Les Belges Dans L'afrique Centrale Tome II

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JM

^K
y

LES BELGES
DANS

L'AFRIQUE CENTRALE

LES

BELGES
L'AFRIQUE CENTRALE
VOYAGES, AVENTURES ET DCOUVERTES
d'aPRKS les DOCLMENIS ET JOLBN\LX DES EXPLORATEURS

LE CONGO ET SES AFFLUENTS


Ch.

ni-

.MARTRIN-DONOS

TOMK PRKMIF.R

LSTR DE 1^0 GRAYLRES, DE

CARTES ET DE

PLANCHES EN COl'LEURS

BRUXELLES
p.

.M

AE

s,

1-:

TEU R

i8S6

TOfS DROITS RSERVS

B R A

R E

CHAPITRE PREMIER

L'tat libre

ngre

ment du

X1X=

du Congo

Cacuta.
roi

Alphonse.
au Congo

sicle

ses limites, son fleuve.

Baptme du premier

Premires dcouvertes.

roi chrtien

Les V}^res coiigoises.

du Congo

L'ambassadeur

ses funrailles.

Les Anziques.

Couronne-

Les Giachas.

Le

Expdition Tuckey.

18S5, runis en confrence Berlin, sous la


\C*?V
prsidence
de
M. le prince de Bismarck, les dlgus de
<^->"R'j
puissances
Allemagne, Autriche-Hongrie, Belgiquatorze
.

E 26 fvrier
^^=^r7^^?'0
fris
"^

'

^jv que, Danemark, Espagne, tats-Unis d'Amrique,

P^
et

Norvge

du Congo.
1

et

Grande-Bretagne,

Italie,

Turquie reconnaissaient un nouvel tat

Ils lui

fixaient

l'ouest, le littoral
LES BELGES.

I[.

pour limites

Fi'ance,

Pays-Bas, Portugal, Russie, Sude


africain

l'tat libre

de l'ocan Atlantique entre Banana

et

Yab

le

CHAPITRE PREMIER

Yab jusqu'

parallle de

Lenha; ce parallle vers


.ce

le

sa rencontre

avec

le

mridien de Ponta da

nord, jusqu'au Tchiloango;

la rive

gauche de

une ligne courbe de ce point aux chutes de

fleuve, jusqu' sa source;

Ntombo-Makata du mme fleuve, laissant sur le territoire franais la


station de Mboko, et sur le territoire de l'tat libre celles de Moukoumbi
et de Manyanga; enfin, partir de Ntombo, le fleuve Congo mme, jusqu'au confluent de la Bounba, au del de

la station

de l'Equateur, o

la

limite qui se dirige vers le nord-ouest reste dterminer;


2"

Au

sud,

de Nokki,

le

fleuve

Congo, depuis Banana jusqu'un peu en amont

rive nord tant au nouvel tat, la rive sud au Portugal;

la

puis partir de Nokki,

le parallle

de ce point jusqu'au cours du Congo;

un point dtermin dans les environs du g' parallle,


une ligne brise de ce point au lac Bangoulo
30 A l'est, les rives occidentales du Bangoulo, du Tanganka, du Muta-

cette rivire jusqu'


et

Nzig et de l'Albert-Nyanza

Au nord, la ligne de fate ( reconnatre) qui spare le bassin hydrographique du Congo de celui du Nil, du Chari et du Benou.
4"

Ces frontires, qui ne sont pour

le

moment exactement connues que dans

leur partie occidentale, donnent au nouvel tat une superficie approximative

de 2,500,000 kilomtres carrs, traverss de part en part par

Ce

fleuve, qu'un

dveloppement

le

Congo.

total d'environ 4,500 kilomtres place

troisime rang des grands cours d'eau de l'Afrique, venant aprs

aprs

le

Niger, prend sa source

entre les lacs Tanganka et Nyassa, se

dirige d'abord vers le nord, atteint l'Equateur, o

coude, puis redescend vers

le

C'est

dans

le

un vaste estuaire de
cours du quinzime sicle,
eu

les notions tous les

tuaire

du Congo

la gloire

il

dcrit

11

kilomtres de largueur.

sicle si fcond

de renverser, en faveur de

en dcouvertes
la vrit,

systmes gographiques connus jusqu'

fut dcouvert par le Portugais

Vers cette poque,

les

un immense

sud-ouest et va se jeter dans l'ocan Atlanti-

que, Banana, par

africaines, qu'il a

au

le Nil et

lui

que

nom

princes, Henri le Navigateur, avaient rvl

l'es-

Diego Cam.

expditions maritimes des Portugais, dont

tive et la persvrance ont immortalis le

toutes

l'initia-

d'un de leurs plus grands

un monde nouveau.

Le cap Bojador avait t reconnu en 1434, le golfe de Guine en 1482, et


deux ans plus tard, Diego Cam, officier de marine et gentilhomme de la
maison du roi don Juan II de Portugal, conduisant une flotte la recherche
de nouvelles

contres

du Congo.
Dbarqu sur un

le

long des ctes d'Afrique, atteignit l'estuaire

coin de terre baign par les eaux

du

fleuve,

pour en

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

nom

prendre possession au

Zare,

de son

roi, le

Portugais y rencontra des ngres

d'eux qu'un souverain tout-puissant rgnait dj sur

et apprit

comme

ils

nommaient de ce mot, signifiant


du centre africain.

connais

je

pays du

le

dans leur

langue, la voie fluviale

Diego Cam, empress de rendre


vers

lui,

il

s'empara

de quatre Congois qui

ramener aprs quinze

Le

noir souverain, dpcha

chargs de prsents, quatre hardis marins de sa

voyant pas revenir,

hommage au

parurent avoir de

lui

et

mais, ne les

Dapper

promettant de

l'esprit,

les

lunes.

de Portugal accueillit favorablement

roi

dans sa langue

flotte

raconte le gographe flamand O.

dans sa religion

et,

les Africains, les

fit

instruire

tenant honneur de ne pas rendre

parjure, vis--vis de barbares, l'un de ses nobles gentilshommes, don Juan


confia au

mme

Diego

premiers Congois

le soin

de reconduire dans leur pays natal

les

II

quatre

civiliss.

Ayant de nouveau jet lancine l'embouchure du Zaire, Cam dputa,


cette fois, un de ces ngres vers le roi du Congo, pour le supplier de lui
rendre ses quatre Portugais, puisqu'il

avait, selon sa

promesse, ramen

les

quatre Congois. La restitution s'etectua.

Pendant leur sjour dans


leur tour, appris

le

continent noir, les quatre Portugais avaient, a


indigne, et imprim au Roi

le dialecte

l'entremise de son oncle, le trs haut

comte de Songo, dont

capter la confiance entire, des principes

horreur de

telle

l'idoltrie

que

le roi

si

du
ils

pays, par

avaient su

courtois de civilisation,

du Congo pria Diego

en qualit de son ambassadeur auprs de don Juan

II,

le

Cam

une

de ramener,

ngre Cacuta, l'un

de ses sujets retourns d'Europe.


Ainsi s'tablirent les premires et cordiales relations des Portugais et

des peuplades vivant l'embouchure du Congo.


Il

est difficile

dbut du

de suivre leur histoire

la fin

du quinzime

sicle et

au

sicle suivant.

ces poques o l'on ne possdait ni les

moyens de

description, ni les

moyens

d'investigation, ni les

moyens de publication dont nous disposons

aujourd'hui, les anciennes chroniques traitant de l'Afrique en gnral se

perdent

le

plus souvent, l'gard

navement raconts^ de

faits

fantaisistes des
Il

murs

et

du Congo, dans un

dtails

inextricable ddale de

gographiques errons,

et

de rcits

des coutumes de ses habitants.

aux dernires annes du seizime sicle pour obtenir, en


une Vridique description du royaume du Congo tire des explorations

faut arriver

1598,

portugaises, par Philyppe Pigafetta.

Cette vieille relation, prtentieusement qualifie de

Vridique

par son

CHAPITRE PREMIER

auteur, nous
ville

ramne en

l'an 1578,

o Lopez Edouard, de Benaventa, petite

du Portugal, s'embarqua sur un navire marchand,

destination du port de Loanda, qui

le

Saint-Antoine

faisait alors partie

du royaume

du Congo.
Arriv, avec le voyageur portugais, l'embouchure

nous traduit

les

riants paysages

suggre

la

du

Zare, Pigafetta

impressions diverses prouves par Lopez devant

du

fleuve, et les observations grotesques, ingnues,

que

les
lui

vue des indignes des deux sexes, noirs, aux cheveux crpus,

parfois roux, dont les pupilles, noirtres chez les uns, verdtres chez les
autres, tiraient sur l'algue marine.

Il

se

perd bientt dans de vagues con-

sidrations scientifiques au sujet de la crue des fleuves africains, et de


la

grandeur

et

des confins du royaume de Congo, qu'il divise en quatre

parties.

Nous ne le suivrons pas dans la nomenclature des erreurs gographiques


commet, et qu'une poque plus rcente a, du reste, rectifies; nous lui
emprunterons toutefois des dtails intressants et curieux sur les murs
et les coutumes des peuplades ngres qui vivaient, au quinzime sicle,

qu'il

dans

la

longuement

vaste rgion, dont nous devons

traiter

au cours de

cet ouvrage.

Les populations du bassin du Zare constituaient alors une multitude


de petits royaumes gouverns par des satrapes, vassaux parfois rebelles,
mais tributaires des

rois puissants

du Congo.

Ces rois habitaient d'ordinaire une petite

Royale

nomme

appele Banza

ville

San-Salvator par les Portugais, et situe au

d'une haute montagne, 150 milles

l'est

de l'Atlantique, dans

la

Cour
sommet
province

congoise de Pemba.

Leur

palais,

entour d'une double enceinte de pierres, talait au centre

de Banza, sa masse informe et blanchtre qui dominait toutes les maisons,


toutes les huttes de la

haut de ses terrasses,


courir,

comme

ville,

le

o s'abritaient prs de dix mille habitants. Du

regard ne rencontrant aucun obstacle, pouvait par-

d'une guette, toutes les rgions avoisinantes,

les unes, plates

et fertiles, s'tendant l'ouest jusqu' l'ocan bleu, les autres,


et boises, vers le nord et vers

l'est,

avec l'horizon toujours pur du royaume des noirs. y\uprs de


mtropolitaine et

le

monlueuses

se confondant, de lointaines distances


lui, l'glise

cimetire, construits par les Portugais depuis leur

apparition premire; plus loin, les habitations des seigneurs, gentilshom-

mes ngres des rois du Congo

ensuite les huttes et les gourbis des

esclaves, s'levant peine au-dessus des

tures,

de belles

champs

fertiles

prairies, d'arbres toujours verts, se

humbles

couverts de cul-

groupaient en cercle.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

couronnant l'immense plateau circulaire form par le sommet du mont


San-Salvator, bloc gigantesque de rocher vein de fer.

Une longue gnration de


de

rle,

rois paens

du Congo

avait sans doute, tour

gouvern de ce point inexpugnable des millions de noirs sujets,


le joug des plus forts, jusqu'

trangers toute civilisation, mais acceptant


la

venue de Diego

Peu aprs
du Congo.

Cam

en 1484.

commena

date,

cette

Le premier d'entre eux rgnait dj


Entran par
ce roi

la

gnration des rois chrtiens

la

lors

de

la

dcouverte de Diego Cam.

conversion de son oncle Songo dont nous avons parl,

du Congo consentit publiquement embrasser

la foi

chrtienne en

l'anne 1491.

Quelques jours avant

la

date fixe pour

la

crmonie de son baptme, un

cortge bariol de satrapes congois, prcd d'envo^^s


et suivi d'une

crcelles bruyantes, frappant des


clats joyeux, partit

Sur

sa route,

tambours

et

du port de Loanda, dans

gens de

il

remplissant les airs de leurs


la

direction de Banza.

rencontra, trois jours de

cour du

la

aux prtres portugais

roi venus,

au

nom

marche de San-Salva-

de leur matre, souhaiter

l'accueil le plus favorable et le

tout, sur son parcours, les

champs

continent noir, tourbillonnant dans

En quelques

plus empress. Par-

avoisinants, les collines, les arbres, furent

couverts d'une foule innombrable d'hommes, de

avait soulevs.

clerg portugais,

noirs agitant des

htivement balaye par des indignes poussant des excla-

mations de bienvenue,
tor, les

du

foule norme, incohrente, d'esclaves

jours

les pais
il

femmes

et d'enfants

du

nuages de poussire qu'elle

franchit la distance de l'Ocan

aux

pieds du San-Salvator, et gravit jusqu' Banza les sentiers rocailleux et

abrupts de

Le

roi

la

montagne.

du Congo

l'avait

attendu assis sur son trne, chafaudage carr de

planches de bois de santal, incrust d'ivoire, dress


suivant l'antique

coutume des

rois ngres,

quand

ils

la

porte de son palais,

recevaient une ambas-

sade, qu'on leur apportait des tributs, ou qu'ils remplissaient leurs hautes
fonctions.

Arriv devant ce trne, tandis que, dans les rues troites de Banza et sur
le

plateau

du mont,

le

cortge

s'tait

rpandu, l'un des envoys portugais

du Congo une harangue vanglique,


et le baptisa du nom de Jean, premier roi chrtien du Congo. (Le roi
portugais de l'poque tait don Juan 11.)
Un interprte portugais traduisit au roi la harangue. Le roi Jean se
leva; ses gestes, ses paroles exprimrent la joie que lui causait l'arrive
prtre missionnaire, adressa au roi

CHAPITRE PREMIER

des chrtiens; puis toute la foule des assistants

clameurs d'allgresse,

d'embrasser

croyances importes par

les

Ceux-ci offrirent au nouveau converti

les Portugais.

par leur souverain

ornements

et jura

des vtements sacerdotaux

de

d'autel, des crucifix, des tableaux

les

couleurs vives et voj'xmtes sduisirent

du

soleil.

La crmonie du baptme

tait

le

fils

les

prsents envoys

d'or et d'argent, des

saints,

des bannires, dont

souverain puissant du pays

peine termine que

le

nophyte

apprit la rvolte de ses sujets d'Anzica, habitants des rives

o ce fleuve

l'endroit

Le

roi se

s'tale,

comme un

mit en campagne, chtia

lac,

de

retentir les airs

fit

du

roi

Zaire,

sur sa plus grande largeur.


et revint

les rebelles,

pour mourir

bientt aprs dans sa capitale de Banza,

La conversion toute rcente au christianisme des noirs de cette contre


ne put les empcher de faire leur souverain dcd les funrailles accoutumes que ces peuplades rservaient
Aussi, ds

que

les habitants

leurs rois paens.

de Banza eurent rpandu chez

les tribus

du dcs de Jean du Congo, toutes les jeunes et jolies filles,


ngresses vierges du pays, soupirrent-elles aprs l'insigne honneur d'tre
enterrs vivantes avec le cadavre du roi. Un grand nombre d'entre elles,
toutes filles de qualit, se battit la porte du palais. Pares de leurs

voisines le

bruit

habits de fte, les jambes caches sous

que partie de

un

triple

jupon soyeux, dont cha-

diffrentes couleurs, frange, garnie

moiti pour se nouer la ceinture, les seins et

le

de houppes, se relevait

dos couverts d'un man-

teau de tissu de feuilles de palmier, la tte enveloppe d'un petit bonnet

rouge ou jaune, bas, termin en carr, ces vierges, charges de prsents et


de vivres, dons de leurs parents ou de leurs amis, se htaient de solliciter
la

mort.

Parmi

vivantes, le

homme

douze seulement devaient tre appeles servir, mures


cadavre du roi Jean, enseveli et plac, dans la position d'un

elles,

assis,

dans un immense tombeau.

Entre-temps,

de son

roi, se

la

population ngre du Congo, pour clbrer les funrailles

dbaucha, hurla, dansa, chanta,

fit

bonne chre pendant

toute la semaine qui suivit son dcs.

Au

roi

Jean succda son

d'Alphonse.

Il

fils

an, ngre converti et baptis sous le

au consentement des notables du pays. (Le trne du Congo


hrditaire,

nom

dut son lection l'influence des missionnaires portugais et

le fils

n'tait

pas

an d'un roi dfunt voyait parfois la succession de son

pre passer un puissant satrape appuy par ses gaux.)

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

L'lection

ques dans

du nouveau roi Alphonse occasionna des rjouissances publidu Congo.

la capitale

Le jour de son installation au trne, les principaux indignes, personnages du pays, quelques sujets portugais rsidents, s'assemblrent dans
une cour du palais, carre et dcouvert, ferme d'une muraille chaux
et ciment leve un peu au-dessus dune hauteur d'homme. Au milieu
de la cour, un magnifique tapis, prcieux cadeau d'un roi portugais,
tait tendu, supportant au centre un fauteuil de velours rouge aux bras

un

sculpts et dors, devant lequel reposaient, placs sur

lement de velours, une couronne brode


auroles d'or de l'paisseur
naire, qui renfermait

Le futur

du

petit doigt, et

une bulle

coussinet ga-

d'or, d'argent et

de

soie, trois

une bourse, don d'un mission-

indulgences pontificales.

et des

Alphonse comptait au nombre des personnages prenant part

roi

cette assemble, sans savoir

sort lui serait favorable.

si le

Douze satrapes, gouverneurs des plus puissantes provinces du royaume,


ayant dcid son lection, ordonnrent au hraut, grand noir hriss de
plumes de toutes sortes d'oiseaux, de prononcer haute voix les paroles
sacramentelles d'usage

Qui que tu

d'tre concusionnaire, vindicatif et

des aumnes pour

la

l'alliance

conserve

qui est entre toi et

Ces paroles

dites,

mchant, sois ami des pauvres, donne

rdemption des

affligs, favorise l'glise,

le roi

sois qui dois tre lu roi, garde-toi

la

captifs et des esclaves, secours les

paix ton royaume, ne

du Portugal, ton

frre.

romps jamais

des musiciens esclaves demi vtus, prsents la cr-

monie, jetaient au vent

les

sons discordants de leurs divers instruments et

danscdent des sarabandes effrnes.

Deux des

satrapes, prenant par la

nrent au fauteuil royal, dans lequel

couronne brode sur

il

s'assit;

la tte, l'autre ajusta les

souverain et lui attacha sur

Un

main Alphonse,

les

paules

le

nouvel lu, l'ame-

puis l'un deux lui posa la

anneaux

un manteau de

d'or

aux bras du

velours.

prtre portugais, couvert d'une chasuble et d'une tole blanches,

s'avana ensuite suivi de son clerc portant

un

jura d'observer inviolablement les paroles

que

au dbut de

la

le

hraut avait prononces

crmonie.

Le couronnement termin,
sirent le roi

missel, sur lequel Alphonse

dans

l'intrieur

les assistants quittrent la

de son

palais, tout

en

cour

et

recondui-

lui jetant sur le corps

du

sable et de la poussire, afin de l'obliger se souvenir que, tout roi qu'il


tait

depuis un instant

il

ne serait un jour que cendre

Durant huit jours Alphonse, sans pouvoir


LES BELGES.

U.

sortir

pulvis

).

de son palais, reut les


3

CHAPITRE PREMIER

10

leurs

sujets lui apportant leurs prsents,

interminables de ses fidles

visites

vux

et leur soumission.

Mais aprs
les glas, les

le rire les

larmes, aprs la joie

la

douleur, aprs

la

note gaie

sombres deuils; ds son avnement au trne, Alphonse eut

combattre une rbellion provoque par un de ses frres qui avait jur de
dtrner.

Il

runit cet effet une arme d'environ dix mille

le

hommes, nom-

bre bien infrieur celui des rebelles qu'il avait combattre. Ces rebelles,
paens fanatiques, s'taient groups par milliers autour

dans

l'espoir

de

du

frre

du

roi,

vengeance d'Alphonse qui, converti au christianisme

tirer

essayait de supprimer chez ses sujets l'idoltrie et surtout la polygamie.

Retranch dans sa capitale avec sa petite arme, Alphonse soutint vaillamles assauts violents de ses adversaires, pour

ment durant plusieurs jours


la

plupait ngres issus de

nitive, la

de

province de Panga, et ne dut sa victoire dfi-

droute complte des assigeants, qu' l'intervention miraculeuse,

crit Pigafetta,

et

la

l'clat

de

d'une Vierge cleste qui marchait la tte de son arme,


la

lumire qui sortait d'un cavalier mont sur un cheval

blanc et portant une croix rouge sur

Que de
sicles,

superstition, de foi

poitrine

aux miracles, chez

ces paens des derniers

peine convertis, mais pris naturellement du merveilleux et du

surnaturel

En

la

reconnaissance, toutefois, de cette victoire attribue au

obligea son frre payer

comme

indemnit de guerre tous

saires la construction d'une glise catholique. Puis

proslytisme, pai-fois
ordre, toutes les

mme

mme

il

ciel,

continua faire du

militant, en faveur de la religion.

idoles adores par

les

Alphonse

les frais nces-

Sur son

paens furent apportes dans

un

endroit pour y tre brles. Cet autodaf rduisit en cendres les

images diffrentes,
hideux

et

et effrayants;

grossirement

tailles

dans des bois divers, de dmons

des dragons vivants, nourris grands

frais

de mets

succulents par les indignes; des couleuvres et des serpents d'une grosseur
effroyable, des boucs, des tigres, des hippopotames, tous les

par

le

seul fait de la terreur qu'ils inspiraient

animaux ayant,

aux paens, droit leur vn-

ration; et tous les objets multiples et varis du culte des ngres congois.
tels

que

oiseaux nocturnes, herbes vnneuses, arbres levs, morceaux

de bois, pierres, btes vivantes

et

mortes, et jusqu' des peaux d'animaux

empailles.

En

leur lieu et place, Alphonse

fit

distribuer ses sujets des croix

peintes, des images de saints, des chapelets sculpts et d'autres articles de


pit imports au Congo par les missionnaires portugais.
Ce zle pieux valut au roi Alphonse, crit Pigafetta, une maladie lente

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

douce, qui ne

et

valle de misre

le fit

pas souffrir, mais

coutume des douze

rois dfunts, mais

l'avoir

Son successeur

le

une

fit

cette

il

fut

il

empcha

vierges ensevelies vivantes avec les cadavres des

impuissant rprimer
les sujets

les orgies et les

dbauches

d'Alphonse manifestrent

la

perdu.
lu fut son

fils

don Pedro,

pre, en ce qui touchait la religion

Sous

du fond de

ciel,

rserva de pompeuses funrailles;

lui

filles

par lesquelles, durant huit jours,

douleur de

rappela au

Le clerg portugais
la

le

tout

rgne de ce dernier, l'vque portugais de

du Congo,

visite ses fidles

semblable son

fait

et fut reu

par

l'le

de Saint-Thomas

le roi et les

indignes

avec des dmonstrations de joie et des honneurs incroyables.

Dbarqu au port de Prazza, sur

l'Atlantique,

une distance de Banza

(San-Salvator) d'environ cent cinquante milles, l'vque put parcourir la

route de l'Ocan la capitale du


diverses couleurs.
les

Congo sur des

nattes tisses en joncs de

reut des indignes accourus sur sa route les prsents

Il

plus considrables et les plus tranges, des agneaux, des chevreaux,

des poulets, des perdrix, des poissons.

Mort quelque temps aprs ce voyage, cet vque de Saint-Thomas fut


remplac dans sa charge cpiscopale par un ngre congois de race royale
nomm don Rodrigo, qui fut aussi le premier vque du Congo. Premier
vque, hlas! qui n'eut pas
capitale

Don

de son tat

le

temps, avant de mourir, d'arriver dans

la

spirituel.

Pedro, roi du Congo, suivit trs vite aussi l'vque Rodrigo dans la

tombe, ne laissant pas de

fils.

La couronne royale du Congo passa ds lors Francisco, frre du


prcdent, qui la transmit aussitt, par sa mort subite, un cinquime
chrtien

du Congo

le roi

roi
roi

Jacques.

Ce souverain libral et magnanime, magnifique en vtements, renona


au costume de ses pres pour s'habiller comme les Portugais. Sa libralit
le

poussait donner ses habits soyeux aux gens de

la

cour, aprs les avoir

Bon nombre de marchands du Portugal, en


ports deux ou
exploitant cette passion du roi ngre, s'enrichirent dans la vente de
trois fois.

soieries et d'toffes prcieuses, jusque-l inconnues au continent noir.

son dcs, une rvolution surgit au Congo; des discordes sanglantes

du pays.
en dsaccord, durent lire coup sur coup

s'levrent entre les

Les satrapes,
diffrents la

grands

couronne.

et les esclaves

trois successeurs

CHAPITRE PREMIER

12

Le premier

lu,

an

fils

du

roi

Jacques, fut tu

mme

jour

le

de

son lection.

Le second, proclam
gorg par

les

roi

par

Portugais et

du peuple

majorit

la

et

moment o

au

les satrapes,

des courtisans, fut


le

peuple

le saluait

roi avec des acclamations enthousiastes.

Le peuple ngre courrouc


les flches et les arcs, et

prtres, par respect

Au lendemain de

prit les armes, les

massacra tous

les

poignards

et les haches,

Portugais, l'exception des

pour leur ministre.

don Henri,

ces vpres congoises,

monta sur le trne du Congo.


Son premier et seul acte de gouvernement

frre

du

feu roi

don

Jacques,

fut

de conduire ses troupes

contre les tribus ngres d'Anzicha, qui avaient profit des discordes du
Congo pour essayer de secouer le joug.
Ces peuples anziques (nom moderne Loutsa-Nsigu) habitaient les territoires voisins des lacs, l'orient du fleuve Zaire. Sauvages au del de
:

toute limite,

ils

sans pargner leurs amis, leurs

se dvoraient entre eux,

plus proches parents.

Dans leur pays


et le blanc,

de

dont

croissait le bois
la

de palme, leur servait s'enduire

l'huile

bonne constitution
Ils

de santal rouge,

qu'ils appelaient tavilla,

meilleure qualit, rduite en poudre et mlange avec


le

corps pour se donner une

et conserver leur sant.

avaient pour armes de petits arcs dont

le bois tait

de serpents multicolores, prservatrice des insectes


leur fournissait des cordes pour ces arcs,

de couleur rouge, souples


affil,

La nature

des roseaux ou plutt des joncs

En

et flexibles.

outre, des haches au fer bien

deux ttes opposes, dont l'une tait convexe, en demi-lune, et

l'autre aplatie,

un

entour de peau

et des vers.

manche

en manire de marteau,

fort court,

fixes par des

lames de cuivre

leur servaient la fois d'pe et de bouclier.

Ils

portaient des hallecrets faits de bandes de peau d'lphant, larges de trois


doigts, paisses de deux, arrondies au

comme cottes de mailles.


Hommes alertes, mprisant
rochers,

le

moyen du feu, dont

danger,

tenant leur vie pour rien,

ils

ils

se servaient

bondissaient par monts et par

chassant pour leur nourriture, guer-

royant contre les tribus voisines pour faire des prisonniers et alimenter
ainsi leurs

marchs de

Troquant leurs
l'ivoire

victuaille

esclaves,

humaine.

le lin

abondant dans leurs champs

arrach aux lphants nombreux de leurs forts,

coquillages de Loanda, les toffes de soie, les verroteries,

fertiles,

contre le
ils

sel, les

estimaient sur-

tout les couteaux portugais. Ces couteaux leur servaient s'orner le visage

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

de

cicatrices larges et

profondes

15

ignoble tatouage inflig galement leurs

femmes.
Henri trouva

la

mort en combattant

les rebelles d'Anzicha.

Alvaro

an d'une de ses esclaves, avait, en l'absence du roi prcdent, gr

vernement du Congo: son lection au trne

Homme
les

dbonnaire

et

fut assure

de ce

I", fils

gou-

le

chef.

de bon jugement, son premier soin fut d'apaiser

troubles locaux et de rendre son pays son ancienne tranquillit.

Il

du massacre des Europens, priant


le monarque d'encourager comme par le pass les relations commerciales et amicales des deux peuples.
Ce souverain eut un instant l'envie de renier la foi catholique dans
laquelle il tait n, pour retourner aux croyances paennes de ses anctres.
Parmi ses familiers, son confident intime, un ngre appel Francisco
s'excusa par lettres au roi de Portugal

Bullamatare, dblatrait

chaque jour devant

lui

contre

blancs prohibant la polygamie, cette libert chre aux

Et Alvaro se

fils

la

religion des

des pays chauds.

chaque jour convaincre davantage par

laissait

les conseils

de Francisco.

Soudain

Francisco mourut, et son corps, malgr tout,

le ciel intervint.

enseveli dans une glise, fut, dans


vais esprits qui avaient, en

une nuit de tempte, enlev par

grand tumulte, rompu, dchir

les

les nattes

maude

la

pour pntrer dans les saints lieux.


Le lendemciin matin, terrifi devant le toit dchir de l'glise et la disparition du cadavre, le l'oi chrtien pensa la vengeance divine et se repentit.
Il n'avait pas song aux hynes et aux chacals.
Alvaro donna de plus tristes exemples de sa pusillanimit.
Des bords lointains des lacs o le Nil prend sa source, les Giachas, hordes
barbares et nomades, Huns du centre africain, monstres friands de chair
toiture

humaine, vinrent assiger Banza. Ces redoutables ennemis, gants nus.


ayant pour toutes armes des massues, des poignards et des javelots, ettrayrent Alvaro qui, prsageant sa dfaite, quitta la ville la faveur de
et

s'embarqua sur

A
tale

le

nuit

fleuve Zaire, on le suivit toute sa cour.

l'exemple de leur roi les habitants de Banza s'enfuirent,

du royaume du Congo,

entirement

la

livre

et la capi-

aux Giachas, fut en partie incendie et

pille.

Le lche souverain, pour rentrer en possesion de son domaine, implora le


secours de don Sbastien, roi de Portugal, qui lui envoya en toute hte le
gnral Francisc.i Govea,

la

tte

de six cents soldats et de nobles

Portugais volontaires.
Cette petite arme europenne, arrive au Congo, put, aprs une anne

CIJAPITRE PREMIER

i6

demie de rudes et nombreux combats, chasser entirement les Giachas


du royaume. Les gants noirs reculrent devant le fracas et les projectiles
des bombardes et des arquebuses des Portugais.
et

Alvaro remonta sur son trne, restaura sa capitale,


envers

Portugais des services rendus par eux,

les

que

le roi

lui

envoya

Philippe

diffrentes

II

d'Espagne

et

et,

de l'ambassade

flatt

du Portugal, succdant

reconnaissant

don Sbastien,

l'occasior.

de son avnement, concda au roi de Castille

mines

d'argent et autres mtaux qui abondaient dans

d'or,

son royaume.

Le Portugais Edouard Lopez


Phi ippe

la

II

charg par Alvaro I"de porter

lut

nouvelle de cette concession. Lopez partit du

Congo pour

n'y plus retourner.

Alvaro

II,

roi rgnant,

peu aprs le dpart d'Edouard Lopez, sur les princile vaste royaume du Congo, disposait son gr

pauts collectives formant

des proprits et des biens de ses


silos regorgeaient-ils

nombreux

sujets; aussi ses coffres et ses

d'une innombrable quantit de petits coquillages,

brillants et agrables la vue.

Ces coquillages, richesses mtalliques du rui ngre, plus prcieuses pour


populations tributaires que

lui et ses

monnaie courante du pays. Ils


Luanda , sorte de dpt de limon
tique, l'embouchure du Coanza,

l'or et

que

l'argent, constituaient la

provenaient d'une petite

<

et

le

plate

nomme

de sable, forme dans l'ocan Atlan-

fleuve de l'Angola, province

du sud

du Congo.
Les femmes habitant cette
pche de ces coquillages,

la

le

consacraient leurs journes entires la

frappe de

la

monnaie. Tandis que leurs maris,

chasseurs, couraient, sous les forts de paltuviers, la poursuite des cerfs

rapides ou des sangliers sauvages,

elles,

prs des

l'ives

de

l'le,

entres dans

mer, toutes nues, le corps pench sur leurs jambes droites, les seins
pendants, battues par les vagues gristres, plongeaient et replongeaient
la

dans

les

raient,

eaux peu profondes de lgres corbeilles de jonc, dont

mles aux sables, aux algues, au limon,

destines grossir

le trsor

Ce riche souverain

de leur

les petites perles grises

roi.

avait aussi son arme,

gens de pied, dissmins sur

elles reti-

compose de guerriers, tous


de son domaine, mais

les divers points

prompts se grouper, se runir la voix de leur chef. Tmoin le fait


suivant que nous extrayons les rcits de Pigafetta Histoire du Congo.
Don Sbastien, roi de Portugal, successeur de don Juan II, encourageant
:

par tous

moyens le trafic de ses nationaux avec les naturels des cotes


jugea bon d'expdier, sous le commandement du Portugais

les

africaines,

LES DELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Paul Diaz, une vritable

pour

dises prcieuses,

de navires chargs ses

flottille

la

province d'Angola.

frais

Don SJbastien

de marchan-

confia de plus

Diaz la missi ju de soumettre a la domination portugaise tous les peuples vivant depuis

l'embouchure du Coanza jusqu'au quinzime degr de

latitude nord.

vendit ses marchandises, amassa de

Diaz parvint au port de Loauda,

grandes richesses,

et s'tablit

sur

continent africain, prs d'Angola, pour

le

attendre une occasion favorable l'accomplissement de sa mission, ("ette


occasion ne tarda pas

s'oftVii'.

Des marchands portugais

l'poque fixe aux grands

congois, s'tant, selon

et

la

coutume, rendus

trchs tenus dans la ville de Cabaza, rsidence

du roi d'Angoa, vassal d'Alvaro II, furent massacrs en route sur l'ordre
du souverain d'Angola, jaloux de s'approprier leurs denres. Un diffrend
violent

entre

clata aussitt

souverain et

le

le

vassal

la

guerre fut

dclare.
.'\

l'appel d'Alvaro, soixante mille soldats rpondirent.

Il

en vint de Bamba, pays des ngres valeureux et robustes, capables

d'un seul coup de hache de fendre en deux


d'un taureau

de Nubie,
au

vol,

un

esclave,

ou de briser

d'Anzicha, terre des noirs anthropophages, voisins du dsert

lestes archers

dont l'adresse

de leurs flches courtes,

forts et des plaines, des

monts

gigantesque qu'arrose

fleuve

le

les

et

tait si

grande,

guerriers d'Alvaro

face de l'arme
Ils

du

taient tous

II

qu'ils peraient,

plus rapides oiseaux.

des valles, de tous

Il

en vint des

points

du bassin

Coanza

et Luiola,

les

Congo.

Bientt, groups au pied des collines, entre les fleuves


les

la tte

furent placs sous

le

commandement de

Diaz, en

roi d'Angola.
l,

enfants de races belliqueuses, insouciants de la mort,

prts braver tous les dangers, heureux de risquer leurs vies pour dfen-

dre une cause qu'ils ignoraient, mais qu'ils savaient tre celle de leur

Leur

roi.

lambeaux soyeux
Portugais un trange

miisse noire, au-dessus de laquelle planaient des

d'toffes

multicolores,

offrait

aux

regards

du

spectacle.

De ces guerriers sauvages, les uns, excuteurs des sonneries et des commandements des chefs, portaient de grandes crcelles de bois qui, agites,
rendaient des sons terribles

des marteaux

d'ivoire, sur

des cylindres d'corce

les

autres frappaient a tour de bras, avec

des tambours forms de cuirs pais tendus sur

d'autres encore, musiciens arrachaient des sons stri-

dents, belliqueux, en soufflant dans de longues trompes, dfenses creuses

d'lphants, perces sur les cts de trous


LES BELGES.

II.

mal arrondis.
?

CHAPITRE PREMIER

Tous obissaient de grands chefs noirs, l'aspect redoutable, coiffes de


plumes ocelles d'autruches, de paons et de coqs. Leurs

vraies forts de

poitrines, nues, noires et reluisantes, taient garnies de lourdes chanes de


fer

portes en sautoir.

Le bas de

leurs corps disparaissait sous des robes blanchtres,

dont

ils

relevaient les pans pour les attacher leurs ceintures, travailles, garnies

de clochettes tintant chaque pas, au moindre mouvement.


Ils

portaient chacun leur arc, leur poignard et leurs flches, et taient

prts au combat.

La

bataille

s'engagea;

misse

la

dsunit;

se

le

premier rang des

guerriers congois s'avana vers les Angoliens.

Les combattants de ce rang

traits et viter,

ct, les flches des ennemis. Bientt, lasss,

sons convenus des tambours,

nouveaux

entre eux de larges inter-

d'lite prirent

pour lancer plus facilement leurs

valles,

et

ils

par des bonds de

battirent en retraite,

furent en htc remplacs par

aux

un rang de

soldats, auxquels succdrent encore des troupes fraches et

reposes.

nombre des Angoliens tus, que la victoire tait


ordonna aux Congois de charger l'ennemi au poignard. Des milliers
de ngres congiens, enjambant les haies, les ravins et les obstacles d'une
Enfin Diaz, jugeant au

sienne,

plaine inculte, coururent avec des cris sauvages sur les Angoliens perdus,

qui reculrent,

que dans

vaincus, jusqu'au del des rives

les airs crcelles et

pandaient des sons bruyants

le

fleuve Coanza,

tambours, trompes d'ivoire

tandis

et clochettes r-

et victorieux.

Alvaro et Diaz avaient veng


Diaz soumit peu aprs

du

le

massacre des victimes du

territoire

de ce souverain

la

roi d'Angola.

domination du

du Congo, au palais de Banza,


ou San-Salvator
capitale de son royaume, s'apprta goter les joies de l'hymne.
Le mariage d'un roi du Congo tait au seizime sicle, une crmonie
Portugal;

et le roi

peut-tre rjouissante pour

Dame

des femmes,

pour ses nombreux


Ds

la

qu'il

et

lui

et

pousait,

la

Mani-Mombanda,

mais

elle

ne

l'tait

c'est--dire

la

assurment pas

respectueux sujets.

premire nuit des noces, des dlgus spciaux taient chargs de


les maisons et les huttes des habitants aiss du

pntrer dans toutes

royaume, de mesurer
tant par

nom

la longueur des lits et d'exiger de leurs propritaires


empan. Ce singulier impt, lev pour la nouvelle reine, avait le

de pinldfo.

Quelque temps aprs


connue des premiers

.alvaro

U mourut,

rois chrtiens

et

du Congo.

avec lui s'arrta l'histoire

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Comme

19

leur royaume, les rois restrent durant deux sicles ensevelis

dans un oubli presque complet. De loin en

quelques missionnaires

loin,

parlrent encore, au cours des dix-septime et dixde l'existence d'une contre gouverne par des majests
noires l'embouchure du Zaire; mais, dans ces temps modernes, le cours

romains ou
huitime

finanais

sicles,

de l'norme fleuve africain resta pour

nigme indchifre.
Le dix-neuvime sicle

vit

la science

un mythe

peine se terminer

la

de dsastres qui a marqu ses premiers ans dans

lgendaire, une

priode de gloire et
l'histoire

des guerres

europennes, que les Anglais, soucieux des intrts de la science gographique, se proccuprent activement de

recherche des sources des

la

grandes routes fluviales africaines, et en particulier de

celles

du Congo.

gouvernement britannique envoya l'embouchure de ce


fleuve une expdition sous le commandement du capitaine James Kingston

En

1816, le

Tuckey.
L'amiraut anglaise fournit au chef de cette mission
les

les instructions

plus prcises touchant les recherches faire au Congo.

Il

s'agissait

surtout de remonter

le Zaire,

pour

sources ne se confondaient pas avec celles

connatre

si

ses

du Niger, de dcrire

les

faire

affluents de cet norme fleuve et d'en dfinir le nombre.


Le prsident du conseil maritime anglais de 1816, en posant au dpart du
capitaine Tuckey le prcdent problme rsoudre, avait ajout que
jamais dans aucune contre du monde une expdition de dcouvertes
<i

n'avait t

envoye sous de meilleurs auspices

rances de succs que

celle qu'il allait diriger

et

de plus flatteuses esp-

>.

Ces paroles encourageantes durent, transformes en amre drision,

mmoire de Tuckey
Son expdition, compose de vint-six Europens, paiiit d'Europe sur le
navire le Congo, et arriva l'embouchure du Zaire, diminue de deux perrevenir plus tard la

sonnes mortes pendant


Elle put, durant

la traverse.

trois mois,

(environ 450 kilomrtes),

remonter, sur une longueur de 172 milles

le fleuve

Congo, jusqu'

la cataracte

de Sangalla,

chutes d'Yellala.

Arrte l par

la

mort de Tuckey

et

de

la

composaient, cette expdition n'eut pas les


d'elle l'amiraut

britannique.

Elle servit nanmoins,

pendant plus d'un demi-sicle, rsumer

mires notions gographiques exactes sur

Aprs

elle,

plupart des personnes qui la

heureux rsultats qu'attendait

un nouveau

silence,

le

les pre-

cours du haut Congo.

de nouvelles pages blanches arrtrent

CIIAPITRI-:

20

l'histoire

du

PREMII'R

fleuve afi'icain et des terres qu'il arrose, histoire

teur Uastian, voyayeur allemand au teiTitoire du

Cdnyo en

que

le

doc-

1857, et le lieu-

tenant Grandy, en 1873, furent, par l'insuccs de leurs expditions successives vers le continent noir, incapables de tirer de l'oubli.

L'immortelle gloire d avoir, dans


sicle, enrichi le
la

la

seconde moiti du dix-neuvime

volumineux domaine des connaissances gographiques de

dcouverte totale du cours du fleuve

rateur anglais

Henrv .Moreland Stanlev.

Congo, incombait un explo-

CHAPITRE

Enfance de John Rcivlands.


voyageur,

journaliste,

Telegraph

et

Jchii /itwlaKds

explorateur,

crivain.

du Sin'-Yurk Herald

;^^^ORSQUE dans

>

II

J^viciit Stai.lcy.

travers

l'avenir, les

Star.iey soldat, marin,


tapes

Piincipales
le

officier,

du missionn du Daily

Continent mystrieux

populations polices de l'tat libre

du Conyo graveront en caractres

ineffaables, les

noms de

marbre
-^^C^J leurs bienfaiteurs sur les plaques de bronze ou de
de leurs monuments et sur les socles de leurs statues; l'un
d'eux aura sa place acquise la droite de celui d'un Roi!

Ce nom, entr dj dans


poraine, dont

la

l'immoi-talit qualifie

une

illustration

biographie appartient troitement l'histoire des dcou-

vertes africaines, et se trouve irrvocablement lie l'histoire

Ce nom.

contem-

est celui

de Stanley!

du Congo.

CHAPITRE DEUXIME

22

Henry Moreland Stanley, de son


en 1840, prs de

petite ville anglaise de

la

nom John

vritable

Rowlands, naquit

Denbigh (pays de

non en Amrique, comme certains l'ont affirm.


Ds l'ge de deux ans il perdit son pre, et l'anne suivante

il

Galles),

et

envoy

fut

par sa mre l'hospice des enfants pauvres de Saint-Asaph.

Dans

cette cole hospitalire,

il

reut une bonne ducation, les principes

d'une instruction solide, au cours de laquelle

il

manifesta son penchant

pour l'tude de la gographie et de l'arithmtique.


Les personnes qui connurent John Rowlands dans sa jeunesse, remarqurent le caractre inflexible, dcid, peu expansif et trs chatouilleux de

favori

l'enfant qui,

sans changer beaucoup sous ce rapport, devait grandir et

s'appeler Stanley.

l'ge

vivait

de

un de

Rowlands quitta l'hospice, se rendit Brynford, o


parents, ec pendant les trois annes qui suivirent (de 1853

treize ans,

ses

1856) nous ignorons ce

Parvenu
refuse pas

l'ge

qu'il devint.

ne doute pas de sa propre force, o l'me ne se

l'on

une seule esprance, o l'imagination

prisme radieux de l'avenir, tous


et

les

entrevoit, travers le

genres possibles de gloire, de couronnes

de lauriers, John Rowlands, dshrit de

la fortune, exalt

par

la

lecture

des lgendaires rcits des oncles d'Amrique, des nababs d'Orient, des

brumeux de

planteurs des colonies, rva sans doute, au del de l'horizon


vieille

Angleterre, des contres plus luxuriantes, des

trieux

la

continents mys-

B.

Nous le retrouvons

seize ans Liverpool, port, o

il

s'embarqua sur un

navire en destination de la Nouvelle-Orlans, payant par le travail bord,


le

prix de son passage.

Arriv destination,

jeune Anglais, en butte aux difficults de

le

tence, oblig de lutter contre la

misre, de combattre

la

l'exis-

faim menaante,

maison d'un brave ngociant de la Nouvelleun emploi rmunrateur. L, notre hros s'acquitta avec tant d'intelligence et d'activit du travail qui lui fut confi, il
capta si compltement laconfiance et l'affection deson premier protecteur
rechercha
Orlans,

et obtint

nomm

dans

la

Stanley,

amricain, que ce dernier

finit

par l'adopter etpar

lui

donner ce

nom

de

Stanley, illustr depuis.

Cependant la mort subite de son pre

adoptif,

dcd sans

Henri Stanley s'acharner encore au combat pour la

vie.

Une nouvelle priode de neuf annes chappa ds


biographique, priode au cours de laquelle

le

jeune

tester, obligea

lors son histoire

homme

courageux qui nous occupe, dut voir s'grener une une

nergique et

les illusions

de

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

du premier ge, mais retremper

gloire facile
le caractre

et

dans l'adversit

fortifier

temprament qui feront un jour de

et le

25

lui

une

clbrit

des deux mondes.


L'anne 1861, o

guerre de

la

prsenta Stanley soldat,


laquelle

engagements, sous

prit part divers

il

scession clata aux tats-Unis, nous

la

enrl volontaire dans l'arme confdre, avec


les

ordres du gnral

Johnstone.
Fait prisonnier l'anne suivante (avril 1862), la bataille de Pittsburgh,

Stanley russit s'enfuir, grce


milieu de

pluie de balles

la

que

raconte-t-il, sa

lui

grande maigreur, au

dcochrent ses gardiens.

La crainte d'tre arrt comme prisonnier confdr chapp le dtermina au dbut de l'anne 1863, s'engager en qualit desimplematelotdansla
marine

fdrale.

Embarqu sur

pas conqurir des grades;


il

le

Ticonderoga, l'apprenti marin ne tarda

la fin

de son premier mois d'embarquement

devint secrtaire du capitaine du navire; au dbut du quatrime mois,

tait le secrtaire

Dans

les

de

combats divers auxquels

grade d'enseigne,
l'attaque

du

fort

la suite

fut

ml ce vaisseau, Stanley acquit

le

d'une action d'clat. L'officier de marine assista

Fisher (janvier 1865) et six mois plus tard

partant en croisire en Europe,

un cong pour

il

l'amiral, qui avait hiss pavillon sur le Ticonderoga.

amena Constantinople

visiter d'abord l'Asie

Mineure,

le

Ticonderoga,

Stanley, qui obtint

louable pense, pour aller

et,

mre au village natal.


De retour aux tats-Unis, l'officier marin, n'ayant plus combattre puisque la guerre tait termine, donna sa dmission, et aborda la carrire du
ensuite revoir sa

journalisme, qui
.

l'crivain

fit

de

lui

le

reporter infatigable, l'explorateur clbre et

Henri M. Stanley.

Ses premiers et remarquables dbuts dans cette carrire datent de sa

campagne

du gnral Hancock contre les Indiens


Kiowas, comme reporter du Missouri Democrat et de la New-

la suite de l'expdition

Cheyennes

et

York Tribune.

Ils

attirrent sur lui l'attention de la presse,

sa nomination de correspondant-voyageur
:

et lui

valurent

du grand journal amricain,

le

New-York Herald.
Stanley uu Herald,
taire

c'est

hommes pour

li

James

Gordon Bennett, propri-

qui les dangers matriels, les

difficults financires n'ont

une

Stanley

de ce journal! Deux nergiques enfants de leurs uvres; deux


jamais exist devant

obstacles
le

physiques,

les

but a atteindre, devant

situation fortune et glorieuse conqurir, devantuneaction gnreuse

accomplir

La campagne de
LES BELGES.

II.

1867, entreprise par lesAnglais en Abyssinie,

fournit
4

CHAPITRE DEUXIME

26

double occasion de remplir sa premire mission de correspon-

Stanley

la

dant du

Nczu-Yor k Herald,

du

sol africain.

et

de visiter pour

La mer Rouge,

les

la

premire

fois

des Anglais et des Abyssiniens,

la prise

passrent, vivants tableaux, sous les

le

parcellf

bagages transports par une caravane d'lphants, un coin de

et leurs

terre d'Afrique avec ses forts, ses ravins, ses montagnes, les

les

une

troupes expditionnaires britanniques


la

engagements

de Magdala, la mort de Thodoros,


yeux des lecteurs du Herald, dans

correspondances remarquables adresses d'Abyssinie ce journal par

jeune crivain.

Rentr en Europe,
puis

Isabelle

II;

de Suez

(1869).

retrouvons

le

il

il

se trouva Madrid, lors

partit

Ds

lors,

pour l'Egypte,

de

la

rvolution qui dtrna

du canal

et assista l'inauguration

toujours pour le compte du journal amricain, nous

correspondant visitant successivement Constantinople,

Bakou, Thran, Ispahan, Shiraz,

et s'arrtant

Tiflis,

Bombay en septembre

1870.

Revenant bientt vers l'Europe, Stanley

s'arrta

quelque temps en Egypte

carressant l'espoir d'y voir arriver Livingstone, l'explorateur africain, dont


la

longue

monde

absence proccupait, cette poque,

et silencieuse

presse

la

du

civilis.

Du dans son

attente, Stanley

s'embarqua pour l'Espagne,

et

sjourna

dans cette contre jusqu'au jour o Gordon Bennett l'appela, par

gramme,

tl-

Paris.

Le propritaire du New-York Herald

avait

conu

la

noble

et

gnreuse

rsolution d'envoyer Stanlej' la recherche de Livingstone, disparu au

cur de l'Afrique, pour apporter l'illustre explorateur assistance et


L'homme que nous avons vu tour tour employ de commerce,

secours.
soldat,

matelot,

officier

de marine, reporter, nous apparat sous une

transformation nouvelle. Stanley, Protede notre


exploi'ateur et crivain.
stone

nous

fait assister

Le

livre intitul

Comment

10

novembre de

devient gographe,

j'ai retrouv

Living-

toutes les pripties du romantesque voyage en-

trepris par son auteur, en 1871, vers le centre

Le

sicle,

cette anne,

du continent

africain.

l'intrpide Stanley, sur les bords

du

Tanganka, Oudjiji, surgit devant Livingstone puis, presque mourant,


bout de ressources et abandonn par une grande partie de ses serviteurs,

comme une apparition


La

surnaturelle,

comme un Deus

ex machina.

russite de cette expdition renvoya Stanley en Afrique.

Telegraph, journal de Londres, et le Herald s'unirent pour


les

derniers mois de l'anne 1874,

d'aller

poursuivre

centes dcouvertes gographiques de Livingstone.

et

le

Lq Daily

charger, vers

complter

les r-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

que commena

C'est alors
trale,

magnifique exploration de l'Afrique cen-

cette

qui demeurera l'uvre

la

27

plus audacieuse

et la

plus remarquable de

l'infatigable Stanley.

Arriv au continent noir par Bagamoyo, port sur l'ocan Indien,

novembre

1S74, l'explorateur entreprit,

premire circumnavigation du

sur

Victoria,

lac

navire dmontable qui, plus tard,

le 17

mars de l'anne suivante,

le 8

le

LaJy Alice,

la

petit

descendit avec son illustre passager

l'norme cours du Congo, depuis Vounya ou Nj'angou (localit situe

sur ce fleuve, entre


longitude

est),

et 4'

du Congo

tique. (L'estuaire

degr de latitude sud,

mridien de Paris.

allons

suivre pas pas

voyage de Stanley, dans

la

et

et le 23 et 24'

degr de

du

"

6'

degr yj de latitude sud, et

chacune des tapes de ce mmorable

seule partie

LE

de ce fleuve

par

est situ

le

presque sur

Nous

le

jusqu'au large estuaire du Zaire Banana, sur l'ocan Atlan-

L*DY

du bassin du Congo:

ALII:E

les

descriptions

DEMONTE.

11

territoire qu'il arrose tant le seul objet

de notre prsent

ouvrage.

Tandis que l'Europe

et

l'Amrique

attristes, sans nouvelles

depuis deux

annes du hardi pionnier de l'exploration en Afrique centrale, escomptaient


les tristes probabilits

de sa mort

et

doutaient de dchiffrer bientt l'nigme

problmatique des richesses ou des dserts du territoire du Congo, Stanley


parvint, le iq

novembre 1876, sur la rive


campa joyeusement aux

Livingstone, et

Poursuivant sa route,

Nyangou,

nud
et

le

point o

du

villages

Zaire, qu'il appela fleuve

de Vounya.

dcouvrit, trois jours de navigation fluviale de

Rouiki,

rivire,

dverse, avec

une

vitesse d'un

par une embouchure large de cent yards, ses eaux noires

l'heure,

boueuses sur

il

le

droite

la rive

La population

gauche du Congo.

hostile et barbare

de ces parages refusa l'Europen de

CHAPITRE DEUXIME

28

lui

vendre

mme

des vivres. Stanley et les trente-six

hommes de

sa suite

n'eurent pour se nourrir sur les bordsdu Rouiki que quelques rares bananes
\

emportes de leur halte pi'cdente.

Le 24 novembre au matin, le Lady Alice et son quipage remontrent le


Rouiki pendant une dizaine de milles, vitant les arbres flotts, dont les
branches plongeaient en masses paisses dans

les

eaux de

la rivire

et

les

coloraient d'une teinte noirtre, d'une vague couleur d'encre copier.

compagnons durent ce jour-l dfendre leurs vies menaces


par les indignes riverains arms de flches et de lances pointe de fer.
Un rapide combat de quelques minutes laissa la victoire au nouma
(chef blanc), ainsi que nommrent Stanley les sauvages vaincus, fuyant devant les balles du fusil lphant de l'explorateur.
Cette arme perfectionne, confie la garde d'un porteur zanzibarite de
Stanlej', Billali, servit tuer en cette circonstance un noir dont le cadavre
roula dans les eaux noires du Rouiki. Billali, grond svrement par son
matre l'occasion de ce meurtre, avait rpondu dans le franc et naf lanStanle}^ et ses

gage du ngre
Je n'ai

pu

il

moi,

tir le

j'ai

faire

d'un reproche

autrement, monsieur,

m'aurait tu;

plus, et

Deux

mu

premier.

me

il

visait

je

vous assure

avec sa lance et

il

une minute de

tait tout

prs de

jours aprs, le 26 novembre, Stanley, poursuivant de nouveau la

descente du Livingstone, Zaire ou Congo,


multiples est qualifi

le fleuve

comme

dans ses appellations

gant du centre africain, rencontra Nakann-

pemmba, village ngre o de hideux dbris de chair humaine, restes de


nombreux festins, disposs en ligne le long des rues, tmoignaient du cannibalisme de ses habitants. Ces anthropophages furent toutefois moins dan-

gereux pour Stanley

et ses

compagnons que

les

maladies, dyssenterie et

petite vrole, consquences ltales des fatigues et des privations encourues

par

les

ratrice,

voyageurs, qui

les

attaqurent en cet endroit. La colonne explora-

munie des mdicaments

complet continuer sa route

ncessaires combattre ces

et atteindre, le 27

kassa, causes par la projection des

du

monts

novembre,

les

maux, put au
chutes d'Ou-

d'Oussi, situs sur la rive droite

fleuve.

ces rapides diviss par

une banquette de
le fleuve,

une couple de longs lots rocheux, produits par


ml de fer carbonate et de poudingue,

schiste verdtre

large de plus de sept cents mtres, roulait en tourbillons ses eaux

furieuses et abondantes, et Stanley dut suspendre sa route et

camper

quelques jours terre, afin de donner ses ''ompagnons et lui-mme


l'occasion d'un repos ncessaire et bien mrit.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Mais quel repos


lonne

livre

fut possible

en face de ces rapides, pour

une nouvelle pidmie de

lasse, terrifie, insouciante

de

la vaillante

petite vrole, expose

incessantes de froces et avides cannibales


l'objectif

29

co-

aux attaques

L'escorte noire de Stanley,

glorieux et utile que poursuivait

son chef, menaa de l'abandonner. Heureusement ce dernier, depuis long-,

temps habitu aux caprices de


rester, et

il

put avec eux lever

arriver, le 2g

le

ses compagnons ngres, sut les dcider


camp d'Oukassa, redescendre le fleuve et

novembre, quatre milles des chutes, Mbourri. situ sur

la

groupe de villages ngres qui s'appelle Vinarounga.


un
LaJy Alice stoppa une entire journe dans ces parages

rive gauche, en face d'un

Le

ngre de garde bord captura

et

amena devant Stanley un

vieillard in-

VUE AUX ENVIRONS DU ROLIKI ET DE NAKANNPEMMBA.

digne entirement nu, d'un noir de

jais,

courb en deux par

les

annes,

humaine entirement incivilise et incivilisable, surprise en flagrant dlit d'escalade du bateau. Stanley, trouvant ce sauvage trop vieux
pour rien apprendre, le fit remettre en libert. Quelques heures aprs,
crature

d'autres indignes,

monts sur des canots, venant de

la direction

d'Oukassa, se dirigrent vers le Lady Alice. Stanley leur


ses interprtes, des perles, des toffes,

du

cuivre,

du

fer,

fit

des chutes
offrir,

chvres, de bananes et de grain. Cette offre accepte, les indignes

drent tre rgals du son du tambour.


vait

bord du navire,

et

grce

lui,

Lun

par

en change de

deman-

de ces instruments se trou-

aux roulements sonores

et

prolongs

CHAPITRE DF.UXIEME

30

qu'en obtint un des passagers, l'quipage entier put s'loigner sans danger

du pays des anthropophages.


Le 30 novembre, Stanley, poursuivant sa route, passa entre deux belles
les boises, qui occupaient le milieu du courant du fleuve, prs du march
ngre d'Oussako Ngonngo, et atteignit le i" dcembre le march d'Oukonnghi, situ en face de

l'le

de Mitanndeh, par

de latitude sud, o

3 6'

il

s'arrta.

Ce march d'Oukonngh, clbre dans le continent noir, et dont Livingmme vaguement entendu parler par les habitans des bords du

stone avait
lac

Tanganka,

tait

frquent par

la

tribu guerrire et cannibale des Bakous-

UNE MAISON A IKONNDOU.

sou, habitants d'une contre dcouverte et riche en palmiers, o les Arabes

relativement civiliss de l'Afrique orientale avaient diverses reprises,


essay, mais en vain, de pntrer.

Stanley
fleuve.
les

Le

et
5

son escorte chapprent aux Bakoussou,

dcembre, un violent orage

voyageurs prs d'Ikonndou,

ville

tude mridionale. Les huttes qui

lgamment construites avec des

la

et le

et

manque de

redescendirent

le

vivres arrtrent

remarquable situe par

2 53'

de lati-

composaient taient de doubles cages,

tiges de panis.

Chacune de

ces cages avait

sept pieds de long, cinq de large et six de haut; relies toutes deux par
la toiture,

elles avaient

une pice commune o

les

deux

familles se ru-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

nissaient

pour

33

maison-

se livi"er leurs travaux et recevoir leurs amis. Ces

du

nettes confortables, parfaitement tanches, abritrent l'quipage

abondants aux environs d'ikonndou,

Les vivres

Alice.

Lcidy

pots emplis de

lourdes grappes de bananes, melons dlicieux, fruits de

sve de palmier,

manioc, arachides et cannes sucre, assurrent aux voyageurs une agrable


victoire contre la faim.

Les indignes de cette

nom

nouveau

rencontrs par Stanley,

localit,

de baptme du fleuve Congo,

dclarrent qu'une

le

Rou-a'r-ohoua.

Ah

les

Tous

kiremmbos? demanda Stanley l'un


Peut-tre Firi-Niammbi {la. divinit).

les

qui sait?

Tous

les

hommes, femmes,

enfants, chvres, bananes, palmiers, tout,

>>

dcembre suivant, l'explorateur anglais

tude sud. sur

la rive

a\ait

descendu

quatre milles en amont du village, une rivire,

Congo son

vritable

le

2 4g'

fleuve

de

lati-

nord d'une crique d'environ trente yards de large.


la Lira,

large tribut d'eau transparente et

du Lady

confluent, l'quipage

un

kiremmbos-

d'eux.

jusqu' Onnia-N'sinngh, village d'un mille de long, situe par

fleuve

ils

habitants sont-ils morts?

tout ce qu'il y a\ait.

Le

outre,

(les clairs).

Qui a envoy

"

En

un

appele par eux Matourou, qui se trouvait autrefois

le,

en aval d'ikonndou, avait t compltement dtruite par

remmbos

apprirent

lui

combat naval dont

apportait au

profonde.

son

Alice eut soutenir contre les indignes


sortit victorieux.

il

Le 18 dcembre, aprs avoir driv pendant quelques milles, le navire


vogua dans une sorte de large canal qui sparait de la rive gauche du Zaire
l'le

populeuse de Mpika, merveille de vgtation, forme surtout de banaLes passagers dbarqus en

niers et de plantains.

foraine des noirs couverte de gazon, s'arrtrent

de ses arbres sculaires. Immdiatement


son de trompe tous

les guerriers

les

sur une place


l'ombre

gens de Mpika appelrent

des alentours, qui, runis bientt en

grand nombre, tmoignrent de leur dsir d'avaler


ner.

face,

pour djeuner

et djenneurs et djeu-

Les interprtes de Stanley russirent pourtant calmer ces hostiles

du sang.
de xMpika, une

insulaires qui consentirent l'change

Au dpart du Lady
sait

sur

(allez

la

en paix)

Alice de

pour

rive
>.

crier

l'le

aux voyageurs

foule de noirs se pres-

Moiiindc Kivoiikc-voiik

Ce souhait affectueux ne devait passe

raliser.

Aprs une descente de dix milles environ, des milliers de formes hu-

maines caches dans

monstre de bois

les jungles

de

la

berge dcochrent leurs flches au

ferr inusit qui nageait sur le fleuve.

LES BELGES. H,

CHAPITRE DEUXIME

34

cette attaque dangereuse, les

rameurs du navire emportant Stanley

redoublrent de zle pour imprimer l'embarcation sa plus grande rapidit. Le Lady Alice choua la
march ngre abandonn, non loin,

fernal concert de

du

trompes

et

cte, prs d'une vaste place dserte,

hlas

des sauvages hostiles, dont

de hurlements arrivait ses marins, au milieu


il

fallut

combat-

camp,

qu'il

entoura

sifflement trange des flches empoisonnes. Cette fois,

tre.

Stanley

hte construire

la

fit

l'in-

un

borna, sorte de

d'une enceinte paisse et haute de broussailles, dans laquelle furent forms

des abris pour

les tireurs. Puis, la tte

de sa troupe aguerrie, mais rduite

nombre d'hommes valides, la plupart noirs de Zanzibar et ngres


du Congo, il attendit bravement l'ennemi.
Bientt un bruissement continu dans les broussailles voisines, les chocs
successifs et rapides des flches tombant au milieu du camp, annoncrent sa

un

petit

recruts sur les bords

prsence.

Des milliers de ttes mergrent de

la

jungle, quelques mtres

du

bo-

rna; les dfenseurs de Stanley purent, leur aise et sans danger, tirer et

mettre dans

noir sur ces cibles mouvantes, qui, touches, s'affaissaient

le

avec des cris de rage et de maldiction contre

le

notima (chef blanc).

La victoire fut rude gagner. Le lendemain, Stanley, menac de l'abandon d'une grande partie de ses gens, dmoraliss par le chiffre croissant des
malades et des morts de l'escorte, et par les incessantes attaques qui signalaient chacune de ses marches, dut, prix d'or local, un ne de selle, une
malle,

une chane

d'or, trente dotis,

de perles, seize mille


et

cinquante

de

livres

de route. En outre,
tiques,

de belles

trois cents cauris,


fil

un

revolver,

de laiton, racheter

comme

jadis Ulysse en

toffes, cent

cinquante livres

deux cents cartouches

les services

de ses compagnons

des circonstances presque iden-

Stanley puisa dans son me, et dans

la

ferme volont d'accomplir

sa mission, des accents persuasifs qui lui valurent de nouvelles et sincres

promesses de

fidlit et

d'attachement de

la

part de ses compagnons.

Ulysse a trouv son Homre, Stanley aura-t-il

Le

25

le sien

dcembre, l'explorateur anglais clbra son premier nol au Congo,

pi es de Vinya-Ndjara; les vingt-trois embarcations, canots taills dans des

troncs d'arbres qui composaient sa

organises sur

Le

soir

furent baptiss, et des rgates

de ce chrislmas mmorable, Stanley

Frank causrent de

flottille,

le fleuve.

Voyez

l'avenir,

et

son fidle compagnon

aprs avoir parl du pass.

cette carte, dit Stanley en

montrant

la

dernire carte de l'Afrique

centrale dresse parles Europens, la rgion que nous venons d'aborder

y figure en

blanc, le vide est absolu. Je vous assure, Frank,

que ce vide

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

norme

est sur le point d'tre combl...

35

cet gard, je n'ai pas l'ombre d'un

Bonne nuit, mon garon, bonne nuit, et que d'heureux songes


accompagnent votre sommeil!...
Cette confiance surhumaine au cur de Stanley n'tait-elle pas un gage
doute...

certain de succs

Le 28 dcembre, un brouillard pais


voilait,

ds

le

matin,

les

palmiers de

la

et gristre

berge o

planant sur

est situ

le

fleuve

Vinya-Ndjara.

FRANK POCOCK.

Lentement

la brise

chassa ces vapeurs,

le soleil

s'levrent solennelles et tristes. Enfin le Zaire


a neuf heures, sa surface

calme

brilla

parut et

les rives boises

montra sa nappe

comme un

grise, et,

miroir. L'escadre de

Stanley vogua de nouveau vers l'inconnu.

Le jour suivant, elle atteignit le Kassoukou, rivire qui mlait ses eaux
de couleur sombre celles du Congo, en face de l'important village de
Kissannga-Sannga.

CHAPITRE DEUXIIME

36

En

aval de ce villa;ie, la population riveraine

marins de

de retourner d'o

la flottille

ils

somma imprieusement

venaient.

Mais, se ravisant en prsence de la quantit considrable d'tres

qui composaient

viande

ah

ah

mes du mme

Bo-bo-bo-bo

<>

ah

et ils

il qu'un

humains

quelques indignes poussrent des

la suite de Stanley,

clameurs joyeuses:

les

Bo-bo-bo-bo-o-o! (de

la

viande

regardrent ds lors l'explorateur

gourmet regarde un chapon

et ses

de

la

hom-

truff.

L'un deux, misrable trs gras, arm d'une lance, plus hardi que les
autres, s'approcha, dans

un

canot, de

la

barque monte

Anglais. Sans s'mouvoir ce dernier regarda

verte par

la tte

un

le

sauvage

la

pai- le

bouche entr'ou-

aux grandes dents carres

rictus grimaant,

clbre

et blanchtres,

hideuse incline vers l'paule dans l'attitude d'un habile jeteur de

lance, au Iront bas. la face trapue, la chevelure courte et paisse.

ngre recula son bras droit, rejeta

le

Ce

corps en arrire, et brandit sa lance

contre Stanley.
L'Anglais resta impassible;
l'eau,

la

lance effleura ses paules et s'abattit dans

avec un sifflement...

Une heure aprs

la flotille

d'exploration croisa l'embouchure de l'Ou-

rinndi. Puis, poursuivant sa route, elle longea les territoires

Mno

d'Oussonngora

et de Kassra, retraites des hippopotames et des lphants.

Des sous-bois impntrables, composs de fougres, de dattiers

et

de

palmiers raphias vinifres, de massifs de piment, de lianes, de caoutchoucs

du mucuna pruriens,

grimpants, de joncs d'une longueur

infinie, et

des indignes, en raison de

avec laquelle les poils de cette plante,

la tnacit

effroi

vritables aiguillons, pntrent dans la peau, tels taient les domiciles o


les

lphants de ces parages avaient trac des voies ouvertes au premier

explorateur des rives du Congo.

Il

s'y

rfugia

un

instant,

pour chapper

une pluie diluvienne qui, nouvel obstacle, venant aprs les rapides,
laim, les cannibales, les flches

rompre jamais
Ds

le 31

le

empoisonnes

menaa

d'inter-

cours de son expdition.

dcembre

1876, par

un de ces brusques revirements de temp-

rature frquents sous les tropiques,


quille, le fleuve

et les lances,

la

le ciel

pur et bleu

la fort

sombre

et tran-

sans une ride, ressemblant une nappe solide d'argent

bruni, la journe superbe, invitrent la petite escadre a continuer sa route.


Elle se trouva le

premier jour de

environ 25 de longitude

dont

le

nom

est,

l'an 1877,

par

1 10'

de latitude sud

depuis lors devi.it Stanley-Falls. L'quateur et

prilleuses, au

nombre de

et

cinq jours de navigation des cataractes,

sept, furent franchis aprs trois

les

chutes

semaines d'un

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

39

effroyable labeur, d'efforts excessifs et continus, pendant lesquelles

les

braves conqurants des obstacles physiques du fleuve avaient d repousser


les

attaques incessantes de nuit et de jour de froces cannibales fortifis

dans

les diverses les places entre les cataractes.

Le 38
hte

le

janvier, les

membres de

l'expdition Stanley descendirent en toute

cours rapide du Livingstone, pour chapper au bruit assourdissant

deschutes, et allrent camper

le

d'Oussimmbi, situ par

29"

o''/22'

Un nouveau combat, une

lendemain dans undes

nouvelle victoire, signalrent encore pour eux

LA SEPTIEME

novembre

abandonns

de latitude nord.

cette tape nouvelle. Depuis le Rouiki,

fois les

villages

o l'expdition

tait

parvenue

le 23

CATARACTE DES STANLEY-FALLS.

1876, jusqu'au 29 janvier 1877, ^^^^ avait

combattu vingt-quatre

sauvages, et pris dans ces luttes soixante-cinq boucliers pareils

des portes, impntrables aux lances et aux flches des indignes.

Le

"fvrier, par o/5o'

afflaent,

i7"aunord del'quateur, Stanley dcouvrit un vaste

dont l'embouchure mesurait une largeur de plus de

kilomtres.

Arrt en aval de cette rivire, l'Arouhouimi, avec ses embarcations,

il

vit

venir lui une vritable flotte comptant cinquante-quatre canots de guerre,

monts par des indignes en armes. Sa marche tait ouverte par une
barque monstrueuse, portant, sur chaque bord, quarante rameurs qui
pagayaient debout et l'unisson, au rythme d'un chant barbare. A l'avant,
sur une sorte de plate-forme, se tenaient dix jeunes guerriers, coiffs des
plumes caudales du perroquet gris queue rouge. A l'arrire huit hommes

CHAPITRE DEUXIME

40

gouvernaient l'embarcation avec de longues pagaies, dcores de boules


d'ivoire.

Le grand canot

s'lana; les autres le suivirent, faisant jaillir l'cume et

soulevant l'eau sous leurs proues aigus.

De la flottille de Stanley
qui domina, un instant,
cent trompes d'ivoire

une dtonation suivie d'une nue de

partit

bruit

le

et les

clatant

balles

normes tambours,

des

de

chants stridents de mille voix humaines,

arrivant des canots ennemis.

Les armes europennes, qui parlent


les

et qui tuent,

domptrent toujours

sauvages des rives du fleuve Congo. Ces puissants auxiliaires, renforcs

du jugement

sr, de la surveillance continuelle des dangers,

de

la

mle

et

froide nergie de Stanley, lui permirent de sortir sain et sauf de l'avant-

trente et unime, le plus acharn de tous ceux qu'il eut

dernier combat,

le

soutenir sur

terrible fleuve,

le

combat du

i.)

fvrier

contre les

1876,

Maroundja arms de mousquets.


Cette bataille eut lieu par
viales,

de latitude nord, auprs

le 1 28'

d'les flu-

dont l'une fut appele par son premier visiteur europen

l'le

de

l'Observation.

En

cet endroit le

remplie de petites

Congo prenait une largeur de plus de onze


les

basses formes d'un sable d'alluvion et couvertes

d'arundos, de papyrus et d'autres varits de cypraces. Ces

de vrais nids d'oiseaux vaiis


rois la

kilomtres,

marabouts

jambe courte, flamants

et

les taient

grues balariques, baleiniceps-

roses, oies aile peronne, canards sau-

vages, aninghas, martins-pcheurs, aigrettes, ibis noirs et rouges, bcassines


et gibier d'eau.

La plus grande

et la plus boise

de ces

les

regorgeait en outre de

babouins, de lmures, bruyants veilleurs de nuit, et de singes minuscules

longue queue. Dans


les

les autres, parfois,

au bruyant froissement du feuillage,

voyageurs invits regarder virent s'enfuir des troupeaux de buffles

rouges dont

le

vacarme troublait dans

les

hauteurs des arbres de grands

singes barbus effrays.

Les canaux qu'elles formaient entre

elles,

fourmillaient d'amphibies

hippopotames

et monitors. Souvent
pour engloutir de monstrueux crocodiles, repus, chauds de

leur somnolence,

aussi leurs eaux profondes s'ouvraient

sur

la

plage d'une

le,

par

le

bruit

soleil,

arrachs

des rameurs des

canots de Stanley.

Vainqueur des Maroundja,


dans les journes du 18 et du

Le

20,

parvenu dans

l'le

ce dernier se trouva

aux prises avec

la

faim

10 fvrier.

de Mouannganngala, situ dans

le

fleuve plu-

Maes

Th^e-jr p.

Imp-A M.erfens .Bruxeller

Le Roi de Tchoumbiri

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

41

sieurs milles en aval de la grande rivire d'Iklemmba, rencontre la veille,

Stanley put traiter de l'achat de vivres avec les indignes.

Sa

flottille

embarqua des cochons noirs, des chvres, des moutons, des bananes,
du pain de cassave, de la farine, du mas, des patates, des ignames et du
poisson.
Ainsi ravitaille, elle se remit en route, et, longeant les ctes boises de

rOubannghi,

toucha, par

elle

de latitude sud, un point o

13"

o"li,i

le

fleuve coule entre deux pointes rocheuses et basses, populeuses, bien cultives et couvertes

de bananeraies.

Quatre jours aprs, par


de

1 37'

22"

au sud de l'quateur,

elle s'arrta

prs

de Mommpourennghi, o eut

l'le

lieu la fin

touchante d'une compagne

de voyage de Stanley;

fin ainsi

racon-

te par- l'immortel auteur de l'ouvrage

travers

La

le

Cotilinent mistrieux

fidle

Amina

dans un canot, dont


le

Lady

Ah

Alice.

matre,

me

Amina va mourir.

guiers; mais non,

en m'aper-

dit-elle
la

Amina

mer. Votre

J'aurais

voulu revoir nos cocotiers

et

approcher

fis

cevant, je ne reverrai plus


fille

mourante

gisait
je

et

est

tant

nos man-

mourante,

sur une terre paenne. Elle ne verra

plus Zanzibar. Le matre a t bon pour


enfants, et

ses

C'est

un

Amina

s'en

souvient.

mauvais pays, matre

vous

vous tes gar en y venant. Adieu


n'oubliez pas la pauvre petite Amina
!

On

l'enveloppa dans

confie

un linceul,

aux profondeurs du fleuve

Enfin

le 27,

la

et,

LE FILS

.\1NE

DU ROI DE TCHOUMBIRI.

au coucher du

soleil, sa

dpouille

fi.it

africain

colonne d'exploration longea un territoire habit par des

cratures noires, pour lesquelles l'pithte d' humanitaires pnt tre employe.

Ces indignes taient

les sujets pacifiques

capitale s'levait sur la rive gauche,

milieu de

Le

roi

champs labours

et

du

de Tchoumbiri rendit

visite Stanley. C'tait

larges narines et des lvres minces.


II.

de Tchoumbiri, dont

la

de villages populeux.

cinquantaine d'annes, avec des yeux petits,

LES BELGES.

roi

quelque distance du courant, au

Il

tait

un nez

un homme d'une

bien

soigneusement

fait,

mais de

pil, avait la
6

CHAPITRE DEUXIME

42

voix douce, les manires presque affables, une

nanmoins

empresse, qui

politesse

laissaient percer ses instincts mercantiles et son esprit rus

au

del de toute mesure.

Sa coiffure
cifre.

une natte

tait

Sa poitrine

trs serre, tisse de fibres

et ses paules, noires

drier, lui passant sur l'paule

taient entirement nues.

un

large sabre lame courbe.

moustiquaire de sa royale

buffle,

ture, outre sa tabatire et

Au bau-

gauche, o se dressaient en aigrette les soies

d'un lphant, tait suspendu

main une queue de

de palmier cru-

un paquet de

feuilles

Il

tenait la

face, et avait la cein-

de tabac, des gourdes

remplies de talismans, de poudres magiques, enveloppes dans des lambeaux

de flanelle rouge

et noire,

une

collection d'antiquailles en bois, de ftiches

grossiers, etc., etc.

Cet aimable personnage possdait

quatre dizaines

eurent pour Stanley

d'pouses, qui

et ses

compagnons

les attentions les plus dlicates.

Beaucoup

d'entre elles taient jolies et

bien faites, avaient

la

peau d'un brun

superbe, et une gracieuse courbe d'paules,

rare chez la plupart des

Congo. Elles portaient des

femmes du
de

colliers

cuivre jaune d'une paisseur norme de


;

lourds anneaux, sortes de carcans, leur arrivaient jusqu'au

menton

et atteignaient

presque l'extrmit des paules. Heureu-

femmes avec

ses
l'une des femmes du roi de tchoumbuu.
Il

fallut

de ce

soud leur cou d'une faon permanente

pourtant les quitter. Le 7 mars,

lieu, grossie

la flottille

exploratrice s'loigna

la rive

du
gauche du
fils

roi

de Tchoumbiri.

fleuve, par 3 14 4"

de latitude mridio-

nale, elle rencontra llbari N'koutou, rivire puissante et profonde,

de

l'est

de trois canots d'escorte, monts par quarante-cinq

hommes commands par le


Le 8 mars, sur

trente livres d'airain

venant

embouchure une largeur d'environ 400 mtres.


du confluent de cette rivire, la vaillante petite
son dernier combat contre les indignes. La dfaite

nord-est, ayant son

A quelques

milles en aval

troupe de Stanley livra

des sauvages cota quatorze blesss la cohorte victorieuse des explorateurs.

Le

12,

vers onze heures du matin,

le fleuve,

graduellement arriv une

largeur de rives de plus de deux kilomtres, mit les voyageurs en prsence

d'une expansion trs ample qui fut qualifie tang de Stanley (Stanley-Pool).

Les plateaux herbeux qui couronnaient ces

falaises,

plateaux aussi verts

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

que des pelouses, rappelrent Frank Pocock, compatriote de Stanley, un


coin de la vieille Angleterre! quelque chose du pays natal!
Ds

lors les tribus riveraines

du fleuve ne furent plus redoutables pour


du Stanley-Pool jusqu' son

l'explorateur; mais le cours d'eau, roulant,

embouchure dans un ht profond obstru par des

rcifs

de lave, des projec-

tions de falaises, des bancs de roches erratiques, traversant des gorges

tortueuses, franchissant des terrasses et

tombant en une longue

srie

de

chutes, de cataractes et de rapides, devint son plus terrible ennemi, heu-

reusement impuissant.

Le

i6 mars, Stanley rencontra

une large

rivire qui apportait

au Congo,

TBAINAGE DES aiNOTS SUR LES PROMONTOIRES ROCHEUX.

roulant avec furie des vagues cumantes, un nouveau contingent d'eau

rapide et considrable.

Il

la

nomma

Gordon Bennett.

Stanley pensait Bennett, ce jour-l


la [presse,

qui, la

mme

date, sans

I...

Bennett,

c'tait le Herald,...

nouveUes de l'explorateur depuis des

annes, dplorait prmaturment sa perte et

maudissait

le

lgendaire

sphinx du centre africain, auquel nul Europen n'avait pu jusque-l


arracher ses secrets

! . .

La dernire moiti de mars

fut

pour

la flottille

de Stanley

la

priode

la

plus rude et la plus accidente de sa descente du fleuve gant, priode

au cours de laquelle
trans par les

les

canots durent parfois tre amens terre, et

hommes de

l'expdition sur les promontoires rocheux des

berges.

Le !" avril,

elle

campait en aval des chutes de Kaloulou, sur

la

rive

CHAPITRE DEUXIEME

44

droite. Kaloulou tait le

son voyage.

Il

Le

d'un enfant ngre lev par Stanley durant

avait pri avec huit

un canot entran de
des vagues,

nom

jet

hommes

de l'une

l'autre,

auprs des dangereux rapides du fleuve.

8 avril, au dfil des Tourbillons, en face d'Oumvilinnghya, Stanley

dirigea le Lady Alice travers un passage trs

Le

du mois prcdent, dans

le 27

terrasse en terrasse, pris par le tourbillon, saisi par

II, cette

sus d'une

nouvelle cataracte, baptise de son

Puis, poursuivant

longeant

difficile.

embarcation attache par des cbles solides, s'arrta au-dessa route prilleuse,

les territoires

confluent du Nkennk,

nom

Chute lady Alice.

voguant de chutes en rapides,

des Bacess, acclr par


le

le

courant du fleuve au

bateau qui portait l'explorateur

et

sa fortune

MOKT DE KALOLLOU.

franchit, les 22 et 23 avril, les chutes d'Inkissi

encaiss dans

une gorge

troite,

ou

le

chemin qui marche

flanqu de vagues tournoyantes, qui se

rencontraient au milieu du courant, se recouvraient et reproduisaient en


aval

un

vritable chaos de lames furieuses, se poursuivant, se heurtant et

un fracas inou'i sur une distance de deux milles.


Les Babouennd indignes de ces parages, tmoignrent aux voyageurs
des marques de bienveillance qui leur firent oublier les dangers de leur
navigation fluviale. En revanche, les fourmis, les moustiques, la vermine

s'croulant avec

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

de toute espce,

djigga du Brsil (puce pntrante), lafilaire, et

la

tozoaire qui dpose dans les muscles des

produisant de graves tumeurs, pallirent les

pour eux

d'une trop gracieuse hospitalit.

Le 29

effets

inacoutums

en halte au bord d'une anse situe l'extrmit suprieure

avril,

la baie

un en-

ufs d'o sortent des vers gros

et courts

de

47

de Nzabi,

vires, taillrent

les

marins de Stanley, devenus constructeurs de na-

dans une fort voisine un superbe oubani, arbre de

la fa-

mille des burseraces, boswellia de dix pieds de tour la base, d'une

hauteur de tronc de quarante pieds. Le 8 mai, cet arbre creus devint

le

vogua tribord du Lady Alice, et avec toute


la flottille s'arrta en amont de deux chutes du fleuve auprs de l'embouchure du ruisseau de Mohoua. Le 3 juin, Mohoua fut abandonn, et les
canot Stanley. Le

16,

il

canots descendirent lentement jusqu'au village de Zinnga, o


lageois

demanda

Stanley, qu'il

combla de

un jeune

joie, s'il tait Innghiliz,

vil-

Frann-

Dytche ou Portigase.

ciss,

Cette question n tait-elle pas une certitude

domaine de

la civilisation

du voisinage de

l'Ocan, bleu

Confiant, rempli d'esprance, Stanley s'loigna de Zinnga. Hlas

le

mort de son fidle Frank, noy dans le fleuve, ramenait


l'explorateur dsol aux plus noires penses, au plus sombre dsespoir.
11 faut lire les sublimes et mouvantes pages de l'crivain Stanley, l'etraant la mort de son compagnon, pour comprendre toute l'amertume douloureuse, toutes les souffrances dchirantes que ressentit au fond de son
cur l'homme, l'ami, atteint dans de chres a'ections.
lendemain,

Les

la

13 et 14 juin, Stanley,

retenu par

la fivre, resta

environs de Massassa, vaste bassin form par

Le

25

de ce

mme mois,

il

compta

les

avec sa

flottille

aux

le fleuve.

chutes qui

lai restaient

pour

attein-

dre Ntombo-Mataka, prs de Sangalla, la cataracte autrefois visite par

James Kingston Tuckey. Le 16 juillet, toute l'expcette grande chute, et apprit par les indignes qui peu-

l'infortun capitaine

dition atteignit

plaient ses rives qu'aucun obstacle srieux n'existait en aval sur le fleuve,

jusqu' l'Ocan.

Le 4 aot 1877, Stanley, arrt au village de Nsannda, dpcha en


avant deux indignes, porteurs de lettres pour Embomma, avec cette
suscription

n'importe quel gentleman rsidant

franais

ou espagnol.

Embomma

et parlant anglais,

crites par Stanley dans ces trois langues, ces lettres contenaient la nouvelle

de son voisinage

et

mentionnaient

le

danger

qu'il courait

de mourir

CHAPITRE DEUXIME

48

de faim. Le 6 aot, une rponse d'un ngociant europen tabli Borna


mettait en relation crite,
et

aprs plus de trois annes, l'explorateur Stanley

un honnte homme blanc civilis.


La lutte si longue et si terrible que

malheur

et la

famine

tait enfin

l'explorateur avait soutenue contre le

termine.

aot 1877, mille et deux joursaprs son dbarquementa Bagamoyo,


Stanley doubla la pointe de Banana, l'embouchure du Congo.
Mont sur le lTbimidci, vapeur anglais, capitaine John Petherbridge,

Le

12

un dernier regard l'norme fleuve sur lequel il avait


humble et soumis, du seuil de l'immen11 le vit s'approcher,
simple goutte d'eau, malgr sa puissance et sa fureur, en

l'explorateur jeta

tant souffert.
sit

liquide,

comparaison de l'incommensurable volume

de l'Ocan, qui droulait devant

lui

la

et

de l'tendue sans bornes

chane indfinie de ses vagues

gantes, lames d'argent.

Astre lumineux clairant les mystres d'un continent ignor, Stanley


allait

bientt briller l'horizon

du monde

civilis

!...

CHAPITRE

La dcouverte de Stanley

et l'Europe.

d'tudes du haut Congo.

des Kabindas.

Le colonel

III

L'uvre africaine du Roi des Belges.

Les passagers du Barga. Une escadre dans un bateau.


CLATANTE

et

fit

tressaillir

la

socit

contem-

poraine dans ses sphres savantes et philanthropiques.


Cette nouvelle arrivait au

"^/^
.-3^^

Le baobab.

rapide nouvelle de l'apparition de Stanley

l'embouchure du Congo

^^c

Le Comit

Strauch. Stanley retourne Banana. Une croyance

moment

oii

les plus

grands

tats de l'Europe et de l'Amrique s'agitaient dans les

convulsions d'une crise conomique intense minant leur richesse et leur scurit; l'heure

leurs frontires,
faisaient

les

vieilles

nations europennes, trop

tournaient leurs regards vers

d'unanimes

efforts

pour en explorer

le

vaste

l'troit

les parties

inconnues

songeaient l'avantage que l'on pourrait tirer de leur dcouverte.


LES BELGES. U.

dans

continent noir,
et

CHAPITRE TROISIME

50

Le Portugal

organisait et plaait se as

le

commandement du major Serpa


les bassins du Zam-

Pinto une exploration scientifique ayant pour objectif


bze et du Congo.

La France

aidait de Brazza et ses

compagnons Marche

et Baliay

dans leur

campagne de l'Ogou.
Le Comit britannique, qui dirige Londres
entre l'Ocan, les grands lacs et

dcouvertes futures rserves

le fleuve

ses

africain, traait

le

docteur Lenz, au territoire des

voisins de l'Ogou.

La Belgique, incapable de
de

Fonds

nationaux.

Les Allemands retournaient, guids par

Adouma,

le

Zambze, un immense rseau de

se laisser distancer par ses anes

nombre de

treprises qu'un certain

dans l'arne

avec orgueil les audacieuses mais glorieuses en-

la civilisation, suivait

ses enfants, pionniers hroques

de

la

conqute africaine, conduisaient vaillamment au pays des ngres, des ctes

de Zanzibar au

lac

Tanganka.

Plus que jamais l'insatiable dsir qui pousse l'homme blanc rechercher, dcouvrir, possder, civiliser tous les points

son existence
Aussi

le

et sa force

rvlait

succs inespr du voyage de Stanley, transmis aux quatre coins

du monde sur
civiliss

du globe,

les ailes

de

la

Renomme,

soulevait-il chez tous les peuples

des acclamations enthousiastes et sympathiques, o peraient des

lueurs d'espoir.

Un homme,

en possession de forces restreintes, triomphant de mille et


hros d'aventures

mille obstacles,

si

dramatiques,

si

extraordinaires,

que

l'imagination fertile et audacieuse de Jules Verne n'etpas os les concevoir,

un voyageur

deux seuls journaux, priv


durant trois annes de tout secours, de toute nouvelle des contresdes deux
mondes, rduit aux uniques ressources de son courage, de son exprience
intrpide, envoy et dfray par

des difficults de

che

et parfois

la vie

des tropiques, avait travers sur

qui se prcipite menaant et terrible,

le

la

chemin qui marrgion centrale

mentionne jusque-l sur les cartes d'Afrique sous le titre de pays inconnu.
11 avait, dans le cours de ses rudes tapes, surpris l'essence premire des
secrets m3-strieux d'un

monde

qui comptait des millions de cratures

humaines, barbares mais inconscientes, plonges dans l'ignorance

la

plus

absolue, vivant brutalement des fruits dlicieux de leurs bois exotiques, des

animaux divers que

recelaient leurs forts, des multiples poissons qui peu-

plaient leurs cours d'eau.

Grce

lui,

dsormais,

lorsqu'il s agissait

de

les

doutes noncs par

la possibilit

d'ouvrir,au

les

cur de

meilleurs esprits,

l'Afrique, des

dbou-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

chs au

commerce

et

l'industrie des

51

pays producteurs, n'avaient plus

leur raison d'tre. L'uvre hardiment entreprise de rgnrer

une race hu-

maine, d'arracher, par centaines de mille, des esclaves

la traite

Livingstone appelle une iniquit monstrueuse, d'enrichir

le

odieuse que

ro}'aume,tou jours

trop pauvre de la science, de connaissances gographiques, d'observations


utiles,

de collections prcieuses

de Brabant, devenu
chain,

une

cette

sublime conception du premier duc

roi des Belges, laissait entrevoir

dans un avenir pro-

ralisation certaine.

Le Souverain,

qui, depuis des annes, sans cesse

proccup des intrts

d'une nation avide de rpandre au dehors l'exubrance de ses productions,

de ses nergies, de ses dvouements, de

ses talents, avait, par sa persv-

rance, ses largesses, son loquence persuasive, group, encourag, entran


les

lments

les plus divers et les plus

capables pour les guider ensuite

l'accomphssement d'une tche glorieuse


dont un souhait lgitime, aujourd'hui

que Bruxelles devnt

expression,

et

humanitaire;

le

de

1876, l'Initiateur, l'Organisateur infatigable

Lopold

II

allait

la

mouvement

du Congrs gographique

del'OEuvre africaine

ajouter tous ses droits l'immortalit

rissable de premier civilisateur pacifique du continent

fcondant

Roi patriote,

quartier gnral d'un

civilisateur africain; l'auguste et actif Prsident

jest

le

avait t, suivant sa belle

ralis,

Sa Ma-

le titre

imp-

noir, en parachevant,

dcouverte de Stanley.

Cette dcouverte tait une victoire pour

la

science;

le

second roi des

Belges devait en retirer une conqute dfinitive pour la civilisation.

Les sophismes tranges,


tmatiques,

les

les

accusations pamphltaires,

attaques paradoxales,

les critiques

dbut de l'entreprise africaine, contre

la

les

oppositions sys-

impitoyables diriges, au

fondation et les efforts de l'As-

sociation internationale, se sont vanouis, impuissants, devant le rsultat


atteint en

peu d'annes

et

ne figureront point dans l'histoire deri'avenir

qui, de sicle en sicle, transmettra

clatant et unique notre

aux races futures blouies

poque d'un Roi

qui, sans ternir sa

le

succs

conqute

par de sanglants massacres ou par l'emploi de moyens inavouables, a


cr entre les tats du vieux monde un lien de solidarit de plus, et

permis l'humanit de poursuivre, sur un domaine agrandi, l'accomplis-

sement de

ses destines.

L'histoire

consacrera aussi des pages justement mues

la vaillante

cohorte des premiers Belges, hros admirables de dvouement et d'abngation, qui sont alls, au profit de la prosprit gnrale strictement lie la
cause de leur Souverain, poser sur

le sol

inexplor de l'Afrique inhos-

CHAPITRE TROISIME

52

premiers

pitalire, les

plus souvent, hlas

vigoureux jalons d'une entreprise grandiose,

et

au prix de leur

mnes reposent,

les

sang-,

Ramaeckers

Crespel, Maes, Popelin,

solitaires,

de leur

et tant

vie.

victimes,

d'autres

dont

des milliers de lieues de leur chre

mmoire des

Belgique, revivront ternellement dans la

Belges, fiers de

leurs morts glorieuses, et puisant dans l'exemple de leurs


fices

le

gnreux sacri-

des ardeurs plus vives, des lans plus irrsistibles vers la conqute

civilisatrice

du dangereux centre

Plus les lauriers de

prodigue pour

Les grandes

et

les

conqurir

africain

sont rudes gagner, plus une nation civilise

la gloire
le

sang de ses enfants, ses richesses

et sa force

nobles causes ont eu, dans tous les temps leurs pipties de

de deuils! La foi, la science, le patriotisme, la civilisation, compnombreux martyrs; et c'est en vain que l'gosme, hideuse plaie
qui ronge notre poque, essaye de pntrer au cur d'une socit d'lite,
gardienne immuable des sentiments les plus dsintresss, des aspirations

gloires et

tent de

les plus leves, les plus lgitimes,

naissante des

hommes

d'initiative,

o se recrutera la lgion sans cesse red'action, de devoir, de progrs.

Cette socit d'lite a eu et possde encore dans notre pays de

breux adhrents dont


tyrologe africain; par

elle,

aux hros tombs sous


les

intempries d'un

branche de

la famille

rcompense de

chaque jour

la liste

nom-

du mar-

envenimes des sauvages, ou puiss par

quatorial

et la ralisation

annales de la rgnration de

dans

nelle

accrot

d'hroques recrues succdent volontairement

les flches

ciel

lettres d'or

les

nombre

le

humaine, demeurera

la

d'un
la

fait inscrit

en

race noire, d'une

preuve irrcusable,

l'ter-

sa vitalit.

Nous avons, dans la premire partie de notre ouvrage, retrac les tapes
mouvantes des Belges, parvenus relier par des stations hospitalires
successives la cte zanzibarite au lac Tanganka.

En
de

juin 1S77, 1^

commission internationale de

l'Afrique, sorte

civilisation et d'exploration

de parlement de l'Association internationale, runie au


laprsidencedeS.M. Lopold II, promditait l'envoi

palais de Bruxelles sous

ventuel d'une expdition qui, partant des environs de Loanda (ocan Atlantique), se dirigerait

de l'ouest vers

le

Tanganka

et tcherait d'oprer sa

jonction avec les explorateurs venant de Zanzibar.

Un mois
modifiait

le

aprs, l'audacieuse descente

du Congo

effectue par Stanley

projet de la commission.

L'attention des civilisateurs se concentra ds lors sur l'immense artre


fluviale qui, grossie
la

de volumineux

vaste rgion du centre africain.

et

nombreux

affluents, arrose et fertilise

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Ils

bilit

se disposrent

grouper de nouvelles

forces,

d'importer plus rapidement, en remontant

bienfaits et les merveilles

de nos

cette terre d'Afrique, si prs

murs

de nous par

et

5?

pour examiner
le

la possi-

cours du tleuve, les

de nos industries, au cur de

l'espace, si loin

par

les

coutumes

sauvag-es et cruelles de ses habitants.

Une tche longue et laborieuse, capable de soutenir et de stimuler les


mes gnreuses, runissant toutes les conditions d'un succs populaire,

LE COLONEL STRAUCH

base sur des desseins essentiellement philanthropiques et utilitaires, s'im-

posa aux

mmes

intelligences qui avaient cr et dirig l'Association inter-

nationale africaine.

La mme haute initiative, la mme influence royale patronnait, le


25 novembre 1878, une socit nouvelle constitue Bruxelles dans le but
spcial d'explorer et de rendre accessible aux peuples civiliss le bassin du
Congo, sous

Dans une

le titre

de

Comit

d'tudis

lettre adresse le 24

mars

du haut Congo.
1884,

par

le

gnral H.

S.

Sanford,

CHAPITRE

54

TROISIME

ministre plnipotentiaire des tats-Unis, au snateur amricain Morgan, la


large part que notre Souverain

ment

nettement dfinie

et

Cette uvre,que

le roi

tection, s'est dveloppe

s'tait

des Belges a pris sous sa haute et financire pro-

dans des proportions extraordinaires

rsultat pratique d'ouvrir la


vaste,

populeuse

marchs

civilisation et

et a

eu pour

au commerce du globe une

et fertile rgion, et d'y garantir la destruction future

d'esclaves.

de ses

Le Comit d'tudes devait en


une route

rserve dans ce comit est brive-

aux termes de son programme tracer


l'homme civilis, travers un pays o les

effet

accessible et sre

obstacles physiques de toute nature s'alliaient l'hostilit, la barbarie

invtre de peuplades incultes; chercher par des travaux ingnieux et ardus


contourner les chutes prilleuses dont Stanley avait signal l'existence

en amont dc\'ivi

nouer des relations pacifiques, des rapports commerciaux

avec les tribus riveraines

de loin en

tablir

loin, tout le

long du fleuve,

parmi ces nations exemptes de toute domination de puissances europennes,


des stations

liospilalircs ( l'instar

de

celles fondes la cte orientale),

centres d'tudes, points d'appui et de refuge pour les voyageurs, susceptibles

dans

de devenir autant de groupes de populations marchant par degrs


la

voie

du progrs, autant de

villes africaines

talera, prs des produits

manufacturs de

splendides, empruntes

un

et

sol

que

la

la vieille

o l'industrie locale
Europe, ses crations

nature a gratifi de ses luxuriantes

magnifiques richesses.

Pour

raliser ce prodige, le

capital d'un million


si elle

Comit d'tudes du haut Congo possdait un

de francs, valeur matrielle relativement impuissante,

n'et t renforce par l'intelligence, l'activit et les connaissances

acquises dans

l'art

de

la

conqute africaine

civilisatrice,

de ceux qui l'admi-

nistraient.

Le

roi des Belges, inspirateur et parrain

prvoyant du comit, n'avait

point nglig de runir toutes les chances, toutes les forces favorables ou
ncessaires au dveloppement de la socit naissante.
Bruxelles,

pour prsident,

un homme

Il

lui

donnait,

capable de la faire grandir

M. le colonel Strauch, qui depuis des annes collaborait l'uvre africaine,


en qualit de secrtaire gnral de l'Association.
le drapeau que les voyageurs dploieEn outre, le pavillon du Comit

raient, suivant

un usage constant en Afrique, en

au-dessus de leurs tablissements


sous l'Equateur,

la

tte

tait celui

de leurs caravanes et

qui avait dj resplendi

bannire glorieuse et chrie des premiers pionniers

belges de l'Association

l'tendard bleu charg d'une toile d'or.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

55

Le choix du prsident, l'adoption du drapeau, par le nouveau Comit


d'tudes dnotaient clairement que les deux socits internationales africaines taient et entendaient rester soeurs.

Enrles sous

le

mme oriflamme,

commun,

tiques, ayant Bruxelles leur sige

ces

guides par des penses presque idenles

mmes mes

deux socits marchaient par deux routes opposes

deux Amriques

dcouverte

honte des sicles passs, tandis que les

totale d'un pays tropical qui, la

tait

dirigeantes,

la

s'taient couvertes d'tats civiliss et prospres,

devenue une province anglaise, que

royaume europen, que

le

que

l'Inde

Japon se transformait en un

Nouvelle-Zlande et bien d'autres

l'Australie, la

contres reproduisaient aux antipodes, les institutions politiques et sociales

des nations les plus florissantes, nourrissait une population de 90 millions


d'habitants

moralement enfouis sous

les

tnbres paisses et profondes de

l'ignorance et des barbares prjugs.

Honneur ces socits bienfaisantes


marqu l'closion d'une re nouvelle pour une terre de servitude
et de mystre, pour une partie du noyau de l'Afrique, de l'incommensura!

Elles ont

ble rgion centrale qui reste encore explorer, et

dont

les liniites furent

traces par les expditions de Barth, de Mage, de Rohlfs, de Nachtigal, de

Schweinfurth, de Baker, de Gordon, de Livingstone, de Cameron, dePogge,


de du Chaiilu.
Elles ont permis a la Belgique d'ajouter la liste glorieuse de ces illus-

trations de la dcouverte africaine les


teurs,

Ce
avait,

noms de

ses plus

grands explora-

de ses plus gnreux martyrs, ct de celui de Stanley.


dernier, revenant par le

Cap de son mmorable voyage au Congo,

en dcembre 1S77, rencontr Zan^ib.ir

les lea.iers belges

de

la

pre-

mire expdition de l'Association internationale.

Ds

cette

poque, Stanley, convi par S. M. Lopold

Strauch, secrtaire gnral de l'Association,


ses services et son assistance

longue

et courtoise lettre,

crateur de la station de

offrir,

Karma

depuis,

marches progressives des expditions

la

par M.

le

colonel

suivant la ncessit,

aux explorateurs belges,

en rapport avec

et

II

s'tait

mis, par

une

le

capitaine Cambier, l'illustre

il

avait attentivement suivi les

cte orientale, et

communiqu

leurs divers chefs des conseils prcieux, des propositions d'organisation

de caravanes ou l'indication de points spciaux


Cet intrt bien lgitime, que

le

visiter.

aux opratemprament

clbre voyageur prenait

tions des Belges en Afrique, son esprit entreprenant, son

nergique et robuste, son intrpidit incontestable, sa pratique sans gale


des voyages aux pays des tropiques,

le

dsignaient de prime abord aux

CHAPITRE TROISIEME

fondateurs du Comit d'tudes du haut Congo pour diriger une uvre


qui ne pouvait son origine tre confie des novices inexpriments ou

peu

srs.

l'homme

D'autre part,

favoris par le sort, qui venait de trouver

inconnue du problme gographique africain

qui traait sur

une

la carte le

cours majestueux du fleuve quatorial; qui, au lendemain d'une srie bien

longue de dangers innarrables

et

de secouer

somnolence qui envahit tout

au repos

torpeur

la

la

d'preuves crasantes, dans son dsir


tre livr

mouvement, de toutes proccupa-

l'arrt subit de tout

forc,

aprs avoir vcu durant des annes d'une existence orageuse et

tions,

prodigieusement
cette

fatale,

active, avait jet sur ses notes prcieuses d'explorateur

pense vivifiante de Longfellow

suite; le prix, c'est le ravissement

ciant de nouvelles fatigues ou de

avec empressement

du Comit

la situation

La rcompense

que donne

nouveaux

la course.

prils,

est

dans

la

pour-

Stanley, insou-

ne pouvait qu'accepter

leve que lui offrait l'auguste Fondateur

d'tudes, situation, qui lui permettrait de contribuer dans

une

large part rendre fconde sa dcouverte.

Les instructions donnes Stanley, tous ses agents, par


d'tudes du haut

Congo furent strictement conformes

aux siens l'Association internationale

celles

la violence,

que remettait

l'humanit, la justice, la loyaut,

rgleront constamment leurs rapports avec les indignes

jamais recours

Comit

le

la supriorit matrielle, ft-ce

ils

n'auront

mme pour

venir bout de dfiances injustes, ou vaincre des rsistances draison-

nables

c'est

par

la

persuasion, la douceur, les bons procds qu'il s'agira

d'en triompher.

Ces agents

sont

bien

des civilisateurs pacifiques, des missionnaires

patients mais nergiques dans leurs ngociations, largement compenses

par

le

bnfice moral, le progrs des ides, l'amlioration des

murs, qui

s'accompliront ainsi parmi les populations africaines.

Nous verrons par

la

suite

que ces instructions ne furent jamais

mconnues.

Au grand tonnement de

certaines nations conqurantes, persuades

plus un peuple est ignorant et sauvage, plus on doit user, pour

de moyens violents

et terribles,

une poigne valeureuse de Belges tolrants,

charitables, dvous, remplis d'abngation,


et

amener

les

que

le civiliser,

allait

se succder au

Congo,

habitants de ce pays, marcher pas de gant dans la voie

des ides modernes, du progrs gnral.


En juillet 1879, Stanley, dbarqu pour quelques jours Gibraltar, recevait

du colonel Strauch. prsident du Comit

d'tudes, les instructions dfini-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

tives les plus prcises, relativement la mission

serait bon, mentionnaient-elles,

Il

dont

57

tait

il

charg.

d'obtenir des chefs de tribus rive-

raines des concessions de terrains privilgies, et de livrer la culture

le

plus possible de terres arables.

Les stations crer devraient tre habites par des

lcui% libres, sous le protectorat des

hommes

hommes de

cou-

blancs.

L'influence protectrice de ces stations devrait pouvoir s'tendre sur


les chefs et les tribus

environnantes, dont on formerait une sorte de conf-

dration rpublicaine

d'hommes

indpendante, except toutefois,

si le

Roi qui est due

l'uvre du Congo, se rservait plus tard


prsidentiels sur cette rpublique

Le projet

n'est

libres; confdration qui serait

noirs,

le

conception de

une personne rsidant en Europe.

pas de crer une colonie belge, mais de jeter les bases

d'tablissement d'un puissant tat ngre.

En rponse

la

droit de dlguer des pouvoirs

ces diverses notifications, Stanley adressait au colonel

Strauch certaines objections basec sur

monter pour accomplir

cette

le

temps

uvre sublime,

et les difficults sur-

la russite

de laquelle

il

se

dclarait entirement dvou.

Le 14 aot 1879, deux ans presque jour pour jour, aprs avoir quitt l'embouchure du Zare, Stanley dbarquait Banana, venant de Zanzibar,
o il tait all recruter, pour remplir sa nouvelle mission, soixantehuit Zanzibarites,

dont trente-quatre l'avaient accompagn

dans

son

dernier voyage travers l'Afrique. Oblig d'attendre dans cette localit

pour composer

la

premire expdition du Comit d'tudes, Stanley ren-

fora son escorte noire de soixante-douze Kabindas, de quelques ngres

de

la

cte occidentale et de cinquante indignes des environs de

engags a

la

journe.

Les Kabindas, originaires du


la

"Vivi,

paj's

qui s'tend au nord du Congo jusqu'

rivire de Tchiloango, sont de hardis marins qui forment exclusivement

l'armement des embarcations employes par


pens tablis sur

le littoral

les divers trafiquants

euro-

congois et l'estuaire du fleuve. Parmi eux

se recrutent aussi les charpentiers, les blanchisseurs, les cuisiniers, indis-

pensables aux voyageurs et aux rsidants


ges,

ils

dont

civiliss.

Bien que rests sauva-

sont utiles aux blancs dans les divers mtiers qu'ils ont appris, et

la ncessit leur fait

Un de

chaque jour un besoin plus pressant.

leurs chefs de tribus,

puis, de retour dans son pays,

Manuel Poun,
il

avait t lev en Portugal;

avait repris les

murs

et les

coutumes de

ses sujets ou muleks.

(Ce dernier mot, qui reviendra dans diffrents sens maintes pages de
LES BELGES,

n.

CHAPITRE TROISIME

58

notre ouvrage, a mille acceptions, mais


rieurs,

fort

les
la

l'ide d'inf-

peu impressionnable, ces Kabindas sont incapables de

de s'mouvoir d'un accident


sur

ramne toujours

de serviteurs.)

D'un naturel

ou

il

Un

propres victimes.

grand

si

dont

qu'il soit,

ils

sont les tmoins

ngociant franais, qui a rsid quatre annes

du fleuve
d'un Kabinda, mort dans

cte occidentale d'Afrique, dans les parages de l'estuaire

Congo, raconte

crmonie des funrailles

ainsi la

les circonstances suivantes.

Ce ngre, aprs avoir frapp


les requins, s'tait livr

eaux jauntres de

les
il

la

du fleuve pour

effrayer les camans

ou
aux bats nautiques les plus imprudents dans
crique de Banana. Malgr sa prcaution premire,
l'eau

dsagrablement surpris dans son bain par un monstreux crocodile

fut

jusque-l par

entran

jambe du Kabinda

courant rapide.

le

L'animal amphibie coupa

la

ramen terre par des camarades tmoins de l'accident, monts dans une pirogue, fut dpos mutil et sanglant sur les
rives sablonneuses du Congo.
Pendant qu'il se tordait dans d'atroces souffrances, ses amis l'entouraient
sans lui porter secours, mais criaient et se lamentaient; les femmes accouqui,

raient de tous cts pour pleurer autour de son corps;

toute nue, se roulait dans


affreux, jusqu'au

le sable, s'agenouillait,

moment o

le

une

vieille ngresse,

poussait des hurlements

malheureux Kabinda priv de sang, mort

quelques heures aprs, obligeait selon

la

coutume

ses noirs compatriotes

veiller toute une nuit son cadavre.

Ces

les Kabindas une occasion


monotone puis au fond des bouteilles de tafia.
Le lendemain ils transportaient le corps du dfunt au village le plus voisin,
et l'enterraient sans l'ensevelir, comme un vulgaire animal, dans le cime-

veilles

nocturnes et funbres taient pour

de chanter un

air plaintif et

Cette apparence de crmonie termine,

tire.

peu, reprenaient leurs occupations


qu'un employ europen

et

les noirs se

dgrisaient peu

ne pensaient pas plus au mort

des pompes funbres ne pense ceux

qu'il

conduit quotidiennement leur demeure dernire.

Les Kabindas ont une lgende religieuse, mlange de croyances locale^


et

de souvenirs de

qui,
Ils

aux

la religion

sicles derniers, ont

catholique enseigne par les missionnaires

parcouru leur pays.

fermement qu'un homme venu d'en haut rsolut un jour de


monde. Pour ce faire, il prit de la terre, lui donna la forme

croient

peupler

le

humaine,

temps

et,

ayant construit un four,

noircit entirement la statue

des ngres.

l'y

plaa.

Le four chauff trop long-

ce bloc de terre brle, fut

le

pre

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

L'homme

mcontent du rsultat obtenu,

d'en haut,

forme, chauffa davantage

59

une autre

ptrit

un produit

le four, et obtint cette fois

jaune; ce

fut le pre des multres.

Furieux,

le

sculpteur sur terre cuite, le premier Bernard Palissy qui rvait

toujours mieux, renouvela pour la troisime fois son exprience, chauffa


avec rage, rouge, puis blanc, et sortit du four
race caucasique

L'homme

de tous

le roi

les autres, le

un mannequin couleur

papa des Kabindas.

d'en haut, satisfait, brisa son four et se reposa.

Cette lgende bizarre, que nous livrons aux mditations de nos lecteurs,
est

cependant en contradiction avec certaines connaissances des Kabindas,

qui savaient parfaitement que

la

race multre provient des relations des

races blanche et noire.

Mais toutes leurs actions, toutes leurs croyances sont en opposition continuelle.

D'une intelligence trop primitive pour concevoir un tre idal,

ont besoin de dieux palpables, auxquels

Leurs

surnaturelle, divine.
ftiches

mchants;

les

pioche dont
Elles

sollicits.

la terre, c'est--dire qu'elles s'occules

mauvaises herbes,

pieds de manioc, en grattant lgrement

les
le

qu'aux

invocations ne s'adressent toutefois

pent peu prs uniquement arracher

monder

ils

reconnaissent une puissance

bons n'ont pas besoin d'tre

Les femmes des Kabindas cultivent

ils

le sol

les brler,

l'aide d'une

type primitif a d se trouver dans l'arche de No.

emmnent aux champs

leurs

filles

en tat de marcher,

ont des enfants la mamelle, elles les portent sur

le dos,

et, si elles

travaillent et

piochent, tandis que le nourrisson, cheval sur leurs reins, est assis dans

un morceau

au-dessus des seins

d'toffe qui vient s'attacher

com-

et les

prime affreusement.

Une

affaire trs

importante chez

une occasion pour eux


jouissances enivrantes

et leurs

du

les

Kabindas, une crmonie tapageuse,

femmes de

tafia, c'est

se livrer

une

Kabindas, l'accouplement lgal, jusqu'

la

pendant deux jours aux

fte d'pousailles,

une noce de

date toujours possible du divorce

d'un ngre kabinda avec une ngresse ejusdemfarin.

Un Kabinda,

lass

de

la

vie

de garon, a arrt

le

prix avec

le

pre

fille
il est fianc. Durant quarante-huit heures, il y a fte dans
deux camps. Les danses et les orgies marquent cette date mmorable.
Le jour du mariage arriv, les parentes et les amies de la fiance sortent

d'une jeune

les

des cuisines de

la belle,

apportant l'une, un plat de porc, mets consacr dans

toutes les occasions solennelles, les autres


son, etc., etc., enfin
plus ultra

pour un

une immense moanda

palais de Kabinda.

du mouton, des poules, du


(plat l'huile

de palme),

poisle nec

CHAPITRE

6o

Une

TROISIME

large bande d'un riche tissu soyeux recouvre tous ces plats et forme

comme un vlum

sur

lgrement de leurs plus belles

Celles-ci, vtues trs

unes derrire

Un

ses cts,

toffes, dfilent

les

lentement, sur une pice de coton droule,

les autres,

tendue terre depuis


fianc.

des femmes qu'elle relie toutes ensemble.

la tte

cliimbeck (case) de la future jusqu' celui de son

le

hommes

ngrillon ouvre la marche, que rglent deux

arms chacun d'un sabre de cavalerie

rouill,

placs

provenant direc-

tement d'un vieux stock d'arsenal portugais.


Derrire le cortge se presse

la foule

portant des m'oMiia, dames-jeannes de

la localit, les

uns

autres tirant des coups de

en signe de rjouissance.

fusil,

Le mari attend entour de

met

circonstanci, puis on se

de

des Kabindas de
tafia, les

ses amis,

il

table, les

reoit les arrivants d'un air grave

hommes

d'un ct, et les

femmes

l'autre.

La

fiance n'est pas encore

hommes

Les

et les

l.

femmes, accroupis sur leurs

talons,

mangent, ab-

sorbent, engloutissent, les uns avec une cuiller de bois, les moins favoriss avec leurs doigts. Toutefois, luxe inusit, ils ont
taille

au couteau dans

La bouche

pleine,

le

assiette,

chantent tue-tte, ea

rient, causent, jacassent,

ils

chacun leur

tronc d'un boswellia.

ayant soin d'humecter outrance leurs gosiers assoifs de desschant

De temps

autre, les

femmes

vir leurs seigneurs et matres,

tafia.

quittent leurs places, afin d'aller ser-

non pour changer

mais pour

les assiettes,

passer les plats abondants.

Le

festin termin, la fiance,

mari...

Le jour

rapide sous

le ciel

baisse,

le

quatorial.

annonce par son pre,

soleil

est confie

son

disparat, l'heure crpusculaire passe

Le Kabinda un instant disparu au fond de son

chimbeck, pour mettre son pouse au courant de ses nouveaux devoirs,


revient seul prendre part aux rjouissances gnrales qui durent toute la
nuit. L'orgie ds lors est

ment de poudre;

son comble;

hurlements sauvages des ngres

et les

tonnent jusqu' puise-

les fusils

les chants, les danses, la boisson, la

ivres

musique stridente

morts d'eau-de-vie

degrs, jettent leurs notes discordantes sous

un

ciel africain

ix

cinquante

brillent,

dans toute leur blouissante clart, les toiles silencieuses, dont le scintille-

ment

fait plir la froide

lumire du phare gant de

la nuit.

Ces sortes de noces se renouvellent frquemment

Parmi
est

ces peuplades, la

une richesse

plus

un

chez les Kabindas.

polygamie existe au plus haut degr. La femme

homme

en possde

et plus

il

est puissant; ce sont

des bras faire travailler, qui rapportent sans coter autre chose que des

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

63

C'est en outre un moyen de nombreuse parent, qui unit


membres des familles de ses temmes, et augmente son influence.
chefs kabindas pousent jusqu' six femmes; mais une seule m-

anneaux de cuivre.
au mari

les

Certains

rellement ce

rite

femme, comme

titre

c'est

en gnral

Lorsque

griefs srieux et avouables contre

grande

mari kabinda peut prouver, devant

le

la

son fils est un chef de tribu futur


femmes sont des muleks.

l'appellent ces indignes

prsomptif, ceux des autres

et l'hritier

premire pouse,

la

son pouse,

il

les

juges du pays, des

est autoris la

moyennant une indemnit. Bien trouve chez


games, cette application du dommage et intrt
sa famille,

renvoyer

ces sauvages poly-

Presque toujours

les batailles entre

Kabindas proviennent de l'enlvement

de quelque belle Hlne du pays, que deux puissants chefs se disputaient.


En tout temps et en tout pays, le sexe faible charmant, blanc, teint de
rose ou noir d'bne, fut toujours l'occasion des plus grandes querelles, et
partout, selon l'axiome d

vent

mme

dans

un

lgislateur,

les plus sanglantes

rois et des grands,

dans toute

pages de

comme parfois dans la vengeance

par des tyrans, on doit d'abord chercher...

Chez

les

la

uns sur

les

les

d une nation opprime

fille

enleve.

Deux camps

hommes ennemis, arms de leurs sabres, marchent

autres,

s'injurient et se jettent

avec soin de se prendre aux cheveux.

Comme

ennemis un espace assez large pour rendre


terni, les

l'assassinat des

Kabindas, disons-nous, des luttes belliqueuses s'lvent entre

forment aussitt;

les

dans

femme.

tribus propos d'une pouse ravie, d'une jeune


se

affaire embrouille, sou-

l'histoire,

il

des pierres, en vitant

existe entre les

inofifensives les

deux corps

lames d'acier

Kabindas finissent par ne plus se lapider, pour assister en specun simulacre de guerre qui n'offre aucun

tateurs bruyants et anims

danger.

L'un des combattants,

en courant en

cercle,

le

plus hardi, s'avance entre les deux camps,

en se penchant, en

tesques, fait voltiger au-dessus de sa tte

hampe de

che une
et dcrit

dans

l'air

un pagne dont l'extrmit, attacomme une longue charpe

bois, se dploie, flotte

des courbes gracieuses. Puis

ce genre d'exercice, saisit d'une


les

main son

il

ne tarde pas renoncer

sabre, de l'autre le fourreau, et

frappe l'un contre l'autre, en dfiant et en insultant ses ennemis

Lches, femmelettes, chiens de ngres, hurle-t-il, avancez,

approchez

Un
en

et,

se livrant mille contorsions gro-

moi,

adversaire se prsente

retraite.

c'est

le

bravache

n'insiste plus et bat

prudemment

Des deux camps opposs se croisent de nouvelles pierres,

jusqu' ce qu'un arc-en-ciel pacificateur, la belle Hlne, cause du combat.

C1I\PITRE

64

mette

l'orage

fin

C'est

en

TROFSIxME

rintgrant

domicile

le

parmi ces tribus peu belliqueuses, mais

ou

conjugal

utiles

paternel.

aux Europens vivant

l'embouchure du Congo, que Stan'.ey avait recrut des renforts pour son
escorte noire. Leur pays s'appalle Cacongo, soit en langage indigne

second Congo

(n'ca

veut dire

l'autre, le second.

de localits

et Vista sont autant

lui

Landana,

Futila,

le

Kabinda

appartenant, autant de points o se

trouvent de nombreuses factoreries hollandaises.

nous parat utile de donner ds prsent la description des tablissements commerciaux des Europens dans le bas Congo, dsigns sous
Il

le

nom de

factoreries.

Ces factoreries se composent en gnral d'une maison principale simple rez-de-chausse, construite en planches venues d'Europe, recouverte
d'une toiture en feutre, et renfermant de

nombreux magasins servant

d'en-

trept pour les marchandises et les produits, une forge, une cuisine,
huilerie

pour l'puration de

une

de palme, des chambres d'habitation

l'huile

places chaque extrmit des divers magasins, et spares d'eux, pour

en assurer

par une cloison claire-voie.

la surveillance constante,

Autour de ce
employs

palais local se pressent les

la factorerie,

chimbeks, cabanes des naturels

formant parfois de vritables

villages,

suivant

l'importance de l'tabhssement europen.

Chaque i;roupe de

ces

employs noirs a son

sans conteste. lu par ses congnres,

il

autorit, et n'obit qu'au blanc chez lequel

chef, qui jouit d'une autorit

est trs fier et trs jaloux

de son

distribue les travaux rservs

il

chacun de ses subordonns.

Le nombre des

ou portudu Congo. On

factoreries hollandaises, franaises, anglaises

gaises, tait considrable sur la cte occidentale africaine

en trouvait dans toutes

les criques,

au bord de toutes

les rivires et

cinq

d'entre elles taient tablies Banana; la plus importante appartenait la

Nieiiwe Afrikaansche Handels-Vennootschap, de Rotterdam.


C'est

dans

le

havre de cette dernire que

le

vapeur Barga, capitaine

Michel Demyttenaere, parti d'Anvers en mai 1879, vint


jours et dployer firement, sous le bleu hmpide d'un

flamme aux

trois couleurs

de

la

et

ciel quatorial, la

Belgique.

De son bord, quatre Belges (MM.


Petit, mcaniciens,

s'ancrer quelques

Janssens,

"Van Schendel, ingnieur, Grard et

charpentier), trois

Amricains,

trois

Anglais, deux Danois, un Franais, avant de dbarquer sur un sol qu'ils


devaient, avec l'appui du Comit d'tudes, enrichir de leurs rudes labeurs,

admirrent

le

Devant eux

splendide paysage qui


le village

s'offrait

de Banana alignait

leurs regards.

le

long du rivage ses maisons

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

enduites de chaux, dont

la

65

blancheur blouissante tincelait sous

les

rayons

puissants du soleil des tropiques, tandis que plus au nord, sur l'horizon,

du

se dcoupaient les falaises rouges de la rive mridionale

fleuve (.cap

Pac'ron) surmontes de leurs forts de palmiers, de papyrus, de cactus de

6 mtrs de hauteur, de plantes grasses de toute espce, dont

harmonieuses, empruntes toutes

un ensemble admirable avec


Sous leurs yeux, prs des

le

les teintes

du fleuve des nombreux

comme un

couleurs

velours de leurs Iruits multicolores.


navire, le havre de la factorerie et le

du

flancs

port de Banana, constitus par un bras du


trional

les

du vert, se confondaient dans

Congo sparant

le

rivage septen-

qui encombrent son cours, talaient

lots

miroir la surface unie de leurs eaux.

Plus loin, vers l'occident,

une rapidit de
et roulait ses

le fleuve

au courant indomptable,

filant

avec

9 kilomtres l'heure, luttait victorieux contre la mer,

vagues gristres, charriant des amas boueux, des troncs

d'arbres et des millions d'paves arraches ses rives, jusqu' cinquante


milles au milieu destlots verts de l'Ocan irrit.

la

bouche du

fleuve, large de 11 kilomtres, la pointe franaise

Banana. couronne par

la factorerie

firme Daumas-Lartigue

de Paris,

le

premier tablissement fond sur cette

terre en 1855, s tendait au nord, basse et sablonneuse,


3

ou de

del maison Daumas-Braud (ancienne

mesurant environ

kilomtres de longueur, sur une largeur variant de 40 400 mtres;

son centre, deux marais de formation rcente, crs par

les assauts inces-

du fleuve et de la mer, formaient par instant comme un


mouvant avec ces deux voisins liquides; les vagues montueuses

sants des eaux


seul corps

de l'Atlantique passaient au-dessus de leurs eaux stagnantes

mlera

celles

Au sud de
steamer

Bcirg.i.

des vents du sud-ouest

Au

point

le

la

crique o se balanait l'ancre

plus lev de ce promont).ire, une colonne

de pierre se dressait en pyramide monumentale, intacte


le

temps,

les saisons et les indignes,

dcouverte de l'estuaire du Congo par

Mais l'attraction enchanteresse,

que

les

couraient se

l'embouchure, Shark-Point encadr par une vgtation riche

et sauvage, abritait
le

et

du Congo.

pour perptuer
le

la

et

respecte par

mjmoire de

la

Portugais Diego Cam.

la varit infinie

de ce spectacle

africain,

passagers du Barga eussent en vain compar tous ceux qui, sur

du Gabon lui-mme, avaient signal leurs


escales; l'ensemble sauvage, plein de magnificence, de cette nature anime
o les lames cumantes de l'Ocan, les flots tourbillonnants du fleuve,
la

cte occidentale, le port

spars dans leur course furibonde par d'innombrables


s'alliaient la
LES DELCE.

ilts

de verdure,

grce merveilleuse, l'incomparable splendeur des sites


II.

CHAPITRE TROISIME

Cl

luxuriants des ctes et des nuances inimitables, indfinisables des berires

du Congo, ne pouvaient que rappeler aux voyageurs europens, par

leurs

cts plus tristes, le silence par trop solennel qui rgnait sous les votes

boises des rives, les prilleux dangers que sous sa beaut farouche tenait

aux mariniers

le fleuve

mains, hormis

les factoreries, les terres

hypocrite, l'absence complte de tous travaux hu-

ncessit d'installer dans

la

apport insparable de bien

"

fcondes mais partout indcfriches.

ces rgions bnies

de travail

tre,

de

et

la civilisation

Les Europens arrivs d'Anvers remarquaient

Banana, double de

de l'Escaut devant

celle

avec son

libert.

la

la

largeur du port de

cit

maritime belge; sa

longueur de prs de 4000 mtres, dpassant le dveloppement total des


nouveaux quais de la mme ville; sa profondeur variant jusqu' 10 mtres
et plus, offrant

aux navires du plus

fort

tonnage un mouillage sr,

l'abri

des courants et des vents du large; et son entre, resserre entre deux

bancs de sable, visibles seulement

banc de Dialmath

le

l'est;

appele Boulcmbemba

le

Que manquait-il

mare

spare du

(l'le

basse,

le

banc de Stella

principal

lit

l'ouest,

du fleuve par une

aux bufs).

pour acqurir une importance considrable, et devenir le plus grand entrept du commerce de la cte occidentale africaine ? Il lui manquait les bienfaits, le mouvement et l'activit
qu'allait lui donner gnreusement le Comit d'tudes, inspir et fond
par

M. Lopold

S.

ce port naturel

II.

Ces rgions mieux connues, plus frquentes dsormais, vont se transformer

devenir mconnaissables.

et

nuit africaine

l'clat

Un phare

gigantesque jettera dans

des boues aux couleurs clatantes marqueront


duira

les

la

de ses feux lectriques l'entre du port de Banana;

monde

navires de tous les rivages du

le libre

chenal qui y con-

civilis; les

sondages seront

complts, des digues et des quais s'lveront avec majest sur les rives

sablonneuses

les installations

l'Anvers africain

grce l'outillage

un avenir indiscutable
compliqu de

par des blancs dans


le

maritimes

l'art

de

la

le

Barga ne peut

plus compltes assureront

et brillant.

Une population

noire,

science moderne, instruite et guide

l'utiliser,

port de Banana, rival de Zanzibar

Mais

les

s'terniser

aura rig ces travaux, aura creus


!

dans

passagers europens doivent s'arracher

havre de

le

la

la factorerie

les

contemplation du dlicieux

tableau dont les ombres ont inspir leurs calculs ou leurs rves. Le Barga
doit sans retard revoir

le

port d'Anvers;

il

faut au plus tt l'allger

du pr-

cieux chargement dont ses flancs sont bonds.

Quel trange armateur a

frt ce navire.^ ont

se

demander

les h:ibi-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

tants

du

dont

village de Banana,

vidus avait envoy

plus

la

la

grosse

au dchargement du Barga

population ngre d'environ 700 indipart

de ses chantillons

humains

des Krouboys (indignes de la cte de

Krou, cap des Palmes), noirs trs vigoureux, moins


voleurs que les gens du pays,

67

manuvres

inciviliss,

moins

habituels des factoreries, sorte de

porte-respect des blancs, trs mal vus des ngres de Banana, que l'appt

d'un gain rmunrateur avait amens a prter

leur concours; ainsi que

des kroomen, esclaves librs, issus de tous les points de l'Afrique centrale.

Assurment,

le

ngociant auquel appartenait

pas eu l'intention de consacrer


chandises qu'il

la troque les

cargaison du Barga n'a

la

mar-

d'importer au Congo.

vient

Des tlancs volumineux du navire vapeur sortaient des steamers, des baleinires, des allges en
acier,

un

gig, toute

une

pare, arme, prte

flotille,

s'lancer la conqute

du courant

rebelle d'un

fleuve gant.

Chacun de ces bateaux portait sur le blindage,


l'abri du pavillon bleu charg de l'toile d'or, un
nom qui sera pour ses passagers futurs un souvenir
de

la patrie lointahie,

ou qui. plein de glorieuses

promesses, guidera ses hardis marins de plus en


plus loin sur

Congo.

le

Le plus grand de tous ces bateaux tait la Beldeux hlices jaugeant 30 tonneaux,
mesurant 65 pieds de long, 11 pieds de large, 5 pieds

krouboy.

gique, steamer

demi de profon-

et

deur; sa force nominale tait de 16 chevaux, sa vitesse de 8


venaient

Puis

En

nuds

embarcation vapeur roues,

avant,

9 tonneaux, mesurant 43 pieds de long, 7 pieds


force nominale de 6 chevaux; d'une vitesse de 8

11

et

demi.

jaugeant

pouces de laige; d'une

nuds

Le Royal, steamer hlice, construit par W^hite, de Cowes; jaugeant 8


tonneaux

30 pieds de long, 6 de large,

lgant petit navire, richement quip,

un don

royal,

gnreusement

d'tudes par S. M. Lopold


l^'Esprance,

42

II

dune vitesse de 8
muni d'une cabine

offert la

premire expdition du Comit

embarcation vapeur, hlice, jaugeant 8 tonneaux

pieds de long, 7 de large, force de 6 chevaux

nuds
Deux

9 nuds. Cet
luxueuse, tait

vitesse

de 7 8

baleinires l'une d'une capacit de 12 tonneaux, l'autre de 6;

CHAPITRE TROISIME

6S

La Jeune

Un

africaine,

gig de

Tous

uUcgc en acier

tonneaux

ces bateaux,

et

demi.

amarrs

du rivage, stupfiaient

le long;

la

noire de Banana, et remplissaient d'un espoir lgitime tous

population

les

membres

europens de l'expdition de 1879 runis autour de Stanlej', qui, apprciateur habile de ces richesses de locomotion en mme temps que reporter
fidle, ajoutait

Le cot

aux notes de son second voyage du Congo

total

de

la

construction de cette

flottille tait

de 120,000 francs.

Des essais indispensables devaient tre subis par chacune de ces embarcations destines affronter bref dlai les passages prilleux, les tourbillons menaants, les temptes violentes,

la

longue srie de dangeis que leur

rservait la navigation fluviale.

Pendant que Stanley et ses compagnons blancs dressent au sport nautique


les bateaux et les quipages ngres qui les amneront le 1" fvrier 1880,
184 kilomtres de la cte ocanique, par 5 40' de latitude sud et

longitude

est,

sur

la rive

ly

49'

de

droite du Congo, au point appel Vivi, nous allons

entr'ouvrir le trsor des richesses botaniques et anthropologiques des


territoires

du Congo, au bord desquels

les

vagues de l'Atlantique cou-

rent parfois, furieuses, se briser contre les rcils, ou viennent ailleurs,

calmes

et paisibles,

mourir en franges denteles blanchtres sur un sable

fin et brillant.

Au sud de l'embouchure

actuelle, le territoire

qui se termine par

le

cap

abondante des plus beaux spcimens de

Padron prsente une


flore africaine. (Nous crivons l'embouchure
varit

actuelle

la

cause d'un^

opinion mise par divers visiteurs de l'estuaire du Congo sur l'existence

probable autrefois d'un delta de ce


multiples par lesquelles

le

mme

fleuve, c'est--dire

de bouches

cours d'eau monstrueux de l'quateur africain

se dversait dans l'Ocan.

Les environs d'Ambrizette, de Kinsembo surtout, sont pour\-us des plus

grands arbres du globe, du

roi

des forts africaines, du majestueux bao-

bab (Adansonia digitata).

Ce gant vgtal atteint des proportions colossales. Peu lev comparativement aux proportions phnomnales de son tronc, le baobab est couronn d'un feuillage trs maigre, clairsem au hasard de ses branches tales en bouquet une distance norme, o s'accrochent par des filaments
des fruits oblongs, noirs, d'une matire dure, ressemblant une nue de

corbeaux suspendus par une patte,

et

contribuant donner l'arbre un

aspect fort original.

Son

bois

humide

et

tendre s'entaille avec une grande

facilit.

Son corce,

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

69

paisse et flexible, est peu adhrente au tronc; coupe avec

un couteau,

elle se

dchire sous forme de longs et larges rubans que les naturels trans-

forment en cordages, ou bien

qu'ils utilisent

aprs en avoir spar les filaments, pour


tisser des toffes.

Les Anglais achtent par

quantits considrables des balles de 100

kilogrammes de

cette corce,

dont

par tonne varie de 240 260 francs.

le

prix

Ils

en

fabriquent certaines qualits de papier.

Comme

chne-lige des forts septentrionales de

le

l'Afrique, le

baobab

est

une mine inpuisable,

car, sans

en aucune faon, son corce repousse

qu'il ait souffert

permet d'tendre chaque anne davantage un commerce lucratif pour les indignes. Le feu a peu de prise

et

sur cet arbre


'^tof

dune

vitalit

prodigieuse, dont les puis-

sants racines s'tendent, souterraines, d'incommen-

surables distances.
LE BAOBAB.

Son tronc

est

une agglomration de deux ou quel-

quefois de trois masses vgtales accoles ensemble;


les explorateurs

et,

s'il

faut en croire

illustres qui se sont parfois arrts merveills, ahuris,

devant un de ces colosses,

il

en

est

qui mesurent jusqu' 35 mtres de cir-

confrence.

Le conte d'un Robinson

se taillant

une maison complte, avec

manger, cuisine, chambre coucher, dans

l'intrieur

salon, salle

de ce monstre de

la

CHAPITRE

70

TROISIME

vgtation africaine, n'offrirait rien d'invraisemblable ceux qui connaissent

de vue

baobab du Congo.

le

Une motion

indfinissable se reflte dans tous les rcits descriptifs des

voyageurs qui ont

Le

fait

halte

un

seul jour l'ombre de ces gants sculaires.

silence profond qui rgne sous leurs votes, crit l'un de ces voya-

geurs, saisit profondment

lame

et la

Parfois, auprs des baobabs, sur le

remplit d'une religieuse motion.

mme

littoral

dont nous essayons de

retracer les merveilles, l'euphorbe candlabres (Euphorbia candeLibruin)

parvient une hauteur gigantesque, et


projette sa tige grise et rugueuse, ar-

me d'un panache verdoyant, au milieu des acacias ou des mimosas dont le


feuillage disparaitsous desfleursd'or.

En outre, lesgrandesfougres, les

co-

cotiers, les bassia, les alos, les cactus,

lesnormesfiguierSjlesbananiers, les
tamariniers,les

gommiers

d'Australie

(Eucalyptus globidiis) qui, atteignent

en dix annes jusqu' trente mtres de


haut, les pandanus, dont les branches

en candlabres
poids d'un
sites, les

s'affaissent

tes les

le

para-

manguiers, qui forment aux

embouchures des rivires


LES HANGUIESS DE BANANJt

sous

monde de vgtaux
et

dans tou-

lagunes d'impntrables four-

rs se groupent de loin en loin sur

les

en oasis ou en forts profondes, tantt en bosquets dlicieux.


brillant soleil
Mais lorsque, malgr les draperies flottantes des lianes, le
qui produisent ces pittode l'Equateur glisse jusqu'aux terres fcondes
indiscrets
travers les dmes
resques sites boiss ses premiers regards

ctes, tantt

touffus,

cert

une innombrable lgion

de chants, de jasements, de

naissante

Ds
la

du

l'aube,

d'tres vivants salue d'un trange concris,

de rugissements sonores,

la

clart

jour.

en

effet,

lorsque les tideurs de

fracheur grise et bleue

du matin; lorsque

la

nuit disparaissent devant

les

gouttes de rose brillent,

des feuilles, tout renat, tout


perles diaphanes, attaches a l'extrmit

vit,

du Congo, que la civilisation n'a pas encore


ou terribles, qui peuplent ses vastes
priv des htes sauvages, charmants

tout s'agite, sur

ombrages.

le littoral

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Dans

l'antre des l'orts, les

abondamment

reprsentes.

rouches d'antilopes

de

la table

coz<6-

animaux des grandes races

Le

lion fait fuir

devant

lui

71

atricaines sont

des bandes

dent la chair excellente enrichit parfois le

effa-

menu

des habitants humains de ces parages, des troupeaux de butflcs

rouges, des gazelles, des zbres, des lopards. Les lianes, les grandes herbes,
jungles de toute espce, s'cartent un instant pour livrer passage ces

les

hordes qui, dans leur course, effrayent des essaims de petits oiseaux, dont
le

plumage d'un

gris

sombre ne rappelle en

oiseaux-mouches de l'Amrique, auxquels


leurs formes

ils

rien celui

des brillants

peuvent tre compars par

mignonnes.

ANTILOPE COBUS.

Les rgions suprieures des arbres sont hantes par des myriades de
perroquets gris, queue rouge, qui jasent, caquettent, volent par saccades,
jouent familirement avec des singes verts (Ciropithecus cephus

que

la

venue soudaine

et effrayante d'un

chimpanz ou d'un

),

jusqu' ce

gorille, l'air

froce et repoussant, arite leurs joyeux bats.

Dans

les bois

se reposent

rapproches des centres populeux,

de leurs fraudes nocturnes; sur

des lagunes o croissent


les

les

les

les chacals et les

berges des fleuves,

hynes,
et

prs

paltuviers et les ginglus (sorte de pruniers),

lourds hippopotames se trament lourdement pour scher au soleil leur

corps dgouttants de vase noirtre.

CHAPITRE TROISIEME

72

D'oasis en oasis, travers les terres incultes et striles, des girafes pro-

mnent

leur encolure leve, joutant courre avec les rapides autruches,

prcieux oiseaux que l'on retrouve aussi sous ces latitudes,


colons, l'instar des Ani^lais au Cap, pourront

un jour

et

tirer

dont

un

les

large

profit.

