairouan,


et qui confirmait les privilèges d'un monastère de Saint Etienne,
contenait peut-être une allusion aux méfaits des Donatistes :

«... esse iniquitatibus alienum v[el sacrilegiis quae ab Arianorinn


vel Donatist]arum minislris adsolent fieri... »
2
A l'autre bout .

de l'Afrique, près de la frontière de Tingitane, à Benian (Ala


Miliaria), dans l'épitaphe d'une de leurs martyres, en 434, les
Donatistes accusent nettement les « traditeurs » c'est-à-dire les
Catholiques, d'être les auteurs du meurtre « C(d)ede tradit[o- :

rum] vexata, meruit dignitate(m) ma?Hiri(i) » 3


.

Un schismatiques, c'était la confiscation


autre grief des
périodique de leurs églises; et nous savons par bien des témoi-
gnages que ce grief était fondé. Un document épigraphique
d'Ain Ghorab (au Sud-Ouest de Tebessa) paraît mentionner
une confiscation de ce genre. On a découvert dans cette localité
la dédicace métrique d'un sanctuaire des Apôtres saint Pierre

et saint Paul. Cette dédicace, gravée sur deux claveaux qui


appartenaient sans doute à l'arcade de l'abside, concerne la
restauration de l'édifice par le prêtre Probantius. C'est, en
grande partie, la reproduction d'une dédicace romaine de
4
Saint-Pierre-aux-Liens Mais, sur le claveau de droite d'Ain
.

Ghorab, chacun des trois vers est suivi d'une croix et d'un
fragment d'inscription". Si l'on rattache l'un à l'autre ces trois
fragments, on lit : « .Eclesia Donatist... »; ce qui peut s'inter-
préter « E eclesia
: Donatisi[anim restituta] », ou quelque
chose d'approchant. Il s'agirait donc d'une basilique reprise
aux Donatistes.
Enfin, les deux Églises africaines, prétendant l'une et l'autre
être la seule Église catholique, n'ont cessé de soutenir par
tous les moyens leurs prétentions rivales . A Tipasa de Mauré-

1) De Ro&si,Jnscript. christ., t. Il, p. 461, Inscript, christ., t. II, p. 110 et 134.


1. 1. 5) G. I. 10707-10708; 17615.
L., VIII,
2) Diehl, G. R. de l'Acad. des lus- 6) Acta purgationis Fe/icis, p. 198
cript ,1894, p. 384, 1. 5-6. Ziwsa; Acta Salurnini, 16 et 20 Baluze;
3) Gsell, Fouilles de Benian, Paris, Patsio Donati, 3 Optât, II, 1 et suiv. ;
;

1899, p. 25. Augustin, Epist. 88, 2; 93, 8, 24; Brevic.


4) De Rossi, Bull, crist., 1878, p. 14; Collât., III, 3, 3; 4, 5; etc.
460 LE DONATISME

tanie, vers la fin du iv e


siècle, dans l'épitaphe de l'évêque
Alexander, on relève ces mots « honoribus... in .Eclesia
:

catholica functus... caritati pacique dicatus ». Le mot catho-


1

lica marque sans doute ici l'opposition entre la véritable


Église catholique et l'Église dissidente; le mol paœ, nous
l'avons vu, désignait alors en Afrique la paix de l'Église,
l'unité catholique, par opposition au schisme. A Ksar El-Kelb
(entre Theveste et Mascula), on a trouvé l'inscription suivante,
qui porte le monogramme constantinien et date du iv e siècle :

« [F]abr(ica) chatholicarum Eclesiarum* ». A Souk-Ahras (Tha-

gaste), sur une grande pierre qui était placée à l'entrée d'une
église, autour d'une croix monogrammatique accostée de l'a et
de l'a), on lit « Beatam Ecclesiam catolicam. Ex oficina Fortu-
:

natiani ». Il est probable que ces deux inscriptions se rap-


1

portent encore aux polémiques sur la véritable Église. M;iis,


comme les deux partis s'attribuaient également le titre de
« catholique », nous ne pouvons dire auquel des deux appar-

tiennent les monuments.


On voit que l'épigraphie africaine fournit une contribution
importante à l'étude des polémiques donatistes ou antidona-
tistes. Les pierres ou les mosaïques nous transmettent l'écho
des discussions sans fin entre les deux Églises, sur tous les
points essentiels de la controverse persécution, paix et unité
:

religieuse, prétention des schismatiques à la pureté, à la sain-


teté, glorification du Juste, liturgie, pénitence et baptême,
violences réciproques, confiscation des basiliques, débats sur
la véritable Eglise catholique. A vrai dire, sauf les renseigne-
ments sur l'histoire locale de telle ou telle cité, ces documents
épigraphiques ne nous apportent rien de nouveau; ils ne nous
apprennent rien que nous ne sachions d'autre part. Mais ils
confirment pleinement les données de la littérature polémique,
des œuvres d'Optat ou d'Augustin et de leurs adversaires. Et
surtout, ces témoignages contemporains, déposés sur la pierre
ou la mosaïque par les amis ou les ennemis des polémistes,
peuvent beaucoup contribuer à animer ces vieilles contro-
verses, à fixer dans l'esprit de l'historien ou du lecteur moderne
la vive impression de la réalité historique. Pour rendre la vie

aux choses d'autrefois, aux doctrines ou aux faits, rien ne


Hit ces inscriptions dessinées ou gravées dans les sanctuaires

par des contemporains, spectateurs ou acteurs du drame.

C. I. A., MU. 20905, l. 2-3 /. A., VIII, 5176.


2) lbid., Mil, 2311 et p. 951,
DOCUMENTS ÉPlGRAPHTQUES 461

III

Part du Donatisme dans l'épigraphie martyrologique africaine. Théorie des —


schismatiques sur la prééminence du martyre. Témoignages épigraphiques. —
—Protestations des Catholiques contre cette théorie exclusive. Monuments —
élevés à des martyrs communs aux deux Eglises. Inscriptions de Numidie en —
l'honneur d'Emeritus. —
Documents relatifs aux martyrs donatistes proprement
dits. —
Martyrs de 317 à Carthage. Martyrs numides, vers 340. — Tombeau —
de Marculus à Nova Petra. —
Epitaphe de Robba, martyre donatiste d'AIa Milia-
ria en 434. —
Epitaphe du diacre Nabor. —
Documents relatifs à d'autres vic-
times des guerres religieuses. —
Dédicace du tombeau et de la chapelle des
martyrs de Renault, en 329. —
Martyrs des environs de Tiaret, en 400. Epi- —
taphe d'un martyr de Sillègue. —
Reliquaire de Felicianus. Cancel d'Henchir- —
Bou-Saïd.

Dans le domaine de l'épigraphie martyrologique, qui en


Afrique est riche et si variée, et dont l'importance s'accroît
si

chaque année par de nouvelles découvertes, il est difficile de


marquer exactement la part du Donatisme. Le plus souvent,
en présence d'une inscription africaine où figurent des martyrs,
nous ne pouvons déterminer si le document émane de dissi-
dents ou de Catholiques. En effet, les deux Églises honoraient
également les martyrs antérieurs à la rupture de 312, et, plus
tard, elles accordaient également, le titre de martyr à ceux de
leurs fidèles qui avaient succombé dans les luttes religieuses;
de plus, elles avaient même liturgie, môme formulaire. C'est
donc seulement par exception, d'après quelque détail acces-
soire ou extrinsèque, qu'on peut reconnaître un martyr dona-
tiste ou honoré par les Donatistes. Il n'en est pas moins très
probable, presque certain, que beaucoup d'autres inscriptions
martyrologiques proviennent d'églises du parti dissident, et
que ces prétendus martyrs de Numidie sont souvent des
martyrs schismatiques.
Notons-le d'abord c'est en Numidie que l'on a trouvé et
:

que l'on trouve encore le plus grand nombre d'inscriptions


martyrologiques. Or, la Numidie était le centre du Donatisme.
Pendant plusieurs générations, les dissidents y furent au
moins aussi nombreux que les Catholiques d'après divers pas- ;

sages d'Augustin et d'après le procès-verbal de la Conférence


de 411, on est même fondé à croire que, dans l'ensemble de
la Numidie ecclésiastique, les schismatiques l'emportaient'.
Dans bien des villes, il n'y avait qu'un prêtre catholique en
2
face d'un évêque donatiste parfois, l'Eglise dissidente avait
;

1) Augustin, Epist. 129, 6; Collât. 180; 182; 184; 187-188; 197-198; 201-
Carthag., I, 165. 202; 204; 20t> ; 20 8.
2) Collât. Carthag., 1, 157 ; 163; 176 ;
462 LE D0NAT1SME

gagné population entière A la fin du vi e siècle, dans cer-


la
1
.

taines parties du pays, les Donatistes étaient encore assez puis-


sants pour persécuter les Catholiques 5 à plus forte raison en ;

était-il ainsi au temps d'Augustin ou d'Optat'. La plupart des


inscriptions martyrologiques découvertes en Numidie datent
précisément du iv e siècle ou de la première moitié du v",
c'est-à-dire de la période où l'Église schismatique dominait
presque toute cette province, et, de là, rayonnait sur les pro-
vinces voisines. D'après les lois de la statistique, comme
d'après les vraisemblances historiques, une bonne moitié des
documents martyrologiques trouvés dans cette région, et
datant de cette période, devraient être attribués aux dissidents.
D'autant mieux que le culte des saints était particulièrement
en honneur dans l'Eglise schismatique, qui s'appelait elle même
« l'Eglise des martyrs » *. Pour les Donatistes, ce culte n'était

pas seulement, comme pour les Catholiques, un hommage


rendu à l'héroïsme des confesseurs; c'était encore l'un des
principes de la secte, et presque sa raison d'être, puisque de là
étaient sortis les malentendus et la rupture. Aussi les deux
clergés rivaux avaient-ils adopté une attitude très différente à
l'égard des dévotions et des superstitions populaires. Tandis
que les évêques catholiques de la contrée, soucieux d'éviter les
excès, avaient réglementé sévèrement le culte des saints, et
même, dans plusieurs de leurs conciles, s'étaient efforcés de le
restreindre en l'épurant % les évêques et les clercs donatistes
encourageaient ce genre de dévotions, laissant toute liberté aux
pieuses fantaisies de la foule. Au témoignage d'Optat et d'Au-
gustin, comme des écrivains schismatiques, le culte tics saints
était devenu l'une des préoccupations principales des fidèles
de l'Eglise dissidente 8 On honorait non seulement les martyrs
.

célèbres d'autrefois, mais les innombrables martyrs du parti.


Chaque ville, chaque bourgade, prétendait avoir ses saints à
1) Augustin, Epist. 209, 2; Contra lit- 4) Acla Salurnini, 19-20 Baluze. —
teras Peliliani, 11, 83, 184; Collât. Car- Cf. Collai. Carthag., III, 258.
thag., I, 187. 5) Optât, I, 16 ; Augustin, Serm. 311, ;>
;

2)Grégoire-le-Grand, Epist., 1,72; IV, Confis*., VI, 2; Contra Faustum, XX,


32 et 35 VI, 34 et 61.
: 21 ; Concil. Carthag. ann. 348, c. 2 ;

3) Optât, 111,4; Augustin, Epist. 23. Codex canon. Eccles. afric, .60 et 83.
6-7 ; 44, 4, 9 ; 105, 2, 3 ; 108, 5, 14 ; 108, 6) Optât,16; III, 4; III, 6 et 8; /'as-
1,

6,18; 185, 4,15-16; Serm. 359, 8 Enarr. ; sit» 760 Migne; Passio Maxi-
Marculi, p.
in Psalm. lu, .i; 132, 6; Contra Epist. miani et haac, p. 767 Mi'^ne: Augustin,
Parmeniani, I, 11, 17-18; Contra litte- Epist, 52, 2; 8'', 3; 185, 2, 8 204, 1-2; ;

ras Peliliani, I, 24, i6 II, 14, 33; 83, :


Cm/ira Cresconium, III, 49, 54; Contra
184; 84, 186; Contra Crcsconium, III, Gaudentium, 1, 28, 32; Brevic. Collât.,
42, 46; Brevic. Collât., III, H, 21-22; 111,8, 13: 11, 23. — Cf. Collât. Carthag.,
Contra Gaudentium, I, 22, 25: etc. III. 258.
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 463

elle.Bien des dévots rêvaient pour eux-mêmes cette gloire, et,


pour l'obtenir, ne reculaient pas devant le martyre volontaire.
Aux héros des persécutions païennes s'étaient joints, par cen-
taines et par milliers, les fanatiques ou les aventuriers qui
avaient trouvé la mort dans quelque bagarre, qui souvent
l'avaient cherchée en provoquant des adversaires ou des pas-
sants inotïensifs, en se noyant, en se brûlant, en se précipitant
du haut d'un roc En l'honneur de ces martyrs de rencontre
1
.

s'étaient élevées dans toute la Numidie, jusque dans les cam-


pagnes et le long des routes, la plupart de ces basiliques et de
ces chapelles, où l'on célébrait régulièrement l'anniversaire
des saints par des pèlerinages, des cérémonies, des banquets
qui presque toujours dégénéraient en orgies 2 Ainsi, le culte des .

martyrs, conforme au principe de la secte et encouragé par les


clercs, était devenu pour les dissidents la plus populaire des
institutions. Beaucoup plus développé que chez les Catholiques,
et livré à lui-même, il a fait sortir de terre beaucoup plus de
monuments. Et c'est une nouvelle raison d'attribuer aux Dona-
une bonne partie des inscriptions martyrologiques décou-
tistes
vertes dans la contrée.
Enfin, la plupart de ces martyrs que nous font connaître les
documents épigraphiques de Numidie, sont des martyrs locaux,
complètement inconnus hors d'une étroite région, entièrement
oubliés par les Catholiques de l'âge suivant. Beaucoup portent
des noms puniques ou libyques; et l'on sait que le Donatisme
se recrutait surtout dans la population indigène. Ils ne sont
mentionnés ni par Augustin, qui a prononcé tant de sermons
pour des anniversaires de martyrs africains, ni par les Marty-
rologes, ni, ce qui est plus grave, par le calendrier de Carthage.
On s'explique d'autant plus difficilement ces omissions que,
dans ses Sermons, Augustin a parlé de la plupart des martyrs
catholiques connus par les relations, et que le calendrier de
Carthage paraît être une synthèse des principaux calendriers
locaux de toute l'Afrique chrétienne. Ne dirait-on pas que
l'omission est systématique ? Fait inexplicable, si ces innom-
brables martyrs numides sont des Catholiques; fait tout naturel,
si la plupart d'entre eux sont des schismatiques.

1) Optât, III, 4; Augustin, Epist. 88, 8


; Codex canon. Ecoles, afric, 60 et 83;
185, 2,8; 185, 3, 12; 204, 1-2 et5; Serm. Augustin, Epist. 29, il; 43, 8, 24; 88, 8-
138, 2, 2 ; Ad Donatistas post Collai., 9; Contra Epist. Parmeniani, II, 3, 6 ;

17, 25; Contra Gaudentium, I, 22, 25; III, 6, 29; Ad


Calholicos epistula con-
27, 30-31; 28, 32 etc.
; Ira Donatistas, 19, 49-50 Contra litte-
;

2) Concil. Carthag. ann. 348, c. 2 ;


ras Petiliani, I, 24, 26 etc. ;
464 LE DONATISME

Donc, documents martyrologiques sont particulièrement


les
nombreux dans le pays numide; ces documents de Numidie
sont presque tous contemporains de la grande extension du
Donatisme le culte des saints était extraordinairement déve-
;

loppé chez les dissidents et ces martyrs locaux, mentionnés


;

seulement par les inscriptions de la contrée, ont été ignorés


ou tenus en suspicion par les Catholiques africains du temps
ou de l'âge suivant. Voilà plusieurs raisons sérieuses de sup-
poser que nombre de ces soi-disant martyrs sont des schisma-
tiques. Mais cette observation générale, qui présente un inté-
rêt historique, ne permet pas de déterminer la part respective
des deux Églises rivales en ce domaine épigraphique. La plu-
part des documents gardent leur secret.
Heureusement, il y a des exceptions. Malgré la similitude
ordinaire des formules, nous pouvons reconnaître parfois l'ins-
piration et la main des Donatistes. Quelques inscriptions datées,
du IV e siècle ou de la première moitié du v-, se rapportent à des
martyrs de cette période, qui ont succombé dans les batailles
entre les deux partis. Plusieurs inscriptions mentionnent des
saints que nous savons avoir été particulièrement chers aux dis-
sidents. D'autres accusent ou trahissent leur origine schisma-
tique par quelque formule, quelque détail caractéristique. On
peut donc distinguer, dans l'épigraphie martyrologique de la
contrée, un groupe de documents donatistes ou relatifs au
Donatisme. Dans ce groupe, comme dans les précédents, on
entend tour à tour la voix des deux partis.
L'une des idées les plus chères aux Donatistes, l'un des thèmes
favoris de leurs controverses, c'était la prééminence du martyre.
ou, comme on disait, l'éminente « dignité du martyre ». Le
schisme lui-même est né de cette aspiration populaire, de cet
idéal. Dès le temps de la persécution de Dioclétien, c'est une
divergence de vues sur cette question, qui aliéna aux chefs de
l'Église de Carthage les sympathies de la foule. C'est le mani-
feste des martyrs d'Abitina, en 304, qui devint le mot d'ordre
1
des opposants C'est l'attitude du clergé carthaginois envers
.

les confesseurs emprisonnés, qui amena les graves malenten


dus entre Mensurius et beaucoup de ses fidèles, entre son
archidiacre et les fanatiques, entre l'évêque de Carthage el les
Numides*. C'esl le culte des reliques qui brouilla Caecilianus
avec Lucilla*. L'un des principaux griefs du concile dissident
de 312 contre ses adversaires, c'était leur prétendue faiblesse en
1) Acta Saturnini, 1-2 et 18 lialu/.e. Collât., III, 13, 2:;-J7.
2) Ibid., 17 et 20; Augustin, Brevic. 3) Optât, I. 16.
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 465

face des persécuteurs et leur sévérité envers les confesseurs'.


Les schismatiques africains étaient donc logiques en exaltant
le martyre. Dès le premier jour, contre l'Eglise « des tradi-
teurs », la nouvelle secte se posa en Eglise « des martyrs » 2 .

Elle encouragea, au moins par sa tolérance, le fanatisme popu-


laire. Contrairement à la tradition et à la doctrine catholiques,
elle autorisa le culte rendu à ceux de ses fidèles qui avaient été
victimes de leurs provocations et de leurs violences, à ceux
mômes qui s'étaient tués volontairement. En théorie et en fait,
la prééminence du martyre fut l'un des articles de foi du Dona-
tisme. Là-dessus, les écrivains schismatiques sont d'accord
avec leurs adversaires, les Actes des Conciles avec la littéra-
ture. Or, ces témoignages concordants sont confirmés par cer-
tains documents épigraphiques. L'épitaphe d'une martyre
donatiste nous dit qu'elle « obtint la dignité du martyre »
(mentit dignitalem martirii) 3 D'autres inscriptions, qui tra-
.

hissent la main des dissidents, donnent à un martyr des titres


significatifs « l'avocat de Dieu » (Dei consultas)
: le « glorieux- ,

avocat de Dieu » (gloriosus consullus)'; ces expressions empha-


tiques, qui contrastent avec les formules très simples des docu-
ments catholiques, sont la traduction exacte de la doctrine
donatiste sur l'éminente dignité du martyre.
Les Catholiques africains protestaient naturellement contre
cette théorie exclusive. Sans doute, ils ne niaient pas la vertu
du martyre mais ils ne voulaient pas qu'on y ramenât tout le
;

christianisme. Ils honoraient les héros des persécutions


païennes, les saints authentiques, dûment canonisés; mais ils
professaient que nul ne devait courir au-devant des bourreaux,
et qu'on ne devait pas vénérer sans discernement toutes les
victimes. Ils faisaient remarquer d'ailleurs que, depuis l'avè-
nement de Constantin et de la paix religieuse, la liste des mar-
tyrs était à peu près close, que la glorification des héros
d'autrefois ne devait pas absorber toutes les forces vives de la
piété, que les vertus des temps de lutte ne devaient pas faire
oublier les vertus du temps de paix, vertus conformes à l'idéal
chrétien et aux prescriptions évangéliques. Ils enseignaient
que désormais, à défaut du martyre, on pouvait gagner le
Paradis par la prière, l'aumône et la charité. Ces idées, fami-
lières à Augustin dans ses sermons et ses polémiques contre le
schisme, sont résumées en une formule concise sur une

1) Acla Saturnini, 11-20: Augustin, 3) Gsell, Fouilles de lietrian, p. 25.


