Le Comique, La Théâtralité Et L'absurde en Cantatrice Chauve
Le Comique, La Théâtralité Et L'absurde en Cantatrice Chauve
Le Comique, La Théâtralité Et L'absurde en Cantatrice Chauve
Lobjet de cette analyse est la premire pice de thtre crite par le dramaturge
Eugne Ionesco, La cantatrice chauve , et qui a t mise en scne par Nicolas Bataille en
1950. Cette pice a t qualifie comment appartenant du thtre de la drision et a anti-
pice comment sous-titre dans sa premire page. Ceux-l sont des attributs, dune certaine
faon, inhabituels cette poque l. En tenant compte ce contexte, lanalyse propose de
travailler avec les trois lments plus importants prsents dans le texte : le thtre de
labsurde, le comique et, enfin, la thtralit.
la premire page, les acteurs et les personnages sont prsents : Mme Martin, Mme
Smith, Mary, M. Martin, M. Smith et le capitaine des pompiers. Au-dessous du nom de la
pice, il y a un sous-titre trs suggestif anti-pice ce qui permet au lecteur rassembles ses
notions sur pices thtrales et simuler, donc, quelque chose contraire. Peut-tre, la pice dans
ce contexte-l fait rfrence aux modles de la tradition du thtre classique dans laquelle il y
a les trois units, de temps, de lieu et daction, et aussi la biensance. Donc, la anti-pice est
lannulation ou ngation de ces rgles-l. Quand on fait la premire lecture, il convient
dobserver quil y a un seul endroit o les choses se droulent : une salle de sjour (peut-tre
la salle manger) de la maison des M. et Mme Smith. Toutefois, il semble quil ny ait pas
une unit de temps, car les coups de la pendule a lesprit de contraction. Elle indique
toujours le contraire de lheure quil est. 1, ce quest absurde dimaginer mais quajoute
lide de anti . En ce qui concerne laction, on peut dire quil ny a pas une, puisque la
pice est constitue de dialogues qui nont pas un but pertinent en fonction du raisonnement
logique, ce que fait rfrence au contraire de la biensance. Par exemple, la scne I, o
madame Smith parle avec son mari et, devant sa rponse dsintresse (il fait claquer la
langue), elle continue comme si cela suffisait pour tre un dialogue, mme sil ny a pas un
but logique. Face cet trange scne, il est ncessaire de comprendre que La Cantatrice
Chauve fait partie du Thtre de lAbsurde dont son picentre a t Paris, au XXe sicle.
Selon Esslin, dans lintroduction du livre2 sur ce nouveau type dexpression, Le sens
premier du mot absurde tait inharmonieux au sens musical, do la dfinition du
1
IONESCO, Eugne. La Cantatrice Chauve [en ligne]. 1950. Disponible sur : <
www.fcvnet.net/~fredhatif/site.../xx/.../cancatrice_chauve.pdf> (consult le 19 juin 2016) p. 29 (PDF) ou 64
2
ESSLIN, Martin. Introduction. In : Thtre de lAbsurde [en ligne]. Paris : ditions Buchet/Chastel. Disponible
sur :< http://disciplinas.stoa.usp.br/pluginfile.php/808963/mod_resource/content/1/esslin.pdf > (consult le 20
juin 2016)
dictionnaire : en dsaccord avec la raison et la biensance, incongru, irraisonnable,
illogique. , dont dclaration attestant la contestation propos de la biensance et des
lments du thtre classique o nous avons des rgles trs strictes aux pices thtrales. Au
sein du Thtre de lAbsurde, il ny a pas une structure spcifique qui doit tre suivie, tant
donn quil ne font partie daucune cole ou mouvement organiss ou voulus. Au contraire,
chacun des crivains en question est un individu qui se considre un solitaire, retranch et
isol dans son propre monde. Chacun a sa faon personnelle daborder la fois le sujet et la
forme ; chacun a ses racines, ses sources et sa formation particulires 3. En ce qui concerne
au contenu et lauteur, Esslin crit ces crivains [Giraudoux, Anouilh, Salacrou, Sartre et
Camus] diffrent pourtant de ceux du Thtre de lAbsurde sur un point important : ils
exposent leur sentiment de lirrationnel de la condition humaine sous la forme dun
raisonnement lucide et logiquement construit, alors que le Thtre de lAbsurde exprime son
sens de cette mme condition et dmontre ce que la raison a dinadquat, en abandonnant
dlibrment les dmarches rationnelles et la pense discursive. 4 et ainsi, cest possible de
comprendre la flexibilit structurelle de la pice, avec ses scnes o le temps ne semble pas
avancer, sans une intrigue, avec des dialogues qui manquent parfois dun lien logique entre
les personnages et mme des didascalies qui ne semblent pas possibles dtre exprimes
physiquement, comme celle dbutante de la pice, par exemple : Intrieur bourgeois
anglais, avec des fauteuils anglais. Soire anglaise. M. Smith, Anglais, dans son fauteuil et
ses pantoufles anglais, fume sa pipe anglaise et lit un journal anglais, prs d'un feu anglais. Il
a des lunettes anglaises, une petite moustache grise, anglaise. ct de lui, dans un autre
fauteuil anglais, Mme Smith, Anglaise, raccommode des chaussettes anglaises. Un long
moment de silence anglais. La pendule anglaise frappe dix-sept coups anglais 5.