Toutes les rivires du littoral offrent des quantits d'oiseaux aquatiques


une pche abondante, de copieux repas de poissons gros et petits. Les
plicans, les hrons, les ibis, sont les htes habituels de leurs bords, sans

compter

les

cormorans

et

des vols considrables de petits oiseaux qui

s'enfuient tirc-d'aile, poussant des cris aigus, lorsque de gros perviers,

toujours affams, tournoient, planent dans


leur faible proie.

l'air et

s'apprtent fondre sur

71

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CHAPITRE

IV

Un banquet factorerie

Une chimbouck
Danse des Krouboys. Les quatre saisons au bas Congo. Pcche

Les blancs Banana.

d'ivoire.

h'.ilandaise.

la

Prom-.nadj nocturne.

en haute mer; chasse

la

panthre.

Quelques fleurs.

[oM.ME les divers

des bateaux de

semaine
de leurs
avec

Dans ces lointaines


leur de

homme

visage,
civilis,

LES BELGES.

les

rparations et les installations dfinitives


la flottille

Banana,

les

membres de

loisirs forces

les rsidants

latitudes, la

de

exigeaient le sjour de toute

pour

lier

une

l'expdition profitren'

plus ample connaissance

la localit.

mme

origine europenne

souvenirs qui se rattachent

la

mme

cou-

l'existence de tout

assurent aux migrants qui arrivent l'accueil le plus corII.

lO

CHAPITRE QUATRIME

74

l'hospitalit la

diaJ,

Les religions,

plus large de la part des blancs qui y sont tablis.

les castes,

rentes s'effacent devant

La

politiques, les nationalits diff-

les coteries

le titre

d'Europen.

dans ces contres, non une promesse


dsintresss que ce

fraternit des peuples trouve

banale, platonique, mais tous les actes gnreux et

beau mot comporte.


Belge, Anglais, Franais, Portugais, quiconque appartient une nation

du

globe, qu'il soit millionnaire ou trafiquant, qu'il ait t attir

l'attrait

d'une excursion aventureuse, ou par l'intrt d'un voyage d'af-

civilise

par

faires,est,

ds

qu'il

met

le

pied sur les rives de l'estuaire du Congo, reconnu

signor par les muleks, et trait

d'ami par les rsidants au visage ple.

Les rapports entre blancs peuvent parfois subir quelques modifications


par suite d'un sjour prolong, mais

la

bonne impression des relations du

mme.
Les premiers compagnons europens de

premier jour reste

la

apprcier l'exactitude de cette assertion.


et fts

par tous

les chefs

Stanley, Banana,

Recueil. is avec

des factoreries locales,

purent

empressement

turent surtout l'ob-

ils

jet

des prvenances les plus dlicates de la part de M. A. de Bloeme, grant

de

la

factorerie

hollandaise de

la

Socit commerciale africaine,

de

Rotterdam.
Cette factorerie, cre en iSgpar

de Banana

et

principale,

.M.

Kerdyck jeune,

s'levait sur la

pointe

occupait avec ses magasins, ses hangars, ses cours, sa maison

un espace d'environ sept cents acres de

peine au-dessus de l'eau d un bras du fleuve;

terrain, quatre pieds

comptait un personnel

elle

considrable d'employs blancs et noirs, tous amplement pourvus de travail,

par suite des affaires trs florissantes de

la socit.

Par son importance commerciale, cette maison


tous les tablissements similaires existant au

tait

Congo en

au premier rang de

de Bloeme,

iSjg. .M.

son directeur, comptait alors neuf annes de service dans ces parages
c'est assez dire

combien

il

tait expert

manufacturs de l'Europe contre

du centre de

les

l'art

d'changer

productions du

les objets

littoral occidental et

l'Afrique.

Ces productions varient suivant


de

dans

l'intrieur.

Les terres du

tenue du palmier, Elas

le

littoral

giiitiensis),

climat et aussi suivant les habitants


fournissent de l'huile de palme (ob-

des arachides, du ssame, de

la

gomme

du caf, des cocnots, de l'orseille, de la cire, de la gomme lasdu


tabac, de l'corce de baobab, du caoutchouc.
tique,
Kinsembo est le lieux le plus important pour les arrivages de l'ivoire.
copal,

Ce produit

est

apport de

l'intrieur

par des caravanes,

chimboiicks.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

75

de cent cinq cents noirs, cliargs d'au moins cinquante dents d'lphant, souvent de plus de deux cents et quelquefois de trois cents dCes caravanes arrivent la cte aprs trois et mme quatre mois
do marche, vers l'poque des pluies; pendant cette saison, les rivires
tant toutes navigables, les noirs mettent profit ces voies naturelles de
fenses.

communication.
Ds que

l'on

chimbouck

d'ivoire

sjnt des ngres

sont en

apprend dans
est

les centres

en route, tous

les

marchands sachant parler

mouvement;

de population ctires qu'une


linguistiers

(les

Jinguistiers

soit l'anglais, soit le portugais)

uns envoient en courtiers leurs muleks

les

intelligents, les autres

vont eux-mmes chez

de marchandises

ont en rserve, et tous courent au-devant de

qu'ils

vane munis de prsents


Ils

la

chimbouck. pour obtenir

bons

les
la

cara-

la

c'est

qui atteindra le

vente du plus grand nombre pos-

de dfenses. Arrivs tous ou presque tous ensemble auprs des cara-

vaniers,

livrent

ils

de vritables combats pour dcider

trieur, les nicitouts, a suivre tel

du

chercher

comme appts auxporteurs d'ivoire.

s'engagent ainsi fort loin dans l'intrieur, et

premier
sible

qu'ils destinent

les blancs

plus

les

littoral

ou

tel sentier

les

menant aux

ngres de

l'in-

divers villages

o sont tablis les blancs. Chacun, pour dcider les vendeurs,

leur expose avec feu la richesse des Europens tablis dans sa tribu, la

quantit de poudre et de

(hommes

fusils,

de qualit suprieure,

blancs) viennent de recevoir, et fait

que.

as

moundels

miroitera leurs yeux nombre

considrable de perles bleues (boiiassci) qu'ils toucheront pour prix de


leur ivoire.

Cette rencontre des linguistiers et des matouts s'effectue

un point nomm Kimbala, march


ocanique, au sud du Congo.

l'intrieur des terres,

environ de

De ce

la cte

point, trois sentiers se dirigent vers le littoral

le

plus dans

situ 50 lieues

l'un,

vers le nord,

deuxime vers le sud le troisime vers SanSalvador (ancienne Banza); ces deux derniers sont les plus frquents, car
c'est l que viennent les plus riches chimboucks.
Ds que les caravaniers sont, en tout ou en partie, arrivs l'une des

c'est le

places
les

moins important;

commerantes du

le

littoral, ils

sont logs et nourris aux frais et dans

maisons des linguistiers.

Leur installation une fois

faite, une

dputation est envoye chez les blancs.

Les ambassadeurs, simples muleks, accompagns parfois de leur makrount

ou m'fitma

(chef) et d'un linguistier habile, s'annoncent

factoreries en frappant sans relche avec

cloches en fer qu'ils tiennent

la

main.

un

petit

aux habitants des

bton sur des gingons,

CHAPITRE

76

QUAlRll-AlE

Autant de gingons, autant de villages

diffrents.

Les traitants peuvent

donc par le nombre de ces cloches, dont les tintements criards et secs charment plus ou moins l'oreille, juger de l'importance du nouvel arrivage.
Chaque dputation va de factorerie en factorerie; les noiis qui la composent
portent des sabres qu'ils alignent devant

Ces derniers leur

les grants.

allouent des cadeaux de bienvenue, et les noirs retournent leur village.

Ds lors

La

march de

le

blancs s'apprtent acheter.

i'ivoire est ouvert, les

fraternit des peuples fait place alors la rivalit intresse des

merants;

les

blancs ne sont plus amis,

voient plus entre eux,

ils

devant

les

les linguistiers

des voisins

on croirait

ils

sont concurrents;

se dnigrent rciproquement,

marchandises

et les

ils

comne se

dprcient

ils

procds commerciaux

aux Etats-

assister des lections prsidentielles,

Unis.

Chaque blanc

octroie ses linguistiers de superbes prsents, et dploie

toutes les ressources de son habilet pour obtenir, en manifestant l'intention d'acheter tout l'ivoire de la cai-avane

des prix fabuleux, aussi

bon march que possible un nombre parfois

trs restreint de

dfenses

d'lphant.

Bientt une avalanche de matouts ngres de l'intrieur, vtus de vieux

pagnes en

mains orns de bracelets,

paille sordides, les pieds et les

en perles bleues enfiles, soit en

de verroterie mle de gris-gris, s'abat autour des factoreries


les habitations

soit

paules caches sous des colliers

fer, les

et envahit

des blancs.

Les noirs sont arms de cimeterres en

fer forg et

de sagaies; des cou-

teaux sont passs leurs ceintures; leurs cheveux reluisants, huils, sont
natts de cent manires, toutes plus originales les unes que les autres,

en

est

mme

de

fort coquettes.

Ils

se

forment en bon ordre,

linguistiers, portant sur leurs paules

prcds de

une dfense ou plusieurs suivant

leur grosseur, maintenues par quatre petits

long et relis entre eux par des lianes,

et

il

ils

morceaux de bois

travaills

en

dfilent, cortge trange et pitto-

resque, devant les chefs des factoreries.


C'est le chef

de factorerie qui s'occupe exclusivement pour

des maisons europennes du ngoce de


les

pouvoirs

qu'il exige, la

voir acheter toute

si

le

compte

L'importance de ce ngoce,

connaissance des linguistiers

moeurs commerciales des ngres


peut assumer une

l'ivoire.

qu'il ncessite,

font

et l'exprience

que

le

des

grant seul

lourde responsabilit. Eu outre, ce directeur doit sa-

marchandise prcieuse

de faon conserver,

rehausser

yeux des ngres indignes.

mme

et s'acquitter

de cette mission

son prestige de chef blanc aux

LES DELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Les linguistiers dposent terre

et dballent

en prsence du grant leur

chefs interprtes des

fardeau d'ivoire; les marfoucks

factoreries,

au

fait

des coutumes de chaque maison de commerce, accompagnant toujours


les blancs, les aidant

dans leurs oprations

prs des noirs trangers


a une, au

moyen

la localit

d'une tige de

fer, les

et leur

servant d'intermdiaires

rsident

ils

de

totale, et les

examen

est

jusqu'au tiers de sa

ncessaire; chaque dfense est creuse, en moj'enne,

longueur

sondent alors une

dfenses acheter. Cet

ngres ne se font pas faute bien souvent d'y tasser

mouille pour en augmenter le poids.

la terre

Le pesage

a lieu sous la surveillance des linguistiers

s'accroupissent

ils

ensuite autour de la marchandise, pour assister, spectateurs flegmatiques,

discussion que

la

le

grant, api's avoir not les poids et tabli ses calculs

d'acheteur, ouvre avec les matouts.

Le blanc

offre

son prix qui n'est jamais accept d'emble. Les caravaniers

poussent des plaintes lamentables, des hurlements de dsespoir,

ils

au voleur pendant des heures entires;

vritable

combat de patience, de
factorei^ie

tnacit,

et ce n'est

qu'aprs

de ruses, de diplomatie, que

le

un

crient

grant d'une

acquiert selon son dsir chaque dfense d'ivoire, scrupuleu-

sement examine, passe de main en main, pese, soupese. Le prix se


compose d'un certain nombre de fusils, de kilos de poudie et de pices

Une

d'toffe.

fois arrte, la

cadeau

faire

guement

discute.

valeur de

les formalits et les

l'pilogue de cette opration arrive

blanc

il

faut

payer

le

un prix trop

le

Un

bureau de

grant europen, qui

lev,

est

le

blanc d'un

encore lon-

prcautions de l'achat sont termines,

quart d'heure de Rabelais pour

c'est le

l'ivoire acquis.

muleks entrent seuls dans


sont livrs; car
tre

dent s'augmente pour

au linguistier, prsent dont l'importance

Lorsque toutes

le

la

linguistier,

la factorerie.
s'est

souvent

un matout et un des
De nouveaux combats
laiss aller

promet-

cherche par un payement intelligent en diminuer

l'importance.

Le matout une fois rgl, on lui fait prsent


soit d'un chapeiu de paille quelconque, et on
cement, en

lui

soit
le

d'un petit bonnet rouge,

met

la

porte tout dou-

disant dans sa langue quelques paroles qui

le

mettent en

belle humeur. Le linguistier intelligent, rus, voleur, menteur, outre la


commission que lui octroie le blanc, parvient soutirer au matout des bnfices

nouveaux, en faisant croire au sensible ngre de l'intrieur

qu'il n'a

du chef de la factorerie.
Nous avons longuement insist sur les dtails relatifs au ngoce de l'ivoire,
l'un des plus importants commerces de la cte du Congo, depuis la localit

rien obtenu

CHAPITRE QUATRIME

d'Ambriz, sur

le littoral,

jusqu' l'embouchure du fleuve. C'est la cte occi-

dentale de l'Afrique qui entre pour

de

l'ivoire,

matire recherche par

estime 8 9.000 environ

le

la

majeure partie dans l'exportation

luxueuse industrie de l'Europe.

la

nombre des dfenses de

On

toutes grandeurs

achetes et exportes par les factoreries tablies dans ces parages.

La maison hollandaise dirige par M. de Bloeme prsentait, ds le matin


du 20 aot 1879, non pas l'animation trange des jours d'arrive d'une
rhimbouck. mais un spectacle qui n'tait pas sans attrait pour les estomacs valides et pleins d'appitit des membres europens de l'expdition
de Stanley.
Des employs blancs de
des fournitures pour

les

la factorerie distribuaient

repas de

la

aux cuisiniers ngres

journe, non pas avec

la

parcimonie

habituelle ou plutt avec la prcaution prise en pareille circonstance contre les

majordomes noirs

De grands verres

gaspilleurs, mais avec

une largesse inusite.

pleins de farine taient remis

aux

cuisiniers,

transforme en autant de petits pains destins satisfaire


des palais

Dans

les

plus

les cours,

les

pour tre
exigences

fins.

des ngressses accroupies devant des nattes garnies de

chicuangos (petites mottes de ;arine de manioc pile et cuite, renferme

dans des
elles

feuilles

de bananier; on dirait des pains blancs au beurre, mais

sont moins apptissantes, et dgagent une odeur forte assez dsa-

grable); des jeunes n res porteurs de poules trs petites, attaches en

grappe par

patte aux

la

comme

tomates grosses

deux bouts d'un bton

des enfants chargs de

des cerises, d'oignons, d'ufs, d'aubergines, de

manioc, attendaient qu'un des marfouks de la maison, vieux noir fort laid,
aux cheveux gris, le visage marqu de la petite vrole, grand et maigre
comme un clou, la peau ride comme un vieux parchemin, arrivt pour
leur donner, en change de leurs denres alimentaires, des bouteilles de
tafia et

des brasses de cotonnades.

Des Kabindas apportaient de grandes corbeilles charges de

CT/Hgre;;^^

sorte

de prunes jaunes, presque sans noyau, cueillies un arbuste vivace trs

commun

dans

la

contre et recherch par les blancs pour former les arcades

qui entourent leurs maisons et pour orner leurs cours. D'autres dposaient

aux pieds du marfouk un fardeau d'ananas arrachs un peu partout dans


les

environs de

la factorerie;

ces plantes sauvages, d'un beau vert, taient

ornes de leur fruit en forme de

pomme

de pin,

le

plus

fin et le

plus

succulent des produits vgtaux du pays.

Des marcages voisins de

la

pointe de Banana et des ctes ocaniques,

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

pcheurs amenaient

des ngres

d'huitres. de langoustes et

de

vritables

79

cargaisons

de moules

d'normes crevettes.

Le marfouk prsidait inteiligem^

men*. au choix des

hors d'uvrc

aux

offrir

de M.

invits

de Bloeme.
sait

/l

refu-

Il

aux pcheurs les


de

hutres

marais,

celles qui, attaches

grappes aux
branches d'arbres
en

baignant dans

l'eau

aux iMcines des

et

paltuviers,
trs

taient

mais

grosses,

dtestables, d'un
got

de

vase

tel

qu'il

et

fallu

les

laisser sjourner
plus de huit

dans

l'eau

pour

les

jours

de mer
rendre

peu prs mangeables;

il

obligeait les

vendeurs

nettoj^er,

laver l'eau sale

les

grosses crepches

vettes

eux dans

les

par

lagunes

marcageuses.

cette

poque
ANANAS

de l'anne, d'autres
fruits,

abondants

seulement pendant

du marfouk,
ges,

DU BAS CONGO.

qui sont

la

figurer

saison des pluies, ne pouvaient, au

au

dessert

mres quand

elles

des

Europens.

Les

sont d'un jaune-vert

grand regret
grosses oranclair,

dont

la

QUATRIEME

CHAPITRE

8o

saveur agrable et lgrement acide en

que recherch

sain

fruits agrables,

aigres-doux,
la

la

fait

et les a.ivncj.i

chantillon des

les petits citrons

mangues,

bananes de diverses espces,

longue, dite banane de cochon, avec laquelle on


potes, devaient forcment

manquer

sur

des djeneurs du 20 aot,

nie,

La

salle

manger de

ronds, trs

l'intrieur blanc et laiteux se divise

les

banane d'argent qui se mange gnralement crue,

dite

aussi

des Portugais, Iruit vert, mou, ctel, aftectant

forme d'une norme puire. dont


les

commun

pastque, volumineux et

mais dangrereux, du pays:

compartiments;

un rafrachissement

la table,

la factorerie

fait

du

en

la petite,

celle

plus

d'excellentes

com-

et

reste trs bien four-

hollandaise.

ce magnifique tablissement prsentait, durant

l'aprs-midi de cette journe mmorable,

un coup

d'il inusit. Elle rap-

pelait la table d'hte d'un des plus

grands htels du boulevard parisien

o des voyageurs de tous

de toutes

un

jour, la

l'art

mme

les rivages,

heure, pour savourer

les

les

nations se rencontrent,

merveilleuses crations de

culinaire contemporain.

Des Hollandais, des Amricains, des Danois, des Franais, des Anglais
des Portugais, des Belges, unis par

mieux encore dans

et

de

le

d'un

les liens troits

mme

apptit.

but de fter l'inauguration d'une uvre grandiose

civilisation africaine,

dlectrent les mets exquis dont nous venons

de donner une nomenclature incomplte, entremls de plats plus rsistants


confectionns par un ngre du Congo, suivant les rgles de Grimod de

La Reynire. d'Antonin Carme, de Brillt-Savarin ou de M. de Cussy.


Inutile d'ajouter que le menu surabondant et extra de ce djeuner fut
largement arros avec tous

les

vins des meilleurs crus d Europe, voire

avec du vin de palme, liquide lger et blanchtre, assez agrable au


got, produit du Raphia vinifera (cette boisson,
indignes, est trs capiteuse, enivre,

foi't

recherche par

mme prise en petite

les

quantit, et rend

fou furieux celui qui en abuse).

On

dne, on banquette aujourd'hui, chez les peuples civiliss,

pour

cl-

brer solennellement les dates plus ou moins marquantes de l'histoire; ne

pouvait on pas djeuner Banana et porter des toasts au succs des premiers

champions d'une
marins de

lutte glorieuse et terrible, la veille

la flottille

du Cungo

bre d'une redoutable navigation? Stanle}' et ses


ils

seuls faire exception cet usage?

d'aborder

les

du jour o

allaient affronter les

Qui voudrait

les

braves

dangers sans nom-

compagnons devaientles

blmer

d'avoir, avant

travaux formidables d'une entreprise, enjeu de leur sant,

peut-tre de leur vie, partag une fois encore en compagnie d'tres affables
et

gnreux

les plaisirs

programme de

relatifs

qu'un

toutes ses rjouissances?

sic'e

de progrs inscrit sur

le

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

L'homme courageux

8i

mesures contre les


du lendemain, n'est-il pas en droit de
du comfort, du bien-tre qu'il va quitter

et fort, alors qu'il a pris ses

fatigues et les dangers certains


s'attarder quelque

peu aux
pour de longues annes?

dlices

Nous pouvions ajouter que

le

dsir d'chapper la domination de pensers

trop absorbants, ou empreints des proccupations vagues, anxieuses, de


l'inconnu, nous pousse parfois la recherche de distractions

pourvu

qu'elles

par exemple, dont

le

cachot cellulaire,
la loi.

futiles,

plan de bataille est sagement combin se plat jouer

au billard deux heures avant l'attaque; ailleurs, dans

de

mme

nous soustraient momentanment tout souci. Tel gnral,

un misrable condamn

pour apprcier

les talents

mort

le

fond noir d'un

profite de la gnrosit

d'un chef de cuisine, avant de monter

sur la sinistre plate-forme.

La gaiet la plus franche ne cessa de rgner au banquet de M. de Bloeme.


Les visages basans, cuivrs, des vieux serviteurs blancs de la factorerie
hollandaise et des tablissements voisins, rejouis par les mets et les vins
exquis,

tranchaient

europens que

trangement sur

le soleil africain n'avait

les

physionomies des

convives

pas encore marqus de sa rude

empreinte. Ces derniers auraient pu se croire toujours en Europe, occups


fter l'anniversaire joyeux d'un

de

la salle

grand jour, si par les fentres entr'ouvertes

manger un luxuriant paysage

d'un fleuve monstrueux

un gracieux cong

africain, la

bruyante loquence

sauvage, les sarabandes effrnes de noirs qui

et

avait t accord, ne leur eussent rappel qu'ils taient

Banana.

Devant eux, une cour de

la factorerie,

transforme en vritable jardin

des Hesprides, prsentait un de ces dcors indescriptibles, que l'imagination d'un peintre essayerait en vain d'enfanter.

Les dernires lueurs de


l'infini

l'astre

quatorial coloraient les feuillages varis

de nombreuses plantes exotiques, charges de mille fleurs dont

corolles fraches s'entr'ouvraient toutes grandes

mourante,
dominait

et

la

les teintes les

soleil

la

neige tombe au pied des orangers

empourpr,

mobile,

passant par toutes

plus douces, les plus vaporeuses, au gr des caprices du

couchant.

Dans cette cour,


les

les

recueillir la chaleur

emplissaient de suaves manations, d'un parfum enivrant o

senteur pntrante de

des citronniers, l'horizon

et

pour

se croisaient ou se mlaient les Kroubo3's, les Kabindas,

ngres indignes de Banana, employs de

vor, grands renforts de


LES BELGES.

II.

tafia,

la factorerie,

qui avaient d-

des plats de moanda, des mets prpars


II

CHAPITRE QUATRIEME

82

sous toutes

formes, mais toujours l'huile de palme,

les

du palmier Elas gui?icensis.


Les hommes, dshabills dans

la

sve jauntre

leurs atours de gala, portaient le bll,

pagne descendant jusqu' mi-jambe, attach autour des reins par une ceinture de drap rouge ou bleu leurs cous taient pars de colliers de perles
;

plus ou moins

prcieuses enfiles

dans des barbes d'lphants; leurs poi-

gnets s'enroulaient des bracelets en cuivre ou en

un sabre de

fer;

cavalerie,

ou tout au moins un indispensable bton, un jonc ou un bambou, constituaient leur pacifique armement.
Quelques-uns, plus fortuns que les muleks vulgaires, avaient orn leurs
ttes crpues d'un couvre-chef de feutre, vol peut-tre, ou d la magnificence d'un blanc, et

avaient coll sur leurs paules comprimes le drap

ils

rp d'une jaquette reluisante, provenant en ligne directe de la garde-robe


fripe d'un Europen.

Les plus rayonnants,

les

plus

fiers, se

promenaient orgueilleusement avec

c'est
un parapluie ouvert la main. Un
l'idal du luxe pour le ngre du Congo. 11 n'est pas rare de rencontrer un
indigne de ces parages, vtu eu dvtu d'une mchante loque en paille du
pays, flnant majestueusement sur la plage de Banana avec une de ces merun parapluie multicolore immense,
veilles de l'industrie des Auvergnats

parapluie aux couleurs clatantes,

un
la

riflard de famille destin conserver

la belle

couleur chocolat de

peau d'un ngro.


Les femmes avaient,

comme

les

hommes, rvtu

le bllc

ceint

aux reins

par une sextuple ceinture de perles blanches et bleues; leurs paules nues
tressaillaient sous les caresses

pudiquement

voils par

un

de

petit

du soir, mais leurs seins


mouchoir rabattu sur la poitrine
la brise

taient
et

nou

Leurs bras, jusqu'au coude, leurs jambes, jusqu' la hauteur


du genou, disparaissaient sous d'normes manilles en cuivre plein; et
malgr la prcaution qu'elles avaient prise de se garnir les chevilles et les
derrire

le dos.

poignets de bandes d'toffe, pour viter

le

frottement douloureux et les

corchures occasionns par cette parure mtallique, Ciles se tranaient


avec peine,

les

pieds gonfls et tout en sang.

Tous les noirs des chimbecks de la factorerie taient prsent cette fte;
les malades eux-mmes y assistaient, on les reconnaissait au pagne teint
en rouge, confondu avec leur corps galement enduit de cette couleur,
on y voyait aussi de jeunes msoit partiellement, soit des pieds la tte
;

res nouvellement accouches, que trahissaient les ronds blancs dessins


sur les tempes, au milieu du front, sur le bout du nez. Ces ti-es ainsi bar-

bouills portaient sur eux toutes sortes d'amulettes, de ftiches, au cou.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

83

aux mains, aux pieds,

la ceinture; une jeune femme, entre autres, avait


menton un tel paquet de noix de palme qu'elle tait oblige de
tenir constamment le nez en l'air.
Imaginez l'effet indescriptible que produisaient ces sortes de monstres

sous

le

bariols sur les htes de la factorerie hollandaise.

Cette vue pittoresque et sauvage la fois ne valait-elle pas les plus


riches

dcors

d'un opra-comique? Et

vacarme pouvantable,

musique discordante,

la

le

les eussent littralement

Bloeme auraient pu

assourdis, les invits de M. de


la

si

tohu-tohu infernal, ne

le

se croire encore

dans

loge de face d'un grand thtre d'Europe, un soir de reprsentation

de gala.
Enfin l'aubade est termine;

la

nuit succde au jour sans transition cr-

pusculaire, les indignes des deux sexes posent

plaant la main droite dans

le

de cette dernire pour saluer

creux de

la

les blancs,

un genou

main gauche,
et se retirent

ils

terre, puis,

agitent les doigts

pour gagner leurs

chimbecks.
Laissons ces grands enfants

cratures naves qui viennent d'obir,

dans leur manifestation singulire, un sentiment de respect envers

hommes

les

d'une race qu'ils reconnaissent suprieure et qu'ils pressentent

devoir tre utile leur regnration

goter sous la toiture vgtale des

huttes les douceurs d'un sommeil rparateur, pour suivre, au cours d'une

promenade nocturne sur


traits

Dans

le

rivage de la crique de Banana, les htes

si

bien

par la factorerie.
le

firmament

clair et pur,

la voie lacte

ressemble une rivire de

Croix du Sud brille sur leurs ttes;

Couronne de la Vierge,
la Constellation du Corbeau, Orion, fixent le regard par le groupement particulier des toiles et la vivacit de leur lumire; Sirius a un tel clat
que les tardifs promeneurs peuvent, la faveur des rayons lumineux qu'il
projette, admirer sur les eaux calmes de la baie l'tincelant reflet demiUions
diamants;

la

de mondes suspendus
C'est l'heure

des spectacles,

vue d'une

o l'me
le

toile,

la
la

la

vote cleste au fond bleu noir.


plus froide se sent remue par

le

plus imposant

moment du doute pour le sceptique, l'instant aussi o la


commune au ciel de toutes les contres, ramne la pense

du voyageur europen, errant dans

la

nuit africaine, au soiivenir d'un loin-

tain foyer de famille, de chres affections, d'une

Stanley et ses compagnons, absorbs dans

panorama sublime,

allaient

la

mre

patrie.

muette contemplation de ce

devant eux, rveurs, changeant peine leurs

impressions diverses, lorsqu'un bruit formidable de casseroles brises vint


tout coup frapper leurs oreilles.

CIIAfnTRE

84

Un groupe de

noirs,

QUATRIi:.\U-:

compos de Krouboys, tous employs dans

reries voisines, se livraient, sous ce ciel enchanteur,

les facto-

aux entrechats

plus

les

fantastiques.

Deux

d'entre eux, assis sur

un

jambes des

petit banc, tenaient entre leurs

deux bat,'ueltes ils frappaient


coups redoubls sur ces instruments, tambours conomiques qui rendaient un son fl et peu harmonieux. Leurs camarades tenant d'une main
un sabre de cavalerie ou un tronon de sabre-baonnette, de l'autre une
botes de conserves dfonces, et l'aide de

machette ou un fourreau, trpignaient en

cercle, piaffaient,

penchaient leur

corps en avant et se balanaient tantt sur une jambe, tantt sur

l'autre.

Par

moment, ils poussaient des hurlements frntiques, suivis de quelques


mots inintelligibles accompagns de simulacres d'attaque et de dfense.
une danse de guerre, mle de gestes de dfi et de provocation.
Les Europens ne pouvaient se lasser de regarder ces ngres robustes,
C'tait

arms, pirouettant, gesticulant, sous


laquelle plissait la lumire

peau noire

et luisante,

flamboyant dans

mme

la scintillante clart

de

la

lune.

On

des toiles devant

et dit des

dmons

la

dansant une ronde de sabbat prs de feux tranges

l'obscurit.

Ces divertissements chers aux ngres se renouvellent frquemment en


juillet, aot et septembre. Cette saison, la plus belle de l'anne sur le territoire ctier

du Congo,

offre les conditions les plus favorables

pour

l'accli-

matement des Europens. Durant cette priode, le temps est gnralement


bon, bien que le ciel, sans rayons clatants, soit presque toujours couvert;
une douce brise marine souffle toute la journe vers le soir, un brouillard
;

assez dense couvre

la terre et se

transforme pendant

dante qui s'vapore aux premiers rayons du ple


Cette bienfaisante rose disparait en octobre

et

la

soleil

nuit en rose abon-

du matin.

en novembre, carcesdeux

mois constituent l'poque de l'anne la plus pnible, la plus triste et la plus


dangereuse pour les Europens tablis dans ces parages; c'est la saison des
pluies torrentielles et continues.
Il

arrive parfois qu'au mois d'octobre

impropres tout

un

soleil

dvorant amollit

travail, toute fatigue, les rsidants

de

brise de mer, tant dsire, se lve certains jours dix heures

tiques ou de maringouins, mouches grosses peine

bouche

aux hommes

les

La
du matin, pour

comme

pingle, envahissent l'espace et obscurcissent l'horizon. Ces


la

rend

la contre.

quatre heures. Ds qu'elle disparat, des nues de mous-

finir le soir vers

duisent dans

et

et

dans

la tte

d'une

insectes s'intro-

les oreilles et font subir d'atroces

douleurs

plus robustes.

cet invitable

dsagrment s'ajoutent frquemment

les

ennuis moraux

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

de violents

et physiques, causs par

torn.i.ios,

orages

la fois terribles et

une ide exacte.


D'pais nuages noirs voilent tout coup l'horizon et plongent dans une
obscurit presque complte de vastes espaces des rives du Congo un fougueux aquilon, qui dans sa course indomptable a franchi, sans diminuer sa

granr'ioses, dont

on ne peut gure en Europe

se faire

force et sa fureur, les terres inexplores de l'Ogou,

nord du

du Kouilou

(fleuves au

bassin du Congo), passe sur les forts, les oasis, les vallons et

les plaines,

courbant

les

cimes

les plus leves

des arbres gants, draci-

nant leurs troncs robustes, et faisant trembler sous

C'IRliEAlX

les

huttes de paille les

COLLIER BLANC 'bANANa).

noirs habitants de la contre. L'air est charg d'lectricit; l'atmosphre


est transforme
fin

de flammes

cas, qu'il

tous

les

et

en une gerbe immense

et

lumineuse, en une trane sans

de feux des coups de tonnerre retentissent avec un

semble

chaque instant que

la

tel fra-

foudre tombe simultanment sur

points couverts par l'orage.

Bientt les nuages se fondent en gouttes d'eau larges, serres, bru3'antes,


ravinant les talus

mamelonns des berges, dpouillant

les

arbres de leur

bois mort, de leurs feuilles jaunies, transformant en torrents les paisibles


rivires et en marais

fangeux

les terres

dnudes.

CHAPITRE QUATRIME

86

Une heure plus tard, le temps est magnifique, un soleil de feu brille dans
un ciel sans nuage; une brise frache et caressante a remplace le terrible aquillon.

Mais
et

l'a

pluie torrentielle a

la

cette vase

dans

remu

la

boue des marcages

et

des lagunes,

rejete sur leurs bords; la chaleur subite, aprs l'orage, a dessch

noirtre

les

miasmes

les

plus dltres se sont rpandus

l'air.

Maux de

insomnies, fivres paludennes, gastrites, nervement,

ttes,

mauvaise humeur permanente, spleen quatorial, svissent alors parmi

Europens qui vivent sous ces latitudes. C'est l'ge d'or de la quinine,
remde souverain que les blancs absorbent par doses considrables.
Les insolations aussi sont craindre, et durant ces deux mois les blancs
les

doivent viter autant que possible de sortir de leurs factoreries.

Le mois d'octobre
dans

les

marais de

offre

la

aux naturels du pays

l'occasion de rcolter le sel

pointe de Banana.

Les ngresses seules sont charges de ce labeur. Lorsque


desschent sous 'influence du

murs qui

divisent l'tang en

soleil, elles

construisent avec

la

les

marais se

vase de petits

une foule de compartiments de toutes granun carr diffrent, ayant de l'eau jus-

deurs. Elles pntrent chacune dans

qu'aux genoux, pour

la

vider avec des vases en jonc, tresss de leurs mains.

Lorsqu'il n'y a plus dans le marais que quelques centimtres d'eau croupissante, elles l'abandonnent l'vaporation et trouvent plus tard le fond

tapiss de sel cristallis qu'elles recueillent dans des sacs en paille.

Le

rcolt le plus souvent au prix de fivres, de rhumatismes, de

sel

fluxions de poitrine, que les malheureuses

femmes gagnent ce

travail, les

naturels vendent fort cher ce produit aux ngres de l'intrieur, qui en sont
trs friands. Ces derniers le recherchent tel point,

que

lorsqu'ils en sont

ils

coupent en petits

privs dans les tribus les plus loignes des ctes,

morceaux

les

exprimer, en
a saturs

vieux pagnes ports par les habitants du


les

mchant,

toute la saveur saline

dont

littoral,

l'air

de

la

pour en

mer

les

Par un contraste bizarre, cette poque de fortes chaleurs humides


refroidit, glace

mme

les relations courtoises entre les rsidants civiliss

du Congo.
La sympathie rciproque,

le

sentiment inexprimable

d'affabilit, la

con-

fiance immdiate, qui peraient dans l'accueillante cordiaUt des blancs


la

de

cte occidentale envers les migrs de leur race qui viennent de dbar-

quer sous ces


nostalgie,,

latitudes, se transforment, s'effacent.

La misanthropie,

la

tous les flaux antisociaux imaginables caractrisent les maladies

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

morales auxquelles sont alors en proie ces braves gens, nervs,


impuissants chasser
le ciel si

clment du

aigris,

souvenir des Iieures moins pnibles passes sous

le

paj's natal.

Leurs habitations deviennent

le

repaire des salalcs, fourmis blanches.

Ces insectes innombrables et voraces rongent

les

poutres, les traverses,

s'attaquent sans distinction tous les bois, et transforment en ponges

qui supportent, dans les magasins des factoreries, les ra}'ons

les solives

sur lesquels sont rangs

par

les tissus.

Poursuivant leurs ravages,

ils

rongent

tendant toujours gagner

milieu les plus belles pices d'toffe,

le

l'endroit le plus pais, le plus serr.

Les fourmis construisent leurs nids avec une matire qui prend
duret de

la

auxquels

la

pierre

elles enlacent

elles s'attachent et

de ces chausses votes

l'air

les objets

sont ainsi l'abri de toute attaque. Dans les

contres marcageuses, les blancs, pour chapper ces insectes, vritable


flau, sont obligs d'enduire
les

de goudron, renouvel chaque matin, toutes

planches de leurs factoreries.

Ces parasites incommodes, mais nullement dangereux, ne sont pas, hlas


les seuls tres nuisibles

que

Les scorpions hantent par millions toutes


combles, ou d'entrepts de

rencontrent au Congo.

les blancs

les

constructions servant de

aux commerants du pays. Le

vieilleries,

est littralement couvert; les noirs osent

sol

en

peine marcher sur ces scarabes

hideux, toujours prompts se venger cruellement de ceux qui osent troubler leurs volutions.

Le scorpion marche, rampe presque, en ayant toujours soin de relever


la gi'iffe menaante, charge de venin, dont sa longue queue est arme. A
l'aide

de ce dard l'ignoble animal, traverse

paisse d'un centimtre, durcie

comme

la

semelle naturelle, souvent

la corne,

des noirs allant toujours pieds nus, sur

le

qui

fait

partie

du corps

sable brlant ou par les che-

mins pineux.
Cette piqre trs douloureuse engourdit

des lancements dans

en prouver

le

les effets se

Dans
l'agile

les

bless et occasionne

la griffe

de l'animal qui se dbat impuissant,

ineurt en essayant vainement de pincer avec ses mandibules

de devant, rappelant ceux de


justement

membre

venge, mais un peu tard, en saisissant, ti^eignant

fortement entre ses doigts


se tortille et

le

corps tout entier. Le mulek assez malheureux pour

la langouste, les

phalanges de sa victime

irrite.

bureaux, dans

les cuisines,

dans

les

cambuses

et les armoires,

cancrelat l'odeur repoussante, l'aspect rpugnant, dvore le

papier, les toixhons et le linge; puis

il

va grossir dans tous

les coins,

QUATRIME

CHAPITRE

S<S

comme

certaines

mouches en des

gner davantage,

tas

les

lieux qu'il n'est pas ncessaire de dsi-

d'un roux douteux que forment ses hideux

congnres.

Dans

des chimbecks nichent en paix les scolopendres

les parois crevasses

et les inoffensifs zephronias

aux mille pattes imperceptibles.

Souvent un mulek, envoy par son matre la recherche de toiles ou


de papiers d'emballage relgus dans le fond des pices mal claires d'une
factorerie, voit, sa

grande frayeur, un serpent,

rant de

mtre

mtre

large bouche

50,

magnifique mesu-

dresser sa tte menaante et entr'ouvrir sa

cumante de blanc venin.

Remis de son
l'autre saisit le
le

reptile

effroi, le

mulek courageux presse d'une main

l'animal,

de

cou entre ses doigts, serre de toutes ses forces

et tire lui;

mulek ne

sourcille pas

serpent s'enroule alors autour de son bras nu

au contact de ce ruban glac qui

le

glisse, frotte, se

tord en spirale et l'orne

pour un instant d'un bracelet multicolore.

tous ces htes,

pennes,

il

si

nuisibles et parfois

si

redoutables des factoreries euro-

faut ajouter les invasions dsastreuses des rats en

dcembre.

Quelles atroces nuits on passe Banana, cette poque de l'anne

moustiques,

les

maringouins, non contents d'obliger

les

Les

blancs se coucher

ensevelis sous les mailles troites d'une moustiquaire, luttent, avec les rats,

pour chasser

le

sommeil des paupires de l'homme

bris par les labeurs

d'une journe bien remplie.

Les
les

rats,

par bataillons serrs, envahissent

entend grimper sur

les toilettes, boire

les

chambres

coucher;

bruyamment dans

les

on

pots eau,

dgringoler dans les cuvettes, fureter, grignoter partout. Le bruit de


leurs griffes sur la porcelaine, leur cri agaant, le grincement
qu'ils ravagent, obligent mille fois,

occupants des

lits

dans

effleurant parfois de leurs corps

du papier

cours des heures obscures,

se lever furieux, exasprs, pour livrer

aux lches tapageurs qui dcampent,


leurs

le

glissent, sautent

mous, visqueux,

de tous cts, en

les lgers

ennemis victorieux. Le silence renat un moment;

revenus, mlent aux ronflements des dormeurs

le

les

un combat

vtements de

les rats, bientt

vacarme endiabl de leurs

affreux bruissements.
Enfin, janvier arrive; avec quelques

beaux

jours, reparaissent des nuits

plus sereines et des penses plus riantes. Les insectes et les rats sont encore

un

dtail quotidien

les

Europo-Congois opposent aux ennuis matriels

de

la vie,

mais

le ciel est

pur, la saison moins humide,


et

moraux de

leur exis-

tence des distractions actives, des excursions de pche en haute

mer

et

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

sur

le Zare,

des chasses en fort aux fauves lopards, ou sur

89

les eaux,

du

fleuve aux gigantesques camans.

Les petits vapeurs, que

Banana occupent d'habitude


ciales

par

chelonnes

le

les navires et

rpartir

long du fleuve
en rapporter

les

les

ments de retour des steamers ou des


le

franaises et hollandaises de

les factoreries

dans

les diverses

maisons commer-

marchandises apportes d'Europe

produits qui formeront les chargevoiliers europens, sont chauffs ds

matin d'une journe qui s'annonce remplie de promesses de beau

soleil

de mer tranquille.

et

Les chefs des factoreries prennent passage sur ces navires. De toutes
anses du fleuve sinueux, des canots, aux parois peu paisses, longs de

les
5

6 mtres, forms de deux troncs d'arbres creuss, scis sur la moiti de leur

longueur

et attachs cte cte

par des lianes rsistantes, glissent sur

les

eaux calmes, emportant chacun deux ngres robustes, gaillards bien dcoupls, grands, lancs et souples, hardis
le

marins

et

pcheurs habiles lancer

harpon.

La flottille s'branle et double la passe du cap Padron. L'Ocan dferle


doucement ses vagues harmonieuses sur la rive, sans opposer de rsistance
au courant rapide du Congo qui trace une trane gristre au milieu de
leur chane bleue.

Les vapeurs amiraux de l'escadre de pche ont stopp soudain. Entre

eaux

claires et transparentes,

les

pcheurs ont vu miroiter

argents des cailles d'innombrables poissons, dont

un

les files, serres

comme

vrai banc de sable, font hsiter les flots rguliers et paisibles.

C'est
le

les

les reflets

un

passage, un banc de sardines, qui va remplir, ample provision,

ventre vide des pirogues. Celles-ci, pagayes vivement par

qui les montent, arrivent ensemble sur

nagent en masse

les

la

les

ngres

lame au-dessous de laquelle

poissons. Les harponneurs noirs, debout sur

troite planchette l'avant des embarcations, balancs au hasard des

vements de

la

une

mou-

vague, lancent tour de bras des instruments forms de

plusieurs baguettes pointues en bois trs dur, relies ensemble des

manches auxquels sont attaches des cordes fixes aux canots. Chaque fois
les baguettes sont retires des eaux, ramenant transpercs des poissons
qui frtillent. La pche est promptement termine les canots retournent
;

bonds au port, jetant

la

brise marine les sons dsaccords de leurs

chants d'allgresse.

Un

autre jour, sur les rives du fleuve, les blancs vont en flnant suivre

les rsultats

de

la

pche des ngres qui ont tendu l'pervier aux habitants

des eaux. Les immenses


LES BELGES,

ir.

filets

ramens sur

les

berges enserrent des bagrs


J2

CHAPITRE QUATRIKME

90

ou des

Polypteriis, poisson trs

arm sur

commun, rempli

d'artes,

dont

le

dos est

partie infrieure de neuf nageoires pineuses, la mchoire

la

suprieure prolonge en forme de

scie, et le

corps recouvert d'caills

zbres.

remarquent quelquefois un Serrasalimis pirjya ou un Erithrinus

Ils

macrodon, poisson trs abondant sur

Sud

et

dans

les

dans

les fleuves

les ctes orientales

des Guyanes (les spcimens de cette espce, gars

eaux du Congo, mesurent jusqu'

corps est color de rose-topaze sur

pieds et demi de longueur: leur

la partie

suprieure

gris clair), et d'autres curieux poissons, dont l'un,

en forme d'ventail

de l'Amrique du

et l'extrmit infrieure

et leur

ventre est

aux nageoires prolonges

du corps arrondie en

tuj'au,

est d'un aspect trs original.

Dans

les

marais de Banana,

pche moins riche en poissons prcieux

blancs aucun attrait. Les indignes la pratiquent avec des

n'offre

pour

nasses,

ou bien de

les

la

la

manire saivante

assez rapprochs autour desquels

ils

ils

fichent dans la vase des piquets

entortillent des lianes qu'ils relient

avec de grandes herbes. Cette inextricable barrire contourne


espace du marais. Le
sortir,

dans

menu

fi-etin

un

vaste

s'engage et se dbat, sans pouvoir en

de ce

les mailles trs serres

ligneux. Sa prise est ds

filet

lors jeu d'enfant. Les naturels s'en contentent, car

ils

trouvent excellente

puant la fange des poissons de marais.


Des distractions, mles de pripties mouvantes, de scnes souvent
dramatiques, sont rserves, sous ces latitudes, aux disciples fervents de

la chair

saint Hubert.

La

fort vierge, avec ses taillis .serrs,

plantes pineuses, son clair-obscur, ses ravins


lianes; le bois touffu avec sa vote de
soleil; l'oasis

parfume avec

marcageux

et pleins

dangereux cachs sous

de
les

verdure impntrable aux rayons du

ses entre-lacs de feuillage exotique; le littoral

ocanique avec son sable ensoleill;

les

bords des tangs,

les

berges des

ou dfriches, appartiennent avec leur gibier


de toute espce aux Nemrods assez audacieux pour affronter les fatigues
et les dangers d'une excursion de chasse en territoire du Congo.

fleuves, les plaines incultes

Dans

les

environs de Banana notamment, on rencontre, au hasard des

plaines couvertes d'une herbe drue et d'un

si

beau vert

qu'elles paraissent

autant de tapis de velours, des broussailles mystrieuses, des buissons de


dattiers nains, des filets capricieux d'eau douce glissant sous le gazon ou
se perdant

dans

les

escarpements boiss des prcipices, d'troits sentiers

tracs par les btes fauves ou par les ngres chasseurs, routes qui se croisent, se bifurquent, se replient sur

des repaires giboyeux.

elles-mmes

et

toujours aboutissent

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Vers

le soir, le cri

sous bois trouble


relles
soleil

91

des pintades et des perdrix rouges venant remiser

le silence

des fourrs. Les roucoulements des tourte-

de Barbarie, l'aimable chant des colibris gazouillant leur adieu au


qui s'enfuit, rsonnent sous

votes boises. Des cureuils se pour-

les

chassent dans les branches, s'arrtent court, se lancent dans l'espace sus-

pendus par une

patte, s'lancent de

nouveau

et

par bonds plus rapides,

font mille contorsions gracieuses, prenant des poses mditatives, tragiques

ou dsopilantes,
rires

et

remplissent

les airs

de leurs

cris stridents pareils

des

de gaiet.

ECUREUIL DU CONGO.

Au bord

des berges arides, parmi

corbeaux

collier

les

champs

tristes et dserts, les noirs

blanc dvorent, s'acharnant parfois sur les carcasses

puantes d'animaux. Dans

les airs

planent

les aigles

au-dessus des milans

des perviers.

et

Bientt c'est l'heure o les oiseaux se pelotonnent frissonnants au plus


pais des

de

la

taillis,

les

cureuils cessent leurs bats, o les reprsentants

race fline, les chats-tigres et les panthres,

lements froces

nements de

les

l'hyne.

dominent de leurs miau-

aboiements prolongs du chacal rpondant aux

rica-

CHAPITRE QUATRIME

92

Les fauves se mettent en chasse,

triomphe annoncent

et parfois leurs

qu'ils ont gorg-

une

sauvages accenls de

faible proie qu'ils dchirent

belles dents.

Quelle aubaine pour les amateurs passionns de cette guerre o l'homme,

arm d'un

snider, peut braver

force musculaire puissante des

la

animaux

plus froces et les plus indomptables, et la rapidit d'tres gracieux,

les

aux couleurs chatoyantes,

la

chair fine et savoureuse!

Les ngociants blancs tablis Banana organisent assez rarement des

campagnes en

rgle contre ces htes

par leurs affaires commerciales,

nombreux de
de

la suite invitable

rudes fatigues qui sont

leur rgion. Absorbs

hsitent se livrer trop souvent aux

ils

telles chasses,

quand

elles

n'entranent pas des consquences plus fatales et plus irrmdiables.

D'autres

fois, l'un

d'eux part pied de bonne heure, arni d'un bon

emmenant un mulek porteur de


biscuits, une poule rtie

qui couvre

faim

la

ils

commence

inoffensif. Ils

les talonner;

puissent dresser

quelque

le

un vigoureux

ils

se sparent

et

bords d'un

s'arrte, s'accroupit

dneurs en se battant

effrays

une

feu de broussailles,

Soudain, quelques pas de leur

les

prennent leurs

joli

ruisseau, o

le

gazon

se runissent et procdent avec

les flancs

fusi

s,

ait

promptemcnt apprte,

teinte apptissante

salle

manger

de gibier

pittoresque,

rti.

un hte

sur ses quatre pattes et regarde fixement

de sa queue nerveuse. Les chai;seurs

paulent et font

vier leurs armes, et l'animal furieux,

d'eux pour

pour chercher un endroit

apptit l'attaque des vivres emports le matin, en attendant

un grand

inattendu

le petit bois

de table manger. L'endroit charmant

deux compagnons de chasse

qu'une part du butin emprunte leur gibecire


pris sur

gagnent

couvert afin de djeuner, c'est--dire pour trouver

moelleux leur servira de sige


les

vin. Ils

ont march longtemps, l'heure avance,

dlicieuse clairire sur les

dcouvert,

en quelques

ses provisions consistant

deux bouteilles de

situe au nord de la localit, tirant par-ci, par-l,

la colline

quelque menu gibier

et

fusil,

une

teu. .Mais l'motion fait

d-

agile panthre, bondit vers l'un

le terrasser.

L'imminence du danger rend aux deux hommes tout leur sang-froid.


Le blanc plus courageux tche de saisir l'animal lagoi-ge et de lutter corps
corps avec lui, tandis que le ngre, choisissant un instant favorable,
transperce bout portant, par un adroit coup de feu, le froce animal qui
s'affaisse puis.

Le cadavre de la bte, plac par les chasseurs sur des bambous relis
ensemble par des lianes, est triomphalement amen Banana. Toute la
noire gent du village vient voir, injurier et battre le corps priv de vie

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

d'un animal devant lequel


l'avait

Que

elle

93

et fui lchement, sans nul doute,

si elle

rencontr vivant.
d'anecdotes, d'tudes de

murs, de descriptions

nous pour-

infinies

rions puiser encore dans le trsor intarissable des vnements, des labeurs,

des

loisirs,

des souffrances, des

joies,

des divertissements, des ennuis qui

marquent chaque jour dans l'existence des blancs et des noirs


rives du Congo, prs de la cte occidentcile africaine

fixs sur les

Mais en essayant de relater

les

phases diverses de

marche rapide du temps, nous nous sommes

laiss

la

temprature,

la

emporter en haute mer

avec des pcheurs de sardines, au bois, avec des chasseurs de panthre;

CAUOENSIA MAXIMA.

nous faut maintenant passer soudain aux dluges de fvrier et de


mars, pour donner un lger aperu des saisons sous ces latitudes nos lec-

il

teurs impatients, et les inviter faire appel leur imagination fertile pour
suivre avec profit la description des plus ravissants, des plus enchanteurs, des plus dlicieux

paysages qu'un printemps quatorial

fait

clore

loin d'eux, sous les effluves brlants d'avril et les caresses de mai.

Nulle plume ne peut retracer l'blouissant coloris que la flore africaine,


par les fracheurs dernires, pand profusion sur le sol plantu-

revivifie

reux de cette belle contre. En divers points, les renoncules, les clmatites,
les hibiscus, les plumbagos, les hliotropes indica. les convolvulus, mille

QUATRIME

CIIAf'ITRF

94

diffrentes espces de solanes. de plantes remontantes, d'arbustes feuilles

caduques, talent sur

le tissu vert

des lianes ou sur

les plaines

gazonnes

leurs ptales multicolores, velouts et resplendissants sous les ardeurs


soleil pallies

par

Le Loncliocarpus masse en buissons


Rhyncosia droule ses

le

reflte

dans

du

la brise rafrachissante.

l'azur liquide

flots

bouquets mauves

ses

carmins, et

le

et

son feuillage,

superbe Camoensia maxiina

des rivires et des ruisseaux

la corolle d'argent

de sa fleur potique.
Les orchides dores offrent en abondance sur ce
reprsentant

de

la flore

le

un splendide

sol

Lissochilus giganteus, l'un des plus magnifiques

membres

du haut Congo.

Et sur toutes ces fleurs, dployant au


papillons, arcs-en-ciel vritables dont

soleil leurs ailes

il

est impossible

diaphanes, des

de dtailler

les

espces et les nuances infinies, des myriades d'insectes dors, verts, jaunes,

rouges, voltigent, planent, se reposent

de

l'clat

un

instant, s'enivrent

de leur suc,

de leurs couleurs vives, avec des froissements imperceptibles, des

murmures

indfinissables.

Linn, Buflfon, de Jussieu, devraient ressuciter pour classer,

dnommer

et dcrire toutes les merveilles qui vivent, croissent, fleurissent, grandissent, voltigent, volent, courent, bondissent,

rampent

et

meurent, avec

le

retour priodique des saisons, sur cette vaste rgion africaine, riveraine

de

l'estuaire

sous

la

du Congo,

d'o, les premiers envoys

du Comit d'tudes vont

direction de Stanley, cicrone expriment, s'lancer la conqute

d'un courant parfois indomptable, et toujours prilleux.

-iV.

CHAPITRE V

Le

21 aot 1879.

halte

Une

foret enchante.

Ponta da Lenha.

Kissanga. Les deux du Mani-Pouta. Une


En hamac prs de Borna. La
odieuse.
poursuite des camans.
premire station du
fils

L'arbre ftiche

Le cimetire de Msoukou.

la

traite

V'ivi

Comit d'tudes.

EPUis le jour

ration

mmorable qui

du canal de Suez,

les

vit,

en

l'an

eaux de

la

1S69, l'inaugu-

mer Rouge,

libres

de tout obstacle, se mler tonnes aux vagues houleuses


de
>^<H<:^>*=^^i;
les

que

la

Mditerrane,

le soleil africain

n'avait jamais brill

sur une date plus solennelle, plus digne de figurer dans

annales chronologiques des conqutes humanitaires et scientifiques,


celle

du

21

aot 1879.

Le canal de Suez

a reli

deux mers

la

route que

le

Comit d'tudes com-

CINQUIME

CHAPITRE

mence tracer ce jour-l doit, au del d'un fleuve gigantesque, rejoindre


une voie terrestre, pour tablir travers le centre d'un continent la communication de deux ocans dont les lames toujours en mouvement touchent
tous les rivages du globe. Le 21 aot 1879, le rve d'un duc de Brabant,
l'uvre d'un roi des Belges, ralisent ce que les sicles prcdents consi-

comme une

draient
le

Minotaure

utopie, le premier pas de la civilisation est tent vers

africain,

par

la cte occidentale,

en immortalisera

l'histoire

son empreinte est ineffaable,

souvenir.

le

humains, barbares, incultes, vivant sur les deux


du Congo, ont pressenti la grandeur, l'importance de
l'vnement qui marque cette journe clbre. Ils sont accourus Banana,
Les ngres,

rives

de

les tres

l'estuaire

des centres populeux de toute

im

la

contre, pour donner par leur multitude

caractre plus anim, et plus saisissant la

jour qui inaugure une re nouvelle pour

Krouboys
tribus riveraines du nord du
Les Kabindas,

les

le

fois, l'aurore

bassin

et les naturels

de ce grand

du Congo.

de l'endroit reprsentent

les

fleuve; les Mussorongos, voisins de Shark-

Point, sauvages pirates des ctes ocaniques, les Michicongos, venus des
territoires

mridionaux d'Ambrizette

une masse noire sur

les

bords de

la

et

de Kinsembo,

les

Kroomen, forment

crique de Banana, et couvrent de leurs

pirogues, de leurs canots de tous genres,

la

surface tranquille de ses eaux.

Le personnel blanc des factoreries environnantes n'a rien nglig pour


la crmonie du dpart de la flottille de Stanley tout l'clat, toute

donner

la solennit possible

Aux

sous ces latitudes.

fentres des habitations, au

sommet des mts

les

plus levs, sont

deux mondes, mariant leurs couleurs


des drapeaux du Comit d'tudes.

hisss les pavillons des nations des

barioles au bleu toile d'or

Les navires vapeur

et les

embarcations appartenant aux bJancs sont

entirement pavoises.

Dans l'embarcadre, o

les

premiers agents de

la socit civilisatrice

vont

se runir, des massifs de verdure et de fleurs drobent la cupidit des


ngres les bouteilles chaperonnes d'or, d'o le Champagne, ce vin de la

de l'esprance, s'chappera en flocons neigeux d'cume au


des adieux et des toasts.

gaiet, ce reflet

moment

Bientt Stanley et ses

compagnons sortent des

jardins de la factorerie

hollandaise et vont prendre leurs places respectives bord des embarcations pares, brillantes, impatientes de nager, d'voluer sur des flots

inconnus

Sur

le

et rebelles.

plus haut mt de l'Albion, steamer qui avait port Stanley depuis

Zanzibar,

la

flamme de partance

est

soudain amene.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Tous
Si

les petits

meuvent,

les

mus par de

bateaux de l'escadre nouvelle qui va conqurir

ternit l'opale

du

machines vapeur, dont

fume paisse

la

Congo

le

les autres

uns enlevs par de vigoureux coups de rames,

dociles

97

et gristre

ciel africain.

Les hourras frntiques des blancs saluent ce premier pas


hurlent, frmissent d'enthousiasme, ceux

du rivage

les noirs

se livrent des sara-

bandes effrnes, chantent, tirent de vritables salves de coups de


tandis que la population noire

embarque sur

les

feu,

pirogues innombrables

essaye, au milieu de difficults inextricables, de suivre la course les rapi-

des embarcations de la

de Stanley, qui continue triomphalement sa

flotille

l'le de Boulembemba.
Une heure plus tard, Albion, Enav.int,

route vers

suivis

pniblement par

les

saluaient dans ses parages

atteindre

Cette

le

le

boise, situe,

domine par

le

R oyat, l'Esprance,

bateaux rames, doublaient cette petite

un

le

et

brick-golette europen qui louvoyait pour

comme nous

troit qui

un dpt

paille, est

et la vase

boueuse que charrie

souvent visite par

un ensemble

les

l'avons dit, entre le cours large

forme au nord

les factoreries et les

meules de

sente

Belgique,

port de Banana.

un bras plus

fleuve et

la

l'anse,

du

en forme de banane,

huttes des noirs ressemblant autant de

d'alluvion fertile, grossi par les troncs d'arbres


le

Congo. Abondante en eau douce

elle est

ngres pcheurs; sa vgtation assez luxuriante pr-

triste et

mlancolique. Pas un oiseau, pas un tre anim,

gracieux ou sauvage, ne paraissent troubler sa morne sohtude et son

profond

En

silence.

face de cette langue de terre, sur la rive droite

longea sans dangers un bourg

nomm

du

fleuve, la flottille

San-Antonio, repaire de pirates

mussorongos. Les sauvages indignes attaquent souvent dans


navires au mouillage dans ces eaux. Monts sur des pirogues,

silencieusement dans l'obscurit et s'approchent d'un btiment

page

n'est

nombre

pas sur ses gardes, surpris dans son sommeil,


le

navire

est pill et brl,

il

la nuit les

rament

ils
;

si

l'qui-

est cras

parle

ds que les marchandises ont t

enleves.

Ce

n'est

pas sans tonnement et sans colre impuissante et craintive que

ces voleurs de nuit regardaient passer devant eux de


cations, coquettes, reluisantes, bondissant sur les

comme autant

nombreuses embar-

lames soumises du fleuve,

de monstres marins insouciants des caprices ou de

la

fureur

des lments ligus contre eux.


Bientt aprs, la

flottille

fort enchante, selon


LES BELGES, n.

dpassait le Gange, fort paisse, impntrable;

une lgende

trs

rpandue parmi

les

Kabindas,
l3

l-

chapitre, cinquime

q8

gende que l'un d'eux, passager de l'Albion, racontait quelques Zanzibarites


de l'escorte noire de Stanley, accroupis en cercle autour de lui, sur le pont
du navire.

Un

passait

non

ombre

leur
"

jour, leur

sur

le

courant.

Tout coup on

dans

une pirogue monte par des pcheurs de Banana


grands arbres qui bordent le rivage et projettent

dit-il,

loin des

la vit se

dresser sur sa quille et disparatre renverse

sombres qui l'entranrent vers l'Ocan. Les noirs qui la montaient, parvenus la nage sur les rives voisines, cherchrent en vain la
pirogue, et ne purent jamais s'expliquer comment, o et par qui elle avait
les flots

t enleve. Toutefois, des bruits effrayants,

un vacarme trange, des cris


assourdissants d'animaux eux inconnus, l'obscurit qui rgnait sous les
dmes pais de la fort profonde, dnotaient la prsence d'tres fantastiques
et terribles,

Le

bois

de divinits malfaisantes en ces lieux pleins d'ombres paisses.


tait ensorcel. Nul enfant du pays des noirs ne doit pas-

du Cange

ser prs de ses limites sans battre le ftiche et le supplier de lui pargner

un mauvais

sort.

ce rcit, les noirs effrays, ahuris, dcrochent leurs ceintures et en d-

tachent chacun leurs ftiches particuliers: les uns, des griffes de panthre
ou des dents de requin; d'autres, de petites idoles en bois grossirement
sculpt, renfermant

un creux

vitr

o des poudres

consacres sont soigneusement conserves.

anim, invoquer ces dieux

humain

noir

saintes, des matires

se mettent,

Ils

dans un langage

compagnons de tout tre


du Congo, en prenant mille poses mditatives, inspires ou
lares, insparables

grotesques.

Le Kabinda, promoteur de cette effusion de prires, criait de toutes ses


forces,en agitant d'une main une calebasse contenant de petites pierres,tandis qu'il tenait de l'autre un petit bton surmont d'un paquet de rubans de
diverses couleurs, au milieu desquels se trouvait

moments, cessant dcrier,


vent, auquel

bton,

il

le flattait,

il

soufflait

un sifflet en bambou. Par


de tous ses poumons dans l'instrument

arrachait des sons aigus et criards, puis

en caressait

les

rubans soyeux,

le suppliait

il

parlait son

de

lui tre favo-

rable en rendant impuissants les htes dangereux de la fort riveraine.

ce

vacarme

infernal, les passagers blancs de l'Albion, arrachs leurs

occupations diverses, s'taient rassembls autour des tapageurs, pour obtenir


des explications. La lgende leur fut de nouveau raconte, amphfie, grossie,

par toutes

les voix

discordantes des noirs qui

la

tenaient du Kabinda. Les

blancs rprimrent leurs rires pour nepas offenser leurs utiles compagnons;

mais en apercevant sur

la rive boise

du fleuve de monstrueux hippo-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

potames,

ment

ils

comprirent l'oriyine de

l'accident de la

la

99

croyance lgendaire. \^raisemb.able-

pirogue chavire prs des rives du Congo devait tre

attribu l'un de ces amphibies qui, remontant la surlace de l'eau


pour respirer aprs un plongeon prolong, avait rencontr par hasard un

obstacle et l'avait renvers,

pour replonger aussitt sans souci des con-

squences de son mfait.

Les

noirs,

comme

tous

ignorants et

tres

les

supe''stitieux,

sont

enclins voir des faits miraculeux dans tout ce qu'ils ne peuvent facilement

expliquer.

De

naissent des milliers de lgendes fabuleuses, naves ou

absurdes, qui se rattachent chaque point de leur territoire, chaque

lac,

chaque rivire, n'miporte quel ruisseau, aux forts mystrieuses, aux


bois serrs impntrables, tous les sites hants par les

ou peupls de merveilles qui

effrayent,

les

charment

et

animaux qui

les

parlent leur ima-

gination encore dans l'enfance.

Les hippopotames que

les

blancs de

la flottille

venaient d'apercevoir, sont

nombreux sur tout le cours du Congo, mais il est rare d'en rencontrer
l'embouchure du fleuve, o l'eau est trop saumtre. Leurs dents, d'une

trs

grandeur extraordinaire, recourbes en demi-cercle, mesurent parfois


jusqu' 70 centimtres et psent jusqu'

chaque anne

d'entre elles grossissent

vanes d'ivoire)

et

le

deux

kilos chacune.

Bon nombre

chargement des chimbouks

(cara-

parviennent en Europe o, transformes en manches de

couteaux ou en coupe-papier,

elles enrichissent

gens fortuns. Peut-tre un de nos lecteurs

le

mobilier luxueux des

effeuille-t-il les

pages de notre

livre avec l'ivoire de l'hippopotame qui donna naissance l'histoire de l'en-

sorcellement du Cange, o nous avons laiss, luttant contre


vaillants

le

courant, les

bateaux de l'escadre d'exploration de l'Afrique centrale.

Ah les valeureux marcheurs Comme ils filent, comme ils dcouvrent


chaque heure aux yeux blouis, grands ouverts de leurs passagers blancs,
!

des paysages nouveaux infiniment varis, des sites toujours enchanteurs


Les voici dj 14 milles de Banana, devant des factoreries europo-afri!

caines,

au

lieu

nomm Kissanga.

quels qualificatifs, quelles pithtes emprunter a^sez de force d'expres-

sions charmeresses pour peindre la toute-puissance et la beaut physique

de cet endroit bni des rives du Congo, o

group dans un ensemble


majestueuses crations

mre nature

a prodigu,

Les voyageurs du Comit d'tudes, qui

chaque plan de

la

ravissant, ses plus tonnantes merveilles, ses plus

il

tait

permis de dtailler

l'imn-.ense tableau qui se droulait sous leurs yeux,

naient leurs regards blouis de

la cte,

o les

prome-

huttes et les factoreries

CHAPITRE CINQUIME

100

apparaissaient enfouies sous

un

feuillage fantastique passant par t'Uis les

tons du vert, au milieu des troncs massifs, noueux, contourns, bizarre-

ment

architectures d'arbres appartenant de multiples espces du

vgtal gant,

aux nombreux
du

vaient au-dessus

monde

vierges inhabitables, qui

lots, forts

s'le-

fleuve dont elles troublaient le cours.

Kissanga ne possdait alors que trois factoreries; l'une


nant des Hollandais,

apparte-

d'elles

par M. Ribeiro.

tait dirige

Ces tablissements qui pouvaient, grce leur vote leve, braver

impunment

les

rial, s'taient

groups autour d'une crique

fureurs de

semi circulaire forme par


sur un sol noirtre

abondance

l't

le lit

quato-

du Congo

o croissaient en

fertile

producteurs intaris-

les las,

sables d huile de palme,

et les paltuviers

baignant leurs rameaux verts dans des

mares formes par des pluies frquentes


dont
sifs

les

et

bords disparaissaient sous des mas-

d'orchides aux fleurs rouges, jaunes,

blanches ou mauves, resplendissantes de


fracheur.

Le passage de

la

effrayait

flottille

les

tranges oiseaux, htes de ces verdoyantes

demeures.
Des Pogonorhyncus ogaster, arrachs

POGONOKHYNCUS OGASTER.

leurs rveries, leurs mditations stupides

au bord du fleuve, dployaient

la

large envergure de leurs ailes rouges, et

allaient instinctivement s'accrocher

des arbres de

la rive

aux branches mortes

pour suivre d'un regard terne

masse inusite des bateaux qui passaient en


billons de fume, des ronflements sonores

dencs de rames frappant

les

plus leves

les volutions

de

la

jetant dans l'espace des tour-

de machines

et des bruits ca-

l'eau.

Les noirs indignes de Kissanga, Mussicongos ou Mussorongos, moins


pirates

que leurs

frres de San-Antonio,

mais serviteurs assez peu dvous

des blancs de la localit, taient ravis d'admirer


petits

vapeurs neufs brillant au

font depuis

Banana

quemment, entre
atteignit,

en 1877,

le

soleil. Ils

la fois ces

service des factoixries riveraines

autres, le
les ctes

nombreux

connaissaient dj les navires qui


;

ils

voyaient fr-

fameux Kabinda, ce vapeur sur lequel Stanley


de l'Ocan.

Ces naturels, plus rebelles

la civilisation

que

les

Kabindas ou

les

Krou-

M^:

P dses

i;

ritffur tMuxee?.

A MerT'n.

Le Roi Plenty

.[r'j)t^.:er

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

lOI

boys, sont aussi plus ignorants et moins aptes se rendre utiles aux blancs

de leur rgion. Chez eux

le t\'pe ng-re est

bien accus, mais sans aucune

exagration. Bien btis physiquement, on n'en rencontre presque jamais

ou des affections congnitales.

a3-ant des difformits

Ils

sont intelligents,

et susceptibles de s'attacher au blanc, relativement, bien entendu.

D'une nature

svelte,

il

est trs rare

de rencontrer parmi eux ces types

de colosses montrant une musculature exubrante, comme on en voit parmi


les

ngres croos.

visage de

mme

ce

corps dli correspondent un crne ovale et un

forme, qui donnent aux individus une ph3-sionomie vive

LE CONGO A KISSANGA.
et ouverte.

Pourtant une belle tte est chez eux aussi rare qu'une figure

repoussante.

Les cheveux sont presque toujours coups court;

eux des ngres qui

il

est

cependant parmi

portent longs et relevs au milieu du crne, ce qui les


fait ressembler des clowns orns de grotesques perruques. D'autres
sa font
les

raser la tte depuis la

nuque jusque vers

le

milieu de l'occiput, et de

ligne droite au-dessus des oreilles, jusqu'aux tempes, de faon

l,

que

en

l'on

pourrait s'imaginer voir une tte chauve portant un bonnet rond en laine
frise.

CII.M-ITRE

102

La barbe

CINQUIME

est faible et toujours assez claire; les indignes qui portent toute

leur barbe sont trs rares.


Il

de dcrire

est difficile

costume indigne, bien que ces populations

le

soient en contact depuis des sicles avec les nations civilises. Lorsqu'ils

sont habills, ilsportent des toffes importes d'Europe, appeles

portugais qui veut dire

toffe),

pa//zo

(mot

de couleurs vives, enroules autour des

hanches.

Prenant parfois ces

toffes

herbes trs fines des tissus

pour modle,

les

indignes fabriquent avec des


avec les franges y attaches,

fort dlicats qui,

dnotent de leur part assez de got. Seuls

les rois

abuse de ces hautes qualifications pour designer


pendantes, revtent dans

les

ou

on

les princes, car

les chefs

de tribus ind-

occasions extraordinaires, outre

le

panno, des

habits noirs ou rouges.

Le
office

les

par une peau de lopard ou de chat sauvage faisant

roi se distingue

de tablier; cette peau

est

garnie d'une clochette qui prend souvent

proportions d'une vraie sonnette et annonce de loin l'approche du sou-

verain.

Celui-ci tient en outre la

d'une poigne d'ivoire

taille et

main une longue canne, souvent garnie

reprsentant un ftiche puis


;

le

long bonnet,

insigne de la roj^aut, tiss avec des fibres d'ananas, d'une faon trs dli-

on attache, au Congo, une grande valeur, car on

cate; coiffures auxquelles

paye ces bonnets de 20 30 francs.


Les enfants sont moins vtus jusqu' un certain ge, garons

et filles

cou-

rent tout nus travers les rues de leur village; quelquefois on leur voit

autour des reinsune, ceinture de coquillages, de racines ou d'autres objets;


peut-tre est-ce

le

dernier souvenir de leur ancien costume, de celui de

comme on

leurs grands-parents. Cette ceinture est porte par les adultes,

un bijou de

porterait avec pit

Le tatouage

famille.

est gnral chez les

deux sexes;

incisions faisant des cicatrices sans suite, en

centimtre, sur

le

dessins rguliers,
faites

consiste en

larges

de

centimtres, obtenus par des

comme un ruban
l'intrieur

que

de l'Afrique,

la

tendance de

du

noir, depuis le noir chocolat rp, jusqu'au noir

et

celle des noirs

la

les

du plus noir

nuances

cirage).

dplorable habitude de se fourrer dans

des quantits prodigieuses de tabac en poudre. Celui dont


est blond, et colore

disgracieusement

la lvre

de

plus on remarque

couleur des ngres franchir par degr

Ces Mussorongos ont

incisions

autour du bas-ventre.

est d'une teinte chocolat, plus fonce

Banana (plus on s'avance vers


la

nombreuses

dos, sur les paules, sur la poitrine et sur le ventre; des

en croix, tournent

Leur peau

il

forme de bourrelets longs d'un

ils

le

nez

usent ainsi

suprieure de tout priseur.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

fument en outre

Ils

c'est

produit d'un certain arbuste qu'ils appellent

le

une sorte de poison

le triste

103

lent, extrait

don de rendre fou

de feuilles de chanvre ou de

fui'ieux l'individu qui

ijii?iba;

lin

il

abuse de son usage.

pour un Mussorongo,
une pipe toute particulire qui mrite une
mention spciale c'est une calebasse elliptique, le plus souvent un truit
de baobab: sur le gros bout est adapt un fourneau de pipe, dans lequel

Pour fumer

jeun, ds

l'iamba, satisfaction des plus grandes

le

matin,

on met l'iamba bien sec;


lequel on aspire une

faut

il

l'autre extrmit est perce d'un gros trou par

fume

En gnral

trs pntrante.

paisse, acre, blanche, d'une


les

bouffes de cette drogue, dont

chaque bouffe,
on

ils

ils

certifient l'efficacit

trs forte,

trois

ou quatre

hyginique. Aprs

sont obligs de tousser fortement et plusieurs reprises;

croirait voir autant

Une des croyances

de collgiens fumant leur premier cigare.

pendant de

religieuses des IVIussorongos, digne

lgende des tribus kabindes, ayant

hommes

odeur

Mussorongos n'aspirent que

trait

comme

la

la cration des

elle

de couleurs diffrentes, a t recueillie mot mot par un Europen

qui sjourna longtemps parmi ces tribus. La voici

y a bien longtemps, bien longtemps, le Mani-Pouta {la divinit] eut


un jour deux fils; l'un se nomma Mani-Congo, l'autre Zonga.

Il

Leur pre tout-puissant leur

terait,

se baigner

dans un

dit,

un matin, d'aller, quand la poule channon loin du point terrestre

lac qui se trouvait

dieux avaient plant leur tente. Zonga y parvint le premier, et


remarqua avec tonnement qu' mesure qu'il entrait dans l'eau il devenait

les

blanc.

Mani-Congo, qui rejoignit bientt aprs son

tour; mais

il

resta tout noir.

Tous deux revinrent

frre, se

alors au

baigna son

chimbeck de

leur pre, qui, leur montrant diffrents objets tals terre, leur ordonna

de choisir ceux qui dans

le

nombre convenaient

le

mieux

chacun d'eux.

Zonga prit du papier, des plumes, une longue-vue, un fusil, de la poudre. Mani-Congo prfra des bracelets en cuivre, des cimeterres en fer, des
arcs, des flches, des boucliers. Leur choix termin, ils ne purent continuer

vivre

ensemble au

mme lieu, dans l'intrieur de l'.Afrique;

quelques jours, rsolut de


Ils

les sparer.

partirent tous deux, suivant la

temps travers des pays remplis de


de hautes montagnes, de

immense devant

Zonga

leur pre aprs

lacs

mme

direction.

Ils

forts enchantes,

bleus

et

un jour

ils

marchrent long-

de grands fleuves,
aperurent

la

mer

eux.

s'en alla

par del l'Ocan

devint dans une autre contre

le

(la

lgende ne

dit pas

pre de tous les blancs.

comment)

il

CHAPITRE ClNQUIEiME

Mani-Congo

<'

noirs.

resta, sur les ctes

ocaniques

il

fut le pre

de tous

les

vrai dire, toutes ces

peuplades ne savent pas trop quoi

elles croient.

Cette persistance rechercher les causes de la varit des races humaines


toutefois remarquable chez ces paens du Congo, qui du reste sont
peu de chose prs, en ce qui touche les mystres de la cration, aussi avanest

que

cs

Ils

les

peuples

les

plus instruits.

croient leurs traditions locales, traditions qu'ils ne peuvent se trans-

mettre que de vive voix,


parole ou la

et

qui varient invitablement suivant

la facilit

de

d'imagination du conteur ngre.

fertilit

Quels grands enfants que tous ces ngres,

pour leur dveloppement


civilisant, les sevrer

intellectuel,

moral

et

et

combien

il

est dsirable

physique, d'arriver, en les

des habitudes funestes qui

anmient ou

les

les

dtruisent, et des croyances invtres, des superstitions ridicules qui psent

comme une

sur eux

Ce but

Congo

les

Kissanga
des Bois,

maldiction, et mettent obstacle leurs progrs

du programme de l'uvre dont Stanley accomplit au


premires tapes que nous allons suivre avec lui. Stanley laisse

fait

partie

et vient

comme

aborder avec ses quipages Ponta da Lenha ou pointe


il

convient de

nommer

ce site o les rives

du

fleuve

disparaissent sous des masses impntrables de manguiers au feuillage

Deux ou

vert-noir.

trois factoreries portugaises,

relvent la tristesse solennelle des arbres

de

du rivage

tablies cte
et

de

la

cte,

sombre

fort

l'arrire-plan.

Cette localit, situe trente quatre milles de l'ancrage de Banana,sur la


rive nord du fleuve, est trs

commerante. Les habitants indignes changent des quantits considrables d'huile de palme, de minerais, de noix pal-

mistes, et toutes sortes de produits comestibles, contre les balles de coton,

de quincaillerie, coutellerie, ferronnerie, verroterie, imports

les articles

par

les

Europens.

Les passagers dbarqus de

la

flottille

teur d'une factorerie anglaise, comptoir de

trouvrent auprs

MM. Hatton

et

du

direc-

Cookson,

l'hos-

pitalit la plus cordiale.

Parmi

les particularits

cette partie

du Congo, o

signales
le lit

navement par

un

indignes de

du fleuve qui a encore une largeur de

plusieurs kilomtres, est parsem d'une foule de petites

tionner

les

ftiche spcial. Cette divinit pa'ienne est

un

les, il

arbre,

vgtal, isol, au centre d'une clairire de la fort voisine.

faut

un

men-

colosse

Des quantits

prodigieuses de chauves-souris ont lu domicile sur ses branches, elles

y passent leurs journes entires,

et,

bien que chasses plusieurs fois par

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

coups de

les

des indignes, elles persistent y retourner. Rien n'est

fusil

comme

curieux

spectacle qu'offrent ces

le

que, effrays par les

mammifres repoussants,

ngres venus exprs pour battre

ftiche est l'expression consacre par les indignes

puissances divines, surnaturelles

les
ciel

tout autijur de leur

ils

),

la

lors-

le ftiche (battre le

pour

signifier

invoquer

s'parpillent et obscurcissent le

demeure arienne.

Aprs une excellente nuit de repos passe Ponta da Lenha,


de

105

les

bateaux

courageuse colonne expditionnaire reprennentleurrouteverslenord,

suivant le sillage de

navire vapeur au gigantesque tonnage, eu

l'Albioti,

gard aux dimensions restreintes de chacune des petites embarcations

qu'il

guidait.
Ils

morne

traversent alors une rgion

et strile,

diable; des collines rocheuses l'herbe courte;

dont

massif baobab relve seul

le

la

nudit

d'une pauvret irrm-

un

soi

tourment

et aride

l'animation, la vie, le pitto-

resque, font absolument dfaut.

Quelques heures aprs,


trs

touchaient

ils

important du cours du fleuve est

le

Boma ou Embomma. Ce

fameuse du Congo, San-Salvador, sige des

sment expos

Boma

l'histoire

environ des ctes de l'ocan Atlantique.

Europens entretiennent des relations commerTuckey l'avait visit en 1816, et la description donne

cette poque, des coutumes et des

lui,

dont nous avons conci-

sicle, les

ciales avec ce district.

par

rois,

au dbut de notre prsent volume.

est situ trente lieues

Depuis plus d'un

murs

des indignes, de leur

dfiance des trangers, de leur intolrance, de leur passion pour

de leur indolence,
visite

point

plus rapproch de cette capitale

tait

encore d'une parfaite exactitude lors de

le tafia,

seconde

la

de Stanley.

Cependant

en gnral

l'intrieur

de palme

cette localit est

les

un immense dbouch pour

les

produits de

blancs y achtent beaucoup d arachides et d'huile

presque toutes

les

maisons tablies

dans

de

la cte occidentale

rgion du Congo, y possdent des comptoirs.


Btima tait alors le centre du commerce europen sur le fleuve, et

l'Alrique,

la

le

sige

d'importantes factoreries appartenant la Nieuwe Afrikaansche Handels

Vennootschap de Rotterdam, lamaisonDaumas, BraudetC^deParis,


maison Hatton et Cookson de Liverpo'jl, et la Central African trade C^de

mme ville.
nombre

la
la

Ces quatre maisons comptaient parmi leur personnel un grand

d'agents et d'emploj's portugais, par la raison bien simple que le

portugais est

la

langue europenne

fleuve, cette rgion ayant t

la

plus rpandue sur la cte et sur

pendant plusieurs

sicles vanglise

le

bas

par des

missionnaires portugais, qui, malgr leurs persvrents efforts, ne parLEs BELGES, n.

14

CINQUIME

C1I\P1TRE

io6

vinrent pas rprimer l'odieux

commerce des

esclaves entrepris pai^ cer-

tains de leurs compatriotes.

Les factoreries sont presque toutes disposes de

nairement

il

la

mme

manire. Ordi-

y a un grand btiment particu lier qui sert aux agents et employs


le personnel noir, des

blancs; puis alentour, quelques maisonnettes pour

magasins

et des greniers.

Les btiments n'ont qu'un rez-de-chaussee. Les

constructions se composent de planches et de

bambous gnralement les toi;

tures sont en zinc et avancent fortement sous l'orme de marquises, de vran-

pour procurer de l'ombre.

das,

peu ou point de fentres; ces

Elles ont

fentres, lorsqu'il en existe, sont garnies de jalousies de

peints en couleurs vives, tranchant sur

Ds cinq heures

et

le

blanc resplendissant des faades.

demie du matin, on entend

tablissements appelant au travail

personnel;

le

bambous et devolels

les

cloches de ces divers

six

un repos de prs de deux heures,


heures du soir.

Les blancs vivent Borna selon

et la

les

escouades de

et bientt les

noirs s'agitent sous la conduite des employs europens.

onze heures,

il

journe de travail se termine

habitudes europennes. 'Vers sept

heures du matin, on leur sert un djeuner au th, au caf ou au chocolat a


;

midi

et six

heures du

soir, ils

absorbent diffrents menus successifs,

composs gnralement de conserves avec mouton, poulet, canard, etc.,


Quelquefois la carte du jour comprend un bifteck d'hippopotame;

etc.

ces

un morceau de la tte monstrueuse de l'animal


amphibie; les pieds sont aussi des morceaux recherchs par les Europens,
surtout quand ils proviennent d'un jeune hippopotame.
Ce comfort relatif permet aux blancs de supporter victorieusement les
rudes intempries du ciel africain.
biftecks sont taills dans

Sur presque tous

les

points de ce continent

noir,

dont

les bizarres

lgendes, les monstres imaginaires ou les dserts sans limites, produits de


l'imagination de nos pres, avaient retard les dcouvertes, les voyageurs

expriments s'accordent reconnatre que

non seulement du
le

besoin pour

rsister l'influence

tre exposs outre mesure,

rment comme dans

l'Inde

du climat

les

la

les

rgime

il

spcial.

africain,

peut arriver

dont

ils

prouvent

peuvent vivre sans


Il

y rgne assu-

autres pays tropicaux, des maladies


rels;

science prescrit aujourd'hui,

mais grce aux moyens


l'homme blanc parvient

demeure dans
par des observations attentives se crer un

combattre efficacement, surtout

une zone o

Europens installs, munis

une mortalit plus prompte.

ou

nombreuses, des dangers climatriques


hyginiques que

les

ncessaire, mais de ce superflu

lorsqu'il s'est tabli a

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Les voyageurs

non acclimats courent des risques plus

isols et

immdiats;

et plus

les fatigues

de

la

gi'aves

route, les privations de tout genre,

l'absence de ces petits soins superflus dont

il

vient d'tre parl, le dcoura-

gement moral qui peut s'emparer d'eux dans des

en

territoires perdus,

sont les causes invitables.

Les factoreries de Boma, hollandaises, franaises


au bord de

l'eau leur

et portugaises, talent

ensemble de constructions en bois gnralement cou-

Le personnel blanc qui

vertes de toits en zinc.

reusement l'gard de ses


grand nombre un ami

les habitait

tmoigna gn-

dont l'un, Stanley, tait pour le plus


une bienveillance empresse, une cour-

visiteurs,

d'autrefois,

toisie hospitalire.

En octroyant libralement dans


aux

fils

tement

le

cours de ce

livre, l'pithte

de

bLiiics

de Japhet rsidant au Congo, nous n'entendons pas qualifier exacla

couleur de leur visage. Presque tous, aprs un sjour prolong

sous ces latitudes, ont

le teint

brl par

bre, ni blanc ni ros, mais olivtre.

physiologie,

la

soleil,

d'une pleur presque lugu-

D'ailleurs, en politique

comme ea

couleur importe peu aux qualits morales et aux besoins

matriels de l'individu.

Les Europens de Boma, gens trs serviables, dsireux en outre d'amliorer leur bien-tre local, avaient plant des arbres fruit, cr des pota-

gers, cultiv la vigne,

et

les

productions de leurs terres augmentes

d'ananas, de goyaves, de citrons doux, qu'ils s'taient htivement procurs

au march indigne tenu tous


russirent

amplement

les

deux jours derrire leurs habitations,

satisfaire l'apptit des voyageurs

beaucoup plus

rassasis de paysages et de fatigues, depuis leur dpart de Banana,

que de

provisions fi'aches et succulentes.


Cette halte rconfortante

de

visiter plusieurs

Boma

permit aux membres de l'expdition

kilomtres du village

la dlicieuse

rsidence des

Pour franchir la distance qui spare


Europens durent consentir se laisser trans-

directeurs de la factorerie anglaise.

Boma

de cette habitation,

les

porter en hamac.

Une

vieille

coutume portugaise, conserve chez

les blancs

du Congo

et

de trs effmine par l'infatigabe Stanley, consiste imposer aux


visiteurs civiliss de ces parages l'usage du hamac pour tout ti'ajct un peu
qualifie

long par voie de terre.


Cet appareil de locomotion, install sur

la

longueur d'un bambou

trs

personnage qui y repose plus ou moins molnombre de couvertures et de traversins dont il s'est muni,

rsistant, est enlev, avec le

lement suivant

le

par deux ngres vigoureux, l'un faisant reposer une extrmit du

bambou

CINQUIME

CHAPITRE

lo8

sur son paule gauche,

le

second appuyant l'autre bout sur

sm

opaulc

droite.

Le pas des deux porteurs est gal, allong et tient le milieu entre la
course et la marche. De temps autre ils se reposent en plaant le bambou

du hamac sur des cannes


dans

passages

les

qu'ils

difficiles:

puis

ne quittent jamais, et dont


ils

changent d'paule

et

ils

se st^rvent

reprennent leur

allure acclre. Quatre couples de porteurs sont spcialement attachs au

service de

chaque hamac.

se succdent, en

Ils

marche, environ toutes

les

deux heures pour le transport de l'appareil et de son contenu et gnralement, si le voyageur a des malles ou des bagages, les six ngres se remplacent successivement pour le partage des colis.
Par une bizarre superstition, les ngres du Congo attribuent un malfice
;

au passage d'un blanc en hamac travers un de leurs


ftiche

moins

disent-ils: ftiche signifie

villages. C'est

dans ce cas sorcellerie, sacrilge.

d'employer la force, et par suite d'affronter des prils

viter,

faut cder ce prjug ridicule des ngres et se

il

hamac

verser en

Tel n'tait pas

que

l'on

garder de

peut
tra-

leurs centres de population.

le cas, toutefois,

qui se dirigrent de Borna vers

la

pour

les

quelques blancs de l'expdition

maison de campagne des Anglais.

Doucement bercs par le balancement rgulier de leur litire portative,


ils suivirent une valle en pente douce qui dbouchait dans une plaine alluviale, ravine et l

aperurent une

jolie

par

les

eaux; puis, au-dessus des grandes herbes,

ils

maison carre pignons aigus, situe sur un mamelon

gazonn. Cette habitation rappelait un cottage anglais, d'une tranget fantastique. Elle abritait des compatriotes de Stanley; c'est assez dire quel

y reurent les arrivants.


Que de moments de plaisir, de gaiet, de confortable douceur pour les
membres de l'expdition du Comit d'tudes, au cours de leurs premires

accueil

escales sur le Congo, qui ne leur a pas encore oppos sa rage, sa furie cu-

mante,

et

ne

ses chutes et
Ils

les a

pas encore assourdis des ses rugissements, du fracas de

de ses cataractes

ont suivi jusqu'

moderne;

et

dans ce

nagure organis,
guerres

les

Boma

district

ce

des rives dj effleures par

mme

ils

la civilisation

n'assistrent plus ce brigandage

systme de dvastations

et

de massacres dont les

plus meurtrires ont peine, travers les ges, gal les

horreurs quotidiennes, au honteux

trafic

des esclaves, la chasse de

l'homme par l'homme, aux ignobles marchs qui comptaient chaque anne
des milliers de victimes.

Ds

le

conimencement du seizime

sicle,

la traite

des ngres, qui avait

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

pour but d'accrotre

le

nombre des

exera ses plus cruels ravages dans

Ce
le

territoire,

pendant de

travailleurs des colonies amricaines,

plateau central africain.

qui comporte un dveloppement indfini et qui peut devenir

l'Inde, tait

main-d'uvre

le

comparable

s'coulait sans cesse

un

l'homme. Selon l'expression de Cameron,


son sang par tous

les

vaste entrept de travail d'o la

dans toutes

les directions

par

le trafic

de

l'Afrique perdait le meilleur de

pores l'un de ces pores tait Boma.


;

Trop souvent, dans les criques aux bords incultes que le cours sinueux
du fleuve creuse en aval de ce district, des bateaux ngriers, l'ancre, ont
attendu leur chargement de marchandise humaine, et leurs farouches capitaines ont

pu

suivre,

de leurs yeux avides,

les files

chelonnes,

sentiers de la plaine, des caravanes d'tres vivants, le cou

lourds carcans, les mains lies derrire

morceau de

bois semblable

un

le

dos, la

le

long des

engag dans de

bouche billonne par un

bridon, la ceinture relie par des cordes

qui servaient de rnes leurs odieux conducteurs.

Ces troupeaux d'esclaves dcimes par


la

maladie, rduits

la faim, la fatigue, les souffrances,

de squelettes ambulants. a3'ant perdu jusqu'

l'tat

Boma

l'usage de la voix, arrivaient

aprs des marches forces de

an mme, marches pendant lesquelles

six mois, d'un

lamentables, les plus cruelles,

les

les

trois,

de

scnes les plus

plus dchirantes, s'taient frquemment

renouveles.

Les masses d'hommes qui


le

contingent des victimes de

marqu

la civilisation

du nouveau monde, avaient

leur route de jalons effroyables, de cadavres lacrs par les coups

de bton des conducteurs,


ment,

allaient, arrachs leur terre natale, grossir

la fatigue,

et

en avaient

chemin parcouru;

les

abandonns aux fauves vautours. L'puise-

fait

tomber un nombre incalculable

coups de massue sur

la

nuque,

les

le

long du

massacres, avaient

aux tortures de ceux qui cherchaient fuir derrire les rochers ou


dans la profondeur des taillis, et qui, brids, impuissants, restaient livrs
la vengeance implacable de leurs bourreaux
Si la moderne Boma n'offrit plus ces monstrueux tableaux qui tachent
mis

fin

si

tristement les

nombreux

lacs jusqu'au
la

i"euillets

districts

de son histoire des

Zambze, sont

chasse aux esclaves, de

Les naturels de
noirs rfugis

sicles antrieurs,

de l'Afrique centrale, dans toute

Boma

la

de trop

zone des grands

encoi'c le thtre des dgradants spectacles

la traite

de

des noirs.

ont pu rcemment raconter, d'aprs les rcits des

parmi eux des tribus lointaines de

l'intrieur, les rvoltantes

oprations des traitants arabes dans les bassins du Tanganka, du Nyassa,


et

dans

le territoire

compris entre

le

Lualaba

et la

province d'Angola.

CHAPITRE

112

Stanley ne les ignorait pas,

il

CINQUIME

avait en 1876,

Nyangou,

relat

dans ses

notes les tristes rsultats, les fatales consquences de ces incessantes razzias

d'hommes

noirs.

un Zanzibarite de son escorte travers le


Continent mystrieux, quand je vins ici pour la premire fois, il y a huit
ans, toute la plaine entre Mana-Mamba et Nyangou avait une population si

iVlatre,

disait Stanley

dense, que tous les quarts d'heure nous traversions des jardins, des champs,

hameau tait entour de troupeaux de chvres et de


un rgime de bananes pour un cauris. Vous pouvez voir
vous-mme ce que le pays est devenu aujourd'hui. Je vis, ajoute Stanley,
une contre peu prs inhabite et retombe dans l'tat sauvage.
Ce n'tait donc pas aux rives fortunes du fleuve o n'existaient plus les
sombres drames de la traite, que Stanley et les agents du Comit d'tudes
des villages. Chaque

porcs.

On

achetait

devaient s'attarder. Le Congo, ce grand chemin qui marche, s'ouvrait devant


eux, large et hriss d'obstacles, mais

il

devait,

bon gr, malgr,

les conduire

eux, ou leurs vaillants successeurs, sur tous les points de son territoire,

ou simples bourgades, menacs sans cesse de partager


sort dsastreux de leurs pareils entre Mana-Mamba et Nyangou.

districts, villages
le

Nous

laissons

ration nautique,

sateur belge,

le

un

instant Stanley poursuivre avec sa flottille son explo-

pour sjourner Borna

fournira de prcieux dtails sur

Nous avons

et

y attendre

l'arrive d'un civili-

du Congo, qui nous


matriel de l'expdition.

R. P. Carrie, suprieur de la Mission

jusqu'ici,

le

cdant

personnel et
la ncessit

le

de renseigner nos lecteurs

sur l'histoire et les descriptions gographiques invitables du vaste terri les Belges dans
toire du Congo, mconnu le titre de notre ouvrage
:

l'Afrique centrale.
dfinir de notre

Il

est indispensable, pour l'intelligence de nos rcits, de

mieux chacun des points de

ce lointain thtre des exploits

bienfaisants ou des martyres des Belges qui tous, des titres divers, ont
inscrit leurs

noms dans

les

annales de

la civilisation africaine.

Les missionnaires chrtiens, belges, franais ou anglais, catholiques ou


protestants, qui ont prcd ou suivi les explorateurs en Afrique, semrent
toujours dans des terrains parfois bien arides,

il

amlioration capable de rgnrer moralement

est vrai, les


les races

germes d'une

inconscientes de

ce continent.

premire tude d'exploration du Comit du haut Congo, le


pre Carrie arrivait au Congo, pour fonder une mission ducatrice.
Le 3 novembre, le prtre missionnaire touchait Banana, y sjournait

Aprs

deux
mois.

la

jours,

remontait

le

Congo,

et s arrtait

Boma,

le

du

mme

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

11

rencontrait en ce lieu deux vapeurs de la

flottille

113

de Stanley, avec quel-

ques-uns des membres de l'expdition.

Le personnel du gra.id explorateur est assez nombreux, crivait le


missionnaire au mois de dcembre suivant; il se compose, outreM. Stanley,

GRAMINES DU BAS CONGO.

d'unsurintendant, d'un ingnieur, d'un capitaine marin, deplusieursmcaniciens, charpentiers, etc.,

en tout vingt blancs de diffrentes nations

Amricains. Anglais. Italiens et Danois.

Un

naturaliste franais,

arriv dernirement de Paris Landana, et


LES RE1.GE3.

II.

Belg'es,

.M.

Protclie,

un ancien membre de

l'expdi-

CHAPITRE

114

CINQUI.ME

tion allemande Chinchoxo, aprs Landana, vont galement s'adjoindre

Socit d'tudes.

la

Arrivs dans une dure saison, exposs de rudes privations et obligs

de supporter des travaux

et

des fatigues pnibles pour des Europens, plu-

sieurs ont t dj cruellement prouvs par la fivre, et l'un d'entre eux

vient de succomber.
Le matriel de l'expdition est trs considrable, il comprend notamment cinq petits vapeurs et quelques embarcations secondaires, des

machines

et

des chariots pour

toutes prtes monter,

Ces extraits de

ment de

la

auprs de

la lettre

la rivire

prs de cette
la station

la

d'un missionnaire nous amnent citer l'tablisse-

Boma sur la rive du fleuve,


Kalamou ou du Crocodile, qui serpente travers des
l des gerbes gracieuses du palmier Hyphne. C'est

mme

rivire

que s'lveront successivement

de l'Association africaine du Congo Boma,

factorerie cre au

transporter par terre, des maisons en bois

mission franaise catholique, cr

terres ornes et

de

les

etc., etc.

Congo une par maison

les

btiments

et la

premire

belge.

du confluent de cette rivire, et par consquent


distance de Boma, nous retrouvons dans un lieu nomm Msoukou

25 milles environ

mme

Stanley et sa

flottille,

qui

s'y taient arrts.

Blancs et noirs venus terre s'taient installs en


loin d'une factorerie anglo-hollandaise,

Cookson, dirig par

Le

lit

du

MM.

A.

Da Motta

comptoir de

et J.

W.

camp

la

volant,

non

maison Hatton

et

Harrison.

fleuve, trs large jusqu' ce point, se resserrait entre de hautes

collines arides, rocheuses, sauvages, entirement striles,

se droulait vers le nord, triste et

dont

la

chane

monotone, travers un pays inhabit

et

sans produits vgtables.

Sur

le

versant nord de

la

chane septentrionale s'tendait une contre

herbeuse, raye de veines rouges se montrant dans les noullahs, les ravins
et les

pentes o

les pluies les

ont mises nu, et plongeant dans des bassins

souvent entrecoups de larges plateaux

et

de grandes ctes pareilles

des dykes.

Auprs de Msoukou se tenait un march ngre, o

se renouvelaient assez

frquemment des vnements tragiques, par suite d'une coutume locale qui
punit de mort le vol commis sur un march public. Tout individu surpris
en flagrant dlit la main dans le panier sel d'une marchande noire, ou sur
le goulot de la bouteille de tafia du voisin, tait immdiatement lynch ,
selon le

mot amricain; son cadavre abandonn sur

la

route pourrissait au

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

soleil,

ii:

servant d'exemple ceux qui eussent t tents de commettre

pareil crime.

Les cimetires ne manquaient pourtant pas ces terribles

Non
les

du march, un

loin

sal, tait

consacr

coutumes

la

vaste

champ

domin par un arbre

spulture des noirs dcds sans reproche,

colos-

d'aprs

locales.

Les tombes taient entretenues


recevoir

strile,

justiciers.

le corps,

et

mais tre un

appartenu au dlunt. Chacune

semblaient tre prtes non seulement

lieu

de dpt pour tous

d'elles tait

les objets

ayant

orne de pots, de bols, de cruches,

de cuvettes, de chaudi^ons, de thires, de marmites, de verres, de bouteille?


bire, gin, eau^de-vie,

Au-dessus du tertre

de seaux, d'arrosoirs en fer-bianc.

tafia,

dcor pendaient,

ainsi

la

branche de

divers havresacs en libres de palmier dans lesquels

le

l'arbre,

les

dfunt portait ses

LE CIMETIRE DE MSOUKOU.

aliments lorsqu'il vivait

Bien entendu, tous

arachides, pain de cassave et autres denres.

les objets ainsi

exposs, particulirement ceux d'un

usage courant, avaient t mis l'avance dans l'impossibilit de tenter

les

noirs qui, malgr leur superstition ou l'odieuse loi tendant la simplifi-

cation et l'application frquente de la peine de mort, n'auraient pas

manqu de
C'est

les voler.

aux environs de ce march, dans

la

mire expdition du Comit d'tudes, qui

crique de Msoukou, que


tait arrive l

la

pre-

en parfait

tat,

devait sjourner plusieurs semaines, utilises pav YAlhion,

\di

d'autres rapides embarcations de la flottille effectuer de

traverses fluviales entre le


tion avec le

monde

de l'expdition,
le

et

civilis,

camp

et

Belgique et

nombreuses

Banana, pour mettre en commuaica-

avec leur patrie, avec leurs familles,

les

blancs

assurer en outre leurs divers approvisionnements et

transport complet de leur matriel.

CHAPITRE CINQUIME

ii6

Devant Msoukou s'tendent encore de nombreux

lots,

et sur la rive

Sufu dgorge un

faible

apport d'eaux

oppose du Congo

la petite rivire

vives et rapides.

Les crocodiles,

les

cent abonder dans

camans,

les

monitors

et les

hippopotames commen-

eaux du Congo, partir de ce point.

les

Les occupations pnibles

nombreuses des blancs

et

fixs

Msoukou

furent entremles de scnes non moins fatigantes, d'pisodes de chasse

animaux amphibies.

ces

L'un de ces monstrueux camans, qui talaient au


bles cuirasses,

plein jour,

sommeillant sur

les rives

d'un

lot,

emporter pour son djeuner un ngre de

Les blancs rsolurent de venger

mort de

la

sieurs d'enti'e eux s'embarqurent

soleil leurs

impntra-

avait os, chose rare en


l'escorte

de Stanley.

l'infortun Zanzibarite, et plu-

un beau matm, bien arms,

pleins de

confiance et d'ardeur, dans une pirogue indigne.

Pendant que ques heures, l'embarcation, vigoureusement pagaye par


des noirs, remonta le courant imptueux du fleuve, et, un peu en amont du
confluent du Sufu, atteignit le rivage d'une petite le, Zur.gachya-Idi.
L

les

chasseurs descendirent terre, pour se rafrachir et laisser reposer

hommes. Quelques naturels chous sur le mme rivage accueillirent


bien les blancs, moyennant quelques bouteilles de tafia dbouches a

leurs
trs

leur intention.

La chaleur

tait assez forte, et les blancs, dsireux d'viter

possible toute fatigue inutile, attendirent que

autant que

mont plus haut

le soleil,

l'horizon, projett des rayons plus ples et plus tides.

Vers quatre heures, une douce brise, apportant encore les fraches senteurs
de l'Ocan, passait sur

les

eaux du fleuve

dre dans leur pirogue pour

L'un d'eux,
les

le

et invitait les chasseurs redescen-

commencer rellement

plus habile tireur de

la

chasser.

bande, fut plac l'avant du canot

autres s'assirent ses cts; six rameurs noirsaccroupis. trois de chaque

ct, sur les

signal.

bordages de l'embarcation, se tinrent prts nager au premier

Le patron gouvernait,

lentement

le

long de

la

et la pirogue, entrane

berge du Congo.

par

le

Le silence

courant, driva

tait

absolu;

les

blancs, le doigt sur la dtente de leurs fusils, piant le rivage, se tenaient

prts faire feu.

Depuis une demi-heure environ,


tout a
les

coup

le

ils

descendaient ainsi

tireur plac l'avant, et qui,

grandes herbes de

la rive,

arm d'une

le fleuve,

quand

lorgnette, fouillait

poussa une exclamation contenue

et,

se re-

tournant, montra quelques centaines de mtres en avjnt du canot, un.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

gigantesque caman tendu sur


raissant plong dans

pa-

et

une somnolente batitude.


glissant sans bruit sur les eaux; les chasseurs

La pirogue s'approcha,
purent distinguer

gueule largement ouverte

la rive, la

normes,

les pattes

la

queue formidable de l'animal qui

mesurait certainement plus de trois met. 'es de long.

cent mtrs,

meilleur tireur ajusta:

le

bond prodigieux, mais,


bless sans doute,

rveill en sursaut,

tomba

il

deux pas du

coup

le

monstre

partit; le

fit

ne put mesurer son lan,

il

fleuve,

un
et,

au milieu des racines d'un

paltuvier.

Une dtonation

nouvelle, partie de la pirogue, envoya plusieurs balles

l'animal amphibie, qui ouvrit entirement sa large gueule,

sur lui-mme, essayant de regagner

fit

plusieurs sauts

mais retomba compltement

l'eau,

immobile.
Les noirs poussrent des hourras formidables, et ramrent avec vigueur.
La pirogue rapproche de l'endroit o gisait le monstre, un feu nourri,
une dcharge gnrale de tous les fusils du bord acheva de le tuer.
Restait a emporter

quer;

il

fallut

le

caman foudroy. Les noirs refusaient de dbar-

des menaces, des promesses et des plaisanteries pour dcider

les

deux plus courageux d'entre eux descendre

du

reptile avec mille prcautions,

comme

terre. Ils s'approchrent

font les chats lorsqu'ils ont

peur

d'un objet qui excite cependant leur curiosit.

Oh

si le

caman

avait

fait le

moindre mouvement,

les

deux ngres, moins

poltrons que le reste de l'quipage noir de la pirogue, seraient morts de


frayeur. Mais l'animal ne
et l'attirrent a eux.

bougea pas;

parvinrent l'accrocher

les naturels

La pirogue touchait

la rive

l'aide d'une corde, les

le monstrueux amphibie
du bateau. Blancsetnoirsnepurent

passagers russirent hisser dans l'embarcation


qui rebondit en tombant entre

les flancs

se dfendre d'un sentiment d'effroi

Ces animaux ont


la

gueule ou sous

la vie si

les

dure

s'il

Ce

vivait encore?

n'est,

en

hanches qu'on parvient

seules vulnrables; sur tout le reste

eft'et,

qu'en

les

frappant dans

les tuer; ces parties sont les

du corps,

la balle glisse

sans pouvoir

pntrer.

Mais

il

n'y avait plus rien craindre

de

celui-l.

Derrire

lui les

deux

noirs remontaient bord, et la pirogue continua de descendre le fleuve la


drive, en qute d'un

mais

ils

nouveau

gibier.

D'autres camans furent aperus,

vitaient l'embarcation et plongeaient bien avant qu'elle ne ft arri-

ve porte.

Encourags par ce premier succs,

les

blancs dsiraient, avant de retour-

ner au camp, charger entirement leur pirogue.

CHAPITRE

iiS

Le jour

cixoi-iemf:

l'un des chasseurs,

un ton de commandement tous

cria sur

avec ses derniers rayons

baissait, le soleil allait bientt entraner

empourpr, lorsque

l'horizon

Inconsciemment l'quipage obit. Un coup de

les

grent force de rames vers

simultanes suivirent

autres

le

canot,

Baissez-vous

fusil retentit, les noirs se diri-

oppose. De brusques dtonations

premire.

la

Les blancs avaient

la rive

debout dans

tir

sur un caman qui menaait de toucher l'em-

barcation; celui-ci disparut dans le fleuve,

Les camans blesss ou morts, une

il

tait

perdu pour

les

chasseurs

fois

dans leur clment, ne reparaissent

la

pirogue avait err l'aventure sur

plus la surface.

Pendant
les

Sufu. L,

dont

de chasse,

cette soire

eaux du Congo; aprs

le

rivire glissait

la

sommets

les verts

dernier pisode,

pirogue

barra

le

s'y tait

Le

lit

de ce cours d'eau

tait

peu profond,

engage qu'un norme tronc d'arbre

peine

lui

passage.

blancs imagina

le

moyen de

pied reposait sur

lorsqu'un des

franchir l'obstacle.

L'arbre couch en travers de


le

du

pour former une vote paisse

se rejoignaient

L'quipage dsappoint songeait rebrousser chemin,

mais

l'entre

entre dos rives bordes de grands arbres

gtaient des lgions d'oiseaux.

et la

elle se trouvait

disparaissait moiti sous l'eau,

la rivire

le sol.

Les blancs sautrent sur

le tronc, et les six

noirs dbarqus a l'arrire poussrent de toutes leurs forces la pirogue

allge

branches

l'avant eut bientt travers les

sans chavirer, de l'autre ct de

la

et la

pirogue bascula,

barrire vgtale.

La nuit tombait; les manguiers, dont


eaux du Sufu et ressemblaient autant

L'exploration put tre continue.


les racines

osseuses ternissaient les

de pattes de monstrueuses araignes,


de

la rivire.

pas un

On

ne voyait ni une

attristaient, assombrissaient les

fleur, ni

un brin

bords

d'herbe, on n'entendait

seul cri d'oiseau... partout rgnait ce calme lugubre d'une nature

presque dserte qui s'endort.


Les chasseurs, trop loigns d u camp de Msoukou.ne pouvaient plus songer
regagner leurs tentes pour y

dorixiir,

et d'autre part l'obscurit crois-

promenade aquatique; ils rsolurent de


du Sufu.
braves blancs taient mal inspirs! tablis de leur

sante les obligeait cesser leur

passer

la

nuit sur les rives boises

Hlas! combien ces


mieux auprs de grands feux de

allumer par

les

broussailles qu'ils avaient eu le soin de faire

noirs, nos chasseurs couchs sur des

appellrent en vain

le

sommeil. Les moustiques,

les

lits

d'herbes sches

mouches de

sable,

insectes imperceptibles, noirs, la piqre venimeuse, hargneux, tenaces.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

affams, fondirent sur les blancs, par milliers.


rag'c,

et

La

colre des

119

hommes,

leur

leur furie, furent impuissantes contre ces lgions d'insectes invisibles

dont

bruissements chargs de menaces indiquaient toujours l'innom-

les

brable prsence.

Ces ennemis impitoyables criblrent de leurs piqres

mains des blancs;

derme

trs

dur

les

le

visage et les

ngres, plus heureux en cette circonstance d'avoir

et d'exhaler

le

de leur corps une odeur spciale, furent seuls

pai-gns.

Ah! ces nuits

la belle toile,

sous les astres resplendissants qui flam-

boient au firmament bleu-noir de l'Afrique centrale, que de cuisants souvenirs,

que

d'enflures,

que de dmangeaisons,

voyageurs oublieux de l'heure


Enfin

le

la

elles

peuvent causer aux

poursuite de ca'imans!...

jour parut, un jour cru, bjs et humide, qui glissait contre les

rameaux dcharns des manguiers


sillon du Sufu.

et blanchissait

peu peu

le liquide

Enfivrs de dpit, de douleur, de fatigue, les blancs, emports par

la

camp de Msoukou.
De joyeuses clameurs salurent leur retour des hourras frntiques
accueillirent le dbarquement de leur butin. Les noirs de l'escorte de
Stanley se livrrent autour du ca'iman sans vie aux plus excentriques bats,
dansant, chantant, injuriant le monstre et se riant de lui. Ce fut pour les
chasseurs un bien lger triomphe, qui ne put leur faire oublier les traces
pirogue, retournrent au

maudites de leur dfaite nocturne contre les moustiques.


Jusqu'au 13 septembre 1879, les voyages aller et retour de

Banana entrepris par


halte sur le Congo.

Le

Msoukou

l'Albion et la Belgique retinrent Stanley dans cette


17, l'Albion fut

du chef de l'expdition concernant

envoy en Europe, avec


les

les

rapports

premiers mouvements effectus

sur le Congo.

La

flottille reprit

bientt aprs sa course contre le courant

aprs avoir long dans un troit canal


elle

rencontrait une autre

le

le

rivage sinueux de

tristement clbre,

l'Ile

du

fleuve, et,

l'le

de Buka,

des Princes, tombeau

de plusieurs membres de l'expdition de Tuckey en 1816, et spulture des


rois

de Borna. Ces

les,

laissaient entrevoir

encadres par une vgtation tropicale luxuriante,

dans

le

ple-mle nuanc de leurs arbres divers

et

de

leurs mille espces de palmiers, dont les branches et les palmes s'enchevtraient

harmonieusement, de gracieux htes emplums aux couleurs

ravissantes.

douze ou quinze milles au-dessus de Msoukou, sur

la rive

gauche du

Congo, Stanley atteignit Nokki, dernire station commerciale du fleuve.

CHAPITRE CINQUIME

120

C3tte poque, elle comptait

une

factorerie dirigje par

M. G. H. Faro, Portu-

gais dont nous avons dj parl Borna.

En

face de Nokki, sur la rive droite, se trouve

un village

nomm Nkongolo

(Ikoung-oula) o nous retrouverons plus tard une installation de chalets et

de maisons en

bois,

due

l'Association internationale

du Congo,

titre

qui

remplaa celui de Comit d'tudes du haut Congo, lorsque cette dernire


socit promotrice de l'uvre africaine la cte occidentale, satisfaite des

premiers rsultats atteints sur

En amont de Nokki,
encore de rapidit

et

le

Congo, dcida ce changement de nom.

le fleuve,

dj

si

imptueux auparavant, redoublj

prsente un danger vritable, lorsque ses eaux sont

remonter en pirogue. Les canotiers sont alors obligs de

trs fortes, le

sauter terre et de haler l'embarcation au

moyen de

cbles, travers les

troncs d'arbres et les rochers qui bordent ses rives. Parfois

mme, avant

employ ce genre de locomotion,


sont obliges, pour contourner les rapides, de se cramponner avec force des
rochers glissants et des arbres pi-esquc suspendus sur le courant; il est
impossible de s'loigner du lit du fleuve, encaiss par des montagnes coud'arriver Vivi, les voyageurs qui ont

pes pic.

l'un

de ces passages

grand chaland en
les

de Stanley

difficiles, la flottille

fer; saisi

par

les tourbillons,

il

fut

diminue d'un

chavira et fut englouti dans

profondeurs.

Le 26 septembre cinq heures du

soir, ['Esprance,

ayant son bord

Stanley, stoppait en face de Vivi, situe sur la rive droite 130 milles de la
cte, par 5 40'

de latitude sud et

13 49'

de longitude est

premire station hospitalire fonde par

la

d'tudes sur

le

le

'Vivi

clbre agent

devait tre

du Comit

cours du fleuve Congo.

Bientt toute

la flottille

dbarquait en ce

mme

point les

membres de

l'expdition et leur noire escorte d'ouvriers et de travailleurs, et ds la fin

de fvrier

s'levait

en amont de ce

au-dessus des eaux irrites du fleuve, devenu innavigablc

lieu,

une

vritable oasis artificielle, mais plus prcieuse et

plus cordiale que les oasis des dserts, un tablissement qui ne serait nullement dplac au milieu des plus pittoresques cottages de nos plus riches
conti'es d'Europe.

La premire
de

station de Vivi dominait

mtres, et dont

la

un coteau verdoyant, d'une

altitude

seule pente accessible baignait sa base encadre de

mille plantes aquatiques, dans

une

petite rivire

mouchete de mignonnes

cascades qui clapotaient travers d'innombrables fissures dans des roches


de grs bleu. Cette fracheur donnait naissance a quelque vgtation, des
bois aux couleurs pittoresques, et elle devait fconder les vastes jardins et

LES BELGES.

II.

16

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

les

bananeraies crs par Stanley dans

la valle

123

gracieuse o coulent les

eaux vives du ruisseau.

Ce courant s'appauvrit pendant la saison sche, mais il offre nanmoins


une eau plus agrable boire que celle du fleuve Cong-o qui, bien que potable
et saine,

est

charge de sdiments sablonneux

et a

souvent

comme un

ar-

rire-got de th lger.

Sur

versant de

le

tre valle

la colline

remplie de

de Vivi oppos cette

rivire, s'ouvre

une au-

sites boiss, riches en coloris fantastiques, en feuillages

enchevtrs o se poursuivent des lianes, des ronces pineuses, chappes


des labyrinthes inextricables de grandes herbes et d'arbrisseaux.

En

arrire de la colline de Vivi,

l'horizon

et

tranche sur

une masse norme, montueuse, limite

les valles fertiles

par

la

nudit de ses flancs cou-

verts de misJrables touffes de vgtation et

surmonts d'immenses blocs de


roches granitiques, qui paraissent autant de ruines de tombeaux ou de

temples druidiques.

Sur

le

plateau de la colline, la station fonde par Stanley prsente l'aspect

d'un rectangle droul comprenant des constructions lgantes

maison-

nettes en bois, magasins en fer solidement installs, grand chalet tages

recouvert d'une coupole resplendissant aux rayons du

soleil,

petite cui-

sine en fer implante dans le sol, hangars, ateliers divers, spars par des

cours plantes d'arbres,

sommet

d'tudes qui dploie, au

sement, sur
se

le

tout sous

le

la

protection du pavillon du Comit

d'un mt lev l'extrmit de

versant tourn vers

le

l'tablis-

Congo, son charpe bleue sur laquelle

dtache l'tincelante toile d'or.

La tombe isole d'un ouvrier


dbut de

la

belge,

du mcanicien Hubert

fondation de l'tablissement de

coin de ce tableau ds le 13

mai

'Vivi,

Petit,

mort au

assombrissait, hlas!

un

1879.

Les trois autres Belges de cette premire expdition occupaient a Vivi


des situations diffrentes; M.

la

construction de

la

Van Schendel, ingnieur en

chef, fut attach

route partant de Vivi vers l'intrieur. Quant

Stanley, ayant solidement tabli sa premire station, base de ses oprations


futures,

il

s'apprtait

triompher de nouvelles

Durantsonsjourprolong

et plus

grandes

difficults.

Vivi, l'explorateur, toujours aussi intrpide,

courait travers les montagnes, se livrait de continuelles excursions, sans


avertir jamais personne ni de son dpart, ni de son retour.
station trs souvent puis

Il

revenait

de fatigue, tout couvert de poussire

et

la

de

sueur.

Pour parvenir Stanley-Pool


d'tudes, Issanghila,

et tablir la

Stanley devait, ds

deuxime
la fin

de

station
la

du Comit

saison des pluies.

CHAPITRE CINQUIME

12}

commcnccrfranchir, sur un espace d'environ deux cents milles, des montagnes abruptes, rocheuses, entasses les unes sur les autres sans laisser

de passage entre elles, et les franchir non seulement avec un personnel


nombreux, mais encore avec un matriel interminable de mobilier, de
maisons en

bois,

de chariots

et

de vapeurs,

qu'il

faudra hisser des hau-

teurs de trois quatre cents mtres, sur des pentes extrmement rapides,

mais des milliers de

Entreprise effrayante,

et cela

non pas une

uvre

colossale, travaux deplusieurs annes, devantlesquels Stanley aurait

fois,

fois

recul malgrsa confiance et son courage, s'il n'avait escompt le concours d-

vou, actif, infatigable et gnreusement dsintress de

des Belges qui vinrent, sous sa direction, en assurer

le

la

lgion hroque

succs.

CHAPITRE

Le commerce belge au Congo.

Rves d'un commerant.


passagers du Biafra.
Triste Nol.

M. Gillisau march de Soma.

et

et sa

caravane de mules.

Stanley fondent

la station

de

la colline

de

Les porteurs d'arachides.

\alcl<e

<>

Les

briseur de rochers .

d'Issanghila.

du Comit d'tudes

PEINE le drapeau bleu


fate

Aperu rapide des productiins agricoles du bas Congo.

Harou

Paul Nve

VT

flottait-il

au

Vivi, pi-otgeant la station fonde

pacifiquement sur un

sol

concd par

les

indignes

rnoyennant une rente annuelle, qu' plusieurs milles en


aval de cette conqute vraiment civilisatrice le caduce

moderne d'un Mercure belge apparaissait pour la premire


bords du Congo, hardiment import par M. Adolphe Gillis.

fois

sur les

Ce ngociant, habitant de Braine-le-Comte, spculateur entreprenant

et

CHAPITRE SIXIEME

126

patriote, qui avait diverses reprises essay de tirer le

remorquant

sa torpeur relative en

les

commerce belge de

productions nationales aux rivages

fortuns du Brsil et de la cte d'Or, partait d'Anvers en mars iS8o, charg

par un groupe de capitalistes

de fonder Borna

et

de commerants belges

qu'il avait runi,

Nokki des comptoirs commerciaux, dimp jrtantes

et

factoreries.

Honneur
Il

ce

fils

de

la

Belgique industrielle et commerante

a os le premier aborder la voie

par l'auguste pense de


lir les

fruits naissants

S.

i\l.

commerciale trace depuis des annes

Lopold

de l'arbre de

II

il

est all,

au pril de sa

la civilisation plant

vie, cueil-

au prix des

efforts

dsintresss et des sacrifices onreux des promoteurs de l'uvre africaine.


Il

a compris que l'industrie, l'esprit de colonisation,

Belgique, devaient
et

s'allier

magnanime d'un

son territoire

du monde

la

commerce de

la

sur la terre d'Afrique, auxiliaires tout puissants

rmunrs, aux premires tentatives diriges

l'appui

le

Roi.

Il

a voulu prouver

la cte occidentale

que malgr

avec

l'exigu'it

de

nation belge peut lutter de pair avec les plus grands tats

civilis

dans

le

domaine des productions

industrielles et

commerciales.

Sans attendre

le rsultat

ventuel des premires tudes du Comit inter-

national du haut Congo, M. Adolphe GiUis a fort heureusement

du

reste

commerce, l'pargne et l'industrie de son pays vers le vaste


bassin du Congo qui rserve un champ de production immense et o

entran

les

le

besoins de millions d'habitants sont en proportion de ses dimensions

colossales.

Le climat

tropical, avec sa

dangereuse alternative de

soleil

pluie, sources de vgtation luxuriante, ne pouvait arrter

brlant et de

un homme qui

connaissait dj des latitudes isothermes; et c'est son initiative personnelle, ses

esprances lgitimes de faire bnficier quelques-uns de ses

nombreux compatriotes des ressources


peine exploite,

que

.M. Gillis

d de reprsenter

sur les bords du Congo, l'exemple de

France

et

certaines qu'offrait

la

la

une contre

Belgique laborieuse

Hollande, de l'Angleterre, de

la

du Portugal.

Ds son arrive au Congo, M. Gillis se mit en devoir d'tudier les ressources que l'on pouvait tirer du territoire du bas Congo. Il parvint

Boma, et visita au nord de cette localit un important march indigne


connu sous le nom de Soma.
Le sentier qui y conduit court sans interruption sur un terrain de schiste
glissant

ou de durs cailloux de quartz;

redescend,

et traverse

plusieurs

fois

la

il

monte, descend, remonte,

valle

de Sanka-Sanka riche

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

127

en beaux points de vue. Sur son parcours, on rencontre frquemment


de petits groupes d'indignes portant leurs marciiandises sur

pour

se rangeant respectueusement

Le march de Soma

laisser passer les

est situ sur le plateau

gure que cinquante pas de diamtre,

et

la tte et

Europens.
monticule qui n'a

d'un

qui est ombrag par quelques

arbres.

De ce plateau la vue s'tend au loin sur les innombrables collines et


les sommets du pays des Mayombs.
Les Mayombs sont des peuplades trs commerantes; la principale ville
de leur territoire, situe au nord de Boma, se nomme iMayumba. Place
entre deux grandes routes fluviales, le Congo et le Kouilou (fleuve moins
considrable

comme longueur de cours que son interminable voisin, mais trs

important pour

de

la

le

ngoce), cette localit concentre les productions diverses

rgion quelle

commande

l'ivoire, le

caoutchouc,

l'huile et les

noix

palmistes.

Ses habitants se dtachent en caravanes, pour aller vendre ces produits

dans

les factoreries tablies a la cte occidentale

mais surtout aux comptoirs commerciaux de

ment

les

ou prs des cours d'eau,

Boma

qui reoivent directe-

marchandises des vapeurs venant de l'Europe.

falsifier

le

caoutchouc, et

couvrant des pierres avec de

ils

la

Ils

trompent bien souvent

gomme

et

sont trs habiles

les

ngociants en

en faisant passer dans

le

nombre

cette fausse marchandise.

Toutefois les

Mayombs

sont d'utiles pourvoyeurs pour les blancs,

ce qui les distingue des autres ngres,


et

des prix qui

Icui"

ils

et,

se contentent facilement des offres

sont proposs par ies ngociants europens.

Revenons M. Adolphe

Gillis.

Aussitt arriv au

march de Soma,

il

s'tablit l'ombre d'un des arbres du plateau et observa l'animation qui


rgnait sur le march.

Les ngres groups, debout ou accroupis prcs de leurs marchandises, se


ressentaient du voisinage de la civilisation, leurs costumes bariols taient
confectionns avec des toffes europennes.

De jeunes ngres, errant gravement travers la foule, pars de


leurs plus beaux vtements aux couleurs tranchantes, jets autour des
hanches, tiennent en main de vieux fusils silex et sur l'paule im
petit sac artistement tiss d'herbes fines,

renfermant

les

provisions; dans la ceinture sont glisss des poignards


tique,

la

dforme

les

fantas-

ou de larges couteaux.

Ailleurs,

munitions et

mode

on aperoit des amis d'un


africaine,

en se tendant

mme
les

district

qui

mains croises

se
et

saluent

en

fi-ap-

CHAPITRE SIXIME

12.9

pant ensuite deux coups puis

les bouteilles

de palme), circulent, et

la

de

tafia,

de gin, de malafou (vin

pipe emplie d'iamba passe de bouche en bouche.

Plus loin, des curieux suivent d'un regard attentif les acheteurs et les

vendeurs; et parfois, dans

une grosse

dbat assez criard et


loustic

plaisanterie, qui soulve

L, une jeune
surveille sa

wcandou

le

un ngre malin, un

vive des parties,

femme

la gesticulation trs

l'endroit, lance

un bruyant

un bon mot,

rire gnerai.

ngre, assise l'orientale, son enfant sur

marchandise tale devant

elle

en petits tas

le

dos,

bananes, mas,

de nisandi.

et fves

Sa voisine

de

offre

des nattes, des tissus

vieux ngre arriv de


alcoolisJs, dballe

la

et

des tacendas. Prs

d'elle,

un

cte occidentale ouvre ses caisses de liquides

de longues machtes, des haches forges, de vieux

un jeune gars vigoureux

cercles de tonneaux, tandis qu' ses cts

commence

pare a grands coups de couteau une cte de lard qui dj

un aspect passablement

moisi, mais dont

nanmoins

s-

avoir

tranches

les larges

sont envies par les amateurs avides.


Bientt,

nombre de curieux

cercle autour de

M.

Gillis et

indignes, appuys sur leurs fusils, font

des blancs qui l'accompagnent, entre autres

un Belge, M. Delcommune,

plus ancien de tous les Belges prsents

le

au Congo.

M. Delcommune, employ de
rsidait depuis plusieurs annes

fleuve,

de

la

langue indigne, du
iM.

et

Braud,

les localits diverses situes sur le

Ce dernier
les

fiol,

lui

permettait de servir

d'interprte

Gillis.

avait l'intention

des produits

maison franaise Daumas

dans

o cette maison comptait diffrents comptoirs. Sa connaissance

habile

dont

la

de marchander, d'acheter

sur le march de Soma, pour

tals

mme

plusieurs

juger de la faon

ngres procdaient leurs transactions commerciales.

cette intention,

il

s'tait

muni de

pices d'toffes, d'articles de fabri-

monnaie courante du pa\'s, objets de sduction pour


les ngres marchands.
Le vendeur noir est en gnral habile en affaires; il sait parfaitement
cation europenne,

demande quelquefois l'aexorbitants. Un de ses avantages sur

estimer la valeur locale d'une denre, bien


cheteur, avec intention, des prix
le

blanc,

c'est

qu'il

qu'il

ne lient jamais compte du temps

qu'il

dpense en

pourparlers, en marchandages, en discussions oiseuses, en dbats outre

par lasser

la

ciant avec lui. L'adage amricain Times

is

mesure qui

finissent toujours

cours au Congo.

patience de l'Europen ngoinojiey n'est

pas prs d'avoir

^r"'

PMias

Editeur Bi-uxeies,
Itnp

Au March de Soma

A M*;ireits Brux-aUe-

LES BELGES DANS

C'est aussi par suite


les

CENTRALE

L'Al-RIQL'E

de cette insouciance de

la

valeur du temps que

ngres sont incapables de comprendre pourquoi

davantage

les

denres apportes

la factorerie,

I2f)

que

les
les

blancs payent

mmes

denres

achetes sur un march.


Cette

excursion

mire tude

il

sur

le

marcIi de

comprit, d'aprs

de bouteilles de gin

faites

et

M.

cites,

que

cours sur

le tafia, le gin,
le

encore

march ngre

les

de

pour M.

une pre-

Gillis

lui

furent

en change des marchandises

solli-

GILLIS.

gin et

le

fut

nombreuses demandes qui

tafia,

ADOLPHE

elles

Soma

le tafia,

sont des valeurs d'un haut

exercent une fascination relle sur les

palais toujours altrs des noirs, dj griss par les acres vapeurs de l'iamba.

Exceptionnellement, on rencontre des indignes assez sages pour prfrer


les tofl;es l'alcool,

dont

la qualit

au Congo rside surtout dans

l'clat

de

l'tiquette colle la bouteille. Plus cette tiquette est colorie, plus elle

frappe

l'il

du ngre par

ses tons vifs, blouissants

vert, etc., plus elle sduit le noir...


LES BELGES, n.

de carmin,

d'or,

de

Les liqueurs Cusenier n'auraient pas au


if

CHAPITRE SXIME

130

Congo

la

valeur de certaines drogues inqualifiables qu'un distillateur plus

ou moins consciencieux aurait eu


flacons entours d'une

immense

la

prcaution d'introduire dans des

tiquette multicolore, reprsentant

superbe Bacchus cheval sur un tonneau

un

et entour de ses attributions

mythologiques.

De retour

Boma, M.

Gillis assista

aux transactions commerciales des

blancs des factoreries avec les traitants indignes.


Certains jours, ds le matin, les noirs descendaient en longues colonnes
vers

chargs des produits

le village,

ssame

l'orseille, le

en porte devant

venaient vendre aux Europens,

et surtout les arachides.

Les vendeurs allaient de porte

tablissements commerciaux, et s'arrtaient suivant les

les

articles qu'ils dsiraient

en change.

Les comptoirs Braud


vieux

qu'ils

fusils pierre,

et

Daumas possdaient un

stock considrable de

qui avaient autrefois encombr les arsenaux franais:

d'arachides venaient-ils en grand

aussi les porteurs

nombre

solliciter

l'change aux chefs de ces maisons.

Lorsque
dans

les

le

blanc tait dcid acheter, les porteurs taient introduits

cours de

la factorerie, et le

personnel s'occupait percevoir et

peser les sacs de marchandises Cette dernire opration se

minutieusement,

les

faisait

trs

blancs ne devaient point cesser de surveiller leurs

serviteurs noirs, qui parfois d'accord avec les vendeurs essa3'aient de poser
le

pied sur la balance, ou de repasser deux fois le

Le payement

s'effectuait ensuite

des porteurs d'arachides. L'un trouvait que


n'tait

Un

sac.

le fusil

qu'on lui remettait

pas assez luisant, l'autre qu'il ne chantait pas bien, c'est--dire que

la batterie

qu'on

mme

au milieu des rcriminations tapageuses

ne rsonnait pas avec assez de force.

troisime
lui avait

murmurait au

du pot eau aux fleurs dcolores


un ngre rbarbatif grimaait en s'escri-

sujet

octroy; plus loin,

mant sur un cadenas dont la clef rouille ne jouait pas dans la serrure...
Le tumulte durait ainsi des heures entires, mais peu peu les ngres, sans
autre satisfaction que celle d'avoir cri, se taisaient et repartaient
vers l'intrieur, bien dcids
la

recommencer

le soir

leur transport d'arachides

prochaine occasion.

A Boma,

parvenaient rarement des fractions de chimboucks d'ivoire,

que nous avons vu

se diriger plus spcialement vers les villes de la cte

occidentale.

Cependant quelques dfenses de grande taille, certaines quantits de


cet ivoire moelleux appel ivoire gris d'argent, trs recherch des industriels

d'Europe, taient apportes Boma. Cet ivoire conserve sa blancheur

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

et

ne jaunit pas avec

et

de

la cte

temps.

le

diffre sous ce rapport

Il

131

de celui de

l'Asie

occidentale d'Afrique.

Les indignes venus des contres qui s'tendent au loin dans

sud de

le

Borna, apprirent M. Gillis l'existence de richesses minrales aussi abon-

dantes que varies.

Dans
tantes

on signalait des mines de cuivre trs impor-

l'intrieur des terres,


le

minerai de carbonate de cuivre ou de malachite,

3'

tait trs riche

abondant. Quelques chantillons de cette malachite, belle

et trs

et

bien

veine, furent remis l'Europen.

Le

fer, ainsi

que l'indiquaient

dignes, devait tre trs

armes

commun; on

lui-mme

naturel. L'or

l'tat

les

le

et les ustensiles forgs

par

rencontrait, parat-il, en

pailletait le

lit

les in-

oxyde

des rivires qui arrosent

et
les

rgions mridionales du Congo. Le cuivre jaune, apprci par les indignes


l'gal de

l'or, s'y

Le centre

trouvait

africain, riche

l'tat natif.

en mtaux de toute nature, recelait sans nul

doute, dans les entrailles de ses terres, des pierres prcieuses, des diamants
peut-tre, l'instar

Qui
aux

sait,

rives

du

du Cap.

pa^'s

se trouvait en droit de penser le

du Congo,

si le

sillonn par des voies de

premier spculateur belge

bassin de ce fleuve gigantesque, explor

un

communication sres

par une

et rapides, visit

population active et intelligente, n'oprera pas dans

qu'amena

tion analogue celle


et

de

la Californie

la

le

monde une

jour,

rvolu-

dcouverte des mines d'or de l'Australie

En attendant des promesses

lgitimes, des certitudes de richesses futures

miroitaient aux yeux de l'explorateur supputant une une les ressources


illimites des rives

du

fleuve.

dans une rgion agricole,

exigeant en Belgique,

exposs

les

le

du

sol,

le

dfrichement des

il

savait aussi a quelles influences

pluie, scheresse, tempte, neige, grle, gele, sont

champs ensemencs. Ses nombreux voyages

les Belges,

bois, le

drainage, l'emploi des engrais et autres

fertiliser les terres;

pernicieuses du climat

que

n'ignorait pas quel labeur sans relche

la fertilisation

labour multiple des terres,

matires propres

il

passs matres dans

l'art et la

lui

avaient appris

pratique agricoles, avaient

su par une intelligente et opinitre persvrance rendre productifs et

fconds

les terrains

mme

les

plus arides de leur

rapport de l'agriculture, se plaait en Europe au


les plus vastes et les

Adolphe

mieux

Gillis passait

royaume

mme

qui, suus le

rang que

les Etats

cultivs.

en revue

et rcapitulait les

avantages que ses com-

CHAPITRE SIXIEME

1^2

patriotes pourraient retirer des cultures de tout genre auxquelles se prtait

l'immense rgion arrose par

Avec une

le

somme minime

fleuve africain.

de

ture, source

la

les

conomique des peuples

richesse

europen

d'efforts, le cultivateur

de magnifiques rsultats en appliquant au Congo

ai'riverait

progrs de l'agricul-

civiliss,

mre de

l'in-

du commerce.
Assurment un ouvrier blanc ne pourrait pas, sans compromettre sa
sant, travailler aussi longuement et s'appliquer d'aussi rudes besognes
dustrie et

qu'en Europe; mais

il

n'y aurait

pour

lui

aucun inconvnient, aux heures

moins brlantes du jour, transformer l'aide de la charrue de vastes


espaces d'une terre o se dveloppe une vgtation prodigieuse.

les

La nature assure ce pays


une des premires places dans

privilgi
la

du Congo

la possibilit

d'obtenir

branche agricole, sous l'impulsion d'une

population instruite et laborieuse.

Le

canne sucre,

caf, la

seille, le crin

mais,

le

le

manioc,

le tabac, les

arachides, l'or-

vgtal, le lin, le chanvre, mille varits utiles de palmiers,

croissent l'tat primitif avec

une richesse de vgtation sans

gale, et sans

exiger de l'indigne insouciant et ignorant des soins assidus.

Les forts de cette contre possdent des bois prcieux pour


tion des
les

meubles de luxe

papyrus,

Dans

le

les valles,

moutons

et

et

caoutchouc,

les

gommiers,

les

l'bne,

sur les flancs des collines, d'innombrables troupeaux de

de chvres trouveraient une pture abondante

et

gnreuse au

les

saisons plu-

peaux de ces animaux ajouteraient en outre leur

vieuses. Les toisons et les

productif contingent aux autres branches d'exportation de

Toutes ces ressources que prvoyait l'exprience de M.


les

baobabs.

milieu des herbages, prairies naturelles fertilises par

pour tenter

la fabrica-

des meubles de premire ncessit

nombreux

Gillis

la

contre.

sont bien faites

dshrits qui vgtent et rvent dans les bas-

fonds de notre socit contemporaine.

Trop souvent d'audacieux

m3'stificateurs abusent de la crdulit nave

de leurs lecteurs ou de leurs auditeurs en exagrant


trsors certains pays d'outre-mer. Mais

de voyageurs dignes de
le

foi

que nous numrons

ici,

Congo, quelques-unes des ressources que peut

aux besoins des peuples europens.


Homme d'affaires expriment et
avantages considrables de
tion sa

personne

non seulement

et

mme

la

les

promesses

et les

c'est d'aprs les rcits authentiques

rflchi,

dans notre ouvrage sur

offrir ce

Gillis

pays

l'activit,

reconnut bien vite

les

rgion, et se flicita d'avoir expos sans hsita-

son patrimoine au profit d'une cause intressant

ses propres

commanditaires, mais encore ses concitoyens.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

S'il

faut en effet

rompre

de longues annes pour dterminer certains peuples

parfois avec des habitudes casanires dues

accordent

le sol

I3

sur lequel

ils

aux

vivent, le ciel sous lequel

privilg-es
ils

que leur

respirent,

pas moins incontestable, notre poque, que les migrations de ces


peuples sont devenues plus frquentes,
futaies, plus invitables,

nous dirons

et

mme

il

n'est

mmes

sont chaque jour rendues plus


plus ncessaires.

LE CRIN VEGETAL.

Au dix-neuvime
mappe monde des

sicle,

l'Europe a vu de toutes parts grandir sur

la

tats devenus aujourd'hui pour ses nations diverses

des concurrents redoutables, des menaces d'amoindrissement de richesse,


des prvisions

mme

de ruine

activit et leur intelligence les

si les

Europens ne cherchent pas dans leur

moyens de

l'viter.

