Hefele. Histoire Des Conciles D'après Les Documents Originaux (Translation and Expansion Of: Conciliengeschichte) - Vol. 9 Pt. 2

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<40V-7

L161 — O-1096
HISTOIRE
DES CONCILES
d'après

LES DOCUMENTS ORIGINAUX V

PAR Charles-Joseph HEFELE


CONTINUÉE jusqu'en 1536

PAR LE CARDINAL J. HERGENRŒTHER


TRADUITF: en FRANÇATS avec des NOTES CRITIQUES ET BIBLIOGRAPHIQUES

PAR DOM tl. LECLERGQ


ET CONTIISUÉE JUSOu'a NOS JOURS

TOME IX
DEUXIÈME PARTIE

CONCILE DE TRENTE
PAR p. RICHARD, DOCTEUR Es LETTRES

PARIS
LrBRAIRIE LETOUZEY ET ANP:
87, BOULEVARD RASPAII,, 87

1931
HISTOIRE DES CONCILES
TOME IX
DEUXIÈME PARTIE
HISTOIRE
DES CONCILES
d'après

LES DOCUMENTS ORIGINAUX


PAR Charles-Joseph HEFELE
CONTINUÉE jusqu'en 1536

PAR LE CARDINAL J. HERGENRŒTHER


TRADUITE EN FRANÇAIS AVEC DES NOTES CRITIQUES ET BIBLIOGRAPHIQUBg

PAR DOM H. LECLERGQ


ET CONTINUÉE JUSQu'a NOS JOURS

TOME IX
DEUXIÈME PARTIE

CONCILE DE TRENTE
PAR P, RICHARD, DOCTEUR Es LETTRES

PARIS
LIBRAIRIE LETOUZEY ET ANÉ
87, BOULEVARD RASPAIL, 87

1931
Tarlslis, die 26 decombrls ly30
Nihil obstat

J. CAnnEYRE

Imprimatur
Lutetla Parislorum die 15» januaril 1931

V. DupiN
V. g.
2.10

LIVRE CINQUANTE-CINQUIEME
L'IMPUISSANCE DU CONCILE

CHAPITRE PREMIER

LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III

(1559-1563)

Paul ÏV laissait une situation difficile, comme le montrèrent les

troubles qui éclatèrent à Rome aussitôt après sa mort, et se répan-


dirent dans le reste des États de l'Église, accompagnés de destruc-

tions, d'incendies et de pillage : le palais du Saint-Office fut livré


aux flammes et la statue du pape au Capitole abattue et traînée
dans la boue; c'était à la personne de Paul IV qu'on en voulait,
aussi bien qu'à son gouvernement, semble-t-il. Les grandes familles
de la noblesse romaine s'affranchirent hardiment de la tyrannie
des Carafa, les curiaux respirèrent. La réaction fut générale, irré-
sistible et le Sacré-Collège, en prenant en main les rênes du pou-
voir dans l'Église romaine, jugea prudent de lui accorder les répa-
rations urgentes, qui dépendaient de lui. Il rappela aussitôt les
cardinaux disgraciés Carlo Carafa rentra à Rome le jour même de
:

la mort de son oncle, et Morone sortit trois jours après du château


Saint-Ange. Les prisons se vidèrent d'elles-mêmes devant l'effer-
vescence populaire, tout d'abord celles du Saint-Office, et le Sacré-

Collège dut fermer les yeux.

Le conclave de Pie IV.

Le conclave fut très divisé et manqua de direction, autre signe


des embarras du temps dura près de trois mois et la vacance
: il

du Saint-Siège plus de quatre, une des plus longues de l'histoire


CONCILES. IX. 18

I 000374
53d I.IV. LV. I.'l.UPUISSANCE UV CONCILE

(18 aoiit 2t) déreinbrc). Les ititrigiies se multijtlièrent, coninir à la

mort de Paul III, loiij^cmjis et sans résultat, parce <jue les jtartis
se coMlrel»aIaiu;aient et n'avaient |>a8 de chefs d'influence décisive.
D'un autre cAtè, ils étaient résolus à ne pas accepter les diiectives
de» t»raiide» {luissances: du reste les ambassadeurs n'en reçurent

uns et durent évoluer de leur |>roi>re initiative. l'-n résumé, les exa-
gérations de Paul IV avaient eu ce bon résultat d'imjilantcr ]»lu8
profondément dans la conscience des cardinaux la conviction
qu'ils
devaient tenir comj>te avant tout des nécessités de la reforme, relé-
guer la ]'oliti(jup à rarrière-j»lnn.
I.e zèle excessif du iiape défunt avait jeté une sorte de discré-
dit sur le ]>arti réformiste, dont il a^ait été longtemps un des cory-
phées : celui-ci apj-arut comme désorganisé, désem]iaré. même j)arce
que les soupçons injustifiés do Paul I\ a\aient com]>romi3 pour
ainsi dire ses membres les plus eu vue. Il n'eut ])a3, au milieu des
apitntions prolongées de la ]>criode électorale, son acliAité et son
initiative ordinaires. Il se tint un j>eu h l'écart et se contejita de

patronner un candidat, homme d^Aat et ])olitiquc, à l'image de


Paul III, «pii poursuivrait, comme lui, à la fois la réforme et le con-
cile, en les combinant autour de lui et dans les débats de l'asseniblée;
qui saurait néanmoins la diriger et la faire aboutir ])Our le salut
de rTlglise. Il se vérifia d'ailleurs, dès le premier jour, que des candi-
dats jiurement politiques, mondains, comme Farnèse, Ferrare et
ntème Mantoue, avaient jieu de chance, et ce furent ce]«endant leurs
manèges qui firent durer
conclave, parce que le ]>arti du juste
le

milieu, cpii dominait en somme, ne sut pas se concerter d'abord


en faveur d'un candidat réformiste en même temps que ]iolitique.
Toutefois la fjuestion du concile, on peut l'aflirmer. domina la
suite des pourparlers et des scrutins. Dans la ca])it»ilation du con-

clave, qui ne fut arrêtée qu'au bout de trois semaines, le 8 se]>tembre,


il fut formellenient spécifié que le futur élu s'occu]>erait avant tout
de con^oquer Les candidats qui avaient des espé-
rassend»lée.
rances ne mancpiaient pas de se ser^•i^ de ce moyen de ]iro]>agande
électorale, et l'un des jilus en vue. Angclo de Mrdici, faisait confi-
dence dès le début (octobre) au cardinal von Truchsess, qui s'em-
pressa de le proclamer en Allemagne, a»i grand déj'laisir du confi-
dent, que, dans l'intérêt des Allemands le futtir pajte ferait bien
de convoquer le concile et de voir s'il ne pourrait ]>as leur accor-
der qtielque concession pour le calice et le mariage des prêtres.
Ce caii'li'l;>t ,
j.nidpiit et diplomate, émergea d'abord, avant der-
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 531

rière lui une longue carrière administrative et politique; nous avons


vu d'ailleurs qu'il avait rendu des services à la réforme. Sa candi-
dature s'éclipsa dans la suite, parce que son patron Cosme de Médi-
cisjugea bon de rester dans la coulisse. Angelo se réclamait de lui
comme son parent, et aussi de la reine Catherine de Médicis au même
titre. Mais il n'était pas facile d'accommoder deux protections,
ces

qui se contrecarraient par antipathie personnelle plus encore que


par diversité de vues politiques. Catherine protégeait les exilés
ennemis de son cousin, et celui-ci, pour plus de sûreté, se rappro-
chait delà maison d'Autriche. Était-il d'ailleurs bien sûr de se recom-
mander de cette parenté pour arriver au pontificat ?
Cosme évolua donc en neutre entre les deux partis. Français et
Espagnols. Le premier, qui dominait, avec les deux doyens, du Bel-
lay, évêque d'Ostie et de Tournon, de Porto, jeta longtemps le
désarroi parmi les quarante-huit votants, en poussant des candi-
datures impossibles, comme celles de Ferrare, Tournon, Pisani,
Reomano, Lenoncourt et même Mantoue l'Impérialiste, etc. Carafa,
qui contrebalançait l'influence d'Alessandro Farnèse, parce que les
cardinaux de son oncle lui avaient acquis les sympathies du parti
réformiste, ne sut pas s'entendre avec son rival pour rallier une
majorité. Ce furent les maladresses de l'agent espagnol, Francès
de Vargas, qui lassèrent les électeurs et coalisèrent une majorité.
Il
prit pour porte-parole Guidascanio Sforza, l'opposa à ces deux
chefs et combattit leurs candidats, aussi bien l'impérialiste Mantoue

que le Français Ferrare. De guerre lasse, les électeurs s'adressèrent

à Philippe II pour connaître ses véritables intentions ^, car elles


restaient mystérieuses, au milieu des menées de son agent.
Mais alors intervinrent les autres ambassadeurs, qui s'étaient
tenus jusqu'ici à l'écart, et le duc de Florence jugea le moment
venu de démasquer ses batteries. Dans le courant de décembre,
Vargas, aussi bien que Ferrare, reconnut son impuissance et les
cardinaux se partagèrent entre Medici et l'évêque d'Albano, le
Romain Federigo Cesi, d'une famille de cardinaux et créature de
Paul III. Celui-ci avait noué partie avec les Français. Les agents
florentins se servirent alors de Vitelli, qui se fit le grand électeur

du premier, et employa son habileté et son influence à chapitrer


les deux chefs de groupes. Il montra notamment à Carafa des lettres

par lesquelles le duc lui faisait de grandes promesses pour sa parenté


^.

1. Pastor, ibid, t. vii. Plus IV, p. 22-31.


2. Sur les derniers jours du conclave, Pastor, ibid., p, 51-55.
532 Liv. Lv. l'impuissance du concile

Il
importait do ne pas dépasser les fêtes de Noël, h cause de riTn]ia-
tience croissante du monde romain, «pii devenait tumultueuse dans
la populace. Vitalli aborda mrme des jiartisans de Cesi, tels qu'Al-

fonso Carafas, et réussit t» ('hraiilcr le faraud ('lertcur de Ferrare,


Charles de Lorraine.
Son protégé avait eu h soulTrir de la défaveur dt* Paul IV, ijui
l'avaitmènjc vivement blAmé en ]>lein consistoire, lui reprochant
de briguer rarche\ èché de Milan, ]iar des jirocédés peu conformes
au droit canonique. Dans les circonstances ])résentes, c'était une
arme h deux tranchants et Alfonso Carafa, scru])uleusemeiit fidèle
h la niémoire de son grand'oncle, refusait de voter ]»our un ])erson-
nage mal \ u de celui-ci et que lui-même tenait ])0»ir un demi-simo-

niaquc. Le matin de la Noël, Carlo et Vitelli tentèrent un dernier


assaut et emportèrent la place : Cosme s'engageait h procurer aux
Carafas, de la ]»art de Philij)]ie II, des dédommagements ]iour les

propriétés, fiefs avaient jierdus dans leur dis-


et bénéfices qii'ils

grâce, sans excepter ceux d'Antonio, ]ière d'Alfonso. Celui-ci céda


sur des assurances données d'une manière solennelle. Dans la soi-
rée, il se rendit h la cellule de Medici.
La plupart des autres cardinaux y vinrent uns après en.suite, les
les autres, et le vote commença après minuit, à l'instigation de

Morone, qui s'était tenu à l'écart jiisque là. Les derniers opjiosants,
Guise, l*errare, Carjfi, étaient accourus incertains, les malades,
comme Madruzzi, enfin les
dormeurs, et tous se rendirent. Sur les
instances de Carlo, appuyé]»ar Santa Fiora, Medici consentit à

pardonner les excès que le j>eu]tle ronmin avait commis contre


Paul IV et sa parenté, et déclara vouloir s'ai)])eler Pie IV, être
réellement ce que signifiait ce nom, dévoué au service de Dieu, de
la religion et de rT^glisc. Le scrutin normal eut lieu le lendemain,

et l'hommage d'adoiation fut ensuite rendu h Saint-Pierre.

La carrière du nouvel élu.

Le nouvel élu étaft surtout canoniste et homme d'administra-


tion, ayant fait sa carrière dans les fonctions curiales; peu théolo-
gien, assez versé ce]iendant dans les sciences sacrées. Il ne se signa-
lait pas par une vie exemplaire et, à ce point de vue, se tenait à
l'écart du ]iarti réformateur, sans avoir jamais manqué l'occasion
de lui donner des gages. Les documents contenq)orain3 laissent un
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 533

voile de mystère planer sur sa conduite privée, même pendant


son pontificat ^. Il avait eu trois enfants naturels au moins, avant
d'entrer dans les ordres sacrés; il tint toujours ces fautes cachées,
ces enfants à l'écart; en dehors de cela, nous ne savons rien de pré-
cis sur sa conduite, mais de simples racontars malveillants. Par
malheur, le voile ne s'entr' ouvrit pas après sa mort, et on doit regret-
ter que le dernier inspirateur du concile de Trente ne puisse se pré-
senter, le front haut, à la postérité.

Gianangelo de Medici était né à Milan, dans la moyenne noblesse,


d'une famille vouée aux professions libérales, à la jurisprudence,
fidèle aux Sforza et qui partagea leurs fortunes diverses. Sa mère
était une Serbelloni, de condition analogue. Il avait quatre frères
et cinq sœurs, d'où sortit une nombreuse descendance, alliée à

plusieurs familles, dont la plus illustre fut celle des Borromées. Il


resta toujours dévoué à cette parenté et travailla à la fortune de
tous, sa vie durant, étant cardinal et pape. Il seconda toujours en
cela l'auteur premier de cette fortune (aussi entreprenants l'un que
l'autre et se poussant mutuellement), son frère aine Giangiacomo,

marquis de Marignano, un des hommes de guerre les plus aventu-


reux de ce siècle, les plus mêlés aux guerres et campagnes de cette
époque, et cela pendant trente-cinq ans (1520-1555).
Le cadet, après de sérieuses études de droit à Pavie et Bologne,
se fit recevoir docteur, puis inscrire avocat au barreau de Milan,
ou collège des nobili jurisconsulti, et commença à pratiquer dès

l'âge de
vingt-six ans (1524). Il ne tarda pas à se distinguer,
s'attacha au service du célèbre Morone, père du cardinal et
chancelier du duché. Mais la disgrâce de celui-ci entraîna bientôt
cellede la famille, et Giangiacomo envoya son frère à Rome (1528).
Il gagna la faveur de Clément VII par les services rendus lors du
sac de Rome; celui-ci parut admettre la légende, créée par les deux
frères,d'une parenté lointaine entre les Medicis de Milan et ceux
de Florence ^. Elle fut acceptée ensuite par le duc Cosme, qui per-
mit au cardinal de prendre ses armoiries, et par la reine Catherine
de Medicis, assez flattés, l'un comme l'autre, de compter un troi-
sième pape dans leur famille.
Angelo devint promptement protpnotaire et se fit admettre dans

1. Voir la note importante de Pastor, p, 64, note 5.


2. Pastor, p. 63 et note 1, p. 66. Naturellement l'historien ne croit pas à la
parenté.
534 LIV. LV. l/iMPUISSANCB DU CONCILE

los services curiuiix. II s'attncha au cardinal Farnèse, et fîuaiid


celui-ci fut devenu Paul III, la fortune do l'avocat fut assurée.
11 ne remplit
cependant cpie des fonctions civiles, fut gouverneur
successivement de plusieurs villes des l'Hats de l'hcrlise; enfin ses
aptitudes d'ordre et de discipline, avec l'influence de son frère, le
firent nommer en 15^i2 commissaire apostolitpie auprès des troupes

tjue Paul III envoya combattre les Turcs en Hongrie, au secours


du roi l'erdinand. Le condottiere. (pi'Angelo avait réconcilié avec

l'empereur Charlcs-(^iiint h l'entrevue de Nice, était passé au ser-


vice des Ilab^bourgs, et avait un commandement dans cette cam-

pagne échoua pitoyablement; mais le commissaire en détourna


: elle

1 du ])ape ])ar un mémoire documenté, dans lc(]ucl il


attention
démontra que la faute en était uni<picmcnt imputable au général
en chef, l'électeur Joachim de lirandebnurg.
Le mariage de son frère avec une belle-sœur de Pierluigi Farnèse,
en l.'>'».'i, accéléra encore la fortune du |)rélat. Nommé en décembre
archevêque de Raguse, il entra dans les ordres et reçut la consé-
cration épiscopale l'aïuiée suivante. II roprit le chemin de l'AlIe-

magnc. avec les mêmes fonctions de commissaire h l'armée que le


pape envoyait secourir Charles -Quint contre la ligue de Smalkade.
Pendant cette mission, qui dura une dizaine de mois (juillet 1546-
mars 15'i7), il eut certainement le tem])s d'étudier à fond la situa-
tion relicieiise de l'empire et il
n'y manfpia ]ia3 ^, comme le prouve
sa conversation avec le cardinal von Truchsess.
A son retour en juillet 1547. il fut vice-légat de Bologne, auprès
de son ami et compatriote, le cardinal .Morone. Il se trouva en con-

tact avec les pères du concile. s'occu]iant surtout de leur situation


matérielle et de leur sécurité. Quand Pierluigi fut assassiné, il réussit
à sauver Parme, «pie le gouverneur de Milan, Ferrante Gonzague,
essayait d'enlever par surprise aux Farnèse, et il (trocura à ceux-ci
de l'argent, des soldats, du matériel de guerre. A l'automne 1548,
il fut transféré en Ombrie au même titre de vice-légat.
'•
Sa carrière, civile ]ilutôt qu'ecclésiastique, reçut pour récom-
pense la
pourpre, le 8 avril 1540. .Jules III lui confia, jiendant l'été
do 1551, 1.» légation h l'armée pontificale qui dis])utait à Ottavio
Farnèse, son ancien allié, la possession de Parme. Ce fut sa dernière
fonction dans les afîaires temporelles : il résida dès lors à Rome,

t. Voir là-dps»u« le témoignait document* de J. Sust.i, Die rëmische Kurie


und da* Komil K^n Trient unter Pnu IV, f. ii, p. 297.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL HI 535

attaché à la Signature de grâce, dont il fut préfet avec Saraceni, et

il y fit valoir ses capacités de canoniste par un labeur obscur et

ingrat. Il ne se distingua toujours que comme personnage de second


plan. La verve caustique des Romains caractérisait par le sobri-le

quet d'il Medichino, le petit Medici; assez indépendant d'ailleurs,


bien que se rattachant plutôt au parti impérialiste. Il se signalait
encore par sa bienfaisance, qui le fit aussi surnommer le Père des
pauvres. En sa qualité de canoniste, il eut la principale part à la
bulle du conclave de Jules III, dont reproduisit les dispositions
il

princijtales dans les capitulations des conclaves suivants.


En1556, il figure dans la congrégation du Saint-Office; mais il
y avait trop de contrastes entre le Napolitain tout feu et flamme

qu'était Paul IV et le Milanais calme et positif, pour que les iric-


tions n'éclatassent pas entre eux. Argelo n'approuvait pas la poli-

tique antiespagnole du pontife, et il dut la combattre plus d'une fois.


La goutte, conséquence des plaisirs de la table, l'obligeait d ailleurs
à une certaine retraite, qui le mettait à l'abri de règlements tra-
cassiers qu'il ne réprouvait pas moins. A la mort de son frère aîné
en 1555, trouva chargé d'une nombreuse famille de neveux et
il se

de nièces, dont il dirigea plus ou moins l'éducation et assura la for-


tune, ce qui l'occupait suffisamment.
Rien ne le désignait au pontificat, et il y fut amené par un ensemble
de circonstances dont il sut tirer parti. En juin 1558, il avait fui

Rome, oij la vie n'était plus sûre, même pour les cardinaux; il se

rendit aux eaux de Lucques, voulant y soigner sa goutte, et s'arrêta

quelques jours à Florence. Depuis deux ans, le duc Cosme avait les
yeux fixés sur lui commiC candidat possible à la tiare ^. Ils s'entre-
tinrent donc en vue du conclave, qui s'annonçait proche avec les

quatre-vingt-deux ans du pape, et firent échange de vues, d'espé-


rances et de combinaisons l'honneur et la gloire de la famille sur-
:

tout furement mis en avant et, s'ils n'arrêtèrent pas un programme


précis, restèrent en correspondance et agirent de concert. Son-
ils

gèrent-ils à la réforme et au concile ? En tout cas, ils travaillèrent


pour eux-mêmes, consciemment et avec persévérance.
Dès lors Angelo se laissa mener par les événements, beaucoup
plus qu'il ne les conduisit. Il revint à Milan, occupé des affaires
de famille, jusqu'à la mort de Paul IV et rentra à Rome, le soir de
l'ouverture du conclave (5 septembre). Aux longues tractations

1. Pastor, ibid., p. 70, avec plusieurs références.


536 Liv. Lv, l'impuissance du concile

i|ui se poursuivirent, il assista en spectateur soi-disant désintéressé,


se tint à l'écart et laissa son protecteur dirij^er seul les rnaœuvres
qui devaient lui assurer la tiare. Il était entré malade aux scru-
tins et ])assa au lit une honne partie de la durée du conclave ^. Si
la reine de I-'rance le recommanda sérieusement h ses cardinaux, ce
ne fut (pi'h la dernière heure cpi'ils se décidèrent en sa faveur, lorsque
lear chef ('harles de Lorraine laissa tomber la candidature de Ces! ^,

à laqucl Icjl s'était rallié en désespoir de cause.


Somme toute, celle d'Angelo, comme le
remarque l'historien
Pastor, par remj)orter, parce qu'elle resta la seule sur laquelle
finit

on sut s'entendre pour terminer un conclave (pii s'éternisait. L'agent


de Florence la dirigea en ce sens, la [)résenta au bon moment et la
fit
triompher. Le Sacré-Collège de son côté l'accepta, dans la convic-
IV un ])apc ]»olitique seul pour-
tion «ju'ajirès rexjiérience de Paul
rait assurer la réforme. l'A quand Pie IV jura la
capitulation, le
jour de son couronnement (6 janvier 1560), il dut se rapy)eler qu'il
avait traité en canoniste les clauses sur lesquelles il
jirctait serment,
qu'il avait maintenant luichef de l'Église et vicaire de .Jésus-Christ
la responsabilité de les amener à la réalité. Il n'était ])lus ])ermis de
les yirendre à la légère, comme des conditions dictées ])ar des élec-
teurs intéressés. C'était le salut et l'avenir de la chrétienté qu'elles
remettaient en ses mains.
Trente ans et ])lus de travail au service de l'Église romaine l'avaient
trop familiarisé avec la situation, pour qu'il ne connût pas les remèdes
que réclamait le programme de son serment, et
qu'il ne voulût pas
en appliquer les articles. Il se mit donc aussitôt à l'œuvre avec la
volonté d'aboutir. 11 y aj)porta sa vieille expérience d'adminis-
trateur, et aussi la patience qui était la (jualité maîtresse de son

esprit politique, avec l'art de tirer (juebpic ]>arti des événements et


des circonstances, (piand il ne pouvait les diriger, les plier à ses com-
binaisons. C'est ainsi qu'il fut un véritable homme d'État, le digne
héritier de Paul III. dont il
reprit et acheva l'œuvre dans ses deux
parties.

t. Paitor, ihtd., |>.


."il.

1 Ibid., p. 23, noU 9; p. ."il. PalUvicini, liv. XIV. rhap. i, § 8.


CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 537

Les auxiliaires. Saint Charles Borromée.

Il ne tarda nullement à donner des preuves de ses dispositions.


Le 5 janvier, avant même son couronnement, il promulguait en
une bulle, signée par quarante-cinq cardinaux ^, le texte de la capi-
tulation du conclave, preuve manifeste qu'il en faisait le programme
de son pontificat. Dans son premier consistoire, le 12, après avoir
renouvelé ses résolutions, il annonça une nouvelle congrégation
de la réforme, appelée principalement à faire exécuter les décisions

du concile arrêtées déjà, en attendant les autres. Nommée le 15,


elle comprenait quatorze cardinaux des plus notables, le nouveau

doyen Tournon, Alexandre Farnèse, Ferrare, Carpi, Madruzzo, etc.


Certains d'entre eux ne seraient guère que des figurants, mais à
côté d'eux, il y avait les travailleurs, Cicada, Saraceni, etc. ils :

devaient se réunir chaque semaine, et le pape se chargerait de les


stimuler, surtout par ses hommes de confiance Puteo, Morone et
son secrétaire d'État Charles Borromée. Le second était devenu le
conseiller qu'il appelait à toute heure. Et, détail non moins signi-
ficatif, congrégation reçut pour secrétaire Massarelli, le curial
la

qui connaissait le mieux la réforme et le concilCj surtout l'un par


rapport à l'autre.
Les délibérations en commun commencèrent par inculquer aux
évêques devoir
le essentiel de la résidence. Le 14 février. Pie IV invi-
tait les soixante-dix qui se trouvaient à Rome à rejoindre leur dio-

cèse après les Cendres (le 1^^ mars), pour y attendre qu'il les rappelât
au concile, qui allait s'ouvrir sous peu. Illeur recommanda de pré-

parer dans l'intervalle un rapport exact sur la situation religieuse


de ces diocèses, et cela dans le plus bref délai; ce rapport serait très
utile aux travaux de l'assemblée. Il entendrait cependant volontiers
les raisons qu'ils prétendaient avoir de continuer leur séjour en
curie.Les délégués, que ces évêques s'empressèrent d'appeler à plai-
der leur cause, présentèrent un mémoire en vingt-cinq articles,
basé sur règlement du concile, et aussi, sur la bulle du 31 dé-
les

cembre 1546, par laquelle Paul III avait corrigé celle de 1542 ^.
Ces actes avaient fait l'objet de discussions au concile, puis avec le

1. Le tout publié dans Conc. Trident., t. viii, p. 1-6; à la suite, p. 6-33 (Acta
eonsistorialin] , plupart des fait» que nous allons raconter,
la
2. Voir ci-dessus, p. 260 avec les références la dernière bulle {Superni dispo
:

sitione concilii), p. 261.


538 Liv. Lv. l'impuissance du concile

pape lui-même, et avaient rinnlctiicnt provoqué la susi^ensiou des


réformes relatives ù la résidence: il s'aj^issait de régler tout d'abord

les relations entre la cour romaine et les Ordinaires.


La pétition, présentée le 7 mars
rongrégation de réforme, h la

devint l'ohjrt plus important de ses délibérations. Elle s*en occupa


le

longuement, avec le souci de ne jtas devancer ni gcner les déci-


sions du concile, qu'il s'agissait de reprendre. Les résultats furent
néanmoins assez importants, car. le 4 septembre. Pie IV ]iromul-
guait une bulle des privilèges «|u'il accordait aux évctpies résidant,
en môme tenqts la i>rofession de foi qui jtorte son nom, avec le ser-
ment que les évîvpics devaient émettre au moment de leur jirise de
'.
possession
Pour assurer le j)lcin pouvoir de la nouvelle congrégation, le pape
lui avait donné la haute surveillance sur les services et les tribunaux
romains, sans en excejiter le Saint-Ollicc, qui fut ramené en même
temps h son rtMe de simple tribunal. La bonne marche des ]>roccs y
gagnait, ainsi (pie la régularité des actes de la chancellerie. Non
content de cette ]'remière mesure, Pie IV réorganisa la Secrétairerie
d'fitat, telle qu'elle était au tenijts de Paul III et s'en servit désor-
mais comme d'intermédiaire avec Rome et le dehors, intermédiaire

«juidevait transmettre ses ordres, non sans lui jtrocurer des ren-

seignements sur tout et ]>our tout. Le 31 janvier en effet, il créa


cardinal son neveu ]>référé Charles IJorromée, en même temps que
lejeune du duc de
(ils Florence, Giovanni de Medici, Agés de vingt-
deux et dix-sept ans. Le nouveau cardinal-neveu fut n)is à la tète de
la Secrétairerie d'État, entra à la congrégation de réforme comme
correspondant et ]iorte-]>arole du pa]>c, intermédiaire de l'un à
l'autre pour la marche du travail, la suite des arrangements et les

décisions. Il devait être un merveilleux instrument, et des jiliis actifs,


entre les mains de Pie IV. des plus souilles aussi et dont le labeur
comme l'initiative ne furent jamais en défaut.
Son oncle ne le dressa que pour la politique et la diplomatie,
en quoi il fut son ]»arfait éducateur Pour le reste, le j
uiu; homme
se mit sous la direction des jésuites, rpii firent de que lui le saint
nous connaissons l'oncle jilaisantait ]iarfois la dévotion dans laquelle
:

il s'enfonçait. Mais ces éducateurs en firent aussi un travailleur


consciencieux, jusqu'au scrupule ^. Il ne ]iayait pas beaucoup de

1. L<«« t\r\ix piccrs dans Hin.tlili, aii an. 1.5G0, n" 64-65.
2. Pastor, ibid., p. 87-90, avec de nonibrt-ux détails et signiPicatifs.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 539

mine; sa parole s'embarrassait parfois, et il s'intimidait facilement,


devant son oncle surtout, pour lequel il avait une véritable vénéra-
tion elle ne fit que croître, et le domina complètement du jour
:

où l'oncle fut le vicaire de Jésus-Christ. Toutefois il avait reçu une


forte instruction, et l'avait complétée à l'université de Pavie il :

en garda des habitudes de réflexion, de discipline et de travail qui


donnèrent à la Secrétairerie une impulsion puissante et durable,
une organisation aussi qui n'a fait que se consolider par la suite.

consacrait de longues heures, des journées entières, interrom-


Il

pues seulement par les exercices de piété, à lire, annoter les dépêches,

préparer et dresser les réponses, sur les indications du pontife. Il

ne se permettait que rarement un peu de repos, de relâche, jamais


une partie de plaisir. Il se montrait appliqué à tout, dans le détail
qu'il réglait avec une scrupuleuse exactitude. Il n'est pas étonnant
qu'il soit devenu, avec le temps, le modèle des secrétaires d'État^
bien que les contemporains n'aient pas éprouvé pour lui l'admira-
tion que lui voua la postérité. Il eut assez vite réduit au rôle de

simples instruments, exécuteurs de ses ordres, les auxiliaires que


le pape lui avait donnés, sans en excepter le secretarius domesticus

Tolomeo Galli, qui fut d'abord, comme secrétaire de la chancellerie

d'État, son guide, son mentor et soit-disant son professeur. Sa cor-


respondance et ses papiers, rassemblés à Rome et à Milan, forment
une masse si imposante que bien peu d'hommes d'État en ont laissé
une pareille. Surtout, en exécutant avec ponctualité les ordres du
pape, Charles Borromée imprima à ses subordonnés une grande
activité, avec le savoir faire; en un mot une impulsion que la Secré-
tairerie ne connaissait pas encore et dont elle garda l'essentiel.
Il en fut de pourmême les congrégations, celles notamment dont
il fit ne tarda pas à y })rendre un rôle prépondérant, qui
partie : il

fut tout au profit de l'œuvre de Pie IV.

Pie iV veut convoquer le concile.

Elle fut d'ailleurs inaugurée sans retard, cette œuvre, car le pontife
se décidait toujours rapidement, au témoignage des ambassadeurs

vénitiens, bons juges en la matière. Dès les premiers jours, il mani-


festa son intention de reprendre le concile. Il le fit aussiôt signifier,
en même temps que l'annonce de son exaltation, et par leurs ambassa-
deurs, aux trois premiers souverains de la chrétienté, le nouvel
540 I.IV. LV. I. IMPUISSANCE DU CONCILE

emj»ereur Ferdinand, le roi de France François II et celui d'Esyiagne


Philipj'f II. Il
n'ii^norait j>ns les dillicultés qui l'attendaient; elles
ne l'arrêtèrent nuUcinont, et il commença d'écarter d'un geste la
plus end)arrassante. Paul IV avait toujours refusé de reconnaître
l'emj^creur Ferdinand, qui avait ]>ris ])Ossession du jiouvoir sans le
consulter au ])réalable, comme l'exigeaient les traditions du Moyen

Age, les rajqtorts sacerdoce et renqiire. Déjà le .'ÎO décembre,


entre le

le nouveau ]iontife annonçait son intention de reconnaître rem]ie-


rcur sans ]»lus tarder. Les cardinaux l'aïqirouvèrent unanimement;
ilsy mirent cej)endant certaines conditions et d'abord que le sou- :

verain justifierait la part qu'il avait prise aux édits de Passau et

d'Augsbourg en faviMir des luthériens, et corrigerait l'attitude sus-


pecte de son héritier Maximilien en nmtière d'orthodoxie.
]»apc manda aussitôt l'envoyé de l'erdinand, i'ranz von Thurm,
Le
qui, depuis les débuts du conclave, manœuvrait discrètement en
faveur de son maître, et lui annonça la décision du consistoire.
L'empereur s'empressa de faire droit aux requêtes de Rome son héri- :

tier Maximilien serait ramené à la vraie foi, dont ses éducateurs


l'avaient détourné. Ferdinand exposa de son mieux les nécessités qui
l'avaient contraint de promulger les édits incriminés. Ils n'étaient
d'ailleurs (|ue provisoires, jusqu'au temjts où le concile les remi)la-
cerait par des réformes ca])ables de ramener les dévoyés. Il requérait
donc par les mêmes une promj)te convocation de l'assemblée.
lettres
Ces lettres, lues au consistoire du 31 janvier, j)ermettaient de faire
avancer la question du concile. On ])0uvait ]>réjugcr la réj)onse des

detix autres souverains, car enfin François II ne devait jtas renier

l'engagement tpie son ]>cre avait jiris avec Philip]te II, au traité de
Cateau-Cambrésis, de potirsuivrc de concert (ce ])Our quoi ils se
réconciliaient) le rétablissement de l'unité de foi dans la chrétienté
comme dans leur royaume, ]>ar tous moyens pacifiques; et en pre-
mier tenue d'un concile général, qui assurerait
lieu ]>ar la les réformes
nécessaires avec les mesures de conciliation.
la curie avaient quelque sou})çon de cette clause
Les conseils de
et surent s'en armer. Malgré les dillicultés canoniques et autres,
auxcpielles se heurtait la reprise du concile de 1552 ^, Pie IV
était donc décidé h la réaliser et, le 31 décembre, il le certifiait h

l'agent impérial de Thurm, assurément pour qu'il en informAt son

1, Oi difTiculté* «ont résumées dans Paator, p. 142. Voir à la suite la série


des rléniArchos par lesquelles Pie IV révéla son intention, p. 142-143.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 541

maître. Aussi Ferdinand faisait-il renouveler sa demande de con-


vocation par son ambassadeur d'obédience Scipione d'Arco, qui se
mit en route avec la lettre impériale de satisfaction dont nous venons
de parler, qu'il était chargé de remettre au pape.
Pie IV n'hésita pas à répéter ses assurances dans des occasions plus
solennelles;pendant le mois de février, aux divers ambassadeurs
Il ajoutait, devant
d'obédience. l'Espagnol Francès de Vargas et
en présence de huit cardinaux, qu'il voulait convoquer le concile,
non à Rome, mais dans la ville dont l'abord était le plus facile aux
protestants, ce qui leur enlèverait tout prétexte de refuser leur con-
cours. Cette localité serait d'ailleurs à déterminer, quand les trois

premières puissances de la chrétienté se seraient mises d'accord.


En réalité, leur entente s'annonçait assez problématique. L'empe-
reur était retenu par les appréhensions que lui causait la Diète qui

approchait. Philippe II s'attardait à de vaines négociations de


mariage avec la cauteleuse Elisabeth Tudor, et ne se pressa pas de
donner une réponse concluante. Il faisait cependant au début de
l'année des avances à la cour de France et en recevait une réponse
favorable. Néanmoins, il allait bientôt jusqu'à contrecarrer la
décision dernière du pape par ses atermoîments.
En France d'ailleurs, les Valois se prêtaient à cette tactique. Au
mois de ce pays annonçaient que, le 21 précé-
d'avril, des lettres

dent, le conseil
royal avait décidé la convocation, pour le 10 décembre,
d'un concile national qui réglerait les affaires de l'Église nationale
à l'aniiable entre catholiques et protestants. En même temps, Fran-
çois II priait lepape d'envoyer le cardinal de Tournon, doyen du
Sacré-Collège, pour diriger les débats au nom du Saint-Siège. Il
donnait cependant l'impression, surtout à cause de l'échéance loin-
taine de cette convocation, que la cour de France voulait exercer
une pression sur celle de Rome, pour hâter la tenue du concile. Le
cardinal de Lorraine, alors tout puissant dans le gouvernement, en sa

qualité d'oncle de la reine Marie Stuart, redoutait la venue du doyen,


son adversaire personnel en même temps qu'un rival possible, et
ne cessait de lancer des cris d'alarme, pour que lepape réunît promp-
tement l'assemblée générale annoncée ^, seul remède aux calami-
tés qui désolaient la France. Depuis la découverte de la conjura-
tion d'Amboise, le conseil royal restait dans un certain désarroi

1. L. Romier, La conjuration d'Amboise, Paris, 1923, p. 453-162. Noui le

suivons d'ordinaire pour le» rapports de Pie IV avec la France,


541 Liv. Lv. l'impuissance du concile

et la reine-njère, qu'il tenait h l'écart, s'cfTorçait de brouillor les

cartes un |>cu }tlus, par cette combinaison d'un concilo national,


à travers la«|uelle elle jetait les vieux conseillers de Henri II, pour
faire jiircc aux Guises. Klle avait ]>otir but de forcer le ]>a]ie à tenir
le concile, a-t-on dit. Soit, ruais Pie IVj'Ouvaitse n'y demander s'il

nvnit l'as Ihdessous un retour aux manrpuvros gallicanes de Henri II


contre Jules III. Il renouvelait donc ses instances en lisjiagnc et

auprès de l'emperetir par les nonces <pi'il envoyait en niars, l'évôciue


de Terracine et Stanislas Hosius, é\c(pio d'Krmland en Pologne.
Le mois suivant, il faisait intervenir les ambassadeurs des deux
souverains. Et il attendait toujours une réponse positive de la cour
de France.
Elle avait retardé
Ibommage d'obédience, sous prétexte de le
présenter en même temps que celui de la reine Marie Stuart, au nom de
l'Ecosse. Cette obédience n'eut lieu que le 2 mai. Celui qui rai>])0r-
tait, Jean de la hourdaisièrc, frère de l'agent ordinaire, évêque

d*Anponl«"?nc, se borna h solliciter instamment la promjite convoca-


tion de rr.glise universelle. Le pape riposta fpie y»récisément la

manœuvre du concile national


contraignait à j)récipiter cette
le

convocation. Il répondit par une banalité aux finesses de sa cousine,


et il continuait h procéder avec la lenteur
(pi'exigeaient la situa-
tion et une affaire aussi im]iortante que celle du concile. En réalité,
il ne cessait ]>as d'aller de l'avant.
Lacrainte d'un schisme, dont les Valois agitaient réj>ouvantail,
n'était pas très sérieuse, mais Pic IV voulait éviter la scission qui
s'était produite sous Jules III; en cela, il avait un puissant auxi-
liaire dans la ])ersonne de Philip]te II, auquel son mariage avec
une Valois donnait beaucou]) d'influence à la cour de France elle :

avait besoin de son aj^pui contre huguenots aussi bien que dans
les

la politicpie Le Catholicpie voyait d'assez mauvais œil cette


étrangère.
manœuvre d'un synode national, qui ser\ irait à discuter religion
avec les hérétiques. D'ailleurs le nouveau nonce en France, l'évcque
de \iteibe, Sehastiano Gualtieri reçut dans ses instructions, le
29 mai, l'ordre de s'y opjtoser de toutes ses forces d'aiitant ]>lus :

que le paj-e ne jugeait ]tas opj'ortun d'envoyer le cardinal de Tour-


non comme légat! Depuis L'>.57 il était, ainsi que celui de Lorraine,
grand inquisiteur dans le royaiime ]iour les afTai'es d'hérésie.
Le dernier avait seul exercé la fonction, mais, avec la défiance et la
jalousie cpii les séparait, n'était-il pas à craindre que, si son collègue
retournait en France, il
gênerait l'exercice de ces pouvoirs en les
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 543

partageant ? Le 12 juin, le pape intervenait personnellement


auprès
du tout puissant cardinal et l'engageait à empêcher le synode natio-
nal de tous ses moyens c'était une arme à deux tranchants, diri-
:

gée contre les Guises en même temps que contre la cour de Rome.
Pie IV continuait ses démarches pour le concile sans se découra-

ger, mais avec aussi peu de succès. Le 27 mai, dans une de ses longues
et fréquentes conférences avec l'ambassadeur da Mula, le futur
cardinal Amulio, qu'il prenait volontiers pour son confident, il lui
demandait comme un service personnel de sonder son gouverne-
ment, pour savoir s'il ne consentirait pas à lui prêter une ville du
territoire de la République, au cas où les princes ne pourraient
s'entendre pour Trente. Il tenait à garantir toute facilité d'accès
comme toute indépendance aux Pères. Le noble Vénitien fit entre-
voir une réponse négative, comprendre même qu'il était inutile
d'insister. Venise ne voulait pas s'attirer d'histoire avec le tout

puissant Soliman II et celui-ci redoutait toujours quelque mauvais


coup de la part d'un concile général ^.
Pie IV se retourna alors d'un autre côté. Le 3 juin, il convoqua
tous les ambassadeurs de la chrétienté, moins celui de France qu'il
se réserva d'entretenir à part (non sans motif), et leur annonça que,
pour empêcher le concile national, qui serait d'un funeste exemple

pour les autres pays, il se


proposait d'en convoquer un universel
à Trente. n'attendait que l'adhésion de leurs souverains, lan-
« Il

cerait aussitôt les convocations et nommerait des légats. Il comp-


tait que les princes prendraient personnellement part aux travaux
de l'assemblée, en premier lieu les Allemands, les plus intéressés
à l'entreprise il croyait en avoir la certitude, au moins pour ce qui
:

concernait l'électeur de Brandebourg, qui lui avait écrit en ce sens.


Il les priait donc de transmettre incessamment cette communica-

tion, afin d'en avoir réponse au plus tôt. »


Et, pour confirmer le

sérieux de cette démarche, plusieurs invitations nominales étaient


expédiées à des évêques de Hongrie et d'Allemagne, de se tenir
prêts à se mettre en route au premier appel ^.

1. Pallaviciiii,1. XIV, c. xiv, § 4-6.


2. Pastor, ibid., p. 147 et note 2,
544 Mv i,v. l'impuissance du concile

Nouveaux obstacles soulevés par les gouvernements.

Il iirriva ce
qui se produit toujours, (]uand ])ersonnc ne veut jtrendre
une responsabilité. Les souverains se déclarèrent prêts à marcher,
si le \oisin prêchait
d'exemple. Ce fut notaniiiuMit le sens de la
réponse «pic donna riiiiipjie II, aj>rès avoir consulté et réliéchi

plusieurs mois. Au drbtit de mai. il


arce|itait le concile, pourvu que
l'empereur son oncle y prît part !,••
S juin encore, tout scandalisé qu'il
. I

fût de la convocation du synode national, contre la<piclle il agissait


en l'Vancc avec énergie, il mandait ne pouvoir se j»asser, j>as plus

que Home, de l'adhésion de l'empereur et du roi Très-chrétien. Or


les réponses de ces deux princes n'étaient nMlIcmenl encourageantes.

Le Polonais Ilosius, évêque d'Krmland vu Priisse orientale, avait,


dans ses instructions de nonce ordinaire auprès du premier, ordre
de ne pas aborder la «piestion du que Home ne rece-
concile, tant
vrait ])as réponse satisfaisante des deux autres souverains. Le
10 mai, la Secrétairerie le relevait de cette obligation, mais en fait
il ne re(;ut
que des réjtonses évasives, et à j>lusicurs reprises. L'empe-
reur de son c«')té, qtii avait juscpie-là gourmande la lenteur du pape,
faisait machine en arrière et, an moins de juin seulement, il soumit
la question à son conseil celui-ci ne manquait pas de légistes semi-
:

luthériens ou luthéranisant, capables de créer des enibarras au


concile.Après ]»lusieurs jours de délibérations, ils remirent au nonce,
le 20 juin, un mémoire qui, sous forme dilatoire, avait tout l'air
d'une fin de non recevoir.
Il
présentait la convocation de l'assemblée comme n'étant pos-
sible qu'h six conditions, qui réclameraient au moins un an pour se
réaliser. Potir que toutes les puissances participent au concile,
comme il était indis|»ensable, la première était d'assurer une paix
générale en réglant le conflit, alors aigu, entre la France et l'Angle-

propos de TT^cosse, règlenient aiiqucl travaillait Philijipe IL


terre, h
La présence du ])ape semblait nécessaire et, connue d'ailleurs la
tentiedu concile à Trente soulevait des difîicultés, un article pro-
posait d'aiitres villes, Cologne, Constance ou Ratisbonne, encore
moins accessibles h la cour romaine. Les luthériens s'étaient décla-
rés mécontents de l'attitude à leur égard du concile de Jules III:
certaines nations, entendez la France, ne le reconnaissaient pas.
11 serait donc opportun de rej'rendre les discussions antérieures.

Enfin, le sixième article et dernier conseillait au pape de préparer les


CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 545

travaux conciliaires par une bonne réforme du clergé, d'accorder pro-


visoirement l'usage du calice aux fidèles et le mariage des prêtres^.
Hosius qui, semble-t-il, ne connaissait pas suffisamment son métier
de nonce, ne souleva que des objections insignifiantes, des détails;
et pourtant il était théologien et pouvait se rendre compte que ces

conditions étaient on ne peut plus embarrassantes. Il se mit donc


d'accord facilement et assez vite avec les Impériaux, et le mémoire
partit pour Rome, où il
parvint dans la nuit du 11 au 12 juillet.
Le 10, pape avait reçu une réponse satisfaisante du Catholique,
le

qui s'en remettait entièrement à la décision de Rome. Il est évident


que, si Pie IV ne voulait pas sérieusement tenir le concile, comme
on reproché autant qu'à Paul
le lui a III, il trouvait dans le factum
du conseil impérial des motifs dont pouvait s'armer pour tirer
il

l'affaire en longueur pendant des mois et des années; de même, dans

la réponse de la France qu'il avait en main et qui ne valait guère mieux.

Mais dès lors le concile national prenait un caractère plus sérieux que
celui d'un simple épouvantail. La situation présente en France avait de
quoi l'inquiéter plus que les embarras auxquels se heurtait le concile.
Les huguenots étaient assez puissants et assez audacieux pour
imposer ce synode national. La conjuration d'Amboise n'avait pas
laissé que d'intimider le gouvernement et la reine mère en profitait

pour battre en brèche l'autorité des Guises, qui surexcitait sa jalou-


sie de femme ambitieuse. Elle travaillait à les diviser, en poussant

le cardinal, leur homme d'Etat, à disputer au doyen de Tournon

cette légation de France, qui faisait l'objet de ses convoitises, comme

héritage des anciens cardinaux ministres. Grâce aux intrigues de


la reine mère, les mesures de rigueur contre les conjurés provoquaient

en même temps une réaction dans le conseil royal, où les légistes


gallicans prêchaient la tolérance. Il en était sorti des édits de paci-
fication en faveur des huguenots (mars 1560), et le chancelier de

France, François Olivier, déclarait qu'il fallait leur accorder davan-


tage, une sorte d'Intérim. Cette situation ne pouvait qu'empirer
lorsque, le 31 mars, la recommandation de la reine mère le fit rem-
placer par sa créature, Michel de l'Hospital; il est vrai que ce petit
robin n'avait pas encore assez de notoriété, assez de crédit pour agir
en dehors de sa bienfaitrice ^.

1. Pastor, ibid., p. 149-151, à cette dernière page son jugement sur Hosiui.
2. Voir, dans le chapitre cité ci-dessus de Romier (p. 165-169 notamment),
son appréciation assez neuve sur le nouveau chancelier, p. 180-184.
M6 I.IV. t\ I 'l.MI'L'ISSA.NtlE UU CONCILE

Pic IV jugea priulent de faire <jiiel«|ue concession an faible gou-


vernenjcnl de» Vulois, de niunière à sauvegarder la liberté d'action
de sa |iro|)rc ]iolitiquc conciliaire. Le IG juin, il nommait les car-

dintinx de Tournon
de Lorraine, légats en l'Vance jtour la réforme
et

du rlrrgé, conjointement, de manière à se contrebalancer l'un l'autre.


Mais le premier, (jui venait de succéder ù du Bellay comme doyen
du Sacré Collège, avait ainsi la jiréémincnce et devait partir incon-

tinent j»our assurer l'exercice de cette fonction, le pape se rcsers'ant


de régler les conflits (pii surgiraient entre les deux légats. Le pon-
tifeverrait ensuite à leur tracer une ligne de conduite en face du

synode national. Il exhortait le roi de l'Vance h combattre les héré-


tiques de son royaume, et aussi ceux du dehors, j»ar exemple ceux
de (ienève, foyer du calvinisme. Il lui proposait même de se liguer
avec son oncle par alliance, le duc Philibert de Savoie, dans l'ex-
pédition q c celui-ci préméditait alors contre cette ville, (pii avait
rejeté sa suzeraineté. N'était-ce pas un couj) de sonde pour savoir ce
(jue Home
jiouvait attendre d'une ligue catholicpie contre l'hérésie ?
Kn tout cas, dans ce ])rojet qui circulait de])uis un an à travers la
diplomatie chrétienne, ce fut Philij)]>e II ((ui fit tout marupier, par
crainte d'une ligue des cantons suisses en faveur des Genevois.
Le 20 juin seulement, les Valois se décidèrent à ])rendre en consi-
dération la démarche du ]ia]»e en faveur du concile. Ils chargèrent

de leur réponse l'abbé de Manne, François de Hcllières, conseiller


et aun)i"inier du roi '. Ils déclaraient s'en remettre h l'enqicreur

pour règlement des conditions et des détails, ajoutant toutefois


le

qu'ils désiraient un concile nouveau, non la continuation du précé-


dent, (pi'il s'assemblât en un lieu facile d'accès pour les dissidents,
par exemple Constance; moyennant ces conditions, ils laisseraient
tomber le synode national; il était sous-entendu que le concile
général se tiendrait avant la date fixée pojir ce synode.
Le messager remit ce mémoire le 4 juillet, et le ]>ape lui laissa
attendre la réponse cinq semaines, malgré les elForts que (irent,

pour ra\oiT, les deux agents fran» ais, l'abbé et l'ambassadeur


de la Hourdaisière, évêque d'Anpoulème. I>u moment (|ue les

Frau' ais s'en remettaient h l'emjiereur, c'est vers lui «pie le pape
devait d'abord se inurner, et les négociations avec les Impériaux
commencèrent (juelques juurs après, aussitôt qu'il eut re<,u le

1. Sommairr de bps instructions et des réponses du pape dans Pallavicini,


ibid., c. xn, § 14, à la fin.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL IH 547

mémoire envoyé par la cour de Vienne. Pie IV objecta d'abord,


et en cela le Sacré-Collège s'accordait avec lui, qu'il ne pourrait
limiter aux seuls Allemands la concession du calice et du mariage
des prêtres : d'autres nations les réclameraient, et il ne convenait
pas de les leur refuser. Il serait prudent de remettre au concile le

règlement de ces deux articles. Les ambassadeurs impériaux ajou-


taient dans leurs dépêches que, si l'empereur insistait, le pape con-
sentirait à peser sur l'assemblée pour que le règlement fut conforme
aux requêtes.
Pie IV ne l'entendait pas tout à fait ainsi, car les exigences impé-
riales le gênaieîît, non moins que celles des Français. Il ne pouvait
ni ne devait recommencer le concile, mais le continuer, et toute
sa diplomatie roula dès lors sur cette distinction, qui importait à
Pour avoir ses coudées franches,
l'unité et à la discipline de l'Église.
ilse retourna vers Philippe II, et s'efforça de lui faire accepter son

point de vue. Le 14 juillet, le nouveau nonce en Portugal, Prospère


Santa Croce, évêque de Chisamos en Crète, recevait en même temps
mission de consulter sur les réponses d'Autriche et de France,
le

de son appui pour que le concile poursuivît ses travaux


solliciter

au plus tôt, sans avoir à remettre en discussion ce qui avait été


décidé. Le pape se réservait la faculté de le déplacer, si la nécessité
s'en imposait, mais il laisserait au roi toute liberté de discuter les

avantages que l'empereur sollicitait en faveur des protestants. «


Que
le Roi catholique surtout s'interpose auprès des autres princes,
fasse cesser leurs atermoîments et leurs exigences Il fallait avant !

tout empêcher le concile national, à n'importe quel prix. »


Pie IV attendit quelque temps une réponse positive d'Espagne;
toutefois les dispositions bienveillantes dont Philippe II faisait

preuve dans les derniers mois


permettaient lui de l'avant, d'aller

sans se presser, La réponse à la note française fut adoptée en con-


sistoire le 8 août, mais l'abbé ne l'emporta que huit jours après,
et la remit seulement le 8 septembre : il avait fini par imiter les

lenteurs du Saint-Siège Il avertit le gouvernement royal que le


!

concile serait convoqué incessamment à Trente, quitte à se trans-


férer ailleurs,sur le désir manifesté par les princes chrétiens. Sa
Sainteté était d'accord avec Sa Majesté catholique, pour lever la

suspension décrétée par Jules III. et le Catholique promettait

d'agir auprès de l'empereur, pour qu'il apportât son appui entier


à l'entreprise. Il ne manquait plus que celui du roi de France, et
le pape exprimait l'espoir de l'avoir bientôt.
S''i8 i.iv. IV. l'impuissance du concile

La réponse arrivait un ]»eu tard, et le concours des \'alois se fit


encore longtemps attendre. Le 21 août, dans une assemblée de
notiiblrs tenue h l'ontaineblcau *, le chef des calvinistes, l'amiral
de Coligny, présentait une ref|ucte par laquelle il réclamait l'c-f^alité
de culte avec les catholiques, ]«()rir lui et les adhérents de Calvin,
sous prétexte de réformes urgentes dans les mœurs du clergé. Le
conseil royal, comme
la reine mère, lui étaient plutôt favorables

et la
majorité des notables se jirononva ])our le concile national,

l'autre se heurtant à tant de ililliciiltés qu'il ne jtouvait en être ques-


tion jiour les nécessités j-résentcs. Les Guises, maîtres cej>endant
du pouvoir, restaient isolés dans leur o]»]iosition et les conseillers
royaux décidèrent de joindra les États généraux au concile; pour
s'assurer la marge de réaliser le
programme, celui-ci fut ajourné
du 10 décembre au 20 janvier. Le conseil écarta résolument les
bons ollices de Phili|q)c II contre ces décisions, et pourtant il avait
besoin de lui.

du calvinisme aux Pays-Bas,


Celui-ci se j)réoccupait des progrès
où les tendances démocratiques de ne manquaient ])a3 d'exa-
la secte

gérer l'esprit d'indépendance des jtopulations, grâce aux manœuvres


des ministres de la reine Elisabeth et des marchands et armateurs

anglais devenus calvinistes. Ajirès avoir reçu les communications


que nonce Santa Croce, le roi d'Espagne exj)édia,
lui apj)ortait le

le 4 septembre, à cour de France, un de ses jiremiers sersiteurs


la

et conseillers, Antonio de Toledo, parent du duc d'Albe et du car-

dinal Alvarez de Toledo. Le monar<pie cs])agnol offrait à son beau-


frère un a]q)ui sans réser\'e, s'il consentait à se désister du concile
national et h combattre les erreurs des huguenots. Le premier avait
été condamné ]>ar les théologiens du monarque et d'aiitesmécon-
tents, ajoutait celui-ci, j>ouvaient invoquer, pour satisfaire leurs

exigences, toute concession faite aux huguenots.


Toledo séjourna ])eu auprès de la reine mère et re]»artit les mains
vides. Elle avait retardé, lui répondit-elle, le concile national pour
donner le temps d'arriver au légat que le pape y déléguerait. La
répression violente n'avait jusqu'ici servi de rien contre les dissi-
dents, sinon à les multijilier et fortifier elle se pro]iosait donc :

d'em])loyer désormais la ]»ersuasion et comptait pour cela jirincipa-


lement sur les réformes du concile national. Quant au concile
général, elle maintenait ce qu'elle avait demandé elle ne voulait :

1. Récit de Romicr, ibid., p. 202-211.


CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 549

pas qu'il se tînt à Trente et espérait s'entendre directement avec le


pape. La cour venait de tenter un dernier effort auprès de lui par
Niquet. abbé de Saint-Gildas et secrétaire du cardinal de Ferrare,
un de ces intermédiaires en sous ordre, comme l'abbé de Manne,
faciles à désavouer, qui connaissaient le chemin de Rome et tous
les détours de la curie, car ils y faisaient de fréquentes visites pour

affaires d'importance secondaire, bénéficiales et autres.

Le pape se décide à convoquer le concile.

emportait une réponse nette et catégorique


Il seul un concile :

général, qui donnerait satisfaction à l'empereur et aux Allemands,


remplacerait le synode national d'une manière satisfaisante. Quand
il arriva, le 24 septembre, la situation avait changé en faveur du
concile. Le pape ne jouait pas avec lui comme
d'une arme diploma-
tique, mais il ne
pouvait pas tenir compte uniquement des intérêts
de la France et du salut des huguenots. Le 31 août, il avait fait
porter sa réponse aux six articles du conseil aulique par un diplo-
mate de valeur, le Vénitien Zaccaria Delfino, évêque de Lésina
en Dalmatie; il était avantageusement connu de l'empereur Ferdi-
nand, depuis la nonciature qu'il avait remplie auprès de lui pendant
près de trois ans, sous Jules III et Paul IV (décembre 1553-
octobre 1556). Pie IV comptait sur l'ascendant de ce personnage
de confiance, pour modifier les dispositions de l'empereur, et il le
renvoyait comme nonce ordinaire à la place d'Hosius, avec la convic-
tion qu'il réparerait les prétendus échecs de ce dernier.
Le pape évoluait donc lentement: il ne voulait pas qu'on s'en
aperçût trop tôt, mais il venait d'être impressionné vivement par
les cris d'alarmes que lui apportaient les lettres de Tournon, parti

légat en France. Celui-ci voyageait lentement à travers le Midi,


Provence et Dauphiné; avait le temps d'atteindre le but de sa
il

mission, le concile national Rome lui faisait attendre les instructions


:

suprêmes. Il fut frappé des bouleversements de toute sorte, surtout


religieux, que l'erreur avait multipliés dans ces régions, depuis

quatre ans qu'il les avait traversées en son dernier voyage (1557).
Le Dauphiné était méconnaissable : les huguenots s'y comportaient
en maîtres et menaçaient de l'Église, Avignon et le
les territoires

Comtat Venaissin, s'efforçaient d'y pénétrer secrètement par la prin-


cipauté d'Orange. Partout le cardinal rencontrait les placards
de
550 I.IV. l.V. I.'I.M1•L•IS^^N( r DU CONCILE

l'édit convo(iuniit lesjniode national, et c'était une cause de plus


d'nf^itntion. Il
sti])]>liait
donc \v ]ia]te de iiorter jirompt remède h
ces maux j'ar le concile œcun»éni(|ue *.

l^ne dernière lettre éi>lorée fut communiquée, aussitôt reçue,


au consistoire du 22 sejttembrc, et Pie IV y renouvela son intention
de révor|urr la susjiensiorj du concile. II l'annonça ensuite à Tanibas-
sadeur de l'Vance, l'évcrjuc d'Anpoulèmo, j'uis fit écrire 5 Tournon
d'accélérer sa nmrchc, d'arri\er à trni] s ]>our emjtcclier le synode,

d'y cin]>Ioycr toute sa \icille di]«Ionialic. ]>uis(iu'il a^ait tenu grande


])lace au cabinet du l'Vant.ois I^"": de n'y siéger en tout cas ni comme
légat, ni comme cardinal, de recommander instamment la même
abstention aux autres cardinaux français. Il renoncerait h tout
acte de légation, et son rôle serait celui d'un simjtle archevêque
de Lyon, ]irimat des Gaules, conseiller du roi, sans oublier en rien
son caractère de rc|irésentant de la cour romaine, et il aurait, en
cette qualité, h maintenir la bonne entente entre les deux jiouvoirs,
dans l'intérêt de la ]>acilication gênée.
Le lendemain 23, le ])a]ie convoqua les ambassadeurs chrétiens
en assemblée vinrent tous, excejtté celui de France,
]>lénière, et ils

retenu i>ar une grave question de i)réséance, qui allait s'ajouter à


tous les embarras, sérieux ou futiles, contre lesquels le concile ne
cessait de se heurter. Dei)uis que monarchie espagnole avait la

été disjointe de rem]>ire, Phili]>itc au ]iremier rang II ]>rétendait

dans la chrétienté et exigeait (jue ses ambassadeurs fussent ]'lacés


partout immédiatement a])rès les Im]iériaux. Les Valois, dont les
agents disputaient de tout temps la ]>réséance même à ceux du roi
des Romains, [larcc qu'au Moyen Age ils avaient le ]»remier rang
dans la chrétienté, n'étaient ]»as dhnmcur à tolérer ces jirétentions,
mais n'osant tenir tête à leur tout puissant allié, ils évitaient les
conflits et leurs ambassadeurs avaient ordre de se tenir h l'écart
des cérémonies, oii ils se rencontreraient avec les Es])agnols.

A cette assemblée de diplomates, le ])ontife. a]>rès avoir commu-


niqiié les notivelles reçues de France, en conclut cpi'll se voyait
obligé de lever la sus])ension, sans ]iréjuger nullement la \alidité
oti invalidité des décrets antérieurs. Si la tenue du concile à Trente
soulevait des dilTicultés, il aurait toujours la possibilité de le déjila-

cer à Vicence, Mantoue, etc., ou dans le Mont ferrât. Il ne faisait

pas mention de Hologne ou n'im])orte quelle autre ville ]>ontifi-

1. Romirr. p. 260-261.
en. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 551

cale, non plus que des


cités plus ou moins allemandes que les Français

indiquaient au profit des luthériens, « Le concile entendrait ceux-ci


avec toute douceur et indulgence, dans le désir et l'espoir de les rame-

ner à l'Église.» Il requit les ambassadeurs de transmettre ses inten-


tions à leurs souverains et d'obtenir au plus tôt leur adhésion. Ils

acceptèrent tous avec plus ou moins d'empressement. Celui de


l'empereur seul, Prospero d'Arco, quelques objections, en rappe-
fit

lant les demandes présentées récemment par son maître ^.


Le pa])e le réprimanda vertement, mais dans la suite il lui fit
presque des excuses, car il avait besoin de ménager son maître.
si Ferdinand pouvait obtenir
Il l'assura que, l'ajournement du
concile national, jusqu'au jour où l'Eglise romaine fut suffisamment

renseignée sur les bonnes dispositions des huguenots et autres pro-


testants, il tiendrait certainement compte, lui pape, des réserves
de l'empereur. Il attendrait d'ailleurs sa
réponse définitive, ainsi
que celle des autres princes, avant de lancer la convocation et trans-
férerait même le concile, si la cour impériale le jugeait opportun.

Le nonce Delfmo était en même temps invité à faire en sorte,


avec toute sa diplomatie et tout son crédit, que la levée de la sus-

pension fût acceptée sans réserve.


A l'ambassadeur de France, Pie IV adressait des reproches sur
l'attitude de son gouvernement « Il attendrait néanmoins un
:

mois encore, mais pas davantage, pour permettre au roi de s'en-


tendre avec le cardinal de Tournon et prendre une attitude plus
nette et plus décidée. » Ceci se passait le 24 septembre, et déjà des
nuages s'amoncelaient du côté de l'Espagne; le pape devait manœu-
vrer en sens contraire, écarter des obstacles bien différents de ceux
qui s'accumulaient en France et en Allemagne.
Philippe II demandait maintenant que la bulle projetée affirmât
que les décrets promulgués antérieurement étaient intangibles,
que le concile fût proclamé la continuation, non simplement la
reprise des séances antérieures. Pie IV prit la peine de lui répondre
de sa pro])re main, et en confidence, le 5 octobre .« Il avait réfléchi
et délibéré mûrement sur ce problème délicat et acquis la convic-
tion qu'il valait mieux, dans les circonstances présentes, le passer
sous silence. L'omission n'avait pas d'importance pour la validité
des décrets antérieurs. Il les tenait quant à lui pour valables, bons

1. Pastor, p. 157 sq. Les détails qu'il multiplie établissent surabondamment


que le pape était décidé à tenir le concile.
552 i.iv. i.v. l'impuissance du concile

et saints : en j>arlicnli«r il apj.rouvait entièrement (et le déclarerait


on consistoire) celui sur la justification, en des violentes
déj»it
attaques des luthériens. Que le roi d'I^spagne lui laissât la lil)ertè
de décider \>i\r lui-niêinc ce qui était i>ossible, recoinniandé j»ar la
|ir«idence et les exigences du tcin])S.
»>

Ceci était la manifestation de la dernière heure, car le lendemain


6 octohrr, le consistoire décida la rejtrisc à la |ires(|ue unanimité,
mais d'attendre au luemicr dimanche de l'Avent j»our la y>ronujl-
guer, nommer les légats et fixer l'ouverture au jour de Pâques
(6 a^ril l^f)!). désignait déjà comme ]>résident8 Morone
Le |>ul)lic
et Seripandi. Le premier connaissait si bien les afTaires
d'Allemagne !

Il avait la faveur de Ferdinand comme celles des


jirinces de l'empire,
et de jilus toute la confiance du pa]>e. Il
dirigeait la congrégation
de la réforme; ne venait-il mois précédent, de faire nonimer
jias, le
des enquêteurs sur les obstacles que les curiaux
apjiortaient à la
résidence, de faire arrêter aussi que l'Index de Paul IV serait
imposé aux ordinaires ^ Le second était tout désigné comme théolo-
gien du concile et le ])a]ie, quelques jours après, le mandait de son
archevêché de Salerne, l'introduisait en ses conseils ^.
Quand il ajijirit l'échec de la mission Toledo en France, dans la

nuit du 8 au 9, le pa]ie s'en montra d'abord assez aiïecté, mais il

ne tarda jias à se re]>rendre, car l'incident le mettait au j'ied du mur.


Il déclara séparément aux ambassadeurs des trois grandes puis-
sances qu'il ne pouvait ]>lus différer le concile, même sans le con-
cours de la France. 11
conqitait maintenant sur l'Espagne et espé-
rait que les deux autres gouvernements ^prendraient part
à l'assemblée,

quand ils la verraient réunie «*• Trente;


ensuite transpor- elle serait

tée, s'ils le jugeaient nécessaire, en une ville j.lus abordable. Le 13,


il renouvela ces déclarations au consistoire; il obtenait
toujours la
presque unanimité ]tour cette détermination. Morone, Puteo, Ghis-
lieri et autres cardinaux réformistes
encourageaient le ]>ontife dans
son attitude résolue, et lui conseillaient, ]iuisque la France tenait
tant à son concile national, de marcher avec les autres souverains.
Quant à lui, il talonnait encore d'Arco. par cette réflexion, (jti'il
ne
différerait ]ias la rc]trisc a»i delà de la Saint-^fartin il n'attendait, :

et avec im])atience. (juc la


ré])onse des trois souverains.
Les événements contraignaient en même temps les Valois à faire

1. Aria corvtistorinlin «lu 13 joptrmbre 1560. Con(. Tndcnt., t. ^^^. p. 7.


1 Pastor, p. 163, note 3.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 553

quelque peu volte-face, à se rapprocher des chefs catholiques, le


pape et le roi d'Espagne. Les prêches se multipliaient partout;
leshuguenots préparaient une véritable insurrection par des coups
de main dans le Midi de Provence, autour d'Avignon et là où ils
se sentaient en force; coups de main accompagnés d'un complot
des Bourbons contre le pouvoir royal et ses détenteurs, les Guises.

Les élections aux États généraux, décrétées fin septembre, ajou-


taient au désordre ^. La reine mère réclamait elle-même le secours
de son gendre, et celui du duc de Savoie, mari de sa belle-sœur.
Le synode national passait au second plan. Au moment où ces
requêtes arrivaient, Philippe II recevait aussi des deux nonces,
Santa Groce et l'évêque de Terracine, le 24 octobre, communica-
tion officielle de la reprise prochaine du concile. Pie IV sollicitait
son appui, à défaut des deux autres souverains. Il était résolu à
tenir le concile, dut-il le déplacer ensuite dans une ville d'Italie,

dans États de Sa Majesté ou de ses alliés. Il ne précisait pas


les

davantage, laissant au roi le soin de la choisir lui-même, au besoin


de concert avec France, que Philippe II ménageait encore.
la

Effectivement, avec la demande de secours de la reine mère, l'am-


bassadeur français, l'évêque de Limoges, Sébastien de l'Aubespine,
lui présentait une autre requête l'entente entre les deux souverains
:

pour Et François II écrivait à Rome qu'il abandonnerait


le concile.

le sien, si l'autre se réunissait avant ^, mais il désirait une nouvelle

convocation, non la reprise, et dans le lieu qui serait concerté avec


l'empereur et le roi d'Espagne.

Nouvelles entraves de la part des souverains.

Sous l'impression de ces dernières nouvelles, Philippe soumit à


une commission de ses théologiens le cas de conscience, de savoir
s'il fallait reprendre le concile, ou s'il serait préférable de lancer
une nouvelle convocation; il était toutefois plus
que jamais hésitant,
par égard pour Saint-Siège, et aussi pour la France; ses théolo-
le

giens s'étant partagés, cela va de soi, il résolut d'abord de laisser


toute liberté au pape. Puis le 30 octobre, il annonça à l'évêque de

1. Voir Romier, ibid., pasxim, et surtout p. 24.


2. Cône. Trident., t. viii, p. 95-98, le 4 octobre, communiquée le 5 novembre.
Pallavicini, 1. XIV, c. xai, § 12.
55^ i.iv. i.\ . I. i.M iTiss ANrF, nr fioNrii.F.

Liniopcs qu'il insistait ]'Our la convocation immédiate, a]irès lacjuclle


leconcile ]ioiirrait se déjilacer, à Hesan<;on ou Vcrceil '. A\ec le |»ajie,
il montrait de nouveau exigeant
se le 10 no\eMil)rc, une lettre :

de sa main réclamait la continuation du concile, et |»roj)Osait jiour


un transfert possible Hesanvon. \illf Hl)re imjiériale, enclavée dans
sa iirovincc de l*'ranche-Comté, ;i I;i
jiortée des Français et des
Allenutnds.
l'Vançois II ]>araissait pressé maintenant d'avoir le concile géné-
ral; il
pensait ]«ar Ih
rcm]>lacer, enij-cclier synode et, le même le

C novembre, il mandait à l'enijereur sa résolution soi disant der-


nière. (]ue le ]iremier fût convoqué avant ses Ktats généraux, qui

devaient se réunir le 10 décembre. A Home, il insistait encore pour

que la continuation fut évitée et rem]iereur, nous le verrons, opi-


nait dans le même sens. L'entourage du ]>a]>e restait incertain;
]ui-nu*me faisait confidence de ses bésitations au Vénitien da Mula.
Celui-ci le remontait de .son mieux: l)ien ]>lus,
il combattait vive-
ment les conseils de jirudence du duc de Florence,troj» circons]icct

qui mettait en a\ant ces ojipositions et contradictions pour faire


le concile h des favorables ^. En réalité la déci-
ajourner tem]>s plus
sion dernière déperidait de rem]iereur, ]trotecteur et bras droit de

i'P.glise. Mais saurait-il se décider ?

On n'était jdus au temjis de Charles-Quint, le grand empereur,


remjiereur international. L'emjnre s'était rajietissé; il s'était fait
allemand, il se faisait autrichien. Ferdinand l'installait h demeure
fixe h N'ienne, d'où jtouvait surveiller le ]'éril turc, son ]irincipal
il

souci, et concentrer dans ce carrefour de l'Europe, par ses a]>]iels


réitérés, toutes les forces allemandes : il n'avait ]ias grande con-
fiance en la chrétienté, ni même au ]»a]ie. C'était;\ ce
point de vue
et dirigeait
qu'il remj'lissait son rôle d'enq>ereur, (ju'il com]>renait
les affaires de la chrétienté, de la réforme et la question du concile.

Il avait besoin des princes allemands, il avait besoin des luthé-


riens, et toute sa politique, insjiirée par le conseil aulique, n'avait

plus d'atitre ol)jectif que de les attacher à sa cause.


Ses conseillers v ])Oussaient leurs idées s'étaient : rétrécies de
même, dc]>uis rpi'ils n'étaient ])lus surveillés par l'entourage espa-
gnol de Charles-Quint, plus soucieux des besoins de Fflglise uni-

1. Il scniJiI»' «|u'il avnit été question déji\ de ces dnix villes lors de la mission

de Tolejio en Franre. Pallavicini, ibid., § 0-10.


2. Sur res péripéties du mois de novembre à la curie, voir les extraits de docu-

ments eontemporains, Conc. Trident, t vm, p. 96, note 2 et 98, n«tf 1.


CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 555

verselle. Euxs'étaient inféodés à moitié à la confession d'Augs-

bourg, et ceux mêmes qui la repoussaient ne ménageaient pas les


concessions, les reculades devant les exigences luthériennes. Enfer-
més dans le carrefour de Vienne, ils subissaient l'influence des héré-
sies qui enveloppaient de plus en plus; par la Bohème, elles
les

pénétraient en Autriche, elles s'installaient jusqu'à Vienne; les


erreurs calvinistes, dont la propagande infectait la Hongrie, remon-
taient aussi le Danube. Surtout
étaient subjugués par l'ascen-
ils

dant de l'archiduc Maximilien, de Bohème, héritier de l'empire,


roi

que ses éducateurs avaient perverti et qui ne se gênait pas pour


étaler et faire valoir ses préférences complaisantes pour les croyances
nouvelles. L'empereur, dont la religion s'était sacrifiée des années
aux luthériens pour obtenir le titre de roi des Romains, d'ailleurs
délicat et maladif, laissait cet héritier prendre autorité sur le conseil,

accaparer peu à peu la d:rection des affaires politiques, sinon reli-

gieuses.
Dans cet état d'esprit des gouvernants impériaux, il était évi-
dent qu'ils tenaient pour inexistant ce qui s'était fait jusqu'ici
à Trente. C'était trop italien, trop romain;
ils y voyaient trop l'action

de Charles-Quint de ses conseillers espagnols. Tout cela ne valait


et

rien pour l'Allemagne. Il fallait entreprendre à pied d'œuvre, en


même temps que la réforme du clergé, un accommodement sur la
base des Intérim anciens, sans exclure la confession d'Augsbourg,
dont l'importance avait doublé, depuis que les derniers édits lui
avaient donné, avec l'approbation tacite de Charles-Quint et la
signature de son frère et héritier, une force légale et officielle.
Des
panacées, comme le mariage des prêtres et le calice, ne suffisaient
plus à ses partisans, devenus plus insupportables, si possible,
encore moins aux calvinistes plus radicaux et plus violents.
Les Impériaux espéraient-ils que le concile et le pape se prête-
raient à ces combinaisons ? qu'ils sacrifieraient n'importe quel
articledu dogme catholique au grand problème, la réforme du clergé,
qui passionnait la chrétienté depuis deux siècles ? On y comptait
si peu dans l'empire que le débat allait se concentrer avitour de la

concession des deux privilèges, dont les Allemands comme les sujets
des États héréditaires faisaient maintenant la condition indispen-
le mariage des prêtres et l'usage
sable de leur fidélité à l'orthodoxie :

du sont déjà et seront encore davantage, ]>ar la suite,


calice. Elles

l'objet premier des négociations qui se


noueront avec le concile
et autour de lui. Les souverains catholiques, l'empereur tout le
556 I.IV. l.V. I. IMPUISSANCE DU CONCILE

preniit'r, 1rs sniliciteiit jiour IiMirs sujets, (|ui ne peuvent s'en passer,
prétendent-ils. C'est un engouenu'nt tel iiiie. si \o. ]ia[ie les refuse,
l'Kglise cath()li(]ue est en grand danger dans toute; l'F.urope cen-
trale. Pour convaincre ]>lus facilement le chef de l'flglise, ils ajoutent
<jue cette concession cf)ntril)nrra certainement h ramener les dissi-
dents, nu^me endurcis, les luthériens j)ar exem])le. Ils laisseront
dormir au besoin le credo d'Augshourp et les articles de dogme
qu'il a ]>lus ou moins altérés. Mn réalité, le résultat palj'ahle de
ces longs ])our]iarlers, la note vraie, elle était donnée ]iar l'ambas-
sadeur vénitien da .Mula, lors^pie, dans l'un des fré<pients entre-
tiens confidentiels (pi'il avait avec le pa])e, il demandait, non sans
ironie, combien ces deux articles avaient ramené de partisans de
Luther '.

Ce fut à ces deux que rem])ereur réduisit h peu ])rè8 les


]>oints
conférences qu'il eut avec nouveau nonce Delfino. Celui-ci appor-
le

tait les réponses dressées ])ar le cardinal Morone au mémoire imy)é-

rial du 20 juin \:^C^\. Le ]ta]»e y ra])|<elait (pie les Oiètes, queCharles-


Quint avait multi] liées en Allemagne, n'avaient fait qu'exagérer

lesdésordres religieux, jusqu'au recès de Ratisbonne du 13 mars 1557,

qui aNiiit décidé, ]>our la centième fois, le maintien des Intérim


])récédents, en attendant un centième collotpic qui aurait lieu en
avril, et n'aboutit ]'as jtlus que les précédents ^. « La situation empi-
rait les l'Hats héréditaires, et il n'y avait pas d'autre remède
dans
que de ramener sans retard le concile h Trente. Les difTicultés que
l'empereur faisait valoir s'évanouissaient, à les regarder de près :

la médiation du roi d'Espagne assurait la ]taix générale par l'accom-

modement entre l'Angleterre et la France sur la question d'Ecosse:


du royaume Très chrétien surtout, exigeaient
les éjireuves j>résentcs,

un promjit remède. Les luthériens auraient toute sécurité yiour se


rendre au concile, sous la garantie et la protection de l'emjiereur. »
Le pape s'en remettait à l'assemblée, au sujet des concessions qu'il
convenait de leur accorder sur leurs deux requêtes essentielles.
Quant nous rendre en personne au concile, concluait Pie IV, cela
h

dépendra des circonstances, et nous n'avons encore pu prendre


aucune détermination |?i-dcssus.
Muni de ces instructions ipii répondaient jioint par point aux
six demandes impériales, Delfino atteignit Vienne le 28 septembre.

1. U 3 juin 1560. Pallavicini, 1. XIV, c. xiv, § 6.


î. Ibid.. c. M. au Hébut.
CH. I, LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 557

Ferdinand lui donna audience le lendemain, avec des témoignages


de contentement, comme à un vieil ami. Malgré le concours d'Hosius,
le nonce en fonction, le Vénitien en fut néanmoins pour ses frais
'

de diplomatie. Le conseil impérial maintint son point de vue et il


ne servit de rien que, d'après les instructions complémentaires
verbales qu'il avait emportées, le nonce fit espérer l'appui du pape
pour l'élection de l'archiduc Maximilien comme roi des Romains
et héritier présomptif de l'empire. C'était le vœu le
plus cher de
Ferdinand, mais il avait lui-même montré naguère, dans sa propre
élection, qu'il savait au besoin se passer du pape les trois électeurs:

protestants avaient plus de poids aussi les conseillers


:
impériaux
ripostèrent-ils qu'on ferait bien de renvoyer l'accord définitif à
une date plus opportune.

Les réformes de Rome préliminaires du concilea

Ils quand même à réclamer le calice et le mariage


s'entêtaient
des prêtres nonces objectèrent que Sa Sainteté ne pouvait
: les

accorder plus que son prédécesseur Paul III l'avait fait pour V Inté-
rim de Charles-Quint ^. « Elle avait du reste entrepris la réforme de
sa personne, de sa cour et de ses bureaux et laissait au concile
latâche de réaliser la réforme générale du clergé et de la chrétienté.
Elle tenait à le convoquer en Italie et priait l'empereur de lui envoyer
ses ambassadeurs et ses évêques. Si les princes chrétiens ne lui appor-
taient pas leur appui sans réserve, elle avait résolu de convoquer à
Rome quatre évêques par État avec leurs théologiens et d'entre-
prendre lui-même cette réforme, en tenant compte des besoins de
chaque pays ce petit concile s'occuperait aussi du mariage des
:

prêtres et de l'usage du calice. »


Pie IV s'était mis résolument à la réforme; en ce même mois de
septembre 1560, il donnait une bulle qui imposait la résidence
et

en réglait les modalités. Cette réforme réclamait comme point de


départ l'examen approfondi et documenté des candidatures à l'épis-
du consistoire, notam-
copat, et le pontife attira là-dessus l'attention
ment de la congrégation de réforme. Le gros embarras qu'il rencon-
trait venait de la situation qu'avait créée les mesures excessives

prises par Paul IV. Il avait d'abord à liquider le passé.


Dans cette
préoccupation, il se refusait à brusquer les évêques de la curie
et

1. Pallavicini, ibid., c. xiv, § 12.


558 LIV. LV. LIMI'LISSANCI-; Ut CONCILE

faisait étudier leurs objections par des coniinissaire eiKjuêteurs,


Le règlenient contre les moines vagabonds ne ]>rovo(pjait pas
moins d'inconvénients, d'abus, de désordres Pie IV s'elForça de :

redresser ces détails, fit accorder aux délincjuants une absolution


conditionnelle, avec un délai de six mois ])Our régulariser leur situa-
tion auprrsdcs autorités compétentes. Il assura quebpic facilité aux
cardinaux pour les regressiis et, le 27 mars 15(30, les permit sous des
conditions ])récises. Nous n'avons lias h juger la rigueur imjiitoyable
qu'il exerça contre les Carafa; elle fut redressée par son successeur,
mais le favorablement, comme le dernier
]iublic l'accueillit jdutôt

soupir (Vwu régime dur et sans pitié. Avec les condescendances


dont usait le nouveau régime, la détente se produisait ]>eu fi peu
et le progrès des bonnes moMirs rej>renait sa marche dans le clergé
et la société de Home, sous la fermeté j»atiente et tenace du ])ontife,

dirigeant h son tour l'activité toujours infatigable des jésuites et


le zèle naissant des disciples de Phili]i]te Neri.

Nouvelle résistance de l'empereur.

Le concile réclamait toujours beaucouj) de patience et allait


encore i)lus lentement que la réforme. Pendant cpie
les conseillers

im]>ériaux discutaient les récentes ouvertures de Rome, arriva le

rait]>ort de l'ambassadeur d'Arco sur la déclaration qvi'il avait reçue


le 23 sej>teml)re, puis des instructions détaillées de l3orromée à Del-
fino. Le secrétaire ])roposait la convocation immédiate du concile.
Toutefois, 9 octobre, remjiereur remit aux deux nonces sa réponse
le

définitive : maintenait les demandes du 26 juin. Il insista ]»our


il

que le concile fut une assemblée toute nouvelle, qui se tiend/ait


ailleurs <\u'h Trente. « Les princes }»rotestants n'en accejitaient jias
d'autre et les j)ays, comme
France, qui n'avaient ]»as ]tris part
la

aux délibérations ]>récédentes, avaient besoin qu'elles fussent rejirises


par la base, dogme, discij>line et réforme des mœurs. Mais ce qui
pressait le ]dus, surtout parce (pi'en fait le concile ne se
réunirait

pas si vite ni si facilement que l'esjiérait le pai»e, à cause des embar-


ras qui surgissaient de ]iartout, c'était de satisfaire les Allemands
pour les deux concessions tant désirées. »
L'em]>ereur essayait d'intimider les nonces par la vivacité avec

laquelle il s'obstinait dans ses exigences: il ne s'opposait ]ilus au


«hoix de Trente toutefois les luthériens menaçaient d'assaillir
:
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 559

armes à la main, et il proposait Imisbruck, où le con-


cette ville les
sous sa protection immédiate « Il ne voulait pas commander
cile serait :

au pape, mais remplissait son devoir d'empereur, La convocation


d'un nouveau concile, exigée par les Français, était obligatoire
d'après les dispositions du concile de Constance.
» Il estimait
que la
réforme allait trop lentement à Rome et manquait de profondeur.

Ces propos ne furent pas sans mécontenter Pie IV, et Borromée


adressait, le 2 novembre, des reproches aux nonces, parce qu'ils
n'avaient pas soutenu avec assez d'énergie le programme de Sa
Sainteté. « Elle était encore sous l'impression qu'avaient produites
:

au Sacré Collège les paroles de Ferdinand. Le consistoire en avait


délibéré les 27 et 28 octobre et n'avait rien décidé. » Des cardinaux
pro-allemands eux-mêmes, comme
Pio de Carpi, faisaient ressortir
la gravité des exigences impériales il était impossible d'annuler
:

tout le travail réalisé à Trente. Le pape indécis ajourna la conclu-


siondu débat, sur le conseil de Madruzzo, mais pas pour longtemps,
deux semaines environ ^.
Les nonces n'étaient pas restés inactifs, et finalement ils déci-

dèrent l'empereur à recommander le concile en France, mais il ne


s'engagea pas à fond. Le 24 octobre, il déconseillait fortement
le

synode national « Le concile général offrirait plus de garanties pour


:

les remèdes que réclamaient les malheurs de ce pays. » Le 1^^ no-

vembre, la cour des Valois apprenait que l'empereur accep-


tait Trente pour l'ouverture du concile on verrait ensuite à le :

transférer en un lieu plus abordable et plus sûr.


Ces communications eurent leur contrecoup à Rome avec l'envoi
de deux exprès de France, qui les suivirent aussitôt ^. Le premier
annonçait que Sa Majesté Très Chrétienne acceptait le concile à
Verceil, ou dans du Piémont elle priait le pape
une autre localité :

de communiquer cette résolution aux deux autres souverains « Le :

de
synode national serait écarté, pourvu que le roi eut le moyen
prévenir les États généraux, des leur ouverture le 10 décembre, que
le concile commencerait à une date fixée d'avance. » Au reçu des

dernières nouvelles de Vienne, second courrier porta au pape


le

l'assurance que le roi se contenterait de la convocation à Trente.

Restait ce détail, que les deux souverains s'insurgeaient toujours


contre la continuation, mais il n'était pas pour arrêter le pape.

1. Pastor, p. 162-165.
2. Voir détails complémentaires ci-dessus, p. 553-554.
560 I-IV. LV. I.'iMPLISSANCr. DU CO.NC11.K

Préparation de la bulle du concile.

Le 1^1 novembre, {qirès avoir reçu les deriuères nou\ elles de l'rance,
« elui-t i faisait écrire au roi d'I'>s]>Hgnc son intention d'ouvrir l'assem-
l)lée en Télat où elle était restée, et il
apiielait, le lendemain, les

oardinaiix I*uteo, Saraceni et Cicada, à réaliser cette intention avec


le concours de quelques théologiens, c'est-à-dire à dresser la bulle

convocatrice. ne voulait en aucune façon toucher aux décisions


Il

antérieures, et les commissaires reçurent leurs instructions en ce


sens. Il voulait aller vite maintenant qu'il avait le consentement
des deux souverains, prévenir un revirement en France et un retour
offensif du synode national, exjjcdier le tout en dix ou douze jours,

])0ur que l'affaire fût conclue le 10 décembre, ({tiand se réimiraient


les I^tats généraux. Au consistoire du même jour 15, il résuma ses

volontés et ordonna des jeûnes et des prières ]Mil)liques dans toute


la chrétienté, aussi bien qu'à Rome. Il n'avait i»as besoin ])Our se

décider des conseils que lui aurait donnés, dit-on, le duc de Flo-
rence '.

Le 19 fut ]>ublié la bulle d'indulgence jtour l'ouverture : elle

formellement de rcitrendre concile, le indicere et conti-


])arlait
nuare, coupant ainsi court à toute équivoque; elle mentionnait les
sessions tenues sous les ])ontifes précédents. Les j)ricres juibliques
commencèrent ce jour même, et furent couronnées, le dimanche 24,
en personne, de
par une procession solennelle, que le pape présida
Saint- Pierre du Vatican à la Minerve, où le cardinal Pio de Garpi
chanta la messe pontificale. On y vit défiler les diverses notabilités
de Rome, cardinaux et les dii>lomates ])ortant le dais pontifical,
les

et aussi le duc de Florence, encadré par S. Charles Borroméc et


sont propre fils Giovanni, ]iromu en même temjts que le premier :

ne fallait-il ])as que le Medici reçut le merci du j)ai)e ]»our les ser-
vices rendus au conclave ?

La rédaction de la bulle de réouverture, prête dès le 15, souleva


de vifs débats })armi les consulteiirs, théologiens et canonistes,
troyt nombreux d'ailleurs (ils étaient soixante et un "), que le pape

adjoignit cardinaux commissaires jtarmi eux le général


aux trois :

des jésuites, Jacques Laynez. Les commissaires eux-mêmes étaient

1. l'astor, jt. 165 it note '• 160 et note 1.


;

2. Si l'on on juge par les soixante et une croix, qui accompagnent les jifrnatureB

de» Tingt et un cardinaux dans le texte officiel. Conc. Trident., t. ix, p. 104-111.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 561

divisés. L'un d'entre eux, Cicada, soufflait à l'oreille de l'agent


français (qui s'empressait de le coucher sur sa correspondance)
qu'il habillerait la bulle de manière que le concile fut un
recommencement. Puteo soutenait le point de vue contraire,
et Saraceni flottait entre les deux. Mais le pape les départagea
et interposa sa décision de chef de l'Église, mandait Borromée
au nonce en France. Pie IV n'avait-il pas déclaré publiquement
qu'il voulait en finir et sans le moindre préjudice pour la

discipline !
,

La bulle fut communiquée au consistoire le 29 et promulguée


le lundi 2 décembre. Le pape l'accompagna d'un commentaire oral
aux cardinaux, dans lequel il justifiait la rapidité de l'exécution,
presque improvisée, mais il ne put mettre un terme aux discussions
comme aux conflits; ainsi que tout acte diplomatique de juste
milieu, la bulle ne satisfit pas les partis extrêmes. L'Espagnol Vargas
se plaignait qu'elle ne parlât pas du tout de continuation; par
contre, ses collègues, le Français et l'Impérial, y voyaient une équi-
voque qui avait besoin d'être dissipée, au témoignage même du
Vénitien da Mula.
En réalité, comme le pape avait soin de le remarquer au consis-
toire, la \)vX\^ Aàregimen Ecclesiae convoquait le concile à nouveau,
mais pour les mêmes objets, l'extirpation de l'hérésie, la dispari-
tion des schismes, le rétablissement de la foi et la réforme des abus,
le tout en vue de
procurer la paix dans l'Eglise. N'était-ce pas indi-
quer la continuation que de passer en revue les efforts faits par
Paul III et Jules III pour ouvrir, puis ramener l'assemblée, au
milieu des difficultés sans cesse renaissantes ? « Maintenant que
la paix est rétablie dans la chrétienté (depuis le traité de Cateau-
Cambrésis !), le pape, après avoir pris l'avis des cardinaux, avec
le concours de l'empereur et des princes chrétiens, déclare levée

la suspension imposée à son prédécesseur, et convoque pour le

dimanche de Pâques prochain (16 avril 1561), les patriarches, arche-

vêques, évêques, prélats et tous ceux qui ont un droit quelconque


à faire partie de l'Église enseignante; en outre, invite l'empereur
et tous les princes chrétiens à y figurer en personne ou par leurs

ambassadeurs. » Aucun n'était nommé d'ailleurs : à quoi bon pro-

voquer des réclamations inutiles! Il n'était fait exception que pour


l'empereur des Romains, mais cela suflit à éveiller la susceptibilité
des Français ils considérèrent cette omission comme un affront
:

à leur souverain, parce qu'il était mineur, et la reine mère, devenue


CONCILES. — IX. — 19
562 M\ l\. I IMIMISSANCE DV COSC.ll.F.

régente |»ur lu iiiort de François H, en manifesta une vi\»' (I«''fc|»-

tion, joiia nii^nie la colère *.

L'al)lȎ Niquet, <|iii


attcrulait de|inis ].liis
de doux mois la réponse
aux somnmtions qu'il axait apportées pour \r concilr. fut curMi con-

gédié les jircini(îrs jours di- «li'ccuihre, avec des excmjtlaires de la


bulle et des hrcfs cpii invitaient au concile le roi et le cardinal de
Tournon. devait confier à celui-ci, en sa qualité de légat, les brefs
Il

i|(ii
de France. ()uand il remit ces ])acpiets,
cofiN (xpiaient les évê(iucs

'e 17 décembre, au conseil de régence, certains


s'y montrèrent cho-
quas des termes : lei'ée de la suspension. C'était la continuation
à ]>eine déguisée. On décida de temj)oriser, d'attendre (pielle serait
l'aMitude de renq)ereur ])Our s'y conformer. Les ambassadeurs
parlèrent en ce sens à Rome coïnme à Vienne.
Le cartlinal de Tournon a\ ait rejoint la cour et y soutenait avec
persévérance la cause de Home. Il resta isolé d'ailleurs, les gnlli-
cans s'enbardireut : tout le conseil et la cour réclamèrent des cban-

gemcnts à la bulh*. L'ambassadeur de la Honrdaisière fut sacrifié,


sous prétexte <]u'il ne songeait i[u"à son cbapeau, et remjdacé ]»ar
uu gallican, jilus actif, jdus compromis, André Ciuillart, sieur de
risle. président au Parlement do Reimes, dont la famille, attachée
aux Coligny, était suspecte de favoriser les huguenots. Pie IV
s'elîorça en vain de l'écarter 1<; nouveau nonce, Lorenzo Lenti, :

évè(]ue de Fermo, s'y usa, et deux agents qui \ lurent à Home,


dans les jiremiers mois de l'année suivante, em]>ortèrent de non
moins vaines réclamations. Le gallican ne tarda pas d'ailleurs à

s'ada]»ter, comme quiconque


séjourne qiielque temps à Home.
La ]>rom]>te détermination du ]»ape ne fut guère mieux acctjcillie
autre part (pi'en France. Dans le Sacré-Collège même, il se manifes-
tait(pielque dé]>laisir *. Vargas ameutait contre la bulle les car-
dinaux es})agnols, parce qu'elle ne mentionnait ])as la continua-
tion. Phili])pe II et ses conseillers ajoutaient la défiance à leur
mécontentement; ils voyaient jioindre dans cette réticence quelque
concession de ])lus aux héréti(pies. Les Inqtériaux s'agitaient h
réclamer un concile nouveau, et faisaient redouter un accord de
leur maître avec le roi de France, ]>otir forcer la main au jiape. Il

est un fait certain, la bulle qui ordonnait des ]>rières pour le concile

1. Homirr, ibid., p. 261 voir surtout son sccoiul


;
\
oliinio, Catholiques cl hufiue-
noU à la cour de CharlM IX, Paris, 1924, p. \^-M.
2. Pnstor, p. 168, note 3; 170 rt note 2.
eu. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 563

fut interdite Vienne, parce qu'elle annonçait sa continuation.


à
Les dirigeants redoutaient une émeute des luthériens, qui étaient
nombreux et se montraient entreprenants dans cette capitale !

L'appel du pape aux princes aîieinands.

y avait déjà deux nonces et Pie IV jugea opportun de leur


Il

adjoindre un troisième, qui ne s'occuperait que du concile. Sa mis-


y inviter, avec le concours de l'empereur,
sion consistait d'ailleurs à
les princes d'Allemagne, sans en excepter les luthériens. Il rece-
vait tout pouvoir de communiquer avec eux sans encourir les cen-
sures de droit; en avait quelques humiliations, il s'en consolerait
s'il

par la pensée du devoir accompli. C'était un autre Vénitien que


recommandait da Mula son compatriote. L'évêque de Zante, Gian-
francesco Commendone, n'était pas un inconnu à la curie il avait :

accompli une mission importante en Angleterre sous Paul IV, au


temps des légats Pôle et Dandino ^. Il emportait, avec les exemplaires
de la bulle, cent vingt brefs et une lettre autographe à l'empereur,
par laquelle Pie IV s'engageait à recevoir les Allemands sans excep-
tion, en toute douceur et charité, et leurs requêtes en ce qu'elles
présenteraient de raisonnable et de légitime.
Commendone quitta Rome le 11 décembre et atteignit Vienne le

5 janvier 1561. Deux jours après, les nonces le présentaient à l'empe-


reur. Celui-ci fit quelques réserves au sujet de la bulle, mais affirma
sa bonne volonté envers le concile. Delfino devait partager la tâche
de Commendone, opérer dans la haute et moyenne Allemagne,
pendant que ce dernier parcourrait la partie occidentale de l'empire,
y compris les Pays-Bas. L'empereur leur conseilla, pour simplifier
leur entreprise auprès des luthériens, de visiter d'abord l'assemblée

qui devait se tenir à Naumbourg en Saxe le 24 janvier.


Il leur pro-

mit tout de la part des agents qu'il y enverrait, ce qui les


appui
décida à suivre son avis.
Il demanda toutefois un sommaire de ce qu'ils y débattraient et
ils n'y firent pas trop difficulté, bien que le pape leur eût recommandé
d'éviter ce mode de négocier, parce que les luthériens avaient l'art

d'exploiter les écrits les plus inofïensifs.


Sans attendre de savoir

1. Pastor, t. VI, p. 186 sq. Pallavicini, 1. XIII, c. vu, § 3-7, la raconte tout
au long.
564 LIV, I.V. l'impuissance du CO.NClLi;

ce qu'on en ])enserait à lloine, Commcrulom-, s n l'urf^once de l'iiiruire,


dressa un nirnutire de (jucltjues points, «ju'il n-niit dès le lendctnain
à l'enijuTcur. Cflui-ci répondit de même ]iar écrit : il renouvelait
ks promesses faites de vive voix dans une audience récente; il était
convaincu que les ccclésiasli(|ues, et en général les catholiques
accueilleraient avec faveur l'invitation. ()uant aux luthériens, il
recommandait de procéder envers eux en toute j)atience et condes-
cendance.
Le \2 l'erdinand envoya recommandations complémen-
trois
taires, mais Commendone n'accepta qm- les deux premières « Il :

avait la inission d'in\iter les luthériens au concile, non de discu-


ter avec eux; il leur laisserait toute liberté de parler, écouterait
amicalement leurs objections, leur accorderait les garanties les plus
étendues pour se j»résenter, ce qui devait leur sullire, ])uis(]u'à ces
garanties s'ajouteraient celles d(»nnées par l'emjtereiir. Mais ses
instructions lui interdisaient formellement d'argumenter avec eux,
et ])ar écrit; lesmotifs en sautaient aux yeux. »
Sans attendre d'autres recommandations, et parce que Ferdinand
ajoutait ses instances aux nécessités du moment, les nonces se mirent
en route le ^i
janvier, en plein hiver, traversèrent les montagnes de
Hohcme au milieu de la neige et arrivèrent à Naumbourg le 28,
Ils tentèrent d'abord de visiter les ])rinces les uns après les autres.

de remettre à chacun en ]»articulier les brefs cpii les invitaient au


concile, avec un exenq)laire de la bulle de convocation. Les deux
électeurs, Palatin et celui de Saxe, auxquels ils s'adressèrent
le

d'abord, es(}uivèrent leur a isitc, tout en les accablant de politesses,


et les renvoyèrent h l'assemblée générale du 5 février. Bien qu'ils
eussent l'ordre de ne traiter qu'avec les princes pris chacun en par-
ticulier, les nonces acceptèrent l'invitation par égard pour l'empe-

reur *. Ils remirent d'abord aux seigneurs ]trésents les brefs et co])ies

authentiques de bulle, qui leur étaient adressés.


la Puis ils con-
sentirent à parler Delfino assura (pic les |irinces seraient entendus,
:

on ne peut ]ilus favorablement écoutés, en toutes leurs justes requêtes ;


ils n'avaient qu'à envoyer leurs agents, qui établiraient de concert

avec le concile l'unité de foi, morcelée en tant d'évangiles. Commen-


done ajouta que le ]ia])e voulait ])rofiter de la pacification générale
pour réformer les abus dans le clergé et ramener la disci]»line ancienne;
il avait commencé par sa cour et son administration.

