Buytendijk - L'Homme Et L'animal
Buytendijk - L'Homme Et L'animal
Buytendijk - L'Homme Et L'animal
Buytendijk
L'homme
et l'animal
ESSAI
DE PSYCHOLOGIE
COMPARE
T R A D U I T DE L ' A L L E M A N D
PAR
RMI
LAUREILLARD
Gallimard
I.
Notions et problmes
de psychologie
I.
L'ACTE
REL
ET
compare
L'ACTE
APPARENT
Ge lien entre la psychologie compare et la connaissance de l'essence humaine, c'est--dire l'anthropologie philosophique, se rattache d'une manire
particulirement convaincante certaines conceptions qui ont. t formules au dbut de l'poque
moderne, au moment de l'essor des sciences naturelles,
et qui influent encore sur la psychologie actuelle. On
a pens alors que l'homme n'existe pas dans le monde
en tant qu'unit de corps anim, mais comme un
corps et une me juxtaposs : le corps fonctionnerait
comme un mcanisme complexe et 1' me spirituelle reoit d'une manire mystrieuse des
sensations venues du corps et provoque dans le
corps des mouvements. Au xvii sicle, cette conception dualiste de l'homme conduisit logiquement la
thse selon laquelle les animaux seraient des automates dpourvus d'me. Ces automates ne voient
pas, n'entendent pas, ne sentent pas et ne souffrent
pas comme les hommes, ils n'en donnent que l'apparence, Cette thse contredit radicalement la conviction du profane qui estime que les animaux suprieurs au moins sont en relation avec leur environnement et avec l'homme, et que leurs mouvements
d'expression sont sans aucun doute lis leurs
impressions. Elle se trouve donc en si totale contradiction avec le sens commun qu'il n'est pas un homme,
pas un savant qui ait jamais pu croire que seul l'tre
humain vit rellement quelque chose et que l'animal
ne vit qu'apparemment mais est en ralit une machine rflexes complique. Nous comprenons ainsi
que ces anciennes thses, qui prtendaient voir en
l'homme l'interaction de l'me et du corps et en l'animal un corps sans me, faussrent vite la comprhension de l'humain. Selon cette conception l'tre humain
n'est en effet et a fortiori l'animal rellement
rien de plus qu'une structure physico-chimique complexe. Mais dans cette structure certains processus
photorception et chmorception. Seules ces expressions taient justifies d'aprs eux, du point de vue
scientifique, car on ne peut que constater le phnomne physique de stimulation de l'animal ou de
l'homme par la lumire, les corps chimiques, les
ondes sonores, la pression et la chaleur. Et on ne peut
rien savoir de plus. On ne peut pas savoir si l'animal,
qui ragit ces stimulations, voit, sent et entend
rellement . Il est galement impossible de connatre ce qu'est objectivement - c'est--dire en ralit la sensation, la sensibilit, la perception, l'impression subjectives. L'unique mthode pour en
apprendre quelque chose serait l'observation intrieure de l'homme, Y introspection de la psychologie
traditionnelle. Mais c'tait prcisment la scuril
d'une telle mthode qui tait mise en doute par
la psychologie objective. Les objections critiques
contre la possibilit d'une connaissance introspective de ces modes de comportements immdiats qui
sont dsigns par les mots voir, entendre, etc., sont
tout fait justes. Seuls le vu, Ventendre, Codeur et
la saveur peuvent tre dcrits sur la base de l'exprience personnelle, mais jamais les actes des sens
eux-mmes qui donnent ces sensations. En conclure
qu'il est interdit du point de vue de la science de
parler d'un acte de voir chez les animaux, comme le
soutient le psychologue amricain Skinner est pourtant faux. En effet, on ne sait galement chez l'homme
s'il a vu quelque chose que lorsque son comportement
par exemple un mouvement de dfense (ou encore
une dclaration verbale), en tmoigne indubitablement. Il peut donc arriver que nous ignorions si
un homme a vu quelque chose. C'est le cas, par
exemple, lorsque le comportement correspondant
(ou l'expression verbale) manque ou ne peut tre
1. B. F. Skinner, Behemor of Organisme, New York, 1938.
II.
LE
COMPORTEMENT
ET
LA
SITUATION
Dans la psychologie compare, que nous nous proposons de mener en tant qu'tude du comportement,
nous devons pourtant nous carter du concept de
conscience. Un simple examen du comportement
humain le dmontre. Non seulement en psychologie
mais encore dans l'exprience quotidienne, nous
sommes obligs de distinguer encore d'autres tats
de l'tre humain que ceux que l'on entend par conscience (tre connaissant) et inconscience. L'homme
connat par son exprience de lui-mme deux formes
de conscience. Il peut percevoir les choses, et il peut
savoir qu'il les peroit. Il peut voir une couleur rouge
et savoir qu'il la voit. C'est pourquoi l'on distingue
une conscience rflchie d'une conscience irrflchie.
L'tre sans rflexion devant les choses et le comportement sans pense ne sont d'ailleurs pas nettement
spars de la rflexion et on ne peut pas toujours les
distinguer.
Si je veux par exemple descendre l'escalier, je suis
en position de sortir et je vois la srie des marches
ainsi que le vestibule en bas et ventuellement mme
la porte de la maison. Mais je ne me rends pas
compte de ce que je vois, je ne me reprsente ni
la dclivit et la hauteur de l'escalier, ni la
taille des marches et la distance jusqu' la porte.
Je ne suis conscient d'une manire d ailleurs assez
vague que de mon orientation vers la rue que je
peux gagner en descendant l'escalier, en traversant
le vestibule et en ouvrant la porte de la maison. Ce
pouvoir qui n'est pas du tout une reprsentation,
un projet ou une pense, dtermine ma relation avec
la situation et mon comportement que je mne
bien sans penser, par une corrlation directe de la
vue et de l'acte. Bien que cette corrlation soit
ce point directe que je descends comme on dit
justement presque en automate cet escalier familier, je ne suis pourtant pas un automate. Ce que je
III.
LA
CAUSE
OU
LE
MOTIF
Un dfenseur de l'tude objective du comportement, Tinbergen 1 , soutient que la question fondamentale dans la recherche scientifique du comportement, est la suivante : Pourquoi un animal fce
comporte-t-il ainsi et non pas autrement ? Nous
pouvons nous rallier ce point de vue. Il nous faut
cependant faire remarquer que la question ne peut
pas en gnral tre pose quand l'observation ne
nous a pas apport d'claircissement sur la manire
dont l'animal se comporte : nous avons tent de
dmontrer que la perception nous fournit l-dessus
des claircissements chaque fois qu'il nous est possible de saisir l'acte animal en tant que relation significative avec la situation. Le fait qu'il puisse exister,
d'une faon gnrale, des relations significatives
dcoule de l'ide d'organisme et de forme. Cette
ide dtermine le thme et l'objet de la biologie
compare, de mme que le thme et l'objet de la
physique sont dtermins partir de l'ide de relations que l'on peut exprimer mathmatiquement,
c'est--dire de relations quantitatives. L'organisme
est donc a priori dfini comme une unit de signification , et l'objet de la physique, comme une unit
de corrlation 2 . Ces dfinitions rendent seules possibles en tant que sciences la biologie et la psychologie, d'une part, et la physique, d'autre part.
Mais si nous comprenons les mouvements de
l'animal et ceux de l'homme comme une activit
significative, un comportement, nous devons saisir
1. N. Tinbergen, Instinktlehre, Berlin, 1952, p. 1 sq.
2. M. Merleau-Ponty, op. cit.
l'animal devient une structure physiologique complexe au sein de laquelle, comme dans tout mcanisme, les processus se droulent en un enchanement
causal (non significatif). Nous lisons plus loin : Du
fait que les stimulations extrieures ainsi que les
hormones influencent normalement, travers le
systme nerveux, le comportement! nous devrions
en troisime lieu tudier le phnomne nerveux.