CHAPITRE SIXIME

13)

D'autre part,

monde

continent civilis du vieux

le

assiste,

longue paix durable encore entre ces peuples rivaux,

la lutte

bruyante, mais terrible, que ces nations se livrent sur

le

depuis

la

sourde, non

terrain de la pro-

duction industrielle et de l'change commercial.

Les besoins matriels ont augment pour l'homme, mais l'accroissement


de

dpass cette augmentation.

la 2:)roduction a

L'ardeur du bien-tre,
les

la soif

du mieux,

se sont infiltres aussi dans toutes

masses, dans toutes les classes sociales...

Cependant tous

les

enfants des pays prospres ne peuvent jouir au

degr des faveurs de

la

civilisation,

bienfaits qu'ils connaissent,

demander

dsirent, et qu'ils vont quelquefois

mme
qu'ils

des contres lointaines,

inexplores, en voguant au del des mers, au risque

le

plus souvent de

cruelles dsillusions.

Le progrs

La

impos cette ncessit d'migration aux peuples d'Europe.

science, faisant disparatre par la

vapeur

et l'lectricit les distances

gographiques,
a permis ces peuples d'amliorer leur existence sous tous
b
les

rapports,

en parsemant de missions vangliques, de colonies, de

comptoirs, de stations navales, de lieux de dportation, etc., tous les points

de l'immense univers.

La Belgique ne peut
le

se soustraire aujourd'hui ni l'obligation cre par

progrs, ni au devoir de profiter des avantages offerts par la science.

Aussi lorsque M.
triotes, les facilits

Gillis retraa

dans ses

lettres adresses ses

que rencontrei'aient au Congo

pour changer leurs

diffrents

tissus, coutils, cretonnes,

articles

de

fabrication

armes, alcools, verreries,

coutellerie,

etc., etc.,

contre des

cargaisons entires de manioc, bananes, caoutchouc, ivoire, bois,


et autres

compa-

les industriels belges

gommes

matires premires susceptibles de donner au commerce belge un

nouvel essor

et d'offrir la

chimie de nouvelles dcouvertes applicables

l'industrie et l'conomie des individus,

il

vice ses compatriotes et de pouvoir les

avait la certitude de rendre ser-

amener

suivre

son exemple.

Rentr en Europe aprs son voyage d'tudes commerciales au Congo, M.


Gillis

fit

part de ses observations aux commerants et aux industriels de la

Belgique dans une confrence donne l'Union syndicale de Bruxelles.


Ses concitoyens hsitaient toutefois courir
rives lointaines

les

du Congo. Le plus grand nombre

tentatives diriges vers le centre africain

chances de
critiquait

selon d'autres,

le

la

fortune au.x

amrement

les

Comit d'tudes

ne parviendrait jamais crer des dbouchs srieux aux produits manufacturs de

La Socit

Europe. Quelle hrsie

internationale cre par S. M.

le

Roi des Belges pouvait encou-

LES BELGES DANS LAFRIQUE CENTRALE

rager au Congo les efforts des commerants, mais son

sivement philanthropique et scientifique


toute opration aj'ant

un

135

programme

exclu-

lui interdisait d'intervenir

dans

quelconque de spculation financire.

objectif

Les promoteurs du Comit d'tudes fondaient une grande uvre humanitaire; ils

ne voulaient point monter une grande affaire commerciale.

Cette dernire phrase, crite pour rfuter certaines allusions pamphl-

par une plume anonyme contre

taires diriges

peut tre plus explicite

africain,

et

les

caine et t constitue en entreprise particulire dans


elle

travaux du Comit

plus complte encore. Si l'uvre afri-

un but

spculateur,

et pris son service des agents, des industriels, des ngociants, des

hommes rompus aux transactions financires et commerciales; dans


n'ayant en vue qu'un intrt
coffres

dans

un

de quelques-uns,

les

lui

elle n'et

pas rencontr dans

les

rangs de l'arme,

cur prt

lui sacrifier sa vie,

donner l'appui de son

nom

et

un seul

homme

de sa fortune, un

le

La

jaloux

seul

nieur dsireux, au prix de sa sant ou de son dernier souffle, de

der

ce cas,

financier, ne songeantqu' empiirles

plus hautes sphres sociales, dans les classes d'lite de la Belgique,

seul oflBcier de

de

purement

lui

ing-

accor-

concours entirement dvou de son talent.

cupidit, l'amour

du

gendrent parfois l'audace;


seules les

gain, la passion
la

grandeur

dvouements sublimes,

le

du lucre. Sa Majest

et la

l'.Argent, en-

noblesse d'une cause inspirent

dsintJressement pouss jusqu' l'abn-

gation, le courage qui va jusqu' l'hrosme, tous les sentiments qui font
les martyrs...

Mais tandis que


nieur belge

de fonder un premier

Gillis tudiait la possibilit

sement commercial belge aux

Van Schendel,

rives

du Congo

et

tablis-

que Stanley, aid de

l'ing-

enfonait les premiers jalons de la route ardue de

Vivi Issanghila, point extrme atteint par Tuckey en 1816, quatre vaillants
pionniers belges, enrls volontaires sous la bannire du Comit d'tudes

en qualit d'adjoints

la

premire expdition guide par

teur anglais, s'embarquaient Liverpool sur

le

l'illustre

vapeur Gaboon,

explora-

le 15

aot

1S80.

C'taient

MM.

rgiment de

Paul Nve, ingnieur; Cari Braconnier, capitaine au

4""=

Harou, lieutenant au

5""=

lanciers, adjoint d'tat-major; 'Victor

rgiment de ligne; Louis Valcke, lieutenant au rgiment du gnie. Avec


eux M. Pierre Van den Bogaerde, lieutenant-colonel du gnie, atteindra

Congo, o
(1)

il

est

M. Van Neste

dtach en mission spciale

d'tudes.

(i).

(Pierre), lieutenant de vaisseau, se trouvait aussi

nation du Congo, o

il

le

bord du Biafra en desti-

arriva pour passer seulement quelques semaines

au service du Comit

CHAPITRE SIXIME

136

Les voyageurs long-rent sur

Bonny

jusqu'

le

Gaboon

cte occidentale d'Afi-i:|ue

la

du Niger)

( l'embouchure

prirent place sur

ils

steamer Biafra, touchrent avec ce navire Fernando-P, puis

coude au nord dans

le

Vieux Calabar, passrent par

par Landana, et poursuivirent leur route vers

Le

3 octobre, la terre n'tait

le

le

Gabon, par Loango,

sud.

pas encore visible, mais

les

passagers du

Biafra, jDrvcnus de son voisinage, s'attendaient chaque minute

merger du

un

le

un

firent

sein des flots, l'horizon. Les vagues

voir

la

de l'Ocan, coupes par

large et fort courant, se brisaient aux rivages de nombreuses

les flot-

tantes formes de paille et d'arbustes maintenus droits par leurs racines

Le courant

entrelaces.

eaux brunes, sales

et

De grandes algues
formaient comme un

charriait des buissons et des troncs d'arbres; ses

boueuses tranchaient sur

et

la teinte

verdtre de

des dtritus de tout genre, mls

lit.

la

mer.

mousse,

la

lui

Le mugissement formidable de son cours ressem-

au bruit d'un torrent furieux qui bondit travers


Soudain les passagers du Biafra distinguent dans

blait

les rochers.

brumes vapo-

les

reuses, limites de leur horizon, des points noirs minuscules, des cimes do

grands arbres, qui peu peu grossissant, se multipliant,


forment autant

d'lots boiss

s'largissant,

qui s'enchanent, se runissent et dessinent

ensuite une longue ligne noirtre, baigne dans les eaux d'un tleuve
la terre

du Congo

c'est

Le cap Padron, Shark-Point, les parages rcemment admirs par les


passagers du Barga. apparaissent aux voyageurs qu'un frisson d'motion
pntre et qui n'ont pas assez de regards pour contempler l'harmonieux

ensemble du splendide panorama droul sous leurs yeux.


Bientt le Biafra stoppe dans la crique de la factorerie hollandaise de

Banana;

les

maison de
le

la

traitement

agents du Comit d'tudes dbarquent et trouvent dans


socit Pinckoff, de
le

tionale africaine avait confi la

aux besoins de

Rotterdam,

logement,

maison hollandaise

La
le

la

nourriture,

socit interna-

soin de pourvoir

ses agents en Afrique.

Le lendemain, prs des flancs du Biafra,


la flottille

le

plu? confortable des pays quatoriaux.

la

la

Belgique, gracieux steamer de

de Stanley, se balanait l'ancre dans

les

eaux calmes de

la baie.

La Belgique! un vivant rappel de la patrie, une lgion de souvenirs passs,


mais aussi une sensation douloureuse pour la patriotique phalange belge
le pavillon qui reprsentait censment l'arrire de ce navire le drapeau
;

national rouge, jaune noir, n'tait plus qu'une loque dchire, d'un noir

douteux;

le

capitaine de

Trois jours passs

la

Belgique tait

B.mana

et

un commis de bureau amricain

employs

la

concentration des lments

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

ncessaires leurs tapes futures initirent les

nouveaux venus aux dsa-

grments invitables, mais surmontables, de l'existence sur


cales.

Cependant

les lzards, les

laquelle

ils

des voyageurs;

les

les terres tropi-

araignes gigantesques, les insectes varis,

qui partageaient sans faon, sans invitation pralable,


les boissons

137

rudes intempries de

la

la

couche, les repas,

saison au cours de

parvenaient au Congo; des circonstances plus dcourageantes

survenues durant leur sjour Banana

M.

compagnon de M.

Gillis, et la

ne purent branler

la

la

mort de M.

Jeoffroy, ingnieur

PAUL NEVE.

dmission de M. Van Neste, agent du Comit,

ferme rsolution prise par

Harou, Valcke, de remplir jusqu'au bout

l'objet

de

MM.
la

Nve, Braconnier,

mission eux confie,

la russite de laquelle l'avenir et la fortune de l'uvre africaine, dont la


gloire doit rejaillir sur le Roi et la nation belges, se liaient indissolublement.

Paul Nve

tait

la

Hulpe

le

19

dcembre

185

plus brillantes tudes et pass tous ses exam.ens avec


tion,

il

sortit

premier de l'cole des mines en

LES BELGES.

II.

1877.

1.

la

Aprs avoir

fait les

plus grande distinc-

Trois ans plus tard

il

SIXIME

CHAPITRi:

ijS

occupait

ncur

Tcrmonde

d'ctrc

le

poste d'ingnieur

envoy en Afrique o nous

pi-(3vincial. lorsqu'il sollicita l'h jn-

le

retrouvons, agr par

Comit

le

d'tudes, en qualit d'ingnieur attach la premire expdition au Congo.

Ses compagnons, Braconnier, Harou, \'alcke, sont tous trois officiers de


l'arme belge;

ils

ont grandi, conquis leurs grades respectifs

devoir et de l'abngation, palladium de

de

celte socit d'lite

trale,

bien des

patrie

hros

hommes

noms

la

Le 6 octobre

sein

enthousiastes et dsintresss, rentrs dans leur

ou tombs l-bas martyrs immortels.

la liste

Civilisation

Ils

vont

des soldats belges qui ont pay de leurs souf-

de leur sant, parfois de leur

Annales de

du royaume, au

neutralit

du

d'o se sont lancs avant eux vers l'Afrique cen-

illustres,

ajouter leurs
frances,

la

l'cole

vie,

les glorieuses

noire transmettront

1880, les ex-passagers

du Bia/m,

pages que

postrit

la

l'exception de

Neste, partaient bord de la Belgique, pour remonter

le

Congo

les

M. Van

et rejoindre

Stanley.

Un

accident arriv

la

machine fora

le

steamer stopper Ponta da

Lenha. Paul Nve, appliquant pratiquement ses connaissances techniques


d'ingnieur, passa toute la nuit au travail pour remettre en parfait tat

prcieux engin de locomotion, qui,

le

\'ivi

son quipage

et

Cette station, alors


tait

le 8

octobre au soir, dbarquait a

son chargement.

commande par M. Sparhawk, un

une population ngre de soixante-douze habitants

.\mericain,

comp-

interprtes, chefs,

cultivateurs, gardiens, blanchisseurs, cuisiniers, ouvriers divers.

Les crocodiles

de

la station

s'taient

permis de frquentes excursions dans

de Vivi, et lorsque arrivrent

les

membres

les

parages

retardataires de

premire expdition ces animaux amphibies avaient dj dvor deux


ngres camps A'ivi et anc favori de Al. Stanle}'.

la

Les nes sont autant de forces trs apprcies dans ces rgions lointaines,

le

cheval ne se rencontre pas, ce qu'il ne faut pas attribuer, sui-

vant nous, l'abondance des mouches tsets. Ces nes, petits, mais rudes a
la

peine, qui transportent jusqu' cent livres anglaises de marchandises a

travei's les sentiers les

peu rapide

La

et

plus prilleux et les plus abrupts,

ont

une allure

sont gnralement fort dociles.

cavalerie de

campagne de

la

premire expdition du Comit d'tudes,

comprenait un nombi'e assez considrable de ces nes, ainsi que de fortes


mules, magnifiques btes achetes Tnriffe et pouvant porter aisment

une charge de 150 200 livres anglaises.


Ds le 9 dcembre, une caravane commande par llarou

qui,

malade, s'apprtait a aller par voie dterre vers Issanghih,

bien que

la i-encoatre

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

de Stanley. Paul Neve devait

La

laire partie

station de Vivi prsentait ce jour-l

139

de cette marche aventureuse.

une animation

Le per-

inusite.

sonnel noir tait fort occup charg'er les animaux porteurs des bagages
des blancs et de leur matriel.

Les nes acceptaient, sans trop regimber,


imposes; mais
cile

les

mules,

si

de placer sur leur dos

paratifs

de dpart

les travailleurs

durs

les

charges qui leur taient


qu'il tait assez diffi-

lourds fardeaux, se prtaient mal ces pr-

et gratifiaient

de nombreuses ruades tort et travers

qui les approchaient. Heureusement les Zanzibarites, assez

et trs adroits, faisaient

de pied

les

hautes sur leurs jambes

qu'ils attrapaient

mine, par orgueil, de ne pas sentir

de

et del, et activaient le

LE BAS CONGO AUX ENVIRONS DE

dans

Les petits nes, peu

les sentiers tortueux, troits,

passages des ngres, et indiquant

la

vane, dont quelques-unes servent de

Quelles montures!

Il

faut

pour

coups

VIVI.

Aprs deux longues heures employes ces prparatifs,


enfin s'branler.

les

chargement.

rtifs,

la

caravane peut

s'engagent les

en zigzags, tracs par

les

premiers
frquents

route suivre aux mules de

la

cara-

monture aux voyageurs.

les tenir

en respect dans

la voie troite

passage est possible,toute l'habilet, toute l'exprience de cavaliers achevs,


de vrais muletiers espagnols. .A chaque instant les mules indociles cher-

chent s'carter du sentier;


crtes les plus leves,

elles

s'chappent sur les cots, franchissent les

foltrent

droite

et

gauche, se livrent aux

CHAPITRE SIXIEME

140

courses

plus iuribondes, les plus cheveles, entremlant leurs bats

les

de ruades,

de tout genre, qui aboutissent des dgringo-

batailles, sauts

lades continuelles de l'une ou l'autre charge; et durant


jusqu' ce

que

la fatigue ait

abattu leur fougue,

besogne impose par ces

le

cours ne l'tape,

constamment nouvelle

c'est

solipdes aux noirs et aux

rtifs

blancs de

l'expdition.

Le chemin que Stanley a trac au del de Vivi, est devenu presque


impraticable; la saison des pluies a transform en torrents profonds et

moindres

rapides, o les crocodiles ont lu domicile, les

sillonnent

indique,

la

le

ruisselets qui le

caravane de llarou doit donc forcment suivre

sentier des ngres qui se droule en serpentant

endroits o les dtours n'ont aucune raison d'tre.

Il

peine

la piste

mme

aux

de con-

est curieux

marche des indignes ne


un parcours de plus de dix mtres cependant ces

stater qu'en Afrique jamais sentier trac par la

gardera

la

ligne droite sur

zigzags ne semblent pas avoir pour but

d'viter les obstacles, car le sillon

durci passe partout, au fond des prcipices ravins

montagnes, montant
passages

et

descendant

les

pentes

comme au sommet

des

plus raides, traversant les

les

les plus inextricables.

La route que suivit la caravane belge a t pratique au milieu des rocs,


dans un cailloutis de quartz trs pn.ble pour la marche; ce ne sont
qu'escaliers, crtes et pics abrupts parfois elle traverse un plateau o l'herbe
atteint plus de deux mtres de hauteur, plus loin un coin de valle change
;

en

lit

de torrent. Parfois

diculaires

dans

tailles

et

les

berges des cours d'eau sont presque perpenle roc;

les

mules hsitent franchir ces pas-

sages o elles risquent de se briser les jambes;


glaise, la difficult est

obstacles sans

tout aussi srieuse;

nombre pour diminuer

la

il

les rives sont

si

en terre

surmonter partout des

faut

distance qui spare Stanley des

marcheurs.

Le

1 1

dcembre, l'expdition atteignit

la rivire

Boundi en

face laquelle

camp de

Stanley avait, quelques mois auparavant, tabli un

repos.

l'en-

droit o les voyageurs se trouvaient, cette rivire se bifurque et forme


deux bras importants dont la traverse est difficile. Ce cours d'eau roule
au milieu d'une vritable fort: ses bords sont constitus par une terre grasse
et la

pente en est

dcharger nes

et

Quant aux btes

si

glissante

mules

et

que

l'on

transporter

de somme, on

les

ne peut
la

s'y tenir

debout.

Il

faut

cargaison l'aide d'un radeau.

pousse dans

la rivire

elles n'entrent

hommes cherchent un endroit guable ou quelque


des racines de paltuviers, et ils gagnent non sans
par
form
pont naturel
peine l'autre rive, en vitant prudemment les nombreux crocodiles dont
qu'avec terreur; les

ils

troublent

le

repos.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Enfin, tant bien

que mal,

les

animaux eux-mmes ont

fini

sur la rive oppose; les noirs procdent au rechargement,

reforme et se remet en marche travers

la fort. Ici

141

la

par atterrir

caravane se

nouveaux embarras,

nouvelles fatigues; les charges des btes s'accrochent aux lianes, aux arbustes, aux ronces pineuses, et ce n'est qu'a coups de couteau et de hache

que

l'on

parvient les dgager.

Contretemps, ennuis, accidents de toutes sortes, rien ne devait manquer


a la premire colonne des Belges au

mire tape,

ils

faisaient

Congo

et

ample connaissance avec

ds

le

dbut, ds

les difficults

cours de toute expdition africaine. Quelle rude cole, et combien

mme
La

la

pre-

semes au
elle est

d'aguerrir et de doubler l'exprience de voj'ageurs europens

Boundi franchie,

rivire

la

commande par Harou

caravane

se trouvait

Pamborgolo, ancien camp de Stanley, dans une petite plame au bord de

l'eau.

Pamborgolo ressemblait

un

abandonn:

village

les huttes vides for-

maient un demi-cercle au centre duquel se dressait une tente gigantesque.


Les voyageurs en prirent possession

Encore une de ces nuits o

le

et s'y installrent

sommeil

pour passer
o

est impossible,

les

la nuit.

hommes

blancs servent de pture aux myriades de moustiques et d'insectes qui sont


les

htes malencontreux de cette rgion.

bien que

En outre

la

oui.

le froid,

25' 27

succdant aux fortes chaleurs

au-dessus de zro, au cours de cette nuit-l

de

le froid.

thermomtre centigrade et marqu au moins de

le

journe, faisait grelotter les voyageurs. Paul Nve, Pamborlogo,

prouva

les atteintes

du mal qui devait

l'enlever;

nanmoins

il

partit coura-

geusement en avant-garde le lendemain matin, la rencontre de Stanlev.


L'agent suprieur du Comit d'tudes, ayant laissi Mvi ds les premiers
jours de

mars

1880, avait,

marquant chacune de

ses tapes de dcouvertes

nouvelles, de fatigues incessantes, d'incidents de tout genre inhrents

toutes les explorations des pays sauvages et incultes de l'Afrique, franchi

successiyement

la

rivire

Loa, escalad

N'iammba-N'lammba, travers
visit les

les

les villages

hauts et puissants chefs des peuplades indignes de ces contres,

sans avoir utiliser, autrement que contre

armes
Sans

s'irriter,

du

fauves ou les oiseaux, les

sans gmir des tortures frquentes de

soleil,

contre lesquelles

ils

cte

occidentale s'taient

l'explorateur.

la

faim, des ardeurs

opposaient parfois l'ombre avare

d'un buisson chtif ou d'un acacia rabougri,


la

les

de guerre de son escorte noire.

irritantes

de

hautes collines boises de

de Bannza-Mouko, Mgangila,

les

Zanzibarites et les ngres

montrs des compagnons dvous de

CHAPITRE SIXIME

142

Mais

hi

marche en avant de Stanley

des haltes, des excursions droite et


entre Vivi et Issanghila. et des alles et

couru depuis

Le 24

frquemment retarde par


gauche de la route qu'il traait
venues sur le chemin dj par-

avait t

Vivi.

novembre Stanley,

agrablement surpris par

arrt aux

villa,;,'-es

de Ndambi-Mbongo,

tait

d'un jeune officier de l'arme belge,

la visite

le

un de nos passagers du Diafra, qui avait devanc Paul


Valcke arrivait point pour dtruire un obstacle, consi-

lieutenant Valcke,

Nve

et Ilarou.

drable qui s'opposait

la

marche de Stanley.

Ndambi-Mbongo, Stanley se retrouvait sur

Congo, en face de

la

la rive

chute de Nsongo-Yellala. Le courant

tait

cet endroit par des rochers de quartz et de grs, bases d'une


pic, qui

dterminaient un remous

plus d'un mille,

le

En amont de
par Stanlcv du

du fleuve

droite

obstru en

montagne

imptueux que, sur une longueur de

si

fleuve tait transform en

un rapide

prilleux.

ce point apparaissent les premires cataractes baptises

de Chutes Livingstone. Elles sont au nombre de

nom

trente-deux.

Le Congo y franchit la chane ctire de l'Afrique occidentale dans un


lit enserr, dchir, form de terrasses rocheuses, o roulent des eaux
tumultueuses tombant de rapide en rapide.
La largeur du Congo, qui mesurait prs de l'ocan Atlantique jusqu' 17
kilomtres, n'atteint plus en certains points que 425 mtres, c'est--dire la

largeur de l'Escaut devant Anvers.

du fleuve un gigantesque escalier s'levant


en zigzags du fond d'un prcipice aux parois leves, ayant trente-deux
marches irrgulires formes par des blocs de toutes formes et de toutes
dimensions; sa hauteur serait de deux cents mtres, et sa longueur de

On

peut comparer

soixante-quinze lieues

le lit

La premire de ces chutes commence en aval de Vivi, la dernire est


celle de Ntamo, immdiatement la sortie de Stanley-Pool.
Prs de la chute de Nsongo, c'est Valcke que Stanley confia le soin de
faire sauter

un monstre de granit;

cette tentative qu'elle fut

couronne

Le matriel naval port par


de reprendre

la

l'officier

de gnie dirigea

si

habilement

d'un plein succs.

l'escorte

navigation fluviale, et

de Stanley fut radoub, mis en tat


le

Royal, le beau petit yacht de la

du Congo, don de S. M. Lopold II, put transborder sur la rive


du
fleuve les lments divers de ce corps expdit'onnaire, avantgauche

flottille

garde de

la

premire expdition.

Les naturels de Ndambi-Mbongo

et

ceux d'Issanghila, point assez rappro-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

145

chute de Nsongo, qui avaient assist l'exploit de mineur de


Valcke, applaudirent la formidable explosion suivie de l'boulement de
la montagne, et dans leur enthousiasme ils baptisrent l'homme blanc du
ch de

la

nom de

buLi malari,

"

briseur de rochers

le

belge, prouv par

L'officier

les fatigues

d'un rapide voyage, ne tardait

pas payer au climatquatorial son tribut de fivres et de maladies.

Aprs

l'officier

camp de Khonzo, retrouver Stanley


premier

Le

Nve devait prs de Nsongo, au


lui rendre aussi ds son arrive un

belge, l'ingnieur Paul


et

et signal service.

dcembre, Paul Nve se prsentait devant Stanley.

14

L'explorateur anglais, dont nous avons longuement parl dj dans notre

ouvrage, sans avoir jusqu'ici esquiss son signalement physique, est un


homme de taille moyenne, trapu, osseux, trs nerveux; sa figure est nergique, sa voix forte et imprieuse, ses cheveux presque entirement gris;

possde

don de juger d'un coup

le

d'il les

hommes

qu'il

il

rencontre aux

hasards de sa vie aventureuse; ses grands yeux gris perants sondent pro-

fondment

les qualits

peu

srieux,

expansif,

mauvaises que

morales de l'individu sur lequel


il

ils

s'attachent

trs

manifeste fort peu les impressions bonnes ou

personnes avec lesquelles

lui laissent les

a t en rapiDorts

il

verbaux.

Le

14 dcembre, Stanley portait sur Paul

Nve

le

jugementsuivant: Jeune

ingnieur trs intelligent, l'apparence plutt dlicate, mais extrmement

bon garon.
Paul Nve

tait bien tel

labeurs d'ingnieur de

que Stanley

la

l'avait jug.

Charg de vaquer

ses

premire expdition, Paul Nve, en dpit des


en proie, se mit en devoir de

crises incessantes

de

la fivre

rendre propres

la

navigation tous les bateaux, vapeurs et allges de la

flottille

destine remonter

laquelle

le

il

tait

Congo, depuis

le

canal de

Khonzo jusqu'

Issanghila.

Le montage de VEn avant pour tre sa premire besogne, n'en fut pas moins
rude. N'ayant sa disposition que des ngres, inintelligentes machines,
crivait-il,

incapables de serrer un crou, l'ingnieur dut bien des

de sa personne

Ah

le

et

fois

payer

devenir ouvrier mcanicien ou chauffeur.

Comit d'tudes avait sur

les rives lointaines

du

fleuve quatoriai

des serviteurs loyaux et dvous, qu'aucune tche ne rebutait,

si

dispropor-

tionne qu'elle put tre avec les habitudes antrieures de ceux a qui elle

incombait

Au bout de
voguer

quatre jours,

sui" le fleuve.

le

matriel naval entirement restaur pouvait

Paul Nve s'occupa ds lors du transport en amont

CHAPITRE

144

l'expdition rest en souffrance.

du matriel de

courant

fluviale, le

SIXIEME

tait tel

que pour

Au cours de

remonter

le

il

fallait

cette navigation

frquemment

se

haler l'aide de gros cbles attachs aux arbres qui, battus par de fortes
pluies, venaient baigner

Le 24 dcembre,

dans

l'eau leurs

branches dpouilles.

1880, l'expdition tait runie trois

de Nol

la veille

quarts de mille d'Issanghila.

La contre

plus cette vgtation riche et luxuriante que l'on ren-

n'offrait

contre sur les rives du Congo, voisines de l'Ocan.


L'expdition avait travers de ples tendues couvertes d'herbes sches et
dcolores; et

des piles droches grises, tristes et solennelles; de mai-

gres bouquets d'arbres dcharns couronnant des hauteurs ou masquant


des bas-fonds des valles dsertes troubles par le bruit d'une eau roulant
;

furieuse dans des

lits

de rivires devenues torrents.

Les quelques indignes rencontrs sur ces rives avaient insouciammen


regarde passer sur le fleuve les multiples embarcations d'acier, droulant
sous

leur ondoyant panache de

le ciel

hippopotames,

prudemment

les

monitors, toute

devant

efface

la

fume blanchtre;

la flottille

s'tait

triomphante.

fureur de ses eaux, ses mpoutou-poutou,

Le fleuve seul avait oppos


dangereux et ses tourbillons menaants
la

les crocodiles, les

population aquatique du fleuve

ses rapides

la

marche acclre

des embarcations.

Le

24 dcembre, avons-nous dit, le

camp de

l'expdition fut install

non

dans un pays trs pauvre habit par des indignes trs


rapaces, qui Stanley dut faire distribuer de nombreux bibelots, lances
de fer. couteaux, haches, cuivre, fil de laiton, etc.. pour obtenir en retour
loin d'Issanghila,

des aliments
et

frais,

capables de rparer

les forces

de ses compagnons blancs

de sa nombreuse escorte.

Le vieux chef du

district voisin tait accouru, la nouvelle

de l'arrive

sur ses terres de quelques trangers. Suivi d'une cinquantaine d'indignes


arms de fusils a silex, il rejoignit les membres de l'expdition. Le but de sa
visite tait

de se

avoir la paix

il

un impt Stanley le comprit, et pour


immdiatement ce souverain ngre d'un litre de tafa,

faire octroyer

rgala

orn d'une tiquette dore sur laquelle on lisait < Rhum de la Jamaque
mais fort probablement le liquide trange qu'elle contenait n'avait jamais
>>

brill

sous

Devant

le

le

chaud
camp,

soleil
le

des Antilles

fleuve se ruait

cumant dans un sombre

dfil,

entre des falaises qui revtaient des teintes colores suivant les veines de
roches et la maigre vgtation d'un vert gristre qui s'garait et l sur
leurs pentes abruptes.

LES BELOf..

It.

'9

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

147

Le jour de Nol consacr au repos permit quelques-uns des membres


de l'expdition d'escalader les sommets des hauteurs voisines, d'o la vue

une terre ingrate

s'tendait sur

et dsole, et

pouvait suivre

les

ondulations

d'une chane de collines couvertes de buissons, d'herbes maigres et dcolores.

Sur

la crte

de cette chane, p'usieurs milles vers

village de

Nsannda, ou,

N'sannga

comme on

le

nomme

le

quelquefois,

sud,

le

misrable

Banza Nsannda

montrait ses huttes ressemblant autant de fourmilires.

Le chef de Nsannda, jeune ngre mince, faiblement charpent, grand


chanteur, toujours ivre, tait une ancienne connaissance de l'explorateur

du continent m3'strieux.
Le jour de Nol fut pour l'ingnieur Paul Nve marqu par une recrudescence de fivre. De son

dans

de douleur, puisant assez de forces pour crire

lit

aux

l'atection qu'il portait

siens, l'ingnieur traait les lignes

vantes que nous nous reproduisons


C'est de

mon

famille en fte
le feu ronfle,

que

lit

je revois

ici

textuellement

aujourd'hui

au foyer de mes parents

on devise joyeusement,

du

fois ces veilles

l'on se

c'est le

Oui! Nol est pour bien des heureux


de

mou-

le

ma

patrie,

mes amis, ma

runit certainement ce soir;

beau jour de

beau jour de

soir les parents, les amis,

l'hiver.

l'hiver

mais que

groups autour de

l'tre,

se serrent, se comptent, et retrouvent plus grand, plus douloureux, le vide

qu'a laiss l'absent

Combien

alors les penses d'une mre, d'un pre, d'une

sur, d'un ami, s'envolent tristement vers un cher et courageux

exilc.-

Quelques jours de

rpit, de halte dans ces parages, furent accords


l'expdition place sous le commandement de Valcke. Stanley avait quitt

compagnons pour

ses

aller Vivi la

rencontre du lieutenant-colonel Van

et d'un agent du Comit d'tudes, le capitaine Anderson.


Le lieutenant-colonelVandenBogaerde, charg d'une mission spciale au-

den Bogaerde
prs de

Stanley,

amenait en outre de Tneriffe

le

prcieux renfort de

porteurs quadrupdes dont plusieurs avaient t utiliss par

la

caravane

Harou pour rejoindre Stanley.

Harou et sa troupe indisciphne, que Nve


du Boundi le 12 dcembre, reurent aussi la
nant

le

janvier au

camp

avait laisss sur les bords


visite

de Stanley, retour-

d'Issanghila.

cette poque, le lieutenant Valcke,

rudement prouv par les fatigues


Nous retrouverons au cours

et la maladie, dut reprendre la route de Vivi.

de

cet

ouvrage

qu'il avait

le vaillant officier, rcidiviste africain en dpit des dangers


courus son premier voyage, activement ml aux vnements

du Congo.
Le

18 fvrier,

la

flottille

d'expdition conduite

par Stanley et Paul

CHAPITRE SIXIEME

148

Nve

s'arrta

dans une baie borde de sables

quelques brasses d'une splendide cataracte,

Sur
le

gauche

la

plus haut

s'tendait

s'levait pic l'extrmit

sommet peut

la

une banquette nue

creuse dans

et rocheuse,

le

roc,

peronne d'une chane dont

droite

prcde par une terrasse gales flancs

escarps d'un plateau

La banquette rocheuse tait demi


eaux qu'avaient grossies les pluies du moment.

dominant de douze cents

La

et

Sanngalla de TuckeJ^

avoir neuf cents pieds d'altitude.

zonne, au-dessus de laquelle se dressaient

couverte par les

la

pieds.

cataracte de Sanngalla ou d'Issanghila prsente plusieurs chutes.

L'une a

la

forme d'un croissant

le

long duquel surgissent sept protub-

PKEMIEKE CHUIE DliSANGHlLA.

rances rocheuses, couleur de rouille,


Celle qui est au

et spares

les

unes des autres.

milieu du courant a environ cent yards de longueur


d'lot. Prs de la rive droite se trouve une chute de

et mrite le nom
dix pieds, et au-dessous, peu de distance, une autre de huit.

A gauche

le fleuve se heurtant contre la falaise est rejet brusquement, il tourne


et tombe en vagues tumultueuses dont la srie bondissante se prolonge,
rencontre une le escarpe qui la divise, et le courant va tourbillonner dans

une crique sablonneuse forme au sud de la cataracte.


Des traces de lave abondent dans le voisinage de cette
de chaque

ct les falaises ont l'aspect

d'un feu violent.

cataracte,

et

de roches qui ont subi l'action

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Le

Stanley et Paul Nve fondaient

21 fvrier 1880,

situe en face de cette cataracte, par

longitude

est,

la station d'Issanghila

de latitude sud

et 14 12'

de

quatre-vingt-cinq kilomtres de l'tablissement de Vivi.

Les btiments qui


l'on

5 12'

M9

la

composent dominent

le

sommet d'une hauteur

d'o

dcouvre une vue agrable, contribuant rendre assez plaisant

sjour de la station.

Celle-ci

loigne de tout village ou

prsente cependant

le

le

dsavantage d'tre

march indigne. Les centres populeux sont

rares dans ces parages, le long du fleuve; on les rencontre seulement dans
l'intrieur des terres, en suivant

de sinueux sentiers tracs par

les

ngres

du pays.

DtUXIEME CHUTE D ISSANGHILA.

Les principales

localits sont

Mouato-Zinngh

et

Mouato-'Vouanndou,

habites par une population misrable, vivant de bananes, de manioc amer,


d'arachides, et possdant quelques chvres amaigries qui se repaissent le

plus souvent d'illusions sur les blancs dnuds des collines.


Un chef de la rive gauche, en amont de la cataracte d'Issanghila, est pre
d'un petit garon, un pur albinos, aux yeux bleus, aux cheveux boucls,
la peau rouge. Cet enfant est trs fier de sa couleur, et s'imagine qu'il est,
lui aussi,

un

petit

mundel (chef blanc).

Depuis son arrive au Congo en qualit d'agent suprieur du Comit


d'tudes, Stanley, second dans les derniers mois par les pionniers belges

CIIAP1TR1-:

150

premire expdition, avait ouvert

de

la

de

la civilisation, sur

territoires riverains

2"

3"

du

d'lots

rapides, mais

du Comit.

navig-ation et

aux investigations

fleuve Cong-o.
ainsi

De Banana Borna
De Boma \'ivi
De Vivi Issanghila

aval d'Issanghila,

semes

la

un parcours de deux cent soixante-dix kilomtres, des

Les distances se dcomposent

En

SIXIEME

le

loo kilomtres.
S5

id.

85

id.

fleuve roule ses eaux encore pleines de dangers,

rocheux, de passages trs prilleux, de tourbillons, de


il

n'arrtera pas la navigation de la flottille expditionnaire

CHAPITRE

Le Royal au dpart d'Issanghila.

Entre Kilolo

zima.

N'souki-Kintommba.

et

Paul Nve au camp de Kuvoko.


Danses des siuvagcs dj Ndunga.

buffles.

VII

I-ts

Bassoundi.

Heures de

Harou chasse aux

Prs des rapides d'Itoun-

fivre.

Harou

et

Stanley

Manganga-Nord.

<S.Mf.s l'aprs-midi

du 26

fvrier 18S1

une brise rafrachissante

succdait aux ardeurs du jour, lorsque les bateaux-vapeurs

de

la flottille

l'opale

dans

A bord du

la

du

du Congo,

ciel leurs

le

Royal, l'Eu avanl, lanant vers

noirs nuages de fume, appareillaient

crique d'issanghila.

Roy.il, l'ingnieur

Paul Nve, surmontant par

la force

de sa volont, par l'indomptable dsir d'accomplir son devoir,


martyrisantes de

laj

fivre qui le minait, tenant la

main

les

suprme
tortures

ses outils de

SEPTIME

CHAPITRE

152

aux poignes enveloppes de linge mouill, frappait de

travail

se faisait ouvrier, serrait

un crou, courait

la machine, secondait le

mca-

o sa prsence

nicien, dictait des urdres au chauffeur, se montrait partout


tait utile,

et del,

o son action devenait ncessaire.

Mais bientt, accabl de

fatiij-ue,

Nve

bris par la douleur,

s'affaissait

l'avant du coquet navire qui portait autrefois, sur les vagues mourant la

plage d'Ostende, S. M. Lopold

du

fleuve cataractes

guider

les petits

un

II,

sillage

steamers et

les

L'ingnieur grelottait de froid

et

qui traait alors sur les eaux irrites

phmre

nanmoins pour

assez durable

bateaux a rames qui

suivaient de prs.

le

son sang appauvri par un mal incurable

bleuissait ses ongles dcharns, son visage dlicat s'tait couvert d'une

pleur blafarde, ses yeux seuls refltaient une

me

bien vivante, assez puis-

dompter une plainte, pour touffer un gmissement.


Harou s'approcha du malade, le releva, le couvrit de chauds vtements.

sante pour

Nvc, appuy sur son compatriote et ranime par


la brise

du

soir,

la

bienfaisante haleine de

put un instant oublier ses souffrances, en contemplant de

ce regard avide, particulier a ceux dont

le

cur, empli de souvenirs chris,

s'ouvre en entier a l'esprance, aux illusions, aux dsirs de jouir d'une vie

qui s'chappe,

ment

le

splendide panorama du fleuve et de ses rives fantastique-

clair par les lueurs rougetres

Voyez, lieutenant,

disait-il,

gauche, ce ruisseau paresseux qui


sibles

dans

le

la

soleil

couchant,

filtre

lentement ses eaux claires et pai-

fleuve imptueux; quel trange contraste

gerbes d'embrun lances dans

au bas de

du

au fond de cette baie, l-bas sur notre

l'air

puis retombant avec

grande cataracte d'Issanghila dont

encore jusqu' nous d'une manire

si

effrayante

Et

que nous nous loignons,

l,

semble

affecter

la

\'ivi.

droite, le contre-

ne

la

couleur

'

l'et

brune

et dentels, ces lots


les

eaux gristres

un ensemble sauvage et pittoresque


pas malheureux que tout voyageur auquel il est donn

fleuve,

mesure

fivre

rocheux qui dressent leurs cimes bizarres, dnudes sur


N'est-il

le fate,

si la

Ces hautes falaises dunt

tranche sur l'horizon de pourpre, ces rcifs schisteux

du

bruit terrible,

forme d'un croissant

Quel magnifique paysage aurait pu dessiner Valcke,


oblig retourner a

un

les

rugissement retentit

le

de cette chane de montagnes dont

fort pic, l'cpaulement

forme avec

il

constituent

la fois.

d'entre-

voir ces sites africains ait maille partir avec un climat dltre

Bah!

les

uns y succombent, d'autres en rchappent:

ces derniers, rpondit

Je

espre bien,

et

vous serez de

l'officier.

je

le

souhaite plus d'un

titre,

interrompit Stanley

d'une voix imprieuse mitige cependant par un accent de douceur: mais,

LES BELGES DANS LAFRIQUE CENTRALE

allez reposer, les brouillards

de

la nuit

153

sont dangereux dans ces parages.

Soignez vous bien surtout Votre zle que rien ne peut ralentir, votre esprit
!

auxiliaires si

me

seconde dans mes plus grandes combinaisons, sont des


prcieux pour le succs de notre expdition, que je suis capa-

ingnieux qui

ble de vous ordonner,

mon cher

ingnieur, d'aller vous reposer sur

chette moelleuse de la cabine de l'arrire o,

vous passerez une excellente nuit.

si

la

cou-

mes vux sont exaucs,

L'ingnieur obit l'injonction bnvole du chef de l'expdition.

LE LIEUTENANT lUROU.

.A la

clart

du jour succdrent rapides

de phares clestes dont un seul,


rayons d'argent

l'astre

suffisait clairer la

les

feux tincelants de millions

gant des nuits,

la

lune aux

route dangereuse des vaillants explo-

rateurs.

Le courant, obstru par des rochers,

tait

coup par des pointes rocheuses

et parfois acclr par des rapides qui occupaient toute sa largeur d'environ

1,300 mtres.

Sur chaque rive

LES BELGES.

II.

se dessinaient les

contours de petites baies

CHAPITRE

154

SEPTIEIVIE

paisibles formes par des saillies de roche schisteuse, o les baphias


saient leur large feuillage et saturaient
fleurs les

Au

brumeuses vapeurs de

mas-

du parfum dlicieux de leurs

la nuit.

bruit inusit des steamers qui projetaient parfois de vifs clats de

charbon enflamm,
ails et

les

nombreux de

martins- pcheurs ^ta.nts (Cerylemaxima), htes

ces bords, s'enfuyaient, filaient d'un vol prcipit,

jetant des cris perants qui rveillaient des hrons

endormis dans

les

IIAPHH NITIDA

roseaux

et les

gramines de

sur une seule patte,


dtachait au

et

la rive, la tte replie

sous

quelques balbusards dont

sommet des grands

arbres,

l'aile, le

corps perch

les noires silhouettes se

sur les

rameaux dpouills

et blanchis.

Plus loin, dans la gorge troite d'une chane de montagnes qui courait le

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

long du fleuve, on
geant

les

15 c

sur la rive gauche, des feux de nuit prot-

disting-uait,

huttes du village de Mdinnki.

Autour de

La navigation devenait

droite).

Kilolo, district assez

rocheuse s'avanait dans

le

gauche)

et

Nsouki-Kinn-

trs prilleuse

en cet endroit

l'aube, la flottille nageait entre Kilolo (rive

tommba(rive
du fleuve.

populeux, une longue langue de terre

courant

sur la rive nord quelques lots s'en-

chanaient les uns aux autres par une srie de rcifs dont on voyait et l
les

cimes aigus

Entre

et

menaantes au-dessus des vagues

les petites les, l'eau s'chappait

tourbillonnant dans

le

du Congo.

irrites

en furieuses cascades et crait, en

haut du fleuve, un vritable gouffre que

les

steamers

durent cependant affronter.

Le Royal, traant toujours

un

tourbillon, fut saisi

la route,

bondit sur les eaux cumantes du

envelopp, courb par

instant,

santes; mais, habilement pilot par Stanley lui-mme,


ries

une

de cette anse

Nve
lutte

et

anse

jolie petite

s'levait

un

Harou avaient

domine par une

falaise

les

il

lames envahis-

atteignit sans ava-

crayeuse

au milieu

lot bois.

assist,

du brave steamer avec

les

tmoins anxieux mais impuissants, cette

lments ligus contre

lui.

Mais ds que

le

Royal eut abord, les voyageurs dbarqus procdrent l'installation d'un

bivouac de repos.

Dans la foule des ngres accourus sur les rives pour examiner curieusement les bateaux et leur quipage, les Europens remarqurent avec un
tonnement bientt transform en allgresse vritable deux visages ples,
deux hommes habills des pieds la tte en gens civiliss, deux types fort
corrects de missionnaires anglais. C'taient en effet deux explorateurs
civilisateurs,
ils

se

appartenante une mission anglaise tablie prs d'Issanghila

nommaient Crudgington

et Bentley.

Ces hardis philanthropes, sur une simple pirogue indigne drivant de

du Congo
depuis le Stanley-Pool, et, rcemment chous Nsouki-Kintommba, ils
taient devenus une proie trs facile et franchement soumise pour les natuchute en rapide

rels

et

de rapide en chute, avaient visit

peu bienveillants de ce

les rives

district.

Les indignes de Nsouki, aigris sans doute par

la strilit

de leurs terres

et trs souvent victimes des razzias de tribus intrieures, regardaient d'un

fort

mauvais il

les

de vieux mousquets
leurs ceintures,

ils

glisateurs, voire

trangers isols qui traversaient leur territoire.


pierre, de lances, de gourdins,

paraissaient disposs faire

mme

un mauvais

aux derniers arrivants.

Arms

de couteaux passs
parti

aux van-

CHAPITRE

1^6

SEPTIME

Ces sauvages parlaient avec arrogance

et force

gestes menaants:

ils

exigeaient des blancs une ranon, un tribut d'abord pour avoir foul leurs
terres.

Le lieutenant

que Nve procdait

Ilarou. conseill par Stanley, tandis

avec quelques Zanzibarites au dbarquement du matriel ncessaire tablir le

camp, distribua des armes aux noirs

les

plus dvous de l'escorte

expditionnaire. Puis s'avanant au-devant d'un des chefs indignes, reconnaissable sa coiffure de plumes multicolores,

de

laisser libres les

il

lui fit traduirel'ordre

Anglais, de cesser toutes menaces contre

les

exprs

trangers

blancs et noirs, qui ne venaient nullement sur ses terres pour piller, sacca-

ger ou

razzier, et qui

du

reste taient prpars dfendre leurs vies l'aide

d'engins formidables, avec un courage que

le

nombre des ennemis ne

pourrait branler.

La fermet de l'officier, la rsolution qui perait dans son regard, les funombreux dont les canons brillaient aux mains des Zanzibarites et des
Krouboys dcids obir aux blancs, calmrent le chef indigne, qui

sils

consentit relcher les missionnaires et

ti'aita

amicalement avec

bres de l'expdition pour l'achat de quelques vivres

chides et poules misrables, chtives, ne rappelant que par


volatiles

les

mem-

manioc amer,
la

ara-

forme

les

de nos basses-cours.

MM. Crudgington

et

Bentley furent escorts, par

de Stanley,

les soins

jusqu' Issanghila, station o les explorateurs du Comit d'tudes envoyrent

diverses reprises des noirs de leur escorte

la

recherche de renforts, de

matriel et d'outillage.

Le point prcis o le camp de Stanley fut alors situ s'appelait Kuvoko,


dans le district de Nsouki. Non loin de l, un cours d'eau, le Luazaza, se jetait

dans

herbes

le

Congo, aprs avoir arros une gracieuse valle dont

et les

peaux de

les

grandes

jungles taient froisses par les frquents passages de trou-

buffles rouges.

Un matin, accompagn de quelques ngres de la colonne


Harou arm d'un excellent snider rendit visite au domicile de

exploratrice,

ces effrayants

animaux.
Ils

taient peine entrs dans les jungles de la valle, qu'un buffle

norme

se levait a vingt pas devant eux, s'arrtait, regardait les chasseurs avec des

j'eux indcis et lanait dans l'espace

Bientt la bte,

comme font ses

par bonds irrguliers dans

un ronflement sonore.

semblables dans leurs attaques, s'avana

la direction

de ses ennemis. Une premire d-

charge de balles arrta

le

manqu,

nouveau avec plus de fureur. Ilarou,

et s'lana de

froce animal la moiti d'une seconde;

il

tai'

tirant bout

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

portant, frappa

le buffle

par

mais ce dernier prit une course

la tte;

disparut a travers les jungles, et

157

tomba

loin des chasseurs,

une

fois

perte de son sang. Les ngres coururent jo3'eux sur la piste de

la

mal. Arrivs prs du corps encore vivant de


et frottait sa tte dchire

srent

le buffle.

Une

par

la balle

la bte,

contre

la

l'ani-

qui se roulait en hurlant

le sol, les noirs

prudents

balle nouvelle brisa ses vertbres, et causa

instantane en coupant

folle,

puis

vi-

une mort

moelle pinire. Ce gibier volumineux fut trans-

port au camp sur une civire de bambous, ou mieux de tiges canneles du


Phnix spinosa, plante abondant sur les rives du Congo. Les habitants nomades de Kuvoko se partagrent le filet et les ctelettes de l'animal ce mets
;

plus rsistant que les bananes ou le manioc, arros de malafou (vin de

palme), fut gnralement apprci par eux.

Les premiers jours de mars virent l'expdition runie presque en entier

au camp de Kuvoko;

Nve

luttait

lieuse; la

le

capitaine Braconnier y avait aussi rejoint Stanley.

chaque jour contre

mauvaise saison

les

n'tait

attaques plus violentes de

pas

finie et contribuait

la fivre bi-

empcher

le

rtablissement de l'ingnieur.

De frquents tornados, temptes

horribles, furieuses,

seuls les climats quatoriaux. passaient sur le


le

tonnerre roulait sur tous

semblait converger

Les nuits d'orage,


et le

la

libre, et

moment o un

il

hauteur occupe par

le

le

la

rage des lments

campement.

tait continuel.

Cependant

ou cinq secondes

l'air restait

parfai-

tombait peine quelques larges gouttes d'eau, jusqu'au

ouragan, un vent d'une violence excessive, enlevant lestentes

du camp, prcdait un
bivouac,

camp de Kuvoko. Souvent

de l'horizon, et

les clairs se suivaient toutes les trois

roulement du tonnerre

tement

les points

comme en rservent

vritable dluge.

La pluie

teignait les feux de

vent emportait au loin les abris fragiles des explorateurs, et les

zigzags des clairs blouissants ne servaient qu' rendre les tnbres plus

profondes aprs leur splendeur passagre.


Parfois un fracas trange rpondait celui
fleuve; c'tait

un arbre plusieurs

du tonnerre, des

fois sculaire qui,

tombait, froissait dans sa chute les

lots boiss

frapp par

dmes verdoyants de

la

du

foudre,

ses voisins plus

jeunes et les dpouillait de leurs rameaux.

Ah ces-nuits l, ces mouvants spectacles, empreints toutefois d'une


grandeur sublime, taient loin d'amliorer la sant dbile de l'ingnieur.
Ces orages et les fortes chaleurs qui les remplaaient, bouleversaient le
!

malade; Nve conservant son intelligence, sa tte dgage, souffrait plus


que jamais, mais refusait de dsesprer, se rattachait a la vie, s'^'ertuait
e rendre indispensable aux voyageurs, en s'ingniant construire avec des

CHAPITRE SEPTIME

158

ressources trs limites des abris assez forts pour rsister aux tornados,
et cherchait par tous les

tout

Le

moyens

introduire au

camp provisoire de Kuvoko

bien-tre matriel possible.

le

fleuve, grossi

par

les pluies, se prcipitait

comme un torrent, charriant

des troncs d'arbres dracins qui s'arrtaient au bord des

rcifs, et consti-

tuaient des barrages phmres que les vagues cumeuses, devenues plus

grosses et plus menaantes, russissaient chasser sur les rives, au pied

des

falaises.

Ces troncs d'arbres fournissaient l'ingnieur autant de matriaux de


construction utiliss aussitt.

Ces vgtaux charris par

le

fleuve n'taient pas les seules matires

un camp provisoire ou
construire des engins de transport ncessaires la marche en avant.
dont l'ingnieur pouvait

Dans
fort

les

tirer parti

pour

tablir

environs de Kuvoko, assez loin dans l'intrieur des terres, une

adorabiement primitive dessinait sa verte

aride et dsole, sur

le

lisire,

devant

Les arbres, vritables colosses vgtaux, dont

d'eau.

jetaient leur

la

plaine nue

versant des collines oppos au gigantesque cours

ombre sur un sous-bois

pais et

cimes touffues

les

emml

d'arbrisseaux, de

fougres arborescentes, de massifs d'orchides o se dtachaient parfois la


tige gracieuse

mauves,
dition

du

offraient

Lissochilus giganteus orne de bouquets de suaves fleurs

un

vritable chantier de menuiserie

aux ngres de

l'exp-

commands par Paul Nve.

Stanley, devant s'assurer les

moyens d'emmener par

la voie fluviale

tout

son personnel et tout son matriel, avait dcid l'ingnieur devenir constructeur de navires.

Nve

et les charpentiers

l'aide

de haches

et

krouboys de

de couteaux

ils

l'escorte allrent explorer la fort.

s'ouvrirent

un passage dans

l'pais

rseau tiss de lianes qui courait des troncs rugueux des tamariniers aux

rameaux

verts des balsamodendrons,

d'Afrique et des oliviers sauvages, et

aux
ils

feuillages argents des htres

finirent par s'arrter

devant un

Zygia ou mkoundi magnifique qui mesurait lo mtres de tour.


Cet arbre, au bois lger,

facile travailler, fut choisi

par l'ingnieur

d'accord avec ses ouvriers pour tre transform en pirogue.

A cet

effet, les

Krouboys commencrent entamer le tronc avec des hachettes, puis, les


marteaux frappant rgulirement, les cognes renvoyrent leurs notes
monotones et retentissantes aux chos profonds de la fort. Au bout de
plusieurs heures, le zvgia craquait avec un bruit effroyable, sa cime penche
mutilait les

dmes fourchus des vgtaux

voisins; les Krouboys, tirant avec

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

force sur des cordes enroules autour


sol en dpit des obstacles et

du tronc coup,

le

159

couchrent sur

le

procdrent son dpouillement.

LISSOCHILUS GIGANTEUS.

Nve, se

fiant

reux de manier

la

l'enthousiasme

momentan des

charpentiers noirs heu-

hache en ouvriers habiles, passionns pour leur

tat,

CHAPITRE SEPTIME

i6o

s'loigna, dsireux

de sonder

spcimens nombreux de
les bassias

la

les secrets

que yardait

faune africaine se dcouvrirent au voyageur:

ou arbres beurre, lecorce rude

une

et paisse qui exsudait

matire visqueuse d'un blanc jauntre appele par


ficus,

Des

la tort vierge.

les

ngres du

lait:

des

desprotes, des brantaces, des btels sauvages, des anacardiers, des

mdiciniers ou Jatropha curcas. des varits infinies de vgtaux de toutes

grandeurs, dont

dont

la

vue

noms

les

lui inspirait

taient autant d'nigmes

pour

l'ingnieur,

des rflexions pleines de conviction sur

nombreux points du centre africain.


que Nve emport par ses penses pntrait de

la

mais

prodi-

gieuse fcondit des

Mais tandis

sous bois, un oiseau singulier


persistait voleter ses cts

rer l'attention par sa note

habitant de

l'air.

le

Cuculus albirostris

(?)

plus en plus

selon

Temminck)

de branche en branche, en s'efforant

monotone. L'ingnieur

finit

d'atti-

par observer cet

L'oiseau s'leva d'un vol assez lourd et alla se percher

quelque distance du voyageur; puis, remarquant

qu'il n'tait

pas suivi,

le

cuculus revint encore prs de Nve, en voletant, en piaillant

comme aupa-

ravent, et invitant fort clairement l'ingnieur le poursuivre.

Nve surpris

finit

par obir l'insistance du curieux coucou

indignes) qui l'amena vers

un fourr o

(nomm

les plantes

indicateur par les

fleur croissaient en

abondance, offrant leurs corolles parfumes des essaims d'abeilles

(i).

Les laborieux insectes l'aiguillon redoutable firent reculer le promeneur.

-Abandonnant son trange cicrone, Nve rebroussa chemin pour rejoindre


ses travailleurs, dont les coups de hache et les chants semi-lugubres par-

venaient distinctement jusqu'

lui.

L'aventureux touriste fatigu de son excursion, en proie une nouvelle


attaque de fivre, tablit

un

lit

auprs de ses ouvriers, parmi des touffes de

grandes herbes d'o s'chappaient d'lgantes euphorbes tte de Mduse.


D'innombrables oiseaux gazouillaient sur

les

branches;

les tourterelles

jouaient dans les broussailles voisines, et de temps autre s'levaient des

profondeurs du bois

les

beuglements sonores des

des porcs-pics errant


C'tait la

et l

buffles et les

grognements

sur les bords des espaces marcageux.

beaut sauvage dans toute son expression. Devant ce spectacle,

don prcieux
de comparer l'aspect du site

l'ingnieur tourment par la maladie conservait toutefois le

de

la pense, la facult

du rve;

il

essayait

pittoresque qui s'tendait devant lui l'un des paysages connus de sa patrie

(ij

Ceux qui connaissent

les forts africaines

ne s'tonneront pas de cette rencontre. L'oiseau en

question guide invariablement jusqu' un nid d'abeilles; les indignes font travers

qute de

la cire.

la fort la

LKS

HF.1.GES.

II.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

lointaine; puis l'ide de patrie le ramenait la ville natale,

La voix des souvenirs, en parlant son me,

siens.

cuisantes douleurs de sa maudite fivre.


tapes
sa

si

l'aidait

retraait ensuite

Il

laborieusement remplies de son voyage au Congo,

mmoire

fidle, et se rjouissait l'espoir

de

les conter

163

il

revoyait les

dominer

les

chacune des

les gravait dans


un jour aux pa-

aux amis runis en Belgique autour du loyer...


Un bruit singulier, un sifflement sinistre arracha Nve sa rverie. Audessus de lui, enroul au bois mort d'une euphorbe, un monstrueux reptile.
rents,

SERPENT PYTHON.

la

bouche entr'ouverte, baveuse, arme de quatre dents disposes

les crocs

sur

le

d'un chien,

la

langue pendante

et

comme

comme

partage en deux,

fixait

rveur des yeux verts et brillants.

Par un mouvement aussi prompt que leclair, le terrible serpent droule


ses anneaux et se laisse couler sur le sol; sa tte disparat un instant dans
les

grandes herbes qui servent de

lit

l'ingnieur.

Nve essaye de se lever; ses jambes flageolent; un saisissement inexprimable, un frisson d'pouvante paralyse ses forces demi vaincues par la
fivre;

il

prouve

les aft'res

de

la

mort; un

cri instinctif

s'chappe de sa

CHAPITRE SEPTIME

i64

gorge. Le reptile bondissait en

sifflant, et sa

bave cumeuse

jaillissait

sur

l'ingnieur...

Les Kroubovs taient accourus. Lun d'eux, le plus audacieux de


bande, dirige un adroit coup de hache qui tranche la tte du serpent.

rampant qui

L'tre

avait

si

malencontreusement troubl

penses de Nve, tait un cobra venimeux;

il

avait le dos

rouge

la

douces

les

comme une

moins fonce. Les Krouboys prtendaient

tuile, le ventre d'une teinte

possder un antidote contre son venin. Empresss autour de leur matre

que l'motion,

et plus

encore

les accs

d'une fivre brlante avaient

affaibli,

transportrent Ncve phis prs de leur chantier de travail, le dposrent


doucement sur un lit de mousse tabli la hte et couvrirent le malade

ils

damulettes, de ftiches pieusement dtachs de leurs ceintures.

Les ngres ont parfois de ces marques de sollicitude, preuves naves mais
touchantes qu'ils tmoignent aux rares blancs qui savent gagner leur
affection.

m.me jour Nve. transport au camp de Kuvoko, retrouva


comfort relatif de sa tente, les mdicaments prcieux, insparables du

Le
le

soir de ce

voyageur africain prvo3'ant

malgr

les

patriote

prospectus;

extrmement

il

du

jamais

bienfaisantes,

affable, le lieutenant Ilarou.

fleuve, allaient

et Stanley, affrontant les

en amont de Kuvoko

halte nouvelle au pied del chute de

remous

fidle

face de ce point,

le

qui fui

mcanicien italien de ce

Le 26 mars tout

le

personnel

nom
et le

et les tour-

tablir l'emplacement d'une

Mbundi-Afunda. Harou, explorant

les environs de sa rsidence, dcouvrait Bayneston et

Congo en

souveraines

retrouva surtout les soins affectueux de son com-

Entre-temps, Braconnier
billons

souvent

pharmaceutiques,

drogues

quinine, ipca, pilules de camomille, mille

nomme

visitait

une

le

du

Flamini en l'honneur d'un

qui servait bord du Royal.


matriel de cette

flottille

de dcouverte

taient concentrs au pied des collines riveraines qui droulent leur chane

aux sommets bizarres, tantt aigus, menaants, dnuds, tantt revtus d'une
vgtation bariole encadrant des cabanes d'indignes, auprs des rapides

de Nzambi.

Les noirs habitants de cette contre sont


dgrade

tib es l'excs; ils sont

les

Bassoundi, gens d'une race

ngres sont souponneux, querelleurs

et misrable; ces

en outre d'une

telle

et

suscep-

pret au gain, qu'il fut impos-

aux membres de l'expdition d'obtenir d'eux des taux acceptables


arachides ou le manioc cultivs sur leur territoire.

sible
les

La plus

petite affaire, la

moindre transaction, donnaient

lieu des discus-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

sions dangereuses, un marchand aye curant capable de lasser

mme

d'un

fils

165

la

patience

d'Isral.

Les Bassoundi s'idonnent

la

pche d'un poisson minuscule entirement

blanc, qui est peut-tre le vairi^n de nos fleuves d'Europe.

Aussi malins que des patrons de pche hollandais, arrts par le calme
plat sur les flots de la

mer du Nord,

sifflant

pour appeler

la brise

secoura-

LE CAPIiAISE BRACOiNNIEH.

ble, les

leurs

Bassoundi

sifflent

pour charmer

le

poisson auquel

ils

ont tendu

filets.

Toute

la

journe, toute la nuit, sur les rives du fleuve qui limitent


leur

territoire retentit la

musique

spciale de ces cratures humaines,

musique

de vrais merles noirs.


Ils sont en permanence tapis
derrire les quartiers de roche qui s'lvent
prs des berges du fleuve et qui forment
autant de barres protgeant les
criques paisibles des rives du hot qui se
prcipite en grondant" dans le

SEPTIEME

Cf^APITRE

i66

centre du courant.

analogue au flux

En

et

certains endroits les eaux prsentent

Certains pcheurs ont prs d'eux leurs normes


s'approche,
leurs

se prcipitent

filets,

et

ds que

le

banc

au-devant des eaux, nagent en ligne en tenant

diagonalement devant eux rencontre du poisson. Lorsque

filets

vague

ils

un phnomne

au reflux des lames de l'Ocan.

retire, ils

s'est

regagnent

la rive

et vident

leurs

la

sur des

filets

rochers plats formant de larges tables, en manifestant l'expression de leur


joie grossire,

poussant des

de triomphe, entremlant leur tapage de

cris

grasses plaisanteries et de rires assourdissants.


D'autres Bassoundi, monts sur des pirogues lgres, creuses dans les

troncs de grevjias ou
fondes, le
a

mkouma en

manche du

filet

sous

coups de pagaie silencieux

normes de

langue indigne, rasent

la cuisse,

montant

et prolongs. Ils

et

les

eaux plus pro-

descendant

fleuve

le

prennent ainsi des quantits

petits poissons qu'ils laissent scher sur les rocs,

pour

les

ap-

porter sur les marchs peu loigns de l'intrieur.

Sans se proccuper outre mesure du passage de


habitant Bagneston

et la

la flottille, ces

pointe du rivage explor par les

indignes,

membres de

l'ex-

pdition, taient persuads que tous les trangers remontaient le fleuve

pour

aller,

avant-coureurs de

la traite

des noirs, former au loin quelques-

unes de ces sombres caravanes d'esclaves, hideux troupeaux humains qui


sous

traversaient parfois,

le

d'hippopotame de leurs

fouet lanires

iniques conducteurs, les collines et les valles de leur territoire.

Cependant en longeant de

nuit, le 2 avril, la rive

chutes d'Itounzima, Braconnier

et

Harou

nord du fleuve aux

saisirent distinctement des

coups

rguliers de

mousquet partant du rivage;

silence se

ensuite; puis des clameurs sauvages, frntiques, se mlrent

fit

en comptrent quinze; un

ils

au fracas des eaux.

Sommes-nous attaqus? demanda Stanley

Attaqus? mais o diable se sont fourrs nos ennemis invisibles, dont

les balles

du

reste ont t entirement inoffensives? Sans nul doute les indi-

gnes se livraient

l'cole

du

rgularit, et qu'actuellement
braient-ils

rveill en sursaut.

tir.

puisque

les

coups

nous n'entendons plus

se succdaient avec
rien. Peut-tre cl-

une crmonie quelconque.

Une crmonie,

reprit Stanley, et en effet les indignes de ces rives

sont encore des Bassoundi; une des coutumes tranges de cette tribu est
leur manire d'exprimer coups de

mousquet

le

chagrin que leur cause

la

un homme
pour une femme ils brlent dix charges, pour un enfant six seulement. Le
feu est dirig contre les bananiers, les hyphane, les palmiers divers du dis-

perte d'un des leurs. Quinze coups annoncent que

le

dfunt

tait

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

trict

du dfunt, dans

la

croyance que

le

167

dcs provient de mauvaises

bananes ou de quelque dfaut du vin de palme.

Quelle superstition

Ah!

auprs de ces tribus,

dangers

elle est excessive; et


je

puisque nous devons camper ds l'aube

ne saurais trop vous recommander

la

prudence. Les

nombre qui nous attendent encore au cours de


un champ trop fcond sans nul doute en

et les obstacles sans

notre expdition nous fourniront

aventures prilleuses, o tout notre courage, toutes nos forces seront utiles.

Ces Bassoundi sont d'humeur batailleuse


sion de bataille.

devenir

de

l'objet

Dans ces contres,

blesser

mais nous viterons toute occa-

voyageur peut

le

chaque instant

fureur des indig-nes. Qu'une pidmie, cholra ou

la

typhus, clate dans

le village;

qu'une balle de nos martiny vienne, gare,

un Bassoundi; qu'un de

leurs chefs soit frapp d'apoplexie durant

maux

notre sjour auprs de ces sauvages, et tous ces

seront attribus au

mauvais sort apport par nous.


Ces prudents avertissements n'empchrent point

la

phalange expdi-

tionnaire de camper, ds laube, prs des rapides d'Itounzina.

Braconnier

Nve

les

et

Harou

tablirent militairement

un camp sur

la

dfensive

seconda de toute son intelligence, de toute son habilet dcou-

vrir des ressources, tirer parti des productions vgtales

premires existant dans

La tche

la

plus

ou des matires

la localit.

poui toute expdition africaine n'est pas de

difficile

vaincre les oppositions hostiles des indignes qui bien souvent, surpris
la

vue des blancs, hsitent les attaquer, surtout


et bien arms; les travaux les plus ardus

nombreux

lorsqu'ils les jugent


et les

plus fatigants

sont occasionns par les obstacles naturels que les explorateurs rencontrent sur leur route, obstacles qui ne peuvent tre surmonts ou tourns

que par

la

volont, l'tude, la

rflexion et qu'en mettant

profit les

moindres accidents de terrain

et les circonstances les plus futiles en


apparence.
Les habitudes de bien-tre, les souvenirs du confort deviennent un em-

barras pour l'homme civilis qui voyage au pays inexplor des sauvages.
L'oflBcier

et

l'ingnieur,

l'ouvrier

europen lui-mme, rduits des

ressources primitives, sont contraints d'adopter en quelque sorte l'exis-

tence matrielle des peuplades qu'ils visitent.


l'un, les

La

science stratgique de

connaissances techniques de l'autre, les forces physiques du der-

du moins inapplicables;
voyageur dans le choix de ses

nier sont parfois autant de valeurs inutiles, ou


l'instinct

de

ia

conservation dtermine

moyens de protection contre

les

le

hommes

sauvages

et les l"auves; l'initiative

CINQUIEME

CHAPITRE

i68

spontane,

bon sens pratique, sont

le

les seules qualits

auxquelles l'ing-

nieur et l'ouvrier doivent surtout recourir.


tait bien l'homme de l'improvisation. Sur
d'arbre
se transformait en canot; le moindre linun
tronc
ses indications,
g-ot, un minral, un silex, mis soudain en tat, remplaaient les outils

Sous ce rapport, Paul Nve

absents ou

les

clous perdus; et dans les oprations dans les combinaisons

compliques qui se prsentaient chaque pas en avant, boulements de rochers, halage des canots ou des allges, dmontage et remontage des vapeurs, rparations incessantes du matriel naval, installation des

les plus

camps, routes bauches


de Nve

niosit

la

mine, coups de pioche

de hache, l'ing-

et

supplait l'absence de cet outillage puissant et perfec-

tionn dont disposent, pour des travaux souvent moins rudes,


et les

les

mineurs

ingnieurs dans les divers pays de l'Europe.

Ajoutez ces proccupations constantes, ces labeurs du vaillant pionnier


belge, les douleurs intermittentes de la fivre bilieuse, ses forces physiques

refusant d'obir son nergie morale, son irrsistible volont de servir

du Comit d'tudes, les alternatives brusques du ciel quatorial,


badigeonn un instant d'obscurs nuages noirs fondant en pluies dilul'uvre

viennes, puis reprenant des teintes d'azur, de pourpre ou d'or suivant les

capricieux rayons d'un soleil brlant, auquel succdait une nuit froide,

humide,

et

vous pouvez vous former

comme une vague

ide, des derniers

mois. hlas! de la vie trop courte de l'un des plus glorieux cooprateurs de

l'uvre mmorable du Congo.

Le

Nve

^ avril,

datait de cette tape nouvelle,

suivant

l'expdition campait sur le rivage d'un


lettre

nomme Kunza.

dont nous donnons

l'extrait

Nous sommes au moment

temps que
tous les

une

le

le

plus malsain de l'anne, car en

mme

nous avons supporter une chaleur torride. Aussi


blancs de l'expdition sont-ils tombs successivement malades
les pluies

nous sommes
de

ici

sept Europens, et chacun a eu au moins ses

deux jours

y compris M. Stanley.
Combien de fois en relatant les tapes multiples des Belges au Congo
devrons-nous encore, crire ce mot ferres, ramenant toujours l'ide de
forte fivre,

souffrances, de douleurs.

Ces maladies attendent, pient son arrive tout voyageur europen.


En gnral, il est prfrable de payer ce mal pernicieux, un tribut fort
dsagrable, par petites doses frquemment renouveles, que de

en une seule

fois.

Les voyageurs au centre africain, ont

cette singulire remarque.

fait

la

rgler

bien souvent

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

169

Leurs carnets d'exploration portent des dates assez rapproches

Ce matin,

je

me

ongles bleuissent,

lve avec la lvre

ma

face et

je suis littralement ramolli,

mes

me

sens

mes yeux deviennent

pas d'apptit, pas plus au djeuner qu'au dner;

je

jaunes; je ne

prends quelques centi-

je me couche; mes membres sont briss; je souffre


comme des lancements de cerveau. Le lendemain je
encore ramolli, mais je me sens mieux; j'absorbe avec une certaine

grammes de quinine;
de

la lte;

me

lve,

j'prouve

satisfaction quatre

ufs pour djeuner, en omelette ou sur

le plat.

>>

Les explorateurs sont trs tonns, lorsque plusieurs semaines s'coulent


sans qu'ils aient consigner des notes de ce genre sur leur journal. Ces

maladies, connues sous

le

nom

de fivres par ceux qui,

comme

l'auteur

de

ces lignes, sont incomptents en matire de science mdicale, ont des causes
diverses, et par suite des effets et des

Lors de

noms

l'tendue des plaines, des forts et des bois,


et d'tangs, lits

diffrents.

des pluies, l'inondation laisse aprs

la saison

une grande

elle,

travers

quantit- de marais

de vgtation aquatique, sources de miasmes dltres,

foyers de maladies endmiques qualifies riejcvres de marais. Ces dernires

attaquent

mme

les

indignes, forcs de faire dans ces eaux stagnantes leur

provision d'eau potable. Les Europens en souffrent galement; mais les


plus redoutables pour eux sont les fivres dites bilieuses.

N'eussent t ces fivres pernicieuses, les parages de

l'le

de Kundu

auraient offert aux voyageurs de fraches et agrables provisions de bouche.


.-\u

march

Msoma-Mamba,

voisin de

les noirs

apportaient en abondance

des bananes, patates douces, melons, cassaves, farine de manioc, prunes


bleues ayant la forme d'un

ufs, porcs,

etc.,

uf de

pigeon, vin de palme, chvres, poules

autant de richesses alimentaires pour les explorateurs

qui possdaient seulement, en

fait

de comestibles, du

riz,

des haricots, des

l'le

de Kimbanza, en

pois secs et des lentilles.

Le

S avril, la flottille continue sa route et rencontre

face de laquelle la rivire Elouala entre

Sur

berge nord, devant

la

le village

l'le,

dans

le

Congo par

la rive sud.

au sommet d'un promontoire, s'lve

de Kibonda, localit qui rappelait Stanley un souvenir de

l'anne 1877.

Le

roi

de Kibonda

s'tait cette

poque empar d'un compagnon noir de

demand un prix si exorbitant, que


le prisonnier avait t laiss entre les mains du monarque afi-icain.
La situation de Kibonda prsente un ensemble trs pittoresque, qui
attnue la dplorable humeur des naturels de l'endroit, appartenant encore
l'explorateur, et avait,

il

pour

la

ranon,

une tribu des Bassoundi.


LES BELGES.

It.

22

septime

chapitrl:

170

de Kibamnza

L'ile

par un
celle

est boise et fertile; sa

population noire, gouverne

mme

s'adonne particulirement la pche du vairon, de

roi,

que

de Kibonda.

Quant la rivire Elouala, elle mrite une description toute spciale.


Son lit peu profond, recouvert de sable trs fin, repose sur un fond de
vase donnant naissance aux merveilles de la flore aquatique.
Mille espces de joncs et de plantes d'eau prennent racine dans ce

courant rapide, et dploient sur

le

et les couleurs varies

de leurs

la

surface

mouvante

Cette vgtation splendide semble barrer l'entre de

de

les bords,

les

formes lgantes

fleurs.

de poissons se croisent au milieu de ces prsents de

Sur

lit

d'o s lvent leurs tiges et leurs feuilles, secous perptuellement par

fertile,

la rivire.

la flore

Une

foule

des eaux.

des troupes de canards prennent leurs bats; des milliers

petits oiseaux gazouillent, voltigent, se

sement sur les tiges les plus

posent et se balancent gracieu-

frles des joncs et des roseaux, et des chassiers,

aprs une pche fructueuse et un repas copieux, reprennent au soleil leurs

poses originales, leur exercices d'quilibre prolong.

De temps

autre, le brillant martin-pcheur plane

immobile dans

les

tout--coup tombe dans l'eau comme une flche, et file en emporune lgre proie dont les cailles tincellent aux brillants rayons du

airs; puis

tant

soleil.

Mais

les oiseaux

ne sont pas

les seuls

habitants des )oncs et des roseaux

de l'Elouala. Du milieu des tiges verdoyantes, de lourds crocodiles tranent


leurs masses difformes et plongent au fond des eaux; aprs eux,

claboussure cause par un corps tomb dans

le

courant trahit

la

une

prsence

d'une loutre riche fourrure, qui s'enfuit rapide, alarme.

La

rivire serpente

de

la faon la

plus capricieuse et va se perdre au

pied des collines de Ndunga.

Ces collines projettent, plusieurs milles en aval de Kibonda, des rocs


schisteux,
sries

des dykes qui brisent

la

nappe du fleuve

de rapides, devant lesquels s'arrtrent,

et constituent

le 27 avril, les

une

steamers de

la flottille.

Les journaux du bord enregistrrent encore en cet endroit

les tristes

courageux voyageurs belges. Nve tait plus srieusement malade; Braconnier et Harou souffraient par intermittence; le
bulletins de sant des

mcanicien Flamini, dont nous avons parl,

tait

plus mlancolique que

jamais.
Il

fallait

l'expdition

cependant ragir contre

la

maladie

chacun des pionniers de

belge opposait l'affaissement physique une indomptable

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

nergie morale. Le retour la sant,

plisscment d'une mission scientifique,

dune uvre chre


aurait t obtenu

Dans
uns

les

l'heureux accom-

c'tait la victoire,

les

171

premiers pas pour

la

ralisation

leur Roi: c'tait le succs, d'autant plus mritoire qu'il

malgr d'innombrables obstacles.

cette pense

commune

ils

se soutenaient,

ils

s'encourageaient les

autres. Si leur corps branl parla continuit de

parfois, impuissant: l'me,

la fivre s'abattait

partie immatrielle, restait inbranlable,

la

l'erme. rsolue.

Nve, Braconnier et Harou, proccups d'opposer leur mal un puissant


antidote, rsolurent, malgr les fatigues inhrentes

une

telle entreprise,

de se distraire en visitant les naturels, d'un caractre doux et bienveillant,


affirmait Stanley, qui peuplaient les parages des rapides

de Ndunga.

Les bateaux amarrs dans une crique paisible borde de

falaises

rou-

getres avaient attir la population noire sur les rives du fleuve. Les

indignes

taient

descendus en

grand nombre de leurs gtes escarps,

pour

offrir

aux arrivants

produits divers de leur

les

sol.

Les blancs furent peine dbarqus, qu'ils durent subir des ova-

dmonstrations de tout

tions, des

genre de

la

part des noirs de ces

ngres tribus des B.icongo.

rives,

Les femmes faisaient l'article pour


les

moandas

niers

les

herbes vertes,

et les

qu'elles portaient

dans leurs pa-

MARTIN-PECHEUR GEANT.

enfants invitaient les

hommes de l'inpalme, et du menu gibier enfil

trangers acheter des ufs, des patates fraches: les


trieur prsentaient des calebasses de vin de

dans des tiges de bambou;

les

des nouveaux venus, leurs


il

pcheurs ramenaient sur

filets

la rive, l'intention

d'o mille poissons cherchaient en vain

s'chapper.

Les transactions lurent des plus amicales. Les indignes de Ndunga firent,
par leur amabilit, oublier

aux malades

l'effet

les hirsutes

Bassoundi. Leur accueil produisait

d'une rose bienfaisante qui calmait

la

douleur

et les

rappelait la vie.

Le ciel tait clment, pour comble de bonheur, le jour de cette halte.


Quelques nuages gris-plomb avaient intercept les rayons du soleil et
tempr

ses ardeurs brlantes.

\'ers la nuit

tombante,

comme

le

march

CHAPITRE

finissait,

SEPTIEME

une brise lgre chassait peu peu

les voiles gris; le

firmament

resplendit de tous ses phares tincelants, tandis que mille feux allums sur
la rive et les collines

environnantes donnaient un clat vermeil l'atmo-

sphre. Les ngres de Ndunga s'apprtaient en outre offrir aux vo)'ageurs


europens, suivant leurs murs hospitalires, le bruyant spectacle dun
bal

ml de chants.

Des jeunes

dont

filles,

le

type, crit-on, et fait plir d'envie nos

dames

europennes, proposrent aux noirs de l'escorte une partie de cabrioles

y en avait dont les ondulations, en dansant, laissaient entrevoir des formes vraiment belles, des lgances naturelles indiscutables.
chcvclcs.

Il

Par moments,

elles faisaient

rsonner en cadence

les

anneaux nombreux

de leurs bras; les ngres accompagnaient au son des tambours

les

pas

anims du jeune beau sexe.


Les Kroubo3's

et les Zanzibarites pirouettaient

avec ardeur, entrans par

l'exemple et la musique barbare des danseurs,

par des chants improviss sur

le

et

les

encourageaient

rythme monotone qui caractrise

les apti-

tudes musicales des peuplades du centre africain.

Aux

jeunes

originale fut
sexe, dans

un

le

succdrent ensuite les jeunes femmes. Leur danse

bouquet sauvage de

un costume plus que

cette soire.

Ces fleurs fanes du beau

lger, se tenaient par les mains, formaient

tournoyaient avec force pirouettes, entrechats et jambes en

cercle,

l'air,

filles

agrmentant leur ronde d'un chant

Au moment

le

trs bruyant,

mais peu

vari.

plus anim de leurs exercices chorgraphiques, deux

jeunes noirs se dtachrent de la foule des spectateurs et entrrent dans

form par

le cercle

les

danseuses. Le plus jeune grimpa sur les paules de

puis, sans se soucier de l'embarras caus son vivant

son compagnon,
trteau, il dgaina un poignard,
sa tte, et
guerrier.

La

le

brandit dans tous les sens au-dessus de

entonna dune voix forte

il

foule noire reprit en choeur le

sphre immobile,

les

premier verset d'un

le

hymme

chant de guerre. Dans l'atmo-

braillements de mille voix humaines montrent dis-

cordants, assourdissants, terribles.

Les dames du corps de ballet doublrent


vertigineuses,

le

la rapidit

de leurs volutions

ngre au couteau-poignard se mit alors passer sur

sa langue le tranchant de son

arme

reprises prcipites, jusqu' ce

sang s'chappant en gouttes visqueuses et rougi ses lvres


la

lame

d'acier.

que

le

et ruissel sur

Les sauvages tmoins de cette mutilation volontaire redou-

blrent d'enthousiasme et d'acclamations. L'acrobate


belle se martyriser; le

sang

sorti

signal de cesser ce jeu par trop sanglant fut ds lors

respect de la tribu des Ndunga.

recommena de

plus

de sa bouche inonda sa poitrine nue. Le

donn par un chef

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Le jeune ngre

173

bave sanguinolente aux eaux du fleuve, puis il

alla laver sa

revint se mler aux danseuses qui dfilaient devant les trangers et le?
noirs

du pays, en tendant des

crcelles et sollicitant des cadeaux.

tsm
HYPHNE VENTBICOSA.

Le noir dbarbouill,

arriv devant les blancs, esquissa

un mlancolique

sourire, ses lvres outr'ouvertes laissaient encore chapper des caillots carlates;

nanmoins

il

paraissait radieux de

l'effet qu'il

avait produit.

CHAPITRE SEPTIME

174

Les Belyes. tmoins curs du dramatique ballet prcdent, octroyrent


aux quteurs, quelques bibelots peu coteux de l'industrie d'Europe.
Le lendemain, le chef de la tribu des Ndunga
nous pourrions crire le

makoko de

(makoko

l'endroit

teurs franais ont parl


assistait

Congo
Makoko,

des tribus riveraines du

les chefs

du

roi

que prennent en gnral tous

est le titre

c'est tort

ont

ils

avec intrt au dpart des steamers de

que certains explora-

commis un plonasme)
la flottille,

devant lesquels

se dressaient de prilleux obstacles.

Le

Roy.il,

remorquant

route aux
aux pirogues pesamment charges, opposrent leurs proues lgres
une srie de vagues bondissantes, roulant entre les terrasses de lave et
de roches volcaniques. Les vaillants steamers, ballotts par les lames,
avjiil.

l-'n

les allges et traant la

canots,

montaient avec
velle

lame

distances,

le flot,

retombaient avec

ils

se jouaient

se relevaient avec

lui,

mais toujours d'aplomb sur leurs

du prcipitement des eaux, de

une nou-

gagnant des

quilles, toujours

fureur que

la

les

lments opposaient en vain leur marche.


Bientt

ils

doublrent l'embouchure de

terres d'habitants
la

la

Mata, rivire arrosant les

peu aimables, bourrus, exploiteurs, passionns aussi pour

pche du vairon.

Au

del, le fleuve s'largit, les rapides sont plus frquents; les rives sont

unies,

peu

marques par de

levs,

trs longs bancs de sable, et et

elles sont plantes

droulent toujours

les

de manioc.

De droite

l,

aux endroits

de gauche se

et

chanes de collines basses, aux versants allongs

revtant une teinte bruntre sous leur manteau d'herbes sches charges

de graines.
Les passagers de

la flottille

droite, auprs des huttes de

saluent les indignes groupes sur

Mpanngou. Non

loin

de ce point, une cataracte

apparat leurs 3'eux; son aspect est formidable:

rocheuse

est couverte

C'est la cataracte

comme

que

par

les

eaux sa chute verticale

l'infortun

cours du Congo, en amont de cette

dcouvert cette

Mataka

grande cataracte qui sur

et sur la rive

est

gauche prend

le

localit.

sicle

et

dsigne

extrme). Les

ne connurent pas

Stanle)',

en 1877, avait

la rive droite s'appelle

nom

de sa crte

de dix huit pieds.

nomm Farthest (point

gographes du commencement du dix-neuvime


le

la totalit

Tuckey, en 1816, avait dcinte

se trouvant au point autrefois

la rive

Ntommbo-

de chutes de Ngommbi.

L'ensemble de ce saisissant spectacle tait dissimul aux voyageurs sous


une nue vaporeuse. Incessamment des bordes d'embrun tombaient sur
les rochers environnant les chutes; un tonnerre continuel roulait au fond

de l'abme.

LES BELGES DANS LAFRIQUE CENTRALE

Au

pied de

la

cataracte, le fleuve prsentait

nement, un gigantesque tourbillon d'o

mme

par

les

un

175

effroyable bouillon-

vagues cumeuses, excites

aprs une lutte insense, s'chappaient en

le vent,

sifflant

travers les capricieux zigzags d'ilts bas et rocheux.

Cette prodigieuse merveille de

la

nature africaine rvlait

la

beaut dans

toute son horreur et sa majest.

Les pionniers de l'expdition ne pouvaient s'en approcher sans prouver

un

instinctif

C'tait

par

mouvement de

terreur, sans ressentir aussi de la tristesse.

difficult a vaincre, un nouveau pril a surmonter et


une certitude de pnibles labeurs, de Jatigues et de dangers.

une nouvelle

suite

Arrivs auprs de cet obstacle, les

steamers et

la flottille

durent tre hals de terrasse en terrasse;

tendues

long des falaises rocheuses de

le

embarcations de

les

des cordes furent

la rive, et l'quipage blanc et noir

en tirant par saccades rgulires sur l'extrmit de ces cbles, rattachs au


bateau quil montait, put, aprs de vigoureux
la cataracte, et

efforts,

amener au-dessus de

successivement, le matriel naval de l'expdition.

Fort heureusement les naturels des deux rives du fleuve, vieux amis de
Stanley, se montrrent

pour

les

voyageurs d'une bienveillance extraordi-

naire, d'une urbanit rare sur les


Ils

se distinguaient

de tous

les

bords du Congo.

ngres prcdemment visits par une cer-

taine noblesse de caractre, digne d'tre spcialement note.

que

les

Moins rapaces

Bassoundi, ces ngres, appartenant une tribu des Babouennd,

consentirent changer des prix convenables les productions de leur


territoire.

L'change entranait l'accomplissement de quelques formalits bizarres,


telles

que par exemple

plier la

lame d'un couteau avant de

une gesticulation plus ou moins expressive,

l'offrir,

se livrer

etc.

Mais ces usages primitifs auxquels s'assouplirent

les blancs

de

l'ex-

moyennant trois colliers de petites


un rgime qui tait une
un grand rgime de bananes vertes,
pour la mme quantit de colliers, un norme rcharge vritable;
gime de bananes jaunes moyennant un mouchoir rouge, une calebasse de

pdition, leur permirent d'obtenir

perles

malafou

puis pour quelques articles de camelote europenne, beaucoup

de beurre de palme, d'oignons, de pots de terre, de paniers emplis de petits


poissons

frais, etc., etc.

Les femmes

mode

et les

hommes

ont

la

dplorable habitude d'obir une

locale consistant se percer le nez et les oreilles

pour y fourrer des

morceaux de bois arrondis en forme de pendants.

part cela, les dames, plus craintives que les habitantes de

Ndunga,

CHAPITRE SEPTIEME

1-6

taient trs convenables. Elles surmijntaicnt leur timidit

trangers, et peut-tre aussi

pour

se l'aire

pour voir

les

admirer d'eux; cependant leur

que dcollete n'indiquait chez elles aucune coquetterie.


Leurs paules taient entirement nues, la plupart disparaissaient sous
des hottes tresses de filaments de bois rsistant et servant porter des
toilette plus

provisions

un mouchoir,

bras droit et utilise


les

jeunes

filles,

dait

la

de couleur douteuse,

comme

d'toffe li

tait

enroul au

porte-pipe; les seins, libres chez

se dissimulaient chez les vieilles

sous un lambeau

ch

tissu

en gnral

femmes

et les

pouses

au buste par une corde; enfin un pagne atta-

ceinture descendait jusqu'aux genoux, ce dernier vtement rpon-

aux

lois

de

la

pudeur.

L'occupation principale des naturels consistait pcher le vairon. Les

pirogues employes cet exercice taient munies l'avant d'un morceau

de bois, maintenu en ignition par le courant d'air, et qui servait allumer


la pipe d'iamba que les pcheurs se passaient tour de rle.
Ilarou et Stanley, laissant Braconnier et Nve occups l'tablissement

d'un bivouac de repos auprs de Ntommbo-Mataka, s'avancrent vers le


nord-nord-est de cette localit, recherchant un site favorable la cration

d'une station nouvelle du Comit d'tudes.


Ils

rencontrrent cinq milles en amont, sur

grand

march nomm

la rive

.Manyanga, trs en faveur chez

des alentours.

nord du fleuve, un

la

population noire

CHAPITRE

Stanley

et

Harou Manyanga.

Mort de Paul Nve.

Le drapeau

!...

ftiche .

Les Babouennd.

nord

Ca>jv.\ng.\

pour

VIII

Un

Nzabi.

devin complaisant.

Les termites.

Triste tape, pleine de cruels souvenirs

les pionniers belges

de

la

premire expdition du

Comit d'tudes du haut Congo.


Ici,

plus de paysages qui sourient et qui charment. Le

^^^li^S^acVgy^ site est

monotone rampe sur


dressant

leurs

ttes

d'un aspect mlancolique; une verdure sombre et

les falaises

rougetres; quelques groupes de palmiers

lgantes au-dessus de l'pais

sont entours, font d'impuissants efforts pour


LES BELGES.

II.

rompre

feuillage
la

morne

dont

ils

tristesse
2'i

CHAPITRE

17?

IILITI.ME

du tableau; ,Manyang-a-nord semble


agonise entre

les

Le I" mai,

comme un

linir

vieillard dcrpit qui

bras de la mort.

ses habitants,

tres tout fait primitifs, ahuris la

vue

hommes aux visages ples, se sont cachs parmi les roseaux des rives
pour regarder en tremblant les appareils d'acier, les immenses pirogues qui
des

eaux vaincues du fleuve

se jouent sur les

bondissent sans chavirer

et qui

sur les vagues cumeuses chappes des troits passages livrs au courant

par des terrasses de lave


Ils

et les

sommets aigus de roches volcaniques.

ont assist, impassibles, au dbarquement des passagers et des bagages

considrables que transportaient les canots.

heures aprs

flotter

leur territoire,

ils

un lambeau de

Le makoko respect de

soie bleue sur la hauteur qui

aux grands de sa cour

sujets.

et la foule

empressement

renseign, il ordonna

emblme

ftiche,

les

germe sans doute

sort.

et

couronnant

Ds

qu'il lut

de l'escorter jusqu'au plateau o

blancs avaient os planter un

Stanley

domine

roi.

ces tribus sauvages s'enquit avec

desmotifsqui troublaientsesfidles

de mauvais

quelques

ont pouss des clameurs sauvages et se sont rassembls

autour du chimbeck de leur

hommes

Mais en voyant

la

Ilarou

examinaient

attentivement

plate-forme

l'troite

si

colline pentes escarpes, leve d'environ quatre cents pieds

lit du fleuve, conviendrait l'tablissement d'une station noudu Comit d'tudes.


Pour signaler aux ngres, gardiens de leurs embarcations, l'endroit o
ils se trouvaient, Harou avait dploy, l'extrmit d'une longue canne de
bambou enfonce dans le sol, le drapeau du Comit d'tudes.
Cela fait, il avait, avec son compagnon, explor le plateau de .Manyanga.

au-dessus du

velle

Sur trois points la position semblait inexpugnable des versants pic, profon;

dment

ravins, en dfendaient l'ascension; d'un cot seulement, par un col

une chane de collines se dirigeant vers l'inon pouvait atteindre ce sommet. L'une de ses bases, inaccessible,

resserr qui reliait le plateau a


trieur,

se baignait

dans

les

eaux

claires d'une petite rivire

diles; l'autre projetait son

hante par des croco-

ombre sur une crique torme par

le

lit

sinueux

du Congo.
Les avantages stratgiques,
dterminaient

les

prsumable de ce

lieu lev,

choisir le plateau de

Manyanga

la salubrit

deux explorateurs

comme emplacement d'une future station

hospitalire.

faire auprs des chefs de la contre les

obtenir
line

la

Ils

s'apprtaient donc

dmarches ncessaires pour en

concession, lorsqu'ils distingurent sur le flanc accessible de bi col-

une multitude

d'tres

humains

parpills

comme

des chvres, s'accro-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

chant pour monter aux arbrisseaux de

la

179

pente, et se htant d'arriver au

sommet.
Les blancs qui attendaient bravement l'approche de ces nombreux indignes, dont un grand nombre taient arms de mousquets silex aux
canons rongs par

la rouille,

au nombre desquels

ils

furent bientt entours par les plus agiles,

reconnurent avec une vive satisfaction

les inter-

prtes de leur escorte. Cette ceinture vivante et grouillante s'carta res-

pectueusement pour

livrer passage

au makoko suivi des grands seigneurs

LE CONGO A MANVASGA.

du pays

et leur

permettre de s'arrtera quelques mtres des Europens.

Ces chefs taient magnifiques dans leurs costumes de gala. Le souverain


surtout

resplendissait.

Il

portait

boutons autrefois d'un blanc

une veste de hussard, bleu de ciel,


tte s'levait, en forme

immacul; sur sa

de pain de sucre, un bonnet rouge fonc une couverture aux couleurs


;

nes tait ngligemment jete sur son paule,

l'et fait

une peau de chat sauvage

manteau

le

plus ner hidalgo castillan

dait avec

le

p:igne, attache sa ceinture et

comme

fa-

de son

se confon-

descendant jusqu'au genou: ses

CHAPITRE

i8o

chevilles taient ornes de lourds

saient sous de

nombreux

HUITIME

anneaux

d'ara'ent; ses bras disparais-

bracelets, articles d'orfvrerie indigne,

gs de perles bleues et grises, de corail, de graines de plantes,


Dtail assez disgracieux
le

soulvement

artificiel

mk.n-

etc.

ce splendide souverain avait le visage tatou par

des chairs; la cloison du nez, perce, servait a ac-

crocher un pendant circulaire de bois sculpt au couteau; les lobes des


taient dmesurment agrandis; il tenait la main un sceptre
une longue canne pique de clou ttes de cuivre.
Les chefs qui l'entouraient taient peu prs du mme acabit. Leurs
costumes sortaient du mme magasin de confection que la livre du
monarque; les uns avaient endoss, au lieu d'une veste de hussard, un haoreilles

bizarre,

bit

plus modeste

de marine, ou un simple gilet couleur


du roi de

d'officier

carlate qui avait par jadis quelque palefrenier des curies

Portugal,

ou encore

choue par

la

dfroque use d'un clown de cirque anglais,


tranges de

les vicissitudes

la

fortune sur

le

dos d'un prince

hritier d'une tribu congoise.

Mais des murmures mal


cette foule de ngres qui

Les interprtes de Stanley ont de

mations tapageuses

grognements sourds partent de


le plateau de Manyanga.

touffs, des

couvrent en entier
la

peine saisir

et contradictoires qui

s'chappent

le

sens des rcla-

la fois

des gosiers

de ces noirs.

Un moment de

silence

permet au makoko de

faire savoir

aux blancs

les

motifs de sa venue.

De quel

droit, leur dit-il,

venez-vous planter sur notre domaine un

drapeau bleu, un ftiche de mauvais sort; nous ne connaissons pas de


contres voisines qui n'aient eu souffrir de la prsence des
blancs.

hommes

ces paroles

du

roi, les chefs

secouaient gravement la tte en signe

d'approbation, la foule des assistants recommenait grogner de plus belle.

Harou, confiant dans

la

diplomatie de Stanley, observait curieusement les

divers types des noirs grimaant prs de lui; les uns montraient dans leur
rictus des dents blanches limes en pointe

d'autres, plus placides, tiraient des bouft'es

dont

l'eftet tait

peu rassurant;

de fume de leur immense pipe

bourre d'iamba; d'autres encore aspiraient au goulot de petites calebasses


des gorges d'un vin de palme qui achevaient de les abtir; plus loin,

un jeune indigne cheval sur les paules d'un


lement absorb par
les cheveu.x

les

solide gaillard, tait littra-

mouvantes pripties d'une chasse aux insectes dans

crpus de sa monture, chevelure noircie au charbon, attache

en boule par une

filasse brillante.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Entfj- temps, Stanley faisait traduire au

makoko des

iSi

paroles de paix,

d habiles demandes de concession de terrains, qui furent coutes et discutes sance tenante.

Le drapeau, disait-il, n'est ni un signe de soumission pour vous,


un ftiche malfaisant. Nous sommes venus ici avec lintention de devenir

ni

champs

vos amis, d'changer contre les produits de vos

que vous portez


jolies perles

qui vous rendent

et

bleues

du mpoutou

si

ces belles toffes

beaux; nous vous apportons

(de la cte),

du

fil

de laiton, des

fusils,

les

du

tafia,

des vtements multicolores dors sur toutes les coutures, aussi bril-

lants

que

la veste

d'un brun

clair.

de hussard qui

bien valoir la beaut de votre peau

fait si

Le makoko, touch du compliment,

esquissait sur ses lvres

gracieux, rempli de promesses conciliantes. Stanley continua


Si tu le permets, roi puissant

de ce

un sourire

territoire, les blancs s'tabliront prs

detoi ette donneront chaque mois deux grandes pices d'toffe pour occuper

seulement

le

plateau o nous sommes.

Ils

organiseront souvent de grandes

caravanes, ou plutt leurs pirogues rapides iront


la cte les

marchandises apprcies par

courageux

et forts:

ils

beaucoup de poudre,
l'intrieur.

Tes

ils

les

toi et tes sujets.

te dfendi-cnt des

la

attaques des tribus hostiles de

charmantes femmes,

tes esclaves

protection des blancs,

de Stanley allchait

le

ne seront plus,

emmens a la

rgions lointaines, par de farouches trangers.

L'offre sduisante

Les blancs sont

ont des fusils qui tuent de grandes distances,

sujets, tes

grce au voisinage et

frquemment chercher

chane, vers

makoko. Autour de

lui, les

chels

chuchotaient, gi-ognaient encore; leurs dolances, traduites par les interprtes, avaient rapport

accorder

le droit

aux conditions imposer aux blancs pour leur

de sjour.

Deux pices d'toffe par mois ne suffisaient pas. Il fallait exiger des fusils,
du tafia, de la poudre. Des dbats criards s'engagrent; ils durrent de
longues heures. Le pacte d'amiti fut cependant conclu aux conditions prsentes par Stanley. Le terrain de la station de Manyanga fut concd aux

moyennant un tribut mensuel de deux pices d'toffe.


Harou et Stanley ouvrant la marche, toute la masse humaine qui couvrait
le plateau, s'parpilla de nouveau rapidement sur la pente prilleuse de la
colline, offrant un spectacle fantastique aux regards des Zanzibarites et
blancs,

des Krouboys rests dans 'les embarcations.


Sur les bords de la crique, ou les gracieux steamers subissaient mollement les caprices d'une eau lgrement ride par la brise, une crmonie
d'un nouveau genre fut impose aux vaillants pionniers briss par l'cmo-

CHAPITRE HUITIME

iS2

tion et la fatigue,

mais obligs d'en appeler toute leur nergie pour se

coutume

prter patiemment une

locale.

Les gens de Man\'anga, peu ou point confiants dans


Stanley et dans les arrts du

makoko

et

promesses de

les

des grands, voulaient consulter

devin sur les consquences futures de l'installation des

hommes

le

blancs

auprs d'eux.

La croyance au sortilge tait prolondcment enracine chez ces mdignes. Il tait pour eux indispensable de consulter, de battre le ftiche
pour savoir si
selon l'e.xpression consacre pour invoquer les dieux

voisinage des trangers n'amnerait pas des pidmies sur

le

dfaites

dans

les

combats futurs, des flaux sur

le btail,

des

de manioc; en

les cultures

un mot, si les blancs n'taient pas des gnies malveillants.


Un sorcier de l'endroit, un fticheur improvisj pour la circonstance,
s'avance au centre du cercle form par la populace accroupie sur les rives
du fleuve. Le bruit de ses clochettes retentissantes, attaches en collier
autour de son cou

genoux, trouble seul

et fixes a ses

monie. La foule muette attend religieusement

les

dbuts de

les rsultats

la cr-

de l'invocation.

Le devin portait autour de sa ceinture, splendide morceau d'toffe bleue


soyeuse, une calebasse et un panier tiss en forme de carquois. La calebasse
contenait de grossires verroteries et du mais sec; le panier regorgeait

des objets

les

plus divers

ossements humains, lgumes desschs, pierres,

morceaux de bton, noyaux de

fruits, os d'oiseau, artes

Les interprtes de Stanle\" sapprochent du sorcier

de poisson.

et glissent

dans

les

lobes largis de ses oreilles des instructions toutes particulires.

Ce dernier, qui ne manque pas de malice commence

l'opration.

sa calebasse et la secoue d'une faon frntique, en prenant

11

saisit

une pose

inspire.

Sa face grimaante leve vers le ciel laisse onduler sur ses larges paules
les noirs anneaux drouls d'une chevelure longue et paisse.
Il
il

chante en gigotant, au son de ses clochettes. Bientt il parle aux esprits,

remue son
que

ce

panier, et dans les objets divers qui viennent au-dessus

l'assistance dsirait

Les renseignements
de

les

apprendre du pass, du prsent

indiquent d'une faon prcmptoire que


sera pour la contre la source de
les

meilleurs des

l'issue la

hommes,

la

le

prsence des

nombreux

hommes nouveaux

bienfaits. Stanley et

Harou sont

passs, prsents et futurs, leur installation aura

plus triomphante et

faciliteront.

il lit

l'avenir.

compte des blancs dcoulent


Les noyaux de fruit remonts la surface

plus rassurants sur

la signification des objets.

de

et

le

bonheur

est rserv tous

ceux qui

la

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

L'effet

1S5

de cette prophtie fut indescriptible. La population de Alanyanga

se livra tout entire

aux plus

Dans son enthousiasme,


cadeaux que Stanley

et

foltres bats,

n'aperut pas

elle

son compag-non

lui

aux plus copieuses


le sorcier

libations.

occup serrer

les

remettaient, en affectant d'ac-

corder son savoir une entire confiance et en lui tmoignant beaucoup

de respect

dadmiration.

et

Si tranges

monies,

elles

que puissent sembler aux lecteurs les rcits de telles crse renouvellent frquemment, et tout propos, chez les peu-

plades du centre africain.

11

y a deux

sicles peine, les rois

d'Europe possdaient leurs sorciers

de nos contres

populations de leurs

les

attitrs,

royaumes avaient une confiance aveugle dans les prdictions les plus burDe nos jours encore, malgr nos

lesques des astrologues et des charlatans.

prtentions de peuples civiliss,

d'hommes

blass et incrdules, ne lisons-

nous pas chaque jour, la quatrime page des journaux, les annonces
mensongres des cartomanciennes, des liseuses d'avenir dans le marc de
caf, etc., etc., et

ne rencontrons-nous pas des personnes

disposes accorder une

foi

mme

instruites

inbranlable aux lucubrations les plus ton-

nantes et les plus merveilleuses dictes des hbleurs par des tables tournantes ou des esprits voqus.^ Ces choses-l doivent nous rendre indulgents pour les ngres ignorants de l'Afrique centrale
grossiers errements, nous

A
du

pouvons trouver des

au contact de leurs

leons.

peine dbarrasss des crmonieux dtails de

territoire

la prise

de Manyanga rserv l'tablissement de

du Comit d'tudes procdrent aux travaux

de possession

la station, les

les plus

agents

urgents d'instal-

lation.

Le lieutenant Harou

fut dsign

pour occuper

cette localit,

emmenant non

le

poste de chef de station

camp de Ndunga

de .Manyanga. Le personnel rest au

rejoignit bientt

sans de trs grandes difficults

considrable de maisons en bois et en

fer,

le

matriel

destines tre places sur le

plateau concd.

Les premiers jours du mois de mai 1S81 furent pour


de Manyanga remplis d'preuves sans nombre,
fivre

bilieuse,

contre lesquelles la quinine,

drogues pharmaceutiques dont

ils

les blancs habitants

d'heures terribles de

le

calomel, et toutes les

disposaient,

ne parvenaient pas

ragir.

Stanley lui

mme,

l'intrpide rcidiviste africain,

l'homme rompu aux

intempries les plus rudes des climats multiples, fut terrass par

les crises

implacables de ce mal. Durant vingt jours, en proie au dlire parfois, et


toujours

le

jouet des souffrances et de la douleur, l'explorateur traversa

CHAPITRE

i84

moments

des

terribles do doute,

HUITIME

de dsespoir, des instants o l'anantis-

sement de SCS forces physiques occasionnait un complet abattement moral,


des minutes de prostration complte, o
la

mort

la

de sa faux

effleurait

fatale

chane heureusement solide qui relie au corps fragile de l'explorateur

lame fortement trempe d'un


Braconnier,

hrcjs.

soldat qui jusqu' ce jour les fonctions de garde-malade

le

avaient t inconnues, s'installa au chevet de l'agent suprieur du Comit


d'tudes.

dvous

l'humanit,

d'arracher l'homme,
la

prodigua

IJfficier belge
le

le

malade

l'illustre

les soins les

plus

succs de l'expdition, lui faisaient un devoir

guide expriment, aux redoutables treintes de

maladie. La constante sollicitude du capitaine remplaa la science d'un

docteur. Ds les premiers jours de juin, Stanley convalescent organisait

avec son ex-garde-malade

que ncessitait

les prparatifs

la

marche vers

Stanley-Pool.

Le mois de

juin fut consacr par les explorateurs tant tablir la station

de .Manyanga qu' prparer une expdition nouvelle.


Stanley tait peine hors de danger, que
autre Europen sur

le

Paul Nve, peu effray d'abord par


et

la fivre bilieuse frappait

un

plateau maudit de Manyanga-nord.


les

attaques intermittentes du mal

ne pouvant se dcider l'inaction, avait repouss

les injonctions affec-

tueuses de ses compagnons de route qui lui conseillaient

repos.

le

Il

voulait

parcourir chaque tape, et marquer chacune d'elles par une cration de

son intelligence, par un tmoignage de son ingnieuse activit.

Dans

les derniers jours

de mai, l'ingnieur plantait sa tente a ct de

de Stanley.

celle

Cientt aprs, ds

le

commencement de

juin,

une escouade de

trente-quatre Zanzibarites, arrivait a .Manyanga sous

nomm Lindner.
steamers En avant et le Royal

le

renfort,

commandement

d'un jeune Allemand

Le
et

II, les

quittaient leur dernier ancrage

en remorquant deux allges, ce

ramenaient,

mme

Lindner vers

Issanghila.

cette

mme

date, l'tat de

Nve empira de

telle sorte

quil fut oblig

de s'avouer impuissant. Ses forces physiques l'abandonnaient; l'infortun


se raidissait contre le faix des souffrances;
rles de l'agonie,

dsir de gurir,

il

touffait

dans sa poitrine

les

mais sun corps puis n'obissait plus son me. L'pre

de vivre encore, d'accomplir

au service de l'ieuvre africaine,

les instances

la

dure de son engagement

de ses compatriotes

le

dter-

minrent reprendre la route de Vivi, ou dessojns plus attentifs pourraient


lui tre
11

procurs.

sembarqua

et

descendit

le llcuvc.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Arriv le 22 juin prs d'Issanghila,


vaient les

mouvements

incessants

le

malade, vaincu par

du bateau, dut

15

la fivre qu'acti-

s'arrter et dbarquer,

avec l'aide des fidles Krouboys qui l'accompagnaient, au pied de la colline

o devaient s'lever bientt

les

btiments d'une station.

Le lieutenant 'Valcke, malade lui-mme, accourut au-devant de son com-

HUTTE o PAUL NVE EST MORT

patriote, qu'il

de

lui

d'aPRS UN CROQUIS DU LIEUTENANT VALCKE

).

trouva dfaillant, invoquant la mort, ordonnant aux Krouboys

pargner

les horribles souffrances

d'un transport en

hamac

jusqu'

la station.

L'officier

ne pouvait se rsoudre laisser l'infortun voyageur expos

sur la grve l'humidit, au froid de la nuit qui approchait. Sur ses instructions, les

Krouboys couchrent l'ingnieur dans un hamac conlctionn

LES BELGES.

II.

24

la

CHAPITRE HUITIEME

iC6

hte avec des branches d'arbre, et

le

transportrent jusqu'au chimbeck

plus proche, hutte isole, construite

parmi

les

le

de rares sycomores grandis

l'abri

fougres arborescentes et les herbes d'une valle.

Le 23 juin, Paul Nve sommeillait encore, lorsque les premiers rayons


du soleil, glissant discrtement travers le store de roseaux qui masquait
l'unique fentre de la cabane, clairrent l'intrieur de la triste demeure
dans laquelle il devait mourir. A son chevet, auprs de sa dure couchette,
obtenue en reliant ensemble par des lianes rsistantes
canneles d'un phnix spinosa, \'alcke, aprs une nuit de
sa lassitude, lui

baguettes

les

veille,

oubliant

prparait une potion calmante. Le brave lieutenant com-

prenait nanmoins que

la

science tait impuissante sauver les jours d-

sormais compts de son ami.

Son regard, o

Celui-ci s'veilla.

brillait

encore une tincelle de

et l sur le pauvre mobilier de la hutte, puis

expression de reconnaissance sur

le

il

vie, erra

une douce

s'arrta avec

visage attrist du lieutenant.

me

Dj prs de moi, cher garde-malade; merci de vos bons soins. Je

sens mieux; ce matin,

ma fivre

a disparu. Ah!

voyage en bateau m'a

le

fait

cruellement souffrir. J'prouve une faiblesse extrme par instants, d'atroces


;

mes

douleurs, d'horribles tiraillements dchirent


vais

mourir bientt. Mieux que personne

vous en

j'ai

entrailles. Je sens

conscience de

prie, Valcke, procui^ez-moi tout ce qu'il faut

pour

mon

que

je

tat. Je

crire... Je

ne

reverrai plus notre chre Belgique. Je veux transmettre aux miens de

suprmes adieux...
trop tard

Je le puis aujourd'hui, demain, peut-tre,

il

serait

Le lieutenant s'empressa d'accder au vu du malade.

De son
contenant

lit

de douleur, Nve

les

penses dernires d'un

ci'ivit sa
fils

d'un

d'action et de

une

touchante,

lettre

qui s'teint loin des siens, penses

involontairement empreintes d'amertume,

homme

famille

reflet

inconscient des regrets

dvouement, arrach trop

tt l'accomplis-

sement d'une mission glorieuse.


Le 26
effort

juin, 7

heures du matin, Nve se sentit perdu. Par un suprme

de volont,

il

se souleva sur sa couche, saisit le bras

de Valcke,

essaya de lui parler encore... Ses lvres dcolores s'entr'ouvrirent dans un


souffle

inintelligib'e,

faible

et

dernier

soupir d'une grande

me

qui

s'envolait.

Les dlires cruels de l'agonie

lui avaient t

entre les bras de son compatriote, qui

dans une suprme treinte

les

il

pargns. Nve expirait

et voulu sans doute exprimer

remerciements,

la

reconnaissance

qu'il

devait

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

187

l'ami, au garde-malade, dont l'affection inaltrable et la sollicitude inces-

sante avaient adouci ses derniers instants.


Valcke, puis par

couchette

le

bris par l'motion, tendit sur la

la fatigue,

corps inanim du pauvre ingnieur.

Des larmes coulaient silencieusement sur ses joues amaigries;


l'treignait,

dure

la

restait atterr, sans mouvement, sans voix, devant

il

douleur
le

corps

de son ami.

un moment les jours vanouis o son valeureux compagnon de


voyage, passager du Bicifra, plein d'esprance et de vigueur, dbarquait
revit

Il

sur

la terre

africaine, jaloux

gence et son
Hlas!

le

de vouer l'uvre de son Roi sa rare

succomba sans
comme savent mourir pour

destin inexorable avait exig la vie:

sans courroux, sans profrer une plainte,

fiel,

plus nobles causes les plus hro'fques martyrs

les

intelli-

activit.

Le lendemain,

\''alclce

achetait

du

roi

terrain voisin de la cabane o gisait

le

Nve

ngre d'Issanghila

la

concession d'un

dfunt, situ au pied d'une colline,

o croissaient en abondance mille sortes de gramines, de fougres

et

d'arbrisseaux.

La

fosse fut creuse

au milieu de ces plantes.

l'heure de l'inhumation, tout le personnel de la station d'Issanghila,

qui se composait d'une vingtaine de Zanzibarites arrivs

sous

le

commandement

d'un jeune officier belge,

escorta l'ingnieur belge sa

Les blancs,
la civire

les Zanzibarites
le

cercueil

demeure

le

le 25

juin de

'Vivi,

sous lieutenant Janssen,

dernire.

rclamrent tour de rle

du dfunt, fabriqu avec

les

le

droit de porter

planches du bateau

amen, disparaissait sous des monceaux de fleurs.


Sur les bords de la fosse, les noirs se rangrent en cercle; puis chacun
d'eux jeta dans ce vide sa pellete de sable.

qui

l'avait

La fosse ainsi comble, on la couvrit d"un amas de pierres.


Sur cette tombe, un religieux accouru d'une mission voisine,

rcita la

prire des morts.

Deux

jours aprs, Janssen obissant au

vu

religieux que Paul Nve avait


souvent exprim ^'alcke avant de mourir, planta sur ce mausole une
simple croix noire, sur laquelle taient graves les initiales P... N...

L'escorte regagna silencieuse et triste la station d'Issanghila.

Les jours suivants, 'Valcke, avant de partir pour l'Europe, revint bien des
tombeau de son ami.

fois visiter le

Le lieutenant, malade, assombri par


qu'il avait

la perte irrparable d'un compatriote


en vain essay d'arracher au trpas, voulait apporter aux parents.

CHAPITRE

HUITIL:ME

aux amis du dfunt, un consolant tmoignage de

dlicate et affectueuse

condolance.

Sous son crayon habile,

l'officiel" fit

revivre les lointains paysages tmoins

douloureuses de l'infortun voyageur. Nous devons


l'obligeance de personnes qui furent chres Paul Nve la faveur de
des tapes

les plus

du lieutenant \'alck.e la
hutte o Nve expira, l'enclos o il dort du sommeil ternel.
Au cours destructeur des annes, la cabane o le pionnier belge a rendu

pouvoir reproduire dans ce livre

le

les

dernier soupir peut s'effondrer sous

son tombeau peuvent disparatre sous


ronces pineuses:

durable
mille,

tempte,

le tissu

les pierres disjointes

concit03'en

le

l'aurole

Roi

du

et la

de

des lianes sauvages et des

appartient au patriotisme d'lever un

mmoire d'un

la

la

monument

tomb prmaturment

de sa patrie, au service d'une noble cause, dont

aujourd'hui

il

dessins

le

loin

plus

de sa fa-

succs honore

nation belge et profite l'humanit.

du cooprateur mritant de
palme du martyr; son nom restera

travailleur actif et valeureux,

l'uvre africaine, Paul Nve a joint

la

attach l'une des plus hardies et des plus grandioses tentatives de notre

poque; sa page

brillante, hlas

trop courte, sera enregistre au chapitre

l'tat du Congo; les pierres de son tombeau sont


marche pied de sa gloire.
La gloire Elle veut des hros amis du sacrifice, des hommes qui, devant
l'exil et les dangers, ne sachent pas trembler, des curs que rien n'arrte,
des mes prtes tous les dvouements Comme une toile d'or scintillant

immortel des Annales de


le

au front des

nuits, elle brille et dirige vers les rgions lointaines et pril-

du centre africain deux champions jeunes, aventureux, que le glas


funbre de la mort de Paul Nve, retentissant leur arrive, attriste, mais
leuses

n'arrte pas.

Ces deux braves, qui viennent au Congo trouver

renomme, sont deux

officiers

de l'arme belge

la

tombe avant

la

Janssen (^Eugne), sous-

lieutenant au 6"" de ligne, Orban, sous-lieutenant au

6""=

d'artillerie.

Ce dernier occupa a Vivi le posce de chef de station, et fut attach au


Autour de lui se groupait l'poque de son arrive
(juin 1881) une petite colonie belge. La station de \'ivi comptait en effet
service des transports.

deux mcaniciens belges


jeune lve de

l'Institut

Grard (Lambert), Marit. Germain; en outre un

commercial d'Anvers, Callewaert (Charles), des

fonctions d'agent magasinier.

Nous laisserons Orban remplir Vivi la haute mission que lui a confie le
Comit d'tudes, et son compagnon Janssen s'apprter construire les btiments de la station d'issanghila.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

189

La fin de juillet 1881 nous ramne, comme vnements saillants,


Manyanga, o sont encore Stanley, Braconnier et Harou.
Nous avons dit que Manyanga-nord est un march trs en faveur chez
les tribus indignes environnantes. Les gens des pays d'amont, Ngogo, Kakongo, Ntommbo-Matako, Ngommbi, Hemmba, Kinngonna, Souki. etc.. y

TOMBE DE PAUL NEVE

(d" APRES

UN CROQUIS DU LIEUTENANT VALCKE).

rencontrent chaque semaine les habitants de Ndunga, ceux de Mbou.


les

Bakongos

et les

Bacess.

Le 25 juin, un jour de grand march, un noir de lexpdition amena,


contrairement la coutume locale, une chvre et deux porcs pour essayer
de les vendre. Ce fait bien simple en apparence fut considi' par les indignes

comme un

outrage,

un

attentat

aux usages reus

l'indignation

CHAPITRE

100

publique souleve se vengea sur

La chvre

trangers.

dbris jets au loin.

Il

HUITIME

animaux, en maugrant contre

les

et les porcs furent

coups en morceaux,

et

les

leurs

de nombreuses bouteilles do gin au

fallut distribuer

public courrouc, pour le distraire de sa rage contre les habitants de la station


nouvelle. chauffs par

ngres de l'endroit cherchrent au fond

le gin, les

des gourdes de malafou une ivresse

Les travaux de
lieutenant Harou

tendus par

lui,

telle qu'ils

en oublirent leur

grief.

avanaient promptement sous les ordres du

la station

mais des objets indispensables taient impatiemment

au retour des steamers partis sous

at-

commandemant du

le

jeune Allemand Lindner.

Chaque

jour, les habitants blancs

sommet du

versant dominant

eaux fougueuses du courant

du plateau de Manyanga, grimps au

le fleuve,

et les

interrogeaient anxieusement les

sinueux replis des rives, dans l'espoir de

voir apparatre les messies attendus, le Rayai, l'Eu Avant, les allges, aux
flancs

bonds de matriel,

des compagnons de

et

et

porteurs de nouvelles d'Europe, de

vo\'age chelonns au

la patrie,

long des escales dj

parcourues.

Le

10 juillet, ds l'aube, la population laborieuse de

s'veillait; les

chafaudages des btiments en construction;

men,

la

pioche sur

leur refrain

Manyanga-nord

charpentiers Kroubo3's munis de leurs outils escaladaient

le

les Zanzibarites et les

les

Kroo-

dos, la hache sous le bras, se rendaient, en chantant

monotone, aux champs

voisins, terrains fertiles qu'ils devaient

transformer en luxuriantes bananeraies, lorsque des coups de feu bruyants

du pied de la
Braconnier et Harou

partirent

colline.

se rveillent en sursaut. Les

mmes

dtonations se

font encore entendre.

Est-ce

Les

une attaque?

officiers se lvent

reconnaissent avec
flottille

prcipitamment, arrivent au bord de

un bonheur

la crte, et

indicible les gracieuses embarcations de la

mollement caresses par

les

eaux murmurantes dans

la

crique

de Manyanga.
C'est le courrier
lettres promises...

si

longtemps dsir:

Braconnier

et

trois descendent, bondissent sur


qu'ils sont d'arriver sur les

la

pente escarpe de

bords de

la colline,

sont les
et tous

empresss

la baie.

Combien nous vous


arriv... Mais, comment!

Capitaine Anderson, eh bien, quoi de nouveau?-...

sommes

reconnaissants que vous soyez enfin

qu'est-il advenu.-

c'est le travail assur, ce

Harou courent prvenir Stanley,

D'o vient

la tristesse inusite

qui se

Hlas, messieurs, votre joie va se changer en

lit

sur votre visage?

deuil. Je suis

un messa-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

ger de mauvaise nouvelle. Tenez, monsieur Stanley,

Lindner;

elle vient d'Issanyhila.

191

lisez cette lettre

de

Stanley saisit avec une ardeur fbrile

la

missive qui lui est

si

funcbrement

annonce. Braconnier et Ilarou attachent leurs regards sur l'Anglais.

Soudam

son visage, d'ordinaire impassible,

plit, se contracte.

Un frisson,

un tressaillement, traversent le cur de cet homme d'airain. Stanley interrompt sa lecture, et d'une voix palpitante d'motion douloureuse
Paul Neve est mort, messieurs nous perdons un brave et loyal cama<>

rade,

une force

intelligente et active...

Puis Stanley s'arrte...

des deux

Le

15,

Il

avait

vu

<>

bi-iller

comme

des larmes dans les yeux

officiers.

Braconnier partait en claircur, commandant une assez forte

troupe d'indignes, sur

la

route hrisse d'obstacles, par laquelle devaient

amens quatre jours plus tard, avec l'aide de toutes les forces humaines
dont disposait Manyanga la colonne expditionnaire, et l'assistance de

tre

deux cent-dix indignes engags cet effet,


au del de la cataracte de Manyanga.

le

steamer

Y En

Avant

et les

allges,

Stanley, contiant la direction des embarcations l'Allemand Lindner,


rejoignit Braconnier le 20 juillet, la halte de

Mungala, sur

la rive

nord

du fleuve.
Pour arriver ce campement, on avait eu parcourir un territoire peu
populeux, un sol entrecoup de ravins, de lits de torrents desschs, et
passer quatre rivires assez considrables, tributaires du Congo, affluents
au nombre desquels il convient de citer celui nomm Mbka.
Le
les

21,

aprs une marche pnible travers une contre montueuse, dont

ondulations craient une foule de valles boises arroses par des cours

d'eau, les explorateurs arrivaient

Mpakambendi.

En amont de ce point commence la gorge troite et profonde travers


laquelle le Congo roule ses eaux entraves par des amas de blocs erratiques,
des projections rocheuses, entre des rives composes de gneiss, stratifi
horizontalement, de grs surmonts de masses granitiques, et et l
d'une

saillie

de trapp de couleur trs sombre. Au-dessous,

le

fleuve ne ren-

contre plus que des banquettes d'un schiste verdtre, battues et broyes

par

les eau.x

au point que

les

rapides n'occasionnent plus de tourbillons ou

de ressauts de lames. La surface liquide


est

est toujours

ride par de petites vagues, ailleurs

elle

houleuse; tantt

elle

prsente de larges bandes

d'cume.

Continuant longer, par voie de

terre, la rive

nord du fleuve. Braconnier

CHAPITRE

:,2

et Stanley traversrent le district

HUITIME

de Zinga habit par

indignes se

nomment

les

Babouennd. En

Bacess.

gauche,
Les naturels des deux rives vivent presque exclusivement des produits

face, sur la rive

de

les

pche.

la

Chaque

jour,

sept heures

cataracte de Zinga, les

la

du mutin,

deux bords de

la

les

riverains se dirigent vers

chute ayant chacun leurs rocs

spars, entre lesquels s'lancent des bandes troites d'eau

cumeuse o

sont places les pcheries.

une trentaine de filets sont constamment tendus aux


habitants des eaux. Mais nul pcheur n'en peut lever un seul avant que l'un
des makokos, ou l'un des princes hritiers ne soit arriv.
Lorsque le chef attendu est prsent, les filets sont ramens; ils enserrent

Du

ct de Zinga,

presque toujours des brochets, des poissons-chats (Pimclodus de Cuvicr),

dont

silure

la

chair grasse est estime et qui a

la tte

pourvue de longues

barbes, des serpents d'eau, des anguilles, des Polyplerifs, et mille sortes de

poissons

communsauxlacs

la science

Si la

et

l'Afrique, vritables puits

l'autre rive

en poussant des

les

cris

gens de Zinga l'annoncent aux Bacess de

de

joie clatants;

mme ligne arienne, avec

font connatre par la

heureux de leurs coups de

ct, les Bacess

des voix formidables,

les r

rcent sjour

les

voyageurs.

que Stanley

Plusieurs

avait fait dans

demandaient l'explorateur des nouvelles du LadyAlice


des nombreuses pirogues qui avaient autrefois descendu le fleuve sous
conduite de l'homme blanc.

leur contre;

la

le

de leur

filet.

Ces populations n'inquitrent nullement


indignes se rappelaient

et

pour

ichtyologique.

pche est abondante,

sultats

aux rivires de

ils

Ces gens taient assez aimables, mais il tait


eux des aliments, des vivres de rsistance.

de se procurer chez

Babouennd aient l'habitude de porter constamment sur


paules un havresac, sorte de carnier fait avec des fibres du palmier

Bien que
leurs

difficile

crucifre

les

(Hyphnc

thcbaica), leur

pays est trs pauvre en gros gibier. Cepen-

dant Braconnier, dsireux de modifier un peu

snralement compos de conserves,

riz,

le

menu

habituel des repas,

haricots, lentilles,

moandas

et

chicoandas, rsolut de profiter d'une halte faite au milieu d'une population


hospitalire,

pour

se livrer l'exercice la fois utile et agrable de la

chasse.

Bien que fatigu,

il

s'loigna

du camp pour parcourir un

petit bois

assez toutu.
11

errait dj

depuis plus d'une heure sans y rien trouver, lorsque, retour-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

nant vers

une

le

bivouac,

il

193

aperut deux petites antilopes qui paissaient dans

clairire.

rapprocha sans bruit; plus de cent mtres, sa prsence fut dcouverte. Le mlc sauta sur un rocher d'o il pouvait scruter attentivement
les profondeurs du bois; la femelle, l'oreille en alerte, flaira le sol autour
Il

se

d'elle.

La distance

fois hsiter.

voir

II

tait

grande,

visa l'animal

tomber en

le

capitaine Braconnier ne pouvait toute-

grimp sur

le

rocher, et eut la satisfaction de

le

bas. L'autre, au bruit de la poudre, s'lana vers le bois;

CHUTE DE LA RIVIERE^ D EDWIN ARNOLD,

Braconnier visa de nouveau

le

coup

partit

l'animal d'un seul

bond disparu

sous les arbres.

Un jeune
le

au rocher o
fona dans

chasseur, nous pourrions dire


courut chercher l'antilope tue. Puis, au lieu de s'arrter

ngre, qui avait accompagn

braconnier,

le

premier animal

tait

le

tomb,

Braconnier arriva son tour et au bas de


sang,

un gracieux

Le ngre
la

il

continua sa course et s'en-

le bois.

petit animal,

sortit

la

une antilope

roche

il

dcouvrit, baign de

varit de bushbok

son tour du bois, pliant sous une lourde charge. C'tait

seconde antilope. Braconnier

allait

heureusement

ravitailler

de chair

excellente la colonne expditionnaire.


LES BELGES, n.

25

CHAPITRE

J94

HUITIME

retourna au camp, portant sur son dos l'une de ses victimes, et suivi du
ngre et de son fardeau. Inutile de dcrire l'enthousiasme avec lequel furent
Il

accueillis les porteurs

de gibier.

Stanley invita les makokos du district partager

le copieux festin du
Ces chefs refusrent. Les indignes, par coutume, ne mangent
jamais d'un gibier qu'ils n'ont pas tue et saign eux-mmes.

soir.

De Zinga,

les pionniers^rconforts s'avancrent vers le

nord-nord-ouest,

suivant les capricieuses sinuosits du fleuve.


cntrevrirent

Ils

un

s'arrtrent

caine

la belle

Mowa, entour de palmiers aux gerbes

instant

pour contempler une merveille de

lgantes, et

nature

la

afri-

cascade de l'Edwin-ArnoId.

L'Edwin-ArnoId
ses eaux blanchies

est

une

rivire assez

d'cume dans un

lit

importante qui roule en cascades

encaiss par des collines rougetres,

Congo du haut d'une


La force du courant est telle,

et l couvertes de bois, et qui se prcipite dans le


falaise verticale, leve, de trois cents pieds.

que

la rivire

tombe sur

les

rochers du fleuve plus de trente pieds de

berge.

la

La chute de l'Edwin-Arnold n'a pas le caractre imposant des grandes


cataractes du fleuve. Les masses de verdure se mlent aux roches de la
falaise et aux jets d'eau de telle faon qu'il en rsulte un ensemble harmonieux,

comme

si le

pinceau d'un grand artiste avait achev ce tableau

parfait.

Les marcheurs franchirent diflicilement

le lit

de

la rivire,

puis

ils

con-

tinurent gravir les escarpements boiss, les falaises colossales au bas


desquelles

le

fleuve rugissait avec violence, roulant ses vagues brunes,

crte blanche, sur les quartiers de roches entasss au bord des rives, roches

normes, inondes sans cesse

d'une

d'une

pluie d'cume,

brume de

vapeurs.

Le pays

rappelait Stanley

le

triste

souvenir de

la

mort de Frank

Pocock, l'infortun compagnon de son premier voyage au continent mystrieux. Et dans la nuit slencieuse et calme que l'on dut passer au-dessus
la gorge:

de

ver
de

le

troite

de Mowa, l'explorateur anglais, incapable de trou-

sommeil, vint promener ses mornes penses sur

lalaises

o montait

comme un

tonnerre

le

vacarme

les crtes

hardies

saisissant des chutes

de -Massassa.

La lune, toute grande au-dessus de la paroi mridionale du


sa clart funraire sur une scne furieuse.
Le fleuve

se tordait en sifllant, roulait sur

avec un bruit terrible

lui-mme,

dans un chaos de vagues

irrites.

gouffre, jetait

et se prcipitait

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Le

aux premiers feux du jour,

22,

village

de Nzabi

C'tait jour

Sur

la

les

197

explorateurs s'arrtaient prs du

(rive droite).

de march.

plage anime de

la baie

de Nzabi,

les noirs

babouennd, bacess,

batk, grands gars au teint fonc, aux figures rbarbatives, se distinguaient

des ngres bacongo,


visage composant

Les uns
les

bazommbo,

un ensemble

et les autres

la couleur d'un brun roux, aux traits

du

agrable.

changeaient, avec force cris et gestes, les articles

plus divers emprunts l'industrie europenne, la culture et la

fabrication locales.

VUE PRISE DU PLATEAU DE MOWA.

Entre leurs mains on voyait des produits de Delft, des poteries anglaises:
assiettes, pots, cuvettes,

cuillers

gham;

du

d'autres offraient

la quincaillerie,

sel,

en change de

de

de

la

fer galvanis, coutellerie

poudre, des

l'huile et

toffes,

de

de Birmin-

la verrerie,

de

du vin de palme, des arachides,

mas, pains de cassave, racines de manioc, ignames, cannes sucre, haricots,


poterie indigne, oignons, citrons, bananes, goyaves, limons doux, ananas,

cochons noirs, chvres,

volailles,

ufs, ivoire, et en outre, spectale hideux,

quelques esclaves, cratures sans forces, amenes


les

la

chane des districts

plus lointains des Bassoundi du nord et des Batk.

CHAPITRE HUITIME

igS

Les explorateurs dressrent leurs tentes auprs de ce march, sur


lisire d'une fort darbres gigantesques, magnifiques spcimens de

la
la

vgtation tropicale.
Bientt aprs, Braconnier et Stanle}-, diigeanl leurs noirs marmitons,

procdaient
princes de

prparation dlicate d'un mets tout

la

l'art

Les cuisiniers commencrent par rincer dans

au moyen

du ruisseau. Ces
y

tirent ajouter

limpide

l'eau frache et

d'un ruisseau voisin quelques cimes choisies de manioc, et


ensuite

inconnu aux

fait

culinaire en Europe.

les broj'rent

un pilon rempli galement avec l'eau


rduites en une bouillie verte, les blancs

d'un mortier dans

feuilles,

une

fois

cinquante arachides, trois petites ignames de l'espce

aile

(Dioscorea alala ) bouillies et coupes en tranches aprs refroidissement;

une

cuillere d'huile d'arachide,

une autre de vin de palme, un peu de

sel,

et une quantit suffisante de piment en poudre.

Le tout fut pil, longuement tourn, et l'admirable mlange ainsi


obtenu composa une excellente friture, grce l'action ardente d'un feu de
broussailles dessches.

Le mets confi a un plat de Delt fut dpos, sous la tente de Braconnier,


sur la bote mdicaments servant de table manger.
Cette ingnieuse macdoine fut savoure, grand renfort de tranches
grilles

de pain de cassave

satisfaits d'avoir

et

de verres de malafou, par

les

explorateurs

pu varier leur ordinaire.

D'autre part, les Zanzibarites, les Krouboys, les Kroomen, tous les noirs

compagnons des
la

vaillants pionniers, se dlectaient de plats confectionns

sempiternelle huile de palme. Quelques-uns, plus gourmets, avaient

mieux sans donner en change la moindre perle bleue, le plus petit bout d'toffe, un des nombreux poulets qui
picoraient dans un champ de ma'fs peu loign du camp.
Surpris en flagrant dlit de torsion de cou du volatile par des indignes
voulu

s'offrir

sans bourse dlier, ou

par

les

paules et

raconte un voyageur

l'un des

de Nzabi, ces noirs de l'escorte furent leur tour


trans captifs devant le makoko de l'endroit.

Ce puissant chef qui ressemblait


grands hommes

saisis

d'tat de la vieille Angleterre (dans ce cas la l'honneur tait

tout entier pour le makoko), se hta de rclamer aux blancs une ranon d'environ mille francs payable en fusils ou toffes, pour rentrer en possession

des prisonniers.
Stanley et Braconnier, troubls dans leur digestion par

le

tapage

demande intempestive du souverain, conduisirent avec une


tie les

telle

et

par

la

diploma-

pourparlers ncessaires au rachat des coupables, qu'ils obtinrent

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

igg

moyennant une quantit d'toffe valant environ cinquante


C'tait bien assez cher pour le maigre poulet que les noirs n'avaient

leur libert
francs.

mme

pas eu

le loisir d'apprter.

Cet incident amiablement termin, les voyageurs quittrent

le district

de Nzabi, en route vers Stanley-Pool.


Alors, en parcourant le plateau qui

marcheurs

d'Inkissi, les

domine

yorge des cataractes

la

innombrables

se heurtrent des difficults

et

furent en butte aux plus dsagrables inconvnients des contres tropicales.

A chaque
vrir

il

fallut se servir

des pioches

des haches pour s'ou-

et

forts sculaires.

Des arbres gants, des

pais d'arbrisseaux, des broussailles menaantes, s'cartrent sous

taillis

les

instant

un passage dans des angles de

coups vigoureux des

de mine,

ou les clats tout-puissants de la poudre


mandres sinueux de leurs lianes tom-

outils,

et livrrent, travers les

bes terre, une

route

accessible au personnel et

aux chariots de

l'expdition.

Mais

si,

au prix de fatigues excessives,

les obstacles

vgtaux s'inclinaient

humaines, des nues d'tres presque invi-

devant

la force et l'intelligence

sibles,

des insectes de mille espces diffrentes vengeaient cruellement sur

les n:iembres

des travailleurs,

les

ravages occasionns leurs demeures ver-

doyantes. Des djiggas du Brsil (puces pntrantes), des

zoaires, des insectes multiples se disputrent le corps des


et noirs

de

la

des ento-

filaires,

hommes

blancs

cohorte exploratrice. Toute cette vermine labourait d'cor-

chures, ou couvrait de tumeurs, les mains, les pieds, les bras, les jambes

des marcheurs.

Les plaies douloureuses,

les rosions

de

la

peau, provenant des piqres

pntrantes de ces dangereux ennemis, eussent dgnr rapidement en


ulcres,

si

hommes

les

qui en taient les victimes ne se fussent hts de

les cautriser aussitt.

Malgr cette premire opration, ces blessures tenaces laves, brles,


panses deux

En

fois

par jour, mettaient des semaines entires se gurir.

certains point le sol tait couvert,

ou plutt recouvrait tout un monde

de fourmis blanches (termites).


Les voyageurs apercevaient quelque distance
ngres,
ils

des demeures de

une sorte de hameau extraordinaire. Lorsqu'ils taient plus

prs,

reconnaissaient des constructions de termites assembles en groupe

considrable, ayant des

par

comme

les insectes

dans

sommets coniques

Les habitations de ces tres industrieux,


rsistantes, sont

si

faits d'argile

blanchtre pris

le sous-sol.

solides,

que bien que

faites

l'intrieur

avec des matires trs

en

soit divis

en cellules

200

CHAPITRE

comme un rayon de miel,

c'est

peine

HUITIME

si la

balle d'un

martiny y peut pn-

une profondeur de cinq ou six centimtres.


Des Kroomen de l'expdition mangrent pleines mains de ces termites

trer

un

crus: ce fut pour eux


Ils

vrai ryal.

choisissaient de prfrence ceux de ces insectes occups dans les bois

leur besogne quotidienne

les

cendant, marchant dans tous

drober

l'apptit

Quant aux

termites montant sur les arbres ou en des-

les sens, n'essayaient

en aucune faon de se

des ngres.

blancs,

une nourriture de ce genre leur

paraissait trop indi-

geste, trop rpugnante; aussi se htaient-ils de franchir

de termites

et d'arriver

intressants pour eux

Le
dont

24, ils recevaient


le

charme

tait

les

amas de nids

des habitations occupes par des bipdes plus

que

les fourmis.

des populations du district de

doubl par

le

Ngoma un

accueil

dlicieux paysage qu'offrait la luxuriante

vgtation du sol dans cette contre.

CHAPITRE IX

Ngoma.
de

Passage gu du Lubamba.

Kinduta.

Le

clown

Les Batek.

Bwabwa

de

- Njali.

Le

fusil ftiche.

Rcolte

Sur

la colline

du vin de palme.

Chez

Gamankono.

ES huttes de

de

la rive

Ngoma

terrifiantes

dirait

sont parses sur les falaises escarpes

droite, l'endroit
<>

qui portent

La gorge que

du centre

ces falaises

cents yards, sert de


LES BELGES. H.

lit

nom

les

chutes

'bikissi (le charme).