1. l'all.iviciiii, I. W, c ii, ^ 9-10, et 3 eu entier.


CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 565

Les princes demandèrent un sommaire écrit de ces discours,


afin d'y répondre à loisir; les nonces ripostèrent qu'ils n'avaient fait

que développer la bulle, et qu'ils les priaient d'en prendre connais-


sance avant de répondre. La réponse ne se fit pas attendre et on
pouvait la prévoir. Quand les nonces furent revenus à leur domi-
cile, trois conseillers leur rapportèrent les brefs et les déposèrent
sur une table, parce que leurs seigneurs répugnaient à les
prendre.
Ils prétextaient, ne pouvoir admettre l'appellation de Cher fils que
portait en tête l'acte pontifical ils ne devaient pas considérer le
:

pape comme un père. Les nonces assurèrent en vain


que ce n'était
qu'une formule de protocole, qui n'avait rien d'offensant, admise
par l'usage, adressée à tous les princes chrétiens indifféremment,
et dont aucun ne se formalisait.
Les négociations des deux nonces débutaient mal; et ce n'est
pas tout. Deux jours après, les bulles furent renvoyées d'un commun
accord avec des réponses négatives, non moins insultantes. «Le pape
n'avait pas le droit de convoquer l'Église universelle en concile,
étant la cause et la source de tous les abus, de toutes les erreurs
dont il prétendait être le juge. Sa politique consistait uniquement
à exciter les nations chrétiennes les unes contre les autres, pour
fortifier son autorité et se faire adorer. C'était les calomnier, eux
luthériens, que de faire courir le bruit qu'ils étaient divisés dans
leurs croyances, car ils avaient seuls l'unité de foi, la religion basée
sur le pur Évangile, dans la Confession d'Augsbourg. La religion
romaine, par contre, n'était qu'un tissu d'erreurs et d'abominations,
de pratiques ridicules ou honteuses. Bref l'empereur, leur souverain
maître, qui avait approuvé cette Confession, avait seul le droit de
les convoquer au concile. »

Commendone prit la peine de répondre à ce factum et il n'y eut


pas de peine si, comme l'avance Pallavicini, un conseiller de l'élec-
teur palatin renseigna en toute confidence Delfino sur les incerti-
tudes et les divisions des luthériens, au sujet précisément de cette
fameuse confession : « Le manque d'unité de foi n'était pas une injure
il sautait aux
à l'égard des luthériens, car yeux de tous. L'empereur
et les princes chrétiens connaissaient trop bien leur devoir pour
se permettre de leur propre autorité une pareille immixtion dans
les affaires spirituelles; depuis les origines de l'Europe chrétienne,
ils avaient laissé les papes convoquer le concile, comme ils venaient
de le faire à Trente; de tout temps, depuis et
y compris saint Paul,
les fidèles s'étaient adressés au successeur de Pierre comme au doc-
566 I.IN. I.V. I-'lMMlSSANCE DU CONCILE

leur et à la rèj^N' ilc l»»uU' \éritê. Li-s AUciiiaiids h'cmi avaient-ils

pns reçu eux-iiièines la lumière de rT^varipilo. avec saint Honiface» ?

Les jtreiniers résultats de cette campagne diplomatique étaient


de mauvais augure pour l'avenir, ne laissaient (pic ])eu d'esjioir de
réussir auprès des autres luthériens. Les nonces ne se découragèrent

pas néannu)ins et, après avoir ohtenti l'adhésion au cf)nrilc de l'évêque


de NaumbouT}^, le théologien .Iulius IMIug, ils se séparèrent le
13 février pour o]iérer chacun de son coté, Delfino dans la haute
Allemagne, Commcndone dans les régions occidentales.

Préliminaires de l'ouverture du concile.

I/hostilité déclarée des luthériens, à latpielle il était ])ourtant


facile de s'attendre, ne laissa pas que de causer quehjue surprise
à Vienne et d'embarrasser encore la question du concile. Ilosius
obtenait (fin janvier) la publication de l'indulgence ])Our soii ouver-
ture, ce cpii était accepter sa re]»rise d'une manière indirecte. Toute-
fois, le13 février, l'empereur, en a]»prenant ce qui venait de se pas-
ser à Naumbourg, fit remarquer non sans raison, qu'il lui était indis-

pensable de s'entendre désormais avec les ])rinces catholiques,


d'obtenir une paix générale qui désarmerait les luthériens, les empê-
cherait de s'o]ij»oser au départ des évoques allemands pour le concile.
En même tem])S, il recommandait à l'ambassadeur es]>agnol en
France, Thomas de Chantonay, de mettre tout en œuvre ])Our con-
trecarrer convocation du synode national
la mais en cela ^
: il était
loin de compte, et le concile com]troniis lui-même.
L'agent, en efTet, avait besoin d'être modéré plutôt que stimulé;
il se montrait maladroit, agressif, avait ledon d'agacer la reine mère,
alors régente et toute ])uissante. Et lMiili|'p(> II lui envoyait un
auxiliaire, qui compromettait encore ]ilus la situation le grand :

d'Espagne don .luan ^[anrique de Lara venait, en janvier, renou-


veler les instances d'Antonio de Toledo. non sans quelques menaces,
et il
ap]>;'ya la coalition catholicpie inspirée ]>ar le nonce Gualtieri,
évêque de Vitcrbe ^. Par contre, le cardinal de Lorraine se retirait
dans son diocèse de Reims: sa famille et ses ])artisans s'éloignaient
aussi de la cour, se di.spersaient. La reine mère, parce que les catho-

1. Conr. Tndrnl., t. vm, p. 1 .î7.

2. L. Ilomicr, Catholiques et huguenots à la cour de Charles I\ .


p. 'i9-87, pnssim.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 567

liques ne croyaient nullement à ses assurances, s'appliquait plus que


jamais à les tromper, et en même temps qu'elle trompait le pape ^.
Le 4 mars, elle faisait accepter au conseil la bulle du concile,
sous la réserve de son acceptation par l'empereur et le roi d'Espagne.
L'abbé Niquet repartit aussitôt porter à Rome la grande nouvelle.
En même temps, rappelait elle le cardinal de Lorraine, sous prétexte
d'organiser la délégation conciliaire de l'Église nationale, dont il
était le chef. Or Lorraine s'était mis à la tête de
l'opposition galli-
cane,
— par jalousie pour cardinal de Tournon, qui avait toujours
le

la sympathie de — ce pour quoi Morone écrivait 27 jan-


la reine, lui le
^
vier de démentir qui en couraient et de travailler à la
les bruits

tenue du concile. Le cardinal de Lorraine s'obstinait à rester dans


son diocèse de Reims, sous prétexte de préparer le sacre du jeune
Charles IX, auquel il devait présider pour l'Ascension.
En fait, la reine mère et son chancelier de l'Hospital ne se gênaient
pas pour déclarer que le concile ne servirait de rien, si les
protes-
tants n'y figuraient pas. Elle suivait d'ailleurs assidûment le carême
prêché à la cour par l'évêque de Valence, Jean de Monluc, bientôt
dénoncé à Rome comme suspect d'idées calvinistes. Les prêches des
ministres huguenots se faisaient sans contrainte et sans gêne dans
son entourage; elle y assistait quelquefois^. Aussi, devant cette
sorte de volte face, les grands seigneurs catholiques
signaient-ils
le fameux triumvirat, sous les auspices du cardinal de Tournon
(6 avril). Le roi Antoine de Bourbon se séparait définitivement des

huguenots, dans l'espoir que la diplomatie du pape l'aiderait à


reconquérir son royaume de Navarre.
Pie IV, mis au courant jour par jour de ces intrigues
par le nonce
Gualtieri, qui avait su conserver quelque prestige grâce à la con-
fiance de Tournon, ne cessait de prêcher l'apaisement, l'entente
aux catholiques; blâmait les Guises de se tenir loin de la cour, où
ils laissaient l'activité des Chatillon se
déployer avec succès. Son
intervention ne fut pas inutile, car personne, parmi les grands sei-
gneurs, ne fit défaut au sacre le 15 mai. Rien ne détournait cepen-
dant Catherine de sa politique à double face, encore plus que de
tolérance. Elle revenait même à son idée de synode national et,
le 12 juin, convoquait les évêques de France à Paris pour le 30 juillet.

1. Voir du même la p. 138 significative sous ce rapport.


2. Conc. Trident, t. viii, p. 139-140.
3. Ibid., p. 101, 110. Romier, ibid.
5(i8 I.IN. I.\. I. IMI'UISSANCE DU CONCII.K

Le j)rétextc était toujours la ilrN-j^alion au concile, mais le chance-


lier sechargeait d'annoncer ollicicllrnu'iit ([ii'il s'apissait de synode
nationaP, et non di' l'ouverture du concile, dont la daff, lixée au
6 avril, était Idiii dans le passé.
Au milieu de ces traverses, (|iii
rendaient cette ouverture encore
j»lus incertaine, Pie 1\' s'a])]»li»juait à j>rendrc ses dernières mesures

pour assurer le succès du j)rogranime en ])artio double, dont il

avait hérité, et aussi la })arfaite entente, iridisjiensahle au travail


commun, entre l'I'lglise enseignante et son thrf. Cet accord, ])Our
être solidement assis, avait besoin d'être amené de loin, avant les
mesures de la dernière heure, dans une organisation de détail et

des arrangements matériels. En ])articulier, il convenait de renouveler


le Sacré Collège, jiour (pi'il s'associAt tout h fait aux vues du ])a)>e

et prît en main
les intérêts de la réforme. Tel fut le but de la grande

promotion du 26 février, la ])remière imjtortante du jiontificat *.


Kéellement elle fut assez mêlée, néanmoins significative de l'atti-
tude indépendante que le jiajie voulait garder, non seulement entre

lesprinces et les groupes du consistoire, ])lus ou moins subordonnés


aux manèges des premiers, mais aussi (comme continuateur de la
restauration catholique), entre les réformistes intransigeants, exclu-
sifs et les jiolitiques mitigés, vers lesquels il ])enchait. Les grandes

puissances ne firent admettre, parmi les dix-se]it ])romtis, que des


candidats qui ne leur étaient ])as entièrement dévoués, il s'en faut.
Ainsi à l'ambassadeur français, Habou de la Bourdaisière, autant
Romain que Français, les Valois ne ]iurent adjoindre que deux Ita-
liens, un ])etit cousin de la reine mère, liernardo Salviati, évêque

de Saint-Pa]>oul (]»auvre diocèse du Languedoc) et un membre de


la dynastie d'Kste, Luigi (neveu du magnifiipie cardinal Ilijqtolytede
Ferrare), jeune de caractère et léger de conduite, un vrai jirince de
la Renaissance, à l'image de son oncle. L'cmjiereur dut se conten-
ter de son nonce Ilosius, du coadjuteur de Trente, Lodovico Ma-
druzzo, fpii allait présider à la réussite du concile, comme coadjuteur
de son oncle Cristoforo, retenu à Rome ]>ar ses infirmités; ])uis
d'un Gonzague, le jeune Francesco, Agé de vingt-quatre ans, qui
devait même le cha]>eau à son oncle, le tout jtuissant cardinal de
Mantoue.

1. Ibid., p. l/iG-l'.?.
2. Pastor, p. 129-130, avec les notes. Les Carafas avaient-ils une telle influence
au Sacré-Collège que le pape fît la promotion pour s'en afTranchir, comme le

prétend l'historien ?
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 569

Si l'empereur fut le moins bien partagé, son neveu Philippe II


eut de beaucoup l'avantage :Pie IV lui accorda, outre son conseiller
influent, le Comtois Antoine Perrenot de Granvelle, évêque d'Arras
et fils de l'ancien ministre de Charles-Quint, lui-même futur cardi-
nal de Granvelle un second candidat, son parent très éloigné,
;

don Inigo d'Avalos d'Aragon et un autre Espagnol, don Francesco


Pacheco, parent d'ailleurs non moins éloigné du duc de Florence.
Le pape pensait tout d'abord au concile, et n'oubliait pas que les
disputes entre les grands souverains de la chrétienté ne l'avaient
pas rendu facile, même au Sacré-Collège; aussi les meilleurs choix
se firent-ils uniquement pour l'assemblée, y compris la Bourdai-
sière, Madruzzo et Hosius; ce furent le théologien Seripandi qu'il
:

suffit de nommer et que le pape employait depuis quatre mois aux


préparatifs des travaux; le canoniste milanais Lodovico Simonetta,

inféodé, trop peut-être, aux intrigues de la curie; deux diplomates


vénitiens éminents, que Pie IV s'attacha, non sans mécontente-
ment de la part de la République, qui escomptait toujours les
services signalés qu'ils ne cessaient de lui rendre; l'ambassadeur
à Rome da Mula, qui s'appellera désormais le cardinal x^mulio ^,
et Bernardo Navagero. Leur expérience, leur notoriété, leur con-

naissance de la politique européenne devaient puissamment aider


à débrouiller les difficultés diplomatiques et internationales, dans

lesquelles s'embarrassait fréquemment le concile.

Sept chapeaux furent réservés à la famille du pape, et aux dynas-


ties italiennes, comme à la grande noblesse de la péninsule les :

puissances y trouvaient d'ailleurs leur compte. Le neveu dans la


parenté allemande, Mark Sittich von Hohenems (Altemps), comp-
tait à la rigueur comme candidat impérial. Ce descendant d'une
souche de condottiere, sortie du Voralberg, ne rehaussa pas beau-
coup le du Sacré-Collège. Deux petits parents lui furent
prestige
adjoints Alfonso:
Gesualdo, dont la famille, d'origine napolitaine,
s'était implantée à Rome et le Piémontais Pierfrancesco Ferreri,

évêque de Verceil, recommandé par le souvenir de ses oncles Fili-

berto et Bonifazio, qui avaient succédé à toute une lignée de car-


dinaux depuis le xv^ siècle. A côté des Este et des Gonzague, les
grandes familles de la haute Italie, celles du moins qui avaient des
attaches avec la parenté de Pie IV, se trouvèrent représentées par

1. Sur cette candidature opposée à celle du patriarche d'Aquilée, voir Palla-


vicini, 1. XV, c. vi, § 5-8.
570 LIV. l.\ . l.l.Mia ISSA.NCE DU t:()M;iLl-:

l'éveque de Bresciu Francesco (taïubaru, hcvcmi du dt-fiint cardinal


Ubfilit et ]»ar Ciirolaiiu) da Corrcgio. de familli' loiuharde.
Avant iiiôine cotte ]»roinotion, t|ui fui faite jjour le concile. !«•

pontife prenait les mesures préliminaires d'ouverture. Le 26 jan-


vier, il rétablissait dans les fonctions de commissaire apostolicpie

l'évcjpie de la Cava, Tonnuaso Sanfelice. Il l'avait été sous Paul


III

et avait laissé un souvenir assez mélangé, comme plus exjiert dans


les discussions théolof^icpies (pi'ai)te aux «"onibinaisons matérielles
et de conciliation le concile avait même dû lécarler et le mettre
:

en ]iénitence jiour nue incartade publicpie, (pii avait jeté le désordre


dans rassemblée '. Il \enait même d'être délivré des cachots de
l'Hupiisition, où Paul IV l'aA'ait fait jeter j>our une dénonciation
d'hérésie. Ces souvenirs ne firent toutefois ])as oublier les services

qu'il avait
rendus au concile. Ketemi d'ailleurs à Uome par les pré-

paratifs que nécessitait sa charge, il


Ji'atteignit Trente rpie le
2'i février, |)rit aussitôt contact avec le nouveau cardinal Madruzzo
et se ])réoccu]^a des travaux d'installation, comme il l'avait fait

sous Paul III-, logements ]>our les légats, ambassadeurs, etc.,

aménagement de la cathédrale et des locaux des séances. Il est

évident <pie son ex]iérience et sa connaissance des lieux et des arran-

gements antérieurs lui rendirent la besogne facile et que, jiour cette


seule raison, il d<•^ ait être ])référé à tout autre candidat.
Les mêmes
causes, et encore ]dus fortes, indiscutables d'ailleurs,
amenèrent Pie H
à renouveler, le 2 février, les ]touvoirs de l'ancien

secrétaire, Angelo Massarelli. évê<[ue de l'elesc (Bénévent). Celui-lh


allait être vraiment la cheville ouvrière du concile de])uis Paul III, :

il avait la garde des matériaux rassemblés autrefois à Bologne;


Jules ÎII l'avait enq>loyé constamment ]iour les ada]tter à sa réforme.
Pie I\ avait fait mieux : il de la congréga-
l'avait établi secrétaire

tion de la réforme. Il s'était tellement identifié avec l'assemblée


de Trente qu'elle ne pouvait re])rendre ses travaux sans lui. Il sem-
blait même f(ue le ]>ape l'eut choisi comme guide et conseiller expert
des cardinaux légats, qui tiendraient sa place au concile.

1. \i>ir ci-dessus, p. 312 s(|, aussi Pastor, p. 508.


2. Ci-dessus, p. 173- 1 7 'i.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 571

Le collège des légats.

Le choix de ces derniers personnages fut, cela va sans dire, la

grande préoccupation du pape, pendant longtemps, en réfléchis-


et

sant aussi bien qu'en consultant. Il avouait à son confident da Mula


que le Sacré-Collège, tel qu'il l'avait trouvé, ne lui offrait pas des
éléments suffisants au point de vue des capacités, pour diriger et
faire réussir son programme ^. Sa première grande promotion eut
donc pour but de suppléer à cette infériorité. Et l'on comprend ses

préoccupations avait besoin d'un représentant qui, par son intel-


: il

ligence, l'expérience et la pratique des affaires, aussi par son habileté


diplomatique, sût concilier l'entière liberté et indépendance de
l'Église enseignante avec les exigences de la dignité et des préro-
gatives de son chef; qui sût diriger les débats en ce sens et assurer
les définitions et les réformes qu'exigeait le programme recueilli

par le pape dans l'héritage de ses prédécesseurs. Ce premier prési-


dent, indispensable comme directeur de ces débats, chargé d'orien-
ter les définitions, avait besoin d'auxiliaire et de conseillers, capables
de l'éclairer, de le compléter, parfois même
de le suppléer; d'un bu-
reau, en un mot, où fussent préparées, les débats
les décisions
orientés, pour ainsi dire, à l'aide des matériaux que fournissait le
secrétaire, de manière à réduire au minimum les discours sans fin,
les joutes oratoires, les discussions théologiques et les chicanes sur
des pointes d'aiguille.
La voix publique désignait ce président c'était le cardinal Morone,
:

et le pape lui-même y pensait avait pour lui ses capacités, ses


^. Il

connaissances, son expérience des affaires, la confiance du pape,


du Sacré-Collège, de l'empereur et de l'Allemagne catholique. Il

avait contre lui Farnèse, et surtout son procès d'Inquisition


les

sous Paul IV, malgré le non-lieu dont il avait bénéficié. De plus


l'ambassadeur espagnol Vargas fit opposition à cette candidature
au nom de son souverain, peut-être par une de ces fausses manœuvres,
dont il était coutumier et qui avaient ledon d'agacer Pie IV. Aussi,
en décembre 1560, Morone déclina-t-il la responsabilité que le pape
lui imposait, et il fut impossible de le faire revenir sur sa décision.

1. J. Susta, Die Romische Kurie und das Konzil von Trient unter Piiis IV, t. i.

Introduction, p. xlviii; Pastor, p. 188, note 6.


2. Pastor, p. 188.
572 iiv. lA. I. 'impuissance du concile

1\' rcjiorta .s(>.s vues sur un autre ^ujcl. aucjiicl il avait aussi
rit;

pensé, aussi bien que rojiinion roinuiiic. le cardinal d»' Mantuue, l'école

Gonzaga, éniinent ])ar sa situation sociale, mais inférieur à Morone

par ses capacités, (pii étaient d'ailleurs discutées. Créature des Médi-
cis, il avait été en même tcmj)S le candidat diî sa famille, (jui avait

toujours compté un ou même plusieurs rej)résentants au Sacré-


Collège. Il avait ])assé les trente-quatre années de son cardinalat
à l'écart de Rome, ])armi les siens, au milieu des intrigues natio-
nales et internationales de la jiéninsule, s'était signalé jtar son opjio-
sition à Paul III et aux Farnésc; dans une vie de grand seigneur,
pro-
tecteur des l)elles-lettre8, et aussi de la réforme. Il n'avait pas
insisté outre mesure ]>our ])Ousser sa candidature à la jiapauté,
dans les «piatre conclaves auxfpiels il avait pris part, même au der-
nier, OÙ le duc de Florence, (jui resta toujours son ami et son cor-

res]iondant, jiréféra quelque tem])s à son favori de la dernière


le

heure. Il manquait de connaissances théologiques, et même cano-

niques, il l'avouait lui-même ^ mais rachetait ces imperfections

par une longue exjtérience de l'administration ecclésiastique, des


abus et des besoins de réforme; depuis vingt ans et ]dus, il s'occu-
pait de tout cela, et avec succès dans son diocèse de Mantoue et
les régions avoisinantes.
Lui aussi esquiva quehpie temps les avances que le jiajte lui fit,
et pour des motifs valables depuis son éducation première, il n'avait
:

pas étudié les sciences sacrées, ni les matières qui font l'objet des
décrets conciliaires. Il s'excusait sur sa santé délicate, et sur une
infirmité : il était dur
d'oreille. Le pape lui lit espérer une combi-

naison qui accommoderait le tout et, le 6 février, il acceptait, sous


certaines conditions personnelles, jtarnu lesquelles figurait la jiro-
motion au cardinalat de son neveu Francesco, et même celle d'un
autre, Fedcrigo; celle-ci fut ajournée à cause du jeune âge du
^.
sujet
Le IV tenait ses ]»romes8es et nommait légat, avec Man-
14, Pie
toue, Niçois Giovanni del Pozzo, plus connu sous le nom de Puteo,
le

qui s'était distingué dans sa carrière de canoniste et qiii. depuis


dix ans, figurait au premier rang, jiarmi les bons ouvriers du Sacré-

Collège. Mantoue n'étant que cardinal-diacre, la ]irésidence reve-

1. II 8c faisait suppléer à la diroction des grands dt'h*4e tliôologiqucs du concile.


Pallavirini, I.
XIX, c. iv, § 8.
2. Pastor, p. 12. note 'i.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 573

nait à Puteo, avec la direction générale des débats; son collègue


aurait, en plus des règlements importants de frais et dépenses, la
représentation au dehors, les relations extérieures du concile et ses
rapports avec le pape. La combinaison aurait-elle réussi, en suppo-
sant que Mantoue s'y pliât, ce qui reste problématique ? En fait
Puteo, plus malade encore et que ses infirmités clouaient au lit,
ne fut jamais en état de rejoindre le poste qui lui fut assigné.
Avec cette combinaison assez aléatoire, Pie IV réussit à consti-
tuer un vrai collège de légats. Le 10 mars, il désignait, après Puteo
et Mantoue, comme présidents et auxiliaires, trois de ses derniers
promus, le théologien Seripandi, le canoniste Simonetta et Stanislas
Hosius. Celui-ci, inférieur aux deux autres par ses connaissances
et son expérience, diplomate incomplet, était supérieur comme con-
troversiste contre les erreurs contemporaines, les ayant étudiées
en Allemagne et dans sa patrie,la Pologne. En ce dernier pays notam-

ment, il avait
les longuement combattues, le calvinisme tout d'abord,
et autres doctrines subversives de la religion à portées sociales et

politiques, qui s'y étaient implantées plus qu'ailleurs. On peut


affirmer qu'aucun de ses contemporains n'en avait une connais-
sance plus étendue; la sienne était à ce point de vue vaste, sinon
universelle et le concile allait pouvoir, grâce à lui et à Seripandi,
établir les débats avec toute l'ampleur que requéraient les besoins
présents de la chrétienté. Pie IV lui attribua le troisième rang dans
le collège, et la bulle de nomination maintint Mantoue au premier,

avec Seripandi en sous-ordre immédiat.

Le bureau, les premiers Pères, les premières démarches


au concile.

La date du
6 avril approchait et il convenait de ne pas donner
un démenti à de convocation. Le 17 mars, les deux légats
la bulle

présents à Rome recevaient la croix apostolique, et, le 21, une bulle

d'indulgence plénière pour tous ceux qui prendraient une part


quelconque, même comme simples assistants, à la cérémonie d'ouver-
ture. Le 26, Seripandi se mit en route le premier, après une longue
conférence avec le pape, qui lui fit ses dernières recommandations.
Il rejoignit Mantoue à campagne de Maguzzano, dans le Man-
sa
touan. Celui-ci avait reçu, avec sa bulle de nomination, expédiée
le 22, un bref l'autorisant à passer les fêtes de Pâques dans la retraite.
57^1 Il\. l\. 1 IMII ISSANCE VV rONTILE

]»our se iiré|iarcr dignenu'iit h ses im])ortanles


fonctions. Seripandi
lui tint coinpa^^nie, etcn fait ils dépassèrent le terme fixé ])Ourrouver-
ture.
Ce jour-li\, <|natre prélats seulement étaient présents à Trente,
tl Ifs léf^ats faisaient défaut. Ils n'arrivèrent t(ue le 16, furent rcrus
et acconij-a^înés dans Ic\ir entrée jiarneuf évé(|ues, à leur tête 1(î
cardinal Madruz/.o. le jeune ^ Ils ne dcN aient jjas songer h I'oua er-
ture avec ce petit ncjnibre, à moins d'un ordre formel du pajte et
ils se ]iréoccu]>èrcnt de former un bureau, dans la ]>ensée de se mettre
nu travail et de ]>réparer les malcriatix que les Pères utiliseraient-
dans les discussions à venir. Le secrétaire Massarelli était là depuis
le 2() mars, et il sullisait ]»our inaugurer et assurer cette organisa-

tion. Les autres ollioiers du concile, désignés en même teïn]»s (pie


les légats, étaient nouveaux et
inexpérimentés avaient besoin : ils

d'a])preiitissage, et ils se mirent à l'école de .Massarelli. ('/étaient l'au-


diteur (l«> liote Gabriele Pal(»tto. (pii fut auditeur du concile, son
avocat consistorial Scipionc Lancell«)lli le promoteur de la foi
et

Ciianbattista Castelli; les deux preïuiers ne furent toutefois jamais


considérés cpic comme canonistes consulteurs de l'assemblée.
Le secrétaire jtrivé du premier jirésidcnt et son homme de con-
fiance, Camillo Olivo, continua à tenir sa correspondance, même au
nom de ses collègues et ]»assa ])eu à ])eu au titre de secrétaire du
collège; il assuni;i hi charge d'expédier les dé]»èches à la Secré-

taireric d'État en ])remier lieu; et aussi celle à travers la chrétienté.


La i»répondérance du cardinal de Mantoue s'allirnui encore par le
fait qu'il eut, avec le concours d'OIixo. la disposition des fonds du

concile et, en cela le jiape lui donna tout pouvoir; le contrôle ^ du


(leposllario del concilia Antonio .Manelli, autre ollicier nommé en
mènic temps (pie les premiers et mis sur le
nu'me jticd. Ces aifaires
de finances étaient des plus imjiortantes à C(jté des frais généraux :

de l'assemblée, le pa]>c ]irit toujours à son conqite l'entretien d'un


certain nombre d'év('((ues, même étrangers i\ l'Italie, trop ])auvres
du séjour*.
pour subvenir de leurs pro])res revenus aux dé|)enses
La direction du concile apjiaraissait assez com]tliquée, et h. divers
con\partiments : elle requérait un local déterminé, pour être tout

1. Liste (lan.s Tliciiicr, Acta genutna Conc. Trident., f. i. col. 667; il «lonne
exactomcnl la série des autres évêcjues, ;iu fur et à mesure de leur arrivée.

2. Paliavicini, 1. XV, r. xi, à la fin.

Voir par e\rmi>Ie dans Svista, t.


3. iv, p. 6, une liste d'une centaine de prélats
qui recevaient un subside mensuel.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 575

entière sous la dépendance du premier légat; elle se concentra en


son logement, le palais de Thun, un des plus beaux et des plus vastes
de Trente. A ces appartements princiers, résidence d'une famille
de haute noblesse tyrolienne, attenaient des locaux qui donnèrent
asile aux di^ ers services du concile, une grande salle où siégèrent

des assemblées nombreuses, notamment les congrégations générales.


C'était à coup sûr un local digne d'un concile général, et du prince
de l'Eglise qui le présidait.
Ces arrangements absorbèrent un certain temps les loisirs des
légats, ce qui leur permit de faire connaissance avec les lieux, et
avec leurs hôtes : le cardinal-évêque de Trente et le conseil d'une
ville libre impériale. Ils attendaient leurs deux collègues, dont la

veîiue dépendait du pape, et aussi celle des évêques d'Italie, delà


curie plus que d'ailleurs. Pie IV faisait son possible pour rendre
l'assistance plus noinbreuse. Le 24 février, avaient été expédiés
des brefs d'appel à divers évêques d'Italie. Le l^'" mars, une bulle

dispensait les prélats présents au concile des dîmes et autres rede-


vances perçues par la cour romaine. Le 17, Pie IV ordonnait à ses
évêques de partir sans retard. Us ne se dérangèrent pas et crurent
qu'il ne pouvait se passer d'eux, pas plus que des deux autres légats,
dont l'un Simonetta continuait à vaquer, comme si de rien n'était,
à ses fonctions de dataire; l'autre, resté nonce à Vienne, s'efforçait
de secouer l'inertie des Impériaux et l'indifférence des Allemands.
Le 21 avril, les deux premiers légats priaient encore le pape de
renouveler ses sommations, ce qui servirait d'avertissement à la
chrétienté.
C'est qu'à Trente il n'arrivait toujours que de rares Italiens.
Les étrangers obéissaient à leurs princes, et ceux-ci avaient d'au-
tres soucis que de les mettre en mouvement à leurs yeux l'intérêt
:

national et la religion du pays passaient avant le salut de l'Eglise


universelle; ils en étaient arrivés à brouiller le spirituel avec le tena-
porel, bien plus à subordonner la religion à la politique.

Les évêques des nations font défaut au concile.

Pour Philippe II du moins, le concile restait une question de


principe en même temps qu'un expédient. Sans doute, il faisait
dépendre son adhésion du règlement d'un certain nombre de pro-
blèmes, en suspens depuis Paul IV entre Rome et lui, par exemple
576 11\. IV. l/lMPUISSANCE DU CONCILE

])Onr le ronouvcllt'iiu'iit de riiulul^t'iicc tlf la croiscTcic, cruzada,


<|ui liait (!f\ (Mille nii iiii|iôl île l'I-tat. Mii jaii\ii'r lôHl, li;
pajie lui
accorilail eu oulif un juélèveinciit amuirl ili- trois rciit mille ducats
sur revenus du clergé csjiapjnol, ])Ciidaiit ciiiij ans. pour la guerre
les

contre les Turcs, entendez les pirates harbaresques. Le roi renvoyait


labulle en sollicitant une majoration. Mais c'était la continuation
du ooiioile uni lui tenait surtout à cii'ur il ne pouvait admettre :

ipi'il reconanencAt. Il ratnenait en scène ses théologiens : ceux-ci


allirmaient que la Inille de convocation restait insullisanle, si elle
ne comprenait pas la clause, ipie l'assemblée reprendrait la suite
des délibérations passées. Les évèques espagnols faisaient chorus;
ilsavaient peut être soulevé eux-mêmes ce cas de conscience ils :

craignaient de perdre le bénéfice des décrets antérieurs, cpii leur


subordonnaient les chajiitres de leurs diocèses, par l'article qua-
trième des réformes de la sixième session; celui li leur conférait

en outre le droit de visiter, de réformer les cathédral»;s et collégiales,


aussi bien que les autres églises séculières.
Le nonce Giovanni Canqtegio, évêque de Bologne, n'obtenait d'autre
quand il requérait le départ des évèques })our Trente --
-
réjionse
({lie
le moment
n'était pas venu, ])uis(pi*il était (juestion de réformer
la bulle. Ceux-ci ne ]trendraient part au concile qu'avec la certitude
'

(pi'il ne reviendrait })as en arrière, jiar condescendance pour les


luthériens. » Le roi dépêcha à Rome un de ses ])rincipaux ofliciers,
don Juan de Ayala, qui négocia longuement sans résultat apparent
(mars-avril l561). Le pape se réservait de ne céder que pied à |)ied.
Tout d'abord il éleva la criizada à (juatre cent vingt mille ducats*.
Le 23 mai, le nouveau nonce, Ottaviano Raverta, évêipie de Ter-
racine, <pii renqila(;ait l'ancien, sus])ect à cause de ses rapports
avecles Carafas, emportait des concessions satisfaisantes sur (piel-
(piesuns dos points en litige. Pour le concile, le pape ]»romettait
un bref «pii la continuation. Le document \if le jour
déclarerait
le bien (jue le pape spécifiât, dans une lettre autographe,
17 juillet et.

qu'il n'avait d'autre intention que de reconnaître la validité des


décrets antérieurs, le Roi catholi([ue se servira de la pièce comme
d'un épouvantail à son égard et à l'égard du concile. II avait tou-
tefois réjtondu par ipielques bons procédés au début de juin, une :

circulaire royale ]>révenait les évê(pies d'Espagne d'avoir à se tenir

jirêts ]>our les premiers jours de sejitembre : le souverain fixerait

1. Ce qui prêciMlf et ce qui suit, Tasilnr, ji. ^^G-UM. |i.


12 et 193.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL IH 577

plus tard le nombre et les noms de ceux qui participeraient aux


travaux conciliaires, ainsi
que date de leur départ.
la

La cour de F'rance ne se montrait ni plus pressée ni plus précise,


et c'est à croire que les deux gouvernements s'entendaient pour

leurrer le pape. La régente en réalité annonçait (12 juin) aux calvi-


nistes un synode national, préparatoire, disait-elle aux catholiques,
du concile général. En tout cas, les évêques de France voyaient leur
départ pour Trente renvoyé aux calendes grecques, car ils ne devaient
se réunirque le 30 juillet, pour apprendre s'ils tiendraient le synode
ou seraient du concile.
Les affaires de ce dernier n'avançaient guère plus en Allemagne.
L'empereur témoignait peu d'empressement à favoriser ses débuts.
Il louvoyait toujours par égard pour les luthériens, et comptait
que le pape suppléerait à son indécision; mais le pape attendait
l'arrivée des Allemands, puisque le concile était convoqué pour
eux, et il ne ^ entreprendre sans eux. Les premières
oulait rien

réponses qu'ils firent à ses avances n'étaient nullement encoura-


geantes. L'assemblée de Naumbourg se bornait, dans les conclusions
qu'elle prit, à requérir, selon la tactique luthérienne, un saint et libre
concile, c'est-à-dire que le pape n'y serait ni juge ni partie; n'était-
ce pas parce qu'ils prétendaient l'accuser et le juger eux-mêmes ?

Quand Hosius vint solliciter de l'empereur, le 18 mars, une déci-


sion pour la participation des évêques et princes d'Allemagne,
celui-ci riposta qu'il attendait que le pape manifestât ses vues sur
la requête de ceux de Naumbourg. Une réponse analogue arriva
le même jour de Rome par le canal de l'ambassadeur d'Arco. Sans
s'arrêter aux conclusions luthériennes, Pie IV annonça qu'il envoyait
à Trente les légats qu'il allait nommer, avec la recommandation
de ne rien entreprendre jusqu'à ce qu'ils eussent les résolutions
des princes catholiques de l'empire. A la même époque, Hosius
recevait, avec sa nomination de légat, l'ordre de mettre tout en
œuvre pour que l'empereur expédiât ses ambassadeurs, et de se
rendre ensuite lui-même à Trente. Ferdinand, que ces communica-
tions ne satisfaisaient guère, revint à la charge le 30, pour avoir

quelque réponse favorable, qu'il pût communiquer aux luthériens


de Naumbourg.
Cependant les nouvelles que les nonces Commendone et Delfmo
communiquaient sur les dispositions des princes catholiques étaient
diverses, et assez incertaines, et ce que Pie IV apprit par Ayala de
celles de Philippe II le décidèrent à faire volte-face. Le 16 avril,
578 LIV. IV. l/lMPi;iSSANCE DU CONCILE

son ramérier (iiiinfrum'esco (iiiiioliif), envoyé en tournée iliuis le

noiil cl l'est tir ri'.urojio, jioiir ifciicillir des adhérents, a> ait mis-
sion de ]»asscr d'ahiiid aiiiurs dr
l'^erdinafid. Ilosius n'avait plus

(]u'h prier l'cnipcreur and)assad('urs


iir tt-nir s«;s
prêts à se mettre
en roulf. lo jour où il
ajiprendrait le départ des évé«jue8 es|)agnoIs.
Caiiohio do son vMv appelait l'attention de l'empereur sur la mis-
sion Aynln et les cxi{;ences de I'hili]ipe II, fjui faisaient contraste
avec celles des luthériens. A ces renseignements s'ajoutaient des

])ape désirait de tout son crur se transporter au concile


avances « Le:

en jiersonne, selon le\(rn de remjtercur, mais de sérieuses diilicultcs


l'en emjièehaient. notamment I
iin})Ossil)ilité de loger, dans un es]>ace
étroit, comme l'était Trente, la cour ]>()iitificale et le
Sacré-Collège.
11 toutefois s'installer à lîoingiie et jtriait rem[.ereur d'en
)>eii^ail
faire autant à Insprnck, aussit(^t ipie assendilée iturait commencé
I

ses travaux. Ils jiourraient ainsi s'entendre, niême dans une entre-
vue à Holt giie et consacrer leurs efforts à soutenir, défendre et diri-

ger le concile. «Cette ouverture, ([ui fut donnée ]>ar écrit, et atissi la
mission «pie Canohio allait entreprendre dans des régions lointaines
assurèrent un peu de répit au ])auvre euipereur: il ne renonçait

])as à res]Hiir d'ohtenir des juinees luthériens <piel([ue condescen-


dance envers le concile, et d'avoir ra]>].ui roiuplet des catholi<pies,
grâce aux deux nonces extraordinaires ([ui
les chaititraient en ce
moment de leur mieux.
Dans ces conditioi'.s, rélotpience infatigable d Ilosius, (pu réussis-
sait mieux h ]tersuader «pi'à tourner les diilicultés diplomatiques,

])arA int enfin h fixer quelque peu les changeantes de


dis]»ositions
l'enqiereur. Le fi mai, celui-ci jurait ses grands dieux ipi'il avait
rempli tout son dcAoir envers ses sujets luthériciis; il avait en tout
cas désigné ses and>assadeurs au concile, et ils se mettraient en route
aussitôt que possihle. II se rendrait lui-mênie à Trente, ou du moins
à Insj«ruek, «[uand Sa Sainteté lui fournirait, en se dérangeant, les
mo\ens de se rencontrer et d'agir en union avec Elle.
I,a nomination
îles ambassadeurs inq)éria«ix satisfit Pie IV, et

lui fut «me conq>ensation de l'attitude ex]»ectante des autres souve-


rains. Il ne le cacha ]ioint, déclarant même ffue cela lui suffisait

jiour le moment et, Ilosius ayant émis ro]>inion que rarri\ée inces-
sante d'un au moins de ces ambassadeurs serait très o]»])ortune pour
fortifier le ]>restige du concile et cehii des légats, le ]>a]te estima,

comme remjiereur du reste, qtie cet ambassadeur ne devait se tnettre


en route qu'après rpie les autres princes auraient désigné les leurs.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 579

Les deux chefs de la chrétienté tombaient maintenant d'accord


pour temporiser, gagner du champ, avec l'unique souci que le con-
cile pût non seulement s'organiser, mais devenir vraiment œcumé-

nique. Le pape prenait à tâche d'y convoquer tous les princes et


hautes notabilités, qui se rattachaient plus ou moins à la confes-
sion chrétienne. Le 17 février, il faisait appel à Gabriel, patriarche
d'Alexandrie ^. les autres patriarches orientaux
Il comptait sur
et dut les
convoquer, sans excepter celui de Constantinople qui

se trouvait plus directem.ent sous la férule du vieil et ombrageux


Soliman IL En août 1561, il sollicitait le roi d'Ethiopie (Abyssinie)

Menna, par son principal conseiller, l'évêque d'Hiérapolis. Il s'adres-


sait encore aux princes de Transylvanie, Valachie, Moldavie. Enfin,
le 1^^ du même
mois, un bref circulaire invitait les princes italiens
à favoriser voyage de leurs évêques.
le

A part ces derniers, les autres répondirent à l'appel, peu ou pas


du tout, et le pape en fut pour sa bonne volonté. Canobio lui-même
né réussit qu'imparfaitement. Le roi de Pologne Sigismond-Auguste
Jagellon le reçut à Cracovie, dignement, comme il convenait à un
envoyé du pape, s'empressa d'accepter la convocation et, le 25 juin,
un synode national désignales abbés qui participeraient au concile;

le roi prétendit avoir besoin des évêques pour la diète prochaine.


Mais embarras s'entassaient devant les yeux, et aussi devant
les

les pas de Canobio, avec les impossibilités qui arrêtaient sa future

mission en Russie. Il avait aussi à visiter le czar de Moscovie, Ivan IV


le Terrible, qui représentait aux yeux du pape l'Eglise grecque or-

thodoxe, conrune héritier des empereurs byzantins. Le potentat polo-


nais était alors en guerre avec lui et ne pouvait garantir la sécurité
de l'agent romain dut renoncer à poursuivre son voyage.
: celui-ci

En réalité, Sigismond y mettait de la mauvaise volonté; dans la


suite, il fit jeter en prison un autre agent, Giovanni Giraldi, que
Pie IV envoyait encore secrètement en Russie et l'y retint jus-

qu'après le concile, en 1564 ^. Nous a errons cependant que


le prince

finit par donner quelque satisfaction, en députant un ambassadeur


à l'assemblée.
Par bonheur, d'autres princes et puissances se montrèrent mieux
disposés. Les huit cantons catholiques suisses écoutèrent
avec
bienveillance les exhortations de leur ordinaire, l'évêque de Côme,

1, Actes officiels, Conc Trident., t. viii, p. 155-7, 220-1, 238, 244, 247.
2, Pastor, p, 194 et notes 1, 2; Susta, t. i, p, 121, 122,
580 I.IV. I.V. I.IMIM IsSANCi: DU CO.NCIl.F.

Antonio transmit
^'oIJ)i, l;i jmlle de convocation
(|ui Itiir

(déccinl)!»' mirent d'aoeord i)onr dési^^ner lenrs repré-


\î^^}\), et sp
sentants à l'approche de hi li.lle saison. Dès le 17 iii:irs de l'année
précédente, mandait le nonce Santa Croce, le roi de Portugal Sébas-
tien annonçait (jM'ii ell^errait ses évoques, aussitôt les
<iiie légats
seraient nommés. La nouvelle
lui en arriva jieu
a])rès et, sans retard,
il se mit en devoir do tenir sa i)roincssc. Le 18 nuii,
parut ;i Trente,
le primat de Portugal, rarchcvèque do Hraga, Harthélemy des Mar-
tyrs, également réjiuté comme théologien, comme réformateur ot
comme saint ]»ersonnage, austère sous tous les
rapports. Il annon-
çait la venue de trois ou quatre
évoques portugais, même davan-
tage, avec un ambassadeur. En fait, le second prélat, (iasjiard de
Casai, évé(pio de Leiria, un autre théologien de marcpie, se fit attendre
jusqu'au 1 I août.
C'étaient les prémices des ullrnnwntains. L'assemblée ne conqtre-
iiait
toujours (pi'uno dizaine d'Italiens et ne s'accrut, au mois de
juin, (jue ou ([uatre membres, dont deux iiersonnalités à
d<> trois

le dominicain .Marco Laureo,


signaler :
évoque de Cam])ania, à la
fois orateur et
théologien, d'une doctrine orthodoxe et romaine;
et l'archevêque de Naxos dans Cydados, Sebastiano Lecavella,
les

un \'énition de l'île de Chios, ])uis un second étranger ipii \enail


dos îles lointaines, l'anglais Thomas Godwell évoque de Saijit-Asaph,
dans le jiays de Galles, échappé sans doute aux ]irisons d'Elisabeth
Tudnr.
Tout en installant le concile, les légats réglaiojit divers points de
détail, môme d'ordre extérieur (par exemple jtour leur correspon-
dance avec la chrétienté^ : aux matériaux en préparation, ils ajou-
taient l'Index de Paul IV ^
et les jtrocès d'inquisition. Le 8 août,
le pa]ic leur conférait les jjouvoirs de réconcilier les héréti(pips qui
\iendraient à rési]>iscence. L'assemblée ne pouvait d'ailleurs faire

figure de concile œcuménique de lltglise enseignante, non seule-


ment à cause du nombre infime de ses évoques, mais ]>arce qu'il
lui manfpiait doux de ses légats sur quatre : Simonetta roteru à
Rome ]iar ses fonctions de datairo. llosius à Vienne par celles de

prononce. Celui-ci de\ ait attendre le retour de son rem])laçant


nolfino, (jui opérait dans l'Allemagne centrale, où il essayait, non
sans peijie ni fatigue, de recruter des adhérents au concile. N'était-ce
pas de l'otnjiire rpie devait partir rexomplo, l'entraînement ? La

1. Susta, !. I, p. 32; Th inrr, I. i, p. 669.


CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 581

chrétienté avait les yeux fixés sur les Allemands et attendait d'eux
le signal mettre en marche elle-même. Or l'Allemagne ne
pour se

bougeait pas, et les deux nonces, Commendone et Delfîno, ne par-


venaient guère à l'ébranler.

Les missions apostoliques à travers l'Allemagne.

En quittant son collègue à Naumbourg, le 13 février 1561, le


premier se rendit à Leipzig, la citadelle de Luther, où la recomman-
dation de l'électeur Auguste le fit bien recevoir. Mais le prince, en
digne fils de ce Maurice qui avait joué si longtemps Charles-Quint,
resta dans la coulisse, si bien que le nonce en fut pour ses frais.
Sans insister plus qu'il ne convenait avec les autres princes de Saxe,
petits neveux du prince renégat, l'envoyé apostolique courut à
Berlin où, le 19, l'électeur Joachim se mit en frais de politesse, le
reçut à sa table, discuta longument théologie avec lui, accepta
avec des égards la bulle du concile et le bref qui l'accompagnait,
puis tourna court et donna une réponse négative, en termes conve-
nables toutefois.
Son fils Sigisniond, l'archevêque de Magdebourg, se comporta
de la même manière, ne sauvant que
apparences: il parut se
les

rappeler qu'il devait ce riche bénéfice, avec l'évêché non moins


riche d'Halberstadt, à la bienveillance de Jules IIL II promit tout
ce qu'on désirait de faire profession publique d'orthodoxie, de
:

suivre les conseils et de rechercher l'appui du pape en toute cir-


constance, de se rendre sans faute au concile. Il ne fit rien de tout
cela et,moins d'un an après, il passait à la confession d'Augsbourg,
oubliant ses promesses aussi facilement qu'il les avait données !

Les cupides Hohenzollerns étaient tous luthériens d'intérêt avant


que de l'être de cœur ^. Le frère de l'électeur, le margrave Johann
de Brandebourg- Kulmbach déploya non moins de prévenances,
mais fut encore plus décourageant. Ces néophytes de la nouvelle
confession exigeaient que leurs théologiens fussent admis au concile
sur le pied des évêques, à titre de définiteurs, juges et arbitres,
comme les docteurs en théologie et les chanoines l'avaient été, préten-
daient-ils, au temps de l'empereur Sigismond, à Constance et àBâle.

1. Pastor, p. 176-177; Pallavicini, 1. XV, c. iv en entier. Et pour la suite :

Pastor, p. 178, 180; Pallavicini, ibid., c. v.


582 LIV. I.V. I.'lMPUISSANCF. D\' CONCILE

Le 3 murs, Cuintiieiidoiic <|iiitt;i IJcrlin. assez peu satisfait il :

n'avait pas enregistré d'adhésion sérieuse. Il duc llcinrich II


visita le
de Brunswick- Wolfenhuttel. resté bon catlïnlicpir «t
»jui jura
trenvoyer ses andjassadeurs au concile; mais le ])Ourrait-il, malgré
sa b(»nne volonté, «pie garantissaient son passé et les exenijiles d'ortho-
doxie de son père Ileiiirich I ? Il était surveillé par ses voisins,
finis luthériens forcenés, ipii épiaient chacun de ses actes,cherchant
nu prétexte de se jeter sur lui à la première occasion. Il en était de
niènu^ de son parent Érich II de Brunswick-Lunebourg, chef de
la famille, ([uc le nonce ne rencontra pas celui-ci ojiposait toute- :

fois moins de résistance h l'emitrise de ses voisins.

A Ilildesheim et Osnabruck, les évoques de ce.«« \illcs étaient


absents: mauvais son de cloche pour le concile, (.fini de Tader-
born i)ronut d'y jirendre ])art, mais il était vieux, il avait toute
l'Allenuigne à traverser, ses conseillers n'eurent ])as de peine à le
faire rester chez lui. Son confrère de Munster s'excusa sur les soucis

(|ue luidonnait son trou])cau une partie de ses sujets était en


:

révolte contre lui et infectée d'erreurs. dej)uis la fameuse insurrec-


tion anabaptiste, trente ans aupara\ant: les calvinistes de Hollande

commençaient à battre en brèche, dans ces régions et vers le Uhin,


l'apostolat des autres sectes. Au reste le juèlat mancpiait de zèle,
et ne déjiloyait pas une activité sérieuse.
Au commencement d'a^^il, Commendone se rencontra avec les

électeurs de Cologne, Gebhard ^•on Mansfeld et de Trêves, Johann


von der Leyen. Le dernier, dont le territoire était à peu près indemne
d'erreurs, qui lui-même ne manquait ])as d'initiative, qualité incon-
nue chez les autres évêques ses compatriotes, allirmait aussi ne
pouvoir quitter son diocèse sans danger pour son troupeau. Il insista
même plus que les autres sur l'impossibilité ]iour eux de prendre
}>art au concile. Commendone dut lui-même après s'en convaincre
sa conversation avec lui, et il en rendait témoignage dans sa corres-

pondance. Les évêques peureux et timides resteraient chez eux


'<

d'autant ])lus volontiers que les luthériens mettaient tout en œuvre

pour les retenir, les arrêter au besoin et enqiêcher la tenue du con-


cile ». Les ])lus zélés, comme celui d'Osi'.abruck, Johann von Iloya,
cherchaient les moyens de remédier à cette impuissance. Ainsi ce
dernier projtosait de faire nommer des procureurs au concile ]>ar
des synodes provinciaux, combinaison (\u'\ n'était guère ]dus jira-

tirable que les autres, si l'emjtereur ne garantissait à ce petit nombre


la sécurité de voyage.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 583

Commendone s'efforçait de faire comprendre cette impossibilité


à Rome (11-12 avril), principalement par un tableau documenté
de la triste situation de l'Église et de la religion en Allemagne : situa-
tion due aux progrès constants des luthériens, que favorisait la

désunion entre les princes catholiques, aussi bien que leur apathie

(chez les ecclésiastiques comme chez les laïques), au point qu'ils


ne faisaient rien pour arrêter la diffusion des erreurs parmi leurs
sujets. Bien plus, le nonce n'avait pu convaincre l'électeur de Trêves
de la possibilité de rétablir la ligue des catholiques. Il avait tout
mis en œuvre pour cela, car ce projet entrait dans ses instructions,
mais l'électeur mettait en avant quantité d'objections, qu'il jugeait
invincibles, à commencer par l'apathie de l'empereur, auquel il

avait proposé le projet l'année précédente. Ferdinand s'était con-


tenté de belles paroles. En réalité, habitué par une politique de

quarante ans à ménager les luthériens, il ne se voyait pas à la tête


d'une coalition contre eux. A son défaut, la direction en revenait
au duc de Bavière qui, par intérêt privé, se serait mis volontiers
en opposition avec le chef de l'empire, et c'était les catholiques
divisés en deux camps.
Autre source de désunion que le nonce signalait, la défiance incu-
rable que certains évêques nourrissaient à l'égard des jésuites, les
ouvriers les plus sérieux de la réforme; la jalousie qui poussait le

clergé et les ordres mendiants à les contrecarrer plus qu'à les aider.
A Cologne notamment, ils avaient contre eux les défiances du cha-
et du conseil de la
pitre, de l'université (si catholique pourtant!)
ville Les prédicants luthériens profitaient de ces conflits
libre.

pour répandre impunément leurs erreurs, au moins dans la cam-


pagne. Commendone prêcha l'union avec éloquence, ne ménagea
pas les observations à force d'égards et de caresses, obtint que
et,

l'université et la ville se fissent représenter au concile. L'archevêque,


dont la santé laissait à désirer, promit néanmoins son concours.
Le territoire de Cologne souffrait surtout du voisinage du duché
de Clèves, où l'erreur, qui s'y répandait des Pays-Bas voisins, n'avait
pour l'arrêter que la bonne volonté assez peu effective du duc Guil-
laume IV. Il était entouré de conseillers plus ou moins luthériens, et

son aumônier distribuait la communion sous les deux espèces; les

hérétiques pullulaient dans ses États, et tout d'abord dans les trois

villesprincipales, Dusseldorf. Clèves et Wesel. Dans la première


même, trônait en maître un des premiers propagateurs du calvi-
nisme rhénan, Johann Monheim, qui recevait le mot d'ordre des
y 84 ll\. I.\. l.'lMIT ISSANCE Dr CONCILK

Pays-lias, sinon de (jciièvc. (".hef ilii rollège, rcctor f;ynimi:ni, de


cette cité, il iri-Dupait autour de lui plus de rin(| cents élèves et leur

incul({uait la doctrine d'un calédïisnïc caKinisle, (|u'il avait piihlie


en l;)(iO. (!e livre avait été dénoncé h Home, et le Saint-Ollice le sur-

\eillait de près, ^fais il était soutenu par les conseillers du duc,


pur le duc j)eut être, et Cominendune travailla en vain à le faire

éloigner. Tous ses elTorts furent inutiles, aussi hien que les instances
de Home renouvelées pendant des années.
le nonce avec des démonstrations
(iuillaiime re^ut de rcsjicct,
subordonna néanmobis sont adhésion à l'octroi du calice et du mariage
des prêtres, deux faveurs (ju'il voulait solliciter du concile. Kn réalité,
il la faisait dépendre d'une (piestion d'intérêt local, (pic le nonce
n'était ]ias en mesure de régler. Le duc avait établi une université
il
Duisbourg, et le ])a]ie ne se ])ressait )»as d'accorder, avec la rati-

fication, les jirivilèges qiii revenaient aux universités de par le droit


canonique et la disci])Iine. Il est évident que le cas Monheim arrê-
tait tout, et ce règlement usa vainement racti>ité du concile, aussi
bien que la diplomate de la cour romaine ^
Commendone passa de CIcves aux Pays-Bas, où sa mission se
conqiliquait de l'érection (à lui confiée jiar Pie IV) des nouveaux
évêchés fjue Philip])e II y faisait organiser de concert avec le Saint-

Siège. avait Il
re(,u de plus, et à ])lusicurs reprises, la mission, de
convo([uer aussi le roi de Danemark Frédéric II. (le ]»rince jouis-
saitd'une situation prépondérante dans les alTaires d'Allemagne,
par avec les luthériens, étant ap]Kirenté aux
ses attaches étroites

maisons de Saxe et de IJrandebourg; il intervenait fréquemment


dans ces affaires, et avait même ]iromis de prendre part à la réunion
de Naiimbourg. Son ])assé n'oiïrait aucune garantie, mais il impor-
tait de ne pas se l'aliéner, et le nonce devait lui poiter une invita-

sion ]>ersonnelle. l*!n attendant les lettres de recommandation de


l'empereur, qui lui étaient nécessaires e1 i|ni lardaient à venir,
il
em]doya les mois de mai de juin à visiter les Pays-Bas, c'est-à-
et
dire tout d'abord la gouvernante Marguerite d'Autriche à Bruxelles.
continuait la dynastie des l'arnèse. avait conservé
Celle-ci. <[ui

toute son inilucnce auj)rès de la cour romaine. Klle avait d'ailleurs,


en preuve de sa bonne volonté, dé]mté des docteurs de Loiivain
au concile de .Iules III. Mlle et son ]>rincipal ministre, le cardinal
de Granvelle. attestèrent leur dévouement pour lassemblée.

1. Paslor, p. 180 cl notes; Conc. 'fridritl., t. viii, p. 16, note 1, p. 203.


CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 585

Tous deux, par exemple, déconseillaient le voyage dans les pays


du Nord comme inutile, dangereux et compromettant; mais le
nonce devait tenter l'impossible pour que le concile fût œcumé-
nique. Le 30 mai, il recevait l'adhésion de l'évêque de Liège. Robert
van Berghem, prélat distingué par son savoir, sa piété et son zèle,
que la délicatesse de sa santé retenait chez lui; puis celle de la ville
impériale d'Aix-le-chapelle, non moins attachée au vrai culte, mais
qui, n'ayant pas les moyens de s'y faire représenter, se soumit par
avance aux décisions du concile.

Comniendone, muni enfin du sauf-conduit impérial, se mit en


route le 24 juin et, par Amsterdam, atteignit Lubeck le 9 juillet.
Ily fut rejoint par le commissaire impérial chargé de lui faire escorte.
Et ce n'était pas inutile. Dans cette capitale de la Hanse, les riches
marchands étaient fanatisés par les prédicants, qui tonnaient en
chaire contre le diable venu de Rome, pour tourmenter les consciences

par la fable d'un concile ^. La situation n'était donc rien moins que
sûre pour l'Italien. Comme il était aussi chargé d'inviter le roi de
Suède Erich XIV — qui venait de succéder à son père, le fameux
Gustave Vasa, ne savait s'affranchir des préjugés qui s'enraci-
et

naient en ce pays depuis des siècles contre Rome -, le nonce dut —


attendre encore deux mois la réponse que Danois et Suédois dai-
gneraient accorder à la politesse du Saint-Siège.
Le premier, après deux appels du nonce, se contenta de mander
au commissaire impérial ne pouvait admettre dans ses États
qu'il
l'agent de l'évêque de Rome, avec lequel il ne voulait avoir aucun
rapport. Le Wasa, qui négociait son mariage avec la reine d'Angle-
terre, expédia finalement un sauf-conduit, qui toucha Commendone
à Lubeck, fin août. Il lui donnait le choix entre rejoindre en Angle-
le

terre ou l'attendre en Suède. Elisabeth, avait refusé d'admettre


dans ses États l'abbé Girolamo Martinengo, qu'au mois de mars le
Pape avait envoyé pour l'inviter au concile. Il était peu probable
qu'elle y laissât entrer un nonce, évêque romain. Le monarque pré-
venait celui-ci de son prochain départ pour l'Angleterre; mais quand
reviendrait-il en son royaume? il était assez difficile de le conjecturer.
Commendone retourna donc dans les Pays-Bas et rejoignit, le
62 septembre, son quartier général d'Anvers. Il n'avait pas renoncé
au voyage d'Angleterre ^, mais, à son arrivée, il fut absorbé par des

1. Citation de Pastor. p. 182.


2. Pallavicini, 1. XV, c. viii, § 2-7.
586 Ï.XV. I.\ . I 1 M ITISSA Nt:i I)|- ( OM.ILE

ulTaires iucules iiii]>ortaiites, (|iii


lui é|>;ir{;iuT«Mil un dériuigcincnt
inutile. l'ilU's r«»lili}4t'-ienl h se concerter avec la gouvernante des
rays-Has, en sorte «lu'il termina sa mission h Hruxclies. A]>rès avoir
divisé le ])ays en deux ]>ro\inces ecclésiasticpirs, MaliiMîs ajoutée
h Cambrai, établi un cerlain n(tinlur d'évrcbés nouveaux, il eut à
calmer un conflit d'ordre théologiiiuf. (jui avait éclaté à Lou^'ain,
sur la prédestinât ion, conllit
^rAce et la ([ui do\ ait avoir ]>:\r consé-

quent un contre-cou]) sur le concile ^


Dans les débats (|ue son détict sur la jiisl ilical ion avait soule-
vés à la faculté de théologie de Lou\aiii. deux des docteurs les ])lus

ré|tutés, dont le célèbre Hanjs, avaient émis des )»ro];ositions dan-

gereuses sur le libre arbitre, les bonnes œuvres, et la Sorbonne en


avait condamné dix-lmil. 1/incidcnt fut clos par la soumission des
deux inculpés, mais se renouvela lors(pril s'af^if de désigner les
docteurs (pii représenteraient la faculté au concile. Liin et l'autre

briguaient cet honneur, ayant conscience de leur mérite. Ils avaient


jioureux la majorité des ]»rofesseurs et des étudiants, mais ([uehjucs
gradués ]>rotestèrent, en soutenant que leur doctrine et leur enseif^ne-
ment étaient sujets à caution. Commendone fit une enquête et,

ajirès s'être entendu avec Granvelle, suj érieur de la faculté en sa


(jualilé d'archevccpie de Malines, conseilla au ]ia]>c d'im])Oser silence
au débat, de dé-^igner lui-même les théologiens mandataires, ou
de laisser le cardinal les choisir. Pie IV s'en remit h la sagesse de la
gouA crnante en conclusion, les deux savants com])romis ne ]»arurent
:

à Trente avec leurs collègues que sur la fin du concile, assistèrent


aux dernières sessions et n'eurent ]ias occasion de discuter sur leur
système.
Au mois embrc. Gonm'cndonc reçut son dernier itinéraire
de iio\ :

revenir jiar la Lorraine et l'Allemagne du sud, où il réussirait mieux

auprès de ]irinces foncièrement catholicjues qu'auprès de la fille de


Henri \ IIF. 11 ne partit que le 8 décembre, et le duc Charles II de
Lorraine, par lecpiel il commença, promit de se conformer en tout
à ce fjue déciderait l'empereur. Ce ]>etit souverain ne ]iouvait guère

plus. Le 9 janvier L')62, le nonce s'achemina de Nancy à Mayence.


L'entourage de l'électeur Daniel Brendel était contaminé de luthé-
ranisme, à commencer ];ar les j>rincipanx ^, mais le collège des jésuites,

1. Historicpii ilu (ii'Ii.il il;iiis r.^-ilor, I mii, P/i/v \' 1


.')r)fi-1.')72, Fril)oiirg-rn-Hr. ,

1920, p. 269-271.
2. Pastor, ihifi., t. mi. ]>.
iS'i rt iioli- 1.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 587

que le prince avait fondé récemment et qu'il entretenait de ses


moyens, alimentait suffisamment la foi dans la jeunesse des hautes
classes.
Commendone n'obtint d'ailleurs que de vagues promesses, aussi
bien de l'électeur que des évêques qu'il visita ensuite dans le sud
de l'Allemagne, ceux de Wurzbourg, Bamberg, Eischstâtt, Freising;
ilsprétextaient eux aussi que l'état de leurs églises ne leur per-
mettait guère de s'absenter. Il est vrai que les luthériens, assez
nombreux dans ces régions, étaient un danger sérieux dans les
:

villes libres surtout, ils étaient tout à faitles maîtres; à Nuremberg,

Augsbourg, Ulm, en imposaient à des évêques timides et


etc., ils

indécis. Ceux-ci maintenus toutefois dans l'orthodoxie,


étaient
il faut l'avouer, par un laïc puissant, le duc Albert IV de Bavière.

Ce dernier déployait un zèle infatigable à la défense de la vraie foi;


il avait su la conserver parmi sa noblesse, alors que, dans les princi-

pautés ecclésiastiques, les hautes classes faisaient défection, entraî-


nées par l'exemple des bourgeois des cités impériales, aussi bien
que par l'appât des bénéfices et des richesses de l'Eglise.
Le prince savait encore entraîner l'Allemagne du sud par son
idées
exemple, aussi bien que par son activité. Il avait toutefois ses
à lui, ce qu'il croyait être à l'avantage de ses sujets. Quand Commen-
done arriva à Munich le 11 février 1562, le duc lui confia qu'il envoyait
concernait le bien de
quelqu'un s'entendre avec le pape, pour ce qui
la religion dans ses États en passant, il
: en conférerait avec les

légats de Trente. Or ce bien auquel


il faisait allusion, c'était l'usage

du mariage des prêtres: on l'avait persuadé qu'ils étaient


calice et le

indispensables au salut de ses sujets. La noblesse allemande, il est

vrai, en faisait la condition essentielle de sa fidélité à l'orthodoxie.


partit quelques jours plus tard; nous le
Et l'agent en question retrou-

verons sur notre chemin.


Commendone un terrain qui lui était com-
travaillait dès lors sur
mun avec Delfino, dans basse Allemagne ;toutefoissonpassagen'y
la

fut pas inutile. Lorsqu'il rendit compte de ses travaux (après quinze
mois de courses) aux légats du concile, vers le 15 m^ars, il leur com-
muniqua en son nom nom
de son compatriote, qu'il n'y avait
et au
des Allemands. « Ils agi-
pas à compter sur un concours sérieux
raient en marge du concile, à Rome beaucoup plus qu'à Trente,
la réforme
pour ce qu'ils croyaient leur être plus avantageux que
et leur participation aux travaux de l'assemblée serait
générale,
sans portée pour le bien commun. Leurs théologiens, même ortho-
aSS I IV. I.V. l/lMPL'ISSANCE DU CONCILE

doxes, t'stnaaiil ijn ils ii


y aurmciit pas la jilaci; (jui cuii\ ciiait à leur

savoir, n'y jirendraieiit part «ju'à cttntre-cunir. »

La mission Dnllino ne lit


j'as doubk' emploi avec la précédente;
et, commeprépara elle, les \ oies au concile, si elle ne contribua
pas à son succès. De Naumbourg, le nonce se rendit en Franconie
(février IfiGl), }\ travers les rigueurs d'un biver dont son tempéra-
ment de méridional «-ut beaueouj) à soulTrir. Par les villes libres de
liamberg, Nurend)erg, Wurzbourg, Francfort et Mayence, il atteis
gnit le Hliin. ^ isita les évêques (nril trouva sur son passage, pui-
ceux de Wornis et Spire et arri\ a à Strasbourg, au début de mai.
Partout il fut aceueilli avec des égards, même par les protestants.
Les villes déclinèrent tout(^ jiarticipatioii au concile et Strasboiirg,

pervertie, depuis trente ans, ])ar ICx-dominicain Bucer, le fit d'une


manière inconvenante ^ Les évècjuesreconnaissaient volontiers qu'un
concile était nécessaire, en accojitaient d'avance les décisions: mais,

quand on leur ])arla de s'y rendre, ils invoquèrent ])Our la plu]iart,


des raisons de santé. Age, ])auvrelé, ministère, qui les en empêchaient.
Ne négligeant rien de ce qui était susceptible d'assurer le succès
de sa mission, Delfino eut, ]iriiici])alement h Strasbourg, de longues
discussions avec des théologiens de valeur et d'influence dans le

canq> luthérien, avec res]>oir de les ramener à la foi et de les faire


siéger au concile, où leur savoir ]<ouvait rendre service : l'ancien
chanoine régulier Girolamo Zanchi, réfugié de Bergame, Johann
Sturm, disci]>le de Luther, professeur de théologie à Augsbourg,
et surtout l'ex-nonce de Paul III, révêijue Pietro Paolo Vergerio.

De savantes dissertations du nonce sur l'autorité du ])a]»e et du


concile ne parvinrent pas à les ébranler. Il recommanda même le
dernier a\i cardinal de Maiitoue, et celui-ci, à tpii le iia]te s'était
remis de toute l'afTaire, était d'a^ is de les convoquer tous les trois,

de les gagner jiarce (]u'on ]nnivait en atteJidre des services,


mais il

évita d'entrer en relations avec Vergerio. II fit bien, car cet apostat

ex]'loitait contre Rome tout ce tpi'il extorcpia-it il ses aj^ologistes,


les documents comme les secours matériels. Du reste le paj)e dissuada

finalement de l'admettre au concile ^.

Dans région du Danube, que ]>arcourut ensuite Dellino, la


la

situation ne se dessina ]'as dilTércmmcnt l'évêquc de Constance :

1. Pastor, p. 185. Palla\icini, ibid., c. x, expose les conférences du nonce avec


los dévoyés it.ilirit.s rt m
donne des détails intéressants.
2. SusI.T, t. I, p. 1)7 (le 15 novenilirc 1561).
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 589

s'excusa sur son âge, de ne pouvoir se rendre à Trente; celui de

Mersebourg fîtdépendre son adhésion de celle de l'empereur. Les


villes libres ne voulaient pas se détacher de la confession de Melanch-
ton, dont Augsbourg, l'une d'elles, était la marraine. Seule, cette
dernière sembla pourtant incliner à l'ancienne unité de foi, mais

argua de son impuissance. Delfino n'eut de succès qu'auprès de l'uni-

versité d'Ingolstadt, et du duc de Bavière déjà nommé.


La première avait pour chef ou surintendant Frédéric Staphylus ^,

un théologien laïc marié et converti, qui avait passé dix ans à Wit-
tenberg, dans l'intimité de Luther et de Melanchton, jouissait à pré-
sent de la confiance du duc et lui servait de conseiller en doctrine
et religion. Il laissait d'ailleurs les jésuites pénétrer peu à peu dans
l'université et la transformer celle-ci promit donc d'envoyer ses
:

théologiens au concile; elle tint sa promesse, et parmi eux figura


quelque temps saint Pierre Canisius.
Le duc, que Delfmo rejoignit à Munich le 14 juin, révéla les bonnes
dispositions dont Commendone
rendait témoignage sept à huit mois
tard. Il surpasse, écrivait le premier nonce, les autres princes
plus
en zèle et activité. Ils tombèrent facilement d'accord, tous deux
estimant que l'entente et l'unité dépendaient des princes, plus que
des théologiens. Delfmo ajoutait qu'il ne fallait pas faire grand fond
sur la désunion entre protestants; en effet, ils n'éprouvaient jamais
beaucoup de peine à se coaliser contre les catholiques et, pour cela,
les sacrifices ne leur coûtaient guère, même
de doctrine. Néanmoins,
concluait-il, le Saint-Siège devait tout mettre en oeuvre pour en
amener quelques uns à Trente.
La tournée de Delfino se terminait ainsi sur de maigres résul-
tats. Il rentra à Vienne en juillet, fit son rapport au cardinal
Hosius, le remplaça comme nonce ordinaire, et ce dernier se mit en
route le 29, pour prendre son poste de légat au concile.
La note exacte des dispositions des Allemands à l'égard du concile
était celle-ci : ils n'y croyaient qu'à demi, se réservaient, attendaient.
Le duc de Bavière la marquait assez justement quand il écrivait, le
28 juin, aux légats de Trente, qu'il avait choisi pour le représenter
lethéologien Frédéric Staphylus, mais, qu'en ayant besoin en ce
moment, il le ferait partir quand l'assemblée s'ouvrirait ^. Le 4 août

1. Hurter, Nomenclator liiterarius, t. m, col. 19-21,


2. Conc. Trident., t. vm, p. 230-231, 241-242; Susta, ibid., t. i, p. 50 (les légats,
le 14 août).
i90 I.IV. I.V. I. IMPUISSANCE DU CONCILE

seulement, luandaiciil <|Uf i\)u\ciluro allait a\ ttir lieu


les léj^;its lui

inccssuininent, quantprinnini, et le ]»rcssuient d'envoyer eet agent,


«lui leur était très agréable. Staiihylus ne se dérangea
pas, i)as8a
au de renipereur, <|iii reinploya ])Our les uiïaires du concile
s(;rvice

k Inspruclv et ne l'envoya i)a3 davantage à Trente.


En Suisse la situation était encore plus coin])li(pice la religion :

s'y embrouillait dans un enehevètrement de souverainetés et d'inté-


rêts de clocher. Les huit eantons catholicjucs acceptaient l'invita-
tion du pajte, nous ra\(»iis \ u ^ mais ils exigèrent que le concile les
considérât, eux et leur clergé, comme indé])endants de la juridiction
ordinaire ils avaient
:
pour voisins des ]>rinces ecclésiasti(]ues, les
évèipies de Constance, HAle, Genève, Coire, les ahbés d'Kinsiedeln,
Saint-Gall, Heichenau, dont ils auraient dû relever jiourles pro})lèn»e8
de discipline et d'administration, mais ils prétendirent être invités
en dehors d'eux.
Les cinq cantons i>rotestanls, et leurs alliés de Vaud, Genève,
qui étaient sous l'hégémonie de la puissante bourgeoisie de Renie
et de Zurich, refusèrent de communicpier avec Trente. Ces bourgeois

réglaient les afTaircs religieuses de leur ]»ropre autorité, et toutes les


hérésies se battaient au milieu d'eux, celles de Zwingle, Luther,
les sacramentaires et les anaba]>tistes etc., Et Calvin cherchait à
les accommoder en régentait Genève de]>uis plus
les supjtlantant. Il

de vingt ans et ex])édiait les ap]»rentis théologiens de son académie


ou séminaire, jrècher dans l'Allemagne rhénane et les Pays Bas,
où ils prenaient aussi la place des luthériens. Commendone avait
dénoncé en vain leur adhérent le ])lus actif ^, Johann Monheim,
maître de la jeunesse, rector gymnasii, à Dusseldorf. dont le caté-
chisme calviniste, récemment imprimé, avait une telle vogue que
l'électeur ])alatin finit ]>ar rado]>ter. If fit
accepter des princes voi-
sins, à peu jtrès dans toute la région : ee qui lui valut le surnom de
Frédéric le Pieux.

Le colloque de Poissy et les affaires de France.

En France, les disciples de CaKin dé])loyaient une activité non


moins heureuse. Ils avaient incuhpié au faible gouvernement des

1. Ci-dpssus, p. 579-580.
2. Ci-flrssus. p. .•)83-584.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 591

Valois la conviction qu'un colloque s'imposait entre les deux con-


fessions, s'il voulait établir la paix, l'entente et la vie en commun.
La reine et ses conseillers le présentaient comme un synode national,
dans lequel ils ])répareraient le concile général. La circulaire du
12 juin, nous l'avons dit, invitait les évêques à venir chacun avec
son vicaire général ou suppléant, entendez théologien, pour aviser
à l'élection des prélats qui figureraient au concile. Mais, en même

temps, le conseil royal faisait en secret des ouvertures aux pasteurs


de Genève. Des négociations avec Coligny aboutirent à une entente,
puis établirent la liste des ministres genevois, qui prendraient part
au colloque; parmi eux les notables, Théodore de Bèze et Pierre
Martyr, suppléaient Calvin, qui jugea prudent de ne pas se déran-
ger, mais dirigea tout de Genève. Le 25 juillet,
le conseil délivra

enfin, sous forme de lettres patentes, des sauf-conduits à


quiconque
du synode. C'était sa manière de donner
désirerait se faire entendre
audience aux apologistes du calvinisme.
Le 31, le roi ouvrait à Poissy l'assemblée, composée d'une cin-
quantaine de prélats. Le nonce fut mis à l'écart et les cardinaux de
Lorraine et de Tournon présidèrent en commun, se faisant équilibre,
l'un gallican, l'autre ultramontain. Dans le courant du mois d'août,
arrivèrent les douze théologiens calvinistes, bien stylés par leur chef
de file. Le 25, ils se concertaient sous la présidence de Bèze, son

porte-parole.
Le pape ne pouvait rester indifférent à ces intrigues. Le 12 juin,
il
désignait un troisième légat en France, le cardinal de Ferrare,
Ippolito d'Esté, son ancien concurrent au conclave. Celui-ci avait,
pour se faire écouter à la cour, des amitiés anciennes, par lui et sa
famille des relations étroites avec la Reine mère, toute une vie
:

consacrée à la politique française. Sa belle-sœur Renée de France,


fille de Louis XII, retirée alors dans le royaume, lui servirait d'intro-

ductrice. Mais cette demi-calviniste, qui achevait alors son évolu-


avec son passé à lui, l'autorité suffisante
tion, lui garantirait-elle,

pour remplir mission la


qu'il emportait assurer au concile général
:

le concours de la monarchie française, et même celui de ses calvi-

nistes Pie IV n'y comptait qu'à demi c'était sa dernière avance,


? :

sa dernière concession, confiait-il à l'Espagnol Vargas, une extrême


onction pour le régime défaillant des Valois ^.

1. L. Romier, Catholiques et huguenots à la cour de Charles IX, p. 150, avec le

contexte.
592 .I\. I.V. I. IMPUISSANCE DU CONCILE

ne se pressa pas
Il (l'ailleurs d'cxpéclii-r l.i
li'-«^alion : die ne se
mit pn route (|iic le 2 juillet, eut accjuis la certitude, par
lorscjM'il
la convocation royale, i|iit' les évoques se réuniraient sans fatite.
Pie IV ])rit soin lui même d'entourer le cardinal de l'errare d'un
brillant apparat, y compris théologiens, (pie dirigeait le Père Lay-
les

nez, général des jésuites, l'homme de confiance de ri'.glisc romaine *.


La légation tarda encore deux mois à toudier le territoire français.
Le 1" septeuïbre, elle était à Lyon et, le 20, à Saint -(îermain en Laye,
où se trouvait la cour. Le fameux colloque de Poissy, («uvert le
9 octobre, devait échouer pitcusenu-nt le 26, grAce surtout à la solide
argumentation de Laynez. A roffensive protestante, rendue ])lus
hardie jiar les concessions de la Hégente, il opjiosait en plus la prédi-
cation dans les chaires de Paris, avec un succès (pii allait toujours
grandissant. Les autres ]>rédicateurs de légation ne réussissaient la

pas moins et confirmaient la pojuilation jtarisienne dans ses convic-


tions catholiques, alors cpie le gouvernement, ou ])lutot la Heine

mère, ])cnchait toujours vers les huguenots.


La présence des ministres de Genève avait achevé de jeter le désar-
roi dans ce pauvre gouvernement. Ils prêchaient aussi ouvertement,
et avec hardiesse dans des églises de Paris, même h Poissy devant

la cour. Cathcrijie alla jusqu'à détourner Bèze de repartir à Genève,


où Calvin le rai)pelait. Une église et un consistoire s'organisaient à la
cour même, sous lej)atronage du jirincede Condé, de Jeanne d'Albret
et des ChAtillon. Bien ]«lus un de ceux-ci, le cardinal Odet, ])résidait à
un petit cénacle où il communiait sous les deux espèces ^. Celui de
Lorraine évoluait entre les deux ]»ouvoirs et les deu.v croyances,

par and)ition de briller ou de remonter à la ]>remière jdace, au moins


dans Pr.glise gallicane. Ce fut lui cependant qui fit échouer le col-
loque, mais par suite de l'impossibilité de s'entendre sur le dogme
essentiel de la présence réelle. Le cardinal de I*"orrare enq>loyait son
influence à faire des concessions pro hono pacis, jusqu'à favoriser
les discussions du colloque : il entendit nn ]irèche chez la reine de
Navarre. Celui de Tournon se vit mettre de côté, traiter de vieux jeu.
Les pasteurs étaient recherchés, choyés, consultés ])artout, même
au conseil royal, qui faillit admettre Bèze dans ses rangs. La reine

1. Ibid., p. 220 sq. Lo récit <hi c<)llo(|ue, surtout p. 229 sq. ;


intervention dr
Laynez, p. 232.
2. Détails divers cueillis dans Romicr, 1. V, passim. Voir p. 270 l'histoire

curieuse du proche auquel assistèrent les cardinaux de Fcrrare et d'Armapnac.


Il en est question dans la
correspondance du légat, dont Susta cite des extraits.
CH. I. LA REPRISE DU PROGRAMME DE PAUL III 593

n'écoutait plus que le chancelier de l'Hospital et Monluc, évêque


de Valence, qui sympathisaient avec les grands seigneurs hugue-
nots. Ils préparaient l'édit de tolérance de janvier 1562, dont les

protestants ne manquèrent pas d'abuser,


La légation était donc vouée à l'insuccès; mais Pie IV voulait
tenter l'impossible, empêcher que la France ne se tînt à l'écart
du concile, comme elle l'avait fait au temps de Jules III. Il n'en
attendait pas beaucoup pour l'ouverture qui approchait. Le 8 octobre,
le cardinal Borromée mandait aux légats que la régente manifes-

tait l'intention d'envoyer des orateurs et des prélats, mais tout cela
n'était que de vains propos, que contredisaient les actes et les
démarches du pouvoir royal, Rome ne prenait guère plus au sérieux
le bruit qui courait à la fin du même mois, que Catherine avait

désigné vingt-cinq évêques, dont six partiraient après la Saint-Mar-


tin. Le pontife agissait avec plus de sincérité et de sens de la situa-

tion. Il le nonce, évêque de Viterbe, qui s'était mis à dos


rappelait
le cour et tout d'abord la reine, par ses accointances
conseil, la
non déguisées avec les Espagnols et les seigneurs catholiques. Il le
remplaçait par celui de Portugal, Prospero Santa Croce, qui s'était
fait connaître avantageusement en France dans une première non-

ciature assez longue au temps de Henri II (1552-1554).


Mais dès lors Pie IV est décidé à commencer le concile sans la
France; il tâchera de l'y amener plus tard, quand il pourra. L'ouver-
ture en est résolue dans son esprit, et il ne s'occupe plus que secon-
dairement du royaume. Il laisse donc le cardinal de Ferrare tenter
le retour d'Antoine de Bourbon au catholicisme, en lui ménageant

une entente avec Philippe II sur l'éternelle question de la couronne


de Navarre. Le Catholique entretenait chez ses partenaires l'espoir
d'une compensation; pendant des mois, le pape, de son côté, faisait
d'aller de l'avant, de
espérer son intervention, mais il n'avait garde
se compromettre auprès du Habsbourg, dont il avait surtout besoin.
Il les affaires de France et laissa Catherine
relégua au second plan
se dépêtrerde l'imbroglio qu'elle avait entrelacé à l'infini ^ se borna
à ne pas la mécontenter et s'occupa avant tout de faire travailler
le concile.

1. Les derniers chapitres de Romier établissent assez l'entêtement de Catherine


à vouloir un compromis avec les calvinistes, p. 233, et encore en janvier 1562,
après l'édit, p. 27, 28; par contre, elle se souciait peu du concile.

CONCILES. — IX. — 20
CHAPITRE II

LES EMBARRAS
LES PREMIERS DÉBATS ;

SUR LA CONTINUATION DU CONCILE ET LA RÉSIDENCE


(juiriet 1561-mai 1562)

Quand il apprit (2 juillet) que Philippe II s'occupait sérieusement


de l'assemblée, Pie IV jugea que le moment était venu de faire le pas
décisif, qu'il fallait même brusquer la décision. Les puissances catho-

liques furent avisées d'avoir à seconder, chacune selon ses moyens,


l'ouverture très prochaine du concile ^. Le cardinal Hosius le premier
transmettait ces nouvelles, le 18 juillet, en réclamant le concours
de l'empereur. Celui-ci répéta qu'il voulait prendre part à l'oaver-
ture comme l'exigeait sa situation; il ne pouvait préciser davantage
pour le moment, mais ses ambassadeurs feraient leur entrée à Trente
avant ceux d'Espagne.
Ces réserves trahissaient encore de la défiance et de l'incertitude.
Néanmoins Hosius crut pouvoir quelques jours plus tard trans-
mettre la nonciature à Delfmo et se mit en route pour Trente, où
il allait renforcer le collège des légats.

Le concile s'accroit lentement.

Ceux-ci réclamaient d'ailleurs avec toujours plus d'instance la


faculté de procéder sans retard à l'inauguration. Or, maintenant

qu'ils avaient installé le bureau, organisé les services, ils se deman-


daient à quoi ils pourraient occuper. Les Pères étaient encore
les

trop peu nombreux, et le concile ne comptait guère que des Italiens,


double raison pour qu'il ne pût revendiquer son titre, pas plus que
les fonctions d'assemblée représentant l'Église universelle. Les

légats eux-mêmes n'étaient pas au complet : il en manquait encore


deux sur cinq, lorsque Hosius arriva, sans éclat et incognito ^, le

1. Pastor, ibid., p. 196.


2. Secreto et privatim. Theiner, Acta concilii Tridentini, t. i, p. 669.
596 LIV, LV. I. IMl'L IhSAM;i: UV CONCILK

20uoùt. Le 12 juillet, les deux autres, Puteoet Siinonetiu, recevaient


riiivitatiou de se mettre m route. Mais le ]ireinier se trnii\ail toii-

jours- à cause d'* sa santé, hors d'état d'entreprendre le \(»ya}^e; le

pajn' n'iiisisla jias auprès du secon<l il lit ^ts |iré|iaratifs fort


;

lentement tt, le JO septembre seulement, H(»rromée annonçait


l'imminence de son déjiart '.
Les évêques de la curie, et aussi les Italiens devaient donner
l'cxemjile et entraîner les juillet et au
autres nations. Au mois de
début d'août, une série de convocations ]iar groupes furent expé-
diées aux archevêques et évcrpies de la péninsule et des régions

voisines, y compris les territoires vénitiens en Orient, et jusqu'à


Chypre Les nonces furent avisés d'avoir h ]»révenir les ordinaires
^.

de leurs ressorts. Les jirélats qui s'attardaient à Kome, alertés les


]»remi«'rs, et à diverses rcjtrises, obtinrent toutefois un délai, ]»lus
tard quand la cour a]»])ritque ceux d'Es])agne n'arriveraient ]>as avant
le mois d'octobre. y avait i\ faire une difTérence entre ceux (ju'occu-
Il

paient les bureaux de la curie et les autres, qui n'avaient que des
prétextes à invoquer. Parmi ceux-ci, les moins excusables étaient
les Italiens, })lus nombreux cjui accouraient à Home, ]»our une

misère, grâce aux facilitésdu voyage. A la fin du mois d'août, ils


reçurent, en même tenqis que leurs conq)atriotes, un ordre ]»éremp-
toire de se rendre à Trente dans les huit jours. La mesure ayant

produit jieu le 6 septembre, le jiajie en désigna vijigt-cinq


d'eiret,
d'oflice, qui se mirent aussitôt en route, mais furent lents à rejoindre
Trente. En octobre et novembre, le pa]ie réjtéta ses instances et,
le 7 du dernier mois, il en jiarfait sejit seulement.
Dans les autres pays, réi»isco]>at ne se montrait guère ]ilus
enqtressé.Au commencement de septembre, les instances de l'évèque
de Terracine décidèrent Philijqie II à tenir l'engagement ]»ris trois
mois auparavant, de désigner ceux des évècpies qui feraient ])artie
de l'assemblée, avec l'obligation de voyager aussitôt. Celui de Vich
en Catalogne, le dominicain Domenico Casabianca de .Messine,
arriva le ])remier le 26; les autres se firent attendre et ne le rejoi-

gnirent qu'au mois de novembre, deux mois a]>rès que le roi les
avait désignés. Ils trouvèrent à Trente ])lusieurs ]»rélats, qui. de]iui3
ce même mois de septembre, représentaient la Seigneurie de \ enise,
les archevêques de Zara, de Sjtalato et de Raguse; ce dernier, l'huma-

1. Susta, ibid., p. 76.


'2. Pastnr, p. 196 cl note 7, p. 197 et not. 1.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 597

niste Lodovico Beccadelli, que nous connaissons déjà, appartenait


aussi par son passé à la curie.
Les régions du Nord, sans en excepter l'Allemagne, ne comptaient
encore qu'un réfugié suédois, Olaus Magnus Stenon qui,
depuis
vingt-cinq ans, subsistait grâce aux subsides de la curie. Et deux
autres curiaux représentaient aussi la France, parce qu'ils devaient
leur évêché à la faveur de Catherine de Médicis, celui de Viviers,
Giacomo Maria Sala et un petit parent de la reine, celui de Saint-
Papoul, Antonio Maria Salviati.
Les statistiques officielles ^ établissent que, du 11 septembre
au 26 novembre, l'assemblée s'accrût de soixante-deux évêques et
quatre généraux d'ordre, puis, jusqu'au 22 décembre, de treize
Pères. Ils atteignaient à peu près le nombre devant lequel se tint la
séance d'ouverture. Mais pouvaient-ils risquer celle-ci ? Il ne semble
pas, d'après les traditions admises dans l'histoire des conciles, de
tout temps et surtout dans les derniers siècles. Il manquait les
ambassadeurs des princes chrétiens et l'Église estimait leur
présence
indispensable, comme
représentant la masse des fidèles, dans la
personne de leurs souverains et chefs temporels; notamment ceux
de l'empereur celui-ci ayant le droit de siéger à côté du pape, au
:

même titre, qu'il figurait dans l'Église universelle, c'est-à-dire


comme protecteur, avocat de l'Église romaine et du Saint-Siège,

leur bras droit en la chrétienté.


Le reste de l'année 1561 se consuma en vains efforts à Vienne
auprès de Ferdinand : la Secrétairerie d'État et le nonce Delfino
insistaient pour qu'il envoyât ambassadeurs promis il se mon-
les ;

trait toujours irrésolu, feignant de ne pas prendre au sérieux les


objurgations comme les affirmations du pape, même quand il annon-
çait, le 23 août, à l'ambassadeur d'Arco, qu'il ouvrirait l'assemblée,
au besoin sans le concours de son maître. A Delfino, qui lui rappelait
sa promesse d'envoyer, avec son agent, au moins les évêques de
ses états héréditaires, s'il ne pouvait entraîner ceux de l'empire,
le prince ripostait que cette représentation risquait de se trouver
seule à Trente, au détriment de l'honneur impérial: il convenait

qu'elle attendît le départ des Espagnols; ses agents ne devaient pas


précéder ceux de son neveu !

Devant ces tergiversations persistantes, s'ajoutant aux embarras


que la cour de France entassait contre le concile. Pie IV entreprit,

1. A. Theiner, ibid., p. 670, 671, 672.


398 I.IV. LV. L IMl'l ISSANCE Dl' COX.ILE

vers les (lerni«'rs mois de raiinép, plusieurs démarrhcs (|ui attes-


taient sa rés(»luti»>n d'en finir. I,c [.irmicr ]irpsid«Mit Puteo restait

incapable, cause de son état de sanir, de diri}»er le concile, l'ii- l\


j\

résolut de se servir dr ^faIlt()llt^ cointue premier }»résident; du reste,

de])uis pliisieiirs njois. illt- r;iitait en «'})»'f du conrile. Lo 10 novembre,


I

il
ren)pla<:a le légat inijiotent par son neveu Nfark Siltii li \tu\ Hohe-
nenis, éA êcjue de Constance.
appartenait doulileim-nt h la nation
Il

allemande, |inr cet évèché et par sa famille; il était d'ailleurs parent


du «"ardiiial .Madruzzi. Le pajie espérait, avec cette nomination, sur-
monter en même temps des Allemands et l'irrésolu-
l'iiirlilTérence

tion donner toutefois ])eaucou]> d'imjior-


de l'empereur, sans lui

tance. Rlle provoqua néanmoins à Home une sorte de surprise,


et même de la stu|iéfaction le candidat,
(pie le monde romain
:

avait accepté comme cardinal-neveu, n'était à la hauteur de ses


nouvelles fonctions ni par ses capacités, t{ui étaient ordinaires, ni

par sa culture assez incomplète, ni par sa formation et son genre de


vie. étaient ]>lutot ceux d'un soldat que d'un ecclésiastique.
"pli

La
curie ne le pressa pas d'ailleurs de prendre possession il ne :

reçut la croix de légat que le 17 décembre, obtint la permission


de jiasser à Homede Noël, s'achemina vers son poste seule-
les fêtes

ment le le 30. Il ne joua cpi'un rôle


12 janvier et entra en fonction
effacé an concile, juste celui qui revenait à un cardinal neveu et
avec la condescendance des légats. Son oncle l'avait stylé, et il eut
le bon goût de rester à la place qui lui convenait.
Sans s'arrêter aux f)remières diUîcultés que soulevaient les Pères
du concile, et qu'il fit d'ailleurs régler plus tard j>ar le Sacré-Collège :

le jtrivilège du port de l'aumusse ou habit de chœur et le conflit

entre l'archevêque de Braga et autres sur les privilèges de ]trimatie ^,


le payte décida (pie l'assemblée s'ouvrirait avant la fin de l'année,
mais laissa aux ])résidents le soin d'en préciser la modalité. Le
20 novembre, Simonetta. le cpiatrième légat, se mettait enfin en
route avec ces reconnnandations et tout un ensentble de documents,
que jugeait utiles ]>our la solennité. Le \rt,
le pa]ie celui-ci avait

promulgué une indulgence plénière à cette occasion, })Our toute la


chrétienté. Lui-même en ]irésida rap]dication à Home le 28, dans
une procession solennelle <|u'il conduisit du Vatican à Sainte-
Marie du peuple.

I. Os deux questions de cérémonie et d'étiquette sont longuement exposées


par Pallaviiini, ihid., r. xiu, § 5, à I.t fin.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 599

Ces nouvelles, que l'ambassadeur d'Arco lui mandait le


22 novembre, arrachèrent l'empereur à son irrésolution, mais par-
tiellement et petit à petit. Le l^r décembre, il renouvelait ses
pro-
messes à Delfino et s'engageait par serment ^ à ce que ses ambas-
sadeurs fussent sans faute à Trente vers le 14 janvier 1562.
Malgré
les compétitions de personnes, le choix fut arrêté à la fin de cette
année. Il tomba sur deux évêques celui de Vienne, Anton Brus
:

von Muglitz, devait représenter l'empereur, parce qu'il était son


ordinaire, et celui de la cour impériale; d'ailleurs Ferdinand l'avait
proposé à Rome pour l'archevêché de Prague. Il lui associa un laïc,
le comte Sigismond de Thun, d'une famille de vieille noblesse
tyro-
lienne allemande, celui qui précisément hébergeait depuis des mois
le premier président et le bureau du concile dans son
palais de Trente :

grand seigneur qui tenait la tête de la société dans la ville et une des
premières places à la cour de Vienne.
Un autre prélat fut appelé à représenter l'empereur comme roi
de Hongrie l'évêque de Fiinfkirchen en Hongrie occidentale, Georg
:

Draskovich, d'origine slave etdu diocèse d'Agram. Ces choix étaient


heureux, celui des ecclésiastiques notamment ils ne se bornèrent
:

pas à soutenir dignement et avec fidélité le rang de leur maître,


ils remplirent son rôle d'empereur, chef de la chrétienté, dans les

travaux et les discussions du concile défendirent sa manière de voir


,

en qualité de théologiens, notamment pour la réforme et la disci-


pline, et cela non seulement à l'avantage de l'empire et des Etats
héréditaires, mais souvent aussi, dans l'intérêt de l'Église romaine
et pour le bien général de l'Église universelle.

Simonetta transmet l'ordre du pape d'ouvrir le concile.

résolution impériale eut de suite sa répercussion sur la marche


La
du concile. Les légats en furent informés dans la nuit du 8 au
9 décembre et, dès le lendemain, ils convoquèrent en assemblée
générale les cent et quelques Pères présents, leurs communiquèrent
la nouvelle et firent remarquer qu'il convenait d'ajourner la séance
d'ouverture jusqu'à l'arrivée des Impériaux. Il fut résolu ainsi,
et les légats se réservèrent de fixer ultérieurement la date, dans une
assemblée analogue.

1. Bindend, Pastor, p. 198, où nous prenons ce qui suit.


600 l.IV. I.V. I. IMI I
ISSANCE DU CONCILE

Ce iiirnu' jour [} tléifiiibif, airi\a Sinioiietta, et ce fut un évène-


inent onpital pour russenihlée, car il
ajijMirtait, avec l'ordre de l'ouvrir
au plus tôt, tous les documents jioiit
ilic ;ui.\
jiotir cela, rnênie sans
doute la récente lulle (jui réser\ait au Sacré-ColIè{^e l'élection du
pape, en cas de vacance pendant la durée des travaux *, et celle
qui les autorisait ii transférer le concile en cas de nécessité, l'une
et l'autre du 22 sejttendjre les légats ne devaient s'en servir
«pi'à
l'occasion, ainsi cpic delà co)>ie. qu'ils recevaient en même tenq)S, du
bref du 17 juillet, jiroinett.mt au roi d'Ivsjiagne de déclarer la con-
tinuation du concile -
enfin une autre copie des l)ulles interdisant
aux évècpies non allemands de se faire re]tréscnter jiar des pro-
cureurs. La (piestion était revenue les derniers teni])S, à ]»ropos d'un
abbé ])olonais, ([ui devait se présenter au nom de son roi et des
évoques retenus jiar la diète nationale; le pa]»e avait défendu de
le recevoir et se proj)Osait de confirmer h nouveau ces bulles.
Simonetta remettait en outre des instructions détaillées sur la

marche à suivre dans les travaux, toujours en jiartie double : ache-


ver la doctrine des sacrements réforme, elle n'exi- et, quant j\ la

geait (pie ((uelques comjiléments, au j)oint de vue général. Pour


celle de la cour romaine, ainsi que de l'administration curiale, le

pape venait de s'y mettre et espérait l'achever ])romiitement avec


l'aide du concile. Il n'y avait donc ])as à revenir sur ce qui avait été

fait, puisque le tout aA'ait été ratifié ]iar l'aul III et Jules III. De
plus Pie IV s'engageait à ratifier, publier et faire exécuter tout ce
que l'assendilée réglerait et définirait. Il n'y avait aticune nécessité
de déclarer la continuation, en su])]iosant que (luelipTun la récla-
mât. Le bureau devait se montrer inqiitoyable contre toute propo-
sition, d'où qu'elle vînt, de la su]iériorité du concile, en informer
Sa Sainteté ])ar exi)rès et congédier ou déplacer aussitôt l'assemblée.
A ces divers actes se joignaient des lettres accréditant le légat

auprès de ses collègues: elles insistaient pour l.i reprise immédiate


des travaux: «Les ])rinces avaient été sufiTisamment avertis et con-

voqués, il n'était pas convenable d'attendre plus longtemps. » Dans


un pos tscriptum de sa main. Pie I\ allirmait son intention de ter-
miner ])romptement rcntre]>rise, et ajoutait ces jiaroles solennelles :

« Nous désirons, comme homme d'honneur, comme bon chrétien


et comme jiape, soticieux de son devoir, que toute l'attention de
l'assemblée s'attache au service de Dieu, de la foi, de la religion, au

1. Pasior, p. 200, lu.l.- 1, 201; Susf.i, t. i, p. 113-120, ptusim.


CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 601

bien général de la chrétienté, comme à l'honneur du Saint-Siège.