Epist. 43, o, 14-15. 4) G. I. L., VIII, 2220; 17614; 17114.
2) Acla Salurnini, 19-20.
IV 30
466 LE DONATISME

mosaïque de Tipasa, qui paraît dater de la fin du iv e siècle.


C'est une mosaïque de pavement, trouvée près de l'abside dans
la chapelle funéraire de l'évêque Alexander, cet évêque qui,
d'après son épitaphe, était un modèle de charité chrétienne et
un artisan dévoué de la paix religieuse {caritati pacique dica-
1
lus) . Voici l'inscription, qui était tournée vers l'une des
entrées de la chapelle : « Clausiila jusliiiar est martyrium
votis optare. Habes et àliam similem, aelemonnam virions
facere* ». Cette inscription, qui rappelait aux fidèles les deux

grands préceptes de la loi évangélique, semble être une para-


5
phrase d'un texte de saint Matthieu Mais la rédaction en est .

originale l'amour de Dieu doit aller jusqu'à souhaiter le


:

martyre, et l'amour du prochain doit se traduire par l'aumône.


Le document paraît être une protestation indirecte contre les
Donatistes et leur désir exclusif du martyre dans leur préten- :

tion à remplir jusqu'au bout leur devoir envers Dieu, les sec-
taires oublient leurs devoirs envers les hommes.
On Donatistes honoraient deux sortes de mar-
sait que les
tyrs d'abord, ceux d'avant la rupture de 312, c'est-à-dire les
:

héros des persécutions païennes, également chers aux Catho-


liques; puis, les martyrs particuliers à l'Église schismatique,
c'est-à-dire les victimes des persécutions catholiques, des
émeutes ou du suicide dévot. Ce double culte a laissé des
traces dans l'épigraphie africaine.
En face des documents qui mentionnent des martyrs com-
muns aux deux Eglises, il est le plus souvent impossible de
déterminer laquelle des deux a consacré le monument et fait
graver l'inscription. Cependant, en certains cas, il y a de
fortes présomptions en faveur d'une origine donatiste.
Par exemple, les schismatiques se sont toujours efforcés
de confisquer à leur profit la gloire des martyrs d'Abitina,
emprisonnés à Carthage en 304, ces précurseurs du schisme,
qui par leur manifeste avaient excommunié les traditeurs et
fourni une arme aux opposants*. La relation qui nous ren-
seigne sur l'arrestation, l'interrogatoire et les tortures de ces
confesseurs, est l'œuvre successive de deux Donatistes elle se ;

termine par un violent réquisitoire contre Caecilianus de Car-


Iliage et les Catholiques'. Or l'on a découvert, sur divers points
île l'Afrique, toute une série de documents épigraphiques où se

lisenl des noms de martyrs, identiques aux noms des princi

1) C. /. /. ,
VIII, 2091 ! l, in Saturnini, 18 Baluze.
2) Urid ,
Mil, 12O906. 5) Ibid., 16-20.
.!) Matthieu, XXII, 37-40.
DOCUMENTS EPIGRAPHIOUES 467

paux martyrs d'Abitina Datianus et Victorinus, près de Tix-


:

ter'; Emeritus, à Henchir Taghfaght et Ain Ghorab'; Félix,


en dix localités différentes Ianuarius, à Thelepte, à Rouis, à
3
;
r
Henchir Belfrouts et Hadjeb El-Aïoun*; Maria, à Ain El-Ksar ';
Martinus, à Calama 6 Matrona, à Ain Regada ; Rogatus, à 7
;

8
Aubuzza et Renault Victoria, à Tixter et Mesloug*; Vincen-
;

10
tius, à Calama, à Mesloug, à Rouis, à Thamallula Évidem- .

ment, l'on ne saurait affirmer, ni même supposer, que tous


ces martyrs connus par des inscriptions soient des confesseurs
d'Abitina. Pourtant, les rencontres de noms sont si nom-
breuses, qu'on est fondé à établir un rapport entre les témoi-
gnages épigraphiques et la relation historique beaucoup des :

inscriptions dont nous parlons doivent mentionner des mar-


tyrs d'Abitina.
Voici un autre exemple de ces curieuses coïncidences. On a
trouvé naguère à Uppenna, dans les ruines d'une basilique chré-
tienne, sur l'emplacement de l'autel, deux mosaïques superpo-
sées, où sont nommés seize martyrs parmi eux, un prêtre :

Saturninus, trois autres Saturninus, et une Lucilla". Or, parmi


les confesseurs d'Abitina, figure un prêtre Saturninus et un
autre Saturninus 12 quanta la Lucilla des mosaïques, elleévo-
;

que le souvenir de cette célèbre Lucilla qui joiia un rôle si con-


sidérable dans les origines du Donatisme 13 La mosaïque supé- .

rieure, qui est de facture byzantine, reproduit exactement l'ins-


cription de la mosaïque inférieure, qui date du iv° siècle. Ici
encore, on peut se demander si le document ne provient pas
d'une église du parti dissident.
Quoi qu'il en soit de ces identifications, il ne semble pas témé-
raire d'attribuer aux Donatistes quelques-unes au moins des
nombreuses inscriptions où figurent des homonymes de ces mar-
1) C. L L., VIII, 20600. 8) C. /. L ., VIII, 16396 21517. ;

2) Ibid., VIII, 2220 17614 17714.


; ; 9) lbid., VIII, 20600 Bull. arck. du
;

3) lbid., VIII, 10686; 16396; 17653 ; Comité, 1899, p. 454.


19414 ; 20573 C. R. de VAcad. des
; 10) CI. L., VIII, 53j2; C.R. deiAcad.
Inscript,., 1896, p. 192; Bull. arck. du des Inscript,, 1896, p. 192; 1906, p. 141 ;

Comité des travaux historiques, 1891, Bull. arch. du Comité, 1899, p. 454;
p. 523 ; 1899, p. 454 1902, p. 492
; Bull. ; 1908, p. cxc.
des Antiquaires de France, 1902, p. 11) Bull. arch. du Comité, 1904, p.
287. cxcix; 1905, p. 374; Bull, des Anti-
4) C. /. L., VIII, 11270; Bull, des An- quaires de France, 1904, p. 342 Raoul, ;

tiquaires de France, 1908, p. 319; Re- Delattre et Pavard, Procès-verbaux d'une


cueil de Constantine, t. XLII (1908), p. mission archéologique aux ruines delà
223 et 227. basilique d'Uppenna, Tunis, 1906, p. 15.
5) C.I. L., VIII, 20572. 12) Acta Saturnini, 2; 6; 9-10; 14 Ba-
6) Bull, des Antiquaires de France, luze.
1893, p. 238. 13) Optât, I, 16-19.
7) C. 1. L., VIII, 5664-5665.
468 LE DONATISME

tyrs d'Abitina, qui ont été si populaires dans l'Eglise schisma-


tique, et dont l'héroïsme nous est connu seulement par une rela-
tion donatiste.
Pour deux de ces documents épigraphiques, l'origine dona-
tiste est presque certaine. Ce sont les deux documents où est
mentionné Emeritus. Il s'agit évidemment du lecteur Emeritus,
l'un des principaux confesseurs d'Abitina, qui joue un grand rôle
dans la relation conservée Ce personnage paraît avoir été 1
.

populaire chez les schismatiques peut-être a-t-il bénéficié d'une ;

confusion avec son homonyme Emeritus, le célèbre évêque dis-


sident de Caesarea, l'un des chefs du parti au temps d'Augustin.
Sur une pierre découverte dans les ruines d'un sanctuaire chré-
tien à Henchir Taghfaght (près de Khenchela), on lit l'inscrip-
tion suivante « Hic e[st dom]us [Dei, hic] memo[riae\ Apostol[o-
:

rumet] beau Emeriti gloriosi consulli »". C'est la dédicace d'une


chapelle qui contenait des reliques des Apôtres et d'Emeritus.
Sur un linteau d'Ain Ghorab est gravée la dédicace d'un sanc-
tuaire où l'on conservait également des reliques d'Emeritus :

« H(i)c domus D(e)i nos[tri Chrîsii] tl(i)c avitatio Sp(irilu)s s(a/i)c-


.

(t)i fJ(i)c memoria beati martiris Dei consulli [E]mer[i-


P[aracleli] .

ti].H(i)c exandietur omnis q(u)i invocat nomen D(omi)ni D{e)i


Omnipol[entis\. (C)ur, homo, miraris? D(e)ojabanLe metiora vide-
vis. A [nno régi* N] XL . . »
3
. Il ne semble pas douteux que ces deux
inscriptions proviennentde sanctuaires donatistes. Dans le docu-
ment d'Henchir Taghfaght, aux Apôtres l'idée seule d'associer
le lecteur Emeritus aurait paru à des Catholiques une sorte de
profanation au contraire, elle ne surprend point de la part des
;

schismatiques, qui avaient une si grande vénération pour Emeri-


tus et les autres confesseurs d'Abitina Dans l'inscription d'Aïn '.

Ghorab, l'invocation à l'Esprit saint, au Paraclet, est encore


très significative car la croyance à l'action toujours présente
;

de l'Esprit, aux révélations du Paraclet, était restée populaire


dans les communautés hérétiques ou schismatiques 5 les chefs ;

du Donatisme, comme Donat de Carthage et Petilianus de Cons-


tantine, passaient pour être des incarnations de l'Esprit saint".
Enfin, dans les deux documents, ces titres singuliers de glorio-
sus consultus, de Dei consultits, auraient sûrement choqué des

1) Acla Saturnini, 2: 10-11. haac, p. 169 Migne Augustin, Serm. Il


;

2) C. /. /,., VIII,17714. in Psalm. 36, 20 . Optât, II, 7.


\i) lbid., VIII, 2220: 1701t. 6) Optai, III, 3; Augustin, Serm. 197,
4) Actd Saturnini, 1-2 ;
10-11 ; 18 lia- 4 Contra Epiai. Parmeniani, II, 7, 13
; ;

luze. Contra litteras Petiliani, III, 16, 19;


5; lbid., 17-20 ; Passio Maximiani et Contra Cresconiam, II, 1, 2.
DOCUMENTS ÉP1GRAPHIQUES 469

Catholiques, habitués à plus de réserve dans leurs hommages aux


martyrs. Si Emeritus est appelé ici « l'avocat de Dieu », c'est
d'abord, sans doute, à cause des fonctions de lector qu'il avait
remplies dans l'Eglise d'Abitina; c'est aussi à cause de l'élo-
quence héroïque avec laquelle il avait justifié sa foi au milieu des
tortures c'est peut-être encore par suite de la confusion avec
;

Emeritus de Caesarea, le célèbre avocat des schismatiques. Mais


la transcription de ce titre ambitieux sur des façades de chapelles
ne s'explique guère que par la théorie donatiste sur la dignité
et le rôle des martyrs.
La dévotion des dissidents allait surtout aux martyrs de leur
secte, qui étaient innombrables, et dont ils célébraient la gloire
dans les pompeuses ou belliqueuses inscriptions placées sur les
tombes des héros du parti. On peut se faire une idée de ces
épitaphes, soit d'après des témoignages historiques ou litté-
raires, soit d'après des inscriptions récemment découvertes.
Des épitaphes ou des listes monumentales de martyrs schis-
matiques sont mentionnées dès les premières années du
schisme, dès la première persécution qui atteignit les partisans
de Donat. En 317, après la loi de Constantin qui ordonnait
d'enlever aux dissidents leurs basiliques, on se battit dans
plusieurs églises de Carthage L'auteur de la Passio Donati nous
apprend que beaucoup de sectaires furent massacrés dans une
de ces bagarres. On les ensevelit dans la basilique où ils avaient
succombé, et où plus tard on montrait leurs épitaphes « Dans :

l'enceinte de cette basilique, dit le chroniqueur, de nombreuses


personnes furent tuées, et leurs corps y furent ensevelis. On y
voit encore les inscriptions où figurent leurs noms {titidationes
nomimun), inscriptions qui conservent à jamais le souvenir de
la persécution de Caecilianus ». 1

Tout récemment, l'on a cru retrouver à Carthage cette basi-


lique dont parle l'écrivain donatiste, et même, dans les ruines
de l'édifice, les débris de ces épitaphes de martyrs. Il s'agit de
la basilique de Mcidfa, où les fouilles ont mis au jour tant de
documents chrétiens notamment, une pierre brisée où se lisent
:

les noms de sainte Perpétue et des autres martyrs de Thu-


burbo avec les fragments d'une série de plaques de marbre où
8
,

des inscriptions, indiquant des noms de martyrs et les dates de


leurs anniversaires, se déroulaient sur les bras de grandes croix
grecques ou dans les cartouches qui les surmontaient". Non

1) Passio Donati, 8. 3) Delatlre, ibid., 1907, p. 523-524. —


2) Delattre, C. R. de CAcad. des Iris- Cf. Bull, des Antiquaires de France, 1908,
cript., 1907, p. 194. p. 198.
7

470 LE DONATISME

loin de la confessio s'ouvrait un large puits rectangulaire, cons-


truit en maçonnerie, entièrement rempli d'ossements humains,
et contenant aussi des épitaphes chrétiennes, dont quelques-
unes fort anciennes. Dans le voisinage du puits ou dans les
déblais de la confessio, on a recueilli de nombreux morceaux de
marbre portant des restes d'inscriptions. Ce sont les fragments
de deux plaques, d'un beau marbre blanc, où étaient gravées
deux listes de noms inscrits dans un cercle chacune des ;

plaques pouvait contenir de quinze à vingt noms. Ces noms


étaient au génitif, et précédés, semble-t-il, du mot sanctorum ;

deux seulement ont pu être lus en entier, ceux d'un Aquilinus


1
et d'une Victoria Suivant l'auteur de la découverte, la basi-
.

lique de Mcidfa serait la Basilica Majorum, qui renfermait les


tombeaux des saintes Perpétue et Félicité les morceaux de
''

marbre qui portaient les deux listes de noms seraient probable-


ment les débris des titulationes nominum dont parle l'auteur de
la Passio Donati, c'est-à-dire les débris des épitaphes ou des
3
listes qui conservaient le souvenir des Donatistes tués en 31 .

Assurément, ces découvertes sont fort curieuses; mais les


hypothèses paraissent assez fragiles. D'abord, il n'est pas cer-
tain que la basilique de Mcidfa soit la Basilica Majorum, ni
qu'elle ait contenu les tombeaux des martyrs de Thuburbo.
D'après les croix latines ou grecques qui y figurent, d'après la
paléographie et les formules, la pierre commémorative et les
plaques à cartouches, où sont mentionnés ces martyrs avec
d'autres, ne peuvent être antérieures à la domination byzan-
tine; elles paraissent indiquer simplement la présence de
reliques. Quant aux deux listes de noms, il esl vraisemblable
qu'elles se rapportent également à des saints mais rien abso- ;

lument n'autorise à croire que ce soient des Donatistes. Les


documents chrétiens trouvés dans la basilique de Mcidfa appar-
tiennent à des époques très différentes, la plupart à la période
byzantine. Il est donc prudent de se contenter d'enregistrer les
faits, sans prétendre tout expliquer. 11 n'est pas impossible que
nous possédions des fragments de ces titulationes nominum
mentionnées par la Passio Donati; niais, jusqu'ici, nous n'avons
aucune raison sérieuse de le supposer.
11 n'est pas douteux que des inscriptions analogues aient été

gravées par les Donatistes sur les tombes de leurs autres mar-
tyrs cl dans les sanctuaires élevés en leur honneur. Vers 340,

1) i
''. /;. de l'Acad. ils* lus- 2) Victor de Vite, l. .'(, '.'.

cript., 1908, |>. 59 I 9 :!) l'assio Donali, 8.


DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 471

en Numidie, beaucoup de Circoncellions trouvèrent la mort


dans une bataille contre les troupes du comte Taurinus. Une
trentaine d'années plus tard, au moment où Optât de Milev
écrivait son grand ouvrage sur le schisme, on montrait encore
les tombeaux de ces martyrs « Dans le Locus Octavensis, dit :

Optât, une foule de Girconcellions furent tués, beaucoup furent


décapités. Leurs cadavres ont pu se compter jusqu'à nos jours
d'après le nombre des autels blanchis (dealbatae araé) ou des
tables (mensac) ». Il s'agit des tables funéraires placées sur les
1

tombes, suivant la mode africaine, et des autels élevés dans la


nécropole. Optât ajoute qu'on avait commencé d'ensevelir une
partie des victimes dans des basiliques, mais qu'un évêque s'y
opposa. On transforma donc le champ de bataille en cimetière;
au milieu des tombeaux, on bâtit des autels pour le culte à
rendre aux martyrs. Selon l'usage, on dut graver des inscrip-
tions sur les autels et sur les tables funéraires ce sont ces ;

épitaphes qui permettaient aux contemporains d'Optat de


reconnaître les sépultures des victimes de l'échaufïourée de 340.
La persécution de Macarius, en 347, enrichit le martyrologe
2
de l'Eglise dissidente Plusieurs martyrs schismatiques nous .

sont connus par des relations Isaac et Maximianus, à Car- :

tilage Marculus, en Numidie. Nous ne savons rien sur les tom-


;

beaux de Maximianus et d'Isaac, dont les corps, jetés à la mer,


avaient été ramenés au rivage par le flot et recueillis par les
3
Donatistes Quant à Marculus, on voyait sa tombe à Nova
.

1
Petra, où elle attirait de nombreux pèlerins Une inscription .

devait rappeler aux visiteurs l'histoire et les mérites du mar-


tyr. Pendant plusieurs générations se multiplièrent les victimes
des persécutions catholiques, ou des émeutes religieuses, ou
du suicide liturgique". On rencontrait à chaque pas, surtout en
Numidie, des sépultures de martyrs, des chapelles et de pom-
peuses inscriptions en leur honneur 6 C'est dans ces lieux saints .

que les Circoncellions célébraient de préférence leurs orgies 7 .

1) Optât, III, 4. lilianus de Constantine disait aux Catho-


2) « De vobis, martyribus infinitis Nu- liques, en parlant des martyrs donatistes :
midiae » (Passio Maximiani et Isaac, p. « Bealos martyres facitis, quorum scilicet
768 Migne). Cf. Optât, III, 4. animabus caeli repleti sunt corporumque
3) Passio Maximiani et Isaac, p. 773 memoria terrae floruerunt. Vos ergo non
Migne. colitis, sed facitis quos colamus » (Augus-
4) Collât. Carthag., 1, 187. Cf. Passio tin, Contra lit 1er as Petiliani, II, 71, 159).
Marculi, p. 766 Migne. 7) Augustin, Epist. 29, 11 ; 43, 8, 24 ;

5) Augustin, Epist. 88, 8 ; 185, 2, 8 ;


Contra Epist. Parmeniani, II, 3, 6 III, ;

185, 3, 12 ; 204, 1-2 et 5 ; Contra Gau- 6, 29 Contra litteras Petiliani, I, 24,


;

denlium, I, 22, 25 ; 27, 30-31 ; 28, 32 ; etc. 26 Ad Catholicos epistula contra Do-
;

6) Concil. Carlhag. ann. 348, c. 2; yialistas, 19, 49-50 ; etc.