La question du pourquoi causal n'est d'ailleurs pas
la seule. Tinbergen, comme tous les biologistes, ne
peut gure s'empcher de poser la question du pourquoi final (par exemple au sujet de l'attitude combative). Nos expriences nous apprennent que l'attitude combative de l'pinoche mle effraie et chasse
les autres mles. Nous en concluons qu'il combat
afin de protger son domaine contre leurs incursions.
Exprime d'une manire plus objective : la signification biologique de ce comportement, c'est l'viction des autres mles. Cette explication est trs
convaincante, mais qu'est-ce que la question des
prtendues causes a faire avec celle des enchanements de significations ? Ruyer dit trs justement
propos de l'extrait cit : C'est une folie de penser
que l'on puisse lire dans le systme nerveux central
la construction du nid ou le vol de l'oiseau. C'est
pourquoi Watson, le fondateur du behaviorisme, a
soulign que l'tude objective du comportement n'a
rien faire avec la physiologie.
L'analyse physiologique causale peut expliquer
)eut-tre certaines fonctions de ces organes dans
esquels la vie est rduite des structures qui n'en
produisent pas de nouvelles. Pour le comportement
du sujet, on peut comprendre le corps soit comme
un systme de conditions inintelligible, soit comme la
matrialit (Leiblichkeit) du sujet, c'est--dire comme
une situation significative sur laquelle s'appuie toute
relation avec les situations extrieures. Certes, il
pas sous-estimer la performance de la moiti antrieure elle aussi pose tout le problme de la rgnration dans sa complexit. Mais pour le moment,
notre il suivra avec une attention particulire la
moiti postrieure. Ce fragment de ver organise dans
un tissu de cellules embryonnaireiTun systme nerveux central entirement nouveau. Une telle noformation des centres nerveux qui seront par la suite
directeurs doit tre rgie par un systme suprieur.
Quelle est cette instance qui remdie la lsion et
reconstitue l'animal complet et qui se trouve dans
le protoplasme de cette moiti de ver? Nous ne
pouvons encore le savoir. Nous n'ajouterons cet
extrait que ceci : l'animal n'est pas seulement une
structure, mais encore une structure structurante.
Il existe dans l'organisme, en particulier dans le
systme nerveux, non seulement des fonctions de
structure, mais encore des structures de fonction.
L'analyse structurale du corps (l'anatomie) et
l'analyse causale des processus (la physiologie), nous
enseignent ce que l'animal et l'homme sont capables
virtuellement de faire et non ce qu'ils font. Les modifications de l'excitabilit, l'orientation des stimulations par telle ou telle voie, les dclenchements
mcaniques, etc., ne peuvent tre admis qu'a posteriori sur la base du comportement observ, et cela
parce qu'on ne peut s'imaginer aucun comportement
sans une reprsentation image des moyens utiliss.
Et mme si tous les moyens disponibles taient
connus, nous ne saurions que les conditions et non
les causes du comportement.
L'animal et l'homme ne peuvent faire quelque chose
que dans le cas o ils donnent aux diverses parties
de leurs corps et la situation extrieure, une signification. C'est l la seule manire par laquelle un
sujet peut agir sur le matriel . Il est vrai que cela
ne se passe pas sans mobile. La question pourquoi un
effacer les diffrences fondamentales entre l'vnement dpourvu de signification et l'attitude significative. Veut-on vritablement savoir si la notion
d'instinct, d'impulsion intrieure (Trieb) a un sens
dans le domaine du comportement, il faut alors tudier un comportement qui soit d'une faon indubitable le rsultat d'une impulsion. Rappelons donc
nos propres expriences. Nous connaissons certains
rapports entre notre moi et notre personne physique qui sont exactement dfinis par le mot d'instinct. Quand nous ressentons la faim, la soif, une
difficult respirer ou encore le froid, nous sommes
pousss certaines activits. Cette impulsion peut
tre faible et se manifester par une lgre tension ou
inquitude, par une impression de besoin. Elle
s'exagre parfois jusqu' nous dchirer et nous dsesprer. Ce que nous ressentons dans notre corps a le
sens d'une force qui nous domine et cela sans autre
caractre que celui d'une impulsion. L'insatisfaction qui accompagne cet tat prsente diffrents
aspects. La soif se manifeste par le desschement
de la muqueuse buccale, la faim par des crampes
d'estomac et des vertiges. Nous distinguons trs
nettement la force de l'instinct, des sensations d'insatisfaction qui l'accompagnent, quand par exemple
nous avons une impression de difficult respirer.
Essayons de retenir notre respiration : nous prouvons une tension et une inquitude croissantes. Si
nous observons exactement ces sensations physiques,
nous constatons qu'elles n'annoncent pas en fait un
mouvement d'inspiration. Quand, malgr nous, ce
mouvement se produit, nous nous sentons librs
de la force obscure de l'impulsion. L'impression
de manque d'air monte en nous comme un processus
dynamique indpendant de nous (analogue en cela
tout manque ), jusqu' devenir impulsion d'une inspiration. Et cette impulsion est prouve comme cause.
qu'il s'agit l d'un aspect, c'est--dire d'une caractristique apparente. Il existe des motifs qui se pr^
sentent dans une certaine mesure comme des causes.
Mais nous ne pouvons nous en autoriser pour iden->
tifier les mobiles du comportement avec des processus dynamiques. Dfions-nous de la notion d'impulsion interne , dclare un des plus minents
spcialistes anglais de l'tude du comportement,
D. Lack 1 . Cette impulsion interne est d'une part
une entit distincte qui propulse le mcanisme du
corps, elle est par ailleurs une partie de cette machine et la production mme de cette machine. Cette
notion peut utilement servir de terme de comparaison. Mais si l'on en abuse, elle nous engage dans
des difficults inextricables. Nous savons que la
thorie des instincts, la notion d'une libido nergie
et mainte autre interprtation mcaniste de la vie
spirituelle ont induit la psychologie dite dynamique,
base sur les conceptions de Freud, des vues
schmatiques et errones sur la nature humaine.
Nous pouvons observer la diffrence entre le motif
et la cause, en tudiant chez l'homme et chez l'animal sang chaud la raction au froid. Le refroidissement cutan est suivi, on le sait, d'un grand
nombre de modifications vgtatives : diminution
de la circulation superficielle, augmentation des
changes organiques, et, chez les mammifres, hrissement des poils. Paralllement l'homme et l'animal font quelque chose : leurs muscles se tendent,
ils tremblent, ils rduisent la surface extrieure de
leur corps en se pelotonnant sur eux-mmes, ils
cherchent un coin abrit, etc. L'homme sait, par
sa propre exprience, que ces ractions de rgulation
sont suscites par la sensation de froid. Si cette
1. D. Lack, Some Aspect of Instinctive Behavior and Display
in Birds. The Ibis, 1941, p. 419 ; cit par A. Portmann dans
Dos Tier als soziales Wesen.
IV.
OU
TAT
CENTRAL
DISPOSITION
AFFECTIVE
fait est aussi peu comprhensible que la transformation du vcu par un quelcon<jue poison. Si
l'on s'en tient a priori une explication mcaniste,
il faut bien admettre que les hormones agissent de
la mme faon que les stimuli sensoriels sur les
mcanismes des centres nerveux. La question de
savoir comment cela se produit reste insoluble.