Nous nous sommes donné pour tâche de rétablir l'unité entre les

chrétiens, de façon que, servant tous ensemble le vrai Dieu, nous


nous opposions de toutes nos forces aux incroyants et aux ennemis
du nom chrétien ».
Une missive à part, aussi de la main du pape, recommandait
définitivement le cardinal de Mantoue comme premier légat et
président du concile, représentant de Sa Sainteté, détenteur de la
primauté de l'Eglise romaine, dirigeant en première ligne la collabo-
ration constante entre celle-ci et l'Eglise universelle, condition

indispensable pour la marche d'un concile œcuménique et le succès


de ses travaux. Toutefois il recevait, dans la personne de Simonetta,
un contrôle, pour ainsi dire un surveillant.
Celui-ci arrivait en effet, par sa situation de dataire et par les
documents officiels qu'il apportait, comme le mandataire de la cour
de Rome. Il attaché depuis de longues années, canoniste
lui était

en titre du Saint-Siège, s'était identifié avec la curie, en avait adopté


les manières de voir comme les pratiques, incapable de soutenir
au concile d'autre point de vue que celui de Rome. Ajoutez qu'il
avait commission d'entretenir avec la Secrétairerie d'État une cor-
respondance à part, pour les questions plus délicates, plus discrètes,
que le pape traitait avec certaines fractions ou certains membres
du synode auprès de ceux-ci, il distribuait le blâme ou l'éloge au
:

nom du Saint-Père, faisait par conséquent rapport sur leurs paroles,


leurs actes, leur attitude. Ses confrères du collège des légats n'étaient

pas exceptés; ce rôle demandait beaucoup de doigté, de discrétion


et l'on comprend qu'il ait, en froissant les susceptibilités, soulevé des
incidents, causé des difficultés de plus, amené de petits conflits,
des oppositions.
Le grand seigneur qu'était le cardinal de Mantoue fut le premier
à regimber contre cette sorte de police, dont souffrait son orgueil
de race. Il en vint à se coaliser avec le second légat Seripandi, qui,
par son passé et sa situation de théologien, le rôle considérable qu'il
avait joué au concile et à la cour de Rome, se trouvait être le con-
tout désigné du collège. Il avait gagné la confiance des papes,
seiller

cellede Paul III, par la vigueur avec laquelle il avait présidé, pen-
dant treize ans (1538-1551), à la réforme de l'ordre des Augustins,
un des plus contaniinés par les nouvelles doctrines; celle de Jules III,
le zèle avec lequel il réforma le diocèse de Salerne, que ce pape
par
lui avait confié. Il avait, en outre, au concile de Paul III, tenu
<)02 I.IV. I.V. l/lMPlISSANCE DU CONCILE

mu* place de |trcinier jihui, coiimie théologien (l;ms les {jr.Tudes dis-
cussions, jiiir exemple sur la {^rAce sarjctiliaiitf il la jiistilieal ion.
Des tliéories discutables. <pii M)iilt\ cniit un certain émoi, ne imi-
sirent pas à sa réputation. Aussi l'ir i\ rajijiela à |{ome, dès son
exaltation, eut a\ et- lui jilnsieurs conférences sur la «piestion du
concile, le nomma consultcur de l'Index et du Saint-Offîce, où il
pril de suite un ràlv. prépondérant, de même que dans la congréga-
tion cardinalice, (pii fut chargée d'examiner la
recpiète de rassem-
blée luthérienne de iNaund)onrg.
Un tel liasse était uni\ crscllenicnt connu dans les cercles qui
s'intéressaient an théologiens d'abord, assez j)Our
i
oucilc, parmi les

que S(îrij>andi pût exercera Trente les fonctions de docteur, en même


temjts que de pondérateur. Le ])a])e lui avait en outre confié la mis-
sion de conseiller le premier président, de l'instruire de ce qu'il
connaissait moins, par (îxenqde des ]>rogrcs de la réforme à Kome.
Toutefois il n'était pas d'humeur îj subir la ttitelle de Simonetta,
encore moins sa surveillance. Il entendait mener à sa manière les

controverses de théologie, dont il devait être naturellement le direc-


teur. Il avait son réjiondant h Home, le cardinal Anuilio, avec lequel
il en correspondance sui^ie. et tous deux défendaient leurs
était

|>oints de vue avec souplesse et habileté. Au concile, Serijiandi


jouait un ])eu le rôle de Cervini. mais il fut loin d'imiter son action
calme, apaisante, souriante; il y avait toujours en lui ipielque chose
de la régularité d'un religieux, légèrement raide et lrn]i correcte :

il s'entendait d'ailleurs au mieux avec le cardinal de Mantoue, qu'il

complétait et sur lequel il eut beaucouj» d'influence.


Ilosius, dont le rôle fut plus eifacé. l'action ]ieu efficace, inter-
vint toutefois connue théologien et controversite, dans les grandes
questions, principalement coninr les erreurs dogniati«pies (pi'il
avait étudiées en Pologne et en Allemagne. Par malheur, il ne
sa^ait pas l'italien, ce «pii nuisit à sou activité ^. Les bons juges lui

re])r«)chaieiit son troji de condescendance.


A Trente comme à Home, les autorités ne s'occupaient main-
tenant «pie de l'ouverture du ccuicile. <léccnd)re, les légats Le 1 i

transmirent au jtape la dernière décision de la majorité et sollici-


tèrent rautorisation d'ajourner la date de la solennité d'ouverture à la
seconde moitié de janvier, l'ne déjK'che de Borromée du 15 fixait

I. ('•. Constant. La légation du rardmal Moroiie..., l'iiris. 1022, p. xwnii,


note 5, XXXIV, note 3.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 603

la séance à l'Epiphanie; puis, le 20 le secrétaire d'État, acceptant


la requête ci-dessus, autorisait la prorogation jusqu'à l'arrivée des
ambassadeurs impériaux, même à celle des autres, qui s'annonçaient
dans un bref délai. Il restait à régler quelques détails d'ordre inté-
rieur, sur lesquels les évêques ne s'entendaient pas, et les légats,
n'osant pas assumer la responsabilité de ces arrangements, en appe-
lèrent à l'arbitrage de l'Église romaine.
Le grand embarras, grave d'ailleurs pour la marche du travail,
venait du placement et de l'ordre entre les Pères. L'archevêque de
Braga, dès son arrivée, réclama la première stalle comme primat
de toutes les Espagnes, titre attaché à son siège. Sa prétention fut
contestée de suite par les prélats qui avaient un titre protocolaire

analogue, par exemple l'archevêque d'Upsal, primat de Gothie.


Le débat prit une toute autre ampleur, lorsque se présentèrent
les évêques espagnols. Philippe II n'aurait jamais permis qu'un
prélat du fond de la péninsule, qui n'était pas même de ses sujets
prît le pas sur ses archevêques, alors que celui de Tolède portait
à ses yeux ce titre de primat, que ses collègues avaient d'ailleurs
de la peine à lui concéder. L'archevêque de Grenade, Pedro Guer-
rero, prit aussitôt position avec sa fougue coutumière. Les légats
portèrent le débat à Rome, et le pape en profita pour éclaircir cer-

tains articles du règlement conciliaire.


Le 31 décembre, il lança deux nouveaux actes organiques : un
bref maintenait l'ordre de préséance observé jusque là, d'après la
date de consécration dans chaque ordre, entre archevêques, évêques,
généraux d'ordre et prélats inférieurs; les patriarches précéderaient
les archevêques, mais les primats ne comptaient pas. Puis la bulle
Ad unwersalis Ecclesiae renouvelait celle de Paul III Decet nos,
d'avril 1545, d'après laquelle les seuls évêques présents avaient
voix de définition, non les procureurs des absents. Elle était à l'adresse
du roi de Pologne, et de ses abbés mitres procureurs du clergé natio-
nal, sans révoquer le bref du 15 décembre 1545, qui faisait excep-
tion pour les mandataires des évêques allemands.. Il n'avait pas
été cependant appliqué sous Paul III, et le mandataire d'Augs-

bourg, Francesco Maria Piccolomini, évêque de Montalcino en Tos-


cane, arrivé le 29 décembre, ne put se faire admettre à ce titre, parce
que la coutume n'était pas établie ^.
Le même jour 31 décembre, le pape fixa la session d'ouverture au

1. Conc. Trident., t. vin, p. 268-269 et note 1.


C04 i.iv. i.\ . l'impuissance du concile

dimanche 18 janvier lâGli, ftte do la (ihaire de saint l'it-nc à Kome;


la date était choisie à dessein, nous
conijtrenons sans peine. Il le

])enuit de la retarder de huit à dix jours, lorsque le nonce Deliino


l'infonna que les and)assadeurs inijiériaux n'arriveraient cju'à la
fin du mois. Los légats maintinrent cependant la première date,
ne voulant pas se laisser taxer d'inconstance.

Et quand il fut ([uestinn d'étahlir l'ordre du Jour, ils hésitèrent


h reprendre de leur |MO|»re autorité les travaux tels qu'ils avaient
été arrêtés sous Jules III. Ktait-il ]»rudent de mettre troji en évidence
la liaison entre les deux conciles ? Ils
préférèrent faire résoudre
la didiculté jiar l'assemblée, dans
itremière congrégation générale.la

Ilsavaient songé d'abord à dresser nu index des livres condamnés,


comme il en avait été question sous Paul If T. Ils y renoncèrent :

celui de Paul I\' ne stiflisait-il jias ? ils en avaient un exenq>laire


en main depuis le IS janAier ^ A quoi lion i-oiuplicpier davantage
les contacts du concile avec les docteurs luthériens et autres,
dont auraient signalé les livres au public par une dénonciation
ils

diffamante ? Le pai)e avait une manière de voir dilîérente et, le


l'^i
janvier, il revenait h charge pour que l'assemblée déblayât
la

le terrain par une condamnation préalable et en bloc ^. Là-dessus


encore, les légats s'en remirent à la congrégation générale.

La XVII' session du concile de Trente (18 janvier 1562).

Ils avaient encore d'autres soucis, et le concile, en renaissant,


revivait les ])éri])éties et les contradictions d'autrefois, voyait réap-

paraître les mêmes coteries, avec un personnel renouvelé, nulle-


ment modifié. Le
espagnol, fortement disci])liné par Phi-
jtarti

lippe II et
par son agent, avait ])Our chef le fougueux
surs'eillé

archevêque de Grenade, Pedro Guerrero, qui se démasqua dès la


première heure, exagéra, par son intransigeance de théologien,
l'attitude plus diplomaticfue du cardinal Pacheco, que nous avons
vu si obsédant j>our les légats dans la première période du concile.
L'un comme l'autre suivaient les directives de leur souverain, cha-
cun à sa manière, le dernier avec moins d'indépendance devant les

agissements des ambassadeurs espagnols.

1. Susta, t. I, p. 32.
2. Conc. Trident., ibid., p. 279, 280 et notes.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 605

Le 5 janvier, l'archevêque se rendit chez le légat Seripandi et


lui signifia, soi-disant au nom des prélats ses compatriotes, que,

pour éviter toute équivoque, le concile devait dès le début bien spé-
cifier qu'il continuait ses séances. Il faisait allusion au bref du
17 juillet, par lequel le pape en donnait la promesse à Philippe II ^.
Ce n'était qu'à cette condition que son souverain s'était décidé à
faire partir ses évêques. Seripandi s'efforça en vain de le faire reve-
nir de son idée fixe : « le
pape et les légats étaient une
de son avis ;

question d'opportunité seule leur faisait un devoir d'ajourner la


déclaration demandée. »
Le 11, Guerrero revint à
la charge auprès des présidents et de

Madruzzo; menaça de
il
présenter une protestation en assemblée
générale son maître l'en avait chargé. Deux de ses compatriotes
:

bons théologiens d'ailleurs, se montrèrent moins intransigeants et


s'interposèrent, évêques les de Salamanque. Pedro Gonzales de
Mendoza, et de Lérida, le célèbre érudit Antonio Agostino. Les légats
les abouchèrent avec deux Italiens non moins notables, Domenico

Bollani, évêque de Brescia et l'ancien maître du Sacré Palais, Egidio


Foscarari, un protégé de Morone, auquel il avait succédé comme
évêque de Modène.
Après une longue discussion, le 14, chez l'archevêque, la commis-

sion tomba d'accord


sur ce point, que les légats éviteraient, dans
le procès-verbal d'ouverture, tout ce qui pouvait mettre en doute

la continuation; le concile débuterait selon le protocole que réglait

la bulle de convocation. Les légats donneraient par la suite, en


temps opportun, une déclaration qui rattacherait le nouveau con-
cile à l'ancien, comme deux périodes de la même assemblée. Enfin

la confirmation pontificale, qui interviendrait à la clôture, s'éten-


drait en bloc à l'ensemble des décisions, et joindrait les anciennes
à celles qui surviendraient dans la suite.
Les légats convoquèrent, ce même jour 15, la congrégation générale
qu'ils préparaient depuis quelque temps. Ils avaient au préalable
fait distribuer copie du décret conciliaire de la première session

(7 janvier 1546), fixant les règles de bonne conduite,


bonne tenue et
édification que les Pères devaient observer, faire observer autour
d'eux, en public de même que dans leur vie privée.

1. Pastor, p. 203 et note 1; Susta, t. i, p. 112-113. D'après les légats, l'arche-

vêque de Grenade se montra plus dur que le marbre Voir dans leurs dépêches
!

de cette époque le détail des négociations et l'accord entre eux et les Espagnols.
600 Liv. Lv. l'impuissance du concile

I..I
o(»iigi-6f;an(iii piv} tara loin; se tint dans la «fiand».' >alle du
j»alais d«' riiuii ^ (|ii'habitait le premier jnésident, le local le ])Iu9
coiuinode jxmr res asscjnblées. Elle coiii])ta cent deux Pères, et leur

placement se lit
tl'après le protocole récemment édicté par
pape. le

Le cardinal de Mantoue leur adressa la bienvenue, en une exhor-


tation ipii ra|>pelait dans (piclles circonstances ils
rej»ronaient les
travaux, et à ([uelles condilioiis le concile était susce])tihlt' de
réussir en premier lieu, figurait la lidélité au règlement ci-dessus,
:

(ju'il n'était nullement besoin de rap]>eler.


Le secrétaire donna lecture des actes pontificaux (pii seraient
pronuilpués à du 18, y com])ris ceux du 31 décembre
la session

précédent, |)our lescpiels Pie IV' ref(uérait l'apjtrohation de l'assem-

blée. ])arcc qu'ils réglaient la vie <piotidicnnc, l'ordre de séance et


de vote. Dès le début de cette lecture, rarchevèipie de (irenade
recommenva f»
s'agiter, à jiropos de la formule propnnentibus legatis,
déclarant ((u'elle limitait tro]» la Iil)erté et les droits d'un concile

général ^. Massarelli se jirécipita vers lui pour le calmer, lui rappe-


lant (pi'il avait approuvé le décret dans deux lectures privées.

L'Espagnol n'osa pas insister davantage ce jour-là, et se contenta


d'ajouter qu'il réservait sa manière de voir on jionxait croire qu'il :

reviendrait là-dessus. Il n'y eut pas d'autre o])])Osition formulée.


L'assemblée adopta ensuite le décret qui fixait la session suivante au
26 février. Ne le temps d'arriver, d'abord aux
fallait-il ])as donner
ambassadeurs, dont ])as un n'était présent le 28 janvier, le
]iape se :

jilaignait encore vivement de leur abstention, surtout de ceux de


France et d'Es[»agne. ipii auraient du donner le bon exem])le '.
C'était attendre par là même les prélats gallicans, dont leurs souve-
rains animnçaient souvent du colloque
la venue !
Dejniis l'échec
de Poissy, il n'était |ilus (juestion de les faire partir en groupe et,
le 31 décembre, le légat, cardinal de Ferrare, mandait que la régente

leur laissait toute facilité de se mettre en route, mais rpi'ils ne s'en


souciaient pas en ce moment.
Les présidents ]iroposèrent enlin une ébauche de jirogramme, à pré-
ciser dans des réunions ultérieures, par exem]>le établir un cata-

logue des livres suspects ou condanmés, en prenant pour base l'Index


de Paul I\ Il ne serait
:

pas connnuniqué au public, jtour diverses


(

1. ,\iijoiinl liui l'hôtel (\o villf (Municipio) do Tronic Pastor. p. lO'i, nolo 5.

2. l'all.ivi.ini. I. .\V, o. 16, § 1.

3. Conc. Tridenl., ibid., p. 274, note \\ rallavicini, c. xiv, § 12.


CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 607

raisons :
parce qu'on redoutait l'bpposition du Saint-Office d'Espagne,
qui se permettait de condamner des livres et de les faire brûler.
Le catalogue projeté ne servirait qu'aux Pères pour les discussions
à venir: il serait loisible de convoquer les auteurs à défendre leurs
idées devant le concile, et ses membres auraient ainsi une matière

pour argumenter avec eux, autant que ce serait nécessaire. Le cata-


logue répondait enfin au désir que le pape exprimait dans sa dépêche
de la veille, en recommandant toute bienveillance envers les égarés. »

Pour bien inontrer que le programme n'avait rien de préjudi-


ciable aux luthériens et aux huguenots, le concile décida de leur
adresser en inême temps un sauf-conduit, le plus large possible,

général cette fois, et non pour les seuls Allemands. Il permettrait à


tous les hérétiques de se présenter en pleine sécurité, de soutenir

leurs opinions devant le concile, à la condition toutefois qu'ils s'abs-


tiendraient de tout ce qui pourrait être une occasion de scandale

pour les fidèles, une sorte de désordre et un attentat contre la paix


et la tranquillité publique.
Le dimanche 18 janvier, à quinze heures de jour (huit heures du
matin), le concile de Trente reprit ses définitions par la session

dix-septième, la première d'une nouvelle période qui se préparait


péniblement depuis deux ans ^. Une procession se déroula d'abord
sous la présidence des quatre cardinaux légats, assistés de celui de
Trente, à travers la du palais de Thun à la cathédrale Saint-
ville,

Vigile dans
;
le chœur de cette église, allaient se dérouler de nouveau
les décisions qui devaient régénérer l'Église universelle. Derrière
les deux clergés de la ville, séculier et régulier, marchaient, pareille-
ment en habit de cérémonie de leur dignité, quatre abbés, quatre
généraux d'ordre, quatre-vingt dix évêques, onze archevêques
et trois patriarches :en tout, avec les cinq cardinaux, cent qua-
torze définiteurs, les abbés ne comptant que pour un, selon l'ancien
protocole qui venait d'être rétabli. C'était déjà plus que le concile
n'en avait jamais compté, et tout faisait espérer que le nombre
croîtrait, avec les Français et les Allemands qui s'abstenaient tou-

jours; les Espagnols même, qui n'étaient encore qu'une dizaine.

Après les Pères, les éminentissimes cardinaux étaient précédés


par le duc de Mantoue, Guillaume de Gonzague, venu pour honorer
de sa présence la haute dignité de son oncle, représentant le vicaire
de Jésus-Christ, l'introniser dans ses fonctions et lui prêter le pres-

1. Quelques détails de plus dans Pallavicini, 1. XV, c, xvi, § 3, à la fin.


608 Mv. i.\ . l'impuissance du concile

tige de sa souveraineté vassale du Saiiit-Kinpire. Il était du reste


la seule notabilité Iaï(iue de l'assistance. Derrière les léj^ats, ligu-
raient les olliciers du concile non jirélats, le jtromoteur ("lianbaltista
la iliapelle, etc; puis des
Castelli, les notaires, les cérénioniaircs et
curiaux servant d'intermédiaires entre l'asseinlilée et la cour romaine,

tels que l'auditeur de Rote Gabriele Paleotto: en dernier lieu les


témoins de l'I'.glise uiuNcrselle, riiupianf e-trois théologiens |irésent8
à Trente.
A coup sùi-, dans ee délilé de l'Ilgiise ensr'ignaiite, nous rencon-
trons surtout des figures inconnues. Kt d'abord les trois ])atriarches :

un curial in parlibiis, ancien secrétaire pa]ial du temjis de Paul Ili.


Antonio Klio, i>atrinrcbe de .lérusaleni ;
|iuis deux sommités delà
hiérarchie des ordinaires : le
jtatriarchc de N'enise, Giangirolamo
Trevisani et l'élu d'A(|uilée, Daniele Barbaro. A coté des nouveaux
venus, nombreux, sans ex])érience, (|ui ne connaissaient qu'à jieine
leur fonction de définiteurs, figuraient, à des titres divers, nombre
d'hommes d'exju-rience comme de savoir, (pii avaient jiarlicipé
aux débals capables d'instruire les débutants, de les
d'autrefois,
former au travail. Ceux-là connaissaient jilus ou moins, pour les
avoir pré])arés et travaillés de diverses manières, les matériaux
que Massarelli avait recueillis, grou])és et mis en ordre à plusieurs
époques ]icndant la jiériode de Bologne, sous Jules
:
III, et

encore au début du ]»résent jiontificat.


théologiens Pietro de Cai)ua, arche-
Tels étaient, ]iar exctni)le, les

vêque d'Otrante; Gianbattista Castagna, archevèciue de Ilossano


en Calabie, et son prédécesseur h ce siège, Paolo Emilio Verallo,
transféré à Capaccio; rarchevè([ue de Naxos, dans les Cyclades,
Sebastiano Lecavella et celui de Raguse, l'humaniste Lodovico
Beccadelli, etc. Certains de ces prélats avaient figuré comme simjdes
théologiens et n'étaient i)as les moins
Kgidio Foscarari influents,
de Modène, Tommaso Caselli, évc(pie de la Cava, Cavensis junior
et son j»rédécesseur, Cavensis senior, le commissaire Tommaso San-

mémoire; l'ancien auditeur de Rote, L go Buon-


felice d'originale

compagni, de Viesti, dans les Pouilles, au jiied du mont Gargan;


Tommaso Stella, de Caju) d'Istria. Des notables revenaient, bien
que vieillis, acconq>agnés de quelque auréole d'indépendance, les
évoques de Sinigaglia. l'rbano Wrgerio de la Rovcre; de Viviers,
Giacomo Maria Sala; Alessandro Piccoloniini, de .Montecatino-Pienza,
l'apologiste du cérémonial romain de Léon X;
l'ancien théologien

Gianantonio Pantusa, évêque de Lettere. sur le golfe de Najdes


CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 609

Deux revenants même du concile, le petit Grec,


faisaient la joie
Dionisio Zanettini, évêque démissionnaire de Chios Milopotamos
et Giacomo Nacchianti de Chioggia, un dominicain de Florence
qui avait eu maille à partir avec le Saint-OfTice; il sentait son Savo-
narole. L'assemblée saluait encore son doyen, de cinquante années
maintenant d'épiscopat, en la personne de Vincenzo Nicosanti,
évêque (de par la faveur de Léon X) d'Arbe, dans les îles dalmates.
On attendait avec quelque impatience les docteurs (ils n'avaient
pas paru) des grandes écoles si réputées, la Sorbonne, Louvain,

Cologne. Déjà les Espagnols apparaissaient, férus de la théologie


des leurs (Alcala, Salamanque), avec Barthélémy des Martyrs et
Guerrero; le concurrent de ce dernier en intrigues politiques et en
influence de couloir, Pedro Gonzalez de Mendoza, évêque de Sala-

manque, Antonio Agostino, de Lerida, théologien, humaniste, éru-


dit, même bibliophile. Nous en passons, et pour cause le concile :

ne faisait qu'inaugurer leur histoire.


Lorsque le cortège se présenta à la cathédrale, l'ambassadeur
de Hongrie, Georg Drascowich, évêque de Funfkirchen, arrivé ce
jour même, demanda à être admis; il fut installé avec empressement
au quartier des ambassadeurs, non loin du bureau. Le premier prési-
dent entonna la messe pontificale et l'archevêque de Reggio Calabria,
lethéologien de Naples Caspar del Fosso, prononça en latin le dis-
cours d'ouverture, sur l'autorité de l'Eglise et des conciles, la stabilité
de leurs décisions; harangue qui eut l'honneur d'être citée, falsifiée,
pourrait-on dire, par fra Paolo^ et vengée par le cardinal Pallavicini.
Le secrétaire du concile lut ensuite la bulle de rappel. Ad Eccle-
siae regimen,du l®'" décembre 1560, le bref des pouvoirs des légats
du 17 mars 1561; l'archevêque pontifiant proposa le décret De cele-
hrando concilio, et le président demanda le placet des Pères. Aussitôt
l'archevêque de Grenade présenta, enunecédule signée de sa main,
ses réserves sur la formule proponentibus legatis, comme nouvelle et

inopportune, attentoire à la liberté du concile, et réclama l'inser-


tion de son acte au procès-verbal, avec un reçu authentique du bureau.
Il appuyé par l'évêque d'Orense Frances Bianco; deux autres
fut

espagnols, non des moindres, les évêques de Léon, Andrès Cuesta


et d'Almeria, Antonio Gorrionero, firent des réserves verbales. Ce

fut tout : des Espagnols y compris Barthélémy des


le reste Martyrs,
s'abstint de toute manifestation.

1. Pallavicini, ibid., c. xvn, § 4-5.


t)10 I.IV. I.V. I.'iMIMISSA.NCr. 1)1' CONTIl.E

«'xif^eait pour rhaciiii la fa«'iilté de présenter di*s motions.


Ciuerrero
Il ne pouvait nier cependant «pir le bureau n'eut le »lr\(iir strict
<l'appli(pier l'urdro du jour, tuul efois dans la limite du rrglenuMit ce ;

mt'ttrt' nii frein h l'aThitraire et à la juiifrueur indélinie des discus-

sions. Le second président Seripandi. a\ec sn vieilleexpérience des


débats conciliaires, se borna à lui rajtpch'r ipi'aii
temps de Pau! 111
le cardinal dri ^font(^ prciuicr jirésiilent. permettait aux l'ères
d'insérer dans leurs votes une opinion sur des sujets autres (pn'
celui de l'ordre du jour. nu\is cpie les présidents a^•aienl toujours
exercé, comme un droit naturel, la ])rérofrative de jtroposer seuls
le texte des articles stir les«piels ils feraient \oter, le concile restant
maître d'en clianjïer Sur cette première réflexion,
la suite et l'ordre.

les l'ères donnèrent unanimement un ]ilacet. favorable aux motions


])résentées. ainsi (\uh la date fixée pour la session sui\ante.
Pie IV avait de se déclarer satisfait, lorsqu'il annon(;a ce
lieu

premier résultat an consistoire du 28 janvier: « II \oulait maintenant


espérer ([u'h la grande majorité italienne, dont se comjtosoit
très

rassemblée, les autres nations viendraient se joindre sans faute,


sans délai. Il avait fait son ]«ossible ])our convoquer toute la cbré-
tienlé. les hétérodoxes d'Occident jusiinaux régions l)oré;des et
les orthodoxes d'Orient, de ces mêmes régions aux tropicales, de
Moscou à TAbyssinie. La jilnjiail a\aifiif ré])ondu ])ar une fin de
non recevoir, plus ou moins déguisée et courtoise. L'I.glise romaine
pon\ait dégager sa responsabilité, (mi tant (pie re])résentant Dieu
et la vérité auprès du genre huniain. "

Néanmoins le Saint-Siège ne se désintéressait toujours pas du


recrutement de l'assemblée: il
im|>ortait qu'elle i-essùt d'être exclusi-
vement italienne. L'intransigeance dos théologiens es])agnoIs, que
nous venons de ^oir ressusciter, avait besoin d'un contre]>oids
autre cpie la masse d'Italiens, |ilus ou moins suspects d'être inféodés
à la cour de Rouie. Il
iin]>ortait même (jue cette masse agît comme

pondératrice entre deux tendances ojqiosées: pondératrice au sens


du Saint-Siège s'entend. Ce contrepoids devait venir des autres
nations, les Français et les Allemands qui. par égard pour leurs
compatriotes, huguenots ou luthériens, exigeaient, contrairement
h la contitmation du concile, la reprise de ses trava»ix jusqu'aux

origines et la jtremière place donnée aux réformes, en attendant


que leurs coTnj»atriotes voidussent bien discuter leurs erreurs avec
les Pères,
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 611

La mise en marche du concile.

Les ultramontains étaient donc attendus avec une certaine impa-


tience.Un groupe allemand se formait cependant autour du cardinal
de Trente et de l'évêque de Fûnfkirchen, ambassadeur de Hon-
grie. Le cinquième cardinal légat, von Hohenems, arriva le 30 jan-
vier et, bien que son oncle lui eut recommandé de se renfermer dans
ses fonctions de légat, de se borner à donner son placet, ce qu'il fit
d'ailleurs rarement, il se rapprochait du groupe allemand par son
passé, par sa famille, par son évêché de Constance: s'il ne fut pas à
proprement parler un agent de liaison entre les Allemands et le
collège des légats, du moins il dut, par ses relations et les moyens
dont il
disposait, lui et son entourage, procurer des renseignements
utiles des deux côtés, indiquer les mesures à prendre, les voies à
suivre, même aux requêtes des Impé-
servir d'interprète, d'éclaireur
riaux. Le petit groupe des partisans de l'esprit nouveau ne tarda
pas à recevoir son chef officiel dans la personne de l'archevêque de
Prague, ambassadeur impérial qui se trouvait à Trente le lendemain
31 janvier.
En réalité, il n'y avait de l'Église d'Allemagne que le procureur
du cardinal d'Augsbourg. La mission des nonces Commendone et
Delfino à travers l'Allemagne s'était terminée sur des espérances

vagues et incertaines elle faisait espérer que quelques évêques de


:

l'empire, un certain nombre même, se rendraient au concile, et il

les attendait pour la belle saison. L'arrivée des agents impériaux


avivait ces espérances ils donnaient la certitude
:
que l'empereur
enverrait au moins les prélats de ses Etats héréditaires, sur qui il

avait tout pouvoir. Mais viendraient-ils pour la session suivante ?

c'étaitpeu probable; en tout cas cette incertitude n'empêchait


nullement les légats d'en préparer l'ordre du jour.
Ils résolurent d'abord de se réunir deux fois par semaine, autour
du premier président, le lundi et le jeudi ^, et ils tinrent parole.
Ces conférences porteraient aussi sur la correspondance avec Rome.
Les légats en avaient reçu un vrai programme de travail, pour les
Pères comme pour les théologiens; ils y avaient opposé un certain

nombre d'objections, mais ne pouvaient pas le rejeter tout à fait.

1. Conc. Trident., ihid., p. 304, note 1. Susta, t. ii,


p. 1-10. Responsa ad censuras
romanas decreti pro prima sessione.
612 Liv. i.v. l'impuissance du concile

Pic 1\ rccoininaiulait, jiar exem|il«', Ar lui soumetlre au préa-


\r.nv

lable toutes leurs ]»ro|)Osiliou8 ou ])rojets de déliiiitiun, avec les


motifs sur lesquels ils s'a|»])uyaient. Il y avait eu luêine échange de
notes sur la matière de la première session. La (picstion de l'Index

des livres avait aussi fait r»ihjrt d'iiue discussion par correspondance
sur ce' le manière dt;
procéder'.
Néanmoins les légats se décidèrent linalement à choisir. ]tour
frayer la Adie aux dissidents, un terrain comnuin «le débats bien

limité, rpii rendrait l'entente ]»lus facile, en séparant les opiniAtres


cf les
gens de niauAaii>c foi des Ames de bonne Nolonté. sincères
dans leur égarement.
A hi ]iremière congrégation générale, le '27 jan\icr. le cardinal
de \fantone soumit aux Pères un programme en trois points, sur
-
lequel il icipiit leur opinion I" dresser un catalogue des livres :

condamnés et des censures sur la base de l'Index de Patil IV. Les Pères
étaient invités j» le coni|)léter ou corriger, d'a})rès les renseignements
tpi'ils auraient en leur possession. 2° Inviteraient -ils les auteurs à

venir se disculper eux-mêmes devant le concile, ad paenilcntiam


in\'ttnrf'; en ce cas ils devraient les faire connaître, les nommer dans

l'Index ou d'autre manière. 3° Le concile leur donnerait un sauf-


conduif plus large possible, singularis cleinentiac et benignitatis,
le

qui les prédisposerait à la résipiscence, modo redeant ad cor Eccle-


sine.Le président recommanda d'être court et de s'abstenir de dis-
putes^. Le décret se présentait comme un ])réambule ]tour les tra-
vaux à venir, (piand le concile serait plus nond)reux. » Il fallait déplus
prévoir, dans l'examen des pouvoirs des arrivants, et régler la diffi-
culté sur les procurations que le ]»ape laissait en suspens, car sa
bulle du .'U décembre restait dans les cartons de la Chancellerie, et
la minute seule était parvenue î\ Trente.
Les Pères s'en remirent aux légats du choix de la commission pour
le règlement, et ceux-ci la composèrent de cin([ mend)res, jirésidés
l>.ir l'archevêque
de Rossano; trois d'entre eux étaient assez indé-
pendants, les évêques de Sulmone, Ponqicio Zambeccari; Coïmbre,
Juan Suarez; d'Astorga, Diego Sarmiente de Sotomayor. Le cin-
quième Carlo Cicada, évêque d'AIbenga en Ligurie. devait à son
origine, à son jiarent le cardinal riiatd)attista Cicada (batailleur

1. Pall.Tvicini, 1. XV, r. xviu, § 1.


2. Soniniair*' dans Conc. Trident., ibid., p. 30»-305.
,3. A conviciis nbstineant rt hreiilati studennt. Thriner, Acta getminn, t. i,

p. 678.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 613

des sessions anciennes) qui le contrôlait de Rome; enfin à son passé

de curial, de rester intransigeant en ses convictions.


Le bureau désigna en outre les commissaires du temporel il :

s'agissait de seconder, pour la vie matérielle assez compliquée au


concile, commissaire apostolique Sanfelice. Sous la présidence
le

du patriarche de Jérusalem Antonio Elio, ils étaient au nombre


de cinq, y compris ce même commissaire: un Espagnol, Guilhem
Cassador, de Barcelone; un intime de Mantoue, Antonio Scarampi,
évêque de Noie et un indépendant, l'évêque de Brescia, Domenico
Bollani. étaient sous la surveillance du premier président, auquel
Ils

lepape avait confié spécialement le contrôle des frais du concile et


du trésor, dans lequel étaient rassemblés les subsides que la Chambre
apostolique y affectait.
A côté de ces dépenses générales et publiques, le premier président
avait la responsabilité d'une répartition plus délicate et discrète :

celle des mensualités que le pape accordait à bon nombre de Pères


besogneux, dont les revenus restreints ne suffisaient pas à couvrir
les frais de séjour. A coup sûr, cette distribution était indépendante

des comptes du trésorier Manelli et se faisait d'une manière directe,


en tout ménagement pour le caractère et la situation des intéressés,

pour leur indépendance aussi. Mantoue confia cette opération à


son secrétaire Camillo Olivo, devenu secrétaire du collège des légats ^.
La dignité du concile interdisait tout ce qui pouvait sembler un
marchandage des votes.
Une autre question de même ordre, délicate aussi, fut réglée
avec le concours du cinquième légat, qui en apporta la solution.
A qui des deux revenait le devoir d'assurer la sécurité du concile,
du pape ou de l'empereur ? Celui-ci était d'ailleurs comte de Tyrol,
suzerain de la région; mais Pie IV ne voulut pas s'en remette à
d'autre qu'à lui-même de cette délicate obligation. Le cardinal
von Honemhems s'entendit donc avec les de Trente,
seigneurs
le cardinal-prince et le Conseil deville, pour partager entre eux et
le suzerain
l'organisation d'une force de police (cavalerie et
infanterie), les cadres seraient fournis par les nobles de la
dont
province, sous la surveillance du lieutenant du comte. La police des
environs n'importait pas moins que celle de la ville. Le pape
voulut conserver pour lui toute la dépense et rétablit le subside

1. Voir de plus une liste d'émoluments des officiers du concile dans Susta,
t. I, p.54-55; les mensualités reviennent constamment.
GK» i.iv. I.V. l'impuissance du concile

incnsticl de 200 i-cus. (jue le cardinal pi iiuc mo\ ait au temps de


Paul III '.

Le 30 janvier au soir, à la coiigrégatinii .pii suivit icllc du 27,

Mautoue coiuinuni(jua un bref du Ki. eiigapeant les Pères à


<oni]>léter
rindj'x drrssé »» Komc sous Paul I\ :|)uis les ^ otes recoiniiieiicèrent

sur le décret de l'Index pour la session ]irochaine. généralement courts


et se succédèrent de une heure ù ciiui heures, environ une trentaine.
Ils continuèrent jours sui\ants; en même teinjts, le concile
les

s'accroissait toujours, d'environ une quinzaine de Pères: le !) février,


ils étaient en tmit cent
iii^rt-ncuf. dont une centaine d'évêques et
\

ciiK] abbés. Les nouveaux venus étaient Italiens, en dehors des deux
ambassadeurs im]>ériaux.
Le () février, la discussion fut suspendue pour recevoir ceux-ci.
La suite des légats et cinq évc([ue9 allèrent jusqu'en dehors de
la ville, ]>our escorter rarche\è(|ue de Prague »pii \oulait faire son
entrée solennelle. Ils reçurent leur place à l'assemblée, même l'cvèque
de Funfkirchcn. (pii ne ]trésenta que ses lettres de créance sans man-
dat. Les évèfiues portugais, rarchevè(nie de Braga en tète.
])ro-
testèrent aussitôt que ce règlement ne devait jias préjudicier à leur
ambassadeur : leur souverain avait toujours combattu les infidèles

et, en ce moment, il dominait en pacificateur


les mers les Indes et
d'Orient, où ses missionnaires propageaient l'itvangile. Il avait
toujours eu le pas sur le roi de Hongrie, objectaient-ils, et, non moins
que lui, tenait tête au Croissant; celui-ci était, ils ne pouvaient le

nier, chef tem|)orel de la chrétienté.


remjiereur. le

Les légats faisaient examiner le cas par une commission de cano-


nistes, mais, en même tenq)s. rarchevê(|ue de Prague réclamait
la préséance sur les cardinaux qui n'étaient ]»as légats, Madruzzo
en l'espèce. céda, parce (fue les présidents lui représentèrent que
Il

I
empereur ne le trouverait jias mauvais. Aussi son discours d'entrée
fut-il émaillé de belles
promesses ^.
Le Portugais don l'ernando Martinez de .Mascarenhas accourait
dès le lendemain et réclamait son
privilège prétendu. Les légats
avaient écrit à Home sur ces conflits de j>réséance et attendaient
la réponse. Les canonistes en donnèrent une proN'isoire les ambas- :

sadeurs évêques siégeraient à droite du bureau, au-dessus des autres


jtrélats, les laïques h gauche. Quant atix agents de l'empereur,

1. Ci-dessus, p. 226.
2. Sur CCS détails, Pallavicini, ibid., c. xx.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 615

lorsque le second, le comte de Thun, fut reçu le 10, leur place fut

marquée pareillement ;
celle de l'archevêque à droite, après le cardi-
nal de Trente, celle du laïc à gauche, avant le Portugais. Celui-ci
ne pas pour battu, sans en garder du reste rancune, car
se tint il

soutint les légats en nombre de circonstances.

L'Index des livres et la recherche des censures.

Ce qui leur servit plus encore que cet appui isolé, ce fut le conflit,
facile à prévoir du reste, que les Impériaux ouvrirent aussitôt avec
les Espagnols. Le 13 février, ils déposèrent les requêtes que leur
maître avaient insérées dans ses instructions du 1^^ janvier ^. Ils
demandaient en premier lieu qu'il ne fut pas question pour le moment,
et par égard pour les luthériens, de proclamer la continuation du
concile. Or, à la même époque, de Rome, l'Espagnol Vargas gour-
mandait la désunion et la tiédeur des évêques ses compatriotes,
pour n'avoir insisté que mollement sur cette continuation, ainsi
que sur la formule proponentibus legatis: il les engageait avec force
à revenir là-dessus.
Ces évêques toutefois ne jugèrent pas opportun de s'opposer à
la requête impériale, sinon en son second article. Il requérail que
la session fut ajournée jusqu'au moment où les luthériens se présen-
teraient pour plaider leur cause. En les attendant, le concile se con-

sacrerait à des débats sans portée de réforme, sur lesquels il lui était

de s'entendre. L'empereur désirait en outre que la Confession


difficile

d'Augsbourg ne fut pas mentionnée dans le catalogue des livres


défendus, et que les garanties les plus larges fussent accordées aux
protestants pour leur venue, avec un délai de quatre mois au moins.
Les correspondances conciliaires de cette époque exagèrent sans
doute, elles témoignent de la stupéfaction que ces requêtes
quand
jetèrent dans l'assemblée selon l'une d'elle, les bras en tombèrent
:

à la majorité des Pères ^. Les Impériaux s'étaient mis en frais d'élo-


quence, luculenfa oratione copiose exposuerunt.
En réalité les avis
furent négatifs, et les légats sollicitèrent de nouvelles instructions
à Rome. Ils donnèrent néanmoins leur réponse le 17 ils se décla- :

1. Pallavicini, ibid.; le texte, Conc. Trident., ibid., p. 325-327.


2. La maggior parte sia stordita et ationita; pare che le braccia siano cascale a
ciascuno. Conc. Trident., ibid., p. 327, note 2, l'évêque de Viviers au cardinal
Farnèse, 14 février.
616 ii\. i.v. l'impuissance du concile

raient pirts h se nioiitrcr Iar<,'os et condescendants, excepté pour


la session <pi'il t'-tait
impdssihlc d'ajoiiiiifr. Ils furent soutenus par
les (pu rapi elèreiit le concile au res])ect de son ordre
Espai;iu»Is,
du jour. y a\ait d'autant moins de raison de le chanjîcr (|ue la
Il

discussion sur l*In(l«'\. poursuivie en dix séances, était .i<<ry. avan-


cée j)Our (piil fût proini.'l<,'iié
le 2<i févii«'r.

Le ]>reniier président s'elTori/a de toncilier les ilcux partis :


"
Il

ne serait i»as «piestion ]iour le nioinenl de continuation; le concile


n'avait ]>as songé d'ailleurs à faire figurer la Confession d'Augsbourg
dans l'Index: dresserait celiii-ei aussi général ({uc jiossible, à l'usage
il

exclusif des Pères; il aurait ensuite le loisir d'en ])réparer un plus

complet, d'adapter celui de l'an! I\ aux nécessités j)résente8, et le


synode ne le ^mMierait qu'à la fin de ses travaux. Le sauf-conduit
serait r/dij^é de la manière la ]»lus large et la
jdus généreuse, pour
que les ]»rotestants eussent tout loisir et toute commodité d'alTronter
les AI]. es à la belle saison.

Le j'résident avait ses raisons de se contenter d'un Index général,


et ce n'était pas seulement ])ar égard ])our les Impériaux. Le débat
n'en était pas aussi avancé (pie le ]>rétendaient les Espagnols, et
le texte en de sérieuses Le cata-
([uestion se heurtait ii diflicultés.

logue de Paul I\' avait des déf(;nseurs de jdusieurs côtés, (jui ne


voyaient jias la nécessité de lui faire subir des changements. Ceux

qui avaient travaillé h sa confection, comme le général desAugus-


tiiis
Christo])lie de Padoue, estimaient (pi'il n'a\ ait besoin que d'un
])cu plusde précision et d'actualité. L'évècpic de Modènc conseillait
de se borner aux livres douteux et discutables, ])our les examiner à
fond à (pioi bon revenir sur ceux qui étaient formellement con-
:

damnés. Certains, comme les archcA éques de Grenade et de Braga,


renvoyaient aux universités et aux théologiens un travail indigne
d'un concile général, «pu absorbait inutilement son temps et ses soins.
De même })onr l'autre point du ]iroblème dans cpiellc niesure admet- :

trait-on les auteursse disculper ? ceci ne devait ]»as non plus entrer
.'i

dans un programme conciliaire, faisaient justement observer l'arche-


vêque de Hossano et l'évèque de \'icsti.
Le 12 février, les enquêtes étaient terminées, et le président, avec
l'assentiment de l'assemblée, chargea d'examiner le sommaire des
avis, recueillis ])ar le secrétaire, une commission composée des quatre
]irincipaux théologiens du concile l'archevêque de Zara, ^îu7.io
:

Calini, un de ses les évêques de Modène


chrojiiqueurs autorisés.
et de \ iviers et l'Espagnol Antonio Agostino, de Lcrida. Leur travail
CH, II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 617

se trouva simplifié par ce fait, qu'il ne changeait rien à la situation :

les Impériaux poursuivaient leurs intrigues avec leurs instances,


et le débat piétinait sur place. Le 17, les matériaux condensés par les

quatre théologiens furent remis à une grande commission de dix-huit


Pères, désignés par le premier président archevêques, neuf : six

évêques, un abbé et deux généraux d'ordre, tous des sommités


théologiques du concile; à côté des archevêques de Prague, de Naxos
et de Raguse, réputés pour leur savoir, figuraient le patriarche de

Venise, les évêques de Sinigaglia, Brescia, Modène, Lerida, celui


de Gava, Tomaso Caselli, un argumentateur combattif, que nous
la

reverrons souvent, enfin le général des Augustins.


Cette grande commission fut })lacé sous la présidence de l'arche-
vêque de Prague, ce qui indiquait assez dans quel sens elle allait
travailler. D'ailleurs, avec le titre de commission de l'Index, elle fonc-
tionna pendant toute la durée du concile, et ses membres varièrent

peu. Des délégations des principaux d'entre eux furent chargées


souvent, à côté d'elle ou à son défaut, de résoudre des cas de cons-
cience, de répondre aux requêtes qui lui furent soumises par des
âmes délicates, de juger même certains procès d'hérésie; qui plus
est, de solutionner tout problème touchant à la foi.
La commission eut tout d'abord à rechercher les censures portées
elles se rapportaient.
jusqu'ici, avec les livres et les passages auxquels
Le tableau serait approuvé par le synode, puis communiqué aux
intéressés, qui désireraient en prendre connaissance pour s'expli-
quer et se réconcilier avec l'Église. Elle recourut aux lumières de

plusieurs théologiens de marque et son travail fut expédié en assez


peu de temps.
Elle le déposa, sous forme de tableau, le 20 février, et la discussion
en commença immédiatement il n'y fut apporté que quelques
:

retouches de détail, proposées par Madruzzo ^ qui le rendaient plus


clair, plus précis. Comme en beaucoup
de cas semblables, l'assem-
blée se perdit et du temps dans les à côtés de la question.
perdit
Elle n'était pas disposée à suivre l'idée de Barthélémy des Martyrs,
d'ajouter à l'Index le nom des auteurs les plus compromis; mais
de Rossano, de l'établir en
plutôt celle de Castagna, archevêque
formule de notification.
peu de mots, d'une manière générale, sans
Le même Père invoquait la bienveillance et la pitié du concile envers
des réfugiés italiens, qui vivaient à Genève dans la misère et ne

1. Conc, Trident., tome viii, p. 331-337, etc.


(Jl8 I.IV. I.V. t.'lMI'UlSSANCE DU CONCILE

pas mieux que de venir ù résij>iscence, pour ri*ntrer


tleiuaiidaii-iit

dans leur pays rt recouvrer quoNjup iiarcelle de leurs biens. Il était


d'avis de lancer un a]ipel général à tous les lu r('-ti(|iics bannis, ou
émigrés beaucouji y répondraient à coup sûr.
:

L'aribevé(juc de Uossano prit lin à partie son confriT»' de m


(Irenade. ramenait la formule UniwersaUin Ecclesiani rcpraesen-
(|ui

lans, et y eut entre eux éeban^e de paroles acerbes. Les Espagnols


il

requéraient en outre que le décret de convocation ])assAt sous


silence les accusésdont le jirocès était ]»endant devant rin<|uisition
d'Espagne, et le concile consentit à tcnii- comiite di- la réserve,
(uierrero s'enbardit de ce succès et parla encore de rontiniialion,
et contre la réserve nroponrnlihu.s le^atis. Il en rebattait toujours

les oreilles de l'assemblée, au milieu de l'indilTérence générale; encore


le 25 février, veille de la session. Ses com|)atriotes eux-mêmes ne
le siii\ aient ]ias, et il a\ ait trouvé ]>armi eux un adversaire d'influence,
l'évèque de Salannuwpie, Pedro (lonzalez de Mendoza, un grand
d'Es})agne (pii. ]iar op])Osition de tem|)éraniejit, aussi bien que par
réser\e ])oliti<inc et conviction de théologien ^ lit désormais bando
à part avec les évèques de Lerida et de Tortosa, un autre Mendozu,
.Martin de Cordoba, théologien lui aussi. La cour de Rome mit cette

srision à profit et son re]»résentant attitré, le cardinal Simonetta,


l'entretint avec soin, ne cessant de réchauffer le zèle de ces prélats,

leur ménageant des faA eurs, des prévenances, etc. ^.


Il était question en même tenq)S d'accorder un sauf-conduit aux
Allemands. L'archevêque de Uossano conseilla d'y mettre un peu
le concile lui donna
plus d'ordre. Sur l'avis du cardinal de Trente,
une portée générale : il serait ex]»édié immédiatement à quiconque
désirerait se faire entendre de lui. afin que, la sûreté publitjue, une
fois établie d'une manière irrévocable — avec des engagements solen-
nels, sur l'honneur de l'assemblée - les intéressés pussent se justi-
iieren toute confiance. Le concile préciserait ensuite la ])rocédure
à suivre, selon l'alUuence des incriminés « il établira une discus- :

sion libre et entière entre eux et ses théologiens, définiteurs ou


consulleurs et. s'il ne juge pas à propos de les entendre en séance

plénière. Il )< fera, par délégation, autant (pie le désireront les


accusés. »

1. Pnllaviciiii, I. W. r. xx. § 10. donni- qurlqurp drl.Tils sur la rivaliu- outre

les driix prélats-.


•J. II in pst souvriU qurstion (l.ins la rorrfspondance cntro Simoiiotta et saint
(.liarlrs norrotru'-f, ptihliôf par Sufta. t. ii-iv.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 619

Le collège des légats, sur l'invitation de Rome, s'efforçait toujours


de temporiser, de procéder lentement, par égard pour les sollici-
tations de l'empereur en faveur de ses protégés la grosse difficulté
;

était d'accommoder le nouvel Index avec celui de Paul IV : le temps


seul permettrait d'arrêter un règlement pratique, définitif en la ques-
tion. Les légats se décidèrent donc à présenter le 24 le décret De
delectu lihrorum, dans lequel en attendant que ceux de
le concile,

ses membres désignés pour cela eussent loisir de terminer le cata-

logue projeté des censures et des livres prohibés, faisait appel aux
accusés, qui ne s'étaient pas encore mis en communion avec lui,
les invitait à rentrer dans le sein de l'Église catholique, et pour cela
leur promettait toute garantie, s'ilsdésiraient discuter avec ses

théologiens les points que la congrégation de l'Index aurait proclamé


répréhensibles.
En même temps, il
renvoyait à plus tard l'établissement du sauf-
conduit, afin de préciser
davantage certains détails, sur lesquels
les Pères ne s'étaient pas mis d'accord, par exemple pour les accusés

devant les Inquisitions locales. Il fut convenu qu'il serait publié


dans une congrégation générale, mais qu'il aurait la même valeur que
s'il avait été arrêté en session celle qui allait se tenir devrait se
:

borner à donner des espérances et des promesses à la chrétienté

impatiente de réforme.

La XVIII« session (26 février 1562).

La congrégation préparatoire du 25 donc appelée à fixer


fut

simplement la date de la session suivante; mais l'empereur deman-


dait qu'elle fut retardée le plus possible. L'assemblée inclinait à le

satisfaire,pour donner le temps d'arriver aux évêques, et surtout


aux ambassadeurs, qui ne manqueraient pas d'amener leur clergé
national. Rome avait fini par se ranger à ce parti, de sorte que les
Pères pouvaient se conformer aux directives que les légats venaient
de recevoir.
Pie IV leur avait recommandé de régler tout d'abord les questions
dogmatiques, au moins par le moyen de l'Index : ils déblayaient
ainsi le terrain, en assurant une base solide à la foi et à la conscience

des fidèles. Alors intervinrent de nouveau les intrigues impériales :

elles se faisaient plus pressantes auprès du pape qu'à Trente. Pie IV

revint donc sur ses décisions, après avoir pris l'avis de la congréga-
620 1.1 V. l.V. I. IM IITISSANCE DU CONCILE

tion du concile. Klle fonctionnait depuis le 11 décembre ^


et chacjue

semaine, sous la jirésidence du ]<n\>v ou du doyen, nuii"^ n'avait pas


encore reçu sa forme définilixe; m tout cas Ir pontife ne cessait
de s'en inspirer jionr la direelion ipi'il \oulait inijunuer au synode.
Le 20 février, il
légats de ne pas aborder les
faisait écrire aux
((uestions de dopine, de se borner h discuter et h dresser le sauf-
conduit, avec (piebpies ])oints secondaires se rap])ortant à la réforme
{j;éi!érale: il les autorisait ù retarder la session suivante jusfpi'au
mois de mai. « Quant à la réforme de la cour romaine, il continuait
de s'en occu]»er activement, ]tour servir de modèle au concile et
alléger son travail, en dispensant de se préoccuper de cette partie
le

de larestauration catboliijue. »
Les Im]iériaux désiraient un délai d'au moins trois mois, et l'évêque
de Funfkircben <'n
]*résenta la requête le 24 février; mais devant
le toile général, il
jugea ])rudent d'avouer qu'il faisait sa pro])Osition
comme membre du concile, nullement comme ambassadeur. Les
Es]»agnols s'insurgèrent contre le délai, tenaient pour une
cpi'ils
inconvenance : c'était ]>ure faiblesse d'accorder aux lutliériens
cette faveur, après tant d'autres dont ils avaient toujours abusé.
Une majorité ]iarut se former en leur faveur, ]»armi les Italiens
eux-mêmes.
Les légats avaient ]iro])Osé une date quelque peu ])lus avancée,
se jeudi a])rès l'Ascension, 1'^ mai, et le cardinal de Mantoue la
coutint avec éloquence, réussit à retourner la majorité. « Le con-
rilene s'abaissait nullement, en condescendant au désir de rem]>e-
jeur et ne saurait aller tro]i loin dans la voie de la conciliation.
Il n'avait d'ailleurs j.as h redouter l'oisiveté ni le manque d'occu-

pation il avait certes


:
beaucoup de matériaux à mettre en œuvre,
le bureau ]>ouvait l'attester ^. »
Après avoir obtenu gain de cause, non sans peine, les légats
jugèrent f[ue le concours dû ]>ar l'empereur au concile devenait
jtresque un obstacle. Le soir même, ils écri\irent à Rome (fu'il serait
bon de lui faire admettre que le concile devait travailler n\cc fruit
et aboutir vite;])Our cela, il d'un apjuii en accord avec
ma ait Ix-soin

son ]irogramme. Si le nonce ordinaire Delfino ne pouvait se char-


ger de la commission, il serait à ]iro]ios d'envoyer un personnage,

1. Sust.i, t. I, p. 119 détails sur los travaux, 1rs vicissitudes premières de la


:

conprépation ot les essais de réforme h celle époque.


2. Conc. TridenL, ibid., p. 353.
CH. II, EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 621

qui aurait assez d'habileté et d'ascendant pour retourner l'empe-


reur et son conseil. Le pape proposa aussitôt, par le retour du cour-
rier, Commendone qui venait de terminer sa tournée à travers

l'Allemagne. Lorsque celui-ci parut à Trente, le 8 mars, le rapport


qu'il présenta sur sa mission établit qu'il fallait peu compter sur

l'empereur, un peu plus peut-être que sur le clergé allemand. Il


accepta la nouvelle commission sans enthousiasme, par sentiment
du devoir. Le 14 mars d'ailleurs. Pie IV revint sur sa décision, de
crainte que l'agent ne se laissât attirer aux manèges des conseillers
impériaux. Les légats reprirent l'idée de se servir de Delfîno, mais
sans grand espoir de réussir à ramener l'empereur et son conseil :

ils ne
voyaient rien en dehors des États héréditaires; il fallait donc
aller de l'avant à tout risque et péril.
Le jeudi 26 février, la dix-huitième session du concile de Trente
fut tenue par six cardinaux, dix-neuf archevêques, cent cinq évêques
et six autres prélats, en tout cent trente-six définiteurs, sans comp-
ter les officiersdu concile, de plus cinquante théologiens et deux
ambassadeurs laïques. La séance s'ouvrit sur un incident pénible ^ :

l'ambassadeur de Portugal refusa de présenter ses lettres de créance,


tant qu'on ne lui aurait pas donné le pas sur celui de Hongrie. Comme
iln'entendait que la langue de son pays, il était difficile de le rai-
sonner. Deux heures furent perdues, en allées et venues de l'estrade
des légats au siège de l'entêté, car ceux-ci lui dépêchèrent le secré-
taire, puis le promoteur, enfin les évêques de Sulmone
de Leiria, et

ce dernier Portugais, qui réussit enfin à faire fléchir l'obstiné. Dras-


cowich de son côté se mit de la partie et le bureau dut, pour le cal-:
mer, le faire morigéner par le cardinal de Trente. Tout cela prit
fin, non sans que les intéressés n'eussent fait toute réserve pour
l'avenir; l'émoi et le malaise ne cessa de grandir pendant l'inci-
dent, à travers l'assemblée, qui se morfondait et s'impatientait.
La session ainsi retardée s'ouvrit enfin à neuf heures du matin.
La messe du Saint-Esprit fut chantée par le patriarche de Jérusa-
lem de circonstance prononcé par le Vénitien Antonio
et le discours

Cauco, archevêque de Corcyre. Après que le secrétaire eut fait


admettre les quatre ambassadeurs, avec lecture de leurs pouvoirs,
le patriarche promulgua le décret De delectu lihrorum et omnibus
ad concilium publica fide inuitandis. « Le concile a l'intention de
renouveler les censures déjà portées, de compléter ces condamna-

1. Pallavicini en donne un récit assez humoristique, c. xxi, au début.


«22 i.iv. i.\ . i. 1 M iM is> \.N(;i: 1)1^ roNrii.F.

lions, ctlnvito tous ceux


(jui se croiraient en cause, à venir se défendre
en toute sécurité. Sur ce vote, l'archevéqije de Grenade seul for-
»

mul.i (1rs réserves, jiropos des doux petits membres de phrase


;\

auxcpiels il s'accrochait en toute rencontre.


Pour la date de h) session suivante, douze Pères, Espagnols et

Portugais, rctpiirent quelque a<ljonction jirécisant l'ordre du jour


et le Iravail h a cuir. Le premier jtrésident conununiqua ensuite le

br«'f du 11 fc\ I ici-, I c,non\ •lant celui du 31 décend)re; tous deux


adoptaient sur la comme règle de préséance
date de consécration
court aux dis])utes entre les primats, c(ui avaient pris
et couj)aient

exemple sur les ambassadeurs sans doute, jiour soulever un autre


débat de préséance. Le ]>ape eut soin d'ajouter sans ]>réjudice :

des droits et privilèges anciens, légitimement établis.

Le sauf-conduit aux dévoyés.

Aussitôt ajirès la session, le concile se remit au travail, car il avait


sur le métier le sauf-conduit pour les mal pensants, ou plutôt les

écrivains dont il traquait les erreurs avec les ouvrages. Le pape


.ivait recommandé de donner au document — •
avec la ])lus grande
générosité et miséricorde
— toute Tétcjidue ])0ssible. Il s'était heurté
toutefois à l'opj)Osition du Saint-Ollice, qui rappelait (jue le concile
n'était ])as un tribunal et devait se borner à recevoir la justifica-
tion ou l'amende honorable des coupables (pii se ]irésenteraient
devant lui, à constater leur révolte ou leur soumission. Les cardi-

naux juges revendiquaient en outre le droit d'achever les ])rocès


en cours devant leur tribunal, procès rpii ne devaient passer en a)»pel à
d'autre juridiction <|u'à celle du ]iape. Le cardinal Alexandrin,
grand intpiisiteur, se montrait intraitable; c'était lui sans doute

fjui incriminait l'exhortation, adressée le 1 1


Jan^ icr aux Pères,
qui était de la main de Seri|»andi, dans laquelle il relevait une soi-
^
disant erreur au sujet de l'institution de l'Eucharistie : elle aurait
eu lieu à la dernière cène, d'après cette exhortation, ce que con-
testaient certains théologiens.
L'intervention du Saint-Olbce ne laissait pas que d'embarrasser
les commissaires qui furent ajqielés, aussitôt a|)rès la session, à
dresser le sauf-conduit: l'archevêque de Hossano. les évêques de

1. Lr 11 j.invior, Susta, t. i. p. 155.


CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 623

Lerida et de Viesti, avec un autre canoniste du bureau, l'auditeur


de Rote Paleotto ^. Ils entrèrent dans les vues de Rome, en prenant
pour base le sauf-conduit que le concile de Jules III avait accordé
aux Allemands, en sa session xv®, et ils retendirent à la généralité
des dissidents. Ils évitèrent même, d'après le conseil de l'arche-

vêque de Raguse, d'employer à leur égard Fapiiellation d'hérétiques.


Ils abandonnèrent aux Inquisitions nationales, parce qu'ils en dépen-

daient, les suspects d'Espagne, de Portugal et d'Italie. Enfin ils


ajoutèrent que, pour ces derniers pays, le concile chercherait plus
tard le moyen ceux qui désireraient
d'ouvrir la porte de retour à
s'amender, en s'entendant avec le Saint-Siège pour une amplifi-
cation de ses pouvoirs, s'il la jugeait nécessaire.
La discussion du projet vint en congrégation le 2 mars et se ter-
mina le 4. Il y eut dans les opinions une certaine diversité, qui
s'explique par la portée moins restreinte du décret. Un des notables
du concile, Tommaso Stella, évêque de Capo d'Istria en Dalmatie,
intime et protégé du cardinal Simonetta, tempérament original,
un peu bizarre, représenta le sauf-conduit comme dangereux et

déplacé. Il succédait sur son siège épiscopal à l'apostat Pietro-Paolo

Vergerio, et il peut-être, remarquent les chroniqueurs


craignait
du concile ^, que ne trouvât plus tard l'occasion de réclamer
celui-ci

son siège, du moins une indemnité ou une pension. L'archevêque


de Prague lui-même était d'avis de limiter le sauf-conduit. Il par-
lait en tant qvi'évêque, non comme ambassadeur.

Les présidents insistèrent d'ailleurs, au point qu'il ne manqua


pas de gens pour protester contre ce qu'ils considéraient comme
un abus de pouvoir. Ils réussirent ainsi à faire céder les oppositions,
avec concours de l'évêque de Fûnfkirchen, qui démontra qu'elles
le

se combattaient. L'archevêque de Grenade acheva la déroute des


et sou-
opposants: il repoussa toute réserve, réfuta toute objection
tint même que c'était perte de temps que d'imposer silence aux
novateurs pour leurs prêches et leur enseignenient.
Il ne fut donc question ni de procès, ni de sentence et le décret

consista simplement en un appel « à tous ceux qui ne sont pas d'accord


avec le concile en matière de foi, qui croient autrement que ce
qu'enseigne l'Église romaine.
» Le décret fut affiché, le 8 mars, au

1. Pallavicini, 1. XVI, c. i.

2. Conc. Trident., ibid., p. 370, note 2; 376, note 4; le discours de l'archevêque


de Prague, p. 372.
624 IIV. I.V. I,'lMI"UISSANCE DU CONCILE

grand ]>ortail de la catlx-iliale de rreiitr. Il HM'iitioiinait t-n parti-

culier ceux de la confession d'Augshourg, et leur garantissait toute


sécurité d'aller «>t de venir entre le concile et le territoire où
ils se crt)iraient à l'abri de tout danger. En cas de niaïuiuenient,
rassemblée se déclarait à l'avance, ainsi que les violateurs de
cette ]ironiesse, passible des peines prévues ])ar les droits divin et
humain.
l ne cédule annexée étendait ces garanties à toutes les nations

cbrétiennes. Les légats écrivirent aussitôt au cardinal de Ferrare —


en lui envoyant la pièce, en même temps rpi'à tous les nonces dans
les pays chrétiens
— que ]>ar égard ]»our
-
l'I^^glisc gallicane ctlamonar-
cliie des \'.dois, ils avaient évité de nonnuer la l'rance ]iarmi les

j>ays suspects d'hérésie, qu'elle était


sculenient conq)rise dans les

termes généraux de l'acte. Ils le priaient (r.i}:ir auprès du conseil


et mis h
royal, pour (pie ce texte fût i)ublié dans tout le royaume
la dis]»osition de quiconque désirerait en user.

Les légats ]»rétendaient encore régler le point dillicultucux du


sauf-conduit: le sort des nombreux fugitifs à travers la chrétienté,
dont le |)roccs était instruit devant les inquisitions nationales. Ils

se proposaient de nommer une commission de ]»rélats esi»agnoIs


et portugais, qui examinerait chaque cas en particulier et api»or-
terait an concile les éléments d'une réconciliation ou renverrait
l'alfaire à l'inquisition en cause ^ Maisles évêques ])résents à Trente

déclijïèrent sans doute cette responsabilité, sous


le prétexte que

ces tribunaux ne se prêtaient nullement à un comi»romis. L'affaire


n'eut pas de suite, et le pa])e lui-même recula devant des embar-
ras de avec les inquisiteurs. A quoi bon du reste soulever de
jilus
nouveaux conflits ]iour un ou deux malheureux ? Ils furent très

rares ((pielques unités peut-être), les fugitifs qui répondirent h l'appel

que leur a])portait le sauf-conduit.

La réforme et la résidence.

L'ordre du jour qu'il fallait établir ajircs la session, et pour la


suivante, fut une source de nouveaux embarras.
Les Es|)agnols
et quelques autres Pères réclamaient, même avec indiscrétion, une

réforme qui assurât la résidence des pasteurs, et avaient gagné

1. Susta, U II, 'il, 11- 5 inan!; r.illa\i.ini, ihid., § 8-10.


p.
CH. II, EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 625

Séripandi, pour qu'il en fit définir le principe de droit divin ^. Le


collège des légats se trouva partagé par le fait même, et, en atten-
dant une décision de Rome, il avertit les évêques des diverses
nations de réfléchir sur réformes qu'ils croiraient nécessaires
les

pour leur diocèse ou leur pays et d'en présenter un mémoire. Séri-


pandi fut appelé à tirer de là des matériaux pour les discussions à
venir: en reçut en effet de divers côtés, des Italiens comme des
il

Espagnols. Il condensa cette première consultation en quatre vingt


treize articles quesuggérèrent des prélats versés en théologie ^.
lui

Puis il les réduisit à dix-huit, et les légats firent encore examiner


l'esquisse par Simonetta.
Pendant cette élaboration, les agents impériaux vinrent trouver
le 5 mars, et lui présentèrent deux mémoires, comme
collège le
venant d'eux-mêmes en réalité, le second avait été inspiré par l'empe-
;

reur. Le premier sollicitait une nouvelle invitation aux protestants,


au moins de la part des légats; le second demandait que, pendant
les deux mois qui séparaient de la prochaine session, le concile ne

s'occupât pas de la réforme de l'Allemagne. La réponse fut dila-


toire; mais elle ne pouvait être que négative^ comment en effet :

s'occuper de gens qui n'avaient pas de représentants au concile,


ni clergé, ni ambassadeurs, après tout ce qu'on avait tenté pour les
faire venir ? D'ailleurs, au temps de Paul III, le concile avait jugé

inutile, après de longues délibérations, d'inviter les protestants^


lui-même ou par les légats.
Pie IV avait répété plusieurs fois à l'auditeur de Rote Paleotto
qu'il laissait toute liberté au concile de réformer sa cour et sa per-
sonne, du moins en ce qui intéressait le bien général de l'Eglise.
Les légats n'en hésitaient pas moins, se demandant s'ils commen-
ceraient par ce point spécial ou par une réforme plus générale de

l'Église universelle. Séripandi penchait vers le premier parti; elle


inspirerait plus de confiance, selon lui, aux dissidents, et même aux
chrétiens partisans de la réforme.
Ses articles embrassaient autant que possible l'une et l'autre face
du problème. Simonetta les soumit aux quatre canonistes romains,
conseillers du bureau, l'archevêque de Rossano, l'évêque de Viesti,
les réduisit
Paleotto et le promoteur de la foi Castelli. Séripandi

Susta, ibid., p. 38-39.


1.

Conc. Trident., ibid., p. 378, note


2. 1 : oblata mihi ah episcopis doctis et piis,
Pallavicini en donne la liste probable, 1. XVI, ci, § 12; Susta, ibid., p. 40,
47.

3. Susta, ibid., p. 42.


CONCILES. — IX. — 21
626 Liv. i.\ . l'impi;issance du concilk

h doiiz(> stir leur un is : souniis à Uoine le U mars, le lendeiiiain aux


ambassadeurs iin|iériau.\, ils furent r(miiiuiui(|ués à la congréga-
tion générale du 1 1 mars.
Le preniier était le jiliis iiii|m>i taul, car il se ra|>|>iir(ait i« la rési-

dence des |u»steurs aii|;rès de leur troupeau. Les autres entraient


dai:s des d-tails assez divers, con(;eri.ant sur les ordres sacrés et les

bénéfices, leur administration comme leur collation, la réforme des


réguliers, les mariages clandestins et ral)tis des (juêtes. Simonctta
était d'avis de mettre ;i part l'article de la résidence, aussi bien

pour accélérer le^ décisions rpie pour éviter au Saint-Siège la dis-


cussion irritante it iiiulile sur le droit di\iii. mais les Impériaux s'y

oyiposèrent et en cela se ^irent ajiprouver j^ar leur maître. La


question resta en -suspens a]>rès la communication des douze articles
aux Pères du concile. Les légats convo([uèrent aussitôt les théolo-
giens inférieurs, et leur soumirent les articles 10 et 1 I siir les ma-
riages clandestins.
Par ailleurs, les définiteurs continuaient à rechercher de leur côté
les abus répandus dans leurs diocèses ou les régions environnantes,
pour comjdétcr et ])réciser l'ébauche qu'ils venaient de recevoir.
Ces travaux d'a]q»roche occu]^èrei.t les loisirs jusqu'aux fêtes pas-
cales; puis pendant ces solennités, du dimanche des Rameaux
22 mars à celui de Quasimodo. 5 avril, les exercices de dévotion
ajiaisèrent et rassérénèrent des Times ]irom])tcs à s'agiter dans un
sens ou dans l'autre.
L'assemblée fut aussi d'autres agents
ai»sorl>ée |
ar la réception

di]tIomati(pies. qui soulevèrent denou\ eaux incidents. Le Lt mars, elle


re^ut, a^ ee une solennité exceptionnelle, l'ambassadeur du Roi

catholirpic.un grand d'Es])agne, don l-'ernando de Avalos. marquis


de Pescara, gouverneur du Milanais. Il ]>résenta ses lettres de créance
et ne înan(jua pas de rajqieler, à l'unisson de ses compatriotes, que
le concile devait contiimer les séances ]trécédentes. Les Impériaux

eurent le bon goût de ne ])as relever le ])ropos. Pour le reste, son

maître témoignait le ]iliis grand zèle et la i>lus hund)Ie déférence


envers le concile. Il retourna quel({nes jours ajirès à son poste d'admi-
nistrateur: son passage resta donc inaperçu et ne fournit que l'occa-
sion de jaser sur les honneurs ([ui lui furent rendus. L'évèque de
Viviers.Giacomo Maria Sala, racontait à son jirotecteur et cor-
respondant de Rome, le cardinal l\'irnèse, qu'en jirenant le man-
dement royal, le ]>remier président l'avait baisé, ce ((u'il n'avait
pas fait naguère pour le mandement imjtérial :
<
^îais cela n'a
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 627
^
pas d'importance », ajoutait-il : sinon pour amuser l'adversaire
de Mantoue.
Cette réception en ouvrit une série d'autres. Le 18 mars,
parut
à l'assemblée, au nom du duc Cosme de Médicis, le Florentin Giovanni

Strozzi; soixante prélats allèrent à sa rencontre aux portes de la


ville; mais Pescara en avait eu quatre-vingt-dix. sur cent quarante
environ. Le 20 mars, l'agent des huit cantons
catholiques suisses,
le chevalier Melchior Lussi, présenta l'abbé de Notre-Dame des
Ermites (Einsiedeln), Joachim Eichhorn, procureur du clergé de
ces cantons, et l'abhé de Saint-Maurice en Valais le suivit de
près,
comme représentant l'évêque de Sion. Le chevalier montagnard,
landmann (prévôt, président) du demi-canton de Nidwal, débuta
lui aussipar un conflit de préséance avec l'agent florentin il préten- :

dait avoir le pas sur tous les ambassadeurs non royaux Les légats !

soumirent le cas à Rome, selon leur habitude le pape recourut à :

sa vieille amitié avec le duc, celui-ci se


montra bon prince et ordonna
à son agent de s'abstenir pour le moment, après une secrète protes-

tation, de prendre part aux solennités du concile. Il verrait après la


trêve du temps pascal.
Le lundi de Quasimodo, 6 avril, au moment où le concile se remet-
tait au travail, se présentèrent deux évêques de Dalmatie, ceux de

Csanad, Johann de Colosvary et de Knin, Andréas Dudith Sbardelat.


Chefs de deux petits diocèses de Dalmatie, perdus à la bordure des
Alpes Dinariques, ils se proclamaient procureurs du clergé hongrois
et de son archevêque, primat de Gran ou Strigonie. Ils firent agréer

les excuses de leurs compatriotes, les évêques de la Dalmatie inté-


rieure, opprimés par les
Turcs, malgré voisinage de la république
le

de Venise. Les limites étaient en réalité tellement indécises en ces


régions, entre les trois dominations (l'Autriche y confinait par ses
territoires hongrois) qu'elles étaient comme en état de siège perpé-
tuel, sur le pied de guerre ou de courses: pour les janissaires otto-

mans, rien n'était sacré de ce qui s'appelait chrétien.


parti impérial ou des modérés grossissait ainsi en face des intran-
Le
sigeants de la péninsule ibérique. Le 14 avril, il fut encore renforcé
par premier prélat français, l'évêque de Paris, Eustache de Bellay,
le

neveu et héritier du cardinal (mort récemment), et plus gallican

que lui. Venait-il pour faire patienter le concile, alors qu'en France

1. Questa mia advertenza non ha molto del soUile, Conc. Trident., ibid., p. 379,
note 7.
G28 I.I\. l.\ . I,' I M l'I ISSAN» 1 1)1 (O.NCILK

OU Ile S»'
|iit'utrinialt tlaiis
les «l(u\ taiiiiis ((iic des |>réj>aratifs de
la guerre civile, nial{;ré les elTorts du j.oiivoir royal ]»our l'eiiqu'rher ?
Celui-ci donnait d'ailleurs à Hojn»- de bonnes paroles (|iif
le cardi-

nal lie lerrare. toujours optimiste, ronlirniait dans ses dépèches,


et (pu- le iM)u\cl and)assad«Mir, (luillart <!•• 1 Isle, s'ctnjtressait i\('

col])orter à travers les cercles romains.


Le ]iai>e les communicpiail aux léf^ats ', mais il
n'y croyaient (ju'à
moitié (19 mars) :
« Le roi très chrétien se mettait peu en ]ieine que
le coniilc fût repris ou continué, il \onlail lui soumettre toutes les

controverses en matière de rdij^ion. La reine-n>ère ordonnait la

jMiMication du sauf-conduit. aussitr)t (pi'elle re»;u. L'ambas- l'eut

sadeur ordinaire, de Saint-(îelais de Lansac, rapiïclé de Home, allait


être nor:inié à Tieiitr (il en était ipiestifui depuis fé\rier mais il ;

revint rendre compte de sa gestion, et la réf^eiite faisait des instances

auprès de l'^errare, comme à Home, jiour ([uc le concile n'allAt ]»as

trop ^ite; elle esjiérait, disait-elle, décider Llisabeth 1 udor à dépê-


cher ses évêques à Trente. Celle-ci sollicitait aussi un répit dans
cette intention, si bien qu'en avril, les Pères ])rirent la nouvelle
au sérieux -, et l'évêque de Fiinfkirchen ]iroj)osa même de lui
écrire.

Quandarriva l'évccpic de Paris, les Pères étaient en elTerx escence


h ])ropos de la réforme. Depuis le 7 a\ ni. ils discutaient le ]remier

article, sui la résidence. L'arclicN ètpie de (irenade ])Osa sans détour

la (picstion du ]irinci]»e de droit di\iii, <pii était enseignée comme


un demi-dogme à la faculté de Salamampie. Il était indis]iensable
de le définir sans délai; vi il en appelait aux théologiens noTiibreux
du concile. Il s'efToryait par là de rétablir l'unité dans le clergé espa-
et comptait sur ra]ipui des T'rançais pour
gnol, qui lui écha]ip;iit.
(pli
le principe servait de base à cet autre demi-dogme, la su]iériorité
du concile sur le pape. Les Allemands eux ne tenaient qu'au fait de
la résidence; les évêrpies de Naples et Nfilan seraient faciles à gagner,
jiarce rpie sujets de Philipj»e II, et les Xénitienseux-mêmes, assez
indé]>cndants d'ordinaire, mais jaloux de leur autonomie. Pour
assurer cette coalition, l'archevêque laissait tomber la continuation
et ses autres requêtes.
Il V avait dans la majorité italienne des esprits indépendants qui se
cabraient parfois devant les directiojis du ]iape, ne les accej)taienl

1. l'allavicini, I. XVI, c. ni, § 2; Susla, p. bO, 51-56, 73.


2. Conc. Tridenl., ibid., p. 4'Î4, 480, 481 rt note 2.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 629

pas sans réserve parmi eux des Vénitiens, ceux d'Orient surtout,
;

plus ou moins imprégnés de singularités orthodoxes. L'archevêque


de Raguse (l'humaniste Beccadelli), l'évêque de Brescia n'étaient
pas cependant de purs Vénitiens. Les évêques de Sinigaglia, de
Modène, de Viviers, le commissaire Sanfelice lui-même — et nous
en retrouverons d'autres parmi les nouveaux venus — ne sacri-
fiaient pas leurs prérogatives d'évêques, garanties, selon eux, par
le
principe de droit divin. Ils travaillèrent, non sans succès, auprès
de Seripandi, pénétrèrent par lui au collège des légats et firent
si bien
que la division, nous le verrons, se mit parmi ces derniers :

Simonetta resta seul à défendre sans réserve les privilèges du Saint-


Siège.
Danscette situation, le pape ne pouvait se dispenser d'interve-

nir, de stimuler, de gourmander même ses légats. Il se cantonna


du reste dans ce point de vue qu'il ne fallait pas aborder la discus-
:

sion de principe (c'était dangereux, de plus inutile et sans portée

pratique), mais concentrer le travail sur l'aniendement des abus


qui s'opposaient à la pratique de la résidence. Il était tout disposé
à faire disparaître ceux qui venaient de la curie romaine; c'était
une affaire de temps et de circonstance. Dans ce cas particulier,
comme pour l'ensemble, il avait besoin de l'appui et de la bonne
volonté des évêques, afin d'arrêter les mesures à prendre; ceux-ci
les appliqueraient ensuite dans leurs diocèses, les feraient réussir

à travers la chrétienté.
Dans les deux affaires, il n'avait pas moins besoin des souverains
et des pouvoirs temporels ;
il fallait tout d'abord les décider à prendre

part au concile par leurs évêques et leurs ambassadeurs. Le plus


difficile serait de leur faire accepter un règlement de résidence qu'ils

respecteraient eux-mêmes, en ne retenant pas auprès d'eux, à leur


service, les évêques qu'ils faisaient promouvoir dans leur entourage,

qu'ils s'obstinaient à considérer comme leurs officiers, et non comme


des pasteurs de diocèses, les auxiliaires du Christ, subordonnés
uniquement à l'Église romaine.
Jusqu'icin'y avait à compter que sur la bonne volonté entière de
il

quelques souverains, le roi de Portugal, les ducs de Florence et


de Savoie. Les autres se groupaient autour des Hasbourgs et des
Valois, qui réservaient ou limitaient leur concours. Ainsi s'explique
la conduite du pape à l'égard de ces maisons, de la première surtout,
dont dépendait le parti de l'opposition hispano-italienne. Il s'effor-
çait en même temps de retenir l'appui de la république de Venise,
630 LIV. I.V. l.'iMPriSSANCE DU CONCILE

jusqu'à lui donner plact' {"lus tard dans le coll«-^e des légats vi\ la

personjie de Navagero. un de ses honuiies de \ aleiir '. Mais à ce


nioniciit les ra|»i»()rts étaient tendus entre les «leiix imissances, à
propos du cardinal Anuilio. <|iif le
|i;i|ie a^ ait préféré au eandidat
dérnodé de N'enise, l'ex-patriarehe d'A<piilée (îiovanni C^riniani;
celui-ci était de jdus l'objet dim ronllit entre le concile et l'hupiisi-
tion romaine. La réjtubli(|iie finit |i;ir se montrer condescendante
envers Pie IV, mais Anuilio ne fut januiis persorui grata au])rès de
son ancien gouvernement.
Ces pourparlers a^ec les puissances chrétiennes se compli<piaicnt
parfois, du fait de leurs ambassadeurs à Konie. Celui de l'rance,
(luillart de l'isle se montrait encore le plus accommodant, mais
l'ambassadeur impérial, Prospero d'Arco, l'était moins, et surtout
ri'!s})a«;nol l'rancès de Vargas. Tous deux j)rétendaient diriger le
concile, et la corresj)ondance du dernier aAcc les évècpies espagnols
envenimait parfois les conflits; ce qui les obligeait à solliciter l'inter-

vention du maître, et même celle du marquis de Pescara, plus souple


et plus adroit ^.

Précisément jiarce que les ambassadeurs poursuivaient des buts


qui s'opposaient les uns aux autres, ils n'en étaient (pie plus gênants :

le difficile était de faire plier leurs intrigues au progranmie de Kotue.

Au mois de mars, un agent bavarois a]»j)orta une complication


nouvelle, en sollicitant, de la part de son maître, la concession du
calice et le mariage des jirêtres. Le docteur Sigisuuind \ iehauser

passait à Trente le 4, était reçu à la congrégation de re jour-là et


excusait le retard de son maître à se faire représenter. Le duc de
Bavière était ])armi les ])rinces allemands le chef de l'ojtjiosition
catholique aux llabsbourgs; son attitude explicpie le peu de bonne
volonté des autres. Le pape renvoya au concile le duc et ses demandes :

mais il ne ])ouvait pas toujours agir de même.


Au concile, les agents di]>lomatiqties ne cessaient de cabaler, et
avec succès quand ils étaient prélats. L'archevêque de Prague, en
sa qualité d'ambassadeur impérial, se signalait entre tous il
aspi- :

rait, semble-t-il, à vouloir diriger le concile. Ainsi le 4 mars, à ]»ropos


du sauf-cfuiduit aux }>rotestants, il adressait aux Pères ime petite
homélie à l'inqiériale sur leurs devoirs de }tasteurs. membres de

1. Osl l'n|>iiiioii motivée do Susta, l. ni, Introduction, j). vii-viii; voir aussi

2. Voir la lettre assez curieuse de Horroniée au cardinal de .Mantovie, du 28 fé-


vrier. Susta, ibid., t. ii, p. 44.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 631

l'Eglise enseignante, monuit Patres ut cum caritate sine fuco et amhi-


tione omnia agantur ^.

Les légats lui opposaient, comme contre-poids, l'activité plus


impartiale du cardinal Madruzzo; celui-ci, en qualité de prince du
Saint-Empire, marchait parfois avec les Allemands et l'empereur,
mais il était évêque de Trente. Tyrolien, moitié Italien, moitié
ultramontain, prince de l'Eglise romaine, protecteur du concile
au nom du pape, et tous ces titres l'obligeaient à jouer le rôle de
pondérateur, de médiateur, rôle propre d'ailleurs à flatter son amour-
propre à ce point de vue, il avait plus d'importance et d'autorité
:

que cardinal légat Altemps lui-même.


le

Au milieu de ces complications, le concile ne pouvait travailler


avec succès que par une entente parfaite, de tous les instants, entre
le pape un programme tracé, suivi et dirigé sans
et l'assemblée, sur

arrêt par le premier. recommandait aux légats l'impartialité dans


Il

leurs rapports avec les Pères et dans l'application du règlement,


de leur accorder toute liberté d'exprimer leur opinion. Aussi se
montrent-ils toujous attentifs à remplir ce programme, même au
détriment du progrès des discussions, qui en furent parfois embar-
pape dut plus d'une fois stimuler leur zèle ^.
rassées et ralenties, et le
Son intervention s'imposa de plus pour maintenir l'accord entre
les présidents, surtout entre les trois
plus considérables, auxquels
leur passé, leur condition sociale ou leur savoir assuraient plus
d'influence sur les Pères Mantoue, Seripandi, Simonetta. Leur
:

action se faisait sentir par un contact quotidien, de tout instant


avec les définiteurs, pris un à un ou par groupes. Chaque légat
agissait d'ailleurs à sa manière et selon son tempérament,
Man-
toue avec sa bonne grâce de grand seigneur, détenteur des faveurs
de Rome, président des débats publics, directeur des travaux pré-
paratoires; Seripandi menait les religieux et les théologiens,
Simo-
netta curiaux, les canonistes, les fidèles soutiens de la préroga-
les

tive papale les autres se défiaient plutôt de ses attaches avec la


:

cour de Rome. Il n'était pas jusqu'à Hosius, qui ne sût négocier


avec succès auprès des ultramontains, Allemands et de l'Europe
du nord, desquels le rapprochaient son savoir et sa longue pratique
de leurs affaires.

1. Conc. Trident., ibid.. p. 372.


2. La correspondance de la Secrétaircrie est assez riche à ce sujet. Susta, ibid.,
p. 40-74.
G32 I.IV. l.\ . 1. IMPUISSANCE DU CONCILE

La reprise dos travaux au temps pascal de 1562.

Le collrpe tics légats n'était pas resté iiiactif })cndant le mois de


mars, pas plus (juc le concile. Celui-ci devait reprendre son travail
où il en était resté à la susjiension décrétée par .Iules III, c'est-à-dire
au sacrement de l'eucharistie, et il avait sous la main les matériaux

abondants que le secrétaire Nfassarelli a\ait collationnés et

apportés à Trente. Par suite, il touchait an pr()I)lèn»e de la

communion sous les deux espèces, qui


négo- faisait l'objet de
ciations à Home de
des princes allemands. Les ]irotestants,
la part
et mêmes des
catholitpies la sollicitaient; c'était en partie pour en
combiner l'octroi que le concile venait de leur expédier un sauf-con-
duit et, de toute nécessité, il leur devait laisser le tenq>s de venir.
Restait la réforme in capife et in nienibris, sur laquelle le pape

donnait toute latitude. Il tenait à res]>ecter les usages et privilèges

particuliers aux nations, églises et diocèses, et ne désirait que


la correction des abus (jni les compromettaient. En conformité
avec son désir, les prélats espagnols et italiens remirent aux légats,
dans le courant du même mois, un certain nombre d'articles de
réforme ayant trait à leur ])ays, j)lus ou moins faciles à débrouiller,
à rendre réalisables, en les faisant cadrer avec la réforme générale

que l'Église enseignante devait jtrésenter tout d'abord.


Ce ])remier travail souleva toutefois quelque divergence entre les
présidents, je veux dire entre Seripandi et Simonetta. Le ]>remier
voulait lier la réforme générale à celle de la curie, entre]»rendre
de suite une restauration sérieuse, qui ne s'encombrerait pas de cet
entassement de nouvelles motions. Simonetta, soucieux de mettre
la cour de Rome hors de cause, s'efforçait de retarder cette réforme,

en la surchargeant d'amendements locaux; de la rendre aussi éten-


due, aussi générale (jue possible, pour en réserver le règlement à
une assemblée ])lus noml)revise, plus œcuménique, jnir suite plus

cajiable de déterminer les besoins de la chrétienté, et d'y satisfaire.


Sur ces divergences entre les légats se greffaient celles qui avaient
trait à la résidence, devoir essentiel des pasteurs et duquel procé-
daient tant d'abus. Les Pères en admettaient unanimement la néces-

sité; d'ailleurs jtersonne ne contestait au pape la prérogati^ e, décou-


lant de sa primauté et qu'exigeait le bon gouvernement de l'Eglise,
de décider quelles exemptions comportait la résidence, de dis))en-
ser de celle-ci en certains cas prévus par !e droit. C'était d'ailleurs
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 633

la conséquence d'une autre de ses prérogatives, non moins nécessaire


à la vie de l'Eglise, devoir de fixer aux évêques par l'institution
le

canonique, comme d'une manière générale aux diocèses, la portion


de territoire et les limites dans lesquelles s'exerçait la juridiction
pleine et entière de l'Ordinaire.
Le débat surle principe de
l'obligation, que nous avons men-
tionné, avait son importance, qui variait selon que ce principe pro-
cédait du droit divin ou du droit ecclésiastique, de Jésus-Christ
directement ou par l'intermédiaire du pape. Dans le premier cas,
l'évêque relève directement de Dieu, et ne doit au pape que la subor-
dination que Jésus- Christ lui impose et qui dérive de l'institution

canonique; les défenseurs de la thèse admettaient d'ailleurs toutes les


conséquences de celle-ci. Les gallicans en concluaient que les évêques
sont les égaux du pape en quelque manière, comme dans le
corps
humain les membres sont les égaux de la tête. L'Église enseignante
est donc un seul corps, composé de tous les évêques, et cet ensemble
réuni en un tout, en un concile général par exemple, est supérieur
au pape, qui en reste toutefois la tête dirigeante.
On comprend que Pie IV ait mis tout en œuvre, à l'exemple de
son prédécesseur, pour écarter un débat dangereux, et d'ailleurs
inutile. Les deux théories du droit divin et du droit ecclésiastique se

partageaient la chrétienté par nations, par universités, par écoles


de théologie la question restait insoluble et l'Église enseignante
:

avait d'autres embarras à surmonter, des travaux à poursuivre, des


conclusions à prendre. Les Impériaux réclamaient cette discussion
comme un moyen de gagner du temps, jusqu'à ce que le concile fût
assez nombreux, en mesure de recevoir les protestants, d'établir la
réforme en leur faveur. Et ils ne se cachaient
plus maintenant pour
demander que le concile prît patience jusqu'à la prochaine diète,

qui ne se réunirait, avouaient-ils, qu'au mois d'août ^.


Pie IV souhaitait que les légats écartent eux-mêmes le débat,

pour en éviter ennuis et lui épargner l'inconvénient d'intervenir.


les

Il leur en écrivait le 18 mars et leur recommandait formellement la

mesure; mais les légats ne s'accordaient toujours pas. Simonetta


réclamait l'ajournement de l'article 1^^ du projet de réforme, qui
statuait l'obligation de la résidence, et Hosius penchait vers cette
solution. Seripandi voulait la discussion immédiate, complète et
le premier président ne voyait aucune raison de l'ajourner.

1. Pallavicirii, 1. XVI, c. xxvii, § 3.


634 i.iv. i.v. l'impuissance du concile

liC ]iinj(i loiiihail .sur iiliisicurs l'oints aux afTîilres de la 1 )alerie


et (!«' radniiiiistration romaine et ne pouvait rtre fni'un essai; en
le souMiottant à Rome, .Nfatitoiie avait «'Xprinié !<• \(i u unanime
des Pères de le \ oir aboutir, avec le concours (sans arrière-pensée)
de la tour itmiainn. Le 21 mars, le cardinal RorronuM* lui mandait
de ne pas difTércr da\antage le débat, autrement il risfpicrait de
retarder la session du K» mai, rc (|u'il fallait éviter à tout prix. Abor-
der iiTunédiatemcnt le dogme où il r<.\ était resté sous Jules III,
en \:->r>'2, serait conforme au programme inauguré ]»ar Paul III, et
le concile continuerait, sans l'inditpier expressément. Tftutefois
la réforme n'était pas h négliger et, sil'assemblée ne ]»ouvait escpii-
ver la discussion sur le principe de la résidence, elle devait
l'alTronter sans hésitation ^.

l'^n fait, Pie I\ abandonnait la conclusion à la rcs])onsabilité des


légats, de ceux d'abord qui, comme .Mantoue, voulaient aller de
l'avant. Ils avaient du reste ajilani les voies du côté de l'empereur,

n)algré son désir manifesté plusieurs fois de voir prolonger la déli-


bération sur la réforme. Delfino, (pii a\ ait du crédit auprès de lui,
réussit à le faire céder et, le 30 mars, il écrivait aux légats (pie Ferdi-
nand leur laissait toute liberté de ïnener les débats à leur guise et
ne songeait nullement, pour sa ])art. à les retarder, encore moins à
les coni})liquer.

Les légats reçurent cette lettre le 6 avril; la séance de ce jour fut


consacrée au discours de récei)tion de l'évèque hongrois (de Knin)
^
qui lit imjiression et le lendemain recommença la discusiou des

articles de réforme, dont les quatre de tète seulement furent ])roposés.


L'archevêque de Grenade l'arrêtacarrément sur le ]iremier. comme
nous l'avons vu (ci-dessus. ]». (i28\ en réclamant la définition de
]>rincipe de droit divin. II fut apiniyè par ses compatriotes, par les
Portugais l'archevêque de Braga, jiar les Italiens d'opinion indé-
et

pendante, Vénitiens et les Orientaux. Ils firent assaut d'argu-


les

ments, de citations, de subtilités et ne furent ]>as toujours heureux.


Ainsi l'évèque de Chioggia. (liacomo Nacchianti. <pii ne reculait

pas de^ ant les thèses extraordijiaires. soutint que les paroles Pasce
oves meas avaient été adressées, non seulement à saint Pierre, mais
à l'ensemble du collège des a]>ôtres, dont le corps é])iscopal est le
Il se fit vivement relever
successeur ^.
]iar son compatriote de Capo

1. Sus la, ihi(L, p. 7 --7.3.


2. l'allaviriui, i6i<i., c. il, § 6.

3. Conc. Trident., ibid., p. 430 ot noie 1.


CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 635

d'Istria, Tomniaso Stella. Il est vrai que celui-ci s'entendit traiter

d'hérétique par l'archevêque de Grenade, qui le somma de se rétrac-


ter ainsi que son partisan Caselli, et en appela même au tribunal
des légats.
La discussion se prolongea passionnée, orageuse, confuse, sur ce

point principalement, en onze assemblées générales, de trois à quatre


heures chacune, du mardi 7 avril au vendredi 17, presque quoti-
diennes. Il y fut question aussi des maux et des abus de la non
résidence, des obstacles qui arrêtaient l'accomplissement de ce
devoir, des mesure à prendre ])our les écarter, des peines et des
récompenses qui les sanctionneraient. Les Pères provoquaient
ainsi un choc entre deux écoles et deux théories, qui s'achar-
naient à se condamner mutuellement pour une définition. Aussi
un des correspondants du concile, l'évêque de Modène, confessait-il
au cardinal Morone que la discussion manquait de tenue et de disci-

^.
pline

Crise du concile et mission de Pendasio à Rome.

La majorité italienne se divisait elle-même: plusieurs de ses


membres soutenaient le droit divin de la résidence, et une grande
incertitude régnait parmi eux pour un résultat quelconque, même
dans le sens de l'ajournement. Les partisans de celui-ci se rendaient
compte de leur impuissance, par suite de leur attache avec la curie
et de leur le pape; ainsi l'archevêque de Rossano
dépendance envers
(Castagna), évêques de
lesCapaccio (Verallo) et de Viesti (Buon-
compagni). Aussi plusieurs d'entre eux proposaient-ils, pour tirer
le concile d'embarras, de renvoyer l'affaire au pape. C'eut été ce

qu'on pourrait appeler un enterrement !