Le nom absurde nest pas une concidence, car les personnages sont inhabituels et
ont dialogues si particuliers qui sont comme ils sont sortis dun rve. Il y a des phrases dites
qui sont en contradiction avec elles-mmes ; cest le cas du M. Smith en dcrivant le dcd
Bobby Watson en utilisant deux descriptions diffrents mme sil la dj vu vis--vis. Par
ailleurs, il y a le cas du couple M. et Mme Martin quarrivent chez M. et Mme Smith et
parlent comment sils ne reconnaissaient pas et, seulement aprs, ils dcouvrent qui sont
maris mme sils taient ensemble quand ils sonnaient la cloche. Ou encore, quand Mary
3
Ibidem, p. 18
4
Ibidem, p. 20
5
IONESCO, Eugne. La Cantatrice Chauve [en ligne]. 1950. Disponible sur : <
www.fcvnet.net/~fredhatif/site.../xx/.../cancatrice_chauve.pdf> (consult le 19 juin 2016) p. 2
entre dans la scne et dit que M. et Mme Martin ont confondu et Elisabeth n'est pas
Elisabeth, Donald n'est pas Donald. En voici la preuve : l'enfant dont parle Donald n'est pas
la fille d'Elisabeth, ce n'est pas la mme personne. La fillette de Donald a un il blanc et un
autre rouge tout comme la fillette d'Elisabeth. Mais tandis que l'enfant de Donald a l'il
blanc droite et l'il rouge gauche, l'enfant d'Elisabeth, lui, a l'il rouge droite et le
blanc gauche! 6. Il y a, aussi, des quiproquos, quest le cas de la discussion autour de
lenterrement de Bobby Watson o M. et Mme Smith ont pris un air tonn quand ils ont vu
dans le journal quil est mort et M. Smith pose la question du pourquoi elle a pris cet air
tonn et, aprs, Mme Smith pose la mme question, compte tenu du fait quils sont alls
lenterrement il y a deux ou trois ans. Ces situations absurdes, dans le texte, dbouchent sur le
comique. En tenant compte de lanalyse fait sur le comique par Bergson, il est notable quil y
a dans le texte presque tout ce que cause le rire, lauteur. Il y a la rptition prsente dans le
texte et comme par exemple dans la dbutante didascalie o tous les objets et lments sont
anglais , aussi le corps vivant se raidissait en machine, exprim quand M. Smith fait
claquer la langue ou quand M. et Mme Martin rptent plusieurs fois comme cest
curieux ! comme cest bizarre et quelle concidence ! et aussi quand on a surpris chez
quelque objet une attitude dhomme, comme les cas du pendule qui sonne tant quelle
veut 7. Ce nest pas une concidence quil y a dans la pice lautomatisme humaine, puisque
le Thtre de lAbsurde a renonc argumenter de labsurdit de la condition humaine, il
la montre simplement dans lexistence, cest--dire que des images concrtes illustrent sur
scne labsurdit de lexistence 8, et il est ncessaire de rappeler que lauteur a crit cette
pice pour satiriser lapprentissage de langlais cause de la mthode Assimil, des phrases
courtes, dcousues, des clichs, le tout donnant un dialogue totalement loufoque 9. Selon
Bergson, Le corps vivant nous semblait donc devoir tre la souplesse parfaite, lactivit
toujours en veil dun principe toujours en travail. Mais cette activit appartiendrait
rellement lme plutt quau corps. Elle serait la flamme mme de la vie, allume en nous
par un principe suprieur, et aperue travers le corps par un effet de transparence. Quand
6
Ibidem, p. 12 (PDF) ou 31
7
Ibidem, p. 13 (PDF) ou 32
8
ESSLIN, Martin. Introduction. In : Thtre de lAbsurde [en ligne]. Paris : ditions Buchet/Chastel.