Codex canon. Eccles. a fric, 83. — Pe-
472 LE DONATISME

Une de ces tombes, avec correspondante, a été


l'épitaphe
récemment découverte en Maurétanie, dans les ruines de
Benian (A/a Miliaria). C'est le caveau de Robba, une religieuse
donatiste, qui périt dans une bagarre le 25 mars 434. Cette
Robba était la sœur d'Honoratus, évêque dissident de la ville
voisine d'Aquae Sirenses, qui avait assisté en 411 à la Con-
férence de Carthage, et qui est mentionné dans les procès-ver-
baux de cette assemblée Le caveau de la martyre occupait le
l
.

milieu d'une série de sept chambres funéraires, qui étaient dis-


posées en ligne droite au bord du plateau, et où l'on a trouvé
des épitaphes de clercs également schismatiques. Il communi-
quait par une fenêtre avec la crypte d'une basilique qui fut
construite entre 434 et 439, probablement en l'honneur de la
martyre. L'inscription est gravée sur une table rectangulaire
en grès, qui a été transportée au Musée du Louvre, et qui paraît
avoir été placée à l'intérieur du caveau, encastrée dans le mur
du fond, en face de la fenestella d'où on pouvait lire l'épitaphe.
Voici cette inscription « Mem(oria) Robb(a)e, sacr(a)e Dei,
:

t/frman(a)e Honor[ati A]qu(a)esiren(sis) ep(i)s(cop)i. C(a)ede tra-


dit[orum] vexata, meruit dignitale(m) martiri(i). Vixit annis L,
et reddidit sp{iritu)m die VIII Kal(endas) apriles, pro(vinciae
anno) CCCXCV »\ L'année 395 de l'ère maurétanienne corres-
pond à l'année 434 de l'ère chrétienne. Robba fut tuée le
25 mars de cette année, à l'âge de cinquante ans. On doit noter
surtout le passage relatif aux circonstances de la mort et au
martyre. Robba est une victime des « traditeurs », c'est-à-dire
des Catholiques (Caedr iraditorum vexata). Elle a obtenu la
« dignité du martyre » (meruit dignitatem martirii). Ces deux

formules résument énergiquement la théorie des schismatiques


sur la prééminence du martyre, et leur éternel grief contre les
Catholiques persécuteurs.
Voici maintenant la contre-partie dans une autre épitaphe de
martyr une réponse des Catholiques, qui étaient plus fondés
:

encore à incriminer la violence de leurs adversaires. Celle


réponse épigraphique est l'œuvre d'Augustin lui-même, qui,
dans ses lettres et ses ouvrages de controverse, mentionne
tant d'attentats des dissidents. Un diacre donatiste de Numidie,
probablement du diocèse d'ilippone, un certain Nabor, s était
réconcilié avec l'Église catholique. Dès lors, il fut en butte à la
haine des sectaires, qui juraient de châtier sa trahison. Un

1) Collai. Carl/iao., I, 188. Monuments antiques de l'Algérie, t. Il,

2) (Isell, C. de VAcad. des Inscript.,


/{. p. 178.
1899, p. 277; Foui/les de Hennin, p. 25;
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 473

jour, le diacre Nabor fut surpris et tué. Augustin, qui devait le


connaître, composa pour la tombe du martyr cette épitaphe
acrostiche :

Donalislarum crude.lt caede peremptum,


Infossum hic corpus pia est cum laude Nabori\s).
Ante aliquot (empus cum donatista fuisset,
Conversus pacem pro q[ua) moreretur amavit.
Optima purpur eo veslilus sanguine causa,
Non errore périt, non se ipse fur or e peremit :
Ver uni martyrium vcra est pietate probat(um).
Suspice litterulas primas, ibi nomen honoris*.

Le dernier hexamètre invite le lecteur à chercher l'acrostiche :

c'est le mot diacomis, que dessine progressivement la première


lettre de chaque vers. L'inscription contient beaucoup de détails
précis. Nabor était récemment converti
(1. 3) il a été tué par ;

les Donatistes (1. réellement gravée sur sa


1); l'épitaphe a été
tombe 1. 2). Notons encore l'emploi du mot pacem avec le sens
déjà signalé de « paix religieuse », de « communion catholique »
(1. 4) les allusions à la nécessité d'une canonisation en règle
;

(1. 7), au fanatisme des prétendus confesseurs schismatiques,

à leur martyre volontaire (1. 6). Il était difficile d'enfermer plus


de choses en moins de mots. Augustin a résumé en ces quelques
vers toute sa théorie du martyre et les griefs des Catholiques
contre les violences ou le fanatisme des dissidents.
Une dédicace de chapelle, qui a été découverte à Renault en
Césarienne, et qui est datée de l'an 290 de l'ère maurétanienne
{=. 320 de notre ère), paraît se rapporter aussi à l'histoire du
Donatisme. Voici cette inscription « Memoria Bennagi et :

Sexti K(a)l(cnd)as [novembres). Memoria beatissimorum marty-


rum, id est Ror/ati, Maienti, Nassei, Maximae, quem Primosus,
Cambns genitores dedicaverant. Passi XII Kal(endas) nov(e)m-
(bres) % CCXC Profvinciae anno)
»\ La table de pierre calcaire,
où gravée cette dédicace, devait être placée au-dessus de la
est
porte d'une chapelle. L'inscription nous fait connaître les noms
et les anniversaires de six martyrs: 21 octobre, Rogatus, Maien-
tus, Nasseus, Maxima; 1 er novembre, Bennagius et Sextus. La
chapelle, qui devait renfermer les tombeaux, a été construite
par les pères des victimes, Primosus et Cambus. Ces martyrs de
329 ont dû succomber dans une de ces batailles si fréquentes

1) De Kossi, Inscript, christ., t. Il, arck. du Comité des travaux lùstori-


p. 461. ques, 1899, p. 4H8, n. 8.

2) C. I.L., \\U, 21517; Gsell, Bull.


474 LE DONATISME

entre les fidèles des deux Églises mais rien ne permet de dis-
;

tinguer si ce sont des Catholiques ou des Donatistes.


Même observation au sujet d'une autre inscription de Mauré-
tanie, qu'on vient de trouver au Nord-Est de Tiaret, et qui est
datée de l'an 361 de l'ère locale ou 400 de l'ère chrétienne «Me- :

m{oria s(an)c(t)or(um)] marturu m...] Feliqunis... Pa(ssi) su(nt)


die sejc(to) rionas...], an[no) p(rovinciae) CCCLX et pr[imo] ))'.
C'est encore, probablement, la dédicace d'une chapelle de mar-
tyrs; elle est tout à fait contemporaine des polémiques d'Augus-
tin contre le schisme. Étant donné la date, les martyrs qui y
sont mentionnés ont dû être victimes, comme ceux de Renault,
d'une querelle sanglante entre les deux partis. Mais nous ne
pouvons déterminer si c'étaient des adeptes ou des adversaires
de l'Église dissidente.
probablement l'épitaphe d'un martyr donatiste qu'on
C'est
litsur une pierre tombale trouvée à Sillègue, en Sitifienne, et
provenant sans doute d'une basilique ou d'une chapelle. Voici
ce texte « [Erit bo]nis bene. [Haec est Pauli ?ne?i[sa, quï vixit
:

an[?iis...] qnattuo[r], [dies... Ha bel nata\le decimii]quintu{Kah> ri-


das] octobre(s). [Passus p?'o] nomine
Cri[sti, mine est] aule Dumi-
[num i]n (Chnsto) »\ L'inscription est précédée et suivie de
deux monogrammes constantiniens accostés de l'a et de l'w.
D'après la forme de ces chrismes, elle date de la fin du iv e siècle
ou du commencement du v e elle est donc contemporaine;

d'Augustin de l'inscription de Tiaret citée plus haut. C'est


et
évidemment l'épitaphe d'un martyr, et l'on a tout lieu de croire
que ce martyr était un Donatiste. C'est ce que parait indiquer
la rédaction même du document au début, la formule Bonis
:

bene, qui était familière aux schismatiques, et qui sur certains


monuments est associée à leur devise Deo landes 2 plus loin, ]

l'insistance caractéristique sur le martyre, trait particulier aux


documents et à la polémique des dissidents. Rappelons que l'on
a découvert précisément, à Sillègue, la dédicace d'un baptistère
donatiste 4 .

Selon toute vraisemblance, c'est encore d'un sanctuaire des


schismatiques que provient le reliquaire du martyr Felicianus,
maintenant au Musée du Louvre. C'est un coffret rectangulaire,
en pierre calcaire, dont les faces sont ornées d'élégants dessins
géométriques. Il a été trouvé en Numidie, à Dalaa (entre Mas
cula et Theveste). On y lit : « Memoria Feliciani, pa(ssi) III

1) flsell, Bull, arc/i. du Comité des 3) Bull, des Antiquaires de France,


travaux historiques, 1908, p. ici. 1909, p. 210.
2) C. /. L., Mil. 10932; 20480. 4) C. /. />., VIII, 20482.
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 475

K(alendas) iulias Vege (selae) »'. D'après la forme des caractères


et la finesse de la décoration, le coffret et l'inscription ne
semblent pas postérieurs au iv e siècle. Dans les ruines de Dalaa,
on a relevé également l'acclamation donatiste Deo landes aga-
mus*. Si, dans l'inscription du reliquaire, la lecture Vege (selae)
est justifiée, il y a bien des chances pour que Felicianus soit un
martyr schismatique. En effet, Vegesela est la ville où Marculus
et les autres députés du concile donatiste, en 347, rencontrèrent
Macarius; la ville où ils furent arrêtés et maltraités, où com-
3
mencèrent les violences Felicianus pourrait être l'un des dis-
.

sidents qui furent victimes des Catholiques à Vegesela. Il fut


tué le 29 juin; Marculus, qui fut retenu prisonnier assez long-
temps, succomba le 24 novembre; les dates concorderaient
donc.
11 nous reste à signaler un monument fort curieux, que l'on

vient de découvrir dans une basilique de la même région, à


Henchir Bou-Saïd. C'est une pierre, longue de m ,57, large de
,23, munie de deux rainures latérales qui indiquent un can-
,n

cel, une balustrade d'église. On y voit la représentation gros-


sière d'un personnage enchaîné, qui tient du bras gauche un
bâton, et dont le poignet droit est retenu par une chaîne. Sur
la poitrine est dessiné un ornement en forme d'X. Au-dessous
du personnage, une porte, indiquant sans doute l'entrée de la
prison. Au-dessus de la tête, l'inscription suivante « Donatas :

mile et plus bas, X


)) ;
4
On est tenté d'abord de lire « Dunatus
. :

milex (= miles) », et de voir dans le bas-relief la représentation


d'un soldat. Mais pourquoi aurait-on représenté ce soldat
enchaîné, et cela sur la balustrade du chœur d'une basilique,
près de l'autel? On peut songer à une autre explication, qui
mettrait le monument en rapport direct avec le Donatisme. Nous
savons qu'en Afrique, dans les documents relatifs aux martyrs,
on évoquait parfois le souvenir de leur prison, de leurs chaînes.
Témoin cette inscription du iv° siècle, trouvée naguère à Had-
jeb El-Aïoun « Domnus Iannarius. Unde v\i)aculatus exivit et
:

5
qratias egit, Simplici, liga[tus]; (b)ono tuo se[rmone] liga[tus » .

Noter la façon dont le rédacteur de ce document insiste sur les

1) Papier, Bull. arch. du Comilé des 4) Bull, des Antiquaires de France,


travaux historiques, 1895, p. 76; Héron 1909, p. 213. — Voyez le fac-similé du
de Villefosse, Bull, des Antiquaires de monument par le Commandant Guénin,
France, 1896, p. 335; Gsell, Bull. arch. Nouvelles Archives des Missio?is t l. XVII,
du Comilé, 1899, p. 455; Atlas archéo- 4 (1909), p. 172.
logique de l'Algérie, feuille 28, n. 171. 5) Merlin, Bull, des Antiquaires de
2) CI. 2308 et p. 950.
/,., VÎII, France, 1908, p. 319.

3) Passio Marculi, p. 761 Migne.


476 LE DONATISME

chaînes du martyr {vinculatus, ligatùs). Cette inscription a dû


être placée à l'endroit où le martyr lannarius avait été arrêté
et enchaîné. Le monument d'Henchir Bou-Saïd paraît présenter
l'équivalent figuré des formules d'Hadjeh El-Aïoun. Dans cette
hypothèse, tout s'explique aisément la chaîne, la porte de :

prison, l'inscription, le bâton. Le personnage enchaîné serait


un martyr donatiste conduit en prison. L'inscription devrait
s'interpréter « Donatus mi le (s) Ch(risti) ». Or, miles Chrisli
:

était le nom
que s'attribuaient les Circoncellions Le bâton 1
.

que le personnage tient de la main gauche, c'est le fameux bâton


dont parle si souvent Augustin, et qui s'abattit si fréquemment
sur dos des Catholiques; c'est l'arme favorite des Circoncel-
le
lions, ce bâton que, dans leur langage pittoresque, ils appe-
laient leur « Israël » Une représentation de ce genre n'aurait
2
.

rien d'anormal sur le cancel d'une église des schismatiques,


près des reliques de leurs martyrs. Nous savons que les Dona-
tistes étaient nombreux à Henchir Bou-Saïd, où se lit leur Dro
laudes sur la clef d'arc d'une basilique D'après l'interpréta- 3
.

tion proposée pour l'inscription et le bas relief du cancel, nous


aurions là un monument unique, infiniment curieux la repré- :

sentation d'un martyr donatiste, d'un Circoncellion armé de


son bâton, enchaîné, et conduit en prison.

IV

Epigraphie funéraire des Donatistes. —


Inscription de Silili. La Pars Trigari. —
— Epitaphe d'une religieuse rie Theveste. — Inscription d'Où m El-Aber. —
Mosaïque tombale de l'évêque Argentius à Lamiggiga. La basilique et les —
caveaux funéraires d'Ala Miliaria. —
Epitaphes datées de clercs et de religieuses
donalistes. —
Caveau de l'évêque Nemessanus et de la religieuse lulia Geliola. —
Graffiti. Los prêtres Victor et Crescens. Le diacre Maurus. — L'évêque —
Donatus. —
Le prêlre Donatus. —
Evèque anonyme. Formulaire de ces epi- —
taphes donatistes. —
Analogies et différences avec le formulaire catholique.

La dernière classe des inscriptions donatistes comprend les


epitaphes proprement dites. C'est surtout ici qu'il est difficile,
et, le plus souvent, impossible, de délimiter le domaine de
l'épigraphie schismatique. Parmi les milliers d'épitaphes chré-
tiennes trouvées en Afrique, beaucoup ont dû marquer des
tombes de Donatistes; mais, généralement, rien ne les trahit.
1) Augustin, i'mirr. in Psalm. 132,6 : contra parler» Donali, 154). Cf. Çon~ —
« Milites Chrisli Agonistici appellantur. ir.i Epist. Parmeniani, 1,11, \l;Conlra
Utinam ergo miHi isli essenl, cl litleras Peliliani, 11,88, 195; 96, 222;
non milites Diaboli, a quibus plus timetur Contra Cresconium, III, 42, 46.
Deo laudes quam fremitus leonis ». 3 Bull, des Antiquaires de France ,

2) « Fustes Israheles vocant, quod 1909, p. 2iu.


dixerunl cum honore » (Augustin, Psalmus
DOCUMENtS ÉPIGRAPHIQUES 477

La liturgie funéraire des dissidents était celle des Catholiques.


Les formules usuelles, comme les tombes, paraissent avoir été
identiques; ou, n'en était pas ainsi, nous n'avons jusqu'ici
s'il

aucun critérium qui nous permette d'attribuer aux schisma-


tiques telle ou telle de ces formules d'usage courant. C'est seu-
lement par des anomalies de rédaction, ou par les circons-
tances de la découverte, que certains documents trahissent ou
révèlent leur origine sectaire.
Telle est cette épitaphe gravée sur un cippe de Sétif « Hic :

jacent Untancus et Innucens, partis Trigari »'. A en juger par


la croixmonogrammatique dont elle est précédée, l'inscription
appartient au commencement du v e siècle. A cette époque, en
Afrique, le mot pars avait un sens très précis, très particulier.
Dans œuvres d'Augustin et dans les documents de cette
les
période, c'est le terme propre pour désigner les sectes schisma-
tiques soit la grande Eglise de Donat (Pars Donati*), soit les
:

schismes nés du Donatisme proprement dit (Pars Iiogati Pars 3


;

Maximiani*; etc.). La Pars Trigari, que mentionne l' épitaphe


de Sétif, était presque sûrement l'une de ces petites sectes dis-
sidentes, toutes locales, si nombreuses que, suivant Augustin,
on ne pouvait les compter, et que les schismatiques eux-mêmes
n'auraient pu les énumérer toutes Selon toute apparence, 5
.

Trigarius était un de ces Donatistes intransigeants ou d'allure


indépendante, qui n'avaient pu s'entendre avec la grande
Eglise de Donat ou qui en avaient été exclus, et qui avaient
fondé à leur tour leurs petites Eglises. Au témoignage d'Au-
gustin, les adeptes des sectes minuscules étaient d'autant plus
fiersd'eux-mêmes, d'autant plus sûrs de tenir la vérité, qu'ils
étaient moins nombreux Voilà pourquoi sans doute, à Sétif,
6
.

sur le cippe d'Untancus et d'Innocens, on a cru devoir noter


que les défunts étaient affiliés à la Pars Trigari.
A Theveste, dans l'atrium de la grande basilique chrétienne,
sur deux dalles du pavement, était gravée cette inscription
métrique :

[Hic jac\es exlinc[ta, Pat]ri gralissi[ma] virgo,


[ùjrbica, quod nomen semper [i]n astra vigel.
Laudes in excelsis! Talibus erepta tenebris,
Cum tibi perpétua redditur aima dies '.

1) C. /. 8650 et ii. 973.


L., VIII, III, 4, 24; De baplismo, II, II, 16;
2) Optât, I, 22 et 26; 111,3; Augustin, Episl. 93, 8, 25.
£pïs<.93,8,24-2.j; Contra Episl. Parme- 6) Episl. 93, 8, 25; De baplismo, I, 6,
niani,Ul,b, 24; De baplismo, 1, 6,8; etc. 8; Ad Calholicos epislula contra Dona-
3) Augustin, Epist. 93, 8, 24; 10, 43. tistas, 14, 36.
4) Contra Cresconium, IV, 6, 7. 7) Gsell, Bull. arch. du Comité des
5) Contra Epist. Parmeniani, I, 4, 9; travail i: historiques, 1896, p. 164, n 24.
478 LE DONATISME

C'est d'une chrétienne, nommée Urbiea, qui,


l'épitaphe
d'après premier vers, semble avoir été une religieuse. La
le
plupart des formules sont aussi banales que le style est
médiocre, et la versification incorrecte. Cependant, l'une des
formules est tout à fait anormale le Laudes in excelsis du :

troisième vers. C'est évidemment une réminiscence du Gloria


in excelsis La substitution de Laudes à Gloria est certainement
1
.

intentionnelle; le rédacteur y tenait tant, que cette substitu-


tion a rendu le vers encore plus faux. Or, laudes est un mot
de sectaire ce Laudes in excelsis est un équivalent de la
:

fameuse devise Deo laudes. On a donc tout lieu de considérer


comme donatistes rédacteur et la défunte, et l'inscription.
et le
Une épitaphe d'Oum El-Aber (région d'Ain Beïda) est ainsi
conçue : « In pace et concordta decessit Marcel(l)us. H(ic)
r(equiescit) b(ene) 2
La rédaction
est complètement anormale.
».
Généralement, nom du
défunt précède les formules ici, on
le :

l'a rejeté après. Pourquoi? C'est qu'on a voulu mettre en relief

la formule initiale. Précisément, cette formule est singulière.


L'expression usuelle est m
pace decessit. L'addition et concordia
a pour objet de déterminer et de compléter le sens de in pace.
Celte pax, ce n'est pas la paix de la tombe ou du Paradis, ni
même la paix avec l'Église, au sens dévot du terme c'est la ;

paix religieuse, comme l'entendaient en Afrique les contem-


porains d'Augustin, c'est-à-dire l'unité catholique. C'est ce que
montre bien l'addition du mot concordia, qu'Augustin emploie
sans cesse dans ses exhortations aux Donatistes, dans ses
appels à la réconciliation, à la « concorde ». Le début de
l'épitaphe signifie donc que le défunt, avant de mourir, s'était
réconcilié avec l'Église catholique. Tout porte à croire que ce
Marcellus était un Donatiste converti.
On a trouvé à Lamiggiga (aujourd'hui Pasteur ou Seriana,
au Nord -Ouest de Batna), dans l'abside d'une petite église,
l'inscription suivante, tracée en mosaïque « Dignis digna. :

Patri Argentio coronam Benenatus tes(s)el(l)avit t ». On a cru


reconnaître dans ce pater Argentins un personnage de la lin du
vr siècle, Argentius, évêque de Lamiggiga, dont il est ques-

1) Luc, II, 14 « T.loria in altissimis »


: France, 1903, p. 251; 1904, p. 342).
(Vulgale). — La formule Gloria in excel- Mil, 4794; 18714.
2) C. I. /„.,

sis des textes liturgiques paraît être d'ori- Domergue, Recueil de Constantin*.
.'Ji

gine africaine; c'est la lei;on d< ie par XXVII, 1892, p. 154; Holinier-Violle,
toutes les inscriptions africaines qui repro- ibid., XXX, 1895, p. 99-, Gsell et .raillot, <

ni ce verset (C. /. L., VIII, 462; Mélanges de l'Ecole de Rome, XIV,


706; 10549; 10642: 11644; 16720; Cala- 1894, p. 512; Gsell, Monuments «>tli</nes
loyiie du Musée Alaoui, I> 586 el 981 ; de l'Alr/érie, t. Il, p. 255.
Gauckler^ liu/l. des An Unitaires de
DOCUMENTS EPIGRAPHIOUES 479

tion dans correspondance du pape Grégoire le Grand


la
1
.