Des apologistes du droit divin opinaient pour une solution ana-


logue, qui consistait à s'en remettre aux légats. Du moment que ces
derniers ne s'entendaient pas entre eux sur ce chapitre, ils seraient
contraints d'en référer au pape. A la tête de ce parti se plaçait
l'évêque de Modène Foscarari; bien qu'il eut été maître du Sacré-
Palais (autrefois du reste, il y avait quinze ou dix-huit ans!), et qu'il
eut gardé des attaches avec la curie romaine, en dernier lieu par

1. Si desiderarebhe piu decoro e pin modestia. Conc. Trident., ibid., p. 465,


note 3.
G36 Liv. i.v. l'impuissance du concile

son protecteur, le cardinal Morone, il donnait libre cours à rori^inalitc


de son es])rit, à riiHlé]ien<lance de ses o])inions, et sa corres])ondance
avec son i^roteeteur en ténioif^ne elle abonde en détails sur la pliy-
:

sionoinie et les discussions de rassemblée. In autre ehroni<]ueur


du concile, le \'énitien Nfiizio C.alini. arche\ è([uc de Zara. »(ui en était

aussi un des oracles, oscillait jKir extraordinaire entre les deux camps.
Une circonstance mininie \ int encore en ce moment comjtli<|uer
la situation. I ,'niiverture et les premiers travaux de l'assemblée
avaient exténué le clu^f du collège des légats, multi])lié et aggravé
les excès de goutte auxquels il était sujet. Il se \ it bors d'état de
diriger les discussions du ne manière régulière, et ses absences plus
le trouble et l'incertitude. Ceux qui
fré(]uentes achevèrent d'y jeter
le renqtlaçaient, comme Seripandi, étaient loin d'a\(iir son doigté,
son prestige; aussi le concile en vint-il à se débattre dans des embar-
ras ])Ius sérieux.
Les absences du premier légat commencèrent le 13 avril, et comme
les séances se tenaient à son domicile, au palais de Thun, elles durent

se transporter ailleurs. Au reste, la salle où elles se réunissaient


devenait troj) ])etite pour l'assemblée, qui ne cessait de s'accroître,
et les chaleurs, en s'accentuant, allaient rendre le local encore plus
incommode aux deux cents personnes et ])lus qui s'y pressaient. Klles
se transjiortèrent donc à l'église Sainte-Marie Majeure, qui par
contre a]>])arut pronqttement trop sjiacieuse, avec une acoustique
dillicile : les Pères avaient de la jieine à s'entendre, note le secré-

taire, ce (pii ajoutait encore à la confusion, et ces complications


nouvelles se firent ]>romptement sentir.
Ce même jour 13 avril, Seri])andi. <pii ]irésidait, rappela au début
que, l'avant-veille, ses collègues avaient proi>osé la nomination de
commissaires ])Our rechercher et rassembler en un sommaire les

em])èchements à la résidence, et cela afin d'abréger et de sim]difier


les débats, puisqu'ils menaçaient de s'éterniser. Plusieurs esjirits
les légats songeaient à étoufTer la discus-
chagrins s'imaginèrent (pie
sion. A]>rès l'annonce de Seri|)andi. on se ])rit à jaser dans les
groupes, on en vint h chuchoter «pie la lil)erté du concile était en
cause; certains se ]daignircnt à mots couverts de l'intolérance des
Et parce que ceux-ci avaient donné aux Pères le temps
])résidents.
de réfléchir,les commentaires prirent corps et s'exagérèrent; puis,

la nuit portant conseil, tout se calma à la séance du lendemain, :

sur une jirotcstation de Seripandi qu'ils n'avaient nullement la

pensée de limiter la liberté des débats, l'assemblée, à l'unanimité


CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 637

moins deux réserves, s'en remit au collège du choix de la com-


mission. Elle comprit trois Italiens, le patriarche de Jérusalem,

l'archevêque de Rossano et l'évêque de Viesti; deux étrangers,


l'archevêque de Braga et l'évêque de Tortose (Matin de Cordoba de
Mendoza) en Aragon, un des rares Espagnols favorables au Saint-
Siège, assez tiède pour le droit divin. Ils se mirent à l'œuvre sans
enthousiasme, se rendant compte des embarras croissants de l'en-
ils s'attaquaient aux
treprise, car princes encore plus qu'au pape, et
ils risquaient d'avoir contre eux la chrétienté entière. Au fond, une
réforme générale s'imposait, mais il ne fallait pas y songer pour la

session trop proche. D'ailleurs l'attention comme l'activité des Pères


étaient attirées sur un autre terrain, et les légats se préoccupaient

uniquement de préparer cette session pour qu'elle fût acceptable


et ils harcelaient la lenteur de Rome par des estafettes pressantes,
même par un agent extraordinaire.
Le lundi 20 avril, le cardinal Mantoue reparut à
la présidence et

date de cette session


la « Des commissions
rappela que approchait.
y travaillaient tant pour le dogme que pour la réforme, et deux
mesures étaient urgentes ^ un vote par oui et par non sur le principe
:

de la résidence, comme l'aboutissant naturel des débats qui venaient


de prendre fin; mais si l'assemblée ne parvenait pas à fixer ce prin-
bien de préparer un décret pour les articles 5 à 12
cipe, elle ferait
du projet général, en mettant toutefois en réserve les numéros 10
et 11 sur les mariages clandestins, pour l'époque où les Français

apporteraient leur opinion, car elle différait de celle de l'Eglise


universelle, et il
y avait là un de ces usages de discipline régionale
dont il fallait tenir
compte. »>

Selon la procédure admise, l'assemblée autorisa le président à


faire rédiger une première esquisse du projet, par huit commissaires.
Le patriarche élu d'Aquilée, Daniele Barbaro, prit place à leur tête;
les autres appartenaient aux diverses nations chrétiennes, c'étaient
les évêques de Paris, de Knin, de Barcelone (Guilhem Cassador),
le Portugais Gaspar de Casai, évêque de Leiria, etc.
Le président passa ensuite au vote; il dut le poursuivre à tra-
vers le tumulte et la confusion -, s'y prendre à deux fois pour le
faire aboutir. Le cardinal de Trente donna le signal du désarroi en

1. D'après Pallavicini, ibid., c. iv, § 19, la motion aurait été concertée d'avance
entre les légats et mise par écrit, ce qui provoqua quelque murmure dans
l'assemblée.
2. Pallavicini, ibUl, § 20, 21.
()38 ll\. I.\. l'impuissance du CONt II l

]icrsistaiit ilaii> >uii iiloli-iilion. Le loiniiiissairn du r-oncilo Sanf«'lioe

y contrihiia par un \ ote analogue :


" A «[iu»i Ixin |M)sti' Ir
|.i(»hl('me,

|iuts<|U(', {lt'|iiiis
clrs M«M'l(«s, ri'lglisc |ii()ir(l<' cuiuiMc bi ia résidence
était de droit eccIésiastMiuc, à la disposition du pa])e.
>•

Le résultat, prjxiamé jtar Mnssarelli, aboutit i» une sorte de i)allot-

tage sur cent quarante et un opinants, soixante-sept se ]irononrérpnt


:

pour If dniil (li\ iii, t ri'uto-trois contre: tronte-huit émirent des avis
divers, ipii se résunuiiont ù peu prés en im rt;n\(ii an i'a]>c. Hare-
inent le concile vécut pareille agitation ce serait sans mil doute exa- :

gérer (pie de soutenir, coniinr le fait laiirialiste bolonais lilippo


Musotti, secrétaire de Seripandi. <|in' et' fui merveille si on écba])]ta
au scbismc. Le schisme viendrait en ce <'as des présidents, (pii ne
s'entendaient pas entre eux. Ainsi lepremicr légat prétendait compter
comme acquis au droit (li\iii <jiicl<pies oj// conditionnels, renvoyant
à Koliie la décision en ce sens. Il aurait (»btenii j-ai
là nue faible

majorité de quatre-vingt voix, mais Ilosiuset Simonetta protestèrent


a\ef énergie: ^^antoue dut renoncera faire |>révaloir son o]iinion.
1! M "y avait plus qu'un ])arti à prendre : soumettre au ]ia]ie la

dillirulté: les légats le firent le jour même ^ en rendant com])te de


la physionomie fpra\ait présentée la séanee :
<i
Ils es])éraient rece-
voir promptement la solution, pendant (pi'ils expédieraient les

autres parties de réforme (y compris les enq)èchements h la rési-


la

dence i avec le concours des deux commissions récemment établies,


et dont ils énuméraient le l'ersonnel.
»

Cette décision de Home, ils laltendaient pimi dantres ])oints.


Elle devait être générale, et jiorter sur la réforme ipii primait tout,
maintenant que le concile avait, de guerre lasse, ajourné les débats
de doctrine juscpi'à I arrivée des dissidents et des nations absentes.
Autant que les légats, l'assemblée attendait du ]»a])e le règlement

de son ordre du jour et. pour ainsi dire, une décision sur son exis-
tence à venir. Les derniers incidents survenus à Trente avaient
rendu la situation incertaine, an point «pie les Pères se deman-
daient, s'ils ne dcAraient pas se disperser.
!)u reste, ils s'étaient beaucoup occupés de la réforme depuis
c|uel(pjes semaines; en ]iarticulier, la cour de Home avait fait l'objet

de leur attention, autant, i»lus peut être rpie leurs diocèses et leur

patrie: il y nxah trop de contai t>. tro|) île liaison inévitable entre

les abus des uns et de l'autre: ceux-ci étaient la cause et la source

1. Susl.". lin,!., p. 88.


CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 639

de ceux-là. Il en était résulté une vraie levée de boucliers, de vives


réclaiTiations contre la curie, qui n'avaient cependant rien de nou-
veau, parce que la situation ne changeait pas et se répétait à chaque
j^'Ontificat. Les légats reçurent beaucoup de plaintes, quelques unes

exagérées et crurent devoir en référer à Rome. Nous trouvons leur


écho dans instructions qu'ils donnèrent à l'agent qu'ils expé-
les

dièrent JO avril, le théologien Federigo Pendasio, l'homme de


le

confiance et de conscience, le conseiller intime du premier légat ^.


Toutefois ces instructions, d'un ton énergique et décidé, ne furent
pas mises sous les yeux du pape et n'avaient d'autre objet que de
diriger le négociateur dans ses conversations avec Sa Sainteté.
Elles supposent, ce qui n'est pas tout à fait exact, que le pape
n'avait pas réalisé d'amélioration inqiortante dans son entourage,
depuis un quart de siècle. Elles renouvellent, de la part des Pères,
toujours les mêmes }.laintes contre les collations de bénéfices, les

procès, les exemptions, des nonces, les agissements en un


les facultés

mot des curiaux. Elles demandent par suite que le concile puisse

procéder à la réforme générale, en tenant compte des besoins parti-


culiers de chaque }>ays, en même tem.ps que se poursuivrait une
réformée sérieuse et radicale de la cour romaine. Elles sollicitaient
une prompte réponse aux articles récemment i)résentés par les
nations et un ]>rogranime conforme, sommaire et pratique, qui

permît d'orienter les travaux du concile.


Pie IV' nous le verrons bientôt, ne travaillait pas avec moins
d'ardeur que ses devanciers, notamment Paul III, à redresser les
abus dans l'Église romaine; il tenait néanmoins à garder l'initia-
tive en cela comme en tout le reste, pour décider de lui-même, se

diriger au milieu de tant de complications. Lorsque Pendasio arriva,


le 20 avril, il avait encore réclamé, depuis plusieurs jours, les réformes
spéciales aux Espagnols ^, qui n'étaient pas les moins embar-
rassantes. Par ailleurs, il se faisait trop bien tenir au courant par
Simonetta, pour ignorer les exigences des Pères et ne pas les prendre
en considération, dans la mesure du possible, mais il était difficile
de les faires cadrer les unes avec les autres, dans une réforme qui
répondît aux exigences générales et locales ! Et il n'était pas au
bout de ses embarras.

1. Susta, ibid., p. 78-81.


2. Le 11 avril à
Simonetta, Susta, ibid., p, 84; voir encore p. 89, extraits de
la correspondance de ce dernier.
640 I.IV. I.V. l.'l.MI'LISSANCE DU CONCILE

Pciulaiit i|u'il se renseignait aiij'rès dr Pcndasio et apprenait


ainsi les (t|>iMinns diverses, même les griefs de Maiilone tt de son
entourage, il recevait les résultats de la séance déploralde du 20,
avec la re(|uêtc des légats, (iii'il \()iilnt hicn décider par lui-même
le princijie de la résidence '. Il lui ét.iil d'autant moins dillicilc de
se ]irononcer, et négati\etiient, (jne. trois jours ]dus tard. Mantoue
et Serijiandi faisaient machine en arrière. Ils se joignaient à la mino-

pour exprimer leur regret sur le reuN oi


rité, :
' Il n'avait été admis

que par une majorité de cinq h six voix et, si le


itai>e inter\'enait, il

y aurait danger (|ue les protestants, «'t même certains catho]i(|iies,


n'en prissent prétexte de crier «pie le concile n'était pas maître
de ses résolutions. Le pontife ferait bien, concluaient- ils, de décli-
ner la resj)onsabilité de toute décision, dans un bref rpii ra]>]ielle-
rait en même temps aux Pères (pi'ils étaient réunis pour résoudre,
en conscience et sous l'inspiration du Saint- Flsprit, les diflicultés
(pii embarrassaient l'I'^glise: et d'ailleurs l'empereur réclamait aussi
la déclar.'ition du princi])e.
Cette jtroposition ne souriait ]>as beaucou]t au ]ia]ie, et il ne
songeait qu'à s'abstenir tout à fait. Le lit aNril, l'andiassa-
deur Vargas avait remis une lettre autogra]>he, par laquelle
lui

Phili]ipe II protestait et faisait protester son agent en termes diplo-


mati(iues contre l'initiative des légats dans l'ordre du jour, et contre
l'ajournement de la déclaration q»ie le concile continuait les sessions

]»récédentes. Le ]»ay»e n'était ])as loin de croire que c'était un cou])


^
monté ]iar l'ambassadeur ;
sa conduite antérieure et la manière
dont il
>'exidi(|ua ensuite rendait la supposition vraisemblable.
Pie IV se contenta de répondre jiar une a]»ologie de sa politicjue
conciliaire, cpi'il confia à rand)assadeur portugais Lorenzo Pérès,
retournant en son pays.
L'incidejit lui fournit un motif de de ne pas intervenir sur
])lus,
le chai»itrc de la résidence : il
ris<piait d'accentuer le conflit avec

Philijij'C voyait poindre à l'horizon, et il s'a]>pliquait à


II, (pi'il
éviter toute entra\e de ce côté. Ou reste, la faible majorité qui
s'était prononcée pour le droit divin reflétait un j'réjugé enraciné dans
resj>rit de beaucoup de chrétiens, et il était inqtrudent de fortifier, chez
ceux-ci conune chez le Roi catholique, le soupçon persistant que Rome

1. Pastor, ibid., p. 211-212, avec les références; Susta, ihij., p. 90-91.


2. Susta, ibid., p. 02-95, 99, 100; avec les renseignements complémentaires de
l'éditeur.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 641

esquivait la réforme, parce que, selon eux, la définition de la rési-


dence de droit divin était un des moyens efficaces de restaurer la
discipline. Rome efîectivement se trouvait en face d'un dilemme, se

prononcer pour le principe de droit ecclésiastique, c'était dangereux;


pour celui de droit divin, c'était se suicider, ou peu s'en faut.
Pie IV fit remettre à ses théologiens
desiderata exprimés les

récemm^ent par les Pères, pour leur faire rédiger un cadre général
de réformes, applicables aussi bien à la cour romaine qu'à la chré-
tienté. Il leur recommanda de tenir compte des derniers articles

envoyés par les Espagnols. Du tout ils tirèrent un ensemble de


quatre-vingt-quinze qui sont à peu près la reproduction
articles,
des précédents ^. Le pape les annota de sa main et les fit porter
au concile par Pendasio, quelques jours plus tard. Cette nouvelle
esquisse annulait celle après laquelle l'assemblée s'escrimait, et

quand communiquée, on était à la veille de la session;


elle lui fut

tout était à recommencer, il n'y avait rien à définir pour cette séance.
A la fin de leur dépêche du 20 avril, les légats avaient fait remar-
quer que les votes négatifs sur la déclaration du principe venaient
des Italiens; par contre les oui, de toutes les nations présentes, y

compris des Italiens, c'est-à-dire les Vénitiens


l'Eglise enseignante :

internationale semblait donc se prononcer pour le droit divin. Ils fai-


saient cependant espérer que le premier parti l'emporterait à une
faible majorité, sous-entendez :
pourvu que le pontife exprimât le
désir que le concile n'allât pas plus loin. En effet, comme dans toute
il ne
assemblée délibérante, manquait pas de prélats indécis, qui se
seraient prononcés, siPie IV avait parlé, et mêmes les quelques Pères
influencés par Madruzzi, qui favorisaient la politique impériale.
Mais, encore un coup. Pie IV n'était nullement convaincu de l'oppor-
tunité d'une intervention quelconque.

Les incidents d'avril et les anxiétés de Pie IV.

Les légats s'efforçaient d'accélérer le travail et, dès le lendemain,


21 avril, faisaient aborder les six chapitres du projet de réforme,
de cinq à douze, le dixième et le onzième étant mis à part pour
l'importance de leur objet, les mariages clandestins. Cette séance

1. Conc. Trident, ibid., p. 465-467 et surtout les notes; 465, note 3; 467,
notes 2 et 3.
642 LIV. I.V. L IMPUISSANCE DU CONCILE

revécutles éinotioiis et Pagitation do la vcili»'.


L'archev('(|iii' de l'rague
crut de sou dc\"oir. cm (jualitc (Vnratnr Cacsariensis, de niori<Ȏner
les Itères sur Ir fiimulte |trécéd<-iit et nt' fit
<|ireu\ cniiuer le scan-
dale. II l)I;niia le renvoi au |>ai»e. l»- ticcjurant intenipestif, puis
s'en prit aux incidents eiix-nn*nies, avr-r une insistance ipii confinait
à la maladresse. Il alla juscju'à dire :
" On aurait ]>u apjilicjuer à
<juclt|iics Pères ce que certains Juifs inurniuraicnl . le jour de la Pente-
cùlc, rontre les disciples de Xotre-Sei<^neur '
: M ii.^to
plrni .siint

(Act.. Il, \:]\

fut un beau tuniiillc


Ce Les plus réservés laissèrent entendre «pie
!

lelieutenant de Sa Afajesté impériale mancpiait lui-même de tenue.


de déférence envers le concile; il serait j^ désirer (pi'il se luontrAt
modcxtiorein rt gratioreni concilio. Ainsi l'évccfue de Leiria et celui
de Caorle en \ énétie. D'autres s'en prirent au cardinal de Mantoue,
comme s il n"a\ait pas su ])révenir cette succession d'incidents.
Le plus beau de l'allaire, c'est que l'archevêque se déclara olTensé.
lui aussi, j)ar les apostrophes fpii lui furent lancées et quitta Trente
sous un prétexte quelconque, mais pour reparaître quelipies jours

aj)rès, le 28. Les annalistes du concile chu<'hotèrent sous le couvert

que l'andiassadeur imjiérial à Home, Prospero d'Arco, avait pro-


vo(jué son intervention, ])arce que le renvoi au pape offusquait
l'empereur.
Bien (pie le premier picsident eut sujiplié les assistants de ne rien
révéler de ce ((uivenait de se ]tasser tlans les deux séances, la veille
surtout, ])ar égard pour la considération fpie la chrétienté devait
h n'-glise enseignante, les incidents s'en divulguèrent les uns après
les autres, gr;\cc à l'indiscrétion native des corres]>ondants. Les
ambassadeurs en informèrent mystérieusement leurs collègues
de Home, «pii, croyant de leur devoir de diriger l'assemblée, à côté
ou h défaut du ]'ape, recueillaient avec soin tout suj)]dément d'infor-
mation jugeaient indispensable h leur cause, et il leur fut facile
cpi'ils
de se les procurer. On ne parla ])lus à Trente que du scandale du
jour ^, et le public fut \ ite au courant. Les cancans et les racontars

allèrent leur train, avec raccomjïagnement ordinaire d'exagérations


et (le légendes. I^a chrétienté fut ainsi informée rajudement, plus
qu'il n'était à désirer, ati détriment de la \ érité et de la justice.

De même que les gens de Trente, aux légats elle leur


elle s'en prit :

reprochait de faire intervenir le pape, nouvelle forme de pression

1. Piillavicini, ibid., I. W'I, r. v, § 'i-5.


CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 643

sur les Pères. circonstance aggravante, la division dans leur


Et,
collège agissait en sens contraire, achevant de dérouter l'assem-
blée. Mantoue et Seripandi consentaient à favoriser au besoin la

déclaration du principe de droit divin; mais Simonetta retenait les


Italiens du côté de la non déclaration. Lui, comme les deux autres,
faisaient de la propagande, chacun en son sens, et captaient les voix

pour leur cause. Bref, l'Église enseignante donnait le mauvais


exemple de l'incertitude, fruit de la division, au moment où les
fidèles en attendaient une réforme sérieuse.
Un peu
de calme était revenu cependant les conseils de modéra- :

tion donnés par les légats et les notables y contribuèrent, avant la

philippique de l'archevêque de Prague. L'évêque de Modène cons-


^
tatait que les séances du 21 et du 22 s'étaient déroulées d'une
manière plus satisfaisante, più piacei^'oli. Les débats passionnants
sur la résidence avaient fait place, il est vrai, aux articles 5 à 9 de
la réforme, où il était question des bénéfices sous tous leurs aspects,

et presque à chaque pas surgissaient les abus de la Daterie et de


l'administration romaine, qui tenaient les esprits en éveil dans un
sens ou dans l'autre. Tout se passa néanmoins sans incident notable.
Le 22, l'évêque de Paris ramenait encore la question de la résidence :

nulle réforme n'était possible sans sa définition, avait-il soin

d'ajouter.
Sous un calme apparent, l'agitation conciliaire prenait toutefois
une forme nouvelle, se généralisait dans les alentours et avait des

échos à travers la chrétienté, ce qui était plus dangereux à coup


sûr. Plusieurs évêques intriguaient auprès de leurs ambassadeurs

pour les faire intervenir, et ceux-ci ne demandaient pas mieux;


d'aucuns calculaient même que les courtisans réussiraient à faire
définir par le pape le principe de la résidence. L'agitation se prolon-
geait donc tout d'abord à Rome et les curiaux avaient, plus qu'on
ne croyait, à tabler sur les impairs de Vargas ^ et d'Arco. Le premier
venait de livrer un assaut, qui ne lui rendit pas (il s'en faut) la faveur
du pontife.
Ces intrigues, que les humeurs de l'agent rendaient plus gênantes,
ne laissaient pas que d'affecter Pie IV, au milieu des embarras de
définitions que le concile lui jetait en plus sur les bras. Il pouvait
néanmoins se rendre le témoignage qu'il travaillait à sa j.ropre

1. Con€. Trident., ibid., p. 418, note 1.


2. Voir ci-dessus, p. 640 et en notes, les références importantes de Susta.
nVi iiv. i.\ . l'impuissance du concile

réforme : Il réiluisail aulaiit i(ik' jidsmI)!»-


Ifs |i(ui\(iiis dv la Sij^na-

turc et de la l'énitencerie, relle-ci In fora ron.scienliae avait attacjué


;

la (iliaiiihre a|>ostr)li(iue : et de tttut < »la l'aiulnso devait porter


au roiifilf les dociiiiients
authentiques, dv la l'i'iii- tels tiuc la liulle

tencerie. Nfais avait à faire


il avec des foit
j)crsonnes puissantes
|iar leurs intérêts et leurs attaches en cette cour^ (des cardinaux
rertainenient, connue les Farnèse)». Le ]ia|ie renterciait enfin, avec
cITusion. (le l'eiiNtii de Pcndaso et allait le
renvoyer à la satisfac-
tion «lu concile.
]*lt' de maladie, avait soutenu un fort assaut de sa
I\ stirtait

goutte et voyait les embarras se prolonger du côté de l'Allemagne,


avec les négociations pour le calice. Il eu était à chercher des a])]>uis,
(lu moment (pie celui de l'Espagne lui faisait défaut. Le 4 juin, alors

rpie la situation s'était éclaircie à Trente, il se ])laignait au])rès de


l'ambassadeur vénitien Girolamo Soran/o, e1 sollicitait le concours
de Sérénissime Seigneurie
la « Il viendrait renforcer celui du duc :

de Florence; en tant que princes italiens, ils seraient en famille et


entre compatriotes -. » Il allait juscpi'à croire, non sans exagérer,
à dessein sans doute, que ces intrigues di]>lomati(pies et cléricales
avaient ])our objectif de faire définir la su])ériorité du concile sur le
pape, y tendaient jtlus ou moins consciemment. Il est vrai qu'il
\- avait aussi d'autres sujets de ])laintc y revenait), du côté
(et il

de ragent vénitien au concile, le vieux Nicolô da Ponte, dont les

agissements ne cadraient pas avec les intérêts delà curie, ]ias plus
qu'avec ceux de son gouvernement. Le })ontife tenait ce que ce t^i

dernier en fût prévenu. 1/aN crtissement décida le dijdomate à se


retirer comme de lui-même.
Le malentendu remontait loin, à l'arrivée de l'ambassadeur, et
avec discours de réception (pi'il ]>rononça au concile, discours
le

dont refusa de donner copie, comme étant sans im]»ortancc, pré-


il

textait-il. de sf»rte «pi'il ne fut ]ias inqirimé. Da Ponte et son collègue

Matteo Dandolo furent reçus le 21, et les honneurs extraordinaires


que les légats voulaient leur rendre, ]iour répondre aux attentions
du pape envers la république, furent ajournés, sous prétexte de faire
réformer leurs lettres crédentielles. qui portaient la mention Uni-
versaleni l'rrlesiam repraesenlans. La réce])tion eut lieu le 25 avril,

1. Ila^'endi) a /arc con pcrsone grandi e mollo inlfressati de la corle. Voir le

passage curieux de sa lettre aux légats, du 28 avril. Susta, p. 99.


2. Conc. Trident., ibid., p. 48'i, note 4.

3. Pallaviciiii, ibul., § 7; Stisf.T, p. 87.


CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 645

fête de saint Marc, patron de la république, dans un local choisi à


dessein, la cathédrale de Trente. On y ramena à cette occasion les
congrégations générales, qui en étaient parties le 13 pour Sainte-Marie
Majeure. Les autres ambassadeurs, les Impériaux du moins, s'émurent
de ces attentions et, pour dissiper leur ombrage, le local fut conservé
jusqu'au 26 mai; mais les chaleurs ne tardèrent pas à exiger un
nouveau changement de ce local.
La veille 24 avril, avait pris fin la discussion sur le projet de
réforme, non sans que les opinants ne se fussent permis des digres-
sions plus ou moins en marge du sujet. A propos de l'article 12,
^
la plupart des prélats firent une sortie contre les ordres mendiants et
leurs frères quêteurs, quaestuarii, qu'il était facile de nmer en moines
vagabonds, gyrovagi. L'archevêque de Braga fulmina contre les
unions de paroisses aux ordres militaires, tels que celui du Christ
en Portugal. Le 8 avril, il avait mentionné les dix-huit visiteurs
plus ou moins apostoliques, dont six seulement à son service, qui
rayonnaient à travers son vaste diocèse, en vertu de la coutume,
et sans la moindre déférence à son égard.
Comme conclusion, le cardinal de Mantoue félicita l'assemblée
d'avoir abouti, et recommanda aux huit commissaires d'élaborer

promptement une esquisse, qui serait transformée en décret pour la

session suivante; pviis présenta, sans trop insister, une ouverture


il

assez étrange, qui figurait depuis quelques jours sur le bureau, et


alimentait la curiosité publique.
Le 14, l'ambassadeur évêque de Fûnfkirchen, puis le 21, son
confrère l'évêque d'Alife en Fouille, l'Espagnol Noguera, émettaient
l'avis que le concile écrivît à la reine d'Angleterre ^, pour qu'elle

évêques prisonniers et les envoyât au concile; les nouvelles


élargit ses
survenues de France dans les derniers temps entreteji aient quelque
espoir d'obtenir d'elle cette générosité. Les légats ne partageaient
pas l'optimisme de ces Pères la motion, en tout cas, allait à l'encontre
:

de la coutume établie dès les débuts, d'après laquelle la correspon-


dance avec princes était réservée au pape. Le premier président
les

fit observer que le résultat premier de la démarche serait d'atti-


rer l'attention de la reine sur les prisonniers, comme la promotion
au cardinalat avait amené, sous Paul III, l'exécution du cardinal
Fisher. Il consentit néanmoins à nommer une commission d'étude

1. Conc. Trident., ibid., p. 469-470; voir aussi p. 419-420.


2. Ibid., p. 480, note 3; 481, note 2.
646 I.I\. IN. I. IMPUISSANCE DU CONtiLE

et. aux deux avaient pus riuitiati\e, il adjoignit aiche-


jtréliits <|ui
I

\
èque de /ara révè(|ue anj^Iais de Saint-Asa]»h, Thomas (iodwcll.
et

Ils ne tardèrent pas h s'aperre\ oir que le eoncile avait été berné, et

ruITaire fut enterrée, selrui la manière de voir du bureau.


Ils devaient l'un et l'antre, (•(mcilc et bnrcau. souper h la dix-neu-
vième session, dont plus qu'une vingtaine de
la date 1rs obsédait :

jours Les connnissaires


(l'i inai^. travaillaient au ]irojrt de réforme,
et c'était tout ils n'avaient ]>as abordé
: le chapitre des eiupèche-
nicnts à la résidence. <pii donnait le frisson. Massarelli n'avait guère
débrouillé ses notes du temps dr .Inles III sur l'eucharistie, et là le
concih- se heurtait à une autre pierre d'acho]q)emcnt. la concession
du calice, (jue réclamaient les hohémicns ainsi que les Uavarois.
Par conqtlaisance pour l'tMiqiereur. avocat-répondant des uns et des
autres, les légats avaient soumis la re( uête des premiers aux arche-

vètpies de Rossann et de Lanciano (Leonardo .Marino,) aux év«'''ques


de Modène et de Hieti ((iianbattista Osioi^; mais le règlement en
revenait au pape, et le \ ieux diplomate «pTétait Mantoue ]iro-

posait d'en user pour obtenir (donnant donnant rpie ! i le monarque ne


s'opposîU plus à la continuation du concile.
La session s'annonçait assez jieu chargée; il était à prévoir (|ue
les Allemands et les h'rançais en ptoliteraient reprendre les
j>our
manèges d'ajournement, dont ils avaient embarrassé le concile
([ueUfues mois aiqiaravant. Ce fut ce cpii arriva: toutefois ils se
montrèrent bons princes. Le 20 a\ril. l'assemblée avait eu connais-
sance dune lettre dans laquelle l'ambassadeur Lansac annonçait
de France, sa prochaine \enue avec deux collègues, et priait les
Pères de retarder la session de deux ou trois jours, ]>our qu'il jnit s'y

présenter en tout honneni Le concile les attendait depuis si long-


-.

temps (pie le
parut une misère, en comparaison du temps
délai

perdu. Néanmoins, le débat se heurta de prime abord a une opposi-


tion qui le fit ajourner il méritait plus mure délibération.
:

Il
longuement et sans succès le '2H !•> Romain Castagna
fut rei)ris :

faisaitremarcpier que la date arrêtée l'avait été en session et qu'elle


ne devait être changée que selon la même formalité. L'archevêque
de (irenade l'aïquiya. et les Rspagnols jetèrent feu et flamme sur
ce prétendu man(fuement au droit canon. Ce ne disaient pas,
qu'ils
mais ]iersonne ne l'ignorait, c'est que leur ambassadeur, le marquis

1. Sust;., ihifl., 1(1-2.


p.
2. Pall.Tvirini. ibid., I. XVI. c. v, Jj
9-13.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 647

de Pescara, devait être reçu enla même session et le bureau voyait

poindre à l'horizon un conflit de préséance dans la rencontre des


deux ambassadeurs. Le cardinal de Ferrare écrivait même que
Lansace avait l'ordre de quitter Trente, s'il n'obtenait pas la pre-
mière après les agents impériaux
jilace les légats commençaient
:

à se préoccuper de ce nouvel embarras dans leur


correspondance
avec Rome.

Le problème des préséances.

La majorité se montrait plus accommodante que les Espagnols,


estimant qu'il était facile de satisfaire les Français, sans toucher
au droit canon. Le premier président présenta le 30 avril une solu-
tion élégante la session ne serait pas retardée, mais elle se borne-
:

rait à la réception des ambassadeurs survenus depuis la précédente.


Elle ajournerait la promulgation des décrets à une autre séance, qui
se tiendrait dans la huitaine, et qui servirait en même temps à
recevoir les ambassadeurs français. L'assemblée esquivait ainsi le
conflit de préséance et se réservait le répit sulïisant pour le résoudre,
avec concours ou par l'intermédiaire du pape. Ce conflit allait
le

prendre de l'importance et se généraliser, en se renouvelant à chaque


réception d'agents diplomatiques ^.

Le 1^^ mai parti allemand s'accrut des Bavarois, le docteur


le

Augustin Paumgartner et le théologien jésuite Jean Couvillon,


professeur à l'université d'Ingolstadt, celui-ci remplaçant Staphy-
lus, qui restait au service des liabsbotirgs en même temps qu'à celui
de ses princes. Paumgartner déclara aussitôt qu'il avait ordre d'exi-
ger, lui aussi, le premier rang après les ambassadeurs royaux, avant
les Vénitiens par conséquent et les Suisses. Le conflit se doublait,
se triplait; mais les légats avaient d'abord à le régler entre Bavière
et Venise, celle-ci s'étant habituée à marcher de pair avec les souve-
rains. Hosius, qui avait la confiance des Allemands, s'interposa et

décida les Bavarois à solliciter un changement dans leurs instruc-

tions; leur admission futdonc retardée à la seconde session posté-


rieure comme celle qui la suivrait, du reste, cette session se trou-
;

vait livrée au hasard d'une foule d'incidents, et la question de

préséance restait un accessoire.

1. Et déjà à l'arrivée des Suisses (ci-dessus, p. 617) ; Susta, p. .53-54.


G'^lS Jl\ IV. I.'iMPl'ISSANCE DU CONCILE

Les légats avaient fait dresser ]i.ir Paleotto, leur cannniste de


confiance, un décret de jnii rérénionial. f|ui justifierait <n celte

première session rajournenient de toutes définitions '. « L'assem-


blée voulait, pour dtMinrr j.Ius d'autorité ù ses décisions, soit de
réforme soit de
attendre l'arrivée des autres nations,
dortriiu-,
dont les
représentants étaient en route et s'associeraient ]irochaine-
ment, sans faute, au travail commun. » Ce texte, soumis aux Pères

le 7 mai. souleva tout de suite de vives protestations, et de divers


cAtés. Ainsi les lépats avaient résolu d'annoncer la continuation, pour
mettre récentede Philippe II et de N'argas, mais les
(in à l'olVensive

Impériaux s'empressèrent de ])rotester le 6, et encore le 8, et firent


supprimer le membre de jihrase quac dogmata supersunt dc.spicienda,
qui martpiait cette continuation. Ils ne man(p!('ienl pas de ra|)]'eler
<pie le bureau a\ ait la coutume louable de leur comiminicpier les

articles et matières de l'ordre du jour, a\ ant de les soumettre à


l'assemblée.
Noiivelles i>erplexités des pauvres légats : les Impériaux avaient
conclu un accord avec les Espagnols, d'après letjuel ceux-ci devaient
se contenter de l'engagement qui leur serait donné j>ar écrit, qu'à
sa conclusion le concile j)roclamerait formellement la continuité
de ses travaux, l'unité de ses décisions: les coalisés ajoutaient cette
condition que le princijie de la résidence serait défitii ii la session
(lu 21 mai, ou du inoins à celle qui viendrait ensuite.
Le lendemain 0. les Espagnols intervinrent à leiir tour. Leurs

délégués, les archevêques de (Irenade. de l'raga et de Messine, (las-


pard Ger^anlcs celui-ci au nom du clergé de Sicile- ne se conten-
-

tèrent pas de réclamer auprès des légats le décret sur la résidence,


comme ils en étaient convenus avec les
Inq)ériaux; l'évêque de Paris
Irviiavait jiromis là-dessus ra])|»ui des Français. Ils prétendaient
en outre faire maintenir dans le décret en préparation les termes quae

.supersunt : C'était \v moins qu'on put leur accorder, car,


ajoutaient-ils. ils a\aient ordre de leur souverain de faire sur tout
cela des instances énergiques, ufficio gagliardissinw. Ils consentaient
néanmoins à patienter jusqu'à l'arrivée du marquis de Pescara, qui
s'annonçait prochaine et sim})lificrait tout.
Les légats n'en décidèrent ]>as moins de supprimer, avec le terme
incriminé, tout ce fpii, dans le texte de Paleotto, semblait indiquer

1. Lo résumé do Pallavicini, ibitl., c. vi, § 5-10, s'éclaircit avec les observations


tic Susta, p. 102-10',.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 649

la continuation. Le décret fut réduit à une simple formule d'ajour-


nement, à laquelle serait jointe la date de la session suivante, date

qui n'était pas encore fixée. Ils se bornèrent à changer quelques


mots, sur lesquels ergotaient certains théologiens espagnols, tels
que le jésuite Torrès. En même temps, ils firent partir les réponses
qu'ils méditaient depuis quelques jours contre l'offensive récente
des Espagnols à Rome. Ces réponses allaient au nonce Crivelli,
en Espagne ^.
Auprès de Philippe II, ils se justifiaient sur tous les points par

l'exposé de leur conduite passée : « Ils n'avaient rien fait, rien proposé

d'important sans prendre l'avis des Espagnols, et surtout de l'arche-


vêque de Grenade, car ils sentaient bien que le coup venait de lui,
aussi bien que de Vargas. La formule proponentibus legatis avait
été acceptée par lui et par les autres, comme par l'assemblée géné-
rale. Tous les Pères, sans en excepter l'archevêque (ils avaient garde
de le nommer par ailleurs, mais avançaient le dési-
les faits qu'ils

gnaient assez), avaient toujours eu liberté entière de soumettre au


concile telle proposition qui leur semblait avantageuse à l'Eglise
universelle. la déclaration expresse qu'exigeait Sa Majesté
Quant à
catholique, ne pressait pas tellement, puisqu'elle se réalisait
elle

chaque jour dans les travaux du concile; elle n'aurait d'autre résul-
tat que de scandaliser certains croyants, d'indisposer un peu plus
les non- croyants. Ils étaient d'ailleurs prêts à donner cette déclara-
tion prochainement, du moment que l'empereur ne s'y opposait

plus, ainsi
que le roi le
prétendait croyaient du moins
» : les légats le

le 7, quand ils expédièrent cette apologie; mais en quarante-huit

heures tout avait changé, par suite de la coalition entre Espagnols


et Impériaux.

La réponse du pape et la XIX® session.

Comme ils avaient bien soin de le signifier à leurs adversaires, les

présidents attendaient la décision du pape, que Pendasio


devait leur

apporter. Il avait quitté Rome


le 3 de ce mois de mai, fut arrêté

eut une épaule démise


par une chute de cheval dans le Mantouan,
et dut s'aliter en chemin. Le cardinal de Mantoue envoya aussitôt un

1.D'après Pallavicini, 1. XVT, c. vi, § 5-10, avec les explications de Siista,


p. 102-104, dépêche du 7 mai.
650 .IV. I \. I. IMI'l ISSANCE DU CONCILE

autre de ses fainili«'rs. (îiiuifrunccsco Arrivahciic, cueillir par écrit


les instructions orales <|u'il ap|»ortait, avec les pièces h rap]iui, et
les légats furent proniptenu-nt en possession du tout, far jt; 11. ils

remerciaient Morromée. Pendasio arrivait en nirine temps et com-


plétait ces indications, avant la session du 14,
Klles se résunuiient à |>eu ]»rès ainsi : « Pie IV renoiivail n se jtro-
noncer sur le ]>rincipe de la résidence et ajournait cette décision
à des temps plus favorables, il a\ ait entrepris la réforme de la curie

et envoyait une bulle ipii fut publiée le 4 mai, ]»ar hupielle il réorga-
nisait compl«'tenieiit la Pénitencerie et rédi;isait ses pouvoirs au seul
domaine la réforme n'avait pas progressé davantage,
spirituel '. Si

emjtècbé par une maladie récente. Il voulait


c'est (pi'il ou avait été

continuer sans arrêt cette réforme de sa cour et de l'I^^glise romaine,


pendant cfue le concile entreprendrait celle de l'Kglise universelle, à
lacjuelle il aiderait de son mieux. >>
Dansde créance, dont il
la lettre

munissait Pendasio. le])ontife s'y engageait comme un bon pape,


un bon gentilhomme et un bon chrétien et de ]>lus à emj)loyer en œuvres
;

pies les com]>ositions de la Daterie: elles seraient désormais tout à


fait conformes à la justice et à rhonncteté.
Pie l\ exhortait ensuite les légats à rester d'accord entre eux,
unis à lui jiour é\ iter les confusions et partis qui avaient signalé les
dernières séances du concile. « Ils devaient ]trocéder avec méthode,
en toute ]»rudence. uniquement soucieux du bien général de l'Eglise
et sans se j)réoccuper des requêtes ]>articulières des nations, qui

seraient au détriment de la cour romaine. " Dans ses instructions


N erbales. jiassait en revue un certain nombre de réformes de détail,
il

sur les({uelles il imitait les légats à s'entendre avec lui, et avec le


concile '-. l'^nfin, pour faciliter cette entente, il avait adressé des

rei>résentations à l'enqiereur sur l'attitude de l'évêque de Fiinfkir-


chen, ainsi qu'au roi d'Ksj'agne sur celle de ses prélats, et il
comptait
que ceux-ci se com])orteraient mieux à l'avenir.
Pendasio ai»])ortait les fameux ipiatre-vingt-cpiinze articles,

enqiruntés aux requêtes récentes des Esj)agnols. qui devaient servir


de base h la réforme générale envisagée par le concile. Les cardi-
naux Porromée et Gonzague neveu les avaient condensés eux-mêmes;

puis cadre avait été soigneuscntcnt étudié par \ine conuuission


le

de sept cardinaux, qui les avaient annotés chacun de son côté;

1. P.istor, p. 21.3 rt note .3; Sust.i, p. 107-108.


2. T.xtr .lans Siiat.T. ihitl.. p. 109-1 H.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 651

le pape lui-même avait ajouté ses observations ^, les avait consi-


gnées en marge de chaque article. Néanmoins, il réservait les onze
derniers, qui se rapportaient à la cour romaine, pour les faire exécu-
ter lui-même, et laissait aux légats toute liberté de se servir des
autres, avec recommandation de lui soumettre ce qui touchait
la

à sa personne il en dresserait un décret à


:
part avec la mention
sacro approbante concilio. Sa Sainteté promettait de compléter ces
articles par ses réponses à d'autres, que Pendasio lui avait remis de
la part du cardinal de ^lantoue, et qu'il n'avait pas encore étudiés.
Cette première esquisse touchait à la plupart des grands problèmes
que soulevait la réforme des abus : la discipline, les sacrements,
les bénéfices et les procès en cour de Rome, le culte, les images,
les
indulgences, l'Inquisition, même
jeux publics, les les comme
courses de taureaux. Elle faisait quelques réserves, rappelait que
le concile ou des conciles antérieurs avaient déjà réglé en ])artiè

certains articles; le pape laissait entendre qu'il allégerait la cruzada


d'Espagne, de concert avec le Roi Catholique, mais que les exemptions
des religieux devaient être respectées, etc.
La cour de Rome avait témoigné, ainsi que son chef, une vive
surprise et du mécontentement à propos de la tentative de défini-
tion du droit divin ^. Ce blâme indirect, habilement exploité par
Simonetta, décida ses collègues à renvoyer la discussion sur la rési-
dence au sacrement de l'ordre. Ils pouvaient maintenant aplanir
sans peine les autres obstacles, qui arrêtaient les deux sessions. Le
marquis de Pescara y contribua, dès son arrivée le 10. Les Espagnols
essayèrent en vain de le circonvenir, à propos de la résidence, il
ne les écouta guère et admit la combinaison que lui soumirent les

légats.
eut avec eux, ce jour même, une longue conférence sur toutes
Il

les matières de l'ordre du jour, sans excepter l'Index de l'Inquisi-


tion d'Espagne, que les légats abandonnèrent. Par contre, l'ambas-
sadeur consentit à une courte prorogation, de quelques jours seule-
ment, de la session à fixer, cela à la demande des Impériaux, car ils
avaient besoin de ce délai pour solliciter des pouvoirs les autorisant
à fermer les yeux sur la continuation. Il admit le droit d'initiative,
tel que les légats le revendiquaient dans leur apologie récemment
envoyée à Philippe demanda d'être mis sur le pied des Impé-
II. Il

1. Ihid., p. 112, le texte p. 113-121; Pallavicini, ibid., c. viii, § 1.


2. Susta, ihid., p. 126.
652 1.1 \. I.V. I. J.MI'l l.>.sA.Nt;i: ou CONCILE

rmux jioiir la tniiiiiiuiiiiiitiiiii au j»rpalal)le tics matières à l'orilre du


j'uir tic
rlia«|nc séance.
I,c plus laborieux |M)ifa sut- la tontiiiiial inu
(Icliiit le j'cscara :

consentit (inalenienl à ce (pic la tléclaration en fut ajournée (comme


le désiraient les légats) h la lin du concile, |Miur\ ii
cjuc, dans les
débats sur la reforme ou à leur suite, l'assemblétr renouvelAt la
mention tics articles )»récédemment arrt'tés. Les présidents lui
remirent le l'i une |iromcssc générale ]iar écrit. Il
acce])ta encore
<|ue la session de te jour ajournAt les décrets en discussion; la sui-
\ante fut lixéc an '»
juin, eoiuiiie le demandaient les Imjiériaux.
La tlix-neu\ iènie sessn»n fut iI<mic sans grande importance et se
tint devant
and)assadeurs, dix nttbics, dont un (it>nzague,
luiit

petit ])arent du premier légat et soixante et un théologiens, témoins


de rr.glise universelle. La messe fut chantée
jjar le patriarche de
Venise Giovanni Trevisano et le discours en latin prononcé par
l'humaniste Jean Hcroalde, évèque de Sainte-Agathe des Goths
(province ecclésiastique de Hénévent^ Il célébra la souveraine
autorité de l'épiscojjat, à faire frémir Serijuuidi lui-mt*mc, tjuine put

pas lui faire sup])rimer l'épithtHe de sumniam ^.

Les cent soixante-trois Pères, après avoir renvoyé les discussions,


voulant les mûrir, les ap])rofondir et comj)léter les définitions, admi-
rent solennellement les ambassades tjui s'étaient ])résentée8 les

tlerniers jours après martpiis de Pescara, celles de Florence, de


: le

Venise et les deux évt'ques de Hongrie. Ceux-ci allaient former, avec


l'évèfjue de Fûnfkirchen, une Ëglise nationale de plus et celle de
France a]>prochait, ]»récédée de son ambassadeur. La situation se
mais la cour de Rome avait pris ses précautions pour
com]>li(piait,
dt^muier les événements dans la mesure du possible.

La pape donne l'exemple des réformes.

De leur côté, les légats avaient fixé, dès le mai, 1«î ])rogramme I I

h remplir'^ pour: la session suivante, le décret de réforme qui était


sur métier; pour les autres, d'abord ]iour la deuxième, la commu-
le

nion sous les deux espèces, selon les instances des ambassadeurs

1. .\ii <lirr «le Sinionolt.T qui on profiti* pour d.Tuhrr sur It'S liiimam'stos fiers
de leur brati parler. Siista, p. 128-120.
2. IhiH., p. 122-123.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 653

allemands; pour le sacrement de l'ordre. Le lende-


la troisième,

main, ils aux Pères un nouveau texte de réforme,


faisaient distribuer
refondu par la commission au moyen des matériaux que Pendasio
apportait de Rome. Ce décret avait subi des vicissitudes. L'esquisse,
dressée après les débats clos le 20 avril, renfermait, à propos de la
résidence ^, des arrangements qui laissaient au pape et aux ordi-
naires quelque latitude pour la faire observer; de plus à ceux-ci
la faveur de deux mois de congé par an. Dans les régions éloignées
de Rome, le métropolitain en dispenserait comme délégué du Saint-

Siège, après jugement motivé. Plus que jamais, il était question de


définir le principe, il fallait en finir; le dernier projet fut donc sou-

mis, pour en avoir le texte définitif, aux quatre canonistes du collège


des légats, qui représentaient la discipline romaine Castagna, Buon- :

compagni. Paleotto et le promoteur Castelli. Les nouvelles surve-


nues de Rome, et qui racontaient une véritable levée de boucliers
contre le droit divin, firent abandonner le projet. Les quatre commis-
saires savaient toutefois maintenant ce qu'on y pensait et devaient
établir leur programme de réforme en conséquence. Ils pouvaient
d'ailleurs compter sur l'appui entier du pape, qui leur montrait le
chemin depuis r(5uverture du concile en décembre, il s'était efforcé,
:

pour ce qui le concernait, d'alléger la tâche des Pères ^.


Il avait eu tout d'abord à livrer une vraie bataille contre les

cardinaux, à propos de la bulle du conclave; ils se montraient peu


disposés à subir les rigueurs et les limitations qu'il prétendait leur
imposer, au cas où les scrutins tireraient en longueur. Toutefois
le cardinal Pio da Carpi, sous-doyen (et doyen en fait, le cardinal
de Tournon étant en France), qui s'était montré le plus récalcitrant,
finit par céder et signa la bulle. Elle fut publiée en janvier 1562 et

appliquée en toute son intégrité



surtout pour la clôture au —
conclave suivant, où elle obtint desrésultats appréciables, car ce fut

le conclave de saint Pie V ^.

En même temps que Sacré-Collège, Pie IV entreprenait le clergé


le

romain et renouvelait d'abord les anciens règlements sur le port


de l'habit ecclésiastique. Le motu proprio parut le 1®^ février, avec

1. Pallavicini, ibid., c. vni, § 1. L'esquisse dressée par Paleotto dans Theiner!


Acia genuina concilii Trident., t. ii, p. 558 sq.
2. Sur les réformes de Pie IV jusqu'à mai 1562, cf. les Awisi di Roma et autres
documents contemporains publiés par Pastor, pièces justificatives, vP^ 40 à 58.
3. Voir le volume suivant de Pastor, t. vni, Plus V, p. 8. Le conclave dura

cependant du 20 décembre au 7 janvier.


65'! I.IV. I.V. 1, IM l'I ISSA.NCi: DU <;O.N Cl I.K

excoiMiiiunii-iitioi) de tout coiitreveiiiuit|u»iitiff agfîravait l.c 21. Ir

cette sanction d'jiim'ndcs,


etnprisoinuMueiit tu ili-niier ressort «-t

de }»rivation de bénéfice r\ incapacité d'en jiossédcr à l'avenir. 11


avait rejeté toute excuse et excejition, et exi^é (|ii«" le décret s'apjdi-

<|nàt dans les huit jours.


Il abordait vi\ même temjts la réforme des services curiaux les

plus importants, la Daterie, la Pénitencerie. Les intéressés firent


front .selon leur habitude, avec d'autant plus de décision (pie le
(irand Pénitencier Hanuccio Farnèse, cardinal de Saint-Ange, i»rit
la tète de l'opposition les réformes lui faisaient perdre ciinf mille
:

ducats par an. Au mois de mai. les ollices de la curie avaient baissé
de plus dv la moitié de leur jtrix ceux rpii s'étaient vendus cinq, :

six et sept plus que deux et trois mille.


mille écus n'en valaient
Pie IV supprimait une foule de coutumes et ])riviléges se rapportant

aux collations de bénéfices ncce.ssus, regressiis, coadjutnria, confi-


:

(lentia, les indulgences dites vii'ae vocis oracula. Le camerlingue i»er-

dait les pouvoirs qu'il exerçait sede vacante, dadjiiinistrer le domaine


teniporel de l'Fglise romaine.
Le pa]te résista à toute intercession en faveur des plaignants, de
quehpie puissance qu'elle vînt. Il dut néanmoins renoncer, comme
II arriN e toujours, à obtenir de suite un résultat comidet et s'en
remettre au tem])s. Il accorda du moijis aux curiaux (pielque com-
jiensation. jiar transfert d'avantages financiers dans la réforme de
la Pénitencerie. La bulle du 4 mai 1502. cpie nous avons mentionnée,

transportait aux autres tribunaux les attributions multijdes de for


externe *. que ce ministère avait exercées jus(pie-là, et le réduisait
à ses pouvoirs in fora conscienliae. La Daterie notamment hérita des

dispenses dont disposait le grand ])énitencier


on s'explicpie la résis- ;

tance de celui-ci. ( hiatre de ses collègues, peut-être davantage, pré-

sentèrent des observations motivées et obtinrent du paj)e qu'il


ajourntU rinqiression de la bulle. Elle ne fut mise en pratique que

sous le pontificat suivant, et sous le nom de Pie V.


Les résistances, rpie la réforme rencontrait à Rome, ne laissaient
pas que de gêner l'assemblée de Trente, comme
elles gênaient le

zèle et l'activité du ]iapc. Mais sa bonne volonté n'était-elle pas

elle-même ])aralysée i»ar le mampie d'entente entre ses rejirésen-

tants, les divisions qui se manifestaient de|»uis (pielque tenq)S parmi

1. l'.illavicini log^•numèrc, c. vu, § 23; cf. E. Goller, Die papUt.iche PoniUn-


tiairia... bis ziim ihrer L'ntgesialtung unterPitu V, Rome, 1907-1911,1. ii, p. 20 sq.
CH. II. EMBARRAS SUR LA CONTINUATION DU CONCILE 655

eux, et qui ne manquaient pas d'encourager les coteries auxque'Jes


ils avaient fini par se ranger, en se groupant eux-mêmes à part?

Divisions et coteries vont poursuivre leurs intrigues, leur agitation,


la crise va s'aggraver et le pape sera obligé d'intervenir à nouveau,

de prendre des mesures énergiques pour empêcher l'échec final de


l'assemblée, sa rupture ou son impuissance.
CHAPITRE III

LA CR9SE DU CONCILE
(mai-septembre 1562)

Ce qui envenimait la discorde, c'étaient les indiscrétions de lan-


gage, surtout de correspondance, auxquelles certains prélats se
et

laissaient aller presque quotidiennement, à Rome comme à Trente :

nous en avons vu les échos chez l'annaliste Paleotto. Simonetta


lui-même était-il tout à fait excusable, lorsqu'il passait par-dessus
la tête de ses collègues, ne se bornait pas à renseigner le pape, mais

se livrait à des jugements et des considérations fâcheuses.


Il déplaisait aux Pères par ces procédés et par des rapports qui
provoquaient des félicitations, des faveurs aux uns, de mauvaises
notes et des blâmes aux autres ^. Son désaccord avec le premier

légat allait croissant, perçait même sous les formes de courtoisie


et de politesse qu'ils affectaient l'un envers l'autre, et derrière
les protestations de zèle pour du maître et de
le service commum
l'Église. Simonetta allait jusqu'à conseiller la nomination de nou-
veaux légats moins compromis, moins diplomates, moins condescen-
dants pour les Églises nationales et capables de se montrer fermes ^.

Disgrâce du cardinal de IVIantoue.

Il insistait aussi sur la nécessité


d'envoyer au concile un renfort
d'évêques italiens, tout disposés à soutenir la cause du pape; il
envoyait même une liste, dans laquelle celui-ci ferait bien de choisir.
Son appel fut entendu, et dans le courant de mai, une série de lettres
secrètes d'invitation partirent dans diverses directions et furent
soumises aux légats^. En fait peu de ces invités prirent rang parmi

1. Ces détails reviennent parfois dans les documents cités par Susta.
2. Pallavicini, ibid., 1. XVI, c. vni, § 13; voir aussi, c. vni, § 9, la lettre où
Simonetta apprécie les
Espagnols.
3. Susta, ibid., p. 131, sur rintervenlion de Simonetta; voir p. 92 (le 27 avril);
129, le passage le plus curieux (14 mai), etc.
CJ.NCILES. — IX. — 22
658 I.IV. r.\. I. IMI'LISSANCE DV CONCILK

les IN'tps. Dans premiers jours ilr mai, nous \ oyons arriver neuf
les

prélats, tliiiit Italiens seulement et un Vénitien; les autres


ii(ti>

l'^spa^iols iiii
(lépnulant de la monarchie d'Mspagnc '. A la session
(lu 'i
juin, Ir secrétaire insent huit noms d'évè(pjesnouveaux venus,
j»as un Italien : trois Ms|tagnols, dont (!clui de Ségovie, Martin d'Ayala
et trois en leur (pialité d'exilés, comptaient comme
Irlandais (jui,

protégés et partisans de Home. Le renfort (jue sollicitait SinuMietta


se borna aux deux jésuites Salmeron, (|ui fut envoyé à Trente le
8 mai et Laynez, que sa lettre de convocation toucha h T'aris atiprès

du cardinal de l*'errare (0 avril).


Kenf<ircer le concile était iiidispeiisal)le poui neutraliser les

intrigues des I''rançais, si janiais ils venaient à Trente; il n'en


avait encore d'autre assurance que certains propos de bravade,

aux(|uels se laissait parfois aller le cardinal de Lorraine''. Les Italiens,


par leur connaissance du droit, leur tliplomatie et leiir sens pratique,
auraient ]>lus d'action sur les Allemands, et saurait adapter la réforme
aux maux de l'empire. Pic I\' avait des moyens d'agir sur le concile

phis efficaces que l'envoi ])roblémati(]ue de définiteurs. Le lendemain


de la session, les légats reçurent les lettres du 1 1 ',
j>ar lesquelles il

les blAmait davoir laissé insérer dans l'ordre du jour un débat qui
ris(juait de ressusciter les \ aines disputes du xv^ siècle sur la supé-
riorité du cojîcile. >< Ils étaient d'autant moins excusables tjue
rassemblée a\ ait écarté ce débat, au tenq>s de Paul TTI, lorscpi'elle
avait défini le fait de la résidence il ne restait
:
qu'à fixer la moda-
lité de celle-ci. Lne crise avait surgi à cause de leur manrpie d'union;
leur malentendu avait éclaté au grand jour, et pourtant le j.remier
de leur de\ oir, la condition indis]>ensable pour (|ue le concile abou-
tît, comme ne faisant qu'un seul corps,
était leur union ])arfaite,

(onjunclini, dont le pape était le chef unitpie. »


Le Sacré-Collège s'était ému de cette nuinifestation. d'autant
])lu8 (\v.r de mauvaises nouvelles venues,
de France, lui faisaient
craindre qu'on y supprimât les annates et autres ])rivilèges fruc-
tueux. Le ])a])e voulait calmer ces craintes et. en même temps,
remettre le concile dans la bonne voie, ramener l'union et l'entente
entre les Pères, en leur envoyant de nouveaux légats, bons canonistes,
d'orienter les tra^aux en
capables d'éclairer leurs collègues
et : il

1. Theinrr. Acin Concilii Tridentini. I. i, p. 71.'«; Conc. Indent., t. viii,

p. 'J77, Susta I. II, p. 131.


2. Pic IV y fait allusion dans ?a lettre du 11 mai (voir plus bas). Susta, p. 133.

3. Crtto lettre et celles qui suivent in extenso dan.< Susta, p. 132-1'i3.


CH. IIÎ. LA CRISE DU CONCILE 659

proposait trois, parmi lesquels Cicada, que Mantoue avait recom-


mandé avec plusieurs autres.
en avait été question dans les conseils du pape, et aussi du rap-
Il

pel de Mantoue. Le cardinal Borromée et d'autres cardinaux, sur-


tout Gonzague neveu, plaidèrent pour lui, contre certains membres
du Sacré-Collège, les Farnèse, ses adversaires acharnés qui le
desservaient autant qu'ils le pouvaient. Borromée réussit à leur
imposer silence et obtint de son oncle qu'il renonçât à cette
mesure extrême, qu'il se contentât de donner au collège des légats
des conseillers et des suppléants : le choix de Cicada était à peu
près arrêté.
Le secrétaire d'Etat prit la peine d'écrire au premier président,
en son nom propre comme au nom du pape; il insistait pour que
l'assemblée abandonnât le débat sur la résidence, et s'efforçait d'adou-
cir la douleur ressentie par le légat, de lui faire accepter la demi-dis-
grâce qui Ivii substituait un cardinal-évêque, lui donnait un supé-
rieur par conséquent. Il lui
dépeignait les angoisses et les conflits
au Sacré-Collège, les luttes qu'ils avaient à soutenir, lui et Gonzague,
Et il lui en rendait compte aussi pour lui fournir les moyens de pour-
suivre plus heureusement la tâche qu'il avait entreprise.

Gonzague, le correspondant attitré de Mantoue au Sacré-Collège,


joignait ses instances à celles du Secrétaire d'État. Il complétait
ses renseignements de la dernière heure par un tableau des griefs

que gens de la curie faisaient à Mantoue, d'après les nouvelles


les

reçues de Trente. Ils étaient précis comme venant de gens qui avaient
observé, retenu et savaient raconter, non sans quelque malveillance.
Ils mettaient même en cause le confesseur de Mantoue et autres

personnages de second plan; reprochaient au premier légat de


ils

n'avoir pas su arrêter le Musto pleni sunt de l'archevêque de


Prague, etc. ;
de s'entendre avec Seripandi pour travailler à la ruine
de l'autorité pontificale ^. Bref, le concile, prétendait-on, gémissait
sous la tyrannie que Mantoue et l'archevêque de Grenade lui fai-
saient subir, au profit de l'épiscopat.
Ces exagérations produisaient quelque effet, même sur un per-
sonnage documenté comme l'était le canoniste Paleotto, quand il
signalait les lettres apeurées qui s'échangeaient entre Rome et

Trente, sous l'influence de la crainte trop facilement acceptée que

1. Cette pièce dans Susta, ihid., p. 142-143; l'apologie de Mantoue, à la suite,


p. 143-146.
6(i0 i.i\. i.\ . 1, i.Mi-i issA.Nci; m cu.m.u.i.

riUitoritr siiprrinc l'ùt tii »Hre ébruiil»'»' '. La corrcspoinlain »• île

SiinoiM-tta y cotitrihiiiiit aussi; les 11 ri mai par exenij'lc


1 'i Il ''.

désirait sou ra|>|M'l. m- |i(iii\aiil s'entfiuire avec ses c(»ll('f>;ues, met-


tait CM évidence ro|i|i(»sit um t\\\r lin faisait Scri[iaiHli. l'attitude des

prélats espaf^iiols, <i


lcs(|ucls, »|uatif exceptés, se sont coalisés contre
le Seigneur et a\ec j'éNcfpie d«' Paris, le pous-
son (liri.sl. iiit i
i^^uaiit

sant à pro\ (xpier mu- discussion de ftute.stale papue et concilii. » Il


incriuiinait certains prélats, comme I'cn r(|ue de Modène. Tout cela,
il l'écriN ait encore après la session. H s aper» iil hieiitôt ipi'il délias-
sait le JMit, mais seulement lors(pie le pape int(!rvint.
Sur la (onfusioii croissante \ int se lirelTei' alors une sorte de
paniipie. de onsternat ion. Au énioignaf^e lie l'aleotto lui-même,
< t

les Pères tremldaient de\ ant la dissolution ou l'impuissance dont

l'assemblée était menacée jar le dé]>art jirobable de .\Ian1oue, car


lui seul inspirait pleine confiance. Lui-même résolut, dès la ]ire-

niière heure, de se utin i. hans la lettre


justificative qu'il envoyait
le 1<) au cardinal Hoiromée, il le prévint fpi'il s'en irait à l'arrivée de
l.icada. ne jmiiin ant. après avoir j)résidé le concile, jiasser au second

rang. Il recevait jiar ailleurs de tous les rangs de l'assendjlée, du


promoteur de Paleotto, de ]dusieurs évê(iues italiens, des témoi-
et
contre
gnages tpii contredisaient, infirmaient les accusations portées
lui'', les discutaient |>oirit ]iar |ioiiit cl les réduisaient à de sim]tles

imprudences, écarts de langage on fausses démarches.


Mantoue adressait à son neveu, en même tem])s (pi'à la Secré-

tairerie d'Ltat, et aussi à son ])rotecteur, le duc de Florence, une


apologie <pii rétablissait les faits par un sim])le ex])osé des tra\aux
du concile dans les deux derniers mois. Il ne se bornait ])as h
réfu-

ter et confondre ses accusateiirs : il reconnaissait crAnement avoir

acce])té le débat sur une déclaratioji du droit divin, comme le moyen


le ]ilus mise en pra-
efficace d'assurer la résidence, en facilitant la

tique du décret adopté sous Paul III, qui ])ermettait une absence

de moins de six mois par an. Ce décret avait besoin d'être conqtlétc;
les Pères en avaient jugé ainsi, et les légats s'y étaient d'autant

moins opposés »pic le jiajie leur accordait toute liberté de diriger

1. Literac cj iirhr filcnae Irrpidationis, nnn omnts su.spicenliir aucloritatem


summopere elidi po.sse. Thoinor, ibid., p. 553; voir encore p. 555.
2. Siista, p. 12'i-130. Ce sont les doux Iclirr.-» (pio Pallavicini analyse c. ix,

S 8-0.
Correspondance de Mantoue, 16-18 mai, et sommaire
.1.
des témoignages

(|n
il
y joint Susta, i6i</., p. 143-l'i9, avec nombre de détails curieux.
:
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 661

les débats selon les nécessités du moment. Il réduisait d'ailleurs à rien


le désaccord avec ses collègues, à des détails celui avec Simonetta.
Ce fut aussi le sens de la lettre justificative, que le collège des
légats dressa en commun le lendemain, 17 ^. Elle se bornait, en
accusant réception du programme que leur avait apporté Pendasio,
à promettre de le remplir ponctuellement, pour le plus grand avan-

tage de l'Eglise romaine et le service de l'Église universelle. Ils


n'avaient souci que de réduire à néant les manœuvres des Français
et des Espagnols, quand ils essayaient d'affaiblir en matière de

réforme l'autorité du Saint-Siège, notamment en ce qui concernait


la résidence. Sur leur désaccord, il y avait eu entre eux que diversité

d'opinions, mais ils s'unissaient parfaitement en toute bonne volonté


de servir Sa Sainteté et regrettaient qu'à Trente on taxât de dis-
^
corde et séditions ce qui n'était que des dissonances de vues il ;

en était résulté un vrai scandale, non poco scandalo, dont les serviteurs
de Sa Sainteté ressentaient un profond regret, gravissimo cordoglio.
Le 18 mai, les légats adressaient un bref remerciement au pape
pour ses dernières dépêches et le renvoyaient à l'apologie ci-dessus.
Simonetta signa les deux actes, bien qu'il se sentît visé par le pas-
sage sur le désaccord entre les légats. Seripandi crut devoir se justi-
fier personnellement; il se rendait compte que les blâmes de la
curie et la réserve du pape l'atteignaient en première ligne. Son
long mémoire du 17, à Borromée, concordait avec celui de Mantoue
sur plus d'un point ^ tous deux utilisaient les notes que Seripandi
:

amassait au jour pour expliquer par les faits leur attitude


le jour,

des derniers temps. Seripandi recourut aussi à son répondant de


Rome, le cardinal Amulio, qui lui avait recommandé, comme une
mesure de prudence, de se justifier. Celui-ci, après un long entretien
explicatif avec Borromée, lui mandait le 16 que tout était aplani par :

contre quelques jours après, le 25, son correspondant se réservait


de révéler beaucoup de détails ignorés, d'où il résulterait que les
défenseurs des privilèges de Sa Sainteté n'avaient guère réussi dans
leurs efforts^.

1. un sommaire de la justification de Seripandi


Ibid., p. 150-153, à la suite
que Pallavicini résume plus au long, ibid., 1. XVI, c. ix, § 1-7.
2. Ci dispiace in estremo che tra noi sia chi interpreti et dia nome a questi dispareri

di discordie et seditioni et disenngio di S. Bme. Susta, ibid., p. 152.


3. C'est l'opinion de Susta, p. 153; il suffît de comparer son texte, p. 143-146,
avec le résumé ci-dessus de Pallavicini.

4. Voir cette curieuse lettre de Seripandi, ibid., p. 154,


662 IIN. IN. I. I M l'L ISSANCF. Di; ro.NCILl:

Il savait mieux «|u«' personne runibien la situatictn était enihrouilice


à Trente, et les nouveaux légats ne la simitlificraient <|u<- f;iii)l('ment.
Le ])a|M- ne l'i^jnorait pas. cai- il \ i-nait de subir de la part dos Fran-
çais un premier assaut, ipii faisait pré\(>ir ceux «pie li\ rerait Lansac,
car clamait son arrivée très procbr. Le 12, lainbassadeur dv Lisie
il

venait aNCc l'inévitabiiî abbé Ni<juet, toujours en mission à Home,


solliciter, au nom de son souverain, un mouncI ajournement dos

délibérations décisives. Pii- I\ reconduisit a\ oc nn refus poli, nuiis


le lendemain faisait expédier son désir formel «pie le concile conti-
miilt les discussions comme par le passé, satis tenir compte des
re(|uètes ipii )»ourraienl surgir, d'où (pi'elles vinssent ^. Le 23, il
revenait sur cet article et sur celui de la continuation avec des ins-

tances plus pressantes. L'injonctioji arrivait à point, mais ne déli-


vrait pas les légats des endiarras dans lesfpiels ils étaient plongés.
L'iiiterN ention du pai>e avait mécontenté les jiartisans du droit
divin, et les Espagnols n'en furent que plus entêtés à réclamer une
définition Les légats employèrent les solennités de la I*entecôtc
-.

à ]»réparer le décret de réforme, en onze articles, jionr la session


suivante, et leurs adAcrsaires prétendirent y iihiicium- Ii' premier,

qui traitait de la résidence, lui adjoindre une déclaration du princi])e.


Les légats réussirent à les en détourner, et leur firent acce])ter
pour un a<"commodement l'arljitrage de six prélats qui étaient plus
ou moins de leur ojtinion l'arcbevêque de Sorrente ((liulio Pavesi),
:

les évè(jues de Cbioggia, ^fodène, Hrescia, Sinigaglia et Crémone

(Nicolo Sfondrate, le futur Grégoire XI\ ;. Mais, dès les ]»remiers


pourparlers, ils constatèrent à <piel point ces ]»rélats étaient indi-
gnés (aussi bien (|ue la plii]i;iif df leurs confrères) des mauvais
rapports (pii se faisaient contre euxHome, tout en se déclarant
à

]»rèts à signer de leur sang leur dévouement au Saint-Siège.


consentirent toutefois à s'entremettre auprès des Lspagimls.
Ils

tout au moins de leurs chefs, les archevètpies de Grenade. Braga et


Messine. Geux-ci exigèrent <]ue la session fut retardée ou que, si le
ne pouvait y déclarer le principe de la résidence, le bureau leur
con<"ile

promit cette déclaration ])our la sessi(ui suivante. Les légats devaient


en outre promettre «piii la première congrégation ils donneraient
un engagement cpie l'article en soufTrance se traiterait avec le sacre-

Susta, ibitl., p. I.")").


1.

Voir cil particiili'T


2. l<s «lépèchcs des légats du 2 mai, Su.sUi, p. 158-159;
détaiU assez ctirieux à la fin, significatifs sur les derniers incidents.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 663

ment de l'ordre. Les présidents voulaient même prendre cet engage-


ment par écrit, mais Simonetta les en dissuada, parce que ce serait
créer un précédent pour l'avenir ^.

L'archevêque de Grenade alla si loin dans son intransigeance


que, le jour de la Trinité, il proposa, en une assemblée de ses compa-
triotes,de présenter une protestation solennelle dans la prochaine
assemblée générale. Les membres de la minorité, les évêques de
Salamanque et Tortose notamment, obtinrent, non sans peine,
que la motion fut ajournée. Dans la soirée, le premier s'entremit

entre les légats et Guerrero, et réussit à faire fléchir ce dernier. Le

marquis de Pescara, assez embarrassé de ce remue-ménage, était


retourné à Milan, et les Espagnols n'en devinrent que plus obstinés.
Les affaires s'embrouillèrent encore à l'arrivée de l'ambassadeur
français, car il ne faisait nul mystère de sa mission : il défendrait
ledroit divin, et s'opposerait à l'autre déclaration que poursuivait

Pescara; à savoir que le concile continuait ses travaux. En cela il


était d'accord avec les Impériaux.

Les complications avec l'ambassade de France.

Les agents français avaient été bien stylés par égard pour les:

calvinistes, en pleine guerre civile, la régente demandait que l'assem-


blée recommençât tout. Elle avait délégué, nous l'avons vu, un de
ses confidents et fidèles serviteurs, Louis de. Saint-Gelais, sieur
de Lansac, suspect cependant de condescendance pour le pape depuis
son ambassade à Rome, et lui avait donné pour auxiliaires deux
magistrats gallicans plus sûrs le président au parlement de Paris,
:

Arnaud du Ferrier,

ami du défunt président du Bourg, qui sympa-

thisait avec les huguenots, et celui du parlement de Toulouse,
Gui du Faur de Pibrac, dont les quatrains moraux ne manquaient
pas de similitude avec psaumes les et cantiques en français, qui se
chantaient aux i-rêches calvinistes.
Ils Lansac le 18 mai, ses collègues deux jours après. Le
arrivèrent,
premier un
tintlong discours aux légats, pour leur prouver que
c'était leur devoir de retarder les débats jusqu'au jour où le concile
serait général 2. Il revint à la charge peu après, disant qu'ils feraient

1. Dépêche du 25 mai à Borroméc, ibid., p. 161-162; Pallavioini, c. vm, § 18,


2. Susta, ibid., p. 157-158, 162-163, 176-177.
1)64 i.i\. L\. l'imi'LISsa.nce dx: conçu i:

bien d'y convoquer par lettre la rriiic d'Angleterre, comme elle en


avait exprimé le désir j\ celle de I"'rance. N'était-ce j)as encore une
manœuvre d'ajournement? «luelques-uns en «Mii<)it rimpression à
Home. l'^n mènje temps,
soutenait ouvertement et encourageait la
il

résistance des Mspaj^iiols, voulait y entraîner l'ambassadeur de Por-

tufjal. Le cardinal de Mantoue, plus indécis (pie janiais, se mettait


encore en désaccord avec ses collèj^ues et ]>enfhait à terminer la
même a\ant l'eucharistie. Ine nouvelle
résidence avant l'ordre, et
olïensive de la ])art des Imj'ériaux raniena ci; Ire eux la concorde.
Le 2fi, ces agents leur communicpiaient les lettres jiar lesquelles
leur maître les avertissait soi-disant, (|u'au cas où la continuation
serait déclarée, auraient à partir immédiatement. Et, pour confir-
ils

mer le sérieux de la décision, le nonce Delfino ])révenait aussi les

légats. Madruzzo ajoutait lui-même, en commentaire', qu'en ce cas


le concile ne serait jdus en sécurité il n'en ré])ondait jias dti moins,
:

et il n'y aurait plus (pi'à le dissoudre. Les cardinaux légats déci-

dèrent tjt'
proroger la session prochaine par une simjile déclaration
solennelle et d'ajourner tout décret h la suivante, qui se tiendrait
lin juillet. Ils demandèrent aussitôt le consentement du' jiape,
par retour du courrier.
Les Esjiagnols s'inclinèrent, selon leur promesse : ils ne vou-
laient pas courirle ris([ued'un conflit. Dans celte congrégation du 2<),

Guerrero annonça (pie ses comj>atriotes accejttaient l'ajournement


de la déclaration du droit divin, tel que les légats l'avaient proposé;
ils se contentaient de la ])roinesse faite de vive voi.x. Lansac avait

laissé entendre (pie ses instructions ne s'y o]iposaient pas, juiisque


leur objet était de faire retarder les définitions le plus ]>ossible.
Le concile pouvait rejirendre ses travaux, d'autant que le pape
lui m(*me commençait à se rendre eonq»te (pi'il valait mieux le
laisser courir sa fortune au milieu de ces com]dications. Il hésitait

j)Ius que donner de nouveaux légats; ils n'auraient fait


jamais à lui
que l'embarrasser, ]iensait-il. Le 23, il autorisait les présidents à
tenir le cardinal Madruzzo au courant de leurs délibérations, ù
l'admettre dans leurs réunions, comme s'il était légat ^, Il se préjia-

rait h leur donner plutôt un guide-conseiller de plus, dans la j)ersonne

de l'évèque de Vintimille, autre confident de ses pensées. A la fin


du mois néanmoins, il jiarlait de lancer un décret obligeant à résider

1. Ibid., y. \e^-\^ô, 166.


2. Ibid., y. 169. h l.i fin de la
dcpéclic du 23 mai, 176, 180-181.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 665

sub poena privationis, nemine excepto, et laissait tomber pour le


moment celui de la continuation, à condition que le concile pour-
suivît son programme en partie double, sans se soucier de la récente
volte-face de l'empereur.
Le 25, les légats faisaient remettre aux Pères le dernier décret
de réforme, qui s'élaborait à travers ces vicissitudes depuis le 20 avril.
Il ne comprenait plus que neuf articles, au lieu de douze; ils en

avaient écarté, avec le premier sur la résidence, les dixième et onzième


sur les mariages clandestins, qui restaient, aux yeux des Français,
articles de discipline nationale. Le concile n'était pas près de l'abor-

der, tant du moins qu'un évêque seulement les représenterait au


concile. Au
milieu des troubles civils qui s'aggravaient en France,
il se demandait quand les autres viendraient, et les trois laïcs
qui les annonçaient n'avaient certainement pas mission d'amor-
cer le débat, ni même d'indiquer comment les théologiens galli-
cans le traiteraient; à leurs yeux, c'était un pur problème de
droit civil.
Ils furent admis à la séance du 26 mai, et le discours de compli-
ment prononcé par du Faure. manqua pas son petit effet de
Il ne
scandale. Il ne se fit
pas scrupule d'abord de modifier le texte qu'il
avait remis au secrétaire, selon le protocole. Il invita les Pères à
se réformer eux-mêmes, et, en deux passages, il se livra à des

remarques peu bienveillantes sur les conciles antérieurs. On put se


demander s'il n'avait pas en vue les séances précédentes de Trente,
au sujet desquelles Lansac avait promis le silence, pour éviter toute
escarmouche sur le fait de la continuation. L'orateur dut cependant
requérir, en s'excusant d'y être obligé, l'ajournement
de n'importe

quelle décision jusqu'à la fin des troubles, lorsque l'apaisement


religieux permettrait aux évêques français
de se mettre en route.
Il provoqua un mécontentement à peu près général, parce qu'il

n'épargna personne^; les Espagnols en particulier firent du tapage,


parce qu'il ne disait rien de cette continuation.
Il
corrigea encore
son texte, sous l'influence sans doute de l'échec de son discours,
et le concile se trouva en présence d'une troisième version imprimée.
Les Pères résolurent de délibérer sur la réponse en séance générale,
P'uis d'attendre la session pour la communiquer aux intéressés. Ils

1. Non senza contuzione di tulti, écrivait l'archevêque de Corinthe au cardinal


Farnèse. Conc. Trident., p. 513, note 3; voir d'autres citations note 2; p. 514,
note 3; 519, note 2; etc.
^)(Hi I.l\. I.V. I "iMI'fISSANCE Dl' CONCILE

étolTaitMit ([nelque |)cu cette session (pii s'aiinoiiraii vide, et coniiiK*


une i.ierre d'attente pour les défitiilions ult«';rieures.
lies léfîats consacrèrent les derniers jours «lu iiiois à surmonter

les dilliculfrs (|iii l'olislruairut, notainnu'iit la fameuse dis]»ntf de


j)réséancc (jue, reçus, Lansnr ranu>nait sans cesse.
sur les (trdrrs

Klle ne le concernait ])as jiersonnellenient, )Miis(|ue l'escara était


retourné à .Nfilan; mais les aj^ents l)avarois ne cédaient pas au Véni-
tiens et réclamaient contre d'autres comme les Suisses. Le pape.,
de piierre lasse, finissait jiar écrire *,
(pion laissAt partir roux ipii
s'en iraient, si les princes refusaient de tourner la dillicultc en nom-
mant des ecclésiasti(pies.
liC se présentait, a\ec deux com]tagnons. l'évripir de
2G mai,
Lavant en Carniole, .Martin lleutinger, ]»our être reçu comme agenl
di]!lonjati(jue du prince archevc(jue de Salzbourg: il négocia dans
ce une vingtaine de jours et \()ulnt jirendre rang ])armi les
l)iil

anihassadeurs. Le bureau ne l'acceptait <in";ni litre d'éxèque, à


son rang d'ordination. Il se soumit ])our le moment, non sans laisser
entendre qu'il soulèverait un conflit avec le ]>remier agent fpii se
présenterait de la part d'un i>rince évè(fu<' (!<• ('mi)ire. Ce qu'il I fit

d'ailleurs l'année suivante a\ ec l'ambassadeur de .Malte *.


l*.l il voulut justifier l'absence de son suze-
ne s'en tint pas \h. Il

rain sur les troubles qui agitaient le Tyrol et obstruaient le passage


des Alpes. Protestations véliémentes des Impériaux l'archevêque :

de Prague démontra, pièces en main, que les routes avaient recouvré


toute sécurité. grAce aiix mesures prises -{lar Sa Majesté impé-
riale, comte de Tyrol. Cette réception, plutôt fraîche, ne manqua

]ias de refroidir le zèle de l'archeA cque et de ses sufTragants. L'évcque

prit ])art hquatre ou cinq conférences conciliaires, pendant la sai-


son d'été, puis rei)artit le 2() août.

A] rès l'intervention <{ue Jious venons de mentionner, de la }>art


des serviteurs impériaux, les légats furent heureux d'obtenir du

marquis de Pescara un délai pour la déclaratifui ([u'ils avaient pro-


mise, encore ((ue le ]>a])e lui-mcm*' la leur ra]q)eltH. Ce n'était après
totit (pTunc formalité de leur part, jiniscpiils mettaient tout en

œuvre ])our (pie le concile rej'tit ses travaux au jioint où il les avait
laissés sous .Jules III. Ils attendaient une réponse ]iour savoir si

Phili] I
c II înaintiendrait ses exigences, et se jtré]>araient à tenir

1. Susta, ibid., ]>. 177, 1<> 27 mai.


2. Conc. Trident., ibid., p. 505, notes 1 et 2; 517.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 667

une simple session d'attente, lorsqu'arrivèrent les injonctions papales


du 30 mai, d'avoir à remplir les promesses faites. Pie IV avait encore
une fois cédé aux obsessions de Vargas i. dont il supportait cepen-
dant aA'ec impatience les manœuvres indiscrètes. Dans le cas pré-
sent surtout, cette pression était inadmissible et n'aboutissait qu'à

rompre le concile d'une manière ou de l'autre. Les légats, assez sur-


pris, s'obstinèrent à ne pas tenir compte de l'ordre reçu (ils avaient
mis les ambassadeurs im])ériaux et français au courant de leur com-
binaison) et dépêchèrent le cardinal Altemps pour justifier leur
désobéissance. Ceci se passait le 2 juin, et ils poursuivirent les pré-

paratifs de la session fixée au surlendemain.

La XXe session (4 juin 1562).

Ils firent un décret en peu de mots, qui renvoyait


dresser à la hâte
les définitions en ébauche à une session ultérieure elle fut fixée à:

la fêtedu Mont Carmel (16 juillet). Bien leur en prit, car le lende-
main 3, au moment d'ouvrir la congrégation préparatoire, arriva
la dépêche du 31 mai qui contremandait l'ordre antérieur. Avec les

dernières instructions de Vienne, Prospero d'Arco avait agi auprès


du pape en sens contraire, et Pie IV s'en tenait à la continuation de
fait. Le départ d' Altemps fut contremandé, et la congrégation
s'ouvrit sur un soupir de soulagement.
Seripandi la présida :1e premier légat, sous" le coup des émotions et
des traverses qui l'assaillaient depuis plusieurs semaines, avait eu
une rechute de son mal. Le synode adopta successivement le projet
de réponse aux agents français, puis le décret sur la session suivante.
Guerrero ne manqua pas de repousser celui-ci dans une cédule qui
refusait son vote, au cas où seraient exclues les deux déclarations
chères aux Espagnols la résidence de droit divin notamment devait
:

arriver au programme, suoloco, eut-il soin d'ajouter. La majorité des

Espagnols et quelques autres Pères opinèrent à peu près en ce sens.


Seripandi constata simplement en conclusion que vingt-six d'entre
eux apportaient des réserves diverses. Ce n'était qu'une faible mino-
rité, le sixième au plus des opinants, et le vote était acquis de droit.
La vingtième session du concile se tint donc le jeudi 4 juin, en
présence de cent soixante sept Pères, vingt-huit théologiens et

1. Susta, ibid., p. 169.


008 I.IV. I.V. I. IMPriSSANCK DU COMII

onze aml)assa(l«nir.s. présida de nouveau. Le discours


ScrijiaiKli

d'apparat fut ronflé à l'c'-lu de l''aniagouste, le Vénitien (iirolanio

Hafxazzoni. (jui par là iiianj^urait uiu* lonjj^ue carrière, de tun;il


administrateur et diplomate. Plusieurs agents furent ensuite intro-
djiits, les Suisses, ceiix de l'Vanoe et celui de Sal/l)ourg. dont le

secrétaire coniinuni(|un les instructions après les autres. Il remit


aux l'rançais la réponse qu'ils attendaient '. i-l ils en témoignèrent

pi'ii
de parce (pi'elle ne réjtondait pas à ce qu'ils désiraient.
]>laisir,

Elle soulignait par contre le jiassage où discrètement du Fa««re avait


recommandé aux Pères de ne se laisser influencer, ni ])ar la \oix des
foules, ni ]tar les exigences des ])rince3. Elle se tint d'ailletirs autant

i|iie possible dans le ague, en réponse aux trois versions cpie du


\

l'aure avait fait circuler de son discours, et i)arcc <pie les Pères ne
connaissaient pas leurs instructions, (pie les légats n'avaient pas
jugé h jiropos de communitpier en entier, i\ cause de certains pas-

sages estimèrent déjilacés.


(pi'ils

L'évcque de Salanianque, le pontife du jour, soumit au place!


des Pères le décret dans le»juel le synode, n'ayant encore rien statué
de définitif, espérait jtromulguer (pielque décision im])ortante h la
séance du 16 juillet. Trente-cinq Pères revinrent sur les réserves
de dont vingt-cinq avaient demandé que la session définit
la veille,

l'article sur la résidence, et les dix autres que la continuation


fut décrétée séance tenante. Les archevêques de Grenade et de

>ressine protestèrent de nullité en cas de Tuanquement aux pro-


messes Les Es])agnoles s'agitaient toujours et restaient sur
faites.

leurs ])Ositions ^. Nfais les légats avaient évité le scandale d'une pro-
testation oHicielle collective, en faisant renouveler leur promesse

par théologien du ]>a])e Pedro Soto.


le

Des Pères se jdaignirent de l'absence du secrétaire Massarelli


(pii. pour des raisons de santé,
se faisait su]qtléer depuis f[uelques

|)ar l'évèijue de Catellaneta en Pouille. Hartolomeo Sirigo,


jours
suspect cause de son inexpérience, et atissi de son intimité avec
h

Simonetta. Massarelli jugea prudent de signer et d'authentiquer les


actes de la session; mais il fut obligé de maintenir la sup]déance

]iour le détail des travaux «piotidiens qui suivirent.


Les légats entreprirent immédiatement, le lendemain de la session,

1. Conc. Trident., ibid., p. 519-521, sommaire de celle réponse; Pallavicini,


XVI. 2-6; le discours et la c. xi.
ibid., I. r. x, § réponse,
2. /ma parte ammotinati, écrivait Icvêque d<- Viviers au cardinal
Slanrw per la

Farnèse, Conc. Tridtnl., p. 51^). note 2, à propos de la réponse


aux Français.
CH. III, LA CRISE DU CONCILE 669

le programme en partie double, d'après les récentes directives du


pape. Les Pères avaient en main le décret de réforjne en neuf articles

ils reprirent les cinq relatifs au sacrement de


le dogme,
et, pour
l'eucharistie, qui dataient du temps de Jules III, pour la commu-
nion sous les deux espèces et celle des enfants l'Eglise peut-elle :

les accorder, et sous quelles conditions ? Ils abordaient ainsi un


grave problème qui inquiétait beaucoup de consciences chrétiennes,
au point de les faire douter de l'autorité de l'Église. La nation
germanique et ses voisins y attachaient tant d'importance que de
la solution dépendait l'apaisement général et la réconciliation avec

l'Eglise, toute la politique religieuse des Habsbourgs.

Les débats sur la concession du calice et le renvoi à Rome.

Seripandi invita les théologiens inférieurs à prendre copie de ces


articles, pour en discuter dans leurs congrégations spéciales. Les
définiteurs s'ofl'usquèrent de ce procédé et réclamèrent le lendemain
assez bruyamment ^ c'était méconnaître leur dignité et leur préro-
:

gative de membres de l'Eglise enseignante que de communiquer


à des subordonnés sans mission, et avant de les leur faire connaître
à eux-mêmes, les matières qu'ils devaient définir. Et la distri-
bution des articles fut ajournée.
A congrégation générale du 6 juin, le cardinal de Mantoue
la

reprit laprésidence et sut, avec la maîtrise qui lui était propre ^, ra-
mener les Pères au calme et à la possession de soi-même que récla-
maient les circonstances : «Le bureau, n'avait encore rien communi-
qué aux théologiens; avait cependant besoin de connaître leur
il

opinion, et il allait leur remettre les deux décrets pour qu'ils les

examinassent à tête reposée: il soumettrait ensuite le tout aux


Pères, de qui seuls dépendait la décision finale, après quoi ils pour-
raient aborder le saint sacrifice de ^a messe. » Il invita les prélats à
donner leur avis. Le mécontentement persistait chez les Espagnols,
car ils n'avaient pas accepté leur récent échec ^, mais les autres Pères

1. Si sente un gran strepito ne Iconcilio. L'évêque de Modène à Morone, 8 juin.


Ibid., p. 529, note 1.
2. Colla sua molta autoritate e maesta dans la même correspondance.
:

L'évêque de Modène leur appliquait même le vers de Virgile


3. Prémuni :

altum corde dolorem. [Mn., i, 209). Ibid.


67H i.iv. I \. l'impuissance du concile

s'étaient ri'h.sai.si>. Mailru/./.o tt Ifs All».iii;uid> se déclaraifiit satis-

faits, et leur l'onliniue réconfortait le roneile.


Le ]iatriarehe élu ii'A(|uilée, Daniele Harhart». <iui prit la (laiole

après le cardinal de Trente, s'efforça h son tour de consolider l'dMivre

d'a]»aiseineiit par nue jtetite exhortation. « Il était iiulisjjensable de


procéder a\ ec méthode; la liberté de la parole n'excluait pas le
ton caluM': au contraire, elle en avait besoin et la bonne nuirche des
délibérations fjiisaif un dcNoir d'éviter tout ce (pii pouvait troubler
le concile, inlcrlurbandi concilitini. »

L'archevécpie de drenade ne inaiH{ua pas de rallumer ensuite la


discorde. La nuitière lui semblait tro]» mince pftur remplir une ses-
sion. « l'-t encore n'avait-elle rien de iiouxean. ni cpii put arrêter
l'attention de rassend)Iée : des articles analogues avaient fait l'objet
des discussions sous. Iules III, pendant six semaines (.S décembre L')5i-

20 janvier L^iS2V. il en était sorti un décret sur la messe jpii fut

complété |>ar celui du coiu-ile de Constance : De mitre laicis non


dando, du janxier l'ilô. C'était en somme si peu (pie le concile
1.")

ferait bien de reinoyer ces articles au sacrement de l'ordre. » Il

]>roposa donc d'aborder immédiatement la résidence et d'en définir


le jirincipe. Il fut ai>puyé de divers côtés, en dehors même des Espa-
gnols :
rarchcvèque de Braga intervint avec sa véhémence habituelle,
ceux de Zara et de Uaguse le soutinrent; enfin celui de Prague
lui-même, toul en réclamant les articles ])roposés,
par égard ]iour
ses comjiatriotes. estimait (pie le synode ne j)ouvait se dis])enser de
définir le principe de la résidence, dummodo non relinquatnr articnlits
de finit lis et déclaratus de residentin.

L'archevê(pie de Rossano. un des meilleurs conseillers du collège


des légats, jeta un peu d'eau sur cet embrasement, mais souleva
aussi l'indignation des Es|)agnols jiar une sortie véhémente contre
la motion de Guerrero. Tous ces discours, dit-il en substance, ne
sont ([ue des manœuvres pour ]irolonger le débat, retarder la ses-
sion en ajoutant bout à bout matière sur matière. Certains ne se

gênent j>as d'ailleurs ])our usurper les fonctions du i)résident, et


ceux (pii ramènent ainsi sans cesse le même chapitre ne sont que des
perturbateurs et des semeurs de désordre, prrtiirhatnrrs mnrilii
et cnmniKnis pacis. sentinntores zizfinine.

L'évêque de Fùnfkirchen, Drascowich, piétinant d'impatience


de voir aborder enfin la (juestiondu calice, dé](lora ces excès de zèle,
celui du précédent orateur comme celui des Espagnols ils n'ajou- :

taient ([ue la complication de débats inutiles, trop souvent passion-


CH. III. LA CRISE DU CONCILE 671

nés. L'archevêque de Palerme, Ottavio Preconio, ancien théolo-


gien du concile, de sens plus rassis que ses compatriotes et partisans,
recommandait aux Pères, après le cardinal de Trente, de procéder
avec ordre et aux théologiens d'être courts, expéditifs. En effet
lis étaient
plus de cent, note un des correspondants du cardinal
Farnèse, l'archevêque de Corinthe (Germanico Bandini, coadjuteur
de Sienne), et leur nombre s'accroissait chaque jour ^.
Après une nouvelle sortie de l'archevêque de Braga, qui fit l'apolo-
gie de ses alliés contre les reproches de son collègue de Rossano, le
premier président jugea prudent d'intervenir, joar crainte d'une
de ces tempêtes qu'on avait vu éclater soudain. observer que le Il fit

concile restait maître de l'ordre du jour et pourrait modifier son pro-

gramme, quand il aborderait le sacrement de l'ordre. Il avait donné


sa parole de légat et de cardinal qu'il y serait question de la résidence

(personne n'ignorait que pour elle il s'était compromis à Rome) ;

i 1se plaignit, avec beaucoup de modération d'ailleurs, que des


Pères eussent l'air de mettre en doute sa promesse en soulevant
un incident intempestif. réussit à rasséréner les esprits; les cinq
Il

articles furent renvoyés aux théologiens; toutefois l'article premier :

De calice non dando, bien qu'il eut été défini à Constance, fut ré-
servé, à la demande de l'évêque de Fiinfkirchen, pour que le décret
sur la communion eut toute sa force contre les novateurs. Bref
l'assemblée se sépara dans le plus grand calme, conclut le même
correspondant, pacatissimamente.
L'archevêque de Raguse, un des défenseurs du droit divin, avait
d'ailleurs travaillé à simplifier la situation : « La définition qu'ils
ne préjudiciait nullement à l'autorité du pape: personne
sollicitaient
ne révoquait en doute le pouvoir qu'il avait de disposer des évêchés
et des bénéfices; le concile devrait même lancer un anathème contre
ceux qui le limiteraient ; cette définition, jointe au sacrement de
l'ordre, ferait pour la session une matière suffisante, avec les articles

de réforme qui circulaient depuis deux mois. »


La situation n'en restait pas moins trouble, il
y avait de l'orage
dans l'air; les deux partis maintenaient leurs positions, aucun
d'eux ne voulait céder etne manquait pas d'Italiens, comme le
il

pro-secrétaire, l'évêque de Castellaneta, pour blâmer plus ou moins


les légats d'avoir laissé renaître ces problèmes, surtout d'avoir promis

qu'ils seraient discutés à une date certaine.

1. Conc. Trident., ibid., p. 530 et note 4; 531, note 1,


672 MN. i.v. l'impuissance du concile

De part et d'autre, on ne Noyait d'ahmitlssunt (juc dans un ai)]u'l


au tril>uiial su|>rrrnt', dont l'arhitrage était acccj)té de tous. l'if I\
n'avait-il pas rajipelé, ré|>été avec instance, au des compli-
jilus fort

cations, i|irii détenait seul la primauté, d'»iù Ncnaient, avec les


lumières, les sentences et décisions en ras de conllit ? N'était-ce

j)as nu'ine h ce propos qu'avait circulé, dans les milieux conciliaires,


le trait d'esprit dont Lansac se faisait \r
parrain auprès de son col-
lègue de Uome, \r !!• mai ', et f(ui a circulé sous le ]«îitronape de

Sarpi. «
(pie le |)ape cnxiivait de Home cliatiuc jour le Saint- l'esprit

par la \ alise di|)lomati<jue. Or les événements, comme


" les circons-

tances, donnaient à cette boutade une réalité saisissante.


Ce y a de plus curieux, c'est «pic le concile sollicitait lui-
(ju'il
même ce jeu de valise, et moins encore les légats et les amis du jiape
fpie les mend)res du parti indépendant, ceux »|ui se croyaient supé-
rieurs au ]iontifc jiar leur collcctix ité, en un mot les alliés, les

confidents de Lansac. l'ne minorité de trente et un évcfpies n'avaient

accepté Tordre du jour de cette séance qu'à la condition cpie la suite des
débats ramènerait sous peu, après la concession du calice, le principe
de la résidence, en même temps (pie le sacrement de l'ordre. Le soir
même, ils adressaient au Saint-Père un mémoire qui établissait leur

point de vue, la légitimité du droit di\ in, tout en ]irotcstant de leur

respect sans réserve pour la dignité et les }>rérogatives du Saint-

Siège, contre certaines insinuations dont ils avaient eu récemment


connaissance et fpii les accusaient d'amoindrir ces ]»rérogatives.
Ils réclamaient en même temjis liberté ]deine et entière de ])ré-
senter et de discuter des motions; ils comjitaient sur cette liberté

pour débat
le en cours. Dans sa ré]ionse du 1" juillet. Tic IV jirécisa
leurs relations récijtroques, de lui au concile « Cette liberté était une :

des premières garanties pour l'activité de l'I'.glise enseignante et


soti jirestige. aussi bien dans la chrétienté cpi'à l'égard des dissidents.

Il n'avait nullement l'intention de la limiter, mais


il leur
rappelait
que succès
le de leurs travaux dé])endait avant tout de l'entente
entre eux et n\ec le Saint-Siège, sans laquelle il n'y aurait pas de

coo)>ération possible à l'œuvre commune; déjtendait aussi du soin


avec lequel ils é\iteraient toute zizanie, dispute et coterie, tout ce
(pii, en un mot, engendrait, entretenait le dédain dont ils étaient

l'objet de la part des dissidents. »

1. Cité par Pastor, ibid., p. 326. Pallavicini en donne la genèse, ibid., c. x, § 14.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 673

Mission de l'archevêque de Lanciano à Rome.

Cette démarche, la minorité ne l'avait pas faite sans le consente-


ment des légats. Ceux-ci, de leur côté, pensèrent que, tout en ména-

geant la liberté des opposants, ils devaient informer nettement la


cour de Rome sur la situation, et ils chargèrent un de leurs parti-
sans, l'archevêque de Lanciano, dans les Abruzzes, le Génois
Leonardo Marini, de présenter au pape un exposé en détail des inci-
dents qui venaient de se produire. Du reste un événement impor-
tant, à la dernière heure, rendait sa mission urgente.
Le même jour. 6 juin, l'archevêque de Prague remettait aux légats,
de la part de l'empereur, un autre mémoire de réforme in capite
et in membris ^, avec de nouvelles instances
pour faire reprendre,
plus tard au concile, et en leur entier, les discussions dogmatiques,
par égard pour les luthériens. En attendant, l'assemblée ne s'occu-
perait que de réforme. Détail qui aggravait la signification de la
démarche, elle fut appuyée par Lansac et faite de concert avec lui.
C'était une nouvelle offensive que le conseil aulique ouvrait
contre le concile. Il l'avait machinée à l'insu de Delfino, aussi

prit-elle à l'improviste les légats, que le nonce n'avait pu


prévenir à temps. Ils obtinrent cependant de l'archevêque que le

mémoire ne fut pas présenté au concile, par égard pour cet agent,
avant qu'ils eussent averti le pape, fait intervenir le nonce auprès
de Sa Majesté. Comme l'archevêque devait se rendre en Bohême,
afin de couronner roi de ce pays l'archiduc Maximilien, fils aîné de

l'empereur, il accepta d'intervenir auprès de ce dernier pour qu'il


atténuât ses exigences^; les légats lui remirent en outre une lettre
d'explications, dont il devait se servir auprès de son maître.
L'offensive impériale n'était pas la plus importante des commis-
sions confiées à l'archevêque de Lanciano, et même les instrutions

écrites, qui lui furent remises, n'en disaient mot. Il n'était plus ques-
tion à Trente denouveaux légats, mais les cercles y parlaient couram-
ment, non
etsans motif, de dissolution ou de transfert du concile. Les
lettres de Rome annonçaient la mesure comme probable, prochaine.

