Analyse des pratiques

Ce que vise un groupe d'analyse des pratiques professionnelles, c'est de permettre ses participants de dvelopper une posture rflexive sur ce qu'ils font. Devenir "analyste de sa pratique", c'est se demander : "En quoi suis-je pour quelque chose dans ce qui m'arrive ?" "La notion d'analyse des pratiques, prise ici dans sa gnralit, dsigne une mthode de formation ou de perfectionnement fonde sur l'analyse d'expriences professionnelles, rcentes ou en cours, prsentes par leurs auteurs dans le cadre d'un groupe compos de personnes exerant la mme profession." 1 Mme si elle se rfre explicitement des thories issues du champ de la psychothrapie, et mme si souvent ce type de dispositif joue un rle cathartique permettant la mise distance de vcus douloureux l'analyse des pratiques se distingue de la psychothrapie. Le matriel apport par les participants a trait leur pratique et leur identit professionnelle. On y travaille sur son implication personnelle dans les situations professionnelles. Les matriaux renvoyant la sphre psychosexuelle et l'histoire personnelle des participants n'ont en principe pas tre voqus dans ces groupes. Il faut cet gard distinguer entre groupes issus d'une mme institution et groupes de professionnels venant d'institutions diffrentes.

Sommaire
1 Historique de l'analyse des pratiques 2 Qu'entend-on par analyse des pratiques ? 3 Principes fondateurs d'un groupe d'analyse des pratiques 4 Varit des rfrences thoriques des animateurs 5 Bibliographie 6 Articles connexes 7 Liens externes 8 Notes et rfrences

Historique de l'analyse des pratiques

L'analyse des pratiques comme dmarche de formation se dveloppe depuis les annes 1960. Elle a t initie par le psychanalyste anglais Michael Balint qui en a fait alors un outil de dveloppement des pratiques relationnelles des mdecins. L'ouvrage fondateur de cet auteur, Le mdecin, son malade et la maladie postule l'importance dterminante de la relation patient/mdecin dans le processus de gurison. Il convoque la thorie psychanalytique et les notions de transfert et de contre-transfert pour tenter d'clairer ce qui est en jeu dans cette pratique relationnelle. Par la suite, les mtiers du champ sanitaire et social, quipes soignantes et quipes ducatives travaillant dans diverses institutions vont avoir recours ce type de dispositif. Aujourd'hui le champ de l'enseignement et de la formation des adultes a galement recours ces groupes de travail rflexif. Dans de nombreuses formations de formateurs ou de travailleurs sociaux, des temps d'analyse des pratiques sont consacrs l'exploitation du vcu des priodes de stage.

Qu'entend-on par analyse des pratiques ?

Qu'entend-on par pratique professionnelle ? La notion dsigne un ensemble complexe. Il s'agit autant : de ce qu'on fait et dont on ne parle pas parce que a ne correspond pas forcment ce qui est prescrit (diffrence entre travail prescrit et travail rel) ; de ce qu'on souhaiterait faire et qu'on n'arrive pas faire (ici vont nous intresser "empchements d'agir" et "idal professionnel) ; de ce qu'on fait et qu'on aimerait ne pas faire ou, de ce qu'on fait sans vraiment avoir conscience qu'on le fait, soit qu'il est plus confortable de ne pas le savoir, soit que cet agir est tellement "incorpor" qu'on ne le voit plus du tout comme modalit de notre action. Le travail d'analyse de pratique, avant d'tre proprement de l'analyse relve donc d'abord de la prise de conscience de nos actions. En quoi s'y livre-t-on une analyse ? Le travail effectu par les participants aprs avoir nonc les "vcus de l'action" consiste trouver des pistes explicatives et comprhensives en le questionnant. Diverses approches issues des sciences humaines peuvent tre convoques pour raliser ce "travail sur les noncs". Mais le plus souvent il s'agit de construire l'exprience en la verbalisant et en la confrontant aux regards croiss du groupe. Construire l'exprience, c'est en dgager les composantes subjectives et objectives, en donner voir la dynamique motionnelle et affective, faire apparatre l'imaginaire en valeurs, histoire et identifications.