Mais cartons toute spculation sur l'interdpendance psychophysique, et limitons la psychologie
compare l'examen comparatif des modes de comportement dans leurs rapports avec des situations
donnes. Le concept de Stimmung (disposition) nous
est familier dans notre exprience humaine. Nous
dsignons par ce mot l'tat affectif gnral dans
lequel nous nous trouvons dans notre monde. Nous
remarquons notre Stimmung aux sensations de notre
corps, l'apparence de notre entourage et une
situation sentimentale gnrale prouve intrieurement. Chacun sait que le monde nous apparat
diffrent, quand nous sommes dans une disposition
gaie : le travail nous est facile, les gens nous semblent
plus sympathiques, nous nous tenons plus droits,
nos mouvements sont plus lastiques. La varit
des dispositions correspond une varit d'tats,
des modifications de la manire d'tre des choses,
d'autrui et de notre propre personne physique dans
ce que nous en ressentons. La disposition est une
identit de signification de notre subjectivisme et
de la situation extrieure et intrieure.
L'importance du concept de disposition (Stimmung) dans la psychologie ressort tout particulirement d'une tude mdicale de Thure von Uexkull x. Plus la mdecine approfondit l'tude du ma1. Th. v. Uexkiill, Das Problem der Befindungsweise und
seine Bedeutung fiir eine medizinische Phenomenologie , Psych,
V, p. 401 ; voir aussi Zeitschrift fiir klinische Medisin, vol. CXLIX,
1952, p. 132.
les sentiments, sont des actes intentionnels, c'est-dire une manire d'adopter la situation, de la comprendre, de la prendre, de ragir cette situation.
Avoir faim, comme tre fatigu, c'est d'abord un
tat donn, qui nous dtermine en tout, qui dtermine non seulement nos perceptions, l'orientation
de nos sentiments, la forme de notre action mais
aussi les fonctions dont nous n'avons pas la disposition directe. Pour nous convaincre de l'influence
capitale de la motivation sur nous dans l'ensemble
et le dtail de notre vie, dans notre corps, notre
subjectivit, nos rapports avec le monde perceptible et ses aspects spatiaux et temporels, mais
aussi nos jugements de valeur, songeons l'tat
angoiss, apeur ou rotique. L'homme entier dans
son existence, dans son tat de personne physique
en situation dans le monde est dtermin par un
tel tat affectif gnral. C'est ainsi que nous comprenons la phrase du philosophe Heidegger : L'existence est toujours prdtermine . Ce qui intresse
le psychologue et le mdecin, c'est l'unit du sujet,
du corps et de la situation. La dcouverte de cette
unit a ouvert la voie la mdecine psychosomatique.
Il est intressant pour la psychologie compare
de constater que certains tats affectifs fondamentaux de l'homme peuvent tre observs galement
chez les animaux suprieurs. Naturellement, nous
ignorons le vcu subjectif dans la peur, l'agressivit ou la sexualit, presque totalement chez l'homme
et totalement chez l'animal. Mais dans notre recherche d'une nouvelle image de ce qu'est un organisme, dit Portmann 1 , nous sentons de plus en plus
que, pour interprter l'tre vivant, nous devons
imaginer chez l'animal au centre de l'exprience
vcue, une vie intrieure croissante avec la diffrenciation des espces. Nous devons nous efforcer
de figurer ce domaine clos l'aide de tous les indices
de ces vies intrieures que nous pouvons atteindre.
Portmann est d'avis il est vrai que nous ne
devons employer qu'avec grande prudence les expriences humaines pour interprter la faon d'tre
des animaux. Cependant pour juger de ce qui dans
tel mode de comportement est signifiant, il faut
interroger la motivation qui commande ce comportement particulier 2 . Il n'existe pas d'tat ammal
neutre ; l'tre vivant est toujours dans une dtermination, qu'il apparaisse extrieurement actif ou
en repos. Le sommeil et le repos dtendu sont aussi
bien des attitudes que des motivations, et l'animal
qui n'est plus dtermin, ou bien est soumis des
dterminations contradictoires ou se prpare rsoudre ces contradictions. Seul l'animal mort est
1. Portmann, op. cit., p. 198.
2. Op. cit., p. 184.
de temprature considrable. Aujourd'hui, on n'observe plus que trs rarement de telles fivres nerveuses .
Ces quelques exemples montrent qu'il existe une
diffrence essentielle entre les motivations humaines
et les motivations animales. Toute activit humaine,
mme le comportement involontaire et non accompagn de pense, est toujours lie directement ou
indirectement des chelles de valeur. Celles-ci ont
t incorpores l'individu par l'ducation ou par
les relations sociales et peuvent donc aussi se manifester en motivations.
V.
ORGANISME
OU
SUJET
roule sur son appui mais court pour ainsi dire, debout
sur les pseudopodes qui se forment du ct o elle se
dirige et disparaissent l'arrire. Une autre varit,
dcrite par Jakob v. Uexkill, constitue avec ses nombreux appendices allongs et fins une sorte de toile
d'araigne vivante, au milieu de laquelle se trouve
le corps. De petits infusoires restent colls aux appendices, ils sont propulss dans le corps qui les digre.
Dj Uexkill a fort bien observ que la formation
des pseudopodes ne peut s'expliquer par un simple
processus mcanique. Il est d'ailleurs impossible de
fabriquer artificiellement des amibes.
Uexkiill dclare insoutenable l'ide que les amibes
se sont formes partir de la matire non vivante
grce une combinaison chimique approprie. Cette
ide, dit-il, est aussi insoutenable que de prtendre
imaginer qu'un tremblement de terre ou l'incendie
d'une fabrique produit une automobile. Un tre
purement mcanique suppose ncessairement un environnement immuable, qui s'adapte lui. Car l'tre
mcanique ne possde pas l'aptitude rpondre efficacement une modification de son environnement.
Ce n'est que par cette aptitude, que nous dsignons du terme de rgulation, qu'un tre peut
s'adapter des modifications de son environnement.
Or, d'aprs Uexkll, il existe trois modes de rgulation, diffrents dans leur principe : 1 la rgulation
externe ; 2 la rgulation interne prvue dans la
structure interne ; 3 la rgulation interne modifiant la structure.
Les deux premires formes de rgulation sont
possibles par un simple jeu des lois mcaniques. Il
n'y a que la troisime qui constitue une activit
animale dpassant les simples lois mcaniques.
Y a-t-il une diffrence perceptible entre les
ractions et activits spontanes des amibes et
celles des animaux suprieurs?
direction diminuait. Mast estime que la modification du comportement aprs rptition de la mme
situation est de nature faire supposer chez l'amibe
une raction gnrale quivalant l'a constitution
d'habitudes.
De tous les infusoires, c'est le Paramaecieum qui a
t le mieux tudi. Les infusoires possdent une
structure trs complique. Leur forme extrieure a
une certaine permanence, ce qui permet de distinguer plusieurs espces de Paramaecium. Chez ces
infusoires, il existe au sein de la cellule une division
fonctionnelle des parties et comme des organes intracellulaires. On trouve des parties particulirement excitables (rcepteurs) et des organes du
mouvement (effecteurs). Certaines structures tablissent une coordination entre ces parties et constituent ainsi fonctionnellement un systme nerveux.
Les mouvements des cils des infusoires sont trs
parfaitement coordonns. Non seulement les poils
ciliaires des espces qui se dplacent en nageant,
mais aussi les soies qui introduisent les particules
alimentaires dans l'ouverture de la bouche et celles
qui assurent la marche de certaines espces,
prsentent dans leur mouvement une coordination
bien agenoe. On ne peut prciser pour l'ensemble
des infusoires dans quelle mesure cette coordination
est dtermine par des structures appropries.