1. Pallavicini en donne quelque idée, I. XVII, c. i, § 5. Cf. Susta, p. 184, avec


les références qui en soulignent la portée.
2. Susta, ibid., p. 190-191.
674 H\. l.V. I, IMPUISSANCE DU CONCILE

à ciuise d«'s <


luugt's c|iif lassiMiihlrr iiM|)()sait an jia}H', mais r]]r<.

jiassaient sous sileiue Ir mcitif le plus sérieux, les incjuiétudis


(juc
soulevait dans l'entourage du pontife Ta^i^itation à propos de la
résidence. Les Pères de Trente, de leur coté, se préoccupaient tou-

jours du séjour, dont les inconvénients s'agfrravaieîit à leurs yeux


des dillictillés nouvelles de lofrernents, de \ i\ es, qiie leur ap]iorteraient i

les jtrélats français et allemands, dont la rumeur publique


présentait toujours la venue connue ]»roehaine.
Mtant donné rolTensiNc impériale, les ulégats jugèrerït «pie le simple
transfert du concile serait désastrex ]»our ri'",i,dise romaine; en cela
Simonetta ne |tensait jt.as dilTéremment de ses collègues. Puisque

l'emjienMir annonçait une diète pour le mois d'octobre, le concile


ne pouvait (mi tout cas se disperser sans a\oii- rien fait. La contrf»-
verse sur la résidence devait être c^ tout le moins réglée n'importe
«omment, quand ce ne serait que dans un décret qui rimj)osât, la fit
respecter des princes et j^atrons laïques, d'une manière formelle,
]>récisc, a^ec des j)ciiies et des récomj)eiises canoniques déterminées.
Peu im])ortait (juo le j.rincipe en fut défini : la clirétionté devait être
iiiftirmée (pie le pape et le concile s'étaient mis d'accord pour l'obser-
ver <'t la faire ol)ser\ er. dans la mesure du nécessaire, du jtossible
au moins.
Ici fut le sens des instructions (pi'enqtorta le 8 juin Tarcbevèque
de I.aiieiaiio '. Les légats déconseillaient fortement le renvoi du
concile avant cpi'il
eut réalisé les deux points de son programme,
la condamnation des hérésies et une réforme sérieuse qui amélift-
rAt le
passé. [I serait à désirer cpie Icjupereur et le roi (!atholi<(ue,
se mettant d'accord sur le fait de la continuation, le concile offrît
en même temps, au ]>remier ainsi i]u'h sa diète, une base rpii procurât
l'entente avec les luthériens sur tons les jioints en litige.
A Simonetta tout le ]»remier,
]>ropos de la résidence, les légats, et
n'étaient pas d'avis d'en régler l'application ]iar une bulle, coTiime le

pape en avait ex])rimé l'intention cette bulle rencontrerait ])eut-être ;

des résistances qui ne seraient i)as à l'aA antage du Saint-Siège. Il


leur était impossible d'ailleurs de laisser tomber le débat soulevé
au concile, connue le désirait Sa Saiisteté. Ils ]>roposaient donc de
faire discuter le princijie ]iar les théologiens inférieurs, puis de le

décider à majorité des sulTrages


la ou bien de supjioser la défini- :

tion acquise, comme avaient fait les conciles antérieurs, et de régler

1. Su'-ia. iliiiL, |>. 185-190, avi'c Ir^ rcnstigiionuMits et ndjoiiclions.


CH. III, LA CRISE DU CONCILE 675

l'application par un décret au sens de la bulle que méditait Sa

Sainteté, elle approuverait l'un ou l'autre règlement.


L'archevêque de Lanciano avait de plus mission de justifier les
légats et le concile sur tous les reproches que lacour de Rome leur
faisait dans ces derniers temps. em])ortait copie de la lettre par
Il

laquelle les
premiers expliquaient à Philippe II les raisons qui les
obligeaient de renvoyer à plus tard le règlement de la continuation.
Cependant, vers la même date, le pape les engageait à le faire dès
que le roi en manifesterait le désir ^. Altemps, en sa qualité de
légat-neveu, attestait, toujours par l'intermédiaire de l'archevêque,
que présidents et Pèr^s restaient dévoués à l'Église romaine ^.
Enfin le cardinal de Mantoue, pour sa part, envoyait une déclara-
^
tion plus solennelle encore tous les membres du concile étaient
:

résolus à défendre sans réserve les prérogatives papales, si les Fran-

çais se permettaient de soulever le doute de Gerson : An concilium


sitsupra papam ? Même indépsndants fantaisistes ne
les esprits
désiraient que la réforme des abus, et ils étaien-t heureux que Sa
Sainteté eût entrepris celle de la Pénitencerie c'était à leurs yeux :

une promesse et un encouragement.


Le cardinal réparait de son mJeux l'imprudence qu'il avait com-
mise, en laissant aborder une discussion embarrassante et dange-
reuse pour l'Église enseignante, comme pour son chef. C'était de
sa part une habileté diplomatique de faire intervenir ce dernier

pour relever de l'engagement qu'il avait pris envers les Espagnols,


le

au moment où ces opposants eux-mêmes en appelaient à l'arbitrage


de l'autorité suprême. Du reste, Pie IV n'avait pas attendu ces appels

pour intervenir et débrouiller la situation.

La mission Visconti à Trente.

Lorsque l'archevêque de Lanciano atteignit Rome le 15, le pon-


tife avait pris ses mesures pour remettre tout en ordre, relancer Je
concile dans la voie où il devait aboutir. Vers la même date, ai ri-
vait à Trente l'évêque de Vintimille, Carlo Visconti, d'illustre famille
milanaise apparentée aux Borromée *, que le pape venait de distin-

1. Voir dans Susta, p. 200, la dépêche significative du 10 juin.


2. Pallavicini, ibid., c, ii, § 5.
,

3. Voir ce texte curieux dans Susta, ibid., p. 189-190.


4. Son curriculum vitse dans Susta, ibid., p. vm-x.
676 I.l\. \.y. I ntl'UISSANCE DU rON«:iLE

giier cl lie
pmidre h son service. I.n imw carrirrc »li-
i|miii/.c ;ins et

jurisconsulte de sa ville natale, il sciait forme à l'image


]ilus. ((iiimic
(lu jiontife son «•omj)atriotc, s'«*tail rcinlii cajiaMf (rinlcrjirétj'r et

de réaliser ses idées, d'exjilitiuer tt de faire adnicltir ses \ olontés


à des serviteurs consciencieux, en désaccord entre eux, mais dévoués
à risglise roniaiiic.
Ses instructions, datées de la d«^rnière quin/aine de mai, furent
tenues cachées. ]»arce (ju'elles eïnbrassaient des négociations secrètes,
à ])oursuivre dans l'Italie du Xord. délicates dans leur com-
])lexité. liC 1 ape se ]>ro[>osait de secourir la monarcliie des X'alois
dans la guerre contre les huguenots, de la faire secourir |>ar des

princes italiens, et même par l'iulipiie II' : les négociations ne


réussiraient ([n'en marchant secrctenieiit . à liiisu même de ce der-
nier. Les tractations devaient faciliter daillenis le succès du concile,
en j-ermettant h rT'glise gallicane d'y coopérer j.romptement.
A Trente, le nouvel agent ])Ontiflcal aN ait un rAle sans limite de
temps et d'afTaires; il était observateur, indicateur, en même temps
que pacificateur et conseiller. Il devait renseigner au jour le jour la
Secrétaircrie d'I'-tat sur ce qui se jiroduirait d'important, ce qui du
moins réclamerait une directive, une intervention ([uelcontpie
du jiape, notamment sur les malentendus cpii éclateraient entre les
légats, les fausses manœuvres et les embarras dans l'ordre du jour,
les évéques à stimuler, féliciter ou gourmander.
Pie IV lui reconimandait d'arrêter tout d'abord le débat de la

résidence, en faisant au collège des légats le tableau exact des


fAcheuses impressions, du mécontentement et du scandale cpi'avait

])roduits à Home, encore plus que dans l'esprit


du pajic, la discus-
sion qu'ils avaient acceptée et la tournure qu'elle avait prise. Les
cardinaux de Mantoue et Seripandi notamment ne se rendaient ]»as
assez compte de la responsabilité (pi'ils a\aient assumée dans ces
incidents. Niseonti devait néanmoins traiter le premier avec de

grands égards, comme le


rejirésentant du pape, le chef du concile
et
président du collège des légats. Le cardinal Simonetta, qui
le

a\alt la confiance du pape, était le confident de sa manière de voir,


n'était pas disi)eiisé de rester uni au premier, son su]>ordonnéen tout.
Pour chacjue légat et pour un certain nombre de Pères, Visconti
recevait des recommandations adaptées aux ])crsonnes. aux situa-
tions et aux circonstances.

3. Siistn, ihiii., p. 'iS.'J-'i.'iS; la fin spuIo roiu-ornc le conrilo.


CH. III. LA CRISE DU CONCILE 677

Ses instructions écrites ne disaient j)as tout et sous-entendaient


beaucoup de détails, qu'il importait de ne pas livrer aux indiscrets,
et pour lesquels Visconti reçut un
supplément de vive voix; son
rôle dépassa d'une manière sensible la
portée des documents qui le
précisaient. Quand il arriva le 14
juin, il trouva une situation telle-
ment embrouillée que, pendant plusieurs jours, il dut aller de l'un à
l'autre pour raccommoder les gens, morigéner, discuter, expliquer,
servir aboucher entre eux des personnages qui
d'intermédiaire,
rougissaient presque de se trouver ensemble ou répugnaient à faire
les premiers pas. Les légats eux-mêmes, Mantoue,
Seripandi, Simo-
netta ne se rencontraient pas en privé, mais seulement dans les
séances et pour les travaux de l'assemblée : ils ne se parlaient que
par nécessité de service.
Le premier président en villégiature de convales-
était absent,
cence — à la suite de sa dernière
de goutte à Pergola,
crise —
petite localité située dans la montagne, à dix kilomètres est de

Trente, dans une maison de plaisance que le cardinal de Trente


avait mise à sa disposition. Visconti jugea prudent de préparer les
voies avant d'entrer en rapport avec lui. Il lui envoya ses lettres
de créance et aborda les autres légats.
Simonetta se déclara plein de bonne volonté, prêt à tous les
sacrifices pour la cause du pape. Mais, quelques jours après, il avait
encore avec le premier président une contestation sur la résidence
et la du programme
suite conciliaire; ils ne surent s'entendre et
Simonetta mandait au pape qu'il ferait bien d'accepter la démission
qu'envoyait son collègue ^. Leur désaccord portait sur l'opposition
des Espagnols comme il arrive d'ordinaire en semblable circons-
:

tance,Mantoue l'exagérait, Simonetta la diminuait.


Le premier président était d'autant plus aigri qu'il connaissait
maintenant les prélats qui l'avaient desservi à Rome; le commis-
saire apostolique Sanfelice et le pro-secrétaire Sirigo, qui lui créaient
même des difficultés dans ses fonctions; le dominicain Stella, évêque
de Capo d'Istria, favori de Simonetta, surnommé le Petit Allemand,
il Tedeschino, se signalait entre tous. Ils ne faisaient pas mystère
de leur opposition, comme d'une œuvre louable; néanmoins le pape
jugea bon de les en réprimander, le premier à cause de sa situation
officielle. Ils dénonçaient, d'après les instructions données à

1. Susta, ihid.f p. 207-208, dépêche assez curieuse de Simonetta; voir aussi


p. 205.
078 MV. I.V. I.'iMI'l-ISSANCK DU CONCILE

\ iscoiili. Ip travers «(u'avuit Maiitoiie de trop écouter certains

frati teolofii, avaient le tort d'ignorer le droit canon et le


i|iii style
de la coin df Korne '.

Avant d'ahordcr le cardinal. \ im oiiti convO(iiia iiii de ses premiers


ctMilidents, l'évèfpie de (]ain])anie, Antonio Scarmnpi, ori-
Noie en
ginaire du donc sujet des (jonzague, (|ui étaient sei-
Nfont ferrât,

gneurs de ce niaripiisat ^. Il était un de ceux cpie le pape lui faisait


admonester comme usant mal de son influence sur le ]>résident.
Visconti invo(pia tout d'abord le témoignage dn jeune cardinal
Frajicesco tionzague, correspondant de son oncle à Kome et le grand
étonnement. Tiiupiiétude du Sacré-Collège, fpii déjilorait. comme
une atteinte à son prestige, le désaccord survenu, dans les solennelles
assises d'un concile général, entre ]dusieurs de ses membres et non
des moins en vue. A côté des l'arnèse, cpii exploitaient tout ce
c|ui désavantageux aux Gonzague,
était les Morone, les (ihislieri,

Amulio. Horromée. etc., jilaidaient pour la dignité com])romise du


cor|)s.
Le !!• juin, \isconti joignit Nfantoue jiendanl une de ses apparitions
à Trente trouva toujours en proie
et le à ses ressentiments. Deux
détails surtout le mettaient hors de lui : la curie ne lui écrivait que
pour matérielles et d'argent, la correspondance des ques-
les alTaire.s
^
tions imjiortantes allant à Simonetta son neveu le cardinal n'était :

plus convoqué à la congrégation du concile, dont il faisait partie.

N'isconti eut de la peine à lui faire admettre que ce n'était là, comme
il
])rouva, que des incidents de circonstance, le dernier du moins.
le lui

Sa Sainteté n'avait-elle pas, plus cpie jamais, besoin de son neveu


j)our agir sur lui !
(^)uant au ])remier poinl. il Ini était facile de recon-

cpiérir toute la confiance du pape.


Visconti expliqua les causes de cette méfiance. ])ar le mécontente-
ment que donnait au pape l'attitude du premier )»résident à ]iropos
de la résidence, les divisions entre les Itères et le désaccord entre les

légats; deux
faits f[ui agissaient l'un sur l'autre et aboutissaient à

rendre concile impuissant et stérile


le de]iuis des mois. dei)uis sa :

réouverture, il n'avait tenu (fue des sessions vides, dont une, la


wiii*' s'était bornée h un décret général De librorum deleUu. qui ne

1. Ibid. p. 246, 28^1-285. l'armi ros jntti di \fiinlniir fienr.nt sans tloulf Pcn-
(lasio, qu'on .tppflHÎt son philosophe.
2. Siir lc3 négociations do Visconti, Fallavicini. ihiil., I. XVII, c m, Pastor,
p. 225. 4
3. En réalité, dans un seul courrier, celui du 1.3 juin. Sustn, ibid., p. 2089.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 679

remplaçait pas l'Index désiré. Le pape n'avait rien obtenu de son


concile, convoqué au prix de tant de peines !

Mantoue n'opposait à tout cela que des défaites, des incidents,


qui lui étaient personnels il
déplora par exemple l'esclandre
:

qu'on a^'ait soulevé à propos de la démission qu'il avait envoyée au

pape et qui n'avait pu être révélée que de Rome, car ill'avait cachée
à tous ses confidents,pour plusieurs motifs, principalement en preuve
de l'importance qu'il y attachait Il avait craint qu'en la publiant
:

il ne mit Sa Sainteté dans l'embarras et ne compromît le concile.


Visconti croyait néanmoins avoir partie gagnée, lorsque de nou-
velles complications vinrent tout remettre en cause. Le 23 des lettres
de son neveu informaient Mantoue que le pape, toujours influencé
par Simonetta, aurait déclaré qu'il remplacerait le premier légat,
s'il continuait à procéder comme il avait fait jusqu'ici. Après de

nouvelles explications avec Simonetta (voir deux pages jihis liaut),


Mantoue, sans attendre confirmation de ces racontars imprécis, envoya
son confident Arrivabene renouveler sa démission. Tous ces propos
en l'air, grossis de divers côtés, dénaturés en se glissant à la sourdine
dans les cercles oisifs, n'avaient, comme ceux que le ]iape tenait à
^
l'agent d'Urbin et au cardinal Jules de la Rovère qu'un fondement
sérieux, le procès pour la seigneurie de Camerino, que les Rovère, appa-
rentés aux Gonzagae, poursuivaient contre les Farnèse; ceux-ci
voulaient éloigner de Rome le cardinal Cicada, le principal juge du
procès, pour cela l'envoyer à Trente. On comprend que le duc d'Urbin
opposé à la
se soit nomination de ce dernier comme
légat, et il ne

manquait pas de crédit auprès de Pie IV.


Le départ d' Arrivabene et sa commission, dont son maître ne
fit pas grand mystère, augmentèrent l'émoi régnant parmi les pré-
lats; la vie à l'écart de Mantoue et ses retraites répétées avaient

déjà fait jaser. Il avait en elïet conquis la confiance de tous, par


son action personnelle et sa situation de famille, sans compter
l'attachement que les Gonzague témoignaient depuis longtemps aux
Habsbourgs; seul il Allemands à
était capable de faire venir les

Trente. On y était donc convaincu que son départ achèverait la


crise de l'assemblée et amènerait peut-être sa dissolution, réduirait
en tout cas les Pères à l'impuissance ^.

1. Pallavicini, ibid.; Susta, p. 458-459.


2, Témoignages divers rapi:ortés par Visconti, notamment p. 220, 488, Simo-
netta lui-même.
680 l.l\. Î.V. 1,'lMPUISSANCE DU CONCILE

Intervention do Pie IV; le calme revient au concile.

l'jf 1\ tliiit lioiiiim- il SI* ri-mlrc coiiiptt' niinix i|iic personne de


cet état d'cs|»rit. l ne
ii\flis))osition de «lueNpM's jours l'cnipêcha

d'cxjtédicr l'arclu-N rqur dr Lanriaiio: mais, au reçu des coninuini-


cations d'Arri\ ahene. li \f lit |iarfir le 30 jui:;. avec une lellre de
sa main '. dans Iai{iiell(*. sans la nioimlro allusion aux événements
récents, il Mi\itait aiiuablcTuent le lucnncr léi^at à cnutMUHT son
service connu»- par le |)assé, selon nu'mc iirof^raTume et lui jiro-
le

mettait son concours, avec tous les bons odices (pic Mantoue pouvait
désirer. Arri\ même temps, rt au débar(|ué,
abenc coinnninicpiait on
le du pontife d'accej)ter la démission. Hnrromée ]irévenait
refus
Simonetta ipi il eut à se comporter en parfait accord avec son chef,
c'est-à-dire sub(»rdonner entièrement ses actes à sa direction, lui
faire part de toutes les alîaires, avoir avec lui les meilleurs rapports,
confiance ontirro, jusiju'à riiiliinité. en un mot inlnnsrro et dômes-
tico amnre.

Par la bouche de rarchcvèqur de Lanciano ', le collèj^e des légats


recevait un peu plus tard des encouragements et promesses analogues.
Pie I\' leur demandait seulement d'ajourner le débat sur la rési-
dence et de continuer le concile ])Our le mieux, comme ils l'enten-
draient, de tenir le Saint-Siège au courant de toutes leurs démarches,
avant de les entreprendre. En quoi, répondaient-ils aussitôt, ils
étaient parfois empêchés par le temj.s et la marche des déliats.
« N'avaient-ils néanmoins envoyé tout récenunent les canons
jias
et décrets j)our prochaine session ? » En outre Simonetta expédiait,
la

sur la fin du mois de juin, le 25, une série de trente articles de réforme,
extraits des chapitres esj)agnols du mois d'avril et mis en lucilleure
orme. Le jiape les annotait aussitôt et les renvoyait le \ juillet^.
Lorsque les légats reçurent ces commissions le 11 juillet, la situa-
tion s'était f[uelque ])eu améliorée. L'archevêque de Prague était
de retour et remettait le 9 une longue lettre de l'empereur, r|ul
atténuait ses dernières exigences. « Elles n'avaient eu d'autre objet

que d'assurer les intérêts religieux de ses Etats et de rester en ]>ar-


fait accord avec le roi do l'rauco. Il afTirTnait son respect j^oiir le

1. Ihid., p. 227-228, 213-220, 230.


2. Kr-poiisf dos l^pats, ihid., p. 241 -2'! 2.

3. Ibid', [..
232-236.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 681

pape et le concile, toute sa confiance envers le cardinal de Mantoue


en tant que président du concile. Il laissait les légats maîtres de diri-

ger celui-ci conmine ils l'entendaient, reconnaissait au pape seul le

droit de se réformer lui-même. Il lui écrivait dans le même sens; et


le nonce Delfino de répéter que Sa Majesté appréciait Mantoue
comme le plus parfait des présidents ^.
Le 18 juillet, des lettres de Philippe II achevaient de mettre en
déroute coalition espagnole. Déjà Simonetta prétendait avoir
la

éclairci lesrangs autour de l'archevêque de Grenade^. Le roi catho-


lique dissuadait ses évêques de dresser une protestation au sujet de
la résidence. Par égard pour l'empereur son oncle et pour le roi de

France, il n'insistait plus pour que la continuation fût déclarée : il

lui suffisait que les débats fussent poursuivis, comme ils l'avaient
été jusqu'ici, en liaison avec ce que le concile avait défini et arrêté

depuis le début. Le marquis de Pescara recevait de nouvelles ins-


tructions en ce sens. Ainsi prenaient fin les intrigues de Guerrero
comme de Vargas.
celles

Ces interventions toute puissantes abrégèrent les travaux de


Visconti jusque là il n'avait réussi qu'à rapprocher les légats en
:

public ^. La lettre de Philippe II produisit immédiatement son effet.


Le 19, lendemain de sa réception, le cardinal de Mantoue invita à

sa table son collègue Simonetta, ce qu'il n'avait pas fait depuis

longtemps. L'entrevue fut cordiale, accompagnée de loyales explica-


tions le premier président refusa de revenir sur le passé, voulut
:

oublier les mauvais


offices que lui avaient rendus des prélats qui

fréquentaient chez son adversaire, et se contenta de souhaiter qu'à


l'avenir ils se missent en parfait accord avec le reste du concile.
La confiance renaissait entre deux éminents personnages, et tout
les

faisait espérer que le subordonné communiquerait désormais à


son supérieur les commissions dont il serait chargé.

Le cardinal de Mantoue montrait franchement généreux* à


se
de ceux qui l'avaient offensé et lui avaient rendu la tache
l'égard
laborieuse. Le commissaire du concile Sanfelice notamment, qui
s'était signalé parmi ceux qui clabaudaient contre lui, ne se mon-
trait pas toujours correct dans les relations qu'ils avaient pour les

1. Pallavicini, ibid., c. v; Susla, ibicL, p. 225.


2. Susta, ibid., p. 205.
3. Voir les longues dépêches de Visconti, Susta, ibid., p. 245-247 (le 13 juillet) ;

263-264 (le 20); il rapproche la réconciliation des doux légats de la lettre de


Philippe II.
(>82 i.iv. i.v. l'impi'issance du concile

aiïaires du concile. Son caractère


dillicilc était de ceux qui coinpli-

quaient la vie et les rai'ports entre prélats, j)ar suite les travaux
etix-nirines. Pie IV se déclarait prêt à lui enlever sa charge, mais le

président l'en dissuada, h cause des services <}ue le personnage ren-


dait à rassemblée, ajourner même toute mesure de rigueur '.
fit

Dn reste,l'agent de Mantoue Arrivabene achevait d'aplanir


les diliicultés; tpiand il revint le 6 août, d'un second voyage à
Ronu> l'incident de la démission prit fin. Le cardinal consentait
à conserver son }>oste sous trois conditions, que le pa])e accej)ta
volontiers, bien qu'à sa façon -. Il était assuré de l'innocence de
son vicaire et consentait à !• reconnaître pul)li(|uement au ])rochain
consistoire, à la face de ses ennemis, même s'ils étaient des pre-
miers au Sacré-Collège. Il le préviendra à l'avenir des dénonciations
dont il serait l'objet poui ipi'il juiisse aussitôt se justifier. Par
ailleurs, il
y avait un intérêt général et majeur à ce que le concile
se terminAt promptement et sans changer de direction : le pape
n'acceptait donc jias la dernière clause, de décharger le cardinal de son
fardeau à la première occasion, et désirait fju'il le portât jusqu'au bout.
Celui-ci se déclara satisfait de la solution et en écrivit au pape son
contentement (a??Jorei'o/e). Le résultat immédiat fut, (ju'à l'unanimité,
les légats prièrent le jour même (6 août'') le cardinal Horromée
de ne plus recevoir a\ec fa\'eur les lettres que des esprits mal-
veillants lui écrivaient contre eux, à leur insu : c'était encourager
certains prélats à mander tout ce ([ui leur venait à la fantaisie, au
détriment de la nuirche des travaux; il serait plus ])ratique d'envoyer
les documents de cette sorte au bureau, jtour qu'il en tir;U parti.
On ne \ oit ])as <{ue saint Charles ait accusé réception de cet avis
discret, mais il dut en te.'iir compte.

Le concile reprend ses travaux péniblement.

l,a réchunation avait en elTet sa raison d'être; la cour de Rome


manœu\rait parfois en dehors des légats* et sur des renseignements
qu'elle recevait ainsi en marge. Ils n'a^ aient |>lus l'assemljlée en

I. Il'id.. |.. 28'i-285, 336.


•J. Ibid.. p. 266-267.
3. par .xrmj.lc, p. 212, 217, ôoa tomoignagrs, enirc plusiiurs
Ibid.. p. 2H6. Voir
autres, dos cnccuragenirnts que «aiiil Oliarics donnait :i ers procédés.
f,. Susta, ihid., j.. 226-227.
CH. m. LA CRISE DU CONCILE 683

main, et s'aperçurent qu'il leur était difficile de la reprendre.


ils

A côté des partisans du droit divin que la Secrétairerie d'État


rabrouait parfois ^. des partisans de Rome qu'elle caressait, se multi-

pliaient les défmiteurs qui subissaient les directions de leur souve-


rain, c'est-à-dire de ses ambassadeurs. Les Espagnols avaient donné
le branle, les Français allaient suivre, cela ne faisait de doute pour
personne, et les Impériaux savaient trouver des appuis parmi les
Pères. Tout cela se par-dessus la tête des légats, au détri-
}«assait
ment de l'ordre du jour. Quelques souverains s'entêtaient à faire
résoudre la question du calice en faveur de leurs sujets, et les parti-
sans de la résidence de droit divin s'agitaient toujours. Au début
de juillet, l'archevêque de Grenade et l'évêque de Modène tentaient
ménie d'attirer à leur parti l'archevêque d'Otrante. Pietro-Antonio
de Capua, arrivé récemment et qui jouissait d'un certain prestige,
par suite du rôle qu'il avait joué au concile de Paul III '^.
Les neuf chapitres de réforme, arrêtés dans la première moitié
de juin, n'avaient plus que quelques retouches à recevoir, mais,
on le voit, les défenseurs du droit divin ne se résignaient pas à l'aban-
don de dogme. Les deux grands débats, sur la communion et
leur
la résidence, s'embrouillaient l'un dans l'autre, au moment où se

préparait la session suivante; tovitefois le concile était engagé 'par


son honneur à publier quelque décret, du moins à ne pas laisser en
suspens ceux dont il avait commenté l'examen.
La grande bataille allait reprendre à propos des cinq articles
sur la communion, que le concile de Jules III avait réservés, dans
sa session xiii®, par égard pour les Allemands. Les Impériaux guet-
taient le moment opportun d'arracher à l'assemblée la conces-
sion du calice; on se la renvoyait de Rome à Trente, et i'ice versa le :

concile, pas plus que le pape, ne voulait en prendre la responsabilité.


Si la faveur avait fait naître quelque perspective d'avantages, les luthé-

riens en avaient abusé et invitaient les catholiques à les imiter. Les

Français se préparaient à faire cause commune au concile avec les


Impériaux beaucoup de leurs compatriotes réclamaient la conces-
:

sion avec non moins d'impatience que les hétérodoxes. L'empereur,


de son côté, menaçait de provoquer à ce sujet un conflit dans le
genre de ceux avec lesquels Charles-Quint avait si vivement assailli

Paul III.

1. Ibid., p. 205-206, avec documents à l'appui.


2. Ibid., p. 220, Simoiiotta, 6 juillet, détails pittoresques.
()84 I.tV. LV. I.'lMlM ISSANCE DU CONCILE

Tous scinhiaicnt se nit-ltif d'aciMnd |»«tnr trarisjiorter sur le ter-


rain d'' I:i fioctiiiu' DM arhtir de |iiiif (liscipliiic. Au w*" sircle, les
HoliriiiMMis avaient admis iMniimr une sorte d'arliclr di- foi,
qu'ils ne
pouvaient rerp\<>ir .Irsus-Christ tout entier, corpoKdIenient et avec
toutes ses grAces, (jue dans la roniinunion sous les deux es|)èces,
d'où les titres d' iilraqmste.s e.t de atlixtins qu'ils se donnèrent oux-
nièiiies. Ils avaient fait de celte eoininuniun un j»rcce|ite de droit
di\in. Luther, et ;i sa suite la |»lu|»art des autres novateurs, s'en

«Muparèrent, juscju'à .lean Calvin, (|ui finit par ne \oir dans la coni-
nuinion «piiin sou\ enir de la dernière Cène. Leur ])roj»agandc avait
]>ersuadé beaucoup de ]>opulations de rEuro])e centrale et occiden-
tale, par exen»|de dans Ltats autrichiens, (pTclles ne pouvaient
les

rester catholicpies qn'à la conditnm de recevoir cette communion.


Les souverains. I
lahsl>ourf^s, NVitteIsbach, Valois, etc., en étaient
venus à paita<;ei- cette conviction, ou du moins croyaient ne pou-
\oir a|>aiser les troul)les religieux de leur pays cpie par l'obtention
du calice V
Il n'est pas étonnant que les légats se soient apidiqués à faire a]»pro-
fondir le plus possible, et jiour l'instruction des Pères, le point de vue
doctrinal jiar les
théologiens qu'ils a]»]ielèrent à l'examiner. La <pies-
tion du calice restait au second ]»lan.tant <pie l'hLglise enseignante
n'aurait jias décidé en (juoi consistait le sacrement, c'est-à-dire la

récejition de Jésus-Christ tout entier, Dieu et hninine. source de


toutes les grâces.

Les cinq articles du décret avaient été censurés par les conseillers
techniques du jjape, et ils avaient recommandé de ne rien innover,
de s'en tenir à l'enseignement des anciens conciles, surtout de ne
pas aller h l'encontre de ce que l'assemblée de Trente avait déjà mis
en délibération. Ils déclaraient étrange la forme interrogative sous

laquelle ces articles présentaient la doctrine, comme s'il était loisible de


mettre en doute ce que rh'.glise a% ait toujours enseigné et pratifjué ^.
Le texte fut donc remanié, pour être discuté a]»rès la session du
^t
juin. Les conférences de théologiens s'ouvrirent le l<i. dans l'église
Sainte-Marie Majeure, sous la présidence des légats, en présence des
Pères et de nombreux personnages de toute conviction, désireux de

1. .Ip n'ni p.ts estimé nécossain- lii- péiiétror plus à fond dans l'historique de
cctir <]Ursti()M m
ors rapports avrr lo conrilo. I-llIr' a fait Totijct d'un ouvrage
en d(U\ pros volumes; (i, (k)nslant, Cof.rfssinn à l'Allnnat;nr tir la conuniinion
sous Us deu-T espèces. Pari?, 1923.
2. Voir les dépèches à Simonetta du 30 mai, Su? ta, p, 179.
CH. III. LA CUISE DU CONCILE 685

s'instruire auprès des théologiens en renom. Plus que jamais il


fallait compenser le temps perdu, et les légats, sans s'astreindre
rigoureusement à la répartition des théologiens en quatre classes,

d'après leur situation et la grandeur des souverains qui les avaient


délégués au concile, firent un choix pour dresser la liste de ceux qui
auraient à parler; ceux du pape les premiers, comme représentant
l'Eglise elle-inême, puis ceux de rempex'eùr. Une quarantaine seu-
lement argumentèrent dans deux conférences par jour, de trois à
quatre heures chacune, jusqu'au 23 où les Pères se déclarèrent
suffisamment renseignés. parmi eux quelques rares théologiens de
:

troisième et quatrième classes il importait d'établir sûrement la doc-


:

trine. Les légats surent ainsi maintenir la discussion dans la brièveté

qu'exigeait la presse du temps,, lui assurer toute son ampleur et


son importance Ils ne présentèrent donc que
: les docteurs qui

connaissaient le mieux la doctrine du sacrement de l'Eucharistie.


Les théologiens du pape, le jésuite Salmeron et le dominicain
Pedro Soto, soutinrent leur réputation, si bien que les auditeurs
furent unanimes à témoigner qu'ils n'avaient rien entendu de mieux.
D'autres attirèrent aussi l'attention le Portugais Diego Paiva,
:

envoyé par son souverain, étala, au dire de l'évêque de Modène,


son savoir et sa compétence, et fut en outre éloquent ^. Un autre

correspondant, l'archevêque de Zara, le mettait même au-dessus


de Soto. Le vieux docteur de Sorbonne Bernardin Bérard fit bon;
neur par son savoir à la célèbre faculté. La plupart des ces argumen-
tateurs étaient des religieux de divers ordres, qui avaient vieilli dans
les écoles de leurs couvents quelques uns avaient passé de là dans
;

les universités. Et voici l'impression qu'ils donnèrent en général,


toujours d'après l'évêque de Modène les Espagnols brillèrent par:

leur beau parler aussi bien que par leurs connaissances, au-dessus
des Italiens qui se renfermaient dans la sèche argumentation scolas-

tique 2. Pour un Italien, il devait juger assez impartialement !

Des incidents éclatèrent de fois à autre dans cette série de séances.


Le 15 dominicain espagnol Jean de Ludena, énumérant les
juin, le
peuples entachés d'hérésie, commit la maladresse d'y comprendre
les Français. Les représentants de cette nation jetèrent les hauts

cris, le malheureux dut s'expliquer, et ses propos ne figurèrent pas

1. Eiwiri niollo dotto e pronle, ma mollo éloquente. Lettre au cardinal Moroue,


Conc. Trident., p. 546, note 1.
2. Qtieiti fraii italiani si portano hene, con la dotlrina scolastica el non con certa
bella .^orte di leltere, corne i preti Spagnoli. Ibid., p. 570, note 1.
t)8G ii\. i\. I. imj»lis.sa.nc:k du roN<:iLE

an |troces-\ pili.il hmx jours .iprès, \v snvii.- Amante dv Hrescia


soutint cettr iiH)|Mi.sitiou sraii(l;ilciise <ni'à lu moil de .Icsus-Clirist
sont corps fut séparé de sa divinité. Sans lui |.orniettre de
s'expli-
<]u«i, It's Prres lui roupérrnt la parole par un roulernont dt- jiii'ds,
»'J If
procrs-vprhal ij^nora .'uissi ses pro|»os.
Les a]>pré«'iations des |.réjats furent assez mêlées, pas toujours
favoral)les. Ii'arel»evé(jue dt- Uiijriise Merratelli^ aurait souhaité
<pje
les orateurs fussent moins piolixcs cl moins suhtils. L'é\ ccpie titu-
laire tic I
licrai)etra. le Mantouan lp|»olito Arri\ ahene, {i;éiu';ralisait
uiênie l'appréciation, sans eu exce[»ter Saluieron. Paiva et
Federij^o
IVndaso, «ju'il surnoniiuait le /'/i/7o.so/>Ac du cardinal de Mantoue, k
cause de ses attaches a\ ec ce haut jiersonnage '. Il était pourtant
lui même de la maison.

Le résultat de ces discussions fut néanmoins satisfaisant: les


théologiens s'entendirent sur deux articles le ]>reuiier, aucun
]>ré-
:

ceple n'impose l'usage du calice en dehors du sacrifice: t-t le cin-

quième, il n'y en a pas du\ antage ji(»ur la comnuinion aux enfants


avant l'Age de raison. Les avis se partagèrent sur le second article:
rr^glise doit -clic permettre l'usage du calice ; ils admirent du luoins
(jue son poiiNoir en cela n'allait |as contre le droit divin et ecclé-
siasti<|ue. Même di^ crgence sur le troisième, convient-il d'accorder
le calice à ceux (|ui le conditions ? Le qua-
demandent, et à (pielles

trième dénonçait l'erreur de Luther, condanuiée déjà sous .Jules III,


(jue .lésus-Christ n'est ]>as tout entier sous chatfue es]>èce. Les Pères
n'estimaient |)as nécessaire de reimu\cler la sentence : toutefois
certains théologiens, comme Amante de Brescia. cjiii souleva encore
sur ce sujet des ]trotestations, enseignaient que la comnuinion sous
les deux espèces ])rocure ]dus de grâces, parce <pie le signe est répété.
et lassendilée se denutndait s'il convenait de ]iasser cette opinion
sous silence, dans la susdite condamnation.
Les exposés avaient en général pour base la grande preuve d'auto-
rité, le ]>récepte de la communion, énoncé au cha])itre vi de l'I^an-

gile de saint Jean, le commandement formel de .lésus-Christ. admis


d'une manière unanime jiai-
la tradition. La preuA e avait pourtant
un défaut (|ui fut iironq^tetuent énoncé dans la suite des débats :

elle s'apjdirpiait à la communion sjiirituelle comme à la réception


du sacrement de l'eucharistie, et les théologiens ne manquèrent

1. Ihifi., p. Tit'i, note 'i : Vorrei che fossero non con tante fiottigUezze... che intri-
cano il cenello.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 687

pas de l'invoquer pour l'une comme pour l'autre. La discussion


déviait ainsi, perdait de sa précision, s'égarait, et les Pères n'en
subirent que trop les conséquences; les légats avaient dû ramener
les

plusieurs fois dans le droit chemin, en faisant appel aux auxi-


liaires canonistes, consulteurs d'office représentant la doctrine de
Rome ^.

'
Avant même la dernière séance des docteurs, ils confièrent à
Massarelli larédaction d'un nouveau texte, en écartant les articles
deux et trois sur la concession du calice. Les trois autres furent
ramenés à quatre anathème contre les erreurs sur la communion.
L'esquisse fut soumise à la congrégation générale du soir, ce même
jour 23 juin, et admise en principe par les cent cinquante huit Pères
présents, moins une dizaine qui, avec le patriarche de Venise, les
archevêques de Grenade, Braga, Sorrente, Raguse, proposaient de
supprimer le troisième canon, —
comme renouvelé du temps de
Jules III, —
définissant que le fidèle reçoit autant de grâces et les
mêmes sous une espèce que sous deux. La majorité maintenait le

texte établi par Seripandi; toutefois les définiteurs réclamaient


quelques précisions de plus et il parut opportun d'ajouter aux
canons un corps de doctrine. Seripandi fut encore chargé du travail,
en même temps que Simonetta revoyait le texte des canons. Ils

firent appel, pour les aider, chacun à trois év^êques ^, avec les

généraux des Frères-Prêcheurs, Vincenzo Giustiniani et des Augustins,


Christophe de Padoue.

Le concile revient au calice.

Les deux commissions se mirent à l'œuvre et travaillèrent lente-


ment, au milieu des soucis qui absorbèrent alors l'attention des légats.
Néanmoins, dès le 24, ils remettaient aux Pères ics deux articles
en réserve sur concession du calice, toujours avec le même pro-
la

blème A
quelles conditions satisfaire les nations qui le récla-

maient. Les Pères n'étaient-ils pas plutôt d'avis de les joindre aux
qviatre canons qu'ils avaient en main ? Le pape avait exprimé le désir

que le concile réglât lui-même ce point délicat. Or, le 27 juin, les »

ambassadeurs impériaux présentaient un long mémoire qui récla-

1. Par exemple le 6 juin. Sus!;?, p. 193.


2. Susla, p. 218, dépêche (les légats du 2 juillet.
688 in. I.V. 1. IMPUISSANCE DU CONCILE

^
inait in.stainiiUMit cette concession pour les Calixtins de Hohrnie et
les antres l'^tats liéréditaires de la maison d'Autriche; au nom de

l'enipcreur, cela va sans dire. Les Ié<^ats promirent de prendre en


considération leurs motifs. Cette nouvelle olTensivc venait s'ajouter
à l'autre méuuiire de réforme générale in capite et ini memhris,

i[\n'. l''erdinand avait fait remettre réc«'mment et h ])roj»os du(jucl


ilréclamait encore auprès du nonce Dellino. C'était sur '
lui »pie le

concile devait porter désomuus toute son attention. »

Les requêtes de l'empereur.

L'emjiereur avait fait discuter ce dernier travail )>ar son \ ice-


chaïuelier Sij;;nuind Seld et le conseiller aulique Georg Gienger,
Ils eurent la
])récautioii de ]irendre ])Our base le projet en douze
articles arrêté en mars 625-626). La rédac-
])ar les légats (ci-dessus p.
tion déliniti\e fut confiée au théologien laïque l'rédéric Stajdiylus

que lujus avons déjà rencontré :


rem])ereur l'avait enlevé au duc
de Bavière et à Iniiiversité d'Ingolstadt, installé à N'ienne, pour le
consulter sur les affaires du concile. Stajthylus de son côté jugea
prudent do ])artager encore les responsabilités, et ]'rit ])our con-
seillerscenseurs deux théologiens de valeur, d'ailleurs ])ersonnages
influents à la cour imjiériale; le fraïu-iscain espagnol Francès de Cor-

doha, confesseur de la reine de Bohême, l'infante Marie, fille de


Phili]q)e II, et celui même de l'emjiereur, le dominicain néerlandais
Mathias Cithard (du nom de son pays d'origine, dans les Pays-Bas),
prédicateur et théologien de celte même cour.
Ajirès deux mois environ de travail, le document quitta sou lieu
d'origine le 22 mai, fut à Trente dès le 26; mais les agents im])ériaux ne
le présentèrent aux légats qu'après la session du 6 juin, le jour même.
En quinze articles, l'empereur sollicitait, avant tout autre règle-
ment et définition, la réforme du clergé, à commencer
pape, ]iar le
sa cour et la cune
réduction des cardinaux à vingt-quatre (ceci
:

était bien vieillot, datant d"\m siècle et plus !), limitation des dis-

penses a]»o.stoliques et des exemptions des réguliers et autres, inter-


diction du cumul des bénéfices, etc. La résidence à ])ratiquer, la

1. Susta, ihid., j>. Jl i d


noli- 1, :215 iM notr sur I;» iirésonlation du mémoire
;

impérial et l'intervention de l'archevêque de Prague, p. IDfl-lDl et ci-dessus,


p. 669, 670.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 689

simonie à proscrire, les préceptes sous peine de péché mortel à évi-

ter, les excommunications et autres peines canoniques à réduire,


le culte, la réforme du bréviaire, du missel, rien n'y manquait, pas
même l'approbation des chants en langue vulgaire et de la musique
populaire. Et, pour couronner le tout, l'empereur requérait l'usage du
calice, la suppression des jeûnes et abstinences, le mariage des prêtres

pour les régions du Nord, où tant de maux réclamaient un prompt


secours. Les premiers et les plus essentiels remèdes de réforme
étaient la rédaction d'un résumé de doctrine en langue allemande
et l'établissement de maisons d'éducation pour le clergé. Le tout
se terminait par le conseil discret de ménager les accapareurs de
biens ecclésiastiques, seul moyen de les ramener ^.
Il y avait à prendre et à laisser dans ce vaste ensemble. Les
légats
abasourdis, ne sachant où donner de la tête, cherchèrent tout d'abord
à gagner du temps n'avaient-ils pas un décret de réforme prêt
:

pour la session prochaine ? Mais les Impériaux insistèrent pour


y faire fondre le leur, en un programme nouveau. Ils ne cessèrent
dès lors de réclamer en même temps l'ajournement de cette session
et, à leur tour, ils menaçaient d'une protestation ofTicielle devant
l'assemblée. Toutefois la lettre impériale du 29 juin, obtenue par
l'entremise du nonce Delfino et de l'archevêque de Prague, permit
aux légats de respirer et au concile de mûrir quelque peu la question
de réforme.
Le plus pressé toutefois était de régler le cas de conscience, qui
venait de se poser à propos du calice l'Église devait-elle en permettre
:

l'usage ? Les instances du duc de Bavière se joignaient à celles 4e


l'empereur, même plus indiscrètes. Ses agents, arrivés à Trente le
1®' mai, avaient été reçus assez fraîchement, car ils apportaient

en plus une requête quelque peu singulière sur le mariage des prêtres,
admissio maritorum ad ordines, ainsi que la formulaient leurs ins-
tructions: il ne s'agissait pas seulement de légitimer les unions
contractées jusque-là par les clercs, mais de pouvoir ordonner à
la prêtrise des personnes mariées. La requête parut scabreuse et
fit venant d'un souverain qui se posait comme le cham-
scandale ^,

pion de l'orthodoxie en Allemagne dès le 5 mai, le cardinal Hosius


:

écrivit au prince, cherchant à le détourner de cette démarche. Rien

n'y fit le 14, le duc Albert renouvelait sa demande.


:

1. Sommaire dans Pastor, p. 221; voir aussi p. 220 et note 2.

2. Conc. Trident., ibid., p.619-626 passim; Susta, p. 102.


CONCILES. — IX. — 23
690 LIV. LV. I, I.MI'UISSANCE DU CONCILE

Il
désigné cotnine ses agents, (nous l'avons \u ci-dessus
aN.'ùt

p. 6^i7) le docteur en droit Augustin Paunigartner, un de ses con-


seillers et le jésuite Jean Couvillon, originaire de Lille, ]>rofesseur

de théologie h Ingolstadt. Or ce dernier, dès son arrivée ^ Trente,


fut clK^'itré ])ar certains ])crsonnages bien ])cnsants, de ses confrères
sans nul doute, et se laissa persuader cju'il ne lui convenait pas, à
lui religieux, de patronner une ])arcille requête. Il ]>ria donc son

maître de le relever de ses fonctions d'ambassadeur, et de ne lui


laisser que de tbcologien, ce qui lui jtermettrait de se consacrer
celle

tout entier aux intérêts de l'Église nationale. Le duc accéda û sa


demande et, le 14 mai, un nouveau mandat ])roclaïnait Paumgartner
unique agent de Bavière.
Celui-ci ne tarda jtas 5 s'apercevoir de l'imbroglio de sa situation,
et d'ailleurs les exigences de son maître le condamnèrent à se tenir
à l'écart pendant près de deux mois. Le duc prétendait lui aussi
que son agent eût le pas sur tous ceux qui ne représentaient pas

une royauté; il entrait ainsi en conflit avec Venise, les cantons


suisses et Florence, qui manifestaient la même exigence, et il n'eut

pas de peine à ])rovoqucr une véritable coalition contre lui ^. Les


légats, ne parvenant pas h départager toutes ces })rétentions, en
référèrent à Rome, leur recours ordinaire en ce cas. Le ]iape était
d'avis qu'en ce qui concernait Venise du moins, la thèse du duc était
insoutenable: Venise qui, depuis le .Moyen Age. tenait le ]>remier
rang ])armi les réjmbliques marchandes de la chrétienté, venait
immédiatement a]irès les monîirchies, et ses agents ]irenaient par-
tout place à la suite des agents royaux.
Pie IV tout d'abord recommanda de s'en tenir au cérémonial
romain, pour ce cas comme pour les autres, sans en excejiter le

conflit, beaucoup plus grave, entre la France et l'Espagne'; il n'y


avait qti'c» laisser ]iartir les ambassadeurs fpii ne s'y jdieraient pas.
Puis il fit prier l'enq^ereur, beau-jjère du jtrince jiroccssif, d'inter-
venir : il inadmissible que son gendre jirétendît imposer à
était

Rome un protocole nouveau. Ferdinand fit de son mieux et trans-


mit au Bavarois la conseillant de ne pas
requête des légats^, en lui

troubler le concile ])ar des querelles accessoires. Albert crut devoir


céder quelque chose et ordonna à son mandataire d'accej'ter la

1. Suota, ibid.; Pallavicini, ibid., c. iv, § 6.


2. Snst.i, ibid., p. 177. 204; Conc. Tridrnl., p. 619.
3. A Prapui-, pendant le couronnonicnt de l'archiduc Maxiniilien comnif roi
de Bohfna»'. Susta, p. 160.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 691

préséance du Vénitien, mais en protestant que cette concession ne


vaudrait que pour le cas du concile et la Sérénissime Seigneurie. Use
réservait à l'égard des autres concurrents.
n en fut fait ainsi, et Paumgartner se décida à soumettre ses
lettres de créance à la congrégation générale du 27 juin. Il y joignit
une requête en trois points, rédigée d'avance et qui glissait les deux
demandes de son maître à travers une proposition de réforme géné-
rale du clergé bavarois. Celui-ci en avait un besoin urgent, comme
des deux privilèges dont il ne pouvait pas plus se passer que les fidèles ;

venait à l'appui un tableau détaillé du triste état dans lequel gémis-


sait l'Église de Bavière et que le duc avait fait constater en 1558, par
des enquêteurs délégués à cet office. Au reste le pape Paul III

n'avait-il pas autorisé, dans une bulle du 31 août 1548, les évêques
d'Allemagne à concéder le calice, comme ils le jugeraient à propos ?
L'assemblée représentant l'Église universelle n'avait qu'à généraliser
cette concession pour les pays qui en avaient besoin.
Le scandale que souleva la demande du mariage des prêtres ne
s'atténua pas, il s'en faut; le Bavarois en prévenait
lendemain le

son maître, et il lui laissât peu d'espoir pour cette requête. Il n'en
était pas de même du calice, semble-t-il, car le duc était en cela
fortement épaulé par son beau-père. A cette même séance du 27 juin,
le cardinal de Mantoue avertit les prélats que les théologiens n'avaient

pasdonné d'opinion claire et précise, — tellement



ils différaient d'avis,
— sur deux
les articles du calice un mémoire qui
;
il
présenta ensuite
ressemJîlait à celui du Bavarois, et que l'empereur avait sans nul
doute concerté avec lui les ambassadeurs impériaux sollicitaient
:

l'usage du calice pour les Bohémiens, les États autrichiens et pour

toute l'Allemagne. ne manquaient pas de s'armer aussi de docu-


Ils

ments officiels, tels qu'une autre bulle du 31 août 1548, autorisant


nonces, chargés de faire appliquer V Intérim de Charles- Quint,
les trois

à donner un privilège général du calice en ces divers pays, et le


bref du 26 mai 1549, qui permettait à ces mêmes agents de déléguer
leurs pouvoirs à travers l'empire ^.

Les deux requêtes en question, celles de l'empereur et du duc


de Bavière, avaient déjà leur histoire Pie IV les avait eu en main :

depuis le mois de mars après un mûr examen, il les avait ren-


et,

voyées au concile. Bien avant le 27 juin, date où leur en fut soumise


une nouvelle édition, les légats reçurent la première, avec une dépêche

1. Conc. Trident, ibid., p. 627-633, avec les documents en notes.


G92 I.IV. I.V. 1,'lMPUISSANCE DU CONCILE

du cardinal secrétaire d'T.tat, «lu \ mai, (|iii


leur recommandait
d'y répondre favorablement. Il leur soumettait jieu ajtrès
'
une
autre re(|uête de l'empereur sollicitant, ])our rarchevctjuc de Prague,
l'autorisation d'ordonner prêtres les ])asteur8 calixtins, même mariés.
Les origines de cette dernière remontaient encore ]ilus loin Paul III :

l'avait reçue le ]>remier, h la fin de son ]»ontificat; Jules III l'avait


renvoyée, le 27 février 1550, à la congrégation cardinalice causa m
fidei, qui avait fini jiar la laisser en sus]>ens. C'est que jiour elle,
comme })Our les ])récédentes, la réponse restait subordonnée à cer-
taines conditions d'orthodoxie, qu'il fallait tout d'abord bien pré-
ciser.

Dès le reçu du jiafpiet, les légats confièrent le tout à une com-


mission de quatre ]trélats jouissant d'une certaine réjiutation de
savoir et d'indéi)cndance, nullement sus]»ects à l'Église romaine :

les archevêques de Rossano et Lanciano, les évoques de Modène et

Rieti. Ils méritaient certainement confiance, et donnèrent d'ailleurs


en peu de jours une réponse fa^orable, qui fut expédiée à Rome
le 9 mai. Ils établissaient les conditions dans lesquelles le concile

pourrait régler ce qui concernait les calixtins, a]>rès entente avec


le ]ia]>e; comme jiour la concession du calice nation ]>ar nation, subor-

donnée toujours aux circonstances de tenqts et de lieu. L'archevêcjue


de Prague ne devait accorder l'un et l'autre qu'aux personnes qui
auraient formellement abjuré toute erreur luthérienne ap])eler ;

aux ordres sacrés, celles seulement »]u'il en jugerait dignes, même


des hommes mariés; les établir comme curés, avec les instruc-
tions et pouvoirs qu'il croirait leur être nécessaires, dans une
paroisse urbaine, b côté d'une paroisse d'ancien rite.

Dès 20 mai, le pa]ie faisait répondre f[u'il s'en remettait encore


le

de ce cas au concile. Il aurait ]'u cej)endant jirévoir que l'affaire


s'allongerait ou se renouvellerait sans cesse, et «pie l'assemblée
aurait successivement à régler toutes les demandes de même nature
qui ne manqueraient ]ias de lui être présentées, les nations intéres-
sées s'annant du succès des Bohémiens et des Allemands. Ainsi les

évêques de Hongrie ne tardèrent ])as à solliciter le calice de la ]>art


de leur ]>rimat, l'archevêque de Strigonie. Les Français chuchotaient
déjà qu'ils avaient des instructions orales dans le même sens, en

1. Avrc le Conc. Trident., t. vin. p. G30-fi33, voir Susta. t. i, p. 105, 1fi6 et


ci-dps80us, p. 725,— à la fin du présont chapitre l'un et l'autre l'avis des —
cardinaux du Snint-OfTirc.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 693

faveur des huguenots, qu'ils avaient à soutenir, du moins en cela,


les Impériaux, dans la crainte que leurs compatriotes ne fussent
désavantagés ^.
congrégation générale du 4 juillet,
Finalement, à la
ils présentèrent un mémoire qui réclamait
pour ceux-ci l'extension
du privilège qui serait accordé aux autres nations.
La discussion générale sur la concession du calice, qui s'ouvrit
le 30 juin, révéla promptement une telle disparité d'avis qu'il sem-

bla impossible d'aboutir à une décision pratique. Le concile admet-


tait les quatre condamnations contre les luthériens et le principe

que l'Église enseignante peut permettre l'usage du calice, mais


s'entendait d'autant moins sur les cas qui se présentaient ou se
présenteraient, que les légats eux-mêmes étaient en désaccord
entre eux Seripandi et Simonetta inclinaient vers une concession
:

très large, sinon générale; les autres légats voulaient, semble-t-il,


réserver la concession aux cas présents, en faveur des Allemands
et des États de la maison d'Autriche. Il leur eut été facile sans doute,
en s'entendant, d'obtenir une majorité sur ces requêtes. L'usage
du calice était répandu en Orient chez les Grecs unis, et l'évêque
de Veglia attestait devant l'assemblée que six cent mille d'entre
eux communiaient sous les deux espèces, dans les pays maritimes
soumis à Venise, avec la permission au moins tacite du Saint-Siège.
Les évêques vénitiens auraient pu être facilement gagnés, et aussi
certains évêques napolitains et siciliens, par égard pour les Grecs
de leur pays.
La
responsabilité de cet échec retombe assurément sur les évêques
indépendants, qui se laissèrent entraîner par les Espagnols à une
discussion interminable sur un point secondaire, pure difficulté
d'école de théologie, semble-t-il; au reste ces derniers s'efforçaient de
retarder la session du 16 juillet, pour y faire aboutir leur principe
de la résidence. Ils s'entêtèrent à rejeter le canon troisième, définis-

sant que Jésus-Christ est reçu tout entier sous chaque espèce: sous
prétexte qu'il faisait double emploi avec le canon troisième du décret
sur l'Eucharistie de sous Jules III, dont le sens est
la sesssion xiii^

que Jésus-Christ est contenu tout entier sous chaque espèce et sous
chaque parcelle. A la rigueur, ils auraient admis cette décision, d'après
l'opinion la pluscommune que le fidèle reçoit les mêmes grâces
:

sous une espèce que sous les deux. Mais la définition répugnait aux

1. Susta, p. 226; Conc. Trident., ihid., p. 651-652; voir p. 652, note 2, les témoi-
gnages sur les difficultés de la situation.
694 i.iv. Lv. l'impuissance du concile

légats, i)urce ((u'elle auriiit conduimit: certains théologiens, des


religieux surtout, qui soutenaient qu'il en reçoit jilus dans le dernier
cas; ils se bornèrent à mentionner la parité des effets de la commu-
nion au chai)itre troisième de la doctrine.
Scripnndi, l'auteur du récent canon, fit observer avec justesse que
les deux textes avaient une j)ortée différente. L'ancien se
raj)por-
tait au sacrement en général, l'autre h sa réce])tion. « Le concile
de Jules III avait forniellement réservé
la question de l'uaage, pour
laisser aux luthériens, qui réclamaient le calice, la jjossibilité de

s'entendre avec les Pères. Maintenant qu'ils avaient refusé de venir,


après avoir été invités tant de fois, le moment était arrivé de prendre
une décision sur l'erreur de Luther condamjiant la communion sous
une seule es])èce comme contraire au précejtte de Jésus-Christ. »

La grande majorité du donna gain de cause au second ]»rési-


concile
dent; néanmoins elle inséra dans le nouveau canon la réserve que

Jésus-Christ n'a ]ias institué, ordonné la communion sous les deux

esjjèces, comme certains le jtrétendaient à tort.


Le cardinal Madruzzo, de son côté, réclamait encore l'adjonction
d'un cinquième canon, statuant que les deux espèces ne confèrent
pas ]>lus de grâces qu'une seule. Il était soutenu j)ar le cardinal
Hosius et par l'évèque de Fûnfkirchen ^-j leur entente avait aussi
pour but de retarder la session, comme le désiraient les représen-
tants de remy)ercur. Mais l'évèque de Modène jirotesta contre la
manœuvre, au nom de ses confrères, théologiens religieux, et fit

repousser motion, ne damnarentur niiilti pii doctores.


la

L'évèque de Ségovie. Martin d'Ayala, théologien qui s'était dis-


tingué 801IS Paul III comme consulteur et s'avouait le second de

l'archevêque de Grenade, dans ses menées comme dans son intransi-


geance, trouvait beaucou]) à redire aux quatre canons; ils avaient
été dressés sans mandat du concile par des ])ersonnes qui n'avaient
])a3 l'assistance du Saint-Esprit, qui non sunt supposita concilii ' ».
Il faisait allusion aux membres de la curie (tels que l'auditeur de
Rote Paleotto) que les légats enaployaient à rédiger leiirs ]»rojets de
décret, et crititpiait ainsi ce qu'il considérait comme un emjtloi
abusif de la fornuile proponentibiis legatis. L'interjiellation ne fut

pas ]>erdue, les légats en tinrent comj)te sur-le-cham]>.

1. CoHc Trident., ibid., \\. 650, note 2.

;. Ibid., p. 640.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 695

La trêve à propos du calice.

Le 2 juillet en effet, avant même la fin des débats, qui ne se ter-


minèrent en congrégation que le lendemain, ils se préoccupèrent
de dresser un nouveau texte sur la communion, et ils en confièrent
la rédaction à des commissaires nouveaux. Seripandi et Paleotto
furent écartés, comme n'inspirant pas assez confiance à l'assem-
blée Simonetta fut maintenu en sa qualité de canoniste indispen-
;

sable ;
mais Hosius eut la tâche de contrôler, avec le
concours
le

de prélats indépendants, l'archevêque de Palerme, l'évêque de


Modène, celui de Chioggia, le vieux Nacchianti et deux fidèles de la

curie, l'évêque de Viesti, Ugo Buoncompagni et le général des augus-


tins, Christophe de Padoue. Le nouveau décret, comprenant tou-
jours quatre chapitres et quatre canons, était prêt deux jours après,
et les légats avaient à peu près décidé l'ajournement de tout pro-

jet de concession; mais ils se virent la main forcée par la coalition


des Impériaux avec les Bavarois et les Français.

Quand les premiers constatèrent que l'assemblée se montrait


favorable à l'ajournement (les légats avaient pourtant pris soin de
les pré\ enir d'avance de leur résolution), ils prièrent le bureau de

retarder la session, pour y présenter en même temps le décret, autre-


ment ils se verraient obligés de donner une protestation par notaire ^.
Après deux ou trois jours de négociations, les légats estimant qu'il
était trop tard pour l'ajournement et que l'honneur du concile
se trouvait en jeu, les Impériaux dévoilèrent un projet d'accord

que deux évêques leur avaient communiqué, sans en rien révéler


au bureau, comme l'expédient au-delà duquel rien n'était plus
possible. Les deux prélats, celui de Sulmone, Zambeccarri, et celui
de la Gava, Caselli, avaient agi au nom de Simonetta et transmis
leur combinaison à Rome ^; ils ne furent pas désavoués, ce qui ne
laissa pas que de mettre le bureau dans l'embarras. La combinaison
consistait à publier le décret arrêté pour la communion; mais en
ajoutant, dans une note, que le concile avait le pouvoir d'accorder
le calice, de régler lui-même, de concert avec le pape, les circons-

1. Voir la dépêche carastéristique du 9 juillet à Borromée. Susta, p. 221-223.


Elle marque bien les embarras multiples que pouvait
apporter la concession
du calice.
2. Ibid., p. 230, Borromée à Simonetta, le l^*" juillet; p. 236, la protestation
des légats, le 6 août; p. 510, sur l'attitude de Simonetta.
696 Liv. i.v. l'impuissance du concile

tances dans lesquelles il csliiiiait cette concession jiossible. L'évêque


de Ininfkirchen, qui menait l'intrigue, n'nvait-il ])as rarrière-])ensée
d'amener une scission dans le collùgc des légats ? Il eut soin de j.ublier
(jue Siinonetta avait examiné sérieusement la jiièce, et de laisser
entendre (ju'il l'avait ajqtrouvée. En tout cas, lui et ses collègues
ne manifestèrent aucun enqtressement à s'en servir \ sinon comme
d'un épouvantai rnvers les légats.
I

Ainsi, le 8 juillet, ils iicceptèrent sans diniculté le biais (jue ceux-ci


leur olTrirent. La session du l(i juillet ]»ublierait le décret sur la

comnuinion, et la note <jui le


conqiléterait se bornerait h consta-
ter que les deux articles concernant le calice restaient à la libre

disposition du concile; il les examinerait et les arrêterait à la ])re-


mière occasion d'une requête nouvelle. Cette occasion, les Imjié-
riaux la feraient naître, et les légats s'engageaient à la ])rendre en

considération, en transmettraient le texte au ]iape et, selon ce que

celui-ci déciderait, soumettraient au concile la requête ]»our le cas


particulier qui serait sjtécifié, et feraient établir les modalités de la
concession.
Grâce h cet accord, les légats eurent loisir de i)réj)arer la session

(jui api'rochait, ce qu'ils firent le jour même, assez facilement, mal-


gré le désarroi qui s'était généralisé. Le moral des Pères se ressentait
des derniers incidents et les rigueurs de l'été ajoutant leurs épreuves
aux anciennes, un bon noml>re d'entre eux avaient sollicité leur
congé sous ])rétexte de repos, de santé, y>our aller en villégiature,
aux bains, etc. Les légats avaient accordé quebjues permissions au
courant de juin, et il semble que la cour de Rome les y encouragea
d'aboid, dans l'espoir de voir s'éloigner les mal ])ensants ^, comme
l'évêcpie de Modène. Le concile menaçait de se dissoudre le bureau :

rejeta les dernières demandes, toujours sur le conseil de Home. L'arche-


vêque de Corc\Te, Antonio Cauco, avait donné le signal de la déban-
dade, parce que son logeur le congédia, lui et sa maison'; mais le car-
dinal de Trente, en vertu de son droit de police, mit l'embargo
sur labarqiie qii'il avait nolisée en cachette pour descendre l'Adig?.
Le cas de l'évêque de Modène, Egidio Foscarari, fut des ])lus sin-

guliers il
s'agissait d'un prélat ca])able, ex])érimenté,
: actif. I

confiait à son protecteur, le cacdinal Morone, n'avoir pas la conscience

1. C'est du moins l'opinion de Pallavirini, ibid., 1. XVII, c. vu, § 5.


2. Susta, p. 191, le 11 juin et surtout 205, listes d'évfques congédiés.
3. Conc. Trident., p. 635, note 1 (l'évêque de Vintimille, le 29 juin).
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 697

en paix, du moment que le concile se refusait à décréter la résidence


de droit divin. Il n'avait plus d'illusion à ce sujet l'évêque de Vinti- :

mille ne faisait pas mystère qu'il avait été envoyé pour enterrer le
débat. Foscarari invoquait cependant des raisons de santé plau-
sibles en fait son confrère, l'archevêque de Zara, écrivait, le 25 juin,
:

que climat endommageait sa vue ^. Morone avait beau le morigé-


le

ner, de ce qu'il attachait trop d'importance, en regard des services


qu'il rendait,aux vétilles que lui reprochaient ses adversaires. Le
cardinal s'opposait donc à la retraite qu'il sollicitait, mais le pape
fut plus accommodant et le prélat mettait le pied à l'étrier le
1®^ juillet, lorsque les légats les plus influents, Mantoue, Seripandi
et Hosius intervinrent et le firent rester jusqu'à la session.
Le bureau varia ses procédés pour couper cours à ces exodes.
Ainsi général des Servites, Gianbattista Migliavacca, théologien
le

estimé pour son savoir et sa vertu, parlait d'aller présider le cha-


pitre général de son ordre, et le 2 juillet Seripandi faisait ajourner
ce chapitre par la Secrétairerie d'État. Le concile ne pouvait tolérer

plus longtemps ces complications accessoires n'avait il pas déjà :

donné récemment une permission analogue aux généraux des Récol-


^
lets et des Augustins ?
L'évêque de Viviers, Giacomo Sala, avait d'autres raisons de
s'en aller; on en avait aussi à Rome de le laisser partir, mais assez
différentes : il ne s'affichait pas moins irréductible que Foscarari
sur le droit divin. Les calvinistes, maîtres de son diocèse, dilapi-
daient ses revenus, il vivait d'une pension que lui faisait Rome ®.
Elle ne lui suffisait pas, et il sollicitait un supplément ou son congé :

ses protecteurs étaient plutôt d'humeur à lui accordre le dernier.


Les légats, après le lui avoir fait dresser, se ravisèrent le 29 juin,
et le premier président lui glissa en cachette un secours qui le dis-

pensa d'aller partager les misères de ses ouailles.


En dernière analyse, le 11 juillet, le pape faisait tout à fait volte-

face et recommandait de révoquer, de refuser toute permission que


ne justifierait pas une nécessité évidente ^, en particulier celle de
l'évêque de Viviers. Les légats n'avaient pas attendu pour procéder
en ce sens, dès les premiers jours du mois, et leur intervention ramena
plusieurs des absents. Il en vint aussi des nouveaux, comme l'auxi-

1. Conc. Trident., p. 639, note 2; voir aussi Susta, p. 206,


2. Conc. Trident p. 648, note 3.
,

3. Susta, p. 171, Borromée à Simonetta, le 23 mai; p. 201, le 10 juin.


4. Susta, p. 258.
698 Liv. i.v. l'impuissance du concile

liaire d'Eichstûtt, Léonard Huiler, évô(]uc titiiluire de Philadeljthie,


qui fut admis le 4 juillet, en (jualité de ]»rocureur de son Ordinaire.
Il se signala de suite dans le jiarti de
rindé|iendance, ])ar l'étendue
de son savoir, ]>lutôt théoriiiuo d'ailltMirs. (|u'accompagiiait une
certaine originalité d'exj)ression.

Les débats décisifs sur la communion.

Le concile se reconstituait donc, en nombre du moins, et ce fut


avec environ cent quatre-vingt Pères que la congrégation générale
aborda, le 8 juillet, le programme définitif de la session. Elle rej)rit
le décret sur la communion, sous la réserve convenue pour le calice,
et le président recommanda la brièveté dans les avis, à cause de
l'urgence du temps. Ils furent en effet généralement courts plu- :

sieurs Pères les déj)Osèrent par écrit, selon la ]tratique usitée. Quel-

ques uns, h la suite du cardinal de Trente, auraient désiré que le


préambule que la commission avait adjoint à la doctrine fut plus

court, plus ajiprofondi et plus clair, hrevior, gravior, lucidior.


L'élu d'Aquilée, Daniele Barbare, en sa qualité de Vénitien, c'est-à-
dire emi de la France, ajouta en ])arenthèse le vœu que le concile
ajournôc les débats dogmatiques jusqu'à l'arrivée du clergé gallican,
ainsi que le concile de 1551 l'avait fait jtour la nation allemande ^.

Réellement, dc]ml3 six mois et plus que ce clergé annonçait sa venue,

le monde ecclésiastique commençait à se demander s'il arriverait


jamais, et la motion ne rencontra jias d'écho ".
La discussion continua le lendemain et l'évêquc de Lerida, le
savant Antonio Agostino, api)orta un grand renfort de son érudi-
tion, à l'aïqtui de la thèse suivante : le concile ferait bien d'insé-
rer dans le n'avait ]nis l'intention de sup-
décret la réserve, qu'il

primer le dont
privilège du jouissaient certaines régions ou
calice

certaines catégories de j)ersoimcs. Il cita notamment la bulle de 1536,


renouvelée par le ])ape régnant, dans laquelle Paul III l'accordait
aux Grecs du royaume de Naples'. La discussion ]»rit fin le soir
même et la commission se hâta de corriger le texte. « Elle a telle-
ment martyrisé la doctrine, écrivait le jour môme l'archevêque de

1. Conc. Trident., 656 et note 3.


p.
î. Au témoignage do Visconti, Conc. Trident., t. vin, p. 656, note 3.
.1 Ihid., p. 672 et note 1, 677 et note 1 Pallavicini, I. XVII, c. x, §
;
1
«q-
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 699

Corinthe au cardinal Farnèse, que vous ne la reconnaîtrez pas, vous


autres à Rome. »
Le lendemain 10 juillet, à 19 heures (trois heures du soir), revinrent
lesneuf chapitres de réforme, restés en suspens depuis dix semaines,
après une première discussion en mai. Les incidents surgirent encore
(cela va de soi) principe de la résidence, bien qu'il eût été
sur le

mis à part. La juridiction des Ordinaires, objet principal de ces


articles, se heurtait à divers conflits avec l'autorité pontificale, les

chapitres et les religieux par exemple, à propos du dernier article,


:

qui réprimait l'abus des quêtes et soumettait les frères quêteurs


au contrôle de cette juridiction, sous peine d'être châtiés comme
vagabonds; mais par qui ? gros problème qui fournissait matière
à des amplifications sans fin.

L'évêque de Philadelphie ressuscita quelques uns des gravamina


séculaires de ses compatriotes; insista sur la nécessité d'attendre
ceux-ci pour faire œuvre sérieuse. Il se répandit en considérations
bizarres, déplacées, scorse in moite impertinenze, mandait l'évêque
de Vintimille ^, par exemple que le pape devait inviter personnelle-
ment, particolarmente, chaque évêque allemand au concile. Il choqua
les Pères par une certaine méconnaissance de la situation il lui était :

en effet impossible d'ignorer les efforts trop stériles des nonces,


Commendone Delfmo, pour amener ses compatriotes au concile,
et

alors que plusieurs d'entre eux s'entêtaient à le repousser et cla-


maient en même temps que, sans eux, il ne pouvait être général.
La coalition des opposants à la cour romaine réapparaissait avec son
arme favorite : la correction des abus de cette cour, sans grand espoir
de les faire disparaître complètement. Ainsi on y ordonnait des évêques
et des prêtres ad titulum patrimonii, pour que le pape pût leur confé-
rer des bénéfices, et non les moins riches. C'était une des pratiques

par lesquelles il accaparait les grasses prébendes et hautes dignités


dans l'Église, une des sources principales du revenu des nonces et
autres agents curiaux dans la chrétienté. Cependant la grande réforme
de Pie IV en mai avait révoqué toutes les facultés de ces nonces *.
L'évêque de Veglia en Dalmatie tonna contre ces abus, le 11 juillet;
c'était un dominicain de Cattaro, du nom latinisé d'Albertus Dui-
mius que Venise avait fait promouvoir au temps de Paul III.
Glirici,
Il certifia qu'il n'admettait jamais les ordinations extra tempora

1. Conc. Trident, p. 679 et note 3.


2. Susta, p. 168 (Borromée le 23 mai).
700 Mv. i.v. l'impuissance du concile

achetées à Rome et ai»])orta, lui aussi, son petit scandale. Il n'est donc
pas étonnant que, parmi les coininissions <|ii(' (iianfrancesco Arri-
vabene rapporta de Home (fuelcpies jours après se trouva le désir
exjirimé par le ]»ape (jue ce jirélat y fut expédié, sous (juelque honnête
prétexte ^ Il ne s'y rendit cpi'au début de l'année suivante: il avait
commis sans doute d'autres impairs, venant grossir son dossier;
il fut éloigné de son évêché, mais pourvu d'une honorable coiniiensa-
tion h Rome, loco admodum ïwnorifico provisiis. Nous le rencon-
trerons encore.
Le même jour, l'évéque de Fùnfkirchen ]irit aussi à partie la cour
romaine. A]ir('s séance, Simonetta, dans une conférence en tête
la

à tête, lui démontra (pie Rome ne se ])ermettait pas toutes les pra-

tiques (ju'il lui avait ]»rêtécs il l'engageait l\ faire amende honorable '.
:

Et pourtant, le lendemain, l'évêcpie hongrois de Csanad entonnait


un cou]>let analogue, sous forme humoristicpje « On ferait bien d'éclai- :

rer le soleil avant la lune, de ramener la lumière tout d'abord dans les

régions les fréquentait sans cesse chez Draskowich,


plus élevées. » Il

au rapport de l'évéque de Vintimille, et se faisait son ])orte-]iarole


à l'occasion. Du reste celui-ci revint à la charge le 14, sous ])rétexte

d'ex])li((ucr son vote du 11 et réclama le droit ])Our tout Père de

jiarler en toute liberté, senza rispelto alcuno, non ohstantibiis terrori'


bus quibuscumque. Pour un agent impérial qui usait largement de
ses prérogatives, il était assez étrange de ])arler de terreurs !

Au reste, la ]>olémi(jue ]>erdalt auqilement de son importance :

l'archevêfpie de Lanciano, ces jours mêmes, a]t]tortait les nouvelles


commissions du pape avec le détail des réformes ojiérées à Rome
:

les derniers tem]>s, la recommandation aux Pères d'ex]>rimer en


tout leur 0])inion librement. Il les autorisait en outre à corriger les
abus sur quêtes d'indulgences. Le concile décida
la ])rédication et les

donc que l'ordinaire, assisté de deux chanoines, aurait le contrôle


des ces opérations et la garde des aumônes (pii en ])roviendraient.
Le même, comme délégué du Saint-Siège, reconstituerait les ])arnisscs

et leurs revenus, au besoin jiar l'union de bénéfices sans charge


d'âmes. Il aurait de jilus la surveillance des abbayes en commende
et en ferait au besoin la visite chaque année.
Le 14, les Pères revinrent une dernière fois au décret sur la com-
munion; il ne maïKjuait toujours pas de dillicultés. L'archevêque

1. Conc. Trident., ibid., p. 680 et note 3; Susta, p. 28'».


2. Susta, p. 250; Conc. Trident. p. 683, note 1, etc.
,
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 701

de Grenade cherchait de nouveau l'occasion d'allonger le débat; la


veille, il avait encore proposé d'ajourner la session d'un mois ou même
de six semaines car les canons pas plus que la doctrine n'étaient
^,

établis avec la clarté suffisante. Ce jour-là, il condensa tous les points

embarrassants, non sans répéter le grief invoqué naguère par son com-
patriote, l'évêque de Ségovie, que le concile ne fût pas admis à choisir
lescommissaires addoctrinam conficiendam^ .11 s'éleva contre lepremier
chapitre de la doctrine, dans lequel la commission avait rassemblé un
certain nombre de textes d'Écriture-Sainte, établi sant que le pré-
cepte de la communion prenait son origine au chapitre vi® de saint Jean,
et n'entraînait pas forcément l'usage du calice. Il rappela que toute
une école de théologiens et un certain nombre de Pères entendaient
ce chapitre dans le sens de la communion spirituelle. Ce serait les
condamner que de définir en ce chapitre le précepte de la communion
sacramentelle. Il est certain que, dans cette
séance, beaucoup même
de Pères, environ cinquante ou soixante, réclamèrent cette défini-
tion mais ils ne formaient pas une majorité, d'où nécessité de
;

reprendre le débat.
Le fait de l'institution de la sainte Eucharistie renfermait un
autre précepte, Bihite ex eo omnes, que Luther prétendait adressé
par extension à tous les fidèles. Guerrero apportait un texte de
saintThomas qui lui donnait raison en apparence. Les commissaires
qui avaient dressé le décret, comme l'évêque de Chioggia, eurent
beau multiplier les éclaircissements, un autre Espagnol, l'évêque
d'Alife (Noguera) ajouta encore à la confusion à propos du chapitre :

deuxième de qui réglait la dispensation de l'eucharistie,


la doctrine,

il
rapprocha le calice de l'eau du baptême et soutint qu'en suppri-
mant le premier, l'Église changeait l'ordonnance générale des sacre-
ments, apôtres l'avaient fixée; c'était au-dessus de son
telle que les

pouvoir. Et il y eut encore à ce propos une longue discussion.


Seripandi qui présidait intervint avec autant d'autorité que de
modération ^. « Le concile n'avait nullement la pensée de joindre
une condamnation à celles que portait déjà le décret; il serait indigne

de lui de retarder la session à la veille de la date fixée. Le bureau


se déclarait prêt à faire les retouches qui pourraient assurer la conci-

1. Siista, p. 244.
2. Conc. Trident., ibid., p. 688 sq.
Con quclla singolare et miracolosa grandezza che ha nelli suoi
3. concetti, écrit

emphatiquement lévêque de Modèrie le 16 juillet. Conc. Trident., ibid., p. 688,


note.
702 I.IV. l.V. I. IMPUISSANCE DU ro.N<:iLR

liatioii, ]i(nir\u qu'elles fussent apportées, séance tenante, de manière


i\ ne rien retarder. »
Puis il ]irit Guerrero h ])nrt, ainsi que l'archevêque de Zara et
tous trois tombèrent d'accord, a]>rès une longue discussion, jtour
faire insérer au chai)itre premier de la doctrine cette incidente,
(]ue le
chaj'itrc de saint Jean n'établit
de ]>récepte ]>our la conmmnion
]»as
sous les deux es])èces, utcumque juxta variam dnctorum et SS. Palrum

intcrpretntionem intelligatiir. Revenu en séance, le ])résident mit aux


voix l'adjonction; elle fut adojttée à une majorité relative de quatre-
vingt sept P«'res contre cinquante-trois, et une ({uarantaine d'absten-
tions.
Le lendemain de bonne heure, à dix heures de nuit, c'est-j\-dire
six heures du matin, le bureau voulut en finir avec le décret de
réforme. Les huit jiremiers chaj)itrcs furent ajiprouvés, au jirix de
légères retouclics, ])ar quatre-vingt huit voix. La bataille fut sérieuse
sur le neuvième
et dernier, les quêtes d'indulgences; il avait été l'ori-

gine de révolution jirotestante et on comprend que le concile s'y


la

soit arrêté, à cause de son importance. Il y avait


beaucouj» d'abus
en ces questions d'argent; les Pères étaient unanimes h vouloir les
faire dis])araître, mais ne s'entendaient pas sur les remèdes. Les

intransigeants voulaient su]>primer quêtes et quêteurs. N'était-ce pas


atteindre, par ordres mendiants, qui vivaient d'aumônes
là même, les

quêtées, et interdire au jtape de recourir à la charité des fidèles.


A coup IV l'entendait bien
sûr, Pie ainsi, quand il faisait remettre
par l'archevêque de Lanciano une lettre exprimant son intention
d'abolir la ]>ratiquc des quêtes et l'office des quêteurs ^. Le décret
se borna donc h charger l'ordinaire de la jiublication des indulgences
et autres grâces s]>irituelles, comme de l'emjdoi des aumônes selon
leur objet.
Restaient les multijiles ]irocédés et manœuvres, qui avait pour
but d'extorquer de l'argent à ]trojios des ordinations, sacrements,
])èlerinages, etc. Comme Paul IV, le concile fut imjtuissant à préci-
ser en quoi consistait la simonie, à fixer des statuts j^our la chré-
tienté en général, chaque pays ayant sa situation à part, à la(|uelle
devait réj'ondre un règlement local. Par contre, des jilaintes sur-
girent de divers côtés, plus d'une misère fut étalée sans (\ue jiersonne
sût y trouver remède. L'archevêque de Raguse, Reccatelli et l'évêque
de Sebenico, Girolamo Savorgnani déploraient la triste situation

1. Pallavicini, c. x, k la 6n.
CH, III. LA CRISE DU CONCILE 703

des Grecs uniates du royaume de Naples, peu favorisés de la fortune,


de leurs compatriotes et de leurs maîtres, ou encore des chrétientés
d'Illyrie, d'Albanie et Grèce, opprimées par les Turcs. Les unes et

lesautres se tiraient d'affaire au petit bonheur, pour les ordinations

par exemple, vivaient de combinaisons et d'accommodements,


dans lesquels la simonie pouvait intervenir on savait trop comment.

La XXh session (16 juillet 1562).

La séance avait à^peu près abouti et l'assemblée allait se séparer,


vers midi, lorsque les théologiens du Saint- Père, Salmeron et Torrès,
abordèrent Hosius et lui soumirent quelques scrupules que leur don-

naient encore lesouci de leur responsabilité et l'honneur du con-


cile ^. Ils revenaient toujours sur les applications du vi^ chapitre de
saint Jean, sur le sens des mots Bibite ex eo omnes et autres textes

qu'invoquait le
chapitre premier doctrine, de la des enfin sur

preuves alléguées aux chapitres suivants.


Hosius en référa aussitôt à ses collègues ceux-ci ne furent pas :

éloignés de croire que c'était encore une manœuvre des Impériaux.


Ils appelèrent immédiatement en consultation les Pères qu'ils ren-

contrèrent autour d'eux, les évêques de Modène, Vérone (Giro-


lamo Trevisani), Terni (Giangiacomo Barba, sacriste du pape),
Almeria (l'Espagnol Antonio Gorrionero) et le dominicain Pedro
Soto, un autre oracle du pape, autorité qui contrebalançait les deux
ergoteurs dans la théologie de l'époque. Ces arbitres, à la suite
d'une longue délibération, jugèrent qu'il n'y avait pas à se laisser
arrêter par ces menus détails. Mais, après la congrégation du soir, les
deux religieux revinrent à charge sur
premier chapitre et le pas-
la le

sage de l'institution de l'eucharistie, comme ne devant pas com-


prendre le précepte du calice. Ils gagnèrent à leur cause les cardi-
naux Hosius et Madruzzo, eurent raison de l'assurance des présidents
eux-mêmes, qui consentirent à modifier encore le passage.
Tout était arrêté pour la session impossible de convoquer les
:

Pères à une nouvelle délibération. Les pauvres légats furent réduits


à l'expédient de consulter le lendemain sur l'amendement chacun
des Pères, à mesure qu'ils entraient dans la cathédrale, avant la

1. Apropos de cet incident, assez curieux pour l'action du pape sur le coucile
à distance, Pallavicini, 1. XYII, c. xi, § 9-12; Susta, p. 248, 250, 252.
704 LIV. LV. L IMmSSANCE DU CONCILE

messe Mais ceux-ci avaient déjà connaissauci.' de la


iioiilificalc.

manœuvre, elle produisit une certaine émotion aj)rès tant de \ icis- :

sjtudfs, de \ ariations de texte, ils ne savaient plus à i\\u>\ s'en tenir !

L'archevicjue de (irenadc et ré\r«|ue dr .Modrne (ir«'nt surtout


opposition: le ])rcmier en a|)]iela encore aux in-folios dv saint Tho-
mas (III*' ]>artie de la Somme, fjuestion lxxx, article 11). En fin

de compte, la majorité refusa de se déjuger: un nuirnmre. (pii s'éleva


alors, troubla nième le saint sacrifice (jui commenvait (I*alla\icini),
et les légats ne ]»urent ramener le calme fjue j)ar cette remarrjue:
« Il toujours loisible au concile de rcjirendre le ]iroblème,
serait

lorsqu'il s'occuperait de la messe. »


La session avait été préjtarée comnuî dliabitudt' en séance solen-
nelle, la veille au soir; tout s'était ]>assé sans incident et l'unanimité
avait accepté les textes, cpii furent ensuite remis ainsi en cause. On

comjircnd l'émoi qui se produisit alors et se conmiunicpia aux légats;


leur corres]iondance avec Rome en fait foi ils ont jilutôt l'air de
:

que de se justifier. Ils s'excusaient même de


solliciter leur jiardon

la date lointaine qu'ils avaient admise jiour la session sui\ante,

sous la jiression sûrement des Impériaux et des Es]<agnols ^ Les


cbalcurs de la saison avaient d'ailleurs aggravé la fatigue et le malaise
causé par la tension des récents débats, aussi bien
que i>ar les divi-
sions et conflits qui en étaient résultés. Les Pères désiraient ]>rendre

quelques jours de repos, avant d'aborder les questions graves, qui


suivaient dans l'ordre du jour le saint sacrifice de la messe a^ ec la
:

concession du calice, puis la réforme dont les grandes lignes restaient


à dessiner. Par bonheur, en ce moment, le ]>ape s'était décidé à
ne plus influencer le concile, en stiggérant ]»lus ou moins le déjiart.
des ])rélats dont ro]>]iosition était à craindre. La session xxii*
du concile de Trente fut donc renvoyée a]>rès la saison des
grandes chaleurs, savoir au jeudi de la Croix de se]ttembre, 17" de
ce même mois.
Le lendemain IG juillet, à huit heures du matin, commença la
XXI® session, en ])résence de cent quatre-vint trois Pères, dont six
cardinaux et vingt-deux ])atriarches ou archevêques. La chrétienté
était re]irésentée, outre la garde nobiliaire du concile, par soixante
et onze théologiens et dix agents diplomatiques ; celui de Suisse s'était

abstenu, ])arce que son collègue de Bavière s'obstinait à lui

refuser le pas : les légats avaient jiourtant écrit tout récemment

1. Pastor, p. 224, en note, résumant Susta, p. 249.


CH. III. LA CRISE DU CONCILE 705

au maître de ce dernier, de ordonner de se tenir à l'écart quelque


lui

temps, pour que montagnard put se montrer en public ^.


le

La messe pontificale fut chantée par l'archevêque de Spalato,


Marco Cornaro, le discours d'édification prononcé par l'évêque de
Knin en Dalmatie, Andréa Dudith Sbardelat. Il parla longuement
de ces pays, tant des Slaves du Sud que des Hongrois, de leur
clergé, des malheurs et des mérites des uns et des autres, du besoin

qu'ils avaient du calice, etc.


Le président appela ensuite le vote des Pères sur les correctifs
apportés par les théologiens pontificaux au décret de la communion :

une grande majorité renvoya leur motion, même par cédules. L'agent
bavarois fut admis avec les actes de son ambassade et le concile
accepta que son ex-collègue, le P. Couvillon, passât au rang de simple
théologien de son maître. L'archevêque de Spalato lut le décret sur
la communion, y compris le post-scriptum, qui ajournait le débat
sur la concession du calice. Les placets ne mirent en avant que

quelques réserves de peu d'importance, excepté celle du cardinal


Hosius, qui ne voulut pas abandonner les théologiens ses protégés
et s'en remit au pape pour l'interprétation dans le cas présent du
texte Bihite ex eo omnes. L'évêque de Feltre, Filippo Campegio,
'
avança une réserve moins grave, au dire de son collègue de Modène :

iltaxa de manque de respect l'emploi des textes de saint Jean, au


cha] itre premier de la doctrine.
Un
vote unanime, moins sept abstentions, promulgua le décret
de réforme, en neuf chapitres, sur la gratuité des ordinations, la
nouvelle organisation des paroisses par les ordinaires, réforme qui
leur assurerait un revenu suffisant. Ceux-ci auraient dorénavant
à visiter, chaque année, en qualité de délégués apostoliques, les
bénéfices tant réguliers que séculiers pour y assurer le bon ordre,
la bonne tenue matérielle aussi bien que la discipline et l'observance
des règles monastiques à réformer par le même moyen les monastères
;

en décadence, à défaut des supérieurs de l'ordre. L'article neuvième


supprimait les quêtes et prédications d'indulgences, soumettait
au contrôle de l'évêque du lieu et de deux chanoines la gestion des
aumônes et sommes perçues pour toute grâce spirituelle accordée
par le Saint-Siège, et son application à un usage déterminé.

1. Lettre mentionnée dans Scsta, p. 249.


2. Conc. Trident., p. 700, note 1. Pallavicini, c. xi, à la fin, donne quelque
détails sur les réserves présentées.
706 LIV. LV. l/lMPlMSSANCR DU CONCILE

Ajirès cette journée, la]>rernière imjiortnnte jioiir le pontificat de


Pie IV, le concile se reposa <]uel(jue3 jours, rojirit force dans le
recueillement les jirésidcnts ne furent ])as les derniers à se féliciter des
;

résultats obtenus, ainsi que correspondance *. L'unité


l'atteste leur
de direction du travailrétablie, avec l'entente entre les
s'était

légats
• — i)ar le ra|>i»rocbenient de Mantoue et de Sinionetta le 19
— ;

celle-ci avait ramené la concorde entre les Pères, La veille, ICrcole


Pagnano agent de Pescara (toujotirs retiré dans sa résidence de
Milan), communiquait aux grande instruction que ce der-
légats la
nier avait reçue du roi catholique, et la ])ièce, transmise aussitôt

aux évéques esjiagnols, amena la déroute, au moins l'impuissance


momentanée, sinon la fin, du parti de l'opjiosition, (pii s'armait h
la fois du ])rincijie de droit di^•in et de la continuation du concile.

L'arcbevccpie de Grenade toutefois faisait contre mauvaise fortune


bonne figure ^ et se déclarait jirêt reprendre la lutte, au moins li

sur le jtremier chajùtre. Mais le i»ape, h qui l'intervention de


Phil ip]>e Un' a])} >ort ait ])as moins de contentement qu'aux légats, ache-
vait de désarmer cette o])]iosition, de la rendre inoffensive. 11 obligeait

Vargas, qui avait reçu des instructions analogues, à les faire con-
naître; l'amenait ainsi à prier son auguste correspondant d'ensevelir
désormais ces débats dans le silence et l'oubli.

Le saint sacrifice de la messe.

Ce fut le parti auquel se rangea en même temps Pie IV, désireux


avant tout d'acheminer le concile j\ une prompte conclusion, en
écartant les endsarras accessoires. Le 1"^'"
juillet, il arrêtait enfin sa

réponse aux trente et un évêques qui, en juin, l'avaient prié d'inter-


venir et de mettre fin au confiit sur la résidence, d'en déclarer au
besoin Le bref fut cmjiorté ])ar l'archevcrpie de Lanciano,
le ]»rincipe.

les légats retinrent quelques jours, sur le conseil de Visconti';


le

les intéressés qui en soupçonnaient l'existence commençaient à

1. Voir notamment la longue lettre de Scripandi à Borrom6« dam Susta,


p. 251-254.
2. Voir les propos qu'il tint, d'après l'évoque do Vintimille, dans Susta, p. Î63-
264. Pour plud de détails, ci-dessus, p. 681; sur l'incident Vargas, Susta, p. 275-
276 (lettre de Rorroniéc du 23 juillet).
3. SustBj p. 253 et note 3 (lettre de Scripandi du 4 juillet), Pallavicini, c xm,
5 3.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 707

le reçurent finalement le 19
juillet. Le pape
s'impatienter ils :

évitait de s'engager à propos de leur demande, les louait d'avoir

plaidé selon leur conscience pour le droit divin, et remit tout le reste

à l'archevêque. Celui-ci exhorta éloquemment les Pères anxieux, à


la concorde, à l'entente avec les légats, enfin à laisser tomber une
controverse inutile et dangereuse. La démarche reçut un accueil
bienveillant, et ce fut tout; elle fut assez vite oubliée, ainsi que les
égards dus aux légats.
Ceux-ci ne cessaient un instant de faire avancer l'ordre du jour,
c'est-à-dire le décret de la messe et l'enquête sur les abus ^. Ils avaient

par ailleurs des mesures à prendre pour consolider l'entente établie,


simplifier et abréger les discussions les consulteurs abusaient de
:

la bonne volonté des Pères par la longueur de leurs exposés, et ceux-ci

témoignaient parfois leur impatience d'une manière déplacée. Le


19 juillet, le décret sur la messe, en dix-neuf articles, avait été remis
aux théologiens inférieurs pour être examiné à loisir. Il est probable
que certains Pères murmurèrent encore contre le procédé, car le
lendemain le cardinal de Mantoue jugea opportun de leur faire un
petit sermon.
Il leur représenta en substance qu'il ne leur convenait pas de
manifester contre orateurs qui parlaient trop longtemps à leur
les

gré, et cela par des roulements de pied comme des écoliers ^ ce :

sont les expressions qu'il employa. Si le cas se renouvelait, les légats


se verraient obligés de lever la séance et de quitter la salle. Il leur
fit ensuite communiquer un règlement en sept articles contre la
prolixité des théologiens : il leur rappelait notamment la mesure
déjà prise plusieurs fois, mais appliquée sans succès, que chacun ne
parlerait qu'une demi-heure. La récente incartade des théologiens

pontificaux, le jour de la session, avait dû faire prévoir cette répres-


sion d'exigences inadmissibles.

Seripandi expliqua ensuite la nécessité pour les Pères de se faire


instruire, cas présent, par les théologiens. La matière avait
dans le

été travaillée sous Jules III sans doute, comme certains le faisaient

remarquer, mais des soixante-dix Pères qui s'en étaient alors occu-
pés, trois ou quatre à peine siégeaient actuellement au concile. Avant
d'entendre les théologiens, il était urgent de nommer une commission,

1. Susta, p. 262, fin de leur dépêche du 20 juillet.


2. Sfregiare i pedi a chi parea Iroppo longo, lettre de l'évêque de Modèiie du 20 ;

Cône. Trident., p. 719 et note 3.


708 LIV. LV. I,'lM PUISSANCE DU CONCILE

qui rasseiiiblerait et inctlrait en ordre les idées nouvelles émises


par ceux-ci, en tirerait un texte (jue les Pères, instruits plus fraîche-
ment, n'auraient ])as de jteine à censurer.
Le ]>reniicr ]irésideiit proposa d'établir une seconde commission
pour recherche des abus ayant rajiport au décret. Les Pères s'en
la

remirent de ce choix aux légats, (jui les avaient sondés tout d'abord,
selon l'habitude. Le cardinal de Mantoue désigna aussitôt, jiour le
décret lui-même, les archevê(|ues de Grenade et de Lanciano et six

évoques, dont ceux do Terni (sacriste du pape) et de Vérone, et le


général de l'Observance, l'Espagnol Francès Zamora. L'évr<pie de
Lettere, le théologien Antonio Pantusa y faisait contrepoids, en sa
qualité do Romain, à l'hunuiuiste gallican Pierre Danès, évoque
de Lavaur. Pour l'eiupicte sur les abus, Mantoue désigna les arche-
vôffues de Raguse et de Sorrente, et sept évoques d'un choix assez
mêlé, nuiis indé])endants : ceux de Sinigaglia, Lavant (Rettinger,
procureur de Salzbourg), Nîmes (Rernardo del René), Knin, etc.
Le bureau n'en finissait jamais avec les incidents qui l'obli-

geaient à sévir contre les infractions au règlement. Dans le scrutin


qui ]tré]tara la nomination des commissaires, le secrétaire Massa-
relli, se basant sur le décret de Paul III, <pii donnait voix décisive
aux mandataires des évoques allemands, accorda deux votes aux
évêques de Philadel]ihie et de Lavant, l'un jtersonnel, l'autre comme
procureurs d'Eichstiitt et de Salzbourg, et cela sans prévenir les
jircsidfuits ^. Ceux-ci s'en ])laignirent à Rome et le secrétaire
fut blâmé;

la curie on ]»rofita même])Our expédier et faire publier la bulle


du 31 décembre 1561, renouvelant d'une manière générale l'interdic-
tion de voter aux ])rocureurs sans caractère épiscopal. L'exccjition
n'était donc jjIus admise en faveur des Allemands, et les évêques-])ro-
cureurs n'auraient pas en tout cas deux suffrages.
Les conférences dos théologiens commencèrent le 21, h raison
de deux ])ar jour, selon le ])rotocole établi: ollcs ne tarder» ni ]>as à
faire voircerpie vaut un règlement da is les travaux d'une assemblée
délibérante. Les jiremiers qui ])arlèrent attirèrent, par la renommée
de leur savoir, une nombreuse assistance (jusqu'à deux mille ])er-
sonnes, selon le journal du concile), des laïcs assez instruits ]iour
s'intéresser à ces expositions de doctrines, ou désireux de com]ilé-
ter leurs connaissances religieuses. Les théologiens se crurent donc
obligés de détailler leur thèse longuement et complètement. Salme-

1. Sur cet incident, SusU, p. 263, 289-90, 291-292.


CH. III. LA CRISE DU CONCILE 709

ron ce jour Torrès


lendemain, remplirent toute la séance,
là, et le

ce qui était d'un assez mauvais exemple pour les suivants ^. Ce fut
en vain que les légats leur rappelèrent le règlement qu'ils venaient
de renouveler. Salmeron, en particulier, objecta qu'il ne convenait
pas d'iiiiposer des limites au Saint-Esprit, qui parlait par son organe.
Les présidents cédèrent; mais Pie IV signifia au récalcitrant qu'il
devait le bon exemple tout le premier, comme théologien du pape,
et les légats eurent ordre de le faire obéir, Salmeron le promit sans
peine. 11 était un peu tard.
Ceux qui le suivirent s'autorisèrent en effet de son exemple, le
compromirent même par l'étrangeté de leurs thèses. Le 24, le Por-
tugais Francès Fureiro provoqua de la surprise et un certain émoi
dans l'assistance, en soutenant ^ que la discipline du sacrifice de
la messe s'étayait moins sur l'Ecriture sainte que sur l'interpréta-
tion qu'en donnent les Pères de l'Église, la tradition et la pratique
de tous les temps. Un vif mécontentement se manifesta et les compa-
triotes de l'imprudent,
Diego Paiva et Melchior Cornelio — ce dernier
au nom de leur souverain —
s'efforcèrent d'expliquer

ses idées et
de rendre à l'Ecriture sainte sa force probante.
Les congrégations de théologiens durèrent jusqu'au 4 août, moins
une interruption pour la fête de saint Pierre aux liens. Ce jour-là

parla vingt-septième orateur, sur soixante-dix ou quatre-vingt


le

présents et quelques uns avaient péroré deux heures et plus, au


;

rapport des légats ^. Ceux-ci déclarèrent donc la discussion ter-


minée, les Pères se montrant suffisamment instruits, même ^ar la
somnolence et l'inattention qu'ils apportaient à écouter des argu-
ments qu'on ressassait. Les théologiens qui n'avaient pas été
entendus protestèrent, et le président dut leur rappeler qu'ils
n'étaient au concile que pour renseigner les définiteurs, abréger le
travail de l'assemblée, non accaparer son temps.
Certains opinants s'étaient d'ailleurs permis, comme il arrive par-
fois dans des situations pareilles, de donner des conseils aux Pères,
et l'on pouvait entrevoir derrière eux la silhouette des Impériaux. Le
30 juillet, le Bavarois Jean Couvillon parla aussi comnae agent de

Susla, 267-268, 290, 323.