Principes fondateurs d'un groupe d'analyse des pratiques

La demande des participants. Ce qui fonde en premier lieu un groupe d'analyse des pratiques, c'est la demande des professionnels qui souhaitent y participer. Cette question est cruciale et dans le cas o l'institution prescrit une participation obligatoire de telles rencontres, les rsistances des participants sont telles qu'elles peuvent aboutir un chec du dispositif ou bien la ncessit de le reconsidrer sur la base d'un engagement volontaire. A la fois pour permettre des temps de parole suffisant et pour crer une ambiance d'intimit qui autorise la parole sur soi, un nombre de douze personne est un maximum, sept ou huit tant sans doute prfrable. Pour permettre de travailler cette question de la demande lorsque le dispositif est surtout issu de la commande institutionnelle, la pratique de l'intervenant est de proposer un nombre de sances dtermines l'issue desquelles participants et intervenant pourront se prononcer quant leur dsir de s'inscrire dans la continuit d'un travail. Cette question de la demande qui est fondatrice de la lgitimit du lieu doit tre rgulirement retravaille avec le groupe.

L'extriorit du lieu Le deuxime principe concerne celui de l'extriorit du lieu. L'idal tant de disposer d'un local se situant en dehors du lieu de travail habituel afin d'viter les interfrences avec les tches quotidiennes. Un des objectifs de ce type de travail tant la mise distance du vcu professionnel, la configuration spatiale du lieu y participe de manire importante. Rythme et dure des sances En gnral les sances se droulent une fois par mois sur une dure de deux trois heures. L'extriorit de l'animateur L'animateur d'un groupe d'analyse des pratiques doit tre extrieur l'institution qui fait appel ses services. Il ne peut ni tre connu personnellement, ni avoir de relation hirarchique avec les participants du groupe. Le respect de la confidentialit des changes Pour pouvoir parler de la ralit de leurs pratiques, de ce qui peut faire problme pour eux, les participants doivent avoir confiance dans la capacit de l'animateur et des autres participants ne pas rendre publiques les paroles qu'ils confient au groupe. Certains praticiens appliquent une rgle de silence totale l'gard de la direction de l'institution sur ce qui se dit dans les groupes. D'autres, considrant qu'il pourrait y avoir un risque "d'enfermement" dans une vision exclusivement centre sur la parole du groupe se risquent des retours ponctuels et impersonnels sur l'avance du travail dans les groupes, avec le commanditaire. Cette position est toujours dlicate car elle exige de canaliser le dsir du commanditaire d'en savoir plus et elle peut faire courir le risque d'une perte d'extriorit du lieu. La question est de trouver un quilibre entre un "ne rien dire" et laisser s'installer une peur possible de la direction du genre "Est-ce que ce groupe et cet animateur ne complotent pas contre nous ?" et un "en dire un peu" et risquer que la direction se saisisse de ce "peu" et le traduise par des interventions sur l'quipe qui pourraient tre vite interprtes par cette dernire comme manant d'une "trahison" de l'animateur. Dans tous les cas ce "dire un peu" doit prserver la confidentialit de la parole confie. Le positionnement de l'animateur Pour autoriser une parole sur l'exprience des participants, l'animateur de ces ateliers ne doit pas se positionner en expert, en celui qui dtient les rponses. Son rle consiste accompagner les professionnels dans l'laboration des questions qu'ils se posent (ou qu'ils ne se posent pas) sur leurs pratiques. Il peut galement les aider se dire avec un minimum de conflictualit ce qu'ils ne parvenaient pas se dire jusque l. L'animateur est le garant du cadre des changes ; respect des changes, des silences etc. Sa pratique cet gard peut tre plus ou moins non-directive, il peut attendre que le groupe s'autorgule lui mme mais il doit avoir conscience des limites ne pas franchir sans risquer de mettre en danger la prennit du groupe. En fonction de la maturit des professionnels et de l'volution du groupe, ses attitudes