Disponible sur :< http://disciplinas.stoa.usp.br/pluginfile.php/808963/mod_resource/content/1/esslin.pdf >
(consult le 20 juin 2016) p. 21
9
LAROCHE-SIGNORILE, Vronique. 11 mai 1950 : premire de La Cantatrice chauve dEugne Ionesco [en
ligne]. 2015. Disponible sur :< http://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2015/05/10/26010-
20150510ARTFIG00118-11-mai-1950-premiere-de-la-cantatrice-chauve-d-eugene-ionesco.php > (consult le 20
juin 2016)
nous ne voyons dans le corps vivant que grce et souplesse, cest que nous ngligeons ce quil
y a en lui de pesant, de rsistant, de matriel enfin ; nous oublions sa matrialit pour ne
penser qu sa vitalit, vitalit que notre imagination attribue au principe mme de la vie
intellectuelle et morale. 10, et lautomatisme semble, donc, une chose externe la vie.
Cest peut-tre pour cet automatisme qui cause le comique quil soit possible de
concevoir les personnages en existant dans la scne rel et physique. Vu la thtralit prsente
dans tout le texte et qui est ne partir du texte, le lecteur peut imaginer et recrer les scnes
dans sa tte avec plusieurs dtailles qui ne sont pas donns explicitement par le texte objectif.
Le lecteur peut imaginer tout ce quil y a dans une scne : peut-tre le manque dintonation
quand les personnages parlent. Les clichs, qui sont rpts plusieurs fois peut voquer des
corps durs qui ne se meuvent pas beaucoup. Le manque daction combin avec lartificiel et la
superficialit prsents peuvent voquer une scne avec des couleurs diverses et clatantes,
comme si ctait une maison de poupe. En ce qui concerne la lumire, cela peut tre claire,
comme celles dune vitrine. Si on observe le discours des personnages principaux, cest
possible deux imaginer bourgeois, avec des cheveux coiffures et en portant des bijoux. La
voix, aussi, on peut imaginer Mme Smith avec un ton brlant alors que M. Smith a un ton
plus gros et monotone. Mary, la bonne, semble la plus humaine de tous, parce quelle apparat
spontanment dans les scnes. Il est assez intressant de noter que ce jeu de projection est une
combinaison de deux choses : ces choses qui sont vivantes entre les lignes dun texte et toutes
les expriences antrieures particulires de chaque lecteur, comme lexemple du ton de voix
de Mme Smith : peut-tre cela est ne dune exposition un film, une mise-en-scne ou
mme dune exprience quotidienne, quand on cre un lien entre Mme. Smith, une bourgeoise
bavarde et quelquun quon connat.
10
BERGSON, Henri. Le rire. Essai sur la signification du comique. Paris : ditions Alcan, 1924. p. 27 - 28
11
BARTHES, Roland. Le thtre de Baudelaire. In : Essais critiques [en ligne]. ditions du Seuil, 1964. Disponible
sur : < http://disciplinas.stoa.usp.br/pluginfile.php/923441/mod_resource/content/1/Essais%20critiques%20-
%20Roland%20Barthes.pdf > (consult le 19 juin 2016 p. 312 - 314
BIBLIOGRAPHIE
IONESCO, Eugne. La Cantatrice Chauve [en ligne]. 1950. Disponible sur : <
www.fcvnet.net/~fredhatif/site.../xx/.../cancatrice_chauve.pdf> (consult le 19 juin 2016)