On

autant de nids de pirates adosss aux troncs de

j^ majestueux bombax
la puissante flore

le

o commencent

et

de magnifiques arbres appartenant

africain.

commandent, d'une largeur d'environ cinq

au fleuve courrouc.
20

CHAPITRE XEUVIOIE

202

Les eaux n'y sautent plus de hauteurs dtermines; leur cours prsente

un ple-mcle de vagues tournoyantes qui


fondent au miUeu du courant

et

se heurtent, se dressent, se con-

produisent un chaos de lames se poursui-

vant et s'croulant avec un fracas inou, sur un parcours de plusieurs milles.

Au

pied des falaises de

Ngoma

une

se trouve

du plateau suprieur

le

longue qui semble

tombe plat dans le fleuve,


sous la violence de quelque tempte. Les monceaux de ruines, les plaques
paisses, les blocs de trapp accumuls sur les rives, semblent tmoigner
que la gorge est duc un affaissement subit des montagnes qui l'enserrent.
avoir

Le

fait

partie

territoire

et tre

merveilleusement riche, bien que peu cultiv. Les

est

pentes sont couvertes de bois, de terres fertiles o croissent en abondance

vgtaux

les

fruits dlicieux des contres tropicales, qui

ample nourriture aux indignes,

des

prodiguent une

troupeaux de chvres, de cochons

noirs et des milliers de volatiles.

Les voyageurs, peu soucieux de sjourner dans ce

district,

songrent

s'en loigner aprs quelques heures de halte.

Devant eux la route devenait impraticable. Une large montagne de


deux cents pieds tait le premier obstacle; plus loin, les berges montueuses du fleuve taient encombres de sites boiss, d'espaces hrisss de
quartiers de rochers, de cols pic livrant passage a des ruisseaux.

Marcher en avant avec

les

lourds wagons de voyage charriant les bagages

innombrables de l'expdition paraissait une irralisable utopie

l'escorte

noire de Stanley et Braconnier.

Les Europens eux-mmes avaient


leur route.

pli

Un sentiment de doute

devant

la difficult

de poursuivre

indescriptible se peignait sur leurs

visages. Allaient-ils chouer contre des obstacles matriels? Devraient-ils

reculer devant des falaises escalader, des furets vierges traverser, des
lits

de rivires franchir

Cderaient-ils au mauvais vouloir, la terreur de

leurs serviteurs rebutes, semblant croire la fin

du monde

et fixant sur

leurs chefs des regards efifrays?


Ils

se consultrent

En

un

route! en route!

leurs interprtes,

instant.

commandrent

de cette voix brve

s'effacent les hsitations et cessent les

par

les Zanzibarites,

donnez

Kabindas. Nous hisserons,

montagne
sous

le

les quartiers

s'il

les

la fois Stanley et Braconnier


et

imprieuse

murmures,

devant

faites atteler les

laquelle

wagons

pioches aux Kroomen, les haches aux

le faut, les chariots

de roches sauteront

la

jusqu'au

mine,

sommet de

la

les

arbres tomberont

les

avaient entendus.

tranchant des outils.

Les ordres furent traduits. Les indignes de

Ngoma

LES iELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

pour mettre en sret leurs cochons

s'enfuirent aussitt

Ils

207

rpandant partout

volailles, leurs chvres,

le

que

bruit

les

noirs, leurs

hommes

blancs

voulaient faire voler les chariots par-dessus la montagne.


la rive j^^auche,

des centaines de Bacesss, accourus aux cris de leurs

voisins sur les falaises

dominant les chutes, assistrent en curieux tapageurs

Sur

au dpart de

la

caravane exploratrice.

Les wagons de voyage qui s'apprtaient selon

les

naturels voler

par-dessus les monts, taient chacun une lourde construction de fer et de


poutrelles, longue

de6

7 mtres, large de i^S

mtres, porte sur quatre

grosses roues de bois et trane par vingt-quatre ou trente mules soumises


des traits vigoureux, atteles

du

un long cordage

fix

au bout des timons

chariot.

Ces vritables maisons roulantes contenaient


dises, les objets destins

les

bagages,

au campement des voyageurs, et

les

les

marchan-

matriaux,

pices de bois, de fer, propres lever les premiers btiments indispensables d'une station future.

Avec une admirable habilet,

Stanle}',

grce son exprience des vo3'ages,

avait dirig la construction de ces merveilles offrant

des aises

ploration

relatives

pour transporter

aux pionniers de

les

l'ex-

plus volumineuses

cargaisons.

Aprs une halte,

le

dpart est toujours une grosse

choses mettre en ordre, rparer;

c'est

toujours au dernier

s'aperoit de la rupture d'un trait; les fouets

mche;

moyeux des roues

les

fix

pour

le

marche,

la

ya

tant de

moment qu'on

cordelette ou de
les

mules

nombre viennent toujours

retar-

dpart.

Nanmoins, toutes prcautions


ouvre

manquent de

Il

ont besoin d'tre raccommods;

sont mal atteles; enfin des misres sans

der l'instant

affaire.

esca'.ade les

prises, la caravane s'branle.

premiers escarpements de

la

Braconnier

montagne,

dirige les Kabindas qui abattent par-ci par-l les broussailles gnantes, et

rattacher par des cordages les roues paisses des chariots aux troncs
volumineux des arbres, aux pointes des rochers isols sur la pente gravir.
De loin en loin, les Kroomen mi-nent des bancs de roches qui volent en

fait

clats avec

un

bruit terrible.

Stanley marche prs des wagons, excite


geste;

il

les

Zanzibarites de la voix et du

s'accroche parfois avec eux aux roues d'un pesant chariot pour

aider aux passages les plus abrupts les fortes mules au corps tendu sur
le collier,
la

route,

obstacles.

accrochant leurs sabots aux grs, aux fourrs de broussailles de


s'chauffant,

s'animant et gagnant du terrain malgi' tous les

CHAPITRE NEUVIME

204

Quelques heures plus tard,

le

sommet de

l'escarpement tait atteint.

L'exploit s'tait accompli sans causer rien d'inquitant

pour

les

gens

de Ng-oma. Les cochons ne s'taient pas effrays, les poules n'avaient pas
mis de gloussement inusit, les chvres n'avaient pas disparu. Les chefs de

Ngoma

et plusieurs

Bacesss de

la rive

gauche s'empressrent de venir

trangers qui avaient pris d'assaut

fliciter les

le

plateau lev; les blancs

avaient ordonn une halte nouvelle pour laisser souffler les animaux rendus
et reposer les

hommes

reints.

Profitant des dispositions favorables des indignes, Stanley ngocia avec

eux un achat considrable de rotangs destins remplacer les cbles uss.


Les tiges de cette plante, trs flexibles et rsistantes, font, tresses ensemble, des cordages excellents.

La

lutte contre les difficults

du chemin

fut reprise et

mene

victorieu-

sement, grce l'nergie indomptable des vaillants pionniers du Comit


d'tudes.

Les marcheurs purent apercevoir sur

oppose un village impor-

la rive

tant des Bacesss, Nsanngou, dont les palmiers et les

une

terrasse projete par

guaient

les

champs couronnaient
une chane de montagnes, chane dont ils distin-

pentes richement boises et les sommets rocailleux.

Les habitants de ce village envoyrent

la

caravane en marche une

dputation charge de remettre du vin de palme, des racines de manioc,


surtout d'espionner, de savoir o allaient ces
les crtes
il

montueuses, travers

les bois,

hommes

et

tranges guidant sur

sur les rochers, d'immenses huttes

roues tranes par tant de quadrupdes.


Plus

loin, l'expdition

le district

traversa sans danger, mais

non sans

un passage plus facile dans le voisinage de


Lubamba, nomme Nkenk son confluent avec le Congo.
elle

obtint enfin

Comme

fatigues,

de Msoumbou, dernier village du territoire des Babouennds,

il

et t impossible de franchir son

aqueux, plein de rugissements

et d'abmes, la

embouchure

et

la rivire

cet enfer

caravane s'arrta prs du

bois qui masquait le torrent s'croulant en bru3'antes cascades dans les

eaux du Congo.
Braconnier

et

quelques Kabindas suivirent

le

l'examiner attentivement et essayer d'y trouver

bord de

la rivire

un gu o

les

pour

'wagons

pourraient passer.

Aprs de longues recherches, au


rire

sortir

du

bois, ils

dcouvrirent une

o fourmillaient des ngres porteurs d'arachides

sous des fardeaux

et des

clai-

matoutsphant

d'ivoire.

Ces gens, groups sur

les rives

du Lubamba, suivaient

les sinuosits

d-

LES BELGES DANS L AFRIQUE CENTRALE

crites sur les

eaux de

la rivire

205

par un bac indigne, un radeau

fait

de larges

planches de teck solidement attaches par des cordages en rotang, et


transportant d'un bord l'autre de non-s passagers. Accroupis dans les poses
les plus diverses, les

refrains

uns causant avec animation,

monotones, ou bien battant

le ftiche,

les autres

invoquant

chantant des

les idoles dta-

ches de leurs ceintures, tous ces individus attendaient leur tour de trans-

bordement.

EMBOVCHL'RE DU

A
lut

la

vue de Braconnier

dans

les

la cte,

Les

m'bot,

la curiosit la

plus vive se

d'entre eux cependant, connaissant les blancs des factoreries

calmrent

au devant de

de son escorte,

yeux de chacun.

Bon nombre
de

et

NKENKE.

les

apprhensions de

la foule et

s'avancrent

mme

l'officier.

salutations d'usage,

turent changs aussitt. Braconnier

CHAPITRE NEUVIME

2o6

put facilement obtenir de tous ces indig-nes

pour aider

les

promesse de leur concours

la

convois de l'expdition passer

Les wagons furent amens dans


Les noirs de l'escorte et
leur tte chacun

un

ballot des

les

Lubamba.

le

la clairire et

dchargs sur

njres de bonne volont,

marchandises ou des bagages de l'expdition,

entrrent dans la rivire. L'eau recouvrait leur ceinture, mais

purent

ils

de leur besogne avec une aisance due leur force herculenne

s'acquitter

et l'adresse

ne de leur habitude surmonter

Au bout de quelques
sur

la rive.

plaant sur

la rive

heures, tout

le

les obstacles.

contenu des v.-agons

tait

transport

oppose.

Les blancs leur tour, Stanley

et

Braconnier, se hissrent sur

les

paules

de robustes Zanzibarites, heureux de transporter eux-mmes leurs maitrcs


dvous.

Les wagons vides suivaient, trans par

les

mules qui

s'taient dcides,

aprs bien des coups de fouet et les injonctions furieuses de leurs conduc-

nage les eaux rapides du Nkenk.


Le spectacle des animaux nageant et tirant les chariots

teurs, a affrontera la

avait soulev

l'enthousiasme des nombreux tmoins indignes, trangers l'expdition.


Ils

promenaient leurs regards tonns sur

les

lourdes voitures parvenues

saines et sauves a terre et toutes couvertes de limon et de plantes aqua-

brusquement arraches au lit fertile du torrent.


Malheureusement ce nouvel exploit de la cohorte d'exploration donnait
lieu un triste pisode, un dplorable accident.
Dans la confusion et le dsordre invitablement amen? par la prcipitation
tiques

des indignes qui se disputaient

la

premire place pour emporter

jeune Zanzibarite, enfant de quatorze ou quinze ans, tomba

dans

le

fleuve et fut entran, saisi par le courant, avant

fidle serviteur

les colis,
la

un

renverse

que son vieux pre,

de Stanley, et pu se rendre compte des consquences

irrparables de la chute.

Le corps du malheureux

fut ramen sur la berge;


coutume des Zanzibarites.

lieu aussitt, suivant la

Braconnier

et

Stanley assistrent cette triste crmonie. Debout,

dcouverte, ct de la fosse creuse

regardant

le

pre de

qui tombait sur

En

ses funrailles eurent

le

la

victime pleurer

la hte, ils se

comme un

sentaient

la tte

mus en

enfant devant la terre

cadavre glac du noy.

loignant de cette rive du

rement la mort de

l'infortun

Il se demandait si la science avait le droit d'exiger


l'homme civilis, pour satisfaire son vaniteux dsir

son ami, son compatriote.

de pareils

sacrifices; si

Lubamba, Braconnier pensait involontaiNve, compagnon de ses premires tapes,

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

un atome de connaissances

d'ajouter encore
est justifi

de disposer

ainsi

de sa propre

207

celles qu'il a dj acquises,

de

vie,

celle

de ses semblables,

de s'immoler ou de sacrifier sans plus de souci des cratures humaines

une idole

aussi vaine

que

les autres.

L'ofiicier belge cherchait en vain

prcdente. Ce doute,

un

satisfaisante la question

une rponse

instant voqu, passa rapide sur le front de

l'explorateur, sans altrer son nergique rsolution de se

me
Il

dvouer corps

et

l'accomplissement de la mission qui tait confie.

songeait ainsi, port par une mule vigoureuse dtache de l'attelage

d'un chariot, avanant toujours en claireur.

Le

sol

au del du Nkenk prsentait peu d'obstacles sur une assez

longue tendue,

le

long des berges du Congo. Mais

vaste bassin form l'embouchure

du Nkenk

tait

le

fleuve en

amont du

bord de piles

rocail-

leuses contre lesquelles se brisaient en grondant et en siflant les eaux

du cuurant chappes des tourbillons, des remous, des abmes


aqueux forms par les rapides baptiss par Stanley en 1877 du nom de son
furieuses

clbre canot

rapides Lady-Alice

La voix des lments, augmente du vacarme de la cascade norme du


Nkenk qui tombait dans le fleuve d'une hauteur de trois cents mtres,
formait un trange concert, bien fait pour arracher le capitaine ses
penses.

Le bruit de

la

cascade tait pareil au grondement d'un tonnerre lointain.

Le roulement des rapides Lady-Alice, sur leur dernire ligne de brisants,


produisait l'effet du clapotage des vagues pousses par l'ouragan contre les
rcifs d'une

plage ocanique; en aval, une cataracte ajoutait son mugis-

sement touff cet infernal orchestre d'eaux furieuses ou tombantes.

un

Arrt

instant prs

du gouffre d'o montait

Draconnier attendit l'arrive du personnel


la

scne imposante qui se droulait devant

Le

fleuve, acclr

contrait

une

lui.

par une chute en amont des rapides Ljidy-Alice, ren-

le troite,

forme par une crte rocheuse; puis, obstru par

cette chane qui le divise,

se heurtant au centre

mant une

l'tourdissant fracas,

des bagages en contemplant

et

il

se ruait

de chaque ct en vagues horizontales

du courant, montant

les

unes sur

les autres, for-

vritable muraille d'eau cumante.

La berge oppose prsentait une terrasse place

a trois cents pieds

au-dessus del'eau, reposant sur des blocs gigantesques de rochers; derrire


cette terrasse, a

peu de distance,

montes par

ondulations d'un vaste plateau.

les

s'levaient des

sa droite, tout prs de lui, la rive nord

montagnes abruptes, sur-

du

fleuve dressait une srie

CHAPITRE NEUVIME

28

de hautes

falaises;

Rejoint par

le

premire

la

couronne par une paisse

tait

gros de l'expdition, Braconnier, sur

les conseils

fort.

de Stan-

descendit de sa monture et conduisit une valeureuse quipe de

ley,

charpentiers noirs percer une route dans

Cet norme labeur une

fois

la fort.

termin, la caravane franchit l'obstacle bois

aussi triomphalement qu'elle avait gravi la


laisser

comme aux

montagne de Ngoma,

et sans

bords du Nkenk une tombe ferme sur une malheu-

reuse victime humaine.

Les marcheurs taient parvenus Gamba, sur le territoire des Bateks,


ngres doux et inoffensifs, se distinguant par huit cicatrices longitudinales
sur la figure, quatre sur chaque joue, tatouages obtenus en soulevant la
chair au

temps

moyen de

couteaux. Ces indignes emploient une partie de leur

placer des piges de toute espce

extraient

du

figuier

pour prendre

sycomore une sve gluante dont

le

menu

ils

gibier;

font usage

ils

pour

s'emparer des oiseaux.


accoururent pour vendre un prix modique,

Ils

et

de leurs chasses aux nouveaux- arrivants,

les

produits de leur sol

et leur conseillrent

d'aban-

donner la route riveraine du fleuve pour suivre par la valle du .Mukoss


une route qui les conduirait plus vite et moins pniblement jusqu'au
Stanley-Pool.

Ce renseignement dsintress

fut apprci et suivi par les agents

du

Comit d'tudes.

Le 26

d'une journe pluvieuse, Stanley et Braconnier

juillet, l'aube

quittaient les bords de la petite rivire de

une marche de plusieurs

milles, le village

Ce hameau, comprenant un

Mukoss

et atteignaient, aprs

de Kinduta.

groupe de huttes construites en joncs et


toiture
de
loango,
est situ au milieu d'un territoire
d'une
couvertes
petit

plantureux, abondant en sites boiss, en paysages gracieux et pittoresques.

Ses habitants

encore des Bateks

sont de fervents mules

de

Nemrod.
Tandis que

de

les noirs

bivouac de repos,

le

l'escorte

tablissaient auprs

capitaine Braconnier

aux alentours d'un bois


tait tard

le soleil,

village

un

voisin.

Des naturels curieux suivirent de prs


Il

du

allait flner, le fusil sur l'paule,

l'officier.

qui avait succd l'orage matinal, plongeait son

disque incandescent dans

les

dmes

pais des grands arbres vers lesquels

s'avanait Braconnier.

Un

vol

immense de gros

du chasseur. pauler

oiseaux, pareils des perroquets, passa au-dessus

aussitt, viser, tirer, recharger son

arme, pauler

liiiiiiii.

LES BELGES.

II.

27

LES BELGES DANS L AFRIQUE CENTRALE

de nouveau, viser

21

recommencer plusieurs fois ce rapide


fut pour Braconnier l'affaire de quelques

et tirer encore,

mange en chasseur exerc,


minutes. A chaque balle, un oiseau tombait.

Les Bateks ouvraient de grands yeux tonns: puis, incapables de male

hameau

l'endroit qu'un

homme

triser leur frayeur, ils s'enfuirent toutes jambes,

aux

et racontrent

vieillards et

aux femmes de

une longue chevelure, une barbe ph-

blanc, avec de grands j'eux de feu,

nomnale,

du

l'aide

d'un

qui

fusil

regagnrent

tirait

sans s'arrter, tuait tous les oiseaux

ciel.

Il

n'en restera plus

Le blanc

un

un

seul

fusil ftiche:

quand

que l'animal ne

loin, si loin,

pour nos piges,

sait

disait

un jeune indigne.

ne tue pas l'oiseau,

il

plus revenir

il

le fait fuir

bien

Cette tirade, que n'et pas en partie dsavoue

fameux La

le

Palice,

souleva des murmures, des grognements d'indignation contre les blancs.

Transmise au chef de

pour

faire sortir ce

la localit,

avec toutes les amplifications ncessaires

personnage de son apathie habituelle,

elle le

dtermina

dputer auprs de Stanley et de Braconnier les plus gros bonnets de

Kinduta.

Ces deux mots,

<i

gros bonnets

ambassadeurs qui vinrent

dsignent exactement

les singuliers

solliciter les blancs.

Leurs ttes disparaissaient sous une enveloppe


pain de sucre, aux bords largement vass;

d'toffe

le reste

rouge en forme de

de leur costume rappe-

du pre Adam dans le Paradis terrestre. Chacun d'eux tait


arm d'un mousquet a silex ou d'un volumineux bambou. Le plus grand
de tous, qui joignait cette qualit physique une laideur plus grotesque
que repoussante, avait ngligemment jet sur ses paules une splendidc
peau de lopard. C'tait le prince hritier du district.
lait assez celui

Ils

arrivrent au

camp au moment mme o Braconnier, de

retour de

la

chasse, faisait prparer les tas de broussailles destines tre brles dans
la nuit

pour loigner

Le

capitaine,

La

visite

son arme,
arrivants

Le

les fauves.

appuy sur son martiny,

suivait

inattendue des chefs de Kinduta surprit


la rejeta

un

sur son paule. Ce

instant de stupeur;

ils

silence, le visage parfaitement

le

comprendre

geste de viser

les travailleurs.

l'officier qui, saisissant

mouvement provoqua chez

redoutaient

un oiseau dans

Braconnier les motifs de leur

les

le fusil ftiche.

calme du blanc, enhardirent

gnants qui, tous ensemble hurlant, montrant

mousquets

du regard

le ciel,

les airs,

les plai-

faisant avec leurs

essayrent de faire

mcontentement.

CHAPITRE NEUVIME

212

Stanley et ses interprtes s'approchrent, attirs par

maces

le

bruit et les gri-

significatives des naturels.

Une palabra eut

Dans notre

lieu.

Europe, on usa souvent des con-

vieille

frences diplomatiques l'poque de la fameuse question d'Orient,

nud

gordien du sicle rendu plus inextricable, plus indnouable pendant longtemps, grce chacun des confrenciers qui tirait dessus; au pays du Congo,

on abuse de

ces sortes de confrences appeles palabras,

le

diplomate

Stanley a toujours, avec son sang-froid imperturbable, son esprit de conciliation, dli l'cheveau

de ruses, de cupidit, de menaces que

lui

tendaient

ses noirs adversaires.

En

cette circonstance, les chefs de

ment des oiseaux qui

Kinduta exigeaient en ddommage-

avaient, disaient-ils, quitt leur territoire, le fusil

ftiche de Braconnier. Tenaces

dans leur dsir,

ils

menaaient de prolonger

durant des heures entires une discussion inintelligible au cours de


laquelle

ils

taient

peu prs

les seuls

Les blancs, soucieux de goter sous

htivement
o

la tente

une nuit de repos, mirent

le hol.

'Vous n'aurez pas

le fusil ftiche, dit

insolentes et irrites des ngres.


bles,

prorer.

Comme

nous vous abandonnerons tous

sont gros et grands;

ils

Stanley lass des rcriminations

les

vous tes de braves gens, aimaoiseaux qu'il a tus. Ces oiseaux

ont de belles plumes qui orneront vos coiffures;

leur chair est excellente pour vos palais

vous en composerez des mets

dlicieux.

Les

fusils

des

hommes

blancs ne seront jamais tourns contre vous,

servent seulement pour assurer leurs possesseurs

ils

les chats-tigres,

les

panthres, les lopards

provision d'aliments sauveurs de

Acceptez donc mes

la

et,

une dfense contre

l'occasion, une ample

famine.

dormir

cette nuit;

nous par-

Sur ces paroles prononces du ton bref du commandement, de

cette voix

tirons

demain;

les

offres, et laissez-nous

oiseaux du

ciel

reviendront.

tranchante qui semble avoir sur l'homme beaucoup de cette force d'impulsion que la

poudre exerce sur

la

balle,

les

ambassadeurs de Kinduta

cessrent leurs dolances, acceptrent les victimes

du

fusil ftiche et rega-

gnrent leurs pnates.

Le lendemain, au

petit jour, Stanley ordonnait le dpart.

escaladait pniblement la pente

dune

colline rocheuse

La caravane

au sommet de

laquelle Braconnier, toujours en avant-garde, ne tarda pas parvenir.

Un

plateau rectangulaire couronnait cette hauteur.

Du

ct expos

LES BELGES DANS

au nord-est,

la

L'

AFRIQUE CENTRALE

vue s'tendait sur une vaste plaine

et se

comme un immense

bi-ume vaporeuse enveloppant

213

perdait dans une

lac.

peu

L'ofBcier fixait attentivement l'horizon. Les vapeurs se dgageant

peu sous

l'influence des rayons

du

soleil,

tendue mouvance, une nappe d'eau qui

l'explorateur distingua

une vaste

d'un miroir recou-

lui faisait l'effet

vert d'une gaze blanchtre, encadr par le feuillage obscur de forets tn-

breuses. Sans nul doute, c'tait

un

lac.

Fier de sa dcouverte, Braconnier rebroussa

de sa mule
l'clat

docile,

il

chemin

de sa voix retentissante

comme un

clairon les

Kroomen

barites de son escorte, porteurs de ballots enlevs des

ger

dit

les vaillants attelages gravissant la

Un

au rapide trot

et,

rejoignit Stanle\-, chef de l'arrire-garde, stimulant de

f)-j!co;zn;er

Le
Dans

soleil,

prtendu

rpon-

examiner

Puis, se htant de gravir la colline, les blancs coururent


le

Zanzi-

pente escarpe.

Nous l'appellerons
de l'officier.
premiers
mots
gaiement Stanley aux
lac! croyez-vous, capitaine?

dcouverte,

et les

wagons pour soula-

la

lac.

plus haut sous

le ciel, avait

dissip les vapeurs grises

du matin.

l'horizon bleu clair, limit par l'esquisse azure d'une lointaine chane

de montagnes, se dessinait, droite des explorateurs, le lit sinueux du


Congo s'largissant peu peu et prenant soudain une ampleur immense,

mamelons verdoyants.
mon cher compagnon; je fus, il y a quatre

vritable expansion lacustre, entoure de

Tous mes

regrets,

parrain de votre

lac.

Je lai ai

donn

mon

nom... C'est

le

nous serons bientt sur ces bords;

Consolez-vous, capitaine;

ans,

Slanley-Pool.
le

nom

de Braconnier y marquera la fondation d'une ville future qui s'appellera


Lopold '), du nom imprissable de votre auguste Souverain, le plus grand
bienfaiteur des contres que nous parcourons. Mais que sont devenus nos
noirs et nos

wagons?

cette question. Braconnier se retourna. Le plateau de

la colline tait

dsert.

L'ofBcier piqua des deux,

gagna

le

versant de

la colline

o s'chelon-

naient tous les noirs de l'expdition, paresseusement couchs auprs des


touffes de broussailles,

non

loin des

wagons immobiles,

les

roues cales par

et s'tiraient

mollement sur

des blocs de rochers.

Les porteurs avaient dpos leurs ballots


des pelouses gazonnes;

les Zanzibarites

eux-mmes, accroupis devant

vaguement

route parcourue, luttant contre

leurs attelages, regardaient


la

la

somnolence invincible qui s'emparait d'eux.


Ces braves gens taient extnus. Depuis de longs jours

et

de longues

CHAPITRE NEUVIME

214

nuits

marchaient,

ils

giques qui
instant,

ils

en avant, stimuls par

allaient

la lassitude

Europens ner-

semblait inconnue. Livrs eux-mmes un seul

au besoin

s'taient hts d'obir

ils

les

qu'ils

prouvaient de se reposer.

Plusieurs parmi eux, plus lasss, plus dcourags que les autres,
raient

mme

des plaintes trs vives, essayant d'entraner

la

murmu-

dsertion la

plupart de leurs camarades.

Braconnier arriva prs d'eux.

Debout, tout

sommet de
L'effet

le

monde,

cette colline

Ils

ne bougrent point.

de toute

cria-t-il

on distingue

le

de cet ordre fut prodigieux. Les

du

soldats l'appel

clairon.

hommes se

Une heure aprs

la

de ses poumons; du

la force

Stanley-Pool

rveillrent

caravane

tait

comme des

masse sur

le

plateau. Les noirs, oubliant le dcouragement, les fatigues et les souffrances,

contemplaient leur tour

la

scne

grandiose

qui

s'talait

devant eux.

La plume de Xnophon,

l'auteur de la Retraite des

Dix

rendu

mille, a

dans des pages ineffaables, que nulle loquence ne peut dpasser,


tout-puissant, le pouvoir lectrique

crirons-nous

dans notre

l'effot

sicle

qu'exera sur des marcheurs puiss, sur des malheureux gars la

recherche de leur patrie, la vue d'une mer dferlant ses vagues au pied
des collines de l'Heliespont.

Bien que

les

causes ne fussent point identiques, les rsultats furent les

mmes pour chacun

des membres de la courageuse phalange arrive au


sommet de la colline de Kinduta.
Au premier signal de dpart, les porteurs de ballots dgringolrent le

versant nord-est de

prudent

la colline

toutefois, car

il

avec un lan indescriptible, un enthousiasme

fallait viter

dans

la

descente assez raide les chutes

parfois dangereuses et souvent grotesques. Les

nes elles-mmes par

l'agilit

mules des wagons,

entra-

nouvelle de leurs conducteurs ragaillardis,

donnaient ces derniers tout

le

mal

possible, par

leur allure

trop

prcipite.

Cette vitesse dploye par tous les tres vivants de l'expdition, les

amena

sans halte, travers une plaine spongieuse, encoredtrempepardespluies


antrieures, jusqu'au district de Bwabwa-Njali, dont la capitale, petit village

du

mme nom.

groupait pittoresquement ses huttes peu leves a l'ombre

de bosquets ravissants sur

les

bords d'une large

rivire,

le

Gordon-

Bennett.

Le makoko du
Entour
l'trange

d'une

district attendait les trangers.

foule

caravane,

le

sans cesse

grossissante

depuis l'apparition de

chef de Bwabwa-Njali, dans l'attitude d'un gros

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

215

personnage qui dsire tre pris au srieux, reut Braconnier


Assis a Ja

mode

orientale sur

une peau de

lion,

et Stanley.

une vraie peau de

lion,

montrait sa face joufflue d'un noir reflets rougeauds surplombant des


paules massives entirement nues, grasses et reluisantes, lace et paules

il

-Coquettement, artistement prpares, peinturlures pour

circonstance.

d'une branche enleve aux tiges de gramines grandies auprs des

l'aide

murs de

sa cabane, le

makoko

avait

minutieusement procd sa

de gala. Ses cheveux fortement contraris avaient


front la position verticale, tandis qu'auprs des
lis

la

fini

tempes

ondulaient en mches crpues irrgulirement

toilette

par conserver sur


et

frises.

autour de

le

la tte

Ses joues taient

mouchetes de taches jauntres, son il droit encadr d'un filet jaune


d'ocre, le gauche agrandi par un cadre de couleur blanche; son long
nez noirci par du charbon de bois tranchait sur la teinte chocolat rp de
l'ensemble du \isage.

Le clown du Cirque royal


dans

l'art

de se grimer

le

le

plus pris de son mtier n'a jamais gal

makoko de Bwabwa-Njali; nul acteur en renom

sur nos premires scnes d'Europe ne saurait, aussi bien que ce souverain
ngre, jouer l'hypocrite comdie de la voix et du geste contraires la pense,

au sentiment intime.
Cette Majest

hideuse

et

si

ridicule au

Le chef de Bwabwa-Njali,
chait,

physique se dcouvrit aux Europens

dprave quant au moral.


poli jusqu' lobsquiosit avec ses htes, cher-

en leur adressant des compliments

et

des sourires qu'il essayait en

vain de rendre gracieux, dpouiller littralement les nouveaux venus.

La

liste civile

chaque jour sur

de ce souverain s'augmentait des droits importants perus


les

ngres qui passaient

radeau amarr en permanence dans

le

Gordon-Bennett, au moyen d'un

la rivire;

le

bac appartenait au

makoko.
Les riches chimboucks d'ivoire abandonnaient chaque
force,

de gr ou de

fois,

pour prix de ce passage, un nombre considrable de dents

phants

les

d'l-

porteurs d'arachides laissaient aussi aux mains de ce passeur

rapace des charges volumineuses de denres.

du makoko, caress de mme par tous les seigneurs de sa cour,


d'amener par la douceur ou la crainte les voyageurs europens aux

L'idal
tait

physionomies bienveillantes payer un


et gin,

comme rcompense

sujets de

iiTipt

des services

formidable en

fusils, toffes

que leur rendraient

le

bac et les

Sa Majest noire.

Mais Stanley, peu dispos du reste

utiliser les offres

du makoko,

l'tait

encore moins donner des fusils ou des marchandises prcieuses. Nan-

CHAPITRE NEUVIME

2i6

moins, pour avoir


il

fit

la paix et satisfaire

en partie

la

cupidit de ces indignes,

distribuer l'assistance quelques bouteilles d'un gin distill en

Belgique.

L'argument
la palabra,
les

lut irrsistible: rves, dsirs cupides, et rgles tablies

car c'tait encore une palabra,

pour

s'envolrent jets par-dessus

moulins.

En un moment,

roi et seigneurs, oubliant toute dignit, se

mlaient une

danse grotesque au milieu de leurs infrieurs qui, enthousiasms par un


tel

honneur, accomplirent des contorsions

si

disloques, qu'on les eut tous

crus en proie des attaques d'pilepsie ou des accs de dmence.


Trois heures aprs, la caravane d'exploration, parvenue sur
se

du Gordon-Bennett, y rencontrait des


de

le pavillon tricolore

la

oppo-

la rive

tentes europennes abrites sous

nation franaise. Des ngres sngalais, sous la

conduite d'un sous-officier de tirailleurs, gardes laisss sur ces bords par
l'explorateur

Savorgnan de Brazza, prsentrent militairement

armes

les

hommes au

la cohorte pacifique guide vers le centre africain par deux

visage ple.

Le sergent .Malaniin, qui comniandait

cette escouade, avait

de montrer aux Europens, prts traverser

Gordon-Bennett

rivire

trait reconnaissant la

Sngalais de race noire,

la

proprit de cette rgion.

sergent Malamin parlait bien

le

rpondait au type du soldat brave, loyal

et intelligent.

le franais et

L'arme franaise

compte au Sngal et en Algrie de nombreux indignes qui ne


de leurs camarades europens que par la couleur de la peau.
Dvou son gouvernement, ou mieux
lui

la

France

entre la

nord du Stanley-Pool, une copie d'un

et la rive

France

pour consigne

le territoire africain

diffrent

de Brazza qui reprsentait

et l'autorit, ce sous-officier amplifiait l'importance

conqute galement

civilisatrice ralise

vitation

de Stanley,

hommes

la caravane

Bennett, en suivant

ne

il

fit

aucune

du Comit

la rive

pour
de

par l'explorateur franais. Sur


difficult

d'tudes,

la

l'in-

de se joindre avec ses

pour descendre

gauche, jusqu'au confluent de

le

Gordon-

la rivire

avec

le

fleuve Congo.

Le 2S

juillet 1S81,

les

explorateurs parvenaient avec leur escorte ren-

force Mfwa, simple bourgade dont les huttes rappelaient les termitires

habites par des Bateks durant les mois o


les factoreries

de

Au moment de
cette localit.

la cte les

l'arrive

ils

s'occupent charrier vers

dfenses d'ivoire.

des blancs, une grande animation rgnait dans

Une chimbouck compose de Bayanzis, de Babangis, ngres

du haut Congo, campait sur

la

place dcouverte, situe au front des ca-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

217

banes de Mfwa, demeures aux parois construites en joncs, aux toitures

de chaume.

Un

certain

Ingya,

chef

distingue des autres par

d'animaux

cornes

et

de

Bateks et

les

tenait

devant

un trophe rustique compos de

d'artes

de poissons;

criaillaient, gesticulaient, vocifraient les

les

se

l'endroit,

autour de

lui

hutte,

sa

crnes,

de

piaillaient,

acheteurs et les vendeurs d'ivoire:

ngres du haut Congo.

Les acheteurs taient harcels par les vendeurs, qui leur offraient, disait
chacun d'eux, la meilleure marchandise aux conditions les plus avantageuses. A leur tour les vendeurs taient injuris par les acheteurs qui,
habiles apprciateurs de la matire offerte, refusaient nergiquement de se
laisser voler.

l'approche de la caravane nouveau genre, les ngociants d'ivoire


suspendirent leurs transactions, pour se grouper curieusement autour des

wagons

blancs, des

de

ciel et

aux

et

surtout des Sngaliens qui, vtus de vestes bleu

de larges pantalons blancs

filets

bleus, paraissaient, pour

et

portant sur la tte des kpis rouges

les indignes,

devoir tre les chefs de

l'expdition.

L'accueil fait

aux marcheurs

fut affable,

mais peu gnreux. Les gens de

Mfwa, formant une population d'environ cent cinquante habitants, n'taient


pas cultivateurs, et dpendaient des districts voisins pour les provisions
alimentaires.

Cependant Ingya promit aux voyageurs de leur procurer du malafou.


village, de nombreux palmiers groups en oasis

A quelques mtres du

inclinaient gracieusement leurs ttes

empanaches au

souffle

de

la brise;

des habitants de Mfwa, obissant leur chef, coururent y chercher les


calebasses remplies de vin.

La rcolte du vin et les caves ariennes des pays tropicaux mritent


une mention spciale. Point n'est besoin, comme dans les contres vinicoles de l'Europe, d'aligner pendant des semaines entires entre les souches
serres des vignes des vendangeuses aux reins plies, courbes sans cesse
pour

la cueillette;

point n'est besoin d'amener sur de lourds chariots,

travers des routes laborieusement entretenues, des comportes emplies

de vendange, jusqu' d'immenses constructions souterraines tablies


grands frais et renfermant les cuves gigantesques o s'opre la fermentation

du

raisin,

qui doit ensuite passer sous

le

pressoir et s'chapper

en liquide rougetre transvas aussitt dans d'normes tonneaux.

Vendanges, cuves, pressoirs, tonneaux sont choses inconnues sous


de

l'Afrique centrale. Les indignes de


LES BELGES.

Il,

le ciel

Mfwa, comme leurs voisins du bas


28

CHAPITRE NEUVIME

2i8

Congo, se servent de

ment du

trois outils

seulement pour rcolter leur vin, jus

fer-

un cercle de forme allonge, tiss avec les fibres


d'un bois trs rsistant, une hache et un pot de grs ou une calebasse.
L'indigne noue sous les bras un des cercles prcits, de faon tre envelopp par un arc de ce cercle, en conservant toutefois les jambes et
les bras

rapliia vinifera

entirement libres; l'autre cercle entoure

Tout en grimpant
le cercle

au fur

et

l'aide

mesure de

la

monte,

s'chappe la gerbe lgante qui couronne


il

la tige

massive de

d'une gymnastique assez vive,

creuse un trou dans l'arbre au

et

le

il

arrive ainsi au point d'o

tronc dnud

moyen de

le

l'arbre.

noir dplace

la

da palmier.

L,

hache, et y suspend

la

calebasse, qu'il retire remplie de jus aprs 24 heures.

Le spectacle des vignerons de iMrwa montant l'assaut des caves


ariennes ne manquait pas d'un certain attrait pour les blancs qui les avaient
accompagns.
Ces derniers acceptrent

les calebasses pleines

de boisson en change

de menus cadeaux, et, quittant les gracieux htes de Mfwa. ils parvinrent
en quelques heures, sur le conseil de l'un d'entre eux, au village de
Malima.

Le chef de

Gamankono. Stanley
lors

que la prcdente se nommait


connu sous le nom de Mannkoneh

cette localit plus importante


l'avait

rencontr et

de son premier vo3'age au continent mystrieux.

Chef blanc

et

chef noir se reconnurent. De cordiales poignes de main

furent changes, en

mme temps

ternir l'accueil
livra

une

que des m'bot interminables.

dgrade de Malima ne voulut point cependant


empress que son chef avait rserv aux trangers. Elle se

La population sauvage

et

vritable orgie de danses et de chants barbares,

les tres vivant

aux alentours du

si

bruyants que

village, les oiseaux et les fauves, troubls

dans leurs solitudes boises, s'enfuirent tout jamais de ces parages


si tumultueux.

Ce

jour-l (29 juillet 1881), Malima, outre ses habitants

au nombre d'en-

viron quatre cents, comptait une chimbouck considrable de Bayanzi, en


outre les centaines de noirs de l'escorte des explorateurs, sans oublier encore les Sngalais.

L'animation tapageuse commence ds l'entrevue des blancs avec Ga-

mankono,

se

prolongea bien avant dans

la soire.

Indignes,

Bayanzi,

Kroomen, Sngalais, hurlrent, pirouettrent,


gigotrent qui mieux mieux, chefs et muleks, hommes, femmes, filles,
Zanzibarites, Kabindas.

enfants, devant les seuls tmoins paisibles de l'endroit

nier et le serrent Malamin.

Stanley, Bracon-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Ces trois derniers fouillaient en vain dans

les replis les

219

plus profonds de

avaient jamais t initis ou prsents

mmoire pour se rappeler s'ils


un vacarme de voix humaines plus infernal, des exercices chorgraphiques
plus acrobatiques, plus disloqus, plus insenss, plus chevels que ceux
auxquels ils assistaient. Les saturnales de l'antiquit, les dmences carnavaleur

RECOLTE DU VIN DE PALME.

lesques des temps modernes, les foules souleves hurlant


les

boulevards de nos grandes

cits, vocifrant

ou faisant clater leur vivats enthousiastes sur

contre
le

un

la

faim sur

homme

d'tat,

passage d'un souverain

aim, d'une illustration nationale, d'une gloire des deux mondes, n'offrirent
jamais

un

spectacle aussi incohrent, aussi sauvage, aussi grotesque la

CHAPITRE NEUVIME

220

que
Malima,
fois

celui de ce millier
et

de ngres foulant

les

pelouses gazonnes de

poussant leurs acents frntiques et discordants sous

le ciel

bleu fonc des tropiques.

Mais de

mme

que

le

combat

les chants cessrent faute de

finit

faute de combattants, les danses et

jambes pouvant

se

mouvoir, faute de

!ar}'nx

non puis.

Du ddale
Gamankono

des acrobates calms et des rcents hurleurs enfin silencieux,


se trana sur ses

membres

lasss jusqu'aux

tmoins impas-

sibles de la scne.
<

Bon mundel,

Stanley, vous revenez cette fois

dit-il

du mpoutou

(de la cte), vos huttes qui marchent sont pleines de beaux fusils, d'toffes

aux couleurs
dissantes;

de bouteilles malafou dor, de perles resplen-

brillantes,

que nous donnerez-vous pour notre

hospitalit, en

change des

produits de nos bananeraies, de nos champs de mas, de cassave, de manioc,

de nos chvres, de nos

poulets?'

Stanley se disposait rpondre. Des ngres s'interposrent,

nrent sous sa tente

le

ils

ame-

chef Gamankono, en le tirant par les bras

dune

faon fort irrespectueuse.

Qu'ont donc ces gens-l? demanda Braconnier.

Oh

ils

vont ramener sous peu leur souverain. Encore une palabra,

capitaine. Les indignes veulent seulement la prparer avec tout le crmonial d'usage.

L'explorateur avait raison. Les ngres avaient rappel l'ordre

Gamankono

qui, gris par les chants et la danse, avait

perdu

le roi

la tte et

menaait de compromettre sa dignit en engageant sans l'apprt crmonieux indispensable chez ces peuplades des pourparlers avec des chefs
blancs.

Bientt les gros bonnets rouges de l'endroit, devant lesquels s'cartait la


foule respectueuse,

chimbeck de leur

vinrent prier les trangers de les accompagner au

roi.

Ce palais ressemblait aux huttes des naturels rencontrs sur les rives
du fleuve.
A ce propos, nous transcrirons ici, tardivement il est vrai, mais avec
exactitude, la description des chimbecks, habitations des indignes

du

bas Congo.

Les cabanes des naturels, construites trs proprement, sont en gnral


deux mtres, largeur et longueur proportionnes, avec une toi-

leves de

ture dpassant

une

amplement

la construction. Elles

sorte de halle ouverte sur le

mur du

possdent toujours ct

fond, muraille antrieure du

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

221

chimbeck cette halle est le lieu consacr aux ftiches et aux pnates. C'est
aussi l que se tiennent les runions habituelles, que brle le foyer, que l'on
;

fait la

cuisine et

que

prennent

se

les

repas

l'appartement ar cumule tous

les emplois.

L'entre

du chimbeck

est

forme par une porte-fentre pouvant s'ouvrir

entoure religieusement d'amulettes plus ou moins bizarres.

et se fermer,

L'intrieur contient

un mobilier

fort restreint

pour

propritaire

le

une

couche assez dure, obtenue en reliant ensemble par des lianes rsistantes
des baguettes canneles du phnix
sous

le

nom

de bordao

bambou par

le

et

spitiosa,

plante connue par les Portugais

confondue vulgairement sous

la

dnomination de

plus grand nombi^e des blancs rsidant au Congo; en outre,

quelques vases, poteries communes,


penne, fort peu d'outils indignes

et ustensiles

comme

de provenance euro-

couteaux ou

les arcs, mais


ou un couteau dcouper,
avec ou sans gaine, reposent dans un coin du chimbeck, auprs de la ceinture

un

silex,

fusil

du matre de

un couteau de

les

table ordinaire

l'endroit.

C'est sous la vaste halle

de son chimbeck que Gamankono reoit

les

Europens.
Il

est assis sur

est d'ailleurs fort correcte et

Mais un caricaturiste et

tir profit

de

de

la

forme singulire de son bonnet

coupe bizarre de son pagne, chef-d'uvre de couture


runissant dans un ensemble trs criard un morceau de velours rouge
ajust

et

la

un pan de

lambeau de

hampe

de

digne d'tre photographie.

orang, rouge, de son collier de paillettes

violet, indigo, bleu, vert, jaune,

de cuivre

fan, dfroque d'une cabine

jambes nues s'allongent sur une peau de lopard.

navire, et ses

Sa pose

un coussin de velours

veste bleu de

ciel,

dpouille d'un hussard, rattach

tapis oriental et continu par

une charpe soyeuse arrache

un

la

d'un drapeau d'une factorerie portugaise de la cte.

En somme,

cet

accoutrement

tait

un

arc-en-ciel vritable, se dtachant

sur un fond noir, sur un corps de ngre replet dont voici

portraiture

tte

chevelure abondante qu'une bonne mnagre de nos contres

trs grosse,

et utilise

la

comme

crin matelas; face large, nez disparaissant sous des

narines vases et des joues graisseuses: yeux en boules de loto bistrs


artificiellement; lvres paisses laissant entrevoir dans le rictus

deux ran-

ges de dents aiguises en pointe; menton couenneux dou du privilge

de se

tripler suivant les

Auprs de
se

mouvements de son

propritaire.

cette personnalit toute-puissante chez les

Batek de Malima

groupaient, dans les attitudes les plus diverses, les grands seigneurs de

CHAPITRE NEUVIME

222

l'endroit revtus de

ques sous

Lorsque

costumes disparates en tant que couleurs, mais identi-

rapport de

le

forme.

la

les blancs se furent installs

commodment en face de

celui-ci commenaun rcit dtaill des vnements

depuis l'poque o Stanley

mmoire trs
mot pour mot

vu pour

l'avait

de Gamankono

fidle

la

survenus dans sondistrict

premire

mme

permit

lui

leur hte,

fois,

en 1S77. La

de rpter presque

prcdemment changes entre lui et son


d enumrer les conditions auxquelles le mundel

les conversations

visiteur d'autrefois, et

avait acquis alors des vivres

N'omettant rien,

poisson et cassave.

chef des Bateks rappelait en outre que les gens de sa

le

une poule contre un

tribu avaient voulu changer

fusil, et

que Stanley

avait refus ce march.

Tu tais pauvre

la rivire

alors, dit-il l'explorateur, tu venais

de bien

loin,

sur

du ct des grands lacs; aujourd'hui tu arrives du mpoutou, tu


nous donneras beaucoup de belles choses en change de notre

es riche; tu

cassave, de notre manioc, de nos chvres et poules,

Sans s'arrter cette invitation


tresse,
laite

Gamankono continuant

qu'il est difficile

de qualifier de dsin-

sa narration parla de la visite

que

lui avait

rcemment un homme blanc (Savorgnan de Brazza), arriv prs de son


une escorte de trois canots.
mundel
Ce
a acquis tes domaines, lui dit Stanley; puisque le chef noir

territoire avec

Malamin, qui

suprme de

que

est

avec moi. possde un trait dclarant que Makoko, chef

vendu son royaume l'homme

cette contre, a

ces mots,

Gamankono trmit d'indignation il se leva, prit une attitude


un bedeau ou un suisse de cathdrale, et lana ces paroles
;

lui et envie

superbes acquises dsormais

bianc.

.Makoko

blanc

est roi

n'est

Makoko

me

l'histoire

de Mb; moi,

et Nchuvila,
;

il

donner,

il

de Malima,

homme
comme Ingya

territoire nord,

Gambiele, roi

suprme. Nous sommes tous

comme Ganchu

vieu-x et trs riche

d'ordres

le roi

est chef

de Mfwa,

de Kimpoko,

pas

je suis roi

est roi

du

rois,...

grand chef de Kinshassa. Le makoko de Mb

a beaucoup
n'a

pas

d'hommes

le droit

et

de

fusils,

mais

il

est

n'a pas

de vendre mes domaines. Je suis

chef puissant de Malima, souverain indpendant de ce district,

le

comme cha-

cun des chefs dont j'ai cit les noms est seigneur de son propre village.
Cette longue tirade prononce par Gamankono lavait essouffl; il
retomba sur son coussin, s'allongea sur sa peau de lopard, en roulant des

yeux

terribles

autour de

lui

o perait la fureur. Les gens de sa cour s'empressrent


pour le calmer et lui tendirent leurs calebasses quelques

gorges de gin russirent

le consoler.

LES BELGES DA.XS L'AFRIQUE CENTRALE

Le chef de Malima avait l'ivresse douce, il bgaya des plaisanteries presque gauloises l'adresse du fameux makoko, aspira deux bouffes a la
pipe bourre d'iamba de son plus proche voisin et s'endormit dlicieu-

sement, rvant sans doute son indpendance.


Stanley et Braconnier profitrent du sommeil impromptu du prsident

de

la

palabra pour se retirer dans leur camp.

Vers

la

nuit tombante,

gin, se prsenta

Gamankono remis de son motion, ayant cuv son

accompagn de

deux

ses

fils

au chef de l'expdition.

Stanley put traiter cette fois avec ses visiteurs fort raisonnables.
d'eux, au

nom du Comit

de planter, de

faire des

semences sur

le territoire

Ces arrangements conclus, Stanley, se


nier en ce qui concernait la sret

tente

Il

obtint

d'tudes, la permission de rsider, de construii'e,

de Malima.

fiant l'initiative

du camp,

de Bracon-

s'apprta goter sous sa

un sommeil rparateur.

Bientt

le

bivouac silencieux

jeta

dans

la

demi-clart de cette nuit

d'Afrique les flammes protectrices de ses feux de broussailles; Stanley,

Braconnier

et leurs noirs serviteurs s'taient

endormis. Mais

les tirailleurs

du continent africain, plus disposs rire, jaser


boire qu' dormir par une belle nuit, avaient rejoint sur

sngalais, tous enfants

chanter, danser et
la

place du village les indignes de Malima.

L,

racontaient les pisodes guerriers, les exploits amoureux, les

ils

aventures merveilleuses qui avaient, au cours de l'expdition de Brazza,


soit

impressionn leur mmoire,

soit chaufl leur

sorte de microscope grossissant. Puis

ils

imagination fantasque,

critiquaient,

ils

blmaient

les

de Malima d'autoriser de nouveaux blancs rsider auprs d'eux.


trangers sont mchants, sanguinaii"es, disaient-ils;
pillent les caravanes, tuent les

sort partout o

ils

s'arrtent.

hommes

et les

ils

femmes

les ignorait:

gens

Ces

brlent les villages,


et jettent le

mauvais

Ces odieux mensonges produisirent immdiatement leur

Malamin

"

vers trois heures du

matin,

il

effet.

rassembla ses

hommes et quitta avec eux le district de Malima.


A peine le dtachement de tirailleurs avait -il disparu surla route de Mfwa,
que

premires lueurs du jour rveillaient

les

les

laborieux et vaillants

pionniers de l'expdition Stanley-Braconnier.

Ds

la

premire heure (30

juillet 1881),

quelques Zanzibarites de l'escorte

du campement pour aller au village et y acheter des provisions.


Toute acquisition fut impossible. Gamankono, instruit des perfides insi-

sortirent

nuations des Sngalais, avait interdit ses sujets d'acheter, de vendre et

de parler

mme aux

trangers.

CHAPITRE NEUVIME

224

Les Zanzibarites durent


loin par les naturels de

rer

l'tal

s'en

retourner prestement au bivouac, suivis de

Malima, arms de laryes couteaux dignes de figu-

d'une boucherie.

Aux abords du camp ils rencontrrent une ngresse qui sans doute ignola consigne consentit cder un poisson aux nouveaux venus. Cette

rant

malheureuse femme, prise en flagrant


de Gamankono,

fut

dlit

de dsobissance aux ordres

cruellement battue par d'effronts sauvages qui eurent

ensuite l'audace de venir prs des tentes des Europens en hurlant et en

brandissant leurs larges coutelas.

Stanley et Braconnier, tirs brusquement de leur sommeil, saisirent


leurs

armes

quelques pas

Que

dit

et

s'est-il

permirent aux blancs de se consulter.

donc pass? demanda Braconnier.

Matre, le roi

un

bondirent hors de leurs tentes. Les Malimois reculrent de

et

Gamankono

a dfendu ses gens de parler avec nous,

Zanzibarite qui s'tait approch de ses chefs.

Capitaine, s'cria Stanley, faites

recueillir

armer nos hommes

moi-mme auprs de Gamankono

changement survenu dans


prenez pas

l'olensive.

Du

l'esprit

Je vais aller

des explications au sujet du

de cette population. Soyez prudent, ne

reste, je

me

fie

vous pour la dfense de nos

richesses que doivent surtout viser ces coquins,

-j

Choisissant alors ses plus fidles Zanzibarites, Stanley les guida au milieu des

sauvages arms, mais reculant devant

dcide de l'homme blanc, jusqu'

Le

roi,

prvoyant cette

la

le

sang-froid et l'allure

hutte de Gamankono.

visite, attendait

entour des principaux sujets

de Malima, au nombre desquels se trouvait un hideux sauvage

nomm

Ntaba.

Ce dernier, porte-voix des rcriminations, des frayeurs des indignes,


fut le plus acharn partisan de la guerre dans la nouvelle palabra qui eut
lieu aussitt,

En

Stanley prsent.

vain l'Europen, mis au courant des motifs qui avaient translorm

chez ses auditeurs en intentions malveillantes, en haine froce, les bons


sentiments, l'accueil bienveillant de la veille, essaya-t-il de dtruire dans

des terrifiants rcits destirailleurs.Gamaa-

leui-s

cerveaux

fls l'impression

kono

se laissa

presque persuader, mais Ntaba fut inexorable, intraitable.

Ntaba avait frmi de terreur en coutant la nuit prcdente les horreurs


imputes aux membres de l'expdition de Stanley. Brleurs de villages,
esprits malveillants, pilleurs de caravanes, tueurs de ngres, telles taient
pour ce noir ttu les pithtes applicables aux nouveaux htes de Malima:

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

ses stupides paroles soufflaient la colre, la rage,

indignes entourant

Cependant

le

chimbeck de Gamankono

Bayanzi, les matouts prsents

les

au cur des sauvages

la scne,

protestrent en

faveur des trangers. Leurs protestations furent impuissantes. Ntaba, brute


inintelligente,

kono,

lui dicta la l'ponse

Mon

mais exerant une grande influence sur

volont de

Gaman-

adresser Stanley.

peuple est nombreux, anim contre vous de sentiments hostiles,

effray par des bruits sanguinaires

rpandus sur votre compte. Retirez-

vous de notre territoire, tranquillement

vous

la

soit fait

aucun mal.

partez bien vite, avant qu'il ne

dnouement tragique qu'aurait entran sapei'sistance camper prs de Malima, retourna au camp et ordonna le dpart.
Stanley, pressentant le

Braconnier prit

commandement

le

munitions avaient t distribues,


vers le village de

des porteurs, qui des fusils et des

et la

Mfwa prcdemment

caravane expditionnaire se dirigea


visit.

Les indignes de Malima hurlrent de loin aprs


proverbe arabe

le

Les chiens aboient,

la

les partants,

caravane passe

mais selon

l'expdi-

tion passa.

Gamankono, du seuil de son chimbeck, adressa comme un adieu contrit


aux blancs. Ce makoko tait moins sauvage que les sauvages de

et rsign

sa contre.

Arrivs quelques centaines de mtres des huttes de

Mfwa (Brazza-ville),

marcheurs remarqurent aux abords du village de rcents changements.


Les sentiers aboutissant au groupe des cabanes avaient t barricads, et
les

derrire les barricades la populace indigne arme, de mousquets, vomissait,

des injures et des menaces l'adresse des arrivants.

Braconnier arrta ses

hommes;

les ballots furent

dposs, les armes

apprtes.

Un
les

conflit paraissait

convoyeurs;

imminent. Les indignes de Mfwa mettaient en joue

et ceux-ci, exasprs, se disposaient tirer les premiers,

lorsque soudain des coups de fusil retentirent sur la gauche du village.


Derrire

un nuage de poussire

et

de fume,

les

gens prs de combattre,

virent accourir une foule de ngres, criant tue-tte

Tanley

En un

Tanley! Tanley!

'i

instant cette masse pacificatrice se jetait entre les habitants belli-

queux de Mfwa

et les

hommes

excits de l'escorte.

La

curiosit

fit

fusils s'abaissrent.

De part

et d'autre les

place au courroux.

Le chef de l'trange cohorte noire qui dansait et chantait entre deux


camps ennemis, tait le prince Pauchu, neveu deNgaliema, roi de Ntamo.
LES BELGES.

II.

29*

CHAPITRE NEUVIME

220

village

important du Stanley-Pool,

Gibraltar de ce lac form par le

le

Congo.

Pauchu
lait

tait

envoy par son oncle

emmener dans son

dangers

qu'allait courir

Pauchu

pays.

En route des

auprs de Mi'wa

et ses fusiUiers,

doublant

l'ivoire,

qu'il

vou-

courriers lui avaient annonce les

le

chef de la caravane trangre.

les tapes, arrivaient

magnilque rle de conciliateurs.


Les gens de Ntamo sont les amis des

de

recherche de Stanley,

la

pour jouer

le

hommes blancs. Ils ont des chvres,

des poules, des bananes, du manioc et une quantit d'autres

choses, qu'ils seront bien aises de vendre. Si Tanley veut guider au pays

de Ntamo sa riche caravane, le roi Ngaliema lui accordera les plus grandes
Ne restez pas auprs des ngres mchants de Mfvva. Suivez nous;

faveurs.

entre ce village et

la rivire

(Gordon-Bennettj est un einplacement dli-

cieux et propice l'tablissement d'un camp; nous vous y conduirons,

sous peu Ngalieir.a en personne viendra vous y rendre

visite.

et

CHAPITRE X

'Brave

Pauchu

Gordcii-Bennett.
a Palaver

i.e

Pre,

Sur

la

la

Mre,

route de

VEnfant.

Gammpa.

Un tam-tam
bois de la

prs u

Cambre?

des rois nsres.

^S^^d^^Cfi

RAVE Pauchu

!...

Le Comit

d'tat, doit ce prince noir

^i^*]

Ngaliema.

Sommes-nous au

^4

vices qu'il a rendus

jh.

dans

^^"^^S^wW

la

Ds

aux pionniers de

journe du 30

le

d'tudes,

devenu fondateur

une rcompense pour


la

les ser-

premire expdition

juillet iS8i.

matin, l'ambassadeur de Ngaliema transforme en

explosion de rires une dtonation d'armes feu prs de taire couler des

du pays des Batek mne la caravane trangre dans un endroit favorable l'installation d'un camp; lanuit

flots

de sang; dans l'aprs-midi, ce

fils

CHAPITRE DIXIME

neveu du

de Ntamo conduit chez son oncle un dtachement de Zanzibarites en qute de vivres pour le corps expditionnaire.
tombante,

le

roi

Trois bonnes actions en douze heures, que de titres pour un seul ngre

l'obtention d'une mdaille de sauvetage, d'une mention honorable dans


les

palmars des socits de bienfaisance!

Empcher

la

lgion noire de Stanley et Braconnier de remporter, l'aide

de winchesters, une victoire certaine sur


server ces derniers d'un massacre, tait

philanthrope sans

gens rvolts de Mfwa, pr-

les

uvre philanthropique d'un ngre

le savoir.

Indiquer aux blancs l'emplacement d'un

camp auprs du Gordon-

Bennett, dans une contre sablonneuse, dpourvue de forts vierges, res-

semblant assez aux grands plateaux de l'Algrie


fertile

de Ntamo,

tait

ruse de diplomate,

et situ

en face du territoire

manuvre de commerant habile

des rives du Stanley-Pool.

Pauchu
sibilit

avait

ou

escompt sans doute

le

Les gens de Malima

et

de Mfwa toujours

aux trangers une influence

Le mince poisson obtenu


fort

dans

le

ennemi.

hostiles, persistant attribuer

de leur cder,

sol.

matin d'une ngresse de Malima ne

s'tait

multipli, et Stanley, intendant de la troupe d'exploration, tait

embarrass pour
la

rations et l'impos-

nfaste, refusaient opinitrement

n'importe quel prix, les produits de leur

pas, hlas

manque de

se trouvaient les explorateurs de se ravitailler en pays

soire

du 30

satisfaire

exigences stomacales de ses

les

hommes

juillet.

Les tentes taient dresses dans une contre pouvant offrir la rigueuret prmunis contre la famine.

quelques charmes des touristes repus


et l s'levaient des

bouquets de bois de teinture ou d'bne, entre lesquels,

serpentaient des ruisseaux dont les bords verdoyants produisaient en abon-

dance des essences varies

et

de

la liane

caoutchouc. Mais les vgtaux

fruits savoureux, les plantes alimentaires, le gibier, apparaissaient si rares,


qu'il et fallu se

rsigner mourir de faim avant d'avoir russi en appro-

visionner suffisamment

A l'aide du

le

personnel nombreux de l'expdition.

tlescope, Stanley et Braconnier apercevaient les villages des

rives du Stanley-Pool, petits groupes dissmins de quatre ou cinq cabanes,

entours de palmiers dont

les

indignes avaient enlev l'corce et les

pour construire leurs habitations

et divers objets d'industrie,

feuilles,

tels

que

corbeilles, pagnes, hottes, etc., etc.

Devant eux, quatre milles, sur

ville

de Ntamo

offrait

la rive

sud du fleuve trs large, la

son aspect habituel. Des ngres paresseux

dormaient ou fumaient l'ombre, en surveillant

le travail

des femmes.

LES BELGES DAXS L'AFRIQUE CENTRALE

et

des esclaves.

palme

et le

Dans

On

tissait,

on

broj-ait le

229

manioc, on prparait

l'huile

de

malafou. Des enfants s'exeraient lancer la zagaie.

les criques vastes et paisibles se balanaient

de nombreuses piro-

gues; les unes, venues des rives quatoriales, dbarquaient

les

charges

d'ivoire et les fruits exotiques; les autres, vides, attendaient les chargements

a transborder sur la rive oppose.

Ah

l'instrument d'optique permettait aux explorateurs de subir

plice gal celui

de Tantale. La millime partie des monceaux de bananes,

de citrons, de goyaves, d'ananas, de lgumes, de

amplement

de deni'es, dont

volatiles,

sur la rive oppo-

les noirs trafiquaient

se, et

un sup-

calmer les

sufi

tortures cruelles que la faim exerait

sur les deux pionniers et sur


abattue qu'ils menaient

Dvorer des 3'eux

la

les

escorte

dcouverte.

richesses ali-

mentaires entrevues distance, lorsqu'on a forcment jen pendant douze


heures,

est

une

souvent

trop

satisfaction

offerte

relative,

l'explorateur

africain.

Frquemment, sur
grandes

villes

des

l'ta-

marchand de primeurs ou

lage d'un
la vitrine

les trottoirs

de l'Europe, devant

badauds affams

se rassemblent

pour

savourer en imagination les fruits ou

menu, hameon
bourse

d'un restaurant en vogue, des


^^^^^ ^^ bas congo.

le

allchant tendu aux heureux de notre

est remplie, car

moyennant finance

monde, dont

ces vgtaux velouts, ce

la

menu

sduisant plein de promesses succulentes, pourront tre absorbs par

le

premier venu.
11

n'en est pas ainsi sur le sol africain; chez les tribus sauvages, la

naie fiduciaire locale n'autorise pas toujours le riche

manger selon son


Parfois le

apptit;

il

faut

que

les

dtenteurs des aliments envis

en faveur des trangers.


froce marchand, heureux de rduire par la famine

consentent encore

visage ple dont

mon-

voyageur dner,

s'en dessaisir

il

subit

le visiteur

inconsciemment l'ascendant spontan, refuse au

taux le plus lev de lui livrer les ressources indispensables la vie


matrielle.

Tel

avait

le

procd des indignes de Malima

et

de Mwfa qui,

CHAPITRE

2?o

DIXIME

non contents de refuser de vendre aux explorateurs,

s'taient hts d'exp-

dier des courriers dans toutes les contres voisines

pour fomenter une

rvolte sourde et haineuse contre les blancs et leur escorte noire.

donc impossible Stanley de refuser l'offre de Pauchu qui promettait un ravitaillement facile sur les terres de son oncle. Le chef de
Il

fut

l'expdition confia ce ng-re


se rendre en toute hte

une escouade de Zanzibarites qui devaient

Ntamo

et rapporter

au camp

les provisions

impatiemment attendues.
Le lendemain 31 juillet, nul convoi de vivres ne pntra dans le camp
Trois chvres, maigres et chtives, purent nanmoins tre distribues aux

hommes de

l'expdition; Stanley et Braconnier s'en rservrent quelques

ctelettes.

Que de

fois,

au cours de cette journe,

les

blancs explorrent-ils au

du Stanley-Pool, pour voir si les canots librateurs


du jene ne retournaient pas vers leur bord !...
Pauchu avait menti, sans doute; mille pirogues indignes pagayaient en
tous sens sur les eaux de l'tang- fluvial; mais les canots attendus, on les
distinguait vaguement, amarrs dans la baie de Ntamo, au milieu d'embar-

tlescope les eaux

cations de tous genres: les canots taient vides, et personne ne s'occupait

de leur chargement.
Franchir

la large

expansion du fleuve

un

laquelle Stanley attendait

De toute

ncessit

il

tait

difBcile

pour

matriel naval indispensable.

fallait rester

l'on

sources locales les moyens d'chapper a

En

une opration

campait

la

et

emprunter aux

l'cs-

hideuse faim.

explorant les environs du camp, au confluent de la rivire Gordon-

du fleuve Congo, on entendait le grondement de la premire


cataracte des chutes Livingstone. En cet endroit, le pool se rtrcissait, la
pointe de Ntamo, projection d'une chane en forme de croissant, situe en
aval, s'apercevait une distance de deux milles.
Bennett

et

De nombreux

indignes, dissmins sur les dunes sableuses, surveillaient,

l'abri des ardents rayons du soleil sous de grandes nattes, leurs


tilets et

leurs piges poisson. Ces pcheurs,

immenses

effrays d'abord a la

vue

des blancs, consentirent ensuite changer contre de belles toffes

produit abondant de leur pche.

compatriotes contre

Ils

ignoraient

les trangers, et se

la

le

grve entreprise par leurs

montrrent relativement

affables,

causeurs et gnreux.

Par une pantomime

combien
voisines.

fort

amusante,

tait effroyable la

ils

essayaient d'expliquer aux blancs

descente du fleuve, en raison des cataractes

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

A partir

de ce point,

le

Congo court

231

vers l'Atlantique, dans la profonde et

large dchirure dont nous avons esquiss certaines sinuosits terrifiantes.

chutes Livingstone sont formes par trois cataractes

Le'^

^Jcre et l'Enfant.

Nous reproduisons

ici les

le

Pre, la

descriptions de ces parages

donnes par Stanley en 1877.


UEnfanl est une eau brise d'une longueur de deux cents yards (plus
d'un kilomtre).

La Mre, que l'on trouve ensuite, consiste en un demi-mille de rapides


dangereux que l'on franchit presque en face du bras suprieur du GordonBennett, cours d'eau imptueux de soixante-quinze yards de
lui-mme de grandes cataractes en amont.

large, qui a

Le Pre est la portion de fleuve la plus sauvage que l'on puisse voir.
On peut comparer cette cataracte un bras de mer de quatre milles de
long sur un demi-mille de large, secou par un ouragan et roulant
des vag'UdS irrites et monstrueuses.

Quelques-uns des entre-deux des lames ont jusqu' cent yards de lon-

gueur
lan,

et,

il

de

l'un l'autre, le fleuve se prcipite avec frnsie.

tombe au fond d'un creux immense;

l'norme volume d'eau se relve a


et s'lance d'un jet vingt

pic,

D'un premier

puis, par la force acquise,

rassemble ses

flots

en chane continue

ou trente pieds de hauteur avant de s'crouler

dans une nouvelle auge. Partout, en amont

et

en aval, des vagues normes,

des croupes, des collines bondissantes, se rsolvent en cume et en embrun, des montagnes liquides se heurtent avec rage, tandis qu'un ressac
furieux enveloppe la base des deux rives, forme d'une ligne de quartiers

de roches empils les uns sur les autres. Un fracas tourdissant, comparable
au tonnerre d'un train express passant sous un tunnel, oblige les personnes
arrtes prs de cette infernale merveille, et dsireuses de se transmettre

de vive voix leurs impressions, hurler rciproquement

l'oreille

ce

qu'elles ont se dire.

Le plus puissant des steamers maritimes, lanc

toute vapeur sur cette

portion du fleuve, se trouverait dans une situation aussi dsespre que

moindre des

le

batelets.

Cependant

le

courage

et l'nergie

de Stanley, son ingniosit,

lui avaient

permis de franchir eu 1877 ces terribles parages, et, par une trange concidance, l'illustre explorateur se retrouva t ea 1881 dans le voisinage des
chutes Livingstone, avec des

comme

ses

compagnons de

hommes nouveaux,
jadis, les

appels y connatre,

dfaillances nes

du manque de

nourriture.

Le .Mannkonek

d'alors,

Gamankono

d'aujourd'hui, chef des Batek de

CHAPITRE

sur

]\Ialima,

les

insinuantes thories de Ntaba, avait suscit ces preuves

aux valeureux agents d'une

que

si la

DIXIEME

socit humanitaire et civilisatrice.

leur acception, ses

IM'ocurer les ressources

que des cratures barbares leur

refusaient.

Stanley et Braconnier, se contentant pour eux et leurs

de poissons loyalement acquis, alors

friture

qu'ils

n'ont pas

hommes

d'une

pouvaient, sans ala,

obtenir par droit de conqute un repas plus copieux dans


juillet,

Nul doute

deux pithtes dans toute


agents auraient invoqu leurs fusils ftiches pour se

socit n'et pas dsir mriter ces

la

journe du ^i

aux instructions philantropiques donnes par

failli

le

Comit d'tudes.
Ils

ont

fait

preuve en cette circonstance d'une rsignation admirable, dont

on retrouverait peu d'exemples dans

les relations vraies

des multiples ex-

plorations de notre poque, toujours entreprises au profit de l'humanit

de

la civilisation,

mains

mais donnant

et barbares,

massacre, martyrise

armes infrieures

la

les

civiliser,

faibles et

et surtout

pille,

mal protgs par des

ses

hommes

souvenir du chef de Bwabwa-N'jali

chargs de prsents en change des

obtiendraient sans nul doute de ce

qu'ils

mais rapace

de dplorables abus, inhu-

de leurs prtendus rgnrateurs.

s'veillant avec le

envoya quelques-uns de
denres

gens a

celles

Le I" aot. Stanley

lieu parfois

rage puissamment seconde des civilisateurs

grand amateur de

makoko obsquieux,

gin.

L'aprs-midi, les envoys revenaient, les mains peu prs vides

le

chef de Bwabwa-Xjali les accompagnait.


L'h3-pocrite ngre venait, racontait-il,

trangers;
il

ils

pour

savait l'aversion qui avaient

offrir ses services

pour eux

les

aux braves

gens du voisinage;

dplorait les procds dloyaux d'Ingya (chef de .Mfwa) et de

kono;
telle,

il

Gaman-

dsapprouvait sae noirs collgues avec une violence de langage

que Stanley

se laissa

prendre aux piges de ce comdien promettant

de subvenir aux besoins de

la

caravane moyennant une quantit de mou-

choirs rouges, de perles, d'articles de camelote, etc., etc.

Braconnier, trop heureux de s'attacher un pareil

alli, se

dcida

mme

lui avancer dix brasses d'toffe, d'une valeur locale d'environ cinquante

comme acompte sur le prix des innombrables marchandises que


Bwabwa se dclarait prt envoyer.

francs,

Aprs
le

le

dpart de ce makoko, dont

la

coquinerie

masque d'un bonhomme avenant, empress


le

le

brave Pauchu,

le

long

un grand diable de noir, sec et


porteur d'un message dclarant que les blancs n'taient

neveu de Ngaliema

nerveux, arriva

cache sous

rendre service et encaisser

d'avance une rcompense contre des promesses,

Pauchu. car

s'tait

le

tait

LES BELGES.

II.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

pas oublis

et

annonant

la visite

probable pour

le

lendemain de son gra-

cieux souverain.

Les choses allaient merveille; Stanley

et

Braconnier changrent dans

une causerie exempte de tristesse l'excellente impression que leur avaient


laisse les visites des deux princes noirs.
Tous deux se flicitaient de n'avoir pas brusqu les vnements dans les
rudes journes

qu'ils

venaient de traverser;

du lendemain mettrait

l'aurore

ils

s'endormirent persuads que

misrable o

fin a la situation critique et

se trouvaient.

ils

l'aube du 2 aot, ils expdirent Bwabwa-Njali plusieurs Kabindas


Kroomen, avec ordre de rappeler au chef de ce district ses promesses de

et

la veille.

Quelques heures aprs ces noirs

rentraient au

camp avec des mines

rapportant l'impression de l'accueil rbarbatif que leur avaient

effares,

rserv

chef de ce district et son peuple surexcit. Bwabwa-Njali les

le

avait grossirement reus, insults, et les indignes, encore plus froces

que leur
ter

roi flon, avaient intim l'ordre

au plus

En

tt le territoire,

s'ils

outre, dclaraient les Kabindas, les naturels de

suivis,

arms de mousquets, jusqu'aux limites de leurs

ngres s'apprtent fondre sur

massacrer tous, blancs

aux serviteurs des blancs de quit-

ne voulaient pas tre tus comme des chiens.

Nous

la

Bwabwa nous

terres; ces

ont

mchants

caravane et se disent prpars nous

et noirs.

les attendrons,

rpliqua Stanley peu effray du rcit de cette

fanfaronnade des indignes de Njali.

Quant

Braconnier, furieux des pratiques

dshonntes du makoko de ce

il

aurait t franchement trs heureux de le voir arriver aux abords

du camp

la tte d'une troupe offensive. Cette satisfaction ne fut pas

village,

accorde au capitaine. Les Bwabwa-Njali avaient aboy de

loin,

sant devant eux une petite escouade d'trangers, mais

n'osrent pas

venir affronter ia juste colre des blancs qui

ils

ils

avaient

fait

en chas-

transmettre

menaces fanfaronnes.
Trop souvent on rencontre dans nos pays civiliss des gens de bas
tage, agissant envers certains hommes de cur comme les Bwabwa-Njali
envers les envoys du Comit d'tudes.
leurs

Les ignobles procds des chefs de tribus ngres avaient fortement


branl

la

de Pauchu

confiance de Braconnier; refait par l'un,


et manifestait

africain, toujours calme,

il

doutait maintenant

Stanley ses craintes anxieuses. L'explorateur

peu impressionnable, ramena

pensers plus tranquilles, l'esprance,

la paix.

le

capitaine a des

CHAPITRE

Leur conversation
distance du camp.
Avec

amens sur

les avait

la lunette ils

DIXIEME

nord du fleuve, quelque

la rive

pouvaient voir lacilement tout ce qui se passait sur

ou rgnait une grande animation. Des coups de feu qu'ils per-

l'autre rive

urent distinctement, aprs avoir un instant obscurci l'horizon d'un nuage

fume blanchtre, annoncrent aux explorateurs la prsence


de Ngaliema au milieu de la foule enthousiaste qui s'agitait sur les bords
pais de

opposs.
Bientt de grands canots sont dmarrs dans

la

crique de Ntamo.

Ils

sont

hommes, des femmes, des enfants, dont on


pantomimes, les mouvements rapides; beaucoup semblent

envahis, pris d'assaut par des

distingue les
se battre

pour occuper une place dans

les

embarcations.

Salus par les clameurs bruyantes, par les ^restes g-rotesques d'adieu

auxquels se livrent svr

remontent un instant
Les explorateurs

les noirs rests terre, les

courant en longeant

dessus de l'embarcadre,

marche rapide de

gauche

la rive

le

ils

traversent

le

un

une extrme

fleuve avec

attentifs assistent alors a

Puis

la rive.

pirogues
mille aurapidit.

un mouvant spectacle

la

vigoureusement pagayes par des ngres

ces canots

debout, manuvrant en cadence, tandis que leurs voix pleines s'lvent en

chur, soutenues par

les

fermes batteries d'normes tambours

et les

sons

d'instruments criards
Arrivs prs de

de

la

Ntamo fondent
six

la rive droite,

sans s'inquiter du dangereux voisinage

premire cataracte des chutes Livingstone,


vers

le

hardis mariniers de

camp des trangers avec une

vitesse de plus de

nuds.

Le canot de Ngaliema prcde


magnifique embarcation,

le roi

cette

de

sauvage

Ntamo

sieurs anciens tte grise; son quipage se


et

les

de quatre timoniers:

autres, sont au

flottille.

est assis

Au

centre de cette

ayant ses ct.s plu-

compose de soixante pagayeurs

passagers inactifs, serrs les uns contre les

les

nombre de vingt-deux.

huit personnes que transborde

le

C'est

donc un

total

de quatre-vingt-

tronc d'un gant des forts creusi en

pirogue de guerre.

Dans son

sillage

nagent

pirogues d'escorte contenant une vraie foule

les

noire, houleuse, trpignante, hurlante, impatiente de

Pauchu

amis. Car cette fois

dans leurs gestes


contre

les

et

n'a

dans leurs

cha.'.ts ni

les

dbarquer chez des

indignes de

Ntamo

n'ont

provocations, ni paroles haineuses

mundels.

La superbe pirogue royale


|>ens.

pas menti:

a touch t.^rre, auprs des voyageurs euro-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Ngaliema dbarque

et serre

de sang. Nyaliema,

frre

avec effusion

c'tait Yllsi

les

de 1877,

le

mains de Stanley, de sod


jeune

homme

d'alois,

au

visage parsem de taches rondes, formes d'un mlange de suie et d huile.


drap dans son manteau d'toffe quadrill, portant en bandoulire une
large ceinture de cuir o sont fixes mille petites gourdes, renfermant du

tabac priser et difterentes poudres saveur saline, divers charmes, autant

de talismans que Ngaliema

nomme ses

in/assi.

Ce personnage

est gracieux,

bienveillant, magnifique.
C'est bien

l'Itsi

d'autrefois,

un peu

paissi par le

temps:

il

parait avoir

trente-quatre ans. Ses fticheurs, ses sorciers, en la prescience de qui


a

une

foi

inbranlable, lui ont certifi les avantages innombrables,

indtermine de succs, de triomphes, qu'amnerait pour


la

lui et

il

la srie

son peuple

prsence des blancs Ntamo.


Dj, depuis sa premire entrevue avec Stanley, quatre ans se sont couls,

amenant des pisodes sans nombre, dont Ngalif-ma raconte son


sang

les dtails les plus

devenu
lui a

le

minutieux, avec des accents emphatiques.

trs riche et trs puissant; son

procur quantit de

fusils et

commerce

de poudre;

il

vieux chef Ngako, du district de Mbari.

Ngaliema

laisse

frre de

d'ivoire avec les

est plus
Il

grand

roi

ngre que

aspire a grandir encore

percer son ambition dans un dluge de paroles

tre le souverain de toute la contre riveraine de l'tang

Les W'ambundu, peuplade de

Itsi est

Bacongos

du grand

il

veut

fleuve.

au sud de Ntamo, reconnais-

l'intrieur,

sent dj son influence et lui payent d'abondants tributs

pour

se concilier

sa haute protection.

Enfin l'numration des exploits, des hauts


prosprit croissante, la grandeur du

faits

rgne de Ngaliema pendant

quatre annes coules, retient durant des heures


Ja rive

qui ont marqu la

les interlocuteurs

les

sur

nord du Stanley-Pool.

Les Zanzibarites, inspirs par Pauchu, ont profit de ce laps de temps

pour couper, tendre

l'herbe, et la recouvrir

de belles nattes, sur

le

chemin

que doit parcourir le royal visiteur en se rendant au camp de Stanley.


Le cortge s'branle; dans les rangs des marcheui's un mot d'ordre circule, passe de bouche en bouche. On dansera, on chantera, en arrivant prs
des tentes des trangers.

La distance

est

promptement

franchie.

terre des rayons attidis par la brise

nages boivent

tam convenu
Dans

les

le

du

Le

soir.

soleil

tropical envoie sur la

Tandis que

les

malafou, cimentent nouveau leur amiti,

gros personle

grand tam-

se prpare.

groupes dissmins

et la,

autour des tentes, des tres vivants,

CHAPITRE

238

hommes, femmes,

DIXI1';.ME

cnlants, s'agitent, se consultent, s'excitent Iiter les

prparatifs de la fte.
C'est qu'il faut

du temps, au beau sexe surtout, pour rparer les chefset de toilette, compromis par le voyage, pour astiquer

d'uvre de coiffure

pendants

les

Ntamo

nymphes du Pool

les

diamants

de

n'en sont pas moins coquettes.

de cuivre enroules autour d'un


crpus et leurs

tresses.^

On

fil

morceaux de

feuilles

de laiton entrelacent leurs cheveux

faux cheveux. Oui, leurs faux cheveux, nos lectrices

ignorent-elles qu'il se

de

aises

et les objets d'or et d'argent,

Elles portent au cou des perles en porcelaine, des

et

dames

les

ont orn profusion leurs bras et leurs jambes.

Malgr leur profond mpris pour


ces

de cuivre, dont

d'oreilles et les bracelets

fait

peut

dans

mme

le

pays un commerce important de chignons

dire que sous ce rapport les

femmes blanches.
ont en outre trac un cercle blanc autour de

femmes

noires

ont devanc les


Elles

pour en agrandir

l'orbite

et les

leurs

yeux noirs

rendre plus expressifs, plus langou-

Nous connaissons bien des dames dans nos contres civilises qui
mettent du noir, pour donner leurs yeux une expression factice, tromreux.

yeux sont, dit-on, le miroir de l'me. Et lorsque chez des


angliques les yeux paraissent
des pervenches
physiquement
cratures
qu'Amour cueillit un jour dans les jardins du ciel , leurs propritaires
peuse... Bah! les

<

l'me perverse se htent d'en ternir la beaut pour ne point faire mentir le
dicton.

Passons aux dents des coryphes de Ntamo, perles blanches, limes

en pointe, car on aime l-bas

le

sourire

incisif.

Le costume:... un pagne bien simple, morceau


de vigne.

d'toffe carr,

remplaant

l'antique feuille

Le

reste

du corps, talage

la

chair vive

prodigu ses faveurs quelques femmes de


rances

manquent de formes

un peu partout des

artistique, reproduit

besques sculptes au couteau sur

et,

si

la

ara-

nature n'a pas

l'endroit, si certaines

exub-

gracieuses, de contours accuss, les disgra-

cies ont eu le soin d'accumuler sur les parties faibles le tatouage le plus

marquant, invitant
cielles,

le

regard, jouant

le

mme

cet autre tatouage des coquettes

regre' table anachronisme.

rle

que

les

mouches

artifi-

de nos jours, qui commettent un

Le maquillage

tait

de

mode au temps des

Pompadours.
Chez les ngresses de Ntamo, le fond de couleur du maquillage est
obtenu en enduisant gnreusement le corps d'huile de palme teinte
d'essence de bois rouge.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Mais

de leur

le principal objectif

la coiffure.

Sur ce

point, la

mode

toilette tait et sera

locale

impose

Ntamoise, soucieuse de sa dignit personnelle,


ses

compagnes un objet de

lement

longtemps encore

ses lois inexorables.

et

Une

ne voulant pas tre pour

ne peut drogera des rgles formel-

tablies.

Dans

l'art

hommes

de disposer ses cheveux rside sa puissance captiver

distingus de l'endroit.

remarquable, est lev cet


ble est

rise,

239

effet

Un monument

les

volumineux,

chevelu,

sur la tte de chaque ngresse. L'ensem-

poudr d'une couche de cendre tamise, convenablement choisie pour

rendre moins fonce

la

couleur naturelle.

L'architecture des constructions cipillaires n'est pas toutefois uniforme.

Une ngresse

a les

ailes dployes.

cheveux relevs de chaque ct de

Une autre

est coiffe

la tte

comme deux

de bandeaux pais, aux mille tresses

fortement rembourres en dessous, enchevtres de perles et d'ornements.

Toutes cherchent se donner des

dent avec une

gracieusement coquets

airs

mais contenue,

joie fbrile,

le

moment

et atten-

tant dsir de l'ou-

verture du bal.

Le sexe

fort et fort laid

de Ntamo est reprsent par des

de leurs plus beaux ornements


et

aux

bras, colliers

hommes

vtus

bracelets de cuivre et d'ivoire aux jambes

de dents de crocodile ou de

lion.

dans leurs narines quelques poils d'lphants.

Les lgants ont

enfil

Ceux qui visent une l-

gance plus grande encore ont trac sur leurs corps des lignes blanches
imitant les dessins qu'un estampilleur anglais a imagins sur des coffres

spcialement destins au commerce de l'change sur

Quelques-uns,

les

retrouver dans
Graphie;

ils

premiers arrivs au camp, ont eu

les

grandes herbes des

la

le

continent noir.

chance sans gale de

feuillets dchirs

du journal

le

en ont prestement dcoup les gravures pour les coller sur leurs

poitrines; leur joie est intraduisible; ces paens croient possder les ftiches
les plus favorables, les

porte-bonheur

N'oublions pas les petites

filles,

les

plus infaillibles.

venues avec

les

grands parents. Celles qui

ont plus de neuf ans prendront part au tam-tam, selon l'usage. Leur
toilette

ne peut se dcrire:

Tout

ce

elles

copieront seulement vers l'ge de quatorze

mode de leurs anes.


monde ainsi attif, rpar

ou quinze ans

la

la hte,

bouscule dans l'espace demeur libre entre

se runit, se presse, se

les tentes

de l'expdition.

Stanley et Braconnier sortent de leurs demeures, en causant amicalement


avec Ngaliema et les grands de Ntamo.

La foule s'meut, s'agite. Quelques ngres poussent des acclamations


les femmes se tiennent l'cart, craintives, derrire les groupes, mais elles
;

CHAPITRE

2-10

se dressent sur la pointe des pieds

regards sur les mundels;

DIXIF.ME

pour

jeter par instant

les enfants se faufilent

dans

les

de timides

jambes des

assis-

tants, ils trrimpent sur les arbrisseaux, les arbustes, les fourrs de brous-

la

veulent voir aussi les grands blancs,

les bons blancs.


Soudain un morceau d'orchestre, un prlud musical, une invitation
danse (rien de Vlnritatioii h vjlsc), remplit les airs d'une trangre harmo-

sailles,

nie et

ils

domine

tapaye des voix humaines.

le

Les musiciens sont au nombre de trente ou quarante, rangs autour


le joueur de tam-tam. Son instrument se compose d'un tronc

de leur chef,

d'arbre creux, d'environ i mtre 40 de hauteur, a}'ant sa partie suprieure


une peau de mouton fortement tendue.
Le chef d'orchestre se tient debout et frappe sur son tambour avec la
paume de la main et avec les doigts. Autour de lui se groupent des musiciens soufflant dans des gourdes de grosseur et de lorme diffrentes, perces
d'un, de

deux

et

mme

de

trois trous, et des harpistes arrachant des vibra-

tions sonores des espces d'instruments cordes ayant la forme d'un arc

de bois creux.

Le plus remarquable de

compose d'un grand

ces engins primitifs se

comme une

chevalet dispos

flche,

chancr en crmaillre, qui supporte

quatre cordes parallles pouvant donner huit sons diffrents


aboutir aux deux branches de

l'arc

pour

lui

transmettre

et allant

les sons. Afin

d'augmenter

la caisse de rsonance, sur la partie convexe, et au milieu de


on a perc un trou qui communique directement avec le trou d'une
calebasse hmisphrique. Les deux extrmits de l'arc et celle du chevalet
sont munies de fils de fer recourbs sur lesquels on a enfil des anneaux en
l'arc,

mtal qui s'entrechoquent chaque vibration des cordes de l'instrument.

Aux premires

notes de l'orchestre, les danseurs des deux sexes se sont

forms en deux lignes circulaires. Chacun tient

la

main une gourde en

bois ou en terre remplie de cailloux ou de graines dures

bientt en cadence

comme des

La danse, ou plutt
gauche, d'abord trs
vertigineux.

Alors

assourdissants,

et,

le

balancement en avant, en

lent,
l'air

et

arrire, droite et

puis de plus en plus acclr, devient tout


est

empli

au milieu de

pagnes voltigent, tournoient,


et bariols

la

fait

d'une envole de notes et de cris

poussire charge d'acres senteurs, les

les seins

bondissent perdus,

les

corps luisants

de blanc tourbillonnent, s'entrecroisent, tombent, se relvent,

forment un

effet

fantastique qui ne serait pas dplac dans un chef-

d'uvre chorgraphique digne d'tre reprsent sur


la Belgique,

qu'ils agiteront

castagnettes.

au thtre de

la .Monnaie.

la

premire scne de

LES BELGES

It.

3i

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Les Qanseurs s'arrctent sur l'invitation de

tam

fait

Un

un

signe,

ia

Ntamo

trouvre de

improvise

les

musique

un

d'eux.

247

Le joueur de tam-

se tait.

sort de la foule, s'avance vers les blancs,

couplets suivants

et

Boula-Matari (casseur de pierres, surnom donn Stanley par

les

indignes de Ntamo), Boula-Matari parmi nous; noirs, amis des blancs;


blancs, amis des noirs.

Les assistants clament en chur

Grands blancs

Le trouvre reprend sur

grands blancs

mme rythme monotone

le

Blancs donner bonne marchandise pour manioc, bananes, caoutchouc,

dents d'lphant,

Donner bon

aloiiyou (eau-de-vie),

pour bien jouer tam-tam;... donner

sel et tabac.

Blancs pas

manger

sauterelles, crapauds, termites; blancs pas conna-

mais noirs aimer blancs,

tre ftiche,

A chaque

strophe,

le

chur

jolis blancs,

redit avec force

bons blancs!

Grands blancs! grands blancs!

Aprs cet intermde,

le

etc., etc.

chef d'orchestre frappe sur son tambour,

musiciens soufflent dans leurs gourdes, pincent

les

les

cordes de leurs harpes

tranges; la danse reprend de plus belle.


Cette

une figure trs anime, trs originale,


danseur doit chercher enlever une plume de coq, ornement

fois, c'est le

cotillon final,

celle

de

chevelure d'une rosire de l'endroit.

la

le

La susdite rosire

n'tant ni

moins

moins souple que son pourl'homme vinc n'en est que plus

agile ni

suivant, lui chappe le plus souvent;

charm.
Parfois cependant l'heureux

succs est

reste, dfaite
les

danseur dcroche

unanimement applaudi par des


ou

victoire, tous les

danseurs excitent

danseuses poursuivies suscitent, suivant

parmi

les noirs assistants,

la

plume de coq

rires et des cris frntiques.


l'hilarit

les pripties

ce

Du

gnrale, et

de leurs courses,

des tressaillements de cur, des frissons d'en-

thousiasme.
-Mais voici qu' la

fi.i

une jeune danseuse, aime vraiment sduisante,

aux mouvements de couleuvre, aprs avoir chappj, quatre reprises


diverses, aux attaques des danseurs, vient toute frissonnante d'motion, les

yeux

baisss,

dposer sa plume de coq aux pieds de Braconnier.,.

Stupfaction gnrale!... Doutes, hsitations dans


blanc a souri,

il

donn des perles bleues

la foule!...

Mais

le

la hardie rosire... Des vivats

CHAPITRE

244

DIXIEME

enthousiastes, des accents joyeux, couvrent les sons criards de l'orchestre.

Le brouhaha

est inimaginable.

trice font natre

Le capitaine belge

et sa gracieuse

provoca-

des improvisations diffrentes, hurles sur des rythmes

divers, mais l'unisson, par les troubadours de l'endroit.

Bientt les voix s'affaiblissent; la clart

du

rougetres

teintes

lentement sur

Ngaliema

la

et ses

soleil

les

route qui va du

du jour

camp

se colore des dernires

de

indignes

Ntamo

s'chelonnent

du Stanley-Pool; mais

la rive

vieux conseillers ne les ont point suivis et restent encore

auprs des blancs pour causer avec eux des

affaires et

des destines du

Comit d'tudes du Congo.

Ngaliema partage avec son entourage noir

principes de fraternit

les

que lui fait traduire Stanley; le roi ngre promet formellement


d'assurer aux voyageurs les provisions ncessaires leur existence, et don-

universelle

nant ses promesses un commencement d'excution,


son grand canot de guerre un choix abondant

Ntamo,

qu'il

il

et vari

fait

apporter de

de produits de

conjure les blancs d'accepter.

comme on

Ces prsents, qualifis de cadeaux par Ngaliema, furent reus

doit recevoir chez les ngres les dons provenant d'une libralit spontane, mais sujette rflexions ultrieures; c'est--dire

Braconnier se htrent
galit, les

Sans

d'offrir

au

roi

marchandises europennes

se faire prier,

que Stanley

et

de Ntamo, en change de sa prodiqu'ils

possdaient encore.

Ngaliema accepta tout

le

stock disponible

mme,

aprs s'tre assur que les nes ne sont pas des animaux dangereux, qu'ils

ne dvorent pas

d'emmener avec

femmes

les
lui

et les enfants,

il

manifesta son violent dsir

deux de ces quadrupdes,

utiles

auxiliaires

des

voyageurs.

Possder des animaux

makoko, de tous

les

si

normes,

les

animaux doniestiques,

qui se transforma en

joie

dlirante,

mastodontes, aux yeux de ce


tait

lorsque

une tentation

irrsistible

Stanley eut accd sa

demande.
Pour manifester son contentement, Ngaliema supplia Stanley d'accepter
le sceptre royal de Ntamo.
Cet

emblme d'un potentat des bords du Stanley-Pool

long bton piqu de clous tte de cuivre,

et

consistait en

dcor de

fils

un

de laiton

enroul en spirales.
L'agent suprieur du Comit prit en main ce symbole devant lequel
s'inclinaient les seigneurs

du

roi

de Ntamo, et

le

rendit ensuite son pro-

pritaire ravi.

Ces crmonies, ces changes de cadeaux, ces complaisances rcipro-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

245

ques. avaient resserr les liens de fraternit du sang qui existait depuis

des annes entre l'explorateur et son visiteur.

La nuit

s'avanait, la sparation s'imposait.

requit une nouvelle faveur

il

Avant de

partir,

voulut tre accompagn par

le

Ngaliema

noir Dualla,

serviteur le plus dvou de Stanley.

le

moment

Aprs un

d'hsitation, Stanley consentit encore cette exigence

capricieuse.

Comme

escortaient jusqu' l'embarcadre leurs

les blancs

nouveaux

amis, des pirogues glissant sur les eaux du fleuve amenaient auprs d'eux

Mfwa.

chef Ingya, de

le

Cet insurg de

la veille,

ayant appris par quelque courrier la prsence

au camp des trangers de son puissant collgue de Xtamo,


preuves sans nombre d'amiti qui avaient marqu
avait dcid de se rendre chez les blancs

pour

les

et les ftes, les

dbuts de cette

solliciter la

paix et

visite,

le titre

d'ami.

La journe du 2 aot avait donc vu s'accomplir des vnements favorale 3 et le 4 de ce mme mois
bles aux agents de la premire expdition
lurent encore au nombre des jours heureux. Gammpa, le jeune chef d'un
:

district

baign par

Gordon-Bennett, sur

le

rivire, le bienveillant

Gammpa,

envers les blancs son

rival, le

leur envoya, de son propre

de cassave, de

l'huile

la

conduite qu'ai'ait tenue

chef de Bwabwa-Njali, noua des relations

amicales et commerciales avec les


11

bord occidental de cette

le

par opposition

membres de

l'expdition.

mouvement, des charges de

de palme, des bananes,

bois,

des pains

etc., etc.

Ces bons procds mritaient une rcompense.

Le matin du

aot, la journe s'annonait splendide,

chissante s'tait leve sous


les

ardeurs du

roi

Gammpa, dans son

soleil.

un

ciel voil

Braconnier

et

une

brise rafra-

de lgers nuages gris temprant

Stanley rsolurent de rendre visite au

village.

voyageurs quittrent le bivouac et longrent le Gordontrouver


un endroit guable. Leurs compagnons noirs,
pour
Bennett

cet effet, nos

robustes Zanzibarites, purent facilement les transporter dos sur

la rive

occidentale.

Les marcheurs s'engagrent alors dans un sous-bois pais, o serpentait

un sentier trac par les ngres. Au bruit de leurs pas. des milliers de gareolx,
jolis petits oiseaux aux formes gracieuses, s'envolaient dans les grandes
herbes en pjussant des

cris effrays:

vers les cataractes Livingstone dont

Ces derniers oiseaux affectionnent

des

plotiis

le fracas

au vol rapide s'enfuyaient

perptuel leur tait familier.

les pices d'eau,

bruyantes ou tranquilles,

CHAPITRE

24b

DIXIl-ME

formant des cascades, des

eux

lacs courants, ou des marais silencieux. Devant


un palmipde trange, sorte de podica, au plumage noir bigarr

aussi,

de brun, a

reflets verdtres, tandis

que sa gorge

et

son ventre sont d'un

blanc douteux, s'enfuit et courut se plonger au loin dans

les

eaux du

Gordon-Bennett.

Chaque rencontre d'htes


Arms tous deux d'excellents

ails dfrayait la

guerre ces diverses cratures. La poudre

la

conversation des blancs.

ne songeaient nullement dclarer

fusils, ils

est prcieuse

pour

rateurs; une charge dpense sans ncessit absolue peut,

les explo-

un moment

donn, tre amrement regrette.

Soudain

les

sons retentissants d'un vrai cor de chasse rsonnrent sous

dmes touffus des


Sommes-nous au

les

me trompe

ne

arbres.
bois de

la

Cambre?

du jeune Henri. Quel

pas, on sonne la Chasse

veneur europen qui hante ces parages

dit en plaisantant Braconnier. Je

est

donc

le

Assurment, reprit Stanley non moins surpris que son compagnon,


un Europen seul est capable de jouer de cet instrument. Serait-ce un compagnon de l'explorateur de Brazza,... un nouveau Mabimin de race
blanche

Les marcheurs doublrent


clatantes,

ils

abandonnrent

du

bois,

aperurent non

le

missionnaires catholiques,

de noirs correctement vtus


sonneries que

le

pas

et,

guids par

le sentier, se

un chemin

et

vers

le

puis, parvenus la lisire

soldat franais prvu, mais

homme

cuivres et

les vibrations

percrent

du Gordon-Bennett,

sud-est, regagnrent le bord


ils

le

un de

ces vaillants

encore jeune, entour d'une trentaine

coutant de toutes leurs oreilles les brillantes

pre arrachait son instrument.

Stanley et Braconnier fondirent au pas gj-mnastique au miheu de l'auditoire ahuri, avant

Bravo! bravo

tion par

la

que
!

le

missionnaire et termin sa fanfare...

monsieur,

lui dit le capitaine.

Vous

faites

de

la civilisa-

musique... Vos accords sont vraiment civiliss et civilisateurs.

Puis les Europens se prsentrent

les

uns aux autres.

Le pre Augouard, missionnaire franais, expliqua qu'il tait venu sur les
bords du Gordon-Bennett pour tablir une mission catholique sur ce territoire annex tout rcemment la France par de Brazza.
Les nophytes qui l'accompagnaient taient des jeunes ngres de Landana
parfaitement duqus

et

disposs vangliser les indignes riverains du

Gordon-Bennett.

remarquer au religieux que sa mission ne serait pas couronne de succs, vu que l'esprit du mal s'tait rpandu sur le territoire
Stanley

fit

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

247

une contre nagure paisible. Il raconta les


pisodes de Malima et de Mfwa.
La culpabilit des tirailleurs sngalais fut admise sans discussion par
oriental de la rivire, dans

le

missionnaire franais, qui regretta les actes dloyaux

commis

l'abri

du

pavillon tricolore par des soldats ignorants et inconscients.

Les Europens se sparrent,

Gammpa,

l'autre

Le lendemain,

uns pour continuer leur route sur

les

pour suivre sa route vers


ils

le

Stanley-Pool.

campement de

se retrouvaient au

l'expdition,

la

plus large hospitalit fut accorde au missionnaire et ses adeptes.

Durant deux jours,

le

des divers chefs ngres

ment

religieux

il

pre Augouard parcourut

cong des ses htes

prit

la

contre, sans obtenir

droit d'tablir sur leurs territoires

le

un

tablisse-

civiliss et se retira vers la cte,

attendant une priode plus propice pour recommencer ses tentatives


d'vanglisation.

Le
le

6,

Ngaliema reparut au camp avec son escorte habituelle

Duaha

serviteur

Le roi de Ntamo apportait des provisions aux blancs selon


mais

il

parut oublier

qu'il avait dj

encore des valeurs en

enfermer un savon de

toilette, gisait

reux propos s'empressa de

fois les frais

d'tablir

de

reu

Une

chai-ige.

de Stanley. Cette bote fascinait

La question

et

ramenant

lev au l'ang de seigneur de sa cour.

une

le

le

sur une caisse a bagages dans


;

la

tente

l'explorateur, gn-

son rapace visiteur.

station sur le

la conversation.

demanda

petite bote en tain, qui servait

regard du'^makoko

l'offrir

ses promesses,

prix de ces denres et

domaine de Ngaliema

Le makoko

fit

cette

jura par tous ses ftiche^ qu'il

dciderait les chefs de la rive gauche accueillir favorablement Stanley;

puis

il

se retira,

cette

mme

emportant encore de nombreux prsents.


date, le sergent

situe sur la rive

Malamin

gauche du Pool,

l'est

Nchuvila, chef de ce district, autorisait

une

atteignait Kinshassa, localit

de Ntamo.
le

dlgu de Brazza tablir

station dans son domaine, condition toutefois

serait

que cet tablissement

cr en association avec les blancs arrts auprs

du Gordon-

Bennett.

La proposition de ce roi ngre tait typique.


Pour lui les tats dsunis d'Europe n'existaient

pas, la diversit des dra-

peaux, des pavillons nationaux, tait chose insignifiante. Ces charpes


soyeuses, toffes aux brillantes couleurs, n'intressaient Nchuvila qu'au

point de vue de sa toilette


sa capitale,

il

et t heureux de possder

un stock de drapeaux

du Comit d'tudes.

la fois,

prs de

tricolores franais et de pavillons bleus

CHAPITRE

248

Malamin eut toutes

les

peines du

DIXIME

monde

que

expliquer ce vieux chef

les blancs dans leur continent taient aussi jaloux les uns des autres que

Bacongos,

les

Bazombos,

les

les

Babouennd,

du Congo.
Incapable de comprendre les motifs

Bassoundi,

les

les

Batek,

Bayanzi, des rives

les

de

rels

telles dissensions entre

des

Nchuvila se rendit chez son collgue de Ntamo pour essayer

civilisateurs,

d eclaircir ces mystres.

Ngaliema

avait prcisment convi

un

palaver

selon

anglais qui signifie au choix confrence, blague ou flagornerie


les chefs

indpendants, mais moins puissants que

districts

de

la rive

lui.

un mot

tous

qui rgnaient sur les

sud du Stanley-Pool.

Ce palaver dura une semaine

entire. Les caves ariennes de

Ntamo

furent largement mises contribution, et sous l'influence du malafou les

questions

les

plus complexes relatives a

prsence des Europens parmi

la

Batek apparurent rduites leur plus simple expression pour tous

les

ces noirs rapaces, et se fondirent en une seule

Quel

est,

de Malimin ou de Stanley, celui qui apporte

le

plus de mar-

chandises belles et bonnes parmi nous?

La rponse

tait indiscutable.

drable en hommes,
la

fusils,

concession d'un territoire sur

Le

II

et ballots;

la rive

caravane

la

c'est

la plus consi-

lui qu'on accorderait

gauche du Pool.

aot, Ngaliema, escort de cinq grands chefs, vint annoncer

agents du Comit

Donne-nous,

noire;

Stanley avait

wagons

ils

le

rsultat favorable

dit Stanley le roi

aux

du compromis de makokos.

Ngaliema, dix

hommes

de ton escorte

viendront avec nous, de l'autre ct du fleuve, et diront nos

populations les avantages nombreux qu'elles retireront de l'arrive pro-

chaine des blancs.

bon mundel, tu iras au mpoutou chercher tes frres blancs et


ramneras parmi nous avec des cargaisons d'toffes, de fusils, de

Toi,

tu les

poudre

et d'objets

fabriqus dans ton pays que nous serons heureux

d'changer contre nos richesses.


habiter prs de nous.

Tu

construiras ensuite une maison pour

Cette dcision, transmise par le chef de

Ntamo au nom de

collgues, tait irrvocable. Stanley le comprit;

compagnon de l'explorateur a
pour commander un dtachement de

(Zanzibarite, ancien
trieux)

Ngaliema. Ces

hommes emportrent

les voitures, les

dsigna aussitt Susi

travers

le

continent mys-

Zanzibarites qui suivit

quinze charges de provisions et

d'outils et reurent l'ordre d'attendre

avec

il

ses augustes

Ntamo

l'arrive des

Europens

canots et l'approvisionnement de l'expdition.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

En dehors de

la

2_i9

promesse de concession de territoire, Ngaliema avait


une dfense d'lphant pesant

remis aux blancs de nombreux cadeaux

plus de dix kilos; cinquante pains de cassave; deux porcs, une chvre, six

yourdes de vin de palme,

six

choux-palmistes

et

un

sceptre, bton de

com-

mandement, comme gage certain que les arrangements proposs ne seraient


pas viols de sa part.
Stanley et Braconnier levrent
s'taient

accomplis

les

le 12

aot

le

camp du Gordon-Bennett o

vnements que nous venons de raconter,

et ils

prcdemment parcourue avec l'espoir de rencontrer en


amont de .Man}'anga l'Allemand Lindner qui l'ordre avait t laiss de
conduire Mpakambendi le steamer l'Eu Avant et quelques allges.
reprirent la route

Cet agent dvou du Comit international reutleai aot 188 1, l'endroit


dsign, les deux explorateurs de retour des rives du Pool. Par ses soins,
les

bateaux de

amens au sommet des murs rocheux de trois six cents pieds de hauteur,

la flottille, aptes

tous les genres de locomotion, avaient

arcs-bouts par une ligne troite de blocs erratiques et des clats de roc

formant d'normes plaques, qui constituent a Mpakambendi un plateau


assez vaste.

Des bateaux vapeur stopps sur une montagne, quelle singulire


escale! Si Jules

mme
Il

en

le

telle

moins sceptique, n'et ajout

tait ainsi

guer sur
et

Verne et racont une

foi

aventure, pas

au

un de

ses lecteurs,

rcit.

cependant au Congo. Les steamers, incapables de navien amont de Manyanga, cause des chutes successives

le fleuve,

des tourbillons, avaient t trans sur les falaises et

rive droite par les quipages qu'ils auraient

les

hauteurs de

la

porter.

Nullement avaris par leur voyage arien, mais, au contraire, pars,


remis neuf, peints de tous bords, sur tous
allges rentraient le 22 aot dans leur

VEn avant et deux


lment, au bas du plateau de
les flancs,

Mpakambendi.
De

ce point l'paulement en

forme de mamelon sur lequel

Nsennga, s'tend sur une longueur d'un mille


partie

du fleuve profonde

longeant

la rive,

et

majestueuse.

et

droite,

est situ

demi une eau calme,


une bande de terre,

fournit d'excellentes places pour l'mstallation d'un

ou d'une station de pche. (Stanley.

travers

le

camp

Continent mystrieux.)

Les bateaux une

fois lancs dans cette eau calme, l'Allemand Lindner,


sur l'ordre de Stanley, gagna la rive gauche et dbarqua pour se rendre
par terre Manyanga-sud et obtenir bail dans cette localit le terrain

ncessan-e l'tablissement d'une station, tandis


LES BELGES.

II.

que Stanley

et

Braconnier
'i->

2t0

CHAPITRE DIXIME

se disposaient remonter

le

Congo jusqu'au Stanley-Pool, en explorant

les

berges mridionales du fleuve.

La distance de Mpakambendi Ntamo, par

le fleuve, est

de quatre-vingt-

quinze milles gographiques, soit 176 kilomtres: nous parcourrons dans

un prochain chapitre
le

Pool

la station

cette

rude tape aprs laquelle Braconnier fonda sur

de Lopoldville.

D'autres enfants de

la

Belgique, champions infatigables, chevilles ouvrires

de l'uvre entreprise par

le

Comit d'tudes, ont dj implant sur

conquises du fleuve africain, en aval de Mpakambendi,


bienfaits de la civilisation
noir,

marque par des

moderne;

actes et des

le rcit

les rives

les merveilles et les

de leur existence au continent

vnements dignes

d'intrt,

ordre chronologique une place immdiate dans notre ouvrage.

rclame par

CHAPITRE XI

Orban

et

porcs

Janssen s'journent Vivi,

belge.

Une

Une

Janssen, chef d'Issanghila,

de l'Esprance.

traverse

chasse

l'hippopotame.

Confection d'un drapeau

Mayanga-Nord-Station. La
Le drapeau du Comit d'tudes

question des

Ngoyo.

Manyanga-Sud.

^In
r

''P^^^

moments de Paul Nve, nous avons


prsence au Congo des sous-lieutenants Eugne

relatant les derniers

signal la

lanssen et Frdric Orban.

^7f4i

camarades de promotion l'cole


Cambre, dsireux d'imiter les courageux compa-

Ces jeunes

S/ de

la

officiers,

triotes qui les avaient devancs,


le

s'taient

volontairement enrls sous

drapeau du Comit d'tudes.

Le

17 fvrier 1881,

ils

avaient quitt Bruxelles et s'taient rendus par

CHAPITRE ONZIME

252

Ostende-Douvres au port de Liverpool. La,

mme

du

mois sur

le

ils

steamer Bengiiela, qui

embarqus

s'taient

les avait

conduits

le

le

19

6 avril

suivant dans la crique de Banana.

Pendant

la traverse,

impose

qu'il

le

Orban

avait pay l'Ocan le tribut dsagrable

plus souvent aux passagers novices;

Janssen, contri-

buable rcalcitrant du ro3-aume des eaux, avait littralement refus de


donner la mer, malgr ses furies soudaines et ses heures de rage cumante,

moindre acompte sur l'impt habituel.


Dbarqus a Banana, les voyageurs reurent la factorerie hollandaise
l'hospitalit rserve aux agents du Comit.
Orban, non encore remis des secousses de la navigation ocanique, subissait le jour de son arrive et le lendemain, deux accs de fivre... Triste
le

accueil

du climat

africain.

Janssen opposa aux intempries du ciel de Banana l'opinitre rsistance


qu'il avait montre aux flots irrits de l'Ocan. Sa halte force Banana lui

permit de se
bord

deux

En

du

lier d'amiti

Bengiiela,

franais et

avec des compagnons de traverse, rencontrs

docteur Lucan,

hommes

le

missionnaire Hogois. tous

rsidant Landana.

outre, l'Allemand Lindner, agent

mme temps

en

le

Banana,

du Comit

international, arrivait

ramenant de Zanzibar

les

soixante-douze

destins grossir l'escorte de Stanley et Braconnier,

a t dit dans un chapitre prcdent.


Le 9 avril, a cinq heures du matin, Janssen, Orban,

le

comme cela

docteur Lucan,

le pre Hogois et l'Allemand Lindner prenaient passage bord de la


Belgique, steamer remorquant des allges o tait le dtachement des

Zanzibarites.

six

heures du

soir, ces

nombreux voyageurs stoppaient devant Boma;

deux passagers trangers la Socit internationale prenaient cong


de leurs nouveaux amis; les pionniers divers du Comit d'tudes passaient
tant bien que mal la nuit dans les embarcations et repartaient le lendemain de fort bonne heure, pour s'arrter vers trois heures de releve en vue

les

de

'Vivi.

La Belgique accosta au pied de


crique appele Belgique Cieek;

la
la,

coUine de Vivi, au fond d'une petite


les

passagers mirent pied terre et

s'engagrent travers des broussailles chtives, sur un sol montant et

raboteux, compos d'une marne rouge mlange des cailloux roulants.

A mesure

qu'ils gravissaient la

hauteur,

ils

rencontraient des groupes de

huttes habites par des Kabindas et des Krouboys.

la lisire d'une clairire circulaire

Au

dtour d'un fourr,

autour de laquelle taient dissmi-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

253

nes des cases, les marcheurs purent se croire devant une foire africaine.

Un grand nombre de

naturels, mls

taient l'arrive des Zanzibarites.

aux Krouboys

Le spectacle

tait

et

aux Kabindas,

bruyant

et

anim;

f-

le

vin de malafou coulait pleins bords.

Mais

le soleil

brlant, transformant en supplice tous les agrments entre-

vus au cours de l'ascension, n'engageait pas


les flancs

de

les

Europens s'attarder sur

la colline.

LE LIEUTENANT JANSSEN.

Au sommet,

les

constructions blanches de la station, hardiment campes

sur l'escarpement qui paraissait inaccessible, donnaient


des bords du Rhin, blanchi

quivoque

castel

comme

la

le serait le

l'ide

chaux par un caprice de

d'un castel

propritaii-e,

repaire de quelque pirate guettant une

proie.

Enfin on atteignit ce prtendu nid de pirates, qui fut un den vritable

pour

les

voyageurs harasss.

Janssen et Orban y rencontrrent \'alcke, un compatriote, un soldat dj

CHAPITRE ONZIME

254

familiaris

aux dangers du climat, aux fatigues

aux aventures de dcou-

et

verte en Afrique centrale.

Le chef de

la station tait

encore M. Sparhawk.

Les nouveaux venus devaient sjourner quelque temps dans


le

priode d'acclimatement. Janssen

Orban

en proie

la

la

subirent;

d'agir,

de

premier, part

le

et se

maladie, s'obstinait, maigre les conseils de quelques-uns l'engale

retour de

la

sant

des forces l'heure de se dvouer l'accomplissement de sa mission.

Le plateau de Vivi

n'est

cependant pas insalubre. lev de

soixante-dix pieds au-dessus

cinq au-dessus du Congo,

enveloppe
Il

la

se rendre utile a l'uvre africaine; le second,

geant retourner en Europe, a rester, attendant avec


et

premier

de fivre du dbut, jouissait d'une sant parfaite

les invitables accs

montrait impatient

et

le

Comit. Ce sjour constituait

tablissement hospitalier cr par

est

la

La vue

est situ

la

les cts

et

de deux cent soixante-

la station

commerciale d'Angu.

par de hautes collines qui forment

et a l'air d'tre

au milieu d'un

comme

lac.

large bassin du fleuve, qui reflte dans ses

s'tend de l sur le

claires des

mer,

au fond d'une courbe du tleuve qui

Mission baptiste d'Underhill et

entour de tous

un immense amphithtre,
eaux

du niveau de

il

trois cent

escarpements d'ocre rouge cru

et

quelques massifs d'arbres

une ombre fonce. Le paysage rachte sa svrit


par une grandeur trange, par un charme sauvage dont l'esprit reste
gigantesques projetant

frapp.

Sur

le

versant occidental de

cristalline

pour

les

haut d'un morne

la station

en gradins

compars des

la

un

ruisseau, qui fournit

une eau

colonie, descend en cascades limpides

du

sont entours de jardins plants de bananiers

de toutes sortes d'arbres

.s'lvent

la colline,

couvert de vgtation luxuriante.

Les btiments de
et

besoins de

les

fruitiers.

Au-dessus, se perdant l'horizon,

normes blocs de rochers bleus que nous avons

i-uines druidiques.

La construction principale, dite maison de Stanley


aux agents suprieurs du Comit. Le rez-de-chausse

sert d'habitation

est

occup par un

vaste salon entour de rayons chargs de livres, d'albums et de liasses de


papiers et journaux; puis viennent une pharmacie, un appartement destin

au futur docteur de l'expdition, une pice o sont runies toutes sortes


d'armes et d'instruments, et qui est la fois un laboratoire et un arsenal.
Au-dessus, sont

les

chambres

coucher.

dans cette habitation construite claire-voie, selon les ncessits


des pays tropicaux, n'est pas aussi primitive qu'on pourrait le croire.

La

vie

LES RELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

La chre,

pas aussi raffine qu'en Europe, est abondante et

elle n'est

si

255

confortable.

matin, Janssen, toujours dou d'un excellent apptit, tait discrtement veill par un serviteur zanzibarite porteur d'un plateau sur

Ds

le

du

lequel taient

caf,

du

lait,

ment analogue, sans oublier


melade de banane.

des sardines, du jambon, ou quelque

le pain, le

beurre de conserve

et... la

ali-

mar-

Cette collation absorbe, Janssen rendait visite ses compatriotes,

et,

suivant leur sant, on allait faire une excursion, dessiner ou chasser dans
les

parages de

la station.

A midi, toute
La table tait

la

colonie des blancs se runissait pour le djeuner.

servie dans la vaste salle

manger ouverte de

trois cts,

a peu prs en plein air par consquent.

Le repas

se composait habituellement d'une soupe, de poisson conserv,

de poulets, viandes rties, lgumes et dessert. Ce

n'tait

pas trop mal,

soixante lieues dans l'intrieur de l'Afrique et treize cents lieues du pays

Nos lecteurs seront de


menu tait arros de vin de

natal, crivait ce sujet le sous-lieutenant Janssen.

cet avis, surtout lorsqu'ils sauront

que

le

Lisbonne ou de Bordeaux.

Une

indispensable sous ces latitudes, durait ensuite jusque vers

sieste,

quatre heures

moment del

alors les travaux reprenaient

plus grande activit. Jusqu

marteaux des charpentiers,


geant des bateaux

et

la

pour

la

colonie. C'tait le

nuit close on entendait les

chants gutturaux des Krouboys dchar-

les

transportant des marchandises, les cris des naturels

colportant leurs produits et les changeant contre des vtements, des verroteries,

del quincaillerie, tout

res, jusqu'au signal

l'ordre

du

de

la fin

le

bruissement qui s'lve des foules

affai-

des travaux, donn sons de cloche sur

chef.

Alors les feux s'allumaient, de et del, sur


la colline. Zanzibarites,

le

plateau, sur les versants de

Krouboys, Kroomen. Kabindas, naturels, cuisaient

leurs aliments sur des foyers improviss, la lueur desquels se mlaient


les clats

fuligineux des lampes ou des torches de rsine.

Chacun soupait

les blancs

vote cleste constelle

Pour

les

Europens,

de souvenirs de
les relations

dans

la salle

a manger, les noirs sous

la

d'toiles.
le

repas du soir est l'occasion de douces causeries,

la patrie lointaine.

du monde,

les

La

politique, les journaux, les thtres,

rminiscences communes, les amis absents, les

perspectives d'avenir, fournissent des thmes inpuisables aux conversations graves

ou lgres qui

laissent les

heures s'envoler rapidement.

ONZIME

CHAPITRE

256

Janssen

Orban entourent Valcke; ils exigent de lui la narration des


marque ses tapes vers le centre africain. Des

et

pripties multiples qui ont

discussions relatives l'exploration de l'Alrique, l'intrt qui s'y rattache

au point de vue de
dans

On

la nuit.

confiera-t-il

la

colonisation europenne, se prolongent bien avant

parle de Stanley

est-il

que

aux nouveaux pionniers?

Enfin, mille et mille questions, des propos sans

btons rompus sur des sujets

surprendre

les

infinis,

et les oblige se retirer. Alors.

causeurs

nuit,

interrompu que par

ou par

le

des entretiens

fin,

jusqu' ce que le sommeil vienne

Croix du sud tale ses diamants dans


silence n'est

quelles missions

fait-il ?

plus beau

le

Vivi s'endort
ciel

du monde;

la

le

chant monotone de quelque oiseau de

le

glapissement des coyottes qui chassent courre sur

versant des collines, dans

la

profondeur des

le

valles.

Cette existence a ses attraits, sans doute; mais Orban et Janssen avaient

hte de signaler par de rels services leur prsence sur les bords du
Congo. L'inaction leur devenait insupportable; ils invoqurent la distraction laborieuse de la chasse.

en Belgique du

nom

Un

amen par Janssen et baptis


Congo , s'vertuait traner aux

chien de race,

prdestin de

pieds de son jeune matre les aigles altiers ou les tourterelles paisibles,

victimes de l'habilet des tireurs.

Le jour de Pques arriva (,17 avril), amenant un extra au menu habituel


du djeuner des blancs un petit cochon de lait rti, qui souleva l'indigna:

tion des serviteurs zanzibarites, sectaires de .Mahomet, indignation vite

apaise.

Aprs

le dner,

sur les eaux du fleuve, les habitants de Vivi, inoccups ce

jour-l, distingurent

au loin un point noir d'abord, puis ce point, grossis-

sant insensiblement, dessina

un

petit navire.

Les noirs poussrent des hourras


dre
les

le

et

dgringolrent

la colline

pour atten-

steamer. Les blancs saisirent les tlescopes, pour suivre du regard

ondulations du bateau.

L'il exerc de

Sparhawk reconnut

Janssen et Orban tressaillent


C'est le courrier
Ils

ment

ils

VEsp)\v7ce

...

vont recevoir leurs premires

lettres.

de Banana.

gravissent l'escarpement regardant

le fleuve, et

attendent impatiem-

les porteurs.

L'Esprance a stopp dans Belgique Creek; sur l'arrire du gracieux

steamer

les pavillons

sement leurs couleurs

belge et du Comit d'tudes marient harmonieuclatantes.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Un Krouboy

agile a saisi le

coUme, augmentant
Enfin

il

arrive sur

paquet des postes;

ainsi l'anxit des


le

plateau.

deux

monte

il

pas

257

compts

la

officiers.

Le chef de station ouvre le paquet. Des


Orban. Le premier dcachette

lettres diverses sont remises a Janssen et

vivement une d'entre elles; elle est timbre d'Anvers; sa suscription est
crite de la main du pre du sous-lieutenant.
Une heure aprs, en rponse aux nouvelles reues, Eugne Janssea
crivait son pre

LE LIEL'TENAST ORBAN.

Vous jugez mon bonheur de recevoir vos

pu rsister,
bonheur dure plus

lettres; je n'ai

aprs les avoir lues et relues, vous crire, pour que

le

longtemps encore.

D'aprs les ordres de Bruxelles, Orban et moi nous devrions accompa-

gner M. Lindner qui va rejoindre M. Stanley


mais d'un autre ct
M. Sparhawk croit bien faire en nous gardant ici (ce qui est trs ennuyeux).
;

LES BELGES.

11.

Il

ONZIME

CHAPITRE

258

pas d'ordres de M. Stanley notre gard,

dit qu'il n'a

pour nous envoyer.


Je suis donc condamn
faire; je prfrerais

Cette

(sic)

et qu'il

en attendra

rester Vivi quatre ou cinq mois ne rien

de beaucoup partir vers

l'intrieur.

mme lettre annonait le dpart de Lindner et celui de Valcke pour

Issanghila.

L'impatience fbrile d'un

homme

brlant du dsir d'agir perait entre les

lignes de cette lettre. L'inaction pesait Janssen; l'oisivet aigrissait ce

jeune

thique, dits

Enfin

par tous ceux qui

le S juin,

l'ont

extrmement sympa-

connu.

Stanley donne signe de vie; ses instructions parviennent

Janssen est dsign pour conduire Issanghila un convoi de vingt


un Zanzibarites, portant chacun trente kilogrammes de chaux destine

Vivi
et

que caractrisent, ces deux seuls mots

officier

aux constructions effectuer dans cette station. Aller Issanghila et


retourner Vivi, neuf jours de voyage, sans vnements saillants, tape

que

le

sous-lieutenant accomplit dos de mulet. N'eussent t les lgions

d'insectes, les

coups de reins

et les cabrioles factieuses

de sa monture,

la

raret des vivres, l'inconvnient de ne pas rencontrer d'htels meubls sur


la

route et de devoir coucher la belle toile, Janssen et pu se croire en

pays aussi

Le

civilis

que

la

Calabre, avec les brigands en moins.

20 juin, Janssen partait dfinitivement de Vivi

pour Issanghila, ne

regrettant pas le bien-tre relatif de ce sjour, mais triste d'y laisser Orban

non encore dlivr de


Cette

fois,

Janssen

ses accs de fivre.

tait

temps que

sa nomination,

dans cette

localit.

Oblig de franchir

au poste

qu'il allait

Nve rendait
De

le

nomm
il

chef de la station d"Issanghila; en

mme

recevait les plans des btiments construire

pied la distance qui spare les deux stations,

commander, le

25

au

soir, la veille

du jour o

il

arriva

l'infortun

dernier soupir.

cruelles circonstances prsidrent, en consquence, ses occupations

premires de chef d'Issanghila.

Deux charpentiers venus avec

lui

durent d'abord fabriquer un cercueil

avec les planches de l'embarcation qui avait

amen

l'ingnieur, puis eurent

lieu les funrailles.

Le

soir

du 26

juin,

au retour de cette crmonie funbre, Janssen, retir


sur une table improvise la hte, quatre piquets de

sous sa tente, crivit


de bois surmonts d'un couvercle de
compatriote

tels

que nous avons pu

caisse, les dtails

les

de

la

mort de son

reproduire dans notre ouvrage.

L'aquilon soufflait avec furie; chaque instant

la

tente menaait d'tre

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CExXTRALE

250

enleve; la table a crire tremblait l'unisson des parois fragiles de la

demeure; Congo,
grognait contre

tapi sous le pseudo-bureau,

la

tempte, puis, chavirant

la

aux pieds de son matre,


planche qui

l'abritait,

il

pour courir, en poussant des aboiements sonores, aprs des ngres

s'lana

frileux regagnant en toute hte leurs chimbecks.

Impossible dans une

telle

occurrence de continuer crire. Janssen sor-

de sa tente pour errer au milieu des huttes frachement construites par

tit

les Zanzibarites.

Le camp avait
les

non pas sur la hauteur mme o devaient s'lever

t tabli ,

btiments de

la station d'Issanghila,

kabanzi, situ au bas de

la

mais l'entre d'un village

Les Zanzibarites procdaient a leur repas du soir;


par cinq ou six autour d'un grand plat de
originale

ils

dans

vant,

Zara-

montagne.

riz.

mangeaient groups

ils

Leur pantomime

tait fort

plongeaient leur main droite, soigneusement lave auparaplat,

le

forme de boule

en retiraient une poigne de

et l'enfonaient ensuite

nourriture (une livre et demie de

riz

riz, la

ptrissaient en

dans leur bouche. Leur part de


par

homme)

disparaissait ainsi

rapidement.
Ils

songeaient aussitt s'installer pour dormir. Emportant chacun une

hotte pleine d'herbes,

ils

allaient se

grouper autour de

prparaient et allumaient les feux, ensuite

ils

saient

si

Cette nuit-la,

le

vent eut beau soufQer,


l'escorte noire

hutte du chef noir;

par trouver

le

il

activa les

flammes du bivouac,

de Janssen. Lui-mme, las de promenade,

rentra sous sa tente, s'tendit sur son

de

la

se couchaient, se blottis-

prs des flammes, que l'incendie tait redouter pour eux.

mais ne rveilla pas

et finit

ils

lit

de camp, imposa silence Congo

sommeil en pensant

la journe lugubre qui venait

s'couler.

Le lendemain, de grand matin, les natifs du village entouraient la tente


du nouveau mundel qui ils apportaient les uns des poules, les autres des
bananes, d'autres encore du vin de palme, bref tous les produits du pays.
Ncessairement, Janssen leur distribuait en change des objets europens;
les

vendeurs

satisfaits refusaient

de s'loigner

et,

en

tieffs

dsuvrs,

devant ses armes ou son habillement lorsqu'il sortait, ou bien, entourant sa demeure, quelques-uns risils

suivaient pas pas

le blanc, s'extasiant

quaient par l'ouverture de la tente


gestes l'appui les

en mangeant sur

mouvements que

la table

un

il curieux et dtaillaient avec

faisait l'oficier soit

primitive qui constituait avec

quelques caisses bagages

le

mobilier

momentan de

en crivant,
le lit

soit

de camp

et

Janssen.

Dans l'aprs-midi, un naturel vint annoncer que des missionnaires

ONZIEME

CHAPITRE

26o

du plateau

anglais s'tablissaient aux environs

de marche environ de

Le 28

la

Janssen et ses

juin,

devait, avec l'aide

choisi

de deux

personnel blanc, et un magasin pour

le

le

matriel, les provisions

marchandises.

et les

Le

il

une maison d'habitation pour

charpentiers krouboys, y construire


le

minutes

hommes campaient sur l'emplacement

par Stanley et Nve quatre mois auparavant;


chef et

d'Issanghila, dix

future station.

site choisi

dominait

les cataractes d'Issanghila

d'une hauteur de plus

de cent cinquante pieds. Du nord-nord-est au sud-sud-ouest une pente


douce, favorable pour l'exploitation, reliait l'assiette de
niveau

du

au terrain

la station

fleuve.

Janssen se mit l'ouvrage

avec ses charpentiers indignes

et sa faible

escouade de serviteurs zanzibarites. Aprs six semaines de travaux incessants, la

maison d'habitation

fut construite. Elle

de-chaussje compos de trois pices

comprenait un simple rez-

une vranda, cumulant

les

emplois

d'antichambre, salon, cabinet de lecture, salle de correspondance, salle

manger; puis une chambre coucher, spare par une cloison claire-voie
d'un vaste magasin servant la fois d'entrept de vivres et de marchandises,
et d'arsenal. Le tout recouvert d'une toiture de bango.

Le jeune chef de station, pour agrmenter son


crer un jardin autour de sa demeure.

La
au

sjour, conut l'ide de

terre ne se prtait pas la culture marachre;

sol des valles voisines

il

fallut

emprunter

d'innombrables hottes de terreau pour russir

faire crotre sur le plateau les divers lgumes cultivs en Europe, l'abri

de quelques bananics.
Ces travaux remplissaient

Ds

les

premiers jours de

les

journes de Janssen.

juillet,

il

s'tait

trouv seul, c'est--dire seul

Le voisinage des missionnaires


une distraction agrable, et les excellents

blanc, au milieu de ces travailleurs noirs.

anglais lui procurait cependant

vanglisateurs, en invitant parfois

Janssen s'merveillait devant


sait

leur menu...

Ah

c'est

le

sous-lieutenant appi-cier leurs

commettaient une action mritoire.

talents culinaires,

la

profusion de mets exquis dont se compo-

Jusqu' du plum-pudding en conserve!

que d'habitude, depuis son arrive

africain avait

connu

le

manque de

>

crivait-il.

Issanghila, le pionnier

provisions et les fadeurs d'une nourri-

ture peu varie.

On

sait

marche de

que

la station

'Vivi, soit

d'Issanghila est tablie environ a cinq jours

vingt-cinq lieues environ a

l'est

de

la

de

premire cata-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

261

du Congo, qui devient ds lors innavigable entre les deux tablissements du Comit.
D'autre part, bien que la navigation soit difficile mais possible entre
Issanghila et Manyanga, Janssen n'avait attendre du ct de Manyanga
racte

que

correspondances,

les

les instructions

de Stanley et les nouvelles des

explorateurs avancs. Le steamer Royal faisait

service entre ces

le

deux

points.

Lorsque
apporter

la

caravane expdie de Vivi tous

les

quinze Jours tardait

Issanghila les

approvisionnements

ali-

mentaires, on devait
corner les rations et se
contenter de riz au

nourriture saine a

lait,

la ri-

gueur, mais peu app-

Les indignes

tissante.

du mas,
du sorgho, des bananes

offraient souvent

poissons excellents,

et d es

quelques

uns

ressem-

blant a des brochets avec

de grandes moustaches,
d'autres

arms d'une v-

ritable trombe. Ces offres

taient

la

plupart du

temps inacceptables, en
raison des prix levs qui
les

accompagnaient.

Les
ghila,

naturels

comme

OULEDI ET

d'Issan-

L'N

DE SES COMPATRIOTES.

ceux des

du Congo, abusaient trangement de l'expression faire un prChaque fois qu'ils rendaient le plus lger service, ou qu'ils parvenaient faire accepter au chef blanc soit une calebasse de vin de palme,
soit un poisson, soit un rgime de bananes, etc., etc., ils tentaient par per-

rives

sent

').

suasion le dvaliser.

Malgr

cela, Janssen,

l'idiome indigne,
l'endroit.

qui se perfectionnait chaque jour dans l'emploi de

s tait

cr les plus aimables relations avec le roitelet de

Trop souvent, au gr de

l'officier, cette

de figurer dans l'Almanach Gotha, rendait

visite

majest locale, peu digne

au chef de station, qui

CHAPITRE

202

il

remettait de

au morceau

Parmi

ONZIME

main droite un prsent quelconque, en tendant


en retour du fallacieux cadeau.

la

d Issanghila, Ouldi,

les visiteurs

de prdilection de Stanley

lors

gauche

le

Zanzibarite Ouldi, l'homme

de son voyage au Continent mystrieux,

chaque traverse du Royal, apporte

venait a

la

d'toffe envi

les

correspondances

Stanley, Braconnier et Harou. Ce noir de Zanzibar, dvou corps et

du Comit

l'agent suprieur

Londres...

il

de

me

go LonJon, aller
vu; c'tait son rve de tous

d'tudes, dsirait surtout to

ne voulait pas mourir sans

l'avoir

les instants.

La

description imaginaire de la mtropole britannique, qu'Ouldi dbi-

tait ses

faction,

compatriotes, approchait de

dans l'ahurissement

le

la ferie, elle

Zanzibarite; priodiquement, chaque voyage

Janssen de francs clats de

plongeait dans la stup-

plus complet, l'auditoire noir et naf du

rire. D'ailleurs cet

du

Royal, elle arrachait

Ouldi, gaillard trs amusant,

se plaait au rang des meilleurs travailleurs de l'quipage

Les marchandises venues de Vivi, de Banana,


destination pour Manyanga,
et

command

et

du steamer.

par suite d'Europe, en

par Harou, et l'adresse de Stanley

de Braconnier, passaient en transit Issanghila.

Comme

on peut

le

penser, les jours de courrier, toujours

impatiemment

attendus, amenaient un surcrot de besogne la petite colonie, besogne

compense par

prsence de camarades, d'amis, par

la

intressantes, de triomphes

ou vraisemblables;

du

naire,

travail et

Mais lorsque
n'tait

le

ils

de

nouveaux de

occasionnaient en

les rcits

de nouvelles

l'expdition, d'aventures vraies

somme une

animation extraordi-

la gaiet.

Royal, disparu derrire les replis sinueux des falaises,

plus visible des hauteurs d'Issanghila, lorsque sur

le

sentier qui con-

duit Vivi nulle caravane ne dessinait sa noire silhouette, Janssen prouvait

une mlancolie

homme

civilis,

indicible

les

ennuis dus l'isolement,

la

solitude d'un

entour cependant d'tres humains, dgnraient parfois

en maladie. Aux heures de souffrances morales succdait fatalement

la

fivre physique.

Les proccupations d'un chef oblig de surveiller sans cesse des ouvriers
le jour, autant de prser-

inexperts aux travaux exigs d'eux sont, dans


vatifs contre
isol,

l'envahissement de cette torpeur qui menace tout Europen

perdu en un point sauvage d'une contre inculte; avec

la nuit, cette

prservation n'existe plus.


Alors, la pense reporte le voyageur vers la patrie absente et les tres

regretts; les souvenirs gais ou tristes


vive, reviennent en foule; la

du

pass, empreints d'une force plus

monotonie du prsent parat accablante;

les

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

du dpart

illusions inconscientes

entrevu

comme un mirage

s'effacent

dans

brillant

devant

la ralit.

263

L'den rv,

contres africaines, n'est plus

les

qu'un enfer vritable, priv de tout bien-tre

mme

relatif.

Les sombres moments de dcouragement, de doutes, de dceptions, sont


plus frquents qu'on ne
teurs africains.

II

l'crit

d'habitude, en retraant la vie des explora-

une me solidement trempe pour

faut

la nostalgie qu'ils entranent, au spleen fatal

qu'ils

rsister parfois

peuvent amener.

Janssen appartenait au nombre restreint de ces mes

d'lite,

pour

lesquelles les perspectives riantes de l'avenir assur par l'accomplissement

du devoir

La

neutralisent, annihilent les tortures morales

patrie... C'tait

pour

elle,

pour ajouter

du

prsent.

sa gloire, sa richesse,

sa vitalit, que le roi des Belges avait agr les offres de services

chevaleresques et spontanes des officiers de son arme. C'tait pour


l'humanit qu'il

fallait

subir des privations de tout genre, connatre

la

faim, souffrir les intempries d'un ciel tropical, et rester expos sans cesse

au milieu de populations sauvages des haines imprvues, a des surexcito.tions

dangereuses de cratures portes attribuer

nfaste la malveillance,

La

patrie revivait au

au mauvais il de

cur de Janssen;

il

moindre vnement

le

l'tranger.

voulut,

comme pour

se la rap-

peler davantage, planter sur sa maison d'Issanghila le drapeau belge aux


trois couleurs.

cet effet, le sous-lieutenant rsolut

lon rouge, jaune et noir.

un morceau de

cies

Il

un jour de confectionner un

pavil-

dchira dans une de ses chemises raccour-

flanelle

rouge; ensuite

il

tailla

une bande

d'toffe

blanche, qu'il laissa tremper dans une dissolution d'eau et de terre colore

de

l'endroit,

Le jeune

pour obtenir une

teinte jauntre. Puis... le noir lui

officier tait trs perplexe.

Il

manqua.

magasin, de sa garde-robe, cherchait de tous cts un lambeau


noire,

une bote de

cirage,

ou des matires premires

nir la troisime couleur. Rien.

que

les ngres...

Sur

le

Ceux-l ne dteignent pas.

tiers;

avec

du jour

locales

d'toffe

pouvant four-

plateau d'Issanghila, pas d'autre noir

cet instant prcis, les travailleurs


le soleil, la clart

de son

fouillait les coins et recoins

de

Ou donc

trouver du noir?

la station quittaient leurs

chan-

s'enfuyait.