peuvent varier entre des moments ponctuels de "position haute" dans le savoir et des moments de "position basse" dans le non-savoir. Mais il ne peut user de position dans le savoir que trs ponctuellement, sans quoi il risque d'invalider la dimension clinique du dispositif : il s'agit de travailler avec la singularit du vcu et de confrer ce vcu un statut de "savoir" pour le sujet. Il doit aider le groupe oprer ce que Christophe Niewiadomski nomme : "un retournement des modalits habituelles de production de savoir". Ce sont les professionnels qui sont les experts de leur exprience. L'coute de la souffrance psychique La difficult des situations que vivent les personnes qu'ils accompagnent, les manques de moyens pour faire face leurs missions, les doubles contraintes imposes par les institutions, l'cart entre l'idal professionnel et la ralit des pratiques amnent souvent les professionnels ressentir une forme de souffrance psychique. Les groupes d'analyse de la pratique constituent un lieu pour laborer ces difficults et redonner du sens ce qui est vcu. Une premire phase du travail est donc ce que Jacques Lvine nomme le dit de la blessure narcissique. Elle se situe souvent du ct de ce que l'on n'arrive pas faire, de ce qui nous renvoie un sentiment d'incomptence, de nullit, autant de choses qui ne peuvent pas toujours s'avouer en runion d'quipe, face un hirarchique qui est l pour valuer notre travail. Dans le cadre des relations de travail quotidiennes, la tendance est de donner voir une image de soi qui corresponde celle qu'on se fait d'un bon professionnel. Il ne reste alors plus de place pour dire ce que nous prouvons rellement et bien souvent, le temps nous manque. La recherche de comprhension C'est le temps des hypothses, explicatives et comprhensives. Quelles sont les causes possibles cette situation ? Quel sens lui donnons-nous ? Au nom de quoi agissons-nous ? Les professionnels convoquent leurs rfrences et oprent un "mtissage" thorique qui permet de prendre de la hauteur, de varier les points de vue. Cette phase est importante pour sortir le phnomne voqu de sa "gangue exprientielle". On rejoint des concepts et cela permet de relier subjectivit et objectivit, singularit et universalit. On se situe ce moment dans le sens tymologique du mot thorie : observer, mditer, mettre distance. La recherche des rponses possibles Interroger l'action c'est aussi se demander comment la rendre efficace. Si "a rate", si "a ne marche pas comme a" comment pouvons nous nous y prendre pour trouver de nouvelles faons de faire satisfaisantes ? Il arrive souvent que ce travail se fasse dans l'aprs coup des sances. Tel groupe va voquer ses problmes de communication avec untel pendant deux sances de suite et lors de la troisime, il ralisera que la plainte a pu se transformer en demande clairement formule et entendue par la personne concerne. Il n'y aura pas eu l de vritable analyse effectue pendant la sance mais une simple question de l'animateur : "Tout ce que vous dites l, pouvez vous le lui dire lui ? L'implication des participants Un groupe d'analyse des pratiques ne peut remplir ces fonctions que si un rel climat de confiance s'est instaur entre l'animateur et les participants. Cette relation de confiance permet alors une parole implique des professionnels. L'animateur rappelle le principe de "l'expression je" et accompagne les verbalisations vers ce que Pierre Vermersch nomme "position de parole incarne". Mais la parole authentique ne se dcrte pas et il faut parfois traverser de longues priodes de rsistances avant d'y parvenir. En tant qu'espace de parole libre, le groupe d'analyse des pratiques fait vivre aux participants des phases de rgression provoques par l'angoisse que gnre un tel vide. Ces phases peuvent se manifester par l'expression d'une plainte massive : "Ils nous font vivre a". L'animateur doit accueillir en lui cette plainte et la

laisser se rpter afin qu'elle puisse permettre d'laborer une pense. Graduellement, comme on l'a vu dans l'exemple ci-dessus, les participants en viennent se poser la question de ce qu'ils peuvent y faire.