L'identification est loin d'être certaine. Ce qu'on nous dit de


l'église et de la mosaïque ne convient guère à une si basse
époque, qui était déjà, pour cette partie de l'Afrique, une
époque de demi-barbarie. Puis, l'évêque Argentius dont parle
Grégoire le Grand s'était rendu coupable de toute sorte de
méfaits; on l'accusait entre autres de s'être laissé corrompre
par les Donatistes, de les avoir autorisés à élire des prêtres,
ou d'avoir nommé des Donatistes à des fonctions ecclésias-
tiques. On s'expliquerait malaisément qu'il eût obtenu l'hon-
neur d'une sépulture dans l'abside. Enfin, l'on a découvert
dans une chapelle toute voisine un montant de porte où est
sculpté un monogramme constantinien accosté de l'a et de l'a» :

genre de monogramme qui était à peu près délaissé pendant la


période byzantine, mais qui était d'un emploi courant en
Afrique au début du v e siècle. Or, il y a eu précisément, à
Lamiggiga, au commencement du v e siècle, un autre évèque
2
qui s'appelait également Argentius C'était un Donatiste. Il .

nous est connu par le procès-verbal de la Conférence de Car-


thage en 411. De ce document, il résulte que les Catholiques
n'avaient pas alors d'évêque à Lamiggiga, mais seulement un
prêtre, nommé Crescentianus, dépendant d'un diocèse voi-
sin; et que les Donatistes, au contraire, y avaient un évêque,
nommé Argentius Si donc, comme il semble, ce dernier per-
3
.

sonnage doit être identifié avec l'Argentius de la mosaïque, on


doit admettre que l'inscription est donatiste et se trouvait dans
une église donatiste. Les dissidents étaient nombreux et puis-
sants dans la région l'Argentius de la fin du VI e siècle était
:

lui-même suspect de Donatisme, et fut accusé à Rome par deux


de ses diacres qui lui reprochaient, entre autres crimes, ses
complaisances intéressées pour les schismatiques*. D'après
l'identification proposée, la mosaïque de Lamiggiga devient

1) Grégoire le Graud, EpisL, I, 82. gigensis ». —


Cumque accessisset, idem
2) y avait en Numidie deux villes, ou,
11 dixit Mandavi et subscripsi adversa-
: « ;

tout au moins, deux diocèses du nom de rium non habeo ». —


Aurelius, episcopus
Lamiggiga Carthag., I, 133;
(Codât. Macomadiensis, dixit : « Illic est Crescen-
187; Notitia de 484, Numid.,
198; tianus presbyter ». — II est facile de cor-

n. 101 et 122). Mais l'identité des noms riger la bourde grossière du copiste qui a
d'évêques ne permet pas de douter que le répété, devant le nom -de l'évêque, les pre-
Donatiste Argentius ait été évêque dans la mières lettres REC de Recitavit il n'est :

Lamiggiga située sur l'emplacement de pas douteux que cet évêque donatiste s'ap-
Seriana-Pasteur. C'est d'ailleurs un nom pelait Argentius.
du pays on connaît un Argentius diaco-
: 4) Grégoire le Grand, Epist., I, 82 :
nus à El-Mahder, l'ancienne Casae (C. /. L., «... ab Argenlio, ejusdem civitatis epis-
Vlll, 18539). copo, ... accepto praemio, Donatistas in
3) Collât. Carthag., I, 187 « Item
: ecclesiis fuisse praepositos ».
recitavit : « Recargentius episcopus Lamig-
480 LE DONATFSME

d'autant plus intéressante nous aurions là une épitaphe dona-


:

tiste de la première moitié du v e siècle.


Comme on le voit, çà et là, dans les cimetières chrétiens
d'Afrique, malgré l'identité ordinaire des formules, certaines
épitaphes trahissent leur origine schismatique. Ce groupe de
documents s'est enrichi tout à coup, il y a quelques années, par
les découvertes de Benian (Ala Miliaria), en Césarienne. 11 ne
s'agit plus ici de quelques tombes isolées, mais d'une petite
nécropole exclusivement donatiste, où se pressaient des sépul-
tures de clercs, de religieuses, d'èvêques, tous schismatiques.
Nous avons signalé déjà le caveau et l'épitaphe de la martyre
Robba, cette religieuse donatiste qui fut tuée par des Catho-
liques le 25 mars 434 Près de sa sépulture et en son honneur,
l
.

entre les années 434 et 439, on bâtit une basilique. Cet édifice,
dont les ruines ont été fouillées complètement, était situé dans
la partie orientale d'une enceinte fortifiée; le chevet reposait
sur l'ancien rempart. L'église était longue de 26 mètres, large
de 1() mètres. Elle était précédée d'un portique, et comprenait
trois nefs séparées par des rangées de piliers qui soutenaient
des arcades. Derrière le chœur, qui était isolé par dos grilles
ou des barrières de bois, à droite et à gauche d'une estrade en
maçonnerie qui portait sans doute un autel de bois, deux esca-
liers donnaient accès à une abside surélevée, ornée d'une
colonnade et flanquée de deux sacristies. Sous l'abside était
aménagée une crypte, d'où, par une fenêtre, on apercevait
l'intérieur du caveau de la martyre Robba. Derrière le chevet
de la basilique s'alignaient sept caveaux rectangulaires, celui
de la martyre au milieu. Plusieurs de ces chambres funéraires
étaient antérieures à la construction de l'église. On y a ense-
veli à diverses reprises, entre les années 122 et iii'.. Il y avait
aussi des sépultures sous le porche de la basilique. Quelques
uns des personnages qui reposaient dans cette nécropole parais-
sent avoir été des clercs de villes voisines Ala Miliaria était :

devenue, pour ce coin de Maurélanie, la forteresse du Dona-


tisnic
A notre connaissance, c'est en 422 que commencèrent dans
cette nécropole les inhumations de clercs dissidents. Le 7 oc
tobre Mi mourait, à l'âge de cinquante ans, la religieuse lulia
Geliola, so'iirde .Nemessanus, cvèque donatiste d Ala Miliaria.
Le -- décembre suivant, cet évêque succombait à son tour, âgé
de soixante ans. On ensevelit le frère et la sieur dans le même

1) Gsell, Fouilles de Benian, p. 25; p. 217; Monuments antiques <le l'Algé-


C. /(. de l'Acad. des Inscripl., 1899, rie, l. Il, |>. 178,
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 481

caveau, le premier de la série du côté du Nord. C'est sans doute


à cette occasion que l'on commença l'aménagement du cime-
tière. Sur la façade de la chambre funéraire, à l'Est, on encastra
une pierre qui portait cette épitaphe, aujourd'hui au Musée du
Louvre « Memoria sancli semperque gloriosi patris nostri Ne-
:

fnessani ep(i)s(copi). Vixit annis LX, inter quibus XVUl quos


sacerdotium D{omï)no administravit, et requievit in pace XI
K{a)l(endas) la?iuaria(s), a(nno) p(rovinciae) CCCLXXX et Ul.
— lu lia Gelio/a, sacra Dei, sacerdotis soror, vixit annis L, et
requievit in pace nona(s) octo(bres) a(nno) p{rovinciae) CCCLXXX
et Ul w
1
. D'après le titre de pater noster donné à Nemessanus,
on ne peut douter que ce personnage ait été évêque de la cité
même d'Ala Miliaria il ; y avait exercé les fonctions épisco-
pales pendant dix-huit ans. Il paraît avoir été assez populaire.
Dans caveau où il reposait, on a relevé des graffiti, tracés à
le
la pointe sur la chaux, sans doute par des pèlerins notamment, :

le nom d'une Rogata, et un alphabet presque complet*.

Onze ans plus tard, on aménagea ou l'on utilisa pour le prêtre


Victor une autre chambre funéraire, la seconde de la série à
partir du Nord. Ce caveau communiquait par une porte inté-
rieure avec celui de l'évêque Nemessanus. A l'entrée, on plaça
cette épitaphe « Memo(ria) Victoris p(res)b{ijteri). Vicxit annis
:

LU; dis(cessit) XI K{a)l[endas) octobres). Lucianus fraler fecit.


(Anno) pro(vinciae) CCCXC et l/ll » On voit que le prêtre 3
.

Victor était mort à cinquante-deux ans, le 21 septembre 433, et


qu'il fut enseveli par les soins de son frère Lucianus.
Le prêtre Crescens ne tarda pas à rejoindre son collègue.
Il succomba à cinquante-cinq ans, le 27 février 434, et l'on
déposa son corps dans un des caveaux du Sud. Voici son épi-
taphe « Mem(oria) Crescenlis p{res)b{ij teri) Vixit annis LV; dis-
: .

(cessit) lll Ka{lendas) Martias, anno pro(vinciae) CCCXC V »*.


En ce temps là, les deux partis en vinrent aux mains dans la
région d'Ala Miliaria. Le 25 mars 434, la religieuse Robba périt
sous les coups des Catholiques. On fit d'elle une martyre. On
lui réserva la place d'honneur, le caveau central, dans la série
des chambres funéraires et, devant son tombeau, l'on com- ;

mença la construction de la basilique.


Les inhumations de clercs dissidents continuèrent, à des in-
tervalles plus ou moins rapprochés, jusque vers le milieu du
v c siècle. Le diacre Maurus vint à mourir le 30 novembre 439.

1) C. /. L., VIII, 21570 ; Gsell, Fouilles 3) C. I. L., VIII, 21574.


de Benian, p. 21. 4) Ibid., VIII, 21573.
2) Gsell, Foui/les de Benian, p. 20-21.

IV 31
482 LE DONATISME

On jugea sans doute qu'un simple diacre serait dépaysé au


milieu d'évêques ou de prêtres; on l'ensevelit sous le porche de
l'église, où Ton a trouvé son épitaphe « M(emoria) Maur[i) :

d[iaconï\. Vicxit an[nis] LXX ; discessit pri\die Kal(endas)


dece[m]bres, an(no) p(rovinciae) CCCC » '.Le 31 décembre
d'une des années suivantes, ce fut le tour d'un évêque nommé
Donatus. On lui réserva le troisième caveau à partir du Nord,
contiguà celui de Robba. Sur la façade, on plaça cette épitaphe,
plus développée que les précédentes « Memo(ria) sancti palr(is) :

Donati ep(i)s(copi)... Vixit annis LXXX, inter quibus... sacer-


dotium D(omï)no atminist\ravit ; et] req(u)ievit pridie [K(a)l(cn-
das) l]an(n)a[r(ias)]... sus diaconus fratri fecit. [A(nno) p]r(ovin-
ciaé) CCCC et ... » \ L'inscription est mutilée par endroits on ;

constate seulement que l'évêque Donatus avait quatre-vingts


ans, qu'il rendit l'âme un 31 décembre après l'année 439, et
que le monument fut élevé par son frère, un diacre. Vers le
même temps, dans le dernier des caveaux du Sud, on déposa le
corps d'un prêtre, qui s'appelait également Donatus, et qui
était mort à soixante ans le 11 mars 446. Voici l'épitaphe :

« Memo(ria) Donati p(res)b(yteri). Vicxit annis LX; discessit V


idus martias, anno pr(ovinciae) CCCC et VU »'.
Sous le porche de la basilique, on a encore découvert une
épitaphe d'évêque, qui a été transportée au Musée du Louvre,
comme les précédentes. Elle contenait des détails intéressants,
mais est malheureusement très mutilée. On lit encore :

« ... ius ep(i)s(copus) lanno... [Ec]clesia A la(miiiarensi) , tem...


4
\requie\vit in fide Evange[lii...\ » Le défunt semble avoir été .

originaire d'une cité voisine dû exercer l'épiscopat dans


: il a
une localité, d'ailleurs inconnue, dont le nom commençait par
lanno... La suite de l'inscription contient la mention de Y Ec-
clesia Alamiliarensis l'évêque s'était probablement réfugié
:

dans la ville d'Ala Miliaria, où il mourut et fut enseveli. La fin


de l'inscription présente une formule très caractéristique :

requievit in fide Evanqelii. C'est une profession très nette de foi


donatiste on sait que les dissidents africains prétendaient être
:

1
seuls à réaliser sur terre l'idéal évangélique .

1) Gseli, Fouilles de Benian, p. 42. jours, <•<•, célèbre martyr donatiste « habe-
2) C. /. /„.,Vlll, 21571. bal in sermone Evangelium, in cogitatione

3) Gsell, Fouillis
de Benian, p. 27. roartyrium Marculi, p. 7fi2
» [l'assio
4) C. IL.,21572; Gsell, Fouilles
Vlll, Migne). fide Evangelii
La formule in
i. Benian, p 42; Héron île Villefosse, de l'épitaphe d'Ala Miliaria es! presque la
Huit, des Antiquaires île France, 1900, transcription d'une formule que contienl
in. l'cn-tôle <li' la lettre sj laie du concile
l».

5) Le biographe el panégyriste de Mar- maximianiste de Cabarsussa en '('.»•!


:

nous 'lit que, pendant ses derniers «... fratribus atque collégis per universam
DOCUMENTS ÉPIGRAPHIQUES 483

On voit l'importance historique dos découvertes de Benian :

cette évocation inattendue d'une petite cité donatiste en pleine


Maurétanie, ce curieux ensemble de ruines et d'inscriptions,
cette basilique, cecaveau de martyre avec la crypte correspon-
dante, ces chambres funéraires et ces tombes de schismatiques,
ces épitaphes d'évêques, de prêtres, de diacres, de religieuses.
Nous saisissons là sur le vif la vitalité du schisme africain, sa
force de résistance après toutes les lois de proscription, l'entê-
tement de son clergé après la victoire apparente des Catholiques,
l'aménagement d'une basilique et d'une nécropole du parti dis-
sident. Enfin, les épitaphes nous fournissent des indications
précieuses sur le formulaire des tombes.
Dans ce formulaire, on observe à la fois de frappantes ana-
logies avec celui des Catholiques, et des différences significa-
tives. Des formules comme d/scessit, ou fecit, ou memoria
avec un génitif, oureddidit spiritum, ou reqnievit et requievit in
pace, ou vixit annis, sont d'usage courant chez les Catholiques
africains. Mais d'autres formules appartiennent en propre aux
schismatiques. Telles sont, dans l'épitaphe de Robba, les expres-
sions qui traduisent leur haine contre les Catholiques (caede
traditorum vexa ta), ou leur théorie sur la dignité du martyre
(meruit dignitatem martirii). Jusque dans la liturgie funéraire,
on surprend une tendance à substituer le mot et l'idée dona-
tistes au mot traditionnel et à l'idée catholique. En 422, dans
l'épitaphe de l'évêque Nemessanus et de Gcliola, les dissidents
conservent une expression familière à leurs adversaires requie- :

vit in pace. Plus tard, le in pace disparaît complètement. C'est


que le mot pax, on s'en souvient, désignait alors en Afrique la
paix religieuse, la communion catholique. Pour éviter le
malentendu, les schismatiques écartent désormais ce terme
suspect. Sur une des tombes, ils remplacent le requievit in pace
de 422 par une formule conforme à leur idéal sectaire requie- :

vit in fide Evangelii.


On doit noter surtout, dans la nécropole de Benian, les expres-
sions qui visent les évêques. Les Donatistes vénéraient les chefs
de leurs Eglises, au point que leurs adversaires les accusaient
1

d'une sorte d'idolâtrie Or, sur les tombes épiscopales d'Ala


.

Miliaria, on relève des formules emphatiques (sancti semperque


gloriosi patris no s tri Nemessani episcopi; sancti patris Donati

Africain..., sed et presbyte ris et diaconis, 1) Optât, II, 21; Augustin, Epist. 108,
universis plebibus in verilale Evangelii 2, 5 ; Contra levas Peliliani, il, 23,
lil

nobiseum militantibus » (Augustin, Serm. oi.


Il in Psalm. :i6, 20).
484 LE DONATISME

episcopi), qui contrastent avec du formulaire en


la simplicité
usage sur les tombes des prélats catholiques du pays. Ces évoques
donatistes exerçaient sur leur communauté une autorité des-
potique; ils n'étaient pas seulement au sommet de la hiérarchie,
ils dominaient de très haut tous les autres clercs '. Ce trait s'ob-

serve encore dans répigraphied'AlaMiliaria. Pour chaque évêque,


on indique avec soin la durée exacte de l'épiscopat sacerdo- :

tiitm Domino administravit annos N. Bien mieux, même pour


exprimer l'idée de la mort et du repos éternel, on emploie des
formules privilégiées sur les tombes épiscopales. Prêtres et
diacres n'ont droit qu'à discessil aux évoques est réservée la
:

formule plus solennelle requïevit.


Autorité souveraine des évêques, vénération dévote pour les
chefs de communauté, idéal évangélique, obstination à rejeter
la communion catholique, prééminence du martyre
tous ces :

traits, si accusés dans l'histoire du Donatisme, se retrouvent


dans l'épigraphiedela nécropole d'Ala Miliaria. D'une formule,
d'un mot, ces épitaphes de clercs dissidents résument les prin-
cipes, les sentiments ou les prétentions du parti.

I) Optât, III, 3 ; Augustin, Serm. Il in Psalm. 36, 20.


APPENDICE
1

APPENDICE

I.ISTH CHRONOLOGIQUE DES DOCLHENTS D0N4TISTES


OU RELATIFS AU DONATISME

DATES DOCL'ME.NTS PAfiES

303 Fdits de Dioclétien et de Maximien contre les chré-


tiens 10
303 (19 mai) Acta Munati Felicis, procès-verbal des perquisi-
tions et des saisies dans l'église de Cirta . . . 204
303 Gesla apud praefectum, procès-verbaux des sai-
sies dans les églises de Home 205
303 ou 304 Gesla publiea, relatifs à la traditio de Félix
d'Abthugni, Novellus de Tyzica, et Faustinus de
Thuburbo 204
304 112 février) Procès-verbal des interrogatoires des martyrs d'A-
bitina, élément fondamental des Acta Saturnini. 204
304 (fin de l'hiver) Manifeste des martyrs d'Abitina . .. . . . 204
304 Acta marlyrum non identifiés, produits à la Con-
férence de 411 . . - 204
ld. Lettre de Mensurius. évéque de Carthage, à Secun-
dus de Tigisi, primat de Numidie 204
ld Réponse de Secundus à Mensurius 204
305 (5 mars) Protocole de Cirta {Acta concilii Cirlensis) . . 326
311 Ges ta apud praefectum. Acte de restitution au pape
Miltiade, par ordre de Maxence, des églises de
Rome 205
312 Actes du Concile des 70 évêques dissidents à Car-
thage 328
ld. Procès-verbal des négociations préliminaires avec
Caecilianus, récemment élu évêque de Carthage. 328
1.1. Procès-verbaux des enquêtes (cognitio) et dos ré-
quisitoires contre Caecilianus de Carthage, Félix
d'Abthugni, Novellus de Tyzica et Faustinus de
Thuburbo 329
ld. Procès-verbal des votes motivés {Senlentiae) de
chacun des membres du Concile 330
ld. Sententia de l'évêque Marcianus 330
Id. Procès-verbal des décisions du concile .... 331
ld. Lettres synodales aux Eglises africaines .... 331
312-313 Lettres de communion adressées à Caecilianus de
Carthage par diverses tglises d'outre -mer . . 205

1. Outre les documents historiques de tout genre, qui sont étudié-; dans le présent volume, nous
indiquons ici, mais sans renvoi ni références, les œuvres littéraires, donalistes ou antidonatistes,
traités,pamphlets, relation?, lettres, sermons, discours, etc.. qui seront étudiées dans le volume
,

suivant.
488 APPENDICE

DATES DOCUMENTS PAOKS

Fin de 3)2 Lettre de Constantin au proconsul Anulinus. —


(ou début de 313) Restitution des églises 200
Id. Nouvelle lettre de Constantin au proconsul Anulinus.
— Immunités aux clercs catholiques ....
Id. Acla proconsularia, constatant la notification,
faite par le proconsul à Caecilianus de Carthage
et aux Catholiques africains, des immunités accor-
dées par l'empereur 200
Id. Lettre de Constantin à Caecilianus de Carthage. —
Secours en argent aux communautés catholiques
africaines 200
Id. Lettre de Constantin à Ursus, ralinnalis d'Afrique.
— Instructions pour la distribution des secours
aux Eglises
Id. Pièce relative à la répartition des sommes d'argent
entre les Églises africaines 200
Id. Lettre de Constantin au proconsul Anulinus. —
Ordre de soutenir Caecilianus de Carthage contre
les dissidents 200
Id. Lettre de Constantin au vicaire d'Afrique Palricius.
— Instructions analogues
Entre 312 et 320 Première recension donatiste des Acta Salurnini.
Id. Sermon prononcé à Constantine par l'évêque dona-
liste Silvanus.
313 (lf, avril) Rapport (relalio) du proconsul Anulinus à Cons-
tantin, —
Envoi d'une Requête des dissidents .