Une sonnerie de cors de chasse, la mme qui devait retentir plus tard sur
les bords du Gordon-Bennett, annona l'approche d'un tranger. Le pre
Augouard et sa lgion de nophytes, partis de Landana pour accomplir
le trajet que nous connaissons, venaient solliciter l'hospitalit de l'agent du
Comit d'tudes commandant le poste d'Issanghila.
Janssen accueillit chaleureusement ses visiteurs. Aprs les mille questions,

CHAPITRE

204

ONZIME

propos divers suscits par Timpromptu de

les

pens parlant

la

mme langue,

la

rencontre de deux Euro-

circonstance qui motive en Afrique centrai

une sympathie spontane, qui

tablit

un

lien

immdiat entre

personnes inconnues l'une l'autre cinq minutes auparavant,


sa franchise habituelle, conta au religieux l'embarras

que

C'est fort

heureux, dit

Tout en parlant,

le

missionnaire;

je

pourrai donc vous tre

utile,

le

mettait

le

pre Augouard retirait d'un ballot port par son escorte

nou

toile noire,

et

rempli d'objets. Mthodiquement, ilenretirait

le

contenu,

il

en remit une part au sous-lieutenant transport de

le linge sale;

puis sparant en deux cet trange sac de voyage,

belge fut termin sance tenante, et hiss sur


'Vous dormirez cette nuit l'abri

avec

man-

aussitt arriv chez vous. Tenez, voici votre affaire.

un sac de

l'officier,

le

pour fabriquer un drapeau belge.

d'toffe noire

f>

deux

joie. Le drapeau
maison du chef d'issanghila.

la

du pavillon de ma

patrie, dit Janssen

au pre Augouard.

C'est--dire,

demeure

cette

loyale.

interrompt

l'hospitalit

le

missionnaire franais, que

la

plus gnreuse, la plus cordiale,

trouverai dans
la

plus

La journe du lendemain parut dlicieuse aux habitants


ghila.

je

Les heures s'envolrent trop vite;

trouvrent des accents levs pour parler de


laquelle

ils s'taient

Janssen enviait
et dsir

le

le suivre,

le
la

naturaliste,

d Issan-

cause sublime de civilisation

consacrs tous deux.

religieux qui s'apprtait

marcher vers

l'intrieur;

il

explorer des contres nouvelles, aller rencontre de

tribus entirement sauvages, tudier la flore et la faune,

un bon

civiliss

soldat et le missionnaire

Janssen tait

dcouvrir quelque chose, tre utile en un mot

l'uvre africaine.

Mais vous tes

trs utile Issanghila, cher monsieur. Tmoin l'hospipu y goter, grce l'tablissement construit par vous. Songez l'incomparable service que rendra aux voyageurs futurs, attirs au
Congo par les richesses exploitables du pays, ou par les merveilleuses

talit

que

j'ai

beauts de la nature, chacune des stations ainsi chelonnes sur les

du

fleuve.

rive?.

Auprs des tablissements du Comit viennent dj se grouper

des maisons religieuses: bientt s'implanteront des maisons de commerce,


des factoreries: les colons, agriculteurs, commerants suivent toujours de
prs les missions scientifiques et humanitaires. Aprs

couverte vient l'aptre de

la civilisation

pionniers de la colonisation,

Le

soir de ce

le

soldat de la d-

tous deux prparent la route aux

mme jour, le pre Augouard

prit C(Ong

de son hte aimable

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

d'Issanghila.

Nous savons

l'insuccs

rserv la mission

265

du

religieux

auprs des tribus rvoltes des rives du Gordon- Bennett.

Le 20 aot suivant,
la montagne

auprs de

le

missionnaire et ses nophytes

d'Issanghila.

reparaissaient

Reconnue deloin par Janssen,

vane des vanglisateurs fut salue par

le

la cara-

drapeau belge.

Quelques heures aprs on se retouvait avec

joie; la

conversation

allait

PREMItRE MAISON CONSTRUITE A ISSANGHILA PAR LE LIEUTENANT JANSSEN.

grand train entre

les

chef qu'on apercevait

Le Royal en

effet,

deux amis d'un


le

jour.

Un

Zanzibarite vint prvenir le

bateau venant de Manyanga.

apparaissait

comme une coque

de noix secoue par

les

lames, au dtour des falaises abruptes. Des saluts de pavillons furent chan-

gs encore.

D'un autre
LES BELGES.

ct,
II.

une

caravane traait

sur

le

sentier de

Vivi sa
34

file

ONZIEME

CHAPITRE

266

d'ombres noires courbes sous des

bailots. et

intrpide dont on distinguait seulement

Arrive au bas de

coups de

le

costume annonant unEuropen.

caravane s'arrta:

la colline, cette

blanc tira plusieurs

vranda de

la

chass-crois de questions, de rponses,

rsonnrent sous

les

hommes

tueux djeuner, organis par

se retrouvrent

les soins

ressources dont

il

maison du
la

clief.

gais propos

demeure de

ce fait tait considrable, inusit

civiliss

depuis longtemps Issanghila

les

la

une envole de

votes habituellement paisibles de

Janssen. Six blancs, six

bution toutes

le

Janssen reconnut son camarade Orban.

fusil.

Bientt tous les visiteurs envahissaient

Un

guide par un marcheur

midi devant un somp-

d'un hte qui avait mis contri-

disposait.

il y avait depuis plusieurs jours une basseLa basse cour d'Issanghila


cour
compose de trente-quatre poules qui gloussaient et l sur les

pentes de

la colline,

travers des plantations bauches de mais, de sorgho,

de gramines diverses, paya son tribut au menu du

jour.

Les chvres, proprit de l'tablissement, qui broutaiant de prfrence

au bord des ravins, des passages

bourgeons

les

plus prilleux des versants, les

les

plus tendres des arbrisseaux multiples pousss entre les

rochers, avaient t runies, rassembles ds le matin; la plus grasse


d'entre elles, la

moins maigre, devrions-nous

noms

crire, composa, sous des

htrognes, les services varis du banquet.

Orban, circonstance

ami des

fortuite, avait

eu l'excellente ide d'apporter son

bouteilles d'un vin gnreux acquis Banana.

cette localit.

Il

s'y tait

Orban revenait de

rendu pour consulter un mdecin. L'homme de

science avait conseill au sous-lieutenant, rellement malade lors de cette

de quitter

visite,

l'.Afrique.

Orban

de l'Esprance pour rentrer


Sa traverse avait donn

Au

dpart de Banana,

d'artillerie

le

s'tait

ht de reprendre passage bord

Vivi.

une srie de pripties mouvantes.


steamer manquait de mcanicien; l'officier

lieu

accepta pour la circonstance l'emploi vacant.

h'Espra7ice quitta la crique paisible

o se

factorerie hollandaise, et doubla bientt

Les eaux

du

fleuve

refltent les constructions de la

l'ile

de Bulabemba.

bnignes d'habitude, furent l'poque de cette

traverse agites, grondantes, houleuses, de forts coups de vent prcipitaient le courant et rendaient la navigation prilleuse.

L'apprentissage du mcanicien, s'ajoutant la furie des lments,

amena

des catastrophes sans nombre.


Huit

fois le

steamer, courant mal des bordes, choua contre

semes au hasard du cours d'eau ou sur

les

les les

bancs de sable trompeurs

huit

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

fois

il

fallut renflouer le navire.

tait limite

voyage

les

Les engins manquaient

267

main-d'uvre

la

travaux superflus remplissaient de longues heures. Le

se prolongeait

au del de toutes prvisions possibles;

de vivres restreintes s'puisrent;

les

les provisions

passagers de l'EsperaMce perdirent

par instants l'espoir de toucher Vivi.


Ils

dbarquaient sur

aliments auprs

les rives

des naturels du pays.

toujours faciles; d'autre part

cher

pour obtenir, quand

Les transactions

durent diverses reprises

ils

la belle toile et travailler

sables a faire au steamer

ils le

pendant

dsempar par

le

les

pouvaient, des
n'taient pas
s'arrter,

chocs frquents.

vingt-deux jours pour franchir cent


Orban renversa la vapeur et VEsprance

Aprs vingt-deux jours


vingt-cinq kilomtres,

cou-

jour aux rparations indispen-

quatres'arrta

dans Belgique Creek, au pied de Vivi-Hill.


Tel

en rsum,

tait,

le rcit

de

la

traverse pique qu'avait accomplie

Orban au cours du mois prcdent. Le jeune


traste, avait,

officier,

par un singulier con-

grce ce voyage, reconquis la sant. Dbarqu Vivi, il

dcid guider la caravane arrive ce

mme

s'tait

jour Issanghila. Cinq jours

de marches, sans vnements particuliers, n'avaient eu pour rsultat que

ddoubler

l'apptit

du jeune homme, qui

fit

au djeuner de Janssen une

large troue.

Les autres convives venus de Manyanga apportaient des nouvelles concidant avec celles

du pre Augouard.

Les rives nord du Stanley-Pool taient, disaient-ils, occupes par des

du comte de Brazza Stanley et Braconnier se disposaient cependant gagner la rive gauche de l'tang fluvial. Les nouvelles concernant
Marou, et apportes par le capitaine du i?ovj/, taient des plus satisfaisantes.
missaires

Le lendemain,
le

la

la station d'Issanghila reprenait

son aspect accoutum;

pre Augouard et son escorte avaient disparu sur la route de Landana;


plus grande partie des htes de la veille

retournait sur le Royal

Manyanga.
Orban, sur

les instances

de son ami Janssen, prolongea son sjour.

Tous deux, l'aide de combinaisons ingnieuses, russirent installer


une scierie de planches pour activer les travaux de construction d'un hangar; en outre, utilisant la terre rougetre des berges du Congo, ils fabriqurent des briques, au grand tonnement des indignes de l'endroit.

En somme, ds

la

fin

d'aot

Issanghila, n'y rencontrait qu'une

bornes limitant

le territoire

18S1,

Janssen

qui,

hampe de drapeau bleu

en

arrivant

toile d'or et des

acquis par Stanley, avait rapidement lev une

CHAPITRE

268

demeure que

ONZIME

n'et pas dsavoue le plus habile architecte des contres

tropicales.

Le premier chef de

hommages

les

dans son palais gouvernemental

la station recevait

et les visites intresses

des roitelets voisins, et nouait

avec eux les rapports les plus amicaux.

Les chefs indignes affirmaient que


seulement

les

prsence des blancs leur

mais encore agrable. Jamais, en

utile,

pu

n'avaient

la

effet,

tait

non

ces sauvages

se procurer aussi aisment, les toffes, les perles, les couteaux

poignards, les pots eau, les cuvettes, les verres, les bouteilles vides et

pleines, les mille objets exerant

une invincible fascination sur la rtine des


du sympathique officier. Mais, condition

ngres, que depuis l'installation


sine
les

qua non a l'obtention de ces merveilles,

produits europens,

Cependant tous

le

les naturels,

pouvaient seulement par

les efforts

dsireux d'acqurir

le travail.

diplomatiques de Janssen pour amener

les

populations des villages voisins prter leur concours actif au dveloppe-

ment
lier,

Le

plus rapide de la station, au double point de vue agricole et mobi-

n'aboutissaient pas.
sol trs

gnreux des versants de

la colline,

indfrichable par le per-

sonnel restreint dont disposait Janssen, offrait des perspectives de culture


productive.

Pour

les

natifs qui

dfrichements

manger quelques bananes,


pour

le

et

l'ensemencement

blanc;

ils

et courir

s'agissait

d'engager

les

presque nus, plutt que de travailler

consentaient seulement changer contre les belles

marchandises venues du mpoutou

En

il

dans leur indolence, prfraient fumer l'iamba, boire du malafou,

les

produits naturels de leur contre.

vain Janssen essayait-il de secouer leur nonchalance invtre, de

muler leur ambition, leur

dsirs, leurs besoins;

il

sti-

se heurtait contre l'habi-

tude, l'insouciance, la stupidit.

Nous

serions bon droit tax d'exagration,

si nous crivions que les


du Comit d'tudes ont introduit chez les peuplades
riveraines du grand fleuve africain le got du travail, qui serait le gage le
plus positif, le plus sr du succs durable de l'uvre africaine.

vaillants pionniers

Bien des mois, des annes, s'couleront avant que


district d'Issanghila

les

renoncent leur dplorable genre de

Les chefs noirs viendront souvent

offrir

peuplades du

vie.

au chef blanc

les calebasses

de vin de palme en change de bibelots: mais ces personnages, dont


charge

est

une sincure

relle

la

en tant qu'influence morale sur leurs sujets.

mais non au point de vue de leur intrt personnel, n'exciteront jamais

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

par leurs paroles, et encore moins par leur exemples,

mander

les

269

indignes de-

moindre bien-tre au travail.


Il est remarquer, au Congo comme dans bon nombre de contres barbares, que les chefs, seigneurs des cours, princes et makokos sont gnrale

lement plus vicieux, plus pervers, plus rapaces, plus sauvages en un mot

que

les

sauvages qu'ils sont censs gouverner. Dans

le

royaume des aveu-

gles les borgnes sont rois, dit-on; chez les ngres, les plus rebelles, la
civilisation

sans

justifient,

le

connatre,

le

dicton que nous venons de

rappeler.

Nous avons vu
gres, les actes

de Mfwa,

les

revirements subits d'opinion,

dloyaux commis par

etc., etc.

les chefs

les

promesses menson-

de Bwabwa-Njali, de Malima,

Ces faons de procder sont

la

caractristique des rois

ngres ou africains, sans en excepter ceux qui depuis des annes reconnaissent les droits d'occupation

ou de protectorat des nations

civilises

l'Europe. La. foi punique n'a point quitt ces contres... Peut-tre
l'effet

du

de

est-ce

soleil.

Janssen ne tarda pas s'apercevoir qu'il devait se tenir constamment en

garde contre

la

mauvaise

foi

des chefs de son voisinage. Leurs assiduits

apporter des cadeaux, leurs

cajoleries, n'avaient d'autre

dvaliser les magasins de la station en

trompant

but que de

la confiance

du com-

mandant.
Les chefs du

essuyrent un chec complet sous ce rapport.

district

Janssen, mis de bonne heure en veil contre la cupidit de ses prtendus

amis, sut toujours, sans se les rendre hostiles, rsister aux manoeuvres

hypocrites l'aide desquelles


dises

du Comit

A tous gards,

les intrts

fendus Issanghila par

Lorsque notre
toire des

ils

cherchaient s'approprier les marchan-

d'tudes.

rcit

le

de

la Socit internationale

furent bien d-

sous-lieutenant Janssen, jusqu'en mars 1S82.

nous ramnera cette date, nous reprendrons

l'his-

vnements, des dcouvertes, des travaux, auxquels ce jeune

chef a dsormais attach son nom.

Sans prendre passage a bord du Royal, qui marche cependant avec une
vitesse habituelle

de douze nuds,

et dessert la section prilleuse et tour-

mente qui

s'tend entre Issanghila et Manyanga,

la distance

de cent quarante kilomtres qui spare ces deux stations.

nous franchirons d'emble

Avec quelle merveilleuse rapidit les auteurs peuvent se porter d'un


lieu

dans un autre;

la

plume, presque aussi prompte que

la

pense,

leur permet de parcourir, sans souci des obstacles ou des dangers de


la route, les tapes les plus longues, ralises

par des pionniers courageux

CHAPITRE

270

ONZIME

aprs des journes, des semaines de marches, de fatigues et de souffrances.

Les lecteurs seuls sont plus favoriss;


de livres qui

feuillets

ont

valu

ils

bien

n'ont en effet qu' tourner les

des

nuits

d'insommie

ceux

qui les ont rdigs.


Ceci dit, auteur et lecteurs retrouvent en aot 1881 le lieutenant Harou
Manyanga-nord.

De nombreuses constructions couronnent le plateau o flottait seule


nagure au grand moi des naturels, l'charpe bleue attache par l'explorateur au sommet d'un bambou.

Un

vritable village s'est lev sur cette hauteur dnude, dont nous

avons dcrit

les

horreurs.

L'ensemble des constructions reprsente un immense

fer cheval, qui

a la concavit tourne vers le nord-est.

Le btiment
regarde

le

le

plus important occupe

versant de

la

le

centre de la courbe; sa faade

montagne qui sa base quelques mtres

il comprend une large vranda, formant marquise et donnant


une salle manger que meublent une armoire, deux fauteuils,
une chaise, deux bancs, une table droite de cette pice, une office o

du

fleuve;

accs dans

sont serres dans des caisses les provisions de vivres, d'eau et de mdica-

chambre coucher du lieutenant; gauche du rs'tendent deux appartements destins aux visiteurs blancs du

ments; puis vient


fectoire

la

logis.

Les arcs de cercle partant du corps principal sont limits des deux cts
par des petites constructions en torchis recouvertes de chaume et

soit

du Royal, soit par des


un jour les wagons trans-

servant d'habitation au capitaine et au mcanicien

magasins en
portant

le

fer,

des hangars o doivent s'abriter

matriel naval et les ballots sans nomenclature possible que

Stanley et Braconnier tranent grand renfort de ngres vers une nouvelle station.

Harou

a accompli ces prodigieux travaux avec le concours des Kabindas,

des Zanzibarites, des Kroomen, laisss en cet endroit lors de

la

dcouverte.

Ses journes ont t bien remplies.


Il

s'est

maintenu sur ce plateau, luttant nergiquement contre tous les


la vie des tropiques et les dangers d'un voisinage de

inconvnients de

ngres sujets oublier leurs promesses. Depuis le mois de fvrier, il a subi


les caprices dangereux des saisons amenant invariablement des heures de
fivres tous les quinze, jours, et, suivant l'poque, des pluies torrentielles,

ou

la

scheresse avec son cortge de scorpions, de mille pieds, de centi-

pdes, de puces pntrantes, de grillons, de serpents, tous tres fort incom-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

modes imposant

leur

compagnie de jour

et

de nuit aux htes de

armes vivantes: des

certains de ces flaux le lieutenant a oppos des

pourceaux noirs levs dans

station

la

mangent

des poules et des coqs fendent d'un coup de bec

l'endroit.

serpents prcits;

les

les insectes

qui ram-

pent partout; quant aux chvres, autres produits de l'levage Manyanganord, elles donnent parfois du

Nous

Un

moments de vilains

des pourceaux, joue par

la voracit

blancs de

mais leur rage de dvastation, unie

lait,

tours aux l'sidants

la station.

n'en citerons qu'un.

animaux, ne

jour ces

se con-

tentant point de la nourriture qu'ils

trouvaient sur

concd,

des Babouennd.

les terres

Le

le territoire

chercher leur pture sur

allrent

guida

flair

quadrupdes au

les

milieu de superbes plantations de

manioc. L, tandis que


broutaient

tendres

chvres

les

tiges,

les

pourceaux s'acharnaient aprs

les

les

fouillant la terre

racines,

de leur

groin. Ces ravageurs de cultures sans

souci des lois de

la

proprit, ton-

daient littralement les

extraordinaire
les

champs par

fertiliss

par

natifs.

MLONGO-MLAKO.

Leurs mfaits furent dcouverts.

Une rvolution

Ah

ils

surgit

l'avaient

dans

blancs leur porterait malheur


traire?

Chassons

les

contre.

la

devin, tous ces chefs indignes, que la prsence des


!

Quel malencontreux sorcier avait

dit le con-

trangers! Rclamons d'eux des indemnits, des

dom-

mages-intrts normes en raison du prjudice inapprciable caus nos


rcoltes

Rassemblons-nous, courons sus au chef blanc

Agrmente de

ces commentaires, de

hutte du district de
ble

Manyanga

du dsastre occasionn par

comme une

et

chaque centre populeux, de chaque

des districts voisins

les

Mlongo-Mlako,

LFS BELGES.

roi

nouvelle lamenta-

moindre

tincelle.

de Dandanga, terrible ivrogne, adepte fanatique du

la sorcellerie,
II.

la

porcs et les chvres volait, se rpandait

trane de poudre prte clater la

ftichisme et de

frmit d'indignation; sa terreur fut sans bor3-

CHAPITRE ONZIME

274

pense des sortilges qu'exerceraient encore les animaux domesdu blanc.


Autour de lui, ses sujets irrits attendaient le signal de l'attaque. De l'il
noir du soudard jaillit un feu qui alluma le courage engourdi des hurns

la

tiques

leurs;

Mlongo-Mlako

son

jeta

cri

de guerre; ce dfi courut de bouche en

bouche, rpercut par tous

les chos des monts et des valles.


Le lendemain, une nue de noirs bipdes gravit la pente accessible de
Manyanga-nord.
Harou djeunait. Son chien Stop rongeait sous la table un fragment d'os

d'hippopotame, lorsque soudain, dlaissant sa proie,

il

se jeta vers la porte

avec des aboiements froces.

Mundel,

dit

en se prcipitant dans

la salle

manger

serviteur de Harou, mundel, les gens de la plaine, des

Manyanga, de Dandanga, de Ngoyo, sont tous


tuent les chvres, les cochons de

ils

de tout massacrer.

Le

l,

en laissant

et

chapper de ses mains une assiette de confitures de bananes

arms

la station; ils crient,

le petit

boy,

les,

ceux de

ils

battent,

ils

menacent

c'tait un fils de roi, un prince


donn en cadeau par son pre au grand
prsents ne sont pas rares au Congo.

petit noir s'arrta, faute

de respiration

hritier d'un district quelconque,

blanc d'Issanghila. De

tels

Harou, sans tre partisan de

accept

la traite, avait

l'enfant et se faisait
fils

un ami du

auprs d'un demi-dieu

civilises,

ils

car

si

boy en chane

le

d'un vieux pistolet d'aron, convaincu que par ce march,

il

rendait service

pre, trs honor, tout fier de savoir son


les

dieux s'en vont dans certaines contres

pullulent au pays des ngres

autant de blancs, autant

d'tres d'essence divine, surnaturelle.

du lieutenant dans cette journe mmorable


Babouennds des environs de Manyanga firent surgir la question

Cette croyance sauva la vie

les

des porcs

Les ngres rvolts, qui avaient envahi


et qui touffaient

par leurs

cris froces les

le domaine du Comit d'tudes


grognements des cochons qu'ils

gorgeaient, se calmrent la vue de Harou s'avanant calme et dsarm


vers les chefs reconnaissables leurs grands bonnets rouges, leur accou-

trement multicolore.

On

improvisa une palabra,

orageuse;

les chefs indignes,

la

traditionelle

palabra.

Elle

fut

trs

ramens un instant des sentiments paci-

aux thories du lieutenant, hsitaient a convenir de la paix, en


murmures, des dolances, des rcriminations de la vile populace.

fiques, grce

raison des

Les chvres

et les

porcs doivent tre tous massacrs, vocifraient

les

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

peu respectueux du pouvoir de leurs rois et refusant de laisser s'engager les pourparlers amicaux hier, ils ont ravag nos champs de manioc:
demain, ils dtruiront nos plantations de mas. Les animaux des blancssont
natifs

des ftiches de mauvais sort;

quatre vents.

faut les brler et disperser leurs cendres

il

aux

Ces nergumnes n'admettaient pas d'autre

mode

d'exorcisme.

Les quadrupdes, sauvs du massacre par l'intervention de


nison noire de Manyanga-nord, avaient t renferms dans

aux parois de

fer

que

les Zanzibarites, les

Krouboys,

les

la petite

gar-

un des magasins
Kroomen, arms

prcipitamment de leurs winchesters, s'apprtaient dfendre avec nergie.


Ces noirs, outre

qu'ils

dsiraient

conserver leurs richesses alimen-

dvous au lieutenant. Un simple signal de Harou et


pour provoquer un combat formidable. On lisait la dcision, le

taires, taient
suffi

mme

dsir

de commencer

le

feu contre les fcheux assaillants,

dans

leur regard respirant une haine farouche.


L'attitude de ses serviteurs

augmenta

l'audace

du

lieutenant.

Finissons-en, dit-il aux chefs noirs, dont le plus influent tait Mlongo-

Mlako. Le peuple demande

Mais dj

les btes

le

massacre gnral des animaux coupables.

ont t chties, plusieurs

mme

ont t tues. Faites

venir vos sorciers; qu'ils interrogent les ftiches. Si nos porcs et nos

chvres doivent porter malheur la contre, nous

mmes. Dqns

le

cas contraire,

payerons en belles

toffes les

La proposition persuada
fit

il

les

brlerons nous

nous sera permis d'en possder,

et

dgts matriels qu'ils ont occasionns.

les chefs;

transmise peu peu dans

nous

la foule, elle

cesser les irritations.

Place fut faite aux fticheurs. D'accord avec rinterjDrte de Harou, ces

bonshommes, tout-puissants sur l'esprit des populations noires, dmontrrent par une srie de jongleries, d'invocations, de tours de passe-passe,
que l'levage des cochons et des chvres la station de Manyanga-nord ne
causerait aucun prjudice futur aux rcoltes des gens du district.
Sur la foi des oracles, les sentiments belliqueux de la multitude s'vanouirent. Les danses et les chants succdrent instantanment aux menaces
et

aux

cris

de guerre. Des lances furent fiches en terre comme signe de paix.

Au coucher du

A l'exception

soleil,

de Harou que

la
les

station

reprenait

vnements de

personne ne semblait se rappeler qu'une


failli

ensanglanter et semer de cadavres

Le lendemain, Harou rendait

le

la

son

aspect

accoutum.

journe rendaient rveur,

bataille

propos de porcs avait

plateau de Manyanga-nord.

visite ses voisins civiliss, missionnaires

CHAPITRE ONZIME

276

anglais tablis

sud-ouest de

rcemment sur

la

crte d'une colline, quelques minutes au

la station.

Les sujets britanniques taient pour


trois ans, raison

plupart des laques engags pour

la

de 2,500 francs par anne, pour vangliser

Congo; leur tablissement

une succursale de

tait

les

ngres du

mission baptiste

la

d'Issanghila.

Le

fait

de

la veille

dfraya

la

On

conversation.

flicita l'officier

de son

habilet dtourner le courroux des indignes.

Aprs cette
qu'il

Harou rsolut

visite,

d'aller voir le

makoko de Manyanga,

trouva plus aimable que jamais.

Dcidment ces ngres sont bien surprenants; prompts s'irriter,


par suite de la peur, de la frayeur qu'ils prouvent en apprenant des faits
insolites, ils

retombent dans une confiance qui se traduit par des gracieu-

sets de langage et des

promesses foison envers

les blancs,

ds qu'ils sont

rassurs par l'intervention des esprits suprieurs invoqus.

La contre

tait paisible.

vritables de fortification,

Harou n'en commenait pas moins des travaux


appels rendre Manyanga une forteresse, une

citadelle qui, bien arme, donnerait

pennes essayant de

s'en

du

fil

retordre des troupes euro-

emparer.

Parfois le lieutenant employait ses loisirs chasser. Prs de la station,

dangereux

bois rempli de singes ne tentait pas le chasseur cause des

un

serpents qui

sous les lianes. Mais au mois d'aot, les criques,

s'y glissaient

aux eaux plus basses du

fleuve, fourmillaient d'hippopotames.

La saison

sche favorise toute expdition contre ces redoutables amphibies.

A l'poque des

pluies, les criques tant trs profondes, l'hippopotame ne

sembrusquement la

se montre gure; peine, lorsqu'il respire, entrevoit-on sa large

blable celle d'un cheval, mergeant de l'eau, reniflant


surface, et aussitt disparaissant;

au seul endroit vulnrable,


la

la

il

est alors trs difficile

tempe partout
;

tte,

de tirer l'animal

ailleurs la balle s'aplatit sur

peau, qui est dure l'gal d'une plaque de blindage de torpilleur. La

son

des pluies olre

mineux

sai-

en outre l'inconvnient de chasser en pure perte ce volu-

gibier; et-on atteint et tu l'animal,

des eaux, puis, entran par

heures aprs, gonfl

le

courant,

comme un

distance, sur quelque lot

du

il

tonneau;

fleuve,

il

roule dans

la

profondeur

reparat la surface vingt-quatre


il

choue plusieurs lieues de

ou sur un banc de

sable, et sert

aux

indignes qui s'en rgalent.

Par un bel aprs-midi, Harou enrla quelques indignes qui avec ses

Krouboys devaient

faire l'office

de pagayeurs,

se hasarda 'sur les lames secoues par

une

et,

mont sur une pirogue,

forte brise dans la direction

il

de

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

l'le

Au

de Dandanga.

dpart, le lieutenant avait prudemment

muni de fusils

debout

rebord form

ses serviteurs krouboys. L'un d'eux,

par

la

poupe, remplissait

pagaie

manuvre de

Harou occupait
les

parois

de timonier;

l'office

sur

le

gouvernait avec une longue

droite ou de gauche suivant la direction suivre.

pagayeurs fendaient

esquif, les

manuvre par

et s'excitaient la

bien qu'inutile en cette circonstance,


et

l'arrire,

il

milieu de l'embarcation; ses cts, demi assis sur

le

du lger

rames pointues

277

l'eau

de leurs courtes

des chants sauvages. Stop,

s'tait blotti

aux pieds de son matre,

mlait ses jappements craintifs au vacarme des noirs.

On vogua ainsi
Hippopotames

plusieurs heures, en longeant les criques de la rive droite.

vautrs sans doute dans les profondeurs des

et alligators,

eaux, persistaient ne pas se montrer aux chasseurs.


L'aspect du pays distrayait
bois rabougis

il

l'officier.

n'y avait

Les flancs des berges portaient des

gure de grands arbres;

les

fonds taient

couverts de lgumineuses ou tapisss de champs de gramines diverses


arroses par les sinuosits de paisibles ruisseaux. Le sol continuait d'tre

granitique avec des affleurements de roches coloies.


Certaines petites baies taient pleines de gros joncs et de roseaux que
nourrissait

un fond vaseux

Dcidment,

la

et

il

tait

Les pagayeurs indignes montrant,


rappelrent

La pirogue

malais de se frayer un passage.

chasse menaait de se transformer en pure excursion.

l'officier

que l'heure

la

hauteur

du

et la direction

soleil,

s'avanait.

vira de bord;

on regagnait Manyanga.
Heureusement, au coucher du soleil, l'hippopotame gagne les herbes de
la berge, o il se repat, et se replonge dans son lment le matin, au lever
du jour.
Avant d'arriver

a la crique

il

devait dbarquer, Harou put entrevoir,

une longue procession d'ombres massives

aux abords d'un banc de

sable,

mergeant des eaux. Sur

sa droite, porte de fusil, les herbes de la rive

un bruissement un amas de terre s'boula en


vague; un hippopotame regagnait son gte de nuit.

s'cartrent avec

poter

la

faisant cla-

L'amphibie se retourna, au bruit des aboiements prcipits que poussait

Stop bondissant dans l'embarcation. Troubl dans ses projets,

neux animal

s'apprtait redescendre.

porte par

courant,

le

filait

le

La pirogue lance dans sa

volumi-

direction,

trop vite au gr des passagers, qui prouvrent

un sentiment de terreur. Toute hsitation tait impossible. Harou fit feu;


ses deux balles atteignirent la tte la bte gigantesque qui dgringola
obliquement, roula dans l'eau et

alla s'chouer

dans une crique aux rives

rocheuses o des canots indignes taient amarrs.

CHAPITRE ONZI.ME

27S

Des clameurs enthousiastes s'levrent de

imprimrent

a l'embarcation

une

la

pirogue;

paga3'eurs

les

La pirogue heurta

vitesse vertigineuse.

l'amphibie immobile.

Force fut au lieutenant de dbarquer, de gagner

le

bord sur

les

paules

d'un Krouboy et de laisser son quipage noir procder au dpeage du

monstre.

l'aide

de

de joncs, de rotangs,

lianes,

les

experts indignes tressrent

des cbles assez forts pour ramener sur les eaux et traner sur

un point abordable,

le

La lune claira un fantastique


le hallali.

gnes

en

spectacle. Belzbuth en personne conduisit

Babouennd, Krouboj-s, qui avaient

les plus

la rive,

corps devenu pour eux de la viande de boucherie.

pris part la chasse, indi-

rapprochs du point o gisait l'hippopotame, s'acharnaient

avec des haches et des couteaux couper les jarrets, trancher les bons

morceaux.

A l'clat

de leurs regards, leurs mouvements fivreux, Harou comprit

qu'il tait inutile d'essayer

de rclamer sa part. Cependant

lui rservrent les dfenses, et

qu'ils portrent

dans

la

les

quelques parties succulentes,

Krouboys

disaient-ils,

pirogue.

Le lieutenant dut rejoindre la crique deMan3-anga avec ses seuls serviBabouennd ayant refus d'abandonner l'animal avant

teurs habituels, les

par eux

qu'il n'et t rduit

Aux premires

l'tat

complet de squelette.

lueurs du jour, on atteignit la station. Le

vage que contempla

l'officier satisfait

de son triomphe de

panorama sau-

la veille lui

parut

digne d'tre not.

Tandis que bien


cieux vers

loin,

le ciel, les

sur

la rive

gauche,

le

mont

Biri s'lanait

auda-

capricieux festons d'une chane de collines basses

dans un nimbe argent. Suspendues aux flancs des


hauteurs, des roches fantastiques, dpourvues de vgtation, s'chappaient

fu3^aient vers l'est

d'une ple verdure, distribues d'une faon

gement, qu' de certains endroits

nid d'aigles et de vautours perch entre

Dans cette rgion,

le sol

montueux

d'arbrisseaux et d'herbes qui colorent


d'or; a et

l,

si

bizarre, superposes

elles imitaient les

si

tran-

ruines d'un fier castel,

le ciel et l'eau.

est

jonch de quartz et recouvert

le sol

d'une teinte rouge et jaune

sur les terrains plats, les bananiers aux larges feuilles mesu-

rant jusqu' cinq ou six mtres de longueur, les palmiers aux jets de ver-

dure retombant en gerbes gracieuses,

les

Dracnas sapochinov:ki ou arbres-

dragons, aux tiges dtachant des bouquets d'un feuillage arm d'pines
d'o retombent en grappes des fleurs aux couleurs ples rejoignant les

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

tiges panouies des tristes Yuccas, s'efforcent,


l'pret

279

mais en vain, de relever

du paysage.

Mais Harou, fatigu, s'apprte reposer, tandis que

la

nature

s'veille

Manyanga.

Ce

rveil cause

peu d'animation.

L'indigne de la contre (Babouennd, rive droite, Bacess, rive gauche)


est triste jusqu' la rudesse; la

comme

si elle tait

son il reflte

lui

quelque chose de dur,

ferme l'esprance;

l'clat

d'une sinistre atonie.

inconsciemment

Subit-il

mlancolie a chez

la sensation

de son infriorit morale, de son abjection

comme un

prouve-t-il

manque

dicible de son

total d'instruc-

tion, d'ducation, d'esprit


A-t-il

d'initiative

conscience de son inertie

empreint chez

lui

d'un

regret in-

ne

je

sais

Tout

est

quoi de

douloureux, de sombre son chant se d:

roule sur des ritournelles monotones et


plaintives

danses populaires,

ses

ses

rapsodies guerrires aux mlopes languissantes, au son

du

fifre

du tam-tam rageur ou

criard, rappellent

comme

gaiet

du saltimbanque ou du

le rictus factice

clown paradant sur

les

trteaux d'une

baraque foraine.

Le
la

travail, invariable

fourmi

et

de

l'abeille

comme

celui

de

dans leurs myst-

rieux laboratoires, lui est impos par


l'instinct
Il

tin,

de

la conservation.

pche, tend ses

de

mme que

les fibres

comme

filets

au menu

DR-\CNA SAPOCHLNOWKI.

fre-

l'araigne oppose sa toile

aux

insectes.

met

Il

profit

des plantes, les lianes, les grandes herbes, pour btir ses huttes,

l'oiseau

ou

les termites

savent employer les productions vgtales

pour construire leurs nids.


Sa barbarie ne rappelle en rien
l'Afrique septentrionale.

science des astres et

Il

celle

des peuplades de l'Asie et de

n'a jamais possd,

du temps, comme

comme

les

les gyptiens, l'art

Chaldens,

de

la

la

construc-

tion et le secret de l'criture... Rien ne signale sur son territoire l'esprit


d'entreprise, l'essai, l'application d'une de ces inventions primitives qui ont,

aux poques

les

plus recules, distingu l'homme de la brute.

CHAPITRE ONZIEME

2So

La

dignit

humaine

est

un vain mot pour

lui.

II

a vu sans rvolte dfiler

au long des sentiers en zigzag qui constituent ses routes


audacieux que des sentiers de chvres, car

moindre obstacle naturel

ils

sentiers moins

dvient toujours ct du

des troupeaux d'hommes enchans

conduits

par quelques traitants, sans s'opposer d'une faon efficace au passage de ces
caravanes hideuses. Loin de

faire, roi,

le

de vendre ses enfants pour un mauvais


bibelot futile,

un

seigneur ou

fusil,

s'est

il

ht

litre d'eau-de-vie.

seule facult dnote chez lui lexistence d'une

Une

serf,

un mouchoir de couleur, un

me

c'est l'imagi-

nation. Les Babouennd, les Bacess, l'instar de tous les non-civiliss,

ont de l'imagination revendre.

Tout

ce qui la frappe est personnifi, et

parmi ces personnifications ima-

ginaires, tout ce qui parat de nature exercer

de l'individu

est l'objet

eaux courantes,

les

du

les arbres, les

froces, les serpents

une influence sur

de l'adoration. Les rochers,

culte,

venimeux,

les

les

la destine

montagnes,

animaux, particulirement

les btes

phnomnes atmosphriques

pluie, orage, les corps clestes, surtout la lune, sont autant

vent,

de sujets de

vnration.

A Manyanga

particulirement,

L'homme de son
mort,

il

vivant

ils

un

mauvais sort

ftiche de

n'est l'objet d'un culte

que par exception une

est craint et vnr.

Ces ngres s'imaginent que

tombeaux;

copal est

garder de toucher.

qu'il faut se

fois

le

ils

redoutent de

les

mes des morts hantent

les rencontrer, et,

placent sur les tombes des poteries, de

cuisine qu'ils

pour

abords des

la vaisselle,

des articles de

ont soin l'avance de casser, de mettre hors d'usage pour

ne point tenter la cupidit et le vol.


Ce fait implique leur croyance une vie ultrieure;
rialistes n'ont

les

se les rendre favorables,

les thories

mat-

pas pntr jusque chez eux.

Les mes des morts ne sont pas

les seules

auxquelles

pouvoirs exceptionnels. Les mes des animaux ont, selon


la facult de quitter le corps pour errer dans l'espace ou

ils

attribuent des

les

Babouennd,

se loger

dans un

objet quelconque.

Cette multitude d'esprits volants, errants ou domicilis, prte aux caprices religieux de chacun.
qu'il veut,

Le ngre, qui

en choisit un au

voit

dans chaque objet

hasard, se l'attache

les esprits

autour du cou, autour des

reins ou dans les cheveux, et ne s'en spare qu'aprs avoir chou dans

une

entreprise place sous l'invocation de cet esprit.

Du

ftichisme a

idoltrie, le pas est vite franchi. Cailloux, coquillages,

'^0^^

nxp.A .M-errens .Bruxelles.

PMesXnrur

Br-Axelles.

Sorcier

LES BELGES.

11.

5b

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

283

pruneaux, morceaux de bois, revtent, sous le couteau, des formes humaines


auxquelles

ngre babouennd ou bacess attribue des sentunents

le

des

et

mobiles humains.

D'mnombrables idoles abondent

ainsi

dans ces parages. Partout, aux

portes des huttes, sur les places publiques, attachs au corps des ngres
et des ngresses, pullulent les

Depuis

(idoles).

>7z'A"/ss/

pieux dont l'extrmit est

les

en forme de tte d'homme,

taille

jusqu' la cuiller en bois sculpt essayant de reprsenter

mle ou femelle; depuis

la

simple tte clous, jusqu'

une

cratui-e

la statuette

compli-

que, spcialement adore par les jeunes mres et figurant une ngresse
tenant son rejeton sous

le bras;

de

la tabatire

au couvercle dcoup,

pipe au fourneau sculpt, ces idoles passent par toutes

propres tous

les

usages

manger, fumer, boire,

les tailles et

tirer la cible, etc., etc.

(Leur simple nomenclature exigerait un catalogue spcial dont


rotage atteindrait un

nombre

la

sont

le

num-

voisin de injni positif).

Ces paens-l n'ont pas de temple. Leurs pratiques religieuses publiques

comme nous

consistent,

l'avons vu, assister en spectateurs convaincus

aux jongleries diverses des sorciers.


L'institution

des

sorciers

toute -puissante

est

Manyanga. Le pouvoir des makokos


domination,

la

cumulards,

Un ngre
les

tyrannie que peuvent exercer

la fois exorcistes, devins,

casse-t-il sa

le

de

district

les sorciers

la

fonctionnaires

mdecins, juges.

la saison, les sauterelles

dyssenterie svit-elle dans la contre,

ou septuagnaire,

dans

devant l'immense crdit,

pipe d'ianiba dans des circonstances particulires,

poules refusent-elles de couver

la rcolte, la

s'efface

vient-il mourir,

latitudes traverse-t-il le district, en

dvorent-elles

un hommie

libre,

jeune

un tranger de couleur rare sous ces


un mot des accidents, des calamits de

toute nature, des vnements qui passeraient inaperus dans tout pays
civilis, la

maladie, la mort, rompent-ils la monotonie habituelle de

tence de ces tribus


soit la colre

Babouennd

des esprits,

et

l'exis-

Bacess estiment que tout cela est

provoque par un acte imprudent,

soit

aux

malfices d'un ennemi qui a abus ainsi de son pouvoir sur lesdits esprits.

La parole est au sorcier; ce dernier joue un double rle il consulte, invoque et calme les esprits; il recherche et dnonce la vindicte publique
:

l'auteur

ou

les

auteurs desmalfices.

Inutile d'ajouter

que

tation, trouve toujours

ou

l'exorciste, trop fourbe

un innocent, un

tre

pour compromettre sa rpuquelconque accuser de

tel

tel mfait.

L'accus est alors soumis des preuves grotesques, qui rappellent

le

ONZIME

CHAPITRE

284

jugement de Dieu du moyen ge. Chez

une dcoction de poison prpare par


il

dans

est dclar innocent;

tmoins de

les

Chez

la

le cas

on oblige

les Bacess,

opration,

cette

Babouennd, on

le sorcier;

contraire,

il

l'oblige avaler

s'il

la rejette, fait trs rare,

est

empal prestement par

scne: son cadavre est ensuite brl.


l'accus a

sorcier dans de l'huile bouillante;

aprs

les

on

le

si

sa

prendre un anneau

main porte des

jet

par

le

traces de brlure

flambe immdiatement sur un bcher

improvis.

Des deux cts du fleuve,

les

procds se valent. Ngres puissants ou

esclaves vulgaires sont soumis, au gr de la foule, subir, le cas chant, ces

mmes ordalies.
On les applique

aussi la dcouverte des voleurs, des criminels de

toutes catgories. C'est l une apparence de justice; mais


oublier que

qui

il

est

la

ne faut pas

il

balance de Tlimis est aux mains d'un juge, d'un sorcier avec

des accommodements.

Nanmoins ce )uge n'est pas inviolable, et s'il n'a pas satisfait son public,
est lui-mme accus, soit d'impuissance, soit d'ensorcellement, on le
maltraite dans le premier cas, on le massacre dans le second, aprs l'avoir
soumis aux preuves qu'il appliquait si gnreusement aux autres.

s'il

En

il existe dans le district de Manyanga un sorcier officiel par


au besoin, tous les individus prdisposs l'extase ou l'hystrie

gnral,

village. Mais,

sont aptes servir de doublures au sorcier attitr. D'autres, par got, par

temprament

et

par cupidit, s'improvisent sorciers ambulants et col-

portent de hutte en hutte, de village en village, des ftiches, des amulettes


et des ballots

de drogues enchantes.

Nous rapporterons dans un prochain chapitre une anecdote


une opinion sur

les

de se

agissements de ce praticien.

La prsente digression ethnographique nous

a loigns de Harou qui,

aprs sa victoire sur les hippopotames, avait repris

de dfense de

relative au

mme

sorcier-mdecin de Manyanga, afin de mettre nos lecteurs

la direction

des travaux

la station.

Ces fortifications taient ncessaires, eu gard aux convictions ftichistes


des indignes doubles d'un temprament batailleur.

pour le moindre
arms
de fusils pierre,
motif; elle dure souvent de longs mois. Les ennemis
dont la garde est protge par un morceau de peau de singe, tirent des

Frquemment, de

village village, la guerre est dclare

distances telles que le

Dans

nombre des morts ne dpasse jamais

les derniers jours d'aot,

Harou

fut

la paire.

appel remplir

le rle

de

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

mdiateur entre deux camps forms par

la

population d'un

L'objet de la querelle tait des plus futiles,


C'tait l'poque

les

indignes mettent

comme

le

285

mme

village.

toujours.

feu aux herbes sches sur

leurs racines, sous le prtexte, fond d'ailleurs, de fertiliser les terres et

d'obtenir plus tard des gazons plus pais.

Une ngresse de Ngoyo, qui se trouvait dans un tat intressant, rvait


un soir aux abords du village. Jeune esclave achete rcemment par un
indigne de

la

elle avait escort

localit,

son bon matre sur

la

route de

Manyanga. Puis au retour, lasse de la course, elle s'tait assise au bord du


sentier, pour suivre du regard la silhouette du partant, qui allait s'amoindrissant l'horizon, et songer l'avenir.

La future mre
gne

et

tait

presque belle; sa chevelure longue

et

onde, soi-

peigne avec une vidente recherche, ses yeux de braise ardente,

teints de blanc

aux bords des paupires, ce qui leur donnait un certain

regard velout, profond, voluptueux, ses mains soigneusement entretenues, dnotaient une origine lointaine des bords du Congo... Peut-tre
tait-ce

une moresque, chappe d'un harem de

la cte orientale et

amene

d'tape en tape, sous le fouet des traitants, jusqu'au village de Ngoyo.

Au rebours
l'art

des ngresses indignes, la jeune

de plaire

breuses parmi
le

tait

femme

trangre, chez qui

chose connue, avait su s'attirer des sympathies nom-

les noirs

camarades de son matre,

fort

respectueux envers

sexe faible.

Son seigneur s'en allait pour rejoindre une caravane en destination du


mpoutou. Il avait t bienveillant pour son esclave; maintenant, il l'abandonnait...

Que

deviendrait-elle?

ment, son travail dsormais?


voudraient probablement
Elle rvait ainsi, la
volait, sans voir

rayons de

qui vouerait-elle ses soins, son attache-

Ngoyo, bien des marchands d'arachides

l'acheter...

qui

sait?...

pauvre dlaisse, sans s'inquiter de l'heure qui

que l'horizon de pourpre entranait avec

s'en-

lui les derniers

clart...

Soudain, autour

d'elle,

ondulant travers

des flammes s'lancent,

les fougres, les

comme autantdeserpents,

gramines,

les

Affole, l'esclave se lve en jetant des cris d'effroi...

au gr des caprices de

flammes s'avancent,

la brise, et

se tordent,

travers les valles,

herbes dessches...

Le pays

est

en feu;

des sinuosits des massifs herbacs, les

gagnent

les crtes

des collines, serpentent

dgageant des nuages pais d'une fume acre et

blanchtre.

Ce spectacle
accourus.

Ils

avait terrifi l'trangre.


l'ont interroge,

l'ont

ses cris, des noirs

calme, en

la

de Ngoyo sont

reconduisant au village.

CHAPITRE ONZIME

286

L'un d'eux, personnage influent, qui avait dj cinq pouses,

l'a

hberge

dans son chimbeck.

Toute
matin,

la

nuit l'esclave fut en proie des douleurs aigus. Le lendemain

terme, dlivre de son embonpoint.

elle tait avant, le

Quel tapage ce simple vnement occasionne Ngoyo


L'hte

mis

le

impromptu de

malade attribue aux noirs

villageois qui avaient

dnouement douloureux du mal de l'trannombreux du polygame, ses amis les marchands d'ara-

feu aux herbes

gre. Les allis

la

le

chides, s'ameutent, injurient et frappent les ngres cultivateurs qui avaient

caus un soi-disant malfice.

Les cultivateurs

prennent

s'irritent,

les

Les marchands d'arachides rpondent de

armes, et font parler la poudre...


la

mme

faon.

Des courriers portent en toute hte, au march de Manyanga, la noude la dclaration de guerre et du premier combat de Ngoyo, avec le

velle

agrment d'additions

rcit

Le makoko du

fantaisistes des causes qui les ont

district, partisan

famille, refuse de s'immiscer

dans

Cependant, au cours d'une

munique

amens.

de laisser chacun laver son linge sale en


la querelle

visite

des voisins.

au chef de

com-

la station, le roitelet

Harou les renseignements circonstancis et amplifis sur la

guerre de Ngoyo.

On

se massacre,

on s'gorge, les huttes sont pilles, dtruites, incendies,


le makoko. Probablement la population du district ne

raconte en s'animant

tardera pas s'mouvoir, prendre

Un conflit
de
Manyanga
grand march
des belligrants.

Empcher

l'effusion

du sang,

la

camp

contre.

Le

etc., etc.

viter les horreurs d'une guerre civile, faire

un motif moins que

d'un accouchement prmatur,

commandant une des

cause pour l'un ou l'autre

sera dlaiss...,

cesser les hostilits entreprises pour


sait

fait et

gnral ensanglantera, ruinera

tel tait le

puril,

devoir d'un

il

s'agis-

homme

stations civilisatrices fondes par le Comit.

Harou, sans hsiter, comprit

et accepta

le

rle

de pacificateur, de

mdiateur.
Il

rassembla sa garnison noire au son d'un semblant de tocsin, en frappant

sur un

gong de bronze qui

servait d'habitude a rgler l'emploi de la journe

des travailleurs. Zanzibarites, Krouboys, Kabindas, Kroomen, furent instruits

On

du

rle qu'ils devaient jouer.

allait

leur distribuer des

armes

et

des cartouches, mais ce n'tait

point pour combattre. Rallis l'tendard bleu port par le lieutenant, ils
marcheraient sur Ngoyo, dtourneraient par une salve bruyante l'attention

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

287

des combattants, et se jetteraient entre eux aussitt en dansant et en chantant des refrains d'allgresse.

Ce programme

en partie, non entirement, en raison de

fut excute

l'espace qui sparait les belligrants de

Ngoyo.

champ de carnage, Harou


du village. Ngoyo tait dsert

Arriv prs du soi-disant

voyant debout

les huttes

nullement avoir t

Non

loin

fut stupfait en

ne paraissait

et

pill.

du groupe des cabanes, une gorge forme par des

collines

basses aux arbres rabougris portait des traces d'incendie; mais les

mon-

amas de cendres d'o s'chappaient encore quelques tincelles,


les rsidus des herbaces brles. Des deux flancs opposs qui con-

ceaux, les
taient

stituaient la gorge, les natifs de

Ngoyo, abrits par des bancs de rochers ou

par des fourrs de broussailles, taient censs se livrer un combat. Par inter-

on voyait de part

valles irrguliers,

une

tte

et d'autre

de noir, puis deux bras tenant un

fusil,

merger derrire un roc


mettant en joue, le coup

partait dans le vide.

La distance entre

les

ments de cuivre ou de
allaient se

Harou

perdre dans

et sa noire

deux hauteurs
fer lancs

les foyers

par

mal

que

tait telle

les projectiles, frag-

les rusils silex

des combattants,

teints sur le sol intermdiaire.

cohorte escaladrent au pas de charge l'une des collines

occupes, et s'arrtrent devant le rassemblement des marchands d'ara-

chides de Ngoyo.
L'instigateur de la querelle,

celui qui avait recueilli la jeune esclave et

qui depuis soutenait par ses hbleries l'animosit, l'ardeur au combat de


ses gaux, comptait

au premier rang des indignes ahuris par

la

brusque

intervention de la garnison de Manyanga.

tes-vous des amis venuspour nous aider combattre les cultivateurs

dont

les malfices

ma

ont exerc sur

Nous sommes des amis,

une influence funeste?


de Harou. Nous dsirons

belle esclave

traduit l'interprte

connatre vos griefs contre vos frres, et marcher avec vous contre eux

sont rellement coupables.

s'ils

Le chef indigne de Ngoyo, qui

se trouvait

du

ct des

marchands

d'ara-

chides, ct des riches, des gros bonnets, prit alors la parole.


Il

rappela qu'il avait assist la palabra d'inauguration de la station de

Manyanga,

il

cita les

phrases pronostiques cette

mme

poque par

le

sorcier a la ceinture bleue.

La prsence du mundel parmi nous assurera notre

vateurs malficieux seront extermins.

On

n'a

pas oubli, en

effet,

que

victoire, les culti-

le sorcier

de Manyanga, attacha

l'arrive

CHAPITRE ONZIME

288

des blancs les plus favorables influences, entre autres

triompher dans la guerre

Il

sans

la

tribu au milieu de laquelle

n'en sera pas ainsi, rpondit

me

faire connatre le

Harou

si

ils

rumeurs

faire

et ce

que vous comptez


je

vous

retire

ma

des

dclaration,

cette

don de

vous persistez vous battre

motif de vos discussions

exiger des ennemis, j'invoque contre vous les m'kissi,


protection.

le

se se trouveraient.

se firent entendre...

murmures, des grognements, de sourdes


Aprs de longues minutes d'hsitation, de

consultations entre notables, le chef de

Ngoyo essaya de donner des

explications satisfaisantes au sujet de la querelle pendante.


Elles furent tour de rle habilement rfutes par l'officier.

Au cours de

cette palabra

(le

mot

est

cultivateurs

traditionnel), les

avaient cess le feu; runis par petits groupes, on les voyait gesticuler en

regardant attentivement ce qui se passait chez leurs ennemis. Bientt


se runirent et s'apprtrent rejoindre la colline oppose

ils

ils

avaient

distingu les faisceaux de lances fiches en terre par les marchands d'arachides, sur l'ordre de leur chef.

La mdiation de Harou

La palabra improvise, ds que les


amena la conclusion dsire par le lieute-

fut efficace.

belligrants furent en prsence,

nant: la paix fut scelle selon l'usage.


Cultivateurs et marchands d'arachides regagnrent Ngoyo, confondus,

runis dans

Au

le

mme

cortge que guidait Harou et ses

hommes.

village, le malafou, les chants, les danses, les improvisations ryth-

mes

la

louange du chef blanc, firent

les frais

d'une rconciliation

tapageuse.

Le

soir, la

garnison de Manyanga dposait les armes dans l'arsenal de

la

de l'emploi de sa journe, amenait au sommet de

la

station.

Harou,

hampe

le

satisfait, fier

drapeau bleu du Comit d'tudes, symbole irrcusable dsormais

d'une uvre rellement salutaire pour les indignes des rives du Congo.

Quelques jours plus tard, sur

la

berge oppose,

distinguer, l'aide d'une longue-vue,


avait

si

noblement

le

lieutenant pouvait

un tendard semblable

celui qu'il

servi.

L'Allemand Lindner, parti de Mpakambendi,

gauche acqurir, au

nom

de

la

tait

parvenu sur

la rive

Socit internationale, l'emplacement

d'une station nouvelle appele Manyanga-sud.

u^

CHAPITRE

Brler

le

taralara

Descente de

lyumbi.

la

XII

colline de Zinga.

Makoko,

roi des

Rcit de Susi.

Le mont

Wambundu.

ES le premier septembre i8Si, la colonne expditionnaire

guide par Stanley

Braconnier vers

et

le

Stanley-Pool

campait aux abords du village de Zinga.

Le camp construit au sommet d'une


*<i^t?S>S^'^i solidement

de

fortifi.

la rive nL.i'd, s'chelonnaient a

les villages

de Zinga, Alowa

et

A l'est,

falaise boise tait

sur la ligne de fate des collines

l'ombre de quelques manguiers sculaires

Massassa

l'ouest, ceux de Mbelo, Bukala,

Suki, Kilanga, Kinzor.


LES BELGES.

II.

^7

CHAPITRE DOUZIME

290

Tous

ces districts

2,350 le

comptent une population

nombre des

Mvula, Monanga, Nzabu, Makang-a, Kiubi

Mvula

et

trs dense. Stanley estime

habitants du seul district de Zinga, que six chefs,

Nsaka sont censs gouverner.

et

Monanga, deux frres, les doyens


nombre des

l'endroit, sont octognaires; le

d'ge, les ttes

couronnes de

vieillards est notable

dans

la

contre.

Mais, jeunes et vieux, ces indignes sont des tres essentiellement super-

moindre incident sufft pour veiller leur humeur batailleuse.


Comme les Bdouins de l'Afrique septentrionale grandissent et meurent
entre des armes et un cheval, de mme les Babouennd passent leur vie un

stitieux, et le

fusil la

main.

Leur mousquet

silex est toujours prt lancer sur toute crature

vivante des fragments de cuivre et de fer

poudre parle

la

l'occasion d'un

pour une fte, pour une naissance ou pour une mort.


Nanmoins quelques-uns d'entre eux sont alls la cte occidentale et
Borna: ils connaissent les hommes blancs. Aussi arrivent-ils au camp de
bal macabre,

Stanley et Braconnier avec des petits cadeaux de pain de cassave et de vin

de palme. Leur faon de se prsenter

est

peu sduisante, peu rassurante;

ds qu'ils sont assis prs du blanc, avant de causer,

coup grincer des dents

comme

s'ils

ils

se mettent tout

entraient en fureur. C'est chez eux

un

une singulire habitude qui tout d'abord inquita Braconnier.


Le capitaine avait, sur les conseils expriments de Stanley, excut
autour du camp provisoire de Zinga de vritables travaux de dfense. On
ne sait jamais ce que l'on a redouter des sectateurs du ftichisme et de

tic,

la sorcellerie.

Le second jour de
Krouboys

la halte

et les Zanzibarites

Zinga, Braconnier, tout en surveillant les

de l'escorte occups construire des palis-

sades, des barricades de branchages autour


ses impressions

Comme

du camp,

notait sur son carnet

de voyage.

d'habitude, des naturels s'taient groups aux abords

du campe-

ment

et

prenaient du regard une vive part aux occupations des tran-

gers.

la

vue de Braconnier se livrant son

motion trange envahit


attentivement
puis

ils

les

les indignes; ils

travail

d'criture,

s'approchrent et examinrent

signes hiroglyphiques pour eux que traait

s'enfuirent toutes

jambes vers

chants de guerre retentirent, roulant sur

les
le

une

l'officier,

huttes de Zinga. Bientt des

plateau

comme

des cris aigus

d'oiseaux de proie.

Quelques heures plus tard, une longue

camp.

file

de guerriers entourait

le

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

2-)i

Les travaux de dfense avaient ainsi leur emploi immdiat. L'escorte


noire des explorateurs, dlaissant les instrument

de

fortification, sauta sur

les fusils.

Stanley et Braconnier dfendirent encore leurs vaillants compagnons


noirs de prendre l'offensive, de tirer les premiers. Les

deux blancs s'avan-

crent hardiment au-devant des assaillants.

la

Qu'y

demanda

a-t-il?

menace

la

bouche,

nous pas vos amis

Stanley. Pourquoi venez-vous

comme

si

le fusil

main,

la

vous vouliez nous combattre.^ Ne sommes-

Mundel, rpondit un ngre de grande

taille, coiff

son artistement dispose, mundel, nos gens ont vu

le

d'une haute toi-

blanc qui est avec

marques sur du Lirjtara (du papier). C'est trs mal d'invocontre nous les esprits! Notre pays sera dvast, nos chvres

vous, faire des

quer

ainsi

mourront, nos bananes pourriront, nos femmes n'auront plus de lait.


Pourquoi le mundel estil mchant? Nous sommes prts vous combattre
si

vous ne brlez pas devant nous

rons vos amis.

le

taratara;

Braconnier, en toute autre circonstance et


dclaration de guerre; mais les
dications leur

calmer leur

paraissaient

Babouennd

fondes.

les

aux

Il

clats

nous reste-

de cette trange

'fallut

par un subterfuge habile

Est-ce bien

le

et les

principaux personnages

pourparlers diplomatiques. Braconnier

de papiers insignifiants.

au caprice des sauvages ces

ri

le brlez,

folie superstitieuse.

des assaillants
liasse

vous

taient exigeants; leurs reven-

Tandis que Stanley continuait avec les chefs

une

si

taratara

Il

allait

chercher

revint aussitt, dispos sacrifier

feuilles noircies d'encre.

que vous voulez brler? demanda Braconnier

aux Babouennd.

Oui, rpondirent-ils,

c'est

bien

celui-l.

Ils

n'tablissaient

aucune

diffrence entre le format de ces papiers plies et le carnet d'phmerides de


l'explorateur.

le

En

ce cas, prenez-le, continua l'ofiicier; je vous le

brler ou

le

donne; vous pouvez

garder, votre choix.

Non, non, non,... brlez-Ie vous-mme le taratara est ftiche nous


ne voulons pas y toucher.
Les blancs, suivis, talonns parles Babouend, s'approchrent du feu de
bivouac le plus voisin. Les papiers furent livrs aux flammes. Une accla;

mation triomphale couronna cet autodaf.

Dcidment, on ne saurait trop prendre de prcautions avec ces gens-

l, dit

Braconnier Stanley en retournant au camp.

CHAPITRE DOUZIME

Oh

ngres
et
est

il

faut se garder d'crire, de relever la hauteur

de prendre des notes, en un mot de

siner,

est

faire

du

soleil,

de des-

une chose qui pour ces

nouvelle ou leur parat bizarre. Chacune de nos actions est pie

nous expose l'hostilit dclare des sauvages. L'incident du taratara


heureusement clos occupons-nous maintenant des prparatifs du
;

dpart.

Sur

l'ordre des blancs, les

Kroumens,

les

Krouboys,

les

Kabindas,

les

Zanzibarites prparrent les ballots, casrent les marchandises dans les

wagons, quilibrrent
qui

le

steamer

En

avant sur l'immense voiture roues

transportait.

le

Au cours de
bateau,

Cette

l'anne prcdente par

puleux

manuvre,

cette dernire

rompit.

se

s'tait servi

de

pice

un honnte

l'essieu

industriel anglais

de

la

il

avait dguis sous

Au moment de
pice de bois

le

bon argent du Comit

une couche de peinture vernisse

l'accident, les agents

n'tait

le

la

d'-

pourriture

On

du Comit envoyrent au

la

marche en avant.
groupe d'arbres

trouva fort propos dans un

africain qui fut transform,

essieu de

wagon de

Le lendemain,
excutrent une

diable,

charron europen. Remplacer l'norme

pas une petite atfaire et entranait avec un surcrot

de besogne, un nouveau retard

sous

les

voisins

un

gaac

coups de hache des Kabindas, en

transport.

les

hommes de

manuvre de

l'escorte,

sous la direction des blancs,

pontonniers.

base orientale de la colline sur laquelle les tentes avaient t dres-

la

ses,

fourni

charron peu scru-

matire employe.

selon une expression triviale,

avait
le

le

d'un tronc d'arbre vermoulu pour fabriquer cet essieu

seulement, dans son dsir d'encaisser l'argent,


tudes,

du wagon charg par

charronnape

une large

rivire roulait ses

eaux profondes,

n'offrant pas

un

seul

endroit guable.

Une

passerelle dut tre jete sur cet obstacle.

d'un bois voisin, mis contribution, fournirent

Les arbres

les

et les lianes

matriaux ncessaires

ce travail.

Le

14

septembre au matin,

la

caravane quitta

le

plateau de Zinga.

Stanley, malade, accabl par la fivre, confia, au dpart, le

dement de

comman-

l'expdition au capitaine Braconnier.

Chariots de marchandises, quadrupdes porteurs de ballots, wagons

chargs de

matriel

naval,

de

matriaux propres

aux constructions

d'une station future, s'branlrent aux cris et aux chants des convoyeurs
nou's.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

La descente de

la colline offrait

299

de rels dangers. Une pente raide, o

nulle route n'tait trace, coupe et l par des bancs de rochers ou des

fourrs de broussailles pineuses, sparait

niveau de

la rivire

Les mules

et

l'emplacement du camp du

passer.

d'un pas sr et dcid.

bourriquets s'engagrent

les

Ctoyant allgrement

les prcipices,

les ravins et

frein leur lan, replo3'ant leur corps en arrire

tant des diagonales, des

changements de

mettant eux-mmes un

aux passages
des voltes

pieds,

pic.

et

excu-

des demi-

mandres sinueux des


animaux arrivrent sans encombre au pied de la

voltes suivant les caprices des talus rocailleux et les


taillis et

des ronces, les

hauteur.
Il

mme

n'en fut pas de

aux timons, ou

pour

faisant fonction

les

lourds vhicules. Les ngres attels

de freins en tirant sur

les

cordes attaches

aux roues, combinaient toutes leurs forces pour modrer


les chargements et ia pente imprimaient aux voitures.
Braconnier surveillait et guidait
leuse. Plac ct des

aux autres

chaque pas

les

que

convoyeurs dans cette tche pril-

les

ngres accrochs au timon du wagon

gaac, vhicule qui traait


crtait

la rapidit

la

mouvements de

route parcourir,

le

l'essieu

de

capitaine d-

droite ou de gauche imprimer

l'engin de transport.

Les corniViandements prcipits, modifis chacun des obstacles du

sol,

furent fidlement excuts par les ngres.

Le steamer En avant, cahot, s'inclinant bbord, se relevant, se coule wagon, s'avanait, descendait la pente de la colline, timon
par de noires cratures, que la ncessit rduisait au mtier de btes de
chant avec

somme.
La traverse extraordinaire du steamer touchait
le terrain

allaient atteindre le

En

ce

sa fin.

Le port de

salut,

niveau gisait quelques mtres; l'embarcation et son plancher

moment,

quet d'arbres

le

ponton

sur la rivire.

wagon bateau

un ravin

et

jet

fut

Charybde

engag entre deux


et Scy.la.

rcifs,

un bou-

Un commandement de

Braconnier, mal interprt par les timoniers, occasionna une catastrophe.

Les ngres du timon, impuissants retenir


fatale entranait irrsistiblement vers les

brusque mouvement dans

le

ravin.

la

voiture qu'une pente

grands arbres,

la rejetrent

par un

Le steamer tomba de Charybde en

Scylla. Ses roues de droite rencontrant le vide, le vhicule entranant

chargement

dgringola

dans

l'excavation

ravine,

son

heureusement peu

profonde.

Les convoyeurs

noirs

lchrent

cordes et

brancards;

le

timon du

CHAPITRE

394

chariot

abandonn

DOUZIME

tomba

violemment Braconnier qui

heurta

sans

connaissance entre des rochers.

Les noirs s'empressrent autour de leur matre; deux d'entre eux le soulevrent et l'emmenrent jusqu' la dernire voiture o Stanle}', secou par
des cahotements pouvantables, en proie l'inquitude, l'anxit, proc-

cup des prils de


qui

lui faisait

la

descente, tait accabl par un redoublement de fivre

la

endurer mille souffrances.

vue de Braconnier, ple,

les

vtements en lambeaux,

un cri
demanda

Zanzibarites, Stanley ne put retenir


Qu'est-il arriv

<>

et sautant

il

en bas de

Le mundel

Qu'y

a-t-il.-

Braconnier, couch sur un

membres

ses

les

d'effroi.
le

malade, oubliant sa faiblesse

rpliqua un Zanzibarite, et rapidement

racontal'agent suprieur du Comit les dtails de

de

port par

la voiture.

est bien mal,

lit

Son corps

lui peu peu.

et

la

catastrophe.

d'herbes sches rassembles a

tait

n'tait fractur.

la hte, revint

violemment contusionn, mais aucun

On

le

plaa aussi

commodment que

possible dans la voiture de Stanley.

Les deux chefs de l'expdition durent, pour quelques heures, se confier la prudence et l'habilet des ngres, qui surent les conduire sans
nouvelles catastrophes jusqu'au bas de la colline de Zinga.
Stanley, faisant appel a toute sa puissance physique, a toute son nergie

morale, vainquit

la fivre

et reprit

le

commandement de

Mais Braconnier ne put continuer sa route;

les

l'expdition.

contusions

qu'il avait

reues, l'accablement, la douleur, l'obligrent a s'arrter plusieurs semaines

sur

le

On
la

bord de

prs du ponton tabli par les pionniers.

la rivire,

leva une hutte o

le

malade

aux soins

fut install et confie

et

garde de quelques Krouboys.


Stanley poursuivit sa route vers

Congo, en aval des chutes

le

Pool.

Le

iS septembre,

terrifiantes d'Inkissi, le

steamer

il

lana sur le

En avant

et les

allges.

Le matriel

et le

personnel de l'expdition purent tre amens, au prix

de nombreux vo3'ages

d'aller

et retour,

jusqu'au del des dtroits de

Msampala.
Ces dtroits sont constitus par une succession de crtes rocheuses
qui

mergent de

l'eau,

coupent

le

courant

dans sa largeur d'environ

quatre cents yards, et laissent entre elles des espaces restreints pour

le

passage des lames.

La navigation, bien que prsentant de grands dangers,


labeurs, tait prfrable a la marche par voie de terre.

d'incessants

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

297

Les contres riveraines du Congo, fortement accidentes, eussent cr


la caravane des difficults insurmontables. Sur le fleuve, tantt en longeant
les criques paisibles

de

de

la rive droite,

gauche, en halant

la rive

trs

embarcations aux passages

pniblement,

est vrai,

il

aux

aux attaques des indignes,

mais

elle tait

intempries du

sommets des

moins expose
et

ciel

aux fatigues

route viable sur les

invitables qu'et entranes la construction d'une


flancs et les

les plus pril-

des rapides et des tourbillons, l'expdition

leux, au-dessus des chutes,

avanait,

les

tantt en croisant devant les berges

au-dessus des cours

collines, travers bois,

d'eau.

Le

Braconnier

12 octobre.

et sa

sur la rive gauche du fleuve dans

garde rejoignaient l'expdition arrte


de Kinsind, gouvern par

le district

le

makoko Luemba.
Les rapides Lady-Alice rendant inutile toute tentative de navigation sur
le fleuve,

Sur

les

explorateurs se dterminrent reprendre la route de terre.

prom.ontoires de la rive gauche, le passage tait praticable

les

hommes de

l'escorte ouvrirent

un chemin,

le

les

couvrirent de broussailles et

commencrent le tranage des wagons.


En face du village de Gammfou, la rivire Ufuvu obligea les marcheurs
tablir un autre pont de bois assez large et assez solide pour permettre
le

passage.

Trois jours furent employs a la construction de cette passerelle. Stanley


et

Braconnier prsidaient cette opration, lorsqu'ils furent surpris par

deux coups de feu rappelant la dtonation des winchesters.


Quelques instants aprs, au dtour d'une pointe rocheuse qui terminait
la baie d'innghila, les

explorateurs virent apparatre Susi et les dix Zanzi-

barites confis Ngaliema, poussant devant

eux

les

nes offerts en prsent

au souverain de Ntamo.
Cette apparition mcontenta Stanley. Susi, bientt rejoint, expliqua sa

prsence en narrant

Ngaliema

les

circonstances qui la motivaient.

avait trahi ses serments,

ou mieux

il

n'avait

pu s'opposer aux

rcriminations, aux ordres de son peuplesoulev par des marchands d'ivoire

venus du
Selon

Zombo

le rcit

et exigeant le

par des plumes d'un


l'influence

Ce

roi,

toire qui

renvoi des trangers.

de Susi, Ngaliema

du grand

makoko

roi des

un hbleur, un

Wambundu.
le nom

spcialement connu sous


s'tend au

tait

roitelet qui s'tait

tout-puissant, mais qui en ralit subissait

de Makoko, rgnait sur

sud du Congo, depuis

la rivire d'Inkissi

berges mridionales du Stanley-Pool. Le grand village de


LES BELGES.

II.

le terri-

jusqu'aux

Ntamo
38

faisait

CHAPITRE DOUZIME

29S

partie de son royaume. Ngaliema,


l'ivoire, avait

marchand

en vain essay, en achetant

d'esclaves, d "chapper la

LesWambundu

taient

et

enrichi dans le

dpendance de Makoko.

une peuplade

trs ancienne et trs

n'avaient jamais vu de blancs; mais par ou-dire,

ils

hommes

visage ple

commerce de

en armant un grand nombre

un pouvoir

ils

commerante;

attribuaient aux

une influence

malveillant,

nfaste.

La

rputation de Boula-Matari (Stanley), ses aventures surhumaines, taient

parvenues jusqu' eux. exagres, amplifies par

les rcits

des colporteurs

d'ivoire et des fticheurs ambulants.

Ces tribus, qui d'habitude vivaient de bnfices prlevs sur

le

pas-

sage des chimboucks, ou dus l'change de produits de leur territoire


contre l'ivoire et les denres apports chez eux par les matouts, s'effrayaient

que des concurrents blancs viendraient

la pense

s'tablir

de leur contre. Ce voisinage entranerait fatalement


cial le

le

sur les limites

marasme commer-

plus complet; toutes sortes de malheurs, croyaient-ils. Par tous les

moyens

ils

cherchaient l'empcher.

Une dputation de Wambundu escorta Makoko jusqu'au village de


et enjoignit au chef de Ntamo d'expulser Susi et les serviteurs

Ngaliema,

de Stanley.

Ngaliema revendiqua en vain


de sang,

les

cadeaux

qu'il

serments

les

avait

reus,

des gens du mpoulou amnerait sur


inutiles.

Wambundu

Les

Ntamo de

reprsailles,

la

les

qu'il avait faits

avantages que

son frre
la

prsence

contre; toutes ses raisons furent

menaaient

intraitables, inexorables,

le

chef de

de guerre acharne, s'il consentait recevoir chez

lui

les trangers.

De

Un

telles perspectives

dcidrent Ngaliema renvoyer les Zanzibarites.

scrupule de conscience chez ce ngre lui dicta

la

pense de rendre

aussi les cadeaux qu'il avait accepts.

Susi avait

partir,

emmenant

ses

hommes et

les

bourriquets chargs de

prsents restitus.
et redoutant les habitants de la rive droite, les makokos
Mahma, de Mtwa, de Bwabwa-Njali, Susi avait march l'aventure,
ctoN-ant la berge sud du Congo il bnissait les circonstances qui lui per-

Chass de Ntamo

de

mettaient de retrouver Stanley, et conjurait son matre de ne pas affronter


la colre

des \\'ambundu et des ngres rebelles de Ntamo.

Stanley et Braconnier, se sachant dsormais en pa^-s hostile, persistrent


avancer, mais en prenant nanmoins toutes les prcautions dictes par
la situation.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Une

foi infinie

dans leur entreprise bannissait

299

les craintes, les

angois-

du fidle Susi.
Par moments la froide raison leur reprsentait que ces rayons d'espoir si
consolants n'avaient en somme aucun fondement mais l'esprance tait
tenace, elle fournissait les arguments et les sophismes l'aide desquels la
ses qu'avait laisses

dans leur esprit

le

i^cit

raison tait vaincue.

Ces moments chappent toute description. Les luttes qui se livrent dans
la tte

de deux

hommes

vages, reconnaissant

rsolus et braves, isols au milieu de peuplades sau-

eux-mmes

le

pour

et le contre

de leurs ides, inca-

LE ZAXZIBARITE SU3I.

pables de tromper leurs penses rciproques, mais n'osant pas dtruire


leurs esprances mutuelles, ne peuvent se raconter.

Les deux explorateurs avaient connu

la faim, la maladie, la

misre

ces

souffrances passes n'taient rien compares aux tortures morales qu'ils


subissaient.

La raison leur montrait un abme ouvert sous leurs pas; une bande
d'hommes dvous, dcids les accompagner aveuglment, disant nos
:

matres savent ce qu'ils font


responsabilit dont
d'tudes.

ils

et qu'ils

s'taient

conduisent fabme. La formidable

chargs torturait

les

agents du Comit

CHAPITRE DOUZIME

300

La marche devenait

difficile

et prilleuse.

on devait suivre une chane de collines dont

En

les

laissant la rivire Ufuvu,

pentes et

les crtes boises

prsentaient autant d'obstacles que de groupes d'arbres et de talus irrg'uliers.

Sur

plateaux ou dans

la chane montueuse roulaient


Mpalanga aux eaux cumeuses, courant
de rocher en rocher, de cascade en cascade, et tombant dans le Congo
avec un bruit terrible: d'autres, comme la jolie rivire Lulu, filtrant leurs
eaux cristallines, avec des murmures, des bruissements, des clapotements

les

des rivires,

joyeux entre

les

unes,

les

comme

les insterstices

gorges de

le

de petites roches bleutres, entre des bords

enfouis sous la verdure nuance de plantes aquatiques varies

Toutes ces merveilles gracieuses ou sauvages de


tipliaient la

besogne des marcheurs.

versait des arbres,

on

On

brisait des rochers;

cot des heures, chaque tape de

la

la

l'infini.

nature africaine mul-

construisait des ponts, on ren-

chaque mille parcouru avait

route tait marque par un labeur

ingnieux, par des travaux considrables.

Le 4 novembre, l'expdition aprs avoir franchi


aux pieds du mont lyumbi.

En

dpit des pronostics de Susi, les

raient

d'humeur charmante sur

le

la rivire

Wambundu

que leur donnaient

palme, de manioc,

les

de l'endroit se mon-

passage des blancs. La question

trt primait tout autre sentiment chez ces indignes.

dises

Loa, bivouaqua

d'in-

Les belles marchan-

trangers en change de bananes, de vin de


dtruire les bruits absurdes que les

etc., etc., suffirent

porteurs d'ivoire avaient rpandus sur

le

compte de Boula-Matari.

Stanley leur inculqua diplomatiquement des ides toutes diffrentes de


celles qu'ils avaient eues jusque-l
ils

son sujet.

Il

leur fit comprendre

combien

retireraient de bnfices de belles toffes, de beaux fusils, de dlicieuses

boissons, d'objets inapprciables, inconnus d'eux encore, tels que miroirs,


bibelots de toutes formes et de toutes couleurs, articles de camelote euro-

penne, en vendant au peuple blanc leurs propres richesses et celles

qu'ils

pouvaient acqurir des matouts.

Les matouts sont jaloux des blancs,

disait Stanley, parce

que

seuls, ces

ngres-l vont jusqu'au mpoutou et en rapportent, pour vous les vendre


des taux trs levs, les produits que dsormais les blancs viendront vous
offrir

eux-mmes

tageuses.

Les

et qu'ils

vous cderont des

conditions

trs

avan-

Wambundu paraissaient disposs accueillir favorablement les tran-

gers; dans tous les cas,

ils

taient ravis d'entendre parler Stanley qui,

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

joig-nant le plus

souvent

301

de

l'action la parole, renvoyait les naturels avec

riches prsents.

Le 5 novembre, on entreprit l'ascension du mont lyumbi.


La monte fut pnible; il n'existait point de chemin fray,

pente

et la

gravir, presque perpendiculaire, avait plus de mille pieds.

Pour arriver au
wagons, reprendre

fate,

il

haleine.

fallut

plus d'une fois faire halte, caler

les

Mais au sommet, quel spectacle

Le Congo dcrivait sa trane sinueuse dentelant les plateaux de collines


arides ou boises, marques par des falaises rougetres ou des berges
crayeuses, et se perdait adroite et gauche dans le ciel bleu, dans l'infini.

six mille

au nord-est,

Cliffs, les falaises

le

Stanley-Pool dessinait ses rivages;

Dover

les

de Douvres africaines talaient leurs mamelons gazonns,

leurs futaies verdoyantes tranchant sur le blanc d'argent des collines tin-

aux premiers feux du jour.


Chaque pic, chaque sommet de la chane o s'enserrait le fleuve, se dtachaient sur une aire de centaines de kilomtres carrs, surplombant les
celant

multiples chancrures, les excavations, les valles arides ou fertiles o


roulentles eaux tantt cumeuses, tantt cristallines, des tributaires grands

du fleuve gigantesque.
Longtemps les voyageurs contemplrent

et petits

ce superbe

panorama; Mowa,

Massassa, Zinga, Bwabwa-Njali, Malima, les districts visits, chaque point

de

la

route paixourue, chaque rivire, chaque groupe d'arbres, rappelant

des dangers vaincus, des journes de repos, des heures de fatigue, dedfaillance ou d'espoir, s'chelonnaient devant eux,

comme

souvenirs, de trophes de victoire, droulant

le

autant de vivants

pass; .vers

l'est,

c'tait

l'avenir.

A
rive

l'orient

de

la

montagne, Ngoma, Sabukas, Ntamo

et les villages

de

la

gauche du Pool enfouissaient leurs huttes dans l'enchevtrement des

tiges rugueuses des palmiers et des fougres arborescentes crases sous le

sombres manguiers ou de majestueux bombax.


Trois mois auparavant, Stanley et Braconnier avaient entrevu

feuillage de

s'talait

devant eux. Du haut de

la colline

dans un nimbe argent l'esquisse du

de Kinduta,

mme

parages battre encore en retraite devant

ils

l'hostilit

des indignes ou
les noirs

ces huttes, les accidents de ce sol tourment, esclave d'un

Le lendemain. Braconnier, conduisant l'avant-garde.


la colline

qui

paysage. Devraient-ils dans ces

fureur des lments? Quel accueil leur rserveraient

plateau de l'Iyumbi au bas de

le site

avaient dcouvert

ciel

traait

la

habitants de

inclment?

une route du

de Ngoma. Quatre jours aprs

DOUZIKME

CHAPITRE

702

toute la caravane exploratrice, personnel et matriel,

L'emplacement du camp

tait trs pittoresque

s'installait

noyes dans un ocan de gramines, d'arbustes, d'arbres, dont

ondulant au souffle de
vert,

du rouge

et

du

La vgtation y

la brise, revtait toutes les

Usansi.

semblaient

les tentes

la

masse,

nuances veloutes du

jaune.

tait merveilleuse;

on rencontrait ces prunes exquises,

toutes dores, que produit l'hglik; de grands baobabs fruits normes,


les soi-disant pains de singe:

des cals-cdrats; des bassia Parlai, arbres

beurre, qui donnent une belle noix brune d'o l'on extrait une graisse
excellente pour les roues des

wagons

et les

machines: des dracxnas, des

sounts (Acacia Nilocita): quel:}ues bouquets

d'lais,

prcieux palmier

qui fournit aux indignes, outre un vin dlicieux, un beurre jaune que l'on

peut convertir en bonne huile brler, en cosmtique, une huile dans


laquelle on

fait

cuire les bananes, les ignames et les patates, ou qui est

servie en guise de sauce avec les lgumes, la volaille, le piment, et qui,


lorsqu'elle est chaude, fait

dans lequel

ils

une

Bref,

manquait

flore

les

aux habitants du pays un excellent bouillon

trempent leur pudding de cassave.


splendide;

spcimens de

un

coin

du paradis

terrestre,

auquel

il

faune africaine. Le gros gibier tait rare

la

la contre; les tourterelles et des oiseaux de tous geni'es y vivaient


cependant en grand nombre. La nature avait libralement pourvu leurs

dans

besoins.

Non

loin

du camp sourdait une eau limpide qui formait abreuvoir

glissait en murmurant travers

les

et

herbes qu'elle arrosait.

Non loin de cet den s'levait le village d'o Makoko prsidait cens;ment
aux destines des peuplades occupant le vaste territoire des Wambundu,
et servait d'arbitre respect dans les questions gordiennes qui s'lvent
entre les chefs des districts limitrophes s'tendant au sud du Stanley-Pool.
Le
de

la

novembre, ce

trs

haut

et puissant

seigneur ngre, suivi des princes

rgion, d'une myriade de sujets, apparaissait au

Bacongo, des Bazombo, marchands d'ivoire venus de

Makoko

se rendait auprs

camp

d'Usansi. Des

la cte,

de Boula-Matari. avaient grossi

sachant que
l'escorte

du

royal visiteur.

Voir Stanley
rcits qui

et ses

compagnons, contempler

couraient

l'tat

de lgendes chez

les

les

hros des merveilleux

peuplades riveraines du

Congo, tait plus qu'une attraction habituelle pour les ngres.


d'inquisition,

Un

besoin

une curiosit excessive mle de crainte superstitieuse,

les

avaient guid, au camp des trangers.


De leur cot; les blancs prouvaient une satisfaction relle de se trouver

LES BELGES DANS L AFRIQUE CENTRALE

en prsence de .Makoko.

en croire Susi,

un pouvoir sans bornes

et

son hostilit

le roi

tait

des

Wambundu

redouter pour

le

dtenait

succs de

l'expdition.

Probablement Makoko, mis au courant, depuis bien des semaines, des


gestes de Stanley, apportait dans les replis de sa peau de lopard

faits et

paix ou

la

la

yuerre aux agents du Comit d'tudes.

prfrable.

tait

ncessit

tous gards, la paix

Stanley et Braconnier reconnurent unanimement la

d'amadouer ce souverain, de

s'en faire

un

un ami, un

alli,

frre

de sang.

Au premier coup

d'il, ils

conurent de Alakoko une impression conso-

lante.

Le
et

petit

dont

le

homme, pas mme haut de


regard doux

et

innocent rpandait sur toute

apparence de bonhomie
conciliable,

Makoko

nom

Bien

et

mais bien un

qu'il soit

un appui.
un mtre des blancs

auxiliaire,

accompagnant

toujours

la

physionomie une

de franchise, ne pouvait tre un ennemi

s'avana sans hsitation

et ses qualits,

cinq pieds, qu'ils avaient devant eux,

difficile

irr-

et leur dclara

son

ses paroles d'un sourire bienveillant.

de fixer l'ge d'un ngre, on pouvait large-

ment appliquer soixante ans Makoko.


Son front lev et troit, ses tempes profondment enfonces, ses yeux
qui brillaient comme des escarboucles au fond de deux cavits encadres
de rouge et de blanc, les pommettes saillantes, le nez lgrement pat,
des lvres laissant voir des dents rares, aiguises, une longue barbiche
tresse dont la pointe descendait mi-corps tels sont les traits de Makoko
dont l'ensemble constitue une mine doucereuse.
Des sujets empresss de ce noir souverain prparrent en hte un sige
lev, en superposant des gerbes d'herbes sches; Makoko, tendant sur
:

cette espce de trne vgtal

dsignant du doigt

la

Voil l'insigne de

une peau de lopard,

fourrure de l'animal

ma

dignit.

s'assit

dessus, et dit en

Tous les noirs, prvoyant une palabra, se rangrent en


Makoko et des explorateurs, et attendirent silencieux

cercle autour

de

l'ouverture des

pourparlers.

Le peuple ngre m'appelle Boula-Matari, dit Stanley; il y a quatre


ans, je fus connu sous mon nom vritable: je suis le premier mundel vu
par les naturels de cette rgion. Je suis l'homme qui descendit autrefois le
grand fleuve avec plusieurs compagnons monts snr un grand nombre do
pirogues. Bien de mes gens sont morts, noys dans la rivire; l'un d'eux,
un blanc, mon ami, mon frre de race (Frai.ck Pocock), se perdit non loin

CHAPITRE

304

de votre royaume:

DOUZIME

reus cette occasion les tmoignages de sympathie

je

nombreux chefs des tribus riveraines, et je promis ces rois de


retourner un jour parmi eux. Depuis j'ai revu ma patrie, la grande terre
des

des

hommes

blancs: et aujourd'hui, ridle

ma

promesse,

Ntamo

mon
me

Lors de

'

Ngaliema qui
de

les

une
de

mon

sont rests fidles a

retourn

je suis

vers eux. Les gens de Mfwa, que j'avais connus dj, m'ont oubli

ceux de

souvenir.

dernier voyage auprs de .Mfwa,


pria d'aller au

mpoutou

afin

reu la visite de

j'ai

de revoir mes frres

dcider venir avec moi, dans les environs de Ntamo, pour y fonder

y cultiver des terres, et changer contre les produits alimentaires


contre ou donner en rcompense aux noirs laborieux les beaux

ville,

la

objets fabriqus par les peuples qui vivent

Ngalierha,

comme

nantissement de

bien au del de l'Ocan.

ma promesse

et

en garantie du bon

accueil qu'il devait faire ceux qui reviendraient avec moi, m'a remis
sceptre,

et

un symbole,

les

un

insignes de la royaut.

Aujourd'hui, jetraverse votredomaine; jemercndsauprsdeNgaliema,

pour y remplir mes engagements. Vous pouvez voir vous-mme mes bateaux, mes wagons de transport, mes marchandises, mes armes; je vais

me

construire a Ntamo, pour


et essayer, si je le puis,
les

disposer ensuite remonter

de btir encore plus

loin, bien loin,

Bangala, et tous les ngres de l'intrieur. Telle est

grand Makoko
suis certain.

le

grand tleuve,

chez les Bayanzi,

mon

histoire,

maintenant vos paroles, paroles d'un ami,

j'couterai

j'en

Le speech de Stanley

fut

entendu par

les assistants,

religieusement,

sans murmures, sans interruptions. .Makoko et son entourage, suspendus

aux lvres de

l'orateur, paraissaient tellement absorbs, qu'on et cru qu'ils

Tcoutaient encore aprs qu'il avait cess de parler.

Aprs cette pause, quelques chuchotements partirent du groupe de


seigneurs, de chefs bonnets rouges entourant Makoko. Celui-ci, d'une
voix d'abord basse qui s'leva par gradations au diapason

rpondit en ces termes son interlocuteur

le

plus criard,

Depuis plusieurs lunes, nous avons entendu parler de Boula-Matari et

de ses compagnons. Nous sommes eftrays du rcit des actions des mundels qui brisent les rochers, qui font voler leurs pirogues de fer par
dessus les montagnes, qui renversent sur leur passage les plus grands
arbres de nos forets, et dont les armes retentissantes tuent des distances
incalculables les

animaux de

la

contre.

procds de destruction, ces exploits


esprits,

imports par

les

blancs

.^

Que

signifient ces manires, ces

nuisibles,

ces

provocations

Pourquoi veulent-ils

nous

aux

ruiner.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

pourquoi
ciel

s'efforcent-ils d'irriter contre

nous

les divinits

de

305

la terre et

du

appris que Boula-Matari traitait avec Ngaliema

Quand nous avons

pour prendre possession d'une partie de notre royaume, nous nous sommes
indigns juste titre. Ngaliema s'arrogeait un droit, un pouvoir qu'il ne
possde pas. Quel est ce Ngaliema? N'est-ce point un transfuge de
tre des Batek, a qui

notre territoire
bienveillance

con-

A-t-il oubli qu'il doit sa fortune et sa proprit notre

.-

du fleuve?
et dites aux hommes de votre race que Makoko est le seul made la contre qui s'tend de Ntamo aux bords de l'Inkissi.
Depuis que vous la parcourez, nous connaissons journellement vos

parle

tre

la

de commercer sur

et

Prtendrait-il la toute puissance, la suzerainet des terres baignes

i<

nous avons accord de btir

lac

Sachez

nous surveillons les hommes blancs. Si leur prsence est funeste, s'ils
nous mprisent, s'ils sment la ruine ou les malfices sur leur route, ce sont
des mchants auxquels nous sommes dcids faire une guerre implacable.
Ni Ngaliema, ni un Batek, ni un de ces marchands qui vont acqurir
actes;

l'ivoire

rive

du

Ntamo, Kinschassa, Kindolo, ne possdent


fleuve. C'est moi,

verne cette rgion.

Makoko, grand

J'ai dit.

Une approbation

roi des

un

district sur cette

Wambundu,

qui gou-

enthousiaste, des applaudissements frntiques sui-

virent ce langage orgueilleux.

Bientt

foule se calma

la

Stanley d'une voix puissante et autoritaire

dclama sa rponse .Makoko

Vous avez bien

la

contre pour

les

coutumes

la

parl,

grand

premire

fois,

et les

et

roi des

ne puis tablir

je

un Mbundu. De

lorsque

pouvais savoir

je parlais

si

mme

Ngaliema

Batek. Aujourd'hui

je

moi

me

tait le vrai roi


flicite

territoire

et

je lui

mes wagons parcourant

royaume seront respects de


LES BELGES.

II.

un

de dire quelle

mon compagnon

blanc, de

Makoko,

je

ne

des \\'ambundu ou un vulgaire


;

je le

con-

adresse pour obtenir une con-

Ntamo. de m'autorisera}' fonder

de m'assurer que mes bateaux croisant sur

et

diffrence entre

serait difficile

de parler au grand Makoko

que

cession de terrains dans les environs de


ville, et

moindre

la

vous

qu'il

Ngaliema, avant de connatre

jure de rpondre la requte

une

je traversais

il

distinction de nationalit existe entre

mme,

Wambundu. Quand

y a quelques annes, j'ignorais les lois,


droits des gens de votre race. Vous vous ressemblez

tous dans ce pays, et

Batek

les

le

fleuve devant son

routes tracer

dans

ses sujets.
3()

son

CHAPITRE DOUZIME

3o6

N'est ce que cela

dit

Makoko dans un

sourire. Je serai trs

voir Boula-.Matari et ses enfants vivre en paix sur


les autorisations qu'il

heureux de

mes domaines.

J'accorde

m'a demandes. Qu'un peuple blanc grandisse

et

prospre au milieu de mes sujets! Qu'il rende de trcquentes et amicales


visites

Makoko, en

connais,

je

apportant de beaux objets fabriqus au loin! Je


possde des cadeau.x ravissants, des toffes, des fusils, de la

poudre, des

balles,

lui

des vases, de

allous les matouts retournant de la cte

les objets sont faits

bon peuple; ce peuple sera notre ami,

et

Makoko

a parl.

Bravo

bles

qu'il s'tablisse

par un grand

prs de Ntamo!

Makoko, pensrent

entendre

des miroirs, prsents que m'ont

la poterie,

il

s'agit

les explorateurs, tes

de savoir

contribu leur ralisation.

si

l'avenir

souhaitssontfort agra-

nous prouvera que tu as

Stanley et Braconnier adoraient tous les makokos du Congo,


les connaissaient. Ils se fiaient trs

tantes

comme

ils

peu leurs tirades emphatiques, miroi-

de propositions sduisantes, de promesses trop souvent men-

songres.

Nanmoins, selon

l'usage,

fou circula dans l'assemble.

pour terminer

Makoko

du vin de palme, des chvres, des poules,


de

joie

cette palabra amicale, le mala-

pria les blancs d'accepter des bananes


etc.

etc.,

en change,

il

rayonna

en emportant des prsents sans nombre; des toffes soj^euses pour

pour sa progniture, une tunique hors de


service du capitaine Braconnier pour orner sa personne royale.
ses quatre pouses, des bibelots

Plus que partout ailleurs, chez

les noirs

du Congo

les petits

cadeaux

entretiennent les petits semblants d'amiti.

Allch par

des marchandises varies dballes sur l'ordre des

Makoko prsenta un

voyageurs,

Wambundu,
Ngako

l'attrait

certain

Ngako,

frre

d'un

chef des

possesseur d'un territoire voisin de Ntamo.

demande par les blancs


serait accorde. Aprs des pourparlers sans fin, des marchandages criards,
des hsitations, des murmures, des rcriminations tapageuses, Ngako
choisit treize pices de drap, un manteau, une couverture raye de couleurs multiples, un miroir, beaucoup de couteaux de table manche
blanc, etun tas de bibelots.
Lorsque la pile d'objets fut arrange, Makoko s'avana et compta les
cadeaux,

discuta

les

le

prix auquel la concession

examina attentivement, avec mille grimaces, des sourires, des

yeux o

se lisaient le dsir et l'envie; puis, prenant

majest,

il

nor

leo.

invita

Ngako

une attitude pleine de

lui remettre la moiti des prsents

quia nomi-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

peu a Ngako;

L'invitation souriait fort

il

307

cependant

se rsigna

la

con-

comme un ordre premptoire de son suzerain.


Un moment aprs, Makoko, n malin, amena devant Stanley un ngre
tte grise, homme qu'il prsentait comme ayant une influence considrable
sidrer

du

sur les indignes riverains

Pool.

Parfaitement, rpondit l'explorateur;

'.

je suis

enchant de

faire ia

con-

naissance de ce prince. Je ne doute pas que nous vivrons en pariaite


intelligence.

Mais Stanley, djouant

la ruse,

le

stratagme de Makoko, congdia

le

donner la moindre petite obole.


Le visage de Makoko exprima le dpit, le mcontentement. Ces sentiments se lisaient dans les yeux du roi ngre, car si face ne changeait jamais

noir tte grise sans lui

de couleur,

elle tait

enduite d'une couche de suie qui rpandait une odeur

dsagrable et sur laquelle

les

gouttes de sueur perlaient et glissaient en

traant des sillages visqueux.

Vers

Makoko, qui tout l'aprs-midi

le soir,

tit

la

navette entre le

d'Usansi et son village, retournait prs de Stanley pour lui offrir

de

camp

un gage

fraternit.

Ngaliema vous

mon

donne, moi,

avait remis son prtendu sceptre, dit-il au blanc, je vous

sabre. Prenez-le; qu'il soit

un

Matari et Makoko, entre deux frres de sang!

Makoko

est

Stanley; mais
nuit

il

d'union entre Boula-

trait

dcidment un charmant homme,


abuse du voisinage.

\'a-t-il

nous

disait

laisser

cette

Sur ces mots, chacun des pionniers regagna son lit.


Le camp d'Usansi s'endormit. Aux ples rayons de
les noires silhouettes

comme

la

des ombres chinoises sur les

en Afrique centrale, quaud

ger n'agite pas

longtemps

ils

le

dmes blanchtres des


l'on

tentes.

peut sommeil-

proccupation ou l'imminence d'un dansommeil toujours troubl par les moustiques. Depuis
la

avaient perdu l'habitude de quitter leurs vtements avant

de se coucher. Tout au contraire,


se sanglaient et se vtaient

Dans de

lune argente,

des gardes chargs d'alimenter les feux glissaient

Stanley et Braconnier sommeillaient aussi bien que


ler

Braconnier

dormir

telles conditions, le

corps force d'tre moulu,

afin

de se garer des piqres d'insectes,

beaucoup plus

la nuit

que

le

jour.

repos que l'on gote est plutt factice;

s'affaisse

sur lui-mme;

les

ils

yeux sont

clos,

le

mais

aux coutes, l'esprit veille; on dort la faon des gendarmes


ou des somnambules. Les revolvers, les fusils, les carabines sont toujours
l'oreille est

porte

du vo3'ageur prudent qui s'endort sous

la

tente plante

aux

DOUZIME

CHAPITRE

3o8

mme

bords du Congo,

au milieu de peuplades qui se disent

allies.

Au milieu de la nuit, Susi, garde du camp, s'mut la vue d'un ngre


mbundu rampant comme un fauve derrire les broussailles et essayant
de fianchir
vivement

fidle serviteur des blancs interpelle

nocturne.

Makoko,

Je suis envoy par

Le

l'enceinte barricade.

le visiteur

pour parler Boula-Matari.

dit-il,

Notre matre dort cette heure, rpondit

le

Zanzibaritc.

del repose. Reviens demain, aux premiers rayons du

Non

non

velle; l'aube

Je dois transmettre aux blancs

il

serait trop tard. Je

de son frre de sang, au

nom

Le mun-

soleil.

une importante nou-

veux voir Boula-Matari de

de .Mako'Ko.

la

part

Susi tait embarrasse: son interlocuteur continuait a insister bruyam-

ment. Bientt
baritcs, des
le

la

discussion dgnra en querelle trs vive; des Zanzi-

Krouboys

s'veillrent: Stanle}^ et Braconnier, troubls par

tumulte, sortirent de leurs tentes, arms chacun

Que

se passe-t-il

comme pour le

combat.

donc? interrogea Stanley.

un ambassadeur, un messager de Makoko.


Encore Makoko
dirent l'unisson les deux chefs de l'expdition.
Mundel, dit le Mbundu, mon seigneur m'envoie vers vous pour
vous annoncer que Ngalicma et tous les chefs de Ntamo, avec environ deux
cents hommes arms de fusils, sont arrivs dans son village. Ngaliema a
dj essay d'engager des Ngambarengi. des Kimpalampala, des gens de
tous les districts voisins, pour vous combattre. Il rclame contre vous l'assisC'est

tance de

Makoko

qu'il refusait

de

et

Makoko m'a charg de vous

dire

et qu'il tenait a votre disposition

tous

de son peuple.

s'allier

Ngaliema,

wambundu.
Makoko est un bon

les guerriers

Boula-Matari

frre.

le

remercie. Si Ngaliema

dclare la guerre, dis ton roi que les blancs et les


teront pas l'acceptei-.

De

telles

n'hsi-

le sommeil au camp
deux agents du Comit d'tudes employrent les dernires

nouvelles n'taient pas faites pour ramener

d'Usansi. Les

heures de

Wambundu

la

Ngaliema. ce

nuit 'prparer

un plan de dfense en

tratre, ce noir flon

cas d'attaque

de

qui dtruisait subitement les espjrances

de conqutes, d'acquisitions pacifiques.

CHAPITRE

XIII

Les menes de Ngaliema au camp d'Usandi, prs de Ntamo.


Pool.

Le blockhaus de Lopoldville.

l'aube

du

L'En avant sur

Les plantations de

novembre, une pluie

la

cinquime

fine et serre

le

Stanley-

station.

tomba sur

Usandi

vers dix heures du matin, la brise chassa les

nuages

le soleil

quatorial resplendit dans

un

ciel

bleu

fonc.

Sur
laquelle se groupent

le

versant occidental de

comme

la colline

autant de cages poules

les

au sommet de

huttes

du

village

de Makoko, l'arme de Ngaliema dessina des lignes de noirs bipdes dont


les fusils rouilles jetaient encore,
reflets d'acier.

aux rayons de

l'asti'e

du

jour, de

vagues

CHAPITRE TREIZIEME

3fo

Les blancs purent compter leurs ennemis. Cent quatre-vingt-dix-sept


guerriers composaient la troupe du chef de Ntamo. Les assaillants mar-

chaient a grands pas vers

le

camp d'Usandi;

aux sons du tambour de guerre

et des

leurs cris belliqueux roulaient,

trombes

d'ivoire rougi,

comme un

tonnerre lointain charg de menaces.


Stanley et Braconnier paraissaient fort peu mus. Assis devant

de l'agent suprieur,

ils

la

tente

causaient avec autant de calme et d'apparente

insouciance qu'ils l'auraient pu faire surle banc d'unepromenadepubhque,

Leur escorte avait

munie de

fusils et

de cartouches, ds

la

premire

heure; Susi et trente Zanzibarites, dtachs en grand'garde plusieurs

mtres du camp, surveillaient l'approche des ennemis. Susi avait pour consigne de ne pas piendre l'offensive; de se replier sans coup frir vers le

hommes de Ngaliema tiraient

camp

si les

si les

ennemis ne

tiraient pas,

Ngaliema a rendre

visite

il

les

premiers sur son escouade,

et,

devait attendre de pied ferme et dcider

aux blancs.

Le brave Zanzibarite accomplit ce programme avec un louable sang-froid


et une rare habilet. Les hurleurs de Ngaliema, arrts par la petite troupe
de Susi, entourrent
les

les

hommes

de grand'garde

et tentrent

en vain de

dtourner de leur devoir, en attribuant a Boula-Matari toutes sortes de

malfices. Susi, ferme et inbranlable, leur dclara qu'il tait charg simple-

ment de les amener devant les tentes o les blancs attendaient im.patiemmcnt la visite annonce des naturels de Ntamo.
Mais nous venons pour combattre; nous voulons tuer les blancs et
tous leurs compagnons; nous ne sommes pas des amis, disaient les mercenaires de Ngaliema.

Eh

dessus,

bien, rpliquait Susi, vous voyez d'ici nos maisons de toile; tirez

si

vous

le

mpoutou ou de

voulez; les blancs et leurs enfants de la cte de Krou,

la cte orientale,

ne veulent pas commencer

du

les hostilits.

fusils peuvent tirer et tuer aussi bien et mieux


que les vtres. Mais Stanley refuse de verser le sang de son frre, du chef
de Ntamo, du roi qui a jur par son sceptre amiti et dvouement au

Sachez cependant que leurs

mundel.

Suspendus aux lvres de

Susi, les guerriers de

Ngaliema ne virent point

s'approcher, glissant entre les grandes herbes, Stanley et Braconnier, seuls,

sans

arme

la main, les carabines en bandoulire, les revolvers la ceinture.

Les blancs, bousculant vivement


ceinture

humaine autour de Susi

les

et

indignes qui formaient

comme une

de Ngaliema, se montrrent soudain

aux interlocuteurs.

leur vue,

le

cercle s'largit; quelques rauques

murmures parcoururent

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

l'assistance.
la

Stanley, feignant de ne rien entendre, saisit

main de Ngaliema

bonne

remercia en termes affables

et

chef de

deux mains

Ntamo de

sa

visite.

Ngaliema n'en revenait


juger

le

311

d'ici

stance

pas. Si jamais nez de ngre a t pat

son entourage partageait

on peut

l'patement complet du nez de l'hypocrite ngre en cette circonle

mme

effarement.

La situation tournait au burlesque, la factie. Ngaliema, Makabi, Mubi,


Pauchu (le brave Pauchu lui-mme!), Enjeli, un tas de gros bonnets de la
rive sud du Pool, tous tres malicieux, vicieux, dgrads, lches, ne savaient
plus quelle contenance garder, quelle attitude prendre devant la conduite des blancs.

La pseudo-arme,

horde de sauvages qu'avait racole Ngaliema,


comprenant rien a l'entrevue des chefs et des

la

attendait ahurie, hbte, ne

mundels.
Stanley, ravi de
fliciter

Mes

l'effet

de sa plaisanterie, continuait sur un ton allgre

Ngaliema de

sa venue.

tentes sont

quelques mctres, disait-il; je

l,

ramne du mpoutou

des bateaux, des wagons, des maisons prtes tre montes dans
sinage de Ntamo. Le peuple blanc viendra les habiter.

messes;

je suis

digne de porter

puissant Ngaliema.

Entre-temps, des

On

rcemment

le

Wambundu,

des sujets de

tance de leurs masses curieuses. Le

en bouche.

tenu mes pro-

J'ai

sceptre que m'a confi

le

le voi-

nom

Makoko

grossissaient l'assis-

de Boula-Matari volait de bouche

racontait les prsents qu'il avait offerts Makoko, en change

de son amiti.

On

disait aussi

blancs d'une

Ces

on-dit

village

qu'en cas de guerre

arme formidable de
n'taient

point

sans

de Makoko, on pouvait en

Makoko

Wambundu
fondement;

effet

disposait en faveur des

arms de

le sentier

des

huttes

du

distinguer depuis quelques instants

des centaines de formes humaines, charriant des

ordre de bataille par

fusils tout neufs.

auprs

fusils,

qui menait au pied du

dbouchant en

mont lyumbi.

Cette apparence de forces, allies prochaines des blancs, modifia l'humeur

belliqueuse des ngres de Ntamo. Oubliant entirement ce qui se passait et


la

cause pour laquelle

de

et del

ils

taient venus,

ils

ne songrent plue qu'a s'tendre

sur les talus herbus, l'ombre des broussailles, en formant

des cercles autour des quelques trouvres

renomms de

la

bande

et s'ap-

prtant oublier les fatigues endures par les marches antrieures dans les

du vin de palme, de la chanson et de la pipe d'iamba.


Ngaliema, pris au pige doucereux de Stanley, consentit avec les grands

dlices

CHAPITRE

3 12

TREIZIEME

de son escorte suivre jusqu'au camp d'Usandi

hommes

Susi et ses trente

fermaient

la

les

deux explorateurs;

marche. Un vritable cortge,

plus joyeux que lugubre, serpenta entre les tentes, les baraquements et les

demeure volante de Stanley.


commodment sur une ban-

chariots de l'expdition et s'arrta devant la


L, les agents

du Comit

s'assirent assez

quette (chaise portative confectionne

par

les Batek);

devant eux

en

et

demi-cercle s'installrent terre, sur des peaux de lopards, de chats-

ou de singes communs, suivant l'importance du personnage,

tigres

Ngaliema et les chefs de sa bande.


Le meeting fut ouvertpar un speech de Ngaliema, discours d'une longueur
interminable, retraant la biographie de l'orateur depuis l'anne 1S77,

il

connu Stanley pour

avait

la

premire

fois,

jusqu' l'heure de

la

prsente sance.

Dans son exorde, Ngaliema dclara


avec

hommes

les

il

s'il

lui tait

qu'il tait

dispos commercer

prouv que ces derniers

s'tablis-

son village dans l'intention de se livrer seulement au

saient prs de

commerce

blancs,

non d'voquer contre les Batk la colre des m'kissis.


Stanley rpliqua vertement aux insinuations du soi-disant chef de Ntamo;
affirma son intention formelle de se rendre auprs du Pool pour y fonet

der un tablissement.

Boula-Matari parle bien, dit en ricanant

crois les

hommes

qu'ils n'oseront

blancs dous d'intelligence,

pas affronter

la colre

le

sauvage Ngaliema, mais

ils

sont prudents

et je suis

je

sur

de Ngaliema, de Makabi, de Mubi, des

chefs de toutes les tribus qu'ils ont traverser encore avant d'arriver Ntamo.

Oh

oh

notre frre menace, reprit Stanley

Ngaliema

fait

parade

de ses fusils; Ngaliema renie sa parole Ngaliema

de ses forces, de ses allis,


veut nous faire reculer: Ngaliema oublie que nous franchissons les montagnes, que les rochers clatent, que les obstacles s'effondrent sous nos pas;
;

Ngaliema ignore que


les fusils
le dfi.

Ce

les

hommes

blancs ne savent pas trembler devant

des ngres; Ngaliema nous cherche querelle. Nous acceptons


soir,

nos wagons seront prs de Ntamo;

temps de prparer

le

dpart; m'bot,

mon

et rsolu

du chef de

veux avoir

le

ami, dressez votre tour vos

plans de guerre; essayez de m'empcher d'avancer

Le ton ferme

d'ici l, je

l'expdition

a.

provoqua dans

l'assistance

une agitation extraordinaire.


Les ngres se consultrent;

ils

parlrent entre eux voix basse d'abord,

puis leur entretien dgnra peu peu en vives criailleries, en brouhaha

formidable.
Bientt Ngaliema, s'approchant de Stanley et de Braconnier, esquissa

un

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

sourire presque gracieux et

demanda

m'a-t-il rapportes de la terre des

Ngaliema, chez qui

la

313

Quelles belles choses

hommes

blancs?

mon

frre

cupidit reprenait le dessus, voulait, avant de

dclarer la guerre aux trangers, obtenir d'eux, au prix de promesses


fallacieuses, des riches prsents

venus du mpoutou.

Stanley, s'armant de patience, contenta la curiosit

Pauchu

de

en

flon.

fils

Il

Enjeli,

caravane exploratrice. Serges rouges, foulards soyeux,

la

multicolores,

couvertures
botes

son

et

notables de la palabra. L, ces noirs avides inspectrent

et les

les richesses

du ngre

hangar aux marchandises Ngaliema

introduisit dans le

miroirs,

tain,

canifs, caisses remplies de

de bibelots,

quincailleries,

de camelote, furent dvodes yeux par

rs...

les visi-

teurs.

Ngaliema, sans gne appa-

parmi ces mar-

rente, choisit

des

chandises

repr-

lots

sentant une valeur de trois


cents francs environ,

il

en

fit

SIEGE BATEKE.

un paquet, le noua soigneusement et s'apprta l'emporter sans invitation pralable de Stanley, mais
en interpellant l'agent du Comit dans les termes suivants
:

j'accepterai tous ces biens, la condition expresse

o vous

tes.

Mes

allis

ne veulent pas que vous veniez Ntamo. Si vous

agissez contrairement leur volont

mon

retire

ils

vous feront

la

guerre, et

je

vous

amiti.
j'irai prs de Ntamo. Tous les U'ambundu le
aucun droit, aucun ordre donner dans cette contre.

Dites vos allis que

dsirent.

Vous

Vous

et les

pritaires

n'avez

Batek vous tes des trangers. Les

du

Wambundu

que vous resterez

sol, ils

de

faire

Mais Ntamo

est

ont autoris

Wambundu

ma prsence. Vous

sont les pro-

n'empcherez pas

les

de leur district ce que bon leur semble.

mon village; mon

peuple,

mes

esclaves l'ont construit

et l'habitent,

Que m'importe

votre village

environs de Ntamo, tout prs de

hommes

la

je

ne vais pas m'y loger. C'est dans

grande

blancs viendront s'tablir.

les

ils

sont bons, mais


LES BELGES.

II.

ils

rivire

Mes

que

j'difierai

frres n'ont

une

aucune

les

ville

crainte,

savent se dfendre.
AP

CHAPITRE

314

Assez, assez!

TREIZIME

interrompit Ngaliema furieux,

contract par la passion, la rage; depuis longtemps

visage boulevers,

le
je

vousrp^t: que nous

ne voulons pas un seul blanc sur

le territoire de Ntamo. Sortons de cette


aux noirs de son entourage; venez Enjeli, Pauchu, Makabi
Boula-Matari n'est plus mon frcre.

tente, dit-il

Aprs avoir

dit ces paroles,

Ngaliema, que suivaient

disposait sortir en jetant sur les objets

les chefs ngres, se

marchandises

choisis, sur les

europennes, un regard de convoitise et de regret. Soudain


sur

le

seuil

de

la tente,

un gong

par deux btons fourchus

s'arrta;

chinois suspendu en travers et support

son attention.

demanda- t-il.
rpondit gravement Stanley.
plus malin que son pre, mit l'ide que

Qu'est cela?

Un

ftiche,

Enjeli,

une sorte de cloche dont

fixa

il

Oh! Boula-Matari;

moi

le

prtendu ftiche

tait

retentissement devait tre harmonieux.

faites parler ce ftiche,

demanda Ngaliema;

laissez-

l'couter.

Impossible,

hommes
mes

le bruit, le

le

son de cette cloche est un signal de guerre! Tous mes

se lveraient, apprteraient leurs armes,

gong rsonnait sous

si le

doigts.

impatiemment

le

Non, rpliqua Stanley, vous ne l'entendrez pas.

Je veux, je

veux l'entendre!

Ngaliema arracha

le

gong

cria

de

sortit

et

la

tente

ngre de Ntamo.
en

profrant

des

menaces.
Stanley et Braconnier s'lancrent sur

ment. La lutte souleva

le

fusiliers

de Ngaliema, assoupis dans

dans

grandes herbes, s'animrent aux

les

noir et lui arrachrent l'instru-

les vocifrations, les


les

hurlements des

assistants.

poses les plus diverses, et


cris

Les
l,

de leurs chefs.

Les Zanzibarites, les homnies d'escorte de Stanley et de Braconnier


mergrent de partout, de chaque tente, de chaque abri, de chaque hutte
de feuillage, de l'intrieur des wagons, parsems au hasard sur l'empla-

cement du camp.
Sur

l'ordre de Susi,

tmoin de

grouprent, menaants et

Un

seul

la querelle,

les noirs

de l'expdition se

terribles, autour des chefs ennemis.

mot de Stanley

et

suffi

pour amener

le

massacre des ngres

trangers l'expdition.

La supriorit des armes,

la

confiance en leurs chefs blancs, l'habilet, la

hardiesse des gens de Stanley, taient de srs garants de victoire. Les


hurleurs, les braillards de Ngaliema, surpris par

le

dnouement tumultueux

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

315

d'une palabra qu'ils croyaient amicale, formaient des groupes de chair

humaine, cible vivante porte des

Makoko,

fidle sa

Wambundu,

Stanley. Les

fusils

des blancs.

promesse, avait envoy son arme au secours de


couvraient

le

camp

un

d'Usandi, depuis

instant

mls aux dfenseurs des agents du Comit d'tudes.

Ngaliema

et

son

entourage ne s'illusionnaient pas sur

du

la gravit

pril qu'ils couraient.

Les Zanzibarites narguaient

les chefs indignes,

leurs regards vers Stanley et Braconnier,

commencer

tournant par moments

comme pour

quter l'ordre de

le feu.

Les sentiments d'humanit, de respect des

faibles,

sauvrent

les jours

noirs insulteurs de Stanley, de ces princes flons, visiteurs du

des

camp

d'Usandi.

hommes de

Stanley ordonna ses

Retirez- vous, dit-il Ngaliema;

respecter son frre de sang et l'arme

amene.

qu'il avait

je

ne puis rpondre de

la

modration

de nos braves soldats, et des dfenseurs que m'envoie mon vritable ami
Makoko. Fuyez, vous avez maltrait le ftiche de guerre, il est courrouc
continua Stanley en frappant sur

contre vous. Je

le bats,

mes
votre arme qui

soldats qui se range/;t, les

cet appel

s'effraye.

Wambundu

le

gong, voyez

qui accourent, et

emmenez

Croyez-moi, fuyez, retournez a Ntamo,

tous vos gens. Les esprits malveillants invoques contre vous m'assurent

une

victoire facile et complte.

Ces paroles jetaient l'moi

et

la

consternation dans l'entourage de

Ngaliema. Pauchu, Enjeli, Makabi, Mubi, tous


la suite

les foticheurs fanatiques

de Ngaliema tremblaient de tous leurs membres;

bientt doubles emjambes, courant

comme

ils

de

s'enfuirent

autant de gazelles effarou-

ches, montrant leurs guerriers la faon de battre en retraite au pays

du Congo.
Le 9 novembre, une escouade de jeunes Zanzibarites runis par Susi
partit en reconnaissance sous les ordres de Braconnier.

de sonder

les intentions, les pi'obabilits

de l'expdition,

et

de

l'accueil

Sa mission

tait

des indignes l'gard

d'examiner quelle route prsentait

le

moins d'obstacles

au passage du matriel roulant des explorateurs.

Des

la nuit

tombante, Braconnier retournait au camp d'Usandi

et inlor-

mait Stanley de

la tranquillit

de

des difficults, des accidents innombrables, rivires, val-

la contre, et

les,

sries de

montagnes,

apparente qui rgnait parmi

forts, etc.,

que prsentait

rant l'expdition des rives du Stanley-Pool.

les

habitants

le territoire

spa-

CHAPITRE

3i6

Des troupes de Ngaliema


gnes interrogs par

il

TREIZIME

plus question

n'tait

le capitaine, le

Ntamo

chef de

selon des indi-

avait, avec

rintgr ses domaines, en affirmant son amiti, son

son arme,

alliance avec les

blancs.

Les pionniers se disposrent avancer vers

l'est;

des travaux incessants

de bcherons, de mineurs, de pontonniers, d'ingnieurs,


ds

le

i6

milles

du

rivire

novembre au pied de
village

Lutess,

de Ntamo
recevait

visite

la

pays tout entier

tait

Dix jours plus tard,

la

Ngamb^ragi,

de

allis

les

amenrent

sise

quelques

arrte sur les bords de la

le 19, l'expdition,

Nkouana, tous chefs wambundu, amis,


le

de Mbama,

la colline

Makoko,

Ngako,

des voyageurs, dclarant que

soumis aux blancs.


caravane traversait allgrement la plaine qui s'tend

aux alentours de Ntamo

et

arrivait

dans

le

voisinage des huttes de

ce village.

Les naturels, par un trange revirement d'opinion, acclamrent

venue des blancs; Ngaliema, avec un aplomb

la

inqualifiable, flicita, remercia

chaleureusement Stanley de son arrive.


L'agent suprieur du Comit d'tudes, mettant profit les dispositions
excellentes des indignes, requit l'aide des Batek pour traner vers le

wagons transportant le matriel naval.


dcembre 1881, VEn avant, pavois aux couleurs de

fleuve les

Le

tait lanc,

premier navire a vapeur, sur

les

la patrie belge,

eaux du Stanley-Pool, dans

la

crique paisible o se mirent les palmiers cjlamus, les bananiers, les mille
plantes gracieuses qui abritent sous leur vert feuillage

Ntamo ou Kintamo

huttes de

les

entrane l'ide de district).

{ki

UEii avant avait devant

lui

une route liquide de prs de

kilomtres, route navigable entre la crique de

Ntamo

trois mille

et les

Stanley-

Falls.

cette

d'tudes,

mme
la

date, l'emplacement de la cinquime station

station

de Lopoldville,

tait

choisi

et

du Comit

acquis

dfiniti-

vement.
Lopoldville,
s'lever sur

terrain,

custre

comme

plupart des tablissements de la socit

mais mi-cte, sur

du

le

versant tourn vers

cet
la

devait

exhaussement de

vaste expansion la-

fleuve Congo.

Cette pente descend


lace

la

un monticule, non pas au sommet de

doucement jusqu'au Stanley-Pool

du remblai o seront construites bientt

les

y projette, en
maisons de la station,
et

une sorte de port naturel, havre commode et sur pour les embarcations,
qui fora de Lopoldville la capitale commerciale de l'Afrique centrale.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

ce port, en eftet, selon les calculs de Stanley, 4,520 milles de naviga-

De

tion libre s'ouvrent vers le nord, le sud et l'est au.


Il

31:

deviendra un jour

occidentale, et

marche des points

d'une voie ferre aboutissant a

le tenniynis

le lieu

les

matiques

cte

plus loigns et les plus populeux du centre africain.

et mdicinales,
les

la

noir.

d'arrive des caravanes venant grandes journes de

L'ivoire, le cuivre, le fer, les pices, les bois

gomme,

cur du continent

de teinture,

les

plantes aro-

la cire, la

produits varis du sol

privilgi de ces contres tropicales,

y seront changs contre les articles


de toute espce manufacturs en
Europe.

La

situation de Lopoldvilie est

admirablement choisie

mande
amont

la sortie

elle

com-

du fleuve un peu en

des rapides Livingstone

(/d

Pre, la Mre, l'Enfant).

Le

pa3'sage est partout d'un pitto-

resque achev.

Au

nord-est, le Stanley-Pool dve-

loppe sa large

expansion, qui ne

mesure pas moins de


carrs, soit

i.i^oo

kilomtres

approximativement

fois la superficie

du

lac

trois

de Genve.

Le Congo forme dans ce bassin


gigantesque une foule de bancs de
SCHIZORHIS GIGANTEA.

sable et d'les de toutes dimensions

couvertes de palmiers, de borassus, de papyrus, de paltuviers, et d'uno


vgtation aquatique paisse et luxuriante. La plus considrable de ces
plus de trente kilomtres de longueur.

les a

Les buffles et les lphants frquentent ces grandes les boises; des troupeaux innombrables d'hippopotames peuplent les eaux du lac, et sur ses
rives sablonneuses d'normes alligators rchauffent au soleil leurs carapaces
paisses. Mille varits d'oiseaux aquatiques, plicans, cormorans, hi-ons,
ibis,

cigognes, oies, canards, Schizorhis gigantea, ont lu domicile dans les

massifs de bambous, de joncs et de rotangs.

Sur

la rive

nord resplendissent

chane de collines boises dont


mtres.

la

les )oi'fr C/?i^-;

hauteur varie de

au sud se droule une


trois cents sept cents

CHAPITRE

3i8

TREIZIME

Contrairement aux prvisions des explorateurs,

moins peuples que

les rives

du Pool sont

berges du fleuve en aval de Ntamo.

les

Les tablissements indignes y sont trs rares. Sur la rive septenMfwa et Malima, dont nous avons parle, sont les seuls centres

trionale,

populeux.

Ntamo, Kinchassa, Kimpoko, Mbangoa


plus importants de

Les uns

de hautes
niers,

et les

et

Nkounga sont

les villa5:es les

mridionale.

la rive

autres sont des agglomrations de cabanes, entoures

palissades, toujours enfouies sous la verdure des palmiers, bana-

manguiers, maracujas, sauersops (sorte d'ananas),

et parfois ados-

ses des forts profondes o rgne dans toute sa majest le baobab

gigantesque.
L'tablissement de Lopoldville, premire station

du Moyen-Congo,

chef-lieu des territoires

du Comit

d'tudes,

commandement du

confi au

capitaine Braconnier, tait bauch ds les premiers jours de l'anne 1882.

La fondation de ce centre

hijspitalier donna naissance

d'pisodes intressants dont

Nos

le

nombre d'incidents,

hros toujours grotesque eut

nom Ngaliema.

lecteurs auront jusqu' prsent prouv une difficult relle

nir le caractre de ce personnage,


les pithtcs multiples

Comme une

qui

lui

pour dfi-

pour appliquer ce Batek enrichi

conviennent.

sommet d'un

girouette place au

quelconque,

difice

Ngaliema obit toujours aux plus forts courants, aux soufles du moment,
l'impulsion que lui inflige la multitude lunatique effrontment appele sujets du roi de Ntamo .

En

prsence de pareils tres, l'explorateur se laisse involontairement

emporter par des rflexions souvent dcourageantes au point de vue du succs de la mission qu'il doit accomplir

Bien des

fois

Braconnier, se heurtant aux lubies fantasques, dangereuses

de son voisin de Ntamo, et prfr

se trouver la tte d'un peloton de

cavalerie chargeant des force suprieures en nombre, mourir ou vaincre

en frappant, plutt que ronger son frein

et discuter, jouer

de ruse avec

le

madr coquin Ngaliema.


Le milieu gographique

est,

avec la race et

la religion,

le

plus grand

facteur dans les volutions des peuples et des civilisations, dans la formation

des

traits distinctifs

qui les caractrisent. Les facults ph\-siques et intel-

lectuelles de l'homme sont au cours des ges

influences par

le

gent du globe,
dsign, parco/

genre de
c'est

\re

vie.

ainsi

cheval

le

Que

l'tre

et

sous toutes les latitudes

humain, l'animal

que l'homme lui-mme


steppe ou

la

s'est

le

plus intelli-

modestement

savane, cherche sa route travers

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

le

ddale des forts vierges, vive sur les sommets ou

gnes,

demeure enferm dans une

ile

comme

!i9

les flancs

des monta-

dans une prison, habite un

pays de fleuves navigables ou une rgion de rivires obstrues par des


cataractes,
les

que son regard

soit

born par un horizon troit ou

immenses plaines ocaniques,

la terre

qui

le

qu'il

embrasse

porte, le nourrit, le fait

vivre,le tue, faonne toujours son corps et son esprit aux formes variables

de son moule merveilleux.


Les changements de dcors prodigues par mre nature au Congo moyen;
le

fleuve vaste

comme une

mer, dployant

la

nappe majestueuse de

ses

.^^C'-'r^Sjy

-v/j/A-

% V%

^o'3?-^

VV
.

J^

CARTE DU STANLEY POOL.

eaux sur une largeur de centaines de


dans une srie de

lieues, puis s'encaissant, se resserrant

dfils, se frayant, torrent vritable,

un passage aux

cata-

ractes Livingstone, baignant des contres coupes d'excavations, surplom-

bes de collines,
fertile,

l,

dessches, sous

un

soleil

de feu,

ici,

esclaves d'un sol

recouvertes d'un vgtation luxuriante, semblent avoir inflig aux

peuplades incultes de cette rgion un caractre changeant, passant par


toutes les transformations imaginables.

Ngaliema, plus que tout autre personnage ngre, possdait un haut


degi' la facilit de modifier en

vis--vis des agents

du Comit

apparence ses sentiments


d'tudes.

et

son attitude

CHAPITRE TREIZit.ME

S20

Le
le 4,

dcembre,

aidait avec ses esclaves

il

au tranage des embarcations

acceptait de la libralit de Stanley les plus riches prsents en rcom-

il

pense de ses services;

le 5,

sans aucune provocation de

sans motif plausible, sous l'influence d'un rve de

la

part des blancs,

la

nuit,

dcidait le

il

massacre gnral de l'expdition.

Ds

matin de cette journe, .Ngaliema convoquait

le

de

les notables

Ntamo Makabi, Mubi, Ngako, Enjeli, et leur soumettait un plan d'attaque


du camp de Lopoidville.
A trois heures de l'aprs-midi, les conspirateurs, noirs suivis de cent hommes arms de mousquets, hurlaient derrire la palissade, ceinture de
troncs d'arbres, de ronces, de lianes, qui protgeait le campement de
:

Stanley

Braconnier.

et

Ces derniers, avertis par


garder

les brches, les issues

hommes

courageux
ngre dans

le

d'escorte.

camp,

des assaillants, avaient

les cris belliqueu.x

fait

de l'enceinte du campement par leurs plus

Dfense expresse de laisser pntrer aucun

telle tait la

consigne de chaque gardien.

L'un d'eux, jeune Zanzibarite, vigoureux, serviteur dvou et fidle des


blancs, gardait le

semblant de porte o vint se heurter Ngaliema. Le chef

de Ntamo essaya vainement de dcider ce gardien


soldat ngre, esclave de

la

consigne

comme un

livrer passage, le

lui

vtran des arm'es d'Europe,

refusa nergiquement.

Ngaliema, furieux, assena sur

De

sceptre.

l'il droit bless

noir poussa
seur.

un

cri

le

visage de ce brave un violent coup de

du Zanzibarite

de rage, leva son

L'arme dvia,

la balle siffla

jaillirent

fusil et tira

des

flots

sans pauler contre l'agres-

dans l'espace. Au langage de

faces des ngres, soldats de Braconnier

de sang. Le

la

les

ou gens de Ngaliema, brillrent

d'une ardeur guerrire, de colre, de rage, du dsir de donner

Au

poudre,

la

mort.

bruit de la dtonation, Stanley et Braconnier s'taient approchs de

Eux-mmes

Ngaliema.

introduisirent

dans

son escorte de notables. Les explications

les

le

camp

le

chef ennemi et

plus vives terminrent cet

incident.

Une

de plus,

fois

douceur,

la

la

patience surhumaine, l'exprience diplomatique,

la

gnrosit des agents du Comit d'tudes, vitrent un combat

imminent.
Ngaliema, amen confesser ses intentions malveillantes, se repentit,
jura de nouveau amiti et fraternit ses voisins de Lopoidville.

Sur

la

demande de

Stanley, Ngaliema s'engagea interdire aux Batekc

camp de Lopoidville.
serments du chef de Ntamo ressemblaient autant de serments

de pntrer en armes dans

Mais

les

le

LES BELGES.

II.

4i

^o

Ch Iwrvt'nurns. duL

J.BemJiaul

Se.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

mme

d'ivrogne: sincres peut-tre l'instant

ils

taient prononcs,

taient oublis le lendemain.

ils

Le 6 dcembre, Ngaliema, chef d'une

escadrille de pirogues,

sur son grand canot de guerre, tentait l'abordage du steamer

La

petite

garnison de Lopoldville,

commande par

En

mont

avant.

Braconnier, se

porta au secours de l'quipage du navire. Ngaliema, qui avait compt

s'emparer des embarcations en raison du petit nombre de leurs dfenseurs, changea de tactique devant les forces runies de l'expdition.
Confiant dans la patience sans gale des blancs,

il

osa se prsenter

devant eux.

Avouez nettement vos intentions, lui dit Stanley. Voulez-vous la


Notre patience est lasse. Les Wambundu
paix ou la guerre.^ Parlez
avec eux, ils viennent nous voir chaque
commerons
amis,
nous
sont nos

jour;

ils

nous vendent

duits de leur sol,

ils

les

pro-

nous aident

dans nos travaux. Vous, Ngaliema, vous revendiquez le titre

de frre

d'ami,

Boula-Matari,

de

et

sang

de

chaque jour

vous manquez aux devoirs de


et mes compasommes sans cesse

moi

l'amiti;

gnons, nous

en butte vos tracasseries,


vos menaces, vos attaques. Je

ne veux plus tre votre ami,


ne veux plus tre votre

Par grce,

avons

fait

dsormais

cria

l'change
je

je

HABITATION INDIGENT (lOPOLDVILLE).

frre.

Ngaliema, notre fraternit ne peut tre brise; nous

du sang:

je suis

et resterai

votre

alli,

votre ami;

ne troublerai plus votre repos.

En somme, avec un voisin aussi turbulent, d'humeur aussi changeante


que Ngaliema, il tait difficile de se livrer tranquillement aux travaux de
construction et d'amnagement de la station de Lopoldville.
Braconnier, sans cesse sur le qui-vive, procda nanmoins l'installation
des premiers btiments, conformment aux plans et aux projets du Comit
d'tudes.

Le

du

dcembre, VEn Avant devait s'essayer nager sur

Stanley-Pool. C'tait le matin,

les

eaux calmes

de grands nuages blancs, d'un model

large et ferme, flottaient indcis, laissant voir des troues d'un bleu

sombre

et

profond.

CHAPITRE TREIZIME

324

Une

brume s'talait sur les immenses


noyait dans une pnombre gristre les bouquets

lgre couche de

largi, et

les

du

fleuve

d'arbres d'un

vert bronz qui rompaient ca et l la monotonie des rives.

Dans l'aprs-midi

les

nuages se dissiprent:

sa clart et illumina le fouillis trange, le

le soleil resplendit

remue-mnage

dans toute

fantastique que

prsentaient les environs de Ntamo.

Les Batek, natifs de l'endroit,

haut Congo,

les milliers

les

Bayanzi, porteurs d'ivoire venus du

de ngres vivant sur

le territoire,

rvolutionns

depuis plusieurs jours par la prsence des blancs, sont tous accourus ds
l'aube sur les bords du Stanley-Pool, pour assister aux essais du monstre
marin.

Les femmes dlaissant leurs travau.x de culture,

les enfants

ddaignant

leurs jeux, obissant la curiosit gnrale, talonnent leurs maris, leurs

pres; la rive sud est bonde de

monde.

Quantit de canots indignes, de pirogues grossirement sculptes, sillonnent le fleuve d'autres, choues prs de la berge ou rattaches par des
amarres de rotang aux arbres du rivage,' se balancent sur place, encom;

bres de cratures humaines.


Bientt

un

tourbillon de

dessus du navire;

la

fume s'chappe avec un

proue de Eti Avjiit fend

spectateurs saluent d'un hourra formidable

Ngaliema a

les

le

sifflement, et plane au-

eaux calmes du Pool

Le lendemain

avec des ides sombres et des prtentions fanfaronnes;

cet effet,

il

envoie son

fils

contre les
le

il

se lve

est

campagne environnante pour

wambundu,

visits

tour de rle par

du chef de Ntamo, refusent de participer un soulvement


trangers. Makoko, particulirement, se dclare l'ami, le fi-re et

dfenseur envers et contre tous de Boula-Matari

Ce

il

possd de
monstrueuse pirogue des blancs.

Enjeli battre la

racoler des allis. Les chefs batek,


l'missaire

la

les

faux dpart du steamer.

assist lui aussi, cette fte nautique.

nouveau du dsir de s'emparer de

et

de Braconnier.

dernier, chef d'une station crer entirement, dresse son escouade

noire aux diverses fonctions de soldat, d'ouvrier et de cultivateur.

Avant d'lever des btiments sur

Lopold

, il

fallait

le

fleuve septentrional de la colline

entreprendre des travaux importants de nivellement,

de terrassement, dpouiller
vivace qui l'encombraient,

le sol

des rochers, des amas de vgtation

prparer en un mot

le

terrain

pour

la

con-

struction.

Le mois de dcembre, consacr en entier ces occupations, offrait heureusement une priode favorable la sant de chacun des menbres de l'expdition.

LES BELGES DAXS L'AFRIQUE CENTRALE

Les forces phj-siques,


hter

la

le

courage

325

morale de tous devaient

et l'nergie

fondation de Lopoldville, en dpit des alertes, des escarmouches,

des semblants de prise d'armes que


l'hypocrisie, l'insenseisme

la jalousie,

le

ftichisme, les menes,

de Ngaliema suscitaient chaque jour.

Pour se prmunir contre toute ventualit d'attaques srieuses

et

dange-

reuses de la part de son acaritre voisin. Braconnier tablit tout d'abord

un blockhaus, au centre mme de l'emplacement de

la

future capitale

du

Moyen-Congo.
L'dification

puissante

de

abri,

cet

dfense

inexpugnable, protection

toute-

une arme de Ngaliema, entrana de prodigieuses

contre

fatigues.

Stanley, dont les loisirs Lopoldville devaient tre remplis, cote

que

une occupation quelconque, a not scrupuleusement le nombre


poids des matriaux enfouis dans cette construction. Grce aux dtails

cote, par
et le

du clbre explorateur

anglais,

nous pouvons reproduire

ici la

nomencla-

ture chiffre des vgtaux employs la charpente du blockhaus.

Cent vingt-cinq troncs normesdeteck, deux mille cinq cent quatre-vingt-

deux

de varits diffrentes, rduits aux dimensions uni-

petits arbres

formes de quatre mtres cinquante de longueur


vingt et

un

mille cent cinquante-six

cinquante de long
lianes,

bambous,

aux

et

un mtre de diamtre

rameaux planchis de deux mtres

dLx-huit mille neuf cents livres de gramines, joncs,

etc., etc., telles

furent les substances vgtales

emprun-

grand renfort de ngres jusque sur


place concde, faonnes, rabotes par les charpentiers krouboys et

tes
la

forts voisines, tranes

disposes en forteresse d'aprs les plans des explorateurs.

Ds

le 10 janvier 18S2,

le

blockhaus entirement construit surplombait

de deux mtres et demi le sol nivel de la station.


A l'abri de cette forteresse, les blancs et leurs serviteurs, au nombre de
cent cinquante-trois, vaquaient ds lors, en toute scurit, l'dification

d'un vritable village auprs duquel devaient rapidement grandir de dlicieux jardins.

Un

agent allemand du Comit d'tudes, M. Teusch, procdait plus tard

l'tablissement d'importantes cultures autour de Lopoldville.

Huit mille bananiers y taient plants et bordaient la longue avenue conduisant du blockhaus au port naturel de la station, havre paisible form par
les

eaux du Congo en amont des cataractes Livingstone; droite etgauche


les jardins de Lopoldville recevaient 52 plants de

des bananeraies,

sauersop, dont le fruit se rapproche beaucoup de l'ananas import d'Am-

rique sur nos marchs d'Europe

30

mangos (pruniers)

15

pommiers

CHAPITRE TREIZIME

326

arbres pain Alro corpus incisa 6 poiriers, 22 pommes-cerises,

6 vanilliers, 6 cocotiers, 25 orangers,


les fruits

les

choux,

dveloppaient, aussitt sems. Le manioc,

couvraient peu peu

le cafier,

La

le

les salades, les carottes,

sorgho,

la

canne sucre,

les acres dfrichs.

extraordinaire de

fertilit

dont

la confiture.

ces plantations importantes, des jardins potagers

taient crs sur le territoire concd


s'y

figuiers et 2 macaruyas, arbres

donnent un jus assez semblable

Indpendamment de

cerisiers,

la terre

autour du pool garantissait

le

succs des rcoltes venir.