Les recherches morphologiques ont en tout cas
permis d'tablir que les infusoires prsentent avec
les organismes multicellulaires une grande parent
et que oertaines conditions de vie font apparatre des
diffrenciations organiques et fonctionnelles, qui ne
sont pas subordonnes la classification zoologique
en organismes infrieurs ou suprieurs.
La locomotion natatoire en spirale est impose par
la structure. Mais celle-ci n'est pas seule en dcider.
La participation fonctionnelle, la succession de
battements des diffrents groupes de cils dterminent le mouvement de l'animal. Ainsi le Paramaecium peut nager reculons, tourner droite ou
gauche, s'arrter, tout en continuant mouvoir
son orifice buccal.
Une raction trs caractristique du Paramaecium est la raction de fuite. Cette raction ngative
se produit lors d'un contact avec une surface excitante, et en particulier lors d'un contact avec une
paroi solide ou avec un corps chimique. Au microscope, on voit le Paramaecium nageant en avant
heurter un objet. Aussitt le battement de cils se
retourne et l'animal nage un peu en arrire, puis
il effectue un mouvement de ct auquel succde un
nouveau mouvement natatoire normal. Plus l'excitation est forte, plus le mouvement de ct est fort.
La rotation ainsi effectue peut amener un retournement complet de l'animal si bien que, suivant le
mode d'excitation, nous assistons diffrentes
formes de fuites. La raction ngative peut se produire aussi sous une forme diffrente, par volte-face
sur place, par nage sur le dos.
Le caractre variable de la raction a une grande
importance pour la recherche. Nous observons
chez ces animaux infrieurs une srie de mouvements successifs, qui ne prsentent pas une corrlation ncessaire, imposant aprs telle phase une
suite toujours identique. Bien au contraire, l'excitation agit par ses caractristiques quantitatives et
qualitatives tout au long de la raction. Nous assistons, non pas un enchanement additionnel, mais
un dveloppement locomoteur dans lequel toutes les
phases prcdentes conditionnent le processus.
Les Paramaecium prsentent une aptitude
s'orienter par rapport la direction de la pesanteur.
Une exprience simple permet de l'tablir facilement. Si on place dans un long tube de verre un
VI.
ET
MONDE
ENVIRONNEMENT
WELT
( U M W E L T
Nos semblables et les animaux nous sont immdiatement connus intuitivement en tant que sujets.
Ce qu'ils pensent, ce qu'ils sentent, leur faon
d'prouver leur entourage, leurs intentions, nous
l'ignorons. Mais nous avons la certitude immdiate que
l'homme ou l'animal dont nous peroevons les mouvements fait vritablement quelque chose.
C'est--dire que nous contemplons, non pas une chose
parmi les choses, mais un tre qui sent, qui a un
comportement propre, dans ses rapports actifs avec
une situation. Avant que l'enfant se connaisse luimme comme un moi, il conoit sa mre et bientt le
chien comme un toi. Nietzsche disait dj : le toi
prcde le moi. Il y a quelques annes, H. Schelsky a
procd une enqute systmatique sur le concept
de subjectivit animale 1 . D distingue deux degrs de
connaissance chez l'homme : la subjectivit du moi
(conscience de notre propre intriorit) et la subjectivit du toi, phnomne fondamental et objet
de rflexion de l'tude du comportement, donc de la
psychologie compare. Nous prouvons et contemplons l'action dans sa relation de>signification avec la
situation.
Nous comprenons oe que fait un homme ou un
animal, par l'observation du monde sur lequel est
applique son action. Un sujet est toujours en
situation . J. v. Uexkull, qui nous devons l'axiome :
Les organismes sont des sujets et non des machines ,
1. Helmut Schelsky, Zwn Begriff der tierischen Siibjektivilt.
Studium Generale, 1948.
Chez tous les animaux tudis, crevisses ou poissons, on retrouve cette distinction. Les milieux animaux ont, comme l'univers humain, un caractre de
spatialit, de polarit entre le proche et le lointain.
A la fin du chapitre prcdent nous avons mentionn les expriences faites sur l'anmone de mer,
d'o il ressort que les tentacules de cet animal ragissent au contact actif ou passif de la mme faon.
Ce fait semble dmontrer que cette espce animale
infrieure n'a pas un vritable environnement, mais
un milieu comme tout vivant (plante, cellule). Il
semble que l'anmone de mer n'habite pas un espace
et donc n'a pas un environnement form et structur.
VII.
ET
ACTION
ACTE
(
(
HANDLUNG
LEISTUNG
connaissance accompagne, pour ainsi dire latralement, son implication senso-motrice dans la situation.
Et ce savoir se manifeste par trois caractristiques
du comportement humain, que notera tout observateur objectif : 1 l'homme a un style d'excution
propre ; 2 il essaie de corriger une perturbation ;
3 il risque, exprimente et dcouvre des ractions
nouvelles.
En apparence, l'homme, comme l'animal sait, par
routine, escalader un pic, traverser une rue, combattre ou jouer. L'animal, ce faisant, se dpasse
(depassieren) compltement, l'homme tente de se
dpasser . Ce terme dsigne un comportement
fix dans un tre dans la situation , tre en liaison
organique sensori-motrice avec elle, comportement
qui n'implique ni distanciation ni attitude objective.
L'homme russit se dpasser presque entirement au cours d'actions simples que rien ne trouble
et qu'il excute automatiquement. Tout homme
peut marcher sans rflchir, viter d'autres pitons,
dpasser, saluer, allumer entre temps une cigarette
ou boutonner son manteau. Nous nous dpassons ,
particulirement quand nous sommes plongs dans
nos penses ou pris par une conversation anime,
au point de ne plus savoir ce que nous voyons, ce que
nous faisons, ce que nous avons vu ou fait. Notre
comportement est apparent celui des animaux.
Mais bien peu d'hommes russissent escalader dans
cet tat un pic ou grimper sur un arbre. Au cours
de ces actions, et plus encore dans l'escrime, le football, le tennis, se manifestent les trois caractristiques
de l'activit humaine ci-dessus mentionnes. Ces
trois caractristiques y apparaissent en variantes
des gestes appris, adaptes judicieusement aux
images de situation.
Le style d'excution que nous observons est l'expression de l'valuation de l'action suivant les
V I I I . T E M P S ET T E M P O R E L { Z E I T L I C H K E I T )
IX.
Perception animale
et perception
I.
SIGNIFICATIONS
humaine
ABSOLUES
encore presque tout des caractristiques significatives absolues du monde pour le nouveau-n.
Mais nous savons que la sensibilit du nouveau-n
est tonnamment vive. Stirnimann, se basant sur
son exprience tendue, a pu dire que le nouveau-n
semble pouvoir tre influenc par tlpathie. Il y a
sans aucun doute de grandes variations individuelles
entre la sensibilit absolue de tel ou tel nouveau-n,
mais nous sommes mal informs- de ces diffrences.
Il est difficile de les tudier, car, trs rapidement, les
soins donns au nouveau-n introduisent des significations conditionnes nouvelles. En tout cas, le
petit tre humain n'est pas, comme le jeune animal,
rgl sur un environnement spcifique. Il est rapidement humanis dans et par le monde humain, et par
sa mre. Nous tudierons les tapes de ce dveloppement plus loin. La sensibilit du nouveau-n et les
ractions qu'elle provoque contribuent ce processus
d'humanisation au cours de la premire phase de la
vie. Si on compare l'enfant au chimpanz nouveaun, on voit combien les dispositions naturelles absolues sensorielles et motrices de l'homme diffrent de
celles de l'animal. Le corps du nouveau-n est dj
humain : il est dj nettement orient vers une existence ambigu dans un monde la fois historique et
logique.