Id. Libellus Ecclesiae cal/w/icae criminum Caeci-


liani, réquisitoire contre Caecilianus de Car-
thage au nom du parti des dissidents .... 205
Id. l'reces ad Consiantinum, requêle des dissidents. 206
313 (milieu de l'année ) Lettre de Constantin au pape Milliade, relative à la
convocation du concile de Rome 201
Id. Lettres de convocation, adressées par Constantin
aux évêques gaulois Rheticius d'Autun, Maternus
de Cologne, 5larinus d'Arles 201
Id Lettre de Constantin au proconsul Anulinus. —
Ordre d'envoyer à Rome Caecilianus de Carthage
et dix représentants de chaque parti .... 201
Id. Second rapport (relatio) du proconsul Anulinus à
Constantin. —
Notification du départ des évêques
africains 201
313 (2 octobre) Arles du Concile de Rome 339
Id. Deniml.infionis libellus advenus Caecilianum,
réquisitoire des dissidents présenté au concile . 340
313 (octobre) Procès-verhaux des trois séances du concile de
Rome 340
Id. Sententiae ou doubles votes motivés des membres
du concile 342
M. Senlentia du pape Miltiade .342
Id. Sentence du Concile 343
Id. Rapport du concile à l'empereur 343
313 (lin de l'année) Appel (appellalio) des dissidents contre la sen-
tence du concile de Rome 207
Id. Rapport du vicaire d'Afrique l.lalius, sur les pro-
testations des dissidents 201
313-314 AcUi purgationis Felicis, dossier de l'enquête
sur Félix d'Abthugni 2lfi
M 13 (fin de l'annéi Lettre de Constantin au vicaire d'Afrique Clins
Paulinus. —
Ordre d'ouvrir une enquête sur la
c lui !< de Félix, évêque d'Abthugni .... 201
Lettre d' Elius Paulinus ;mx duumvira d'Abthugni.
Instructions relatives à l'enquête 223
LISTE CHRONOLOGIQUE DES DOCUMENTS 489

DATES DOCUMENTS PAGES

313 (tin de l'année) Procès- verbal d'une audience à la curie d'Abthu-


gni 223
Id. Rapport sur la comparution de l'ex-duumvir Alfius
Caecilianus à la curie d'Abthugni 223
Ici. Rapport sur la comparution du scribe Miccius à la
curie d'Abthugni 223
313 (ou début de 314) Fausse lettre de
l'évêque Félix d'Abthugni au
scribe Ingentius, fabriquée par Ingentius. . . 224
Id. Lettre de l'ex-duumvir Alfius Caecilianus à Félix

314 (19 janvier)


d'Abthugni, interpolée par Ingentius ....
Procès-verbal de l'audience tenue à la curie de
223

Carthage par le duumvir Aurelius Didvmus Spe-


retius 223
id. Réquisitoire de l'avocat Maximus, au nom des
Donalistes 223
Id. Déposition d'Alfius Caecilianus, ex duumvir d'Abthu-
gni 223
314 (15 février) Procès-verbal de l'audience proconsulaire de Car-
thage, devant le proconsul /Elianus 223
Id. Interrogatoire du centurion Superius 222
Id. Interrogatoire de Claudius Saturianus, ancien cura-
lor d'Abthugni 222
Id. Interrogatoire de Callidius Gratianus, curator
d'Abthugni 222
Id. Interrogatoire de Solo, servus publiais ou offi
cialis d'Abthugni 222
Id. Procès-verbal de l'interrogatoire d'Alfius Caecilia-
nus, ex-duumvir d'Abthugni 223
Id. Réquisitoire de l'avocat Apronianus contre les in-
trigues et les faux des Donatistes, au nom des
Catholiques 224
Id. Procès-verbaux des interrogatoires du faussaire In-
gentius 224
Id. Sentence du proconsul .-FJianus 224
314 (fin de février) Rapport du proconsul .FJianus à l'empereur. —
Résultats de l'enquête 201
314 (printemps) Lettre de Constantin à Chrestus, évêque de Syra-
cuse. — Convocation au Concile d'Arles . . . 202
Id. Lettres analogues de Constantin aux évoques italiens,
gaulois, bretons ou espagnols, qui devaient
prendre part au concile d'Arles 202
314 (milieu de l'année) Lettre de Constantin au vicaire d'Afrique .^Ja-
fius. — Ordre de faire partir pour Arles Caeci-
lianus de Carthage et les autres évêques africains
désignés par les deux partis 202
314 (1« août) Actes du Concile d'Arles 345
Id. Procès- verbaux des séances, et réquisitoires des
schismatiques contre Caecilianus de Carthage. . 346
Id. Canons du concile 346
Id. Lettre synodale au pape Silvestre 347
Id. Autre rédaction de cette lettre synodale, avec les
signatures d'évêques et les canons 347
Id. Lettre du concile d'Arles à l'Eglise de Carthage.
— Notification de la sentence 348
Id. Rapport du concile à l'empereur 348
314 (après le 1" août Appel (appellatio) des Donatistes à Constantin
contre la sentence du concile d'Arles .... 208
Id. Réponse de Constantin aux évêques du Concile
d'Arles 349
315 (28 avril) Lettre des Préfets du prétoire au vicaire d'Afrique
Domitius Celsus. —
Instructions pour le retour
en Afrique des évêques donatistes 202
490 APPENDICE

DATES DOCUMENTS PAGES

315 (début de l'année) Lettre de Constantin au proconsul Probianus. —


Ordre d'envoyer à Rome le faussaire Ingentius . 202
315 (milieu de l'année) Lettre de Constantin à Caecilianus de Carthage. —
Invitation à comparaître devant l'empereur . . 202
ld. Lettre de Constantin aux évêques donatistes, délé-
gués de leur parti, qui s'étaient rendus au Con-
cile d'Arles. — Invitation analogue 202
315 (fin de l'année) Rapport du vicaire Domitius Celsus sur la persis-
tance de l'agitation donatiste en Afrique . . . 202
ld. Réponse de Constantin à Domitius Celsus. Me- —
sures à prendre contre les Donatistes . . . . 203
Vers 315 Pièces du procès intenté au pape Silvestre, devant
l'empereur Constantin, sans doute par des Dona-
tistes 206
316 Pièces relatives au séjour de Caecilianus et de Do-
natus, les deux évêques rivaux de Carthage, dans
la Haute-Italie 209
316 (été) Dossier de l'enquête faite à Carthage, sur l'ordre
de l'empereur, parles évêques Eunomius et Olym-
pius 209
316 Sentence de Constantin (judicium Constanlini,
(début de novembre) imperialis sanctio), rendue à Milan, en faveur
de Caecilianus et contre les Donatistes. . . . 197
316 (10 novembre) Lettre de Constantin au vicaire d'Afrique Etimelius.
— Notification de la sentence impériale . . . 203
Fin de 316 Loi de Constantin contre les Donatistes. Edit —
ou début de 317 d'union 197
319 (29 mars) Constitution impériale De farnosis libellis, adres-
sée au vicaire d'Afrique Verinus 199
320 (25 février) Constitution analogue De farnosis libellis, adressée
au proconsul d'Afrique .Klianus 199
Vers 320 (12 mars) Sermo de Passione Do?iati.
Vers 320 Pamphlet contre Caecilianus de Carthage, et se-
conde recension donatiste des Acta Saturnini.
320 (4 décembre) Constitution impériale De famosis libellis . . . 199
320 (8 décembre) Gesla apud Zenopkilum. dossier de l'enquête
faite à Thamugadi par Zenophilus, consultais
de Numidie, sur la conduite de Silvanus, évêque
donatiste de Constantine 2J8
ld. Libellus du diacre Nundinarius, contenant ses
accusations contre son évêque Silvanus. . . . 233
ld. Lettre de l'évêquc donatiste Purpurius à Silvanus. 232
ld. Lettre «le Purpurins au clergé donatiste de Cons-
tantine 232
ld. Lettre de l'évêque donatiste Fortis à Silvanus . . 232
Jd. Lettre de Fortis au clergé donatiste de Constan-
tine 232
Id. Lettre de l'évêque donatiste Sabinus à Silvanus . 232
ld. Lettre de Sabinus a son collègue Fortis .... 232
ld. Procès-verbaux des interrogatoires du grammairien
Victor, ancien lector de Eglise de Cirta.
I . . 232
ld. Interrogatoires des fossores Victor Sumsuiïci et
Saturninus , 232
ld. Interrogatoire du diacre Saturninus 232
ld. Interrogatoire du diacre f.astus . . .... 233
id. Interrogatoire du sous-diacre Crescentîanus.
id. Interrogatoiredu sous-diacre lanuarhis .... 233
ld. Interrogatoiredu prêtre Dontius ou Donatus. . . 23Î!
ld. Interrogatoire du diacre Lucianus 232
320 iim de l'anm Sentence du consularis Zenophilus - Exil de
l'évêque Silvanus 237
3-1 (début de l'année) Supplique libellus des atistes persécutés à
l

Constantin 208
LISTE CHRONOLOGIQUE DES DOCUMENTS 491

DATES DOCUMENTS PAGES

321 (début de mai) Édit impérial de tolérance en faveur des Donatistes. 198
321 (5 mai) Lettre de Constantin au vicaire d'Afrique Verinus.
— Notification de l'édit de tolérance . .. . 203
Vers 322 Lettre de Constantin aux évêques catholiques afri-
cains. — Exhortation à supporter les schismati-
ques 203
324 (début de l'année) Lettre de Constantin à l'évèque Alexandre et au
prêtre Arius. —Projets pour le rétablissement
de la paix religieuse en Afrique 203
Vers 325 Eusèbe, Hist. Ecoles., X, 5 et suiv. — Documents
sur les origines du Donatismc.
326 (l (r septembre) Constitution impériale, relative aux privilèges du
clergé catholique usurpés par les hérétiques ou
les schismatiques 199
328 (21 octobre) Constitution impériale De famosis libellis . . .
199
329 (fin de l'année) Dédicace de la chapelle des martyrs de Renault,
morts le 21 octobre 329, probablement dans une
bataille entre Catholiques et Donatistes . . .
413
330 (5 février) Constitution impériale, ordonnant d'assurer l'immu-
nité aux clercs de 1 Eglise catholique qui étaient
indûment soumis par les Donatistes aux charges
de la curie 199
Id. Lettre de Constantin à Valentinus, consularis de
Numidie. — Instructions relatives à la construc-
tion de la nouvelle basilique de Constantine, aux
privilèges des clercs catholiques et aux empiéte-
ments des Donatistes 203
Id. Lettre de Constantin à onze évoques catholiques
de Numidie, qui s'étaient plaints des Donatistes.
— Même objet . . . .
203
Entre 330 et 347 Recueil des Gesta purgationisCaeciliani et Feli-
cis 211
336 Actes d'un concile donatiste de 210 évêques à Car-
thage 332
Id. Canon autorisant les évêques donatistes à ne pas
rebaptiser les Catholiques convertis 332
Vers 336 Donat le Grand, Epistula de baptismo.
336 ou 331 Lettre de Donat le Grand au préfet du prétoire
Gregorius 246
id. Réponse du préfet Gregorius à Donat le Grand. . 241
338 (18 juin) Constitution de l'empereur Constance De famo-
sis libellis, adressée aux Africains {ad Afros) 241

.

Vers 338 Eusèbe, Vita Constantini, I, 45; II, 66-68.


Politique de Constanlin à l'égard du Donatisme.
Vers 340 Lettres de menaces, adressées à divers proprié-
taires de Numidie par Axido et Fasir, chefs de
Circoncellions 241
Id. Requête adressée au comte d'Afrique Taurinus, par
des évêques donatistes, pour demander son
appui contre les Circoncellions 241
Id. Actes d'un concile donatiste de Numidie . . . . 334
Vers 341 Actes d'un autre concile de Numidie. — Canon in-
terdisant d'ensevelir dans les églises les Circon-
cellions tués dans les rencontres avec les troupes
du comte Taurinus 335
Vers 343 Lettre synodale du concile semi- arien de Sardique,
adressée à Donat le Grand, primat donatiste de
Carthage 335
Vers 345 Donat le Grand, De Trinilale sive de Spirilu
sancto liber.
341 Réponse de Donat le Grand aux commissaires im-
périaux Paulus et Macarius 246
M. Lettre circulaire adressée par Donat le Grand à
492 APPENDICE

DATES
1

LISTE CHRONOLOGIQUE DES DOCUMENTS 493

DATES DOCUMENTS PAGES

368 (9 novembre) Constitution de Valentinien et Valens De famosis


libellis 44
Vers 370 Tyconius, De bello intestine» libri III.
Entre 370 et 375 Pièces des procès intentés à Kogatus et aux Roga-
tistes, par les Parménianistes, pour la restitution
des basiliques 25 i

373 (20 février) Edit de Valentinien et de Valens contre les Doua-


listes, adressé au proconsul d'Afrique Julianus.
— Déposition de tout évèque qui aura rebaptisé. 245
Vers 375 Tyconius, Exposiliones diver.-arum causarum .

376 (22 avril) Loi contre les hérétiques 245


377 (17 octobre) Edit de Gratien, Valens et Valentinien, contre les
Douatistes, adressé au vicaire d'Afrique Flavianus. 245
Vers 377 Pamphlets et discours de Claudianus, évèque dona-
tiste de Rome, contre le pape Damase et les Ca-
tholiques 352
378 Lettre d'un concile romain aux empereurs Gratien
et Valeulinien. — Plaintes contre l'évêque dona-
tiste Claudianus 352
378 (fin de l'année) Rescrit de Gratien et Valentinien, adressé au vi-
caire Aquilinus. — Ordre d'exiler Claudianus . 245
Vers 378 Parmeoianus, Epislula ad Tyconium.
379 (3 août) Loi contre les hérétiques 50
380 (27 février) Autre loi contre les hérétiques 50
Vers 380 Actes d'un concile douatiste. —Enquête et sen-
tence de condamnation contre Tycouius . .. 337
id. Jérôme, Chron. ad ann. 328 et 355.
381 (30 juillet) Loi contre les hérétiques 50
Vers 382 Tyconius, De septem regulis.
Vers 385 Optât, De schismale Donatislarum libri Vil
(seconde édition).
Id. Tyconius, Traduction et Commentaire de Y Apoca-
lypse.
386 (début de janvier) Canon d'un concile romain, relatif aux Monteuses
ou Donatistes de Rome 35
386 (6 janvier) Lettre du Pape Sirice ad fratres et coepiscopos
per Africam. — Notification des canons votés à
Rome 353
386 Actes d'un concile de Carlhage, qui adopta les dé-
cisions notifiées par le pape Sirice 353
386 (19 janvier) Constitution impériale De famosis libellis . . . 50
386 (23 janvier) Loi contre les ennemis de l'Eglise 50
Entre 386 et 392 Canons de conciles donatistes, prescrivant de re-
baptiser tous les Catholiques convertis .... 338
388 (16 juin) Loi contre les hérétiques 50
389 (26 novembre) id 50
Vers 390 Filastrius, llaeres., 83 et 85.
391 (19 mai) Loi contre les hérétiques 50
392 (15 juin) Loi de Théodose sur l'amende des dix livres d'or . 256
392 (18 juillet) Loi contre les ennemis de l'Eglise 257
392 Lettre d'Augustin à l'évêque donatiste Maximinus
(Epist. 23) 273
ld. Jérôme, De vir. ill., 93.
Fin de 392 Lettre adressée à Primianus, primat donatiste de
Carlhage, par les seniores de la communauté
donatiste, pour protester contre l'cxcommunica
tion de Maximianus et de trois autres diacres . 355
Id. Requête adressée par les seniores donatistes de
Carthage à tous les évoques donatistes, pour de-
mander une enquête sur la conduite de Primianus.
Id. Actes du concile donatiste de Carthage, où les Ma-
ximianistes condamnèrent Primianus .
. . . 355
494 APPENDICE

DATES DOCUMENTS PAGBè

Fin de 392 Compte rendu de l'enquête sur Primianus . . . 355


lit. Lettre synodale (tracta loria), adressée par \g con
cile de Carthage à tous les évêques donatistes .

Fin de 392 (ou début Pièces du procès intenté par Primianus à son an
de 393) cicn diacre Maxiinianus, devant le légat de Car
lhage, pour la restitution de la maison qu'occu
pait Maxiinianus
1*1. Procuration (p'-ocuralio) donnée par Primianus à
un avocat
Id. Procès-verbal de saisie de la maison de Maximianus,
sur la requête de Primianus 3ol
393 (24 juin) Actes du concile maximianiste de Cabarsussa . . 356
Id Procès-verbal de l'enquête (cognitio) sur la con
duite de Primianus 356
Id. Sentence du concile (sententia, decretum). . . 358
Id. Lettre circulaire (Iraclaloria) du concile a toutes
les Eglises donatistes 359
393 (8 octobre) Acles du Concile catholique d'Hippone 367
Id. Canon relatif aux anciens clercs schismatiques con-
vertis 36S
Id. Canon relatif à l'ordination des schismatiques con-
vertis qui avaient été baptisés enfants dans
l'Eglise dissidente 368
Fin de 393 Augustin, Psabnus contra partent Donati.
Fin de 393 ou début Augustin, Contra Epistulam Donati haerelici
de 394 liber.
Vers 393 Augustin, Enarr. in Psalm. 35.
394 (15 avril) Loi contre les hérétiques 257
394 (24 avril) Actes du concile primianiste de Bagai 362
Id. Sentence du concile (sententia) 3(12
Id. Lettre synodale à toutes les Eglises donatistes . . 3(i2
394 (9 juillet) Loi contre les hérétiques
394-397 Gesta proconsularia, dossiers des nombreux pro-
cès intentés par les Primianistes aux Maximia-
nistes, devant plusieurs proconsuls, pour la res-
titution des basiliques 300
Id. Gesta municipalia, relatifs aux mêmes procès .