Varit des rfrences thoriques des animateurs

Approches psychanalytiques Approches psychosociologiques Approches systmiques Approches phnomnologiques axes sur l'explicitation des savoirs d'action Approches issues de la clinique de l'activit professionnelle Approches transdisciplinaires Approche Centre sur la Personne (Carl Rogers)

Bibliographie
Andr Levy (coord.), Vocabulaire de psychosociologie. Claudine Blanchard-Laville (2013) Au risque d'enseigner, Paris : PUF. Rcits de situations de groupes d'analyse des pratiques professionnelles pour enseignants et formateurs. Claudine Blanchard-Laville, Pour une clinique groupale du travail enseignant, article de la revue Cliopsy, en ligne sur le site http://www.revue.cliopsy.fr/pdf/008/047-CBL.pdf - Analyse de pratiques pour des enseignants et des formateurs. Claudine Blanchard-Laville et Dominique Fablet (coord), Travail social et analyse des pratiques professionnelles. Dispositifs et pratiques de formation, L'Harmattan (dernier d'une srie de huit d'ouvrages sur l'analyse des pratiques coordonns par ces auteurs). Claudine Blanchard-Laville, Les enseignants entre plaisir et souffrance., PUF, 2001. Marie-Claude Baietto, Annie Barthelemy, et Ludovic Gadeau, Pour une clinique de la relation ducative : Recherche sur les dispositifs d'analyse des pratiques professionnelles. Claude Allione, La part du rve dans les institutions : Rgulation, supervision, analyse des pratiques Dominique Millet, De l'analyse des pratiques professionnelles en formation : Education Sant Travail social Didier Anzieu, Le moi peau Donald Schn, Jacques Heynemand, et Dolors Gagnon, Le praticien rflexif Pierre Vermersch, L'entretien d'explicitation, ESF, nouvelle dition augmente et corrige, 2006expliciter.fr (http://www.expliciter.fr) Jacques Lvine et Jeanne Moll, Je est un autre, pour un dialogue entre pdagogie et psychanalyse. Mireille Cifali et Florence Giust-Desprairies (ds.), Formation clinique et travail de la pense (http://www.mireillecifali.ch). Bruxelles : De Boeck, 2008, 168 p. Mireille Cifali, Le lien ducatif : contre-jours psychanalytique (http://www.mireillecifali.ch), PUF, 1994 (4me dition, 2005).

Articles connexes
Praxis Pratique sociale Pragmata Wilfred Bion Didier Anzieu Psychosociologie Michael Balint Communaut de pratique Analyse institutionnelle

Liens externes
Les diffrentes approches de l'analyse des pratique par Bernard Gouze, PedagoPsy.eu (http://www.PedagoPsy.eu/analyse_pratique_diverse.htm) Fiche synthtique prsentant le travail du GFR "analyse de pratiques professionnelles" Jacques Lvine, Altet, Perrenoud, et al., reims.iufm.fr (http://www.reims.iufm.fr/formations/formation_continue/pdf/app.pdf#search=%22analyse%20des%20pratiques%20jacques%20l%C3%A9vine%22) Site de Patrick ROBO avec de nombreux crits sur l'Analyse de Pratiques Professionnelles : probo.free.fr (http://probo.free.fr/) Site de Pierre Vermersch et du GREX (Groupe de recherche sur l'explicitation : [ http://expliciter.fr expliciter.fr] Prsentation du master de Sciences de l'ducation de l'Universit Paris Ouest Nanterre La Dfense option "Formation l'intervention et l'analyse de pratiques" (fondatrice : Claudine Blanchard-Laville, responsable scientifique : Philippe Chaussecourte, coordinatrice pdagogique : Franoise Hatchuel) : u-paris10.fr (http://www.u-paris10.fr/63104349/0/fiche___pagelibre/&RH=ufrspse_ensch) et master-fiap (http://www.cliniquedurapportausavoir.fr/master-fiap/)

Notes et rfrences
1. Andr Lvy, Vocabulaire de psychosociologie (avec J. Barus-Michel et Eugne Enriquez), 2002, Ers, p. 302.

Ce document provient de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Analyse_des_pratiques&oldid=93906232 .

Dernire modification de cette page le 9 juin 2013 13:50. Droit d'auteur : les textes sont disponibles sous licence Creative Commons paternit partage lidentique ; dautres conditions peuvent sappliquer. Voyez les conditions dutilisation pour plus de dtails, ainsi que les crdits graphiques. En cas de rutilisation des textes de cette page, voyez comment citer les auteurs et mentionner la licence. Wikipedia est une marque dpose de la Wikimedia Foundation, Inc., organisation de bienfaisance rgie par le paragraphe 501(c)(3) du code fiscal des tats-Unis.