II. FORMES
( G E S T A L T E N
) E T
CHOSES
du saillant. Il existe peut-tre des animaux infrieurs, dont l'tre est li un environnement ne
comportant aucun saillant. De tels animaux ressentiraient le flux et le reflux de la vie. Ils ne percevraient rien. Ils n'excuteraient pas de mouvements
orients signifis. L'amibe, l'anmone de mer sontelles de ceux-l? Ou bien une telle vie est-elle
rserve l'embryon animal, l'uf en dveloppement, la chrysalide du papillon?
En tout cas, de multiples expriences ont dmontr que les lois de structure (Gestaltgesetze) rglent
la perception optique aussi bien chez l'animal que
chez l'homme. Meesters a tudi l'organisation du
champ visuel des animaux 1 . Il a dress des poissons
1. A. Meesteis, Vber psychvol.
V, 1940, p. 84-149.
l'homme l'image prend nettement une vie indpendante. C'est ce qui permet chez lui des reprsentations, des phantasmes, comme les appelle Klages.
C'est ce qui autorise le souvenir sensoriel, la reproduction du peru. Klages remarque fort justement
que l'animal, le chimpanz par exemple, ne dessine
pas, et cela non par incapacit de faire les gestes
ncessaires, mais bien parce que le monde qu'il per1. M. Heidegger, Das Ding , in: Vortrge u. Aufstze, Pfullingen, 1954.
2. L. Klages, Der Geist als Widersacher der Seele, Leipzig, 1937,
vol. I, p. 369 sq.
part, sensation vue d'un tre objectif et de la multitude de significations existentielles de ce monde d'tre
des choses d'autre part, correspondent deux formes
essentielles des relations sensorielles. Rsumons
avec Max Scheler : L'animal n'a pas d' objets. 1
Il ne fait que pntrer extatiquement son environnement, dont, tel un escargot sa coquille, il trane
partout o il va la structure. Se distancier de cet
environnement, le concrtiser en un monde, c'est
un acte que l'animal ne saurait raliser, pas plus
qu'il n'est capable de transformer les centres de
rsistance, limits par ses motions et impulsions,
en objets.
L'homme, conclurons-nous 2 , c'est pour ainsi dire,
un animal qui s'tant frott les yeux, regarde tonn
autour de lui, parce qu'il aperoit Vautre, parce
qu'il a en face de lui un monde qui lui fut donn en
don inexplicable. C'est cette dcouverte de l'existence
du monde qui permet l'entre en scne de ce qui est
proprement humain : langue, culture, technique,
art, science et religion, mais aussi joie et douleur,
amour et haine.
III.
LA
CONSTANCE
DU
FAMILIER
iv.
L'ORIENTATION
Homme et animal trouvent dans leur environnement le familier et l'tranger, l'attirant et le menaant. Tout comportement a avant tout un sens, une
orientation motrice partant d'un point de dpart.
Existence humaine et existence animale supposent donc ncessairement l'orientation dans l'espace.
Interrogeons donc les sensations et perceptions qui
orientent le comportement. L'animal, conduit par
une signification absolue, sent o se trouvent la
nourriture, le partenaire sexuel, le compagnon ou
l'ennemi.
Nous avons pu dceler, grce de nombreuses
observations, les donnes sensorielles qui orientent
ainsi l'animal. Chez les animaux infrieurs, il semble
que l'orientation soit le rsultat de forces et d'nergies dont l'action est analogue celle de la lumire
et de la pesanteur sur la croissance des vgtaux.
Nous savons que deux sources lumineuses d'inten-
question du sens d'orientation. On rejette gnralement l'hypothse d'un sens primitif indpendant qui
percevrait les directions et localisations. Ds lors il
est impossible d'expliquer de faon satisfaisante les
envols orients, les retours au nid d'oiseaux transports. Les savants estiment actuellement que l'orientation portant sur de grandes distances est fonction
de stimuli sensoriels et de leurs traces dans le
systme nerveux ; mais on ignore la nature de ces
stimuli et plus encore les processus qu'ils dclenchent
dans le systme nerveux. Les enqutes approfondies
de von Frisch nous fournissent une large information sur les conditions de l'orientation chez les
abeilles
Les animaux suprieurs possdent eux aussi visiblement un instinct d'orientation. On a souvent
observ qu'un chien revient de fort loin sa maison,
mme s'il l'a quitte dans une voiture ferme et a
fait ainsi un voyage compliqu en pays totalement
inconnu. B. Schmidt a tent d'expliquer cette nigme.
Il semble que le chien erre souvent longtemps avant
de retrouver les chemins connus. Il parat impossible
qu'il flaire des traces olfactives. Sans doute ressent-il
plus fortement que l'homme la direction o se
trouve son habitat.
Jaccard a recueilli en 1932 des observations sur
l'orientation distance et le sens dit d'orientation
chez l'homme 2. Les rsultats les plus surprenants
furent enregistrs par l'ingnieur franais Cornetz,
dans ses observations relatives des guides travers
le Sahara. Si on les entrane, les yeux bands, sur
1. K. v. Frisch, Aus dem Leben der Bienen, Berlin, 1941 ; en
particulier Lernvermgen und erbgebundene Tradition in Leben der
Bienen et L'Instinct dans le comportement des animaux-et de l'homme,
Masson, 1956, p. 345 sq.
2. Jaccard, Le Sens de la direction et l'orientation lointaine chez
l'homme, Paris, 1932.
V.
IMAGE
ET
REPRODUCTION
Z.f.
de la zone corticale du cerveau 1 . Ces patients prsentent maints gards une perte de leur intgrit
humaine, qui est en fait une perte de l'attitude abstraite . Ces patients, et le fait intresse la question
qui nous occupe dans ce chapitre, ne pouvaient saisir (et copier) une figure simple, que si elle reprsentait quelque chose de concret et plaait le malade
dans une situation concrte. Nous ne pouvons ici
entrer dans le dtail des observations recueillies. Nous
nous contenterons de citer une exprience. On prsente au malade quantit de brins de laine colors,
on lui donne mission de rassembler tous les fils rouges.
Il en est incapable. Il n'arrive qu' assembler quelques
fils qui prsentent exactement la mme nuance et la
mme valeur de couleur. Mais il ignore la catgorie
abstraite rouge qui embrasse toutes les nuances
et diffrentes valeurs. Il voit trs bien l'identit concrte, mais il ne saisit pas la ressemblance qui apparat la lumire d'une ide, d'un concept abstrait.
Nous montrerons plus loin que le chimpanz qui
a grandi en milieu humain peut dans une grande
mesure habiter notre monde et prsenter quantit
de formes de comportements humains. Mais mme
les animaux suprieurs ignorent l'abstraction, parce
qu'ils ne possdent pas l'aptitude la parole.
III.
Communaut humaine
et communaut animale
quement humaine. On sait dj comment le comportement de nos animaux domestiques peut nous
inciter une telle interprtation.
Si nous en venons maintenant comparer la vie
de groupe entre individus de sexes opposs dans le
rgne animal et dans le monde des hommes, il suffit
de comparer l'excitation sexuelle des animaux suprieurs avec l'amour humain pour se convaincre de
la diffrence fondamentale qui existe entre les deux.