Fin de 394 Gesta proconsularia, pièces du procès intenté par


Primianus à son rival Maxiinianus pour la resti-
tution d'une basilique de Carthage 301
Entre 394 et 397 Augustin, Enarr. in Psalm. 54.
395 (avant le 2 mars^ Gesta proconsularia, pièces du procès intenté par
l'évèque primianiste Restitutus à l'éyêque maxi-
mianiste Salvius, devant le proconsul Herodes,
pour la restitution de lu basilique de Meinbressa.
Id. lîequête (postululio) de Restitutus, évêque pri-
mianiste de Membressa, en revendication de la
basilique
Id. Plaidoyer de l'avocat Nummasius pour l'évêquc
Restitutus
Id. Sentence du proconsul Herodes, attribuant la basi
lique à Restitutus
395 (2 mars) Gesla proconsularia, dossier du procès intenté
par les Primianistes aux évoques inaximianistcs
Fclieianus et Praetextatus, devant le proconsul
Herodes, pour la restitution des basiliques de
Mnsli et (l'Assura-
Id. Requête (postula tio) du prêtre Peregrinus et des
m' more.': de Musii contre l'évêquc Pelicianus.
Id. Plaidoyer de l'avocatTitianus, pour les Primianistes,
contre les évoques maximianistes Pelicianus de
Musti el Praetextatus d'Assuras 306
LISTE CHRONOLOGIQUE DES DOCUMENTS 495

DATKS DOCUMENTS PAGES

393 (2 mars)
496 APPENDICE

DATES
liste chronologique des documents 497

DATES DOCUMENTS PAGES

399 (lor décembre) Constitution relative à la confiscation des biens de


Gildon et de ses partisans 258
Vers 399 Loi interdisant à tous hérétiques ou schismatiques
de faire ou recevoir des donations ou des legs. 258
Id. Supplique adressée aux empereurs par un Catholique
africain, pour demander l'annulation d'un testa-
ment fait par sa sœur en faveur de plusieurs
Donatisles, dont un évêque nommé Augustinus. 258
Id. liescrit des empereurs, eu réponse à la supplique
précédente. — Ordre d'appliquer aux Donatistcs
la loi générale sur les legs ou donations, et
d'attribuer tout l'héritage au frère de la défunte. 258
Id. Liste donatiste des évoques de Constantine {ordo
episcoporum Constantinensis civitatis) . . . 268
Id. Lettre d'Augustin à Crispinus, évêque donatiste de
Calama {Episl. 51).
399 ou 400 Petilianus, Epislula ad presbyleros et diaconos
(donatistas).
400 (8 juin) Constitution impériale, relative aux biens confisqués
de Gildon et de ses partisans 258
400 Epitapbe des martyrs de Kherba des Aouissat (près
Tiaret), tués probablement dans une bataille
entre Catholiques et Donatistcs 474
Vers 400 Epitaphe d'un martyr, probablement donatiste, à
(n septembre) Ps'ovar (Sillègue) 474
Vers 400 Augustin, Epitaphe métrique du diacre Nabor, un
Donatiste converti, tué par les schismatiques. . 473
Id. Lettre du donatislc Severinus,un cousin d'Augustin,
à l'évêque d'Hippone.
Id. Réponse d'Augustin à Sevcrinus (Episl. 52).
Id. Lettre d'un prêtre donatiste de Constantine à Gene-
rosus.
Id. Lettre de Cenerosus de Constantine à Augustin, avec
copie de la lettre du prêtre donatiste.
Id. Réponse d'Augustin à Cenerosus de Constantine
{Episl. 53).
Id. Lettre d'Augustin à Ianuarius {Epist. 5a, 18, 34).
Id. Lettre d'Augustin au douatiste Celer {Epist. 56).
Id. Seconde lettre d'Augustin à Celer {Epist. 57).
Id. Augustin, Contra Epis lu /am Parmeniani libri
m.
Id. Petilianus, Epislula de ordine episcoporum
(partis Donati).
Id. Traité donatiste De baplismo (anonyme).
Id. Augustin, De baplismo contra Donatistas libri
VU.
Id. Ouvrage donatiste (anonyme) réfuté par Augustin
dans le livre suivant.
Id. Augustin, Contra guod adtulit Cenlurius a Dona-
tistis liber.
Id. Augustin, Contra lilteras Peliliani liber I.
Id. Augustin, Sermo 62.
Id. Augustin, Sermo 88.
400 ou 401 Nouvelle lettre d'Augustin à Crispinus, évêque
donatiste de Calama {Episl 66) 275
Avant 401 Canons de conciles donatistes, qui interdisaient le
martyre volontaire 365
Début du v e siècle Recension donatiste de la Passio Maximae,Secu?i-
dae et Donatillae.
401 (16 juin) Actes du concile catholique de Carlhage .... 369
Id. Discours d'Aurelius, évêque de Carthage, à ce con-
cile 369

IV 32
498 APPENDICE

DATES
LISTE CHRONOLOGIQUE DES DOCUMENTS 499

DATK^ DOCUMENTS PAGES

403 (13 septembre) Lettres synodales aux gouverneurs africains. . . 373


Id. Requête (libellus) du concile au proconsul Septi-
minus 375
Id. Edit du proconsul Septiminus, conforme au libel-
lus du concile 263
Id. Edits analogues du vicaire d'Afrique et d'autres gou-
verneurs africains 264
Id. Gesta proconsularia, relatifs au projet de confé-
rence entre les deux partis 282
Id. Gesta vicanae praefecturae, relatifs au même
projet 282
403 (finseptembre) Augustin, Enarr. III in Psalm. 32.
Fin de 403 Augustin, Sermo II in Psalm. 36.
ld. Sermon d'un évêque donatiste contre Augustin,
prononcé à Carthage.
Id. Augustin, Sermo III in Psalm. 36.
Id. Xlandatum adressé dans chaque ville aux Dona-
tistes par l'évêque catholique, conformément aux
instructions du concile de Carthage du 25 août. 375
Id. Geslu publica ou municipalia, rédigés en beau-
coup de villes par les soins des magistrats mu-
nicipaux, conformément à la demande du concile
de Carthage du 25 août, sur l'ordre des gouver-
neurs 282
Id. Gesta municipalia de Carthage, relatifs aux
négociations entre l'évêque catholique Aurelius
et le primat donatiste Primianus, sur le projet
de conférence 283
Id. Lettre circulaire adressée par Primianus à tous
les évêques de son parti, pour leur notifier sa
réponse à Aurelius sur le projet de conférence. 283
Id. Gesta municipalia d'Hippone, relatifs aux négo-
ciations entre Augustin et Proculcianus pour le
même objet 283
Id. Gesta municipalia de Calama, aux né-
relatifs
gociations entre Possidius et Crispinus pour le
même objet 284
Id. Actes du concile donatisle, qui repoussa défini-
tivement le projet de conférence avec les Catho-
liques : . 365
Id. Proclamation adressée par Augustin aux Donatistes
laïques (Epist. 76) .... 271
Id. Dossier des procès de Crispinus, évêque donatiste
de Calama 292
Id. Relation de l'attentat commis par des Donatistes
contre Possidius, évêque catholique de Calama. 291
Id. Plainte de Possidius [prolestatio], auprès des
magistrats municipaux, contre les violences des
Donatistes 292
Id. Gesta municipalia de Calama, relatifs à la plainte
déposée par Possidius 292
Id. Procès-verbal de la comparution yconvenlio) de
l'évêque donatiste Crispinus 292
Id. Gesta proconsularia, dossier du procès intenté à
l'évêque Crispinus, devant le proconsul, par le
defensor Ecclesiae de Calama 292
Id. Gesta proconsularia, dossier du nouveau procès
intenté à Crispinus, devant le proconsul, par
l'évêque catholique Possidius 292
Id. Sentence du proconsul, déclarant Crispinus héré-
tique, et le condamnant à l'amende des dix livres
d'or 292
500 APPENDICE

DATES
LISTE CHRONOLOGIQUE DES DOCUMENTS 501

DATKS DOCUMENTS PACKS

Avant 405 Enarr. in Psalm. 132.


Id. Enarr. in Psalm. 139.
405 (12 février) Edit impérial d'union des Eglises (ediclum de
unitate, lex unilalis) 259
Id. Loi contre les Donatistes 259
Id. Seconde loi contre les Donatistes 259
Id. Troisième loi, assimilant le schisme à l'hérésie . 259
Id. Quatrième loi contre les Donatistes 259
405 (25 février) Constitution d'Honorius, ordonnant d'afficher par-
tout en Afrique le rescrit de Julien en faveur
des Donatistes et les Gesta qui l'invoquaient. . 260
405 (5 mars) Constitution d'Honorius, adressée au proconsul
d'Afrique Diotimus, et ordonnant de faire affi-
cher partout en Afrique l'édit d'union du 12 fé-
vrier 260
405 (20 avril) Constitution impériale, relative aux biens confis-
qués des partisans de Gildon 258
405 (avant le 23 août Lettre du pape Innocent I aux évêques africains 379
405 (23 août) Actes du concile catholique de Carthage . . . 379
Id. Compte-rendu des débats et des décisions prises 379
Id. Canon relatif à la conversion des Donatistes. . 379
Id. Lettre synodale à l'empereur Honorius 379
Id. Adresse de remerciements au nom de l'Eglise de
Carthage 379
Id. Lettres synodales aux gouverneurs africains 379
405 (S décembre) Constitution impériale, adressée au proconsul
d'Afrique Diotimus, et ordonnant d'appliquer le
lois contre les Donatistes 260
'

405 (fin de l'année) Augustin, Contra Creseonium grammaticum


partis Donati libri IV.
Vers 405 Lettre d'Augustin à Alype (Episl. 83).
Id. Lettre d'Augustin à Paulus, évêque de la Cata-
quensis Eeclesia (Episl. 85).
entre 405 et411 (22 mai) Augustin, Sermo 285.
entre 405 et 411 Lettre d'Augustin à Emeritus, évêque donatiste de
Caesarea (Episl. 87)
ld. Augustin, Sermo 325.
Id. Enarr. in Psalm. 145.
Avant 406 Enarr. in Psalm. 149.
406 (30 janvier) Gesta praefecloria de Kavennes, relatifs à une
requête adressée au préfet du prétoire par des
évêques donatistes 285
406 (28 avril) Constitution impériale De famosis libellis.
Vers 406 Lettre d'Augustin et du clergé d'Hippone à Ianua-
rianus, primat donatiste de Numidie (Episl. 88). 279
Id. Lettre de Festus aux Donatistes de ses domaines,
dans la région d'Hippone.
Id. Lettre d'Augustin à Festus (Epist. 89).
Id. Augustin, Probationum et testimoniorum contra
Donatistas liber.
Id. Documents relatifs à l'histoire du Donatisme, affi-
chés par ordre d'Augustin sur les murs de l'an-
cienne basilique des Donatistes d'Hippone. . . 272
Id. Ouvrage donatiste anonyme, réfuté par Augustin
dans l'opuscule suivant.
Id. Augustin, Contra Donalistam nescio qitem liber.
Id. Augustin, Admonilio Donalislarum, de Maxi-
mianistis liber.
Id. Première reeension donatiste du Liber geneulo-
gus.
Id. Augustin, Sermo 11 in Psalm. 101.
407 (13 juin) Actes du concile catholique de Carthage .... 380
502 APPENDICE

DATES DOCUMENTS PACKS

407 (13 juin) Notice relative à l'envoi d'une députation aux


empereurs 380
1(1. Canon relatif à la réorganisation des communau-
tés de Donatistes convertis 380
407 (15 novembre) Constitution d'Honorius contre les Donatistes, adres-
sée au proconsul d'Afrique Porfyrius . . . . 260
ld. Autre loi contre les Donatistes et les Monteuses
de Rome 260
408 Faux édit impérial de tolérance, fabriqué en
Afrique par des schismatiqucs, à la nouvelle de
la mort de Slilichon 2C0
408 (16 juin) Actes du concile catholique de Cartilage .... 381
M. Notice relative à l'envoi d'une députation aux
empereurs 381
40S(début de l'automne Lettre adressée à Augustin par Olympius, magisler
Officiorum et successeur de Stilichon, pour
lui offrir son appui contre les Donatistes . . 382
40S (13 octobre) Actes du concile catholique de Carthage . . . . 382
ld. Requête du concile à l'empereur 382
ld. Notice relative à l'envoi d'une députation aux
empereurs 382
Id. Instructions aux ambassadeurs 382
408 (novembre) Commonitorium envoyé par Augustin, en son
nom personnel, aux députés du concile de Car-
thage du 13 octobre 382
ld. Lettre adressée de Rome au ministre Olympius
par les députés du concile de Carthage . . . 382
ld. Lettre d'Augustin à Olympius {Epis t. 97) . . . 382
408 (11 novembre) Constitution impériale, relative à la proscription
des partisans de Gildon, adressée au proconsul
d'Afrique Donatus 258
408 (24 novembre) Loi contre les Donatistes, adressée au proconsul
d'Afrique Donatus 260
408 (27 novembre) Autre loi contre les hérétiques 260
Fin de 408 Dossiers des procès (causae ecclesiaslicae) in-
tentés aux Donatistes par des évêques catholi-
ques devant le proconsul Donatus 295
ld. Edits du proconsul Donatus sur l'application des
lois contre les Donatistes 264
Fin de 408 (après le 24 nov.) Lettre d'Augustin au proconsul Donatus Epist. Ï00). 295
Vers 408 Lettre adressée à Augustin par Vincentius, évêque
rogatiste de Cartenna.
ld. Réponse d'Augustin à l'évoque rogatiste Vincentius
(Epist. 93).
409 (13 janvier) Loi contre les Donatistes 260
409 (15 janvier) Autre loi contre les Donatistes 260
Début de 409 Proclamation des Donatistes à Sinitum, près Bip-
pone 269
ld. Sommation adressée à Augustin par des prêtres
donatistes 270
ld. Avertissement aux Donatistes, rédigé par Augus-
tin (Epist. 105) 272
409 (26 juin) Loi contre les hérétiques 260
409 (6 août) Constitution impériale, relative aux biens conlis-
qués de Cildou et de ses partisans 258
Fin de 409 Lettre d'Augustin au prêtre Victorianus sur les
brigandages des Circoncellions (Epist. lit).
Vers 409 Petilianus, De unico haplismo liber.
ld. Sermon de Macrobius, évêque donatiste d'Hippone,
adressé aux Circoncellions,
409 ou 410 Lettre d'Augustin à Donatus, ancien proconsul
d'Afrique (Epist. 112).
LISTE CHRONOLOGIQUE DES DOCUMENTS 503

DATFS DOCUMENTS PAUKS

Début de 410 Edit impérial de tolérance, en faveurdes Donatistes,


adressé au comte d'Afrique Heraclianus ... 261
ld. Listes de souscription ouvertes par des évoques
donatistes, pour indemniser les propriétaires
lésés par les Circoncellious 269
Printemps de 410 Lettre d'Au^uslin à Macrobius, évêque donatiste
d'Hipponè (Epist. 106)
ld. Procès-verbal de la réponse de Macrobius à la
sommation d'Augustin
ld. Lettre de Theodorus et de Maximus à Augustin
[Epist. 107) . 219
ld. Nouvelle lettre d'Augustin à Macrobius (Epist. 108). 280
410 (14 juin) Actes du concile catholique de Carthage. . . . 383
ld. Requête (pelitio, preces) du concile à l'empereur.
Id. Instructions (mandalum) aux députés du concile
chargés de présenter et de soutenir la requête.
Milieu de 410 Augustin, Sermo 46 conlra Donatistas.
ld. Sevmo 41 contra Donatistas.
410 (25 août) Constitution impériale, adressée au comte d'Afrique
Heraclianus, et abrogeant l'édit de tolérance. . 261
410 (un peu avant le Instructions spéciales (mandata) remises par
14 octobre) l'empereur au tribun Marcellinus, avant l'édit
convoquant la conférence de Carthage ....
ld. Instructions de l'empereur au proconsul de Car-
thage et au vicaire d'Afrique, pour leur ordon-
ner de prêter concours à Marcellinus lors de la
Conférence ....
410 (14 octobre) Edit d'Honorius (imperialis sanctio rescriplnm
;

imperaloris), ordonnant à Marcellinus de con-


voquer et de présider la Conférence entre les
représentants des deux Eglises africaines. . .

Fin de 410 Augustin,Sermo 296.


Vers 410 Augustin,De unico baptismo contra Pelilianum
ad Constant inum liber.
ld. Augustin, De Maximianistis liber.
Avant 411 Augustin, Sermo 202.
411 (19 janvier) Edit de Marcellinus, convoquant la Conférence de
Carthage pour le 1 er juin
Début de 411 Requête (libellus) des Maximianistes, sollicitant
(après le 19 janvier) leur admission à la Conférence de Carlhage . .

ld. Gesla publica de Carlhage, contenanl la réponse


de Primianus (Primiani professio) à l'édit de
Marcellinus
ld. Lettre circulaire (tractoria) de Primianus à tous
les évoques donatistes, pour les engager à se
rendre à la Conférence.
ld. Lettre d'excuse, adressée à Primianus de Carthage
par l'évêque donatiste Eclix Pisitensis ....
ld. Gesla municipit/irr, rédiges dans la plupart des
cités africaines, et constatant la notification,
faite aux évêques locaux, de l'édit relatif à la
Conférence
411 (avant le 19 mai; Rapports adressés à Marcellinus par les diverses
municipalités africaines (ordinum relaliones),
et notifiant les réponses des divers évêques . .

411 (vers le 20 mai) Augustin, Sermo 357 de lande pacis.


ld. Second édit de Marcellinus. fixant le lieu et la
procédure de la Conférence
411 (25 mai-7 juin) Actes du concile donatiste qui siégeait à Carthage
avant et pendant la Conférence
411 (25 mai) Solaria Donalistarum, réponse du concile dona-
tiste au second édit de Marcellinus 402
504 APPENDICE

DATES
LISTE CHRONOLOGIMUE DES DOCUMENTS 505

]) V 1 ES
506 APPENDICE

DATES
LISTE CHRONOLOGIQUE DES DOCUMENTS 507

DM KS DOCUMENTS PAGE3

clercs donatistes convertis de force par les


- Catholiques 366
419 (25 mai) Actes du concile catholique de Cartilage .... 388
Ici. Recueil de canons relatifs au Donatisme, promul-
gués par des conciles antérieurs, et confirmés
par le concile du 25 mai 388
Avant 420 Augustin, Sërm. 3 5.
Id. Sermo 37.
Id. Sermo 45.
Id. Sermo 71.
Id. Sermo 90 Contra Donatistas de charilate.
Id. Sermo 107.
Id. Sermo 137.
Id. Sermo 197.
Id. Augustin, Enarr. Il in Psalm. 18.
Id. Enarr. Il in Psalm. 25.
Id. Enarr. III in Psalm. 30.
Id. Enarr. Il in Psalm. 33.
Id. Enarr. in Psalm. 39.
Id. Enarr. in Psalm. 49.
Id. Enarr. in Psalm. 69.
Id. Enarr. in Psalm. 75.
Id. Enarr. in Psalm. 85.
Id. Enarr. Il in Psalm. 88.
Id. Enarr. in Psalm. 119.
Id. Enarr. in Psalm. 138.
Vers 420 Augustin, De anima et ejus origine, III, 2.
Id. Edit du tribun Dulcitius contre les Donatistes, 267
Id. Second édit de Dulcitius contre les Donatistes . . 267
Id. Lettre du tribun Dulcitius à Gaudentius, évêque
donatiste de Thamugadi 268
Id. Réponse de Gaudentius à Dulcitius 268
Id. Seconde lettre de Gaudentius ;\ Dulcitius. . . . 268
Id. Lettre du Iribun Dulcitius à Augustin 268
Id. Réponse d'Augustin à Dulcitius (Episl. 204; 268
Id. Augustin, Contra Gaudentium liber / . . 268
Id. Lettre de Gaudentius à Augustin 268
Id. Augustin, Contra Gaudtntium liber II. . . . 268
Id. Ouvrage anonvme De miraculis sancli Slephani,
I, 7.
Id. Lettre d'Augustin au primat de Numidie, pour le
prier de venir ordonner le futur évêque du nou-
veau diocèse de Fussala, diocèse de Donatistes
convertis 308
Vers 421 Augustin. Enchiridion, 5, 17.
Id. Augustin, Contra Ju/iannm, I, 3, 7 ; III, 1, 5;
17, 31.
422 (22 décembre) Epilaphe de Nemessanus. évêque donatiste d'Ala
Miliaria en Césarienne 481
Id. Epilaphe de Julia Geliola, religieuse donaliste,
sœur de l'évêque donatiste Nemessanus, morte
le 7 octobre 481
Vers 422 Plaintes contre leur. évêque Antonius, adressées à
Augustin par les Donatistes convertis de Fussala. 308
Id. Dossier de l'enquête sur la conduite de l'évêque
Antonius 309
Id. Décret d'un concile de Numidie contre l'évêque
Antonius 388
Id. Appel adressé au pape Boniface par Antonius,
évêque de Fussala 309
Id. Mémoire justificatif (libellas) de l'évêque Antonius. 309
Id. Rapport du primat de Numidie au pape Boniface,
508 APPENDICE

sur 1 affaire d'Antonius de Fussala 309


Vers 422 Lettre du pape Boniface sur cette affaire. . . . 309
Début de 423 Rapport du primat de Numidie au nouveau pape
Caelestinus. sur la même affaire 309
Id. Plaintes contre Augustin, adressées au pape
Caelestinus par les Donatistes convertis de Fus-
sala 309
M. Lettre d'Augustin au pape Caelestinus (Epist. 209). 309
Vers 423 Lettre adressée à Augustin par Felicia, une reli-
gieuse donatiste convertie.
Id. Réponse d'Augustin à Felicia (Epist. 208).
425 (6 juillet) Constitution de Valentinien III contre les héré-
tiques, adressée au proconsul d'Afrique Geor-
gius 263
425 {6 août; Loi contre les hérétiques ou schismatiques . . . 263
427 Augustin, Retrac tationes, I, 19-20; 11, 31 etc. ;

Id. Seconde recension donatiste du Liber geiiealogus


(Codex Sangallensis).
428 (30 niai. Loi contre les Donatistes et les hérétiques . . . 263
Vers 428 Augustin, De kaeresibus, 69.
Avant 430 Augustin, De vtilitate jejunii, 5, 7 et suiv.
430 Augustin, Opus imper/eclum contra Juliunum,
1, 10.
Vers 432 Possidius, Yita Augustin! , 7 et suiv.
Id. Possidius, Indiculus operum Augustini, 3.
433 (21 septembre) Epitaphe de Victor, prêtre donatiste d'Ala Miliaria
en Césarienne 481
434 (27 février)
434 ^25 mars)
Epitaphe de Crescens, prêtre donatiste .... 481
Epitaphe de Robba, religieuse et martyre dona-
tiste d'Ala Miliatia, sœur de l'évêque donatiste
Honoratus 472
438 Troisième recension donatiste du Liber genealo-
gus (Codex Florenlinus
439 (30 novembre Epitaphe de Maurus, diacre donatiste d'Ala Milia-
ria 482
Après 439 (31 déc.) Epitaphe de l'évêque schismatique Donatus. . . 482
44G (11 mars) Epitaphe de Donatus, prêtre schismatique d'Ala
Miliaria 482
440 (début de l'année) Actes d'un concile de Maurétanie Césarienne . . 427
Id. Rapport de ce concile au pape Léon, sur le cas de
l'évêque Maximinus, un ancien Donatiste. • . 427
146 (10 août) Réponse du pape Léon aux évèques de Maurétanie
Césarienne 427
Milieu du v e siècle Ouvrages de l'évêque numide Asclepius contre les
Donatistes.
ld. Petrus Chrysologus, Sermo 13.
Id. Epitaphe d'un évêque donatiste, trouvée à Ala
Miliaria 482
Vers 452 Liber de promissionibus et praedictionibus
Dei, 11, 6, 10 ; IV, 13, 22.
Vers 453 Théodoret, Baereticarum fabularum compen-
ilnim, IV, 6.
455 Quatrième recension donatiste du Liber genealo-
g us (Codex Lucensis).
458 L( ttre du |>a|>e Léon à Rusticus, évêque de Nar-
bonne, sur les Donatistes de Narbonne. . . . 101
463 Cinquième recension donatiste du Liber généalo-
gies (Codex Lucen
484 (24 février tëdit d'Hunéric, où sont mentionnés les Circoncel-
lions (Victor de Vite, III, 10) 311
Vers 486 Vi< tor de Yita, III, 71 Halm.
lin du v Gennadius, De vir. ill., 4-5: 18; 73; etc.
.