1.
Lascio ngni uno mal sodisfatlo, écrit le 26 l'évêque de Vintimille. Conc.
2.

Trident., p. 733, note 1; Pallavicini, ibid., 1. XVIII, c. i, § 3-5. Nous verrons plus
loin le rôle important que ce personnage tint pour les compléments apportés au
concile par Pie IV notamment. Ci-dessous, dernier chapitre.
3. Conc. Trident , p. 751 et note 2 : lettre de l'évêque de Modène, le 6.
710 IIV. I.V. I.'lMl'UI.sSANCK DU CONCILE

son maître, tainquani oratorem et theologum *, il'imc inaiiière |iieu8e,


au témoignage de l'évêque de Vintimille, et au contentement géné-
ral; il exhorta les légats h ne laisser sans réponse aucune objection
des héréti(|ucs, afin de dnimer à la chrétienté bonne iinjiression du
concil(\
Avec moins de discrétion se conijiorta, le l*"" août, le dominicain
Antonio de Volterra, ]iersonnage m^-térieux (jue les documents conci-
liaires surnomment firoxsutu.s, on ignore itourcpioi ^. Il a^ ait voyagé
en Autriche comme incjuisitcur de la foi, au dire de ([uehjues uns;
d'aiitres le faisaient docteur de l'université de Vienne, et môme ])ro-
cureur de ces ]iro\inces au concile; en réalité, il était simjdement
théologien de l'évcque de Vigevano en Lombardie. Il revint lui aussi
au calice et raconta que, dans ses voyages en pays allenumds, pour
les affaires du Saint-Siège, il avait entendu souvent les notabilités
du i>ays lui démontrer que les fidèles de ces régions ne reviendraient
pas h rr^glise sans cela; il en avait lui-même la conviction. II ne
fut pas pris beaucou]) au sérieux; l'évêque de Vintimille cpialifiait
ses ])ropos d'impertincnti, dé])lacés, en ajoutant que le jiersonnage,

d'après le bruit jtublic, était le commensal de l'évêque de Fiinfkir-


chen et devait ])rendre chez lui le mot d'ordre.
Quehjues réce])tions de procureurs vinrent redonner de l'activité

aux intrigues des Impériaux, en même temps que l'incident Massa-


relli (ci-dessus p. 708). Le 1" août, sur recommandation des cardi-
la

naux Hosius et
Madruzzo, le concile admit les excuses (pour son

absence) de l'évêque de Ratisbonne, mais ne le fit pas à l'unani-


mité. Visconti — tout en vantant le discours de son mandataire^,
-

comme très orné —


le déclara étrange, et l'archevêque d'Otrante fit

adojiter une motion qui renvoyait l'examen des excuses aux légats
et à la commission de recensement, composée de cinq évêques et
présidée j»ar l'archevêtjue de Rossauo. Elle avait été instituée le
27 janvier, mais elle avait fonctionné d'une manière très intermit-
tente, ce qui exjilique la méprise du secrétaire dont nous avons
parlé ])lus haut.
Le 3 le cardinal Altemps fit encore admettre le procureur
août,
de l'évêque de Bàle, son auxiliaire Georg Ilohenwarter. Dans l'inter-
valle, les Esi>agnols et les Portugais avaient protesté contre la mesure

1. Conc. Trident., p. 738 et note 2. Sust.T, p. 281. Couvillon se déclarait tûr


d'obtenir le ralice pour la Bavière.
2. Conc. TridenL, p. l'tb et note 1. Voir h l'Index Grosaulus; Susta, p. 288.
3. Conc. TridenL, p. 748, notes 2 et 3; 749, note 1.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 711

dont Massarelli était victime, comme attentoire à la liberté du concile.


L'évêque de Fiinfkirclien, par contre, réclama, au nom de la dignité
impériale, contre l'admission des procureurs allemands c'était :

en vain que son maître se donnait tant de mal pour amener au con-
cile les évêques allemands, si celui-ci se montrait facile envers leurs

procureurs. Et l'évêque de Philadelphie se joignit à lui, au nom de


son Ordinaire, lequel prétendait voter; le
président répondit lui

que Saint-Siège avait décidé


le : il
n'y avait aucune nécessité de
revenir sur le débat.
Les théologiens avaient fixé la question de la messe sur deux points :
ils admettaient unanimement qu'elle est un sacrifice, dont le prêtre
est le ministre ordinaire; une faible majorité ajoutait que les pou-
voirs de ce ministre procèdent du texte Hoc facile in meam comme-
morationem, par lequel des Apôtres furent ordonnés prêtres. La
commission tira de leurs avis une ébauche en quatre chapitres
et douze canons, dont les Pères prirent copie le 6 août, et la discus-
sion fut ajournée au 11. Comme toujours, les obstacles renaissaient
sous pas du concile. Les Impériaux ne cessaient de revenir à
les

la charge pour la concession du calice, la brouillaient avec la réforme

impériale. Le 3, la correspondance des légats faisait prévoir qu'ils


n'en finirait pas de sitôt avec la doctrine de la messe ^. En effet
le 10, l'ambassadeur Lansac leur communiquait une lettre dans

laquelle, le 23 précédent, la reine régente annonçait pour fin sept-

tembre l'arrivée du cardinal de Lorraine, à la tête de quarante


évêques; requérait l'ajournement de la session prochaine, de
elle

manière que ces prélats pussent plaider la cause des huguenots, si


ceux-ci ne se présentaient pas eux-mêmes. Les légats répondirent

simplement qu'ils en référeraient au concile, à qui seul il appartenait


de répondre; en tout cas, il ne convenait pas d'interrompre les tra-
vaux commencés, surtout après avoir attendu les évêques français
des mois et des mois ^.

Sans se Lansac chargea son collègue du Faur,


laisser rebuter,

qui allait affaires, d'accélérer auprès du gouverne-


en France pour ses
ment la venue des évêques français. Empêché de remplir son mes-
sage lui-même, du Faur se fit suppléer par un envoyé et une longue
lettre-mémoire, dans laquelle ses critiques sur la marche du concile

1. Susta, p. 277 (le 30 juillet), 285-286, le 3 août :


l'évêque de Fûnfkirchen a
demandé audience pour le lendemain.
2. Pallavicini, ibid., 1. XVII, c. xiv, § 2-9; Susta, p. 310.
712 I IV. Lv. l'impuissance du concile

traliissaieiit riiiteiition, le sou»! d'amener des prélats (|iii


seraient

capables d'améliorer rassemblée. Sa démarche fit mauvaise imjtression


sur celle-ci, quand elle en eut connaissance im]>ression cju'avaient :

éveillée déjà les renseignements d'actualité (ju'ajtporta le général des

jésuites, JjuNjues Laynez, ar^i^cle 13 août comme théologien du pajie,


envoyé d'ailleurs ]>ar le légat cardinal de l'^errare.
]>résenta, sur la Il

situation en France, un tableau exact, détaillé et assez triste, et les


Pères ]>urent en déduire qu'il ne leur restait rpi'à jioursuiN re leur tfichc,
sans conq ter beaucou]» sur un concours sérieux de l'Eglise gallicane.
Au moment où l'examen de ]-.[ doclrine sur la messe s'ouvrait
le désunion reprenait au concile. Les l'Lspagnols, à l'instiga-
11, la

tion de Guerrero, revenaient h leur jtrétention défaire dépendre leur


vote du règlement sur le j>rincijie de la résidence. Ils a^aient tenté
tout récemment une démarche tpii ])Ouvait avoir des conséquences
ils aA aient envoyé à leur somerain une
gra^ es jiour l'assemblée :

apologie collecti\e, qui racontait les faits h leur point de vue, d'une
manière assest jmrtiale^. Selon eux, ])lus des deux tiers des Pères
s'étaient prononcés pour la définition du droit di\in, mais les légats
avaient ]<nrè le cou]» et requis les jtlaces sur un texte qui amorcerait
les remèdes h la non résidence. A la requête d'une partie de l'assem-
blée, un (juart environ, les légats avaient demandé l'axis du l>ape,
et ])ersonnr ne savait encore ce qu'il avait répondu. Les Es]»agnoIs
8up]>liaient donc leur souverain d'intervenir et de faire définir lui-
même le princi]>e, à cause de son inqiortance et du scandale que les
derniers incidents ]>ourraient soulever dans la chrétienté.

L'évêtpie de Salamantiue, celui de Lérida et cinq autres Espa-


gnols refusèrent de signer cette ])ièce, parce qu'ils s'étaient séparés
de leurs conq'atriotes et tournés plutôt du côté du pape. Elle fut
communicpiée aux légats, le jour même de son a]>parition (10 août),
par l'éxêque de Mazzara en Sicile, l'Italien Giacomo Lomellini. Aussi-
tôt, celui de \intimille s'entremit au]>rès de Pagnano, l'agent de Pes-
cara. avec lerjuel il était lié et, dès le lendemain, Pagnanose rendait
à Milan solliciter son su]'érieur, ]>our qu'il rectifiât les faits dans une
lettre au rci d*Es|iagne. Philijtj'e II, aj'rès le gros effort <]u'il venait

de donner, n'était pas ])ressé d'intervenir h nouveau et laissa ses

agents se débrouiller avec les évêques.

1. Su.sta, p. 287 fin (lettre de févéque de Vintimillo du 3 ooiU) p. 299-301, ;

le niémoin- ajinlopie en espagnol, avec des détails expliratifs sommaire daos :

Palla\i('ini. ibid., c. xni, § 6.


CH. III. LA CRISE DU CONCILE 713

Les débats sur messe, qui durèrent du 11 au 27 août, révélèrent


la

une grande diversité de sentiments parmi les Pères à force de :

creuser les questions avec le concours de leurs théologiens, les défini-


teurs se perdaient dans un labyrinthe de subtilités scolastiques.
Ils estimaient d'ailleurs le préambule trop long, inutile même, com-

promettant par suite la dignité du concile, contraire aux méthodes


adoptées antérieurement ^. L'archevêque de Rossano était d'avis
de le supprimer, ainsi que les évêques de Fûnfkirchen et de Ghioggia.
Un troisième groupe, composé surtout d'Italiens, comme l'huma-
niste Paul Jove, évêque de Nocera en Campanie; Stella Tommaso,
de Capo d'Istria, Pietro Camajani le nouvel évêque de Fiesole, tout
en soutenant les défenseurs du texte (les évêques de Zara, Sini-
Parme), le firent résumer pour trancher le débat.
gaglia, Rieti;
Les commissaires eux-mêmes ne s'accordaient pas sur le sens
du passage Hoc facile in meam commemorationein, et l'archevêque
:

de Grenade soutenait toujours son point de vue, que ce texte impo-


sait, en forme de précepte, le devoir de la communion à tous les
fidèles: «Une de savoir simplement si Jésus-Christ,
s'agissait pas
par ces paroles, avait ordonné les apôtres au sacerdoce, mais s'il

s'était immolé en même temps en un sacrifice réel, complet, rem-

plissant les quatre fins de tout sacrifice. » Le légat Seripandi déclarait


le débat peu important, mais il ne tarda pas à se déjuger, quand il

entra dans la lice, en voulant mettre un terme à la discussion.


Le principal défenseur de la thèse du sacrifice était l'évêque de
Lettere, Gianantonio Pantusa : son éloquence, autant que son érudi-
tion, rallia la majorité, mais il ne s'avançait pas jusqu'à définir le

précepte comme Guerrero. Ses principaux adversaires furent le


vieil évêque de Ghioggia et un autre indépendant, l'original évêque
de Veglia. Gelui-ci s'en prit à quelques théologiens qui s'étaient
armés du Canon des Apôtres, récemment découvert et publié à Venise.
Mais il se fit relever quelques jours après, avec assez d'à-propos, par
l'éditeur du livre, Antonio Agostino, évêque de Lerida. Gelui-ci
un ton humoristique
raconta, sur et justifiait ainsi la vogue du —
contenu — que le -
propriétaire du manuscrit l'aurait bien échangé
contre un évêché, ou même un chapeau de cardinal, mais que
finalement il l'avait communiqué à meilleur compte, et les théologiens,
les Pères du concile eux-mêmes le mettaient largement à contribution*,

1. Pallavicini, 1. XVIII, c. 1, § 6-9.


L'hebbe per tanto caro che si voleva per esso acquislar un vescovado o un capelU
2.

rouo, ma che l'haveva dalo hora per meno. Conc. Trident., p. 778, note 4.
714 i.iv. Lv, l'impuissance du concilb

L'évcque de Modène ])eiicli;iit


lui ;^us^i \ ers la thèse du sacrifice,
et envoyait au cardinal Morone un élo^'c de son collègue de
Ix-l

Sutri, (iirolanu) Ci.illcr.iti, neveu de son £niinence, qui venait de


])laidcr dans le même sens. Ce])rélat en avait besoin :
]»réoccu|té de sa
santé (ce dont son oncle le blAinait), il
essayait d'extorquer un
congé, peut-être parce qu'il s'était com])romis, lui aussi, ]iour le

principe du droit divin, et son ]>arent. ((ui se sentait pareillement


compromis, l'avait viAcmcnt semonce ])our son attitude. L'arche-
vêque de Raguse lîeccadelli confiait h la chronique du concile, que
les recettes de médecine dont abusait ce même ])rélat gûtaient un
peu j)lus sa santé, bien loin de l'améliorer ^.
Sur cette question du sacrifice à la dernière cène, l'assemblée se
partagea en quatre o]»inions *. Celle de Pantusa était admise par
Salmeron, à l'encontrc de son rival Soto et fut soutenue brillamment
le 27 ]iar Laynez. Celui-ci avait été admis le 21, non comme simple

théologien, mais, sur délibération des légats, comme chef d'un ordre
nouveau, approuvé par Paul III. Il ne prit cependant place qu'aj)rès

les sujiérieurs des anciens ordres^, sé])arément toutefois, ])Our ne


pas soulever de confiit. Il confirma sa thèse sur le témoignage de

plus de quarante Pères de l'Église (]iresque jusqu'au temjis de


Jésus-Christ), <jui afiirmaient que le Sauveur s'était immolé à la
Cène. Il fut ai>]»uyé par le cardinal Madruzzo, les archevêques
d'Otrante, de Rossano, les évêques de Paris, Campana (le domini-

cain Marco Laureo), de Casai).


Alife, Leiria (le Portugais Gas}tar
Ils avaient contre eux les archevêques de Grenade, Braga, Lan-

ciano, les évêques de Modène, Veglia, Coïmbre (Diego de Léon), etc.


Selon ceux-ci, la dernière Cène n'avait été qu'une ofl'rande eucha-
ristique d'action de grâces, qui avait été comjdétée au
Calvaire
comme sacrifice. Les deux autres ])artis suivaient une voie intermé-
diaire et cherchaient à concilier les ]>remiers. Les oppositions res-
tèrent en présence; personne ne tenait d'ailleurs à jiréciser davan-
tage débat, pour en finir plus ]irom])tement
le : il suffisait de savoir

que les Évangiles parlaient de la dernière cène comme d'une immola-


tion, sans définir quel sacrifice elle était.

1. Na più recette al mio gitidizto a curarsi che sanità. Jbid., p. 781, note 6 :

renscipmrmrnts curictix ««r los avatars de ce prélat. Pour la lettre de Morone,


Toir Susta, p. 206.
2. Pallavirini, ibid., I. XVIII, c. ii, on entier.
3. Susta,318, 319, SS'i, 351; l'afTaire n'alla pas toute seule, précieément à
p.
cause du double rôle accordé au générai, Conc. Trident., p. 773.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 715

Le calice aux Bohémiens.

Pendant que se poursuivaient ces discussions, le concile s'occu-


pait toujours du calice. Les Impériaux ne laissaient nulle relâche
aux légats. Dès le 19 juillet, ils les abordaient, armés d'une requête
en trois points ^, qui combinait cette affaire (l'empereur soupirait
après son règlement, avant de mourir), ainsi que celle de la non décla-
ration de continuation du concile avec levolume de réformes
gros
soumis au nom de l'empereur le mois précédent. Le pape désirait que
leconcile en finit au plus tôt et sans complication avec ce dernier

point; il insistait en outre à plusieurs reprises, même personnel-


lement pour que le synode satisfit l'empereur sur le calice. La lettre
pontificale du 1®^ août, apportée par Arrivabene, renouvelait ces ins-
tances. Mais les légats étaient fort perplexes, par crainte de rencontrer
une opposition à peu près irréductible. Il eût été plus pratique
que le pape accordât lui-même le calice pour tel ou tel cas particu-
lier le concile n'avait qu'à décréter d'une manière générale que la
:

concession du calice n'allait pas contre le droit. C'était la manière


de voir du premier président et depuis longtemps, si bien que le
pape finit par s'y ranger ^.
Le 4 août, l'évêque de Fûnfkirchen communiqua un passage de
lettre, dans lequel l'empereur renouvelait sa demande, avec une autre
lettre qui présentait celle du duc de Bavière de même nature. Ferdi-

nand racontait que, dans la dernière diète tenue à Vienne, les États
héréditaires avaient refusé à son fils, le roi de Bohême, tout subside

pour combattre les Turcs, tant qu'ils n'auraient pas l'usage du calice!
L'ambassadeur écarta conune trop long et compliqué l'expédient
proposé, de renvoyer la cause à Rome, et le bureau en adopta un
autre : le concile voterait les clauses de la concession, en commen-
çant par les Bohémiens, sous la réserve que ces peuples s'engage-
raient d'abord par serment à observer les décisions prises par l'assem-
blée. L'évêque parut accepter le programme avec enthousiasme,
en rendit aux légats des actions de grâces et promit d'écrire à son
maître, pour qu'il adoptât ce parti comme étant le meilleur.
Le 10 août, il revenait à la charge et tout se passait comme la

1. Susta, p. 261-262, 270, 274, 285-286, 289, etc. Pallavicini, 1. XVII, c. xiv,
§ 10-12.
2. Comparer Susta, p. 294 avec p. 102 (les premiers jours de mai). Sur l'inter-

vention de l'évêque de Fûnfkirchen, p. 293-295, 297.


716 MV. LV. I. IMPUISSANCE DU CONCILE

première fois, dans un assaut d'assurnnccs de bonne volonté les :

légats donnèrent h esjiérer (jue la concession serait réglée autant


que possible, la prochaine session ^ Le lendemain, l'archeN ccfue
i^i

de Prague, (jui revenait du couronnement de l'archiduc Maximilien


comme de Bohême, ajiporta les comjiliments de l'emjtereur, avec
roi

beaucouj» de démonstrations de la jiart de Tmi et de l'autre. Il revint


en détail sur les raisons (pic lui et ses collègues avaient invoquées
si souvent en faveur de la concession; les légats de répondre qu'ils
aborderaient ce point sans faute, quand ils en auraient fini avec le

sacrifice do la messe.
Ils n'attendirent ]>as cette date; le ]iape leur reconimandait le

12 de ne s'occujier pour le moment que des seuls Bohémiens ^. Cela


ne suflisait ])as h contenter l^îrdinaiid. ce n'était cpi'iin commence-
ment qui lui j)ermettrait de jiaticnler. Le 22, Mantoue soumit donc
la ]>ro]>osition àl'assemblée générale et ]»laida longuement la cause
de l'enipereur: sous sa protection seulement le concile était en sûreté,
raison suffisante pour le satisfaire. Il fit lire un jirojet de décret et
convia Pères à]>ré])arer leur réjionse jiour
les le 28, <juand ils auraient
terminé les discussions en cours.
Le jour même où elles ])rirent fin, le 27, après la séance, l'évèque
de Fûnfkirchen remit aux mains du secrétaire un long mémoire,
avec diA erses lettres de l'emiiereur dejtuis le 11. Le premier était
un historique de la c[ucstion à ])artir de Jean IIus. L'emjiereur avait
en outre demandé, ]tar le nonce Delfino. l'ajournement du débat
sur la messe jusqu'à la clôture de la dicte qu'il tiendrait ]>rochaine-
ment h Francfort; ]ilus que jamais il
comptait obtenir des ]trinces

protestants leur adhésion au concile. Rien ne les y disposerait mieux,


à coup sûr, «pie l'octroi du calice.

L'évèque ambassadeur le sollicitait donc jiour tout rem]>ire,


totam Germaniam cowplectitur^. Le ]»remier mouvement des Pères
fut de constater combien les termes étaient vagues l'emjiire ne :

s'étendait-il ]>as à Trente, et même jusqu'à Sienne ? Le ]>rélat


limita cependant la requête aux ]topulations de langue allemande
et à la Hongrie, en y enclavant les États héréditaires. Les évêques

espagnols tombèrent aussitôt sur un cas d'ojjposition, en réclamant

1. Susta. p. 298.310; Pallavicini, 1. XVII, c. xiv, § 11-12.


2. Sii^ta, ibid., p. au», 316. Pallavirini résume tout au long le débat, 1.
XVIII,
c. iii-v. Il débute par la lettre de Delfini. Susta, p. 317.

3. Cufre Pallavirini, voir les renseignements du Conc. Trident., t. vin, p. 788-


790 ft surtout note 5 de la p. 790.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 717

une exception pour la Germanie inférieure, c'est-à-dire le cercle


de Bourgogne, comprenant des pays où régnait leur maître. Aux
yeux de Philippe II, ces États ne faisaient pas partie de l'empire;
ses évêques entendaient-ils y comprendre aussi les électorats ecclé-

siastiques, et même les diocèses du Rhin ?

Le que les Impériaux mena-


concile était d'autant plus embarrassé

çaient de se retirer, ne concluait


s'il
pas promptement. La délibéra-
tion se prolongea une dizaine de jours, du 28 août au 6 septembre.
Les hommes prudents proposaient d'ajourner la décision (Capo
d'Istria), d'attendre les lumières des évêques allemands bien infor-
més (Ségovie), de renvoyer le tout au pape (Otrante), de faire d'abord
des enquêtes sur place par des commissaires (Braga, Paris). Tous
ces avis équivalaient à une fin de non recevoir. Les Espagnols eux-
mêmes se divisèrent, et furent loin de suivre tous leur chef, l'arche-
vêque de Grenade qui se déclarait insuffisamment documenté;
c'était sa tactique, son habitude.
Les adversaires les plus prononcés de l'octroi furent l'archevêque
de Rossano et les trois patriarches de Jérusalem, Venise et Aquilée.
Comme l'archevêque de Rossano (Castagna), l'évêque de Rieti,
Gianbattista Osio, présenta une réfutation solide et approfondie ^. Les
Impériaux, avec l'appui du cardinal Madruzzo, des archevêques
de Lanciano et de Palerme (tous deux du parti espagnol), des évêques
de Modène et de Brescia, déployaient une activité si encombrante
que leurs manœuvres indiscrètes firent éclater des protestations.
On rencontrait partout, furetant, observant tout, épiant les
les

votes, obsédant les Pères. Il n'y avait pas moyen de les tenir à dis-
tance.

Quelques uns de leurs compatriotes eux-mêmes prenaient parti


contre eux; ainsi le bon évêque de Philadelphie, au risque de com-

promettre son ordinaire, le prince-évêque d'Eichstatt. Les citations


curieuses qu'il apporta, empruntées à des témoignages allemands,

produisirent une certaine impression, même de rire; par exemple


présenta d'un catéchisme, trahissaient le caractère
les traits qu'il

équivoque de l'orthodoxie utraquiste. Deux ou trois témoins d'outre-


Rhin comme lui, notait l'archevêque de Zara ^, auraient suffi pour
entraîner un vote défavorable de l'assemblée !

1. Pastor, p. 227-228.
2. buon vecchio... aetaie maturus, prohitate insignis... magnum illiu*
Qiieslo
verba in multorum animos pondus hahuerunt. Conc. Trident., p. 813 (le 3 septembre).
18 I,IV. I.V. I. IMPUISSANCE DU CONCILE

Paleotto, l'annaliste curial, signalait aussi cette iinjyreBaion.


Elle ne que fit se fortifier h la suite d'une intervention peu adroite
de Oraskowich (jui, revenant h la charge dans son vote de défmi-
toui, se ])Iaignit de l'évcque de Caorle en Vénctic, I^gidio l'alcetta;

celui-ci, l'avait i»rovoqué en duel, entendez dans une


])rétendait-il,
joute thcologi(|ue. Ce dernier dépassait parfois les bornes, au juge-
ment dr \ isconti lui-même ^ L'agent im]>érial parla des millions
d'Ames qui étaient en voie de ])erdition, de ]icu])le9 entiers qui
attendaient le calice avec impatience; insinua même qu'il aurait
mieux valu ne pas convotpier le concile.
Les Pères, pris entre des scru])ulcs de conscience et ces nécessités
du salut des Ames, inclinaient h transiger en fa^ eur des Bohémiens,
et même des États héréditaires, mais désiraient
supjtlément tin

d'information pour l'Allemagne en général. Les évcques de C.sanad


et Knin, (pii jtarlèrent le 5 septembre, ne jiarvinrent pas à modifier

rim]>ression incertaine, sinon défavorable. Ce dernier déploya


ccpcndantbeaucouji d'érudition d'une grande connaissance de l'aiïaire.
Il fit craindre une oiTensive des
])rotestants, qui s'agitaient en Pologne
et pays voisins et se rendraient maîtres de l'Autriche sans ]»eine, si
le concile lui refusait le calice. Il se ])laignit amèrement de son col-

lègue de Philadelphie et d'autres]irélats, cpii regimbaient contre les


menées des Imjtériaux. Celles-ci avaient déjà mis en fuite l'évêque
de Lavant en Carinthie, délégué de la ])rovince de Salzbourg, qui
s'esquiva le 26 août, jiour dégager sans doute sa responsabilité et

celle de ses comj)rovinciaux.


La discussion prit fin le dimanche G septembre avec les abbés
mitres, après les généraux d'ordre. Richard, abbé de Prevalle en
Piémont, des chanoines réguliers de Saint-Jean-de-Latran, en rom-
]tit la
monotonie une dernière fois ]>ar l'outrance choquante de cer-
tains ])ro])os : il osa dire que la requête imjiériale sentait l'hérésie
et le péché mortel sapeva heresia et peccalo mortale. Le président le
:

réjirimanda pour mancpie de res]>ect envers la dignité im])ériîile, lui


retira la jiarole et l'obligea à faire ]»ubliqticment amende honorable '.

Laynez, qui donna son avis ce jour-là, fit avancer la (piestion,


sans toutefois fixer la majorité. En
conclusion d'un long exposé, bien

ap]>rofondi ^, il déclara intangible le décret du concile de Constance,

1. Susta,
p. 5'i5 contradisne gaglianlamenU et, qiiasi tropjw; contre le» agisse-
:

n»enls drs Impf-riau.x, tanto prolervi, d'après IfS légats, p. 363.


2. Conc. Tridftit., p. 876 et note.
3. Ibid., p. 878-898, p. 889 note; Pastor, p. 228.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 719

qui interdisait l'usage du calice, précisément parce que les Bohé-


miens l'avaient proclamé de droit divin. Ils avaient d'ailleurs abusé
de l'octroi que leur en avait fait le concile de Bâle, et n'avaient pas
tenu les promesse qu'il leur avait fixées. Il fit allusion à des faits
contemporains, qui établissaient sa thèse d'une concession fort

limitée, sous des conditions précises : les nouveautés par exemple


qu'introduisaient dans la discipline les gallicans et les calvinistes de
France; il avait pu les constater pendant son récent séjour. L'ambas-
sadeur à Rome, Guillart de l' Isle avait présenté naguère, au nom de son
gouvernement, des requêtes étranges que le pape et le SacréCollège

avaient dû rejeter carrément, bruscamente suppression des images, des :

reliques, des sacramentaux, des processions, etc. (novembre 1561).


Le tableau de ces divers cota, que l'évêque de Vintimille expédia
aussitôt à Rome, est un curieux monument des dispositions et des
manières de voir qui divisaient alors l'Église enseignante, depuis
un siècle et plus que ce problème, qui nous semble ajourd'hui de
peu d'importance, passionnait, bouleversait même la chrétienté.
Sur cent soixante-cinq Pères qui donnèrent leur avis, un certain
nombre, de vingt à trente, pouvaient être considérés comme s'abste-
nant; soixante seulement se prononcèrent pour la concession, et
encore trente et un sous la réserve de laisser
le pape juge en dernier

ressort; vingt-quatre étaient d'avis de retourner les pétitions à


leurs auteurs; quatorze, de les ajourner; quarante-huit les repous-

saient; enfin dix-neuf admettaient celles de Bohême et de Hongrie


seulement ^.

Ce résultat significatif ne comportait qu'une conclusion : ren-

voyer l'affaire au pape, et les légats s'y décidèrent, après plusieurs

jours de consultations. Draskowich et l'ambassadeur de Thun


tentaient, le 14, une démarche désespérée, pour que l'assemblée accor-
dât le calice du moins aux Bohémiens le premier président leur fit
:

observer, non sans raison, que c'était tout un débat à recommen-


cer ^, et cela à la veille de la session. Pour les consoler, il leur présenta
une formule de concession limitée, et la soumit ensuite à la congré-

gation du lendemain; mais elle fut rejetée par soixante-dix-neuf voix


contre soixante-neuf.

En dépit de cette diversité d'opinions, les Pères tenaient en général à régler


1.

la question eux-mêmes. Lettre des légats du 3 septembre; Susta, p. 329-330.


2. Susta, p. 361-362, etc. Pallavicini, 1. XVIII, c. vin; voir encore c. vu, § 2,

ce curieux détail que l'empereur espérait amener, par la concession du calice,


son âls Maxiociilien à faire ses Pâques.
720 LIV. LV. I, IMPUISSANCE DU CONCILE

Les Imjiériaux se tinrent h l'écart en cette circonstance; ]»ré-


voyaient-ils l'échec linal ? Les légats n'étaient jias moins divisés:
les cardinaux dr Mantoue et
Altemps, j»ur syin|tathi(; de famille
pour la cause allemande, travaillaient ouvertement en sa faveur.
Hosiiis, ]>()ussé ])ar ses conseillers ordinaires Salmeron et Torrès,
proposa d'accorder le caliceaux nations qui donnaient de sérieuses
garanties dr (idélilé à l'orthodoxie. .Mais c'était une réserve dillicile
à déterminer vu une assemblée délibérante, et les autres légats
n'osèrent la mettre aux \oix. Mantoue jjroposa donc le renvoi au

]iape, et cent quinze ])ères se rangèrent à son avis. L'évê(pie d'Orvieto,


Sebastiaiio Vanzio, fit ajouter mention exjtresse de la démarche du
concile : r.r l'oto, con.silio et npprohatione concilii. .Mantoue avait
inséré de lui-mènte un membre de jihruse. l'ar lequel l'assemblée
recommandait chaudement l'octroi selon les conditions que Sa Sain-
teté jugerait indispensables. Plusieurs Pères s'en émurent et invo-
quèrent la liberté du coJicilc. Simonctta réussit à les a])aiser, en leur
rai)pelant la ]>romesse qu'ils avaient faite de donner réjionse à
l'empereur. Le décret de renvoi fut voté par quatre-vint-dix-
sejit voix contre trente-sejjt, quatorze abstentions et une vingtaine
d'absents.

Travaux préparatoires de la XX II" session.

Ainsi se termina ce débat scabreux, qui avait failli mettre l'assem-


blée sens dessus dessous, selon ]"(;x[»ression de l'archevêipie de Zara ^
Le concile avait ]>ar ailleurs re]»ris l'examen de la messe, dans la
confusion habituelle, entre les Es]iagnols, fjui encombraient le terrain
de toutes leurs arguties théologiques et les Imjiériaux, (pii escom})-
taient la venue des Fran(;ais, ]to»ir faire bloc sur le programme im])é-
rial de réforme. La récente discussion, close le 27 août, avait laissé

sur leurs positions les deux écoles qui s'opposaient à propos du


caractère de la dernière cène est-elle un sacrifice distinct de celui
:

de la croix, et de (pielle ? La démonstration par laquelle


nature
Laynez conclut dans le sens de l'aflirmative avait été sans doute
favorablement accueillie^: mais, au témoignage de Seripandi, le
j;rand théologien de l'assemblée n'ajiporta h la thèse qu'une proba-

1.
Opni cosa sossopra. Conc. TridenL: p. 95'i, noie 4.
2. Psllavicini n'en donne qu'un court résumé, ibid., I. XVIII, c. n, § 8.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 721

qui pouvait ébranler les profanes, rien de plus ^. Cette sévé-


bilité,
ritéde jugement n'était-elle pas partiale ?
Au milieu du brouhaha que soulevait la question du calice, les
commissaires revirent le texte du sacrifice, le refondirent et en
tirèrent un nouveau en neuf chapitres, qu'ils remirent aux Pères
le 5 septembre. A ce moment, reformait entre Impé-
la coalition se

riaux et Français pour obtenir un ajournement de la discussion,


selon le désir manifesté par l'empereur, à Rome comme à Trente.
Lansac intervenait en ce sens ;
les légats n'en étaient pas moins
décidés à passer outre, d'autant
que ces intrigues compliquaient tout,
la situation comme
débats; ils redoutaient le départ simultané de
les

ces ambassadeurs, et avaient grand besoin d'être réconfortés ^. De


Rome au contraire, on ne cessait de gourmander leur lenteur et leur
pape lui-même par une lettre autographe du 26 août.
indécision, le
Le nouveau texte revint à la congrégation générale du 7 septembre,
fut rapidement examiné et arrêté à la majorité, le jour même. L'arche-

vêque de Grenade présenta toutefois un certain nombre d'observa-


tions, qui semblaient n'avoir pour objet que de faire traîner la dis-
cussion, au jugement de Visconti ^.
Cependant l'évêque de Modène,
lui aussi, déclarait le texte superficiel, insuffisant, parce que cons-
truit trop vite.

L'opposition ne désarmait donc pas. Impossible toutefois de ne


pas aller de l'avant à la veille de la session les légats pré- :

tendaient y faire définir, en outre, le décret des abus sur le sacri-


fice messe, que l'archevêque de Raguse venait de déposer le
de la

8 septembre. Orle même jour, ceux de Grenade et de Braga, avec

deux autres Espagnols *, présentèrent encore une requête signée


de plusieurs membres du concile, pour que celui-ci renvoyât au sacre-
ment de l'ordre le débat sur l'institution du sacerdoce, en vertu des
paroles Hoc facile in meam commemorationem. Les théologiens de
second ordre, ajoutaient-ils, ne s'en étaient pas suffisamment occu-
pés. Il était singulier, en effet, que la question de la messe se
com-
pliquât du problème sur les origines du sacerdoce, mais les oppo-
sants, par cette nouvelle intervention, ne bouleversaient-ils pas

1. Apte et diserte, nihil supra


prohahililatem et riiiatiulam inanem apparenliam
qua imperita muUitudo maxime rapitur. Conc. Trident p. 788, note 2. ,

2. Voir leur longue dépêche du 4 septembre, Susla, j). 336-338; la lettre du

pape, p. 327-328.
3. Conc. Trident., ibid., p. 915, notes 2 et 3.
4. Pallavicini, ibid., c. v, § 7-8; l'inévitable évêquc de Ségovie, par exemple.

CONCILES. — IX. — 24
722 ii\. i.v. l'impuissance du concile

r<»rd<)nnanoc du ilécret sur le sacrifice, (jui avait coûté tant de


peini' i'i établir Les légats se borneront h répondre que la con|rré-
?

{ratioii général»' en décirb-rait \\u réalité, ils lui :ia aient préjiaré
.

d'antres oi-cupations.
Ils eherehaiont un Liais jutiir assurer la tenue de la session et
mirent en rlnmtier, en vue de les élaborer ensemble, la réforme des
abus sur la messe et la réforme générale; pour ce dernier point, ils
étaient harcelés de divers côtés. Dès le 24 juillet, la commission

chargée d«' la ])reinière avait dressé un état comjilet de ces abus


avec les remèdes: ce ne fut «pie le 8 août toutefois que rarchevèque
de Itaguse en présenta le ra]»]iort ^ deux jours après, Visconti :

l'exjiédiait Rome. Ces abus


;i ne s'étaient ]>as seulement multi])liés
mais ramifiés dans toutes les directions et voisinaient, se
à riiifini.
confondaient souvent avec ceux non moins criants qui faisaient
réclamer si fort I;i réforme générale. On s'exjtlique (jue certains

évèques. plus entreprenants, comme les dénommait leur collègue de


^ïodène -. en aient ])rorité pour embrouiller davantage la discus-
sion, en ramenant le récent conflit sur les deux sacrifices de la
Cène et du Calvaire, avec le texte //or facite in menni commémora-
tionem.
Les légats toutefois se contentaient de ra]>procher le plus possible
les deux textes, qu'ils voulaient faire discuter ensemble. Sur leur
invitation, l'arehevèipie de Kagusc s'était ap])liqué, dès le 19 août,
à préciser, en l'abrégeant, le mémoire cjue la conunission avait mis
à jour quelque tenq)s auparavant^. Il en tira une minute en neuf
aux Pères le 8 septembre.
chapitres, qui fut remise
De son Simonetta avait accepté de comjuilscr les matériaux
coté,
de réforme soumis soit au bureau, soit au ])ape, aussi bien les
mémoires des l'^spagiiols et des Portugais que le volume de l'empe-
il en condensa l'ensemble,
reur'; troj) dispersé, en quatorze cha])itres

qui portaient sur les cpicstions les plus diverses, la vie cléricale, la
gestion des diocèses, le service divin, les dis])enses, la justice épis-
copale, les œuvres pies et leur administration, etc. Pour sinqilifier,
le bureau mit à |iart les trois jiromiers cha]titres, rpii maintenaient
les ])ensions : les Pères ne voulaient plus entendre parler de celles-ci.

I. Trxto dans Conc. Trident., y. 91f)-îl2't.

II. Che haniio nome d'esser arditi. Leitri' An 10 ( mr. Tiirlml.. j>. 028, noie 2.

3. Itfid., p. 916. note 2; 918, note 2.

\. Susta, p. 229. Borroméc, le l*"" juillet; p. 236, It-.x


lé^'als, le 6 août. etc. Paila-
virini, ibid., c. \x.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 723

Par ailleurs, ils ne parvenaient pas à spécifier les procès en première


instance que leur réservait un de ces articles.
Les onze autres chapitres furent examinés en congrégation géné-
rale dès le 10 septembre, et débattus avec les abus sur la messe
en une série de séances : il fallait aller vite, on était à quelques jours
seulement de la session. Il fut néanmoins question des plus petits
abus, du chant et de la musique profane, des messes sèches, c'est-à-dire
les prières de la messe (avec omission du sacrifice) que les laïcs
récitaient en commun, faute de célébrant. Ces manifestations pieuses
ne choquaient pas: l'évêque de Veglia les justifia pour les pays de
Dalmatie, à cause du manque de prêtres; et celui de Fûnfkirchen
réussit à empêcher leur proscription. Les messes en langue vulgaire
n'étaient pas moins en usage : des prêtres, qui sans doute ne savaient
guère le latin,
poussaient la complaisance envers leur troupeau
jusqu'à réciter la messe en patois ! Le chapitre huitième interdit
formellement cette pratique.
L'évêque de Segovie avait fait introduire un ordre plus sensible
à travers tant de sources plus ou moins graves de scandale : les

abus furent répartis, dans un texte final, en trois classes, selon qu'ils
favorisaient l'avarice, l'irréligion, la superstition. Ceux que nous
venons de signaler entraient plutôt dans la dernière. Sous la première,
il
y avait beaucoup à dire, beaucoup à corriger la simonie s'était :

introduite dans la discipline du saint sacrifice, comme partout ailleurs,

davantage peut-être. Le concile eut soin de renouveler les anciens


canons d'après lesquels il n'est permis de recevoir, à titre d'honoraire,

qu'une aumône fixe, sous forme de secours pour l'entretien du célé-


brant. Quant aux irrévérences, elles venaient de prêtres vagabonds
ou inconnus, et aussi de pécheurs indignes et publics. La réglemen-
tation sur ce point fut confiée à l'ordinaire, qui seul permettrait
de célébrer la messe, même d'y assister.
L'évêque de Ségovie n'en était pas resté là avec l'appui de l'arche- :

vêque de Grenade, il avait présenté un dernier chapitre qui confiait


au même ordinaire pleins pouvoirs pour la correction des abus ^.
Beaucoup d'évêques penchaient à voter l'adjonction, mais le prélat
changea d'avis, sur les sages représentations de Seripandi, et le décret
fut transformé en une exhortation, qui invitait les ordinaires à
surveiller les abus, sous les trois formes dans lesquelles ils se répé-
taient le plus souvent.

1. Conc. Trident., p. 928 et note 3; p. 932 et note 1 ; p. 933 note 1.


72'» Il\. I.\. l.'lMI'UlSSANCIi DU C:oN< ll.l.

Les griefs contrr la monarchie |i(»iitifical«' revinrent fréqueninieni

à travers les débats. L'arehcvê(|iif de /.ara r{ l'évèqne dr Phila-

deljihi»' se |tlai<;nireiit
des {^rArcs a|i(ist()li(|ues, (juc les nonces pro-

diguaient en verin de leurs facultés telles <|ue les dispenses defeclu :

natdituiii |iuur les ordinands. L'évèqne de linifUirchcn tmhliait

(|uel(|uc ])eu les


responsabilités <|uand tl'alors. il
re^'rettait les jiroino-
faites sur les instances des piinces, et les impu-
tions d'iridi|^n«'s,
tait au pape, connue si ses maîtres les llahsbour^'s n'avaient rien

à se rei»rocher sous ce rapport !

Les eriticpies s'adressaient plus généralement aux articles de


réforme, <pie les opposants déclaraient superliciels. et comme une
sorte de tronipe-l'ipil ceux-ci ])arlaient encore de la réforme
:
rapite m
et in wenihris L'é\ èque de Paris ajoutait (pie ses compatriotes en
'.

avaient fait une |)lus belle l'année précédente,


au ctdlocjue de Poissy.
Certaines de<'es erifi(pies attacpiaient rindulgence de la rruzada, qui

pesait lourdement, et comme un imjtôt sur ri'lglise d'I'^spagne :

les Pères en avaient réclanié en vain la su]»i»ression, h diverses

reprises*. L'évêcpic d'Orense en (ialice, l'Vancès HIanco, un cano-


niste de valeur (pii tenait une place au concile, rajipelait même, comme

preuve de la nécessité de cette réforme m <apite, que le pa[ic est


soumis aux lois du concile, sinon coaciii'e, au moins directi\'t\ pour
\y bon exemple en d'autres ternies ce n'était pas l'opinion de :

beaucoii]' de canonistes romains.


Les quelques jours, (pii jtrécédèrent la \\n** session, virent renaître

d'ailleurs, d'une manière jdus générale, sinon aussi grave, les intrigues
et les agitations des mois de mai-juin. La correspondance avec

Rome et le dehors y aj>])ortait des matériaux, ainsi (pie les sujets


de conversation et, ce cpi'il y avait de plus fAcheux, les ambassa-
deurs y déployaient toute leur activité, par suite de l'entente et de
la coalition cprétalaient au grand jour l'rançais. Iniyiériaux et

r.spagnols.
La \enue des é\éques gallicans était l'cdijet des anxiétés, des

esjiérances, et aussi des hyj»othèses à perte de vue. Ne faisait-on

lias courir le bruit (pie cardinal de Lorraine avait partie liée,


le

pour mener le concile, avec Guerrero. tpii serait au besoin promu

1. Détails dans l'ailaviciiii, c. vu, I. «j Pour


IfS agitations qui précéderont la

xxn' sont typiques. Kntente de l'cvéque


session, voir ce chapitre et le suivant : ils

de Paris a\oc les Kspagnols Susta, p. 107, l'J.'), 127-128.


:

le 17 mai), 168. Borroinéc,


2. Par exemple, ibid p. 151-152 (lettro <i.s lépats
,

le 23; 286, les légats, le 3 août.


CH. III. LA CRISE DU CONCILE 725

pour cela cardinal


^
? Le même Lorraine poursuivrait l'octroi du
calice, avec l'abolition du culte des images.
Ces bruits prirent corps le 3 septembre, dans l'audience que Lan-
sac obtint des présidents. Il leur annonça que le cardinal venait à
la tête de soixante évêques et de toute une armée de théologiens,
dont la Sorbonne fournissait
les cadres; « Mais ce renfort, qui vou-

lait travailleren parfaite union avec le collège des légats, pour la


gloire de Dieu et le bien de l'Église, n'arriverait que fin octobre, et il
était indispensable que l'assemblée ajournât sa session, pour que

l'Eglise gallicane eût toute facilité de discuter la doctrine de la


messe ^. » Les légats se convainquirent sans peine qu'il y avait là
un coup monté entre Français et Impériaux.
Ceux-ci, faisait alors courir le bruit que l'empereur avait écrit
de sa propre main pour solliciter aussi l'ajournement, du moins
jusqu'à la diète de Francfort, dans laquelle il se proposait de faire
élire prochainement son fils Maximilien roi des Romains. Cette

lettre devait passer par Rome, sous les yeux du Saint-Père, ce qui
centuplerait son effet. Elle ne vint pas, mais le refus péremptoire

que Mantoue donna le 6 à Lansac (pouvait-il faire autrement ?

de Rome arrivait sans cesse l'ordre d'accélérer le travail), ce refus


mécontenta le il y avait à redouter que la coalition ne
Français, et
se portât à quelque mesure extrême. Les légats réclamèrent donc un
supplément d'instruction, une réponse décisive.
Pie IV, venait d'écarter une requête analogue de l'ambassadeur
Guillart de l'Isle; il se trouva néanmoins dans l'embarras, à cause
de l'empereur qu'il avait à ménager. Il rassura les légats de son
mieux il ne croyait pas que les Français fussent à Trente si tôt,
:

ni si nombreux surtout. En tout cas, il allait envoyer des Italiens


pour renforcer la majorité^. « Sa Majesté impériale méritait des
égards à cause de sa situation, de son état de santé, de son entente
même avecFrançais. Il n'y avait, somme toute, pas grand incon-
les

vénient à retarder les décisions qui se préparaient, puisque le désir


de l'empereur était conforme à la demande de Lansac. » Le pape
n'avait pas besoin d'ajouter, car les légats le savaient, que les con-
seillers techniques de la curie trouvaient assez défectueux le décret

sur la messe; les chapitres de doctrine étaient un bagage lourd,

1. Lansac proposait aussi d'en faire un légat au concile. Susta, p. 325, le 22 août,

dépêche importante de Borromée.


2. Susta, p. 330-331 (réponse de Mantoue le 6), p. 341 (lettre de Seripaudi).

3. Susta, p. 358-359 (Rorromée le 11 septembre).


726 I.IV. LV. 1, IMIM ISSANCF. DT' roNf II r

gênant, h peu jnès inutilo ^ l-'inalcnu-iif Ir


i^in' l.iiss.iil ses repré-
sentants Iil)res de s'arranj^er. selon les \ nés dt- la
rnajorit/* «lu

concilfv
Cette réponse, arrivée le 1-^
septembre, aggrava l'incertitude des
légats; le paj)e semljlait niaintenant fa^ (iriser les tenijinrisatours,
ce (jui était en opposition avec la JK'^tc. (in'ij a\ ail témoignée juscpie
là. de voir aboutir |iromptenient rassemblée. Le !>
septembre, les
lettres de Borromée soulignaient encore cette hAte, en
invoquant les
dernières nouvelles venues de I'"rance2 par e.\em]»le. que les évèques
:

n'y faisaient aucun


]iréj)aratif de départ. L'incertitude ne dura jias
longtenips le soir même : de ce jour IV los légats annonçaient leur
intention de terminer sans retard ce (|u'ils avaient commencé. Ils
ne voulaient ])as comiminiquer, fut-ce à âme qui vive, le revirement
soudain de Sa Sainteté. L'alfaire du calice n'était pas réglée, il esl
vrai et Draskowicb, ce jour même, la rejirenait à pied d'œuvre,
en bornant la concession aux seuls liobémiens. ^fais, dans la congréga-
tion générale du jour, plus des deux tiers des Pères s'étaient pronon-
cés en faveur des jirojets à définir dans la session:
quelques uns
seulement avaient renvoyé leur décision au lendemain. Le débat
sur le calice n'était que pour tenir en haleine les Im])ériaux et les

Français; toutefois une nouvelle bourrasfpie se ]iréjtarait.

La XXII" session et ses péripéties (17 septembre 1562) .

Le jiendant cpie les légats travaillaient à la congrégation,


16,
avec souci de satisfaire reni]iereur, rarchevê(pie de iVagueles en
le

récom]tensait par un tour de sa façon il


convo(piait les ambassa- :

deurs, pour ménager entre eux une entente, qui amènerait l'assem-
blée à s'occujier sérieusement de la réforme. Il a inrent tous, moins
ceux de Venise et de l'iorence, <jui s'abstinrent de i)ropos délibéré,
et le Bavarois, toujours absent. L'accord ne put se faire sur la
teneur de la requête à présenter en lin de compte les agents se
:

rendirent corps, en Pagnano, l'homme de confiance de


nu)ins
l'ambassadeur esjiagnol, auprès des légats et denuindèrent la date
de la session suivante, avec communication des matières qui lui
seraient soumises. Ils avaient l)esoin d'en instruire leurs maîtres et

1. Ce sont les expressions même de Pallavicini, c. vu, § 5.


2. Susta, p. 360, 361-362.
CH. III. LA CRISE DU CONCILE 727

de concerter avec eux une réforme plus radicale que celle qu'allait

promulguer la xxii^ session.

Il était facile de deviner qu'en cherchant ainsi à gagner du temps,


les diplomates se réservaient la possibilité d'amener à Trente un
contingent de prélats nationaux, qui déplaceraient la majorité.
Dans la crainte de provoquer une protestation officielle par écrit
ou bien la grève des ambassadeurs, les légats avouèrent que la session
était fixée au 12 novembre et qu'elle achèverait la doctrine c'est-à-

dire les sacrements. Ils ne dirent pas un mot de la réforme, mais


leurs interlocuteurs n'ignoraient pas que le concile s'occupait de

supprimer les abus


qui entachaient cette doctrine des sacrements,
et que l'empereur, ainsi que d'autres souverains, en réclamaient
dans leur programme la correction avec toute réforme.
Les ambassadeurs venaient de se retirer, lorsque l'archevêque de
Grenade accourut dans une attitude de combat. Il annonça de suite,
en un style pittoresque, que bon nombre de Pères avaient résolu
de ne pas quitter la salle des congrégations dussent-ils y passer —
la nuit —lors da la réunion préparatoire qui allait se tenir, tant

que l'assemblée n'aurait pas renvoyé le canon deuxième du sacrifice


de la messe, qui définissait l'institution du sacerdoce par les paroles
Hoc au sacrement de l'ordre, car sa place était toute indiquée.
facile...
Les légats firent en vain l'impossible pour vaincre cet entêtement :

Guerrero se savait soutenu par des Pères influents et décidés. Il


avait même
des appuis parmi les légats, par exemple Seripândi.
Celui-ci, en désaccord avec Hosius, n'admettait pas que la dernière
Cène fut un sacrifice complet, indépendant de celui de la Croix.
Jésus-Christ n'avait donc pas ordonné les apôtres en cette circons-
tance. Aussi ne vint-il pas à la congrégation préparatoire du 16 sep-
tembre.
Guerrero par contre s'y présenta armé de pied en cap. A grand
renfort de textes, il
prétendit démontrer que le sacerdoce avait été
institué par les paroles Accipite Spiritum sanctum. fut impossible Il

de lui faire admettre (Hosius lui-même y perdit sa peine), que ce


texte conférait le pouvoir de juridiction, non celui d'ordre. Comme
sa thèse avait de solides partisans Madruzzo, les prélats de Braga,
:

Ségovie, Lérida, Sinigaglia, Modène, etc. (qui ne s'entendaient pas


d'ailleurs sur l'opportunité de ce débat), il s'ensuivit une vive

discussion, puis une tempête d'incidents, accidenti terrihilis-

1. Susta, p. 363-365 (les légats, le 16 septembre).


(28 ll\. I\. I. IMI'UISSANr.F. DU CONCILE

sinii '. ('lurrrfM-n rr-claniaitunerominission siiitjili'inontairejiourcreuser


davantage le sujet il fui \ i\ tiiM'ut
:
coinhattu, et sur son terrain, c'est-
lï-tlire n\C(-. tles textes, par |ilusieiirs de ses compatriotes, surtout
révè(|ue de Tort ose, Nfartin de ('()rdol)a et jiar des théologiens de
valeur, eoiniiie l'arcliex r»jue d'Otrante et ré\ri|ue de Lettere, etc. Si-
inonetta intervint aussi, a]>rès Hosius, et le premier ]»r«;sident n'ajtaisa

pas le tumulte au moyen de; condiinaisons dans l'ordre du jour,


])aree (fu'il avait l'air de favoriser les ojtposants. Ceux-ci,
par contre,
s'émurent de l'intervention des deux autres légats le calme se réta- ;

Mit toutefois et les ]»lacets se succédèrent dans un ordre relatif en


faveur du canon contesté : il ne fut abandonné (pie jar trente-cin<[
Pères, et encore la plujtart s'abstinrent-ils, à l'exemjtle de l'arche-
vê(|ue de (Irenade.
Le décret sur la messe fut finalement adoj.té dans son ensemble.
Les neuf canons condamnaient les erreurs ])rotestantes qui s'y ra]i]tor-
taient jdus ou moins directement, ainsi que celles relatives à la véné-
ration des saints, aux messes basses, aux cérémonies, ornements et

autres accessoires du culte. A


doctrine en neuf cha]>itres, qui éta-
la

blissait le bien fondé de ces anathèmes, fut joint le décret De obser-


s^'andis et i'itandis in celebratione niissac ]»our la ré]ircssion des abus
contre messe, ré])artis en trois classes, selon le ]ilan de l'év^cpie
la

de Ségovie. Toutefois l'assemblée, ])résu])posant le consentement


du Saint-Siège, qui ne mancjuerait ])as d'intcr^ cnir plus tard, confé-
raitaux ordinaires le ]muvoir de surveiller et corriger ces abus, en
tant (|ue délégués de l'autorité su]irème. Ils recevaient par suite la
faculté d'infliger les censures ecclésiastiques et autres peines, lais-
sées à leur libre dis]>osition, quae corum arbitrio constituentur, non
seulement aux abus énumérés dans le texte, mais à tout autre qu'ils

estimeraient devoir eonq>romettre la vénération au saint sacrifice,


qunrcumque alia hue pcrtinerc {•Isa fuerint, non pas de leur propre
autorité, mais aj»rès entente avec le pouvoir (pii les déléguait.
Le décret leur faisait un devoir de ré])rimcr tout ce (|ui avait une

aj)iiarence d'avarice, d'irrévérence ou de sujierslition par exemple ;

ce qui send)lait ui: ]>aicment fiour la messe; en outre les démarches,


cérémonies, actions séculières et ])rofanes dans les églises, les chants
et la musique ]teu honnête, iibi lascii'um aiit impurum aliquid misce-

1. Conc. Trident.,
p. 9.")5, note 1 (lettre ilo l'évêque He Modène
du 17). Ces
«leux termes ont un sens
beaucoup plus énergique f|ue leur équivalent français.
Rétit (assez curieux) dan? Pnlln%irini, ibid., I. XVIII, r. mu. 11-12. i5
CH. m. LA CRISE DU CONCILE 729

tur; d'écarter les prêtres inconnus, les pécheurs publics; en un mot


d'assurer la dignité du célébrant, la bonne tenue des assistants, et
la décence du local qu'ils devaient choisir et visiter; de proscrire dans
la liturgie les formules, cérémonies ou circonstances offrant quelque
apparence de superstition, ou qui ne seraient pas autorisées par une
longue pratique de l'Eglise. En dernier lieu, les évêques avaient le
devoir d'instruire les fidèles sur les fruits des augustes mystères,
de leur inculquer la nécessité qui en découlait, d'y assister, les

dimanches au moins et fêtes principales de l'année.

La congrégation adopta ensuite rapidement, et par siinple placet,


le décret de réforme si mal vu et tant critiqué. Il offrait cependant

l'avantage d'ajouter quelques détails aux règlements antérieurs, de


compléter notamment celui de la dernière session surtout il entrait ;

dans beaucoup de précisément ce qui l'avait fait


détails, et c'était

juger superficiel. Il marquait donc un progrès réel et donnait à la


session quelque importance, à côté même des décrets précédents. Il

pénétait dans la vie privée des clercs aussi bien que dans leurs fonc-
tions et leur conditions sociales fixait les qualités requises des promus
à l'épiscopat et au sacerdoce, l'exercice de la juridiction ordinaire sur
les chanoines, y compris l'obligation pour ceux-ci de recevoir dans
l'année lesordres sacrés requis par leur condition. Les derniers cha-

l»itres, à partirdu cinquième, précisaient les rapports de l'épiscopat


avec le Saint-Siège pour une foule de détails, d'administration tempo-
rellesurtout et de juridiction. L'ordinaire contrôle désormais, par
délégation apostolique, les dispenses et autres grâces, les disî)ositifs
des testaments, les actes des notaires. Il examinera chaque année
les comptes des hôpitaux et des œuvres pies, la gestion des adminis-
trateurs: de même pour les paroisses et autres églises. Le chapitre
dernier renouvelle l'excommunication réservée au Souverain pon-
tife contre quiconque, fut-il roi ou empereur, s'emparerait des biens
et droits temporels de l'Église (sans excepter les fondations pieuses),

en troublerait la possession ou l'exercice, d'une manière même indi-


recte, comme par confidence. La sentence n'était levée qu'après
restitution complète et remise en état.
Un dernier vote, assez court lui aussi, porta sur l'octroi du calice:

il fut renvoyé au pape, puis les légats proposèrent la date de la


session suivante. Après les embarras qu'avait suscités encore
récemment la coalition franco-impériale, ils n'hésitaient pas à tempo-
riser, par un large geste, le plus longtemps possible, jusqu'à la venue
des évêques français, même jusqu'à la fin de la prochaine diète. Le
progrumine était stillisant |i(nir ahsoiher les Pères les sacrements de :

l'ordreet du mariage, leurs ahus, la réforme <(im|>léler. Les I'!s])a- ;i

gnols auraieiil dr ipioi satisfaire leur passion dr joutes et thèses

théologi(jues, puiscju'ils venaient de prouver (|ue. jiour eela, ils n'hési-


taient ]»as SI faire le jeu des Impériaux, à traîner le concile dans un
dédale de déhats scolasti<jues. La session suivante fut donc retardée
sans opposition au jeutli après l'octave de la Toussaint, 12 novembre.

Ajirès une congrégation si liien rem])lie, les prélats se dis]iersèrent


au bout de cinq heures, à deux heures de nuit (huit heures du soir).
Ils furent retenus à la fin par une dernière interpellation de l'arche-

vèipje de Grenade sur l'oiiginc du sacerdoce, (jui finit assez ]>iteuse-


mcnt. bien (pie le cardinal Madru/zo sollicitAt lui aussi le renvoi de
la solution au sacrement de l'ordre.
Le jeudi 17 se|)tembre, la xxii^ session, onxerte à se])t heures du
matin, comjtta cent quatre-vingt-trois Pères, avec neuf ambassa-
deurs coninie témoins et trente quatre théologiens seulement.
Après la messe ]»ontilicale «pie chanta l'archevêque de ('a])Oiie.
l'évcque de \ intimille pronon(,-a !• discours de circonstance et,

parce ffue l'assemblée était habituée à l'entendre parler au nom du


j)ajie, elle l'accueillil comme ui' manifeste, une exhortation de l'au-
torité ])onlincale. Il l'était en réalité, car il avait été soumis à
l'examen de Sa Sainteté, six s«'maines auparavant, le G août, et
les corrections «pi'y a]i])ortèrent les conseillers romains furent

acceptées en tout res])ecl ^ Tl rappelait «jue la bonne harmonie,


l'entente entre les Pères étaient indispensables au succès ])rom]it
et entier du concile |»ar là même, Visconti assurait aux légats
:

le concours entier du pape, et ce n'était pas de troj) après les

agitations (pii s'étaient imiltijdiées récemment.


Pic IV accentuait celte intervention, dans une démarche qui
témoignait de sa déférence à l'égard de l'assemblée. ïin cette séance,
il lui faisait
comimiiii«]uer j'ar le cardinal Amulio, en sa qualité de
]irotecteur des F.glises d'Orient, la ])rofession de foi et le ])rocès-ver-
Yfxl d'intronisation jtassés à Home ]tar un archevêque d'Assyrie,
au nom «r.\bd-.Jésus, catholicos ou jtatriarche de Mossoul. Celui-ci
avait sollicité le ])allium de la main du ])ape et se déclarait jirêt à
ratifier et à mettre en ])ratique toutes les décisions du concile.
Toutefois proclamait en même tenqts le sujiérieur et l'ordi-
il se
naire des chrétiens de Saint-Thomas, sur la côte de Malabar, et

1. Conc. Trident., p. 076, nolo 2. Lf discours, p. 070-976.


CH. m. LA CRISE DU CONCILE 731

ranibassadeur de Portugal revendiqua aussitôt une juridiction


analogue, au nom de son maître, seigneur des Indes orientales et
parages circonvoisins.
A promulgation, qui \int ensuite, des quatre décrets préparés
la

la veille, il fallutentendre lecture des cédules de protestation sur


l'insuffisance du canon deuxième, dé})osées par les prélats de Gre-

nade, Braga, Ségovie, Veglia et trois autres évêques. L'archevêque


de Messine se contenta de protester de vive voix avec deux de ses
confrères. Guerrero avait menacé de se tenir à l'écart et les légats
durent le faire
chapitrer par ses confrères de Braga et Messine,
qui l'entraînèrent à la session ^. En proclamant le résultat, le prési-

dent se contenta d'ajouter que six Pères avaient sollicité des modi-
fications au texte. Cinq seulement firent des réserves sur le décret
de réforme. Ce fut plus grave à propos du décret sur le calice plus :

de trente Pères refusèrent le placet, et une dizaine apportèrent des


restrictions. Quelques uns n'étaient pas éloignés de faire de ce ren-
s'oi au pape une question de dignité, d'autorité même pour l'Église
enseignante.
Pie IV accueillit ces résultats avec des démonstrations de conten-
tement : ils ne répondaient cependant pas tout à fait à son attente,
]misqu'ils lui jetaient une grosse affaire sur les bras. Le 26 septembre
il remerciait néanmoins chaleureusement les légats ^. Il ne diffé-

rait nullement de soumettre à ses conseillers du Sacré-Collège l'affaire


du Nous avons la réponse, donnée sur la fin de l'année', par
calice.

quatre cardinaux inquisiteurs, Ghislieri, Pio da Carpi, Trani (Ber-


nardino Scotto) et Reomanus (Johannes Suavius). Ils se pronon-
çaient pour la négative sans réserve et, dans un avis motivé^, affir-
maient que c'était aussi l'opinion de tout le Sacré-Collège. Néanmoins
la négociation n'était pas enterrée les Impériaux et les Bavarois
:

ne se découragèrent nullement. Les légats avaient toutefois délivré


le concile d'une affaire épineuse. Il en avait suffisamment sur d'autres

terrains.
Par suite de la scission qui s'était produite entre les Espagnols

une petite minorité d'hommes actifs et influents s'opposant aux chefs
— ce parti avait perdu de son influence. Les légats, s'entendaient
mieux d'ailleurs, avaient plus de facilité à faire triompher les direc-

1. Ibid., p. 963 et note 5.


2. En quelques mots dans Susta, t. m, p. 12 et 13.
3. Voir le texte, Conc. Trident., p. 633, note 2.
732 l.IV. l.\ . 1. IMPUISSANCE DU CONCILE

tivcs (le Hdinc. Ils pourraient dès lors, sinon i-()njur«'r. amortir du
moins les obstacles surgiraient à
qjii la venue des l'Vançais et de
leur fhf'f, l'entreprenant cardinal (1<> I.orrairif. Il serait |)eut-(^tre
(il' réduire à
faeil»' limpuissance eett«î n(»uvelle opposition; le pape,
maintenant maître du terrain, va s'y emplover. avec le concours
du cardinal-neveu, plus au courant des alîaires et plus décidé dans
son initiative.
Un autre danger avait surrri, que faisaient d'ailleurs prévoir les
derniers im'idents. Les ambassadeurs s'étaient mis en cam])agne avec
une telle activité, (pi'il était à croire fpi'ils mèneraient rude guerre,
en jiarticulier sur la <piestion de la réforme. Les requêtes présen-
tées, en tant de circonstances, et solennelles, au nom ou sous le cou-
vert de l'empereur, ne ]iouvaient rester lettre morte. De France
rien de sérieux n'était venu mais personne n'ignorait que les évoques
;

de ce ]iays auraient à faire admettre l'œuvre du synode de Poissy,


le jiliis possible des règlements (pie l'Itglise gallicane
c'est-;\-dire

y avait arrêtés. Catherine de .Médicis, délivrée de la pression des


Guises, cherchait à se débarrasser aussi de l'obsession des hugue-
nots et de la guerre civile qui battait son ])lein, par une paix de
tolérance dont le concile ferait les frais. Elle pèsera donc sur lui

pour lui les mêmes avantages que l'empereur sollicitai!,


arracher
et quelque chose de ])lus si ])Ossible. Les l'rançais ne se contenteront

]ias du calice, et des gallicans, comme du Faure, estimeront que les


libertés de l'Fglise nationale doivent s'élargir au profit des hugue-
nots. La campagne des diplomates au concile va s'intensifier vers
un but ]>récis, se resserrer, s'imposer ]ihis que jamais au pa])e et
à ses légats, et ce no sera pas une des causes les inoins importantes

pour lesquelles le premier se verra obligé de congédier le concile,

au milieu d'une œuvre incomplète.


CHAPITRE IV

L'AGITATION DIPLOMATIQUE AUTOUR


DE LA RÉSIDENCE
(septembre 1562-mars 1563).

La campagne s'ouvrit dès le lendemain de la xxii® session, de


manière à bien Le problème de la réforme
faire éclater la collusion.
servait toujours d'objectif, d'autant plus avantageux qu'il en mas-

quait d'autres, même celui du calice. L'offensive de la coalition


entraîna celle des Espagnols et leur fit remettre en cause le conflit

sur le principe de la résidence.

L'offensive franco-impériale.

Le vendredi 18 septembre, les légats soumettaient aux théolo-


giens de profession sept articles De sacramento ordinis, tels. qu'ils
avaient été dressés sous Jules III, et condamnant les erreurs essen-
tielles Ils envoyaient en même temps à
des protestants sur la matière.
Rome un projet complémentaire de réforme en trente-trois articles,
dressés par Simonetta et les quatre conseillers ordinaires, Buon-
compagni, Paleotto Castelli et l'archevêque de Rossano; articles
extraits de matériaux venus de diverses régions recueillis depuis

plusieurs mois et pour la plupart desquels le bureau avait des anno-


tations de Rome, même celles du pape ^, Ce projet employait en pre-
mière ligne le mémoire ^, ou volume communiqué par l'empereur

et sur lequel, depuis le lendemain delà xxi® session, en juin, les agents

impériaux ne cessaient d'appeler l'attention des présidents. Le 28 juil-


let, ceux-ci s'excusaient auprès de Sa Majesté

qui commençait à

1. Voir par exemple Sustn, t. ii, principalement p. 113-121 (en mai 1562),
232-236.
2. Volume?! a Caesare missum de reformalione. Conc. Trident., t. ix, p. 5, note 1.
l'Vi i.iv. i.v. l'impuissance du concile

s'iiiipatienln- de ce »|ue le rèfjlrfurnt di- roiditîdii jour du ouiuilc


(ils se <^rdai«Mit toutefois d'iri\ («|iiii- leur titre de représentants du

]>a]>e)11»' li'ur
|ienuettait pas d«' soumettre le mémoire tel <piel ;i la
discussion d'une assemblée de l'Mf^lise enseif^nante. Ils s'engageaient
toutefois à l'utiliser aussi complètement que le pajie les y autori-
serait. Celui-ci leur avait en effet envoyé des instructions à ce sujet,
ïnais tardivenuMit. a\ait d'almrd coiisrilié. le 18 juillet, de ne pas
Il

tenir coinptr du document imjiérial '. Il i(\int promptement de cette


décision et. dès le 22. leur j>ermettait de soumettre au concile ce dont
ils
pourraient <ii tirer sans inconvénient, /
cnpi trntliihili : il félici-

tait plus tard les légats d'aNoir fait ex]di<|uer à l'empereur par le
nonce DeHino. cpi'il était impossible de tout accorder sans préjudice
de l'autorité pontilicale. l'inalement. le 2îi août, il leur permettait
d'accommodor l'alTaire, dans les conditions ci-dessus, pour la session
suivante. Il les jtriait. jiar ailleurs, de lui soumettre les articles ainsi

dressés, et s'endéclarait satisfait, comme corrcsj)ondant h peu jtrès


aux rectiHcations (ju'il leur avait envoyées lui-même.
Ce fut là-dessus que la coalition engagea la bataille ". Le 21 sep-
tembre, Lansac se présenta aux légats et renouvela sa requête de
la dernière (juinzaine que le concile attendît. a\ ant de rien conclure,
:

la venue des évèques français; ils arriveraient sans faute, allirmait-il


toujours, à la (in du mois suivant. Il présenta ensuite une longue
lettre, en forme de mémoire, dans laipielle son souverain justifiait
la requête, par le récit des événements qui venaient de se dérouler

en France, avaient emjtèché ses évêques de se mettre en route. Le


concile leur devait de jiroroger les délibérations pour les y faire

partici})er. i'endant la suspension, il ferait bien d'appeler les théolo-

giens à creuser la (ioctrine d'une manière satisfaisante, en même


temjis les Pères s"occu])eraient de la réforme.
Au mémoire étaient joints un certain nondîrc d'articles élaborés
au synode de Poissy. Lansac sollicita communication, pour les

envoyer à son gouvernement, de ceux (pie les Pères venaient de


recevoir. A
l'exemple de son maître, il envelo]qtait sous de belles
paroles de déférence et de respect, une sorte de mise en demeure, et
il l'accentua en se plaignant que le bureau ne leur permît pas à

eux, ambassadeurs du roi de France, ainsi que le pratiquaient les

1. Susta, t. Il, p. 270-274, 304 (h- 6 août); 335 (le 29); 3."*5 (le 5 sopt.inbrf).
2. Pour rv qui suit, voir le Journal île Stripamli, Conc. Trident.. \. !\. p. .'î-G.

Pallavicini, I. XVIII, c. xi.


CH. IV. l'agitation autour de la résidence 735

conciles antérieurs, de soutenir les amendements que leur dic-


taient les nécessités de l'Eglise nationale, les droits et privilèges de
leur souverain mineur. « Qu'il invitât en outre -les dévoyés à venir

])laider leur cause, tout en ajournant l'examen du sacrement de


mariage, sur lequel les gallicans désiraient ])résenter leurs observa-
tions contre les unions clandestines. »

L'évêque de Fûnfkirctien vint à la rescousse; ses désirs se bornaient


à solliciter le
président de vouloir bien transmettre le volume impé-
rial à la congrégation plénière, et rétablir en quelque manière le vote

par nations, comme au siècle précédent ^.


cela se faisait selon lui,
On choisirait un nombreégal de prélats par pays, parmi les plus
capables, et l'assemblée n'aurait plus à dépendre d'une majorité
d'Italiens, plus ou moins instruits et indépendants. L'exemple du
concile de Bâle était, pour ainsi dire, devenu le mot d'ordre, et

l'évêque de Paris avait essayé de le mettre en circulation deux mois


auparavant L'agent impérial présenta, comme pièce à l'appui de
^'.

sa requête, une lettre de Ferdinand qui rappelait que le pape lui


avait promis une réforme pleine et entière, du moins sa bonne volonté
et tout son concours pour cela.

Les coalisés révélèrent leur entente dans la manière dont ils

accueillirent la réponse dilatoire que les


présidents leur firent :

la discussion avait été vive, bien que courtoise de part et d'autre.


Lansac était revenu à la charge en priant. les légats d'examiner les
requêtes de l'empereur, mais ceux-ci objectèrent qu'ils ne poilvaient
décemment faire discuter dans un concile certaines de ces requêtes,
comme le mariage des prêtres, l'abandon des biens ecclésiastiques
à des usurpateurs, l'administration des sacrements par des héré-

tiques notoires. Lansac feignit de s'accommoder de cette réponse,


mais les agents autrichiens témoignèrent un vif mécontentement ^.
Les uns et les autres donnaient toujours l'impression qu'ils voulaient
faire traîner l'assemblée jusqu'à l'arrivée des Français; bien plus
il se chuchotait dans l'entourage de Lansac qu'elle pourrait alors

substituer le vote par classe au mode suivi jusque-là des placets


individuels.
Le bureau ne renonça pas à l'espoir de trouver un accord, selon la
combinaison convenue avec le pape qu'ils feraient un choix parmi
:

1. Pallav^iciui, c. xni, § 2.

2. Susta, t. II, p. 258, 260.


3. Majorem animi commotionem prae se tulerunt. Conc. Trident., ibid., p. 5,
note 2. Les Français, de leur côté, acceptèrent la réponse non sans peine, moleste.
73G M\. i.\. i.iMi'i issa.n<:k du co.N( ii.i:

les deiuandps dv \'viu\tvrcnv ^. n«>s le leiulemaiii, Seripandi reinettaît


aux ambassadeurs coalisés la r«''|i()iis«' (ni'a\ ail rédigéi' '. au nom
du bureau, son propre secrétaire, le bolonais l'iiipjio Musolti.
homme de eoniiaiu-e drs léj^iils.un personnage de mari|ue dans
renlourage du eoneile. » Les dél>ats mèneraient de front le sacre-
ment de l'ordre (en laissant celui du mariage jus((u'à l'arrivée des
l'ranvais) avec les articles de réforme ipii contenteraient Sa Ma-

jesté impériale. Les légats leur soumettraient les propositions,


a\ ant de les ]>réscnter aux Pères, et les priaient, en attendant, de
mettre eux-mcmes ]iar écrit ce (pi'ils jugeraient à prf»pos d'y
joindre dans l'intérêt de Irnr pays. »

Cette condescendance ne mit pas fin aux récriminations, encore


nu)ins aux exigences. Lansac se déclara satisfait pmir sa ]»art,

cumnuuii({ua à Musotti les instni(tions de son souverain, mais


gémit parce <pi( !••
]ia]»e envoyait des évcipies italiens ]>our con-
trebalancer l'aclinii (les Français il aN ait donc
: mandé au cardinal
de Lorraine de se hâter avec sa suite. L'évèque de Fiinfkirchen. de
son coté se plaignit (jue le syjuide n'ajournAt ]»as toute discussion
sur la comme
l'empereur le désirait, juscju'à l'arrivée des
doctrine,
évèques fram;ais, allemands et même ]inloTiais ((pii s'étaient ]iareil-
lement annoncés).
Il ne s'en tint pas là. Après la cojigrégatM)M du 23. il retint, à

I
église f{uî en était le local, ])on nt)mbre d'évêques non italiens et
lescon^ ain(pjit de s'unir à lui jiour inq'oser une réforme sérieuse.
Guerrero entra dans la combinaison, jiarce (|u'elle lui garantissait
le concours sans réserve de l'emjiereur. L'assistance commençait
à nommer une eonunission pour préjtorer les matières de réforme,
lors(jue l'évêipae de Tortosa, Martin de Cordoba. fit échouer la
manœuvre, en prouvant que les Imjtériaux n'avaient d'autre objectif

<pie d'obtenir calice, ce à


le
quoi les Espagnols se montraient oj)posés.
l/agitation ne se calma pas pour cela, au contraire. Les oppo-
sants venaient d'aj)prendre que, dans le dernier des canojis sur l'Ordre,

c|ue le cardinal Crescenzi avait fait rédiger sous .Iules III et «pie les
légats avaient tout récemment soumis aux théologiens, ils avaient
supprimé les termes jure dU'ino, ipii nutrcpiaient la supériorité de
l'épiscopat sur le sacerdoce. C'était (selon eux) nuuupier à l'engage-

1. Selon la r<'iiwin{ije pit t(>i-cs(]iii' de l'alla\ icini, c. xi, § 7, il aurait fallu deux
ou trois ans pour moltrf sur pird 1rs réforniog réclamér.<; par l'enifM^n'ur.
2. Texte dans Susta, I. m, p. 353-357. Voir p. 360-361. le délai! des intrigues
franr.Tisrs.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 737

ment pris le 6 juin, de faire définir le principe de droit divin de la


résidence. Dans cette même réunion du 23, les Espagnols résolurent
de présenter à ce propos une proposition supplémentaire :
quod
episcopatus sit jure dwino ^.

L'opposition internationale se groupa une fois de plus autour


du conflit des principes et le lendemain, ses coryphées, les arche-

vêques de Grenade, Braga et Messine avec l'évêque de Ségovie,


se présentèrent aux légats délibérant en conseil et leur exprimèrent
le mécontentement que la suppression avait provoqué parmi les
Pères. On discuta encore théologie, les légats objectant en vain,
bien qu'avec raison, que personne, même parmi les hérétiques, ne
contestait la supériorité de droit divin des évêques. La discussion
se concentra sur le texte Crescenzi :
Seripandi, qui penchait pourtant
à déclarer la résidence de droit divin, rappelait que le programme
du concile était de prémunir la chrétienté contre les erreurs il n'avait :

donc pas à intervenir sur points non contestés. Le 25 septembre,


les

la délégation des opposants lui apporta nombre de textes dans les-

quels Luther et autres novateurs niaient l'institution divine de


l'épiscopat. Le légat leur retourna aussitôt deux pamphlets du même
Luther, affirmant que les évêques qui négligeaient leurs devoirs,
à commencer par la résidence, perdaient leurs pouvoirs et leur carac-
tère divin. A cette date, Guerrero étudiait ces écrits et s'en servait

plus tard en octobre, pour établir son votum sur le principe de la


résidence.
Les légats ne refusaient pas promise, mais ne vou-
la discussion

laient pas la laisser aboutir et manœuvraient en ce sens. Ils ne déses-


péraient pas de provoquer des fissures dans le bloc de la coalition.
Les Français manquaient plutôt d'ardeur et d'entente. Le prési-
dent du Ferrier, en relation avec Simonetta et Visconti ^. leur fai-
sait passer des avis et paraissait fléchir. Lansac ne laissait pas igno-
rer principe de la résidence lui importait peu, pourvu que
que le

l'assemblée en assurât la mise en pratique. Ils étaient d'ailleurs gênés


par l'attitude que les Valois avaient prise à l'égard du concile de
Jules III. Il leur était difficile d'intervenir en faveur d'un décret,
arrêté dans une assemblée que la cour de France affectait d'ignorer,
ne l'appelant que le conciliabule de Crescenzi !

1. Lettre de l'évêque de Vintimille, du 24 septembre, dans Susta, t. m, p. 358-


359. Pallavicini, c. xii, § 10-12.
2. Susta, t. II, p. 195 et 217; il fut même question de l'acheter, t. m, p. 365.
738 Liv, Lv. l'impuissance du concile

Dans l'opiiosiliou espagnole, on ne s'entoiulait giirre mieux;


autour de l'évèipie de Salainan<jii<'. ndversaire nersoniifl dr l'arche-
vê(jue de (îrenade, se grou])airiit |tlusieurs évTvjues espagnols, coiaine
ceux de Tortosa, Lerida, et deux grands
d'Iisjiagne les évoque? :

d'Astorga, Diego Sarn\iente de Sotoinayor, et df Palti en Sicile.


Maitolonu'o d'Aragon, ce dernier le plus zélé pour hi cause du i»ape.

le plus influent grArr à son origine princiére. sans parler de son


sa\<»ir; le tout raclu-tant assez le jteu d'importance de son diocèse.

On compi a ainsi sept dissidents, dont les légats eurent soin de réchauf-
fer le zèle ])o»ir la cause du jiape ])ar les bons olFiccs de Seripandi,
de l'évcipie de Vintimille et nicme de ragcnl Tagnano. Aussi ces
prélats accejttèrent-ils sans peine les directives de
Home et se joi-

gnirent aux Italiens pour appuyer l'ordre du jour tel cpie les légats
venaient de le modilier.

L'Intervention du pape.

Ces directives, ceux-ci les sollicitaient en ce moment. Avec les

trente-trois chajtitres de réforme, envoyaient ils à Rome la lettre

du de France, ainsi que les articles de Poissy qu'il recomman-


roi

dait. Le 1" octobre Pie IV soumit le tout à une commission de théo-

logiens deux jours a])rès, il était en mesure d'expédier leurs cri-


et,

tiques ^ L'ensemble était confié, ainsi ipie les requêtes


de l'empe-
reur, à Sinu>netta qui avait revu les articles français, j)ar une lettre
de la main du iia]ie, accompagnée de ses annotations sur ces divers

matériaux.
Pie IV recommandait en même
tenqis de nuiintenir le progranune
en partie double des définitions et des réformes étudiées ensemble,
de lui renvoyer au besoin la ([uestion du princijie de la résidence.
Les légats avaient faculté de présenter au concile les articles envoyés
n inq)orte
par renq>ereur, mais non en son nom, parce qu'un prince,
lequel, n'avait aucun pouvtiir
de ilii Itr des ordres à l'I^glise ensei-

gnante. Ils devaient s'armer en cas de nécessité de la lettre du


27 juin dont Sa Sainteté envoyait copie, i>ar laquelle Ferdi-
-

nand laissait Sa Sainteté libre de choisir entre ces articles. Le i)on-


tife promettait encore son apjmi entier les réformes se poursui- :

1. Texte étudié à Home. Susta, ibid., \\ 'i-.'»; les articles de Poissy, p. •JO-21 ;

les treute-lrois articles annotés par le pape, p. 21-22.


CH. IV. l'agitation autour de la résidence '

739

vaient à Rome; le 29 juillet, il soumettait encore au concile la bulle


qui réorganisait l'auditorat de la Chambre apostolique ^.
Bien qu'il feignît de ne pas prendre au sérieux les rodomontades
des Français et le bruit qu'ils faisaient sur la venue à Trente du
cardinal de Lorraine ^, Pie IV s'appliquait à lui préparer un contre-

])oids dans les décisions, au


moyen d'évêques italiens qu'il pressait
de se rendre au concile, en ajoutant les menaces aux avertissements :

ceux de Toscane, de Venise, y compris Commendone. Il faisait


rappeler les malades en permission, comme les évêques de Raguse
et Sutri ^ et refuser tout congé pour l'avenir.
En même temps, le pape prenait à partie les chefs de l'opposition,
blâmait l'attitude obstinée de l'évêque de Fiinfkirchen, envoyait
en Espagne un vrai réquisitoire contre l'archevêque de Grenade*,
tout en le faisant sermonner (pendant que Mantoue se servait
de Pagnano) par l'agent de Portugal, toujours bien disposé et
par le Père Pierre Canisius, théologien confident de l'empereur.
Visconti recevait l'ordre de grouper les ambassadeurs, pour que les
mal pensants, ceux de France et de l'empereur, fussent convertis
ou neutralisés par les autres, qui formaient la majorité. Les légats
avaient mission d'éloigner du concile des prélats qui s'affichaient
indépendants à tort et à travers révê([ue d'Arbe dans les îles Dal-
:

mates, Vincenzo Nigusanti, un survivant du siècle de Léon X,


vieux et malade et surtout celui de Rieti, Gianbattista Osio, qui
:

récidivait, théologien d'ailleurs original, mais au cerveau bizarre,


selon les présidents eux-mêmes ^. Malade lui aussi, il mourut en route
le mois suivant, à son retour dans son diocèse.

Pie IV autorisait aussi les légats à dépasser librement ses instruc-


tions, pourvu que l'autorité du Saint-Siège restât intacte. Lorsque
ces instructions arrivèrent, dans la nuit du 7 octobre ^, Seripandi
était alité, Mantoue en villégiature à Rovereto, à 32 ou 40 kilomètres
de Trente. Ce dernier toutefois, pour alléger la fatigue de Simonetta
et d'Hosius, sur qui tout retombait, faisait retoucher, abbellire et

ornare, par ses deux compagnons de villégiature, l'évêque de Chiog-

1. Susta, t. II, p. 290.


2. Par exemple,ibid., t. m, p. 12 (les 26 et 30 septi^mbre).
3. Ibid., 359 (le 11 septembre) t. m, p. 7.
t. II, p. ;

4. Dépêche au nonce de Madrid, le 9 octobre, ibid., p. 376; voir encore p. 18,


29 et 55.
5. La stravaganza del suo cervello e sospelto a loro ancora. Ibid., p. 25.
6. Ibid., p. 18 et note 3, texte curieux emprunté à Seripandi.
740 I.IV. I.V. I IMIM ISSANCE DU CONTILE

gia Pt s(Mi l'ropic tlu''()l(){^itii l'ciulasio. !»• ili'i ifl sur le siicrciiicjil ilr

l'ordre, (|ih' certains déCmiteurs se jtréparjiient à (N'Iif^iirer jiar leurs

censures, per farUi fxinre hrutixsimo, selon la réilexion de Seri|iaiidi.

Discussion commune au sacrement de l'ordre et à la résidence.

I .a (Commission venait di- icfondre le texte primitif, en le condii-


nant avec les critiques présentées par les théoloj^iens inférieurs.

a])pelés en consultation aussit(\t après la xxii^ session. Afin d'éviter


le retour des lonj^ueurs <jui s'étaient jierpétuées dans les délibéra-
tions précédentes, à l'encontre de tout rèfflenient, les légats avaient
établi la (Ha ision du travail. Ils réjtartirent les ((uatre-vingt-buit

tbé(iI()},'M'jis jiréscnts en six classes, de treize à seize l'une, trois ])our


cha«tin des sacrements de l'ordre et du mariage; de plus les sept
anathèmes du jiremier décret furent séparés, à raison de deux ou
trois par section. Le président recommanda aux argumentateurs
d'être précis, didactiques, non combatifs, surtout brefs il ne con- :

vient pas, estimait le bureau, (ju'ils acca))arent le temj)s au détri-


ment de leurs confrères et la doctrine sera établie assez nettement
si tous j>arlent, sans se perdre en longueurs '.

Les conférences devaient commencer le J I


septembre, mais les

embarras soulevés ]>ar rop])osition et ]>ar les and)assadeurs les

firent ajourner au 2.'i limiter au sacrement de l'ordre, de sorte


que
les consulteurs ((ui s'occupaient du mariage furent réduits au rôle

d'auditeurs jiassifs. .lusqu'au .3 octobre, en (juinze séances, chacune


de trois heures en moyenne, trente-sept orateurs ])arlèrent, c'est-à-
dire plus d'une heure chacun. Les règlements n'eurent guère ])lus
de succès (jue ])ar le passé. Il
s'agissait, il est vrai, de cin(] articles
de des j)remiers anathèmes et les opinants ne se firent pas
foi,

faute d'empiéter sur les deux derniei-s. les ]ilus importants, ceux

auxquels les novateurs tenaient le ])lus la nature de la hiérarc hie :

ecclésiastique et la distinction entre ré|tiscopat et le sacerdoce.

L'exposition commença avec la première série, qui se composait


des grands théologiens, ceux du pape et même ceux des princes;
ils ne voulurent pas se cantonner dans la hiérarchie ecclésiastique,

qui devait seule les occuper en la «irconstance, et ils firent des excur-
sions h travers les autres articles, de manière à n'en laisser aucun de

1. Conc. Trident., t. ix, p. 6 et note 1 ; 7 el noir 1 ;


p. 'i, le journal do Soripandi.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 741

côté. A tout seigneur tout honneur le P. Salnieron ouvrit le débat


:

devant une nombreuse assistance qu'attirait sa renommée, autant


sinon plus que son titre de théologien du pape cent soixante- treize :

Pères, la ])lupart des ambassadeurs (moins le Bavarois et le Floren-


tin, écartés de préséance), quatre-vingt-quatre théolo-
par le conflit

giens, des docteurs, des nobles, une foule de clercs et de laïcs du


commun. Assistance qui s'éclaircit les jours suivants, même pour le
rival de Salmeron, Pedro Soto, le 25; pour son associé Torrès le 28;
et le 1®^ ocotobre, pour le jésuite Polanco, bien que patronné par le
légat Hosius. On entendit ainsi, après les argumentateurs du pape
et de l'empereur, ceux du roi catholique, du roi de Portugal, de
Venise, et aussi des théologiens d'évêques.
En somme, les trois classes parlèrent librement sur les sept ana-
thèmes et, quand les premiers opinants eurent dépassé le temps
prescrit, accaparé même chacun sa séance, les légats n'osèrent plus
imposer de limites aux autres, pour la matière pas plus que pour
le temps. Les consulteurs ne se firent donc pas faute de discuter

l'origine de l'épiscopat, bien que le texte qui leur avait été soumis
lepassât à dessein sous silence. Ainsi le théologien de l'archevêque
de Grenade, Juan Fonseca établit le principe de droit divin, le
3 octobre, à grand renfort de textes et d'autorités, insinua même
qu'on l'avait escamoté ^. Les légats en prirent prétexte pour clore
les débats, en rappelant que le temps pressait. Seripandi, qui pré-

sidait ce jour-là, proposa de nommer


la commission qui arrêterait

le nouveau séance
texte, et
désigna il tenante les archevêques de
Zara et Reggio Calabria, les évêques de Coïmbres, Léon, Viviers,
Csanad, le général des servites Migliavacca et le Père Laynez, une
forte majorité d'indépendants, semble-t-il; à part les deux derniers,
aucun d'eux n'avaient d'attache avec la curie romaine.
Ils menèrent d'ailleurs rondement le travail et, trois jours après,

l'archevêque de Zara déposait un nouveau texte de sept canons


avec un préambule de doctrine en quatre chapitres. Les légats son-
geaient à présenter en même temps un décret imposant le devoir de
la réprimant par suite les infractions auxquels il se
résidence,
heurtait de divers côtés, et dont les plus redoutables venaient sans
contredit des princes. Leur correspondance officielle avec Rome
avait plusieurs fois abordé ce sujet ^. La déclaration du principe rcs-

1. Conc. Trident, p. 32, note 6, lettre de Visconti à ce jour.


2. Susla, t. n, p. 334-335 et 350 (Borromée le 29 août, le 2 septembre, etc).
742 I.IV. I.V. I 'iMI'UISSANCE DU CONCILE

fait toujours Ir
|iniuii'r étiu-il tju ils se |)rL'oi.(U)iaiciit d'éviter. Ils

soumirent donc au pape trois innnières de résoudre le |»roblèine *,


Lo premier était de prescrire le devoir de
et lui laissèrent le choix.

résider, avec la sanction peines et récomjienses c^n()ni(|ucs pro-


ilc

])orlionnées, pour les manquements comme pour lObsorNation.


Le second ex])édieiit était de faire renvoyer ce règlenicnt au Saint-
Siège par un \ ote de l'assemblée, mais il (dTriraitun danger «(ua- :

rnnte lères et ]>lus seraient tentés de s'y opjtoser, demanderaient

pourquoi ils étaient convoqués, si le concile remettait si facilement


les décisions à la cour de Home. Il s'en présenterait toutefois plus de
cent autres pour souscrire au renvoi, bien jthis pour admettre que
le pape se référât dans son décret à leur consentement. .Néanmoins

il était diflicile h celui-ci de se ]irononcer. sans se com(»romeltre,


sur l'un ou l'autre jirincipe.
Les présidents [icnchaient ]»our un troisième parti coninic étant
le plus ]iratiquc présenter un ]>rojet de réformes des abus contre la
:

résidence, (jui ne spécifierait rien de ]»lus et laisser aux Pères toute


liberté de parler, tout en s'efTorçant d'écarter le débat sur le ]irin-

cipe. Visconti envoyait aussitôt les trois hNj)Othèses et sollicitait


une jirompte ré])onse; la dernière supposj»it, ajoutait -il sinqilement,
«fue les Pères prendraient l'initiative de solliciter eux-mêmes une
décision de Home.
Le papefut d'un avis différent et se montra peu satisfait de l'indé-
cision de ses légats. Il se ]'rononça nettement pour le premier parti,
bien jilus avec aggravation des peines, par exenqde l'exconimninca-
lion réservée au Saint Siège contre les non résidents. II n'accej>terait
le renvoi com]»let que comme un jus all(M-: les légats feraient bien de
terminer tout jiromptement, d'éviter une déclaration de foi sur le
principe et de ne pas s'embarrasser jilus «|u'il ne faisait lui-même
de ce que disaient ambassadeurs ou autres. Il se chargeait de
les

prendre ensuite toutes mesures pour obliger les évêques à résider ^.


Le 19, les légats répondaient qu'ils feraient leur ])ossible pour
satisfaire Sa Sainteté, sans avoir d'illusion sur la difliculté de l'entre-
prise^. Ilsaborderaient la matière tout de suite, après les votes sur
le sacrement de l'ordre qui touchaient à leur fin. Ils avaient en effet
comnuinicpié le nouveau texte, dès son dépôt ]iar la conunission le 6,

1. Sommairr envoyé par Visconti lo 5 octobre. Susta, t. m, p. 372; plus précis


(\\ic celui dp Pallnvirini, ibid., xn, à la fin.c.

2. liorromép le 12 octobre. Susta, p. 25-27.


3. Ibid., p. 32-33, lettre flu collège des l^çats.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 743

aux ambassadeurs, comme ils en avaient établi la coutume pour les

propositions d'importance qui intéressaient les pouvoirs civils la :

hiérarchie cléricale, l'épiscopat, le sacerdoce avaient à leurs yeux

quelque raison d'être et les Français s'empressèrent de l'attester


par un petit fait qu'ils eurent soin d'exagérer.
Ils réclamèrent aussitôt contre le canon septième ^, qui con-
damnait l'erreur affirmant la nullité des ordinations faites sans le
consentement du peuple ou de l'autorité civile l'anathème allait :

contre les traditions ou règlements de l'Église gallicane, disaient-ils,


contra gli ordini del suo regno. Ils furent admis à faire valoir leur

difficultédans la congrégation du 8, où commença l'examen du pro-


jet. Les commissaires prirent la peine de leur expliquer qu'il n'y
avait en ce canon qu'une mesure préventive d'ordre spirituel, pour
affirmer le caractère indélébile du sacerdoce contre les négations des

hérétiques; le concile ne songeait nullement à mettre en cause la

pratique d'après laquelle l'Église tenait compte de l'opinion publique


pour appeler aux ordres, et consultait les princes eux-mêmes. L'expli-
cation ne les calma pas : ils
objectèrent encore que le terme ordina-

tioneni, qui figurait dans le texte, signifiait quelque chose de plus


que l'exercice d'un pouvoir spirituel et impliquait la collation des
droits régaliens d'un bénéfice, collation qui revenait au seul souve-
rain. La commission ne réussit à les calmer qu'en substituant ordines
sacros au terme incriminé.
Les incidents surgissaient ainsi de fois à autre pour entraver la

marche du concile et donner des soucis aux légats. Parmi ces incidents,
un surtout tournait à l'obsession, car il renaissait d'une manière à
peu près périodique le conflit de préséance entre les ambassadeurs.
:

Nous pouvons même ajouter qu'entre le roi très chrétien et le


catholique était en permanence. En ces journées de complications
il

multiples, vint encore se jeter à la traverse dans l'ordre du jour


il

du bureau. L'agent bavarois Paumgartner était revenu le 25 sep-


tembre; il réclama aussitôt sa place dans les séances solennelles,
immédiatement après les Vénitiens. Il avait droit à la préséance
pour deux ou trois solennités, comme son rival le Suisse l'avait eu
pendant son absence. Celui-ci céda sur les cas présents, mais ne
voulut jamais s'engager à rien de plus pour l'avenir. Il ne parut
pas le 8 octobre et délivra les légats d'une angoisse; mais il leur

1. Fecero gran strepito et rornore, écrit


l'évêque de Modène le 8. Conc. Trident.,
t. IX, p. 38, note 2.
1\\ I.l\. I.\. I 'l.Ml'UlSSA.NC.K DV CONCILE

testait toujours lu rrainti- di- i|iifl(pio scniulalt- iiu]>révu. Ils jiro|)0-

sirrenl donc aux ad\«>rsaires dr s'abstenir de paraître l'un et l'autre,


jusi|u'à re tjue le concile eût ré}^Ié le lilijjc a\oc Uonie et avec le.urs
maîtres. Ils refusèrent d'y consentir.
I.a réjionse de Honu- était toujours la nicnir. et des ]>lus sini|iles :

les lé}2;als n'avaient (ju';i


suivre le ccréuioninl :i(lo]ité en curie, et
laisser partir les ape^nts <jui menaçaient de s'en aller. Avec le duc
de Bavière, le jtrocédé se ct)mpli(piait davantaf^e et ne réiissit f^uère.

Le 19 octobre, l(!S présidents lui mandaient de vouloir bien, jtour tout


accommoder, accepter la combinaison sui\ante les deux agents :

paraîtraient aux séances chacun à son tour, d'après un règlenient


établi. La lettre atleignil le \\\n- l'Vaîicfort, au milieu des s]den- ;i

dnurs (|iii accompaifiiaient le couronnement de ;irchiduc Maxinii- 1

lien comme Romains, et ces splendeurs semblent avoir


lui des
surexcité son enthousiasme et sa susceptibilité de i)rince de l'enijiire.
(hie jiouN aient valoir ])our lui dos jtaysans, pAtres et bûcherons,
nioutannards à demi barbares. <pii n'étaient à ses yeux <jue des
rebelles du S;iml -Lmjiire et des ravisseurs de terres allemandes^ !