Nous dirons schmatiquement qu'aprs la maturit
sexuelle, la rencontre des sexes est la condition dcisive pour le dbut d'une relation qui, selon les circonstances externes et internes, donne suite une
vie de groupe plus ou moins longue. Si ce schma
tait applicable galement l'homme, le comportement sexuel aurait un fondement biologique qui
serait tout simplement rprim ou favoris par les
couches suprieures de la vie spirituelle (les
normes thiques, les jugements rationnels). Nous
avons cart la conception de l'homme, animal matris par l'esprit, par l'me, et cherch accrditer
la thse selon laquelle tout comportement humain,
toute perception et tout mouvement, possdent des
caractristiques proprement humaines. MerleauPonty, qui soutient cette opinion du point de vue
philosophique, dit que nos sentiments et nos modes
de comportement motionnels sont invents comme
les paroles . La sexualit humaine est certes conditionne par le corps, mais la sensation corporelle
ne trouve sa signification qu'en relation avec une
situation relle ou imaginaire. Il faut projeter une
situation sexualise pour que la reprsentation,
l'image de l'autre veille les sentiments prouvs
dans notre propre corps. Les sentiments acquirent
alors la signification affective que l'on nomme amour.
L'amour se distingue essentiellement de la sexualit animale car l'homme doit choisir la passivit
espce, dont la signification dans leur monde environnant n'a qu'une variabilit rduite. Dans la socit
humaine on accorde aux diffrences physiques entre
l'homme et la femme les significations et les valeurs
les plus diverses. Ces diffrences sont historiquement
dtermines, elles ne constituent pas un destin inluctable.
I I . L A M A N I F E S T A T I O N ET L A P A R O L E
cit.
serait trop long de dcompter au sein des communauts animales les innombrables varits de manifestations. Pour montrer combien la sensibilit des
signaux simples possde une utilit biologique,
citons la raction des poissons une substance
libre par suite d'une lsion de la peau, raction
dcrite par von Frisch1. Les vairons et d'autres
espces de poissons, qui nagent par bancs, se dispersent ds qu'une trace de cette substance d'pouvante (substance dont nous ignorons la nature) se
rpand dans l'eau. Les animaux restent en alarme
des heures, voire des jours durant. La substance est
caractristique de l'espce, mais des espces voisines produisent des substances analogues. La signification des manifestations dans la vie de groupe
des animaux recle encore beaucoup d'nigmes non
rsolues. Nous connaissons des poissons comme le
dit Portmann quips d'organes de l'oue mais ne
pouvant produire de sons alors que d'autres, au
contraire, possdent des metteurs sonores, et nous
savons aujourd'hui que les fonds marins sont en
maints endroits plus bruyants que nous ne l'imaginions d'abord ! La communication dans les communauts animales l'aide de sons, de gestes et d'autres
signaux est parfois trs complique. Von Frisch a
rendu clbre, par ses minents travaux, la fameuse
langue des abeilles qui donne avec prcision
l'orientation sur le terrain et la transmission des
renseignements sur les points de nourriture 2.
La manifestation dans le monde animal est toujours un comportement qui est li d'une faon
significative une situation, des congnres ou
d'autres animaux. Elle n'est ni une communication
1. K. von Frisch, Vber einen Schreckstoff der Fischhaut und
seine biologische Bedcutung, 1942, p. 46.
2. Die Naturmssenschaften, X X X V I I I , 1951, p. 105-112, et
XLI, 1954, p. 245-253.
de l'animal. Chez l'enfant s'veille pour reprendre l'expression de Klages (cf. II, n)- avec la
parole ce mode d'existence, parce que l'enfant est
dj humain, et donc capable et avide de parler. Ce
besoin de parole est double comme est double la
fonction du langage. Celui-ci est plus qu'une simple
communication, question ou rponse, car dans
chaque contenu, si rationnel qu'il soit, s'exprime
aussi la communication avec le semblable. Sans
doute pouvons-nous distinguer un langage motionnel d'un langage rationnel. Mais une distinction
complte a lieu seulement lorsque l'mission vocale
n'est plus que l'expression d'une motion, comme par
exemple dans le cri de douleur ou d'angoisse. La
production motionnelle de sons chez les animaux a
t souvent considre, entre autres par Darwin,
comme unt *
* "able au langage humain.
reconnu que le langage
Cependant
humain est le langage de la sensation , mais que les
sons naturels... ne sont pas les vraies racines mais
les sucs qui animent les racines du langage 1 . La
manifestation affective de l'animal n'est pas
l'origine du langage. Cependant les sons motionnels
rattachent le langage humain aux mouvements
primaires de la vie. Le linguiste Jespersen estime que
le langage primitif tait une expression affective
avec un minimum de contenu pens : J'imagine
que la premire manifestation du langage se place
entre le miaulement nocturne d'un chat amoureux
sur son toit, et les mlodieux chants d'amour du
rossignol 2. Nous pouvons interprter cette citation
de la faon suivante : le petit enfant exprime ses
motions dans ses premiers sons (comme le chat),
1. T. G. Herder, Vber der Ursprung der Sprache, 1772.
2. 0. Jespersen, Langage, its Nature, Development and Origin,
Londres, 1949, p. 434 ; cf. Sydney Baker, The Instinctual Origin
of Language , J. Gen. Psychol., 1955, p. 305-328.
m .
Le corps constitue l'esquisse pralable de l'existence. Notre corps montre la manire selon laquelle
notre comportement peut se dvelopper. L'enfant
dcouvre les possibilits qu'offre la bouche, la main,
le pied pour entrer en contact avec les choses et les
vnements. La coopration de l'il et de la main
est d'une importance dcisive pour le comportement
de l'enfant humain et du jeune chimpanz.
Lorsque Viki prend des objets dans la main et
les regarde sur plusieurs faces, cela reprsente une
mancipation de l'aspect unique d'une seule face.
La chose considre de plusieurs points de vue
comme une unit et isole de l'entourage devient
une exprience du chimpanz, comme elle l'est aussi
chez l'enfant. Cette exprience qui se forme dans
une relation sensori-motrice est perception de l'objectivit des choses. D s'agit l du degr avant la
conscience de l'tre et avant la relation conceptuelle
avec le monde. C'est avec cette conscience oriente sur
l'objectivit que se forme chez l'enfant la conscience
du moi , la connaissance de sa propre position en
face du monde. De cette position, l'enfant peut avec
la main ou la parole indiquer quelque chose. Cela, le
chimpanz ne le peut pas. D lui manque la parole, et
par consquent toute trace de civilisation, toute
vritable humanit.
Gua et Viki manifestaient cependant d'une faon
bien plus pronone cette attitude, ces actions et
ces expressions affectives que nous observons chez
le chien quand nous dclarons qu'il ne lui manque
que la parole . Les jeunes chimpanzs prsentent
sur le chien deux supriorits qui les humanisent.
Ils ont une plus vive intuition de la structure significative des situations et des vnements, intuition
que nous appelons intelligence pratique . En outre
ils imitent les actions, les expressions, la mimique
et les gestes, que ne peut faire le chien. Nous
i v . L ' E N F A N T ET LE
CHIMPANZ
dessiner, il ne peut que gribouiller. Le dveloppement de l'enfant, dans ses contacts, dans son jeu
et ses imitations est un dveloppement homogne
de son humanit, de sa libert, de ses actes, de ses
rgles impratives et de son langage.
IV.
Intuition et comprhension
I.
L'INTELLIGENCE
ANIMALE
tuele comme par exprience. L'intelligence pratique trouve, sans juger, le moyen opportun et l'emploie d'une faon efficace.
Notre exprience personnelle nous apprend que
cette aptitude trouver immdiatement ce qui
convient est perturbe par les troubles affectifs.