LISTE CHRONOLOGIQUE DES DOCUMENTS 509

DATES DOCUMENTS PAliES

Fin du v e siècle Pseudo-Gélase, De recipiendis et non recipien-


dis libris, 5 428
Vers 502 Lettre d'Avitus à Stephanus, évêque de Lyon, sur
les Donatistes de Lyon 103
Début du vi e siècle Lettre adressée à Stephania par les évoques afri-
cains exiles en Sardaigne (Cf. Fulgence, Contra
Sermonem Fastidiosi, 10).
Id. Fulgence de Ruspae, Ad Fe/icem notarium de
Trinitate liber, 1

Vers 525 Fastidiosus Arianus, Sermo.


Id. Victor, Epistula ad Fulgentium, 4.
Id. Fulgence de Ruspae, Contra Sermonem Fasti-
diosi Ariani ad Victorem liber, 10.
528-534 Codex lustinianus, 1, 5, 2 et suiv. 6, 1 ; VII, ;

52, 6 ; etc 312


535 (1" août) Edit de Justinien, relatif à la réorganisation de
l'Eglise africaine et à la proscription du Doua-
tisme 311
Milieu du vi« siècle Cassiodore, In Psalm. 60 et 66.
Id. Ferrandus, Breviatio canonum, can. 50 ; 174 et
suiv.; 189 et suiv. ; 193 428
Fia du vi' siècle Cresconius, Concordia canonum, can. 253 ;

275 278 et suiv. 284.


; ; 428
590 Requête adressée au pape Pelage II par un concile
de Numidie 428
Milieu de 591 Requête (petilio) adressée au pape Grégoire le
Grand par Felicissimus et Vincentius, diacres de
Lamiggiga, qui accusaient leur évêque Argentius
de s'être laissé corrompre par les Donatistes . 313
Août 591 Lettre du pape Grégoire à Gennadius, exarque
d'Afrique, pour l'exhorter à combattre les Dona-
tistes 318
Id. Lettre du pape Grégoire aux évêques de Numidie,
pour leur interdire de choisir comme primat un
Donatisle converti 420
Id. Lettre du pape à son légat Hilarus, sur l'affaire do
Lamiggiga 313
Fin de 591 Actes du concile de Numidie contre les Donatistes. 430
Id. Dossier de l'enquête (cognitio) sur la conduite de
l'évêque Argentius 430
Milieu de 592 Requête (petilio) adressée au pape Grégoire par
Constantius et Mustelus, diacres de Pudenliaun
en Numidie, qui accusaient leur évêque Maxi-
mianus de s'être laissé corrompre par les Dona-
tisles de son diocèse et de les avoir autorisés à
élire un évêque 314
592 (23 juillet) Lettre du pape Grégoire à l'évêque numide Colum-
bus, sur l'affaire de Pudentiana 314
Fin de 592 Dossier de l'enquête (cognitio) sur Maximianus,
évêque de Pudentiana, devant un concile de
Numidie 431
Milieu de 593 Canons d'un concile de Numidie, sans doute rela-
tifs au Donatisme, et jugés irréguliers par le
pape 431
593 (septembre) Lettre du pape Grégoire à Gennadius, exarque
d'Afrique, sur les décisions du concile de Nu-
midie 431
Milieu de 594 Lois de l'empereur Maurice Tibère contre le Do-
natisme 317
594 (juillet) Lettre du pape Grégoire, à Pautaléon, préfet du
prétoire d'Afrique, pour l'exhorter à réprimer
l'audace des Donatistes 318
510 APPENDICE

DATES documents l'A CES

594 (juillet) Nouvelle lettre du pape à l'exarque Gennadius,


pour le même objet . 318
Id. Lettre analogue du pape aux évêques numides
Victor et Columbus 434
594 (été) Actes d'un concile de Cartilage contre les Pona-
tistes 433
Id. Canon de ce concile, menaçant de déposition les
évoques qui négligeraient de combattre les Do-
natistes 433
Id. Lettre synodale au pape, rédigée par Dominicus,
évèque de Carthage 433
594 (septembre) Réponse du pape Grégoire à Dominicus, évèque de
Carthage, sur les décisions du concile contre
le Donalisme 433
Fin de 594 Actes d'un concile de Numidie contre le Donatisme. 4:i4

596 (juin) Lettre du pape Grégoire à l'évêque numide Co-


lumbus, sur les mesures à prendre contre les
Catholiques, clercs ou laïques, qui laissaient
rebaptiser par les Donatistes leurs enfants ou
leurs esclaves toi
596 (début de l'été) Sentence d'excommunication, lancée par un concile
de Numidie contre l'évêque Paulus, victime des
intrigues des Donatistes 43 ;

ld. Lettre de Gennadius, exarque d'Afrique, au pape


Grégoire, sur l'affaire île l'évêque Paulus. . . 311
596 (août) Réponse du pape à l'exarque Gennadius. . . . 317
ld. Dossier de l'instruction (inquisilio) du procès de
l'évêque Paulus devaut le pape 317
Id. Requête du pape à l'empereur Maurice Tibère,
pour la stricte observation des lois contre les
Donatistes 318
5% (vers septembre) Lettre de l'évêque numide Columbus au pape Gré-
goire, pour lui annoncer l'excommunication
lancée contre lévêque Paulus 317
596 (octobre) Réponse du pape à l'évêque Columbus . . . . 317
597 Dossier du procès de l'évêque Paulus devant
l'empereur Maurice l'ibère, à Constantinople. 317
598 (février) Lettre du pape Grégoire aux évêques africains
Adeodatus et Maurentius, pour leur recomman-
der l'évêque Paulus qui revenait de Constanti-
nople où il avait prouvé son innocence . . . 311
ld. Autre lettre de recommandation, adressée par le
pape Grégoire à l'évêque numide Columbus, en
faveur de l'évêque Paulus, reconnu innocent en
dépit des calomnies et des intrigues donatistes. 317

FIN 1)1 QLATHIKMK VOLUME


TABLE DES MATIÈRES

LIVRE HUITIÈME
LE DONATISME. — DOCUMENTS SLR LHTSTOIRE
DU SCHISME
Chapitre i
er . — L'Église donatiste.
Pages.
I. — Histoire du Donatisuie. —
Les sources de cette histoire. L'ou- —
vrage de saint Optât. —
Les œuvres de saint Augustin. Lois et —
lettres d'empereurs. —
Edits de gouverneurs africains. Actes des con- —
ciles. — Dossiers de procès ou d'enquêtes judiciaires Autres pro- —
cès-verbaux pt documents divers. Inscriptions. —
La littérature —
donatiste. —Les principales périodes de l'histoire du Doualismc . .

II. — Les origines du Donatisme, jusqu'à la condamnation du schisme


par Constantin (3H-316). —
Les causes du schisme. Date de son —
apparition. —
Grand nombre des lapsi pendant la persécution de
Dioclétien. —
Malentendus entre Mensurius, évêque de Carthage, et
Secuudus, primat de Numidie. —
.Manifeste des martyrs d'Abitiua.
— Protocole de Cirta. —
Attaques et intrigues coutre Mensurius et
son archidiacre Caecilianus. —
Le prétendu schisme de Douât des
Cases-Noires. —
Mort de Mensurius..— Election de Caecilianus à Car-
thage. — Protestations contre cette élection. Appel au primat de — —
Numidie. — Concile des dissideuts à Carlhsge. Rôle de Lucilla. —
Election de Majorinus, puis de Douai, à Carthage. Organisation du —
parti, qui reçoit le nom de Pars Danati. —
Requête à Constantin. —
Concile de Rome. —
Protestations des dissidents. Euquête sur Félix —
d'Abtbugni. —
Concile d'Arles. — Appel des Donatistes à l'empereur.
— Hésitations de Constantin. —
Procès du pape Silvcstre. Missiou —
desévèques Eunomius et Olympius à Carthage. Seutence de Cons- —
tantin
III. — Les destinées du Donatisme, depuis la première persécution
jusqu'à l'entrée en scène d'Augustin (317-391). Loi de Constantin —
coutre les Donatistes. —
Persécution à Cartilage. —
Batailles dans des
basiliques. —
Les premiers martyrs donatistes. Apparition des Cir-—
coucellions. —
Guerre de pamphlets. —
Enquête sur Silvanus, évêque
schismatique de Constantine. —
Supplique des Donatistes persécutés a
l'empereur.— Edit de tolérance. —
Politique de Constantin. Progrès —
du Donatisme. — Concile de 270 évoques schismatiques à Carthage. —
Empiétements des Donatistes eu Numidie. —
La basilique de Cons-
tantine. —
Le préfet du prétoire Gregorius. —
Violences des Circoncel-
lions. — Axido et Fasir. —
Intervention des troupes et du comte Tau-
rinus. — Conciles donatistes de Numidie. Organisation d'une—
communauté donatiste à Rome. —
Relations des Donatistes avec les
Ariens. —Essai de réunion des deux Églises africaines. Mission —
de Paulus et de Macarius. —
Les « artisans de l'unité ». Accueil que —
leur fait Douât de Carthage. —
Edit de l'empereur Constant. Mar- —
tyre de Maximianus et d'Isaac à Carthage. —
La missiou en Numidie.
— Résistance armée de Donat, évêque de Bagaï. Appel auxCircon- —
cellions. — Intervention des troupes et du comte Silvester. Défaite —
de Donat de Bagaï. —
Concile des schismatiques en Numidie. —Mort
de Marculus. —
Exil de Donat de Carthage et des principaux évêques
schismatiques. —
Rétablissement de l'unité religieuse. Le Dona- —
tisme au concile catholique de Carthage sous Gratus. Période de paix —
512 TABLE DES MATIÈRES
Pas
relative. —
Mort de Donat de Carthage. —
Élection de Parmcnianus

comme primat donatiste. Réaction sous le règue de Julien. Requêtes —
des sehisuiatiques à l'empereur. Edit de Julien. —Violences des —
Douatistes en Numidie et en Maurétanie. — Concile des schismatiques
à Theveste. —
Nouvelles persécutions contre les Donatistes. Le comte —
Romanus. —
Polémiques Parmeniauus et saint Optât. — Alliance des
:

Donatistes avec Firmus. —


Nouveaux édits impériaux. Le vicaire —
d'Afrique Nicomachus Flavianus. —
Exil de Claudianus, évêque des
Monteuses de Rome. —
Schismes dans le parti donatiste. — Nouveaux
édits. —
Conciles donatistes. —
Modération de Genethlius. évêque
catholique de Carthage. —
Prospérité du Donatisme eu 391 .... 25
IV. — La deux Églises au temps d'Augustin (392-430).
lutte des Ordi- —
nation d'Aurelius comme évêque catholique de Carthage, et d'Augustin
comme prêtre d'Hippone. —
Mort de Parmeniauus. Electiou de —
Primiauus comme primat donatiste de Carthage. Edits contre les —
hérétiques. —
Démêlés de Primiauus avec son diacre Maximianus. —
Schisme des Maximianistes. —
Conciles maximiauistes île Carthage et
de Cabarsussa. — Condamnation de Primiauus. Concile catholique —
d'Hippone cauons relatifs au Donatisme. — Débuts de la campagne
:

contre le Donatisme. —
Coucile primianiste de Bagai condamnation :

des Maximianistes. —
Procès intentés aux Maximiauistes pour la res-
titution des basiliques. —
Violences des Douatistes. Alliance avec —
Gildon. —
Exploits d'Optatus de Thamugadi. —
Conciles donatistes de
Constantiue et de Milev. —
Réconciliation d'une partie des Maximia-
nistes avec les Primianistes. —
Coucile catholique de Carthage en 391 :

canons relatifs au Donatisme. —


Activité d'Augustin, deveuu évêque
d'Hippone. —
Couférences entre Catholiques et Douatistes. Polé- —
miques d'Augustin contre les écrivains schismatiques. Conciles —
catholiques de Carthage en 401. —
Tentative de réconciliation avec les
Douatistes. —
Coucile catholique de Milev eu 402. Coucile de Car- —
thage en 403. —
Négociations et projets de conférences avec les évêques
donatistes. —
Refus des schismatiques. —
Violences des Donatistes. —
Attentats contre des évêques catholiques. —
Ambassade envoyée à
l'empereur par le concile de Carthage en 404. —
Nouveaux attentats.
—Lois d'Honorius, ordonuant de rétablir en Afrique l'unité religieuse.
—Dans quelle mesure furent appliquées ces lois. Concile de Car- —
thage en 405. — Requête des Donatistes au préfet du prétoire. Cou- —
cile de Carthage en 407. —
Agitation en Afrique à la nouvelle de la
mort de Stilichou. —
Conciles de Carthage en 408. Nouvelles lois —
d'Honorius. —
Edit de tolérance, bientôt abrogé. —
Concile de Carthage
en 410. —Conférence de Carthage, en 411, entre les évêques des deux
Eglises. —
Edit du commissaire Marcelliuus contre le Douatisme. — Loi
d'Honorius, confirmant la condamnation de l'Eglise schismatique. —
Mesures prises pour rétablir l'unité religieuse. Les commissaires —
impériaux. —
Concile catholique de Numidie. Nombreuses conver- —
sions. —
Violences et procès des Circoncellions. Procès et condam- —
nation de Marcelliuus. —
Nouvelles lois d'Honorius. Conciles catho- —
liques de Carthage ou 418 et 4!9. Dernières luttes.— Concile dona- —
tiste de Numidie. — Schismatiques intransigeants Petiliauus de :

Constantine, Emeritus de Caesarea, Gaudentius de Thamugadi, Nemes-


sanus d'Ala Miliaria. —
Le Rogaliste Vincentius Victor. Déroute du —
Donatisme 52
V. —Le Donatisme dans l'Afrique vandale et byzantine. Persistance —
du schisme en Numidie et en Maurétanie. —
La basilique et les épi-
taphes douatistes d'Ala Miliaria, eu Césarienne. Lettre du pape —
Léon aux évêques de Maurétanie, en 446.
I —
Donatistes à Narbonne,
en 458. —
Ouvrages de l'évêque numide Asclepius contre le Donatisme.
—Recensions donatistes du Liber genealogns. Autres témoignages —
sur le Donatisme. —
Le Liber de promissionibus et praedictionibus uei.
—Petrus Chrysologus. Théodoret. — Victor de Vita. — Avitus. — —
Donatistes a Lyon, vers 502. —
Fulgence de Ruspae et l'Arien I

tidiosus. — Edit de Jusliuieo contre les schismatiques africains. —


Témoignages de Cassiodore, de Ferrandns et de Cresconius Le Dona- —
tisme iNumidie a la (iu du vi° siècle.
ii —
Intervention du Pape Grégoire
lr Grand. —
Lettre aux évêques de Numidie. — Lettre à l'exarque <ïeu-
uadius. —
Procès d'Argentins, évoque de Lamiggiga. Concile de Numi- —
die contre les Douatistes eu 591. — Lettre du pape à l'évêque Colum-

TAr.LE DES MATIÈRES 513


Pages,
bus. —Procès de Maxiiniauus, évéque de Pudentiana. Conciles de —
Numidie ea 592 et 593. —
Violeuces des schismatiques. Lois de —
l'empereur Tibère Maurice coutre le Donatisme. — Plaiote adressée par
le pape au préfet du prétoire d*Afrique. —
Affaire de l'évêque Paulus,
victime des intrigues donatistes. —
Nouvelles lettres du pape a
l'exarque Genuadius et à des évêques africains. —
Conciles de Carthage
et de iNumidie contre les Donatistes en 594. —
Requête du pape à
l'empereur en 596, pour demander l'application des lois contre les
schismatiques. —
Dernières lettres de Grégoire le Grand, relatives au
Donatisme 91
VI.— Extension du Douatisme et des divers schismes donatistes. —
Nécessité de distiuguer entre les temps. —
Domaine du Donatisme
pendant la période des origines. —
La Numidie et Carthage. Pro- —
grès du Donatisme après la loi de tolérance de 321. Le concile des —
270 évêques schismatiques. —
Extension du Donatisme dans les pro-
vinces de l'Est. —
Extension en Maurétanie. —
La propagande dona-
tiste. —
Grand succès dans toutes les classes sociales. Conversion —
de clercs catholiques. —
Le Donatisme et les indigènes. Rôle de la —
langue punique dans l'Eglise schismatique. —
Nombre des évêchés
donatistes à la fin du iv siècle.
e —
Colonies donatistes à Rome, en
Espagne et eu Gaule. —
Principaux centres de la secte. Mor- —
cellement du parti de Donat. —
Le Donatisme proprement dit. Par- —
ménianisme ou Primianisme. —
Le Rogatisme en Maurétanie. Le —
schisme de Tyconius. —
Les Claudianistes à Carthage. Les Urbanen- —
ses en Numidie. —
Les Arzuges en Tripolitaiue. Le Maximianisme. —
— Domaines respectifs du Primianisme et des schismes donatistes.
Importance relative des Eglises africaines au moment de la Conférence
de 411 109
VIL — Organisation des Églises donatistes. —
Elles conservent les ins-
titutions antérieures au schisme, mais repoussent les innovations des
Catholiques. — Les diocèses. — Ils ne coïncident pas partout avec les
diocèses catholiques. —
Les paroisses rurales et les paroisses urbaines.
— Les basiliques. —
Les cimetières. —
Les biens d'Eglise. Richesse —
de certaines communautés. —
Administration. —
Les seniores laici.
— La hiérarchie ecclésiastique. —
Les clercs. —
Les vierges sacrées et
les continents. — Condamnation de la vie monastique. Grande auto- —
rité des évêques. — La fête d'Optatus de Tbamugadi. Les provinces —
ecclésiastiques. — Le Primat de Numidie. —
Le Primat de Carthage.
Les conciles. — La liturgie. —
Refus d'admettre certaines fêtes nou-
velles, adoptées par les Catholiques. —
Culte des auciens martyrs et
des martyrs donatistes. —
Doctrine et liturgie du baptême. Rites de —
la réconciliation des Catholiques convertis au Donatisme. Fidélité —
au souvenir de saint Cyprien et à la tradition africaine. La Bible —
donatiste. — La discipline. —
L'idéal évaugélique. —
Rôle de l'Esprit
saint. —Miracles et visions donatistes.
— —
Prétention à l'austérité et à
la pureté. —Les « Saints ». 'Nombreuses défaillances. Les tribu- —
naux ecclésiastiques. —
Excommunications. —
Déposition d'évêques
ou de clercs. —
Schisme ou hérésie? —
DoDatistes semi-ariens. Les —
Donatistes n'étaient pas considérés d'abord comme des hérétiques. —
Témoignages d'Optat et d'Augustin. —
Loi d'Honorius qui assimile
définitivement aux hérétiques les schismatiques africains 133
VIII. — Caractères et rôle du Donatisme. —
Causes apparentes et causes
profondes du schisme. —
Rivalité du primat de Numidie et de l'évêque
de Carthage. —Fidélité aux traditions locales. —
Dévotion et intransi-
geance des Africains. —
État social du pays. —
Mécontentement d'une
partie de la population. —
Principe du schisme. —
Esprit conserva-
teur et intransigeant. —
La véritable Église. —
Haine contre les Catho-
liques et contre les païens. —
Calomnies populaires. —
Controverses.
— Refus de discuter avec les Catholiques. —
Objet et caractère des
polémiques. —
Protestations contre l'intervention du pouvoir séculier.
— Appels à la violence et aux passions populaires. —
Les Circoticel-
lious. — Guerre religieuse et guerre sociale. —
Les Donatistes modérés
et les intransigeants. —
Rôle des clercs donatistes dans les émeutes et
les attentats des Circoncelliona. — Daus quelle mesure ou peut consi-
dérer le Douatisme comme un parti d'opposition politique ou un
mouvement natioual. —
Rôle du Douatisme dans l'histoire du chris-
tianisme africain , 163

IV 33
514 TABLE l)KS MATIÈRES
Pages.
Chapitrb II. — Les documents donatistes ou relatifs au Donatisme.