Chaque semaine amenait un changement, une amlioration dans


tre des fondateurs de Lopoldville

le

bien-

des logements confortables, btis en

chaume, blanchis la chaux, succdrent aux


des hangars, des magasins de fer, se dressrent

torchis, en bois, recouverts de

tentes de

campement

peu peu sur

le flanc

de

la colline

des services rguliers de caravanes re-

au monde civilis, avec esManyanga, Issanghila, Vivi, Boma, Banana; et les indignes des
alentours, Batek des deux rives du pool, Wambundu de la rive gauche,

lirent les habitants de cette nouvelle colonie

cales

conquis par

la

bont, l'amabilit, la gnrosit des explorateurs blancs,

cessrent contre eux toutes tracasseries et menes belliqueuses.

Ngahema devint un visiteur assidu et amical du chef de la station. Le


makoko de Bwabwa-Njali, l'ex-ennemi des voyageurs drouts sur la rive
amende honorable aux mundels de Lopoldville il franchit
bien des fois sur sa pirogue rapide la largeur du Stanley-Pool pour ap-

droite,

fit

porter ses amis

les

denres alimentaires,

blancs

des cargaisons de cadeaux, comestibles,

toujours apprcis et largement pays par les

trangers.

Mais ce fut surtout dans

la

journe du 27 fvrier, journe d'inauguration

du magasin de marchandises de Lopoldville, qu'on vit affluer


un nombre extraordinaire de visiteurs des deux rives du Congo.
La

curiosit avait

amen de tous

l'imagination s'embrasait la vue

les points

du

de

la

la station

contre des ngres dont

brillant talage d'toffes de toutes

couleurs, soies, satins, rubans, dentelles, galons d'or et d'argent, dguisant

mal dans leurs mille

replis des centaines d'objets, produits

d'Europe l'usage des bazars prix


L'instinct commercial, le dsir
lisaient

dans

satisfaire

les

fixes et

de

l'industrie

modrs.

de possder ces prtendues richesses, se

regards avides de ces nafs admirateurs ngres

en partie

la

il

fallut

cupidit excessive des acheteurs.

Les explorateurs, commerants non patents cdrent, tout venant.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

moyennant des quotits de valeurs


teaux, botes en tain, vases

locales, les

mtres d

327

toffes, fusils,

cou-

en porcelaine, miroirs, verres, bouteilles vides,

douzaines de clous, mouchoirs, foulards, bracelets de cuivre ou de nikel,


pipes en terre, canifs,

Stanley estima que


ciales

etc., etc.

la

vente de ce jour enievait aux rserves commer-

de l'expdition une quantit de marchandises d'une valeur de deux

mille francs, calcule sur les prix d'achat en Europe.

De

telles libralits conciliaient

aux explorateurs

le

dvouement momen-

tan des naturels du pays.


Batek,
village,

Wambundu,

les

montraient de march en march, de villages en

dons merveilleux

qu'ils tenaient

de

leurs rcits exeraient sur les populations noires

la

faveur des mundels;

un

attrait irrsistible,

une

sorte de fascination.

De tous

o s'arrtaient

les points

ainsi les bnficiaires

de

la

mise en

vente des marchandises de Lopoldville, partaient des caravanes interminables d'hommes, de femmes, d'enfants,

avides de voir, d'acheter les

richesses des blancs.


Elles arrivaient la station, grossies des contingents

nombreux des

curieux ou des marchands rencontrs sur leur route.

Pendant

les

premires semaines de mars, l'affluence des visiteurs meles magasins de Braconnier.

naa de ruine complte

L'conomie imposa

Gamankono,
d'tudes, un

le

makoko de Malima,

le

ballot

On dut cependant

hol aux prodigalits.

livrer

aux agents du Comit


colossal de bibelots choisis par lui, en change de projadis hostile

messes d'amiti.

Promesses d'amiti! ce genre de payement


socit

purement

civilisatrice et

satisfaisait les

agents d'une

philanthropique. Quel plus puissant argu-

ment pourrait-on invoquer pour confondre

les

pamphltaires qui repro-

chaient en termes virulents aux promoteurs de l'OEuvre africaine de tenter

une spculation

En

financire,

une grosse

affaire d'argent.^

un centre hospitalier fond


de ceux de Manyanga, d'issanghila, de Vivi. Les pionniers de la
premire expdition du Comit d'tude savaient amen l'uvre au terme de
fvrier

1S82 s'levait Lopoldville

l'instar

sa premire tape

d'o jaillissaient les

sur

un parcours de

re, dblaye,

quatre colonies naissantes, quatre embryons de

premiers rudiments de
six cents kilomtres

villes

s'chelonnaient

de voie fluviale, reconnue, explo-

ouverte l'industrie et au commerce des peuples par une

poigne de curs dvous


Bientt

la civilisation,

et vaillants.

un nouveau pionnier

belge, le sous-lieutenant Joseph 'Van de

CHAPITRE TREIZIEME

328

Velde,

officier

d'artillerie,

arrivait

Lopoldville

pour

diriger

des

constructions de bateaux, embarcations destines porter au centre

mme

du continent noir les hardis explorateurs enrls sous la bannire


toile d'or, du Comit d'tudes qui prend le nom d' Association
nationale du Congo .

bleue,
inter-

CHAPITRE XIV

Reiour de GiUis Borna.

La premire

factorerie belge

animales, vgtales, minrales du bas Congo.

Les produits de l'industrie belge au Congo.

Les

au Congo.

articles

de troque.

M. Delcommune

Les productions

Les cultures.

et les chefs

de Borna.

^Yr^|~^5j(^^ ous avons mentionn, au cours des prcdents chapitres,


-

'rtVMr^l^

%i

l'apparition

sur les

bords du Congo des missionnaires

anglais ou franais, protestants ou catholiques, suivant pas


pas les explorateurs

^^

missions religieuses dans


de,

marquant

ainsi tout

jalon philanthropique.
LES BELGES.

du Comit

d'tudes.

Ces courageux civilisateurs tablissaient dessein des

II.

les

parages de chaque station nouvellement fon-

progrs de l'expdition de dcouvertes par un

Le voisinage d'une force arborant un drapeau


42

CHAPITRi: QUATORZIME

330

neutre
Ils

tait

pour eux une garantie certaine d'assistance

et

de secours.

y rencontraient l'occasion soit l'hospitalit la plus large, soit l'appui

le

plus efficace.

Ces tentatives de civilisation diriges au Congo par des explorateurs et


des missionnaires ne pouvaient manquer d'attirer l'attention des capitalistes

du monde

nouveaux comptoirs

entier et d'amener la cration de

commerciaux.

On

que

sait

la

Hollande, la France, l'Angleterre,

Portugal, taient

le

depuis de longues annes commercialement reprsentes sur

les rives

du

bas Congo.

M. Adolphe Gillis devait, en' fvrier 1882, conqurir au commerce belge


une place au soleil africain. Le ngociant de Braine-le-Comte, avait emport de sa premire excursion au Congo l'intime conviction que la
Belgique

situation de tirer grand

profit

Belgique est un des pays

les

commerce

d'Afrique

pdier, Anvers

Daumas, ngociant

selon les termes de M.

tait,

de

l'initiative

en

franais,

de son souverain. Car

la

mieux placs pour pratiquer avec fruit le


port admirable pour expdier, recevoir et rex-

production varie et d'un bas prix remarquable, poudre,

armes, cotonnades, spiritueux, cuivrcrie, ferronnerie,

mation importante des produits

africains.

etc.

enfin

consom-

Boma, port important du grand fleuve, entrept o viennent


aboutir les denres marchandes de l'intrieur, que Gillis retourna pour
obtenir du chef ngre Ncorado, des terrains sur lesquels serait btie la
C'est

premire factorerie abrite sous

pavillon jaune, rouge et noir de la

le

Belgique.

Une confrence amicale avec le puissant souverain indigne remplit


soire d'arrive du ngociant belge.
Sous

les

la

derniers ra3'ons du soleil couchant, quelques nuages revtant

mille formes fantastiques, passant par les nuances les plus fines et les plus
dlicates

du

rose,

du

vert,

du

gris et

du

bleu, roulaient sous le ciel leurs

masses houleuses, immenses nappes fouettes

comme

agite par la brise. Le disque incandescent de l'astre

dans un ocan de feuillage form vers l'occident par

de gigantesques baobabs. Spectacle ferique


la

scne trange laquelle l'Europen

Tous

les

gratifier

la

surface d'une

mourant
les

mer

s'enfonait

groupes compacts

et grandiose,

digne cadre de

allait assister!

espaces libres entre les huttes de Boma, espaces que nous devons

du nom de

la race noire,

rues, regorgeaient

d'hommes, de femmes, d'enfants de


teints empruntant les diff-

aux physionomies diverses, aux

rentes nuances

du noir

chocolat. Cette multitude incohrente attendait

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

anxieuse les rsultats de

la

palabra qui se tenait sous

la

du

vaste halle

chimbeck-palais du roi Ncorado.

Ce dernier, adoss au mur de sparation du chimbeck, tait accroupi,


ayant sa droite et sa gauche des arcs de cercle forms par les hauts
personnages de sa suite galement

assis terre

dans

la

position habituelle

des ouvriers tailleurs europens. Tous ces sauvages, vtus de grandes toges

aux multiples couleurs,


criant avec fureur,

M.

Gillis,

la

mine

svre, tantt causant voix basse, tantt

discutaient les rclamations, les propositions

commodment

assis

sur une chaise en face du souverain,

que

faisait

traduire l'assemble par ses interprtes.


Il

s'agissait

pour l'Europen d'obtenir aux conditions

geuses l'achat des terrains

qu'il convoitait et d'tablir le

les

plus avanta-

taux de l'indemnit

annuelle qu'il devrait payer au souverain de cette contre pour l'installation

de sa factorerie.

Le tumulce qui s'levait par moments au sein de cette assemble, pourpeu nombreuse, tait assourdissant.
Ncorado, tout roi qu'il tait, ne pouvait lui-mme se faire entendre, et il

tant assez

sollicitait

en vain l'attention de son entourage pour numrer

les

conditions

il prtendait accorder l'Europen le droit de commercer dans son royaume. Enfin, dressant tout coup sa taille assez
leve, le souverain ngre, lgrement vot, d'un ge assez avanc, mais
l'apparence encore solide, imposant son visage encadr d'une barbe et

usuraires auxquelles

de cheveux grisonnants un certain


dignit,

fit,

air indescriptible

de noblesse

et

de

au milieu du silence profond des confrenciers, sa dclaration

aux droits de rsidence du ngociant belge. Un nombre limit de


dames-jeannes de tafia, de fusils, de brasses d'toffes, d'articles de verroterie

relative

etc., etc..

par AL

dtermina l'importance d'un impt supportable, qui

Ce dernier, conformment aux usages,


la

fut accept

Gillis.

offrit

tous les ngres prsents

palabra des cadeaux abondants dchargs peine du bateau qui

amen. Le

ment de
l'offre

roi et les princes, si srieux,

la

si

graves,

si

l'avait

imposants enfin au mo-

dclaration des droits, perdirent tout leur sang-froid devant

gracieuse du blanc. Les uns et les autres sortirent de dessous leurs

toges une sorte de vase pass au bras, qu'ils tendirent vers l'Europen en
lui

exprimant par des gestes expressifs combien

possder du

Tous

tafia,

ils

seraient heureux de

plein ces rservoirs.

ces hauts personnages offrirent

une scne d'un haut comique

lorsque, assez avant dans la nuit, sur l'ordre de

bution d'eau-de-vie leur fut octroye.

I\L Gillis,

une ample

distri-

CHAPITRE QUATORZIME

334

Ils

criaient, ils se disputaient,

ils

se bousculaient,

pour tre servis

les pre-

miers, renversant dans ce tohu-bohu inexprimable quelques bouteilles


liquide qui s'chappait, emplissant d'une vague odeur d'alcool

chimbeck, qu'clairait

Au

la

tafia,

du
du

lueur incertaine d'une mauvaise lampe.

dehors, les noirs, auxquels l'Europen avait galement

des barils de

la halle

festoyaient

bruyamment

la clart

fait

distribuer

blafarde de la lune, en

attendant l'arrive des fticheiros, convoqus en hte pour battre le ftiche

en faveur du blanc.
Bientt Ncorado, suivi de toute sa cour, franchit

beck

Le

et s'avance,

roi est

orne de

vraiment magnifique

griffes

de panthre

et

la

carlate flotte,

reins et

porte de son chim-

sa tte disparat sous

une barrette rouge

borde de dents de requin; son cou

bras sont couverts de colliers et de bracelets; sur


pieds tranche

la

vtu de sesornementsdistinctifs, parmi ses sujetsbruyants.

la

et ses

couleur fonce de ses

blancheur de larges anneaux d'argent. Un grand manteau

attach ses paules;

retumbe presque sur

un pagne de

soie jaune lui ceint les

ses chevilles; sa ceinture

pendent une peau

de grelots qui tintent quand il marche.


Leshommes qui suivent le roi, artistement dshabills dans leurs costumes
de gala, sont en outre arms de fusils a pierre, et ont puis dans les vases
de chat-tigre,

de

tafia

et

une

infinit

des voix rauques, des sons tranges dont

ils

emplissent l'espace

obscurci.

Parvenus

un march indigne,

le roi et

feu de

menu

bois.

se tient le

matin

son escorte s'arrtrent auprs des fticheiros

qui, peine arrivs et instruits

un grand

une place o d'habitude

travers la foule sur

du
la

rle qu'ils devaient jouer, avaient

lueur de

ce. foyer,

allum

tandis que l'un des

fti-

cheiros crasait sur une pierre des herbes soigneusement tries et choisies

l'avance,

un de

ses acolytes rchauffait sur le feu

une marmite remplie

d'huile d'arachide.

Les noirs rangs en cercle autour des sorciers gardaient en cet instant

un

religieux silence.

L'huile bouillante souleva par saccades le couvercle de sa prison; l'un

des fticheiros arm d'une baguette, tout en se parlant voix basse, en


levant les yeux vers les toiles, en prenant des attitudes inspires, intraduisibles, traa autour

ce

mange

fini, il fit

du fourneau des

cercles suivis d'autres cercles; et,

signe l'un des noirs de l'assistance d'approcher.

Ncorado s'avana bravement; il entendait par sa conduite martmoin de la crmonie, le bienveillant intrt que Sa
l'Europen,
quer a
Majest noire prenait l'avenir du blanc. Ds que le roi fut tout prs du
foyer, le fticheiro lana dans l'huile bouillante un anneau en fer. Ncorado

Le

roi

PLAN DE LA FACTORERIE BELGE DE BOMA.

ECHELLE

A Maison

principale

B Maison

d'habitation

Chantier

et ratBnerie d'huije

Magasin de poudre

C Magasins

L Chimbeks

D Salle manger et
E Etablissement de
F Pont en fer
G Remise

bureaux

Etable de moutons

bains

N
O

Ecurie de bufs

H
I

des ouvriers indignes

Colombier

P Factorerie Portugaise

Jardin potager

Factorerie Hollandaise

Cuisine

Ligne de dmarcation

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CEXTllALE

337

aprs s'tre frott les mains avec les herbes piles, plongea vivement la droite

dans

le liquide,

en retira l'anneau

tomber

doigts, puis le laissa

brler, accompli ce prodige,

preuve

qu'il retint

quelque temps entre ses

heureux

terre. Alors,

expliquer M. Gillis que cette premire

il fit

lui tait favorable.

La pratique de l'anneau rappelle quelque peu


banques excutent sur
ceux-ci, plus forts

les

que

les

tours que les saltim-

places publiques de nos villages d'Europe;

les ngres,

en bullition, mais encore

l'huile

sans se

et fier d'avoir,

tique est d'ordinaire inflige

plongent non seulement


la tte

comme

dans

l'tain

la

mme

main dans

en fusion. Cette pra-

preuve aux naturels accuss de

mfaits.

Mais

les

dieux de

Boma

devaient encore tre invoqus. Le fticheiro,

grand chef des sortilges locaux, venait d'apporter l'endroit de

la cr-

monie une grosse idole, tte en bois, sur laquelle on pouvait reconnatre,
avec beaucoup d'imagination, tous les dtails d'une face humaine hrisse
de milliers de clous.

Chacune de ces pointes ayant


ngres prsents,

le sorcier

par plusieurs des

t enleve facilement

dclara que les dieux n'offraient aucune entrave

l'tablissement d'un Europen sous leur

ciel.

Ces nouvelles propices, rapidement propages de bouche en bouche,

dans

firent clater

cependant

le

la foule

calme se

un tonnerre de

rtablit, les

cris enthousiastes.

et si la

source de revenus

par

cration prochaine d'un comptoir, ne les et

la

oblig se souvenir,

ils

relatifs,

nouvellement dcouverts leur convoitise

auraient oubli ds

crmonies dans lesquelles

Peu peu

ngres disperss regagnrent leurs cases,

ils

avaient

si

le soleil

fait

rver

la nuit,

ou

levant les singulires

bruyamment manifest

leur

prsence.

En

rgle avec les lois et le roi

ses comptoirs

du pays,

Gillis

procda

l'installation

de

commerciaux.

Le plus important des deux tablissements fonds par M. Gillis dans le


bas Congo est situ en territoire de Boma, dans l'angle compris entre la
rive gauche du fleuve
qui atteint devant ce point environ 4,000 mtres
de largeur, diviss en deux larges bras par une grande le
et le cours
infrieur de la petite rivire Kalamou ou du Crocodile,
qui mesure audessus de son confluent une trentaine de mtres entre ses deux rives.
11 comporte diffrents btiments, parsems sur une vaste tendue de

terrains limitrophes d'une factorerie hollandaise.

Les

mmes

dispositions prises en gnral

laires sur les rives


LES BELGES.

II.

du

pour crer

les

comptoirs simi-

fleuve ont prsid l'tablissement de la factorerie


<j3

CHAPITRE QUATORZIME

338

belge

toutefois

chacun des btiments a deux tages, au

rez-de-chausse qui caractrise

Pour

le

lieu

du simple

genre de constructions des blancs.

oprations d'embarquement et de dbarquement des

faciliter les

marchandises, un pier (pont de

fer)

s'avance sur le fleuve et assure aux

un abordage commode, trs apprciable surtout aux poques


quentes o le Congo roule avec furie ses eaux imptueuses.
navires

A droite

de ce dbarcadre, unique dans son genre sur

le

rial,se trouvent la forge et l'atelier de rparation: gauche,

sommet de

laquelle

drapeau belge tale ses couleurs: plus

le

maisons principales construites sur


grants et aux employs de

bateaux de

fr-

fleuve quato-

une hampe au
loin, les

deux
aux

piliers et servant d'habitation

la factorerie,

et

aux quipages desservant

les

passant rgulirement devant Boma.

la flottille

Entre ces habitations

et

le

coude form paf

la rivire

du Crocodile se

groupent deux magasins, un chantier, une petite raffinerie d'huile, un magasin poudre, une cuisine, une table pour les moutons et les chvres,

une curie

ample

trs

et trs

bien amnage, sur un sol o grandissent

et l quelques puissants vgtaux.

En
rive,

face

du pont de

fer jet sur le fleuve, et

plong assez loin au del de

sur les cts d'une avenue ombrage conduisant a

douche
a

maison matresse,

un btiment renfermant des bureaux et une grande


manger, gauche, un tablissement de bains, muni d'appareils
droite,

s'lvent,
salle

la

la

de tout

et

et l

le

comfort ad hoc.

mme de
chimbecks servant de logement aux ouvriers indignes

surgissent au milieu des herbes, dans l'enceinte

torerie, les

Dernier venu sur


surpasse par

les

la fac-

bords du Congo, l'tablissement fond par

le lu.xe et les

avantages de son installation

Gillis

les installations

des

factoreries hollandaises, anglaises, franaises et portugaises existant depuis

de longues annes dans

On

les

cherche tout d'abord

se fixer

parages de Boma.
les raisons

qui ont dtermin les Europens

en ce point.

La chaleur y

marcages ftides y gisent entre les condgagent non seulement des miasmes dltres

est excessive: des

structions des blancs et

mais encore des lgions de moustiques, des myriades


d'insectes assoiffs de sang humain.
et pestilentiels,

Le

district

de

Boma

est

moins peupl que ceux

situs entre Issanghila

et le Stanley-Pool.

Ce

fait est

ont dcim

attribuable aux chasseurs

la

d'hommes qui durant

population de ces rives, entrav

trois sicles

les cultures, dvast,

razzi,

LES BELGES DANS LAFRIQUE CENTRALE

fouill les criques et les valles, et


fertile,

739

transform en dsert une contre au sol

capable de nourrir des centaines de mille habitants.

Boma

Mais devant

une largeur de quatre mille sept

tleuve a repris

le

cents mtres coupe en deux bras puissants par trois iles boises, hantes

par des

varits

innombrables d'oiseaux

aquatiques

les

nommes

Nvouma, Nket, -Mbouca.


Entre

la rive

gauche de

l'le

Nket

et la rive droite

du

forme une rade superbe large d'environ 1,500 mtres

et

Congo

fleuve, le

d'une profondeur

(de 6 20 mtres) permettant aux navires d'un fort tirant d'eau de s'ancrer

quelques mtres des factoreries.

Ce havre naturel et la navigabilit du fleuve en aval ont dtermin le


commerce europen s'implanter Boma.
En amont de ce point commence la rgion montagneuse. Les rives
prennent un aspect nouveau,

le

panorama de plaines sans tin entrevu


des montagnes hautes et

depuis Banana se rtrcit, disparat peu a peu

boises droite, sauvages et dnudes gauche, formidables remparts encaissant le Congo, dtachent vers l'intrieur

de collines, dont

les

une

srie indfinie

de chanes

ondulations passant graduellement par toutes

les

altitudes atteignent jusqu' des hauteurs de six et sept cents mtres.

La navigation, bien que possible entre Boma, Nokki


de

difficults

rapides

la vitesse et la

commencent

et Vivi, est

profondeur augmentent, des

rcifs

seme

etquelques

se montrer.

D'autre part, malgr

le

peu de densit de

dveloppement restreint des terrains

la

population

cultivs, le district

et

de

par suite

Boma

le

produit

en abondance certaines denres marchandes, et des sentiers lui amnent

de toutes

les

directions des caravanes charges des

riches productions

du centre africain.
Nos lecteurs nous permettront, dans un chapitre traitant exclusivement
du voyage au Congo d'un commerant, d'un ngociant belge, de donner ici
la nomenclature dtaille des productions principales recherches au Congo
par le commerce europen, et des articles de troque spcialement apprcis
par

les indignes.

Le rgne animal fournit au commerce

l'ivoire,

la

cire, les

peaux, les

toisons.
L'ivoire occupe sur le
les

march

productions animales du

de plus grandes transactions


bnfices.

africain

monde

dit

il

et qui soient la

Celui du Congo, moelleux,

nous l'avons

une place

entier,

prcdemment, de

trs importante;

parmi

en est peu qui fassent

l'objet

source de plus considrables

trs recherch,
l'intrieur

par

amen,

les

comme

matouts, voit

CHAPITRE QUATORZIAE

3-;o

chaque anne son prix suivre une progession


vant

un

seule dfense atteindre la

L' .Angleterre a jusqu'


l'ivoire
Iles

pour fournir

Britaniques,

la

somme

sur

le

de quinze cents francs.

nos jours centralis

masse de

Ce prix varie suimarch de Londres

croissante.

On a vu

de conservation des dfenses.

l'tat

le

commerce d'importation de

cette matire

premire que reoivent

les

faut tuer tous les ans de 40 50 mille lphants.

il

Ces grands pachj'dermes, refouls par

la civilisation

dans l'intrieur du

continent africain, deviennent de plus en plus rares dans

le

voisinage des

tablissements de la cte occidentale du Congo et du bas fleuve. On signale


de lointains intervalles la rencontre d'un de ces mammifres Borna,

comme un vnement

extraordinaire.

Mais Stanley, qui a travers

le

gnrations passeront avant que

La

continent africain, affirme que


l'ivoire ait

disparu

<

plusieurs

cte occidentale d'.^frique exporte en mo3'enne 150 tonnes de ce

prcieux produit, sous forme de dfenses d'lphants, dents de morse et

d'hippopotame.

Les ngres, encore dans l'enfance de

l'art, fabriquent avec l'ivoire une


trompes de guerre, pilons broyer les herbes, ornements divers, instrumentsa battre l'corce pouren confectionner des toffes,

foule d'objets

etc., etc.

bracelets,

En gnral

Le commerce de

ces objes sont enduits d'une couleur d'un rouge

Congo de peaux de lopard,

pelleteries se pourvoit au

de singe, de loutre, de chat

vif.

europenne peut utuliser


peaux de crocodile, d'antilope, de buffle, de chvre, les piquants
de porc-pic, dont le prix s'lve soixante-dix francs le mille rendu
tigre. L'industrie

aussi les

Liverpool.

Les articles europens exigs par


animales, ivoire, peaux,
les

cotonnades. Pour

ou

offrir

cire,

les

ngres en change des productions

sont plus spcialement

faire l'appoint,

payer

les

les fusils, la

poudre,

courtages des linguistiers

des cadeaux aux matouts. aux ngres porteurs de marchandises,

l'acheteur doit tre

muni de bouteilles de

tafia,

de bonnets rouges, chapeaux,

verres, assiettes, cuvettes, pots, vases de toute forme, pipes en bois,

tils

de

laiton, vieux parapluies, etc., etc.

Parmi

les

productions vgtales qui alimentent

nous citerons en premire ligne


mistes,

le

l'orseille.

les fves

ssame,
le

de

le ricin, le

les

marches du Congo,

l'arachide, les huiles et les

caoutchouc,

les bois

copra (noix de coco en poudre),

le

de teinture,

amandes
les

pal-

gommes,

coton, l'corce de baobab,

la calabar, les joncs et rotins, etc.

L'arachide, legumineuse dont

recourbe vers

le sol, s'y

le

fruit,

aprs s'tre form

l'air,

se

enterre et achve ainsi enfoui son dveloppement,

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

est

une sorte d'amande qui rappelle comme got

Sa valeur rside dans

341

saveur de

la

la pistache.

quantit d'huile que l'on extrait de son

la

fruit.

Au

bas Congo, les indignes exploitent d'importantes plantations d'arachides;

emploient l'amande dans

ils

la

confection de diffrents mets nutritifs, mais

abandonnent, contre remboursement, aux Europens

ils

plus grande

la

partie de la rcolte.

Marseille est le grand port d'importation de ce produit: l'arachide

Congo,

trs estime,

est

transforme en huile servant

du

la falsification

de

l'huile d'olive.

palme

L'huile de

Ce palmier,

est,

comme

on

le sait, tire

du palmier

Ela's guineensis.

aussi beau qu'utile, crot profusion, sans soins, sans culture,

dans toute l'Afrique centrale;

il

se

propage avec une

telle force et

une

telle

envahit littralement certaines rgions.

facilit qu'il

Ses fruits suspendus d'normes grappes qui rappellent, dit Livingstone,


les

rgimes des palmiers-dattiers, sont crass, soumis l'buUition,

aprs refroidissement

ils

et

fournissent une huile recueilliepar les indignes

dans de grands vases de

terre. Cette huile, qui

possde

la

consistance

du

beurre, est employe par les indignes leur cuisine, ou vendue par eux

dans

Exporte en Europe,

les factoreries.

elle est utilise

pour

la fabrication

des savons et des bougies.

La sve de

l'las

procure aux riverains du Congo une boisson enivrante;

chou de ce palmier

le

textiles

est,

cru ou cuit, un

manger

excellent; les fibres

de son feuillage permettent aux noirs de confectionner des

toffes,

des nattes, des paniers, des chapeaux.

Les graines de ssame, de


pens de

Boma

donnent aussi de

que

l'huile

les

Euro-

exportent dans de bonnes conditions.

Le caoutchouc

du bas Congo.

ricin,

est
Il

une des branches principales du

trafic

des factoreries

provient d'une plante, sorte de liane, l'corce ru-

gueuse, d'une couleur sombre, bruntre, qui recouvre toute


feuilles larges, d'un vert fonc, sont

dcoupes en

fer

la rgion.

Les

de lance.

Cette plante s'orne certaines poques de l'anne de splendides bouquets


fleurs blanches

de

la fleur est

la

couleur;

dgageant un dlicieux parfum. Le

comparable une orange, quant a


il

la

fruit

qui succde

grosseur, la forme et a

renferme des noyaux entours d'une chair savoureuse,

chissante, dont les indignes se

montrent

rafra-

trs friands.

La rcolte du caoutchouc dans la fort met en mouvement tous les


habitants d'un village, hommes, femmes, enfants. Ces indignes n'ont pas
encore appris extraire
qui

le

fournissent.

le

caoutchouc sans dtruire

les vignes, les

plantes

CHAPITRE QUATORZIME

3.12

Pour

de petites jarres au-dessous d'incisions prati-

l'obtenir, ils placent

ques dans l'corce


laiteuse qui

remplissent peu a peu ces rservoirs d'une substance

et

exsude de

la plante.

Ils

prennent garde cependant de ne pas

entamer trop profondment

le bois,

suc particulier qui nuit

bonne qualit du caoutchouc.

Lorsque

sont remplies,

les jarres

dres de bois, o

il

La gomme copal

la

car l'intrieur de la vigne contient

le

contenu

est transvas

un

dans des cylin-

se congle.
est extraite d'un arbre (Trachilobium des savants) qui

ne se rencontre pas dans

le

Congo

infrieur.

Son tronc est d'un blanc sale


que s'exporte ce pro-

tirant sur le jaune. C'est par quantits insignifiantes


duit.

(Nous trouverons dans

le

haut Congo d'immenses forts d'arbres

copal; et nous donnerons alors de plus amples dtails sur cette production
vgtale.)
L'orseille, matir/e

employe pour

teinture des laines et des soies,

la

colorant en rouge, en violet, est extraite d'une sorte de lichen qui crot

en .Afrique et en Amrique. Le port de .Marseille accapare jusqu' prsent


plus grande partie des exportations africaines de ce produit.

la

La flore des bords du Congo


ou

les autres

noirs,

offre

des varits de bois durs,

les

uns rouges

bruns ou jaunes, destins fournir au commerce

d'exportation de cette rgion des quantits considrables.

Le

tacoida, arbre

bois de teinture rouge, est dj l'objet d'un trafic

notable.

Un

petit arbuste, le cam-u.'ood,

au bois finement vein,

et

dont l'corce

pulvrise aprs bullition donne une poudre fine d'un cramoisi splendide,
est

trs recherch

des indignes. Les trafiquants de la cte

dj exporter la poudre de

L'bne s'exporte de

camwood.
Le prix de

la cte.

commencent

ce bois prcieux varie sur les

marchs d'Europe de 150 300 francs par tonne.

On

signaler encore

doit

des forts africaines dont

au-dessus du

pour
duit

sol.

le

les

arbres coton, les mavoumbas, gants

tronc s'lance parfois d'environ trente mtres

Les baobabs dont l'corce

est utihse,

la fabrication d'un papier d'une qualit spciale;

un

fruit vert

de l'eau-de-vie,

rouge, ressemblant

etc., etc..

figurent au

la

le

comme on

le sait,

manguier, qui pro-

pche d'Europe,dont on peut faire

nombre des merveilles

utiles

de

la

vgtation du bas Congo, et fournissent des ressources considrables aux


trafiquants.

Dans

le

au Congo

domaine de
les

En outre

la flore

aquatique,

le

conimerce europ:en recherche

cannes, les joncs, les rotangs.

les

graines dites de Guine, dont en se sert en Angleterre pour

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

frelater la bire; les fves

pharmaceutiques, font

le sol

de

la

de Calabar, employes dans diverses prparations

l'objet

Indpendamment de
vrent

de transactions importantes.

ces productions animales et vg'tales qui recou-

rgion africaine conquise

valeureux pionniers du Comit


entrailles des richesses

abondantes
fer.

En maints

endroits sur les bords


fer

humaine par les


Congo
recle dans ses
du
A Boma, Gillis constatait la
l'activit

d'tudes, la terre

prsence du minerai de

dont on extrait un

343

et varies.

du Congo, abonde une hmatite jaune

de trs-bonne qualit. Les indignes travaillent ce

minral, et l'on retrouve chaque instant des preuves de l'ardeur et de


perfection qu'ils apportent dans

l'art

de

la

l'utiliser.

Couteaux, marteaux, pinces, enclumes,

fers

de lance, clochettes, houes,

COUTEAUX INDIGENES.

hachettes, bracelets, perles, sont autant d'objets faonns par certaines

peuplades riveraines avec une habilet remarquable. Sur


rieur,

peu de distance de chacune des deux

rives, les

le

Congo

inf-

indignes exploitent

des mines de cuivre.


11

fut

donn

Gillis de visiter, en

compagnie de Ncorado

et

de plusieurs

chefs de la rive gauche, l'une de ces exploitations indignes abondantes en

minerai de cuivre et de plomb.


Les mineurs, au nombre d'environ trois cents, taient occups au travail
d'extraction.

l'approche des visiteurs, les ouvriers cessrent

le travail et saisirent

leurs fusils silex; mais en reconnaissant les rois de la rive ^-auche,

ils

CHAPITRE QUATORZIEME

344

de

s'abstinrent

toute

manifestation

autre

hostile

reprirent

et

leur

besogne.
L"excavation rsultant d'un travail d'extraction incessant depuis des

annes mesurait seulement cinquante mtres de longueur sur vingt-cinq


de largeur et dix de profondeur. L'outillage primitif des mineurs expliquait ces dimensions.

A part

de grands couteaux,

trous taient creuss au

ouvriers ne possdaient pas d'outils. Les

les

moyen de morceaux de

bois durcis au feu et

appointis une extrmit. Les dblais taient enlevs, transports au

dehors de l'excavation, dans des petits paniers que

de main en main en formant


la

la

chane sur

les

ngres se passaient

pente aboutissant au fond de

la

mine.

Lorsque
de bois,
voisine.

les

le sol

trop dur ne pouvait tre creus l'aide des morceaux

indignes

Quand

le

dtrempaient en empruntant

couche de malachite

la

brisaient coups de grosses pierres

Au moyen de fourneaux
dont

ils

et

tait

les

eaux d'une rivire

mise nu,

en recueillaient

les

les

mineurs

la

fragments.

primitifs, les indignes fabriquaient le cuivre,

faonnaient des bracelets, ornements chers leurs pouses.

Assurment il faudra de longues annes pour enseigner aux ngres


dplus amples bntces des richesses minrales de leur contre.

tirer

Les colons europens que l'appt d'une fortune raliser guidera vers les
du Congo, seront tt ou tard les matres es arts industriels de ces.

rives

peuplades.

Ils

devront surtout s'attacher instruire

bien plus rmunrateur et utile de

Dans toute nation

ngres dans

l'art

la culture.

civilis, l'agriculture est

premire richesse conomique

les

elle

est

juste titre considre

la

mre du commerce

comme
et

de

l'industrie.

Le ngre du bas Congo ne semble pas avoir obi aux traditions dplorables agricoles des habitants de l'Afrique du nord.
L'instinct de dvastation, l'horreur de la verdure des arbres, qui poussent
le

Bdouin

livrer

aux flammes tout tre vgtal qui n'est pas un palmier,


olivier, la rage de dboisement, maladie endmique

un caroubier ou un

des peuples musulmans, dont

les effets

ont dvast la Perse, l'Asie Mineure,

la Syrie, l'Egypte, la Tunisie, l'Algrie, l'Espagne, la

territoires

leurs
Si,

soumis

jadis la

domination des Arabes

et

France mridionale,
encore empreints de

ravages d'un jour, n'ont pas cours sur les bords du Congo.
pour s'pargner une fatigue de dfrichement, le ngre du Congo

conserv l'habitude d'incendier la savane de certaines poques de l'anne,


il

du moins respect

la fort, le taillis, et

permis ainsi l'agronome euro-

PALMIER CALA.MUS ET SON FRUIT.

LES BELGES. U.

44

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

les divers points

pen d'tudier sur

347

de son territoire quelles sont

proprits du sol et les vgtaux dont la

les

culture peut tre tente avec

chances de succs.

Des milliers d'hectares de terrains vierges, transforms en champs de


productions, couverts de plantations de caf, d'arachides, de tabac, d'indigo,
de

de cannes sucre, de

ricin,

de cacao, de coton, de bananiers, de

riz,

de mais, de manioc, de sorgho, sont appels, sous l'impulsion


future des colons europens, centupler la valeur des terres du Congo.
cocotiers,

Plus que dans n'importe quelle contre du monde, on peut esprer sur
les

bords du fleuve quatorial africain

inhrentes aux exploi-

les richesses

tations agricoles.

Chacun des prcieux vgtaux que nous num.rons ci-dessus crot


sauvage dans l'immense rgion du Congo beaucoup d'autres appar-

l'tat

tenant

a la flore tropicale

de leur appliquer

Le

cafier

le

enavaldeVivi;

il

prenait la peine

genre de culture qui leur convient.

couvre de vastes espaces sur


la

les

la rive

nord du Congo,

bords du Congo suprieur.

culture de cet arbrisseau par ignorance

pourraient en retirer.

qu'ils

si l'on

sauvage se rencontre frquemment sur

Les indignes ngligent


fit

y russiraient galement,

suffirait,

Il

du pro-

sans nul doute, d'indiquer ces

ngres, dont nous connaissons l'instinct commercial, les procds faciles et


les

rapports lucratifs de

la

culture

du

cafier,

pour qu'ils s'adonnent

aussitt

cette exploitation.

Dans

l'le

de Nket, devant Borna,

daise ont dj

commenc

la culture

et soyeuses, rivalisant avec celles de

Aux abords de

les

employs de

du tabac
l'le

et

la factorerie hollan-

obtenu des

feuilles lisses

de Cuba.

tous les villages, les indignes cultivent ces plantes en

quantits considrables.

qui pousse

l'tat sauvage dans une grande partie de


au bas Congo. Livingstone a observ prs du
lac N3'assa une varit prcieuse de cet arbuste; sans nul doute son intro-

L'indigotier,

l'Afrique, ne se rencontre pas

bords du grand fleuve donnerait d'excellents rsultats.


La canne sucre cultive avec un soin extrme par les noirs de l'Ogow

duction sur

et les

indignes de l'Angola

ture. Elle

dans

Le

les

le

n'est, dans le bas Congo, l'objet d'aucune culabonde en gnral dans certaines parties de la zone maritime et

voisinage des rivires.

riz,

qui est au

Congo

la

doit tre import Banana,

base de la nourriture des travailleurs,

Boma, par des navires

anglais et hollan-

dais.

Incontestablement, des rizires tablies dans

le

voismage des cours d'eau

CHAPITRE QUATORZIME

3)8

sur

le sol

des districts

rapidement

le

fertiles

obtenu deviendrait, outre

ainsi

riz

favoris des indignes,

de cette rgion africaine se dvelopperaient

une denre

l'un

des aliments

trs recherche par les importateurs

europens.

Mais rnumration de toutes

productions appeles

les

faire

de

l'tat

du Congo un des pays les plus prospres des rgions tropicales,


ncessiterait un volume spcial. Nous devons encore indiquer dans ce

libre

chapitre quels sont les articles manufacturs d'Europe qui rpondent

le

plus aux gots, aux besoins des populations indignes.

Gots, besoins

du Congo. Avec

sont des mots

la

difficiles

appliquer aux races ngres

plupart des explorateurs, nous ne pouvons reconnatre

chez ces peuples primitifs aucun got, aucun besoin bien tranch.

Les peuplades du Congo ont des passions

des fantaisies de luxe. L'ivro-

et

gnerie, la vanit, l'amour de la parade, l'ardeur pour tout ce qui brille,

sont les traits instinctifs de


l'pret

que mettent

les

la

race ngre

expliquent l'empressement et

ils

commerants noirs

rechercher certains articles

spciaux, tels que spiritueux, cotonnades multicolores, armes, poudre, verroterie, vieux habits, chapellerie, corail, ferronnerie, cuivi'erie, quincaillerie, bijouterie.

Le bon march

est surtout apprci

par

les

acheteurs du

continent noir.

Les

articles les

plus recherchs sont les caisses vertes contenant du

gin de Rotterdam et d'Amsterdam

le tafia,

locale, est un
une infusion de graines

de prparation

genivre color en jaune d'or, et relev par


d'anis.

Les cotonnades courantes sont de

commerce sous le nom de

la qualit

rouge Andrinople

ordinaire connue dans

Les mouchoirs couleurs

clatantes, rouges, jaunes, rouges, blancs et noirs,


sins criards, les descentes

de

lit,

les

le

grands carreaux, des-

caleons en tricot, les camisoles, des

chambre cramoisies, sont demands avec empressement


populations indignes du Congo.

sortes de robes de

par

les

Tous

les fusils,

vieux modles provenant des arsenaux d'Allemagne, de

France, de Belgique, trouveront acheteurs en Afrique centrale;

il

faut avoir

soin de les transformer en fusils a pierre. Les pistolets d'aron pierre,

sont avidement recherchs

La consommation de

la

pai- les

poudre

chefs de tribus.
est

prodigieuse au Congo; non pas en

raison des guerres intrieures que se livrent les indignes, mais cause des

coutumes tapageuses
tire

qu'ils

ont contractes.

Si

dans

les

pays

civiliss

on

des salves d'artillerie l'occasion des grands vnements, des revues,

des processions, des funrailles de citoyens illustres, on ne peut blmer

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

outre mesure

les

349

ngres du Congo d'accompagner de dcharges de mous-

queterie toute crmonie, joyeuse ou

triste,

mariage, naissance, danses,

enterrements.

La poudre vendue en Afrique

est

en gnral du dchet de poudre de

guerre.

Les

articles

de verroterie imports

la

cte occidentale d'Afrique pro-

viennent d'Allemagne et de Belgique. Ce sont des perles de toutes cou-

formes;

leurs et de toutes

la

plus recherche est bleue et de forme

octogonale.

Les vieux habits constituent une des plus importantes branches de

trafic

entre l'P^urope et la cte d'Afrique. Les livres des domestiques, les tuni-

ques rouges des soldats anglais,

mme

les

redingotes noires, les fracs, voire

reteints et rduits ressembler des accor-

les gibus, fussent-ils

dons, les vestons passs, les toilettes de bal dmodes, les jupons bigarrs

rpudis par nos lgantes, en

un mot toutes
bannies

dfroques

les

de l'armoire des ser-

viteurs de

bonne maison, de

charge des soldats, de

la

la

garde-

robe modeste ou luxueuse des

dames d'Europe, s'adaptent


ou tard, preuves de

tt

l'instabilit

des choses humaines, aux per-

sonnes grles ou corpulentes de

quelques makokos, de certains

grands seigneurs des rives du


Congo.

Nanmoins,

le

complet n'a pas

sous ces latitudes

cours

les

POTERIE INDIG.NE

noirs enfants de l'Afrique centrale sont


gilet

ennemis jurs du pantalon europen;

seulement

les plis

ils

revtent l'habit

ils

et le

prfrent l'occasion envelopper leurs jambes dans

d'une robe de dame.

Les perles de corail vritable atteignent des prix trs levs sur

les

mar-

chs indignes.

Les

pelles, les

marteaux,

les vieilles

couteaux, de coutelas et de sabres,

les

ferrailles, les

haches, les lames de

cadenas, les botes de conserve hors

d'usage, les botes en tain, en fer-blanc peint, les

fils

de

laiton, les

cuivre, les sonnettes, les grelots, les miroirs pareils ceux

que

fils

de

l'on ve.id

CHAPITRE QUATORZIME

350

dans nos bazars pour enfants,

les articles

de

foire, verres-miroirs, carafes,

verres, vases de mille formes et de toutes couleurs, les pots eau, les plats,
les assiettes, peinturlurs,

blancs),

surtout orns de portraits de mundels

couteaux de table manche

les

pingles de cravate

les

changs contre

les

de

qualit

sont avantageusement

infrieure,

productions diverses de

la

(hommes

bagues, les bracelets,

d'os, les

rgion centrale africaine.

La Belgique doit Gillis de participer largement et avec succs au mouvement commercial commenc au Congo par de riches puissances europennes.

La

factorerie belge

de

Boma

regorgeait de marchandises fabriques en

Belgique. Les tissus des fabriques de Gand, Saint-Nicolas, Courtrai et

Termonde

armes de Lige, des spiritueux de

s'entassaient auprs des

Bruxelles et d'Anvers, des faences de Nimy, des perles de Venise fa-

briques
verreries

Turnhout,

du

de

la

poudre de

Val-Saint-Lambert,

des

chambre confectionnes Bruxelles

Lige

vtements,

et

et

de

Wetteren, des

sortes de

robes de

trs apprcies des populations

ngres.

En

outre, les objets

d'habillement, d'quipement, de

casernement, utiles aux explorateurs africains

campement, de

et leurs serviteurs, avaient

t imports en quantits notables par Ad. Gillis.

Les transactions commerciales auxquelles se livrait Gillis, le concernaient


personnellement; mais un change de services rciproques exista entre le
reprsentant des ngociants belges et les agents de la Socit internationale.
Gillis se

chargea d'effectuer gratuitement sur

le

Congo

les transports

et d'entretenir le matriel naval

En
ts

de

de

Boma

procura des

facili-

l'expdition, de pourvoir aux besoins des explorateurs de passage


la flottille d'exploration.

retour, l'Association internationale

du Congo

lui

pour correspondre avec l'Europe.

Mthodiquement,
fleuve au-dessus de

Gillis tendit

Boma,

son champ d'exploitation

et s'arrta

il

remonta

le

Nokki pour y fonder une seconde

factorerie belge.

Plus tard, on acccusa l'Association internationale d'avoir

fait

du com-

merce et d'avoir pratiqu par l'intermdiaire de Gillis un systme d'engagements forcs qui ressemblait presque la traite des noirs. Le fait n'est
pas prouv. L'Association recevait des marchandises de troque changer
contre les vivres qui lui taient ncessaires, les payements se faisant en
nature dans une rgion o tout objet s'change contre un ou plusieurs
objets,

la

monnaie

n'existe pas.

Ces marchandises passaient en transit

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

les factoreries

de

Gillis

nous avons indiqu

les

lments humains recruts par

dans

351

quant aux prtendus engagements de noirs,


les

explorateurs soit

Zanzibar, soit la cte occidentale.


Parfois des incidents regrettables sont relever dans les rapports des

agents de socit philantropique ou commerciale et les ngres du Congo.

Avec

de conduite

les noirs, la rgle

est

souvent

difficile

trouver

leur

mollesse, leur inertie, leurs raisonnements enfantins, leurs prjugs ridicules impatientent;
et parfois

faut

il

la

les traitants blancs,

pens

sis

les

mener une patience plus qu'anglique

mme une vritable nergie.

Plusieurs mois aprs

tous

pour

fondation par Gillis de

de Nokki,

la factorerie

directeurs ou employs des tablissements euro-

dans ces parages, partaient en guerre contre

ngres et taient

les

mis en droute complte. L'intervention des quipages des navires de


guerre ancrs Banana sauva les Europens d'un massacre.

En

cette circonstance les blancs n'eurent pas le

beau rle;

ils

avaient t

les agresseurs, parat-il.

Les traitants de Nokki, ayant en vue

le

commerce et les

bnfices qu'il rap-

porte, sont loin d'avoir cet idal de justice qui porte respecter le droit des
faibles; ils s'taient irrits

Honni

soit

de

la versatilit,

cependant qui oserait

souvent d'user envers

les noirs

de

la

paresse de leurs serviteurs.

jeter la pierre l'Europen oblig fort

de rigueurs extrmes, de durets, de mau-

vais traitements!

Le Congo n'est point ce que pensent les boulevardiers de nos grandes


on n'y rencontre pas les dlices de Capoue. Ce n'est pas la terre pro-

villes;

mise, avec

la vie libre,

sans entraves, les motions de la grande chasse, des

aventures, des belles dcouvertes, de la fortune rapide. Confins sur les


rives d'un fleuve capricieux, parfois dans
civilisation, livrs

de

la

un poste insalubre,

eux mmes, dvors d'ennui, de

conqute ou de

la colonisation

maudissent l'Afrique, brlant ce

fivre, les pionniers

qu'ils avaient ador, pleins

les tres

de toute

connaissent ces heures pnibles o

humains dont ils sont entours


misre, concurrents commerciaux, serviteurs.
rancune envers

loin

de

fiel

et

ils

de

compagnons de

du continent noir, la foi enthousiaste de


l'explorateur ou du missionnaire, celle du savant, l'ambition du capitaliste,
ou bien l'ardeur du chasseur, le mpris du bien-tre du proltaire. Il faut
aussi un tempramment d'acier, une sant robuste et une sobrit
Il

faut,

pour aborder

l'existence

rigoureuse.
Gillis,

qui runissait quelques-unes de ces qualits du voyageur africain,

CHAPITRE QUATORZIME

352

a bien mrit de ses compatriotes en

du Congo

les

remorquant

le

premier sur

les

bords

produits de l'industrie nationale.

En s 'loignant, pour

tenter la fortune, des sentiers battus de notre vieux

continent, Gillis n'a pas obi de vulgaires calculs gostes; ses vaillants et

gnreux efforts tendantouvrirdesdbouchsau commerce de


ont t couronns de succs. Gillis a

marqu

la

africain d'une nation petite par sa population et son territoire,

par sa valeur morale

Un

siens, le 24

Belge, M.

mais grande

1884, Gillis

mourait Braine-le-Comte,

mai suivant.

Delcommune. ancien grant de

Daumas-Braud,

Belgique

et industrielle.

Retourn en Europe en fvrier


au milieu des

la

place commerciale au soleil

de
commerciaux fon-

la factorerie franaise

fut appel la direction des comptoirs

M. Delcommune, le plus ancien des rsidants belges sur les


rives du Congo, sut habilement allier la profession de commerant la qualit de conqurant pacifique; il rangea sous le protectorat de l'Association
ds par

Gillis.

internationale les indignes

sans coup

Le

frir,

Ncorado

roi

du

district

de Borna; cet exploit fut accompli

sans manoeuvres dloyales.


et les chefs ses vassaux, agissant librement,

en dehors de

toute contrainte, cdrent par trait au directeur des tablissements belges

de Boma

Dans

et

de Nokki tous droits sur

l'intrt futur

de

Delcommune s'empressa
pour

le

compte de

la

les territoires

civilisation et

d'accepter

l'Association.

l'offre

soumis

leur autorit.

du commerce international,

des potentats ngres au

nom

et

CHAPITRE XV

Expdition de Hanssens, Nilis

et

Grang.

Visite Makito. Le docteur de N'tombo-Mataka.

Les occupations de Nilis Manyanga-Nord.

{^^''l'wl'^^^ EU de mois avant

iV/^ Van de Velde

l'arrive

(Livin),

de

Gillis Borna, le lieutenaat

du

8"" d'infanterie, et

Destrain

^-:ji|^ (Edmond), ancien officier de l'arme belge, tentaient, sous


W^^^^ les auspices du Comit d'tudes, une expdition la cte

i0^'S^^ maritime du Congo, sur le vaste territoire qui s'tend du


cours infrieur du grand fleuve jusqu' l'embouchure du Kouilou. Nous
rserverons un chapitre spcial aux tentatives de ces explorateurs et de
ceux qui

les suivirent

LES BELGES.

II.

dans cette rgion; nous reprenons

ici le

rcit des tra45

QUINZI.ME

ClIAPlTRi:

354

vaux

dcouvertes effectus sur

et des

bords du Zare par nos vaillants

les

compatriotes.

Le

mars

1882, le port

de Banana prsentait une animation plus

concevoir qu'a dcrire; le Roijtielle, puissant steamer, avait

cette ville des

hommes

de

d'action, jaloux

s'illustrer

bannire bleue de l'Association internationale


la

les

facile

dbarqu dans

en marchant sous

la

uns devaient accomplir

mission laborieuse de maintenir, de garder, de dvelopper, de rendre

plus fconde l'uvre ralise par les premiers agents du Comit d'tudes;
les

autres allaient accomplir la tche

cette

du Congo au
d'mimenses

mais, glorieuse, de continuer

du fleuve, de dcouvrir
des millions d'hommes les principes

rservoir initial

territoires, d'inculquer

nombre de

les rives

Tanganka,

lac

rudimentaircs de
-Au

difficile

uvre, de rattacher par une communication rgulire l'embouchure

la civilisation.

hommes nouveaux

ces

du fleuve dsol par

les raids

qui vont dfendre ou planter sur

des chasseurs d'esclaves

le

drapeau

de l'humanit, l'arme belge est reprsente par une poigne de braves:


Ilanssens (Edmond), capitaine adjoint d'tat-major; officier minent

considr

fonder

comme un

les

des

hommes

meilleures esprances

sur lesquels l'arme,


:

cur

pays, pouvaient

intelligence d'lite, grand

d'or,

caractre, esprit droit et clair, rudition, sentiment

ment, abngation,

le

du devoir, dvoue-

constitution robuste, taille leve, belle prestance,

aspect imposant: telles sont les qualits morales et physiques qui devaient
faire

de Manssens

le

type accompli de l'explorateur civilisateur.

Son pass remarquable annonce son avenir

brillant.

dix-huit ans,

il

sort de l'cole militaire, passe quelques annes au rgiment, et reste ensuite

longtemps attach

la

brigade topographique du gnie.

Entr a l'cole de guerre au dbut de cette institution,

il

en sortit

l'un

des premiers de sa promotion malgr l'obstacle apport ses tudes par


une maladie grave, le typhus, dont il fut atteint cette poque.
Il

fut ensuite

nommj

rptiteur d'art militaire l'cole d'application.

C'est le seul officier d'infanterie qui

ait

jamais t charg de faire un

cours aussi important de futurs officiers d'armes spciales


Nilis, (Arthur),

taire,
prit, la

aux qualits physiques les dons prcieux du cur


franchise et la loyaut du soldat, l'amour du devoir qui

alliant

jusqu'au sacrifice absolu et ignor, la gnrosit,

Grang
rsolu,

lieutenant adjoint d'tat-major, rptiteur l'cole mili-

(Nicolas),

surnomm

l'affabilit, la

et

de

l'es-

sait aller

bont

sous-lieutenant au rgiment des carabiniers, caractre


le

Mongol

cause de

son

type,

admirateur

enthousiaste de l'uvre africaine, n'hsitant jamais devant l'excution d'un

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

ordre reu, dussent


sacrifice

de

dangers,

les

les prils, les fatigues

355

encourir exiger

le

la vie.

Ces nouveaux cooprateurs de l'Association internationale, choisis dans


les

rangs de l'arme belge, d'une institution

d'lite,

rencontraient Banar.a

plusieurs de leurs compatriotes:

Roger, rcidiviste incorrigible de l'exploration atricainc. dont

le

nom

synonyme de bravoure, d'exprience du voyage, de philanthrupie.de science,


dans

est dj inscrit

Amelot,

pages de l'Histoire des Belges

les

ex-employ

ingnieur-mcanicien,

civilisateur

de musicien

par les airs

visites

de Velde (Joseph

les

le

talent

gayer plus tard chacune des stations

et devait

plus varis d'accordon et d'ocarina

et Livin),

des travaux

de l'explorateur

publics, qui joignait aux aptitudes physiques

a la cte orientale:

au ministre

dont nous avons signal

les

deux Van

l'arrive antrieure

au Congo.

Un AUem.and, M.

Peschuel-Lsche, docteur en sciences naturelles, mis-

sionn par l'Association rejoignait

le

10

mars

Banana

le

groupe des

explorateurs belges.
Bientt ces htes de passage dlaissaient les dlices relatives de

de Banana, remontaient

le

la ville

fleuve et se sparaient suivant les exigences

du

devoir remplir.

Le 20 mars. Nias

et

Grang

o Callewaert leur fit une


ex-chef de cette station,

s'arrtaient Vivi.

L'Amricain

Sparhawk,

rception

cordiale.

tait parti

depuis plusieurs mois, sans autorisation pralable ni de Stanley

ni

du colonel Strauch. oubliant mme, soulignait-on, de rgler

Cet

incident

Lindner
tait

la

><

regrettable

pour

nomination de chef de

charg de

la

Association avait valu l'Allemand

la station

de Vivi: quant Orban,

mission bien rude de diriger

les

du bas

il

caravanes de transports

du moyen Congo.
Les nouveaux venus furent prsents au roi ngre du

entre Vivi et les stations

ses comptes.

et

district, le

souriant

Massala (ce souverain devait en 1885 figurer l'exposition d'Anvers), qui


leur

fit

part de certains bruits de guerre probable venus d'Issanghila.

Cette nouvelle dcida Nilis quitter Vivi ds


qui se joignirent les deux \'an
tte d'une caravane

le

lendemain. Le lieutenant

de Velde peine arrivs, partit

arme pour porter secours

la

station

la

menace,

d'aprs les dires de Massala.

Le dpart eut lieu vers deux heures du soir; en route, la chaleur tait
suffocante, les marcheurs souffraient d'une transpiration pnible. L'aspect
des berges montagneuses tait celui de

la dsolation:

et l quelques

massifs de gramines verdoyantes, des troncs d'arbres dirigeant vers le

CHAPITRE QUINZIEME

356

ciel

des branches dnudes,

poir.

Sur

comme

tordues par

cette beaut effrayante planait ce

de mystrieux, cet

oti

souffrance ou

la

on dressait

nomm

dses-

quelque chose d'indfinissable,

ne sait quoi qui caractrise l'Afrique.

Vers six heures, l'heure traditionnelle du coucher du


dsir,

le

le

camp

soleil,

prs du village o rgnait

le

ardemment
suzerain de

Mavoungou. Ce petit homme trapu, afflig d'un pied


bot, est aussi un makoko; il apporte aux Europens deux poules et du vin
de palme, et reoit en change des marcheurs satisfaits du gin et une
moanda.
Massala,

'Vivi

Vivi -Mavoungou regarde de travers \ilis et les

froce

quieux.

Van de

bravade qui voudrait vainement tre un

air

V^elde, d'un air

aimable

de

obs-

et

uniforme de soldat d'infanterie de marine anglaise; son bonnet phrygien en tricot est aux couleurs franaises, ton
Il

est affubl d'un

caleon de nuance multicolore rappelle

le

pavillon amricain. Ses ministres

sont aussi trangement vtus; l'un d'eux, aux traits

aux yeux gars

fltris,

indiquant des habitudes d'ivrognerie, a dguis son torse sous

ample jupe de

laine carlate. et enfonc sur sa tte grise

de soie qui depuis longtemps ne connat plus

Au rsum,

le

les plis

coup de

fer.

ces gens grotesques sont affables leur manire

dsagrables que les moustiques,

ils

d'une

un vieux chapeau

moins

se retirent assez tt dans la nuit

pour

la recherche du sommeil. Les insectes ails refucompagnons cette douce satisfaction.


Le 22, aprs quatre heures de marche travers les hautes herbes masses sur les montagnes a croupes arrondies, on rencontra Gangila les

laisser les

voyageurs

srent Nilis et ses

tcliimba, secte

maonnique, au corps peinturlur de blanc

et

entour d'une

crinoline faite d'herbes. Cette association religieuse, au sujet de laquelle


il

est difficile

de prciser nos renseignements, parat exercer une action

justicire sur les profanes du district de Vivi; les


tions, leurs

mots de

affilis

ont leurs initia-

passe, leurs signes de reconnaissance, leurs rites

giques et leur doctrine particulire

leur but ne peut tre dfini

ils

mapu-

nissent parfois les crimes par l'intermdiaire d'individus masqus, mais


leurs pratiques se rduisent de simples mascarades, leurs convictions sont
nulles, leurs croyances tendent la monoltrie.

Le

26, Nilis et

Joseph Van de Velde, prcdant

la

caravane, saluent les

habitants d'Issanghila-Station.

Janssen

n'tait

plus

appel par Stanley,

le vaillant officier

courait au

du Pool, pour y fonder la station de Msuata.


Le chef actuel est Swinburne son tonnement, en apprenant

del

tendus bruits de guerre contre Issanghila, allonge


rassure les voyageurs.

les pr-

sa face britannique et

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Orban

Amelot

et

28, ils partaient

taient depuis

avec Nilis sur

le

deux jours hbergs

357

la station

le

Royal, en destination de JVlanyanga-

Nord.
Cette traverse, effectue par environ 70 ou So degrs de chaleur, indis-

posa

les passagers.

Nilis,

de

dbarqu

le

avril

Manyanga,

fut en proie de

douloureux accs

fivre qui cessrent aprs huit jours d'absorption de quinine, de ca-

LE LIEUTENANT

NILIS.

ramel, d'ipca, de camomille; inutile d'ajouter que Harou, chef de station,


avait rserv
les soins les

au malade une rception empresse

et

qu'il

lui

tmoigna

plus dvous.

rumeurs planaient sur la contre qui s'tend


et le Stanley-Pool, des deux cts du fleuve. Une des caravanes tablissant les communications entre les stations de Lopoldville
et de Manyanga avait t attaque par des indignes de la rive gauche
cette poque,

entre

de

sinistres

Manyanga

censment gouverns par

le roi

Lutet.

CHAPITRE

355

Les Zanzibarites qui

tomber

composaient, voyant quatre de leurs compagnons

la

blesss par les projectiles des assaillants s'taient cruellement vengs

en pillant

femmes
Le

QULXZiF.ME

un

brlant

et

emmenant comme

village et

et des enfants.

village

route de

de Lutet, situ en amont de N'tombo-Mataka, commande

la

marchs de San Salvador

et

l'ivoire

entre

Son

d'Ambrizette.

Stanley-Pool et

le

jeune,

roi,

entreprenant: forme

mme

lui

riche
et

Enrichi par

le trafic,

Graphie

puissant

et

la

la

indigne,
cte des

trs

est

chimboucks

vente des denres transportes.

Lutet ne mrite pas l'pithte de parvenu

tation est limite, son plus

les

accompagne

pour prlever d'normes bnfices sur

du

prisonniers des

son osten-

grand luxe consiste collectionner des gravures

ou des bouteilles vides

de soda-water

sa

favorite, la

plus jeune de ses pouses lgitimes, est loin d'tre belle, mais Lutet a pour
elle

une immense

affection qui crot

famille; car Lutet,

chaque anne avec

comme un commerant

le

nombre de

sa

se rjouit en recevant des

prix trs modrs une marchandise d'un coulement certain et lucratif, se

pme de

joie,

d'esprances, la naissance d'un enfant.

me

Pre dnatur,

abandonne un un chacun de ses


de la cte, pour le moindre bibelot qui

vnale, Lutet

rejetons aux blancs des factoreries


brille et le fascine.

Tel est

mois

le

d'avril,

personnage qui venait Manyanga rclamer, vers


des

dommages

pour

et intrts

les

dgts et

le

milieu

du

les razzias effec-

tus sur ses domaines par la caravane zanzibarite.

Harou

et Nilis,

qui une enqute minutieuse sur l'incident amenant ce

makoko ne laissait aucun doute touchant

la culpabilit

des sujets de Lutet,

refusrent nergiquement de lui accorder autre chose que la restitution

des prisonniers.

Le plaignant remercia
contraint, puis

il

les blancs,

en esquissant sur ses lvres un sourire

s'loigna la rage au cur,

semant sur son passage des pa-

roles de haine et de rbellion.

Mlongo, roi de Dandanga, Makito, l'homme aux


chef d'une tribu de

la rive

gauche, Matari

limitrophes de Lutet, dont les

Europe:

six doigts

le

chaque pied,

tous les chefs des districts

noms importent peu

des complots, des conjurations contre

Le 20

et

l'histoire, ourdirent

repos des mundels.

Harou recevait de Stanley l'ordre formel de retourner en


terme de son engagement devait choir en aot, mais les rudes

avril,
le

preuves d'un sjour prolong Manyanga-Nord, l'une des stations


insalubres
sait

du bas Congo,

de s'en apercevoir.

affaiblissaient

chaque jour

le

les

plus

lieutenant qui refu-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Harou remit

commandement de

le

la

359

station Nilis, et quitta

Manyanga-

concili
Nord au grand regret de ses compagnons blancs dont
complte amiti, et du personnel noir attach depuis longtemps un
il

s'tait

la

chef qui

la

nitions, la

douceur ou

impartiale dictait les rcompenses ou les pu-

justice la plus

la svrit.

Le dpart de Harou concidait avec


lieutenant

du

retour de Valcke en Afrique. Le

gnie, que nous avons vu partir pour l'Europe aprs la

de Nve, revenait sur


africaine,

le

le

champ de

bataille

de l'exploration et de

la

mort

conqute

avec l'empressement du soldat qui, guri de ses blessures, se

hte de rejoindre

poste o

le

le

danger

mais o

l'appelle,

la gloire lui

sourit.

Valcke, nature dcide, caractre nergique, figure mle possdant au plus

haut degr

coup d'il pour

le

commander nux

entreprises en Afrique, tait appel

les

cots de Braconnier la station de Lopolville;

tre son second, son bras droit

Manyanga

tion touchaient

Grang devait

tous deux faisant route vers leur destina-

le 21 avril 1882.

Deux routes diffrentes conduisaient, comme on


Nord a Lopoldville l'une, longeant la rive nord
du Congo.
:

sait,

de Manyanga-

l'autre,

la rive

sud

Depuis plusieurs semaines, les caravanes des explorateurs passaient indif-

fremment par ces deux voies


lit

difficilement praticables, en raison de l'hosti-

manifeste des indignes. Les menes de Lutet, et plus particulirement

les ballots

de marchandises transports par

instincts belliqueux et

les caravaniers, rveillaient les

envieux des ngres.

prudence taient recommandes aux pionniers europens qui marchaient de pair avec les caravanes, composes principalement

La patience

et la

de Zanzibarites obissant ceux de leurs compatriotes

tels que Susi, WadiRhami, Ouldi. anciens compagnons de Stanley, rompus aux pratiques de
la marche travers les districts riverains du Congo.

Le

27 avril, Nilis, inform de l'approche d'une

gnes recruts par Lutet


prs

de

partir

Issanghila pour

et

.Makito,

pour Lopoldville

demander du

La demande de

arme de

retient
il

trois cents indi-

Manyanga une caravane

expdie en outre

le

Roval vers

renfort au chef de cette station.

Nilisfut reue par Hanssens.

Le

capitaine, retenu depuis

plusieurs jours par la fivre, entrait peine en convalescence

aprs lecture

de l'avis de son compatriote, il rassembla une faible escorte et partit pour


Manyanga. Peu soucieux de sa sant chancelante, il doubla les tapes,
s'arrtant peu ou point pour prendre du repos; reintant ses porteurs
incapables de concevoir le motif des marches forces. Hanssens ci-oyait

CHAPITRE

360

voler au secours de Nilis.

QUINZIME

Son tonnement fut inexprimable devant


aux abords de Manyanga.

!a

tran-

quilitc parfaite qui rgnait

Lutet et Makito

humeur; eux

et la

avaient

meute

loin contre les serviteurs

manifest platoniquement leur mauvaise

qu'ils

de

menaient

s'taient contents d'aboyer

occups sur

la station

les flancs

de

de

la colline

de Manyanga des travaux de culture. Ce fut tout.

Manyanga-

L'arrive de Hanssens n'en fut pas moins bien accueillie

Nord. Le capitaine y devait sjourner plusieurs mois pour conqurir


districts avoisinants, au protectorat de l'Association.

En aot

1882, la station accorda l'hospitalit des agents

les

de passage,

mme

mois, pour se ren-

un incident presque

journalier de la vie

Peschuel-Lsche, Teusch, qui partirent

le 18

du

dre Lopoldville.

Le dpart d'une caravane

tait

des habitants de .Manyanga. Cependant

iXilis.

Hanssens, Orban, Callewaert,

toute la colonie belge s'intressa vivement la composition de l'escorte des

Allemands

La

et

l'itinraire qu'ils devaient suivre.

un mythe. Lutet, Makito sur

pacification de la contre tait

gauche, n'avaient pas os affronter

les

chances d'une attaque contre

la rive
la

gar-

nison coalise de Manyanga-Nord, mais ces bravaches n'hsiteraient pas

livrer bataille un faible convoi traversant leurs territoires. La route

Mowa,

nord, par Mpakambendi,

Le docteur Peschuel

et

offrait,

croyait-on,

moins de dangers.

son compatriote rsolurent donc de suivre cette

seconde voie, avec une caravane compose de dix-sept Zanzibarites et de


sept Kabindas bien arms.

La

petite colonie belge

accompagna les partants

mamelon commandant la route


donna lieu a un change de vux et de souhaits.
Le mme soir, Nilis envoj'ait un ambassadeur au

jusqu'au haut du

Mataka pour prvenir les chefs indignes que


lendemain visite Makito,

Le

les

suivre

la

village de

sparation

N'tombo-

mundels rendraient

le

la premire heure, Hanssens, Nilis et Callewaert, laissant leur

19,

compatriote Orban

la surveillance

de

la station,

se mettaient en

chemin

avec une escorte de quatre Zanzibarites et quatre Kabindas, porteurs de


vivres, trois interprtes et le

Les

la veille

fusils

avec douze hommes,

de chasse

Nilis

et

bravement au-devant d'un ennemi de


n'emportant pour toutes armes que des

et

des revolvers.

ouvrait

la

dans

le

doulire,

cain

garon de Hanssens.

trois pionniers belges allaient

marche entre deux Zanzibarites, le fusil en bancostume obligatoire de l'explorateur au centre afri-

culotte blanche,

chemise de

flanelle,

ceinture de flanelle rouge.

NILIS

LES BELGES.

PARTANT POUR n'tOMBO-MATAKA (d'aPRS UNE PHOTOGRAPHIE)

II.

44

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

363

veston de serge bleue, casque de sureau, coiffure anglaise en usage sous


les latitudes tropicales.

Les explorateurs passrent

dans

rive gauche,

l'troit

le

Congo en pirogue

passage libre

le

et s'engagrent sur la

long du fleuve au pied des

monts.

Peu

aprs, cessant de ctoyer le

Congo,

s'enfoncrent dans les terres

ils

en suivant un vallon ravin coup par un ruisseau

qu'il fallut traverser, et

franchirent successivement deux petites

La chaleur

tait excessive,

montagnes croupe arrondie.


une atmosphre de plomb enveloppait

rgion parcourue. L'aspect du pays tait dsolant, par suite de

des indignes d'incendier en aot


figure un pays de

montagnes

tout calcins, et

l,

herbes et

les

la

l'eau,

coutume

gramines. Qu'on se

les

noirci par le feu, des blocs de rochers

au bord de

la

normes

prs des huttes habites, des cein-

tures d'arbres verts sauvs de l'incendie et des arbustes bien feuillus s'chap-

pant des interstices des rochers.

Du sommet de

seconde montagne,

la

Mataka; gauche de ce village


de huttes

Banza-Kimboukou

marcheurs entrevirent N'tomboet plus rapproch des marcheurs, un groupe


les

noy dans

tait

le feuillage

enchevtr des

palmiers et des bananiers.

Dans

cette localit,

un vieux chef

est

mort

la veille

les

blancs sont les

tmoins obligs d'une crmonie sauvage, consquence de ce dcs. Les


habitants

du

village, l'exception des esclaves, sont

soumis l'preuve du

poison.

Les sorciers de profession prsident ces ordalies;

ils ont compos sous


un breuvage empoisonn que prennent volontairement
en quantits gales, d'abord les plus proches parents du dfunt, ensuite

les

yeux de

tous les

la

foule

hommes

libres

de l'endroit.

Cette boisson produit une folie passagre


les accs, qui

comme
venin

ne peuvent rendre

coupables de

et, si la

mort

sorciers, se font les

la

le

mort du chef: on

n'est pas assez

ceux qui en ressentent

le

plus

poison aussitt aval, sont considrs


les

prompte,

laisse

mourir des

les assistants,

suites

du

sur l'ordre des

bourreaux de ces prtendus c<3upables.

Cette pratique donne lieu,

comme on

doit bien le penser, de terribles

vengeances.
11

et t imprudent de la part de Hanssens et de ses

compagnons non

seulement de s'opposer d'une faon quelconque ces hideuses scnes d'empoisonnement, mais encore de ne pas approuver la conduite des
sorciers.

Aucune des populations du Congo, on peut mme

dire de l'Afrique

CHAPITRE

3^)f

depuis

QUINZIME

Sngal jusqu' l'Orange, n'admet que

le

puisse avoir des causes naturelles. Si un

homme

meurt, cela provient soit des mes de l'autre


lement dsigne par la rumeur publique,
parvenir leurs
il

la

la

monde dont

l'une est spcia-

pour

d'tres vivants qui

soit

ont employ des sortilges. De

fins

la mort
tombe malade ou

maladie ou

libre

ce barbare recours

divination, cette intervention des sorciers, gens habiles fabriquer

des drogues, des doses de simples toujours empiriques, mls d'ingrdients vnneux ou inoffensifs,

administrs suivant l'individualit des

supplicis volontaires.

Durant l'preuve du poison,

le

cadavre du chef, attach une longue

perche, gisait au milieu de l'assistance


plaa,

sur

on

le

ramena dans

la hutte,

les ordalies

termines, on

le

d-

ex-proprit du dfunt, pour pratiquer

des oprations spciales, au bruit des dtonations multiples des

lui

fusils silex.

On soumit tout
on

l'ensevelit

de momeries

champ

voisin,

pierres,

du

d'abord

le

corps l'action du feu, pour

dans des toffes multicolores,


et

de

cris discordants,

o on

bois, des

l'enterra,

et

on

jusqu' la

scher

le

l'escorta,

faience,

Les blancs poursuivirent leur route,

del

ensuite

tombe creuse dans un

en entassant par-dessus de

morceaux de

avec quantit

la terre,

des

paille, etc.

en quelques minutes

et arrivrent

au village de N'tombo.

Des groupes de deux,

trois

ou quatre huttes, parpills au milieu des

traditionnels palmiers et bananiers,

composent

la capitale

de Makito.

Les huttes, uniformment construites en tiges de palmier


varies, s'lvent
sol

peme

elles sont plus

longues que larges, base rectangulaire, toiture

double pente. Les portes basses


sorte de
m'kissi,

tambour droul
dieux

lares,

tiss

et troites

en sont masques par une

de fibres de palmier

de morceaux

d'os, d'assiettes,

elles

Entre

les

Au

cultivs,

de tabac mlaient leurs feuilles vertes et soyeuses aux tiges


pois

plus hauts qu'un

centre de l'agglomration,

seul

etc.

groupes de huttes s'tendaient des espaces de terrain

les plantes

du manioc, aux arbres

un

sont ornes des

de journaux illustrs

ramasss aux abords des stations, de cornes d'antilopes,

et d'herbes

d'un mtre cinquante centimtres au-dessus du

bombax gigantesque,

homme.

un vaste espace circulaire, ombrag par


de forum aux indignes de N'tombo-

sert

Mataka.

Adoss au tronc du bombax. .Makito. entour de son peuple

une

natte, reoit les visiteurs.

et assis sur

LES BLLGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

565

Ilanssens, NUis et Callewaert dfilent tour tour devant le ro3'al per-

sonnage impassible, pour changer avec lui des poignes demain.


Les blancs s'assoient ensuite en face de Makito Nilis sur la canne-chaise
:

de Hanssens, ce dernier sur

un

une

pliant, et Callewaert sur

caisse

d'emballage.

Sur

l'ordre

de Hanssens, un Kabinda plante un bambou entre

les luturs

interlocuteurs; le drapeau bieu l'toile d'or est dploj^ l'extrmit de


cette

hampe improviHanssens s'apprte

se.

entamer la conversation.

En

moment

ce

coups de

des

partent

feu

des abords de la place,

un Zanzibarite bless
tombe sanglant au ct

Les

de Callewaert.

blancs se lvent
zibarites

Zan-

vengeance,

crient
Makito

Kabindas

et

et

son

peuple

jurent par tous les ftiches qu'ils ne sont pas


les instigateurs

de cet

odieux mfait.
L'moi est indescriptible, la foule se

ct o

la

avait clat.

dtonation

Un

individu, dans

complet

rue du

ignoble

un

d'ivresse,

po^^xs sur les rives du fleuve.

tat

dgouttant de bave

de manioc voisin de

la place,

et

de sueur, tomb dans un

tait l'auteur inconscient

de

champ

l'accideiit

survenu.

l'effroi

momentan des blancs succda presque immdiatement

sentiment de l'humanit,

Hanssens

et Nilis

la

pense de secourir

le

le bless.

invoqurent leurs connaissances chinargicales pour

extraire les projectiles, ttes de clous, fragments de cuivre, qui devaient

sans aucun doute avoir pntr le

derme du

Zanzibarite.

prise des chirurgiens improviss ce furent des grains de

la

grande sur-

plomb

qu'ils rcus-

CHAPITRE

366

sirent enlever,

mot, car
patient,

QUINZIME

non sans avoir charcut

malheureux

le

charcut

est le

pour arriver au derme du


vu l'paisseur extraordinaire de son epiderme.
il

fallait

passablement

tailler et entailler

La vue du sang rpugne aux noirs


sans songer consoler
gmir, crier
celui-ci, pris

que

le

le bless, se

aussi les

camarades du Zanzibante,

mirent-ils pleurer, grincer des dents,

pauvre diable

allait

mourir,

etc.,

tant et

bien que

si

d'une peur indicible, refusa catgoriquement de se laisser

oprer davantage par

les

deux

ofBciers.

Les seigneurs de N'tombo, tmoins jusque-l attentifs et silencieux de


cure, offrirent spontanment les services

L'homme

du docteur-fticheur du

mdecine de N'tombo-Mataka

jouissait

de

la

village.

rputation d'un

la

chirurgien trs habile, oprant sans douleur. Sa science inconteste chez les
noirs; le

nombre incommensurable de bien portants

par persua-

qu'il avait

sion rendus malades et guris ensuite; le chiffre indfini de clients qu'il


avait fait passer de vie trpas avant l'heure; des extractions de projectiles

pratiques par lui l'aide del succion seule, sansrecourir


sion, avaient depuis
catif de charlatan

la

la

moindre

longtemps acquis ce praticien, pour lequel

ne parat pas assez

ronde, du march de

fort,

Manyanga aux

un renom sans

inci-

le qualifi-

gal cent lieues

centres populeux

sis

sur les rives

du Stanley-Pool.
Accepter avec empressement l'intervention d'un aussi docte person-

nage

fut ruse

diplomatique fort bien joue par Hanssens

et Nilis.

Le docteur prvenu procde htivement, avant d'oser se montrer aux


profanes, son accoutrement une coiffure compose de plumes d'aigle,
:

de faucon, de coq de bruyre, de vulgaire poulet; au cou, des

colliers

de

grosses herbes, de verroterie et de corail; autour des reins, une ceinture

de becs d'oiseaux runis par une corde, laquelle sont appendus une centaine de petits sacs ftiches renfermant des pierres, des poudres, des os
calcins.
C'est simple, d'un
ftiches,

le

got douteux, mais imposant. Outre son

attirail

docteur se munit de mdicaments: herbes haches du

indigne de mkoiio,

et

grands

fruits

ayant

la

de

nom

forme de longs artichauts

(mpouvi).
Puis, prcd de son lve, ou

mieux de son aide-bourreau, personnage

d'un abord trs froid, ne possdant pour tout vtement qu'un bonnet

plumes moins volu mineux que celui de son matre, le docteur s'avance magistralement au milieu de

la foule recueillie jusqu' la

bless l'attend entour de ses

Le docteur

est

place publique o le

compagnons.

un homme aux cheveux poivre

et sel, dtail insignifiant

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

si l'on

phnomne

veut, mais

36
)"/

rare dans cette contre; son extrieur vn-

rable et srieux, son air de componction, conviendraient tout docteur qui

veut russir dans l'exercice de sa profession.

En apercevant
cative; ces

les blancs,

l'homme mdecine

tmoins intelligents semblent

une grimace

fait

lui dplaire,

il

signifi-

n'hsite pas cepen-

dant commencer l'opration qui l'amne.


et des chants

Des marmottages, des momeries, des contorsions

impro-

viss dont les refrains sont rpts par son aide, sont l'invariable prlude

de toute consultation du docteur de N'tombo.


Autour de lui, muets comme autant de carpes,

se pressent les indignes

qui n'ont plus de regards pour les mundels. Ces derniers font tous
leurs efforts pour conserver leur srieux, la vue des grotesques pratiques

du charlatan.
Les invocations,

peu pour

les exercices

les spectateurs,

Avec une sage lenteur

de chorgraphie

mais beaucoup pour

le

docteur procde

la

de plain-chant durent

et

le patient.

prparation d'un breuvage

particulier.

Point n'est besoin pour lui d'interroger


est

le

malade.

L'homme

mdecine

quelque peu sorcier l'occasion du reste ses mdicaments, toujours


;

les

mmes, sont censs gurir toutes les blessures, toutes les maladies.
Le mkouo hach est arros grande eau le docteur en presse le jus dans
la paume de sa main il boit trois gorges de ce breuvage et en donne trois
;

avaler au client.

Puis

il

place sur

dtache mthodiquement

un

plasme sur

feu de bois

le

mort

dos du bless,

les feuilles

suprieures du mpoiivi,

et les arrose d'eau.

qu'il frotte,

Il

les

colle ensuite ce cata-

tour de bras.

Pas un dos, autre que celui d'un ngre, ne saurait rsister de pareilles
frictions.

Pas un de nos docteurs ou de nos infirmiers d'Europe ne possde

de muscles assez puissants pour se livrer

de

tels exercices

un

seul client

soigner ainsi suffirait a les harasser.

Nanmoins, aprs ce massage formidable,

les

plombs rentrs dans

apparaissent sous l'piderme. Effet des frictions et

la

peau

non vertu des herbes.


du doigt le projectile

Alors, sollicitant l'attention de la foule, dsignant


qu'il

un

va extraire,

le

charlatan en proie des convulsions soudaines, prend

lan terrible, s'lance sur le bless, le saisit bras le corps,

l'exprime pour ainsi dire, et lui

fait,

n'importe o dans

le dos,

le

presse,

une succion

nergique.

O mtamorphose!
cuivre...

La

l'oprateur se redresse et crache

un gros morceau de

partie de dcharge qui avait atteint le bless se composait

grains de plomb.

de

CHAPITRE

368

QUINZIME

Les spectateurs se regardent ahuris;

prvenu qu'un Zanzibarite

l'avait

docteur avait

le

tait bless d'un

fait

coup de

On

erreur!

feu,

on avait

oublie de l'avertir que les projectiles taient des petits plombs europens.

Un

sourire d'incrdulit se dessine sur les lvres des noirs assistants.

docteur indign, apostrophant

les blancs,

leur dit

Le

vous m'aviez renseign plus clairement, j'aurais extrait des grains


de plomb. Je n'avais pour cela qu' prononcer une autre prire.

Si

Invit

gien

s'y

gracieusement par Ilanssens recommencer ropcration.


refuse obstinment,

il

rclame ses honoraires

le

quelques mtras

honte avec autant de dignit

d'toffe carlate, et s'loigne sans

chirur-

qu'il est

venu; sa dmarche en impose au public.


Les indignes ne rient plus; leur confiance en l'homme mdecine se
raffermit; leur foi en la science

du praticien

est plus inbranlable

que

jamais.

Le rcit qui prcde extrait d'une lettre d'un explorateui- belge digne de
foi, donnera aux lecteurs une ide de la valeur en tant que chirurgien de
tout personnage appel au pays des ngres l'homme mdecine.
Chaque district possde un ou plusieurs de ces charlatans, comme celui
de N'tombo Mataka, ils n'ont aucune science, il ne font jamais le diagnostic
:

maladie, mais toujours

d'une

le

prognostic;

ils

emploient

quelques herbes ou racines d'une faon empirique,

et

usent

le

les

vertus de

plus souvent

de ventouses.

La considration immense dont jouit l'homme a mdecine auprs des


ngres, donne ce personnage une influence suprieure mme celle du
devin son avis prime dans la plupart des questions publiques.
Inutile d'ajouter que leur comptence en conomie politique est
aussi nulle que celle du charlatan de N'tombo dans ses fonctions de
;

chirurgien.

Aprs son dernier exploit,


reu tour tour

la visite

des claircissements sur


les

le

docte personnage escort par

des chefs dsireux de


le

le

la foule avait

complimenter ou d'avoir

miracle qu'il avait opr; pendant ce temps-l,

blancs se morfondaient

sur

la

place

publique en attendant leurs

htes.
Nilis,

dsireux d'utiliser ses

loisirs, partit la

dcouverte dans

le

village

de N'tombo.
Prs du forum, sur la droite, un groupe d'arbres verts encadrait une
construction ressemblant une hutte indigne, mais ayant une face
grillages de tiges de palmiers. C'tait le

Par

la face grille

on distinguait

le

tombeau d'un makoko.

monument

lev la

mmoire du

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

mort;

La

il

consistait

369

en deux grosses et larges dalles superposes en

dalle suprieure supportait trois figurines en terre

escalier.

rouge s'eflforantde

une femme enceinte; l'autre, au centre,


un robuste mle; celle de gauche, une jeune mre allaitant son enfant; sur
la pierre infrieure reposaient des articles de mnage, vases, bouteilles
vides, verres, couteaux de table, assiettes brchees, placs par des mains
reprsenter: l'une, place droite,

pieuses la disposition de l'me

du dcd.

LE CAPITAINE HANSSENS.

A gauche du
gueule bante,

mausole, un crocodile colossal sculpt sur pierre,

veillait,

semblant menacer ceux qui venaient troubler

dernier

et

le

sommeil du makoko.
Plus loin, la lisire du village, Nilis dcouvrit un superbe panorama.
Des chanes de montagnes courant paralllement du nord au sud formaient
comme un escalier gigantesque color de rouge, de noir et d'or, et se perdant dans le bleu pur du ciel.

et l, sur ces gradins de quartz ou de granit, des touffes d'arbrisseaux,


des dmes de verdure, marquaient les emplacements des villages.
LE5 BELGES.

II.

^y

QUINZIEME

CHAPITRE

370

Mais dans

rues de N'tombo-Mataka,

les

le

tambour

bat, les

d'ivoire rsonnent, le peuple et les chefs se rassemblent de

trombes

nouveau sur

le

forum.
Hanssens,

gent

la

Nilis,

Callewaert, reprennent leurs siges respectifs et enga-

conversation avec les gros bonnets du pays. Le roi Makito n'est

pas encore prsent. Son absence permet ses vassaux de dblatrer


contre

lui.

Makito

trop petit chef, trop pauvre pour tre notre

est

roi,

dit

Hanssens, un sieur don Gosi, conseiller habituel du souverain de N'tombo,

Nous voulons

le

remplacer: aidez-nous dans cette tche; nous vous prsen-

terons tour tour les candidats.

Hanssens promet son appui;

les noirs se retirent l'cart

pour

dli-

brer.

Pendant ce temps,

les blancs

examinent

les divers types indignes.

Il

en a de fort beaux; certaines physionomies rappellent aux Europens des

amis de

la patrie lointaine,

Europe, quelque part,

et

des connaissances, des individus entrevus en

dont on cherche

le

nom oubli.

Les poses acadmiques de certains assistants divertissent les trangers la


l'un, la face rjouie d'un autre, l'air hbt d'un troi;

mine rbarbative de

sime, l'accoutrement, les occupations de

la

plupart des individus soumis

l'examen sont autant de distractions, d'tudes intressantes.

L'un d'eux, un vieux tte grise, assis la turque non loin des blancs,
tresse des herbes et fabrique u'n espce de filet; parfois il interrompt son
travail

pour

jeter

un regard

froce sur Hanssens et Nilis,

il

marmotte dans

sa barbiche des mots inintelligibles, en branlant d'un coup de poing convulsif le monument chevelu rattach par un large ruban rouge qui orne sa

un bonnet de marmiton mal

tte d'une coiffure naturelle ressemblant

blanchi.

Enfin Makito revient, et devant l'auguste souverain les noirs n'osent plus
affirmer leurs prcdentes intentions.

Hanssens prie
de

le

le roi

de N'tombo d'accepter

planter sur son territoire, non pas

comme

le

drapeau de l'Association,

comme gage de soumission, mais

signe d'amiti.

Cette prire est tout d'abord rejete.

point cordiale

Makito

n'offre pas

La

mme

suite de l'entrevue est

peu ou

ses visiteurs le traditionnel

malafou.

Le

soir, a la nuit

tombante,

les habitants

de Manyanga-Station, runis

sous la vranda du btiment principal, constataient l'insuccs de leur


excursion au village de N'tombo-Mataka. L'interprte William, qui avait

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

du

pi les conversations des indignes


l'Association

que .Makito

village, affirmait

371

aux agents de

grands de

serait bientt dtrn par les

l'endroit,

tous favorables au protectorat des mundels.

Peu

aprs, en

un successeur de

effet,

drapeau de l'Association

Un change

Alakito plaait sous la protection

du

de N'tombo-Mataka.

le district

frquent de visites entre Hanssens, Nilis et les chefs des

villages de la rive

gauche voisins de Manyanga, amena l'apaisement de

contre. Les indignes afflurent en foule

Chaque jour y amenait un contingent de

la

la station.

visiteurs intresss; les

hommes,

y remorquaient des moutons, des chvres, sous le fallacieux


prtexte de faire des cadeaux au mundel; les femmes, plus craintives,
rois

ou

serfs

mais plus franches, venaient

contre remboursement les divers pro-

offrir

du
de fve blanche noyau, qui, rduite en
poudre et prpare l'huile de palme, sert de condiment une poule
bouillie; du manioc, des arachides, des artichauts sauvages, des ignames,
des petits poissons, etc. Elles acceptaient avec empressement des colliers
pays, les n'sodia, sorte

duits

de perles, des miroirs.

les

miroirs

que d'instants dlicieux

la

plupart de ces noires

filles

d'Eve

passent devant la surface polie qui reflte leurs plus divins sourires, leur
extatique batitude!

La coquetterie

pennes qui se savent


constat que seules

jolies

n'est point l'apanage exclusif des

explorateurs en Afrique ont toujours

les

ngresses

les

Euro-

plus

jolies

que leurs

semblables

prouvent une satisfaction inexprimable se regarder dans un miroir.


Elles se

main

mirent avec crainte tout d'abord, en se couvrant

et glissant

quelques

furtifs

par

regards sur

mier pas qui cote,

le verre

enchanteur. Puis,

yeux d'une

le collent

c'est

les doigts

toujours le pre-

dcouvrent leur visage,

elles s'enhardissent,

prochent de l'appareil magique,

les

habilement mnags entre

les interstices

sur

le verre, l'loignent,

le

rap-

sourient

en dcouvrant une denture aiguise, redeviennent srieuses, proccupes,


attentives, adressent des

ftiche

nouveau genre,

compliments, des prires, des

et s'absorbent

des reproductions variant selon


oublient et

le

temps qui

qui pient avec

le

tellement dans la contemplation bate

jeu de leurs physionomies, qu'elles en

s'enfuit, et les

tmoins indiscrets blancs ou ngres

chacun des mouvements

complaisance

flatteries ce

gracieux

ou

tonns de ces noires Psychs.


Aujourd'hui, sur les bords du Congo, les jolies ngresses peuvent rendre

des points nos coquettes pour


savent rester des heures devant

Ces

la

patience complaisante avec laquelle elles

un

miroir.

visites et les distractions qu'elles

amnent rompent

la

monotoaie de

CHAPITRE

QUINZIME

Europens stationns Manj^anga

l'existence des

sont toutefois

elles

impuissantes faire oublier aux blancs leur loignement de


les

la

mre

patrie,

dsagrments multiples de leur rsidence.

Manyanga-Nord

est

une des

stations dont le sjour fut et est redout de

tous les agents de l'Association.

Hanssens, Nilis et Orban y connurent

toutes les douleurs des

intermittentes,

fivres

tous

et

horribles

les

insectes dont les piqres causent autant de plaies dgnrant en ulcres.

Un matin, c'est un bourdonnement de deux


nommes maniegon en langage indigne, une
venimeux

grosses

mouches

Orban trouve

qui, rveille Nilis; aprs midi, l'heure de la sieste,

son traversin occup par un ignoble centipde; dans

brusquement

la nuit,

au contact visqueux d'un scorpion

rveill

repos est troubl par la prsence de

l'un

ou

Hanssens

est

chaque instant de

de ces tres malfaisants,

l'autre

mouches, moustiques, scarabes, serpents,

noires,

sorte de gupes au dard

etc., flaux

abominables des

latitudes tropicales.

Le 26 aot, une nouvelle vexatoire parvint aux habitants de Manyanga.


Le Royal, guett depuis plusieurs jours par les blancs, fut signal ds le
matin par

ladait la

kabindas, aux cris de seyloo! scyloo!

les travailleurs

Bientt

le

steamer mouillait dans

montagne

et

la

crique; le capitaine Anderson esca-

annonait ses amis qu'en raison du naufrage de

malle anglaise VEthiopia dans

dans

la

les

la

parages de Banana, un retard s'imposait

remise des correspondances.

Pas de lettres! Tous ceux qui

comprendront ce que ces


de dcouragement.
taines

ont
trois

voyag

dans

contres

les

mots contiennent de

loin-

tristesse et

L'absence de nouvelles impatiemment attendues par des exils tait encore

un des nombreux chtiments immrits


vaillants pionniers qui avaient

de

et toutes les dlices

infligs par le destin cruel aux


abandonn, sans pouvoir les oublier, l'Europe

la vie

civilise,

pour errer

loin de leur patrie

sans autre objet que de se dvouer au grand oeuvre de civiliser

conti-

le

nent noir.

On

on

lamente,

se

on espre, on

dplore les

consquences du

naufrage

puis

chteaux en Espagne sur l'arrive du prochain

btit des

courrier.

Le Royal repart pour Issanghila emportant,


rable de

d'Europe

lettres
;

les

lui,

un chargement consid-

adresses par les blancs leurs parents, leurs amis

colons de

Manyanga cherchent

plissement de leur tche un palliatif au dboire de

Les occupations de

Nilis,

ensuite

dans l'accom-

la veille.

chef de Manyanga, ncessitaient,

comme

celles

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

de tous

les

un

ples et

dans

le

stations, des connaissances varies et multi-

esprit ingnieux, inventif.

devait

Il

station,

commandants de

375

augmenter sur des plans donns

mettre en culture

immeubles de

les biens

les terrains avoisinants, instruire ses

la

hommes

mtier des armes, entretenir avec les chefs indignes des districts

limitrophes des relations de bonne amiti, correspondre avec les agents


suprieurs de l'Association, tant ceux rsidant en Afrique que ceux domicilis

en Europe; tre en

un mot

la fois architecte, agriculteur,

dant de troupes, administrateur, intendant,

En

qualit d'architecte, Nilis faisait lever sur le plateau de

des maisons de brique, rappelant par

forme

la

comman-

etc., etc.

et la

Manyanga

couleur

la

brique

fabrique en Europe, mais de dimensions triples.

Ces moellons taient confectionns Manyanga


leurs noirs sur les indications de Nilis;
les

matriaux

vgtaux

indignes

ils

mme

par

les travail-

remplaaient avantageusement

prcdemment employs dans

les

constructions.

Comme

agriculteur, le lieutenant avait dirig

terrains cultivables acquis l'Association; des

de bananiers, succdaient peu peu sur

le

les

dfrichements des

champsde manioc, desorgho,


mon-

plateau et les flancs de la

tagne aux espaces jadis couvei'ts d'une vgtation maigre


Nilis, ofBcier, avait fait

autant de soldats de tous les

et inutile.

hommes composant

son personnel noir. Zanzlbarites, Krouboys, Kabindas, manuvraient en


peloton aussi bien que des vtrans d'un rgiment d'Europe, et se perfectionnaient chaque jour dans

le

maniement,

l'entretien et le tir des fusils de

guerre. Les uns et les autres, faisant tour de rle partie des caravanes
reliant

la vie

Manyanga au Stanley-Pool, taient rompus auxfatigues de la marche,


du camp, aux motions de l'alerte.

Manyanga-Station, protg naturellement par sa situation topographique


et les

quelques travaux de dfense militaire bauchs par Harou

mins par

Nilis,

et

ter-

pouvait avec sa garnison dfier toutes les attaques, toutes

les tentatives d'assaut

des hordes indignes.

De toutes les fonctions dont

Nilis s'acquittait merveille,

il

en

tait

une

surtout qui faisait l'objet de ses plus vives proccupations.


Nilis intendant,

charg d'assurer

le

ravitaillement d'un corps de troupes

relativement considrable, regretta bien des

don de multiplier
aux dfenseurs de Manyanga.
vertu des miracles,

le

fois

de ne point possder

les rations

la

expdies d'Europe

L'Association n'hsitait assurment pas devant la dpense d'argent, sur-

tout lorsqu'il s'agissait de nourrir ses agents en Afrique, mais en raison de

CHAPITRE QUINZIME

376

causes involontaires, cas de force majeure

de vivres,

les envois

conserves

riz,

nations respectives. Quelquefois


vais tat de conservation,

que

mme

naufrage de YEthiopia,

comestibles n'arrivaient pas

dsirs et des besoins leurs desti-

promptement au gr des

toujours assez

comme le

et autres

les

si

mau-

les

point

aliments parvenaient en
eussent prfr ne

les destinataires

recevoir.

En consquence,

il

fallait

compter

le

plus souvent sur les seuls produits

indignes, produits dont l'obtention tait toujours alatoire.

Par cupidit,

les

ngres exigeaient de

dable; certains moments,

marches,

ils

la

moindre denre un prix inabor-

fermaient par caprice, l'accs de leurs

ils

coupaient littralement

aux blancs

les vivres

et

au personnel

des stations.

En de

occurrences, Nilis intendant faisait appel toute sa diplo-

telles

matie. Aprs des pourparlers, des palabras sans fin, il russissait ravitailler
la garnison, toujours trop tard pour les estomacs affams, toujours con-

formment aux

lois

nous notons

Si

de

ici

morale

la

et

de

l'quit.

ces petits cts de l'existence de nos pionniers en

Afrique, c'est pour faire connatre chacune des admirables qualits qu'ils

ont d possder pour lutter contre les difficults inhrentes aux entreprises

dans

les

rgions quatoriales, et contre certaines fautes d'organisation

indpendantes de

la

volont des promoteurs de l'uvre.

Indpendamment de

Manyanga.
du voisinage,

ces occupations

l'avons dit, visitait les chefs des districts

Nilis,

comme nous

passait avec eux des

conventions, soit pour la cession d'une partie de leurs territoires et de leurs

pour

droits souverains l'Association, soit

les

dterminer fournir

la sta-

tion des contingents de travailleurs indignes.

Certes quelques-unes de ces conventions prtent matire discussion


et

dans

le

fond

et

dans

la

forme

elles

ont t critiques outrance par les

rivaux de l'Association internationale mais elles ressemblent toutes celles


;

que

l'on passe

journellement avec

reconnus portent

les

la responsabilit.

ngres

On

et

dont tous

se taille

les

gouvernements

en Afrique un royaume

bas prix, financirement parlant.

La France au Sngal
litres d'eau-de-vie,

immenses pour quelques

a acquis des domaines

des cotonnades, des fusils;

la

valeur des traits passs au

continent noir ne dpend pas de la bonne volont des ngres, mais bien du

pouvoir qui

les

propose

et sait les faire respecter.

CHAPITRE XVI

Le docteur Peschuel attaqu

Mowa.

Van Gcle fonde

la station

de

l-utet.

nade militaire du m'j'uum Katchcdic. Victoire de Nilis Dandanga.


de lgumes. Les moutons de Manyanga. Nouveaux arrivants.

[ANS les derniers jours d'aot 1882, divers points

du Congo entre Manyanga


tre

de drames

quei:it

pour

les

sanglants.
piller

les

Une prome-

jMakito,

marchand

du cours

et Lopoldville sont le th-

Des hordes de bandits attaconvois des e.\plorateurs; les

agents de l'Association internationale sont obligs de se


dfendre et de se faire, bien regret, les justiciers des brigands noirs.
La loyaut des pionniers belges dans leurs relations avec les possesinstincts,
seurs du sol ne peut tre mise en doute; seuls par leurs mauvais
LKS bJ.Cl^.

II.

48

CHAPITRE

378

qui se dveloppent sans frein sous

SEIZIME

rgime de

le

dont

libert illimite

ils

jouissent sur Ui terre d'Afrique, les ng:res amenrent les i^raves dsordres

qui ensanglantrent les rives du Congo.


Si,

dans

les sicles couls,

l'Europe participa directement elle-mme aux

pratiques belliqueuses qui jetaient les peuplades ngres les unes contre

dans

les autres

ngriers,

s'ils

humaine qui

M. Lopold

toujours

le

bois d'bne

quelques

si

plus impitoyables des

ce barbare produit de dporta-

du plus

la

et

noble bannire de

la justice,

pense de

la

respectrent

faible.

caravanes qui vont et viennent entre

les

les terres

de cultiver

gnreux interprtes de

les vaillants et

pour but de dfricher

avait

groups sous

II,

les droits

Lorsque

les

ont longtemps excit les mauvaises passions des noirs pour

du nouveau monde
S.

ont t

continent

vieux

obtenir a bas prix


tion

d'alimenter les marchs d'esclaves

but

le

dnaturs du

fils

prcites passaient l'aide des bacs indignes


route, tant sur la rive sud

que sur

la rive

les

les

deux

stations

rivires barrant leur

nord du Congo,

soumises des droits de page rglements par un

tai'it

elles taient

convenu entre

Stanley et les makokos intresss.

Ces derniers,
pre

les

comme

engagements
de ces

l'application

tous les ngres du reste, aussi prompts romqu'a

tarifs

les

signer

d'une

croix,

une insigne mau\"aise

apportaient dans

foi.

Leurs exigences outrepassrent leurs droits: leur cupidit

frquemment
nes, leur
les

la

qualit

des marchandises transportes par

audace accrue par

graves excs dont

les

le petit

qu'veillait
les

carava-

nombre des caravaniers provoqurent

ngres furent foi-cement

les

premires victimes.

Nous avons mentionn dans le prcdent chapitre le dpart pour


Lopoldville du docteur Peschuel et de son compatriote, l'agronome
Teusch, avec une escorte de dix-sept Zanzibarites et de sept Kabindas.
Cette petite caravane arrive sans incident notable au village de Zinga,

mme

quittait le

jour cette localit et franchissait gu. vers

petite rivire qui limitait

Durant
avait

journe,

la

marqu plus de

la

l'est le district

accablante,

chaleur avait t

45 degrs; les

le soir,

une

de iMowa.
le

thermomtre

marcheurs extnus rsolurent de

bivouaquer pour prendre une nuit de repos.

Le bivouac

fut di'ess

sur

le

bord oriental de

des roseaux et des joncs, dont l'espce


des sables (CjLiinagrostis arcnan'ci),
ravissantes.

Peschuel

non

la

la rivire,

au milieu

plus abondante tait

loin

le

roseau

de bouquets d'arbres tleurs

et

Teusch, savants botanistes, notrent

les varits

prcieuses

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

de

la

flore,

broussailles.

abondantes

en

Les

d'or

fleurs

cet

endroit

du

parmi

Jatropha,

blancs du Miissx'iida grandijlora. les tiges

les

fleuries

les

buissons

ptales

et

les

carlates

ou

de YAn&ornuin d'un

d'un sol g-azonn o des m3'riades de


(Commdynx), purpurines (Emilix), mauves et blanches (Cleumx), montraient timidement leurs corolles.
rose ple,

trnaient au-dessus

petites fleurs bleues

MLSS.ENDA GU-INUIFLORA

Mais
les

la

nuit descendit bientt sereine et frache. Assis devant leur tente,

agents allemands songeaient leur patrie, aux parents, aux amis,

l'avenir rserv leur expdition.

penses souriantes; parfois un doute


esprit

une ombre noire

Des penses

tristes succdaient

les traversait

qu'ils s'efforaient

et laissait

en vain de dissiper.

aux

dans leur

CIIAPITRC

380

hommes

Leurs

SEIZIKMi:

d'escorte, allongs sur des couches d'herbes, causaient

auprs des feux de bivouac.

Soudain

parde nombreuseset

l'attention des blancs fut veille

brillantes

lueurs qui traversaient l'espace.

Aprs mre rflexion, ce

l'ait

fut

de l'incendie

n'tait

les

ngres

gramines. Nanmoins

l'heure

imput l'habitude qu'ont

d'incendier cette poque les licrbes et

les

pas sans inspirer des inquitudes aux voyageurs

vue des flammes, Djuma, cuisinier zanzibarite de

la

l'escorte,

un

et

des con\-ovcurs kabindas. se levrent prcipitamment et rallirent leurs


chefs blancs.

Djuma en

tranant Peschuel prs de

centaines d'individus lanant des

dsigna du doigt des

la tente, lui

bambous emflamms pour

activer

l'in-

cendie.

Matre, les gens de .Mowa sont arms

diriges contre nous.

Bientt en

entoura

Les

le

effet,

les

flammes

allument sont

qu'ils

active par

un

de

fort vent

une ceinture de feu

l'est,

bivouac.

hommes d'escorte, effrayes, se

affols

levrent en toute hte et se grouprent

autour de Peschuel et de Teusch.

Devant ce

pril

imminent,

explorateurs curent recours a toute leur

Calmes, matres

prsence d'esprit.

pense

les

rsister avec

ensemble

et

d'eux-mmes,

ils

n'jvaicnt qu'une

sortir vainqucLirs

de cette preuve

inattendue.
Ils

les

ranimrent

le

hummes

courage de leurs

bagages dans un

troit espace

dnud

et fn-ent

plier et entasser

situ au centre

du campe-

ment.

Dans ce grave moment, l'incendie menaait de


tournant vers Djuma,

Tu

vas sortir

lui dit

d'ici, le

plus srement qu

Manyanga pour informer

les

allait s

envahir. Peschuel. se

il

te sera possible et tu couri'as

mundels du danger qui nous entoure.

Dis-leur que nous nous dfendrons jusqu'

Djuma

les

la

mort.

>

lancer du ct des herbes entlammes, lorsqu'une dto-

nation formidable enveloppa d'une nue de projectiles

form par

les

.Vllemands et leurs vingt-quatre hommes.

le petit

groupe

Djuma tomba

mortellement frapp Peschuel. atteint au bras droit par un clat de cuivre,


:

poussa un rugissement de douleur, resta debout


barites et

et enjoignit

aux Zanzi-

aux Kabindas de rpondre par des coups de carabine a

sauvage agrcs.-ion des

la

noirs.

Ces derniers avanaient toujours

les

herbes,

l'duites

en cendres,

LES BELGES DANS L AFRIQUE CENTRALE

n'oftVaicnt plus d'obstacles leur

approche.

385

voir ces ngres robustes

on aurait cru comtempler un coin des


Poussant des cris qui n'avaient rien d'humain, ils mar-

s'lancer la lueur des flammes,

rgions infernales.

chaient serrant leur rang' chaque troue meurtrire des carabines

tir

rapide.

Mais a mesure que

les

Les munitions de

feux diminuaient d'intensit,

du danger. Les ennemis

distincte l'imminence

rendaient plus

caravane s'puisaient avec rapidit

la

ne pouvait durer bien longtemps, car, ds que


ralentirait, les

ils

taient cent contre un.

le

un combat

feu des winchesters se

combattants de Peschuel seraient crass par

le

nombre

des ennemis.

Les Allemands avaient mesur l'tendue du pril


dsesprs. Leur exemple, la vue

ils

combattaient en

du sang de Djuma, l'odeur de

la

poudre,

avaient transform en lions furieu.x les Zanzibarites et les Kabindas.

Lorsque l'incendie eut dvor toutes


ralliant leurs

hommes,

les

herbes avoisinantes,

les

blancs

s'lancrent au plus pais des ennemis et brlrent

bout portant leurs dernires cartouches.


Cette dcharge extrme mit lin aux cris
]\lo\va

poussant

des

hurlements

d'etroi,

diaboliques des
ils

prirent

la

de

noirs
fuite

vers

leur village.

Les caravaniers, n'coutant plus

la

voix de leurs chefs, poursuivirent les

fuyards avec acharnement.

Le lendemain

huttes de .Mo\s a taient

la

proie des flammes. Zanzi-

barites et Kabindas avaient a leur tour jet des

bambous enflamms sur les

les

cabanes de leurs lches assaillants.

Par un revirement trange,

le

chef indigne de .Mowa, instigateur de la

lutte de la veille, venait rendre a Peschuel

reur commise par ses sujets

une

visite et

s'excuser de

l'er-

L'agression de la nuit prcdente, affirmait-il, devait tre tente contre

une caravane dirige par Susi er apportant de Lopoldville des charges


d'ivoire destines l'administration europenne de l'Association internaCe chef aussi impudent qu'insouciant rclamait en outre des dommages pour les dsastres subis par sa capitale.

tionale.

Peschuel adressa ce roitelet de svres remontrances. Devant tout son


peuple assembl, il rejeta sur lui la responsabilit de ce qui tait arriv
et lui dit dit bien

haut que ceux qui avaient a pleurer

proches ou dplorer
et lui seul.

route,

Il

la

la

perte de leurs

ruine de leurs cabanes devaient s'en prendre a

ajouta que sans perdre de temps

et qu'il irait s'tablir

il

allait se

lui,

remettre en

Lopoldville o les blancs et leurs allis

CHAPITRE

384

sauraient le dfendre et

SlIIZlliME

prcscrver des inqualifiables attaques des bandits

le

de Mowa.

La rponse de

provoqua

F^eschuel

la

fureur de l'assistance; une reprise

d'armes paraissait imminente.


L'entrevue avait lieu non loin des huttes fumantes de .Mowa, sur

habituellement suivie par

les

la

route

caravanes venant du Pool.

Peschuelet Teusch, revolver en main, entours de leur vaillante escouade,

murmures,
signes prcurseurs d'un massacre par la mul-

restaient calmes et impassibles, peu soucieux en apparence des

des menaces qui s'levaient,


titude des fuyards de

Assurment

armes

la

la veille.

situation des ayents de l'Association tait terrible; des

dans leurs mains: mais l'absence de munitions

brillaient encore

une conjoncture
commettre l'imprudence de

rduisait nant l'emploi de ces enyins de dfense. Dans


critique,

aussi

les

pouvaient

dans leurs paroles ou dans

percer

laisser

blancs ne

leur

attitude, le

moindre

sentiment de crainte.

Les interprtes des Allemands traduisaient donc aux grands de


des paroles pleines d'autjriti'; et non de supplications.
*

Nos marchandises ont

gnons
le

est

t dtruites par l'incendie;

Mowa

un de nos compale mundel a

mort, lchement assassin par vos subordonns;...

bras travers par une balle, et vous avez faudace de lui rclamer encore

des valeurs en payement de vos dsastres? Le mundel n'a plus rien et ne


donnera rien. Ordonnez vos yens de nous livrer passage nous nous
;

rendons prs de Ntamo, o nous trouverons des

pouvez nous y suivre.

frres,

des amis; vous

un vieux ngre, dont l'accoutrement diffrait de celui des


habitants de Mowa, s'avana vers Peschuel pour lui demander s'il connais-

sait

ces paroles,

Boula-Matari.

Oui!

rpondit

docteur, en examinant iroidement son interlo-

le

cuteur.

Ce

une immense toge cariate, avait sur


en papier rappelant par sa forme une mitre d'vque.

dernier, drap dans

coiffure

la tte

une

Ce personnage, de passage Mowa, tait en eftet un chel bateke dont le


village sis auprs du Gordon Bennett, avait t visit nagure par Stanley
et Braconnier.

Les

rcits

de ses relations avec

les

premiers voyageurs blancs

impressionn les seigneurs de Mowa et acquis au


inlluencc son intervention mit lin aux murmures de
certaine
une
narrateur
avaient

rcemment

l'assistance

PMaas

Eii ^r iirjxeji^

Ic|-A Met vr.B Bi-jxale

Le Roi MpaxXga

LES BELGES DANS L'AFRIQ[:E CENTRALE

Ce survenant imprvu
ennemi dclare

allait-il tre

3S5

pour Peschuel un dfenseur ou un

L'incertitude ne fut pas de longue dure.

Vous connaissez Boula- .Matari, dit-il, et comme lui, sans doute, vous
vous rendez chez les Wambundu pour accaparer l'ivoire que les matouts
charriaient autrefois jusque dans nos districts et que nous revendions avec

bnfice nos frres

vous tes des


tricts

du mpoutou. Donc vous venez aider a notre ruine;


contre qui les makokos de tous les dis-

hommes mchants

du grand fleuve doivent sarmer.

Ces accusations tranges amenrent une

La populace nuire hurla de plus

.ions hostiles contre les blancs.

Teusch crurent entendre

Peschuel

et

devant

mort,

la

il

recrudescjnce de disposi-

le

belle;

glas de leur dernire heure: braves

tinrent en respjct leurs plus proches ennemis, par la

seule nergie du regard. Derrire eux, les Zanzibarites et les Kabindas, corn-

prenant l'imminence du danger, se serraient, s'entassaient, dtachaient

haches

et les

les

couteaux qui pendaient a leurs ceintures. Un mot de Peschuel

et provoque une nouvelle effusion de sang.

Tout coup, une dtonation


dessus des ttes des chefs de
Gravissant

ploye

la

la

pente de

la

retentit;

une

balle siffla

dans

l'espace, au

Mowa.

route qui conduit a

bannire de l'Association

et

Mowa, un blanc

tenait d-

guidait au pas de charge, vers le

rassemblement cernant Peschuel. un peloton de Zanzibarites arms de


winchesters.
L'apparition inopine de ce renfort changea les menaces des indignes ea

exclamations de frayeur;

un vide instantan

se

fit

autour du groupe

des dfenseurs de Peschuel que ne tarda pas rejoindre

la

phalansi-e

libratrice.

L'envoy providentiel a qui

les

Allemands durent

la vie ce jour-l tait

Nicolas Grang.

Le jeune officier, parti de Lopoldville pour Manyanga, avait appris en


le danger auquel taient exposs des blancs prs de .Mowa. Il a\-ait
ds lors acclr la marche de sa caravane; et arrivait sans s'tre pargn
aucune fatigue, sans avoir pris le moindre repos depuis deux jours, pour
route

sauver

les

Europens menacs.

Inutile de dire en quels

termes de reconnaissar.ce Pesjhuel

et

Teusch

remercirent leur sauveur.

La premire effusion passe, il restait prendre des mesures efficaces


pour rendre aussi peu dangereux que possible tout retour offensif des
indignes de

Mowa.

LES UELCES.

It.

40

CHAPITRE

386

Un

express fut dpch

SEIZIME

Manyanga

afin

de demander des

des

fusils et

munitions.

Le

septembre,

mande par

l'estafette

Ngoyo une caravane com-

rencontrait

Callewaert.

Cette petite troupe s'tait croise en ce point avec la caravane de Susi qui,

venue de Lopoldville par


amont de ce point.
Susi avait eu vent de

gauche, avait pass

la rive

l'affaire

de .Mowa,

et

en nyre imaginatif

amplifi considrablement le rcit de la bataille.

homme
et

tu

Djuma

on comptait plusieurs Zanzibarites parmi

Teusch taient blesss

Congo un peu en

le

n'tait

les

il

pas

avait
le

seul

morts, Pescbuei

l'un et l'autre, toute la contre riveraine tait

rvolte, etc., etc., etc.

Callewaert, tromp par ces contes exagrs, avait, avant l'arrive de


l'missaire de Grang, fait

demandera

Nilis vingt

paquets de cartouches de

sniders et deux botes de winchesters. Avec ce surcrot de munitions,

Callewaert partait pour .Mowa.


Il

y rencontrait

La palabra

les

tait

blancs occups confrer avec les chefs indignes.

peu amicale,

il

s'agissait

d'un crime commis par

un

Zanzibarite de l'escorte de Grang.

Ce musulman de

la

cote orientale avait, en dpit des

pntr dans une hutte habite par une jeune

femme

coutumes

locales,

tout nouvellement

accouche.

Ce

aux yeux des indignes une vritable profanation, un


un mauvais sort jet au nouveau-n.
L'auteur du mfait, surpris en flagrant dlit par quelques habitants de
fait

constituait

sortilge,

Mowa,

avait t ross d'importance; mais, tant

leurs mains,

chef

armes

il

noir de
ses

parvenu se soustraire

avait rejoint son chef direct, le caravanier


l'escorte

de Grang,

hommes pour

attaquer

et l'avait dcide

Hami Karourou,

faire prendre les

Mowa.

Grang, avis des intentions des Zanzibarites,

s'tait

interpose! avait d,

pour s'opposer aux desseins de ses gens, mettre en joue Hami Karourou
lui-mme qui s'apprtait tirer sur un groupe de natifs.

De lourdes

accusations taient donc

la

charge

des

Zanzibarites,

lorsque Callewaert se prsenta avec un nouveau renfort de soldats et de

munitions.

Devant
gneurs de

le

dploiement considrable des forces de l'Association,

Mowa

rente amnit.

parurent intimids. Leur arrogance

Ils

fit

place une appa-

se dclarrent disposs laisser partir k-s blancs

village sans exiger d'indemnit.

les sei-

de leur

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

3S7

Pcschucl et Teusch reprirent leur route pour Lcopold ville; Grang-et


Callewaert se dirigrent vers Manyansa.

En
ils

traversant le

dcouvrirent

le

champ de

bataille

les

Allemands avaient combattu,

cadavre de Djuma dans un

tel tat

de dcomposition,

qu'aucun des Zanzibarites ne voulait l'inhumer.

Nanmoins, sur
terr,

une

fosse

les

Djuma

injonctions imprieuses des Belges,

fut en-

recouverte de pierres et de branches d'arbres reut la

dpouille de cet obscur mais dvou auxiliaire d'une mission glorieuse.

Le

septembre, vers midi, Grang

de .Manj-anga-Nord

Sur

le

les

et

Callewaert raci:)ntaicnt aux colons

vnements de .Mowa.

rapport de Grang,

qui avait pntr dans

la

crut devoir infliger

Nilis

hutte

au

Zanzibarite

de l'accouche une punition exem-

plaire.

Quinze coups de chicote, lanire de peau d'hippopotame tordue

et

sche, labourrent les chairs du coupable.

Ce supplice contre lequel s'lvent outrance les philanthropes en


chambre de nos pays d'Europe, est la seule punition produisant un
effet salutaire sur les noirs attachs au service des explorateurs du
Congo.

Le

mme jour,

l'interprte William, expdi

.Mlako, roitelet de

par Nilis auprs de Mlongo-

Dandanga, rapportait a

rantes: les peuplades de

la rive

Nilis des nouvelles peu rassugauche taient ameutes contre les blancs

et s'apprtaient leur dclarer la

guerre, en raison de

la

mchancet d-

ploye par les Zanzibarites tant .Mowa que sur les divers points de

passage des caravanes.

ils

L'insolence des chefs de tribus n'avait plus de bornes, disait William,

menaaient de mort tous ceux qui, blancs ou serviteurs des blancs,

oseraient traverser leur districts.

William n'exagrait pas, contrairement l'habitude des noirs

le

mis-

sionnaire anglais Comber, qui rsidait quelques minutes de la station,

confirmait

quelques heures aprs Nilis

et

Hanssens

le

dire

de

l'interprte.

Les indignes englobaient

Comber

esprait

qu'en cas

les

rehgicux dans leur vengeance projete.

d'attaque de la

mission

la

garnison de

-Manyanga volerait son secours.


Hanssens

et Nilis rassurrent le

missionnaire et lui promirent,

le

cas

chant, la protection la plus efficace.

Les forces de

la

garnison taient considrables, et l'arrive attendue

chapitrl:

38S

seizime

de nouveaux pionniers do Tiisscciaticn

allait

affermir la puissance des

blancs.

La Belgique, en
s'cnorguellit

g-ncreusement

offrait

effet,

d'hommes

vritable phalange,

rcntreprJ^e africaine,

une

des rangs d'une arme dont

d'lite, sortis

juste titre.

si

Le lieutenant Van

Gel, adjoint d'tat-major, prcdant de quelques

plusieurs explorateurs nouveau.x. avait en juillet

iS.'i2

mois

touche a Banana,

puis \\i et a Issanghila.


Il

s'embarquait

Dans une de

le 2

septembre sur

le Roy.il

en destination do .Manyanga.

ces lettres, l'officier belge qui devait accomplir au

grandes actions, esquisse avec un style attrayant

Congo de
de son

les pripties

vo3-age entre Issanghila et .Man\-anga.

Quelle navigation!

voyage.

Le

Celui qui ne connat que nos eaux tran-

crit-il.

pas d'accidents, se fera difficilement une ide du prsent

quilles, n'offrant

une largeur

fleuve a

variable, mais qui ne va pas au-dessous de mille

huit cents mtrs.

La rapidit de son cours est de six milles l'heure, soit prs de dix kilomtres; il faut donc longer les rives o le courant est moins rapide. S'il
ai rive

qu'il

faille

couper

surhumains, surtout

on subit une

courant, on n'y russit qu'au prix d'efforts

le

vent est contraire;

si le

forte drive, et

il

mme

lorsqu'il est favorable,

est quelquefois ncessaire

dant une heure pour avancer seulement de quelques

on

alors

Ce
fait

est

n'est

hors du rapide et

la

de ramer pen-

mtres; mais

navigation offre moins de difficults.

pas tout. Cette ncessit d'viter les grands rapides du milieu,

courir des bordes sur des bas-fonds garnis de roches souvent poin-

tues,

fende,

le

si la

bateau reoit des chocs qui pourraient faire craindre

coque

n'tait

Les rames deviennent

qu'il

ne se

pas en fer galvanis.


inutiles, surtout si les

eaux sont trs basses l'en-

Tous les passagers, les rameurs, les bagages


sont dbarqus
on fixe un cble et chacun aide au renflouage.
L:iutile d'ajouter que ces roches sous eau, la grande rapidit du courant,
les tournants du fleuve forment des tourbillons, espces de vastes entondroit o l'accident se produit.
;

noirs, gouffres

il

viter, sinon

Malgr ces dangers,

on longe une
les

c'est le

comme

aspir.

navigation n'est pas sans charmes

rive boise d'arbres

de vastes tendues;
dre

cette

on y serait

dont

l'pais feuillage

parfois,

couvre de son ombre

moment o les rameurs zanzibarites

font enten-

chants de leur pays; leurs accents se rpercutent au loin, en

s'affai-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

blissant graduellement, mles au clapotis des

dmes

tranges des

lames

et

389

aux bruissements

touffus.

Vers quatre heures du

soir le bateau accoste la rive

les

passagers dres-

sent le^ tentes, prparent les feux de nuit, procdent au repas, ordinaire-

ment compos d'un bouillon de poules achetes aux naturels; ensuite,


si les insectes le permettent, ils dorment sur la rive et repi'ennent au soleil
levant la navigation fluviale.

amnent

Six jours de traverse

passagers du RovjI de

les

Manyanga-Nord.
Van Gel pouvait donc ds le 8 septembre serrer avec

la station

d'issanghila celle de

de Van de Vekle, d'Orban, ses amis et compatriotes, htes de

Ni.is,

Manyanga

cette date.

Hanssens

Grang

et

taient partis la veille,

minente des indignes de

la rive

pour apaiser

la

d'intimider les missionnaires, mais encore de ralentir

Manyanga

les caravaniers zanzibarites entre

le

effet

commander

avait t confie

Van

commerce,

par Valcke
Ils

d'effrayer

la

construire et

Geie.

Trente-six heures aprs son arrive Manyanga,


le fleuve et rejoignait

non seulement

et Lopoidville, la cration

d'une nouvelle station avait t dcide, et la mission de


la

rbellion im-

sud.

Les pratiques hostiles des indignes ayant eu pour

de

main de

joie la

le

lieutenant traversait

sur la rive sud un corps expditionnaire

command

et allant Lopoidville.

marchrent ensemble jusqu' Lutet, o Van

C-ele devait tablir la

station, Valcke continua jusqu'au Stanley-Pool.

Le

village de Lutete allait possder le

sociation cr ailleurs

Ce

situ

village

dsormais

que sur

caravanes,

les

les rives

au milieu des
avait

premier tablissement de

l'As-

mmes du Congo.

terres, sur la voie

dtermin

que parcouraient

l'installation

d'une

station

au milieu de population trs denses, dont quelques unes taient trop


belliqueuses.

On

ne rencontre pas dans tout

le

Congo moyen de

village plus

beau

et

plus vaste que celui o rgne Lutet. Les cases sont spacieuses, bien construites et trs
il fait

La

nombreuses. Lutet en possde dix,

et

dans chacune

d'elles

coucher deux de ses femmes.

chaque

soir

toilette

de ces dernires consiste uniquement en deux morceaux

d'toffe,

de

la

grandeur d'un mouchoir;

l'un d'eux est

nou autour des

seins; l'autre cache ces organes, les serre et les aplatit, ce qui les allonge et
les

dforme compltement.

Chaque mois,

les

femmes

nubiles se peignent

le

visage en rouge;

il

est

SEIZIEME

CIIAl'ITRi:

390

alors expressment dfendu de les approcher. Dfense bien ir.utile, quant

aux blancs.

Cependant certaines d'entre

elles

possdent une aimable physionomie;

leur sauvagerie ne va pas jusqu' refuser des cadeaux.

Van Gel eut ds

premiers jours de son arrive Lutet de

les

fr-

quentes occasions de leurolrirde superbes colliers de perles (communes,


bien entendu) qu'il leur faisait l'honneur d'attacher lui-mme a leur cou.

makoko

l'exemple du

mme

Lutet, les habitants de ce district \endent

femmes: celles-ci cotent assez cher, et cela


elles donnent des rejetons et travaillent la culture du
se comprend
manioc, des oignons, du mais, etc., etc.
les enfants, voire

les

Beaucoup de productions naturelles constituent pour les indignes de


ce lieu une source de richesses.
D'excellents lium.es, dont une varit, plante feuilles larges de trente
centimtres sur cinquante, rappelant par

frquemment sur la table de


L'ofHcier commenait les travaux de

figuraient

le

got

les feuilles d'pinards,

\'an Gel.
la statiiMi

dans des circonstances

assez difficiles.

On

entrait

dans

la

saison des pluies. De formidables orages, vritables

dluges, avaient lieu presque chaque jour. Le tonnerre clatait avec une

soudainet stupfiante,
le

les clairs se

succdaient de seconde en seconde,

vent soufflait avec une violence inou'ie: on pouvait se croire au milieu

d'un cataclysme pouvantable.

Heureusement

\'an Gel

et

son

dtachement occupaient un vaste

plateau lev d'environ six cents mtres

dangereuse
11

et la

serait fatigant

pour

le

quotidiens ncessits par

besogne ncessitant de
varies.

Il

l'air

y tait sain, l'humidit peu

lecteur de retrouver
la

construction de

un tablissement, avec des

lever

chaleur supportable.

doit tre

la

noirs

ici les

dtails des travaux

la station

pour

de Lutet.

travailleurs,

la fois terrassier,

charpentier, menuisier et

dans un autre ordre dfaits, cuisinier, boulanger,

puis,

est

une

part d'un chef blanc les connaissances les plus

etc.,...

maon;
tous les

mtiers, l'exception nanmoins de celui de boucher.

Ah

pour

l'art

de saigner un mouton, une chvre,

les Zan/ibarites

s'3^

Mahomet, ils coupent adroitement une


tournant, bien entendu, du ct de l'Orient et en prononant

connaissent. Fervents adeptes de


tte,

en se

quelques paroles sacres.


Ils

agiraient l'occasion avec

qu'avec unech\'re:

ils

un chien de chrtien de

la

mme

laoa

savent par cur les versets du C^oran,, qui promet-

LES DELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

tent des flicits ternelles tous les

391

musulmans qui auront dextrement

dpec des boumis.

Un

des grooms de

s'tait

Van

Gel, appel Ali-ben-Uabir,

en peu de temps, fort attach son matre,

musulman

qu'il croyait

fanatique,

un peu son

coreligionnaire.

Comme

tait, parait-il,

manger du

La cause en
identique celle qui dtermina.M o'ise interdire aux Hbreux

lui, fofficier

belge s'abstenait de

porc.

l'usage de cette \iande.

\'an Gel, seul blanc u L.utet, apprenait l'idiome zanzibarite et le lan-

gage du pays. De temps en temps, au passage des caravanes,

Europen;

franais ou baragouinait l'anglais avec quelque

il

parlait le

c'taient ses

jours de grande fte!

La
de

chasse, les excursions dans le district remplissaient les rares heures


loisir

du

lieutenant,

le

plus

souvent

occup

surveiller

ses

travailleurs.

Les Zanzibarites qui composaient


les autres

hommes

ne fuyaient pas

du

riz

les

garnison de Lutet, avaient

comme

des qualits et des dfauts. Sobres en gnral,

ils

occasions d'amliorer un peu leur ordinaire... toujours

Si Allah le veut, pensaient-ils,

Allah

la

le

volaille.

nous serons pris voler des poules;

veut, nous ne serons pas pinces voler

Ce raisonnement leur

suffit, le

et

nous croquerons de

si

la

mecl;toub (c'est crit) son cote

fcheux, revers de la mdaille.

Allah et .Mahomet son prophte voulurent donc

un jour que Van Gel

surprit trois larrons occupes dpeupler le poulailler improvis o gloussaient

en

abondance des

volatiles destins

approvisionner

la

table

de Van Gel.
C'tait

un jour de march,

la

plupart des

hommes

de

la station taient

absents; \^an Gel, occup l'inspection des foyers, trouva des os que, sans
tre

un Cuvier,

il

put reconnatre

comme

appartenant un animal de race

ovipare.

Des coups de bton appliqus chacun des larrons

les

dterminrent

pour quelque temps croire qu'.VUah voulait qu'on respectt

les poules.

Tout Zanzibarite qui a mrit un chtiment ne cherche pas


moindre rplique.

s'y

sous-

traire et le subit sans la

En somme

le noir

de

la

cote orientale, relativement, civilis a rendu de

rels services au.x e.xpiorateurs

du Congo. Entran par un

blanc,

il

est

brave au combat: ses gots nomades en font un excellent caravanier, mais


il

est

mauvais travailleur dans

les

postes stationnaircs, et trop

prompt

CHAPITRE SEIZIME

392

abuser de

peuplades

Van

armes

supriorit des

la

rapide sur

tir

des

fusils a silex

les

indij:nes.

commandait

Gel, qui

fois l'occasion

de

a Lutetc vin^'-t-cinq Z.mzibai'itcs, eut maintes'

de leurs qualits belliqueuses inhrentes

tirer profit

certains peuples musulmans

du danger,

l'insouciance

le

mpris de

la

mort.

Dans

pass avec

le traite

makoko Lutet ,

le

il

la station lui devait aide et protection. L'application

bientt rclame par

le

souverain noir contre trois

avaient insult son neveu et hritier et l'avaient

machte.
l'ami

chef de

le

de cette clause fut

villaji'cs

mme

dont

les

gens

lard de coups de

Ces mauvais traitements avaient t exercs contre

le

neveu,

dvou du mundel de Lutet.

Le devoir de

que

que

tait stipul

les

N'an

jele tait tout trac

casion dfendre et faire respecter

Van Gel
d'armes

devait prouver aux populations

il

blancs attachent du prix l'amiti d'un roi ngre et savent a l'oc-

et

un ami.

partit en guerre, sans autres prparatifs qu'ime inspection

une distribution de cartouches;

rjouissant spectacle d'un

combat entre

il

assista avec

son peloton au

les naturels.

Qu'on se figure une troupe d'individus tout noirs, le visuge et le curps bariols de diffrentes couleurs o le rouge domine, et se trouvant dans
le

dsordre

le

plus complet qu'on puisse imaginer. Quelques-uns sont des

Tout

enfants; d'autres n'ont pas de fusil.

assourdissant; les uns soufflent a pleins

cela grouille et fait

poumons dans des

un

cuivre bossels achets probablement a la cte, les autres battent

le

bour de guerre ou jouent d'un instrument barbare quelconque.


Ils crient, sifflent, gesticulent; ils marchent la queue leu-leu,
indienne tant

la seule

bords d'herbes dont

bruit

clairons de

tam-

la file

mai'che possible: les chemins sont d'troits sentiers

les tiges

sont hautes de trois ou quatre mtres et

mesurent un centimtre de tour.

Dans
trs

les

de

pa^'s

grande

montagnes

les

bruits s'entendent

une distance

l'ennemi est ainsi rapidement prvenu de la marche

de

l'assaillant.

Lorsque

les

troupes ennemies indignes sont en prsence, un espace de

cinquante mtres

les

spare

c'est la

porte de leur

fusil pierre.

Alors

ils

sinsultent et tirent des coups de feu inoffensifs.


L'assaillant a bien soin

de ne pas s'avancer,

et

comme

le

dfenseur n'a

aucun motif de reculer, la journe s'coule ainsi sans aucune effusion


de sang. Les deux partis fatig'us cessent ce jeu la nuit tombante,
s'en retournent

chez

eux,

qu:" .-.es

recommencer

le

lendemain.

C'est

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

d'une guerre entre indignes

l toutes les pripties

393

du

district

de

Lutet.

Quant

Van

Gel,

il

voulut agir d'une faon toute indpendante.

Les villages belligrants taient situs sur des mamelons herbus entours
de ravins. C'est dans

que se tenaient

les ravins

tement abrits par de grands arbres contre

Van Gel
non occup

il

demanda quelques guides

mme

en venant

donc

se faire secrtement;

lui

qu'il s'avanait

la

vues

dfenseurs, parfai-

et les projectiles.

un point

ces ravins ou franchir

son

alli

Lutet, qui crut bien

avec la moiti de sa troupe. La marche ne put

faire

voyant

un de

aurait dsir passer sur

les

l'ennemi, prvenu de l'arrive de

Van Gel

et

sans tenir compte des cinquante mtres de spa-

ration laisss d'habitude entre les combattants, dlogea en toute hte

du

ravin et se sauva.

Le ravin

travers,

sans coup frir

la

pagne, et avec raison, vu

Aprs

passage,

le

sivement sur

les

n'offraient rien

censment gagne par Van Gel

bataille tait

en rase cam-

l'indigne n'osant pas supporter la lutte

l'infriorit

l'officier se

deux autres;

ils

de particulier

de son armement.

dirigea sur le premier village et succestaient dserts; les huttes

la curiosit

abandonnes

des vainqueurs.

Van Gel

dernires lueurs du soleil de cette journe mmorable.

Aux

refusant de coucher sur

le

champ de

bataille regagnait la station

de

Lutet.

Harass de fatigue, non

en raison des marches

la suite

des motions du combat, mais bien

contre marches excutes au plus fort de la

et

chaleur, le lieutenant rquisitionna au retour

transport

Ah

:...

le

un

singulier

dos d'un ngre.

quelle batitude

je le chrissais, ce

Van Gel

crivait

bon ngre,

et

combien

j'en

cette

poque.

un parfum exquis
Inutile d'ajouter que je le rcompensai royalement,
reut une douzaine de beaux mouchoirs imprims o
exhaler

me

Je ne

semblait

c'est--dire qu'il
la

couleur rouge

rapidit avec laquelle

Van

Gel

s'tait

port au secours de Lutet, les

visites successives qu'il avait rendues dans la

lages rvolts, lui valurent dans tout

surnom par

les

L'autorit
l'amiti d'un
Li:S

il

<i

La

Comme

apprciais les qualits

m'apercevais pas qu'il sentait mauvais, tout au contraire

dominait.

moyen de

ngres de

mfoum

mme

le district

katchech

journe aux trois vilune rputation immense

(chef cureuil).

du blanc de Lutet fut affermie par sa promenade militaire;


mundel acquit aux yeux des noirs une grande valeur; tous

BELGES.

II.

50

CHAPITRE SEIZIME

394

ngres du district vinrent successivement pour la solliciter.


La paix s'tablit bientt entre les anciens ennemis; Van Gel ne compta
plus que des amis.

les chefs

nouveau chef de la station de Lutet avait pu obtenir, sans recourir


aux mesures rigoureuses du massacre ou de l'incendie, la pacification des
domaines de Lutet, son collgue de Manyanga, le lieutenant Nilis, dut, le
Si le

septembre

14

d'une faon dsastreuse une rbellion des

1882, rprimer

indignes de Dandanga.

Mlongo-Mlako, makoko du

district

de Dandanga,

avait,

comme le makoko

Lutet, un neveu qui causa une guerre d'un jour.

Ce neveu, prince
Mlako,

la loi

hritier de la

couronne ou mieux du sceptre de Mlongo-

de succession tant dans ce

Turcs, c'est--dire que

c'est le fils

an de la

prsomptif, systme assez logique,

dynastie de

mme

sang,

mme que

district la

sur du

chez les

roi qui est l'hritier

veut tre certain d'avoir une

si l'on

ce neveu, disons-nous,

comme un

simple

sujet

de son auguste parent, avait t condamn boire le poison l'occasion

de

mort d'une de

la

douze pouses. Ce singulier veuf, rvolt contre

ses

les

us et coutumes, avait catgoriquement refus d'absorber la dcoction vn-

neuse prpare son intention,


s'tait

et

pour chapper

publique

il

rfugi chez ses voisins, les blancs de Manyanga.

Guids par des sentiments humanitaires,


fuge et l'encouragrent

march

les blancs accueillirent le trans-

persister dans ses refus. Les noirs de Dandanga,

furieux, rsolurent de se venger des blancs

fusils

la vindicte

ils

interdirent l'enti-e de leur

tout habitant de la station, et tirrent

mme

quelques coups de

sur les serviteurs noirs de Nilis.

Cette dernire action ncessitait

Avant d'en venir cependant


les noirs

de Dandanga a

la

un chtiment.

cette extrmit, Nilis essa3'a

saine raison.

Il

de ramener

expdia William, son interprte,

porteur de magnifiques prsents, en qualit d'ambassadeur auprs du roi

Mlongo-Mlako.

mal reu

menac de mort, mais, chose


inoue, les cadeaux furent refuss, mpriss. Mlongo dclara son intention
formelle de faire la guerre au blanc de Manyanga.

Non seulement William

Au

fut

et

retour de William, Nilis dcida d'aller en personne solliciter la paix

et le rtablissement

des relations cordiales qui existaient autrefois entre

lui et son royal voisin de Dandanga.


Il

runit ses

hommes

les

plus solides, leur distribua des fusils et des car-

touches, et partit la tte d'une arme faible par


le

courage

et rner2:ie

de son chef.

le

nombre, mais

forte

par

LES BELGES DA.XS LAFRIQUE CENTRALE

Le dpart eut

lieu vers

305

une heurederaprs-midi.Lesoleildardaitpicses

rayons de feu sur les marcheurs, qui dfilaient nanmoins d'un pas alerte
et

en bon ordre.

Manyanga

L'tape de

Dandanga

fleuve en pirogue, puis on s'avance

est

longue

et pnible.

On

passe

le

difficilement en suivant les berges

montueuses, travers des hautes herbes

et

des broussailles.

Six heures de marche amenrent Xilis et ses guerriers quelques centaines de mtres

du

village de

Dandanga.