Les situations d'exprience ont souvent pour les
animaux, chiens et singes, un caractre fortement
affectif. Aussi les actions les plus intelligentes sontelles gnralement observes dans l'environnement
familier. Par exemple, on les note chez des animaux
domestiques qui, en dehors de toute contrainte,
sous l'impulsion d'un mobile puissant, visent un
but dans un milieu bien connu et familier. L'intelligence exige l'attention. Elle suppose la vigilance,
interdit la distraction, rclame l'observation, et
l'intrt du sujet. Ainsi le chat devant le trou de
souris est braqu sur ce qui vient. C'est l le mobile
de sa vigilance. Et inversement sa vigilance le braque
vers ce qui vient. Khler a observ dans ce domaine
d'importantes diffrences individuelles entre ses
singes anthropodes. Il y a des animaux dont l'attention se perd vite, qui sont distraits ou rveurs et
se comportent de ce fait moins intelligemment.
II.
MOYEN
ET
BUT
firent spontanment, avant la traction, le mouvement latral ncessaire. Aprs environ cent essais,
un succs fut atteint par pur hasard. Au bout de
deux cents essais (avec seulement quelques succs
fortuits) l'exprimentateur offrit son aide. Il dplaa
latralement la fois le bton et les mains cramponnes autour. Ce ne fut qu'aprs cent rptitions que
Gua et Donald ragirent efficacement la situation.
Donald manifesta cependant plus d'intuition :
aprs quelques succs, il redoubla de prcautions
pour dplacer latralement la pelle.
Dans une troisime exprience, la pelle fut
prsente appuye debout au filet mtallique.
Gua et Donald russirent au bout de cinq tentatives.
Finalement, le fruit fut plac gauche de la pelle.
Lors des deux premires tentatives Gua et Donald,
obissant l'habitude, dplacrent la pelle vers la
droite. Mais ds le troisime essai, ils la poussrent
gauche.
Ces expriences montrent qu'il y a adaptation du
comportement la situation. Cette adaptation se
fait lentement chez le petit chimpanz comme chez le
petit tre humain. Mais l'enfant tire davantage
d'enseignements de l'aide offerte. Cela s'explique
par les relations plus troites entre enfant et adulte,
et sans doute aussi par un dbut d*objectivation
et donc par une comprhension de l'aide offerte.
l'exprience et l'apprentissage, les moyens disponibles sont de mieux en mieux utiliss. De nouveaux
instruments sont dcouverts au cours des jeux.
Plus tard ils sont utiliss pour atteindre le but. Le
saut au bton en fournit un exemple. Les animaux
piquent verticalement un bton sur le sol. Ils y
grimpent aussi rapidement que possible. Et, de la
sorte, ou bien ils atteignent directement le but,
ou bien ils bondissent sur lui l'instant o le bton
se renverse. D'un animal l'autre, l'usage du saut
au bton se rpandit, mais dextrit et habilet
utiliser efficacement l'outil restrent variables suivant l'individu.
Il est toujours difficile de dcider si les animaux
(ou les hommes) arrivent utiliser judicieusement
un moyen, qui les conduit au but, par l'essai et
l'erreur, ou grce l'clair d'une intuition, c'est-dire par intelligence pratique.
Pour en dcider, il nous faut connatre l'histoire
antrieure du sujet. Mais cela ne suffit pas, il nous
faut procder une longue tude comparative. On
a cru longtemps qu'utiliser de diverses faons des
btons tait le fait des seuls anthropodes intelligents . Mais Harlow a montr que mme certains
singes infrieurs (de l'espce des cbids) sont capables de rsoudre des problmes mme compliqus
l'aide d'un bton. {D'aprs les tudes de Portmann,
l'index de crbralisation du cbid est suprieur (53)
celui du macaque (38) et du chimpanz (49).]
Le procd du saut au bton, par exemple, est accessible aux singes infrieurs. Harlow a men une enqute comparative sur deux espces de singes infrieurs, le cbid et le rhsus. Il en a conclu que les
diffrences relatives l'utilisation de moyens pour
atteindre un but sont dtermines moins par des
facteurs dits d'intelligence que par des penchants
inns manipuler telle ou telle chose. Les petits
enfants eux aussi n'apprennent en gnral employer divers moyens pour atteindre quelque chose
que progressivement. Comme les singes, ils partent
toujours, pour ce faire, de la perception d'une disposition spatiale. Cette perception dclenche un
mouvement dans la direction du but, par exemple
l'extension du bras ou le redressement du sujet.
Par la suite un geste se forme aisment pour tendre
la porte de l'action : le bras s'allonge d'un bton,
la position du corps est modifie, le sujet grimpe
par exemple sur une base surleve. Ds que le
chien atteint l'ge o il peut sauter, il bondit sur
une chaise sans aucun apprentissage pralable. Puis
il apprend que la chaise est un moyen d'atteindre
un but situ sur la table. Mais il ne dispose pas,
comme le singe ou l'homme, d'une main pour atteindre et saisir.
Toute intelligence pratique repose sur des aptitudes
physiques. La fonction de la main en tmoigne. Le
chimpanz sait utiliser sa main non seulement pour
saisir et grimper mais aussi pour prendre les objets
avec une certaine habilet et les manipuler. La main
de l'homme est, ds l'enfance, le vritable organe
de conception et d'laboration tactile des formes.
Revesz l'a fort bien montr 1 . Palper un objet, c'est
former des hypothses, analyser, corriger et runir
en image des impressions. Au contact des choses,
l'enfant apprend a reconnatre tactilement. De
cette faon, la main devient, comme dit Kant, le
cerveau externe de l'homme . Cette ide a t
dveloppe par H. Focillon 2 : a La main arrache
le sens tactile sa passivit rceptive. Elle l'organise
pour l'exprience et le travail. Entre la main
et l'outil s'est noue une amiti ternelle. L'esprit
forme la main, la main forme l'esprit.
1. >M FormentveU des Tastsinne, Nijhofl, La Haye, 1938.
2. Vie des formet, P. U. F., 1947.
distancier de la situation. Cette distance les humanise. Khler a fort judicieusement not qu'il faut se
garder, dans l'tude des chimpanzs, de confondre
l'impression extrieure de ressemblance avec l'homme
avec le niveau du travail, le degr d'intuition.
Nous appelons emploi d'instrument (Werkzeuggebrauch) l'utilisation d'un moyen pour atteindre
un but vis, quand le moyen est un objet (bton,
caisse) qu'il faut aller chercher avant de l'utiliser.
Un tel comportement a t observ presque exclusivement chez les singes. On y a vu un stade infrieur des travaux humains. Mais n'y a-t-il pas emploi
d'instrument quand un oiseau slectionne et utilise
judicieusement les matriaux appropris pour se
btir un nid? Dans notre monde, nous distinguons
sans doute matriau et instrument. Mais cette distinction repose sur l'opposition entre travail crateur et action lie une situation. Les travaux de
l'homme supposent un monde objectif et une attitude intrieure. Ils impliquent donc que le sujet
conoive le rle qui l'engage, dans la solution du
problme saisi objectivement (et non pas ressenti
comme situation). Le monde animal ignore de telles
implications. Peut-tre existent-elles l'tat de
traces, surtout chez les anthropodes. Mais elles ne
sont jamais, comme chez le petit tre humain, la
base d'un dveloppement progressif. L'anthropode
ne connat ni culture, ni dveloppement technique.