Il n'était d'ailleurs ]'as satisfait du refus du calice (jue le concile


\enait de lui inflii^'er et il se montra intransifjoant. Son ambassa-
d(;ur réchuna une déclaration, (pii le classait immédiatcmeni a]»rès
les \'éniliens : elle lui fut rt>fuséc. Il
jiartit en no\ cnd>rc et ne rei>arul
plus à l'assemblée.
Le concile se calma poui- un temps sur ce te.rrain, mais s'af^ita
bientôt sur un autre. Les ])artisans de l'oripiine di\ine de répiscojat

fi^gnaieïit du terrain par leur pro])agande. N'avaient-ils ])as suborné


le président de la commission, l'archevêque de Zara, qui glissa les
m!)ts jtirc di\'ino (episcopos esse sacerâotihus superiores) dans le

canon septième ? Les légats se hAtèrent de l'efTacer. et ils firent

répondre à rarche\"è(pie de Grenade, par Ilosius lui-même, que ce


point de doctrine n'était pas en question -. Le détnil lit assez de
bruit, juscpi'à jiour que le cardinal Borromce chargeât Simo-
Home,
netta d'encpiêter en secret sur la genèse de celte intrigue.
Les délibérations sur le nouveau texte. <pii commencèrent le
13 octobre, iîc tardèrent ;i révéler clairement - à Tuesure «pie
jias
se déroulèrent les exposés — que (aierrero avait gron|ié cincpiante

1. Per .ifdiliiinrin ri rrhrlli<iiieni (thscissanim ah Iinperio linnmno ctu-rinaruni


violentas riominos, faisait-il «m rire on novcnibn-. Conc. Tridenl., p. 30, not.* 2. La
fin de l'afTairr dans Susta, j>. 92.
2. Qiiesto casa non r in controver.iia. Conc. Tridenl., I. ix p. ^iO, notes 2 à 4.
CH. IV. l'agitation autolr de la résidence 745

deux Pères autour des défenseurs habituels du principe de droit divin :

lesarchevêques de Zara et de Nicosie en Chypre, Filippo Mocenigo


et les évêques de Fiinfkirchen, Veglia, Viviers, Lucques, avec les

généraux des Servîtes et de l'Observance. Ils s'appuyaient sur le

caractère indélébile de l'ordre épiscopal, qui doit être au-dessus de


celui du sacerdoce, pour l'origine comme pour le reste. Leurs argu-
ments n'avaient d'ailleurs qu'une valeur assez puisque nul relative,
théologien orthodoxe ne conteste cette supériorité.; Hosius dut
établir, textes en main, que. dans la Confession d'Augsbourg, il
n'y
avait rien - —
contrairement a ce que soutenait l'archevêque de Zara
— qui permît d'affirmerl'égalité absolue entre les deux ordres. Lors-

que Guerrero entra en scène, une vive altercation s'éleva entre lui
et le même légat, tous deux affirmant contradictoirement que la

mtajorité des Pères s'était prononcée. L'archevêque donna vm


démenti au cardinal, puis s'écria J'en appelle aux nations, dévoi-
:

lant ainsi, ou peu s'en faut, son alliance avec les Impériaux et les

Français ^.

Le bruit courait que les Espagnols s'étaient engagés (par ser-


ment ? on ignore) à ne pas accepter le décret sur le sacrement de
l'ordre, s'il n'était pas corrigé selon leur point de vue. En tout cas,
l'un d'eux, l'augustin Juan de Munatone, évêque de Segorbe {pro-
vince de A'alence), avouait dans une réunion chez l'ambassadeur de
Portugal, qu'il ne voyait pas comment ils. pourraient accepter le

canon septième, tel que la commission l'avait rédigé.


Dix-neuf Pères, à la suite des archevêaues de Palerme et de Mes-
sine, proposaient un canon supplém.entaire définissant la primauté
du pape, au-dessus de hiérarchie ecclésiastique. A quoi bon la
la

surcharge ? puisque les partisans du principe de droit divin ne niaient


nullement cette primauté, et les autres Pères affirmaient à l'envi
ne s'être assemblés que pour définir ce que les protestants mettaient
en doute ils établiraient suffisamment la primauté, que ceux-ci
:

rejetaient aussi, en définissant la hiérarchie entre évêques et prêtres.


Les débats furent interrompus dès le 14, par la réception de
l'ambassadeur polonais, l'évêque de Przemisl en Galicie, Valentin
Herborth. Il ne présenta qu'une lettre de créance et excusa l'absence
de ses confrères, retenus par la diète nationale qui approchait. La
situation troublée de la Pologne inquiétait la cour de Rome, peut-être

plus que celle de l'Allemagne, par suite de la faiblesse du roi Sigis-

1. Récit dans Pallaviciiii, ibid., liv. XVII, c. xiv. § 5.


7'lfi I.l\. IV. I. IMPUISSANCE nu CONCILE

mond-Auguste et de l'atlitude assez l«»uclu' du nouveau ])ritnat de


Polof^ne. .Iakob l olumski. l'Ir I\' crait^iiail <|ii(' la dit-tc
ne concé-
dât h une minorité tuiliuienic la lihorté de conscience et le pur
l'',van{;ile. dont elle ferait mauvais usage, selon la ]irati(]ue des nova-
leurs. Les légats, jiartageant ces craintes, s'elTorcèrent donc d'atta-
cher l'ambassadeur ;» la cause de Kome i)ar leurs ])révenances;
le j)onlife les en lélicita chaudement ', les engaoeant à continuer leiirs

caresses. Ils réussirent d'ailleurs, car


prélat le instruit, bon théo-
logien et définiteur modèle, se signala |>ar son orthodoxie,
son tact
et sa modération.
Les o]iinions sur l'Ordre prirent lin le '2(1 octobre, avec une longue
dissertation di- Laynez, d'une argumentation solide et d'une élo-

quence convaincante '-. du jour et satisfit grande-


Il
rem]»lit la séance
ment les ]»artisans du |>rincij)c de droit ecclésiasticjue. on dévelop-

pant cette thèse (pie le pape reçoit de jure dii'ino la plénitude de la

juridiction et les évcques leurs pouvoirs de Dieu médiate, dn pape


immédiate. Il objections et les parti-
réfuta am])lement Inutes 1rs

sans du droit divin, se sentant touchés, se plai;;iiirent d'autant ])lus


ni de le réfuter
qu'ils n'eurent jias l'occasion de discuter avec lui.
en séance. Ils essayèrent d'accaparer sa distinction ci-dessus et
l'évêcpie de \ intimille lui conseilla de déposer son texte en des mains
sûres, l'our «pi'ils n'en abusassent ])as.
Cette distinction répondait d'ailleurs au désir de dix-nruf Pères, qui
réclamaient un huitième canon pour établir une échelle de la hiérarchie
cléricale, au sommet de laciuelle ]ilanerait la jtrimauté romaine. Les

légats y entrevirent le moyen de faire cesser l'intransigeance des

Kspagnols. Seripa'idi fut appelé à refondre le texte de concert avec


la commission. Olle-ci fut d'ailleurs, après la conclusion des débats,
renforcée ce même jour. 20. de quatre membres : les archevècjues de
Kossano et Lanciano, les
évêques deChioggia choisis dans et Modène,
les deux ]>artis. Le premier était tout acquis au droit ecclésiastique,
et il a\ait donné trois votes jiar écrit, réfutant la thèse contraire*.
Les autres étaient jtliis indéj'endants ; le dernier qui s'était abstenu

jus<pie là, dans une grande perplexité de conscience, sortit de sa


neutralité, (piaiid il \\\ ([Uf l'autorité du jiape était mise en cause :

1. Lr 1\ octobre. Stisln, p. 'i3.

2. Con granilr \fheinrnza ri con mollr in<^ioin. \,f\\-i\\u' du Vintimillo lo 22.


Conc. Trulrnt., p. lOt, notr 'i. In f.rlrnio, |i.
'.)'i-lOt.

3. Ibid., p. ."ii-GO; smr le» porplo\ités do rôvc«|uo «lr Modi-iif, voir sa lettre du
5 no%enibre .tu «nrdinnl Moronr. p. 77, note 2.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 747

il se fit le collaborateur de Seripandi pour la rédaction du huitième


canon.
Ils refondirent le corps de doctrine en un texte tout nouveau.
Ils utilisèrent pour cela des notes qu'avait rassemblées, pendant
les dernières séances, l'évêque de Campania, Marco Laureo, qui
suppléait Massarelli, toujours invalide; puis le pro-secrétaire,évêque
de Castellanetta (Bartolomeo Sirigo), les groupa d'après la simili-
tude des opinions. L'indisposition du vieux secrétaire l'avait empêché
de rédiger procès-verbal au jour le jour, et il fait défaut pour ces
le

séances. A
suite du tableau ci-dessus, le suppléant a toutefois
la

conservé un certain nombre de votes par écrit, attestant l'impor-


En face des cinquante-trois voix pour le droit divin,
tance du débat.
dont deux membres de la commission, l'archevêque de Zara et
l'évêque de Coïmbre, Juan Suarez, l'évêque de Vintimille en comp-
tait cent trente et une pour la thèse contraire ^. Au fond elles
inclinaient vers la distinction de
Laynez elle avait cependant peine :

à se faire jour, deux partis s'entêtaient à rester sur leurs


car les

positions ^. Les Espagnols attendaient la venue des Français et


menaçaient de ne plus prendre part au concile. Par contre les légats
ne comptaient plus sur les évêques polonais et, le 3 novembre, ils
priaient le roi de Pologne, avec des égards infinis ^ d'empêcher

que la diète qui allait s'ouvrir abordât les discussions religieuses il :

était indispensable que les évêques y prissent part pour assurer la

mesure, et l'ambassadeur ne manquait pas de le répéter dans sa


correspondance.

Discussion et accord sur la primauté du pape.

Réellement une majorité avait })eine à se grouper sur un texte


précis et définitif :
pendant ces huit jours de débats, avait surgi une
telle diversité d'opinions qu'on aurait pu en compter jusqu'à trente
ou quarante ^. Les Pères s'accordaient unanimement à sauvegarder
laplénitude de juridiction de l'Église romaine, mais ne s'entendaient
pas sur la nécessité de la définir à part, encore moins sur la teneur

1. Ibid., p. 46, note 1.

2. Ciascuna délie parti è quasi


incagnila (enragée !) nelle proprie opinioni.
Lettre de l'évêque de Modène, 25 octobre, p. 105, note 4.
le

3. Buonissima lettera. Idem, note 1.


4. Conc. Trident., p. 108, note 1.
7''i8 i<v. i\. r. 'impuissance vv «:().n<:ii.k

rlle-inrine d'uiu' délinitiuii. Le 2*) octobre, les légats, après avoir


Iravaillé h ]hmi près toute douze conunissaires,
la journée a\cc les

«•onvinrcnt (|Uf t-eux-ci rédigeraient chacun leur textf du caïutii sep-


tième, de nuuiièrc préciser les degrés de la hiérarchie
;t ils ehoisi- :

raient dans cet ensemble de formules celle tpir le Suinl l'.sj'iit


leur

indi<pierait et verraient ensuite à le coni])léter


*. Le 28, dans une nou-
velle congrégation, h-s nu-'ines légats et coumiissaires entendirent
un exposé en cjuatre ])oints de Seripandi contre la thèse des Kspa-
gnols il
ra]tpela (ju'au temps de Jules 111, le concile n'avait rien
:

décidé sur l'origine de la juridiction épisco^iale, afin de se ctuicilicr


les ])rotestants et de faciliter ainsi l'iuuvre de pacification.

L'assemblée se mit d'accord sur un texte ipii définissait l'institu-

tion do l'épiscopat par le Christ, ordincni institutum fuisse a (hrislo


ut t'ssfut episcopi in Ecclesia. L'archevêque de Grenade, à i\u\

l'esquisse fut communicpiée dans la soirée, fit ajouter cette incidente,

qui accentuait la subordination des évccjucs, successeurs des apôtres,


à l'autorité du pa])c : in quo solo tanquam in capite omnis est pleni-

tudo potestatis ^. Il es]»érait ]iar là faire adopter )»lus facilement sa


thèse du droit di^in des évèques. Mais le texte ainsi conqdété fut

jugé, non sans raison, long et peu précis. In certain nombre d'Ita-
liens, vingt-cinq ou (piarante selon les témoignages, vinrent trouver
le bureau,les ])atriarches en tète et soumirent leurs objections à ce

sujet. Mais Guerrero refusa de céder, menaça d'en appeler à son souve-
lain De guerre lasse, les légats résolurent de choisir deux des for-
!

mules (ju'ils avaient sous la main et de les soumettre à l'un et l'autre

partis.
Les Italiens se réunirent, a])rès convocation de l'archcvcque de Ros-
sano. le 31, à la sacristie de la cathédrale. Hien qu'ils fussent venus

eji grande majorité, ils ne purent se mettre d'accord, même sur une

troisième formule <pie l'archovèfpic leur soumit en déses])oir de


cause, et malgré les elVorls de Laynez jtour les amener h une conclu-
sion ^. Quant aux l'ispagnols, ils se retranchaient toujours derrière

la décision du ttîmjjs de .Iules 111. d'après laquelle, selon eux, le

1. ( I niliil inlrnlalitm reliru/iicreliir ad sarcicndam cnncordiam. Ibid., p. 107,


note 1.

2. Ibid., j>. 108, noie 2. !.«• récit quo fc passa{;c empiuiitc à la lettre de l'évcque

de Modèiip, du 2 novrmhrr, dilTcre de celui de l'allavicini, r. xvi, § 2-8; tous deux


ont leur importaiiee.
3. Népoeialioiis à propos de ce nouveau texte l.tlrr> de Visconli, 26 et 29 oc-
:

tobre, Susta, t. u, p. 'lOS-'iOe, 408, 'il3-'i.


CH. IV. l'agitation autour de la résidence 749

concile aurait défini le droit divin :


episcopos esse jure .dwino insti-
iutos; il
n'y manquait que la
promulgalion. Ils invoquaient pour cela
le témoignage de
l'évêque de Ségovie et de l'archevêque de Palerme,
Oltaviano Preconio. ({ui avaient alors figuré comme théologiens
du concile et aflirmaienc avoir pris part à l'élaboration du décret.
Le 29 octobre, ils en réclamaient l'adoption, et l'évêque de Ségovie
apportait même à l'appui de son dire le votum qu'il avait donné à
cette occasion ^.

Tout novembre, recommencèrent


restait en suspens lorsque, le 3
les congrégations générales, interrompues depuis deux semaines.
Il fallut aborder le fameux canon
septième en même temps que la
doctrine du sacrement de l'ordre. L'archevêque de Grenade soutint
la thèse de l'origine divine de l'épiscopat, à grand renfort de citations
et d'autorités, y compris saint Paul et son texte legatione Christi :

funginiur Les évêques sont successeurs des apôtres et le pape ne


: «

fait que préciser l'exercice de leur pouvoir ». Seripandi combattit son

argumentation ])ar un exposé non moins- savant « Les


évêques :

(iennent leurs pouvoirs du primat de l'Église romaine et l'épiscopat


n'a succédé que dans son ensemble au collège des apôtres ». Il se
réclama du cardinal Cajetan, alors la grande autorité de la théologie
scolastique. Certaines de ses doctrines pourtant étaient réputées
étranges, discutées et son autorité sujette à caution; mais il avait
poursuivi Luther pas à pas et réfuté ses erreurs, à mesure qu'elles
apparaissaient.
Guerrero s'était échauffé à soutenir que les évêques ne sont pas
simplement appelés par le pape iii
partem sollicitudinis, comme
l'affirmait le texte, qu'ils sont vicaires du Christ, et non du pape.
Il rencontra des adversaires qui surent lui donner la réplique plu- :

sieurs archevêques, ceux de Lanciano, Tarente (Marc-Antonio


Golonna), Otrante et même Palerme. Le nouveau texte, dressé par
Seripandi, faisait concorder, autant que possible, les rapports entre
le primat et l'épiscopat, en ce sens que le pape, vicaire de Jésus-
Christ, partage avec les évêques ses frères, la prérogative de paître
letroupeau des fidèles. Les Espagnols, férus du droit divin, n'admet-

taient pas qu'on fit intervenir le primat dans l'origine du caractère

épiscopal. La distinction entre ce caractère ou le pouvoir d'ordre,

1. Sur ce détail, Theiner, Acta genuina Conc. Trident, t. ii,


p. 601; Pour les
débals ultérieurs, dépêche des légatS; 5 nov. Susta, t. n, p. 52-3 lettre de Mantoue,
:

p. 60, avec la remarque de l'éditeur réponse de Borromée du 18, p. 82.


:
750 IIV. I.V. I.'iMFVISSANCK Dl' <<> N Cl LK

qui \it:iit df hitii jiar le sacre, cl les |toiiv(»irs d'adniinistier que le

pape fixe et ])récise, ne s'était ])as fait jour ilans ces lon^s débats,

à travers la nmltitudc des textes qu'avaient entassés les ()]>inants.

C'était à ces maijçres résultats qu'aboutissait le ])roblcnie ])Osé par


les Es])aj;nols, de savoir si c'est Dieu nu jr |ia])e qui ])rescrit la rési-

dence aux évèques. D«'bat d'autant jdus oiseux tiue celle-ci ne ]iro-
cède jas du seul sacre, mais rey)ose sur le droit naturel, comme
sur la jjiridiction.

L'arcbevcque de Grenade n'était pas le seul à s'émouvoir dans


ces débats l'évcque de Ségovie mancjua aussi de mesure. Dans son
:

à justifier son votuni d'autrefois, il parut mettre


en doute
inqiétuosité
la sincérité du ]>remier ])résident, et le cardinal de iMantoue dut le

réjinmander. Du
par scnqttile de conscience, celui-ci ]»ria
reste,

ensuite les légats ses collègues de sujq.léer h son insullisance en tbéolo-

gie comme en droit canon, et ils lui ])romirent


d'intervenir (piand
ce serait nécessaire, n\algrc le ])rotocole (pii
lui réservait l'initiative

et la res]ionsabilité des débats.

Cet incident du vote de l'évcque de Ségovie, qui dcjiuis ])lusieurs


jours agitait le concile, avait })rovoquéune sur])rise fort mêlée, juscju'h
la stupeur. Les légats jugèrent indispensable d'y mettre fin. de
manière (pie le jireslige de l'autorité en sortît indemne. Le secré-
taire Massarelli lira de ses archives plusieurs documents, (ju'il étala

à la séance du 7 novembre, en demandant la ]>arole ]tour un fait


personnel '. Le 23 décembre IS.'SI, rac(tnta-t-il en substance, le
bureau rennt aux ihéologiens inférieurs du concile des articles
De sacrlficio missae, dont un condfnmait la thèse de Luther, ijue
les ytrêtres sont les égaux des évèqnes. A])rès une longue élabora-

tion des conunissaires nommés pour cela, le 18 janvier un décret


fut dressé, qui définissait episcopos esse jure divino institutos. Ils

n'en fut ])as autrement question, par conséqiient l'évcque de Ségo-


vie n'eut ])as à donner son avis, comme il le prétendait. D'ailleurs
il était absent à cette dernière séance, et le secrétaire invoquait
là-dessus le témoignage de l'évcque de Salamanque. compatriote

de ro]>inant. Le 14 janvier ^^^'^2, l'assemblée se borna à nunmier >ine


commissioji qui, le 18, déj»osa son ]>rojet. ]>uis il ne fut plus ques-
tion de rien.

1. Coiic. Trident., p. 142-143; Pallavicini, ibid.,c. xvi, § 8-12. Déjà le 24 sep-


tcmbro, archrvéqurs do Ciron.Tdo, Brajja, Messiiio, l'cvcque de Sépovio pré.son-
les
kaiont le canon, cause do tout le mal episcopos esse jure rfjejno superiores, Snsta,
:

t. I, p. 359.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 751

Le bureau pouvait donc déclarer le concile de Jules III hors de


cause. D'ailleurs dès le 5, le premier président, constatant que le
concile de Jules III n'avait rien conclu (ce qui déchaîna sans doute
la tempête), proclamait close la discussion sur le principe de la
résidence « Les Pères n'avaient à s'occuper que des hérésies et ne
:

devaient surtout pas courir le risque de condamner toute une école


de théologiens, qui soutenait le principe de droit ecclésiastique et

méritait quelque considération. » Le concile arrivait ainsi peu à peu à


la distinction amorcée par Laynez et Scripandi, il sentait toutefois,

maintenant plus que jamais, la nécessité de sérier les définitions,


L'archevêque de Rossano avait établi, dans une vraie thèse à
rencontre de celui de Grenade, cjue le pouvoir des évêques est de
jure du'ino positivo conféré par Dieu, mediante romano pontifice.
Celui de Palerme complétait le canon septième par cette adjonction,

que les
évêques sont supérieurs aux prêtres jure dii^ino,, médiate vel
positive. L'évêque de Chioggia proposait le texte suivant « Jésus- :

Christ a établi des évêques en participation de la sollicitude univer-


selle du pape son vicaire, avec les pouvoirs et dans la forme que
celui-ci pratique. «

Le bureau s'eiïorcait toujours d'établir une entente entre les


deux écoles. La solution du problème vint d'un Espagnol, le théolo-
gien du pape Pedro Soto. Il coupait en deux le canon septième et,
dans un huitième, définissait que les évêques, établis de droit divin,
reçoivent leur juridiction eodeni jure du pape vicaire de Jésus-Christ.
Il
appuyé par des Pères qui faisaient autorité les arche-
fut aussitôt :

vêques de Braga, de Gênes (Agostino Salvago), de Sorrente (Giulio


Pavesi), qui passa même pour en être l'auteur, les évêques de Brescia-"^,
Modène, de Yintimille l'envoyait le 9 à Rome, et la curie
etc. Celui

s'en accommoda
sans peine, parce qu'elle soupirait après la conclu-
sion. Les Français accouraient sans doute au secours des partisans
du droit divin; toutefois, de Milan, le marquis de Pescara en appelait

au roi d'Espagne et, en attendant sa réponse, faisait signifier à ses

évêques, avec des menaces, de ne rien entreprendre au préjudice du


Saint-Siège, s'ils ne voulaient pas encourir le courroux de Sa Majesté.

1. Susta, t. II, p. 412, 413, 414, 423. Sur l'intervention du marquis de Pescara,
lettre de l'évêque de Modèue, le 12, p. 419.
752 ii\. IV. l'impuissance du concile

Nouvelle discussion sur la résidence.

1 ,a tli^ciissioii sur le s;it i iiiniit il<' I tiidn- ic|int av«!C plus dt;

calinr rt tic rrj^'iilaiif »'•, vv (iiii j'crinil de faire a\aiH-er en inr'nio temps
le tra\ail <|iu)t idirn. Le li n<)vrml»rp. In premier |irésldcnt soiiinettail
au ruiuile im clécret snr le dcNoir de la résidenre (c'était Ir jininl

essentiel), avec- des sanctions contre les nian<in<'nients. Li- Imrcau


n'atteiulait uièiuc ])as ra]»i»rol)atioii du iiajie. «pii aiii\a du lestc le
lendemain. La «jueslion restait eu suspens depuis le niars, où elle 1 I

avait apparu dans un décret de réforme; juiis on avait dû l'en déta-


cher à cau^e des embarras qui surfirent aussitc^t et éclatèrent eu
une \érilal)le leiupète. Le texte en avait
été préparé ])ar l'évècpio
de Léri<la, Antonio Agostine, avec le concours de l'auditeur de Rote
Paleotto et (lu secrétaire de Seripandi Musotli ^ Il oITrait donc des

garanties aux o]'])osants comme à la thèse romaine. l*ar ailleurs,


ajoutait le président, il avait l'agrément de l'emyiereiir et du roi

d'Esjagne, et il était à
Français racce}>teraient
]>résumer (jue les

atissi : ils principe de la résidence


avaient déclaré naguère tpu; le

leur im]u>rtait ]icu, ]>ourvu que, son observation fui assurée. Le car-
dinal de -Nfantoue termina ]>ar ime exhortation h bien étudier ce
texte, sans se jiermettre des digressions trop longues et inutiles, (pii
ne feraient qu'embrouiller le débat. On en savait quelque chose k
]iropos du sacrement de l'ordre !

Ici encore tout ne marcha ])as sans peine : en réalité le texte de

révê(pie de Leiida ne satisfaisait ])as entièrement les défenseurs des


privilèges curiaux. L'Espagnol y a\ait inséré iine clatise que ses
compatriotes réclamaient avec insistance *, et dont ils négociaient
h T{ome et au concile l'insertion dans le droit connnun la ]»réroga- :

tive pour les ordinaires de pourvoir seuls aux cures et aux bénéfices
inférieurs, prérogative (pie le Saint-Siège s'attribuait depuis deux
ou trois au détriment de l'épiscopat. Sur les instances de
siècles,

Visconti, Seripandi et Simnnetfa. chargés de revoir le texte, firent


disy>araître la clause, avec (piehjues autres détails. Ils bouleversèrent
tellement le texte cpTAgostino alTectait de ne plus h; reconnaître :

Susta, ihid,, p. 381-385. 394.


1.

Détails curirux sur l'inriflont d'après


'2. la rorrcspondanrc do Visconti, Conc
Trident., p. 135, note Susta, p. 'i25. 'i :
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 753

il se plaignait qu'ils eussent agi sans le prévenir, comme Paleotto


son associé le lui avait promis; menaçait de passer au parti opposé,
il

de revenir au bloc espagnol mené par Guerrero. Il trouva des appuis


parmi les évêques indépendants par exemple celui de Sulmone
— —
qui réclamaient aussi contre le transfert des procès en cour de Rome.
Cette volte-face, plus ou moins sérieuse, de la part d'un prélat qui
avait afTiché jusque là son dévouement au Saint-Siège, ne laissa

pas que de faire impression dans les cercles romains. Les incidents
des dernières semaines, l'attitude intransigeante des Espagnols, les
discussions passionnées sur le sacrement de l'ordre avaient fini par
leur inspirer des inquiétudes, d'autant plus fondées que la venue des

Français, avec le cardinal de Lorraine à leur tête, paraissait mainte-


nant certaine et toute proche. Pie IV décida d'intervenir par plusieurs
mesures que lui suggéraient les circonstances et qu'il dicta au secré-
taire d'Ëtat. Les nouvelles qui lui venaient de Trente l'y conviaient,
surtout quand elles avaient pour auteurs des membres de l'assemblée

plus capables que Simonetta, par leur souplesse et leur impartialité,


de donner une idée exacte des hommes et des événements.
La maladresse commise par l'évêque de Ségovie, à propos du con-
cile de Jules III, n'y contribua pas moins. Le 9 novembre, les légats
envoyaient le prélat venait de donner sur le canon
le vote que
septième, d'après notes recueillies par Laynez ^. Le pape ne pou-
les

vait douter que celui-ci ne les eut prises en toute impartialité, et


il n'eut pas lieu de féliciter le prélat espagnol de son défaut de
mémoire. Aussi faisait-il écrire, le 18, pour louer Mantoue de la

sagesse de son intervention et se déclarait satisfait de la manière


dont il avait remis en place le délinquant ^. Il espérait que la leçon
lui profiterait pour l'avenir.

Les mesures coercitives du pape.

C'était la manière forte qui intervenait, car le cardinal Borromée


n'avait pas exagéré le mécontentement du pontife. Il y eut mieux
encore le 14, il écrivait confidentiellement à Simonetta, l'homme de
:

confiance : « Si l'évêque deBrugnato (Antonio, des comtes deCogorno,

1. Conc. Trident., t. ix, p. 139, notes 7-8.


Siamo infinitamente sodisfallo
2. del risentimenlo fatto da lei contra Segoi'ia alla
commendazione delta sua prudenzia et al contenta nostro, Susta, p. 82.

CONCILES. — IX. — 25
754 I.IV. l.\ . l-'iMPLISSA.NCE DU CONCILE

chef d'un petit évt'ohé du tcrritoii»; de* (jt-nes; se montre enctue,


conuMP \nus Pavez écrit j)lusieurs fois, si
])eM incliné an bien i)uhlic,
et de 1
lus bi/.nrrc, strai'ogantr. il serait bon de N; congédier désira-
soigne de son ni.-ii, jiour ne pas récbanlîer, comme on
incnti': (|u'il so

dit, un serpent dans son sein '. Il ne mantpic pas de personnes qui
l'accusent de fautes graves, Ji gran calunniu, do simonie et méfaits
»
analogues.
Cet évêque avait en effet sollicité un congé pour raison de santé,
et Pie IV ne voulait jias le retenir; mais, en même tem])s, il re«juérait

une autre faveur (jue le ]taj)e ne lui refusa pas davantage. Il ]»rorita
néannuiins de l'as is et, gardèrent bien d'in-
de leur côté, les légats se

sister l'évècpie resta au concile et figure parmi ceux (pii api>osèrent


:

leur sitruature aux actes de l'assendilée ^. C'était du reste à son occa-


sion <pie le paj)c envoyait déjà, le 9 octobre, un avertissement pitto-

resque aux ]»rélats (pii s'absentaient trop facilement de Trente :

« On trouve
toujours un médecin prêt à délivrer un certicat d'indis-
position, mais Trente est un lieu où l'on peut se soigner aussi bien
qu'ailleurs, et Sa Sainteté ne veut ])lus accorder de congé que pour
des raisons sérieuses, nullement à certains qui se prétendent malades
sans motif fondé. » Le ])ontife invoquait même l'intervention de la

république de Venise et du duc de Florence contre les récalcitrants

(jui refusaient de se rendre Trente.


îi

Le cas de lévêcpie de Veglia, le dominicain Albert us Duiinius


Glirici ^, était phis grave à cause ancien professeur de ses récidives :

de théologie d'uji savoir solide, en même temps que prédicateur de


renom, il se signalait ])ar rindépendance de ses 0|iinions autant que
par l'étendue de son savoir. Il manifestait cette indépendance, et
aussi son originalité, d'une manière jiarfois bruyante et combattait
avec âpreté les doctrines qui fa\ orisaient la curie il s'était déjh mis ;

CM avant dans les débats en cours, ayant, dès le mois de juillet, pris

j)Osition pour li- droit divin, avec son impétuosité habituelle.


Le
7 novembre, il donnait son avis sur le se]itième canon de l'ordre :

l'évêque, selon lui. reçoit sa juridiction de Dieu, mediante pontifice.

1. Chc si vadi acitrarsidel siio maie, prr non si nitlrir, conte se dire, la serpe in
seno, Susta, p. 79-80.
2. Conc. Trident., t. ix, p. 311 ;
pour rc <iui suit \oir lo texte curieux de Susta,
t. Il, p. 'ri.

3. Nous lavons déjà mentionné ci-dessus, p. 691-700. Évtque de Modnis, en

Dnlmalii-, de Veplia (1550), il pard.i c<> dernier poste jusqu'à «a mort, Kubcl,
lliciarchia, Medii Aevi, t. ni, p. 264, 348.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 755

Ilparla avec un tel tapage, que, deux jours après, les Pères en avaient
encore les oreilles rebattues ^. Les légats eux-mêmes le tenaient pour
un esprit brouillon, qui mettait le désordre dans le concile ^. Il était
de plus en difficulté avec Venise à propos de son évêché, et personne
n'ignorait que Pie IV tenait à ménager la république.
Aussi, le 18 novembre et le 2 décembre, Borromée expédiait l'ordre

d'envoyer l'évêque à Rome, couvert de quelque négociation


sous le :

le î)ape exigeait qu'il fût éloigné du concile. Les légats ne savaient

trop quelle mission lui confier; ils le laissèrent partir plaider sa cause
à Venise et conseillèrent ensuite de l'appeler à la curie, afin de
se renseigner auprès de lui sur la situation du concile, ce que per-
mettait son long séjour à Trente. Le 18 décembre, il donnait encore
son avis sur la résidence^ elle est de droit divin; une négligence
:

grave va même à l'encontre du droit naturel et positif; le viola-


teur commet donc facilement un péché m.ortel, et alors doit inter-
venir une sanction proportionnée.
Le 9 janvier 1563, Borromée revenait à la charge, d'une manière
plus douce : il mandait au nonce à Venise de lui expédier le prélat,

le pape voulant se servir de lui pour le concile, peut-être l'envoyer


aux légats pour quelques affaires di reputatione et honore. Il céda
alors et fut employé au Saint- Office comme théologien du cardinal

Borromée, au traitement de quarante écus par mois. A tout prix,


le pape ne voulait pas qu'il reprît sa place au concile, per far peggio

di prima. La mesure fit jaser dans divers sens, même parmi les parti-

sans du pape, plutôt d'une manière défavorable pour lui. L'évêque


de Capo d'Istria profita de la confiance dont il jouissait pour en
avertir le cardinal Borromée. Celui-ci fut très étonné, prit la peine
de justifier sa rigueur, et en écrivit deux fois au mois d'avril à Simo-
netta, son confident, priant les Pères de ne considérer dans l'inci-
dent qu'une preuve de la condescendance et de la générosité de
Sa Sainteté, usa tutte le amorevolezze possibilij mais elle ne pouvait
faire autrement con un simile cervello, qui s'affichait ouvertement
son ennemi, facendo apertamente professione di esser le nemico.
Cette rigueur fut exceptionnelle, unique même. Et pourtant les

1. Ne fece tanto grande romore... che ogn'uno ne sente anco iuttavia lo strepito
negli orecchi, écrivait le 9 l'archevêque de Zara, qui était cependant son allié,
Conc. Trident., p. 143, note 4.

2. Cers'ello inquieto e da far confusione in qiiesto concilio, mandait Mantoue,

Susta, p. 128; voir encore p. 83, 85, 104, 298-299, 306.


3. Conc. Trident., ibid., p. 273,
IM) i.i\. i.v. l'impuissance du conoilk

défenseurs de I;t
inérogative é|iisco|tal«', aliusaient volontiers de la
liberté do
parole garantie à letinc assemblée délibérative;
10 novembre, le franeisrain Antonio Hodriguez, évècjue de \fontc-
ninrano (province de IJénévent) se démenait, ù la manière d'un
forcené V ]»our la définition du droit divin, comme si l'cxistencu
et le fonctionnement de
déjMMidaient. Il ne fut
réj)iscoj>al en
nullement incjuiété, bien (jiu; le jiapo eut déjà en main des rapports
contre lui II persévéra jusipi'à la lin du concile, en souscrivit les
décisions, à son ranp, le 57^.
Au milieu des agitations où vivaient alors les Pères, ils curent à
dé]dorer la perte de plusieurs prélats, perte d'autant plus regret-
table (|u'ils étaient des modèles de disci|>line et de travail. Et
d'abord l'évèque de Csanad en Hongrie, Jobann de Kolosvary,
auquel furent faites des funérailles solennelles le 10 novembre. Il

s'était distingué par son savoir dans les débats et les commissions, il

y patronnait volontiers lesopinions moyennes et de conciliation :

il réussissait même, cji atténuant les exigences des Inqiériaux, h


obtenir quelques concessions de la majorité. Il laissa des regrets
unanimes de Fùnfkircben, qu'il secondait en sa qualité
et l'évèque

de procureur du clergé de Hongrie, déplora sa ])erte conmie celle d'un


soutien de l'orthodoxie dans ces régions, contre les rêveries calvi-
nistes et les brigandages turcs.
La majorité ])erdit encore un théologien éminent, l'évccpie de
Lettere, Pantusa, et un auxiliaire jtlus indépendant, précieux tout
de même, l'archevècpie de Naxos, Scbastiano Lecavella, précieux
surtout ]iar son expérience des travaux du concile, auquel il avait

prig une ]»art active au temps de Paiil III.

Le cardinal de Lorraine aux portes du concile;


il fait ajourner la session.

L'état de surexcitation où se trouvait rasscml)lée s'aggravait


sous l'influence des bruits bizarres qui se pro])ageaient concernant
l'arrivée des Français ^. Ils étaient maintenant aux portes de Trente :

le cardinal de Lorraine annonçait en elTet sa venue au i)ape, dès le

1. Gridando e nchiinazzando per nioUo pezzo, écrivait l'archevêque de Zara, le

12, ibid., p. \\0, note 1.

2. Paliavicini, 1. XVIII, c. xin, § 2; xvi, § 1 ; xvii, § 7-16.


CH. IV. l'agitation autour de la résidence 757

19 septembre, de Saint- Denis en France, et le 21, il envoyait l'abbé


de Manne, François de Belliers, un familier de sa maison, négocier
avec Sa Sainteté le mode et les détails importants de son activité
au concile ^. Le 10 octobre, le diplomate était à Rome et commen-
çait aussitôt ces négociations. Il était à craindre (et la curie parta-

geait un peu les craintes


que cardinal Amulio exprimait à son
le

collègue Seripandi), qu'il ne ralliât autour de lui les opposants et pré-


tendît par suite dicter plus ou moins les décisions du concile.
Le pape s'était mis en garde contre cette éventualité : son agent
extraordinaire, l'abbé de San SaJuto en Piémont, Vincenzo Parpaglia,
chargé en septembre de négocier en France un accord contre les

huguenots, avait entrepris de convertir le cardinal. Pie IV pensait


en outre à renforcer le collège des légats, dans le but de neutraliser
du nouveau venu, en remplaçant le cardinal-neveu
l'influence

Altemps, dont l'action avait eu peu d'effet, même auprès des Alle-
mands. Celui-ci obtenait (fin octobre) la permission de visiter son
diocèse de Constance et finalement devait y rester, en déposant ses
insignes de légat ^. Il était question, pour le remplacer, d'un cardinal
français de curie l'ancien ambassadeur La Bourdaisière, dont un
long passé garantissait la compétence comme la fidélité, et lui per-
mettrait de contrôler les agissements du cardinal son compatriote, au
profit de la discipline romaine. Mais le sage Mantoue, et aussi Simo-
netta déconseillèrent ce choix; il aurait pour conséquence de irois-
ser la susceptibilité du chef des gallicans, sans afï'aiblir assez son

influence, ce qui serait d'un mauvais effet pour le concile.


li'abbé de Manne s'efforçait de tranquilliser le pape, en certifiant,
documents en main, que son maître, pénétré d'un profond respect
pour Sa Sainteté, n'avait d'autre désir que de sauvegarder l'honneur
du Saint-Siège et d'accroître son autorité. Le nonce en France,
Prospero Santa Croce, écrivait dans le même sens. Il est vrai que
l'abbé était chargé d'abord d'obtenir l'ajournement de la session
du 12 novembre, pour permettre au cardinal d'y prendre part :

il se contentait d'une huitaine; l'ambassadeur de Rome, Guillart


de l'appuyait de son mieux et depuis un certain temps; le
l'Isle,

pape admit finalement la requête, mais la renvoya au concile ^.


A Trente, Lansac et même du Ferrier négociaient aussi un ajourne-

1. Susta, p. 352; voir aussi p. 44.


2. Ibid., p. 60, surtout 115, 268; sur la candidature possible de la Bourdaisière,
p. 364.
3. Ibid., p. 53, 57, 61, 64-65, lettre des légats, le 10 novembre.
758 i.i\. IV. I. 'impuissance du concile

meut. Uicn u étuit ]irî-t pour la sc^moii : force lui duiir aux légats
de coiidfscoudre aux ro(iu«*'l«"< iustîintos. i\\<\
ji-ur x^naiciit de divers
côtés.
Le
])ape déi)ècha au devant du cardinal révè<juo de .Montuiiascoiie
(Latium), le curial llarlo (^irossi, jtour lui faire honnetir et l'escorter
a»i «"onoile; eu luriue loiniis, il travaillait tt>ujonrs à renforcer sa

majorité italienne ^. Le cardinal s'annonçait en cfTet avec nombre


de ])rélats et docteurs de Sorbonne il importait de ne pas lui per- :

mettre de dirij^er le débat sur la réforme, non plus que cebii sur la
résidence. Aussi re]irenait-on le premier h Home comme à Trente,

pour lui en enlever l'initiative, au moins la jtossibilité de faire cette


réforme h sa façon on s'arrangeait là-bas:
])Our ijurllc marchât de
front avec la réforme de la curie.
Le 31 octobre, Pie IV, quant à lui, remettait celle-ci en activité;
ilfaisait ex]iédier au concile la bulle Jn cligendis, ])romulguée le 13,

pour la réforme du conclave. Le décret sur la résidence était le pre-


mier chaînon d'une série de démarches analogues du concile. Il
avait pris en considération les articles arrêtés au colloque de Poissy,
conmie ceux de l'empereur le 12 octobre, l'agent ])ortugais Masca-
:

renhas en ])résentait se])t ]»our la réforme de son jiavs, et ils allaient


rej(»indre les autres à la censure du }>ape Les légats soumirent tout "~.

d'abord ce nouvel ensemble à commission de réforme que prési- la

dait Simonetta, com])osée des quatre collaborateurs attitrés du col-

lège l'archevêque de Uossano, lluoncompagni. Paleotto, Castelli.


:

Leur travail aboutit à une esquisse en vingt articles et en tête prit

place le devoir de la résidence, q\ii en fut ensuite détachée pour être


discuté tout d'abord. Le 3 novembre, le projet était soumis aux

agents impériaux, ils s'em]>ressèrent de l'exiiédier à leur maître'.


Les Français s'annonçaient toujours avec fracas, à la dernière heure
encore j^ar une courte mission de l'abbé Ni(piet. qu'envoyait son
maître le cardinal de Ferrare: arrivé à Home le 5 novembre, il
n'ap)»or-
tait ].as des nouvelles très optimistes sur l'attitude du cardinal de
Lorraine *; le légat même se montrait moins (pie rassuré, malgré

1. Ibid., |i.
55-56 (lettrt* «le IJorromcr du 31 orlobrr); 74 (thi 11 iiovombro);
j). 417, 4.31, Visronti, les 5 ot 12 du nn"nif mois.
2. Ihid., p. 29-32.

3. Cour. Trident., p. 110, iiolc 5; Siista donne le texte p. 45-49, moins le premier
artirle.
4. 400-401 (les lépatB, 23 octobre, 6 novembre) cf. les conOdences
Ibid., p. 62-6, ;

faitesau pajK" sur le rardinal de Lorraine, par Bartolomeo del Bene, vers la même
époque, Pallavicini, c. xmi, § 13-16.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 759

les belles paroles de son collègue; Borromée invitait donc Mantoue


à se tenir sur une défensive en éveil, sans cesse agissante.
Le décret sur le sacrement de l'ordre n'était pas à point et les Pères
venaient seulement d'aborder celui de n'y avait nul
la résidence : il

inconvénient à retarder la session du 12 novembre, selon le désir


des Français. Le lundi 9, le président posa la question dans un de
ces discours d'une éloquence pathétique, dont il avait le secret.
« Le concile avait perdu beaucoup de temps, et pour des causes
connues de tous, qu'il valait mieux passer sous silence, cum a spi-
ritu carnis perfecta sunt ^. Rien n'est prêt pour la session elle doit ;

avoir lieu dans trois jours. Il y a toute nécessité de l'ajourner à la

quinzaine, et aussi par convenance, par égard pour le cardinal de


Lorraine; nous devons l'attendre, car ses éminentes qualités méritent
cette attention, ainsi que les services qu'il rendra à l'assemblée ^.

Ce ne sont d'ailleurs pas les motifs de prorogation qui manquent,


en outre de ceux-là. »

Sur cette petite homélie, l'ajournement fut pris en considération


et le concile revint au sacrement de l'ordre; mais les soucis et les

pensées des Pères étaient ailleurs. Les Français arrivaient à grand


train de publicité. Le 5, le Milanais Galeazzo Brugora n'annonçait-il

pas, de la part de son maître Pescara, que le cardinal français


amenait cinquante-cinq évêques, quelques prélats et vingt-cinq
théologiens. Lansac lui-même n'en croyait rien ^. La curiosité
publique n'était pourtant pas encore suffisamment éveillée. Du Fer-
rier requit à la dernière heure que tout travail fût suspendu et les légats

n'eurent pas de peine à lui concéder cette dernière exigence, en con-


tremandant la congrégation du 10. L'évêque de Montefiascone
accourait ce jour-là, avec les premières récriminations du cardinal,
*
qu'il avait joint en route il était toujours mécontent qu'on
:

n'eût pas ajourné la session; maintenant qu'ils avaient de quoi


le calmer, les légats renvoyèrent l'évêque pour lui faire escorte,

avec celui de Sinigaglia, que le concile déléguait en son propre


nom.
La représentation gallicane avait voyagé lentement retardée par —
les m.auvais chemins —
à travers le Piémont, puis, par Brescia et

1. Conc. Trident., ibid., p. 147.


2. Ob ejus priidentiam, doctrinam et digniiatem exspeciari débet.
3. Lettre de l'évêque de Vintiniille du 5 novembre, Susta, p. 415; sur l'inter-
vention de du Ferrier, p. 64.
4. Détails complémentaires dans Susta, p. 65.
760 i.i\. i.v. l'impuissance du concile

Pcschiera, justju'uu lac de (laidt;'. !)••


Dijfui, h; ranlinal son chef
l'avait i-oiiduitr h 'riiriii, où il rcncttiilra le duc de Savoie, de là il

s'était rendu à nianjuis de l'cseara. Il accourut du


Milan visiter le

lac, en une seule traite, {»our iiaraître aux )iortc3 de Trente, le ven-
dredi 13, h la h^tc de seize évèqucs seulement, trois abbés et trente-

(juatre théologiens, l'/élait jieu jiour rejirésenter le clergé de France,


mais du l'errier s'empressait d'assurer (|ue d'autres prélats vien-
draient à leur suite.

Réception des Français; leurs premières intrigues.

Les nouvelles optimistes que l'évèque de Sinigaglia envoya sur


son jiremicr contact avec les Français, confirmées })ar drassi, déci-
dèrent les légats à leur ])réj)arer une réce])tion ])lus que convenable,
extraordinaire. Ils allèrent à leur rencontre jusqu'à plusieurs cen-
taines de ])as des portes de la ville-, h la tête de trente et un prélats
et des ambassadeurs. Lorraine son entrée solennellement, entre
fit

les deux ]>remiers légats, malgré les résistances de sa modestie. Quoi

qu'en ]iensAt le maître des cérémonies Hondonio de Franchis, qui


déclarait ces honneurs excessifs et contraires au Pontifical^, il

était d'une habile di]ilomatie, et lepajie ne ]iensait pas difléremment,


d'amadouer le théologien et l'homme d'î^tat qui rejtrésentait la

politi(]uo des Valois, aussi bien que l'Église gallicane et la monar-


chie française.
Les premiers contacts furent d'ailleurs de bon augure. Dès le
lendemain. Lorraine rendit ^isiteaux légats en com]«agnie des deux
ambassadeurs français et, dans un tête à tête, à l'écart des indis-
crets, manifesta, au nom de son souverain comme au sien, les dis-

ils étaient ])rêts, ajoutait-il, à


positions ])lus bienveillantes
les :

concilier en toute occasion les intérêts de l'IOglise romaine avec ceux


de l'Église universelle. Il
i)résenta des lettres de Charles IX qjî
confirmaient ces déclarations, et pria de les comnuuiiquer à Sa Sain-

teté. Après un tableini pathétique des calamités de lu Frnnce et des

1. Lettre dp Visconti du 29 octobre, ibiiL, p. 411 ;


la liste des prélats français
et des principaux théologiens dans Prat, Histoire du amcilf df Trentr, t. ii,
p. 190,
en note.
2. Détails dans la longue dépêche du 12 novembre, Susta, p. 66-72, récit de
Teiitrexur du l 'i.
3. Conc. Trident., L ix, p. 150, note 2.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 761

épreuves de la monarchie, à quelques demandes


elles se bornaient,

assez bi/arres^, exprimaient ferme espoir que le concile saurait


le

améliorer cette situation par une bonne et salutaire réforme.


La réi)onse des légats se dépensa en
compliments et congratulations,
envers personne dj cardinal comme pour la démarche de son
la

souverain; puis l'entrevue tourna court en ime conversation fami-


lière sur la situation politique et religieuse, en un échange de vues ^
dans lequel fut envisagée la manière dont le Saint-Père pouvait et
devait subvenir efhcacemont aux nécessités de lamonarchie; en des
explications franches et loyales sur les difficultés qui venaient de

surgir entre le Saint-Siège et les Valois, avec les progrès et les

audaces des huguenots. Toutes les questions ne furent pas abordées;


le cardinal laissa dans l'ombre plusieurs points de ses instructions et

de ses projets : on se réservait de part et d'autre.


Dès la séance suivante du concile, le 16 novembre, le bureau dut
procéder, pour faire ])lace aux Français, à une nouvelle répartition
des définiteurs. Avec quelques Pères survenus plus tard, l'Église

gallicane se trouva représentée par vingt-sept évêques et cinq abbés,


généraux et procureurs d'oidres ^. Ils avaient été bien choisis et
leurs argumentations firent bonne figure dans les débats, attestant
leurs connaissances aussi bien que leur savoir-faire. Ils amenaient
des théologiens dignes d'eux, les meilleures têtes de la Sorbonne et
de la théologie gallicane. Ils ne tenaient d'ailleurs pas grand compte
de la réserve et des sentiments de bienveillance dont leur chef avait
donné des témoignages aux légats. Certains d'entre eux laissaient
entendre qu'ils se coaliseraient avec les Espagnols et autres oppo-
sants et feraient enfin œuvre sérieuse de réforme, qu'ils resteraient
à Trente le temps dont ils auraient besoin pour supprimer les annates,
dispenses, etc., écarter tous les abus, même au détriment du Saint
Siège. Il était question déjà, sous le manteau, d'une assemblée chez
l'archevêque d'Otrante, où se discuteraient sans doute les clauses de
la coalition. Ces nouvelles revinrent aux oreilles de Simonetta et

de Visconti, ils s'empressèrent d'en informer la cour de Rome*.

1. Sommaire de ces instructions dans Prat, ibid., p. 193-194. Cliarles IX désirait,

par exemple, avoir des explications sur une prétendue ligue que le concile tramait
contre les protestants, avec des princes catholiques.
2. Résumé que les légats en donnent dans leur même dépêche, Susta, p. 69-73,

avec les explications à la suite.


3. D'après les calculs de Prat, ibid.
4. Voir leurs dépêches du 11 novembre. Leurs témoignages concordent exac-

tement, Susta, p. 74, 437, 438; et encore lettre de Visconti, le 7 décembre, p. 453,
702 r.n . i.v. i 'impvissance du concile

An iiulifu (Je rcs inlrij^iii's, Ir (-aiiliiial sr Icimit à Irrarl. 11 usiiit

désiré se faire recevoir en tcttc héanci' du !<• : «'n fui «-iMiirclié

j)ar Mil accès de fièvre, i|ue lui occnsioiiiia la fali}^uc du voyage.


En réalité, il n'était j»«s }»ressé d'entrer en scène, et ses coni]iatriole8
non |)lus : ceux-ci dcNaient attendre d'ailleurs <|iril uu\rît le feu.

Il
priait encore les lépats de ralentir la discussion jtour leur per-
mettre de ]»arler tous et en tonte liberté. Ces derniers y consentirent,
et lui députèrent même Scrijuindi le '1\, a\ec mission de solliciter
son entremise dans la grande controverse <\u\ arrêtait le concile.
Ils le traitaient déjà en arbitre entre les ]'artis et, <|uand ils en

vinrent à délibérer sur la manière de le recevoir, ils jugèrent bon de


l'admettre, au même titre (jiie Madruzzo. à leurs délibérations sur les
affaires du concile, de prendre au préalal>le son avis, alin de s'assurer
par son concours ])Our la marche et le succès de ces affaires, jioiir le

parfait accord entre les personnages influents de l'assemblée ^.


La récej)lion des Français avait absorbé ]»lusieurs journées, immo-
bilisé les discussions; rien n'était ])rèt j>our la session, fixée mainte-
nant au 26 no\ embrc. Le 17 ce])endant, les Pères reprirent le sacre-
ment de l'ordre; l'évéque de Ciérone en Catalogne. Arias (iallego,

pro])osa de réduire toutes leurs délibérations à (pieirpies arguments


de }ioids, clairs et ])récis, clare et dilucide, en laissant aux théolo-
giens le détail des dis]iutes'^; les définiteurs devaient réjiondre sim-

plement aux ]»ropositions (jui leur étaient soumises. Le bon


évé(jue redoutait-il la loquacité et l'exubérance des Français ? en
tout cas, il jircchait dans le désert !

Il
s'agissait tout d'aboi d du fameux canon septième :
l'origine
des pouvoirs éjiiscopaux, procédant de Jésus-Christ, puis de son
vicaire. Le 20 novembre, ]»arla le premier Français, le fameux huma-
niste Pierre Danès, cvêquede Lavaur. Il fit un éloge dithyrambique
du pape, qu'il proclama non sans emphase patrcni potnini. pasto-
rem paslorum et moderatoreni universae Ecclesiae Si bien que l'arche-
!

vêque de Zara déclarait, sur un ton non moins convaincu, n'avoir


jamais entendu ]tarler du pa]»e en termes si élogieux Ce qui n'empê- ''.

cha ].as le docteur gallican d'anirmer (pie la formule episropi vocati

1. M.Tntoue à lîorroni^o
le 9 novomlirr. Susia, p. 61-62.

lirspondcrcnt ad propnsita aimpliciter, ciim aliquihiis tamcn ralionihus, et


2.

dispxitaltonrs rrlinqnrrrnt tlirologi.s. Conc. Trident., t. ix, p. 152, note 4: Susta,


t. III, p. 80.
3. î^'iisqiiarn andnissc ipit magi.s ciim projrssume di onore ha parlato del papa,
ha chiaiualo, cl Sua Dne. Conc. Trident., ibid.. p. l.'jS. lu-tr 1.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 763

in partem sollicitudinis iotius Ecclesiae ne remontait pas plus haut

que le pape saint Léon le Grand, qui l'avait le premier introduite dans
ses actes, d'où elle s'était imposée au style et au protocole de la

chancellerie, puis à la discipline générale.


La situation commençait à se dessiner : à côté du cardinal, qui
feignait de chercher sa voie, l'ambassadeur Lansac se montrait plus
décidé —
à mesure qu'il prenait pied plus sûrement dans le champ du
concile — plus olîensif, sinon plvis hostile. A la fin d'octobre, il sol-

licitaitmême, im peu prématurément, des instructions pour le pro-


chain conclave la rumeur publique s'inquiétait à Rome de la
:

mort du pape; lui et son collègue de Lisle l'affirmaient du moins.


« L'élection du futur
pontife se ferait-elle là par le Sacré-Collège, ou
bien à Trente par le concile ? En prévision de cette double hypo-
thèse, il fallait empêcher dispersion de l'assemblée, dont il
la

était aussi question, à la curie surtout, où les courtisans redou-


taient toujours que concile ne prétendit se mêler du conclave.
le

En tout cas, il
appartenait à la Reine mère de décider de l'élection,
en s'entendant avec son gendre le Roi catholique ^. »

A l'arrivée de ses évêques, Lansac s'enhardit et, comme s'il


y
eut eu un mot d'ordre entre eux, parla lui aussi de la suppression des
annates, des dispenses et des préventions ^. Les évêques français
approuvaient le programme, sans aucun doute, mais ils parlaient
un peu à il n'en
tort et h travers, et manquait pas parmi les Italiens
pour leur donner avec cette
la réplique, ironie parfois morda'nte qui
caractérise Pasquino. En fin de compte, Lansac, se démasquant tout
à fait, rassembla ses évêques et leur signifia qu'ils devaient donner
librement leur opinion sans la moindre crainte. La démarche fit un
peu de bruit et d'aucuns supposèrent que le cardinal de Lorraine
avait eu sa part de la semonce, car Lansac sortait de chez lui,

quand il
harangua les autres Frajiçais.

1. Résumé de cette dépêche dans Pallavieini, c. xviii, § 15; pour ce qui suit,

voir les curieuses lettres de Visconti, des 6 et 7 décembre, Susta, p. 453-454.


2. Esser necessario di Iratlar di questi tre capi Simonetta, le 23 novembre;
,

Susta, p. 84; voir p. 93-94, l'indignation du pape à ce propos, dépêche du


5 novembre.
Tfi'l I.IV. 1\. I "iMI'lISSANCE DU CONCILB

A la conquête du cardinal de Lorraine.

Les léiiats employaient tous moyens de ^aj;iicr le


itreniicr à la

cause du comile. I.e J I


novcnilire, ({uand Scri|>andi se présenta chez
lui, déput»". par eux
-
comme nous l'avons dit plus liaut il lui

ex]>osa la marche du concile, initia, progressas et staturn praesenleni *,

depuis les déhuls et lui demanda son avis sur ce qui se discutait

présentement, en ]>articulier sur le septième canon. Kn le prenant

ainsipour arhitre entre les jiartis, les légats es])éraient l'empêcher de


se mettre à la tète des ojiposants; ils arriveraient en même tcnijts à

pénétrer ses véritables disjiositions, à deviner en jtartie ce qu'il se


proposait d'eufreijrendre, d'ajirès les instructions secrètes qu'il
avait reçues.
Dans son entretien avec Seripandi, assez long, cpii fut presque
un monologue, le Français ]iarla de tout d'une manière entendue,
praeclare ad omnia respondit, entremêlant ses ]>ro]ios de ]»aroles
flatteuses,de con\j)liments à l'adresse des légats, du concile, de jiro-
testations de son dévouement pour le Saint-Siège, miilta de Sedis

Apostolicae auctoritate et veneratione. Sur la question princi])ale


qui lui était posée, il commença h découvrir son jeu, sans trop se

com])romettre toutefois. Il était ]iréfcrable d'abajidonner le canon


en soulTrance, si les Pères ne ])ouvaient s'entendre, si in concordiam
reduci non posset. Les légats n'étaient pas de cet avis il allait de la :

dignité du concile d'aboutir, en mettant un terme aux (pierelles des

partis extrêmes.
Cette conférence des deux cardinaux acheva de convaincre les

présidents (ju'ils ne gagneraient Cliarles de Lorraine (ce dont ils ne


pouvaient d'ailleurs se passer) qu'avec beaucoup de tact et de ména-
gements. Le ]»ape n'en était jias moins convaincu et il envoya, pour
leur faciliter cette tAche, l'ancien nonce en France, Sebastiano Gual-
tieri, évèque de Viterbe. qui. jtendant sa nonciature, s'était fait,

jjisipi'à comjtromettre auprès des Valois, l'homme de confiance


se

des Guises. Il connaissait assez les affaires de la monarchie, comme


le tempérament du cardinal, pour évoluer sûrement et réussir en sa

mission *. Il
apportait plusieurs documents qui devaient renseigner

1. Ri'cit dans Conc. Trident., p 161, noto 2.


2. Sur cette missioi), Susta, p. 76 s(|; voir p. 77-78, la lettre importante de
Pescara.
CH. IV. L AGITATION AUTOUR DE LA RÉSIDENCE 765

les légats sur les intentions du Français, notamment une lettre


adressée à Rome, et dans laquelle le marquis de Pescara racontait
son entrevue avec celui-ci; il avait assez bien pénétré sa pensée, il
en informa la curie et en même temps ses évoques et leur traça ainsi
une ligne de conduite.
Dès le lendemain de son arrivée, le 22, Gualtieri se ]>résentait chez
le cardinal ^; il le mit en garde contre les manœuvres des Espagnols,
ne lui laissa pas ignorer ce que le concile attendait de lui :
qu'il se
fît l'arbitre des partis, bien plus le conseiller des légats, une sorte de
légat surnuméraire, prenant part aux délibérations du collège, jus-
qu'au jour où la nomination
en viendrait de Rome, et réaliserait
lui

les plus chères espérances de l'ambitieux Lorrain,

Réception solennelle du clergé gallican.

Ce dernier pouvait maintenant présenter à l'assemblée; les


se

légats arrêtèrent minutieusement, de concert avec lui, les détails de


la cérémonie, de manière à la rendre vraiment pompeuse ^. Le 23,

le cardinal de Mantoue annonça sa venue et l'objet de sa mission :

solliciter les remèdes aux maux multiples dont souiïrait la France,


c'est-à-dire la paix et la réforme générale. Massarelli donna lecture
des lettres et pouvoirs du cardinal en tradviction latine, et de la

réponse que leur avait préparée l'archevêque de Zara, chargé de le


recevoir au nom du concile; celui-ci avait autorisé le cardinal à

prononcer un discours de réception, et même l'ambassadeur du Fer-


rier à plaider la cause de la monarchie.

Sept évêques allèrent ensuite chercher le premier, comme en une


escorte d'honneur. Et ce n'était pas des moindres : le patriarche de
Jérusalem, les archevêques d'Otrante et de Grenade, le commissaire
du concile Sanfelice, l'évêque de Salamanque, celui de Viterbe
(cela va de avaient été choisis avec soin, sinon de toutes les
soi). Ils

nations et de tous les partis. L'assemblée (205 à 206 Pères) se tenant


debout, les légats se levèrent, marchèrent à la rencontre du nouveau
venu quand il fit son entrée, et l'escortèrent à la place qui lui était
réservée, sur le même plan que leur collège, mais sur un siège quelque

1. Pallavicini, 1. XIX, c. n, § 5.
2. Compte rendu de la séance avec le sommaire des discours dans Cotic. Trident.,

p. 161-165.
76G l.l\ . l.V. I. IMPUISSANCE DU CONCILE

j»eii iiiférlnir, à ciMé ilc Madniz/o. ([u'il jini i-iluit comme son anrien
en cardinalat et en ordination cjiiscopalc. Tous les ambassadeurs
étant présents. I.ansac déjiosa sur le hiu'cau les jiouvoirs et lettres
de créance, texte oiriciel. latni et français, datés du 17 octobre, juiis
le cardinal prononça un discours en latin. i]ui fut écouté avec une
attention soutenue '.

11 commentait cl
précisait les instru<'tions ci-dessus et réduisait
à des commérages insigniliants les racontars (|ui circulaient sur
son compte. Le tableau en raccourci, un ])cu *»ombre, pas trop
exagéré, iju'il jiréscnta des uuillieurs dv la j'rance. faisait res-
sortir surtout les désastres (juils inllig<!aienl ;i la religion, dont
l'état aj'paraissaii de plus en jilus lamentable. Il apjK-lait ensuite
la léfornu" de tous ses \umix, bien résolu, lui. ainsi «pie ses con-
frères les évc<|ues, ;i lui d(»nner tout son concours, en union avec
le ])a)»e. tlont ils restaient filialement les fidèles et très obéissants

sujets, on même temps (pi'ils seraient les collaborateurs du concile,

toujours dévoués et actifs.

Le cardinal de Mantoue remercia l'orateur dans un éloge déli-

cat de sa ])ersonne et de sa famille, les Guises, (jui s'illustraient avec


tant d'éclat et depuis longtem]»s, au service de l'itglise comme de
la monarcbie. L'arcbevcque de /ara rejirit ce thème au nom du
concile, y joignit les sentiments de compassion que celui-ci éprouvait
envers la lualhcureuse France, et les vœux que les Pères formaient

pour le retour de sa ])ros]>érité.


Le cardinal avait laissé aux ambassadeurs, ses compatriotes, le

soin de conqdéter les informations que l'assemblée désirait sur la


misère et les besoins de la France. Ce fut la charge du légiste et par-

lementaire Arnaud «lu l'errier, ecclésiasticjue tout au ]dus par com-


mende, resté laïc d'un caractère s])écial : il annonçait l'entrée en
scène de l'Iiiglise gallicane car il émettait des idées et des ]irétention8
qui ne cadraient pas avec les soucis et l'objectif du concile. Le ton

respectueux «^u'il enqdoya. jtlus modéré que celui «pii avait animé son
collègue du l'aur dans son discours du 20 mars, ne voilait jias tout à
fait certaines «)nd)res du tableau. II rappelait ]»ar exemple «pie les

Pères j/avaient à compter sur le conc«)urs des nouveaux venus et

ne réussiraient h rétablir paix dans


chrétienté ]>ar la réforme, que
la la

s'ils restauraient l'ancienne discipline, basée sur l'Fcrilure sainte.

I. Imprimé .«ntivcnt, notamment dans P. Diipny, Mémoires sur le concile de


Tnnl. V:,r;<. Ifif)',. p. 332 8«|.
CH. IV, l'agitation autour de la résidence 767

les décrets des conciles et les ordonnances des papes ^, Cela était
bien assurément, mais fut souligné ensuite par un détail les ambas- :

sadeurs firent disparaître du discours imprimé du cardinal de Lor-


raine les termes oninem Ecclesiam dans le passage Confitemur
:

romanum Pontificem caput super omnem Ecclesiam et omnes Ecclesias.


Et cela théologiens gallicans, qui n'admettaient
par égard pour les

pas que le pape fût supérieur à l'Eglise enseignante, par consé-


quent au concile ^. Cela suffisait pour compromettre l'ancienne
discipline dont parlait l'orateur.
Ces premiers contacts étaient —
encore plus que les échanges de
propos en l'air, mais peu bienveillants, et les racontars qui avaient
accueilli l'arrivée des Français — un signe que le jeu serait serré entre
eux et les Italiens, qu'ils se surveilleraient de près, réciproquement
et dans de fréquentes escarmouches. Le choix des nouveaux venus

confirmait cette constatation. Leur savoir, leur mérite n'étaient


pas minces, mais dans un sens tout gallican. Ils étaient pour
la plupart des théologiens de marque; de plus accompagnés de
docteurs d'université, également choisis d'après un plan, pour con-
trôler ces prélats le doyen de la Sorbonne, Nicolas Maillard, Gentian
:

Hervet que nous connaissons, le franciscain Hugon qui se laissa


gagner à la cause de Rome et reparaît souvent dans la correspon-
dance du concile ^; Simon Vigor, plus tard archevêque de Narbonne;
Claude de Saintes qui figurait parmi les abbés et deux généraux
d'ordre qui se signalèrent plus tard dans la restauration catho-

lique : de Clairvaux, Jérôme Souchier en fut récompensé par


celui
la pourpre et le procureur de Cîteaux, Nicolas Boucherat, réalisa dans

cet ordre une réforme sérieuse.


Les précoccupations politiques n'avaient pas été étrangères à
ces choix, même en dehors des nécessités de religion. Deux de ces

prélats avaient, de par la volonté des Valois, bouleversé dans leur


diocèse la succession des princes-évêques du Saint-Empire Nicolas :

Psaume à François Beaucaire de Péguillon à Metz. Le


Verdun et

premier se signala entre les théologiens, dans les commissions comme


dans les débats; il a laissé un journal du concile qu'on cite à côté des

1. Memlem Ecclesiae gallicanae esse ut in integrum restituerelur ohservantia


scriplurarum, conciliorum et statutorum pontificum, alioquin nullam sperandam
salutem. Conc. Trident., p. 168, note 1 et Seripandi ajoute gravem et luculentam
;
:

orationem habuit.
2. Détail relevé par l'archevêque de Zara, le 3 décembre, ibid., p. 164, note 9.

3. Susta, t. ni, Index, verbo Hugonis


768 IIV. IV. 1. IMPUISSANCE DU CONCILK

oilicicls, avec lescjiuls il tiumlu- c(-])riul;iiit [>;ir


son es|iiit particu-
lariste. Le second attira moins l'altcntitJM : il avait toutefois une
culture variée, (|ui lui valut d'être reniarcjué au concihr. avant de
devenir un historien de valeur. L'évêtjue du Nfans. Charles d'Antennes
(le Katohouilirt,
plus tard luiiassadriir à Konie et cardinal ^, apporta
;i

il.iu'' les déhats un «;s|iril de conciliaticui, un /rie ijui devaient se


réveiller ensuite, quand il eut à faire ohstrver les décisions auxquelles
il a\ ail jiris part.
Nous connaissons l'humaniste Pit-rrr Daiiès, évéque de Lnvaur
par ses opinioïis ^rallicanes, attira l'attention in({uictedc la curie
<|iii,

romaine, ainsi (pic l'éNcque de Séez, Pierre Duval. tliéologicn de


Sorbonne et controversiste du collotpie dr PoissN . (lelni d'.Vmieris,
Nicolas de Pellevé, créature des Guises, venait de remjilir une mis-
sion en Kcosse, où il avait soutenu les intérêts de la France en même

tenqis (pie ceux de l'Kjilise romaine et eommencé une longue car-


rière de dé\ ouenicnt envers cette Eglise, qui devait le conduire au
cardinalat. Il fut un bon théologien du concile, l'auxiliaire du cardi-
nal de Lorraine, derrière lequel il s'abrita (étant sous le couj) d'une
dénonciation au Saint-Olllce '^), pour obtenir l'archevêché de Sens,
({uo son protecteur jiostulait pour lui; l'activité qu'il déploya au
concile, grûce h sa culture théologi(pie. ne laissa pas que de rehausser,
peut-on dire, le prestige, accroître l'intluencedu cardinal son patron.
Le chef de cette brillante délégation devait as]iirer, cela se com-

prend, à tenir la première


place. Il arrisait avec la réputation du
grand homme d'Ktat de la monarchie, avec d'un théologien et
celle
controversiste excellent, (ju'il avait allirmée au colloque de Poissy.
C<dle-ci toutefois était discutée et insjtirait de la défiance aux défen-
seurs de l'orthodoxie. n'ignoraient ]tas tpie le cardinal avait
Ils

admis, juscpi'à un eertain point, les concessions faites ]>ar les Valois
aux luiguenots, (pi'il a\ait mission de patronner au concile un pro-
gramme en ce sens, que la voix publique exagérait du reste elle :

parlait dn calice, de la messe de la liturgie en langue française, du


mariage des ])rètres, et n'allait-elje pas jusqu'à dire'-- ce qui inspi-
rait quelque crainte à Honu' ipi'il ]iroposerait au concile un
colloque dans le genre de celui de Poissy, (pii avait été pour lui un
triom]die d'amour-]iro]ire !

1. Nolirp «laiis Diction, d'hist. et de géoff. eccUs., t. m, cul. 77-80.


J. Susta, p. 7'i, 97, 'i35.
3. liorromée au cardinal de Manlouo, Ip 18 novembre, Susta, p. 82-83.
CH. IV, l'agitation autour de la résidence 769

En vrai diplomate qu'il était, il sacrifia une partie de ce programme,


il ne retint pas tout ce qu'avait élaboré l'assemblée de Poissy. Pour
faire respecter plus sûrement les libertés de l'Église gallicane et les

prérogatives de la monarchie, il laissa même son gouvernement


débattre avec Rome les décrets des Ëtats généraux d'Orléans contre
les annates et les préventions \ décret que Pie IV avait à cœur

d'annuler. Il une attitude de conciliation,


s'en tint d'ordinaire à
d'accommodement entre son groupe, où les politiques comme Mor-
villiers (évêque d'Orléans), du Bellay (évêque de Paris), Danès, etc.,

subissaient l'entraînement des intrigues de Lansac, entre ce groupe

qui lui échappait parfois et le collège des légats, auquel il ambitionna


de se rattacher d'une manière officielle. Sous l'ascendant de l'évêque
de Viterbe, qu'il subit sans l'accepter complètement, il fut manœu-
vré plus qu'il ne manœuvra, il préserva le concile de certains échecs
plutôt qu'il ne lui procura d'avantages. Il n'en joua pas moins un
rôle prépondérant, résultats ne répondirent pas à son activité,
si les

parce qu'il y entra sans doute un peu d'agitation ^. Il soutint


d'ailleurs sa renommée de bon
théologien, en sachant mettre en
œuvre les renseignements que de multiples auxiliaires rassemblaient

pour lui.

Le pape avait recommandé aux légats de le traiter en tout hon-


neur et considération, à cause de la grandeur de sa famille et de sa
personne, aussi à cause de son prestige, qui pouvait contrebalancer,
le dépassant quelque peu, celui des présidents Ceux-ci n'y man-^.

quèrent pas et par là réussirent à dominer le parti français, même en


le laissant dresser ses batteries. Gualtieri, de son côté, obtint du car-

dinal qu'il ne se souciât pas d'embarrasser le concile de la question


des annates, jusqu'à ce qu'il eut reçu de nouvelles instructions de
son gouvernement*. Aussi, quand le bureau eut répondu au discours

Le même aux légats, le 25, ibid., p. 93-94.


1.
Sur l'opposition qu'il rencontrait de la part de ses compatriotes, voir Susta,
2.

p. 449 (lettre de Visconti du 30 novembre). L'évêque de Viterbe était aussi chargé


4'entretenir les bonnes dispositions de du Ferrier, ibid., p. 116, 191, etc. Quoi
qu'on ait prétendu, notamment l'abbé G. Constant, La légation du cardinal
Morone, p. 50, note 2, l'évêque de Viterbe eut une réelle influence sur le cardinal
de Lorraine. Plus tard la cour romaine jugea prudent, il est vrai, de le remplacer
par le cardinal Navagero,
3. Speramo che non potra lanto la grandezza et destrezza di quel Sre per grandis-
simo etdestressimo che sia, che non sia per molto poter piu quella de le nude persone
de le Sre V. Illme, Susta, p. 94 Borromée le 5 novembre.
;

4. Voir les détails donnés par Susta, p. 95 et 105.


770 1.1V. i.v. l'impuissance du concile

de du FerritT par les compliments et politesses d'usage, le foncile

piil-il reprendre, le lendemain, la discMission sur le (.-annn .sej'lième


du sarr«-nient de l'ordre, d'après le texte dressé jiar Seripandi.

Nouveaux orages sur le concile.

L'assemJ)lée ne tarda pas h constater, roinine l'écrivait l'évoque


de Afodène à son corresjtondant Morone, que la muUiplicalion des
évècpies entraînait celle des embarras '. Les débats tournaient au
sermon, et au verbiage cpii noyait la doctrine Si odano più prediche :

che sentenze. Ce jour-là i»ar exeinj>le, l'évtupie de Leiria en Portu-


gal, Cas]iîir de Casai, théologien de valeur jiourtant et bras droit

de son métropolitain de Hraga, accaj)ara toute la séance à faire


accejiter un nouveau texte assez vague : 6/ qui dixeril cpiscopos
non debere esse in Ecclesia Dei ftr instilutiune ejusdem. Il n'était

guère plus com])roinettant que les autres, bien <pie se jirononçant

pour le droit diNin.


Aussi, dès le 2ô, l'évèfjue de Lcrida, ait|)uyé en cela, poussé nn^ine

par lesprésidents, s'arma de ces lenteurs pour réclamer l'ajourne-


ment de la session du lendemain. L'aiïaire fut débattue en une simple
congrégation, ce qui lui dojmait moins de publicité, attùjuiait le
scandale (pii en résulterait chez ceux (pii voudraient souligner par
là l'impuissance du concile. L'attente des l'Vanvais, puis leur récep-
tion avaient arrêté tout travail ]>endant plusieurs semaines, a]>rès
une reprise passagère le 3 courant (ci-dessus p. 744, et 74.S); aucune
définition n'était prête. Tel fut le thème du discours
<fue Seripandi
tijit en cette occasion. « On rendait responsables de cette
les légats

lenteur : elle était


plutôt le fait de l'assemblée, qui sej)erdait en dis-
cours interminables, sans portée ]ionr la doctrine ^. Llle donnait un
mauvais exen.jde à la chrétienté, qui attendait une réforme sérieuse
et com])lète et voyait les ]>asteurs s^aflticlier à lu chair plutôt qu'à
Vesprit. « En conclusion, il n'osait ]iro]»oser de date à la session et
en laissait responsabilité aux Pères
la .

Lorraine, fpii |)rlt ensuite la ])aroIe, abonda dans son sens : les Fran-
çais étaient accourus en toiite diligence, avaient sollicité un délai pour

1. El nudti plicer de vescovi in concUio è mtdliplicer impedimenlo, Conc. TridenL,


1>. 173, note 5.
2. Prolixita!) lerliomim potitL^ qunm srnlrnl'nnim. Conc. Trident., p. 173-17'f.
Ce discours est caractéristique, comme celui de Lorraine du reste.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 771

}>rendre leur part des débats, et il s'excusait des retards qu'ils avaient
causés sur la situation critique de la France, par suite de la guerre
civile. Il fallait néanmoins aboutir
et, sur la proposition de plusieurs

évêques, l'assemblée, selon sa pratique, s'en remit au collège des


légats de la décision. Le second président proposa alors de réfléchir
pendant huit jours, avant de fixer cette date, et la majorité lui
donna raison.
Le discours de Seripandi faisait allusion à une nouvelle levée
de boucliers contre les légats,
provoquée par le malaise d'une situa-
tion tendue que soulevait l'arrivée des Français.
et les inquiétudes
Plus d'un prélat se demandait pourquoi les premiers laissaient
l'assemblée se débattre dans des discussions sans issue, et certains

soupçonnaient que leur but était d'empêcher une décision préju-


diciable à la prérogative pontificale ^. C'était en fait traîner les
Pères à travers les rigueurs d'un hiver qui s'annonçait depuis un
mois, puisque, dès le 20 octobre, le bureau avait du faire chauffer la
^
salle des séances
il savait assez par l'expérience de l'année précé-
:

dente ce qu'était un hiver à Trente. De leur côté les légats ne lais-


saient pas que d'être fatigués de tout un déploiement d'éloquence

monotone, qui rappelait quelque peu le fatras de la chaire dans la


décadence du Moyen Age.
De plus, l'entêtement des Espagnols à soutenir toujours les mêmes
prétentions, à propos d'un seul point de doctrine, impatientait les
Pères et les présidents résolurent d'en finir, avant que ne se mani-
festâtune entente à laquelle les Français inclinaient, il n'y avait plus
moyen d'en douter. Ce fut en effet un Espagnol qui fit éclater l'orage,
le 27 novembre. Diego Covaruvias, évêque de Ciudad Rodrigo en

Estremadure, n'était pas le premier venu son confrère de Modène ;

vante st)n savoir et Visconti lui-même son caractère modéré et


aimable ^. Il était écouté à Rome comme au concile * mais, autant ;

que la plupart de ses compatriotes, il avait l'intransigeance d'un

théologien.
Il eut le malheur, au début de son vote sur le canon septième,
d'interpeller les légats en ces termes : Au doute proposé par Vos Sei-
gneuries Illustrissimes (à savoir, si l'institution des évêques est de

1. Sur ces récriminations, Pallavicini, 1. XIX, c. iv, § 6 et le début du c. vu.


2. Conc. Trident., ix, p. 101, note 5.
t.

3. Alolto reputato nella professione délie lege, molio erudito... Modeslo e gentile

quanto sipossa desiderare. Conc. Trident., p. 177, note 2.

4. Susta, ibid., t. m, p. 10, 217, 362-363, 385.


772 i.n . i.v. l'impuissance du concile

(Jrnit cii\iir). Le cardinal de Maiitoiir. l'tait loujouis altscnl, Simo-


iictta r()iiiiiu'n<.ait h s'n{^iter, mais Serijtandi, (jui présidait, iiiterron\-
pit l)nis(]ueineiit l'oratfiir : Nous n'avons rien proposé, s'écria-t-il,
mais supporté toujours |iati«'!niii(iit qu'on jiarlîU sans iin et hors di-

])ropos '. l'A les deux ]>résidents revinrent c^ lu charge avec beaucoup
d'énjotion, con a.ssai risentiniento, sans prêter attention h la remarque
du malencontreux orateur, (pi'il était nécessaire de mettre fin à
tant de longueurs, comme aussi de ne ]>as comjiromettre la dignité
du jiape.
Les deux r'-minences crurent, au dire de l'cvècpiede Modèiie, cpie

l'Espagnol leur .Mttribuait la motion suivante déterminer si : les

Ordinaires sont suj»érieurs à leurs itrêtres, de droit divin. l'^ITective-


ment, comme lo faisait observer leur collègue Ilosius le 'A décembre,
les hérésies (pie concile avait à juger ne touchaient nullement aux
le

origines de ré|)iscopat, unis seulement à sa supériorité sur le sacer-


doce, (hi'il vînt de Dieu ou du pa])e, ou de l'un par l'autre, peu imj)or-
tait en la circonstance, jtuisqu'il s'agissait d'alTirmcr l'autorité de

l'évècpic sur la hiérarchie cléricale, et j)ar celle-ci sur la masse des


fidèles. Dans sa confusion, le débat n'arrivait pas à distinguer l'ordre

de la juridiction, ce qui |)0urtanl allait de soi.


Le mènie jour 27, l'évtMpie de Nicastro eu Calahre, Ciianantonio
l'acchinetti, le futur Urbain VII, un des conseiller du collège des
])résidents, consacra séance à démontrer (pie le pouvoir é])iscopal,
la

venant de Dieu, reste 5 la disjtosition du papo (pii en délimite l'exer-


cice, peut le suspendre et le lier, em])êch(ir mt'me (pi'il ne fonctionne
validement. L'opinion contraire des ])rélats espagnols soutenait

que pape n'est (pi'un intermédiaire entre Dieu et l'évcque, n'ayant


le

d'autre droit ipu' de déterminer les circonstances de cet exercice.


Comment et jusqu'à rpiel point fixe-t-il ces circonstances ? ils s'enten-

daient moins là-dessus, et certains gallicans allaient jus(]u'à prétendre

(pie quchpies unes de ces conditions dé]ieiidaient du niétropolitain


et du concile provincial.
Seripandi faisait observer avec raison «pie la discussion tournait
au scandale pour la chrétienté, fournissait un aliment aux risées

et aux ])amphleLs des hérétiqiics. Si les légats |)crdaient ]>atience, leurs


jiartisans dépassaient plus facilement encore les limites de la modé-

1. Palienlamentr toleralo che se parlasse jiiori di proposiln, ibid., ]>. 188;


Susta, p. 'i47-4'i8. Visconti, Ir .30 novembre, donne à la scène une certaine
gravité.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 773

ration. Le 28, l'évêque de Parme, Alessandro Sforza di Santa Fiora,


frère cadetdu cardinal-camerlingue Guid'Arcanis et arrière-petit-fils
de Paul III, créature par conséquent du népostisme, s'élevait avec
violence^ contre ceux qui s'en prenaient à l'autorité du pape, mon-
trant du doigt, pour ainsi dire, l'archevêque de Grenade, et ajou-
tait qu'il y avait là un véritable scandale ^.

L'orage n'avait pas encore atteint toute sa gravité. Le 1®^ décembre,


l'évcque de Guadix en Andalousie (et non de Cadix), sufTragant de
Grenade, Gaspar Vosmediano, un théologien du temps de Paul III,
qui ne s'était signalé jusque là que par l'ampleur de ses connaissances
théologiques, citait un autre docteur de Salamanque, Franccs de
Vittoria —
mort depuis quelques années seulement selon celui-ci, — :

dans primitive Ëglise, les évêques s'intronisaient les uns les autres.
la

Il
n'y avait rien d'étonnant en cela, à cette époque où, la disci-
pline se constituant peu à peu, il importait avant tout de vivre et
de s'organiser. Simonetta sut bien objecter que cette pratique ne
se justifiait que par le consentement, au moins tacite, de Rome.

L'évêque revint à la charge et cita l'exemple contemporain de


l'archevêque de Salzbourg, qui avait le droit d'instituer lui-même
ses quatre sufTragants. Le légat l'interrompit encore pour glisser la
même réserve.

L'opinant s'impatienta de ces interventions répétées, s'anima


outre mesure, pria le légat de le laisser poursuivre son exposé sans
l'interrompre. Plusieurs auditeurs, cinq ou six (au rapport de témoins
oculaires), estimant que c'était une indignité de traiter ainsi un repré-
sentant du pape, se mirent à crier : Anathème !
Qu'on l'expulse !

C'est un hérétique ^ L'évêque de ! la Cava, Tommaso Stella, se

distinguait parmi eux. Ils tentèrent de couvrir la voix de l'orateur,


et s'en prirent en même temps à ses compatriotes. Les légats apai-
sèrent le tumulte, non sans peine, et Vosmediano reprit son exposé
après s'être excusé, justifié d'abord* n'avait pas du tout voulu
: « Il

offenser les légats, car il admettait sans réserve leur autorité, comme
étant celle du pape. » Il se plaignit*doucement qu'on l'eût condamné

1. Con parole assai piene di colera et di alteralione, écrivait l'archevêque de


Zara, Conc. Trident., p. 184, note 1.
2. Haec
quaestio est scandalosa, conclut-il dans son votum.
3. Conc. Trident., p. 194 et note 3 (lettre de l'évêque de Modène du 3 décembre) ;

quelques détails de plus dans le récit que Borromée fait de l'incident au nonce en
Espagne, Susta, p. 466-467.
4. Susta, ihid., p. 451, 95.
774 IIV. I.V. I.'lMPUISSANTK DU CONCILE

sans attendre la l'iu de sou discours i-t


reconquit ainsi les synijiB-
thics de l'asseniblcf '.

Cette luanifeslalion ass»-/. (léjilaeée ne fut juis du {^«'vU de tous.


Le cardinal df Lonsiine. le jireniier, eti manifesta iin«' iiidifjnation
non simulée; le jour même, il déclarait (pie, si on a\ait ainsi traité
un de ses «'onqjatriofes. il en aurait a]>]>clé de suite h un concile jdus
libre. l'nnoio ml lihcnus conciliuni. |»uis ils seraient tous partis

sans tarder, so réservant gourdes circonstances meilleures. Il


]»arlait
ainsi devant lesévêques de \'intimille et de \ erceil. et s'anima au
point que les lépats prièrent Gualtieri de le calmer.
Les Ks])apnoIs exigèrent davantage, et en (fin ils firent bloc.
Le r> décembre, les évêques de Salamantpie. Tortose et trois autres,
qui n'étaient ]»as de l'ojijtosition antiromaine, \inrent en délégation,
à l'instance du iilnignant, au]>rès des légats et menacèrent de
prendre parîi de leurs comjatriotos, si
le ]iarcil fait se renou\ elait ^.

Ils dénoncèrent nommément l'évêcpie de la Ca\a. «pii, le lendemain


encore. interronq>ait l'admonition du cardinal de Mantoue avec cette

remanpie. que les l'.s] agnols ne devaient pas provo(juer


par les Itères

leurs hérésies^. Les légats s'elTorcèrent de ]»révenir la défection de


leurs amis es]^agnols, en les assurant que jiarell désordre ne se renou-
vellerait plus. Le pa]ie procéda d'une autre manière : il
i^rofita de
ces incidents ]iour envoyer en Esjiagne un vrai ré([uisitoire. qui
énumérait toutes les incartades conmiises les deu.x derniers mois

])ar les II, ceux de Grenade, Ségovie, Guadix,


évèques de Philippe
Alife, etc. De]>uis rarri\éc des Français, leur audace déjiassait les
bornes et Borromée ebargeait le nonce d'en prévenir Sa Majesté
Catboli(pie. dans res]>oir qu'elle y mettrait bon ordre ^.
Les légats n'en jugèrent pas moins oiqiortun de procéder contre
les auteurs du tapage, ro]>inion ]tubli<pie paraissant exiger une
satisfaction, comme promise d'ailleurs aux Es] agnols.
elle avait été

Le 2 décembre, premier jirésident, absent de^mis le 25 novembre,


le

ouvrit la séance ])ar une monition d'autant ]'lus justifiée tpi'il aNait
à fixer la date de la session ^. Il invita les Pères à s'abstenir désormais

1. L<ttri" di>
Irvôqur ilo Modriio du 3 «lérombro; voir aussi la h-ttre mentionnée
ci-dessus, do Horroméc nu nonce en Kspapne, Stista, p. 466-'i67.
2. Susta, p. 96 (lettre des légats le 3 décembre, p. 98, 452) ; quelques détails
ajoutes par Visconti, p. 116.
3. Compte rrndti de la séance, Conc.
Trident., p. 196-198.
4. Borromée nu nonce, 15 décembre, Sustn, p. 465. Pareil réquisitoire avait
le

été dressé contre l'évèque de Grenade le 9 octobre, Susta, p. 376-378.


5. Compte rendu do In sénnce, Conc. Trident., p. 196-198.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 775

de toute manifestation déplacée; autrement ils se verraient obligés


de quitter la salle des séances, lui et ses collègues. Par ailleurs, conti-
nua-t-il, aucune décision
n'était prête, et les opinants ne se rési-

gnaient pas à réduire leur exposé. « Le bureau ne cessait de les rappe-


ler à la brièveté, et il y reviendra tant qu'il le jugera nécessaire. Le

programme mérite toute attention, il comprend deux décrets de


haute valeur, l'un sur le sacrement de l'ordre; l'autre est un règlement
de réforme qui assure la mise en pratique du devoir de la résidence.
De plus,l'assemblée doit à la chrétienté réparation du scandale qu'elle
vient de donner, par une session prochaine et bien remplie. Si elle
ne peut tout définir, elle doit au moins terminer le sacrement de
l'ordre. » Il
proposa la date du 17 courant, à condition de tenir deux
congrégations chaque jour.
Le cardinal de Lorraine, qui parla ensuite, approuva, non sans
quelque réserve, le discours du président. Il ne cacha pas son scepti-
cisme sur l'heureuse conclusion des travaux en si peu de temps.

Surtout il
protesta contre la manifestation de la veille, où certains

prélats avaient accompagné de gestes vraiment déplacés des paroles


presque scandaleuses ^. Il formulait avec beaucoup d'énergie, au
nom de plusieurs Pères, le vœu qu'il fut procédé avec sévérité, saevis-
sime, contre les délinquant à venir.
Les autorités qui Tappuyaient, c'étaient surtout les archevêques de
Grenade et de Prague, non sans ajouter pareillement, le dernier du
moins, que la retraite dont parlaient semblait inutile et
les légats

inopportune ;
elle ne ferait qu'entraîner une nouvelle perte de temps ^.

Le premier présenta, cela va de soi, l'apologie et l'éloge de son sufîra-


gant et le justifia plutôt qu'il ne l'excusa.
Tous deux étaient d'avis, à la suite du cardinal, que le concile ne
terminerait pas son programme en vme quinzaine; ils conseillaient
de reporter la session au 14 janvier 1563, en maintenant les deux-

congrégations quotidiennes. Il serait ainsi facile d'aborder le sacre-


ment de mariage, comme les légats l'avaient fait espérer à la session
précédente. Finalement la motion du bureau fut adoptée par cent
vingt-neuf voix contre quarante-deux pour l'autre date proposée;
quarante sept étaient absents ou se répartirent en diverses opinions.
Un certain nombre de Pères, à la suite du patriarche d'Aquilée,

1. Improbans maximopere quod heri ad aliquibus factum, dictum fuerit contra


apisc. Guadicensem, praesertim verha illa : SU anathema ! comburetur! haereticus
est! quae non sunl digna ut in hoc loco tam facile pronuntientur. ibid.
2. Probat admonitionem, non
proiestationem, ibid. Cf. Susta, p. 99,
776 I.l\. I.\. I. IMI'llSSANCE DU CONCILE

Dauieltî l5aibaro, réclamaient |iunition des fauteurs de désordre,


la

mais, à }iarl les


Ksjiagnols, m- ]irécisaient pas, s'ils entendaient
il>

]>ar là les apitnteurs de la dernière séance ou ceux i|iu k-s imiteraient

dans la siiilr. Les premiers, i»ersonn<' ne les ignorait, mais ils étaient
forts et influents; ils ne voulurent ]>as convenir de leur faute, jirotes-
tèrent de leur droit et le liureau dut les ren\(>yer indemnes, sur-
tout après l'intervention de Kome. C'était, outre l'évèipic de la

Cava, notamment patriarche de Venise Giovanni Trevisano, <pii


le

avait crié le premier Anathème au témoif^nage de l'évècpic de


: !

Salaman(iue ^; la Républicpie des Lagunes défendait d'y toucher,


C'était l'évêquc de Castellanetta en Touille, Hartolomeo Sirigo;
teliii-là tenait de ]très au collège des légats, comme suppléant du
secrétaire Massarelli. (^uant à Caselli, il fut «liai itré par le cardinal
de Lorraine, l'archevècjue de Grenade et plusieurs autres ^, mais
refusa toute a\ance d'accommodement, parce que, objectait-il,
si on voulait suj»primer l'elTet, on de\ait supprimer la cause.

Le droit divin de l'épiscopat remis en cause.

intransigeance n'était jias jionc rajiprocher les partis, ni


lictle

faciliter l'entente sur les décisions que rassemblée espérait arrêter

pour un |>ro(>hain a\'enir. Les l'^spagnols et leurs adhérents s'enfon-


cèrent davantage, semble-t-il, dans leur parti jiris. Le 3, celui de
Lugo, en (laliee. Suarez Carvajal, réclamait encore que le canon
septième définil roriginc divine de l'autorité é})iscopa]e; il ré]>était
<pie le droit canonicpie rattachait leur institution au pape, mais elle

l>oii\ail |irocéder légitimement d'ailleurs.


A la séance du soir, l'évècpie d'.Vlife Giangiacomo de Noguera,
<|ui a\ait une t<mte autre im])ortance comme
théologien (il figurait
parfois dans les commissions^, dépensa son érudition à dévclopj)er
cette thèse «|ue, même dans les conditions jtrésentes, Jésus-Christ
instituiiit les évèques : lui seul leur confère les pouvoirs et le pape ne
fait que les confirmer. Ilosius releva ces ]»ro]ios et protesta (ju'ils

1. Dans son journal, Conc. Trident., t. ii, |». 565. Voir encore la curieuse adrno-
ni'station du pape à ses lépats au sujet des loupablcs, Susta, p. 133. Covfirnuire
/nu presto che di perdere gli nnimi... de' nnslri amore^oU.
2. Ut disturbatorem congre gationis heslernae implicite rcpreheniUbanl, ibid.,
t. IX, p. 197, note 2, lettre de Vintimillc,
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 777

ne faisaient que détruire au lieu d'édifier la thèse ^. « Il ne doutait


nullement des intentions droites des définiteurs, mais ils ne devaient
pas se perdre à travers des aperçus inopportuns. On avait récemment
avancé (et ceci était une allusion à l'évêque de Lugo, mais le prési-
dent assurait qu'il ne nommerait personne) que les évêques pouvaient
être institués légitimement en dehors du pape. Que les Pères ne
s'étonnent donc pas de s'entendre rappeler à la question, ils doivent
s'attacher uniquement au problème posé, et ne pas s'y étendre trop
»
longuement.
Noguera, reprenant son discours, objecta qu'il fallait s'expliquer
sur la juridictiondu pape, aussi bien que sur celle des évêques.
Hosius lui insinuadoucement qu'il ne devait pas mettre en avant
Sa Sainteté. L'archevêque de Grenade fit observer que d'autres
en avaient parlé avant son compatriote. « Avec plus de respect
que lui ! « cria l'impétueux Caselli. Simonetta lui fit signe de se
taire et le murmure
s'apaisa Hosius reprit la parole sur un signe
^.

de Lorraine, qui siégeait non loin de lui. Le concile, dit-il en substance,


n'avait d'autre objectif que de censurer les erreurs récemment répan-
dues dans le public; or les novateurs ne s'étaient guère préoccupés
de savoir si lesévêques tenaient leur pouvoir de Dieu, de Jésus-
Christ ou de l'Église. Ils avaient simplement nié que ceux qu'ins-
tituait le pape fussent de vrais évêques recevant les leurs de

Jésus-Christ, par suite des abus qu'ils commettaient, eux comme


le pontife. Ils était indispensable de resserrer les liens qui les unis-
saient, au lieu de les relâcher par des objections en pointes d'aiguilles.

Noguera voulut répliquer; mais Simonetta et plusieurs Pères


lui comprendre l'inconvenance qu'il commettait à vouloir
firent

ergoter contre un lieutenant du pape. Le premier le traita d'imperti-


nent au sens italien (qui manque d'à propos), et le président put
tirer la conclusion de son discours les hérétiques s'armeront de la
:

thèse espagnole, pour légitimer les pouvoirs qu'ils confèrent à leurs

pasteurs, sans s'inquiéter du pape. Il revenait à cette idée, en écri-


vant que certains Pères émet-
à saint Pierre Canisius (février 1563),

taient sur Sa Sainteté des opinions plus dignes de Luther que de


fils soumis et respectueux ^.

1. Quae magis ad destruciionem quam ad aedificationem pertinent, Conc. Trident.,


ibid., p. 202. Susta, p. 466-467, Borromée au nonce en Espagne.
2. // bisbeglio s'acquieto, lettre de l'évêque de Vintimille le 4.
3. Quae a Saxonibus citius expeclassemus quam a malris nostrae filiis, Conc.
Trident., p. 203, note 1.
778 I.IV. I.V. ! 'iMI'tISSANCE DU CONCILE

l.f (ardiiiiil dr l.uirainr apiiorta aussi ses Imipiieiirs : il sctail


tt'iiii à l'crarl j)isi|ii'ici.
s«î
prt'jiarant avec ses lliénlo<rieiis ;
il donna
son avis le IcndiMnain •'! déceruhri' rt
par anticipation, dans la rrainte
d'un accès de la {goutte, qui le tracassait souvent. Il emplit toute la i

séance du soir, jtius de deux heures, parla avec la majesté, ré.jo-


(juence et l'iirudit ion (pion attendait de lui, disait niafrnili<|uemcnt

l'évècpie de Modène. L'assemblée {'écouta avec iiin> relif^ieuse atten-


tion, dans le ]dMS jirofond silence, sans manifester le moindre sijçne

d'apjirohal ion on de MAiiie. l,es léf^ats par contre furent tout h fait
bienveillants dans le rap])ort «[n'ils enA oy«'rent h Konie.
Les conseils du cardinal, car il ne pouNail se dispenser d'en donner,
résolvaient, une fois de jdiis. le |irobIème (jui enfiévrait la vie du
concile :
«
L*éi:iscopat est de droit di^ in, j)iiisf[ue tout ce rpii est sur-

naturel vient de Dieu quoi bon se perdre dans des débats qui.
: mais à
Il ne
depuis des semaines, ]»aralysent sans fruits l'assemblée s'agit !