La nuit tombait. On dormit


belle toile.

.\li

la

petit jour, les Zanziba-

dployrent en tirailleurs

rites se

porte de

fusil

du

village.

de deux seuls noirs, se

Nilis, escort

dirige bravement vers la capitale de

Mlongo-Mlako. Reconnu bientt par


des indignes,

min devant

il

doit rebrousser che-

les salves

mousqueterie

menaantes de

tires son intention.

Les noirs de Dandanga, arms enun


poursuivirent

instant,

Hommes,

le lieutenant.

l"emmes, enfants, poussant

des clameurs sauvages o dominaient


plutt des accents de triomphe que des
cris

de dtresse, volaient sur

pas de

les

LE NEVEU DE MLONGO-MLAKO

de ses deux compagnons. Les

Nilis et

indignes s'imaginaient qu'ils n'avaient que trois

Mais

l'officier avait rejoint la

les Zanzibarites,

gnrale

la

hommes

assassiner.

ligne des tirailleurs; son cri de ralliement.

debout, se formaient en carr et opposaient une dcharge

poursuite des assaillants.

Le sang coula; treize femmes, un enfant et cinq hommes du peuple de


Dandanga tombrent sous cette premire nue de balles.
Aft'ols,

croyant un sortilge,

les

habitants de MIongo-Mlako se dban-

drent, et s'enfuirent, abandonnant leurs huttes aux vainqueurs.


Nilis fut
la fivre

impuissant rprimer chez

du

pillage.

un un
de Manyanga.
chtier

ses

Il

assista

les Zanzibarites l'excitation, l'ardeur,

contre-cur au sac de Dandanga,

soudards pour

les

dterminer reprendre

le

et

dut

chemin

Les Zanzibarites emmenrent prisonnires des femmes et des jeunes

filles.

CHAPITRE

596

SEl/li;\U

Des enfants blesss furent aussi conduits, sur


la

les

ordres de Nilis, jusqu'

mission anglaise, o Comber leur prodigua tous ses soins.

Le lendemain des

de Dandanga, monts sur de longues pirogues,

natifs

venaient chercher querelle aux employs de

gement du Royal.
Le steamer, docile

la

occups au dchar-

la station

manuvre, court sus

la flottille

ennemie. Les

natifs jettent leurs avirons et tirent contre la coque du navire. Le capitaine


Anderson persiste avancer; le Royal accoste quelques canots, qu'il remorque dans la crique de Manj-anga.

Sur

de Dandanga, battus a plate couture,

terre et sur eau, les indignes

comprirent qu'il fallait


les chefs

s'incliner

de Ntombo-.Mataka

devant

la supriorit

d'aller traiter avec Nilis

des blancs;

ils

prirent

du rachat des prison-

niers et des conditions de paix.

Le

19

septembre une palabra imposante animait

le

plateau de Manyanga.

Les chefs de Ntombo offraient trois chvres tiques en change des

femmes

et

des jeunes

filles

dont

nombre dpassait douze.

le

Cette estima-

tion parut drisoire Nilis. Aprs de longues heures de marchandage, de

discussions irritantes,

il

fut

convenu que

les

gens de Dandanga payeraient,

contre restitution des prisonniers et contre promesse d'amiti et de protection des blancs, quinze chvres, cinq

moutons

et

cinquante poules.

Ces tranges indemnits de guerre ne furent jamais acquittes entirement.

Nilis,

ne pouvant toutefois nourrir des bouches

-Mlongo-Mlako

les

inutiles,

ngresses vieilles et jeunes qui ti'oublaient

le

renvoya
repos de la

garnison.

La leon inflige aux indignes de

la rive

sud valut au lieutenant plus de

peine que de rcompenses.

la suite

des fatigues encourues et des accs violents de colre, dans

lesquels ses propres soldats acharns au pillage l'avaient plong, le lieute-

nant, en proielafivre,des douleurs rhumatismales,


et gnral, fat

Les missionnaires anglais du voisinage


visites et lui prescrivirent les

Ces

hommes de

Velde, recueilli

Depuis

le 21

un

malaise intense

clou dans sa chambre durant plus de huit jours.

mdicaments

bien soignaient en

la

mission

firent

au malade de frquentes

ncessaires.

mme

temps

le

lieutenant

Van de

mme.

septembre Orban

et

Callewaert taient partis pour se rendre

Lopoldville par la rive gauche.


Nilis tant

malade,

et

aucun blanc

n'tant plus l'hte

de Manyanga,

les

indignes des districts voisins reprirent leurs procdes malveillants.

Ah, ces sauvages enfants,

comme

ils

abusent du moment! Le mundel,

LES BELGES DAXS LAFRIQUE CENTRALE

blanc nergique gt sur

Lb.

un

de douleur, aussitt

lit

homme, ou

aient sous le regard de cet

qui trem-

les noirs

pense

la

397

qu'il

pouvait, lui

contre eux une vengeance immdiate en

fort et bien portant, exercer

retour d'une mauvaise action, retrouvent leur audace pour tramer des complots,

de la

fomenter des troubles, inventer mille tracasseries contre

le

redout

veille.

Mlongo-MIako
Nilis l'accs des

famine menace

aux serviteurs de

russit par ses intrigues interdire

marchs de Manyanga, de N'Seng, de Dandanga. La

les habitants

de

la station

Kabindas

les Zanzibarites et les

s'ameutent, l'un d'eux dserte en essayant d'entraner ses compagnons, le


travail se ralentit, tout est
n'est

dans

le

plus complet dsarroi. L'il du matre

pas craindre.

Heureusement le 27 septembre la caravane de Lopold ville arrive


Manyanga, escortant Valcke et Peschuel.

La prsence des blancs


produisit de salutaires

sur les natifs

diaires

les

sur Nilis lui-mme et sur ses gens que

mutins.

Nilis se rtablit

mander

d'un renfort de troupes iManyanga-Xord

et

effets, tant

comme

par enchantement,

N'tombo-Mataka

de

chefs

de paix au sujet de

Ces chefs se rendirent

l'affaire

et

qui

son premier acte fui de

avaient

servi

d'interm-

de Dandanga.

la station, ils

protestrent de leur

dvouement

au mundel, et dclarrent n'avoir pas encourag les menes de MlongoMIako.

Si les natifs de

vendre aux blancs

Manyanga, de N'Seng

les

de Dandanga refusent de

denres du pays, ceux de

dfaire prsent aux habitants de


Ils

et

la station

Ntombo

seront heureux

des produits de leur territoire.

ont apport des bananes, une caisse remplie d'ignames, des patates

douces,

du mas,

Nilis n'eut

qu'ils prient leur

conformant aux usages,

Un

ami

garde de refuser, tant


il

d'accepter.

les

provisions taient rares

mais, se

couvrit de cadeaux les chefs de N'tombo-Mataka.

des serviteurs dvoues de

Nilis, le

Zanzibarite Am'bari,

jusqu' leur village les chefs de N'tombo.

Il

accompagna

doit en rapporter des plantes

destines orner les jardins de la station. Les serments d'amiti des noirs

ont dcid Nilis laisser partir son


Plusieurs jours se passrent,

Enfin

le 16

homme de

confiance.

Ambari ne revenait

pas.

octobre, des femmes, sous la conduite de Makito (ex-makoko

de N'tombo), viennent a
les plants achets

la station,

apportant dans des corbeilles de jonc

par Ambari.

Makito rassure Nilis sur

le

sort de son serviteur

Ambari.

dit

le

CHAPITRE SEIZIME

39S

makoko

comme

dtrne, a t retenu

otage; les herbes ne sont pas paj'ces,

peuple de N'tombo ne connat pas

et le

aux femmes que j'accompagne.

traitements qui sont rservs

les

Sur ces paroles flegmatiquement prononces, .Makito


turque, aux pieds de Nilis

il

tenant du tabac en poudre, en verse une prise dans

ramasse

la

substance sur

la

s'installe

la

de sa ceinture une petite calebasse con-

tire

lame d'un co ateau,

et

paume de

la

sa main,

passa diverses reprises

l'engin charg

de tabac sous son appendice nasal; cette faon cocasse de

priser arrache

un franc

clat

de

sans s'mouvoir,

rire Nilis. .Makito,

absorbe une nouvelle quantit de poudre noire,

et se

met ternuer pen-

dant un quart d'heure.


Impossible de se fcher contre un

ambassadeur.

tel

On compte trois

Les herbes sont comptes et estimes.

colliers

de perles

par chaque double botte de plantes; en outre, Nilis toujours galant avec
les

dames, attache au cou des plus

colliers

Le

soir

de ce

mme

diens, arrivait a
Nilis

que

Il

les

jour,

Ambari, chapp

Manyanga peu aprs

le

bande quelques

la

n'y avait pas de carottes au

la

surveillance de ses gar-

dpart de .Makito

herbes avaient t pa)fes par

vendeurs hypocrites en ont mis.

lui

nombre de

il

affirmait

aux chefs de N'tombo.


ces plantes, pensa Nilis, ces

au Congo, partir en guerre chaque

que

ou

la

populace d'un district lvent des prtentions mal fondes, rclament

et

S'il fallait,

vile

ngresses de

jolies

supplmentaires aux perles bleues.

empochent des sommes auxquelles


mriteraient bientt

le titre

ils

n'ont

fois

aucun

les chefs

droit, les explorateurs

d'exterminateurs.

De nombreuses annes se passeront encore avant que les habitudes impudentes de mensonge, de vol, etc., ne soient plus pratiques parles peuplades du noir continent.

L'amende ou la prison sont des moj^ens inefficaces contre ces passions


endmiques du ngre, partages, comme nous le savons, par les noirs
zanzibarites.

"Van Gel, a Lutet, avait vu disparatre ses poules


constatait
o

chaque jour

la

diminution des chvres

Ces animaux dsertent.

"

disait

et

Nilis,

Manyanga,

des moutons.

Souedi Wadi, ngre de

la cote orientale

attach la garde des troupeaux.

Seraient-ce des

Il

est ncesaire

nement de

moutons de Panurge.^

>

cependant de conserver

vivres.

se

demandait

la

station

Les natifs peuvent supprimer

les

Nilis.

un approvision-

marchs,

les malles.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

venant d'Europe peuvent faire naufrage...

On ne

399

peut attacher trop de

prix l'levage des ctelettes ambulantes.

du

toutes ses occupations Nilis ajouta celle de contrleur

Le

btail.

octobre, le lieutenant, flnant aux abords des tables, entrevit

II

Souedi discutant avec des

La dsertion de

la

natifs les conditions

de vente de

trois

moutons.

garnison ovine de Manyanga s'expliquait. Le berger

coupable reut autant de coups de chicote

qu'il avait

drob d'animaux;

la suite de ce chtiment, Souedi prit la fuite sans entraner avec lui


ses ouailles.

Dans

la

du

nuit

14 octobre,

heures du matin par

les

boys

Nilis fut rveill

et les interprtes

en sursaut vers deux

qui envahirent sa chambre

coucher.

Des Kabindas, arrivs

du

la veille

en masse, essayant de dterminer

Stanle3--Pool, venaient de dserter

les

hommes de

la

garnison

filer

avec eux.
Fort heureusement, les Zanzibarites de Manyangc, fidles leur matre,
avaient rsist aux mauvais conseils. L'un d'eux,
les

Kabindas

moi

s'il

refusait

de

les suivre, avait cri

menac de mort par

au meurtre!

et

mis en

la station.

Nilis s'habilla la hte, en quelques minutes la garnison fut sur pied


une battue dans les parages de la station n'amena aucune dcouverte.
Les Kabindas avaient disparu sans laisser de traces.

Ainsi, fatigues et soucis incessants, petites misres


n'tait

pargn au chef de

la station

de tous genres, rien

de Manyanga. Nuit

et jour

sur

le

une surveillance sans trve sur les hommes qu'il


commandait, en butte aux continuelles alertes des peuplades environqui-vive. oblig d'exercer

nantes

et

subissant

les

cruels dsagrments de l'existence tropicale, Nilis,

sans jamais laisser percer une plainte dans ses correspondances avec ses
amis d'Europe, dans ses causeries avec les htes de passage Manyana,
se dvouait corps et

Le mois d'octobre

me
avait

l'accomplissement de sa mission.

ramen

les

frquentes tornadas, les pluies dilu-

viennes qui, filtrant au travers des toitures confectionnes par des maons
inhabiles, inondaient parfois la chambre du lieutenant; les dijggas (dermatophiles), qui lisaient

quotidiennement domicile sur

les

pieds de

l'oflicier,

entre les ongles et la chair, et dont l'extraction journalire menaait de

pourriture les

membres

attaqus

combattus par l'absorption

les

retours priodiques des accs de

outrance de doses de quinine et de


drogues pharmaceutiques, germes le plus souvent de ces maladies cruelles
qui abrgent et troublent le soir de la vie.
fivre,

CHAPITRE

400

jMais parfois

un bonheur

SEIZIME

passe, trop rapide, hlas

dans l'existence du

pionnier de Manyanga.

Le Royal dbarque, au pied de

des compatriotes avides

la colline,

d'acqurir sur la terre africaine, au prix d'infortunes nombreuses et de

dangers vaincus, l'aurole pure

et

glorieuse de la clbrit.

Le 15 octobre, Camille Coquilhat, lieutenant adjoint d'tat-major


Eugne Avaert, lieutenant au 5"" de ligne Guillaume Van de Velde, offi;

cier

de marine, gravissaient

empch par

Nilis,

les

la

hauteur de Manyanga

et

apportaient

djiggas d'aller leur rencontre, des nouvelles

rcentes de la patrie, de douces rminiscences

du pass

des esprances

et

et des promesses d'avenir concernant l'uvre du Congo.

Ces arrivants, dbarqus

Banana peu de temps aprs

Van Gel, faisaient partie d'une phalange


nombre desquels on comptait

le

lieutenant

d'explorateurs nouveaux, au

Emile Parfonry, sous-lieutenant au

voyageur de commerce

10""

de ligne

Emile Brunfaut,

Louis Haneuse, lieutenant au

10"=

de ligne

Alfred AUard, docteur en mdecine.

Comme
de

on

le voit, l'lan et

la civilisation

Ce

n'est

l'enthousiasme en faveur de l'exploration et

de l'Afrique centrale ne s'taient point

plus par deux ou trois que des

hommes

ralentis.

de cur, enfants de

la

Belgique, sollicitent la faveur de participer aux entreprises humanitaires

d'une socit internationale mais, dans les classes privilgies de


;

belge,

les aspirations les

plus nobles, l'honneur,

le

patriotisme, l'am-

bition lgitime de la gloire, de la science, de l'action, ont trouv

inviolable contre l'gosme et contre l'apathie,

il

la socit

un refuge

semble qu'un mot d'ordre

a t donn, qu'une entente a eu lieu pour lever la Belgique, parle

nom-

bre et la valeur de ses explorateurs, au rang des plus grandes puissances

europennes qui,
d'enrichir le

champ de

comme l'Angleterre

et la

France, se disputent l'honneur

domaine des connaissances gographiques

travail

de l'humanit laborieuse.

et d'tendre le

CHAPITRE XVII

Le docteur AUard

Gangila

et le

s.imtarium de Borna.

mort de Joseph Vaa de Velde.

UELQUE

vif

que

soit

Station d'Ikoungoula

- La

fte

Le poste de Mposo.

de S. M. Lopold H, Manyanga-Nord.

notre dsir de raconter sans retard aux

lecteurs la dcouverte des territoires riverains

du haut

Congo par des hommes tels que Hansseas, Janssen,


cet
Van Gel et Coquilhal, nous devons, avant d'aborder

c7i^J 'infrieur

tents sur les


historique, retracer les travaux successifs
et

moyen du yrand

fleuve par les agents nouvellement

dbarqus en Afrique.
L'un d'eux,

le

docteur Alfi-ed AUard, nous

LES BELGES, H.

fait assister,

en octobre

ibs^2,

CHAPITRE DIX-SEPTIME

402

aux prliminaires de

la

fondation de l'tablissement connu sous

le

nom

de

sanitarium de Borna.

cette poque, la presse

europenne avait diverses reprises signal

le

dfaut d'organisation des services mdicaux et ambulanciers pour les

expditions se rendant au

Un

mme

avait

crit

mort ou, qui


Il

le

drapeau bleu constell

pis

Tout Belge qui part pour l'Afrique est un condamn


est, une lente agonie, un martyre perptuel.

est victorieusement

nombre des Belges revenus depuis en Europe,

plupart manifestent

De notre

d'or.

mais assurment pessimiste,

dans cette affirmation une exagration qui

refuse par le
la

Congo sous

journaliste, peut-tre loyal et sincre,

le

et

qui pour

dsir de retourner au Congo.

ct nous courrions le risque d'tre tax d'optimisme,

si

nous

disions que l'tat de sant des explorateurs ne laisse rien dsirer aprs
trois ans

de voyage en Afrique. Plusieurs malheureusement en reviennent

avec l'estomac dlabr,

le foie

irrmissiblement malade ou en voie de

le

devenir, la constitution branle, ou avec des fivres paludennes qui peuvent, vingt ans aprs la rentre au sol natal,

priode d'autres affections,

Le rgime

suivi par ces

s'ils

rsistent

pendant

cette

priodiquement sur un lit de douleur.

les rejeter

hommes courageux

qui ont pour

la

plupart

pass leur jeunesse au milieu des douceurs de la civilisation europenne,

expose fatalement

bien des maladies.

Plus d'un estomac est troubl par les

ingestions quotidiennes de quinine auxquelles les explorateurs sont forcs

de recourir pour combattre

les fivres qu'ils

Nous avons vu cependant de vieux


au visage tann, l'aspect

mle

ont contactes.

rcidivistes

de l'exploration africaine

et robuste, la sant

extrieurement

floris-

sante, venir, sur le retour, faire dans nos grandes villes la vie de jeune

homme

dont

ils

avait t sevrs sous les latitudes tropicales.

Leur

belle

allure ne serait-elle qu'apparente? seraient-ils des spulcres blanchis rece-

une demi-douzaine de maladies mortelles? Nous l'ignorons. Dans tous


cas, ils luttent avec succs et meurent le sourire sur les lvres, comme

lant
les

de vrais gladiateurs,

Quoi

qu'il

en

et

dans un ge trs avanc.

soit, les critiques

adresses par la presse l'Association

internationale relativement l'absence de maisons hyginiques hospitalires,

quelques annes aprs

la

premire expdition ne manquaient pas

de fondement. La cration d'un sanitarium Borna s'imposait.


Grce l'habilet diplomatique de Delcommune, le roi Ncorado avait
plac le district de Boma sous le protectorat de l'Association; il fut donc
ais

au docteur AUard de choisir un emplacement favorable

sollicite.

a la cration

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Cet tablissement,

plus vaste et

le

jusqu'alors sur les bords

le

plus confortable de tous ceux levs

du Congo par

les

Europens, couronne un monti-

cule situ au nord-est et a dix minutes de

fonde par
Il

405

marche de

belge

la factorerie

Gillis.

est construit

sur pilotis, lev de deux mtres au dessus du

de ce point on a sous

sement dcoupe par

yeux

les

les les

la

large expansion

qui talent devant

du

Boma

sol, et

fleuve gracieu-

leur luxuriante

verdure.

Autour du btiment, une spacieuse vranda, accessible des quatre


cts par de larges escaliers, a t habilement mnage pour servir
de

promenoir. Cette

en face de

l'escalier,

Au nord
meubls,

vranda,

plus

large

sur

le

ct

est,

prsente

entre principale, une magnifique salle manger.

au sud, huit chambres bien claires, bien ventiles, bien

et

chaises, canaps, s'ouvrent

lits,

sous

la

vranda

agents de l'Association, malades ou convalescents, tout

le

et offrent

comfort

aux

qu'il est

un pays qu'efleure peine la civilisation.


Une douce brise qui rgne frquemment dans le bas Congo, le matin
soir, apporte aux htes du sanitarium de bienfaisantes senteurs.

possible d'obtenir dans

le

On

le voit,

la situation

de l'tablissement sanitaire a t fort heureu-

l'amnagement de

sement choisie

et

que viennent

demander

lui

et

les

la

maison rpond

pionniers affaiblis par

le

aux services

climat de l'Afrique

inhospitalire.

Quelques annes aprs

la

premire expdition du Comit d'tudes,

le

bas Congo prsentait donc dj plus que des embryons de villes futures,
sans parler de Banana, o l'Europe tait reprsente depuis plus d'un
demi-sicle.

Aprs Boma, qui devait ses plus beaux difices l'industrie belge
l'activit

de laborieux et courageux enfants de

la

Belgique, Nokki

et

t^rive

gauche), village portugais et centre commercial, se dveloppait d'abord sous


l'initiative

prive de

Gillis,

et

plus tard sous l'influence du voisinage de la

station d'Ikoungoula, fonde par l'Association en face de Nokki.

Dans

les

parages de cette station, quelques villages indignes l'appa-

rence prospre et confortable dnotent par plusieurs lgers perfection-

nements apports dans

la

construction des huttes que les habitants ne

sont pas indiffrents aux amlioration physiques et intellectuelles.

Les huttes reposent sur une plate-forme en terre battue qui forme comme

un

trottoir

autour de

la

construction.

Prs de chaque village des cultures de bananiers, de plantains, sont

une source assure de revenus alimentaires pour

les indignes.

Le plantain

CHAPITRE

404

produit un fruit qui,

mang

dans du beurre de palme,

En

outre,

basse-cour;
faites

les naturels
ils

DIX-SEPTI.ME

cru est d'un got peu agrable, mais qui,

est

un mets savoureux.

de

la

frit

contre lvent avec soin les oiseaux de

sont trs experts dans

la

fabrication de cages a poules

avec des brins d'osier et des tiges de gramines, cages qu'ils

disposent une certaine hauteur du sol sur un plancher en bois soutenu


par quatre pieux solides.

Pour faciliter aux volatiles l'accs de leur demeure, ils ont soin d'y appliquer une chelle confectionne avec une justesse gomtrique que ne
dsavoueraient pas des menuisiers europens.
Plus

loin,

sur la rive gauche, une faible distance de Mvi-Station, des

missionnaires anglais ont tabli,

comme nous

d'Underhill d o rayonne sur toute

la

l'avons dit, la mission

contre l'aurore bienfaisante de

la

civilisation.

Les Belges dbarqus en 1882,

trquemment

obhgs de stationner

et

Vivi, ont t

surpris, au cours de leuss excursions dans le voisinage,

d'entendre les naturels des environs de

la

mission

les saluer

par

le

mot

anglais morning, abrviation de good morning.

Plus qu'un semblant de civilisation

dj chez les ngres

s'est infiltr

du

bas Congo. Les efforts d'vanglisation des missionnaires n'ont cependant

pas encore

fait

disparatre les barbares

et ridicules prjugs do ces peuplades.

ce rsultat avec

le

coutumes du poison et les nombreux


Tout fait esprer que l'on obtiendra

temps.

Presque en face de Vivi-Station, dbouche une rivire rapide qui prend

On la nomme Mposo.

sa source prs de San Salvador.

mposo signifie

cours d'eau de

noms d'animaux

buffle

Trs souvent, en Afrique,


froces.)

An

(En langue indigne

les natifs baptisent les.

confluent de cette rivire, les

agents de l'Association ont tabli un poste hospitalier, prs d'un comptoir

commercial fond aussi par


Ainsi donc de

Banana

Gillis.

a Vivi la civilisation et le

commerce ont

pris pied

d'une faon durable; et cela, cinq ans aprs la clbre descente du fleuve

par Stanley, qui n'avait rencontr sur ses rives, jusqu' Nokki, que des
populations dgrades

En septembre

1882,

et rebelles

l'lgant

tout progrs.

chalet

de Vivi, selon l'expression de

voyageur qui

lui

son nom. Stanley, dont nous n'avons pu suivre jusqu' prsent

les

explora-

M. de Laveleye, recevait
tions au del

du Pool,

la

visite

de

l'illustre

s'apprtait retourner en

donn

Europe pour prendre un

repos que ncessitait sa sant branle.


Vivi avait acquis

un dveloppement considrable. Des centaines de noirs

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

405

constituaient sa garnison redoutable: plus de trente mille cartouches

Indpendamment du commandant euro-

s'entassaient dans son arsenal.

pen, qui tait alors


constituaient

le

docteur

une population

Von

D*'*,

des ag-ents belges et trangers

flottante plus accentue qu'en

aucun autre

tablissement europen.

Lorsqu'on s'loigne de Vivi par

la voie

de terre

et

sur

la rive droite,

en

suivant une route trace travers des halliers, on rencontre Pallaballa au

sommet d'une haute

village ngre

colline,

o rsidait un missionnaire

anglais de la Livingstone Ireland

Mission. Ensuite on traverse les

domaines du chef Nguvi Mpanda,

homme

aimable, malgr sa phy-

sionomie hargneuse,

et toujours

dispos recevoir les

hommages

et

cadeaux

les

blancs,

des

visiteurs

quitte leur accorder

en change de boire aprs

lui

au

goulot d'une calebasse, sous

la

vranda de sa hutte,

palme de

le

vin de

l'amiti.

Mais si Nguvi Mpanda est bienavec les trangers au

veillant

visage ple,

d'une

il

n'en est pas ainsi

certaine

partie

de

ses

jeunes sujets appartenant la


coterie secrte des T'chimbas.
Ces derniers, en effet, dont
Nilis avait

rencontr des acolytes

aux environs de Manyanga, ont


l'habitude d'carter de leur route tous

POL'LAILLEr, INDIGENE.

les

profanes

et

en particulier

les

trangers blancs.

Les T'chimbas, sorte de secte maonnique, ont,


parat-il. de petits temples
rustiques cachs dans la profondeur des
forts. Des statuettes obscnes,

de reprsenter des divinits mles et femelles, constituent


mentation de ces temples, o les fidles dposent
en masse des
s'efforant

l'orne-

dbris de

faence, des couteaux,

de

la ferraille et

quelquefois des lambeaux d'toffes

hors d'usage.

Le personnage qui prside

Ngmga

c'est

a leurs crmonies prives se nomme le


en gnral un orateur, ou du moins un ngre la parole

CHAPITRE DIX-SEPTIME

4o6

facile,

l'imagination plus que fconde, qui doit sans s'mouvoir dbiter les

plus grossires balivernes, excuter les plus grotesques pirouettes devant


ses sectateurs sur qui

il

exerce des droits absolus.

Dtail signaler on trouve dans le dialecte usit par les T'chimbas, des
mots spciaux, ignors des ngres non initis cette secte.
En outre, on rencontre dans les environs de Pallaballa, de mme que
dans les districts avoisinant Manyanga, des eunuques volontaires, fervents
adorateurs de la lune. A chaque nouveau quartier de l'astre de la nuit, ces
:

singuliers clibataires sacrifient

une poule ou un canard.

Des ftes macabres, danses, improvisations rythmes, tours de passe-

du

passe, jongleries de tout genre, servent de prludes la scne

sacrifice.

L'oiseau lch dans les airs sert de cible aux ennuques, d'habitude excelliasil silex
il tombe dchiquet par les projectiles, et
morceaux palpitants sont dvors crus par les sacrificateurs.
Ce sacrifice de l'oiseau est un progrs il y a peu d'annes encore, les
ennuques sacrifiaient la lune non pas un poulet ou un canard, mais une

lents tireurs au

ses

victime humaine,

le

plus souvent

un

esclave choisi parmi les plus gras de

la localit.

En remontant

vers le nord-est, aprs Pallaballa on rencontre

indigne de Gangila, aujourd'hui tristement clbre par


jeune pionnier belge, martyr

de l'uvre

africaine,

la

march
mort d'un
le

sous-lieutenant

le

Joseph Van de Velde.

Ce

vaillant olBcier d'artillerie

des bateaux, atteint de

charg Lopoldville de

la

construction

ds son arrive ce poste, avait t con-

la fivre

traint par ses chefs hirarchiques de retourner en Europe.

Malade au cours de

vement reu

ses tapes de retour.

l'hospitalit la plus

avait traverses

sur son chemin

ses

Van de Velde

gnreuse dans toutes

haltes dans les diverses

avait successi-

les stations qu'il

missions anglaises tablies

avaient permis d'arriver sans fatigues excessives jusqu'

lui

Issanghila d'o son impatience de revoir l'Ocan, porte de la civilisation,


l'avait

arrach trop

tt.

Van de Velde, que


et se

rendre avec

la fivre n'avait

elle Vivi,

il

pas quitt, voulut suivre une caravane

esprait revoir son frre an Livin,

revenu du Kouiiou.
Arriv prs de Gangila,

le

malade, port dans un hamac par deux vigou-

reux Kabindas, ordonna ses serviteurs de Je dposer terre; des souffrances intolrables lui avaient arrach cet ordre ce furent les dernires
:

paroles intelligibles

Sur

la lisire

qu'il

pronona.

d'une fort tropicale, o

le Borassiis

dtache ses palmes

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

407

en ventail au-dessus des gerbes sauvages des palmiers dentilifres,


caravaniers s'arrtrent pour assister aux derniers

un

sous-lieutenant couch sur

lit

moments de

d'tierbes sches.

L'agonie fut courte; deux heures aprs la halte, Joseph


avait cess

de

Le missionnaire de

n'apprenait la

Van de Velde

souffrir.

Palalaballa, appel en hte auprs

la crmonie des funrailles.

tiennes sur la

les

l'infortun

Le prtre protestant

du dfunt, prsida

rcita des prires chr-

tombe de ce martyr, dont son frre, rsidant au Congo,


mort que plusieurs semaines aprs l'inhumation.

Ancien lve de l'cole militaire. Joseph Van de Velde expirait vingtsept ans, aprs six mois de prsence en Afrique, c'est--dire sans avoir pu
raliser les esprances
vaillant

dont l'Association

sympathique

et

puisse rver

crivait

officier,

de

le

s'tait

berce au dpart de ce

plus aimable camarade que l'on

lui le lieutenant Nilis.

Le lieutenant Van de Velde eut plus tard l'amre consolation d'lever un


modeste mausole o son infortun frre dort le dernier sommeil l'ombre des grands arbres, sous un sol dont les exhalaisons l'avaient empoisonn l'aube de la vie.
Hlas! que de tombes d'Europens l'on compte dj dans des coins per-

dus du vaste continent noir


Aprs trois annes consacres par un nombre restreint de voyageurs
intrpides l'exploration partielle des rives du Congo, on foule chaque
tape des fosses o gisent dcomposs les restes d'hommes de cur qui
!

ont

laiss

de lgitimes regrets dans

La mort

les

pays

les

plus loigns.

a frapp cependant, ds l'anne 1882, plus de Sudois, de Danois

ou d'Anglais, agents de l'Association internationale, que


belges. Ironique consolation

Mais ces martyres

et ces

rateurs modernes vers

L'homme
nature

le

civilis n'a

lui suscite;

de nationaux

tombes n'arrtent point

la

marche des explo-

centre inconnu de l'Afrique sauvage.

jamais recul devant

les terribles obstacles

que

la

son nergique volont veut triompher partout de l'pre

opposition de la matire; l'ardeur de la science l'entrane aussi bien en

Afrique qu'au ple Nord. Hte souverain de

la terre, il veut,

au prix des

plus durs sacrifices, toucher les parties les plus inaccessibles de son incom-

mensurable domaine.

Peu aprs
Parfonry

et

le

dcs de Joseph

Van de Velde, deux

officiers

Les deux voyageurs, allant de Vivi Issanghila, suivaient

de

la

belges,

Coquilhat, faisaient une pieuse visite au tombeau de Gangila.

rive droite

du

fleuve,

les sinuosits

luttant avec difficult contre les obstacles

CHAPITRE

4o8

jets

par

long du cours d'eau, berges montueuses, ravins,

le

marcages, sans parler du climat pernicieux.

forts,

On

nature

la

DIX-SEPTIME

que

sait

le

gorge resserre
gigantesques.

fleuve descend avec


et sauvage, sur

On

un

une grande rapidit a travers une

lit

obstru par des blocs de rochers

de l'effondrement d'une montagne croule en

dirait

normes fragments.
Dans

vaste tendue de l'horizon des marcheurs se dcouvrait

la

pillement de rochers et d'cueils

une lame

sous

le

courant, rcifs entrevus travers

d'eau, rondeurs noires affleurant

comme

potames monstrueux, pointes aigus dchirant


de rochers uss par
granit

le

la

vague,

un par-

le

des troupeaux d'hippofleuve,

amoncellement

de sable blafards chargs de blocs de

lots

tout hriss, aiguis, dchiquet, boulevers

sur les bords, un

dsordre de collines croupes arrondies, coupes de ravins, ou bien une


nappe de sable au pied d'un lourd bastion de roc parfois, au loin, un arbre
solitaire, tache discordante de verdure, semble comme foudroy.
;

Puis les chutes, les formidables cataractes pour complter cet indescriptible et

mouvant

tableau.

Ce ne sont que bouillonnements

pars, tourbillons pirouettant en enton-

noirs, courant vers la pente

comme

courants qui se heurtent

s'emmlent, lanires d'eau qui fouettent

et

croupes de roc ou de lave

et

les

s'ils

perdaient leur aplomb, luttes de

emport dans un vertigineux lan d'eaux fangeuses


remplissant toute

la

les

inondent de gerbes d'embrun: tout cela


et

d'cumes sales

largeur du vide.

Une symphonie confuse


sifflements mouills, de

et sauvage, irrite, de froissements d'eaux,

rauquements sourds

plane sur ce mlange de

flots

et

de

de rugissements effroyables,

jauntres et de rochers noirs.

Imaginez quelles penses inspire aux voyageurs ce spectacle norme,


bas, pars, s'talant ple-mle perte de

Parfonry

quer

la

vue

et Coquilhat parcourent cette tape et s'arrtent pour bivoua-

nuit tombante; puis

ils

reprennent leur marche au petit jour,

franchissant les ravins, gravissant les falaises, traversant des villages indi-

gnes amis.

Un

jour, c'est le soleil brlant qui les accable:

le

lendemain,

une soudaine et terrifiante tornada transforme leur route en marais fangeux et glissants.
Arrivs Issanghila, les deux voyageurs se sparent. Parfonry devant
sjourner dans cette station en qualit de chef,

Coquilhat

appel

Lopoldville, s'embarquait sur le Royal, avec ses compatriotes Avaert,

Guillaume Van de ^'elde

et

Amelot.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Nous avons

Manyanga,

arrive

leur

signal

409

du

date

la

15

octobre 1882.

Le surlendemain
conviait ds

17, Nilis,

matin

le

les

rduit par les djiggas ne pouvoir marcher,

nombreux htes belges de

sa chefferie sous la

vranda du corps de logis principal.


Coquilhat, lgrement indispos, Avaert, en proie la fivre, Amelot et

Van de Velde.

parle discours suivant

accueillit

si

une date que

est

Il

bien portants, se rendirent la convocation de Nilis, qui les

loign qu'il soit de

la

la

mmoire du cur

mtropole

rappelle tout citoyen belge

aujourd'hui 17 octobre se lve

la

Saint

Lopold.

Dans

"

la

Belgique entire cette journe

parmi toutes

est,

les autres,

Nos compatriotes ne
doivent leur prosprit l'inapprciable bonheur de

destine au repos et aux rjouissances publiques.

peuvent oublier

qu'ils

possder une dynastie fidle

de

grand

l'histoire le

velle

nom

avec clat

brille

de Lopold

nom

le

le

Sage,

de Lopold

sciences, de l'industrie, et initiateur


le

qui dj a inscrit dans les fastes

la foi jure,

et
II,

qui ouvre une page nou-

protecteur des

des

arts,

de cette croisade sublime dirige vers

continent noir, croisade laquelle nous avons l'honneur d'unir indisso-

lublement nos noms de soldats

Combien y

et d'explorateurs belges.

aura-t-il aujourd'hui,

patrie lointaine, de familles assises

mets

et

de vins exquis, d'o

l'eau sera

pour porter

les villes et les villages

de notre

une table joyeuse, charge de bons

mme

bannie

comme

superflue

Se douteront-elles qu'au sommet d'une montagne aride du Congo

cinq Belges auraient considr

rit

dans

La
du

la

qualit

sant

du

l'oi

comme un

Lopold

du liquide absorb

toast; je

don d'un

litre

de bire

heureusement, sur

la sinc-

bienfait le

II ?

n'influe pas,

vous convie, messieurs, boire du malafou

roi des Belges et au succs de l'uvre africaine.

la sant

du

Des bravos unanimes salurent ce toast; et dans le cliquetis des verres,


au moment o les assistants allaient porter leurs lvres le liquide indigne, Amelot, toujours gai, prit

la

parole

palme aujourd'hui le malafou est


sant des makokos indignes. J'ai mieux que a pour

Halte-la, messieurs, pas de vin de

bon pour boire


porter

un

toast notre Roi...

Amelot quitte

deux

la

la

vranda, et l'evient peu de temps aprs sa sortie avec

bouteilles de rderer,

une bouteille de cognac

et

deux

litres

porto.

Nous renonons
LES BELGES.

11.

a dcrire l'accueil qui lui fut

fait.

52

de

CHAPITRE

410

On

DIX-SEPTIi;.ME

Manyanga-Nord,

n'avait pas tous les jours,

l'occasion de dguster

des liquides aussi gnreux.

Devant ces trsors de cave inattendus, on rsolut de festoyer gaiement


d'arrter sance tenante l'ordre

On

dcrta

du jour de

et

la l't.

Une revue des troupes de


une illumination

un

garnison;

la

festin

copieux;

le

soir,

giorno, avec danses et chants par le personnel noir.

Ce programme

arrt,

Amelot

et

Van de Velde en communiqurent

la

teneur aux Zauzibarites et aux Kabindas.

Les interprtes furent chargs d'annoncer aux populations indignes


"nvironnantes que

mundels clbreraient

les

un grand monarque du continent des

Belges,

Quelques heures

s'taient peine coules

curieux. Les natifs,

grands

gaillards

la station la fte

du

roi des

blancs.

que

et forts,

le

plateau regorgeait de

solidement

charpents,

splendides dans leurs vlements de gala, grouillaient par groupes anims

dans tous
pauvres,

les

ils

espaces libres entre les btiments de

taient tous l

indigne descendant d'une paule vers


partie
fait

du buste;

les

la stati >n.

Riches

et

les riches se distinguaient par une pice d'toffe


la

hanche oppose

et

couvrant une

paUvres avaient ceint leurs reins d'un simple pagne

de fibres de palmier.

Comme

ornements,

ils

avaient attach des colliers de perles rouges,

bleues et blanches, des bracelets de cuivre aux poignets et des anneaux

mme

du

mtal aux jambes; leurs cheveux, empreints d'huile de palme, se

tordaient en boucles fantaisistes. Plusieurs s'taient peints la figure de

faon conserver une apparence froce, bien qu'en ralit leurs senti-

ments fussent exempts de malveillance: leurs yeux taient cerns de rouge;


des stries blanches coupaient transversalement leur visage.

Presque tous taient munis de

fusils silex et

de couteaux de fabrication

anglaise aux lames caches dans des gaines en peau de chvre passes

la

ceinture.

a et l des femmes indignes accroupies dans l'attitude de nos tailleurs


d'Europe, ornes et habilles comme aux plus beaux jours de fte, attendaient anxieusement
n'est plus

Rien

femmes

parade promise.
la

physionomie de cette

parlent, gesticulent avec cette

chez qui tout est en


les

la

mobile que

mouvement

les

mimique

yeux,

foule.

Hommes

et

habituelle aux ngres,

la tte, les paules, les bras,

mains.

Dans

ces cerveaux troits qui considrent tout chef blanc

d'essence suprieure,

la

comme un

tre

conception d'un roi des blancs don ne lieu des rcits

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

bizarres, a des descriptions

411

un

Belges

que n'importe quelle divinit

tre plus puissant

homme immensment

commande

riche qui

possde des millions de

Les

de

la

locale,

un

blanc,

qui

de pirogues, de maisons
de

soleil,

la

lune et des toiles.

officiers belges,

la fte

un peuple

lments physiques, du

prvenus de l'affluence des curieux

faisaient l'objet des conversations, voulurent

tout

d'toffes prcieuses,

d'esclaves, et qui dispose son gr des


pluie,

Un
des

des tonneaux de poudre, des quantits

fusils,

incommensurables de gin,

ln.

le roi

ampoules, des explications sans

vieux ngre essaye de dfinir son auditoire plus jeune ce qu'est

donner

le

et

des rcits qui

plus d'clat possible

projete.

La revue

fut

annonce par des salves de mousqueterie,

et

des drapeaux,

des banderoles rouges, bleues, jaunes, noires, furent dployes au fate des

btiments de

la station.

Manyang-a-Nord pavois aux couleurs de


produisit

Le

un immense

dfil

effet

moral sur

les

la

Belgique et de l'Association

spectateurs indignes.

station

commands par

le

donna aux htes de

la

des Zanzibarites et des Kabindas habilement

lieutenant Coquilhat, excut d'une faon magistrale,

une haute ide de

l'instruction militaire acquise par les soldats

de

Nilis.

Nous passerons sous silence les dtails du banquet copieux qui runit
manger de la station les cinq Belges qui s'taient
joints le capitaine Anderson et le mcanicien Martin, du Royal.
ensuite dans la salle

la

nuit tombante, des frondes de palmiers dessches, des bottes de

roseaux galement secs, pralablement enduites de gomme-rsine, attaches des branches d'arbres fiches en divers points sur
rrent

un

spectacle saisissant et pittoresque la fois.

Les Zanzibarites

et les

Kabindas excutaient leuis danses guerrires. La

multitude indigne, qui n'avait cess de s'accrotre depuis


brait le plateau et les versants
cris

le plateau, clai-

de

le

la colline; les chants, les

matin, encom-

hurlements,

les

de cette masse humaine ajoutaient aux blafardes lueurs de cette nuit

ferique quelque chose d'infernal.

Les danseurs partags en deux groupes, conduits par


(chels zanzibarites), taient

autres de fusils Snider;

ils

arms

les

les

nyamparas

uns de carabines Winchester,

avaient revtu leur costume de guerre

les

une

pice d'toffe rouge ou verte (suivant le groupe) roule autour de la tte et

retombant en

voile

dans

le dos,

ou blancs formant des pagnes

d'autres
et

lambeaux

d'toffes multicolores

des blouses, des rondelles de manioc

CHAPITRE

^12

attaches aux turbans,

le

DIX-SEPTIEME

ceinturon avec

la

cartouchire autour des reins,

pieds et les jambes nus suivant Thabitudc.

les

L'orchestre tait

compos de deux tambours immenses forms par des

troncs d'arbres creuss et recouverts de peaux de chvre parfaitement

tendues. Ces deux tambours, sortes de grosses caisses, rsonnaient sour-

dement sous

les

poix remplaant

coups rguliers de baguettes ingnieusement armes de


le feutre habituel

Aux premiers roulements


chantant un air ayant

les

des baguettes europennes.

danseurs s'taient lancs au petit

cadence de leur marche

la

nonces d'un ton guttural signifiaient

gou fhommes
Puis

ils

dont

guerre! guerre

trot,

les paroles pro-

pour

les nnazoin-

blancs, en l:isouahili, idiome zanzibarite).

simulrent l'attaque d'une ligne ennemie, en tirant sans ensem-

coups de

ble des

et

fusils

des dtonations des

nombreux,

successifs et rapides, et mlant au bruit

sauvages ressemblant plus a des hurlements de

cris

fauves qu' des sons de voix humaine.

Par moments, l'un d'eux feignait d'avoir t frapp par une balle ennemie;
et

roulait terre en se tordant et poussant des rugissements

il

de rage

de douleur admirablement simuls, s'avanait en rampant jusqu'aux

pieds d'un spectateur blanc qu'il embrassait dans une treinte, et rendait,

en matre artiste dramatique,

le

dernier soupir entre les jambes du

mun-

del qu'il tenait serres convulsivement entre ses bras. Faon singulire

d'indiquer
Cette

qu'il tait

prt mourir pour ses matres.

mimique expressive

russissait effrayer les indignes

eux-mmes,

tant les rles taient bien remplis.

Les blancs, tmoins de ce spectacle, se sentaient excits par


cette ferie;

quant aux danseurs, griss par l'odeur de

vacarme des dtonations, anims par

les

la

le

bruit de

poudre, par

volutions fantaisistes,

ils

le

conti-

nuaient leur jeu avec frnsie, faisant retentir de leurs clameurs sauvages
les

chos du Congo,

et paraissant

une bande de dmons dchans se

livrant

dans une demi-obscurit une orgie de sang humain. Leur excitation


telle qu'ils

gnes glacs

d'effroi.

Mais, au signal des blancs, les nj'amparas ordonnent


et verts cessent leurs

rouges
chefs,

tait

eussent volontiers charp, sance tenante, les inoffensifs indi-

et la fte se

le silence

coryphes

danses belliqueuses, se groupent auprs des

termine par un chur excut par tous

les Zanzi-

barites.

Le troubadour de
vise

la

une ballade dont

aux hommes blancs

un vtran de l'arme de Manyanga, improparoles expriment le dvouement le plus absolu

troupe,
les

et la

promesse de verser, pour

la

dfense de leurs mai-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

trs et la gloire

du grand

41'

roi des Belges, jusqu' sa dernire goutte le

sang

des noirs enfants de Zanzibar.

L'nergique refrain de cette ballade est chaque couplet rpt en chur

par l'assistance, qui en applaudit tour de bas l'improvisateur.


Dj

les

torches de rsine jettent les derniers clats de leurs feux, mais

aucun des Africains ne songe

se retirer.

LE LIEUTENANT COQUILHAT.

La passion des chants

et des danses, la

de souverains antidotes contre

le

beaut d'une nuit tropicale, sont

sommeil des ngres. L'aube du

retrouvait aux abords de la station

une

18 octobre

partie de l'assistance de la veille,

endormie, rompue de fatigue, ou gisant, ivre de malafou, dans un plemle inexprimable au milieu des herbes, sur les talus rocailleux, ou contre
les troncs

des rares arbres verts.

CHAPITRE DIX-SEPTIME

414

Jamais, de

mmoire de ngre habitant Manyanga,

fte plus brilUinte,

plus bruyante, n'avait anime ce district.

Jamais aussi

du Congo,

nom de

le

Lopold, presque inconnu jusqu'alors aux ngres

n'avait t tant de fois

nom

chrent dsormais ce

prononc par des indignes qui

pensic d'un haut

la

devenu pour eux plus respectable que

et puissant

atta-

souverain

plus respecte des divinits

la

locales.

Le lendemain de

cette journe

mmorable, ds

le

matin,

les

htes blancs

de Manyanga escortaient

la rive leur gnreux chanson de la veille


Amelot s'embarquait sur le boat pour retourner Vivi.
Aprs le dpart du Royal, Nilis et Avaert, abattus par de nouveaux accs

de

fivi'e,

durent

absorber des doses de morphine, dequinine, etc.,

s'aliteret

pour calmer leurs souffrances.


Dans l'aprs-midi,

missionnaire anglais Bentley, prvenu de

le

maladie de ses voisins,

vint

pour leur

la station

offrir

ses

la

soins

dvous.

En

tout temps, les missionnaires, dsireux sans doute de reconnatre les

que leur rendaient

services signals

les

saient de secourir ces derniers dans la

agents de l'Association, s'empres-

mesure de leurs moyens.

Contrai rement bien des missions anglaises tablies dans l'Afrique australe

dont les uvres sont striles quand elles ne sont pas nuisibles, les missions
du Congo produisaient des rsultats favorables ou tout au moins pouvant
le

devenir, outre l'assistance qu'elles prodiguaient aux blancs sans distinc-

tion de religion et de nationalit.

Peu ou point de contestations


les

missions religieuses

et la

s'levaient sur les bords

du fleuve entre

mission pacifiquement conqurante organise

par l'Association.

un fait assez rare pour tre signal.


En gnral l'homme blanc, quel qu'il soit, est

C'est l

On

conoit aisment que loin du milieu o

les aises

il

faillible,

surtout en Afrique.

a t lev, priv de toutes

dont a t entoure son enfance, perdu au sein de populations

ignorantes, habitant des rgions inhospitalires, un Europen subisse

changement qui
Les

altre son esprit et son cur.

hommes vraiment

inestimables de

un

forts,

ceux qui fondent leur

foi

sur les ressources

me, qui savent rsister aux passions humaines

contre les faiblesses de

la

et ragir

nature, sont seuls capables de poursuivre en

Afrique une mission pleine de dvouement et d'abngation.

Nous devons constater


belges,

que partout sur

ici,

les

d'aprs les lettres et les rcits des explorateurs

bords du Congo

les

missionnaires anglais se

LES BELGES DANS L AFRIQUE CENTRALE

.115

sont montrs dignes d'tre donns en exemple quiconque veut travailler


la civilisation de l'AlVique.

Bentley

journellement

visitait

de Manyanga

malades

les

et

leur

du Congo
du poisson, du vin.

apportait chaque visite des prsents inestimables sur les bords

moyen

du

th,

du

caf,

du

Les attentions dlicates

sucre, des

ufs

frais,

du missionnaire

et les soins

taient d'autant

plus apprcis des lieutenants Nilis et Avaert que depuis le iq octobre

Coquilhat avait quitt

la station

ment de Zanzibarites charg de

pour conduire jusqu' Lutet un dtacheravitailler la

troupe de 'Van Gel.

D'autre part, les 20, 21 et 22 octobre, Guillaume 'Van de 'Velde payait

son tour au climat pernicieux de Manyanga-Nord

un

tribut de fivre et de

souffrances.

La maison occupe par

blancs tait donc transforme en hpital

les

vritable n'ayant d'autre docteur

Le

22,

que

vers midi, Its malades furent

le

dvou missionnaire anglais.

mus en entendant des dtonations

frquentes d'armes feu partant du bas de

Un

boy,

vacarme

mand en

la

montagne.

toute hie par Nilis pour reconnatre la cause de ce

inusit, revint

promptement rassurer

qu'une caravane de Zanzibarites

i'oficier,

commande par un

en annonant

blanc signalait par

des coups de feu sa prsence sur la rive gauche du fleuve.


Nilis et Avaert, oubliant la fivre, se levrent et

colline

pour saluer leur

coururent au bas del

visiteur.

C'tait Braconnier.

Le

capitaine, arrt avec son escorte sur la rive sud, attendait depuis

plusieurs heures que des pagayeurs indignes voulussent bien


la rive

le

passer sur

oppose.

Les maudits noirs, occups pcher

le

vairon dans les criques du large

courant, ravis de contrarier l'tranger, se refusaient obstinment mettre


a sa disposition la

On dut

les

lger service.

Dandanga

hommes

moindre pirogue.

menacer de

les

prendre pour

cible, afin d'obtenir

d'eux ce

Cet avis premptoire dtei'mina un patron de pche de

a accoster la

i"ive

gauche avec son canot. Braconnier

prirent place dans cette embarcation qui les

et trois

amena une heure

plus tard prs de Nilis.

Le brave capitaine, fondateur de Lopoldville,

membres couverts

tait bris

de fatigue; ses

d'ulcres indiquaient les souffrances qu'il avait eu sup-

annona ses compatriotes son intention de quitter l'Afrique et


d'entreprendre pour se rtablir un voyage de plusieurs mois avant de revoir
porter;

la

il

Belgique.

CHAPITRE

.^16

Tandis que

les officiers

indignes s'enfuyaient

DIX-SEPTIME

belges causaient sur

la rive droite, les

cachaient tous les canots,

et

mchante niche aux


Il fallut, bon gr, mal gr, regagner le soir la
plte de Zanzibarites amene du Stanley-Pool.

comme pour

pcheurs

une

faire

caravaniers arrts sur la rive droite.


station sans l'escorte

com-

pirogues de N'tombo, rquisitionnes chrenient au


prix de plusieurs mtres d'toffe, amenrent toute la caravane au pied de la

Le lendemain

colline de

23, les

Munyanga.

Persvrant dans leur esprit de contrarit, les indignes se mirent en

grve

et refusrent

blancs et

le

pendant plusieurs jours de passer sur

le

fleuve les

personnel noir de l'Association. Cette conduite des natils

exasprait Nilis, qui

fit

en vain plusieurs palabras pour se concilier

les

offices des passeurs ngres.


Rien n'expliquait l'obstmation de ces derniers; leur enttement dura
jusqu' l'arrive du Royal remorquant un boat dont la machine s'tait

bons

casse en route.

Le 30 octobre,
dont

le

Royal partait pour Issanghila

emmenant Braconnier

les ulcres n'taient point cicatriss.

dure de son engagement de trois annes;


en Afrique avaient admir sa mle
connu
tous ceux
nergie, sa volont de fer et le dvouement qu'il avait apport dans
l'accomplissement de sa rude mission d'explorateur et de fondateur de

Le capitaine

avait termin la

qui

l'avaient

station.

Braconnier, en quittant Lopoldville. avait laiss Valcke

ment de

ce poste hospitalier, au

le

commande-

dveloppement rapide duquel

il

avait

si

largement contribue.
Rentr en Belgique plusieurs mois aprs, le capitaine fut acclam par de
nombreux compatriotes son arrive a Anvers.

Le premier novembre 1882, la garnison de Manyanga rendit les honneurs


funbres un Zanzibarite mort de phtisie pulmonaire aprs une longue
maladie.

Sur

l'ordre de Nilis, les travaux furent

interrompus;

les

compatriotes du

dfunt procdrent aux prliminaires des funrailles.


Au moment de la mort, les quelques Zanzibarites tmoins du dernier
soupir du malheureux avaient eu soin de tenir ouvertes les mains du mourant et de maintenir allongs par une forte tension horizontale ses bras et
ses jambes.

Le corps

fut envelopp, cousu

rclam par

les Zanzibarites;

on

dans de

la toile fine,

dfaut

du

satin

avait eu le soin d'entourer le cadavre

de

LES DELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

morceaux de camphre
bouche,

la

le

nez

et d'encens, et

41:

de boucher avec des flocons de ouate

du dfunt.
tombe creuse sur

et les oreilles

Pour le transporter

la

bords du Congo, on tablit

les

un brancard avec vote forme par des tiges de palmiers ployes.


Le corps gliss sous cette vote est recouvert de mouchoirs rouges destins le garantir des ardeurs du soleil. Au-dessus des feuilles de palmier,
on tend dans le mme but un grand nombre de mouchoirs multicolores.
Ces prparatifs termins, Nilis, Avaert et Van de Velde, plus ou moins
remis de leurs fatigues, accompagnrent le cortge, compos du personnel
noir de la station.

Tous

portent par quatre, tour de rle,

les Zanzibarites

dfunt jusqu' la tombe. Pendant

monotones, dont

tristes et

en chur par

est repris
-A di-^e

le trajet, l'un

le refrain,

il

le

corps du

d'eux chante des stances

s'agit d'Allah, et

encore d'Allah,

les noirs.

vrai, les dtails

de

crmonie inspiraient aux

la

officiers

belges

plus de curiosit que de recueillement. Certaines pratiques leur paraissaient

mme

Chaque
brancard,

grotesques.

que quatre nouveaux Zanzibarites relevaient

fois
ils

ils

pantomime

excutaient une

pour dpasser

le

singulire.

Ils

les

porteurs du

prenaient leur lan

cortge de plussieur mtres, puis, revenant sur leurs pas,

arrtaient les porteurs de la civire, plongeaient des regards attendris

sous

la

vote de feuillage, se cachaient

le

visage dans les mains, hurlaient,

gmissaient un instant, remplaaient vivement

prcipitamment

le

les

convoyeurs

et portaient

du cortge leurs

dfunt, en mlant aux braillements

accents gutturaux et plaintifs.

On

arriva enfin jusqu'aux bords

de

la fosse,

'profonde d'un mtre cin-

quante centimtres

et creuse dans le sol sablonneux, sur les rives du


du confluent d'un ruisseau.
La civire fut dpsoe prs de l'excavation. Quelques Zanzibarites enlevrenfles mouchoirs rouges tendus sur le cadavre et les nourent de

fleuve, auprs

faon obtenir une large surface

de

la fosse.

Deux

couchrent

que

le

Le corps

noirs coiffes
le

d'tofl'e

tait toujours

du fez
le

le

brancard.

(calotte rouge) descendirent

dfunt que l'on

corps plac sur

sur

qui fut tendue par eux au-dessus

fit

glisser

dos et

la face

doucement de
tourne vers

dans

la fosse; ils

la civire,

de manire

l'orient, et

mirent sur

son corps des planches faonnes.

Pendant

cette opration, les Zanzibarites, qui tenaient les

dessus de la fosse, imitaient


d'toffe,

le

mouchoirs au-

mouvement des vagues avec

ces pices

tout en chantant le refrain mentionn plus haut.

LES DELGES.

II.

jS

CHAPITRE

4iS

Les deux Zanzibarites au

DIX-SEPTIME

fez sortirent

de

la fosse: les

mouchoirs furent

enlevs; chaque Zanzibarite dfila en jetant surles planches unepoigne de


terre, jusqu' ce

qu'un tertre assez lev, aux quatre angles duquel on

planta des branches d'arbres, et servi de couronnement a ce tombeau.

On procda
alla

enfin la dernire partie de la crmonie.

qurir de l'eau

la rivire voisine et la

versa sur

le

Un

Zanzibarite

tombeau, tandis

que ses compatriotes rangs en cercle rcitaient une espce de

litanie,

suivie d'une prire gnrale.

L'oraison termine, chacun des assistants ( l'exception des Belges, cela

va sans dire) prit deux mains

un peu de

la

ler,

humide du tertre et s'en


dbandade se dbarbouil-

terre

frotta la figure. Puis ces braves gens allrent la

qui dans le Congo, qui dans les eaux du ruisseau.

Le

soleil disparaissait

de l'horizon, lorsque les habitants de Manyanga-

Station purent regagner leurs demeures. L'enterrement avait dur toute

une journe.

CHAPITRE XVIII

Les chefs de N'tombo

et

de Manyanga.

*^

Novembre 18S2 Manyanga. Le


Uns mutinerie. Chasse excursion de Nilis auxenvirons
Triste Nol. docteur Van den HeuveL

Boula Matari II (Hanssens)

caravanier Soudi et sa ceinture.

L'atoimdo.

'"^^"^^^^^^ E dimanche

et

(.e

novembre

1882,

une

file

de chefs, sous-chefs,

de Manyanya-Station
'^A.^'^^ arrire-chefs des districtslimitrophes
de Velde les ennuis
Avaert
et
Van
Nilis.
vinrent
imposer
a
'j^i^^(^(^
*--C^^^>j

d'une grande palabra,

Pour exposer au lecteur les motifs de cette confrence


solennelle, nous devons rparer une erreur involontaire qui s'est glisse
dans notre rcit et dont une lettre du capitaine Hanssens nous facilite la
-^'

t^^^'

^^

rectification.

CHAPITRE

420

DIX-IIUITI.ME

Nous avons mentionn l'arrive Mar.yang-a, le 3 aot 18S2, du capitaine


llanssens, venu marches forces d'Issanghiia au secours de Nilis qu'il
croyait menac, mais qu'il trouva en paix avec les indignes.

La paix rgnait en
chrement acquise

de N'tombo-Matal;a

Le rsultat de

date dans les parages de Manyanga, paix

effet cette

a la suite d'une
et

guerre dclare par Nilis aux indignes

dans laquelle ces derniers eurent

cette prise d'armes fut brillant

des cinq chefs du district ennemi furent

faits

dessous.

le

pour l'Association

trois

prisonniers et conduits,

la

chane au cou, la station; deux villages furent compltement incendis;

un troisime

en partie brl: une dizaine de natifs y perdirent la vie;


plantatations furent dtruites, en un mot, le dsastre fut complet pour

les
le

fut

peuple de N'tombo.
Les chefs prisonniers se nommaient Matari, Myala, Myangala. Matari

l'homme

tait

le

plus puissant de

la

contre, le

un ennemi mortel des blancs,

dentale,

qu'il et

Miiambo de

l'Afrique occi-

voulu exterminer jusqu'au

dernier.

Comme

le

sjour de ces prisonniers entranait pour

Manyanga un
ils

personnel de

service de surveillance absorbant et qu'il prsentait en

outre certain danger, llanssens ordonna


Vivi, o

le

le transfert

immdiat des

captifs

seraient suffisamment loigns de leurs possessions pour ne

pas chercher s'enfuir.

Ds

aux

lendemain cinq heures du matin. Hanssens

le

signifia

lui-mme

trois chefs prisonniers la dcision qu'il avait prise leur gard.

On

va vous conduire sous escorte Vivi, dans un grand village des

blancs. Matari est

Myala

et

Myangala,

sement complet de

condamn
ils

la

y passer

le

restant de ses jours;

quanta

seront autoriss revoir leurs villages aprs apai-

contre, lorsque l'attitude des populations

de N'tombo pendant un laps de temps assez long aura prouv


entirement soumises l'autorit des blancs de Manyanga.

du

district

qu'elles sont

Les captifs noirs coutrent cette sentence avec un stocisme remarquable; pas

un muscle de leur

figure ne bougea, pas

une crispation nerveuse

ne trahit leurs impressions.


Ils

taient pourtant persuads qu'on les conduisait la mort.

Les

forts,

hommes

blancs sont cruels, dit Matari Hanssens, mais

ils

sont

maintenant surtout que vous. Boula Matari second, vous tes au


me plains pas; les chances de la guerre ont t contre

milieu d'eux. Je ne

moi

je

tuerez,

suis en votre pouvoir; je ne verrai plus le lever

comme

je

vous aurais tu

si

vous

tiez

du

soleii

vous

tomb entre mes mains.

Hanssens eut beau rpondre Matari que sa libert seule

tait

me

en jeu,

LES BELGES DANS L AFRIQUE CENTRALE

qu'il recevrait

tous les gards dus un grand chef

ne toucherait un cheveu de sa

Inhumain

et cruel,

Matari ne pouvait croire

clmence des blancs.


la garde

la

dpos dans un beat, sous

fut

il

comme lui, que personne

Matari n'en voulut rien admettre

tte,

Enchan avec ses deux acolytes,

421

de dix rameurs, du capitaine de l'embarcation et d'un blanc charg-> de

le

conduire d'Issanghila Vivi, par voie de terre.

la suite

de cet acte, Hanssens procda lui-mme l'investiture de

nouveaux chefs de N'tombo,

trois

profit

et passa plus tard avec

Cet important rsultat, obtenu par Boula Matari

de

eux des

traites

au

de l'Association.
II

a la suite des victoires

rpondait un desideratum de Stanley, Boula Matari

Nilis,

vainement essay

divei'ses reprises,

qui avait

I",

au cours des annes prcdentes, de

soumettre au protectorat de l'Association

les

indignes du district de

N'tombo.
Il

pour y arriver,

fallait

dompter

les

crivait ie capitaine belge, agir par la terreur,

populations par

la

force

et

profiter de

momentan.
Mais le 5 novembre, au grand bahissement de

Myala

et

Manyanga

et

Nilis, Matari,

Myangala, ayant rompu leurs chanes, arrivaient de


poussaient l'audace jusqu' se prsenter dans tout
verains de l'Afrique centrale au chef blanc de

leur crasement

"Vivi a

l'clat

des libres sou-

la station.

Escorts de tous les notables de la contre, les ex-prisonniers viennent

demander

Nilis la permission de revoir leur village et lui jurer fidlit.

Matari, amaigri par la captivit et les motions de la route parcourue en


fugitif,

prononce un discours ngre,

gestes, les clignements d'yeux, les


Il

c'est dire un long boniment o les


gambades jouent le plus important rle.

se dclare enchant des traitements qu'il a reus

blancs.

Les mundels ne sont pas ce

des mangeurs de petits ngres;


amnit.

Net

ses sujets,

ses

il

et ses

la

part des

de revoir son

champs de

ma'is,

il

hommes

des pillards et

regrette d'avoir autrefois

t le dsir qu'il avait

chimbeks

de

qu'il pensait d'abord,

mconnu

village, ses

leur

femmes,

n'et pas quitt ses

aimables gardiens.

Myala

gnon

et

Myangala partagent en tous points

l'opinion de leur

compa-

clmence du bon mundel de Manyanga ils


dsirent vivre en paix avec lui, gagner et conserver son amiti en contribuant de toutes leurs forces faire aimer et respecter des indignes de
d'exil. Ils

N'tombo

les

foi

dans

la

agents de l'Association.

Comment ne
Nilis,

ont

pas accorder l'amnistie de pareils repentis.^

feignant de croire la sincrit de leurs belles paroles, les remercia

ciiAPiTRr;

122

vivement de leur

ordonna

visite, et

nix-iiuiTii;ME

la distribution de vingt bouteilles

de

gin aux gens du cortge des trois chefs.

Quel argument pouvait tre mieux accueilli par


ordre gnreux

un enthousiasme

produisit

11

ngres que cet

les

indescriptible

des bat-

tements de main en cur, des entrechats, des danses, des chants, des salves
de mousqucterie, des roulements de tambour, des vibrations clatantes
obtenues par des sonneurs de cloches nouveau genre, cloches doubles, en
sur lesquelles des chefs ou des sous-chefs indignes tapaienttour

1er forg,

de bras avec de gros btons.


Cette saturnale avait lieu

devant une nouvelle maison d'habitation

construite par Nilis. Assis sous la vranda, les blancs changeaient les

impressions que leur causaient


Nilis,

contre

qui ressentait

cur

et

les grossiers

les atteintes

maudissait part

bats des ngres.

d'un nouvel accs de fivre, souriait


scnes curantes qui se passaient

lui les

sous ses yeux.

Avaert et Ouillaume \'an de Velde prouvaient une rpugnance non

moins vive

Le

et

soleil,

souhaitaient

ardemment

la fin

de cette fte improvise.

qui commenait dcliner, exaua leurs vux.

Il

aupa-

fallut

ravant satisfaire un caprice des chefs rconcilis.

un baril de poudre qui


sommet de la colline.

Matari vint supplier Nilis de donner ses amis


serait tire en signe
L'officier

de rjouissance sur

le

repoussa tout d'abord cette demande.

La poudre

est prcieuse et utile

aux blancs,

disait-il; elle leur sert

faire sauter les rochers, assurer leur nourriture, les

leurs ennemis. C'est trop abuser de

ma

protger contre

gnrosit que d'exiger de

moi

le

don d'un baril entier de poudre destine tre gaspille.

Oh vous
!

tes

riche, rpondit Matari

si

poudre. La pirogue de

Vous

accorde

fer

j'ai

vu au grand

dites vrai, Matari,

le baril

demand.

noirs, saluant d'un

village des

mmes

barils

de

vous en apportera lorsque vous en dsirerez.

nous aurons toujours de

la

poudre;

je

vous

>

Bientt une explosion formidable

Les

toute une vaste maison remplie de ces

blancs, Vivi,

fit

trembler

les

maisons de Manyanga.

hourra frntique ce vacarme cher

leurs oreilles

se retirrent solennellement, en dilant a la queue-ieuleu devant les blancs,

au son des tambours, du clairon, des cloches,


suite

du gin absorb,

par un trouvre

la

les autres

louange de

rptant en
Nilis,

les

uns titubant encore par

chur un

refrain improvis

ou envoyant aux chos du Congo

le

bruit des dtonations irrgulires de leurs fusils silex.

Au langage

violent de la poudre, les missionnaires anglais, dont l'tablis-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

425

quelques centaines de mtres de la station s'murent


Manyanga-Nord pour avoir des explications.
masse
a
vinrent en

sment

Ils

s'levait

craignaient d'y trouver des combattants,

ss

de fatigue

les

ngres de

et pris

y virent des Belges haras-

d'un invincible besoin de dormir. Plus gnreux que

Ntombo,

que leur inquitude

ils

et

les

missionnaires se retirrent aprs avoir constat

tait sans

fondement.

Le lendemain, Matari, Myala, Myangala, encore sous l'impression de


l'agrable accueil de la veille, revinrent avec

demander
un comble!
Nilis les

une pice
civilis

Nilis

un cortge nombreux pour

des prsents en rcompense de leur soumission. C'tait

congdia en leur donnant pour trois

d'toffe

dont grand' peine un

mouchoirs,

et extrait douze

homme
et

dans

laquelle les chefs indignes se taillrent trois cos-

tumes complets.
Tous

ces

ngres,

ns sur les marches d'un

monde dans une

hutte

d'esclaves, sont des m.endiants insatiables

dont

trne africain ou venus au

les

explorateurs doivent

rager

les instincts

le

plus souvent encou-

de mendicit pour vivre en

bons termes avec eux.

Nanmoins

Nilis,

menac de ruine par

les

obsessions incessantes de Matari et consorts, les

envoya tout bonnement promener

troisime

la

tentative qu'ils dirigrent contre les

marchan-

dises de la station.
LVRE.

Aprs

les visites

blancs,

pour

vembre

les

assomantes des ngres,

les

se remettre, eurent subir en no-

pluies torrentielles et les maladies qu'elles occasionnent.

Avaert fut atteint de lombrico'ides. Lorsque

premires atteintes de cette maladie,

il

le

lieutenant ressentit les

crut avoir affaire au ver solitaire;

Bentley, toujours prt a remplir les fonctions de docteur, tira le malade

de son erreur

et lui conseilla

des doses de santonine.

Le missionnaire connaissait cette maladie terribie qui svit frquemment


contre les natifs et sme la mort dans les tribus. Bon nombre de ngres,
rduits
la

l'tat

de squelettes ambulants par ce

mission anglaise par

les soins

de cet

homme

flau, avaient t guris

de bien.

Hlas! c'est bien regret, et notre corps dfendant,


obligs de parler

si

souvent des heures de fivre

et

que nous sommes

de souffrances travcr-

CHAPITRE

424

sces sur le plateau hideux de

DIX-IIUITIME

Manyanga-Nord par

les vaillants officiers

belges qui y subirent la saison des pluies de l'anne 1S82, mais notre rle

d'historiographe consciencieux nous y condamne.

Van de Velde,

Avaert,

Nilis,

alits

tour de rle, se soignrent rcipro-

quement. Le moins prouv d'entre eux


remplissant

les fonctions

commandement de

se dvouait au salut des autres,

de garde-malade

chargeant en outre du

et se

la station.

Le boat d'Issanghila stoppait rgulirement dans


S'il

n'amenait jamais de mdecin, en revanche

la patrie, lettres

Le

il

les

pleines d'encouragements et d'espoirs

dcembre,

l'tat

eaux de Man_ anga.

apportait des lettres de


!

d'Avaert empira et causa de trs graves inquitudes

ses compatriotes.
Nilis pria Bentley

de prendre

malade en traitement

le

Avaert, fou de douleur, en proie au dlire

mission.

la

plus caractris, les yeux

le

hagards, hve et inconfcient, fut attach dans un hamac et transport chez


les missionnaires.

Le

dcembre, Bentley crivait

qu'il croyait

venue

la

dernire heure du

malade. Heureusement cette ltale prvision ne se ralisa pas. La constitution robuste

du

lieutenant, aide par la sollicitude incessante

du mis-

sionnaire, triompha de la mort.

Chaque

jour, le chef

de Manyanga

s'tait

rendu

la

mission pour visiter

son compatriote. Nilis tait lui-mme trs souffrant: une inflammation


(roiher hund), qui lui causait

une sorte de

fivre

permanente

nies cruelles, avait couvert son corps de boutons.

ses occupations multiples de

commandant de

et des

Nanmoins

insom-

Nilis vaquait

station et s'efforait d'oublier

sa propre souffrance pour venir en aide ceux de son entourage que

les

maladies accablaient.

La

sant d'Avaert s'amliorait peu peu,

Issanghila, o

ment de
Le

12

il

Manyanga

le

lieutenant se dcida sur les

descendre avec

le

boat jusqu'

devait succder plus tard a Parfonry dans

le

commande-

conseils de ses amis quitter

et

cette station.

dcembre,

Nilis rgalait

dans

la salle

manger de

braves missionnaires qui avaient prodigu sans relche


affectueux et les plus efficaces aux
Bentley, Ilartland et

la

station les

les soins les

plus

agents de l'Association.

Moolemaar

assistaient

un

vritable festin offert

par NiUs.

Parmi
vain

la

le

menu, reproduit sur

nomenclature des vins

le

journal de lofHcier, nous cherchons en

servis: le liquide absorb, bien

peu

rconfoi'-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

tant, avait tc

de

la colline

nel et

le

emprunt

la

cave naturelle qui roulait ses eaux vives au bas

de Manyang-a; quant aux mets rsistants,

mouton

-1^5

le

poulet tradition-

africain en avaient fait les frais, la farine

de chicoangay

tenait lieu de pain.

Le repas n'en fut pas moins gai;

les

douces causeries remplacrent

le

Champagne.
Les religieux anglais annoncrent

la

cration d'une mission succursale de

LE LIEUTENANT AVAERT.

la

Livingstone Ireland a Loucongo (entre Issanghila et Manyanga).

Hartland avait visit cet tablissement;

abondaient dans

les

parages de Loucongo;

il

il

racontait que les lphants

en avait rencontr un troupeau

considrable Baynesville.

La rive sud entre Issanghila et Manyanga possdait, disait-il, quantit de


ces mammifres.
Au dessert, entre le poudingue et le fromage, le boy annona l'arrive
de

la

caravane Soudi venant de Leopoldville. Soudi


LES BELGES. 11.

sollicitait la
54

faveur

CHAPITRE

426

DIX-HUITIME

introduit prs de Nilis, qui il voulait remettre un prsent.


La permission accorde, Soudi franchit le seuil de la salle manger et fut

d'tre

accueilli

par

les

exclamations

des convives.

d'effroi

Le caravanier avait comme ceinture rellement effroyable un gros serpenta la peau jauntre zbre de noir, et qui. droul, mesura plus de deux
mtres cinquante.

Le corps de ce monstre enrichit la collection de Nilis. Soudi reut en


change un magnifique cadeau.
Le Zanzibarite, rendant ensuite compte de son tape, prvenait Nilis des
tentatives de soulvement de la contre iites par les gens de Dandanga.

-Mlongo se plaisait a rpandre


geaient

contre

avec

les noirs;

Van

Sur

les

le

bruit que les blancs de la station

man-

indignes du district de Lutet guerroj^aient

Gel; partout les caravanes de r.\ssociation avait maille partir

les natifs

des villages de

ce rapport,

kl rive

en outre

il

sud.

la rive

que Soudi retournerait Lopoldville par

fut dcid

nord.

Les missionnaires avaient frmi en

ci

allant les narrations

du Zanzi-

barite.

Encore de sombres perspectives de guerre, des massacres, des incen-

dies de villages, des dvastations, reprsailles ncessaires

si

vous tes

attaqu, dit Bentley Nilis.

Bah

il

ne faut pas prendre au

mot

les paroles

de Soudi ce Zanzibarite
;

exagre.

Comme

mais

n'oseront plus joindre l'action la menace; trop de fois nous

ils

toujours, les indignes dblatrent de loin contre nous;

avons d exercer contre eux

le tir

de nos carabines

et

dchaner sur

leurs territoires nos hordes de Vandales, nos farouches guerriers de Is'

aucun blanc ne guide les caravanes composes de


Zanzibarites. ces derniers nous arrivent toujours avec des rcits alarcte orientale. Lorsque

mants, et singulirement amplifis.

Cette rponse, dicte par l'exprience, calma

les

apprhensions des

missionnaires.

Le djeuner

termin;

tait

les blancs

runis sous

la

vranda causaient

encore quatre heures de l'aprs-midi, lorsqu'un boat leur fut signal.

cinq heures, ce bateau dbarquait prcisment un voyageur inattendu,

M. Charles Ingham, attach

a la Livingstone Ireland Mission, qui fut ravi de

trouver Manyanga-Station

concourir avec

L'importance

lui

les

compatriotes

une mission

et la

telles

confrres qui devaient

civilisatrice.

multiplicit

anglais taient devenues

et les

des tablissements philanthropiques

sur les bord du Congo infrieur et moyen,

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CEiXTRALE

que

la socit

427

Livingstone Ireland avait acquis un boat spcial pour relier

entre elles ses succursales par des services rguliers et frquents.

Outre

steamers

les

embarcations sillonnant

et les

le

grand fleuve entre

un vapeur
couleurs de

Issanghila et Manj^anga et battant pavillon bleu constell d'or,

voguait dsormais dans ces


la vieille

aux

lointain, dcidrent les missionnaires

regagner leurs

en toute hte.

Nilis les

de

les

nuit tombante, d'immenses clairs qui prcdaient les sourds roule-

ments d'un tonnerre


toits

parages et y dployait

de Manyanga.

exils
la

mmes

Angleterre. Les nouvelles d'Europe parviendraient plus souvent

la

accompagna jusqu' la petite


du mamelon domin par

rivire qui sparait la colline

station

les

btiments de la mission

anglaise.
L'oflBcier voulait franchir la rivire

peine

la faire

avec ses invits, mais on n'eut pas de

renoncer ce dsir.

La passerelle tout

fait

primitive,

un tronc d'arbre

sur le courant, offrait dans l'obscurit

un

troit et glissant, jete

rel danger, et exigeait de la part

de ceux qui en usaient, outre beaucoup de sang-froid,

les

connaissances

d'un bon quilibriste.

Ce passage

de longues minutes: l'orage s'avanait sur les ailes


vent de l'ouest, les bords de l'eau taient infests de mous-

ncessitait

rapides d'un fort

tiques et de myriades dnsectes ails, tous plus dsagrables les uns


les autres, et

alligators

dans

les reflets

menaaient d'un dnouement

vertige et qui serait

Le

que

argentins des lames les noires carapaces des

tomb a

la rivire

fatal le

passager qui aurait eu

en traversant

le

le

pont.

lieutenant prit donc cong des missionnaires et assista en tmoin

anxieux aux pripties de

la

traverse, qui furent surtout

mouvantes pour

nouveau venu, M. Ingham.

le

Retourn
les

de

fort tard la station, Nilis se

coucha

et

dut invoquer contre

mortels ennuis de l'insomnie les douceurs de la pipe et les plaisirs


la lecture

des journaux belges portant

les

dates du mois d'octobre

prcdent.

du rother hund
heures du matin.

L'orage de la nuit, les insupportables dmangeaisons


contriburent tenir Nilis veill jusque vers trois

Lev cinq heures pour

les

besoins du

sej'vice, le lieutenant,

que jamais, surveilla les prparatifs de dpart, le

plus dispos

chargement de

la

cara-

vane Soudi.
D'habitude

les

caravaniers acceptaient assez facilement les ballots d'toffe

CHAPITRE

423

DlX-IIUITltME

et les caisses qu'ils devaient transporter Lopoldville

mais ce jour-l

ils

se montrrent rcalcitrants. L'un d'eux, plus catgorique, refusa insolem-

ment

le ballot

qui lui tait destmc.

Les chemins sont mauvais, dit-iK et dtremps par

pluies,

indignes de

les

les

dernires

nous maltraiter;

rive droite sont disposs

la

nous ne pouvons partir aujourd'hui. Je ne veux plus obir aux blancs.


Ce disant, le mutin senfuit toutes jambes, et dgringole la colline

comme un

livre effarouch.

Cette audacieuse mutinerie provoque une rvolte gnrale; les porteurs


jettent terre leurs ballots et s'obstinent

Soudi

nanmoins tous

fait

ses efforts

un

pour

les

instant refuser de partir.

ramener

l'ob Jissance; sa

voix n'est pas coute.


Nilis s'interpose

dans

le

dbat; l'indignation et la colre lui arrachent les

paroles les plus nergiques et les menaces les plus expressives.

Le revolver au poing, il dclare aux

braillards qu'il fera sauter la cervelle

ceux qui hurleront encore.


L'nergie
rtabli.

du geste

et

du regard

Les caravaniers acceptrent leurs charges

long du sentier glissant de

hommes

Dix

russit calmer les mutins. L'ordre fut

de

et dfilrent bientt le

la colline.

garnison furent dpchs ensuite

la

la

poursuite du

fuj'ard.

'Vers le soir, ces soldats retournaient la station et racontaient

gens de Soudi
aprs

les avaient

menacs de leurs

que

fusils, s'ils persistaient a

les

courir

le rvolt.

Nilis

songea un instant runir sa troupe, pour infliger un chtiment

exemplaire aux caravaniers. Ceux-ci taient dj

grande;

le

une distance trop

lieutenant dut se contenter d'expdier Valcke

mentionnant

un courrier

le fait.

Le lendemain, un temps
invita l'officier chasser

Guillaume Van de

gris,

dans

\'elde,

travaux, pendant l'absence

les

lgrement humide, mais supportable,


environs de

presque guri,

la station.

s'tait offert

momentane du

chef.

On

pour surveiller

les

procdait cette

poque aux rparations des toitures des habitations diverses. Les pluies
diluviennes du mois de novembre avaient singulirement avari les toits;

mme de logement aux


votes comme elle l'et lait

dans certains btiments servant de magasin, voire


blancs, l'eau filtrait travers les fissures des

entre les mailles d'un panier salade.

Les charpentiers kabindas


sine

pour faonner de

et

krouboj's saccageaient donc la fort voi-

belles planches de teck;

quelques Zanzibarites, sous

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

4-9

conduite d'un nyampara. taient alls acheter aux marchs des environs

la

des tonnes de caoutchouc, marchandise destine par l'Association tre

change en Europe contre des produits manufacturs, monnaie courante

du Congo.

l'heure

fonc

du djeuner,

brillait

de tout

le

temps
d'un

l'clat

remis au beau,

s'tait

soleil tropical, le

le ciel

d'un bleu

thermomtre marquait

l'ombre prs de trente degrs.

Pourquoi

('

Nilis

ne revient-il

\'eidc prvoyant la chaleur

pas?

>

pensait Guillaume

\'an de

suffocante qui allait accabler le chasseur.

Bah le soleil n'arrte pas un intrpide


mule de Nemrod.
!

Parti l'aube avec Ambari, Nilis, en qute

de

gibier, avait ctoy la rivire voisine

de

la Mission.

Ce ruisseau coule au milieu d'une valle


et troite enferme entre les pentes

longue

de montagnes peu ou point boises. La


le est parfaitement sche,

comme le sont presque

cageuse

val-

nullement martoutes celles

qu'arrosent des courants dans l'Afrique cen-

de temps autre

trale;

elle

prend une

tension considrable.

La

rivire

longueur
droite.

la

y dcrit des mandres dont la


fait, distance, paratre presque

Les rives sont abondamment cou-

vertes d'herbes vigoureuses, qui s'arrtent

aux berges escarpes bordant son lit o l'eau


pure comme du cristal laisse voir un fond
sablonneux.

mens de

On y

la flore

orchide.

trouve en quantits trs restreintes de beaux spci-

aquatique, mais la faune y est reprsente l'poque des

pluies par des crocodiles et

un

singulier animal dont nous dirons plus loin

quelques mots.

Le

gibier n'y

manque

pas, et Nilis ne voulut point gaspiller sa

poudre

contre les tourterelles, les canards, les martins-pcheurs et les ravissants

oiseaux qui picoraient, planaient, voltigeaient et gazouillaient sur ces


bords.

A un

lger tournant de la rivire, Nilis aperut deux

espce qui lui tait inconnue;


flairant

un danger,

il

se disposa les viser

les

animaux d'une

animaux,

comme
On ne

s'lancrent l'eau et disparurent en plongeant.

CHAPITRE DIX-HUITIME

430

distingua plus que

le

sommet de

leurs cornes Ix-ndant avec rapidit la

surface liquide.
Surpris, le lieutenant se cacha sous les herbes pour surveiller les

vements de ces tranges

Arrives la rive oppose, elles escaladrent

un roc faisant tache dans ia verdure.


La distance tait telle que Nilis jugea
passion de la chasse,

la

mou-

btes.
la

de

inutile

berge et s'arrtrent sur

mais, cdant

les tirer;

se mit l'afft et attendit.

il

moments

Certains de nos lecteurs connaissent sans nul doute ces


bants, cette an.xit fivreuse

du chasseur attendant

absor-

parfois durant de?

heures pour dcocher une proie guette un coup plus assur

plus

et

mortel.

Les animaux taient plus de deux cents


d'eau; tantt
ils

ils

comme pour

avanaient

inctres. sur le

replonger dans

semblaient se dcider disparatre dans

bord du cours

la rivire,

tantt

grandes herbes. Chacun de

les

leurs pas, pis par Nilis, causait ce dernier

un mlange de

plaisir et

d'angoisse.

yeuxde

.\'ilis,

la piste trace sur les

eaux

Enfin les deux animau.x s'lancrent dans le courant; les

rayonnant d'allgresse, suivirent ardemment


par

les

cornes de ce gibier nageant sans

A quarante

mtres du chasseur,

la rive; leur taille,


les

gramines

les

viser srement.

comparable

les

celle

le

savoir vers

animaux

un danger certain.

s'arrtrent

timidement sur

d'un jeune taureau, ne pouvait dans

drober la vue. Niiis et Ambari eurent tout le loisir de


Deux dtonations simultanes foudroyrent les deux

btes.

Leur

poil est

moelleux; sur

brun cendre, long de

la tte,

il

est

six centimtres et

extrmement

presque ras; une bande de poils blancs trs

courts croise le haut des narines. Les cornes mesuraient environ soixante

centimtres de longueur; leur section est demi-circulaire avec une corde


rectiligne depuis la base jusqu'aux trois quarts

de

la

hauteur: ensuite

elle

devient circulaire jusqu'aux pointes.

Les pieds sont garnis de sabots


bs en pointe leur extrmit;

ils

comme ceux

des moutons, mais recour-

rendent impropre

la

course ce remar-

quable ruminant, que nos connaissances restreintes en zoologie ne nous

permettent pas de dsigner autrement que sous

Ambari
les

disait

le

nom d'antilope.

en avoir prcdemment rencontr en .Afrique, toujours sur


si

ce n'est pour ptu-

mme

aux abois sa peau

bords des rivires, sortant peu ou point de l'eau,

rer,

de prfrence pendant

la nuit.

Cette varit d'antilope n'est pas dangereuse,

LES BELGES DAiNS L'AFRIQUE CENTRALE

magnifique

mais sa viande

est profitable,

mme

Ce ruminant possde au

n'est

471

pas agrable manger.

degr que l'hippopotame

la facult

de

plonger; ses habitudes rappellent sous bien des points celles du volumi-

neux amphibie.

Il

se rencontre trs

crocodiles qui figurent dans le

rarement dans

nombre de

ses

les

eaux hantes par

ennemis

les

redou-

les plus

tables.

Dsormais

le

chasseur, sur de ne point rentrer bredouille, avait

de considrer amplement

la

nature qui l'entourait, d'admirer

de cueiUir une tleur brillante, de goter aux

fruits

le

le

temps

paysage,

sauvages d'un arbrisseau

rabougri ou d'un arbre colossal.

Non

loin

de l'endroit o par une inluctable ncessit

Nilis et .\mbari

durent abandonner leurs victimes, une sombre fort masquait une colline
et flanquait

l'est le

Retourner

pour partager avec Van de

la station

'Velde

mais ardemment rclam par l'estomac de

assez, frugal,

chasseur

cours d'eau.

comme nous

si,

Nilis,

un djeuner
et tent le

l'avons dit, le soleil n'et pas fait fuir les

nuages

du matin.
les dmes touffus des grands arbres taient plus la porte des
chasseurs que les toits de la station. On pouvait sans gravir une hauteur
aussi rude que celle de Manyanga, goter les douceurs du repos l'abri du
feuillage et y casser la crote traditionnelle que tout chasseur prudent
glisse dans sa gibecire, aussi bien au Congo qu'au pays des htels et des
gris

Mais

restaurants de village.

Les chasseurs s'arrtrent ce dernier parti.

La mousse
table

paisse qui recouvrait le sol de la fort vierge, constituait

charmante sur laquelle

la faim,

chasseurs prirent

condiment qu'envieraient

.\prs le repas,
rsista

les

au sommeil

comme

les

une

un repas assaisonn par

gastronomes

les plus

ddaigneux.

toute sieste et offert un danger certain, Nilis

et s'enfona

avec son

compagnon dans

la fort

o des

milliers de singes avaient lu domicile.

Ambari dcouvrit une plante herbace, rabougrie, dont


ble la goyave'tait d'un

l'endroit

elle

got

s'engage dans

fort agrable; le
le sol.

de

pdoncule sort de

telle sorte

que

sembla-

le fruit

le fruit

la tige

parat tre

autant sous que sur la terre.


Cette plante est connue dans certains districts de l'Afrique sous

le

nom

'aioundo.

La promenade dans
et des lianes

la fort tait difficile

emmles; cependant

ques kilomtres sous bois.

les

en raison des buissons pineux

marcheurs russirent

fau'e quel-

CHAPITRE

432

leur grande surprise,

ils

DIX-HUITIME

rencontrrent bientt des traces rcentes du

passage d'tres humains.


Excites par

la curiosit, ils

norme pige
Une

suivirent cette piste et arrivrent devant

un

gibier tendu par les indignes.

sorte de haie assez leve et qui pouvait avoir plus de cinquante

mtres de dveloppement, entourait un espace presque circulaire.

Tous

les vingt

enceinte

pour

mtres une ouverture

conduire

des enclos

pratique dans l'norme

tait

pourvus d'une trappe

troits

ingnieuse, sorte de pige bascule dans lequel les petites antilopes sont

crases sous

le

po.ds d'un tronc d'arbre.

Les naturels utilisent ces piges de


en grand nombre, battent
lev fuit
la

perdu devant

haie trop haute,

la

les

lort

faon suivante:

comme

hurleurs;

s'lance effar

il

la

en poussant des

dans

les

il

ils

se

rassemblent

cris effrayants; le gibier

ne peut franchir d'un bond

ouvertures

et

tombe victime

des piges qu'on y a tendus.

L'approche du coucher du

soleil

imposait aux chasseurs l'heure du retour

la station.

bords de la rivire pour marquer l'emplacement o gisaient les victimes de la chasse.


Mais on perdit des heures avant de sortir du bois o rgnait dj une
Nilis voulut retourner sur les

obscurit profonde. Impossible, ds lors, de retrouver dans


tricable des

La

gramines

et

le

ddale inex-

des joncs l'endroit cherch.

nuit ne permettait pas de scruter chaque massif d'herbes et de s'attar-

der outre mesure dans des repaires trop voisins des demeures des alligators.

Le lendemain,

Nilis et 'V'an

deVelde,au courant des exploits du chasseur,

revenaient avec une escouade de Zan^^ibarites pour chercher les cadavres

des antilopes.

On

fouilla la rive,

mais on ne trouva plus que

crocodiles. Ces voraces habitants des eaux, qui


rivire la saison des pluies, avaient profit des

les

dbris d'un festin de

remontent seulement

chances

et

la

de l'habilet des

chasseurs de la ve;lle. Ces antilopes amphibies tues par Nilis et Ambari


n'ont pas d'ennemis plus acharns
Nilis fut dsol.

par

les rcits

songe devant

Quant aux

que

les crocodiles.

noirs, leur imagination, leurs apptits, excits

nDCturnes d'Ambari, s'vanouirent


1

impertinence du

comme

les

douceurs du

rveil.

Plus de gibier, partant plus de banquet.

Pour ddommager
cueillir

l'escorte, Nilis

l'amena dans

des atoundos, et disputer aux singes

la fort visite

les fruits d'arbres

pour y

normes,

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

graines carlatcs enfermes dans une gousse gros vert

aux pois par

la

43>

assez semblable

et

forme.

On y trouva encore des fruits assez communs, jaunes


comme une orange mre. Ils pendaient verticalement
d'un arbre de mdiocre stature, o

ils

taient attachs par

et

sphriques

des branches

un long pdon-

cule.

Leur enveloppe aussi dure que la corne, brise coups de hachette, laissait
chapper un liquide pais, coagul, plein de petite graines pareilles des
noyaux de prunes.
Cette liqueur tait nourrissante, d'un got sucr,

mais lgrement acide; prise en quantit,


duisait

Cette

l'effet

du meilleur

promenade

elle

pro-

purgatif.

instructive et apritivc dans la

fort cessa sur l'ordre des blancs.


station, aprs avoir assist

On

retourna

la

de loin une cure de

crocodiles sur les bords de la rivire prs de son

confluent avec

le

Congo.

Les batraciens farouches s'taient attaqus cette

aux approvisionnements ambulants de

fois

tion.

Deux chvres

faisaient les frais

de

la

la sta-

glouton-

nerie d'un crocodile.

Ainsi se dcouvrait Nilis le mystre de la dimi-

nution rapide de ses troupeaux depuis


plutt la fuite

du berger

Je

renvoi ou

infidle.

Les troupeaux de chvres de Manyanga

Xord

n'taient pas les seuls prouvs par le vivant flau

du voisinage; depuis longtemps

les

missionnaires

anglais se plaignaient de la dpopulation de leurs


tables.

Nanmoins les alligators laissrent aux Europens


du district de Manyanga des gigots de moutons et
voire

Le

mme
25

ftiche.

de chvres en nombre suffisant pour fter

dcembre,

la station

Kouilou, l'ancien sous-lieutenant d'infanterie

Malheureusement,

le

jour de

NoL

comptait un explorateur belge, retour du

Edmond

Destrain.

prsence de ce compatriote, que la fivre africaine tendait ce jour-l sur un lit de douleur, dtruisit la gaiet des
la

convives.

l'heure traditionnelle de minuit, les plaintes arraches au


LES liELGES. H.

malade par
ce

CIIAP1TRI-:

4^4

la souffrance avaient seules

bre, les enfants

Un

de

tenu

DIX-Ill ITIIIMi;

veilles,

dans

la

nuit

du

2,}

au 25 dcem-

Belgique runis Manyanga.

la

orage pouvantable suivi d'aversos. de vritables trombes d'eau sous

lesquelles les toits nouvellenient rpai's menaaient de s'effondrer, retint

aux arrts forcs dans

la

chambre

et

au chevet de Destrain

le

lieutenant

Nilis.

Dans

moments de cahne accords au malade

les rai^es

Belg'es causaient

de ce Nol pluvieux,

et le

par

la fivre, les

comparaient aux vieux

N'ols

parfois neigeux de la patrie, ces soires consacres aux douces causeries

aux

foyer,

ftes intimes

de

du

aux secrtes rjouissances du cur.

la famille,

Combien d'tres unisaux pionniers de

l'Afrique

pardes liens indissolubles

de parent o d'affection pensrent ce jour-l a nos hros!

Pour ceux do Manyanga.


tristes

Le

moments de

26,

la fte

de Nol de 1S82 compta parmi

les

plus

leur vie tourmente d'exils.

ds l'aube, un splendide

ciel

bleu lam d'argent dissipa l'humeur

noire des htes del station. Destrain ressentit les bienfaits de ce brusque

changement de temprature;

il

se leva et pr.t part au repas

du matin avec

ses compatriotes.

A l'issue du

djeuner, on annona aux blancs l'arrive de plusieurs

indignes, dsireuses

comme d'habitude

femmes

d'changer conti'e de beaux colliers

de perles leurs denres alimentaires.

Leur faon de grouper par dizaine


l'attention

Ce
la

de

n'tait

les petits tas

de marchandises

attira

Nilis.

pas

la

premire

fois

que

le

lieutenant constatait chez les natifs

connaissance pratique d'un systme de numration dcimale.

La

femmes tait toujours de bon augure.


momentane de la contre.

visite

fication

des

Elle annonait la paci-

.\ux poques de troubles ou d'hostilit dclare contre les blancs, les

femmes ne

se

montraient pas.

Cependant ce singulier baromtre marquant

la

paix ou

la

guerre tait

parfois en dfaut; le 26, au soir, aprs le dpart des vendeuses, les mission-

naires anglais

communiqurent

les dispositions

Nilis des nouvelles

des indignes de

la rive

alarmantes concernant

sud envers Ls agents

et les servi-

teurs de l'Association.

Les caravaniers zanzibarites traitaient trop souvent les districts traverils donnaient surtout de nombreuses preuves de l'int-

ss en pays conquis

rt qu'ils portaient

aux poules des indignes,

ment

le

et troublaient trop

frquem-

repos des mnages.

Le ^o dcembre,

le

chef caravanier .Minga, venant du Pool, apportait

LES DELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Ni

une

is

de Grang annonant

lettre

la

mort tragique d'un

435

officier sudois,

M. Kalina, dont nous reparlerons au cours d'un prochain volume. En


vvl'pjnse aux rclamations du chef de Manyanga contre les caravaniers
de Soudi. Grang rendait compte des punitions exemplaires qui avaient
t infliges ces rebelles

Zanzibarite qui s'tait enfui de Man3^anga,

le

du dpart de la caravane Soudi, s'tait volontairement rendu


Lopoldville pour y subir un chtiment mrit. Quant a Soudi. par dci-

loj^s

sion de \'alcke

avait t destitu de ses fonctions de chef caravanier.

il

Grang mentionnait en outre


Lopoldville;

il

le

mauvais

tat

sanitaire des htes

de

dcrivait les terribles assauts qu'il soutenait sans cesse

contre sa bilieuse.

On

appelait ainsi, la-bas. cette terrible fivre africaine, pe de

suspendue sur

la tte

comme on

dit

il

stocisme, avaient pntr dans les

le

donner jusqu' leur

On disait

de chaque explorateur.

prend son absinthe


vie

pour

le

<>

il

Damocls

a sa bilieuse

tant le mpris de la souffrance,

mes de

triomphe de

la

ces vaillants, tous dcids

cause africaine.

Partout, l'poque de la dangereuse saison des pluies, les agents de

prouvrent

l'Associiition

sdentaire ou

les souffrances et les cruels

nomade de l'Europen dans

mcomptes de

la vie

l'Afrique centrale. Partout, nan-

moins, chacun d'eux remplit sa tche avec un zle sans gal et une nergie

peu commune.
Le

i*^''

janvier 1S83, Destrain,

non encore remis de

]\Ianyanga et se mettait en route pour


Parti ma'gr les instances de
.

une

recl'

.s'arrta

.\ilis

ate invitable, Destrain,

jxtnu chez \'an Gel,

Ce -nme

maladie, quittait

Pool, ri Lutet.

qui

le

min par

suppliait de ne point s'exposer


la fivre,

accabl par

par

les chefs

de placer leurs intrts sous

le

indignes de

la

conduite odieuse avait loign

demandaient

la

les

Mowa

et

la rive

nord,

caravanes de l'.Association,

cration d'un poste hospitalier soit Zinga, soit

l'tablissement d'une route livrant passage

.et

marche,

protectorat des blancs. Cette

proposition acceptable avait son ct mercantile; les ngres de

dont

la

le 3 janvier.

jour, Nilis tait sollicit

JZinga. dsireux

le

sa

Mowa,

aux caravanes, avec obliga-

tion toutefois par ces dernires d'acquitter les droits de page.

cette poque, les

elles

et.

eaux des rivires taient trs hautes; certaines d'entre

devaient tre franchies par les caravanes sur des pirogues indignes,

cela va de soi, les passeurs exigeaient des

cadeaux largement rmun-

rateurs.

La discussion de

l'offre

des gens de .Mowa et Zinga fut remise une date

postrieure, Nilis n'ayant

[)as

l'autorisation

de trancher cette question.

CHAPITRE DIX-HUITIME

43i'->

compa-

lieutenant, habitu depuis plusieurs mois la prsence de

Le

malades ou bien portants, ressentit pendant plusieurs jours toutes


d'un homme civilis sur le plateau de

triotes

horreurs de l'isolement

les

Manyanga.
Cette solitude relative, tant donne

qui vgtaient autour de


le

courrier de
Lis

boat

le

la

un

quantit de noirs tres humains

parut cette fois d'autant plus pnible que

Nilis. lui

cte eut

la

retard inusit.

Royal, qui selon le rglement des correspondances aurait

toucher Manyanga

la

date du 31 dcembre,

n'y parvint

que

le 4

janvier

suivant.

Le bateau avait

t retenu par Stanley,

dbarqu tout rcemment au


retard fut compens pour

Congo aprs un rapide voyage en Europe. Ce


par

Nilis

voyageur

les

les

nombreuses

vux

venues de

lettres

la patrie,

apportant toutes au

de nouvelle anne manant de personnes

et les souhaits

aimes.

Un
Royal

Un

accident

dramatique

marque

avait

cette

dernire traverse du

matelot zanzibarite, voulant dcharger contre un crocodile son

Winchester, avait

l'arme avec trop de prcipitation; le chien

saisi

fusil

s'tait

accroch, et le malheureux, en essaj'ant maladroitement de le dgager,


provoqua l'explosion et tomba, la poitrine traverse par la balle, dans le
fleuve, par-dessus le bord.

L'quipage atterr ne put sauver

le

cadavre du sort

fatal

L'alligator, cause inconsciente de ce suicide involontaire,


le

cercueil

fit

qui l'attendait.

de son estomac

du dfunt.

Le Royal transportait

cette fois

ALinyanga des

colis

de perles rouges

et de garalas, perles en porcelaine blanche avec dessins bleus,

monnaie

destine circuler bientt sur les marchs environnants.

Chose trange,
connue de
qu'ils

Le

ngres dont

les

tous, n'attriburent

la

prdilection pour

la

couleur rouge est

aucune valeur aux perles rouges, tandis

recherchrent avidement les garatas.


II

janvier, la nuit

venant de Lutet;
dentale.

il

Non encore

tombante. Destrain, retournait .Manyanga,

devait par ordre de Stanley se rendre la cte occiguri,

il

descendit

le

14,

avec

le

Royal,

jusqu'

Issanghila.

En

prvision de l'arrive prochaine de Stanley, Nilis hta les travaux de

construction en cours.
Il

fut assez habile

diplomate pour amener

les

mfoumis

(chefs indignes)

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

437

des villages en\-ironnants dcider leurs sujets travailler pour

le

compte

des blancs.

Convoqu

cet effet par Nilis, le chef Matari, n'ayant

la station le jour

visite
fit

pour

le

mme

de

lendemain

la

(19 janvier), et

'-mettre son sceptre de

pu

convocation, envo5-a prvenir

se

rendre

i'cjBicier

en garantie de sa promesse

commandement, une

tige en

de sa
il

lui

bambou pique de

clous ttes de cuivre.

LE LIEUTENANT r.KANG.

doux comme un agneau, promettait


Nilis quantit de natifs, mais il priait le mundel de ne point donner la
chicotte ceux de ses sujets qui travailleraient pour les blancs.
Le 20, un jeune .Anglais, rdacteur du Graphie, voyageur audacieux
guid par l'amour de la science, M. H. H. Johnston, recevait Manyanga
Le lendemain, en

effet,

Matari,

l'hospitalit la plus cordiale.

M. johnston, dessinateur

et savant naturaliste,

explora depuis

les

bords

CHAPITRE DIX-HUITitME

43^

du Congo jusqu' Bolobo,

et consig-na dans un ouvrage trs intressant, aux


duquel nous avons souvent emprunte nos rcnseig:nemcnts, les

paiies

descriptions les plus varies sur l'histoire naturelle et les coutumes et les

nurs

des indignes de ces lointaines contres,

ainsi qu'il suit

Johnston

The river Congo, from

Le lendemain de son arrive .Manyanga,


vue plaisante du fils de Matari avec Nilis.

.M.

(^ct

ouvrage

mouth

ils

Johnston

lo

est intitule

Bolobo.

assistait l'entre-

Matari jeune tait littralement ivre, mais, circonstance bien


veiller les

soupons du lieutenant, ce futur

mfoum

faite

pour

indigne tait por-

teur d'une cartouchire et d'une baonnette appartenant a l'quipement

des Zanzibarites de

la station.

Nilis retint ces objets et

fit

une enqute pour savoir comment

.Matari

jeune en tait devenu possesseur.

La

facult de mentir tant dveloppe l'excs chez les enfants noirs

enqute n'aboutit

l'Afrique, cette

Matan
n'tait

de

rien.

jeune, que l'ivresse au gin et au malafou rendait d'une folle gaiet,

pas bavard dans un

que des gambades

tel tat;

on ne put obtenir de

lui

autre chose

des chansons plus ou moins obscnes.

et

Matari pre, venu sur


carts de son hritier.

duite extravagante et

Une proccupation

le

tard la station, se

Il rit

la

montra peu svre pour les

gorge dploye lorsque Nilis lui conta

tenue irrgulire de Matari

la

con-

fils.

trs srieuse avait dict .Matari

pre sa dmarche

prs de Nilis. L'incident Matari jeune tait clos: l'ex-chef de N'tombo.Mataka apprit au lieutenant l'arrive prochaine

venant du Pool
"

Comment

le

l'un

grand chef blanc

de Vivi? Devrai-je dfendre


l'approche de

mon

ennemi?-

Rassurez vous,

votre retour dans

la

la station

de ces blancs tait Boula .Matari

le

ma

II

(capitaine Hanssens).

agira-t-il avec moi.

libert et

demanda

de deux blancs

chapp des prisons

m'opposer coups de

fusil a

na'ivement Matari Nilis.

capitaine Hanssens n'est pas votre ennemi. Depuis

contre, vous m'avez rendu des ser\'ices;

en votre faveur. Boula Matari

II

je

parlerai

vous pardonnera.

Cette ide du pardon ne pouvait entrer dans l'me du ngre. Pour

prvenir tout vnement fcheux, Nihs retint Matari pre

la

station

du capitaine Hanssens.
Le 26 janvier au matin, une caravane imposante se dessinait comme un
immense rouleau noir sur la route du Stanley-Pool. au pied de la colline
de Manyanga.
Nilis, rassemblant ses hommes et ne laissant la station que quelques
jusqu' l'arrive annonce

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Kabindas de garde,
son ami

alla,

drapeau dploy, attendre sur

plage son chef,

son compatriote.

et

Les soldats rangs en bataille prsentrent bientt


et

la

^v,

Grang,

qu'ils salurent ensuite

d'un triple bip

les

bip

armes Hanssens
bourra

Les Belges s'embrassrent cordialement. Le soir un banquet magnifique,

anim surtout par


Johnston

dans

et Nilis

Au dehors

joie

la

des

la salle

convives,

manger de

l'orage grondait avec furie, et

lements de tonnerre on percevait

les

runissait

Hanssens, Grang,

la station.

dans

les intervalles

des rou-

sauvages accents des Zanzibarites

monotones de leur patrie


prsence des quati'e-vingt-dix-huit compatriotes ramens du

ftant sous les toits des chimbeks, par les chants


lointaine, la

Pool par

les blancs.

Bon nombre des Zanzibarites


tapes la ville de Banana, et
L'Association avait dcid

s'y
le

trop actif et trop prolong au


utiles

arrivs ce jour-l devaient regagner par

embarquer ensuite pour

la cte orientale.

rapatriement des Zanzibarites qu'un sjour

Congo

affaiblissait

au point de n'tre plus

aux travaux entrepris.

Plusieurs agents europens taient attachs au rapatriement des noirs,

depuis

et

Mcuvel,

le

le

et illustr

mois de dcembre 18S2 un docteur belge, Thophile Van den

mme homme de bien qui avait dj expos sa sant et sa vie


son nom tout jamais en accomplissant la cte oientale une

noble mission, avait

t,

sur sa demande, dsign par l'Association pour

exercer Lopoldville, en

un

mme temps

que

ses fonctions

de mdecin,

contrle minutieux sur les Zanzibarites sollicitant la faveur d'tre

rapatris.

Le

2 fvrier,

Van den

par voie de terre

le

Messie sauveur, au

moment

Manyanga comptait
blanche

lleuvel arrivait .Manyanga, venant d'Issanghila

docteur-mdecin apparaissait vraiment


dsir.

alors, outre son

Brown, Liedsick,

Ivaert,

commandant, une nombreuse colonie


agents subalternes de l'Association,

Hanssens, Valcke, Grang, Amelot, tous moralement

ment

affaiblis

cales, assez

Aprs un

par

long

et

les

le

forts,

rudes preuves d'un sjour sous

mais phj'sique-

les latitudes tropi-

surtout trs laborieusement rempli.

feu roulant de

paroles amicales,

comme un

demandes

et

de rponses, aprs une envole de

docteur, sans prendre le moindre repos, accorda gn-

reusement une consultation interminable tous

les

Europens devenus

aussitt ses amis.

Jamais

effet

moral produit sur des malades par l'apparition d'un docteur

CHAPITRE DIX-IlUmi'ME

ne fut comparable celui que ralisa

Heuvel au milieu de
11

eut pour tous

la

la

venue du sympathique Van den

population europo-africaine de iManyany-a-Nord.

un mot

d'espoir,

recommandations, ses conseils sur


contres torrides avaient

un

le

une ordonnance rconfortante

ses

rgime hyginique suivre dans ces

prix inestimable, par suite de son exprience

acquise sous des latitudes isothei'mes.

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CHAPITRE XIX

route de Luteti. Suicide de Luksick.

Excursion N'jenga. Dcs de Grang. Retour de


Folie d'Ivaeit.

Visite de Stanley M.inyanga.

Mort de Parfonry.

Parfonry sur

la

a saison sche.

;^^^^^^^E

4 fvrier,

les

blancs prsents

Manyanga

taisaient

/n^v^Tw Stanley une rception grandiose.


L'agent suprieur de l'Association africaine descendu, ds
l^^^K^r
'''^'
^'H le matin, du steamer le /^ovj/, fut salu par de bruyantes

^c3^^^^
des blancs

et

salves de mousqueterie et par les acclamations et les vivats

des noirs de

la station,

rangs en ordre de bataille sur

du Congo.
Une foule innombrable d'indignes des alentours,
LES BELGES.

II.

la rive

attire par cette fte,


5^

CHAPITRE DIX-NEUVIME

.,.12

marquait de son cte sa prsence


tions

Au

et

son empressement par des manifesta-

non moins bruyantes.


dbarcadre, les blancs, aj'ant Hanssens leur tte, offrirent Stanley

leurs compliments de bienvenue.

Le clbre

e.xplorateur rpondit tous par

puis gravit allgrement

Hanssens

la

colline

en s'entretenant familirement avec

le

plateau de Manyanga, Stanley, jugeant d'un coup d'il l'im-

portant dveloppement des travaux de

la station si

activement pousss par

tmoigna au lieutenant son agrable surprise; ses yeux exprimrent

une vive

satisfaction et sa figure

Quelle diflrence entre

le

rayonna de

bleue du Comit d'tudes, et ce


des magasins en

fer,

joie.

plateau dsert sur lequel Stanlej' et Harou

plantaient, trois ans auparavant, au

bois,

petit spcecli cordial,

et Nilis.

Arriv sur

Nilis,

un

sommet

mme

sol

d'un bambou, la banderollc

de Manyanga o des maisons en

des hangars, des tables en dressaient mainte-

nant leurs gracieuses faades et leurs masses imposantes sous l'ombrage

de bananiers vigoureux!

Un logement
nanmoins

particulier avait t prpar

l'intention

pour Stanley, qui manifeste

de prendre ses repas en

commun

la table des

blancs.

Au

dner du soir un lger incident troubla

un moment l'accord qui

n'avait

cess de rgner depuis longtemps entre les htes civiliss de la station de

Manyanga.
Stanley, qui nous avons dcern au cours de notre rcit,
tribut d loges et d'admiration en tant
et

de

la

un lgitime

que champion intrpide du voyage

dcouverte, est par exceLence suivant une expression du capitaine

Hanssens, l'homme habitu exercer sur ceux qui l'entourent un com-

mandement

absolu.

Cette tendance l'autocratie a froiss parfois les agents placs en Afrique

mme ceux qu'un stage assez longdans une arme europenne a familiariss avec les rigueurs de la discipline
sous les ordres de Stanley, et voire

militaire. Elle est

ment nerveux de
cles

nJanmoins excusable,

si l'on

tient

compte du tempra-

l'explorateur, ayant lutter sans cesse contre des obsta-

qu'une forte tension de volont peut seule parvenir vaincra, et

peut-tre aussi des ravages produits

rongent
Donc,

comme un
le 4 fvrier,

par

les

maladies africaines qui

poison lent cette organisation de

au repas du

soir, Nilis,

fer.

en qualit de chef de

la station,

prsidait la table.

Le dner

tait fi'ugal

les

vins absents ne pouvaient, hlas! animer

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

443

sur qui l'humeur soudainement morose de Stanley avait

les convives,

exerc une fcheuse influence.

un de

Stanley, harass de fatigue, tait dans

ces

moments de

dispositions

chagrines, sorte d'accs de spleen o l'on peut oublier, pour la cause la

plus futile, toutes les formes sociales

un

instant en

homme

du savoir-vivre

trop brusque, quitte

le

et se

mtamorphoser

regretter sincrement plus

tard.

l'occasion

du

service, l'agent suprieur s'emporta

violemment contre

un miracle
Manyanga il avait

lieutenant Nilis. Ce dernier avait cependant ralis presque

le

pour

offrir

mme

Stanley tout

le

confortable possible

mis a contribution son fonds particulier de provisions alimentaires

d ustensiles de table pour traiter dignement son hte anglais.

et

Aussi

lieutenant prouva- t-il, pour ainsi dire, un vritable choc

le

en retour.

un ton

s'oublia, et rpondit sur

Il

trs

anime a

l'agent sup-

rieur.

furieux contre lui-mme

Celui-ci,

s'lana hors de la salle

manger

et contre tout ce qui l'entourait,

et entreprit

au loin une course dsor-

donne, afin de calmer un peu ses esprits.

Quant

ayant retrouv son sang-froid,

Nilis,

comment une

affable et calme,

comment

et

il

avait

il

essayait de s'expliquer

pu s'oprer chez lui d'ordinaire


pu rpondre Stanley avec aussi

pareille rvolution avait

peu de mesure.

La

rflexion de part et d'autre arrangea

demain, Stanley
de

la veille.

les rserves

et Nilis paraissaient avoir

Stanley, escort

du chef de

amiablement

les choses.

Le

len-

oubli le dsagrable incident

la station,inspectait les

magasins

et

de marchandises.

Au cours de

cette

inspection.

Stanley et Nilis se heurtrent Matari

pre.

Quelques jours de douce captivit Manyanga, la grce pleine

accompagne
annanti dans

de rvolte ou

mme de
le

splendides prsents, accorde parHanssens, avaient

cerveau de cet ex-ennemi farouche des blancs toute ide

d'hostilit.

Chef dtrn de N'tombo-Mataka, .Matari imposait encore, en


volonts aux chefs et aux indignes de ce district:
suite

un nombre considrable

-Matari I",

afin

il

ralit, ses

en remorquait a sa

de se prsenter au clbre Boula

haut et puissant souverain des blancs du Congo, dans

gieux clat d'un seigneur ngre pris de gloriole

Les agissements
les blancs.

et entire,

On

et les hbleries

savait depuis

et

le presti-

de parade.

de Matari ne russirent pas tromper

longtemps

la station

que sous

les

dehors d'un

CHAPITRE

444

DIX-NEUVIKME

plat courtisan, le malicieux ngre cachait

dcsir efTrnc de ressaisir

une ambition sans bornes, un

pouvoir avec l'assentiment des Europens.

le

D'accord avec Ilanssens

Stanley ne laissa entrevoir Matari

et Nilis,

aucune esprance relativement une restitution d'autorit reconnue. Mais

comme

ce noir

des cadeaux,

Le

personnage
l'gal

7 fvrier.

tait trs influent,

le

le traita,

sous

rapport

le

Stanley quittait -Man\-anga vers quatre heures, pour se

rendre a Lutct. .Avant de partir,


sur

on

des chefs indignes venus pour saluer Stanley.

il

complimentait chaleureusement

bon ordre qui rgnait dans son gouvernement

des ballots de marchandises et diverses semences,

et lui

pommes

Nilis

remettait

de terre

et

graines potagres.

Le

Van den

Q,

parages de

Ileuvel et Xilis procdaient au choix d'un terrain dans les

la station,

pour y planter ou semer le

carottes, salades, etc., devaient

pommes

tout.

Les graines potagres,

donner de bons rsultats plus

tard:

mais

les

de terre ne produisirent qu'une masse de verdure.

un commdicaments homopa-

Cette occupation en plein soleil valut Nilis une indisposition,

mencement de scorbut aussitt combattu par


thiques du docteur Van den Ileuvel.
Vers

les

mi-fvrier commenait la saison dite des grandes pluies, qui

la

devait durer jusqu'au lo mai environ.


Dui'ant cette poque,
terribles clairs,
:

chaque jour, surtout

des tornados
coups de tonnerre incessants, averses diluviennes; l'aprsil )

avait

un aquilon furieux;

midi, soufflait gnralement

le

le soir,

thermomtre atteignait

en moyenne vingt-trois degrs centigrades.

Outre
terrass

Nilis, le

docteur eut soigner iMan3-anga

pendant dix jours par une

le

capitaine Hanssens,

fivre persistante.

Sans attendre son complet rtablissement, Hanssens quitta Manyanga


23 fvrier, pour regagner le haut Congo.

Comme

il

tait

encore trs

faible,

il

se

fit

transporter en

le

hamac jusqu'au

bas de la montagne; mais, par humanit, en prsence des difficults inouies

qu'prouvaient ses porteurs,

le capitaine,

et s'engagea rsolument pied sur

passage des caravanes

le

long de

le

renona ce mode de transport

semblant de route trace

la rive

joar

le

sud du Congo.

Cette route devait plus tard tre tablie par les agents de l'Association:

Parlbnry,

relev

d'Issanghila,

mars

Le

fut

par

Avaert

appel a

la

commandement de la station
commencer ds les premiers jours de
dans

le

1885.
4, le

sous-lieutenant de passage

Manyanga

pr\-enait Nilis de sa nou-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

velle mission,

dont

la ralisation lui paraissait fort difficile

dans l'espace de

accord par l'Association.

trois mois,

Parfonr}' ne disposait en effet

Zanzibar, peu

initis

mme

ou

que de quarante travailleurs noirs de

trangers au mtier de cantonnier, mais

rompus aux travaux de mineurs,


du matre, d'un labeur soutenu et de vigoureux

habiles manier la hache,

solides,

capables, sous l'il

et

-145

efforts.

Ce

petit

nombre de bons ouvriers

et, la rigueur,

de terminer sa inission pnible dans l'intervalle de

permis

temps

Parfonry

fix, si la

saison

et t propice.

Ouvrir une route durable

et accessible

d'normes chariots-wagons, la hache au

poing, coups de pioche, de pelle et de

poudre de mine, sur une longueur de


plusieurs dizaines de kilomtres; fouiller

un sol transform en maints


les

endroits par

pluies en masse de boue paisse et

un vritable travail d'Hersem de prils et de fatigues sans


nombre.
Nanmoins Parfonr}' se mit l'uvre,
et ds le 6 mars il dirigeait lui-mme son
ftide, tait

cule,

escouade de routiers, sapant, mondant,


minant,

et l,

sur

route, presque en face

un espace de
de Dandanga.

la

Dans l'accomplissement de ses foncINSTRUMENT DE MUSIQUE FTICHE

tions,

brave sous- lieutenant n'avait

le

d'autre

consolation

d'autre satisfaction

qae

travail

le

(collection de m. FLEMING).

et

que de recevoir au passage des caravanes des nouvelles

de SCS compatriotes.

Le

10 mai,

Sudois

le

il

apprit le dplacement de

commandement de

Lutet, tait

Van Gel

un
appel par Stanley au del du
qui, laissant

Stanley-Pool.

Le

grande surprise mle de contentement, Parfonry voyait


s'avancer sur la route de Lutet, Amelot, guidant allgrement, aux doux
12,

sa

sons de l'ocarina, une faible caravane de

Amelot

allait

remplir par intrim

Lutet. L'agent, M. Luksick,


les djiggas l'immobilit.

nomm

noii's.

les fonctions

de chef de station

ce poste, tait, parat-il, rduit par

CHAPITRE DIX-NEUVIME

4^6

Avec quelle
il

Amelot apprenait

joie

tait l'objet! Cette place intrimaire

son compatriote la distinction dont

de chef de station serait pour

le

jeune

Belge, jusque-l en sous-ordre, l'occasion de se signaler et de mriter


titre et l'emploi dfinitif

Nous serons bons

pendant plusieurs mois,

voisins, je l'espre,

Parfonry en prenant cong du marcheur.

Ma

m'amneront sous peu aux abords de votre

mon

Lutet,

le

de commandant de poste.
dit

route s'avance; les travaux


station.

Conservez- vous

cher Amelot, toujours gai et bien portant;

je

vous y ferai de

frquentes visites, et nous y passerons de douces soires consacres aux


souvenirs, aux causeries intimes que vous entremlerez des refrains si
chers

la patrie.

Hlas

l'explorateur propose, et le brlant climat de l'Equateur dispose.


au matin, des nues orageuses s'amoncelrent au-dessus des tentes
de Parfunry; vers deux heures de l'aprs-midi elles s'entr'ouvrirent et de

Le

14,

leurs masses noirtres laissrent chapper des gouttes d'eau tide, larges
et serres

du

'trois heures,

rgisseur, les

comme un rideau

nuages se replirent

loin

de thtre qui se lve au signal

dans

l'espace, et le soleil

ses rayons de feu pic sur le chantier des constructeurs

La

pluie avait t courte,

Parfonry

sortit

imprudemment

mais

torrentielle.

darda

du chemin.

Ds qu'elle eut cess,

nu-tte de sa tente, et courut pour exami-

ner les dgts occasionns.

La

terre,

rcemment remue

et terrasse

au prix des plus pnibles

labeurs, tait ravine, crevasse par les eaux; sur certains points, les talus

de

la

nouvelle route s'taient bouls; et

d'arbres, saisis puis

chemin

abandonns par

le

l,

torrent

des rameaux, des troncs

momentan, barraient

le

trac.

C'tait plus

qu'un travail compromis; touttait refaire sur une longueur

de quatre kilomtres.

Immobile au milieu du gchis,


la tte

perdue entre

de cur

les

le sous-lieutenant, les yeux hagards,


mains, constatait avec un douloureux serrement

les

dsastreux effets de l'orage. Les penses

les

plus dcourageantes

se succdaient dans son esprit.

De quelle volont, murmurait-il, de quelle opinitre nergie faut-il


tre dou pour remplir dignement son devoir, dans ce pays maudit o les

causes naturelles se liguent contre nous avec l'insuffisance, l'incapacit,

le

mauvais vouloir, des gens! Russirai-je jamais me tirer sans honte del
rude tche que l'on m'a confie.^ Ah! dplorable tempte
!

Combien je souffre
moi moi !...
!

Je suis abattu

m.i tte est en feu

suis-je fou

.^

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

447

Sur ces derniers mots prononcs avec garement, Parfonry

s'affaissait

sur lui-mme et tombait la renverse, victime d'une insolation, dans l'eau

fangeuse du chemin.

Quelques Zanzibarites
trent

mourant

l'avaient aperu.

la station

Lessoins intelligents,

le

dvouement

relevrent et le transpor-

infatigable

Van den Heuvel, disputrent quelques


et

Ils le

de Manyanga.

du sympathique docteur

jours encore la mort cette jeune

vigoureuse organisation.
Peut-tre Parfonry et-il t sauv,

de son affaissement physique

l'intensit

Le
ter

un drame sanglant

si

n'et accru

moral.

et

18 mars, les Belges bien portants de la station, invits par Nilis assis-

au lancement d'un nouveau canot,

bords du

s'taient runis sur les

fleuve et avaient confi la surveillance du malade M. Luksick, le titulaire

de

la chefferie

de Lutet, victime,

Parfonry, accabl par

tion saccade troublait par instants,

chambre a coucher.
Le Sudois Luksick,

lgrement assoupi: sa respira-

comme un
de

prs

assis

des dermatophiles pntrants.

lui,

la souffrance, tait

rle pnible, le silence de la

couchette, souffrait lui-mme

la

atrocement.

Les bras appuys sur

les

plait fixement, d'un il

genoux,

morne

les

mains supportant

et glac, le

la tte,

il

contem-

malade quil gardait, et coutait

avec un rictus sur les lvres les plaintes douloureusement touffes

du

malheureux. Pas une ide consolante, pas une pense d'espoir ne passait
alors dans sa tte.

En

fait,

touchait la dmence.

il

Jugeant Parfonry profondment endormi, Luksick se trana sur


et les

genoux,

les

pieds refusant de

le soutenir,

les

mains

jusqu' l'extrmit de la

couchette o pendait au ceinturon de l'ofticierun rfvoiver charg.


Saisissant cette arme, le Sudois en approcha le canon de sa

Le coup

et pressa la dtente.

partit,

tempe droite

Luksick roula sans pousser une

plainte.

Au

bruit de la dtonation,

Parfonry

s'tait

brusquement soulev sur

sa couche.

La vue des

caillots

cid provoqua chez


faiblesse,

le

malade une sensation

comme pour

ses bras amaigris,

Luksick

de sang qui s'chappaient de

tait

la plaie

indicible.

Il

bante du sui-

se leva

porter secours son ex-garde-malade,

l'appela,

le

tourna,

le

retourna.

Tout

mort, et son visage encore calme indiquait que

t instantan.

Cette motion secoua terriblement

le

malade.

le

malgr sa

le prit

fut

dans

inutile,

trpas avait

CHAPITRE

448

Lorsque

Nilis et

Van den

Ileuvel revinrent la station,

pauvre Parfonry en proie au

le

<>

Oh

DIX-NEUVIME

dlire, gesticulant, criant

Amelot sera content! Luksick

commandant en titre de Lutct

s'est

suicid!

ils

trouvrent

convulsivement

Amelot sera

nomm

Le poignant spectacle de ce malheureux dlirant ct du corps sanglant


du suicid treignait la gorge et annihilait les facults de Nilis. Il restait
immobile, muet, tandis que Van den Ileuvel. plus calme. procdait avec

l,

sang-froid l'examen du cadavre et administrait au malade

potion dont

bienfaisant

l'effet

amena avec

le

une

affol

sommeil quelques heures de

tranquillit.

Le lendemain, on enterrait Luksick dans


les

la

ncropole o s'levaient dj

tombes de plusieurs Zanzibarites.

Le crmonial des

funrailles fut rgl scion le rite des indignes de la

cte orientale.

Ce

mme

Van den

jour,

Ileuvel, rest la station auprs de Parfonry,

une aggravation fatale dans l'tat du jeune officier. Le dlire


mal prenait toutes les apparences de la fivre typhode.
Le docteur s'tablit au chevet de son compatriote. Durant trois jours il
le disputa la mort. Avec de l'eau bouillante, n'ayant rien de mieux sa
disposition, Van den Ileuvel prpara des espce de cautres qu'il appliquait,
toujours poudrs de sulfate de quinine. Pendant la nuit, il administrait des
injonctions hypodermiques d'un gramme du mme mdicament chacune.
constatait

persistait

et le

Ces soins incessants devaient

Le

24,

plie par

Parfonry eut

un

rle; 9

le

tre, hlas! sans rsultats

typhus bien dclar;

heures et demie du soir

la
il

heureux.

journe fut pour


rendait

le

lui

rem-

dernier soupir,

sans avoir repris ses sens et sans manifeste)' une souffrance relle.

Tous
jeune

les blancs

homme,

prsents .Manyanga avaient assist l'agonie du regrett

cherchant en vain

saisir

dans ses dernires paroles

l'e.x-

pression d'un dsir, d'une volont, d'un regret.

Le dimanche
reux dfunt

les

25, les

habitants de Manyanga-Nord rendaient au malheu-

honneurs funbres.

Nilis

prononait sur

la

tombe de son

compatriote des paroles mues, coupes parfois par un sanglot.

Enlev
avait

l fleur

de

l'ge,

sept mois aprs son arrive au Congo, Parfonry

nanmoins assez vcu pour montrer

lments que doit possder tout

homme

qu'il

y avait en

lui

les

qui s'lve au-dessus des autres

par sa propre valeur morale.

Sympathique tous ceux qui le connurent, Parfonry avait alli aux


qualits du cur une bravoure remarquable, beaucoup de talent et une
ardeur infatigable au

travail.

LES BELGES.

1 1

57

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Les pnibles vnements qui venaient de se drouler en

si

451

peu de jours

Man^'anga, prouvrent diversement la colonie blanche de la station.

deux agents belges qui exeraient en raison


de leurs fonctions, l'un l'autorit, l'autre un ministre entranant le respect,
durent ragir contre les tendances au dcouragement ou la nostalgie qui

Van den Heuvel,

Nilis et

les

s'emparrent des Europens.

Dans
tion,

la nuit

Ivaert,

qui suivit l'enterrement de Parfonry un agent de l'Associa-

marin de passage Manyanga,

fut

subitement atteint de

folie.

Oblig de coucher dans

chambre du dfunt,

la

obi cette ncessit. Dans la nuit,

il

inconcevables et ses cris amenrent auprs de

drap dans sa

Ivaert,
les

toile

cheveux en dsordre,

il

avait a contre-cur

prouva des sentiments


lui le

d'effroi

lieutenant Nilis.

de couchage, ressemblait un fantme: ple,


courait de tous cts, pleurant,

il

hurlant,

croyant voir partout l'ombre du mort. Le pauvre diable tait pris de


folie.

On

dut

le

garrotter, le coucher sur son

lit,

l'enfermer double tour et

mettre sa porte un gardien.


Cette folie passagre,
l'aube

Sur

effet

de prtendues visions, disparut au retour de

mais un accs nouveau s'empara

les conseils

du docteur,

Nilis

d'ivaert, le

lendemain

26.

expdia Ivaert avec une caravane par-

pour Lutet. Ivaert consentit jo\-eusement en apparence ce dplacemais, arriv sur la rive sud, en face de .Manyanga, il s'arrta et s'ta-

tant

ijient,

quelques

avec

blit

Zanzibarites

spontanment.
Le pauvre insens passa
de refuser

repas au

mes de

riz

la

d'herbages

compagnons,

poque de

s'y livrer

leves

de loin aux blancs de


folie

dominante

nourriture prpare son intention, pour partager


il
il

avait

du

reste adopt plus

s'habillait aussi

comme

les

le

coutu-

eux.

le

jour sur les rives du fleuve,

surtout au.x occupations de la pche. Les

enfants suivaient les

que

l'anne, les indignes descendaient des villages per-

chs sur les collines et s'installaient pendant

pour

huttes

l plusieurs jours, offrant

des Zanzibarites;

ses noirs

cette

des

l'curant spectacle de ses tranges accs. Sa

la station

tait

dans

hommes dans

femmes

et les

cette prgrination quotidienne.

La prsence d'un blanc possde d'un ftiche avait amen autour d'ivaert
un nombre incalculable de natifs. Pour eux un blanc sain de corps
et d'esprit est l'gal d'un demi-dieu; un blanc alin atteint de folie quivaut un dieu complet.
Il

n'tait

pas rare de voir des groupes compacts d'adorateurs respectueux

CHAPITRE DIX-NEUVIME

4S2

former autour

se

dans ses pnibles moments d'accs d'alination

cl'Ivaert

mentale.

Toute

la

journe quelques femmes et de nombreux enfants s'accrou-

pissaient autour de

lui, les

pret, les autres jouant,

tones de la tribu

de pro-

et

mono-

tristes et

tous, frmissant d'une religieuse terreur, s'inclinaot,

courbant leur front dans


cient Ivaert

unes vaquant des soins d'hygine

murmurant en chur les refrains


la poussire,

lorsque par un

promenait sur eux ses regards vagues

mouvement

incons-

et indcis.

Entre-temps, Nilis avait expdi Stanley un courrier spcial relatant

les

dplorables incidents survenus Manyanga.

Stanley dpcha en rponse


droit, avec

ordre d'assurer

le

lieutenant Valcke, son second, son bras

continuation de la route entreprise par

la

Parfonry, de confirmer Amelot dans son poste de chef de Lutet.

Manyanga concida avec celle d'une caravane conOrban et Guillaume Van de Vclde.
Ces deux derniers repartaient bientt, emmenant Ivaert presque guri.
Ils allaient renforcer une expdition de dcouvertes commande par le
lieutenant Harou, rcemment retourn au Congo.
Le S avril, Nilis et Van den Heuvel, seuls blancs de la station, dcidrent
une excursion, une promenade l'aventure dans les environs de
Manyanga. Callewaert, arriv la veille du Stanley-Pool, surveilla la
L'arrive de Valcke

duite par

station.

Le 8

tait

un dimanche, journe consacre au repos

aussi bien

pour

les

blancs obissant aux principes religieux europens, que pour les Zanzibaexcellents

rites,

musulmans, heureux d'ajouter au farniente du vendredi

le

repos dominical.

Les Belges descendirent

le

versant nord-est de

la colline et

ensuite dans les grandes herbes. Suivant la direction nord,

par consquent de

la rive droite

ils

s'garrent

s'loignaient

du Congo. Ambari, compagnon inspara-

ble des excursions de Nilis, tait avec eux.

Aprs trois heures de marche, on arriva dans un petit

les

indignes salurent du

nom de sfoii-scfou

le

village,

N'jenga,

lieutenant Nilis. (Sfou-

l'homme la barbe, le roi barbu.) Ce surnom fut acquis


depuis au chef de Manyanga, et subsista mme aprs que Nilis eut fait

sfou signifie

tomber sous
dait

le rasoir la

village de N'jenga,

Ce

une rgion

plus important,

magnifique barbe qui

trs fertile.
le

les
11

le lui avait valu.

indignes taient fort aimables,


devint par

la suite le

comman-

march maracher

le

centre de ravitaillement des blancs de Manyanga.

Les notables de cette localit invitrent avec insistance

les blancs par-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

453

tager leur repas, compos de toutes sortes de mets confectionns l'huile

de palme. Cette insistance et dcid Nilis


s'ils

de

et

Van den Heuvel

accepter,

n'avaient pas t tmoins des procds peu apptissants des cuisiniers

l'endroit.

Les artistes culinaires prparaient certaines boulettes, mlange de farine

de manioc, de beurre de palme


dans leurs mains,

qu'ils

en roulant

et autres ingrdients,

le

tout

pralablement dans leur chevelure

passaient

graisseuse.

.Malgr la longueur et l'heure matinale de la

promenade,

den Heuvel n'taient pas affams au point de manger,

mets

ainsi prpars.

se contentrent

Ils

de leurs nouveaux amis

de quelques

regagnrent

et

les

yeux ferms, des


prirent cong

fruits,

la station,

Nilis et "Van

en glissant dans

les

grandes herbes.

Le retour
fournaise:

fut

pour eux un cruel supplice. La loute

tait

une vritable

sous les rayons ardents d'un soleil prcurseur de l'orage, on

voyait les molcules de chaleur sortir de terre, les objets, plantes, cailloux,

ronces de la route, semblaient vibrer.

Rentrs Manyanga, nos deux excursionnistes extnus juraient, mais


un peu tard, qu'ils ne tenteraient plus au Congo, durant le mois d'avril,
des promenades de plaisir.
Huit jours aprs,

le

docteur 'Van den Heuvel partait pour Lopoldville

avec trois jeunes Kabindas et quelques porteurs zanzibarites;

emmenait Callewaert vers Issanghila; Nilis se retrouvait seul,


plus que jamais l'affreuse nostalgie, ce mal frquent de l'exil.
Le

21

avril,

une dsolante missive apporte

venu de Lopoldville accroissait

la tristesse, le

Nilis par

le

Royal

et subissait

un caravanier

spleen du lieutenant.

Son compagnon de bord du Roquellc, son brave ami le lieutenant Grang,


mort Lopoldville, le II avril, emport par l'insatiable flau afri-

tait

cain, la bilieuse, cette

maladie terrible eontre laquelle

le

jeune pionnier

avait vaillamment lutt.

En

butte depuis longtemps aux accs priodiques de l'ingrate fivre,

Grang

n'en accomplissait pas

les services

moins avec un dvouement sans exemple tous

qu'on demandait de

Aussi grand de

taille

que

lui.

loj^al et fidle

agent de l'Association,

le

jeune

officier

distingu par Stanley avait t dsign vers la fin de mars pour

diriger

une expdition vers

A cet effet,

il

s'occupait

saires cette entreprise,

le

haut Congo.

lui-mme de rassembler tous


et aprs

s'tre fait

les

lments nces-

tour tour recruteur de

CHAPITRE DIX-NEUVIME

454

troupes indignes, emballeur, forgeron, charpentier,


constructeur de steamer.

etc.,

il

tait

devenu

Cette dernire fonction l'avait retenu au port de Lopoldville ds les

premiers jours

d'avril. Dsireux de hter l'achvement de son em'oarcation,


Grang, stimulant par l'exemple la bonne volont de ses ouvriers, travaillait, en bras de chemise, au milieu d'eux, jouait du marteau et de la hache

comme l'et fait le plus expert


Les intempries du

ciel

charpentier d'Europe.

ne pouvaient modrer l'ardeur du laborieux

pionnier.

Ln aprs-midi, Grang mit


il

enfona

les

la

dernire main

derniers clous, ficha la

la

construction du bateau

hampe au sommet de

laquelle se

dcplovrcnt

les couleurs de l'Association, et aida les noirs effectuer le


lancement de l'immense pirogue.
Sous les coups de marteau redoubls et sonores, les madriers servant de

support au canot s'cartrent

et dlivrrent

de toute entraves

la

proue qui

glissa
et bondit sur les
o

eaux du Stanley-Pool, miroir refltant alors les


sombres d'un ciel orageux.
Soudain l'orage svit avec une violence inoue, une avalanche d'eau

teintes

la manuvre; les noirs allrent prcipitamment a la recherche


Grang, inquiet du sort rserv par la tempte son embarcation,
s'acharna, sous le fouet battant de la pluie, l'amarrer la rive par des

interrompit
d'un abri

cordages de rotang.

Ce

travail ncessita

mais lorsque,

du temps

et

fier d'avoir russi,

son imprudence irrmdiable

comme

s'ils

sortaient

il

de prodigieux

Grang

efforts.

le

termina;

songea sa propre personne, il reconnut

ses vtements de toile taient

du baquet d'une blanchisseuse

tremps

l'eau

ruisselait

s'abrita

un instant,

partout sur son corps, nagure couvert de sueur.

Pas un vtement de rechange n

tait

en sa possession;

pour chapper aux dernires fureurs de

la

pluie,

et

il

regagna ensuite

la

station sous le souffle glacial

du vent qui avait chass les nues.


Arriv Lopoldville, il se coucha pour ne plus se relever. Sa constitution branle ne fut plus qu'une proie facile pour un accs de la redoutable
fivre bilieuse.

Grang ouvrit la liste des glorieuses victimes de l'uvre afriinhumes dans la ncropole de Lopoldville, l'ombre de quelques

L'infortun
caine,

bananiers et de sculaires bombax.