I. — Documents relatifs aux origines du schisme (303-330). Comment —


ilsnous sool parveous. —
Chronologie. Divers groupes. —
Lois de —
Constantin sur le Douatisme. —
Correspondance officielle de l'empereur
ou de ses représentants et des gouverneurs africains. Pièces rela- —
tives à la persécution de Dioclétien en Afrique et aux malentendus nés
de cette persécution. —
Dossiers de conciles. Pièces relatives aux —
attaques des Donatistes coutre les évêques de Caj-thage et les papes.
— Requêtes, appels et suppliques des dissidents. — Procès-verbaux
d enquêtes 193
IL — Les Gesta purgationis Caeciliani et Felicis. — Le dossier d'Optat.
— Origine et histoire de ce recueil. — Reconstitution du dossier com-
plet. — Les Epistulae de Appendix d'Optat. — Les Acta purgationis
l'

Felicis. — Procès de Félix d'Abthugni. — Date de l'enquête. —


Lacunes du dossier. — Documents insérés ou mentionnés dans les Acta.
— Audience d'Abthugni. — Audience à la curie de Carthage. —
Audience proconsulaire du 15 février 314. — Physionomie de ces
audiences. — Les personnages et les débats. — Valeur historique de
ces procès-verbaux. — Les Gesta apud Zenophilum. — Enquête sur
Silvanus, évêque donatiste de Constautine, en 320. — Lacunes du dos-
sier. — Documents contenus dans les Gesta. — Pièces lues à l'audience.
— Le libe/lus du diacre Nundiuarius. — Les lettres d'évêques numides.
— Les interrogatoires. — Physionomie de l'audience de Thamugadi.
— Intérêt historique et littéraire de ces documents 210
III. — Documents de période 331-391.
la Groupes divers. —Edits —
impériaux et autres pièces officielles. —
Lettre de Gregorius, préfet du
prétoire, à Donat de Cartilage. —
Constitution de l'empereur Cons-
tance, adressée aux Africains. —
Edit de lempereur Constant, ordon-
nant l'union des deux Eglises rivales, en 347. Edit proconsulaire —
affiché à Carthage le 15 août 347. —
Discours de Macarius, commissaire
impérial. —
Rescrit de l'empereur Julien, en 362. Rapports des gou- —
verneurs africains sur les violences des schismatiques. Autres edits —
impériaux. —
Documents donatistes. —
Lettres de Donat de Carthage.
— Lettres d'Axido et de Fasir. -- Proclamation de Douât, évêque de
Bagaï. —Requêtes des évêques donatistes exilés à l'empereur Julien,
eu 362. —Mandement de Faustinus, évêque schismatique d'Hippone.
— Testaments de Donatistes. — Pièces judiciaires 240
IV. —
Documents du temps d'Augustiu (392-430). Grand nombre des —
pièces conservées ou partiellement conuues. —
Différentes catégories.
—Edits et lois des empereurs contre le Douatisme. Loi de Théo- —
dose en 392. —
Autres lois et rescrits. —
Edit d'unité de 405. Edit —
de tolérance de 410. —
Edit d'union de 412. Dernières lois contre —
le Donatisme au temps d'Augustin. —
Edits des gouverneurs africains
et des commissaires impériaux. Edits du proconsul Srptiminus et
d'antres gouverneurs africains en 403. —
Edits du proconsul Douatus
eu 408. —
Edits de Marcelliuus eu 411. —
Edit de Cieciliauus en 413.
—Edit du vicaire d'Afrique Macedonius en 414. Edits du tribun —
Dulcitius vers 420. —
Documents donatistes. —
Liste des évêques schis-
matiques de Constantiue. —
Listes de souscriptions. Proclamations —
donatistes. —
Proclamation de Siuitum en 409. Sommation de prêtres —
schismatique?. —
Protestation de Donatus de .Mutugeuna. Procla- —
mations ou Avertissements catholiques. —
Proclamation d'Augustin aux
Donatistes laïques en 403. —
Documents affiché* a llippone vers 406.
— Avertissement* aie./ Itonatisles en 409 et en 412. Documents relatifs —
aux Conférences entre les deux partis. —
Compte-rendu des Confé-
rences de Thubursicum Numidarum eu 397-398. Procès-verbal d'une —
entrevue avec Macrobius, évêque donatiste d'Hippone, en 410. Gesta —
proconsutaria et Gesta vicariae praefecturae relatifs aux projets de
Conférences en 403. —
Gesta municipalia de Carthage, d Hippoue, de
t

Calama, relatif- aux négociations de 103. —


Gesta praefectoria de
Ravenneu en 'm*;. Autres procès verbaux de Conférences .... 254

V. — Dossiers judiciaires du Donatisme au temps in. G* —



i

publica relatifs a des enquêtes faites a llippone en 396 et en 103.


Pièces dis procès intentas par les Catholiques a des Donatistes —
Procès de Circoncelliona de* environ-' d'Hippone eu 395. Procès —
TABLE DES MATIÈRES 515
Page...
intenté par des évêques catholiques à l'évêque donatiste Uptatus de
Thauaugadi, vers 395. —
Les procès de Crispinus de Calama, en 403-
404. —Procès iuteutés aux Donatistes eu 404 par Maximianns de
Bagaï et par Servus de Thuburs'cum Bure. Autres procès à la fin—
de 408. —
Procès des Cireoucellions d'Hippone eu 411-412. Pièces —
des procès iuteutés par les Primianistes aux Maximiauistes pour la
restitutiou des basiliques (392-397). — Gesta proconsulariu et Gesta
municipalia relatifs aux actions judiciaires des deux partis. Les pro- —
cès de Maxiniianus de Carthage. —
Les procès de Salvius de Mein-
bressa. —
Les procès de Felicianus de Musti et de Praelextatus d'Assu-
ras. —Autres procès qui se rapportent iudirecteineut au Donatisme.
— Procès de Marcellinus et d'Apringius en 413. Pièces de l'enquête —
de Fussala 286
VI. — Documents du temps de l'occupation vandale ou de domination la
byzantine. —
D'où vient la rareté des pièces sur le Donatisme pendant
toute cette période. —
Témoignages divers sur la persistance du
schisme sous les rois vandales. —
Edit d'Hunéric en 484. Edit de —
Justinien en 535. —
Textes divers sur le Donatisme au temps de Justi-
nien. —
Deruiers documents sur l'histoire du schisme à la fin du vi e
siècle. —
Correspondance du pape Grégoire le Grand avec des évêques
et des gouverneurs africains. —
Dossiers judiciaires. Procès d'Argen- —
tius, évêque de Lamiggiga. —
Procès de Maxiniianus, évêque de
Pudentiana. —
Procès de l'évêque Paulus. —
Lois de l'empereur Tibère
Maurice contre le Donatisme. —
Requête du pape à l'empereur contre
les schismatiques africains 309

Chapitke 111. — Les Actes des Conciles donatistes ou antidonatistes.

I. — Vue d'ensemb'le. — Liste chronologique des Conciles qui se rappor-


tent à l'histoire du Donatisme. —
L'institution synodale chez les schis-
matiques africains. —
Conciles de la province de Numidie. Conciles —
généraux 321
II. — Conciles antérieurs au temps d'Augustin (305-391). Protocole —
de Cirta du 5 mars 305. —
Concile des dissidents à Carthage en 312. —
Procès-verbal des négociations avec Caeciliauus. Réquisitoires. — —
Procès-verbal des votes motivés. —
Lettre synodale aux Eglises afri-
caines. —
Concile des 270 évêques schismatiques à Carthage, vers 336.
— Synodes donatistes de Numidie, vers 340-341. Concile douatiste —
de Numidie, eu 347. —
Synode douatiste de Theveste, vers 362. —
Concile donatiste, vers 380. —
Autres synodes schismatiques. Con- —
ciles catholiques contre le Donatisme. —
Concile de Rome du 2 octo-
bre 313. —
Lettres qui s'y rapportent. Actes du concile. —Réqui- —
sitoire des schismatiques africains. —
Sentence du pape Milliade. —
Rapport à l'empereur. —
Concile d'Arles du I e1 août 314. Lettres '

qui s'y rattachent. —
CanoDs et lettre synodale au pape Silvestre. —
Synodes africains eu 347-348. —
Concile de Cartha«e sous Gratus,
vers 348. —
Canous relatifs au Donatisme. —
Concile romain de 378.
— Plainte contre l'évêque douatiste de Rome. Concile romain de —
386. —Lettre synodale aux évêques africains 325
III. — Conciles du temps d'Augustin (392-430). — Assemblées donatistes.
— Concile maximianiste de Carthage, en 392. — Lettre synodale. —
Concile maximianiste de Cabarsussa, du 24 juin 393. Lettre syno- —
dale, notifiant la déposition de Primianus. Concile primianiste de —
Bagaï, du 24 avril 394. —
Sentence de condamnation contre Maxiniia-
nus et ses partisans. —
Conciles primianistes de Constautine et de
Milev, vers 396-397. —
Concile primianiste de Thamugadi en 397. _
Concile primianiste de 403. -- Concile donatiste, réuni à Carthage eu
411. —
Synode donatiste de Numidie, en 41S ou 419. Assemblées —
catholiques. — Concile d'Hippone, du 8 octobre 393. Cauons relatifs —
au Donatisme. —
Concile de Carthage, du 28 août 397. Canons sur le —
Donatisme. —
Coucile de Carthage, du 27 avril 399. Concile de Car- —
thage, du 16 juin 401. —
Députatiou aux évêques de Rome et de Milan.
— Concile romain (été de 401). —
Lettre synodale aux évêques afri-
cains. —
Concile de Cartha»'e, du 13 septembre 401. Projets de —
conférences avec les schismatiques. Lettres synodales. — Concile —
de Milev, du 27 août 402. —
Concile de Carthage, du 25 août 403. —
516 TABLE DES MATIÈRES
Pages.
Nouveaux projets de négociations et île conférences avec les évêques
Bchisnaatiques. —
Instructions aux évêques catholiques, et modèle de
procédure. —
Lettres synodales aux gouverneurs africains. Coucile —
de Carthage, du -16 juin 404. —
Députatiou à l'empereur et lettres
synodales. —
Concile île Carthage, du 23 août 405. Lettres synoda- —
les. —
Cauoo relatif a la couversiou des Donatistes. Concile de Car- —
thage du 13 juin 407. —
Réorganisation des anciennes communautés
schïsuaatiques. —
Ambassade aux empereurs. —
Conciles de Carthage,
du 16 juin et du 13 octobre 408. —
Ambassades à l'empereur. Con- —
cile, de Carlhage, du 14 juin 410. —
Députatiou et requête à l'empe-
reur. —
Coucile catholique, réuui à Carthage eu mai 4M. Concile de —
Numidie, du 14 juiu 412. —
Lettre synodale aux Donatistes. Concile —
de Hyzacèue, du 24 février 418. —
Concile de Carthage, du 1" mai 418.
— Canons relatifs à la conversion des schismatiques et à la réorgani-
sation des diocèses. —
CoDcile de Caithage, du 25 niai 419. Confir- —
mation de divers canous antérieurs sur le Doualisme. Concile de —
Numidie, vers 422 353
IV. - Le dossier de Conférence de Carthage eu 411.
la Documents —
relatifs aux préliminaires. —
Requêtes des deux partis. Edit d'Hono- —
rius. du 14 octobre 4)0. - Instructions spéciales de l'empereur à Mar-
cellinus. —
Lettres d'Honorius au proconsul de Carthage et au vicaire
d'Afrique. —Edit de Marcellinus, du 19 janvier 411. Requête des —
Maximianistes. —
Gesla publica où était consignée la réponse de Pri-
mianus à l'édit de Marcellinus. —
Lettre circulaire de Primianus aux
évoques donatistes. —
Réponse de Félix Pisitensis. Gesla munici- —
palia et rapports adressés à Marcellinus par les municipalités africai-
nes. —
Second édil de Marcellinus, vers le 20 mai. Salaria du con- —
cile donatiste de Carthage, eu réponse au second édit. Mandatum —
Donatislarum, instructions aux mandataires du parti. Répouse du —
concile catholique au second édit de Marcellinus. Mandutum —
catho-
lici concilh, instructions aux mandataires du parti. Lettre du con- —
cile catholique à Marcellinus, en répouse à la Xotaria des Donatistes.
— Procès-verbal de la première séance de la Conférence (1 er juiu). —
Nouvelle Nolaria Donatislarum, et réponse de Marcellinus. Procès- —
verbal de la deuxième séance de la Conférence (3 juin). Reçus déli- —
vrés aux greffiers, le 6juin. —
Avis au public, rédigé par Marcellinus.
— Lettre du coucile donatiste, en réponse au Mandatum des Catho-
liques. — Procès-verbal de la troisième séan< e de la Conférence (8 juin).

— Sentence de Marcellinus (8 juin). Rapport à l'empereur. — Edit
de Marcellinus contre les Donatistes (26 juiu). —
Appel des Donatistes
à l'empereur. —
Edit d'Honorius, ordonnant de rétablir en Afrique l'uni-
té religieuse. —
Etude des Gesla Collalionis. —
Publication du recueil.
— L'édition d'Hippone. —
L'édition de Marcellus Memorialia et les
Capitula Gestorum. — Lacunes du recueil actuel. Physionomie des—
séances. —
Le bureau et VOfficium. —
Obstructions des Donatistes. —
Attitude des Catholiques. —
Rôle du président. —
Caractère des débats.
— Valeur historique des Gesta Collalionis 388

V. — Conciles postérieurs au temps d'Augustin. Coucile de Mauréta- —


nie Césarienne, en 446. —
Lettre du pape Léon I aux évêques de
Césarienne. —
Canons relatifs au Douatisme dans les recueils de Fer-
randus et de Crescouius. —
Coucile de Numidie en 590. Requête au —
pape Pelage II. —
Lettre du pape Grégoire le Grand aux évèqm--
numides. —
Concile de Numidie contre le Donatisme, en 591. —
Enquête sur Argentins de Lamiggiga. —
Coucile de Numidie, eu 592. —
Procès de Maximiauus de Pudentiana. —
Concile de Numidie, en 593.
— Coucile de Carthage, eu 594. Mesurée —
contre le Donatisme. —
Concile de Numidie, en 594. —
Concile de Numidie, eu 596. Excom- —
munication de l'évêque Paulus, victime des intrigues donatistes. . . 425

Chapitkk IV. — L'épigraphie donatiste.

1 — Intérêt el de l'épigraphie donatiste.


difficultés Premier groupe -
de documents. -
Inscriptions qui reproduisent le cri de guerre des
Bchismaliqucs africains. Diversité des monuments où se lit le l'en
[au des.

Pilastres sculpte-, piliers, linteaux, et autres fragments
chitecture.
. —
Bagues. —
La devise des BChismatiques et le chrisme
_ Documents plus complexes où Bgure la même acclamation. Le l>e<, —

TABLE DES MATIÈRES 517


Pages.
laudes précédé d'une invocation au Christ. — La formule Deo laudes
dicamus sur des linteaux de porte. — La
formule Deo laudes agamus. —
Variantes de ces formules. —
Le Deo laudes dans la dédicace d'un bap-
tistère donatiste. —
Réponses des Catholiques au cri de guerre des
schismatiques. —
La formule Deo grattas sur un chapiteau de Bagaï.
— La formule Deo gralias agamus sur la clef d'arc d'une abside de
basilique 437
II. — Autres inscriptions monumentales, relatives aux polémiques dona-
tistes. — Protestations des schismatiques contre les persécutions. —
Versets des Psaumes. —
Versets de saint Paul. —
Réponses des Catho-
liques :éloge de la paix religieuse et de l'unité de l'Eglise. Orgueil —
des Donatistes les « Purs », les « Saints », les « Justes ».
: Verset —
des Psaumes addition qui trahit la main d'un schismatique.
: Nom de —
« Saints » donné aux fidèles dans des dédicaces. Glorification du —
« Juste » daus des inscriptions de Numidie. —
Interprétation sectaire
d'un verset de saint Paul. —
Adaptations donatistes de la formule
Bonis bene. — Réponses des Catholiques aux « Saints » et aux « Justes >>

de l'Eglise schismatique. — Les « pécheurs de Cedias ». Documents —


relatifs a la liturgie donatiste. — La Noël. Le baptême.— Réponse —
des Catholiques. —
Documeuls relatifs aux querelles des deux partis.
— La confiscation des basiliques donatistes et la dédicace d'un sanc-
tuaire des Apôtres à Ain Ghorab. —
Mention de VEcclesia catholica
dans des inscriptions de Thagaste, de Ksar El-Kelb, de Tipasa ... 443
Hl. —
Part du Donatisme dans l'épigraphie martyrologique africaine. —
Théorie des schismatiques sur la prééminence du martyre. Témoi- —
gnages épigraphiques —
Protestations des Catholiques contre cette
théorie exclusive —
Monuments élevés à des martyrs communs aux
deux Eglises —
Inscriptions de Numidie en l'honneur d'Emeritus.
Documenls relatifs aux marlyrs donatistes proprement dits. Mar- —
tyrs de 317 à Carthage. —
Martyrs numides, vers 340. Tombeau de —
Marculus à Nova Petra. —
Epitaphe de Robba, martyre donatiste d'Ala
Miliaria en 434. —
Epitaphe du diacre Nabor. Documents relatifs —
à d'autres victimes des guerres religieuses. —
Dédicace du tombeau et
de la chapelle des martyrs de Renault, en 329. Martyrs des environs —
de Tiaret, en 400. —Epitaphe d'un martyr de Sillègue. Reliquaire —
de Feliciauus. —
Cancel d'Henchir Bou-Saïd 461
IV. —
Epigraphie funéraire des Oouatistes. —
Inscription de Sititi. La —
Pars Trigari. —
Epitaphe d'uue religieuse de Theveste. Inscription —
d'Oum El-Aber. —
Mosaïque tombale de l'évêque Argentius à Lamig-
giga. — La basilique et les caveaux funéraires d'Ala Miliaria. Epi- —
taphes datées de clercs et de religieuses donatistes. Caveau de —
l'évêque Nemessauus et de la religieuse lulia Geliola. — Graffiti. —
Les prêtres Victor et Crescens Le diacre Maurus. — L'évêque Doua- —
tus. —
Le prêtre Donatus. —
Evêque anonyme. Formulaire de ces —
épitaphes donatistes. —
Analogies et différences avec le formulaire
catholique •
47g

APPENDICE
Liste chronologique des documents donatistes on relatifs au Dona-
tlsme 2 487

A.NUEIIS. — IMPRIMERIE ORIENTALE DE A. BCRI.IN ET ('«.


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