Aussi est-il tout aussi erron de nommer instruments
le bton ou tout autre objet, que de dsigner les
branchettes utilises par l'oiseau la construction
de son nid matriau de construction . Le chimpanz est incapable de travailler, il sait se comporter
plastiquement . Il possde une aptitude estimer trs fine. Il sait avec une grande prcision
apprcier directement les distances et les rapports
spatiaux. Il est en outre capable de percevoir sou-
cage pour utiliser ce deuxime bton. Il arrive pourtant qu'un animal bte se procure ainsi un bton
long, mais n'en continue pas moins utiliser le bton
trop court. Parfois le singe ayant ainsi une abondante exprience de l'emploi d'objets pour augmenter la porte de ses bras, utilise un instrument non
encore employ et mme le cherche. Sultan va,
par exemple, chercher son gardien et grimpe sur les
paules de cet homme. Le gardien se baisse. L'animal
descend en gmissant. Il saisit de ses deux mains
le postrieur du gardien et s'efforce de l'lever en
l'air. Faon tonnante d'amliorer l'outil humain.
Viki aussi utilise galement maintes reprises les
hommes qu'elle connat bien comme instruments,
c'est--dire comme moyens d'atteindre son objectif.
Le singe ne dispose-t-il pas d'une canne, il casse
l'occasion la branche d'un arbre et la passe par
la grille pour atteindre l'objectif. La suite des
gestes depuis le mouvement vers l'arbre jusqu' la
prise en main du fruit est une seule et rapide chane
d'actions sans le moindre hiatus, sans le moindre
mouvement qui ne fasse pas pratiquement partie
de la solution dcrite (Khler, p. 74). Il est rare
d'observer de tels actes chez les animaux infrieurs.
Les chimpanzs possdent l une aptitude dont ils
gardent le privilge.
Les chimpanzs savent-ils fabriquer un outil ?
C'est une question controverse. On a observ que
s'il leur faut un bton, ils arrachent un grillage,
dtachent en s'aidant de leurs mains et de leurs
dents un clat de bois d'une caisse ou d'une branche,
redressent approximativement un fil de fer enroul
(sans se soucier de le dmler). Un chimpanz enfila
un tube mince dans l'embouchure d'un tube plus
gros. Il utilisa immdiatement le double tube ainsi
constitu pour attirer lui une banane. C'est l
l'exemple le plus connu d'une fabrication d'outil.
III.
COMPORTEMENT
SYMBOLIQUE
Cela se produit sans qu'intervienne aucune reprsentation, rflexion ou image-souvenir. Seule agit la
puissance de l'habitude. La question n'est pas un
problme exigeant un certain recul pour tre compris.
On a donc tort de parler de tches ou de problmes , quand on exprimente sur les animaux.
Tinklepaugh a procd diverses expriences
relatives au choix multiple aprs retard 1 . Il disposa
dans un local de 6 32 rcipients qu'il rangea deux
par deux en cercle. Chaque paire de rcipients diffrait des autres. L'exprimentateur posa un objet
dans un rcipient de chaque paire sous les yeux de
l'animal. Un moment aprs, celui-ci peut faire ses
choix. Avec 8 paires de rcipients, le pourcentage de
ractions justes fut de 61 % pour les singes infrieurs, de 88 % pour les chimpanzs. Dans l'exprience comportant 16 paires, le rsultat fut
pour les chimpanzs d'environ 78 %, pour les enfants de 63 % et pour les adultes de 75 % . Le
rsultat tait donc peu prs le mme pour tous les
sujets. Les sujets humains interrogs n'avaient
que rarement essay consciemment de se souvenir
des localisations ; la plupart choisirent sans rflchir
(sans se reprsenter une image-souvenir). Ils obirent l'attraction qu'exeraient sur eux les lieux
choisis.
Les singes semblent se rappeler la nature de la
nourriture dpose dans un rcipient. On le constate
l'expression d'tonnement que prend la physionomie du sujet si on a, son insu, chang la
nourriture (Tinklepaugh2). Par exemple le singe
voit l'exprimentateur poser une banane dans un
des deux rcipients. Avant de laisser choisir l'ani1. Tinklepaugh, Multiple Delaye Reaction wilh Chimpanzees
{and Monkeys).
2. An Exprimental Study of Reprsentative Factors in
Monkeys , J. Comp. Psychol., 1928, VIII, p. 197.
1. Max Scheler, Die Stellung des Menschen im Kosmos, Darmstadt, 1928, p. 46.
Rsum
encyclopdique
LA P S Y C H O L O G I E
COMPAREE
mort, sommeil et rve, souhaits, attentes et souvenirs voquent toujours l'ide d'une me substantielle qui est imagine agissant en corrlation mystrieuse avec les forces vitales. Mourir, c'est exhaler
son dernier souffle, perdre sa dernire goutte de sang.
Tout ce qui respire, tout ce qui meurt en perdant
son sang est donc imagin dou d'me comme
l'homme. L'me habite le corps, pense l'homme,
s'appuyant sur son exprience immdiate. Aprs la
mort physique, elle mne une existence indpendante, bien que fantomatique. Les reprsentations
concernant les royaumes des esprits, la migration
des mes, les puissances magiques, les fantmes,
etc., diffrent d'un peuple l'autre, mais ont toutes
un fond commun. Les communauts primitives se
firent ainsi une multitude d'images religieuses confuses sur la vie de l'me animale et humaine. En
face de cette profusion, on mesure mieux l'extraordinaire apport de la pense grecque constituant
une base solide pour le dveloppement scientifique
de l'Occident.
Aristote (384-322 av. J.-C.) posa le premier les
fondements de la psychologie compare en dfinissant l'me comme la forme du vivant sans cesse
agissante et sans cesse en voie de se raliser ellemme. Ame et corps sont uns comme la cire et
son moule. Un paragraphe du livre De anima (liv. II,
chap. 1) est clbre. Aristote y dit : Imaginons
que tel instrument, par exemple une hache, soit un
corps naturel, l'tre propre la hache constituerait
son essence, et cette essence serait son me... Seulement, la hache n'est pas un corps naturel. La
(vritable) me est ce qui porte en soi-mme l'origine premire du mouvement et du repos . L'me
est donc le principe actif de vie. Mais le terme de
BIOGRAPHIE
DE
L'AUTEUR
F. J. J. B.
I.NOTIONS
ET
PROBLMES
DE
PSYCHOLOGIE
COMPARE
i.
II.
m.
iv.
v.
vi.
vu.
vm.
II.
ANIMALE
ET
5
12
27
40
46
54
60
66
PERCEPTION
HUMAINE
i.
II.
m.
iv.
v.
Significations absolues.
Formes (Gestalten) et choses.
La constance du familier.
L'orientation.
Image et reproduction.
71
76
83
87
95
i.
II.
m.
iv.
III.
COMMUNAUT
HUMAINE
ET
COMMUNAUT
ANIMALE
INTUITION
ET
COMPRHENSION
i. V intelligence animale.
il. Moyen et but.
in. Comportement symbolique.
RSUM
107
117
125
132
139
146
163
ENCYCLOPDIQUE
La psychologie compare.
175
BIOGRAPHIE
185
DE L'AUTEUK.
ACHEV
20
D'IMPRIMER
SEPTEMBRE
P R E S S E S DE
1965
LE
SUR LES
L'IMPRIMERIE
f.j.j. buytendijk
l'homme et l'animal
L'analogie entre le comportement de l'animal et celui de l'homme est frappante et en
mme temps si nigmatique qu'elle a toujours-suscit Ttonnement et provoqu de
nombreuses tentatives d'interprtation. Le
professeur Buytendijk, un des matres de la
psychologie compare, expose les recherches faites dans ce domaine et donne une
synthse des explications psychologiques
et philosophiques.