Sa perte, vivement dplore par l'Association, impressionna douloureules agents belges ou trangers qui, en Afrique, avaient appris k

sement tous

estimer et chrn- cet excellent camiu-ade, ce jeune et vaillant pionnier

LES BELGES DANS LAFRIQUE CENTRALE

455

qui ne connaissait ni hsitations, ni plaintes, ni murmures, et remplissait


sa tche

si

rude

et si

pnible qu'elle

en dpit du mal qui mina


Nilis

les

lut,

toujours

en prouva un chagrin inexprimable,

fut sans contredit

par

bles, passes

pour
lui

le

sur

le

sourire sur les lvres,

derniers mois de sa vie trop courte.


et la soire

du

21 avril

i8R^

lieutenant l'une des plus tristes, des plus pni-

le

plateau de iManyanya

soire de veille, o la

mmoire

et l'imagination du lieutenant voqurent les sinistres vnements qui plongeaient coup sur coup dans le deuil la valeureuse cohorte

europjo-africaine, suicide de Luksick, dcs de Parfonry, folie d'Ivaert,

mort de Gi-ang.
De tels pensers eussent pu dcourager
timore;

traversaient

ils

dvouement

le

cerveau de

et abattre

Nilis,

une me

indcise,

sans branler son entier

la cause africaine.

Les derniers jours d'avril 1883 furent marqus par de formidables orages;
la

nuit surtout, la tempte svissait avec fureur. Les roulements prolongs

du tonnerre,

les clairs incessants

qui dchiraient les tnbres, les rafales

effrnes de l'ouragan menaaient sans cesse de renverser,

d'emporter

Du

les

d'incendier,

constructions de iMan3^ang'a.

i^'au 10 mai, ces pouvantables scnes nocturnes

de

voix puissante des lments parvenaient

tre; seuls les

chos

la station.

La priode des tornados touchait

affaiblis

la

changrent de th-

sa fin, les pluies taient

plus rares, la chaleur encore excessive.

La saison sche commenait.


Dans ia nuit du 10 au 11 mai, les indignes du district de Manyanga clbrrent avec le retour du printemps des tropiques la reprise des divertissements nocturnes.

Bon nombi'e de

natifs, enrls

par

.\latari

trouvaient prcisment cette date runis


Nilis la

et

permission de fter

la

au service de l'Association, se
la station. Ils

demandrent

lune nouvelle.

Le lieutenant, bien que faible, indispos, prouvant une grande lassitude


par suite un pressant besoin de sommeil, accda aux dsirs de ses noirs

subordonns.
Zanzibarites, Krouboys,

Kabindas

L'ensemble de

superbe, en dpit de

la fte fut

et natifs se livrrent
la

leurs bats.

mauvaise grce que mit

l'clairer l'astre en l'honneur duquel les noirs se disloqurent.

Improvisations rythmes, chants en chur, battements de mains en


cadence, danses d'ensemble, serpentines, combats dansants, figures spciales d'un quadrille africain,

enchans avec

balancements de ngres se tenant

mouvements en

comme

avant, en arrire, sances de dislocations,

CHAPITRE

-^56

DIX-NEUVIME

d'assouplissements, gymnastique, bonds, jongleries, salves de

mousque-

malafou, rien n'y manqua, sauf la clart et la franche gaiet.


Le lendemain matin, calme parfait a Manyanga. Les Zanzibarites consacraient leurs oraisons la journe du vendredi tout le personnel noir profitait de la circonstance pour faire relche, en tant que travail.
terie,

Nilis

commena

des observations mtorologiques dont nous extrayons

certains renseignements.

Pendant

la

saisonsche, le ciel est presque chaque jour voil, ds le matin

par un lger brouillard gristre; une pluie


ble,

tombe jusqu' dix heures environ;

l'ouest chasse les vapeurs;


tre

dans tout son

clat, la

il

fait

fine, sorte

ce

de brume dsagra-

moment, une

presque froid vers midi,

brise

venue de

mondeux heures du

le soleil se

chaleur augmente rapidement


;

ombre de vingt-neuf

trente degrs, et

lorsqu'on vient de l'extrieur on ressent en entrant dans

un appartement

soir, le

thermomtre marque

une fracheur
Cette

tr vive.

dernire

sensation

est

comparable

celle

que

l'on

prouve

lorsqu'on descend dans une cave de bi'asserie, aprs avoir circul quelques

heures dans

les

rues de nos villes d'Europe, transformes au mois d'aot

en brasiers ardents.

Le

17 mai, Nilis tait

nant Manyanga

le

agrablement surpris par

l'arrive

du boat ame-

lieutenant Haneuse et M. l'abb Guyot, prtre franais

en mission au Congo.

Le lieutenant Haneuse venait succder


la station de Manyanga.

de

Nilis

dans

le

commandement

CHAPITRE XX

Le lieu;enant Avaeit

Le lieutenant

L'n-:

xelles.

LYxpdition Van Kerckhoven. Les pigeons voyageurs.


L'incident Haneuse. La missian du gnral Goldsmith.
Lettres d'Ernest Courtois. Retour du lieutenant Nilis Bru-

Issanghila.

Nilis Zinga.

rvolte Vivi.

Mort d Orhan. Guillaume Casman MuUumbi.


K i" juin, le lieutenant Nilis s'absentait
\

,5,0

compagnie de Hanssens, de retour le 20 mai d'une expdition dans les valles du Kouilou et du Niari. il descendit
le tleuve pour aller rtablir sa sant et prendre un peu

-^^52f^y^^^y '^'^ repos sur les bords de l'Ocan.


Ce voyag^e de cong permit Nilis de visiter ses amis

chelonns sur

de Manyanga. En

les collines hospitalires

Issanghila, le lieutenant .\\'aert, successeui


LES BELGES. IL

et ses

compatriotes

des rives du Congo.

du regrett
'

Parfonr}*,
38

CHAPITRE

458

hbergea

mieux que ne

voyageurs

les

VINGTIME

l'et

pu

faire

un grand

roi

africain.

Outre des plantations nouvelles, une habitation neuve

De nombreux

coquette

jusqu'au dtour du sentier qui conduit

la valle

rant travers

et

d'une large avenue de bananiers cou-

s'levait sur le plateau, en face

\'ivi.

indignes, engags? par Avaert dans les villages des alen-

tours, contribuaient

pour une large part au dveloppement rapide des

installations d'Issanghila.

L'explorateur Roger venait d'y aborder avec deux baleinires destines

assurer les communications par

Dsormais

entre Issanghila et Manyanga.

le fleuve

Royal compterait parmi les embarcations vapeur remontant

le

en amont du Stanley-Pool la partie navigable du fleuve.


Le S juin, Hanssens et Nilis touchaient Vivi, o Lindner

et Peschuel,

agents allemands de l'Association s'taient, rcemment embarques pour

retourner en Europe. Les

surnomm

le

pour rendre

<>

au jeune Orban,

de connatre

triste fortune

malades dans

belges y rencontraient

pre des explorateurs

visite

De Boma

officiers

les

le

le

docteur AUard,

descendaient avec

et

Borna

lui

premier pionnier belge qui

ait

eu

la

bons traitements rservs aux pensionnaires

sanitarium.

le

Nilis

remonta jusqu' Nokki, en

canonnires de guerre portugaises l'ancre dans

face
les

d'Ikungula, o

des

eaux du fleuve sem-

blaient protester contre l'occupation de ces parages par des agents de


l'Association.

Nanmoins,
en bonne

officiers

marins portugais

et

explorateurs belges vcurent

inte.ligence. Nilis reut bord de l'une des canonnires

une

franche et cordiale hospitalit.

Peu aprs
Gillis

le lieutenant pi'it

l'invita

cong des Portugais

Mme

Greyshof.

La vue d'une femme blanche causa


Depuis plus d'une anne,
avait oubli ce

le

pain blanc,

parfum de candeur qui

le caf, les

Nilis

une motion profonde.

lieutenant n'avait rencontr que des ngresses

mante Europenne.
La compagnie de cette dernire,
le

retourna Boma.

gracieusement diner en compagnie de M. Greyshof,

capitaine de navire anglais, et de

il

et

le

est l'apanage d'une jeune et char-

dner, le ser\'ice, le th, le sucre,

le vin,

liqueurs, tout enfin s'agitait dans sa tte en traits

confus.
Il

tait arriv

veau

affaibli

Le repas

ne plus avoir une pense suivie et craindre que son cer-

ne ft impuissant supporter

se

termina

sa^is

que

Nilis

pt

impressions

les

s'en

qu'il

prouvait.

rendre nettement compte;

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

se retrouva le

il

459

lendemain sur YEsperancc, nageant toute vapeur vers

Banana.

De ce

port, le navire amricain Quinebavi, capitaine

Nilis a Saint-Paul

Ludlow, conduisit

de Loanda, capitale de l'Angola.

Cette excursion fut pour Je lieutenant fconde en distractions de tous

genres; bord du navire, fte au sujet de l'anniversaire de l'Indpendance


destats-Unis.diner, concert, hymnes, reprsentation thtrale; Salnt-Paul

de Loanda, rceptions charmantes, courses en matchina, parties de

promenades

ture de ses maisons europennes d'un style


et

les

billard,

travers les rues ensables d'une ville offrant, par l'architec-

cabanes des indignes,

le

mauresque crasant

contraste

de

la

les huttes

civilisation

et

de

la

barbarie.

De retour Banana,

Nilis rencontrait

dans cette

localit

de nouveaux

pionniers belges venus pour remplacer sur la terre africaine de regretts

compatriotes tombs victimes de leur dvouement.


Cette nouvelle expdition, dont le lieutenant

Van Kerckhoven,

adjoint

d'etat-major au i" rgiment de ligne, tait en quelque sorte le chef, se

composait du lieutenant Liebrechts, du

6"'^

rgiment

marchal des logis chef Lommel, galement du

Parmi

les

d'artillerie, et

du

6"' d'artillerie.

bagages des nouveaux venus se trouvait un panier contenant

des pigeons sur lesquels

ils

semblaient veiller avec une extrme

solli-

citude.

Ces compagnons

dance entre

ails taient destins tablir

les diffrentes stations

un

service de correspon-

de l'Association, tablies ou tablir

encore en Afrique.
L'ide de faire

collaborer des pigeons la conqute civilisatrice de

r.Afrique centrale tait excellente. Ces intelligents oiseaux pouvaient en


trois jours relier

Banana Zanzibar (environ 650

lieues), alors qu'il fallait

plusieurs mois pour correspondre entre ces deux points.

Indpendamment de

cette nouvelle recrue susceptible de rendre d'im-

portants services aux agents de l'Association, d'autres colis silencieux, mais

capables l'occasion d'un nergique langage, quatre canons de montagne


taient dbarqus au Congo.

La tche

difficile

d'assurer jusqu' Vivi le transport de ces terribles

engins de guerre, auxiliaires prcieux de toute conqute

incombait au sous-officier

d'artillerie

Le lieutenant Liebrechts
aller rejoindre

pacifique,

se dtacha aussitt

de ses compagnons, pour

Stanley sur les rives du haut Congo.

Van Kerckhoven s'embarqua en canot avec


fleuve.

mme

Lommel.

Nilis,

pour remonter

le

CHAPITRE

i6o

Le 6 aot,

deux hardis canotiers touciiaient

les

Au cours de

cotte traverse. Nilis avait

quables de son compatriote

foi

inbranlable dans

nei-i;ie

le

V'ivi.

pu apprcier

les qualits

remar-

modeste, s'etaant en temps ordinaire,

trs

Van Kerckhovcn. dou d'une


une

\ingtieml:

peu

commune

dans

p ^ssdait

l"actiiin.

succs de l'uvre laquelle

tait

il

fier

de

cooprer, et jouissait du temprament robuste ncessaire pour supporter

rigueurs du climat inhospitalier des tropiques.

les

\'ivi. N'ilis et

\'an

Kerckhovcn

de deux

faisaient la connaissance

Uelii^es:

Joseph Defrre. ngociant, plus tard agent commercial Lopoldviile.

et

Joseph l'almaerts, attach l'Observatoire royal de Bruxelles, jeune

et

vaillant

explorateur, qui, aprs avoir rsist aux riiyueurs des rgions

borales avec une expdition scientifique amricaine dirige au ple Nord


et

pousse au del des parages funestes

ter

bravement, soutenu par

la foi et

la JcauiKllc, se

disposait affron-

l'enthousiasme du saxant.

les touf-

fantes ardeurs de lliquateur.

Lcoat)t,

du matin,

Xilis,

et

Van Kerckhovcn

s'engageaient dans

le

et

Defrre quittaient

\'ivi

a neuf heures

sentier conduisant a Issan-hila. o

ils

parvenaient aprs cinq jours de marche.

Avaert se disposait a retourner en lnope;

commandement
Le

15

ant.

il

laissa

Van Kerckhovcn

le

intrimaire de la station.

iVilis et

llefrre poursuivirent leur route, en

employant

l'une

des embarcations amenes rcemment par Roger.

Le 20. au matin, ils taient en vue de Man3-ang-a.


Meureux de revoir le plateau couronn de constructions,
avait cependant

connu bien des

gnon de mute, pavoisa le boat qui les portait et


mousquetcrie pour veiller l'attention du personnel de
Ilanssens. flneuse et Ilarou. hberg-s cette date a

pour recevoir,

dirent

la

joie leur

camarade

rive

et

sur lequel

lieures adverses, Niiis. aid de sor.

mi':ii. le

Xilis dissimul

sous

boat pavois;
les fluts

tira

il

compa-

des salves de

la station.

Manvanga, descenils

reconnurent avec

des banderilles multico-

lores.

Le cong'c du lieutenant
sur son arrive que par

le

n'tait

pas entirement expir, un ne comptait

cnurrier suivant.

accueilli; Dcirere [xirtauea avec lui les

Il

n'en fut

charmes

que plus chaudement

et la courtoisie dei'accueil.

Apres un djeuner substantiel, on but un flacon de vieux vin de Madre


capitaine Ilanssens avait attendu ce moment pour annoncera Nilis la
:

le

distinction spciale

que Stanley attribuait au lieutenant en rcompense de

ses services.
\ilis tait

nomm

chef de

la

division

du bas Conu'o. Sa nouvelle Rmction

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

comportait des charges dlicates

461

l'inspection des diverses stations tablies

dans la rgion dsigne, et une mission diplomatique incessante exercer


auprs des chefs indit^nes, tant pour l'achat de leurs territoires que poui'
le

maintien pacifique des districts rangs sous le protectorat de l'Association.

On

voit par ce qui prcde

que Stanley

avait oubli l'altercation regret-

table survenue entre lui et le lieutenant belije, et qu'il se rappelait la valeur


et le

mrite de l'agent dont les services signals

en vidence
Ds

le

ce village.

septembre, Nilis se rendait Zinga pour procder l'achat de

Un

des chefs de l'endroit tant mort peu d'heures aupara\ant.

KROIBOS ET CHEF

le

Manyanga avaient mis

prcieuses aptitudes.

les

lieutenant ne put traiter

amen. A aucun prix


des funrailles

I.SDIGK.SE

(DAPBliS UNK I'IIOTOC.RAI'HIE;.

immdiatement

les natifs

l'absorption

importante qui

l'affaire

n'auraient consenti supendre

du poison,

et les mille

la

l'avait

crmonie

simagres d'usage en

pareille occurence.

Perdu dans

la foule

femmes de manifester
laient le visage avec
et d'huile
d'toffe

paules.

de palme,

indigne, Nihs observa

la

faon particulire des

leur deuil. Elles se rasaient les cheveux, se barbouil-

une pommade visqueuse, mlange de charbon de bois


et nouaient autour de leur tte une longue echai'pe

rouge fonc, de

telle sorte

que

les

bouts soyeux flattaient sur leurs

CHAPITRE VINGTIME

402

L'attention que prta Nilis aux moindres dtails de la crmonie funbre

permit ses cinq

hommes

d'escorte de s'esquiver.

Ces gredins avaient dguerpi en emportant


destines payer l'achat

Lorsque

du

Nilis s'aperut

district

les ballots

de marchandises

de Zinga.

de leur disparition,

il

se trouva dans

une

situa-

tion fort perplexe. Essayer d'obtenir crdit des chefs indignes la cession

de leur territoire

tait

une

Les ngres font payer


usent du crdit a leur profit, mais ne

irralisable utopie.

d'avance jusqu' leurs promesses;

ils

l'accordent jamais, surtout des blancs.

Une ide ingnieuse mit fin


aux

natifs et les

l'embarras de Nilis.

dtermina poursuivre

les

Il

raconta son aventure

dserteurs et les

lui

ramener

contre rcompense.

Une demi-heure plus tard,


pieds du

les naturels

poussaient devant eux jusqu'aux

dserteurs trarrotts, les mains lies par des

lieutenant les cinq

cordes de liane, servant de laisse leurs conducteurs.

Les ballots retrouvs etportspar


tressaillit

de

Nihs ordonna aux

pendre

la

indignes furent remis

Ni'is,

qui

joie.

un chtiment exemplaire aux

Mais, contraint d'infliger


trahi,

les

natifs

noirs qui l'avaient

de ne point dlier ses porteurs

et

de

les

branche d'un arbre qui paraissait dispos tout exprs pour

l'excution.

Lorsque,

la

corde passe leur cou,

les

ordres du matre allaient tre remplis,


vante

Ne nous

fidles esclaves,

ils

dlinquants comprirent que les


s'crirent tremblants d'pou-

tuez pas, mundel, ne nous tuez pas

nous ne vous abandonnerons plus.

Touch en apparence de

leur

Nous resterons vos

>>

repentir, Nilis accorda la grce d'une


il ordonna de les dbarrasser
menace de brler la cervelle celui

peine qu'il n'avait pas intention d'appliquer:

de leurs entraves, tout en profrant

la

d'entre eux qui manifesterait le plus lger


Nilis aurait-il

mis excution cette menace

symptme de
?

rbellion.

Les mutins n'en doutrent

pas un instant en voyant les yeux du lieutenant lancer des clairs de colre
implacable.
Ils

reprirent leurs charges, et tandis que Nilis discutait avec N'zabi, chef

ngre de Zinga,

les clauses

du

trait, le

plus ancien des porteurs rpondit

sur sa tte des paquets confis.


Peut-tre quelques-uns de nos lecteurs blmeront-ils ce procd nergique

de

Nilis;

mais nous prierons ces censeurs de vouloir bien tenir compte de

la position

dans laquelle

il

se trouvait; au milieu d'une peuplade indigne

qu'il venait essayer de ranger sous l'autorit de l'Association, pouvait-il

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

faiblir

463

devant une mutinerie, devant un complot foment par cinq de ses

une terre o

serviteurs, sur

existait

encore l'esclavage.

Sans doute nous ne posons pas en principe que


mais nous ne croyons pas

qu'il soit possible

la fin justifie les

moyens,

aux explorateurs, agents d'une

socit civilisatrice, de pratiquer cette vertu qui consiste tendre la joue

gauche quand

la

droite vient d'tre soufflete.

Loin des freins du

monde

hors de ces cercles de

civilis,

pnal et les gendarmes, les conventions sociales et

le

fer,

code

le

qu'en-dira-t-on, qui

tout troits qu'ils sont laissent pourtant encore trop de facilit au crime
et l'infamie, l'Europen

dont

les rgles

en Afrique, entour par des races de sauvages

de conduite s'cartent essentiellement des siennes, n'ayant

que sa conscience pour juge, son courage

et

son sang-froid pour sauve-

garde, a besoin parfois de recourir des mesures nergiques pour conser-

ver sa dignit morale et pour assurer

La fermet de
salutaire.
blesse,

devant

la ralisation

Nilis exera sur les

de ses dcisions.

indignes de Zinga une impression

Ces gens dgnrs, qui semblent ne pas mconnatre leur

fai-

l'homme blanc, sont enclins a cder


devant une volont inbranlable; ils admi-

leur infriorit vis--vis de


la

fermet, a s'incliner

rrent le procd du lieutenant, et sollicitrent des conditions trs acceptables la protection de ce brave

Le lendemain,

mundel.

Manyanga pour rdiger un rapport sur


ngociations Zinga. Une forte fivre, rebelle de

Nilis i^entrait a

l'heureux rsultat de ses

formidables absorptions de quinine, retint

le

lieutenant a la station durant

plusieurs jours.

Le

23 septembre, le malade,

l'arrive

de

quoique

trs faible, se leva

de nouvelles recrues destines grossir

le

pour

assister

contingent des troupes

la station.

Conduits Manyanga
ngres, recrutes pour

'par

la

un agent

anglais,

M. X*", une centaine de

plupart Lagos (point situ sur

faisant partie des possessions anglaises) et appartenant

queuses des Haoussas, s'installrent dans


et refusrent

pour

la

la

la

cte d'Or,

aux tribus

belli-

station d'un air conqurant

plupart de se soumettre au

commandement du

lieu-

tenant Haneuse.

Le chef de

innomm

les

la station

et lui

prsenta cet gard quelques observations l'agent

rappela que

les

voyageurs sjournant dans

rglements de l'Association disaient:

les stations

doivent, durant leur sjour,

aux commandants de ces postes .


M. X'" coutant peu ou point les rcriminations fondes du

respect et obissance

lieute-

CHAPITRE

)64

VINGTIME

nant, s'abandonnait sans reserve, pendant l'altercation, a


sa liqueur favorite

En

le

l.i

djjustation de

whisky.

qualit d'Anglais,

croyait

il

la

protection spciale de Stanley, et

s'enhardissait au point de mconnatre les droits d'un chef de station.

Le lendemain l'outrecuidance de l'agent dpassa toutes

les

bornes. .Ayant

appris qu'il existait un approvisionnement de savon dans les magasins,


l'agent anglais en

demanda pour ses ilaoussas.


la demande: mais comm.e

Haneuse accda

minime

la

quantit de savon tait

et qu'elle tait destine seulement au.x blancs,

aux cent ngres arrivs la veille.


L'Anglais s'empjrtd violemment;

e.xcite

par

diapas(jn le plus aigu de la fureur, de la rage;

contre Haneuse et enjoignit brutalement au


lui livrer jusqu' sa

il

ne put en fournir

il

monta au

colre

l'alcool, sa

se rpandit en invectives

commandant de .Manyanga de

dernire brique de savon.

Haneuse rpondit par un refus catgorique aux grossires injonctions du


passager insubordonn.

Ce dernier, hors de

lui.

f<ju

de ces sauvages arms de

Haneuse

et

de

le

la vranda o
ordonna une partie

de rage, s'lana hors de

avait eu lieu la querelle, rassembla ses Ilaoussas et


fusils Snider,

yatagan au canon, de se

jeter

sur

garrotter.

-Aux cris d'appel pousss par son compatriote, Nilis, encore couch et en

proie

la fivre,

quitta son

lit

et

accourut pour assister, tmoin dbord

par l'indignation, mais impuissant, a un acte d'odieuse sauvagerie.

Environ trente Ilaoussas entouraient Haneuse troitement enlac par


trois

ou quatre sauvages. Ces

laient,

tres, qui n'avaient alors rien

gambadaient, se bousculaient; on et

attendant

le hallali

dit d'une

pour dvorer une victime tendue sur

d'humain, hur-

meute de chiens
le S(jI.

L'ide de tirer a bout poui'tant les six coups de son revolver sur six des

lches agresseurs de Haneuse ti^aversa.

comme un

clair,

la

pense de

Nilis.

La rflexion le fit renoncer heureusement ce projet desespr: ils taient


deux contre cent.
Au dehors, l'.Anglais et ses soixante-dix bandits enfonaient les portes du
magasin et s'emparaient du savon en litige. Leurs hurlements de triomphe
plateau de Manyanga, frappant de stupeur

roulaient sur

le

habituel de

station

la

le

personnel

Zanzibarites, Kabindas et natifs, gens sans initiative,

incapables, sans ordre, de voier au secours de leurs matres.

Cette scne de piraterie suscit.e par un agent anglais d'une socit


satrice eut son

dnouement.

civili-

LES BELGES

H,

59

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Le

fils

467

d'Albion dgris fit des excuses; lesHaoussasallrentladbandade

du

gaspiller dans les eaux

fleuve la prcieuse provision de savon des blancs

de Manyanga.

Pour pardonner au coupable cette folle quipe,

il

fallu t

Haneuseet Nilis

plus que de la grandeur d'me: et plus tard, lorsque sur la


tion de Stanley, ce

mme

nombreux

station, les

recommanda-

promu au grade de chef de

Anglais fut

belges qui coopraient l'uvre afri-

officiers

caine durent puiser dans leur respectueux attac'nement S. M. Lopold IL

dans l'ardent amour d'une patrie

qu'ils

honoraient, dans la profondeur des

sources infinies du dvouement, de l'hroisme et surtout de l'abngation,

pour accepter sans murmure

des chefs suprieurs de

les arrts dcisifs

l'Association.

la

louange des pionniers, cause

et inspiration

nous croyons devoir ajouter qu'en tout temps

de notre prsent ouvrage,

et

en toutes circonstances

ne se montrrent jamais oublieux, en Afrique, des rglements qui

ils

rgissaient, et qu'ils reconnurent et acceptrent la suprmatie, l'autorit

les

de

certains agents trangers.

Le I" octobre, Haneuse


fcheuse

que

celle

des

et Nilis

reurent Manyanga une visite moins

Haoussas.

Une

longue

apprentis missionnaires noirs conduite par

le

caravane

pre Kraft

de

jeunes

faisait halte la

station.

Le pre Kraft avait succd au pre Augouard dans

les tentatives d'ta-

blissements religieux fonder sur ies rives du Gordon-Bennett. Mais

M'fwa,

les

indignes avaient rserv au vaillant missionnaire

mme

le

sort

qu' son devancier.

Empch do

chez les Batek.

s'tablir

le

pre Kraft, redoutant

les lubies

des tribus sauvages loignes des postes protecteurs de l'Association, avait


rsolu d'implanter une mission catholique dans le cercle de Manyanga.
Il

s'installa

cinq lieues, sur

la

rive droite, et

en amont de

la station.

L, pour hter linstruction morale des indignes, pour dcider les ftichistes l'apostasie et les faire entrer dans le giron de l'glise romaine,
ic

pre Kraft se rsigna, pour renforcer sa lgion de futurs aptres africains,

a use'- d'un procd ayant cours encore en dpit de tous les traits, l'achat

d'enfants du pays,

filles

ou garons, sorte de

larves,

dont

les prix variaient

de cent a deux cents francs, valeur paye en marchandises.


Mais,

avec

comme

la religion

les

principes de l'esclavage taient en opposition directe

prche par

le

pre Kraft,

achets jouiraient plus tard de leurs droits

temporaire,

les petits

il

fut

convenu que

d'hommes

libres

les enfants
:

proprit

ngres n'taient tenus qu'a une demi-journe de

CHAPITRE VINGTIME

468

prsence aux cours et aux travaux de


tenait,

ils

la

mission,

la

matine leur appar-

pouvaient aider leurs parents aux occupations de

aux labeurs de

la

culture, voire

mme

s'exercer

lopper au contact de leurs vieux congnres

les

pche ou

la

fumer l'iamba

germes de tous

les

et

dve-

mauvais

instincts.

Le

()

octobre, Nilis partait de

Manyanga avec laneusc sur le boat descen1

Le chef de la division du bas Congo allait au-devant du


major gnral sir F. Goldsmith venu au Congo, en qualit de chef d'une
expdition anglaise, sous les auspices et aux frais de S. M. Lopold II.

dant

le tleuve.

Koumka pour y passer la nuit,


rencontrrent M. Delmar Morgan, un des membres de l'expdition
En

route, les officiers, ayant fait escale a

anglaise, qui leur apprit l'arrive


ait

du gnrai

Issanghila

la fivre le for-

de sjourner.

dans cette station sir F. Goldsmith dans un tat


Le savant gographe anglais, ancien serviteur de
la Compagnie des Indes, avait accept une mission au-dessus de son ge et
de ses forces; il payait chrement le surcroit de rputation qu'il tait
venu cheixher dans une aventureuse entreprise au centre mme du conNilis rencontra

voisin de

la

en

effet

prostration.

tinent noir.

Rtabli
Vivi, en

le 13

octobre,

compagnie de

le

gnral laissait Issanghila, pour retourner a

Nilis et de

Van Kerckhoven. La

distance entre ces

deux stations fut franchie en quatre jours, par voie de terre, travers

une

chane de montagnes pentes rapides descendant dans des ravins troits.

Les voyageurs europens effecturent

de Tneriffe possdes encore par

Un

dplorable vnement

le

trajet

l'.Association.

s'tait

droul, un mois auparavant, dans la

plus ancienne station du Comit d'tudes. Vers


nel noir
s'tait

employ

dos des dernires mules

Vivi, soixante-quinze

mis en rvolte ouverte contre

le

le 15

Kabindas

et

septembre,

le

person-

deux cents laoussas,


I

chef blanc.

L'administrateur de Vivi, M. Rathier-Duverg, Franais d'origine, devenu

agent de l'Association aprs avoir rempli quelque temps


consul des tats-Unis a Saint-Paul de Loanda,

s'tait

les

fonctions de

dfendu vaillamment

avec quelques Zanzibarites contre les insurgs munis de fusils et de

munitions.

y avait eu un combat vritable, une effusion de sang; trois Kabindas


taient tombs sous les coups de revolver de .M. Rathier-Duverg, qui
faisait ainsi payer cher ses ennemis la mutilation de sa main gauche tra11

verse par une balle.


Trois des canons de montagne, pices d'un calibre de dix centimtres et

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

demi, sortis de l'usine Krupp

braqus sur

de

amens

et

les rebelles: ils dcidrent

Vivi par

de

469

Lommel, avaient

la victoire

en laveur de rac:ent

l'Association.

Les Kabindas

et les

Haoussas

s'taient enfuis, saisis d'une frayeur indici-

ble la voix formidable des puissants engins de guerre,

de l'uvre

messagers forcs

civilisatrice.

Depuis cette poque.

Te

calme

tait

revenu: mais

recruter des porteurs et des travailleurs ngres

Au moment mme de

il

tait fort difficile

aux alentours de

Vivi.

Orban, dlivr, par son retour

la rvolte,

de

la sant,

de sa captivit relativement duuce au sanitarium de Borna, avait t dpde Krou pour ramener a Vivi

le plus de Krouboys possible. Il


un renfort d'auxiliaires blancs prs de s'parpiller le
long des rives du Congo, en marchant sous la bannire de l'Association.
lrnest Courtois, pharmacien, comptait dans le nombre des nouveaux
arrivs. Il se joignit une caravane et ariva a Vivi le 15 octobre, aprs

ch a

la cte

rencontrait a Banana

avoir pass successivement sur les ponts des steamers,

le

Hron

et la

Belgi^jue.

Nous croyons

utile

de reproduire

ici,

presque

extenso,

les

lettres

adresses par Courtois a l'un de ses meilleurs amis de Bruxelles, et dates

de ^'ivi-Station.
"

octobre.

15

de jours.

On

.Mon expdition l'intrieur est retarde d'une dizaine

besoin de moi Vivi

je suis

nomm mdecin

et

pharmacien

en chef en l'absence du D' Allard.

J'ai

en ce

moment une

vingtaine de noirs et cinq blancs malades.

sont en bonnes mains, ces braves gens,


ces contres leur est

novembre.

I"

ma

Ils

longue tude des maladies de

une garantie.

Je suis encore a Vivi, les natifs refusent de porter

mes bagages; nous passons actuellement

ici

une

fort vilaine cise.

est boulevers, plus de caravanes, plus de commerce, rien! sans

Tout

commu-

nications rgulires avec l'intrieur, et entours de noirs rvolts dans la

mme.
Nous avions pour

station

nelle

la

garde des btiments

et

pour notre scurit person-

quarante Haoussas, soldats ngres arms de bons

ba'ionnettes, et

de grands coutelas

faire

fusils

Snider

du hachis.

Vendredi dernier, nos singuliers protecteurs, sous l'empire de la boisson ou d'une mauvaise mouche qui les avait piqus, ont catgoriquement

refus

s'y

le travail. Ils

On

prtextaient que la nourriture n'tait pas assez varie.

voulut administrer

la chicotte

aux plus rebelles;

opposrent.

Les grvistes eurent raison ce jour-l.

les

chefs noirs

CHAPITRE VINGTIME

470

Le lendemain, samedi, nouveau refus de

demande de

Bien entendu,

travail des Haoussas, et

rapatriement.

Nous recevons

le

chef de

la

station ne veut pas accder ces dsirs.

l'ordre d'armer nos fusils et de

nous tenir prts

a la

premire

alerte.

La)ourncc

sur

se passe sans incidents graves,

on tient conseil des blancs;

proposition du lieutenant Nilis, on dcide de constituer une parde de

la

nuit sous

le

commandement

d'un blanc et de dsarmer les mutins.

Le dimanche, grande inspection des armes et de l'quipement. Toutes


nos dispositions sont prises. Nous chargeons une pice d'artillerie de mon

tagne et deux mitrailleuses.

Tous

les noirs, fidles serviteurs

de

la station,

reoivent des lusils; les

blancs chargent leurs winchesters.

improvis pour

.Artilleur

"

en attendant de

la

circonstance,

parler au besoin,

la faire

harass de fatigue, sur

me

et,

couche, nouveau Turenne,

canon bronz de cette arme.

le

Devant un pareil dploiement de

je

garde une mitrailleuse

je

rsolution digne de leur bravoure

ils

forces,

les

Haoussas ont pris une

se sont rendus, ont

demand grce

nous sommes matres de la situation.


Le mauvais vent qui soufflait sur Vivi devait nous amener des complications fcheuses. Dans l'aprs-midi, un blanc, en voulant dcharger son

arme, blesse un ngre. Nouvelle alarme, on sonne

immdiat de

le tocsin.

population bicolore de Vivi: mais

la

fort

Rassemblement

heureusement, sans

tohu-bohu, sans rvolution imminente, tout se passe dans

le

plus grand

calme.

me

Je

rends immdiatement a l'endroit o l'homme est tomb,

constate que
la balle,

venue

la

qui est entre en pleine poitrine,

situations possible et
et les soins

m'appellent

de

le

est

pour

le

mieux dans

la

plus mauvaise des

bless est en pleine voie de gurison. Cette cure

donns ont produit une grande impression sur

l'homme

grand fticheur

sur une cote et est

s'est aplatie

se loger dans le bras.

Aujourd'hui lundi, tout

et je

blessure ne sera pas mortelle. Je procde a l'extraction de

mdecine

et

vont

mme

jusqu'

les noirs

me

qui

qualifier

JVlalheureusement, nous avons

ici

beaucoup de blancs malades; deux

surtout, entre la vie et la mort, sont entre les niains de lexcelient docteur

Allard qui vient d'arriver.

La

fivre est terrible et n'pargne personne.

Le climat devient

poque plus pernicieux que jamais. Nous entrons dans

la

cette

saison des pluies.

LES BELGES DANS L AFRIQUE CENTRALE

saison malsaine par excellence: nous

marque
du soir

le

matin, vers six heures,

Les nuits sont froides

la

le

thermomtre

du matin

trois lieures

en hiver, et

34 degrs au-dessus de zro, de onze heures


;

sommes

471

temprature moyenne

est

de 26 degrs.

et les soires trs fraches.

enchant de pntrer plus avant dans

Je vais quitter Vivi,

Continent. cris-moi souvent,

une

lettre fait

un

plaisir

dark

le

immense dans

ce

donne la fivre.
par un tmoin oculaire des vnements surve-

dsert d'Afrique; un courrier sans nouvelles vous


Telle est la narration faite

nus Vivi dans


Ds

taient le

la

Congo, o

la fivre bilieuse

pagner

dernire quinzaine d'octobre 1883.

novembre,

le 2

le

ils

le

gnral Goldsmith et ses compagnons anglais quit-

n'avaient

sur un

gnral jusqu'

fait

qu'une rapide apparition.

Nilis, jet

par

de douleur, ne put, son grand regret, accom-

lit

cte occidentale.

la

compta au nombre des malades qui absorbrent les instants du dvou


docteur AUard. Pendant plus de dix jours, les amis nombi^eux que le sympathique chef de la division du bas Congo s'tait acquis Vivi conurent,
Il

en raison de son

Le

12, Nilis

tat,

de bien graves inquitudes.

sembla revenir

la vie.

Orban, rentr ce jour-l

tte

la

d'une caravane de Krouboys, croyant tre agrable et utile au lieutenant, lui prpara pour le dner un des pigeons voyageurs amens rcemment par l'expdition Van Kerckhoven. Cet infortun volatile, errant dans
la campagne aux abords de la station, tait tomb sous une balle du win-

chester d'Orban, qui ignorait les qualits et les services de sa victime.

Par une trange

fatalit, ce

pigeon

rti valut Nilis

une rechute, une

nouvelle attaque de fivre, complique d'une indigestion nerveuse. Quant

Orban,

il

ressentit aussi les premires atteintes

du mal qui devait

l'em-

porter.

Le

10

dcembre,

le

capitaine Hanssens arrivait

reconnatre son vigoureux

compagnon du

mie, avaient exerc de ravages


constitution

du

le

il

hsitait

RoquclLc. tant la maladie, l'an-

rduit nant pour ainsi dire

la

robuste

lieutenant.

Le bienveillant
Nilis,

et

Vii'i,

capitaine,

messager d'une distinction nouvelle accorde

ne crut pas devoir laiui crjmmuniquer. D'aprs les ordres de Stanley,

lieutenant Nilis tait appel a former et a prendre

le

commandement

d'une expdition exploratrice destine reconnatre des affluents du bas

Congo.

Vu

l'tat

de sant de

Lopoldville,
le

un

Nilis,

Hanssens dpcha a Stanley, sjournant alors

courrier spcial invitant l'agent suprieur a ordonner

retour en Europe du pionnier que de simples instances n'eussent pas

VINGTIME

CIlAPITRl';

472

dtermin quitter une ingrate contre o

encore

retenait

le

son

engagement.

un ordre formel de dpart tait remis Nilis, en mme


du clbre explortitcur et agent suprieur de l'Association internationale, lignes courtes, mais trs-logieuses, dictes a un chef
dont la sincrit ne peut tre mise en doute.
Nous donnons la reproductions de cet autographe de Stanley, dont voici

En

janvier

i88.j,

temps qu'une

lettre

la traduction.

Monsieur
i(

trer

beaucoup votre dpart de

Je regrette

dvou aux

Nilis,

intrts

un rapport aussi net de services rendus

l'avez

celte expditiuii parce

que

vovis tiez actif et trs

de l'Association. Bien peu de ceux qui sont rentrs en luope peuvent


et

d'apprciation intelligente

du

dev(iir telle

mon-

que vous

montre.

J'apprendrai avec plaisir votre rtablissement

champ

une bonne sant;

vo;re prompt retour ce

et

(d'exploration).

Je reste votre dvou,

(>

Est-il ncessaire d'ajouter

des hornmes

les

un commentaire

(S)

Henri M. Stam.kv.

dcern par l'un

cet loge

plus comptents de notre sicle pour juger

la

valeur d'un

explorateur africain?
Nilis,

de retour en Belgique, recouvra

taxer d'ingratitude,

sublime,
offrit

si le

le lieutenant,

la

mobile auquel

sant; mais en
il

de nouveau ses services

qu'on devrait

une excuse
mre patrie,

obissait n'et t

retremp sous le climat hospitalier de

la

l'.Association.

Les rives du Congo ont-elles pour ceux qui


sistibles attraits.^

rils

parcourent d'irr-

les

Les indignes sont-ils des enchanteurs autres que de

vulgaires charmeui's de serpents?

dard d'azur qui doit rompre

les

Ou

bien, lorsqu'on a

march sous

l'ten-

chanes de l'esclavage odieux dans lequel

sont retenus au mo_ven d'organisations immorales et inintelligentes, des


millions d'tres humains, ne peut-on dposer les armes? prouve-t-on une
satisfaction sans gale provoquer, chez
chistes, dans

parts,

comme

Ce dsir

une multitude d'aveugles,

une collection de corps ngres sans


les insurrections

insatiable

de

la

ttes,

pense, de

fti-

trbuchant de toutes

la justice,

de retour en Afrique, manifest par

du progrs?
la

plupai't

des pionniers qui ont, au continent noir, sjourn ou voyag, mais toujours souffert et risqu leur vie chaque pas, a quelque chose d'incom-

prhensible pour les profanes de l'exploration africaine.


les thories

La

Il

semble affirmer

philosophiques du pei'sonnaliste espagnol M. de Camponaor

socit civilise dvore l'homme;... tablissons

un feudaljsme per-

^^.

^.^.^^

LrSrfELCES.

II.

OL^y^

A^

60

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

475

sonnel. Faisons sacrs, l'gal des temples, nos palais, nos maisons, nos

cabanes, et traons autour des fosss qui servent de tombeau tous les
sbires de la tyrannie...

>>

O. mieux que dans

l'homme

trale,

les

contres rcemment explores de l'Afrique cen-

peut-il affirmer son individualit? L,

au monde

Ps3-ch de

Canova

ce que
et
premier rayon de son intelligence replie sur
la

gravitation morale,

me;

il

il

saisit,

il

est

il

est la matire

au marbre de Carrare.

elle

mme

affirme sa personnalit,

sort de la vie collective, de la confusion,

Au

par une sorte de

il

se sent avec

du chaos:

une

peut aspirer,

il

dlivr de certaines entraves sociales, s'lever par sa propre valeur, sa

vertu et son intelligence.

Mais jusqu' l'heure actuelle


chefs qui prsident

Nilis

n'a

aux destines de

pas vu son dsir exauc par

l'tat libre

remplit avec distinction

la

charge de rptiteur a l'cole militaire.

Quelques jours avant

le

dpart de

assist

aux

funrailles

Nilis, la

les

du Congo. Le lieutenant

garnison valide de Vivi avait

du sous-lieutenant Orban. Ce jeune

officier,

carac-

tre dcid, agent courageux et dvou, obligeant au point de se dpouiller

lui-mme pour venir en aide aux voyageurs,


services

que nous aurons

l'occasion d'exposer

rendu d'immenses

avait

dans

le

volume suivant de

notre ouvrage.
Janvier 1883 amenait Vivi, dix jours aprs la mort du regrett Orban,
une phalange de pionniers belges: Guillaume Casman, employ au GrandCentral; Henri Watterinckx, adjudant au
secrtaire

du consulat de France

3"=

d'artillerie; Cranshoff.

ancien

Ostende: Monet, ancien adjudant au

rgiment des carabiniers.

Les deux derniers furent dsigns pour occuper a

la station

de Vivi des

fonctions conformes leurs aptitudes.

Guillaume Casman obtint d'accompagner en expdition


Hanssens.

Il

s'quipa aussitt, reut

une tente

et

un

lit

des charges pour trente porteurs (charges d'environ 35


janvier il se mit en marche avec une caravane de trente

mande par Hanssens, dployant crnement

le

capitaine

de camp, prpara
kilos), et le 21

hommes com-

l'tendard de l'Association au

dpart de Vivi.

trois

les marcheurs atteignaient le village de


campaient sous une espce de hangar. Le cuisinier

heures de l'aprs-midi,

Sabbi-Kabandi, o

ils

ngre de l'expdition prparait pour


d un bouillon de poulets, d'un

rti

les

blancs une collation compose

de poulets, (volatiles africains trs inf-

rieurs ceux d'Europe) et pour dessert, des bananes.

bourgade traverse

le

matin par

la

Le brave chef d'une

caravane avait gracieusement

offert

au

CHAPITRE

476

VINGTIME

capitaine Flanssens une calebasse remplie d'un malatou exquis, qui releva
fort

propos ce

Dans

fruii'al

repas.

une pluie pouvantable, une averse africaine, contre laquelle


toiture d'un hangar tait un abri insuffisant, obligea le capitaine Hansscns

la

la nuit

s'envelopper dans sa couverture impermable, dployer son parapluie,


essayer de dormir dans cette position originale, et

avant-got des surprises que


Arrivs

lui

23 au soir sur les

le

fallut traverser la rive

donna Casman un

rservaient de futures tapes.

bords du Boundi grossi par

les pluies

dos de ngres; on avait malgi cela de

qu'aux paules, bain intempestif

et obligatoire

dont on se

il

l'eau jus-

ft bien pass,

moment du coucher du soleil.


Le lendemain 24, l'expdition n'tait pas au terme de ses peines la terrible valle du Boundi, valle marcageuse, obstrue par de hautes herbes
dures et tranchantes, repaires de nues d'insectes, talait devant les marsurtout au

cheurs sa longueur de plusieurs kilomtres.

Sur les pas de lansscns, vtran de l'tape africaine, on s'ouvrit un passage


dans ce ddale inextricable de vgtation. A certains moments on dispaparfois, les herbes
raissait comme noy dans cet ocan de verdure
I

semblaient s'abaisser,

les ttes

des marcheurs mergeaient

htaient de disparatre pour chapper une atmosphre

se

la surface et

infecte et suf-

focante.

Casman s'aguerrissait. La

vie d'explorateur est dure, crivit-il alors,

pourtant malgr toutes ses misres


puis dfinir.

Le
o

le

elle a

pour moi des charmes que

je

ne

>>

7 fvrier, la

caravane

faisait halte

sur

le

plateau de Manyanga-Nord.

lieutenant Haneuse s'efforait, aprs Nilis, d'embellir la nature et de

dvelopper finstallation existante.

L Hanssens trouvait une

lettre

ment Lopoldville; Casman


a Mukumbi.

Mukumbi

de Stanley qui

est situ cinq journes

Manyanga, prs de

la

le

mandait immdiate-

recevait l'ordre d'aller fonder

de marche

et

une

station

au nord-ouest de

source d'un affluent de droite du Congo, rivire

appele Mata.

Un

officier bavarois,

tirent de

Manyanga le

M. Boshaert, fut adjoint Casman; tous deux parcaravane de quarante-deux

12 fvrier, la tte d'une

indignes dresss aux travaux et aux entreprises des blancs par

les soins

du lieutenant Haneuse.
La premire tape s'accomplit sans incidents notables.
On suivit la rive droite du Congo, le long d'un sentier zigzaguant au

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

477

milieu des ronces et des herbes, parfois contournant les falaises, parfois

serpentant sur les flancs de collines rocheuses a croupes arrondies.

Le lendemain,

marcheurs, s'cartant du prand fleuve, pntrrent

les

insensiblement au nord

ngre dguis sous


trs

le

et arrivrent vers

feuillage diapr de

midi a Mpun^^u.

rpandait au

parfum dlicieux de

emplacement propice

f'

l'instalkition

\\

le

Bciphia nitida,

ses fleurs.

Les porteurs, noirs peu soucieux d'admirer


tt d'un

village

beaux arbres, dont une varit

abondante appartenant l'espce des papilionaces.


loin le

joli

-i^-'

le

paysage, s'enquuvnt aussi-

du

bivoLiac et dre>srent les

iw'n

GCILLAUME CASMAN.

tentes de leurs matre?, presss de se livrer au.x douceurs de ia sieste.

Le mfoum de

la localit veilla bientt les

prtexte de leur

offrir les

et trois poulets tiques

pays par eux


bles d'amiti

le

dormeurs, sous

prsents de bienvenue,

le

le fallacieux

traditionnel malafou

singuliers cadeaux accepts par les blancs, et

quintuple de leur valeur. De

protestations intermina-

du chef deMpangu, prsentations des sous-chefs, des arriredu villa^^c et de presque toute la population

chefs, des arrire-petits-chefs

mle

et femelle

gent

fort

aimable du reste, montrant a travers ses sou-

CHAPITRE

47S

rires

aux mundclcs des ranges

VINGTIME

claire voie d'incisives aiguises et leur

imposant l'invitable spectacle d'une sarabande aussi dsordonne que


bruyante.

Mais

population de

mordre;
et

au lever du

14 lvrier,

le

elle

Mpangu

changement complet de

soleil,

ne sourit plus,

elle

La

scne.

grince des dents et s'apprte

entoure en hurlant, menaante

et

arme,

les tentes

de Casman

de M. Boshaert.
veills en sursaut, les blancs sautent de leurs

et affrontent

bravement

lits,

saisissent leurs

Le mloum si poli de la veille n'est plus qu'un rustre grossier. Il


tue-tte, il cume, il insulte, il montre les poings; la populace fait
autour de

lui,

les

crie

silence

on peut enfin parvenir s'expliquer.

L'interprte de

mis par

armes

multitude furieuse.

la

Casman

interroge;

il

s'agit

d'un vcl de deux poules com-

porteurs des blancs.

La propritaire des volatiles

soustraits est

une pauvre

et vieille

ngresse

qui crie et geint d'une faon assourdissante; les larmes ruissellent sur ses
joues amaigries, et creusent

bon de bois

comme

des sillons dans

Impossible de calmer les pleurs de

une heure plumes par


gns par

maquillage au char-

la

ngresse; les poules taient depuis

les voleurs, trois natifsdu district

de Manyanga dsi-

la vieille.

La multitude

immdiat des coupables


peine de mort aux auteurs du larcin.

exigeait le chtiment

appliquer elle-mme

la

Devant cette exaspration gnrale laquelle

Casman

le

de palme qui couvre son visage.

et l'huile

il

tait loin

et voulait

de s'attendre,

fut oblig de sacrifier plusieurs ballots d'toffes pour calmer la

population. C'tait payer bien cher les deux poules drobes; mais

des circonstances o

il

circonstances

paix,

il

est

gnreusement pour avoir la


plus frquentes au continent noir que partout
faut savoir s'excuter

ailleurs.

La

libralit

pauvre

sirent en

une heure

de Mpangu,

Oh!

de Casman

vieille; elle valut

la

la

et

satisfit les

malencontreuse

l'eau tait tellement

usit au

les

la

la

Mata.

rivire, obstacle prilleux

l'endroit

les

de

la route,

Congo pour

dont

le

blancs l'abordrent,

profonde, qu'il fut impossible de recourir au

mode cono-

franchir certaines rivires, les paules de solides

ngres dj plies au joug de


D'autre part, tablir

pleurs de

demie, par un sentier direct connu des seuls noirs

caravane jusqu'aux bords de

passage exige des heures entires.

mique

indignes et scha

aux blancs deux guides volontaires qui condui-

la civilisation.

un pont de

bois sur

la

largeur du courant et

LES BELGES DANS LAFRIQUE CENTRALE

479

perdre un temps considrable; Casman tira profit de l'adresse des


ngres tresser les lianes; il fit construire un pont suspendu d'un nou-

fait

veau genre

des corda^^es vgtaux furent fixs aux arbres des deux rives

et grce ces soutiens improviss les blancs et les noirs

purent effectuer sans encombre

passage de

le

la

de

caravane

la

Mata.

midi, les explorateurs dressaient leurs tentes Kinbumba, trs beau

village (rive droite de la Mata)

trent

le

chef indigne et

les

notables se por-

au-devant des

courtoisement

Aprs une halte assez courte pendant


laquelle on reprit haleine et l'on djeuna,

on se remit en route

on gagna,

et

accompagn du chef obligeant de Kinbumba, le hameau de Kivunda. De


ce point, on arriva la nuit tombante
au chef lieu du

district

de Songi.

Trois personnages influents bonnets carlates, pagnes tisss de fibres

de palmier exigrent des voyageurs


traversant leur territoire des cadeaux

Casman

des explications.

et

chacun d eux une p.ce


tifia le

offrit

d'tofie et gra-

chef principal d'un don suppl-

mentaire, une pice de mouchoirs.

En agissant
bien faire;
sie

il

ne

Casman

ainsi,
fit

croyait

qu'veiller la jalou-

cupide des deux chefs moins gn-

reusement

gratifis;

l'un

d'eux, tre

essentiellement irascible se leva plein

de rage, jeta ddaigneusement


d'toffe qui

lui

avait

pice

la

'f-..

donne, et

dclara ce cadeau insuffisant.

Une

querelle

s'ensuivit;

les

coups

TAMBOUR (collection

DF.

M.

FLEMINC).

semblaient invitables.

Le deux compagnons du ngre censment


russirent trancher

tendue, Casman
et

firent

serviteurs.

et

le diffrend.

Nanmoins

ls

s'interposrent

la situation

Boshaert se gardrent tour de rle durant

bivouaquer aux abords

de leurs tentes

et

paraissant trs
la

nuit

une escouade de

VINGTIME

CHAPITRE

480

du

l'aube

16 fvrier, maly:r

une pluie

torrentielle les ajjents se remi-

rent intrpidement en route. Le peuple de Sonici assista avec surprise


a leur dpart.

Les natifs de ce

du visage avec de
coin de

l'il,

villag-e, svcltes et

robustes en g.iral. se colorent

peau

sommet

rouge: un triangle blanc, qui a pour

l'ocre

la

le

orne leurs tempes; leurs cheveux, enduits d'une composition

gluante colore au charbon de bois, sont en outre pars de plu mes d'oiseaux

de proie: leur corps


les

courbes

est

couvert de tatouages

au couteau

plus bizan^es. La plupart sont arms en

les

lazarinas (fusils silex),


les faibles

taills

armes de yuerre

et

et

dcrivant

permanence de

de chasse servant dtrousser

caravanes aussi bien qu' poursuivre au dtour des halliers

l'antilope lgre

ou

farouche.

le buffle

Ces guerriers n'osrent pourtant pas attaquer la petite troupe vaillam-

ment commande par les pionniers blancs


un sentier transform en torrent.

et

qui affrontait d'un pas allgre

Aprs quelques heures d'une marcJie excessivement pnible, les pauvres


rompus de fatigue, inonds, extnus,

porteurs, glissant a chaque pas.


sollicitaient

mrit, repos qu'imposait galement l'tat de

un repos bien

sant de M. Boshaert, rduit par

campa

toute la journe

la fivre

17 fvrier

ne plus pouvoir avancer.

On

au village de Congo da Lemba, o

mercantile des habitants pourvut aux ncessits alimentaires de

l'instinct
la

du

caravane.

Le lendemain
encore trs

iS, la

pluie avait cess, le ciel tait sans nuages: Boshaert,

voulut nanmoins continuer

faible,

aprs dix kilomtres, Boshaert tombait, extnu

au bord du chemin, dans

les

le laissa,

grandes herbes, confi

On

marche.

la

on

la

partit;

sur sa prire,

garde de quelques

caravaniers.

Casman poursuivit

sa route et arriva, UKjuraut de faim et de fatigue, le

soir, vers cinq heures,

prs des groupes

de huttes de Mbulangugu. Les

cabanes n'abritaient pas un sjul tre humain: impossible


ver manger.
biscuit et

tique

le

un peu de

dicton

nuit-l, faveur

Le

19,

Casman emprunta
<>

cal^ froid; ce fut le cas

qui doi't dne

suprme,

onze heures

et

les

mme

pour

lui

l'explorateur n'y

d'y trou-

un dernier

son fonds de provisions

de mettre en pra-

manqua

pas. Cette

moustiques respectrent son sommeil.

demie du matin, Casman dcouvrait les cabanes


Il paya aussitt

du village de Mukumbi, terme dsir de sa rude tape.

ses porteurs indignes qui le remercirent avec effusion et prirent

cong de

lui.

Quelques moments aprs. Casman reut

la visite

des deux

mfoums du

LES

IIEI.'-.F.S.

II.

6i

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

hauts

village,

Loualou.

et puissants

leur

Il

fit,

bien senti dans lequel

eux

tenir avec

de

et

des blancs dans

la

nomms

seig-neurs

selon l'usaire un prsent


il

l'un

^H^

Ngoyo,

et

l'autre

accompagn d'un petit speech

parla des bonnes relations qu'il esprait entre-

l'as'antc.gc

que

le

de l'tablissement

district retirerait

contre.

Prsent et speech produisirent un excellent

effet; les chefs se retirrent

enchants, laissant leur nouvel ami deux poulets, une chvre et une calebasse de malafou. Ce don avait pour l'estomac dlabr de

Casman une

ines-

timable valeur.

Vers

le soir,

rampant dans

le

un Zanzibarite, lard de coups de couteau, pntra en


campement de Casman. C'tait un messager du lieutenant

Haneuse.

Ce noir de Zanzibar, parti de Manyanga deux jours aprs Casman, avait


compagnie de deux Haoussas, de porter Mukumbi des

t charg, en

correspondances

et divers objets adresss

riers avaient t attaqus et dvaliss.

tombs sous

le

couteau des assassins:

aux blancs. En route, ces cour-

Les deux soldats haoussas taient

chapp

le Zanzibarite.

comme

par

miracle ses blessures, avait t laiss pour mort dans la savane et


dpouill de ses vtements et de son

be entre

les

mains des

natifs,

Heureusement, cette arme, tom-

tusil.

ne pouvait leur servir;

il

ne restait plus

une seule cartouche au Zanzibarite qui avait nergiquement dfendu

Boshaert, arriv sur ces entrefaites, s'enquit de l'endroit o les messa-

jM.

gers avaient t attaqus.

PrsdeSongi

>,

lui fut-il

Possd du dsir de retrouver ses correspondances,


les

sa vie.

rpondu.
et

surtout de chtier

Coupables. Boshaert, n'coutant aucunes remontrances reprit avec un

dtachement de serviteurs

Mukumbi

avec huit

Zanzibarite bless

Malgr
vrage

la

la

hommes, dont son

en tout six

de

Songi.

cuisinier,

Casman

resta a

son domestique

et 'c

fusils.

pnurie d'hommes

et dirigea le

direction

et d'outils,

doblayement,

le

Casman

se mit

bravement

l'ou-

nivellement du terrain concd sur

lequel devait s'lever la station.

Le

district

de Mukumbi, pauvre, mais pittoresque,

de collines courant paralllement de l'ouest


les troites

les

est

coup de chanes

et spares

par des val-

que ravinent des torrents.

Les flancs des collines

cimonie

l'est,

et les rives

des cours d'eau fournissaient avec par-

matriaux indispensables

bois, feuilles, joncs et

bambous

ncessaires la construction des magasins et des hangars provisoires de


l'tablissement de l'Association.

De puissants

auxiliaires contribuaient faciliter

Casman

sa tche

de

CHAPITRE VINGTIME

484

fondateur de

population indigne du

de

visites.

la colline

On

une bonne sant

et la paix

avec

la

district.

Les deux chefs, Ngoyo


et amicales

Mukumbi

station de

la

et

Loualou, rendaient leur voisin de frquentes

les voyait,

flottait le

tous les deux ou trois jours, gravir le flanc

drapeau bleu, en remorquant

les

prsents anims,

poules et chvres destines soutirer Casman quelques lambeaux d'toQ'e

ou quelques

brillants objets fabriqus en Europe.

Autour des mfoums

nombreux indignes

pressaient toujours de

se

n'ayant pour tout costume que

la

choucka, petit tablier descendant de la

ceinture aux genoux.

Ces ngres ont aussi

le

corps couvert de tatouages bizarres; certains

d'entre eux teignent en rouge leurs cheveux

pommade

d'autres les enduisent d'une

gluante, noire, sorte de colle retenant

le

monument de plumes

d'oiseaux qui sert de coiffure.

La plupart entourent

leurs bras et leurs

jambes de beaucoup d'anneaux

de cuivre ou de plomb. La prsence de gisements de ces minraux quel-

ques kilomtres au nord de

Mukumbi

explique

le

luxe et l'abondance

de ces lourds ornements.


Contrairement aux habitudes de certaines peuplades des rives du Congo,
indignes de Mukumbi semblent faire parade de leur malpropret

les

repoussante;

ils

ne se lavent jamais, allguant pour prtexte que

les

ablu-

tions d'eau froide abrgeraient leui' vie.

Le 24 mars, deux hangars provisoires abritaient dj la tente de Casman


montrer favorable au blanc;
les habitants du village, devenus ses amis, lui avaient par flatterie dcern

et ses marchandises. La population continuait se

le

surnom de Kata

bourgades

sises

A/aafa/a (branche

au nord-est de

nouveaux venus

et

plus menaants.

Casman ne

de palmier). Cependant

Mukumbi

rpandaient contre eux

nanmoms de ne pas

les natifs

des

tenaient des propos hostiles aux


les bruits les plus

s'en inquitait pas outre

absurdes et les

mesure, mais

il

avait

armes des limites de son domaine.


marchandises (sa monnaie) taient peu prs puises. M.MoUer, officiersudois, venant duNiari
et passant par Mukumbi pour se rendre a Manyanga, eut Tobligeance
extrme de lui donner une certaine quantit de caf, de riz, de th et de

soin

s'carter sans

cette poque, ses provisions alimentaires et ses

quinine.

MoUer partit emportant une


le

lettre

de Casman pour Stanley, par laquelle

pionnier belge informait l'agent suprieur de son quasi-dnmcnt et de

l'inquitude que lui causait l'absence prolonge de M. Boshaert.

Ce dernier

arrivait quelques heures aprs le dpart de Moller.

Il

avait

en

LES BELGES DANS L'AFRTQUE CENTRALE

vain cherch les assassins des Haoussas, mais sa bonne toile

auprs d'un chef ngre qui

une

s'tait coll

485

l'avait

guid

sur la poitrine, en guise de ftiche,

Ce fernon sans

des lettres drobes aux victimes.

vent sectateur du ftichisme avait,

remettre Boshaert

difficults, consenti

lettre

devenue

tuer tout

puis, allch par des

illisible;

promesses de cadeaux,

la

s'tait

il

un paquet de

dcid resti-

lettres religieusement

plac dans sa hutte entre deux idoles, dieux


lares en bois grossirement sculpt.

Le paquet contenait plusieurs missives, une


entre autres confirmant

man

nomination de Cas-

au grade de commandant de

Mukumbi; une

la station

de

manant de Hanssens,

autre,

apportait au nouveau
les

la

promu

les flicitations et

encouragements d'un compatriote.

Dans

la

dernire quinzaine d'avril,

tenta une courte expdition vers

le

Casman

haut Niari

Niari est le plus important affluent de droite

(le

du

Kouilou').

Cette expdition dura douze jours, dont dix

journes de marche et quarante huit heures de

repos au village de Kumbedi.

Les parages

visits,

hants par une popula-

tion sauvage par excellence, prsentrent certains

dangers

comme

daient
herbiis

de

que

le

des ngres embusqus atten-

W'

derrire les grandes

a l'afft

blanc signal passt porte

fusil.

Fort heureusement les ngres de l'Afrique


centrale visent fort

mal en gnral,

et leurs

fusils

chargs de projectiles de cuivre ou de fer

n'ont

que peu de

justesse.

d'une bravoure relative

et

Ils

sont en outre

jugent plus prudent

de laisser passer en paix une caravane d'trangers bien arms, aprs avoir compt le
des caravaniers.
fusiliers

Casman

nombre

fusil d indigene,

(collection de m. fleiung).

disposait de quarante

dans son expdition au haut Niari;

De retour Mukumbi,

il

il

dut son salut cette escorte-

recevait l'ordre de construire

une maison

CHAPITRE VINGTIME

486

pouvant loger deux ou trois blancs et une vingtaine d'habitations pour


les travailleurs. Mais son personnel se trouvait rduit dix hommes:
Boshaert, parti pour Vivi

de serviteurs noirs

Nanmoins,

les

et

le 17 avril, avait

diminuait ainsi

emmen un

l'effectif

de

la

dtachement

fort

garnison de Mukumbi.

constructions ordonnes s'levrent rapidement.

Ngoyo

profita des dispositions favorables des chefs

et

Casman

Loualou pour obte-

nombreux travailleurs indignes; les femmes


enfants contriburent mme, en apportant des feuilles de loango
nir le concours de

et les

et des

bambous, hter l'excution des btiments.


Jamais un agent de l'Association appel fonder un embryon de ville
n'avait rencontr chez les indignes d'un district, peu de mois aprs son
arrive parmi eux,

la

mme

sympathie persvrante,

les

mmes

appuis

nous pouvons crire aussi le mme attachement, que ceux dont


Casman dans le district de Mukumbi.

efficaces,

jouit

Ds
de

la

le

mois de

population noire.

gens doux

natifs,

ser autour

Dans

de

mundel Kata Mandala tait littralement ador


Chaque soir, lorsque le ciel le permettait, tous les

juin, le

et timides, venaient solliciter la faveur

l'habitation de

la journe,

Casman pouvait

armes, la pipe a la bouche,

gne; en

le

voyant, les

de chanter

et

dan-

Casman.

le

se

bton

promener

la

et

poursuivre seul, sans

main, ses rveries dans

femmes occupes aux travaux de

la

campa-

culture cessaient

leur besogne pour venir

lui et le saluer; les enfants dlaissaient leurs

jeux pour courir leur

pre blanc

et l'appeler leur

lui

prendre

les

mains en riant

bon Kata Mandala.


civilisateur, prouvait

Casman, vritable aptre

un charme

indfinissable

se concilier chaque jour davantage l'attachement, la fidlit de ces tres

chez qui

les

germes de tous

les

dons du cur paraissaient

exister.

loisir des journes du dimanche, le blanc se risquait


d'un seul interprte jusqu' l'un des petits villages
accompagn
volontiers
amis sis aux alentours de Mukumbi. Il s'avanait sans crainte au milieu
des natifs et s'arrtait sur l'unique place de l'endroit, espace libre o un

Aux heures de

bombax gigantesque formait sous


de

ses votes

comme une espce

Les habitants se groupaient en jnasse autour de

lui;

les chefs lui

sou-

comme

eux

haitaient la bienvenue et l'invitaient se reposer, s'asseoir

sur

du

de kiosque

la conversation.

le

maigre gazon, tapis de verdure toujours prserv des rayons ardents

soleil.

Dans ces parages

les siges sont

inconnus, les indignes s'assoient

par terre la faon des orientaux, soit pour prendre leurs repas, soit pour

vaquer

leurs occupations

de tisserands de

fibres

de palmiers.

LES BELGES DANS L AFRIQUE CENTRALE

-187

Alors, les conteurs imagination fconde improvisaient des rcits

mou-

vants de chasse ou de guerre, des histoires d'amour, et beaucoup moins

qu'en Europe des cancans sur

compte

le

d'autrui; d'autres captivaient

l'attention d'un auditoire merveill en dcrivant des


les

armes

de

Cham

C'tait

Casman

feu, la

poudre,

le sel et

tous les bibelots chers aux descendants

s'offraient

par montagnes

aussi

moment o

le

pays fantastiques o

la

disposition de tout venant.

certains

courtisans

ngres

encensaient

racontaient les prouesses

et

de chasse du mundel. Casman, excellent tireur, avait parfois abattu au vol,

devant une nombreuse assistance indigne, des aigles

communs dont

plumes ornaient depuis certaines


de l'endroit, ttes que

plus habiles

les

d'Europe auraient de

coiffeurs

les

ttes

la

peine

reproduire.

Aussi

Casman

tendait-il sans cesse,

a plusieurs lieues la ronde, de

bonnes

relations avec ses noirs voisins.

Doux

et patient envers les natifs,

russissait

il

les attirer et gagner

toutes leurs sympathies, au point d'tre

admis aux crmonies


de ces
Il

les

plus intimes

pa'iens.

put

assister,

en

ment d'un homme


Kibango; l'inhum

juillet, l'enterre-

du

libre
tait

village de

mort depuis

plus d'un au.

Un enterrement donnant

lieu

de

grandes rjouis.sances, presque tous

les

habitants des envirrif&'taient hts


d'afluer
fusils,

Kibango,

d'autres

les

avec

INSTRUMENT DE MUSIQUE.
(

COLLECTION DE M. FLEMING

).

uns avec leurs


leurs

instruments de musique,

tous

avec

une

respectable quantit de malafou.

Pour

la

circonstance,

ils

se mettent en frais de toilette; ils se teignent les

cheveux en rouge ou en bleu

et s'enduisent

soigneusement

le

corps d'huile

de palme.
N'exhalant naturellement aucun parfum suave,

ils

rpandent aprs de

pareils maquillages une odeur nausabonde, capable d'asphyxier

un blanc

l'odorat sensible.

distance

CHAPITRE VINGTIME

488

Casman estima

six ou sept cents

le

nombre des personnes, hommes,

femmes, enfants, qui devaient prendre part la fte funbre de Kibango.


A l'poque o le hros de cette fte tait mort, un an auparavant, avonsnous dit, on l'avait plac, selon la coutume, sur une espce de gril en
branches de palmier, sous lequel un feu nourri de bo.s odorant, feu sans
flammes, mais qui produit une fume acre et paisse, avait transform

le

cadavre en une sorte de jambon fum.

Le dfunt n'tant pas un personnage d'importance, on ne


qu'un an dans cet tat
et

mme

un notable et

conservait

gard deux ans, un chef trois ans

davantage.

Donc, Casman tant prsent, on

Tout d'abord on supplia

le

commena la crmonie de l'enterrement.

mundel de donner quelques mtres

couleurs diverses, pour ensevelir

le

Les toffes furent dlivres.

de couleur rouge enveloppa

On

tel

les utilisa

la tte, les

d'toffe

de

cadavre fum. Impossible l'agent

de l'Asssociation de se soustraire un

bras et

emprunt
de
la

fonds perdus.

la i'aon

suivante

partie thoracique

l'toffe

du mort;

bleu entoura les jambes, et quelques fragments de calicot blanc

le calicot

sur

le

rouge reprsentrent

l'toffe

momie.
mannequin

les

yeux,

le

nez

la

bouche

et les oreilles

de

cette future

Puis

le

ainsi

obtenu fut expos sur

place du village, main-

la

moyen d'une pique, et tenant un grand coutelas attach la


main droite. Autour de lui commena le dfil des assistants.
La musique, un orchestre infernal dont les sons discordants, que l'on ne peut

tenu droit au

se figurer et qui semblaient essayer de rveiller la

cde

le

cortge. Puis Viennent les

femmes de

momie elle-mme,

l'endroit; elles ont

jour-l leurs atours les plus beaux, et par suite elles sont

hideuses

un enduit de goudron dcoule de leurs

leui^s cous,

sur leurs paules, sur

dguisent mal

les seins;

En passant devant

le

un

les

ttes,

pr-

mis ce

un peu plus

de leurs fronts, de

mouchoirs d'une couleur douteuse qui

cercle d'ocre rouge entoure leurs yeux.

cadavre, elles chantent, parlent, gmissent,

gam-

badent, trpignent avec une douleur simuKe, empruntent au malafou une


voix rauqu et stridente et aux acres bouffes de leurs pipes de chanvre

quelques larmes forces.

Parmi

elles,

il

est

On

croirait voir

une horde de furies infernales.

de jeunes mres qui secouent dans leur dlire factice de

pauvres nourrissons qu'elles portent attachs sur leurs paules, pauvres


petits jetant la seule note rellement triste et douloureuse au milieu

cette

de

curante crmonie.

Aprs

Vacarme

la

manifestation des femmes, vient

est

le

dfil

des

hommes. Le

son comble; Casman en pouve un violent mal de tte;

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

489

cur, asphyxi, assourdi, aveugl par des douleurs nvralgiques, il essaye

vainement de s'chapper par quelque issue ces scnes de sauvagerie.

En

treintle blanc

De

une ceinture d'tres qui n'ont d'humain que

cet instant,

le

corps

bouscule, le porte jusque devant le mannequin.

et le

du cadavre,

solides gaillards, dtachs de la foule, s'emparent

le

mettent califourchon sur des branches d'arbre, et tandis que quatre d'entre

eux placs de chaque ct de

douze autres

le

saccads, le font sauter en

comme

momifi

l'air. Ils

mouvements

jouent en quelque sorte avec ce cadavre

avec une balle en caoutchouc.

Le mannequin bondit

et rebondit

douze bourreaux,

le

clats de rire

de

l'espace par ses

cadavre menace, en retombant, de ne pas enfourcher


des porteurs tiraillent alors

la civire; les acolytes

bras ou les jambes,

aux acclamations, aux

vigoureusement projet dans

l'assistance enivre. Parfois,

nant des

maintiennent en quilibre,

la civire le

soulvent, et en dansant lui impriment des

remettent en position,

le

le

mannequin par

les

en lui don-

et lui enjoignent,

de se tenir en quilibre. Les

soufflets,

assistants rient se tordre.

Soudain
plant

cesse:

le jeu

comme un

on enlve

cierge dans la

le

coutelas

main droite du

cadavre, qui est attach par des lianes sur

la

civire effeuille.

mort
un
champ
voisin
l'on
doit
transport jusqu'
o
.,
u
r
^
n
r
procder
a 1 enfouissement. Un reiram mono^

La

foule se forme en cortge et suit le

tone

et

lugubre beugl, en chur par

l'assis-

PIPE A DEUX FOUKNEAUX,


POUR LE CHANVRE ET I.E TABAC.
(collection de m. fleming).

tance avec accompagnement discordant de tambours, de trombes, de


le

dpart de

la place

fifres,

du

de tam-tams, rpt plus de vingt

village, cesse

seulement devant

le

fois

depuis

trou creus

deux mtres cinquante centimtres de profondeur, qui doit


dpouille bien peu respecte du dfunt.
Autour del fosse, les assistants se groupent encercle.

recueillir la

On dtache le mannequin un ngre vigoureux le soulve par les paules,


;

d'autres lui tiennent les jambes serres et on le fait glisser verticalement

dans

le

trou de faon a

alors recouvert de terre

Prs de

la

tombe

les

le

maintenir dans une position verticale;

amas de gros cailloux.


danses et les chants recommencent de plus

il

est

et d'un

on vide des calebasses de malafou,

l'orgie

est

son

comble

et

belle,

dure

jusqu'au lendemain.

Casman

avait

LES BELGES. 11.

la veille,

pour s'esquiver aussitt

le

cadavre enfoui,
(JJ

CHAPITRK

490

implorer

secours des chefs de la localit; on lui avait

le

gne de l'admettre

crmonie,

la

la

fait

l'honneur insi-

populace considrait sa retraite pr-

comme un affront.

cipite

Le

VINGTIKME

aot 18S3,

^'^

}^^^ succda une nuit des plus sereines o Casman.

impuissant trouver

le

sommeil, avait tristement song aux cts pnibles

de son existence a Mukumbi.


Confin dans un district perdu au milieu des montagnes, perdu

mme

en quelque sorte entre l'immense valle du Congo

du haut

Niari,

tait

il

lis et ressentait,

spar durant des semaines entires du

en dpit de ses labeurs

et

quelques accs invitables de nostalgie

Casman

le

baume de

lui-

et l'troite valle

monde

civi-

de ses tudes ethnographiques,

boueuse Mata ne versait pas

la

l'oubli.

Son isolement au milieu des noirs durait depuis plus de trois mois; il
prouvait comme un vague dsir de revoir un Europen, de parler la langue de son pays avec un compatriote, avec un ami.
Vers huit heures du matin, des coups de feu simultans tirrent Casman
de ses mditations soucieuses. Son serviteur Ouldi pntrait sans frapper

dans l'appartement du matre


caravane conduite par trois

A onze heures

le

annonait l'approche d'une nombreuse

hommes

blancs.

Van Kerckhoven,MM. Massari officier italien,


sudois, changeaient avec Casman sur le plateau de

lieutenant

et Daenfeld, officier

Mukumbi

et lui

des paroles de prsentation remplies de cordialit.

Van Kerckhoven, relev de son commandement d'Issanghila, tait charg


de conclure des traits avec les tribus des environs de Mukumbi; il
devait en outre transmettre Stanley un rapport sur les travaux de
Casman.
triote

Il

s'empressa d'adresser les plus vives flicitations son compa-

au sujet des nombreuses constructions

Nous savons que Casman

et des jardins

avait pu. grce

de

la station.

aux bonnes dispositions des

indignes, suppler l'insuffisance numrique de son personnel noir.


avait amsi en quelques

en difiant

mois

ralis,

outrepass

Il

mme les plans de Stanley

maison d'habitation destine aux blancs, les huttes des travailleurs noirs, et en crant de gracieux jardins, joignant l'utile l'agrable, les

la

lgumes

Mukumbi

et les fruits

ravitaill

aux

fleurs et

copieusement par

aux ravissants
la

feuillages.

caravane de Van Kerckhoven

parut aux blancs, durant quatre jours, un den dlicieux.

Ces quatre journes bien remplies furent employes par


visiter successivement les centres les plus considrables

villages de Koumassie, M'soundi,

un bon

accueil leur fut

fait,

du

les blancs a

district, les

Louangou, Tchakoula, Yakota. Partout

grce leur bienveillante attitude,

et

partout

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

des
les

491

des conventions pacifiques, furent conclus ou bauchs avec

traits,

populations.

Van Kerckhoven, enchant des rsultats de sa mission, quitta Mukumbi


en confiant Casman le soin de terminer l'acquisition des villages de la
contre au protectorat de l'Association.

Au cours des dmarches


prouve combien certains

tentes par Casman,

un

trait

remarquable, qui

peu

roitelets indii;nes mritent

les qualificatifs

de despotes ou d'autocrates, fut not par l'explorateur.


.Ayant a conclure

Casman

peau bleu

un

avec une tribu assez loigne de

trait

seulement de son

et en coinpagnie

la station,

une hampe primitive orne du dra-

rendit sans armes avec

s'y

fidle

Ouldi

et

d'un

interprte.

Le

village,

o sigeaient

les chefs

de

la tribu,

absolument dsert. Mais Casman, connaissant

la

tait

faon

d'agir des indignes de cette contre, s'assit au pied


/'

d'un bouquet d'arbres, alluma tranquillement sa pipe


et attendit.

Aprs un quart d'heure d'attente environ, il aperut


un diz.iine de naturels qui se dissimulaient derrire
un buisson et qui l'examinaient avec curiosit.
Voyant le blanc immobile, les curieux s'approchrent lentement, a pas compts,
distance

du fumeur,

ils

et,

arrivs

une

faible

changrent voix basse quel-

ques mots avec Ouldi, puis s'avancrent un peu plus.

Casman devint

bientt le centre d'un groupe de dix

indignes.
ft

PEIGNE (collection

Je voudrais connatre le grand chef de cette tribu,

DE M. FLEMING).

demanda-t-il sans s'mouvoir.

Un grand

et

paraissait sous

vigoureux jeune homme, dont l'abondante chevelure dis-

une montagne de plumes

d'aigle,

avana timidement vers

le blanc.

Casman
but de sa

lui tendit la
visite,

main,

le

salua respectueusement et lui exposa

en faisant dans son discours ressortir

les

avantages que

le

la

conclusion d'un trait procurerait son pays.


<i

Je crois vos paroles, rpondit

dans

les

marchs des environs

le

chef indigne;

faire l'loge

Actuellement

il

ny

connus de nous

tous,

mais

je

hommes riches et pauvres de


autour de moi qu'une dizaine de conseillers,

n'entreprends jamais rien sans consulter les


tribu.

souvent entendu

de Kata Mandala; son courage,

sa bont, sa gjnrosit. ses richesses, sont

ma

j'ai

CHAPITRE

492

je vais faire

appeler

VINGTIME

autres et nous verrons ce qu'ils dcideront.

les

Une demi-heure aprs, le conseil tait au complet; ii lui exposa longuement et gravement la proposition du chef blanc de Mukumbi.

On
pour

dlibra quelque
et le contre,

dapprobation

la

temps, chacun prenant

donnant son

avis; enfin

la

parole, discutant le

on vota par gestes

et

marques

conclusion du trait soumis. La conduite de ce jeune chef

ngre peut servir d'exemple plus d'un g-ouvernant lu chez des peuples
d'Europe.

civiliss

De retour la station, Casman apprit avec peine la dsertion de deux de


hommes, deux Haoussas.
Svre au besoin, mais toujours juste et bon envers ses subordonns, le

ses

chef de
fit

Il

Mukumbi

ne savait quelle cause attribuer cette fuite soudaine.

une enqute immdiate pour s'assurer des sentiments du restant de

garnison.

la

En

gnral, les noirs enfants de l'Afrique ont une propension fatale

l'imitation, surtout lorsque l'exemple

donn encourage leurs mauvais

instincts.

Les serviteurs de Casman firent


ils

exception cette rgle

fcheuse

aflirmrent non seulement leurs intentions de servir loyalement leur

bon

chef,

mais encore leur dsir de poursuivre

les

coupables et d'aider

a les chtier.

Quelques-uns d'entre eux furent, sur leur demande, chargs de retrouver


les traces des dserteurs.

Ces derniers ne devaient pas tardera payer bien cher leur insubordination. Partis sans armes dans la direction de Kimbedi, ils s'taient arrts,
demi-morts de faim et de fatigue, au village de Mukengi.

un ennemi intraitable et jur des blancs, le froce U'issasala. Depuis plusieurs jours les nouvelles des soumissions des villages voisins au protectorat de Kata Mandala
Cette localit tait gouverne par

un

vritable sauvage,

emplissaient d'indignation et de haine


coin de

la terre

le

cur de

ce possesseur-n d'un

d'Afrique.

Wissasala paradait ce jour-l sur laplacede Mukengi. Suivi d'un ramassis


de courtisans, il allait de l'talage d'un marchand d'toffes la boutique en
plein vent d'une ngresse accroupie au milieu de ses corbeilles empl.es de
fruits et

de lgumes; plus

loin,

il

jeunes esclaves mles et femelles

en connaisseur, ttant
natre au

nombre

s'arrtait
qu'il

les ctes, les

et la qualit

devant des denres humaines,

examinait attentivement en expert,

bras et les jambes, cherchant recon-

de leurs dents

cune de ces malheureuses cratures.

la

valeur attribuable cha-

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Les habitus du march s'inclinaient sur


ques-uns, plus hardis, venaient

un d'eux lui dit


blanc de Mukumbi, qui

environs;
le

lui

le

raconter

avait

passage de Wissasala; quel-

les

l'exploit pacifique

493

vnements survenus aux

remport

par

l'avant-veille

soumis une tribu avec deux

hommes

et

un drapeau.

Ah

ce blanc maudit, qu'il ose venir sur

d'toffe et

son troupeau d'esclaves,

chefs des villages voisins

mes

terres avec son ftiche

saurai venger, moi, la lchet des

je

Soudain ces imprcations furent interrompues par un tohu-bohu inexnatifs tranaient par des cordages de lianes les deux Haous-

primable des
;

sas puiss et les conduisaient, au milieu des accents de triomphe de la

multitude, devant

Wissasala

ie

juge suprme de l'endroit.

reconnut

kumbi. Un sourire de

sans

peine

du blanc de Mu-

serviteurs

les

ioie froce plissa ses lvres,

assouvir une partie de sa vengeance, racheter par

le

il

pouvait l'instant

sang des Haoussas

les

prtendues fautes commises pur l'homme blanc dtest.

Ces

dels;

hommes

il

sont vous,

c"ia-t-il

la foule;

ils

mun-

sont vendus aux

faut les massacrer, les brler ici-mme, et jeter au loin leurs

cendres: ce sont des ftiches malveillants.

Les captifs sont aussitt assainis par

foule coups de bton, de hache,

la

de couteau. Hommes, femmes, entants, poussent des hui'lements atroces,


se livrent de violentes contorsions, se disputent entre eux

frappera leur tour

les

infortuns exposs cette hideuse cure.

Les cadavres horriblement mutiles sont

bourreaux plus acharns encore


chair palpitante

clameurs

et les

et les

sance tenante. Quelques

promnent en hurlant au-dessus de

fidles

la

la foule,

la st..t.on

et

dont

les

puissance de l'assassin Wissasala.

de Casman, mis au courant de cette

ture par des indignes revenant

prudemment sur

grills

an achent aux flammes des lambeaux de

chants froces clbrent

Les serviteurs

pour russir

sinistre

aven-

du march de Mukengi, se replirent


firent

connatre

au blanc

le

sort

des

deserteuis.

Cdant un premier mouvement d'indignation, Casman rsolut d'infliger au peuple de Mukengi un chtiment exemplaire. Il recevait prcis-

ment

un l'enloit de soldats haoussas qu'il lana sur les barbares administrs de Wissasala.
Nanmoins', loin de favorisji l'ardeur au massacre et au pillage des belliqueux guerriers de Lagos, Casman empcha l'incendie de .Mukengi et se
contenta d'imposer Wissasala vaincu et captif la ratification du trait qu'il
cette date

n'et pas russi lui faire accepter par la persuasion

ou

la

douceur.

CflAPITRF

494-

\'INGTir:ME

cet exploit, qui rangeait sous le protectorat de l'Association

Peu aprs

Mukumbi, Casman tait appel par l'agent


commandement d'une station nouvellement

tous villages du district de

suprieur de l'Expdition, au

cre sur les rives du haut Congo.

Le

septembre

14

1884, AI.

Rdmonds, ancien chef

d'Issanghila, venait

succder Casman.

Le

15, le

fondateur de Mukumbi-Station quittait ce poste hospitalier

par excellence, o

avait vcu sept mois sans avoir eu chtier par les

il

armes d'autres voisins que


Mukengi.

Lorsqu'ils apprirent le dpart


district se rendirent

chef dgrad et sauvage du village de

le

en masse

imminent de KataMandala,
la station.

Toute

la

les

indignes du

matine du

15

septem-

bi'e ce fut un dfil sans fin de chefs de tribus et de vassaux venant faire
Casman de touchants adieux et lui apporter, qui un poulet, qui un rgime

de bananes, en signe de reconnaissance


preuves

Ces

pleines

d'affection,

et d'inaltrable

attachement.

donnes notre compatriote par

une population nagure hostile aux hommes blancs, disent mieux


que n'importe quel commentaii'e combien les procds de patience, de
persuasion, de douceur, et l'occasion de fermet, mis en pratique par
l'agent dvoudel'Association, avaient opr

dans

de

le distiict

Moukoumbi

d'heureuses mtamorphoses.

Le
20,

il

qui

il

i'^

septembre, Casman passait .Manyanga une journe de repos;

en partait pour rejoindre a Liopoldville

comptait remonter

la capitale

le

le

le

capitaine Hanssens avec

fleuve jusqu' l'Equateur: le 26,

il

s'arrtait

dans

Congo moyen.

future du

Nous empruntons

la

correspondance de Guillaume Casman

les dtails

intressants qui suivent, relatifs son sjour dans cette station.

Arriv au Stanley-Pool

le

26 septembre, je n'y ai pas trouv

pour

le

haut Congo

Hanssens:
jours;

il

prendre

il

est pai'ti

m'a toutefois
le

fait

savoir que

commandement de

la

Voici en quels termes flatteurs

J ai t

d'ailleurs agi

dans

D'aprs tous

que dans quelques

pour

capitaine Hanssens avait crit

Casman,

de l'Equateur. Lorsque

vous avais promis de songer

ici

capitaine

officiellement dsign

heureux d'apprendre que vous tes

comme commandant
je

ne sera

j'tais

station de l'Equateur.

le

au sujet de sa nouvelle promotion

et

le

a vous.

satisfait

je

vous

de votre nomination

ai quitt

Vous voyez que

j'ai

Manyanga,

tenu parole.

mme de l'Association.
renseignements qui me sont parvenus,

J'ai

l'intrt

les

vous avez

fait

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Mukumbi,

des merveilles

et

il

n'tait

position en rapport avec vos aptitudes.

que

juste de vous

497

donner une

Mais avant de se rendre sa nouvelle destination, Casman dut sjourner

deux mois environ

sons entre les natifs

Lopold ville, o

il

de ces parages

se plut tablir des


et

ses

comparai-

anciens administrs

de

Mukumbi.
Ici (crit-il

en octobre 1884)

les

indignes sont doux et trs familiers

SIGE, (collection DE M. FLEMING}.

avec

les

blancs dont

le

contact leur a beaucoup profit.

et plus propres que ceux de

Chaque jour

ils

Mu

sont plus beaux

lumbi.

viennent au magasin de

pli en

deux)

est la

pour vendre leurs

la station

produits et pour acheter des toffes. Le mitalio

mtre vingt centimtres,

Ils

(fil

de laiton d'environ un

valeur reprsentative. Tout

cher LupoldviJe. Je dois pa3-er une poule huit et quelquefois dix


mitakos, tandis qu' Mukumbi j'obtenais huit poules pour une pice de
est

douze mouchoirs (valeur infrieur au moins de moiti); une petite chvre


ne

me

cotait qu'une brasse de flanelle rouge

>.

Les marchs sont excessivement curieux. Celui de

quent par plus de quatre cents personnes;

ici le

Mukumbi

nombre

est

tait fr-

beaucoup plus

considrable.
LES BELGES.

II.

63

CHAPITRE

498

VINGTIME

Les femmes y arrivent chari^es comme des mules. Elles y apportent du


manioc, diffrentes espces de bananes, des arachides et une espce de
lgume tout prpar, ressemblant assez nos pinards.

Le tout

sant sur

le

est

contenu dans une grande hotte suspendue

repo-

la tte et

dos. Ces malheureuses ploient sous le lardeau. Quelques-unes

d'entre elles ont en outre

un moutard camp
ches.

han-

brle-gueule

le

bouche.

la

\)

califourchon sur les

Presque toutes ont

Les

hommes prsentent en vente du

des poules, des chvres

article est considr

des rats fums

dans une broche. Ce dernier

(poukoiis) passs

le nec plies ultra

et...

tabac,

de

par les indignes

comme

la friandise.

L'animation qui ryne dans

a quelque chose d'infernal

les

marchs

monde

tout ce

noir va, vient, crie, gesticule,

rit,

se dispute,

un vacarme pouvantable.
Le costume est des plus simples
un mouch'jir ou un petit morceau d'toffe autour des
se bat et fait

reins.

A Mukumbi

les

femmes

n'avaient pour

tout vtement que deux morcerux d'toffe,

comme la main
derrire. A Manyanga

larges

pipe a chanvre,

(collection de m flemlno).

l'un

devant, l'autre

jeunes

les

filles

de

quinze seize ans n'ont qu'une ou deux ranges de perles attaches autour de
il

la taille. Ici la

y a quelques jours la station, avait autour

un rouleau de
a

Les gens

femme

d'un chef, venue

du cou, en guise de

collier,

cuivre pesant au moins quatre kilogrammes.


les

plus hupps de l'endroit se drapent firement dans une

pice de mouchoirs.

Le capitaine Hanssens

steamer A.

min

I.

est arriv

Lopold ville

le 31

octobre bord du

A. (Association internationale africaine). Bien qu'ayant ter-

ses trois annes,

M. Hanssens comptait rester encore

six

mois en

Afrique. Malheureusement, par suite de circonstances qui sont demeures

un mystre pour

ses

compagnons,

il

a pris soudainement la rsolution de

retourner en Europe.

Ce\dpart m'attriste beaucoup;

c'est

une immense perte pour toute

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

la colonie belge.

Non seulement par son

M. Hanssens avait su s'acqurir toutes


ses

les

caractre bienveillant et ferme

sympathies, mais

camarades par son grade d'abord, ensuite

qui font de

490

et surtout

il

s'imposait

par ses qualits

un des officiers les plus savants et les plus distingus de


un explorateur infatigable, un chef moins autoritaire que

lui

l'arme belge,

M. Stanley.
a

Une expdition compose de

trois

steamers vapeur part

le

novem-

bre courant pour le haut Congo. Le capitaine Hanssens m'a brle-pour-

charg de diriger

point

l'Equateur, o

et

de

remplacerai

je

le

commander cette expdition jusqu'


lieutenant Van Gale, chef actuel d'une

station.

Je prendrai place bord de

\En Avant; sur ma

route, j'aurai a faire

plusieurs palabras et conclure divers traits. C'est une lourde tche que

m'a donne
tirer avec

le

capitaine Hanssens, mais

honneur.

Ainsi s'exprimait

Congo

je ferai

de

mon mieux pour m'en

le

la ralisation

vaillant explorateur prs de poursuivre vers ie haut

d'une mission,

et

que de loyau.x

et signals services

avaient ds la premire anne de sa prsence en Afrique mis au rang des

plus fidles et des plus dvous serviteurs de l'Association,

Avant de retracer son uvre au cur du noir continent, nous devons


reprendre par ordre de dates

le

rcit des expditions successives diri-

ges par les pionniers belges rallis

bannire bleue, en amont du

la

Stanley-Pool.

Nous ne pouvons nanmoins terminer l'bauche historique des brillantes


du Congo infrieur et
moyen, sans consigner dans notre prsent volume les noms des vaillants
entreprises conduites par les Belges sur les rives

et hardis

champions qui vinrent, en l'anne

1884, grossir la cohorte glo-

rieuse de nos compatriotes, et affermir la conqute bienfaisante, les pre-

miers rsultats de l'uvre pacifique et humanitaire du Congo, devant


lesquels le

monde

civilis manifestait

tmoignages de gratitude

Le mois
au

3"=

3, 2')

S. M. Lopold

II

les

plus loquents

et d'admiration.

d'avril 1884 avait

amen MM. Arthur Weber, ancien adjudant


commander la station de Mayombo (lat.
:

de ligne, qui fut appel

sur la cte occidentale, au nord de l'estuaire de Banga;

Camille Van den Plas. ancien sergent major au S"" de ligne, attach
Lopoldville, en qualit d'agent comptable

Edouard Manduau, capitaine de


verons chef de Kimpoko

la

marine marchande, que nous retrou-

CHAPITRE

500

VINGTIEME

Delatte, lve de l'cole de navigation d'Ostende, attach au service des

baleinires de

Manyanga;

Ruen, mcanicien

En mai

i8S.},

bord del Belgique.

arrivrent

MM.

Georges Stelcman, adjoint Issanghila;


Pierre Robbc, adjoint Man3'anga;

Lon Stvart, adjoint Lopoldville;


Nilis, frre du lieutenant Arthur Nilis, mdecin de bataillon au 2"' de
ligne, qui fut chef du service sanitaire Lopoldville et sut se concilier
l'estime et la sympathie de tous ceux qui l'y ont connu.
Plus tard, en juin, Emile Van den Heuvel, frre du docteur Thophile
Van den Heuvel, et attach au sanitarium de Borna.
En aot Claude Zbonski, capitaine commandant au 3"" d artillerie;
:

George Lemarinel, sous-lieutenant au rgiment du gnie, attachs tous


deux au transport d'un steamer baptis du nom de Stanley.

CHAPITRE XXI

- Nouvcau-Vivi. - Mort d. FUtmini. - Les


au Congo. - Les aniProjet d'un chemin de
jalons hospitaliers de Boma LopoldviUe.

I.e

lieutenant colonel Sir Francis de

Winton.

fer

maux domestiques du bas Congo.

'uSQu'ici.

lidcle

au

titre

sommes born au

du prsent ouvrage, nous nous

rcit

des tapes, des travaux et des

aventures des pionniers belges en Afrique.


que de nomPas un de nos lecteurs n'ignore cependant
ct
Europens de nationalits diverses ont de leur

breux

contribu ouvrir aux investigations de la


cTc^lT Triuvre africaine, et
Congo dont il y a huit ans peine on ignocivilisation l'immense bassin du
rait

compltement

le

cours entre Vivi

et

Nyangou.

CHAPITRE

502

MNGT

ET UNIME

La relation mme abrge des expditions, des dcouvertes ralises par


chaque agent de la Socit internationale, ncessiterait des chapitres o
des redites, des descriptions identiques de paysages, de murs et coutumes indignes, se glisseraient sous notre plume.
nous parat nanmoins juste

Il

et utile

de mentionner

les

noms de

cer-

tains de ces vaillant agents trangers de l'Association, et d'indiquer brive-

ment

large part qu'ils ont prise l'enfantement de l'tat libre dont

la

M. Lopold

S.

En

II

devait tre

le

premier

roi.

1884, l'Association n'tant pas encore

une puissance reconnue,

c'tait

un groupement de volonts qui cherchaient arracher un vaste territoire


une socit philanthropique cre en haine de l'esclavage, en
haine surtout de l'affreux commerce de chair humaine prs de faire disparatre d'une rgion bnie la majeure partie des races qui l'habitent.
A l'exception du Portugal, ce petit pays qui rvait de nouveau la granla barbarie,

deur coloniale

et voyait

avec jalousie

le

succs d'une entreprise prive,

l'Europe entire sympathisait a l'uvre du

outre

ciation,

ses

encouragements,

Congo

et

prodiguait l'Asso-

explorateurs d'lite et

des

des

capitaux.

M. Stanley, dirigea pas de gant

L'illustre explorateur anglais, H.

les

oprations en Afrique jusqu'au mois de juin 18S4.

commandement en chef de l'expdition


camp de S. A. R. le mar-

cette date, Stanley remettait le

au colonel

sir

Francis de Winton, ancien aide de

ks deux ordres du jour adresss par Stanley au


personnel de l'Association internationale du Congo, au moment de son
quis de Lornes. Voici

dpart pour l'Europe

Vivi, le 6 juin 1884.

"

Le lieutenant colonel

et jusqu'

nouvel ordre,

internationale
affaires

sir

les fonctions

du Congo.

de cette

Francis de

Il

le

Association et

Winton prend,

partir de ce jour

d'agent suprieur de l'Association

commandement suprme de

comme

tel

toutes les

a droit l'obissance

de

chacun.

Sign

H.

IVl.

il

la

agents de l'Association ont rempli leur mission pendant

ont t placs sous ses ordres, et

il

Vivi, le 6 juin 1S84.

L'agent suprieur, avant de partir pour l'Europe o

motif de sant, dsire exprimer sa vive satisfaction pour


les

Stanley.

retourne pour

manire dont
le

temps

qu'ils

adresse plus particulirement ses

remerciements ceux auxquels, pendant


fait appel pour des services spciaux.

les

quatre annes coules,

il

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

<i

C'est avec

l'espoir

Il

un profond regret

qu'il leur fait ses

que son successeur obtiendra d'eux

le

mme

l'uvre

l'immense influence que

celle-ci est destine

dans laquelle

Sign

-Avant son dpart, Stanley avait achev Vivi

dplacement de

En

lon sur lequel

trop troit pour

il

exprime

le

sentiment de

sont

engags

et

la

de

exercer sur ces rgions.


:

H. M. Stanley.

un

travail considrable

la station.

raison de l'accroissement extraordinaire


la

ils

et

concours dvou.

espre aussi que les tigents continueront a avoir

grande importance de

le

adieux

503

du poste de

'Vivi, le

station fut primitivement installe avait t

l'utile

dveloppement d'une

ville future.

Toutes

mame-

reconnu
les

con-

structions avaient t dmontes et transportes, avec ce qu'elles renfer-

maient de marchandises

et

d'approvisionnements de tout genre, 1,500

mtres au nord, sur un plateau plus large

et

adm.irablement situ.

Le nouveau Vivi doit tre reli au dbarcadre du Congo, BelgiqueCreek, par un petit chemin de fer voie troite, et long d'environ deux
kilomtres, dont la construction est dj commence.
Le personnel blanc deNouveau-Vivi

se

compose du lieutenantdeWinton,

administrateur gnral: du docteur Leslie. secrtaire; du major Parminter,


chef de division; de M. Shaw, chei de station; du comte de Pourtalis,
adjoint; de M. Monet, agent comptable en chef; de M. Cranshoff, son adjoint;

de

MM.

Ledien, agronome, Harris et Martin, charpentiers.

Nouveau-Vivi
les

est

devenu en

ralit la capitale

du bas Congo

civilis,

dont

futures villes principales, aujourd'hui simples stations de l'Association,

sont Boma, Ikungula, Nokki et Mpozo.

Boma(lat. 5 47', longitude 13"" 10') a pour chef le docteur Allard, directeur
du sanitarium, ayant sous ses ordres "Van denHeuvel jeune, Sichmann, agronome. Ce dernier a enrichi le sol concd de plantations de sorgho et
d'eucalyptus constituant
respirent un air pur,

un parc

l'abri

vritable dans lequel les convalescents

d'ombrages salutaires.

Le docteur Allard, dont la sant avait t fort branle au cours des premiers mois de son arrive au Congo, a heureusement rsist au climat africain, se dvoue compltement l'uvre humanitaire dont il est charg.
Le sanitarium de Boma, a t construit en Belgique par M. Lassinat, de
Braine-le-Comte, sur les indications du docteur Allard, A ce sujet, nous
ajouterons que M. Lassinat, concitoyen de

Gillis, a

fabrique un certain

nom-

bre de maisons en bois destines au nouveau Vivi et qu'elles ont t conduites leur destination par M. de Beyghere, chef charpentier au service de

CllAlTIRL VINGT ET UNIME

504

l'Association. Les

maison Cambier

Le

meubles qui garnissaient ces habitations sortent de

la

frres, Ath.

31 juillet 1884,

un des plus anciens

et

des plus dvoues agents de

socit, Francesco Flamini. chef mcanicien

rium de Borna. Aprs avoir

du Royjl, mourait au

durant quatre annes toutes

rsist

ques d'un climat pernicieux, cet infortun tombait victime de

la

sanita-

les atta-

la terrible

fivre bilieuse.

L'Association a perdu en lui un artisan trs habile,


difficults

rompu

de son mtier, un agent d'une intelligence, d'une

toutes les

activit,

d'un

zle remarquables, d'une fidlit toute preuve.

restera attach a l'uvre laquelle

nom

Stanley a baptis du

il

Le souvenir de Flamini
donn sa vie on n'a pas oubli que

de ce mcanicien l'une des cataractes du bas

Congo.
Borna compte en outre une colonie commerante belge: M. Delcommune,
directeur des factoreries tablies par

Luce

et

Gillis,

a pour adjoints

MM.

de Kuyper,

Uytdenbroeck.

M. Delcommune,

homme sympathique

pour

et trs intelligent, a

les

agents de l'Association de passage Borna toutes sortes de prvenances et


d'attentions.
Il

offre

htes.

chacun une cordiale hospitalit

Nanmoins

il

de bien traiter ses

et s'efforce

ne parvient pas pouvoir servir

lgumes aux convives

avec

qu'il rgale

le

le

moindre

plat de

produit de ses chasses l'hippo-

potame, car on ne rencontre Boma, ni dans

environs auCLin jaidin

les

potager bien cultiv et qui rapporte. Pourtant dans

les pa5's

tropicaux les

lgumes accompagnant la viande sont une des conditions hyginiques


importe le plus de pratiquer.

Indpendamment des

mune

services rendus par lui aux voyageurs,

enrichit de pices curieuses

le

musJe de

l'Association.

iM.

qu'il

Delcom-

Une de

ces

pices entre autres, qu'il avait reue en cadeau d'un roitelet ngre des envi-

rons de Boma, mrite une description spciale.


C'est

une idole en bois sculpt figurant un homme,

et

haute

d'

un mtre

dix centimtres.

La sculpture en est des plus grossires; la tte et les brus s'emmanchent


nanmoins au corps d'une faon heureuse. Les yeux sont occups par denx
petits miroirs.

Le corps

est hriss

de clous, dus sans doute

la

pit des

fidles.

Lorsque ces derniers avaient en

effet

adresser une prire ce ftiche,

captaient son attention en lui enfonant au hasard dans les

jambes on

le

bas-ventre,

un

clou d'une longueur inusite

ils

bras, les

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Puis

lui

ils

505

donnaient des lambeaux d'toffe en guise d'otrandes, s'agenouil-

ou mieux s'accroupissaient ses pieds et murmuraient leurs oraisons.


acheve, on frottait le front du ftiche avec le pouce, comme
prire
La
pour mieux incruster dans la mmoire du dieu la demande quelconque
laient

qu'on venait de

lui adresser.

le Muse de
une usure profonde, preuve manivnration qu'avaient pour elle les ngres du district de Borna.

Les frottements subis par

l'idole

que possde aujourd'hui

l'Association ont produit sur son front

l^stede

la

'In

y/

LE DOCTEUR ALLARD.

Ikun-ula

(lat. 5 42',

en face deNokki, et

Nokki

Mpozo
de

long. 13

(lat. 5 42',

long. 13

(lat. 5 34',

long. 14

la rivire

et

5')

3'),

Mpozo, presque en

assez considrable

de station,

55'j est

commande par M.

deux

le

sur

du Congo,

Naets.

est gre

par M. Rasmussen.

gauche du Congo, au confluent


de 'Vivi, compte un personnel blanc

la rive

face

major Vetch, chef de division;

le

comte Fosse, chef

adjoints.

Ainsi donc, de Borna Vivi, sur


LES BELGES. U.

situe sur la rive droite

un parcours de quatre-vingt-cinq
(5.

kilo-

CHAPITRE VINGT ET UNIME

5o6

mtres de voie

comptait en

fluviale, l'Association

iSS^i

La distance de Banana Boma, environ

talires.

occupe par
et n'offrait

les

tablissements de

la Socit, tait

cinq stations hospi-

loo kilomtres,

non

facilement franchissable

aucun danger, pas plus aux commerants qu'aux touristes

europens.

La rgion baigne par

comme nous l'avons,

le

Congo, entre Vivi

dit parles pionniers belges, comptait, outre les stations

fondes par eux, des postes tablis par


Lopoldville

Braconnier,

de

du
de

(lat. 4 20',

long.

du Pool, sur

la sortie

les

5 48),

agents trangers de l'Association.

fond en dcembre par

la rive

gauche du

le

capitaine

fleuve, est la capitale

de cette rgion.

fait

En

et le Stanley-Pool, et explore,

1884, l'Anglais Saulez tait chef

de cette station

le

docteur

Van den Heuvel

service sanitaire, y remplaait le docteur

Nilis,

qui,

chef

charg

rapatrier des Zanzibarites, fut pouss par un caprice des flots relcher

avec

la Ville d'Oslenie, voilier

au serv.ce de l'Association, dans un des ports

de l'Amrique du Sud. Bahia

Belge Vanden Pias exerait

(Brsil); le

charge de comptable: M.M. St-wart

et

la

Mouhenjyer, agronomes, dvelop-

paient les plantations et les cultures primitivement introduites par l'agro-

nome

al

emand Teusch.

Issanghila

(lat.

5 12',

long. 14

fond en 1881 par

12'),

l'inf jrtun

Paul

Nve, n^ comptait alors aucun Belge dans son personnel. M. Montgomery


remplissait les fonctions de chef de station;
et

M. Ertwig

Dans

le

lui taient adjoints.

l'intrieur des terres, trois journes

rive gau^iie

docteur allemand Stroebelt

du Louvou,

de marche d'Issanghila, sur

la

gauche du Congo, l'explorateur


Rubytown, dont le commandement lut

affluent de

Clai'kson avait fond la station de


confi a M. Moeller.

Peu

aprs, une nouvelle station fut fonde non loin de

rive gauche du Congo, en aval

tude, et 14
Elle eut

Non
a

15'

du confluent de

l'louala,

Rubytown, sur
par

5 15'

oe

la

lati-

de longitude, Voonda, par l'agent hollandais \'andcrburgh.

pour chef M. Stanhop.

loin

de ce poste

illusti'

par

s'levait la

un

mission anglaise de Baynesville. Ce

explora::eur

anglais,

Thomas Baynes,

nom

qui

le

premier visita la rgion dserte entre le Zambze et le Calahari. C'est


pour rendre hommage ce voyageur iniatigable, qui fit connatre
certains pays inhospitaliers de l'Afrique australe et dont

la vie

a t aussi

prive de joie que de renomme, que les missionnaires anglais ont adopt
le

nom
Il

de Baynesville, donn c.-tte

est regrettable

que

cet

exemple

localit
n'ait

par Stanle3\

pas t suivi par l'Association

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

dans toutes

les stations

fondes en Afrique centrale par ses fidles et

dvous serviteurs. Soit pour clbrer

tombs martyrs de leur devoir sur


pacifique, soit

507

les

la mmoire des agents europens


champs de bataille de la conqute

pour rendre imprissable

le

souvenir des actions glorieuses,

des persvrants efforts tents au Congo par les pionniers hroques qui
ont eu

chance d'en revenir, ou qui y cueillent encore de nouveaux laune devrait pas chercher ailleurs que dans le livre d'or de

la

riers, l'Association

ses fidles agents les

noms donner

ses

embryons de

villes jusqu' ce

connues sous des dsignations plus ou moins barbares

et

jour

occasionnant de

nombreuses erreurs d'orthographe.

Le vu que nous formulons, s'il est ralis comme nous en avons l'espoir,
de l'oubli les noms presque ignors encore de certains agents subalternes europens qui ont courageusement sacrifi leur vie dans l'e.xcution
d'une uvre si honorable pour notre Sicle.
En attendant une restitution que l'quit impose, nous devons citer
tirera

encore par leurs

noms indignes

les stations tablies

dans

la

rgion

du

Congo moyen.

A l'est

de Voonda, nous trouvons Lukunga

M. Ingham remplit

les fonctions

de

(lat. 4

long. 14

50',

53')

de M. Peterson.

chef, avec l'aide

Plus loin s'lve Manyanga-Nord, rive droite du Congo, 2 kilomtres

en aval de

la

chute de N'tombo-Mataka. Cette station

est,

en dcembre 1884,

commande par M. Spencer Burns, qui a sous ses ordres MM. Delatte,
Van der Felsen et Ahearne.
En face, Manyanga-Sud compte deux blancs MM. Edwards, chef de la
:

station, et

Robbe, adjoint.

plusieurs kilomtres au sud de ce dernier poste, M.

la station

de Ngombi

(lat. 4 49',

long. 15

22'),

et

il

Edmunds

a fonde

prside ses destines,

tout en rendant de frquentes visites son compatriote, M. Connelly, chef

de

la

station de Lutet

(lat. 4 49',

long. 15"

47").

on rencontre la
de Ngoma, dernire halte hospitalire du voyageur parti de

Enfin, sur le Congo, en aval de la chute de Kaloulou,


station

Manyanga

et se

rendant Lopoldville par

la rive

Telles sont les tapes successives de la route de


elles

rsument loquemment

internationale

du Congo y ont

les

progrs que

raliss en

sud.

Banana au Stanley- Pool

les

moins de cinq

ans.

de cinq cent soixante -dix kilomtres;


cent quarante kilomtres de plus que le cours entier de

Cette route a une longueur


c'est--dire

l'Escaut.

Quant

agents de l'Association

la largeur de la voie fluviale, elle est excessivement vnriablc.

CHAPITRE VINGT ET UNIME

5o8

Entre Banana et Borna,

le fleuve atteint parfois

mtres; un peu en amont de Borna,

la

une

larg-eur

nappe liquide

de huit kilo-

une largeur de

cinq kilomtres et demi.

En amont de Boma
avec

les petits

Mais

la

jusqu' Vivi.

le

voyage peut

s'efifectuer

en six heures

steamers d'un faible tirant d'eau appartenant l'Association.

navigation exige des prcautions infinies,

le

fleuve se resserre

largeur varie de trois mille quinze cents mtres, son


hriss de rcifs,

courant

le

est

lit

sa

est et l

par places d'une rapidit menaante.

le Congo se rtrcit de plus en plus,


un promontoire de rochers, baigne en amont par

Prs de Vivi, crit M. de Pourtals,

surtout quand on dpasse

d'une anse dans laquelle

l'eau

ie

courant s'engouffre;

la

base en est ronge

donner l'apparence d'une norme grenouille au repos. De


trouve
Belgique-Creek, avec de charmants lots; puis vient un
l'autre ct se
tranglement du Congo avec un courant d'une puissance effrayante. On
de manire

lui

traverse pour aborder

un banc de

borde de belle vgtation,

tomber

pic.

De Vivi

la

sable,

dans une nouvelle petite anse

base pyramidale du Vieux-Vivi, qui semble

Issanghila. le fleuve tant impraticable, le trajet s'effectue en

quatre jours par voie de terre. La route indique par Stanley en 1880 est

encore suivie;

elle

D'Issanghila

longe la rive droite du fleuve.

Manyanga

(140 kilomtres), les petits steamers

de l'Association peuvent franchir

temps

la

vapeur

distance en trois jours, lorsque

le

est favorable.

Presque mi-route on touche

la station

de Voonda.

De Manyanga Lopoldville (160 kilomtres), on peut suivre indiffremment les deux routes africaines qui longent l'une et l'autre rive du Congo.
Le

trajet

dure

six jours.

qui passe Lutet,

Ds
de

la

la fin

et

Il

est prfrable

plus loin

nanmoinsdechoisir la voie sud,

Ngoma.

de l'anne 1884 Stanley, de retour en Europe, plaidait en faveur

construction d'une voie ferre destine relier

du bas

et

les stations

principales

du moyen Congo.

Le bas Congo, avec le littoral adjacent, disait le clbre explorateur,


une longueur de 720 kilomtres. Ce dveloppement produit un trafic
<i

annuel d'une valeur de 70 millions de francs.

Un

capital de vingt millions suflirait

pour construire un chemin de

fer

lger entre Vivi et Issanghila, quatre vapeurs 250,000 francs chacun entre
Issanghila et Manyanga, et un tronon de chemin de fer entre Manyanga
et Lopoldville.

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

Si

cependant

Lopoldvilie,

le

il

511

de construire une ligne directe de Vivi

tait ncessaire

cot en serait de trente-sept millions.

Le chemin de fer est sans contredit la route la plus rapide et la plus


sre pour conduire l'uvre du roi des Belges l'apoge du succs final.
Une voie ferre reliant Vivi au Stanley-Pool sera la source de bienfaits
immenses, non pas tant pour le prsent, mais pour l'avenir.
La gnrosit de l'auguste promoteur de l'Association internationale, et
gage certain qu'avant
locomotive ternira de ses noirs nuages de fume le ciel

des capitalistes de tous pays qui

peu d'annes

la

secondent, est

le

le

d'opale de ces parages africains, et secouera par ses

stridents la

sifflets

torpeur des ngres du Pool.

Un agent de

l'Association, le capitaine Zbonski, a t spcialement

charg en 1884 d'tudier

de construction

les possibilits et les ncessits

de voies ferres au Congo.


Lecapitaine belge, qui est en

mme temps ingnieur honoraire des mines,

avait en quelque sorte des droits acquis


Il

successivement exerc

chemins de

fer

Lige;

cette mission difficile.

les fonctions d'ingnieur-chef

de Bruxelles-Lille

de charbonnages

pour remplir

et

de section aux

Hesbaye-Condroz; de sous-directeur

de directeur des travaux de canalisation du bas

Escaut; de professeur de mathmatiques rationnelles l'cole militaire de

Constantinople; de charg de la carte gologique du bassin houiller


d'Hracle (Asie Mineure) et de l'Attique.

Aprs avoir explor pendant plus de sept mois

Congo, entre Banana

chemin de

la

du

Zbonski estima

et le Stanle3^-Pool, le capitaine

quinze millions, en chiffres ronds,


tion d'un

les districts riverains

dpense que ncessiterait

la

construc-

fer entre la cte et Lopoldvilie, soit cinq millions

de

moins que dans l'estimation de Stanley.


M. Zbonski supputa.it, d'aprs les donnes des vo3'ageurs et des directeurs de factoreries au bas Congo, que le trafic gnral de la rgion pouvait
chaque annie d'environ soixante-quinze mille tonnes, a calcul qu'en
portant suixante-dix francs le prix de transport d'une tonne on obtientre

drait le revenu ncessaire

pour couvrir

les frais d'exploitation

de cette voie

ferre.
D'ailleurs, quel

que

soit le

cot d'une telle entreprise,

il

duel engag entre deux


lutte,

mondes sur

dans ce corps-a-corps entre

tera au

monde

use dans

le

civilis, la

combat de

ses

le

les rives

progrs et

les

plus efficaces

il

barbarie, la victoire res-

la

condition toutefois que

armes

serait regrettable

y a comme un
du fleuve Congo. Dans cette

qu'on hsitt devant sa ralisation. Depuis cinq annes,

le

la

vainqueur prsum

vapeur

et l'lectricit.

CHAPITRli VINGT ET UNIME

512

Les larges sentiers

hache dans

taills la

sur les flancs des collines rocheuses,

le

ou traces

les halliers,

la

mine

fleuve lui-mme dans ses parages

navigables, sont des routes insuffisantes, hrisses de difficults et d'entraves

au dveloppement agricole

commercial, par suite

et

au banquet de

territoire convi

Les rapides wagons trans par


les

du vaste

prosprit

vapeur remplaceraient avec avantage

la

lourds chariots pniblement remorqus l'heure actuelle par des hordes

d'tres

humains, qui

des rles plus utiles


C'est

les

et

bras et les jambes ont t donnes pour remplir

plus dignes sur la terre d'Afrique.

en vain que l'Association a tent de remplacer

somme. Les mulets

teurs ngres par des btes de

la

la civilisation.

grands

frais

les

malheureux por-

et les petits nes,

amens

de Madre, n'ont rendu que des services insignifiants. La

On

mortalit a svi fortement parmi ces animaux.

crasant et sans repos par des chemins

un

leur imposait

travail

impraticables, et on ne

leur

octroyait qu'une nourriture insignifiante et de mauvaise qualit.

Dans de
sous

climat

le

btes de
tre pas

nes et mulets ne rsisteraient pas davantage

telles conditions,
le

somme

plus favorable.

la

mouche

tsets

ne faut pas attribuer

Il

la

mortalit des

cet pouvantable insecte ne se rencon-

au Congo.

Quelques chevaux ont cependant

t introduits par

des Europens,

notamment Vista, sur la cte, dans une factorerie hollandaise


Boma, dans la factorerie belge, et Vivi, dans l'curie du

Banana

colonel sir

Francis de Winton. Ces chevaux, qui provenaient galement de Madre,

supportent on ne peut mieux

le climat.

Le buf est presque inconnu dans le pays.


Puisque nous faisons ici une revue sommaire des animaux domestiques
et

ihomme

utiles

divers

titres,

duit dire quelques mots des

nous sommes tout naturellement con-

moutons du Congo. Ces animaux, de race

exotique, ne portent pas de toison et sont de deux espces, l'une poil


pais et court, l'autre poil
rares dans les environs

Le

blier est

belliqueux.

La

beaucoup

deux espces sont

trs

du Stanley-Pool.
lui

donne un

air fier et

de cet ornement, rappelle, par son pelage


brebis de race persane. Les indignes, tout en estimant

ce btail, lui prfrent

et

ces

brebis, prive

avant et aprs

Chvres

dou d'une magnifique crinire qui

blanc et noir, les

laitires

un peu plus long

la

nanmoins

les chvres,

moutons vivent en troupeaux sous

la

gnes aids dans leur tche par des chiens, tout


contres europennes.

en gnral bonnes

saison des pluies.

garde de pasteurs indi-

comme

les bei'gers

des

LES BELGES DA\S L'AFRIQUE CENTRALE

Aux

lecteurs qui pourraient tre surpris de voir figurer

51?

le

chien dans

notre incomplte rcapitulation des animaux domestiques de l'Afrique


centrale,

nous rappellerons que

dans sa domestication,

soit

le

chien est

le

seul animal cosmopolite qui,

capable de vivre partout o vit l'homme.

s'arrte la vgtation, a dit Isidore

Geoffroy Saint-Hilaire, et o s'arrte

l'herbivore, le chien vit encore des restes de la chasse ou de la pche de ses

matres. Le

mme

pour

l'Africain, chasse
et

dfend

Lapon
moins

animal qui au sud


1

se retrouve

l'Esquimau jusque sur

et tranant

trois mille ans

moutons sans

laine

de

Indien de l'Amazone, sert de nourriture au Chinois

du Papou,

les huttes

veille sur les

que

le

au nord gardant

les glaces polaires.

chien a atteint, de

rennes du

les

l'est a l'ouest,

Voil au

deux

les

MOUTON DU CONGO.

extrmits de l'ancien monde, et les


tait

monuments gyptiens attestent

qu'il

en Afrique bien avant cette poque.

Le chien,
est la plus

et

sur ce point les naturalistes sont d'accord sans exception,

complte

tous les animaux


l'lgance

le

du corps,

et la

plus prcieuse conqute de l'homme.

plus intelligent,
la dlicatesse

de

le

plus dvou,

le

l'ouie. la vivacit

plus docile

de son regard qui tour

est
;

de

et si

des mouvements,

sont des qualits qu'il partage avec plusieurs d'entre eux,

pas signaler l'extrme finesse de son odorat

Il

comment ne

et surtout l'expression varie

tour prie, flatte, caresse, sourit, inteiroge?

Ces qualits, sur lesquelles nous n'osons pas nous arrter plus longtemps
la crainte d'tre tax d'une cynophilie trop prononce, nous le? retrou-

dans

vons dans

le

chien du Congo qui est l'ami du ngre et l'esclave

LES BELGES.

11.

65

le

plus

CHAPITRE VINGT ET UNIME

514

attach son matre qu'il soit possible de rencontrer. Avec le blanc

montre

hargneux, indcis:

dfiant, inquiet,

iappelle,

un aboiement sourd

et

il

il

se

pousse, lorsque ce dernier

prolong qui a quelque chose de dou-

loureux, d'effar, de sinistre.

Par contre

les

chiens imports d'Europe par

manifestent pour

le

agents de l'Association

les

ngre une rpulsion non moins marque.

Les pigeons voyageurs qui avaient t apports en .\frique par


dition

que commandait Van Kerckhoven

et qui, ainsi

dans un chapitre prcdent, taient destins

que nous

un service de postes

ont t presque tous victimes des serpents et des rats dans

Vivi.On

n'est point

le

l'exp-

l'avons dit

arien,

colombier de

parvenu encore propager cette

intressante espce au Congo: par suite la corres-

^~'\
'

pondance en quelques jours de Banana


est

Zanzibar

forcment ajourne. Le succs, grce l'exp-

rience acquise viendra sans nul doute couronner

un nouvel

essai.

Serait-ce trop exiger que de

millions aux pa)'s


africaine

d'lan Iceuvre

L'Association a
financier,

demander quelques

pour donner plus

que

fait

n'aurait

plus dj, au point de vue

pu

le faire

n'importe quelle

puissance europenne sans rencontrer dans son


sein

une opposition de tous

les instants.

La France,

l'Angleterre ou l'Allemagne n'auraient jamais tent

sparment de crer un empire au curde l'Afrique:


questions de finance
l'OIKE

et...

d'quilibre budgtaire,

A POUDRE

''collection de m. FLEMING

rpondra-t-on. Triste rponse.

Seule jusqu' cette heure,


cre par S. M. Lopold

II

la socit

inspire et

devra continuer entie-

ten!r le foyer civilisateur en Afrique et le doter de tous les lments de


vitalit ncessaires.

Dj, en dpit des assertions aussi injustes que malveillantes de certains


critiques ligus contre l'Association, l'esclavage, la traite des ngres sont
fort restreints sur les

bords du Congo. Le fleuve cquatorial

n'est

plus

la

du commerce de chair humaine: les traitants se


Soudan gyptien, d'o les Anglais, malgr des dfaillances

citadelle inaccessible

rfugient vers

le

momentanes, parviendront tt ou tard les dbusquer pour toujours.


Les indignes du Congo, depuis Banana jusqu' Lopoldville, n'opposeront aucune rsistance srieuse l'impulsion progressiste que tendront

LES BELGES DANS L'AFRIQUE CENTRALE

515

chaque jour largir davantage non seulement les agents de l'Association,


mais encore les missionnaires, les commerants europens, tablis au milieu
d'eux. Ces peuplades sont en gnral douces et paisibles; leurs mutineries,

leurs rbellions pour des motifs parfois enfantins, sont facilement rpressibles.

Le

de

long-

la rive

sud, crit

le

lieutenant Valcke en 1S84, les villages

se suivent presque sans interruption, et leurs habitants sont pleins de

dispositions l'gard des blancs.


les

On

trouvera donc sur

bonnes

mmes

les lieux

brasncessairesl'accomplissement de grands travaux. Cette abondance

de main-d'uvre indigne n'est ni oublier ni ddaigner, car on ne peut


songer encore voir se former avant de longues annesun noyau puissant
de colonisation blanche dans cette rgion courageusement explore, mais
qui effraye par ses lgendes les classes migrantes des diverses nations

d'Europe.

Un important

rsultat

obtenu par l'Angleterre dans

plupart de ses

la

colonies ou des territoires sur lesquels elle implante son tendard

com-

mercial; c'est de faire accepter partout, immdiatement, sa livre sterling.

L'Anglais ne

fait

pas

la

troque;

il

paye en monnaie courante

dises qu'il achte l'indigne, et exige et reoit de l'argent

mme
Il

indigne qui

est

duire

le

il

cde son tour

remarquer que

les

marchandises

les

marchan-

comptant de ce

qu'il dsire.

l'Association n'a pas essay au

Congo

d'intro-

cours d'une monnaie avantageuse, facilitant l'change com-

mercial. Rien ne s'oppose, ce nous semble, tenter aujourd'hui cette

exprience.

Dans l'Afrique

australe,

au Mangouato, un ngociant anglais a russi

mtroduire des valeurs fiduciaires; les billets qu'il a crs ont t volontiers
accepts par

le roi

Cette courte

du pays

et

par beaucoup des indignes

plaidoirie en faveur

les

du commerant ou de

plus riches.
l'industriel

europen qui cherche des dbouchs au Congo, pourrait tre appuye de


multiples exemples: mais cette preuve, que nous pourrions faire

rieusement vidente, est trangre au cadre de notre

Nos

lecteurs doivent

impatiemment

si

victo-

rcit.

dsirer retrouver les hros Belges

qui ont dploy au del du Staniey-Pool l'tendard civilisateurde l'Association internationale.

Le prochain volume, qui va succder sans interrup-

tion celui-ci et qui sera exclusivement consacr au haut Congo, calmera

leur lgitime impatience.

Bien qu'un historien franais contemporain


charmes, spirituellement observ que
nulle part

nous devons arrter

ici

ait,

l'histoire

dans un

livre plein

ne commence

et

ne

de

finit

l'historique des tentatives poursuivies

5i6

CHAPITRE VINGT ET UNIME

par des pionniers belges sur

les rives

du Congo

infrieur et

moyen

etlaisser

leur existence de luttes incessantes, de dboires, de tourments, de fivres,


d'infortunes toujours glorieuses, les braves agents qui, depuis l'anne 1884,
cooprent avec un dvouement gal celui de leurs prdcesseurs la
fondation de l'Etat libre du Congo.

TABLE DES MATIRES

CHAPITRE
L'Etat

du Cungo

libre

ngre

Cacuta.

Couronnement du
Giachns.

ses limites, son fleuve.

Baptme du

roi

Alphonse.

Le XIX

sicle

premier

I.

marin,
iXa

John

de

officier,

Jiuwljtids.

John

et

Rowlands

du New-York Herald

CHAPITRE
La dcouverte de Stanley
(>omit d'tudes du

Une

l'Europe.

Le baobab

L'ambassadeur
funrailles.

Les Anziques.

Les
i

devient

Stanley.

Stanley

Principales tipes

travers le Continent

soldat

du raissionnc

mystrieux

21

III.

L'uvre

africaine

du Roi des Belges.

Le colonel Strauch. Stanley


Kabindas. Les passagers du Barga.

haut Congo.

croyance des

un bateau.

et

ses

II.

voyageur, journaliste, explorateur, crivain.

Daily Telegraph

expdition Tuckey

CHAPITRE
Enfance

du Congo

Les Vpres congoiscs.

au Congo

Premires dcouvertes.

roi chrtien

Le

retourne Banana.

Une escadre dans


49

TABLE DES

5iS

.MA'IIHES

CHAPITRE
Les

landaise.

Banana.

bl.iiics

Une chimhouck

Promenade nocturne.

bas Congo.

Pche en haute nier

IV.

aot

21

Pouta.

Borna.

camans.

1879.

Une
La

Une

halte

chasse

odieuse.

traite

Vivi;

I.enha.

Le

panthre.

la

hol-

factorerie

la

[,es iiuatrc

Quelques

saisons au

tleurs.

<

V.

enchante.

foit

Ponta da

lu banquet

Danse des Krouboys.

CHAPllRi;
I.e

d'iv<Mrt.

Kissanga.
I,"arbre

cimetire

Les deux

Msoukou.

de

la

.V

du Mani-

lils

hamac prs de

Kn

ftiche.

des

poursuite

premire station du Comit d"tudes

ii|,

CHAPLIRE M.
Le

commerce belge au Congo.

d'arachides.

Congo.

bas

M.

Les

du

passagers
.

Triste

Ilarou

Nol.

Soma.

Les

porteurs

rapide des productions agricoles du

.aperu

Biafra.

march de

au

Gillis

Rves d'un commerant.

Valcke briseur de rochers


station

et

Paul

sa

caravane

Nve

et

de

Stanley

mules.
fondent

d'Issangliila

la

125

CHAPITRE VU.
Le Royal au

dpart

chasse aux buffles.

rapides d'Itour.zima.

der.

Harou

et

d'Issanghila.

Paul Nve

Entre

au

Kilolo

de

carap

Nsouki-Kintommba.

et

Kuvoko.

Danses des sauvages de Ndonga.

Les

Bassoundi.

Heures de

Harou

Manyanga-Nord

Stanley

Prs

tivre.

151

CHAPITRE VUI.
Stanley

et

Harou

Manyanga.

Mort de Paul Nve.

Le drapeau

Les Baboucnnd.

CHAPITRE
Ngoma.
la

colline

Passage gu du Lubamba.
de

Kinduta.

Chez Gamankano

ftiche

Nzabi.

Un devin complaisant.
Les termites
177
.

IX.

Les Batek.

Le clown de Bwabwa-Njali.

Le
Rcolte

fusil

ftiche.

Sur

du vin de palme.
201

TABLE DES MATIRES

CHAPITRE

Brave Pauchu.

Le Pre,

Gordon Bennctt.

bre?

Palaver

Sur
>>

route de

la

X.

Mre, VEnfant.

la

Gammpa.

et

Janssen sjournent Vivi.

drapeau

belge.

question des

Une

porcs

Ngoyo.

d'tudes

le

taratara

lyumbi.

de

traverse

Cam-

Confection d'un

Manyanga-Nord-Station.

l'hippopotame.

chef d'Issanghila.

l'Esprance.

Une chasse

de

des

roi

Les menes de Ngalieraa

prs du

bnis de la

XI.

Janssen,

la

Le drapeau du Comit

XII.

de Zinga.

colline

de Susi.

Rcit

Le mont

Wambundu

289

camp dUsandi,

au

XIII.

prs

Le blockhaus de Lopoldville.

Ntamo.

de

Lee

VEn

Avant sur

de

plantations

la

le

cinquime

station

009

CHAPITRE
Retour de Gillis
tions

La

251

CHAPITRE

Stanley- Pool.

Un tam-tam

Sommes-nous au

Manyanga-Sud

Descente

Makoko,

227

CHAPITRE
Brler

Ngalicma.

des rois ngres

CHAPITRE
Orban

519

Borna.

animales, vgtales,

cultures.

chefs de

Boma

La premire

factorerie

minrales du bas

Congo.

Mataka.

belge

Hanssens,

au

Les

Les produits Je l'industrie belge eu Congo.

Congo.
articles

iM.

produc-

Les

de troque.

Delcommune

et

Les
les

329

CHAPITRE
Expdition de

XIV.

Nilis et

Les occupations de

Grang.
Nilis

Visite

Mowa.

Makito,

Le docteur de N'tumbo-

Manyanga-Nord

CHAPITRE
Le docteur Pes;huel attaqu

XV.

353

XVI.

Van G^le fonde

la station

de Lutet.

Une pro-

TABLE DES .MATIRES

520

menadc

militaire

de lgumes

du m'/oum Katchcchc

Victoire de Nilis
Nouveaux

CHAPITRK
docteur Allard et

I.e

Mprzo.

sanitarhim

le

Gangila

de

marchand
377

Borna.

d'ikungula

Station

La

de S.

fcte

Le

M.

Les chefs de N'tombo

dcn

XVIII.

et

sa ceinture.

aux environs de Manyanga.

Une

di:

Retour de

Manyanga.

Parfonry
'.a

Parfonry sur

Folie

saison sche

d"Ivae:t.

la

Triste

voyageurs.
gnral

1882 M.inyanga.

Chasse

NoCl.

et

excursion de

Le docteur Van
419

Le

lieutenant

Une

route

de

Lutctj.

Suicide de

Luksick.

Dcs de Grang.

Nilis

)rt

XX.

Vivi.

Van Kerckhoven.

L'expdition

Zinga.

rvolte

lieutenant Nilis Bruxelles.

441

Avacrt Issanghila.

Goldsmith.

XIX.

Excursion N'jenga.

CHAPITRE
lieutenant

Visite de Stanley

du

Heuvel

Mort

Novembre

mutinerie.

L'atoundo.

CHAPITRE

Boula Malari II (Hnnssens).

et

Le caravanier Soudi

Nilis

II

401

CHAPITRE

de

poste

I.opold

Manyanga-Nord

Le

Mrikito.

arrivants

XVII.

mort de .loseph Vandcvelde.

Dandanga.

moutons de Manyanga.

[.es

L'incident
Lettres

Haneuse.

d'Ernesi

d'Orhan Guillaume Cisman

La mission du

Courtois.

Les pigeons

Mukumbi.

Retour
457

CHAPITRE XXL
Le

lieutenant

Les jalons
Congo.

colonel

Sir

hospitaliers

Francis

de

do Winton.

Borna

Nouveau-Vivi.

Lopoldville.

Les animaux domestiques du bas Congo

Projet

d'un

Mort de Flamini.

chemin

de

fer

au
501

TABLE DES GRAVURES

Kabinda
l,e roi

du Congo recevant une ambassade portugaise (d'aprs une ancienne estampe).

Le couronnement du

roi

Grande pirogue indigne

Une

factorerie

Kabinda

M. Henry M. Stanley
I.e

Lady

Alphonse (d'aprs une ancienne estampe)

............
...........

Alice dmont

Vue aux environs du Rouiki

Une maison

et

de

Nakannpemmba

Ikonndou

Les explorateurs du

Continent mystrieux

confluent de l'Arouhoumi et du

LES BELGES.

II.

Livingstone (Congo)

i3

20
21

2?

27
2g

.........

Franck Pocock

Combat au

...

....
65

3o
3i

35

3y

TABLE DES GRAVURES

22

La septime

cataracte

Le

du

I,

an

fils

roi

des Stanley-Falls

de Tchoumbiri

une des femmes du

4'

de Tchoumbi

roi

Tranage des canots sur

^7

42

promontoire

les

hcux

Mort de Kaloulou.

44

Les m.Miibrcs de l'expdition,

Une

repati

45

du Congo

l^oisson

factorerie

48

Banana

4'.i

Le colonel Sirauch

Krouboy
Le Baobab

l'ii

fi?

.....

Racines de manguiers

Or,

(Banana).

70

....

Antilope cobus

7'

......

Oiseau

Une

S-'

....

Vue de Banana

crique du

bas

72

Congo.

73

Ananas du bas Congo


Corbeaux

collier

79

blanc (Janana)

du Congo.

Ecureuil

Camoensia

Maxima

9'
.

'j5

Poisson du bas Congo

Oiseau

......

94
95

Pogonorhyiicus ocgastcr

100

Le Congo Kissanga.

Vue des

factoreries

de

101

Borna

Gramines du bas Congo

Le

cim..tire

Station

de Vivi

Gongs en

Msoukou

de

(vue de

fjr

la

route d

....

Porteurs d'ivoire.

Adolphe
Le

crin

Gillis.

vgtal

4J

109

shil.i

124
125

....

Paul Nve

Le bas Congo aux environs de Vivi

120
i33
'37

139

TABLE DKS GRAVURES

Hakige des embarcations

M3

prs Jjs chutes.

Premire chute J'Issanghila

148

Deuxime

M9

Kers de lances

La

rive

150

du bas Congo

Le lieutenant Harou

151

153

liaphia ititida

154

Lissochilus gigaiiteus

'59

Krouboys creusant un canot

lOo

Serpent python

11)3

Le

capitaine

Braconnier

Martin pcheur gant

liyphne ventricosa

i6

Pipe

170

l'ransport

des

Le Congo

Hutte o

Tombe

de

Chute de

embarcations

Manyanga

Paul Nve
Paul
la

'79

est

Nve

mort (day rs un croquis du lieutenant

(d'aprs

un

c roquis

du lieutenant Valckc;

prise

du

La

rive

185

.89

'95

plateau de

Poire poudre

ke)

d'Edwin Arnol

rivire

Chute de Massassa

Vue

\\i!.

Mowa.

197

....

:!oo

Ngoma

201

Embouchure du Nkenk

205

Les rapides du Lady

20g

Rcolte du vin

Trombe

Camp

Malima

.Vlijc.

palme.

219
223

....

Branche droite de

la

premire cataracte de L

233

expdition

240

Groupe de Zanzibarites
Banc
.\rrive Vivi

227

attachs

2SO

....

Le lieutenant Janssen

Le lieutenant Orban.

237

11

TABLE DKS CRAVURRS

524

Oultidi

un de

et

compatriotes

sos

Premicrc maison construite Issanghila

Vue de

Station

la

d'Issanghila (d'aprs

2i'H

2G5

un croquis du

lieutenant Valckc)

270

MIongo-Mlako

273

Dracna Sapnchinowki

279

Le Congo prs de Manyanga-Nord

281

Lance

288

................

L'En Avant

28<)

La catastrophe de Zinga

293

Le Zanzibaritc Susi

3oS

Banc

Vue

299

prs de

Ntamo

309
3i3

Sige batekc

Schi^orhis gigantca

317

Carte du Stanley-Pool

3 19

Vue

32

de Lopoldville

Habitation indigne

328

du Congo

Poisson

323

Caverne

329

Une

33

sance du fticheiro

Plan de

belge de Borna

factorerie

la

335

Couteaux indignes
Palmier calamus
Poterie indigne

3 13

et

son

fruit

..............

Sige

Le

jardinet

Le

lieutenant

349
352
353

d'Issanghila

Nilis partant

344

Nilis

pour N'tombo Mataka (d'aprs une photographie)

....

357
36i

Forts sur les rives du fleuve

365

Le

369

capitaine

Canots

et

Hanssens

Grande hutte cylindrique

Mussaenda
L'alerte

.........
............

pagaies indignes

g-randiflora

373
377

379
38i

TABLE DES GRAVURES

525

Le neveu de Mlniino-Mlak<'

...

Sige

Un

Le

....

village

Poulailler

400
401
4'>3

indigne

4.3

lieutenant Coquilhat

4,

Panier

une photographie)

411)

........

Groupe d'explorateurs
Lyre

(d'aprs

423

Le lieutenant Avacrt

423

Orchide

429

Ftiche

433

Le lieutenant Grang

4-'7

Calebasse

440

Krouboys

......

(d'aprs

....

Instrument de musique ftiche

Le Congo prs de

I.utet

Hache

Une

445

449

4,6

......

Curiosit indigne

Krouboys

441

une photographie,!

457
401

chef indigne (d'aprs une photograp

et

indigne sur

flottille

le

Congo

465

Autographe de Stanley

473

Guillaume Casman

477

Tambour

479

La Mata

481

Fusil d^ndigne

485

Instrument de musique

4S7

Pipe deux fourneaux

489

Peigne

491

Vue

sur

Sige

le

494

Stanley-Pcoi

....

Pipe chanvre

497
4.8

Sifflet

de caravane

.VIM.

Avaert, Allard

Le docteur Allard

500
et

Dclcommunc

'\'ivi

(d'apres

une phntog aphie)

501

505

TABLES DES GRAVURES

526

Chasse au buffle

Mouton du Congo
Poire
Ftiche

poudre

.............

509
51

514
5 '7

le

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