([lie de savoir comment les pouAoir é]'iscopaux se transmettent, nulle-


ment de dis|iuter sur l'autorité (pii les transmet et que déjà leshéré-
«mi brèche. L'h'glisc est une monarchie, non une aris-
ti(}ues battent
tocratie, elle se concentre concile général, «pii tient de Dieu
dans le

son caractère et ses fonctions, mais il ne faut ]ias lui enlever sa tête,
ni rien faire «pii afTaiblisse le ])restigc du pajte ^ Les évêques sont
institués de droit divin, mais il Naiit mieux ne j-as insister là-dessus,
ne pas séjiarer la matière (pie détermine le j ape de la forme que
Dieu a doniiée. >

Finalement cardinal proposa un nou\eau texte du canon sep-


le

tième : iSi quelqu'un dit que les cs'êques ne sont pas institués par Jésus-
Christ dans rh'glise ou que, par la sainte ordination, ils ne sont pas

supérieurs au.r prêtres. Il recommanda fpie plusieurs le huitième canon


Pères avaient déjà ]iro])Osé ]>our rectifier les erreurs j^rotestantes
contre la hiérarchie ecclésiasti([ue (ci-dessus p. 7-^15). Il s'était entendu
à son sujet avec Serij»andi et ses théologiens, ceux-ci jugèrent son

texte acceptable*. Mais Simonetta le combattait avec Paleotto et


les autres canonistes pontificaux : ils a^ aient |.eine h comprendre
fpie des évèdues institués ]
ar .lésus-C.hrist ]>iissent rece\oir leur

1. Au trmoipnajïo dr Vipronli le 6 dôcomhro, Cotic. Trident., p. 20)^ ot notes:

Pallaviriiii, r. vi : confôrf-nces de Lorraine avec Seripandi par l'enlrcmisc do


l'évf^que de Viterbe.
J. Voir le lécil de la di.«cu8.sion qu'en n laissa Seripandi, Susta, p. 99-101,
Iph explications entre Sinionflta et Lorraine, p. IIO-II'J l'.nlI.Tvir ini, I. XIX,
c. vin, § 4.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 779

autorité d'un tiers ! Il en résultait de nouvelles divisions dans le

collège des légats, divisions que ne manqua pas d'aggraver la suscep-


tibilité de Lorraine. Des paroles réciproques malveillantes, mais
d'origine douteuse, colportées de l'un à l'autre amenèrent une exijli-
cation entre Simonetta et le Français; celui-ci ne reprocha ni plus
ni moins au légat que de préparer un schisme (il ne s'en doutait
guère!) et de faire mourir le pape de chagrin. L'évêque de Viterbe
eut encore beaucoup de peine à dissiper ce ressentiment, tant il
était diliicile de conserver quelque ascendant sur cet esprit
mobile.
Les évêques français se montrèrent par ailleurs assez indépendants
dans leur préférence pour le droit divin, et leur chef n'avait pas sur
eux toute l'autorité à laquelle il prétendait. Il suivait avec atten-
tion leurs développements, le menton appuyé sur une main ^, avec
des signes de désapprobation pour certains passages qui lui déplai-
saient. Il alla même plus loin, en quelques circonstances. L'évêque
de Metz, dont celui de Viterbe élevait hautement le savoir au dépens
de son jugement reçut un blâme pour avoir affirmé l'indépendance
'^,

complète des évêques, sur ce motif que les apôtres dont ils sont les
successeurs, ont été choisis par Jésus-Christ, sans en excepter saint
Mathias. Le cardinal de Lorraine en fit des excuses aux légats, si
l'on en croitune confidence que Visconti reçut de Simonetta. Il se
montra d'ailleurs plus réservé à l'égard de l'évêque du Mans, d'An-
gennes, créature de la Reine-Mère celui-ci proposait cependant de
:

compléter le canon septième, en ce sens que les évêques sont


appelés par Jésus-Christ au même titre que les apôtres ils mettait :

les uns et les autres pour ainsi dire sur le pied d'égalité.

L'évêque de Nevers Spifame distinguait, quant à lui, deux sortes


d'évêques, ceux du Christ et ceux du pape. Hosius intervint alors
(7décembre) « Les évêques qui reçoivent l'institution d'ailleurs que
:

du pape ne sont pas des évêques, avança-t-il hardiment. Ainsi je


suis moi-même episcopus Varmiensis de par le Souverain- Pontife
et, si on me contestait cette origine, je me bornerais à répéter que

j'existe par le pape et non autrement^. Voilà le point sur lequel

i. Con la mano sotto la guancia in maniera che pareva che volesse mostrare dispia-
cere di quello che dicevano, Visconti, le 6 décembre; Susta, p. 452.
2. Di grandissima lettera ma de pocho giudizio, Conc. Trident., p. 213, not. 2.
3. Si quis alias mecum de episcopatu meo contendere vellel, nihil aliud opponerem
nisi quod a Suni. Pontif. ad quem episcopos creare spectat, assumptiis sum, Conc.
Trid., t. IX, p. 215.
780 i.iv. i.v. l'impuissance du concile

MOUS (ievuJis insistiT, et imii sur ilrs drt.iils (|iif les lit';rt'li(jiies
ne
roii lest eut pus. "

m; souli'va aucun UKidorit. mais n ciniitclia pas les


I/udiiiuiiitioii

jitMiéruux d'ordre, qui j>arlèreul ensuite, de revenir sur les mêmes


controverses. Le coadjuleur de Cîteaux, .I«''rôme Soucluer, f-xalta
con of^ni pielà et dottrina, la Jm idii^tion sans limite que le jtape exerce
dans le gouvcninnenl de rri<;Iisf. Par contre l'I'^spagnol l'rancès
de Zamora, de !'( )bservance, présenta les évêques comme les \rais

successeurs des apôtres: «Du reste, il


n'y aNail pas à s'inquiéter de
leur juridiction, mais plutôt de la manière dont clic fonctionnait,
ce (]ui ramenait le concile à la réforme et h la résidence. » Il allait

pouvoir s'en occuper sur les instances réitérées des Inqtériaux et


des Français. Les légats en avaient fixé rexamer» au mardi
10 ilécembre, mais le résultat s'annonçait incertain, à longue
échéance, et ils jiriaient le ]iape d'intervenir s'il désirait que la ses-

sion se tînt 17, ou tout au moins {trochainemenl *.


le

Le décret sur le sacrement de l'ordre donnait des esj)érances non


moins incertaines. Sans doute, le 7, le général des jésuites Laynez
terminait les débats })ar un exposé qui faisait avancer la question :

épisco})ale procède de l'autorité du ]>ape, sans (pi'on


La juridiction
«

puisse préciser comment ni déterminer sa connexion avec le droit


divin ; le sacre, comme le caractère sacerdotal, vient sûrement de
lésus-Christ, c'est-à-dire de Dieu : l'un et l'autre sont donc réelle-

ment de droit di\in; le concile néanmoins agirait avec jirudence en


renvoyant aux disputes d'école le mystère des origines de la juri-
diction ecclésiastique, »

En résumé, deux cent-quinze Pères avaient j)arlé, quatorze s'étaient


abstenu pour diverses raisons, mais les opiniojis étaient si com-
])lexes, si embrouillées cpi'il était diilicile de tirer de ce débat un texte
qui fù( l'expression d'une vraie majorité les légats restaient per- ;

plexes, et là encore ils avaient besoin que de Rome vint la lumière.


Pour comble d'infortune, la veille, 6 décembre, ils s'étaient divisés
sur le texte nou\ eau du canon sejitièmc jtrésenlé par le cardinal de
Lorraine. Les canonistes, et des théologiens comme Laynez, lui rej>ro-
chaient de n'être pas assez explicite contre les erreurs contemyto-
raines; leurs défenseurs s'en armeraient sûrement ]iour se ]>asser
du jiayie et s'adresser directement à Dieu dans l'institution de leurs

pasteurs. Bref la commission de sept théologiens et cinq canonistes,

1. Susla, p. 99-100, dépêche du 6 décembre.


CH. IV, l'agitation autour de la résidence 781

chargée d'examiner le texte, se


partagea aussi, les légats firent appel
aux lumières de trois archevêques, impartiaux en la matière, influen-
cés uniquement par les considérations théologiques, ceux d'Otrante,

Reggio de Calabre et Lanciano. Ils prirent d'abord connaissance des

critiques des canonistes officiels et s'adjoignirent encore, comme


auxiliaires, l'archevêque de Rossano et Laynez.
Les uns et les autres se déclarèrent peu satisfaits du texte qui
leur était soumis, en firent une critique serrée, dont l'archevêque
d'Otrante apporta le sommaire au bout de quelques heures, y com-
pris les annotations de Laynez. L'auteur du canon consentit à faire
des retouches, toujours avec le concours de Seripandi, et dressa deux
textes nouveaux. Le travail marcha si vite que, le soir même, les

présidents envoyaient à Rome texte et annotations diverses, en

exprimant l'espoir que les théologiens du pape en tireraient quelque


chose de définitif ^,

Nouvelle délibération sur la résidence.

Pour attendre, le concile revint au devoir de la résidence, dont

l'esquisse sommeillait depuis un mois entre les mains des Pères,


après avoir été passée au crible toute la belle saison, dès le mois
de mai. Le cardinal de Lorraine avait obtenu qu'il y fut apporté
quelques modifications, dans le sens d'une indulgence plus grande :

il fallait atténuer les peines contre les délinquants, admettre plus

facilement leurs excuses ^. En


de compte, un supplément vint
fin

s'ajouter au texte primitif. Les débats commencèrent le 10 décembre;


mais comment en avoir fini pour le 17 ? Les légats jugeaient une
nouvelle prorogation indispensable ^.
Le cardinal français, qui ouvrit la discussion, parce que plus ancien
que Madruzzo, prêcha le devoir de la résidence, le proclama, cela va
de de droit divin; prévit les cas de dispense, d'une manière
soi,
« Le
générale, pour des nécessités religieuses ou politiques pape :

seul en reste juge, à condition que les absences ne se prolongent pas »;


il blâma d'une manière indirecte celles qui se renouvelaient trop

souvent, les séjours trop faciles en cour de Rome, etc.

1. Conc. Trident., p. 218 et notes 2, 3.


2. Pallavicini, 1. XIX, c. vu, § 4; Susta, p. 105, lettre des légats le 10 décembre,
3. Susta, p. 99-100.
782 I IV. l.V. 1. IMPVISSANCE DU CONCILE

Les discussions se poursuis irejit plusieurs jours de suite, toujours


au milieu d'une grande fli\orsité d'avis, avec des h côtés et des
incidents plus ou moins tu marge de la rpiestion. Ai/isi les évêques
du royaunu! de Niiples, à It-nr trte rarclunêrpie d'Otrante, protes-
tèrent contre les entraves (pu- les olliciers du roi d'Ksj.apne in)po-
saienl ji l'exercice de leur jmidiction. en vertu des vieux iirivilèges

moyen Ageux, englobés sous le tilri- Monurchia Sicula ^ D'autres


gémissaient sur les perisions, «iont ils étaient lourdement grevés,
et (pii les réduisaient à la misère, eux déjù jiauvres et comme en

})ays de mission; ils trouvèrent un intercesseur inattendu, le com-


missaire aj^ostolitpie du concile, San h'elice. Ainsi l'archevêque
d'Antivari, Giovanni Hruni, déjà ruiné par les Turcs; l'évcque de
Milite, que les chevaliers eux-mêmes ex|)loitaient, l'évêque d'Arbe
en Dalmatie, Chicosanti et autres se disaient manquer du nécessaire,
par suite des ])ensions (pj'ils j'ayaient ^.
L'archevêipie de Prague rcjirenait sa thèse, f[ue le concile devait
adnu)nester les princes de ne jias entraver la résidence. L'évêque de
Philadelphie redisait les ffiefs de son ordinaire, l'évccpie d'Eichstâtt,
contre le duc de Bavière, (jui emj)êchail l'exercice de ses ])Ouvoirs
sur le territoire ducal, notamment à Munich, sa capitale^. Le même
blâma conditions exorbitantes que les chajiitres de son pays
les

imposaient à leurs candidats dans les élections épiscopalcs. Avec


l'archevêque de Braga, l'assemblée entendit un autre son de cloche :

son diocèse était bien vaste, avec ses deux mille ];aroisses, et dix
visiteurs, venus il ne savait d'où, les }tarcouraient chaque année, mal-

gré lui, (ju'ils invoquaient de Home. lit


en vertu de certaines facultés
})0urtant, soulignait im malin, il se
jirétend évêque de droit divin*.
Quel(|ues définiteurs n'admettaient j>as le décret, pour des motifs

divers, en général ]<arce rpi'il ne répondait pas tout h fait h leur ma-
nière de voir les archevêques d'Otrante et de Grenade, l'évêque de
:

la Gava, Sati. Celui de Bcllune, (liulio Gontarini, par un mouvement


louable de jiieux souvenir envers son oncle le cardinal, émettait l'avis
de substituer à ce texte, insignifiant selon lui, le règlement de réforme
remis à Paul III, il y avait vingt-cinq à trente ans, ]>ar plusieurs car-
dinaux et prélats de la curie, dont cet oncle avait été l'inspirateur *.

1. Conc. Trident., p. 246, 247, 255 et note 3.


2. Voir la liste «lo ces éxètiUfS, ibid., p. 2GI, note 'i.

3. Jbid., p. 257 et note 2.


4. Ibid., p. 261, note 5.
5. Ibid., p. 259-260.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 783

En une semaine, vingt-cinq évêques environ parlèrent à la suite


des patriarches et archevêques, en tout une soixantaine ce n'était :

il s'en faut, le tiers des défxniteurs. On était à la veille


pas, pourtant
de la session, et le décret présent n'avait guère plus avancé que celui
sur le sacrement de l'ordre. Les fêtes de Noël allaient suspendre les

travaux environ trois semaines le pape, dans la conviction que le


:

temps permettrait de résoudre le conflit, qui venait de se compliquer


encore à })ropos du canon septième, conseillait de renvoyer la session
après ces fêtes et ajoutait qu'il serait opportun de laisser tomber
le texte du cardinal de Lorraine, car il n'avait pas le don de }daire

à certains théologiens de Rome, ad alcuno di qui ^.


Les indispositions du premier président se renouvelaient, plus
fréquentes et plus graves; en son absence, les légats, après en avoir
délibéré, confièrent au second, Seripandi, la tâche de préj^arer en
assemblée générale un ajournement indéterminé et qu'il fût possible
de prolonger. Il importait en effet de ne pas jeter le discrédit sur
le concile, de ne pas étaler, par ce quatrième délai, son inipuissance

aux yeux de la chrétienté. Il suffisait de retarder d'une quinzaine


de jours la fixation d'une date, quitte à renouveler le délai, si le
concile ne décidait rien dans l'intervalle. Près de deux cents Pères
n'avaient pas encore parlé sur la résidence, et le bureau serait obligé,

sans nul doute, de recourir encore plusiei'.rs fois au procédé; mais


les circonstances le justifiaient.

Le 16 décembre, Seripandi fit un discours assez long pour un avo-


cat qui plaidait la brièveté. « Les Pères étaient convaincus de la
nécessité de la résidence, comme de corriger les abus qui la compro-
mettaient, mais ceux-ci dépendaient plutôt du pape et des princes :

le synode ne pouvait que les supplier de les faire disparaître, après

avoir arrêté lui-même quelque règlement qui les y aiderait. La com-


mission de cinq prélats désignée en avril pour enquêter sur ces abus
et leurs remèdes, n'avait encore pu déposer son rapport, et force
était de l'attendre. Cependant les Pères ne pouvaient oublier que
leur troupeau soupirait après le retour des pasteurs, comptant

qu'ils résideraient désormais. Ils savaient assez, sans qu'il le leur


dise, qu
-
les fêtes de Pâques étaient la date extrême à laquelle les

fidèles les attendaient, pour les voir à l'œuvre. »

1. Dépêches diverses des 12, 14 et 19 décembre, Susta, p. 109, 115, 132; p. 127,

dans ses instructions à Vi?ccnti (voir plus loin), Mantoue demande encore à
être relevé de sa Icgalion, toujours à cause de sa santé.
784 i.iv. i.v. l'impuissance du concile

Apirs it; (lisi'oiirs, aiis.M insiiiiiiuit ((n il


]M)ii\ait li'
faire, Sori-

|»aii(li [)ro|)osa la motion arr(*t«''o d'nvanrr ; elle fut apjiiiyée par le


cardinal de Lorraine et passa à runaniniitt' : If concile attendrait

justprati .10 d«''ceiid)ro


pour lixcr le terme de la xxm® session; il fal-

lait il tout prix en Unir a\cc la résidence.


Les délibérations n'en furent
jias plus actives, an contraire. Ce jour

même, un des chefs du parti espagnol, l'évèipie de Ségovie sollici-


tait déjà un délai pour terminer son exposé il n'avait pas eu le :

loisirdr préjiarer tous ses arguments. Il ouxrit «-n eiïet la séance


du IS et ne mampia pas de j>artir en guerre contre quchpiiin. Il en
avait cette fois à l'évêipie de Nicosie en Chypre, l'ilippo .Nfocenigo,

tpii a\ait (»sé soutjtnir «pie les défenseurs du droit di\in sé}>araient
rriglise de son chef. c(»mme si, ripostait Avala, cecpii est de droit
divin peut s'opposer au j»ape *.

Le lendemain, l'évérpiede Paris, Lustache du Heliayénumérait |ilu-


sieurs évèques du Moyen Age qui n'aNaient yias résidé. Les exemples
ne niancpiaient pas, mais il eut le tort de faire figurer dans sa liste
un archevè([ue de Prague, ce qui lui attira une vive répli(pie du titu-

qu'on osât manquer de res])ect à son siège.


laire actuel, indigné

Lorsque, le 22 décembre, le concile susjiendit ses travaux, j)our se


consacrer aux dévotions de la Noël, cent seize Pères, un [)eu plus de
la moitié, n'avaient pas encore j)arlé. La trêve allait-elle leur per-
mettre de s'accorder sur un texte ? Les partisans du droit divin
étaient convaincus qu'ils avaient la maj<irité et voulaient en fmir

promi)tement : leurs chefs, les archevêques de Grenade et de


Braga, invoipiaientpour cela la nécessité de résider, puisqu'elle
etc..

primait l'assistance au concile. In tiers parti se dessinait toutefois,


(pii se contentait du décret arrêté dans la session sixième, sous
Paul m. faisant un de\(tir de la résidence et voulait aborder de
suite les empêchements et abus contraires. Mais les commissaires
qui avaient été chargés de l'encpiête, huit mois aujiaravant : le

patriarche de .Jérusalem, les évcques de Rraga, Haguse, Tortose et


Viesti ^, des travailleurs cependant et d'o{)inion assez indépendante,
s'obstinaient à ne pas terminer leurs recherches.
Les légats ne s'accordaient pas eux-mêmes sur ce chapitre; ils

cherchaient un moyen terme et ])enchaient pour l'avis que l'évèque


de Capo d'Istria, l'illustre Stella, émettait le 1G. Dans les instruc-

1. Conc. Trident., p. 271, noie 7: p. 275, note 5; p. 28.3.


2. Ibid., p. 261, note ',.
en. IV. l'agitation autour de la résidence 785

tiens qu'ils remettaient à l'évêque de Vintimille, s'en allant le 27 à


Rome de leur part, ils le prônent comme le grand avocat de leur
cause, magnus rerum nostrarum patronus, c'est-à-dire de celle du pape.
Or, en démontrant que la résidence n'est pas de droit divin, il ajou-
tait que le pape devait l'imposer en vertu de ce droit ^. C'était habile
et pouvait plaire au nouveau tiers parti. Il est vrai que l'opinant
gâtait sa cause par des écarts de parole; les légats les avaient même
dénoncés à Rome
blâmèrent en particulier son attitude provocante
et
à l'égard du cardinal de Lorraine. Il était d'ailleurs le protégé de

Simonetta, son intime au su de tous, et cela lui nuisait auprès des


Pères que ce dernier dénonçait à Rome. Le cardinal continuait à
se défier du légat et s'en plaignait à son mentor, l'évêque de
Viterbe.
L'amendement de Stella perdait encore de sa valeur aux yeux de
plusieurs de ses adhérents, parce que ce fut à son occasion qu'il
offensa le cardinal. L'évêque répéta à deux ou trois reprises dans
son discours. « Ab Aquilone omne malum. Toute la faute vient des

gens du Nord. » Le cardinal prit l'allusion pour lui, comme s'il était

l'instigateur des démêlés qui arrêtait le concile. II eut dès lors en si


peu d'estime la thèse de Stella, qu'il plaisantait avec ses intimes sur
ce qu'il appelait la simplicité d'esprit de son auteur, laissait même
entendre qu'un pareil avocat compromettait la dignité du pape
plus qu'il ne la rehaussait. Ce petit incident défraya plusieurs jours
la correspondance de l'évêque de Viterbe avec Rome, car les
Français en faisaient toujours le principal objet, à commencer par
le cardinal ^. Les légats néanmoins cherchaient la solution des difïi-

cultés pendantes, et non seulement pour la résidence, dans l'appui


des Français. L'évêque de Viterbe ne se bornait plus à calmer la
mauvaise humeur du cardinal^ il
gagnait la confiance des ambas-
:

sadeurs, de du Ferrier dont il faisait l'éloge dans sa correspondance,


et qui, en retour, lui dénonçait confidentiellement les intrigues des

Impériaux auprès d'eux; de Lansac, qui, le 17 décembre, envoyait à


la Reine-mère l'apologie de l'évêque, comme ne cessant de travailler

pour le bien de la monarchie. Il était loin dès lors le temps où, cette

1. Disputavit non esse juris divini residentiam, teneri tamen papam jure divino
mittere episcopos ad residentiam, Susta, p. 122.
2. Quatre lettres, du 17 au 21 décembre, mentionnées dans Pallavicini, c, ix,
§ 7; Susta, ibid. Tacite admoduni Lotharingus subscripturum se hanc sententiam
cum Gallis et Hispanis pollicebatur...
3. Pallavicini, 1. XIX, c. x; Susta, t. ii, p 93, 116, 128
CONCILES. — IX. 26
78ti I.IV. I.V. I. IMPUISSANCE DU CONCILE

uiiiiéeencore, l'évï^que passait pour suspect à lu cour de France,


coinine conlident des Guises !

Le coup de maître, en cette série de combinaisons, vint des légats :

le 15 décembre, le caidii.al liorromce leur mandait ipie le consistoire


de ce jour avait entériné, sur la recommandation expresse de Sa Sain-
teté, la résignation, dejuiis un certain temjjs en suspens, de Parche-
vèché de Sens par le cardinal en faveur de son confident et jiremicr

auxiliaire, révê([ue d'Amiens, Nicolas de Pellcvé. Les légats avaient


nettement j»ris
contribuèrent ]iour une
position en l'afTaire : ils

bonne ])art à surmonter rojtitosition qu'y a]q)ortait le Saint-OfTice de


Rome et, en j.articulier, le grand Impiisiteur, cardinal Alexandrin ^.
Ils firent valoir surtout (jue l*ellevé avait réussi à rétablir l'ortho-

doxie dans son diocèse d'Amiens : rien ne leur conquit autant (jue
ce succès les sym]»atliies du cardinal de Lorraine.
Aussi les négociations devinrent-elles plus actives, plus sinon

heureuses, à Rome et i\ Trente, entre le pape, ses agents Fran- et les

çais. Le 12 décembre, le j)reinier donnait sa réjjonse sur le


canon

se}>tième. rédigé à nouveau et en double texte jiar Lorraine. Morone,


au nom de la congrégation du concile, ])roposait de laisser tomber la
décision, si les Pères ne jiarvepaient ]ias h s'entendre sur un texte,
de l'ajourner en même temjts (jue la session, de les fixer l'une et
l'autre à une date (luelconcpie ^. Le ])remicr jiarti n'était |»lus à

envisager, au ]>oint où Ton en était arrivé, dans l'état d'esj»rit



se trouvait le concile : il voulait en finir, maintenant fju'il avait

ajourné une de plus la session


fois : et les légats cherchaient un autre
terrain d'entente avec le cardinal.
Le retour du président du Fa>ir, le troisième ambassadeur fran-
çais, faisait surgir de nouveaux embarras, car ilapjtortait des exigences
nouvelles de son gouvernement et de l'Itglise gallicane. Il revenait
bien stylé, et moins bien disposé envers le concile que ses collègues.
Iln'avait du reste ([uh rajqieler les instructions que le cardinal de
Lorraine avait a})i>ortées, et dont celui-ci avait jusqu'alors caché les
articles scabreux'^ : certaines réformes et innovations (pii sentaient
le calvinisme; telles que le mariage des prêtres, la liturgie en fran-

1. Ibid., pdssim, stirtout p. 74, 120; Pailavicini, r. x, § 2, s'étend sur cette


matière.
2. Susta, i>. 117; Palla\icini, r. vm, (j 6-7, complète les réponses de Morone.
Voir le sommaire quen donne !•• P. Pmt,
3. t. ii,
p. 19'i-195, surtout le 3*^ et le 4«
articles. Sur la conversation de Lorraine avec les deux légats, Susta, p. 117, 118et
449 (lettre de Visconli, 30 novembre).
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 787

çais (ci-dessus, p. 768). Aussi le cardinal, en annonçant l'arrivée


de du Faur à Seripandi le 12, et peu après à Simonetta, s'efforçait-il
de préparer les voies à quelque démarche insolite. Il conseillait de
pousser rapidement les débats et leur conclusion, de terminer une
réforme complète, avant la mort du pape. Et Seripandi de riposter
que les Français pouvaient y contribuer puissamment, en s'enten-
dant avec Sa Sainteté sur ce qui concernait leur pays et leur Église.
Les ambassadeurs au contraire faisaient mine de vouloir soumettre
eux-même à l'assemblée les requêtes qu'ils jugeaient nécessaires,
et du Faur ne pouvait que
y encourager. Par bonheur, tous les
les

évêques français ne se montraient pas aussi exigeants; ils se ren-


daient compte cependant que la défiance qui les avait accueillis,
et dont ils se plaignaient fort ^, cachait une opposition réelle, qu'au
concile pas plus qu'à Rome ils n'obtiendraient rien de plus qu'un
minimum de concessions. Ils en vinrent ainsi à sacrifier, avec des
articles étranges qu'ils n'osaient avouer, la plupart de ceux esquis-
sés à Poissy. Ils n'insistèrent pas davantage sur l'épouvantail que
leurs ambassadeurs se plaisaient à brandir, la suppression des annates,
tout au moins leur règlement ou leur limitation le cardinal songea-t-il :

sérieusement à soulever le débat ^ ? En tout cas, il perdit toute impor-


tance le gouvernement français le laissa tomber lui-même; il fit
:

rétablir les annates telles quelles par le Conseil royal et le Parlement


de Paris, à l'encontre de l'édit d'Orléans qui les supprimait.
Les Français ne réussirent guère mieux à rédiger les articles de
réforme, que les légats leur avaient demandés, à chacun pour son
Église, dans le but de les soumettre au pape. Le 9 décembre, l'assem-
blée générale des prélats et théologiens français confia ce travail à

quatre évêques ceux de Paris, Amiens, Lavaur et Évreux (Gabriel


:

de Tillières), en leur recommandant d'admettre du Ferrier comme


conseil, de tenir compte des décisions antérieures du concile et de
ses travaux présents. Du
Faur, à son arrivée, ne dut pas faciliter
l'entreprise : elle marcha avec peine et lenteur ^, pendant tout le mois
et les commissaires s'absentèrent tour à tour, prétextant des empê-
chements plus ou moins diplomatiques.

1. Visconti rapporte encore, p. 452, ce propos étrange, qui circulait à travers


le concile et qu'il est inutile d'expliquer: Ab hispana scabie (gale), incidimiis in
morbum galUcum.
2. Susta, p. 105 (les légats, 10 décembre), 114 (Borromée le 9), 463 (nouvelles
de France).
3. Ibid., p. 111 (lettre de Simonetta du 14).
788 L!V. I.V. l'impuissance DU CONCILE

Le cuiilinal de Loirûine prennit toutefois ses avances et, sans


doute pour ronaédier à ces cnibanas, manifestait discrètement
empruntant la |)luine de l'évèque de Viterbe, le désir «jucces articles
fussent ]U)rtés i» Rome par Lodovico Antinori (coinpagn<iii du ]>ré-
lat), <pii a%ait su {j'agiior la confiance du cardiiiaP. Mais le ]»ape
préférait <]ue la commission fut confiée à nu messager de toute
confiance, dont il
]>ùt disi)Oser; ils témoignait ses jiréférences pour
Visconli. 11 lui destinait une mission plus étendue, en cela d'accord
avec les légats : rétablir l'entente entre eux, dissijier les malen-
tendus (]ui venaient de suigir.

Recours des légats à Rome; la mission Viscontl.

Dans la confusion à tra\ ers lacpiellc se traînait le débat sur la rési-


dence, la situation des présidents avait empiré à Home, j»ar suite
de dénonciations contre eux qui partaient du concile : des mal-
veillants incriminaient leur manque d'énergie, leur faiblesse, leur
condescendance envers les o])posants, par suite la longueur sans fin
des débats, rimj)uissance dans laquelle ils avaient jeté l'assemblée
d'aboutir à (pioi que ce fùL, de tenir une session de queltpie impor-
tance. Les derniers incidents, à propos desquels le ])aj)e avait soutenu
ouvertement ceux qui cond)attaient contre les Espagnols pour sa
prérogati\e, n'avaient-ils pas éveillé cbez lui l'impression ])crsistante,
la ])ersuasion que les aux esj»oirs qu'il
légats ne répondaient i)as
avait fondés sur eux, non plus qu'à ceux que nourrissait la chrétienté ?
Ils décidèrent donc de faire justifier leurs actes par un ambassa-
deur qui serait au courant des affaires du concile, qui aurait j>ar
ailleurs assez d'influence, d'habileté et d'expérience pour faire accep-
ter leur aj»ologie. Ils ]iensèrent d'abord à l'évèque de Vintimille «pii,
depuis ]irès de six mois, remplissait à Trente les fonctions de nussus
(Ljtninicus, de corresjtondant ollicieux de la Secrétairerie d'I'Aat,
en même temjis que de conseiller de leur collège. Cette rapide car-
rière, due à la faveur du paj»c. jiersuadait sans peine le i)ull)ic que
Visconti était plus que i)ersonne capable d'assurer le succès du

concile, avec sa prompte conclusion, deux issues après lesquelles

sou])irait la cour romaine.

1. Ibid., j.. 108 (Horroméo le 110 (leUre des iégal.s), 114, 124; détails eomplé-
.').

mentaircs dans rallavicini. 1 XIX, e. >ii, au début surtout.


CH. IV. l'agitation autour de la résidence 789

C'est des légats en effet que serait ^'enue l'initiative de leur apolo-

gie, d'après Pallavicini ^; toutefois nous n'avons plus la dépêche


du 2 décembre, dans laquelle, d'après lui, le pape, accej^tant leur
combinaison, choisissait Visconti entre ceux qu'ils avaient proposés.
Il est certain que, ce jour-là, ils semblaient d'accord, puisque Bor-

romée, supposant que Visconti serai chargé de porter à Rome les


requêtes françaises, lui recommandait de visiter chacun des légats,
de prendre ses instructions personnelles, de façon à pouvoir éclairer
lepape d'une manière détaillée sur la situation du concile. Toute-
fois, trois jours après, le Secrétaire d'Etat laissait les légats libres

d'envoyer les requêtes par Antinori, s'ils jugeaient que le messager


dût passer inaperçu. Il n'était plus question de Visconti.
Au milieu des débats confus sur la résidence, les légats se pronon-
cèrent cependant pour lui, le 14 du même mois de décembre, comme

plus capable de faire connaître suffisamment les maux et les


remèdes Si diletta d'intenderlo bene, cosi verra instrutissimo d'ogni
:

cosa. Et ils se mirent en devoir de lui remettre chacun ses rensei-

gnements, ce qu'il connaissait de la situation et sa manière de

l'apprécier. Mantoue, Seripandi, Simonetta, et même Lorraine, joi-


gnirent leurs constatations à l'exposé général des derniers événe-
ments ^.

Visconti devait quitter Trente avant les solennités de Noël, mais


son départ fut retardé, par la nécessité d'attendre les articles fran-
çais qui ne venaient pas. Le 21, les légats excusaient ce retard,
parce qu'il y avait désaccord entre les évêques qui regimbaient
et les ambassadeurs qui faisaient les maîtres les premiers ne :

cachaient pas leur mécontentement et le cardinal en était atteint


par ricochet. Les uns et les autres s'enfermaient dans de mystérieux
conciliabules Simonetta signalait toutefois des entrevues quoti-
:

diennes entre Français et Impériaux. Les légats se décidèrent à


faire partir leur avocat, sans attendre la fin de ces manèges « Ils :

enverraient plus tard les articles gallicans de réforme par Antinori,


comme convenu de prime abord. »
il était
Les documents que Visconti emporta présentaient un récit com-
plet des derniers événements, en même temps
qu'un exposé exact
de la situation. Les présidents avaient moins à cœur de se justifier

1. L. XIX, c. VII, § 2-3 ;


voir aussi les références déjà mentionnées de Susta,
p. 129 et 108, 110.
2. Susta, p. 121-131; celle de Lorraine pimplement mentionnée à cette date
du \\.
790 i.iv. Lv. l'impuissance du concile

cjuc d'inslruire le i>ujje, j)our cju'il j)iit jut-ndre les mesures j)ruj)res
h. faire a\ancer concile, aboutir iiroinjitement. C'est ainsi
le h. le faire

que le raj)port commun ne jiarlait j)as simjilement de l'assemblée,


mais exposait les conditions politirpies internationales dans lesquelles
elle s'était réunie et se continuait, tandis (jue Seripandi passait en
revue les diverses nations dont elle se comjtosait, leur caractère, leurs

passions, leurs exigences, leurs besoins, exj»Iiqués surtout d'après


leurs idées et leur manière de voir.

L'ni)ologie, dont ces mémoires étaient rol)jectif, se condensait en


trois points. On rej)rochait aux légats d'avoir retardé sans consulter
le jmpe, a\ec la session, le règlement de deux décrets importants,
et cela par le j)rocédé dérisoire de l'ajournement par étajies, qui
laissait tout en suspens. Ils auraient mieux fait d'attendre des ins-
tructions précises. A ce reproche, ils répondaient (ju'ils a\aient cru
interpréter par là plus sûrement les vues de Sa Sainteté, le désir
qu'elle a^ait insinué, de voir le concile prendre fin promj>tement,
parce que de divers côtés on parlait de sa suspension en premier lieu, :

j»armi les Impériaux et les o]i])osants ^. Pour le clore en toute conve-


nance, il fallait faire aboutir les discussions commencées et jiour
cela retarder toute fixation de date, mais à court terme, at;ssi sou-
vent ((ne n'ajqiaraîtrait pas la possibilité do ]>réciser la date d'une
séance de clôture, dans laciuelle seraiejit défijiis à la fois le sacrement
de l'ordre, la résidence et autant que j)0ssible la réforme.
Les légats se réjiandaient en éloges multijiliés du cardinal de Lor-
raine, à rencontre des mauvais rajiports dont il était l'objet il s'en :

affectait j)lus (ju'il ne convenait *. et son mécontentement retombait


sur l'évèque de Viterbc : il cherchait à l'éloigner, de Trente, par

exemjile à lui procurer la mission de Visconti à Rome (14 décembre).


L'apologie faisait valoir l'ascendant dont jouissait le cardinal, les
services qu'il pouvait rendre (et il continuait h s'y déclarer tout

disposé). De lui dépendait, assurait-elle la conclusion tant désirée


du concile.
Et pour réaliser celle-ci, les légats réclamaient, dans un troi-
sième point, des instructions nettes et précises sur les débats en
cours, notamment sur le septième canon, qu'ils rejtrésentaient comme
le point de départ de toutes les dilficultés. Devaient-ils le laisser

1. Cf. par exemple l'entretien de Lorminc avec Seripandi, le 12 décembre


Susta, p. 111.
'2. Confidences à Gvinltieri, l'allavicini, I. XIX, pn.ssini <"t oncorc c. ix, |j 6-7;
Lorraine contre Gualtieri, Susla, ibid., t. ni, p. 103.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 791

tomber, comme le leur conseillaient tant de donneurs d'avis, même


de Rome ? C'était risquer une rupture avec les Espagnols, une dis-
solution probable du concile. Fallait-il suspendre le débat sur la
résidence ? Il y avait si longtemps
que cette question passionnait
les Pères, depuis les débuts de l'assemblée, pouvaient-ils dire. Si les
Français s'avisaient de soulever des problèmes préjudiciables à
l'autorité du pape, il faudrait arrêter leurs motions,
risquer par
conséquent un orage de plus, que provoquerait la fameuse formule
propojientibus legatis ^.

En sa qualité de premier président, Mantoue abordait un certain


nombre de détails à régler sans retard et qui intéressaient le concile

plus ou moins directement. Le plus important était d'envoyer Hosius


saluer l'eaipereur (qui venait de s'installer à Innsbruck, sur l'autre
versant des Alpes), afin de régler d'un commun accord les difficultés
pendantes. Mesure d'autant plus indispensable que le cardinal
de Lorraine se proposait d'y aller aussi; il ne faisait doute pour
personne que ses intrigues seraient gênantes pour le concile. Ne
recommandait-il pas au pape dans les confidences qu'il confiait à
Visconti, de venir s'installer à Bologne, pour être plus près du con-
cile,et ce rapprochement devait correspondre, estimait-il ,
à celui
de l'empereur.
Visconti quitta Trente le 27 décembre, voyagea en poste accélé-
rée, à travers les Alpes et l'Apennin couverts de neige, et atteignit
Rome le 1^^ janvier, couvrant en cinq jours une distance de près de
cent lieues, dont une bonne part en montagnes. 11 commença ses
négociations en pleines solennités de Noël Le pape était pressé !

d'en finir, le Sacré-Collège et toute


encore plus la santé de
la curie :

Pie IV inspirait des alarmes de plus en plus vives et l'on n'ignorait

pas, non plus qu'à Trente, que les ambassadeurs, ici comme là,
étoffaient leurs intrigues avec l'éventualité du prochain conclave,
et cela depuis un certain temps; ils avaient même fini par faire
croire que le danger était imminent ^.

1. Sommaire dans Pallavicini, c. ix, § 2-5.


2. Cf. les confidences de Lansac à Musotti le 26 octobre, Susta, t. m, p. 408 et
aussi 37.
792 LIV. LV. l'impuissance DU CONCILE

Les travaux de la nouvelle année et la réforme française.

Le concile continuait à se débattre dans riiniMiissance, contre une


sorte d'obstruction dr la part des oiijiosanls. L«' 'JH décembre, il
reprenait le drbat sur la résidence, au milieu des solennités, et le len-
demain, en vertu de la décision ])rise (piinze jours au])araNant, il
devait ajourner la date de la session. Il a^ait ]tu axancer les travaux
dans rinter\ aile :
Afantouc, qui ]irésidail, s'abstint d'intervenir, et
ce fut encore Seripandi (jui assuma la res])onsabilitc de renvoyer la
fixation de cette date à (piinze jours; ])Our la cinquième fois, la
.\xiM^ session s'évanouissait atix yeux du concile. La proposition
fut adoptée à une grande majorité.
L'archevêque de Grenade aurait manr[ué à la tactique de roj)])Osi-
tion, s'il n'a\ait ]>as fait traîner l'ordre du jour, sous ]>rétexte de
l'amender. Seripandi a\ait avoué fpi'ilsnepouvaieiit]>révoirle jour où
la discussion en cours prendrait fin, beaucouj) de Pères ayant encore
à donner leur a^is. L'archevêque en argua que l'assemblée ferait
bien de sinqilificr du tout au tout la méthode sui\ie jusqu'ici, par
exemple en se ))artageant en sections, comme aAait fait

«[uel<[ue temps celle de Paul III. Ce n'était jtas tout h fait le classe-

ment en nations, (jue Lorraine j)rùnait à son arrivée, mais Paul III
a\ait témoigné trop de défiance envers un système (jui ra])}te-
lait assez les errements des synodes du xv® siècle; aussi le système
eut-il peu de succès ([uatre évêques seulement se jrononcèrent
:

pour neuf autres s'abstinrent. L'archevêque insistait néan-


lui et
moins sur son ])etit effet. « Nous ferions mieux de nous dlsj>erser,
ajouta-t-il, que de poursuivre des débats qui n'aboutissent h rien;
nos églises réclanu>nt leurs pasteurs a\ ec inqiatience ^. »
.Nfanifestation jturement platoni<pie, il ne tarda j>as à s'en ajjer-
cevoir l'évêque de iHJnfkirchcn, fpii ]iarla ensuite, renqdit toute la
:

séance avec un double vote, car il en déj»osa un second, et par écrit sur
le bureau, dont il à son maître. Il parla de
envoya un exemplaire
la résidence en des termes très
]>récis, assai diligentamente, au témoi-
gnage de l'archevêque de Zara et il fut écouté a%ec une attention

1. Con.'Kullnt.'^ csstl ni dimitlererniir m'crti ad nostras Hcclesias politisquam ut


hic nuinramm absqur tilla ejrpeditione (allusion au congé qu'on attendait du pape),
Cône. Trident., t. ix, p. 295.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 793

que nous pourrions appeler respectueuse, malgré la longueur de son

exposé ^, de Sa
parce qu'il était le porte parole Majesté impériale.
Il critiqua à fond le projet des commissaires et démontra lui aussi

que la résidence était de droit divin et qu'elle devait se définir séance


tenante. Dans l'envoi qu'il adressait à son maître, il
signait : De
Votre Majesté le dévoué chapelain ^.
Les votes, ajournés au 2 janvier 1563, se poursuivirent les jours
suivants, à raison de six à dix pour chaque journée. Un certain
nomhre de Pères, soucieux d'économiser le temps, donnèrent leur
avis par écrit, le lurent ou le remirent au secrétaire. Les Français
commencèrent le 3, avec l'évêque de Nîmes BernardodelBene, Floren-
tin naturalisé français par la grâce de Catherine dcMédicis. Ce fut une
monotone uniformité d'opinions, se traînant à la suite des Espagnols;
elles tenaient en général pour le droit divin, et le prestige de Lorraine
faisait défiler une série d'évêques inconnus, comme ceux de Vence,
Comminges, Senez, Vabres, qui ne pouvaient guère apporter d'opi-
nion originale ni accentuée.
Ce même jour 3 janvier, un événement sensationnel rompit la
monotonie de ce défilé. Les trois ambassadeurs français vinrent en
corps et, d'après un cérémonial convenu, présenter au collège des
légats, au nom de leur roi, dont le jeune âge méritait tous égards
(ils a. aient soin de le rappeler chaque fois que l'assemblée faisait
mine de toucher à de réforme;
ses prérogatives), trente-quatre articles
ils en donnèrent lecture, après s'être gracieusement excusés de la

liberté qu'ils prenaient ^. « Ils avaient attendu assez longtemps,


mais leur souverain était pressé et il
y allait monar-
du salut de la

chie; elle avait hâte de ramener à la vérité les brebis égarées. » Et

ils prièrent les légats de soumettre incontinent au concile ces moyens


de salut.
Les légats n'étaient pas pris au dépourvu, puisqu'ils s'occupaient
depuis un certain temps d'envoyer ces requêtes à Rome. Le car-
dinal de Lorraine et l'évêque de Viterbe avaient même décidé entre
eux deux que ce dernier se chargerait de la commission, et il se
préparait à partir. Les articles couraient d'ailleurs sous le couvert
dans les milieux conciliaires, et les légats en connaissaient trente
copies au moins qui circulaient. Ils se plaignirent à bon droit de ces

1. Le double texte, l'écrit et le débité, ibid., p. 295-302.


2. Fi'islii /taceilanus.
3. Pallavirini, c. xi, en entier, d'après la dépêche des légats du lendemain,
Susta, p. 142-145.
794 I.IV. i.v. l'impuissance du concile

iiiCDi ri'clions et. le Ifmli'iiiaui, St'rijiandi et Siiiioiietta eiitrej'iiiejit

en leur nom le cardinal, après la congrégation générale « Les conve-:

jiances exigeaient «jue le j>a{)e j»rit d'abord connaissance de ces


articles, or il avait déconseillé ^en^ oi de l'évcrpie de Viterbc comme
intempestif.
Le cardinal joua la stiprisc, a\ec un radiuement de courtoisie et
d'amabilité^ « Plusieurs de ces articles lui
:
dé]ilaisaient, et il sau-
rait \o dire en temj^s et lieu. Il excusa les ambassadeurs sur ce (jue
le conseil du roi les a\iiil
mis au pied du mur. Hien n'emj.èchait
les légats de prendre leur temps pour transmettre cette es<|uisse

à lÎKuie. I!ii attendant, il ferait son jiossible, sur leur demande

pour arrêter cette di\ulpation. Cela ne dépeiîdaii jias


exjtresse,
uniquement de lui en effet, ]iarmi les jtrélats. qui en a^aient con-
:

naissance, y a\ait nombre d'Italiens, cjui a\aient ])ris l'initiative


il

d'en réclamer comnninication, sous ])rétexte de censurer certains


de ces articles, cpi'ils prétendaient exorbitants, sans être surs de
leur existence. Eux aussi, avaient besoin qu'on leur jirêchàt la dis-

crétion. » Le cardinal assura en conclusion (ju'ils étaient venus,


eux l'rançais, ]iour faciliter, accélérer le travail du concile : tout se

passerait donc il en

prendrait les moyens — à l'entière satisfac-
tion de Sa Sainteté.
Les légats consentirent à expédier le 6 janvier, sous leur jiropre
resj)onsabilité, Gualtieri a\cc le précieux dépôt, dans l'espoir que,
ajqtuyé par Visconti, il ferait accejtter les demandes sans trop de ]»eine.
Elles furent, dans l'interAalIe. examinées jiar une commission
d'évêques que présidait l'arcbevcque d'Otrante, et à laquelle se
joignirent les canonistes des légats. Les prélats français se prêtèrent
de bonne grAce à la censure et acceptèrent d'éliminer de ce jirogramme
de réforme ce qui trahissait trop le gallican, et en premier lieu la
sujiériorité du concile sur le pape. Ils aAaient même fait écarter

déji\, disaient-ils, une incidente,


sjiécifiant ({u'aucune autorité ne
serait admise à dispenser des règlements arrêtés en concile.
Les articles furent jugés moins dangereux que le supjiosait le
public: mais tous n'étaient ]>as op]iortuns, et ils introduisaient trop
d'innovations dans la discipline de l'Eglise pour ]»ouvoir être appli-
qués sans préj)aration. Les gallicans avaient abandonné le mariage
des prêtres, et le premier article sjiécifiait que désormais ne seraient

1. y on SI potriii dire con quanta dolcczza, aniore^'olezza e prudcnza S lllma


Sria vi rispondcsxe, ihid., p. 143, rt le «liscours de Lorraine à la suite.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 795

ordonnées que des personnes âgées, au moins pour l'épiscopat, et

capables de garder la continence Avec l'instruction suffisante,


! le

projet requérait des bénéficiers à charge d'âmes de sérieuses capa-


cités intellectuelles et morales, la dignité et l'honnêteté de vie;
ils devaient instruire
les peuples, administrer les sacrements d'une

manière Les réformateurs ne manquaient pas de solliciter la


suivie.

suppression des provisions, regrès, résignations de bénéfices, une


limitation précise des dispenses, et dans les procès ecclésiastiques, la

disparition des possessoire, petitoire et autres complications qu'y


apportait la curie romaine. Les chanoines devaient résider et rem-
plir convenablement leurs fonctions. Tout cela était couronné par
la requête, déjà si souvent renouvelée, de la tenue annuelle des
synodes diocésains provinciaux tous les trois ans ^.
et des conciles

Pendant que Gualtieri courait à Rome (où il était attendu en


réalité), muni des recommandations de Lorraine, y faisait valoir
de son mieux les services que celui-ci avait l'intention de rendre à
l'Église romaine, aussi bien qu'à l'Église universelle, les Pères conti-
nuaient de parler de tout à propos de la résidence; s'en prenaient
encore aux pouvoirs temporels qui, par tant de procédés, accapa-
raient la juridiction épiscopale. Ainsi, pour le royaume de Naples,
une des bonnes têtes de l'opposition, l'évêque d'Alife, renouvelait
ses récriminations contre les officiers du
d'Espagne, puis défen-
roi

dait le droit divin avec apreté qu'il provoqua du tumulte


une telle :

les Pères commençaient à s'agiter, à tousser, à .gronder ^. Lansac,


qui avait le monopole des traits d'esprit, se pencha vers un évêque
du voisinage et lui murmura
à l'oreille en espagnol « C'est étonnant
:

comme ce droit divin échauffe les tempéraments et les met en


fièvre^!»
Les autres évêques surent conserver un ton plus digne et plus
réservé. Celui d'Aemona (Città nova) en Frioul, Matteo Priuli, invo-

quait en faveur du même droit divin le témoignage du cardinal


Pôle, qui, pendant de longues années, avait été lié à sa famille. Celui
de Knin consacrait à cette thèse un discours étudié, un peu prolixe*.
Ce fut surtout l'ambassadeur polonais, Valentin Herborth, qui

1. Renseignements complémentaires dans Susta, p. 145 instructions de :

Lorraine à l'évêque de Viterbe.


2. Comenciarono di tozar et di escubrir, Journal de l'évêque de Salamanque
Mendoza, Conc. Trident., t. n, p. 669.
3. Cosa maravillosa es ver el catnrro que cria este jus divinum, ibid.
4. Elegantcr et meditata oratione sed prolixe. Conc, t. ix, p. 351, note 3.
79G IIV. I.V. I 'iMlMTISSANCF DU CONCILE

donna le Ion d'une discussion réservée, digne, siiniahlc, en un mot


toute dif loinali([U(', au ténioi{jnagc dr rarrlievêijUf di- /.;ira '.

Les Italiens se montraient parfois intf)Iérants eux aussi. L'cvêque


de l'arnie. Alcssandro Sforza, (|ue nous avons cité déjà, clerr de la
Cliainbre, un
j>cu ])ortc-(>aroIe des curiaux. j'reiiait leur défense,
le 7 jan\ier, parce cpie certains Pères les malnienai(;nt \olontiers et
les traitaient assez ca\ alièrement. Quel<jues-uns même s'en faisaient

une gloriole et de se modérer, autrement il se


ré\r(pie les ])riait

verrait contraint réjtondre du tac au tac, de régler des querelles


d(;

de j)ersonnes, au lieu de traiter des affaires puhlicpies. Il fit sa sf>rlie


en jeune homme, salis jin'enilifcr. selon ré\ètpie de Verdun, Nicolas
Psaume, mais se soumit, selon la formule consacrée, lui et ce qu'il
venait de dire au jugement de l'assemblée^.
Ces escarmouches n'étaient pas jmur raffermir la concorde, ni
simplifier les débats. Le 12 néanmoins, il ne restait jilus que onze
à douze Pères h jarler sur la résidence. Les débats furent suspendus
trois jours singulier jirocédé j)Our accélérer la date d'une session.
:

C'est (pi'on attendait de Rome une solution avec des réponses


diverses. Visconti ne devait ])as tarder à revenir, apjtorlant la pre-
mière.

Le point de vue romain sur la primauté et l'opposition gallicane.

Le lendemain ce])end.'iiit . un exj>rès de Borromée apportait imc


réponse sur deux canons projiosés par Lorraine
les les rapports :

entre les évcques; le pape Pie IV avait voulu la discu-


les prêtres,

ter et la dresser lui-même avec ses théologiens. Il n'indi<piait ({ue

quelques \ariantes au canon septième sur l'institution et la supé-


riorité des évcques, et en envoyait trois rédactions, en manifestant
ses préférer' ces pour la première^, dont lesensétaitquelesévèques sont
ajqielés 1 ar le jiape in pnrtcm sollicitudinis siiae et établis par IT'isiirit
Saint ]>fiui gouverner l'Mplise de Dieu. A pro]>os du canon huitième,
qui dérmissait la su])ériorité du j'aj'C. il désirait que le concile y

1. I^lnlln ^rrlilmmli' et prurimtrmftilr, ibiri., p. 339, noto 1.

2. Oni
elin/n islos liriws jialrcs ijut tam afivrlt tntnucilia.i cuni ciirinlibti excreerê

profitrniur ut miliu<< a^unt et non non cnntiinultis et injurii* afftriant, quia opu$,
eisrt re.sf'oiiflpro...^ ffcjrf. ,
p. 329 e1 note 2.

3. l'iill.TMr ini, I. XIX, c. XII, § lO-l'i. La dépérhc de Borromée du K» dang


Susta, \).
1(j2.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 797

insérât, enmême temps qu'au corps de doctrine, un passage emprunté


au concile de Florence et dans lequel le souverain pontife est défini
père, pasteur et docteur de tous les chrétiens, ayant reçu de Jésus-
Christ plenam potestatem regendi, pascendi et gubernandi Ecclesiam
universaleni.
Le cardinal de Lorraine recevait en même temps une lettre des
théologiens du pape, qui discutait son point de vue et établissait leur
opinion; en même temps Borromée .invitait son confrère à mettre
en œuvre toute son influence, qui était grande — avait-il soin d'ajou-
ter —à faire adopter promptement les nouveaux textes. Il le priait
de seconder les légats, qui recevraient là-dessus des instances encore

plus vives, à faire aboutir une session bien remplie, en compensa-


tion du temps perdu; d'y établir a^ant tout un règlement pratique
sur l'observation de la résidence, sans se préoccuper du principe, du
moment que ce dernier point soulevait tant de controverses. L'impor-
tant était de tenir la session, dût-elle sacrifier ce décret et même le

canon septième, Pères ne s'entendaient pas au moins sur la


si les

seconde formule, qui définissait que Jésus-Christ avait établi l'épisco-


pat dans l'Église. 11 fallait en toute hypothèse maintenir le canon
huitième, ou bien ajourner la session jusqu'en avril.
Ces changements avaient pour but de supprimer le titre de vicaires
de Jésus-Christ, que Lorraine attribuait aux évêques, selon la théorie

gallicane, qui les définissait aussi successeurs des apôtres. Les théolo-
giens de Rome faisaient remarquer que, d'après ijne de leurs écoles,
saint Pierre avait été institué seul évêque par Jésus-Christ et qu'il
avait ensuite institué lui-même les autres apôtres : l'assemblée
devait donc se borner à définir que le Sauveur avait institué l'ordre

épiscopal, non les


évêques.
Ces observations furent remises sans retard à une commission de
pères, théologiens et canonistes; les archevêques d'Otrante, Rossano,
Lanciano, Tarente; évêques de Brescia, Parme, Orvieto, Mo-
les

dène, etc., qui s'occupaient du sacrement de l'ordre, sous la prési-


dence du second légat, avec le concours des consulteurs du bureau :

Buoncompagni, Paleotto, Castelli, Laynez. Le 11 janvier, ils avaient


dressé un nouveau texte, le canon septième restant en suspens. Le 14,

Seripaiidi discuta le texte romain de ce dernier avec les deux cardinaux


du concile. Le Français, dans son amour-propre d'auteur, apporta
des réserves graves, telle que la suppression de la formule in partem
solliciiudinis universalis Ecclesiae, qui semblait faire des évêques les
vicaires du pape; il subordonnait son adhésion à son entente avec
798 LIV. I.V. l.'iMI riSSANCE DU CONCILE

ses corupatriotes. Le mrinc jour, Palcotto renlrejuenait encore, et


par ordre des légats, retouchait le texte d'après ces conférences; rem-

j)lavant. par exen»j>le, le mot vocali ]>ar electi (à Summo Pnnlifîce),

qui inar(|iiait le rôle du ])ape ]>lus de précision. avec


La bonne volonté <pic témoignait le cardinal Lorraine se heurtait
à la résistance des évèijues gallicans, aux ubjedions (ju'ils ne cessaient
de soulever. Le 1<>, les légats mandaient à Home que cette rédaction

de Paleotto, leur dernière jdanclie de salut, se renvoyait comme une


balle d'un ])arti ;\ l'autre, et ])Ourtant, si le concile ne la maintenait ])as,
il devait s'attendre aux ]»ires épreuves ^. Les théologiens gallicans,

dont évèques déj)eiidaient trop, ne se décidaient i>as à reconnaître


les

les formules in partent sollicitudinis suae et plennm poleslatem regcndi,

(jui ruinaient leur doctrine de la supériorité


du concile sur le ])ape.
Ils objectaient <}ue le concile de Florence, auquel elles étaient

empruntées, n'était i)as reconnu en IVance comme œcuménique.


Ils en restaient à celui de IJAle. ]»ar égard ]iour la Sorbonne, <{ui en

faisait son autorité principale. Elle leur itn])Osait cette distinction,


assez bizarre, (jue le pape régit tojites les Églises comme tous les

j>ris un à un, distributii'e, et non dans


mais
fidèles, leur ensemble,
Ces docteurs, })Our garantir l'enseignement de VAIma mater
coUeclii'e.

acceptaient de remplacer le mot vocali par assumpti. Mais ils


menaçaient de se retirer, si le décret en préparation ne les satisfai-

saitpas ])our tout le reste.


Les léiiats recoururent à une derjiière consultation de leurs con-
seillers ordinaires, et leur soumirent les dillicultés, ({ue Lorraine
venait de rédiger par écrit, le IG, au nombre de quatre ^. Les
docteurs pontificaux accordaient ([ue le ])a]ie fût \'icaire suprême
et pas seulement vicaire; à la rigueur, ([ue les évè(iues ])ussent gou-
verner excommunier, être les supérieurs des prêtres et pas seule-
et

ment au-dessus d'eux, mais se refusaient à su]»i)rimer les deux for-


mules contestées. Dans une conférence avec Ilosius et Simonetta,
Lorraine avait confessé son imjiuissance; il en renouvela l'aveu,
lorscpie les légats lui remirent les concessions su]>rêmes. Ceux-ci
résolurent, comme dernière ressource, de faire intervenir Lansac.
L'ambassadeur ne pouvait leur apjiorter cpi'un faible concours,
car ses deux collègues entretenaient toute une agitation et annulaient

1. Récit «lis négociations de ces jours mémorables, d'après le journal de S«ri-


pandi, Susta, p. 166 sq cf. Prat, longue note, ibid., t. ii, p. 221.
:

2. Pallavicini, c. xui, § 3.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 799

son influence, si petite qu'elle fût. N'étaient-ils pas excités encore par
les réclamations dont leurs clercs les obsédaient ? Ils assistaient à des

conciliabules fréquents entre évêqueset théologiens; et le mot d'ordre


venait des douze docteurs de Sorbonne qui semblent avoir reçu
mission de défendre les prérogatives du souverain avec les libertés

de l'Église gallicane, celles-là servant de fondement à celles-ci.


Retranchés derrière leur doctrine de la supériorité du concile sur le
pape, ils travaillaient à prévenir les compromis, les divisions dans
leur parti. Ils gagnèrent Espagnols à leur cause et ressuscitèrent
les

la controverse sur le droit divin de la résidence. Le faire proclamer,


c'était garantir l'indépendance de la juridiction épiscopale à l'égard
de Rome, et de cette indépendance il était possible de conclure que
l'épiscopat, pris dans son ensemble, était au-dessus de son chef.
Les coalisés comptaient sur le concours des cardinaux de Lorraine
et Madruzzo, que les légats faisaient juges du conflit.

Le dernier examen de la résidence et l'offensive gallicane du


cardinal de Lorraine.

Le 12 janvier, ceux-ci remettaient au premier une esquisse de


décret, rédigée par Seripandi etPaleotto, pour qu'ill'annotât pendant
que poursuivait l'examen en congrégation générale. Survint
se
l'avis de Rome, d'avoir à conclure promptement, afin d'avancer la
session. Impossible en réalité de prévoir la date de celle-ci les tra- :

vaux préparatoiresétaient trop peu avancés et la prudence ordonnait


d'attendre que Visconti et l'évêque de Viterbe eussent apporté les
réponses que le bureau avait sollicitées de Rome. Le système des
ajournements allait se poursuivre et maintenir le provisoire.
Le 13 janvier, le cardinal de Mantoue prit la parole : il ne voulait
pas fatiguer par des redites l'attention des Pères, mais force lui était
de constater que, depuis quatre mois, c'est-à-dire depuis la xxii® ses-
sion (17 septembre), le concile avait piétiné sur place, à la confusion
de ses membres; ils avaient de ce fait, plus ou moins consciemment,
comproiTiis leur honneur, engagé leur responsabilité. «Le débat sur la
résidence touchait à sa fin et le moment était venu de choisir les
commissaires qui transformeraient en un décret les critiques et anno-
tations des séances courantes. » L'assemblée s'en remit du choix
aux présidents, mais la formalité fut remise à plus tard.
Le premier légat rappela ensuite aux Pères qu'ils avaient à fixer
800 MV. I.V. I 'iMII'ISSANCE DU CONCILE

la ilate de mais il était assez dillifile de la jirévoir à ce


la session,

moiiiont ; donc d'ajourner la détrisioji au 4 février. Le


il consoilla

j)a]>e lui-inèinc ne i)ouvait deniandtîr davantage, car ses actes et


ses déniarches allaient moins vite (|ue ses résolutions, et surtout

que ses paroles.


Le cardinal de Lorraine prit ensuite la ])aroIe et avertit le concile
qu'il avaitù examiner quantité de matériaux formant un vaste ]»ro-
gramme de réformes il ferait hien de terminer rapidement ce
:
qu'il
avaitcommencé sur le sacrement de l'ordre et sur la résidence : « II

était j\ souhaiter que la session eût lieu dans leplus bref délai; dans
la suite il serait bon d'alterner les travaux : tour h tour le sacrement
de mariage et la réforme. Ainsi les théologiens inférieurs discuteraient
le i>remier point le matin, et le soir les Pères vaqueraient à la réforme.
Avec ce partage des attributions, ils ne perdraient pas de temj)S en
discussiojis stériles ^!
Le renvoi proposé grande majorité. Il n'y eut que
fut admis h >inc

quehpies réserves l'évccpie de liudua en Dalmatie, Antonio Ciurelia,


:

seul refusa son placet en termes d'im jiittoresciue tout clérical :

« Je ne suis ni
prophète ni fils de pro]thète, dit -il, mais je suis con-
vaincu ipie la date de la session ne sera ]>as ])lus assurée le ^i février

que maintenant. Il m'est donc impossible d'a]>]»rou\ cr Son Émi-


nence le légat. »
L'ordre du jour reprit ensuite le débat sur la résidence; le senti-
ment à peu près général était mairitenant qu'il fallait en finir au ])lu8

vite, et les avis se succédèrent rapidement. L'évèque d'Urvieto,

Sebas»iano Vanzi, défenseur convaincu du droit jtajtal, combattit


l'origine divine des évcqucs dans une argumentation vigoureuse,
qui plut h Simonetta, et celui-ci envoyait sor! mémoire à Home avec
un C(!rtificat d'orthodoxie. « Personne n'a mieux traité la matière, »
:

mandait-il ".

Le 18, les généraux d'ordres terminèrent la discussion, Les ]>rési-


dents avaient réservé la séance du lendemain à Laynez ils comp- :

taient qu'il iiorterait le dernier couj» aux adversaires de la préro-

gative ])ontificale, mais la résidence lui im])ortait assez i>eu, et il


s'e.xcusa sur une indis]>osition. Kn réalité, lui et le j)ère Salmeron ne
tenaient j»as beaucoup à s'attirer la malveillance redoutable des

1. In gitisa che il tempo non fcsar coruiomaio in iant raggionamenti. Cône.


Trident, p. .3.')7 «•! Lettre de l'évèque de Mudènc le 18.
note 1.

2. Un locrato m^jflio di tiUti la nuUrrin, ibid., p. 358, note 6.


CH, IV. l'agitation autour de la résidence 801

Espagnols, en donnant à fond. Quelques jours auparavant, ils fai-


saient remettre à la Seerétairerie d'État un mémoire dans lequel
ils recommandaient larequête renouvelée plusieurs fois par les
Espagnols et
par les opposants la faculté de disposer toute l'année
:

des bénéfices que la curie accaparait jusque-là pendant six mois,


sous la rubrique les mois réservés ^. Les deux pères y joignaient des
conseils sur la marche du concile, pour en accélérer [serrure) la

conclusion : il ne semble pas que Rome leur ait donné réponse; ils

avaient par contre reçu, ainsi que plusieurs partisans de la ca'.ise


romaine (nostri aniorevoli) une monition d'avoir à ménager la per-
,

sonne de Lorraine, au moins quand ils parlaient en public. Laynez


en avait pris quelque ombrage '^.

Dans la même séance du 18, Mantoue déclara qu'il s'en remettait


aux deux cardinaux pour le choix des commissaires qui dresseraient
le nouveau décret. Ils s'excusèrent d'abord sur la lourde responsabi-

litéqui leur était imposée ils se mettaient néanmoins à la disposi-


:

tion de l'assemblée. Puis Madruzzo abandonna cette charge à son

collègue et, le même jour, celui-ci désigna d'une manière assez impar-
tiale six
archevêques et huit évêques, un nombre suffisant pour assurer
l'ampleur des débats et leur résultat. A côté de ses partisans, les

prélats de Grenade, Braga, Fûnfkirchen, Verdun, prirent Orange et

place ceux de Rossano, Otrante, Lanciano, Aquilée, Viesti, défen-


seurs résolus de la prérogative romaine. Les deux partis s'équili-
braient par nombre comme })ar le savoir. Les a'iitres commissaires,
le

les évêques de Tortosa, Lerida, Mbdène, Sinigaglia, plus indéjjen-


dants, pouvaient toutefois faire pencher la balance dans un sens
ou dans mais plutôt du côté de l'épisco] at, par exemple les
l'autre,

évêques espagnols et celui de Modène.


Les commissaires se mirent aussitôt à l'œuvre sur les notes que
le secrétaire avait condensées, d'après les derniers débats. Elles se
résumaient de la manière suivante le texte soumis à deux cent trois
:

Pères avait été accepté par cent quatorze, quelques uns sous la réserve
additis censiiris contre les infractions; les autres se conteiitaient du

préce}'te de la résidence promulgué sous Paul III, en la vi^ session.

Une majorité de cent vingt-cinq Pères rejetait l'obligation de rési-


dence imposée sous peine de éché mortel il était difficile en effet de
\
:

1. Sommaire du mémoire dans Susta. p. 138-139. TI fut expédié le 31 décembre


(p. 137). Cette requête revient souvent dans les annales du concile.
2. Ibid., p. 151 (BoiTomée le 30-31), p. 154-155 (les légats le 7 janvier).
802 LIV. LV. l/lMI'UISSANCE DU CONCILE

fixer la durée de non résidence pouvant entraîner une faute grave. Les
dcfinitcurs (pii réclamaient une déclaration du ]irinci|>e, n'étaient r{ue

soixante-sept contre cincpianle-trois et ([ualre-\ ingt-lroisabstentions.


Le concile pouvait donc laisser tomber cet embarras, le jilus grand,
illcsa\:iit mainJenanl p;ir expérience, ipi'il eut rencontré jusfpi'ici^.
Le cardinal de Lorraijie jiensait autrement influencé peut-être
:

)>ar la campagne que ses comjjatriotes menaient en faveur de la


su|)Criorité du concile, il tira des notes du secrétaire, jointes à celles

que lui remit Paleotto. et jirésenta aux connnissaires une ébauche

qui en dilTérait du tout au tout ])ar le fond. Paleotto avait appelé


à son aide l'évèfpie de Nicastro. un autre ardent défenseur des
doctrines romaines "; le cardinal juit le contrejiried de ce qu'ils
prétendaient soutenir: il définissait queles devoirs des évêques, dont
il donnait toute une énumération, leur étaient imposés par Dieu;
c'était ujie manière détournée d'en déclarer le princi])e. Les Italiens
et les curiaux eurent vite faitde relever l'équivoque.
Dans la séance où la commission aborda l'examen du jir^tjet,

rarche\ê(pie d'Dtrantc ouvrit le feu et incrimina lu longueur d'une


énumération <]ui lui semblait inutile :« Le nouveau décret allait à
rencontre de celui que les légats avaient ])résenté, et aussi des inten-
tions de la majorité elle s'était prononcée contre toute déclaration
:

du })rincipe. » Lorraine soutint qu'au contraire elle était en faveur


du droit divin et fit a]>])el au tableau dressé }»ar le secrétaire. Celui-ci
établit que cinquante-deux Pères, quart au ])lus. avaient o])inéle

en ce sens. Le cardinal se fùcha, accusa .Massarelli de ])artialité,

sollicita et obtint ])lus tard l'adjonction d'aide-secrétaires non ita-

liens. Le choix tomba sur l'évcque de Verdun ^.

L'archevêque ]»crsista néanmoins à réclamer la sujtjtression. au


])réambulc du texte nouveau, du ])assage quorum regere et pascere
est jure divino. Celui de Grenade, l'alliée de Lorraine, intervint alors,

protestant avec feu et, dans l'entraînement de son éloquence, sou-


tint que nier l'origine divine des fonctions éj^iscopales était com-
mettre une hérésie. L'archevêque d'Otrante se déclara bon catho-
lique (piand même, somma les deux cardinaux jtrésidents de prendre
sa défense, autrement il saurait se défendre lui-même. Guerrero
explicpia sa ]>ensée : on ])ouvait soutenir une hérésie sans être héré-

1. Ces chiffres, Conc., t. ix, p. 361 sq.


Ce qui
2. suit, Coiic. Trident., p. 367 et la longue note 7 (lettre de l'éTêque de
Moilène du 25), Pnllavicini, c. xiv, en entier.
3. 11 est déjà en fonction fin janvier, Conc., ibid.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 803

tique dénoncé par l'Église, Son adversaire ne se contenta pas de


ce distinguo spécieux, et il ne reparut plus aux séances de la com-
mission, jusqu'à ce que les légats intervinrent et lui firent, sous
l'apparence d'excuses, un devoir d'y reprendre ])lace.
La majorité semblait pencher néanmoins du côté du cardinal de Lor-
raine, et l'archevêque de Lanciano hésitait lui-même, tout Romain

qu'il se fût montré jusque là. Le 24, le décret fut adopté, avec les
réserves de celui arrêté sous Paul III, qui permettait une absence
de six mois consécutifs. Les autres légats se résignèrent à requérir
l'approbation de Rome, mais Simonetta veillait, fidèle sentinelle de
l'orthodoxie il refusa de signer la lettre d'envoi, et tout fut remis
:

en question, au grand désespoir du cardinal français. Néanmoins il


consentit, sur le conseil des canonistes romains qui furent requis
en la circonstance, et après deux jours de négociations, à suppri-
mer dans préambule de son décret les termes assistera et divinitus
le

collatum. Les évêques français, soutenus par les Espagnols, l'obli-

gèrent à maintenir les deux autres termes regere et pascere, parce


qu'ils supposaient chez évêques une juridiction immédiate, qui
les

ne dépendait du pape que par la détermination des circonstances ^.


Les légats s'elTorçaient de leur faire admettre la plénitude de
l'autorité papale sur l'Eglise universelle l'ambassadeur portugais
:

Mascarenhas venait à leur secours et faisait rédiger par ses théolo-


giens Paiva et Cornelio un mémoire en se sens ^, Pour comble de
confusion, les canonistes romains étaient loin de s'accorder sur le
détail des formules. Les évêques de Viesti et Niscastro avouaient

que texte de Lorraine ne préjudiciait pas aux prérogatives (aile


le

cose) de Rome et les légats continuaient à le patronner. Ils l'avaient


communiqué avix ambassadeurs, en les priant défaire cesser l'opposi-
tion des Français ;
ils ne firent pas un
mais, en dehors du Portugais,
mouvement les
Impériaux
: ne s'occupaient que des réformes que
leur souverain ne cessait de réclamer.
Le 24 janvier, les trois Français vinrent en corps représenter aux
légats qu'ils avaient ordre formel de respecter en tout la liberté
et la conscience de leurs prélats. Malgré le désir qu'ils avaient, eux

représentants du Roi très chrétien, de la paix, de la concorde et de

1. Cf. les dépêches des légats, etc., des 2.5-26 janvier, Susta, p. 178-182, qui

complètent les références ci-dessus: voir encore p. 185 (le 28). Ce dernier passage
prouve que le projet de Lorraine fut expédié quand même, sans la signature
de Simonetta.
2. Ibid., p. 186 et 493-494,
804 LIV. LV. L IMPUISSANCE DU CONCILE

l'union, ils ne pouvaient les contraindie de sacrifier la juridiction


cpiscoj)alc aux ]irirogati\ es du Saint Siège. Ils ])riaient en même
tein])s les légats d'éviter tont ce qui serait j)ro|)re à mécontenter
les deux partis en présence. Du l'errier, ])renant ensuite la jiarole,
à titre de théologien de ri'iglise gallicane, rappela que les écoles
de leur pays, à la suite des conciles de Hâle et de Constance, ensei-
gnaient sans réserve la supériorité du concile sur le pape; ilsa^aient
ordre île ne j)as soulever cette tlièsc, mais aussi de ne pas admettre
que le concile insérât dans ses décrets la moindre expression con-
traire au sentiment uiianime dos l'ran« ais.

Lt>s légats ripostèrent (\\\r.


leur de\oir était de faire triompher
la suprême aut«»rité du ne permettraient rien qui pût
j^ape. et ({u'ils
rairail)Iii. ni atténuer par ronséqiient sa supériorité sur le concile,
dont il était la tête. Seripandi prit ensuite la peine d'apprendre

à du Ferrier (jue les conciles (ju'il citait n'avaient rien d'o'cuménique,


du moins en ce (pii concernait la définition alléguée contre le aj»c. j

« Celui de Constance a^ait simj>lement jiroclanié la sujtériorité de

ri'lglise enseignante sur trois a]>es douteux, les a^ait ensuite dé])0-
]

sés jtour en élire un quatrième, avec le concours des cardinaux ])ré-


sents. et alors seulement il était devenu concile général, grAce h la

présence de Martin V. Le synode de Bâle s'était mis en révolte contre


le a e
]
le vrai concile était alors celui de Ferrare, convoqué et
:

présidé jiar Eugène IV, transféré ensuite par lui à Florence. »


La conférence di]ilomatique tournait en cours d'histoire ou de
théologie positive, mais les amhassadeurs ne pouvaient trahir plus
clairement leur collusion avec les évêques français ils n'étaient :

nullement jtortés à la conciliation; loin de désavouer ceux-ci, ^arce

qu'ils rejetaient l'autorité du concile de Florence, ils ])enchaient

j)lutê»t à désavouer leur cardinal. En tout cas, ils déclarèrent que


leurs négociations n'avaient aucun rapport avec les siennes, et qu'ils

ne faisaient (ju'exécuter leurs instructions, sans avoir à se soucier de


ses agissements. Celui-ci n'était d'ailleurs ]ias tellement con^ erti au
progi anime romain, malgré ses concessions ap])arentes et, le 28 jan-

vier, il écri\ait à son agent de Rome, avec mission de comnuinicjuer


ses lettres au Saint-Père : il
jiriait Sa Sainteté de renoncer à une
définition de foi nouvelle, (pii lui créerait inutilement des embarras
avec les I^glises nationales ^.

1. l'iillavicini, r. xvi, § 6-9, complété par la longue citation de Trat, p. 224;

Susta, p. 2»)4, corrige le Plat qui date cette lettre du 14 janvier.


CH. IV. l'agitation autour de la résidence 805

A de ce mois de janvier, la situation du concile, et en parti-


la fin

culier des légats, était des plus compliquées et les Français en tiraient

largement parti, jusqu'à en abuser. Les premiers mettaient tout leur


espoir dans l'intervention du comte de Luna, que Philippe II avait
destiné, depuis des mois, comme ambassadeur au concile; il saurait
réduire les ])rélats espagnols à plus de docilité, le Catholique l'avait
presque promis. Le comte s'attardait cependant à Augsbourg, où
ilse laissait amuser par l'empereur et retenir sous divers })rétextes.
Le 9 janvier, les légats lui dépêchaient l'avocat consistorial Lan-
cellotti pour le prier de venir incontinent. Or,
messager le 23, le

de retour annonçait que le comte était résolu de ne pas bouger,


tant que les légats ne lui auraient pas assuré la première place au
concile, après les ambassadeurs impériaux. Il envoyait cependant
le Navarrais MartinGatzelu, secrétaire du roi, qui avait reçu
mission de l'accompagner lui-même, au besoin, de le contrôler
Gatzelu, arrivé le même jour (29 janvier), s'enferma dans une
attitude expectante peu soucieux d'admonester les évêques espa-
:

gnols, il les abandonna tout à fait à eux-mêmes ^. En qualité


d'exécuteur testamentaire de Charles-Quint et de confident du roi
d'Espagne, il ne se soucia d'abord que d'entretenir d'autres conflits
de préséance entre théologiens français et espagnols (ci-dessous
p. 822-823). Son supérieur immédiat dut le rappeler
à l'ordre: l'ardeur
combattive de l'archevêque de Grenade, loin de se modérer comme
Philippe II l'avait promis, emportait maintenant ses ambassadeurs.

Quel est le premier monarque de la chrétienté,


celui de France, ou celui d'Espagne?

La dispute entre agents diplomatiques devait son origine loin-


taine à Philippe II lui-même, qui revendiquait partout la première

place après l'empereur, comme roi de toutes les Esjagnes


et héritier

de Charles-Quint. réclama pareillement au concile de Trente.


Il la

De temps immémorial, ce privilège revenait au roi de France, que


le Moyen Age estimait déjà, du jour surtout où le pape le qualifia

de Roi très chrétien, le premier souverain de la chrétienté en sa qua-


lité d'héritier de saint Louis, de Charlemagne et de Clovis. La diffi-

1. Susta, ibid., p. 177, 200, 206, 209, 210, 222. Sur laititude de ce personnage.
qL Pallavicini, 1. XX, c. m, § 3.
80G I.IV. i.v. l'impuissance du concile

culte ne s'était pas présentée du ternjts de Charles-()uint, ses ambas-


sadeurs étant à la fois ceux de l'empereur et du roi d'Esj)agne et,
la France avait occuj)é sans conteste la première place ù Prente,

sous Paul III. Les instructions <pi'avait rerucs Lansac lui ordonnaient
formellement de revendinuer celte môme place ou de se retirer. Le
conilit fut évité tout d'abord, jtarce ([uel'ambassadeur d'Esjiagne,
le mar(|uis de Pescara, s'abstint de paraître, et son agent Pagnano
se borna aux protestations d'usage. Lorsque le Catholique résolut
de remi)lacer Pcscara, (jue ses fonctions retenaient à .Milan, par le
comte de Luna ^, il hésita longtenqts à lui faire rejoindre son poste.
Pour tourner la dilliculté, il s'entendit avec l'empereur, celui-ci
consentant à nommer le comte son ambassadeur au conciJt La cour .

de France y mit aussi de la bonne volonté, essaya un instant de substi-


tuer à Lansac un évcque, .Morvilliers, d'drléans, (pii aurait précédé
le comte,
simple laïc. Ces combinaisons j)lus ou moins sérieuses
n'eurent pas de suite; de jiarl et d'autre, on se rendait compte
toutefois que la dignité royale exigeait à tout prix une solution et
les deux partis mirent le pape et les légats en demeure de régler le
conflit.
Sur l'ordre de Pie IV, ceux-ci présentèrent à Lansac, dès le
mois de novembre, deux combinaisons (jui le mettaient sur le même
pied que le comte dans les séances et cérémonies ^. Aux instances
(lu jtremier président, les Français opj)osèrent leur arme favorite :

il ne leur convenait ])as de sacrifier rien des droits d'un souverain


en bas Age. C'était le diminuer au regard de ses ancêtres que d'éle-

ver d'Fsi)agne à sa hauteur, et ils réclamèrent le maintien du


le roi

protocole. Ils acceptèrent toutefois de délibérer avec le cardinal


de Lorraine, puis, le soir même, répondirent ne rien pouvoir céder.
L'alTaire en resta là; de son côté le comte signifia ]iar le messager
Lancellotti, en janvier, qu'il ne viendrait à Trente qu'avec la certi-
tude d'occu])er la place «pie tenait en ce moment Lansac, au milieu
des ambassadeurs ecclésiastiques peu lui importait ce (ju'écrivait
:

son maître, (ju'il se souciait ]ieu de mesquins détails de \anité'.


De leur côté, les Français menaçaient de partir : les légats firent
appel à la médiation des autres ambassadeurs. Le cardinal de Lor-

1. Voir pour rc qui suit la lonj^f note tl<» Constant, La Ugation de Mororu,
p. 139-1 'lO.

Susta, p. 90-92 (le 30 novembre); Pallavicini, 1. XIX, c. ^, § 5; xv,


2. § 2.
I\on i'uole che ai atia au i puntigli ne su quesle sottigliczze chiamate dallei
3. (sic)
fanila, Susta. p. 176 (le 23 janvier).
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 807

raine se tenait tout à fait sur la réserve, sous prétexte que l'évêque
d'Orléans allait être nommé ambassadeur. Il s'en départit le 28 jan-
vier, et donna une réponse négative, toujours embusquée
lui aussi

derrière les mêmes convenances. Les légats s'arrêtèrent à une cote


mal taillée ils proposèrent aux ambassadeurs français de ne paraître
:

qu'aux congrégations générales ils obtiendraient du comte qu'il n'y


:

vînt pas. Restaient les sessions et les cérémonies, au sujet desquelles


rien ne fut décidé en l'absence de l'Espagnol. L'incident se calma
pour le moment, puis rebondit plus obsédant que jamais.

Toujours l'offensive gallicane.

Les Français cherchaient un autre terrain d'offensive ils fermaient :

l'oreille à toutes les instances de l'ambassadeur portugais, qui, pen-

dant trois jours, leur prêcha la conciliation sur le principe de- droit
divin. Le 3i ambassadeurs se présentèrent ensemble
janvier, les trois
chez les légats et réclamèrent l'adoption du décret sur la résidence,
que leur cardinal avait fait accepter par la commission. Ils préten-
daient intervenir en son nom et au nom de Madruzzo. En réalité,
ils n'agissaient qu'au nom
des gallicans; ceux-ci, c'est-à-dire les
docteurs de Sorbonne, s'entêtaient à rejeter le texte du concile de
Florence, bien qu'étayé sur le premier concile de. Lyon. Ils n'admet-
taient pas que le pape fut reconnu rector uniçersalis Ecclesiae et les

évêques simplement vocati in partem soïlicitundinis suae ^.


Après avoir répondu en termes généraux, qu'ils feraient ce qu'ils
croiraient être de leur devoir, les présidents se rendirent ensemble
chez Lorraine et s'efforcèrent de lui démontrer que son décret ris-
quait de ne pas avoir la majorité, à cause de l'opposition italienne. Le
cardinal joua la surprise et l'indignation; les légats jugèrent bon de
ne pas insister. Le lendemain, ils envoyèrent les évêques de Lan-
ciano et Sinigaglia proposer à chacun des deux cardinaux de sou-
mettre à la congrégation générale leur décret en même temps que
le primitif. Les Pères auraient huit jours pour décider; et le bureau
retarderait la session le temps nécessaire pour qu'ils adoptent, dans

l'intervalle, les sixpremiers canons.


La démarche n'eut aucun succès, et les légats convoquèrent les

1. Conc. Trident., passim, p. 369, note 1 371, note 1 (lettres de


;
l'archevêque de
Corinthe au cardinal Farnèse) Pallavicini, c. xvi, § 4-5.
;
808 i LIV. I.V. I.'lMI'LISSANCE DU CONCILE

deux cardinnux le soir de ce nirme jour, \^ février. Lorraine jiarut


caliiM'. alTaltlc : il maintint son opposition aux termes regere univer-
salcin Ecclesmm, jniis il
conininniipia In lettre <|iril a\ail écrite au
^
pa])e les derniers jours, accompagnant l'apologie confiée à son secré-
taire Merton. ('/était une véritable profession do foi, tprii soumettait
cei)<M)daiit en tout humilité à l'atitorité de l'I'lglise enseignante. l£Ile

procède d'ailleurs surtout par négations. « Il ne peut admettre que les


évéques ne soient pas vicaires de Jésus-Christ, et que celui-ci n'ait
institué év('(]uc les autres apôtres. L'Uni-
que saint Pierre, et non
versité de Paris lui a enseigné concile général est supérieur que le

ati jiape, et il no peut moins faire que de défendre cette doctrine,

vn (ils soumis do sa Afèrc éducatrice. Jamais un évècpie de France


n'admettra la déclaration du concile de l'inronro sur In |
ri«ôn»inence
du pape. »

Le retour de Visconti et les directives du pape.

II assura par ailleurs les légats que ses lettres n'avaient d'autre
but que de ]»ersuader le ])ontife de faire quehpic concession ]io«ir la

jiaix. \Ln réalité, il arrivait troji tard. Home avait arrêté les décisions

qu'attendaient les présidents, ils les tenaient depuis le 29 janvier,

l'évcque de Vintimille. I^iJles confirmaient et com-


apjiortées ])ar
])létaicnt les instructions que Horromée avait envoyées à diverses
reprises, pendant ce même mois de janvier, et Pie IV, tout en

pré])arant \ isconti îi cette mission décisive, ]»renait ]>lusieurs


arrangements (\u'\ avaient pour objet d'en assurer le succès, de
ramoner la concorde, la bonne entente entre les divers partis de
l'assemblée, de raïqirochor les nations cl leurs chefs, Ciuerrero,
Lorraine et les Italiens: d'assurer le succès du travail, ot avant tout
une prompte conclusion des débats.
Il
comptait sur les bons oITices du Roi catholitpio cl de ses agents
iiTrente les prélats esjtagnols, surtout rarchevê(jue de Circnade,
:

avec leur intransigeance toute castillane, avaient besoin d'être

rappelés à l'ordre, l'our le cardinal de Lorraine, la tactique diffé-


rait (lu tout au tout : l'amadouer par dos caresses et l'amener à
rendre services qui feraient aboutir le concile. Ses plaintes et
les

récriminations arrivant à Home de tous côtés, le ])ape lui avait écrit

1 Ci-d««ssu9, p. 800 et note 1.


CH. IV. L AGITATION AUTOUR DE LA RÉSIDENCE 809

de sa propre main, le 30 décembre, que c'était peine inutile de se préoc-


cuper de critiques qui, trop souvent et de partout, n'épargnaient
pas plus le chef de l'Eglise que le dernier de ses serviteurs. La meilleure
manière d'y répondre était de s'appliquer à toujours faire mieux
pour le bien général de l'Église, et celui de la France en particulier ^.
Le secrétaire Berton, que Lorraine avait chargé de le justifier,
ne craignait pas de forcer la note, et insinuait peut-être que les légats
avaient une part de responsabilité dans les griefs du cardinal. Pie IV
leur communiqua la lettre qu'il écrivait à celui-ci, en ajoutant que
ces plaintes, répandues partout, avaient pour origine ce fait que les

légats ne tenaient pas compte de la personne et des avis du Fran-


çais. La volonté du Saint-Père était qu'ils lui fissent la part la plus

large possible dans leurs délibérations, et qu'ils lui communiquassent


toutes les affaires, comme à l'un d'entre eux.
Tout cela était dit sur un ton qui n'excluait pas le reproche :

les légats le comprirent ainsi, et ils ne furent pas peu étonnés, car,
s'ilsavaient tenu le cardinal jusque-là plutôt à distance, ils
avaient toujours blâmé, combattu même avec énergie les jugements
malveillants qu'ils entendaient exprimer contre lui, soit à Trente
soit à Rome. Ils répondirent le 7 janvier par une véritable apologie,
qui un peu d'amertume à travers leur étonnement
laissait percer :

« Ils n'avaient jamais eu que bonne opinion du cardinal, ne lui avaient

la défiance et l'avaient défendu, en toute occasion


pas témoigné de :

ilsn'avaient donc pas à changer leur attitude pour l'avenir. » Et ils


s'en remettaient pour le tout au cardinal Borromée, qui était au
courant mieux que personne.
Pie IV allait plus loin et semblait entrer dans les vues du cardi-
nal, qui lui conseillait de s'installer à Bologne, pour suivre de près les
travaux du concile et correspondre promptement avec l'empereur,
Il avait été question plusieurs fois de ce
qui résidait à Innsbruck.
rapprochement, dans la correspondance entre les deux souverains;
mais le pape se trouvait-il en état d'entreprendre ce voyage, de
résider à Bologne plus ou moins longtemps, y était-il disposé ? on
ne sait Il voyait en cette affaire surtout une combinaison, dont il
!

serait possible de tirer quelque avantage.


En même temps qu'il semonçait les légats (7 janvier),
Pie IV

1. Pallaviciai, c. xn, § 8-9, etc. Le 25 janvier, Lorraine se répandait encore en

récriminations, parce que les légats n'admettaient pas le décret sur la résidence,
qu'il avait fait adopter la veille par la commission, Susta, p. 178-179.
810 LIV. LV. Ll.MIL' ISS AN en DU CONCILE

confiait au preniicr |»résidenl soji dessein de se déjdacer sous j>eu *.


A ce moment toutefois, se dessinait une coalition pour faire admettre
au jirogramme de réforme de remjtereur, et les I^Vançais
coiirih' If

essayaient de glisser à travers le tout une discussion de potestate


papac et concilii. (jui.
si elle ne fixait pas leurs ra])|»orts mutuels,
amènerait le l'ontife à pronuilguer iiiif 1»m1Ic
pour sa réforme. Celui-ci

parait l'attaque, en réclamant l'apjiui du duc de Florence au})rè8


de ses éviMpies, cpii alTeclaient riiidéprtidancc le moment n'était :

donc pas venu ]»our lui de se jeter dans la nu'lée. l)u reste le cardinal
de Mantoue déconseillait une démarche, cpii ris<piait de comjtromettre
le prestige et la dignité du Saint-Siège. Il dépeignait, sous des
couleurs sans doute exagérées, la confusion et le désordre qui
régnaient dans l'assemblée le i)ontife aurait-il lui-même assez
:

d'inlluencc ])0ur faire aboutir une décision


? Il était jiréférable de

temjioriser, d'envoyer à rem])ereur un dij>lomatc entendu, fpii


saurait le faire patienter, Commendone ou même Hosius. Le cardi-
nal de Lorraine jiarlait de se rendre à la cour imjtériale pour compli-
menter Ferdinand de sa venue à Innsbruek: le concile ne pouvait
moins que d'y envoyer quelqu'un dans le même but.
faire
Visconti reprit le 26 janvier le chemin de Trente, emportant une
décision ])our chacune des didicultés ]»cndantcs opposer d'abord :

le décret de b'iorence sur la sujirématie pontificale au ])rétendu droit

di\ in (pii garantissait rindéi'cndance de léjiiscojiat. La tradition et


la prati(pie de tous les siècles établissaient cpic le ]ta]>e a\ait tou-
jours exercé sans conteste le jtouvoir de gouverner l'Église univer-
selle. Pie IV consentait toutefois ii ce que l'assemblée remplaçât, dans

le texte h discuter, les jiar Dei gregem,


termes universalem Ecclesiam
ou (pi'elle y
quelques modifications
fit ]»eu inqiortantes. mais sans
j>ortcr atteinte h cette universalité, car elle devait être sauvegardée
avant tout contre les héréti(|ues. Si ces expédients n'avaient pas
l'approbation de la majorité, les légats laisseraient tomber les
points en litige : le droit divin des évcques et le principe de la

résidence, se bornant à faire définir ceux (|iii


n'étaient pas con-
testés : les six premiers canons sur le sacrenient de l'ordre et le

décret cjui obligeait h la résidence, ]iuis attendre (jue l'ajiaisement


fut revenu au concile. En luiil cas, ils dexaient veillera ce que
l'autorité pontificale ne fût en rien lésée ^.

1. Susta,p. 157; sur l'oiTensivc de l'opposition à celte date, p. 155-6.


2. Los iiistructioii.o cou fiées à Visconti de vive voix il ne
reçut ripn d'écrit

— sont analysées par Pallavicini, c, xv, §3-6et se trouvent dans Susta, p. 188-193.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 811

Dans des lettres à part, le pape, voulant répondre à l'apologie


du 7 janvier, témoignait aux légats sa satisfactionpour leur conduite
et les engageait à continuer. Ils n'avaient qu'à préparer de leur mieux
une session bien remplie; il leur laissait toute latitude d'en régler les
matières et la date. Gualtieri porterait bientôt des réponses satis-
faisantes aux articles français de réforme; ils n'avaient
pas encore
été suffisamment examinés. Bref, les légats ne devaient d'aucune
manière laisser mettre en question leur droit exclusif de fixer l'ordre
du jour, selon la formule canonique Proponentibus legatis, d'autant
plus qu'elle garantissait en même temps la prérogative pon-
tificale.

Visconti apportait aussi des avances et des faveurs pour chacun


des légats et pour j^lusieurs membres du concile, pour Mantoue
et Lorraine en particulier. Le pape ne se contentait pas d'accorder
au premier le chapeau de cardinal qu'il sollicitait pour son neveu
Federigo, jeune homm.e de dix-huit ans, dont la promotion ne se
justifiait que par le souci déplaire à l'oncle, en même temps qu'à la
famille. Elle avait été annoncée le 7 janvier, en réponse à une der-
nière instance du premier président. Celui-ci avait fait remettre une
fois de plus sa démission par Visconti, la justifiant sur son état de

santé : la goutte dont il souffrait s'était exaspérée avec les épreuves


du climat, de l'hiver, les travaux et les contrariétés du concile. Il

désirait être relevé, du moins en avril, de toutes ses fonctions, même


de celles de cardinal; il voulait se consacrer entièrement à son dio-
cèse de Mantoue. Le pape répondit par son refus habituel il avait :

besoin des services du légat jusqu'à la conclusion du concile, et ne


pouvait en prévoir la date. Et il atténuait le mauvais effet de son
refus par des faveurs accordées aux amis et jDrotégés du cardinal.
Lorraine lui-même ne fut pas oublié et reçut des bénéfices, comme
Gluny et Marmoutiers, avec une bonne partie des subsides en argent
que ses souverains sollicitaient contre les révoltés huguenots. Quant
à se transporter à Bologne, Sa Sainteté en délibérerait avec ses
conseillers. Pie IV attachait plus d'importance à la mission d'Hosius
ou de Gommendone à Innsbruck, et la recommandait.

L'offensive des coalisés se dessine à propos de la session.

Le 29 janvier, Visconti arrivait et commençait aussitôt la mise


en œuvre des directives pontificales. Les légats entreprirent en même
812 I.IV. l.\ . I. I.MIL ISSA.Nt.l-: DU CONCILE

ttMU|»s les démarches i|iii


ilevaieiit mettre fin h leurs embarras ^. Le
4 février ajiproohail, date à laquelle devait être arrêtée celle de la

xxiH*' session, ef ne convenait pas <|u'cllc se dilTcrût davantage.


il

Le 2, ils tinrent un conseil secret avec leurs consulteurs curianx, et


décidèrent de fî.ver la session au jeudi d'après (^uasimodo, 22 avril.
Ilsadoptèrent le programme récemment suggéré par le cardinal de
Lorraine ils reprendraient la prati(fue de tenir deux conférences
:

par jitur : le matin, les théologiens discuteraient le sacrement de

niariage et, le soir, les Itères corrigeraient les abus de celui de


l'ordre; ce serait aborder indirectement la réforme.
Le soir même, les légats transmirent leur résolution aux ambassa-
deurs, pour qu'ils y préparent leurs évêqucs, en n'essayant |)as
du moins de les pousser à une obstructions quelconque. Les l'ran-
vais renouvelèrent leur tacli([ue. inélange de cari'sses et d'intimida-
tions : ils félicitaient les présidents de reprendre un débat (celui sur
la résidence), qui n'avait été discuté sérieusement, ni par les théolo-
giens ni par les Pères (c'était leur chc\ al de bataille). Le concile aurait
aussi le temjis, ajoutaient-ils, de j)réj)arer un règlement sérieux de
réforme, et ils offraient leurs services, potir le moment où les légats
mettraient à l'ordre du jour les articles français de réforme; ils leur
faciliteraient la tâche, en écartant les cas scabreux autant qu'ils le

pourraient !
charge deux jours après ^, précisèrent
Ils revinrent à la

leur point de vue et demandèrent que tous leurs articles fussent sou-
mis sans exception à l'assemblée. Devant cette mise en demeure,
les légats n'avaient qu'à gagner du temjts, et ils réservaient leur

réponse, qu'ils transmirent plus tard au i-ardinal de Lorraine: « Ils

ac voyaient contraints d'attendre le retour de ré\ cque de Viterbe,


avec les annotations que les théologiens romains devaient joindre
à ces articles. •

expédiaient en même temps à ceux-ci les corrections (pie leurs


Ils

proi>res canonistes y avaient apportées, en les })renant un à un '.


Ils ne mancpièrent aux exigences des Fran-
|)as d'ailleurs d'oj)poser

çais le règlement qu'ils ^enaient d'emprunter à Lorraine et, le soir


même, en remerciant le pape des instr\ictions ajq)ortées jtar \ isconti,
ils le priaient de leur
signifier dans un bref ou d'une autre manière

1.
Dépèclio nu r.-ir<linal lîorromri' le 2 fcviior. Susla, y. 'iSS. 't95 et les négocia-
tions avec le rardinnl de Lurraiiw, p. 49.')-496.
'2. II S'-inblo
que l'audieiicc racontée par Palla\i<iiii, c. xvi, § 11, rlifTère de
celle rpu- les légals placent au 4 février. Stista, p. 205-206.
3. Elles 8ont de Paleolto; extrait!) dans Susta, ibid., L ni, p. 201-203.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 813

officielle, que le concile eût à renouveler le décret de Florence ou


bien laissât tomber débat entier, par amour de la paix et de la
le

concorde. Le pape garda bien de procéder en cette forme impéra-


se

tive et, le 13 février, il maintenait les termes universalem Ecclesiam

gubernandi, comme répondant à la tradition constante ^.


Ces précautions prises, les légats convoquèrent une assemblée
générale le 3 février, la seconde depuis le 18 janvier. A la précédente,
tenue le 31, ils s'étaient contentés d'admettre l'ambassadeur du
duc de Savoie, l'évêque d'Aoste Marcantonio Bobba; il prit immé-
diatement place parmi les évêques-ambassadeurs et à son rang de
promotion, avant les laïcs, épargnant ainsi aux légats un conflit
de préséance déplus. C'était d'ailleurs un personnage instruit, modéré,
d'expérience et de bon conseil, ayant la confiance de son souverain ;

il rendit au concile des services qui contribuèrent à le faire nommer

cardinal deux ans plus tard.


La séance du 3 février fut consacrée à la confirmation de l'ajour-
nement fixé la veille par les légats. Le président n'eut qu'à rappeler
que rien n'était prêt « Le synode ne pouvait donner une fois de plus
:

à la chrétienté le scandale d'une session vide. Il devait aboutir vite :

c'était le but après lequel soupiraient, aussi bien que pape le et

son entourage, les Pères désireux de fuir une contrée bien incommode.

Comment y parvenir, avec les discussions interminables et les disser-


tations à perte de vue auxquelles ils se livraient, et encore plus les

théologiens ? ^. » Après avoir établi l'ordre du jour en partie double,


Mantoue rappela que règlement ne permettait pas à chacun de
le

parler plus d'une demi- heure de suite et qu'il s'imposait aux défini-
teurs aussi bien qu'aux théologiens « Le secrétaire dresserait chaque
:

jour un sommaire des votes, en appelant à son aide des auxiliaires


non italiens (comme il le faisait déjà pour l'évêque de Verdun).
Il au moyen de ces états abrégés; les
faciliterait ainsi le travail,
décrets seraient amendés au fur et à mesure, chaque jour, et la
session pourrait être avancée, dès que ces décrets seraient prêts,
c'est-à-dire ceux de la résidence et du sacrement de l'ordre. »

ne parlait pas de réforme; mais Lorraine sut bien rappeler ce


Il

point délicat dans un discours empreint de piété et d'édification


.

Il accepta la date proposée, tout en regrettant qu'elle fût si loin-

1. Ibid., p. 227.
2. Quot dies ponant in disputationibus theologi et quot a patribus in dicendis
senteniiis, Conc. Trident., p. 376.
3. Du moins d'après le sommaire de Pallavicini, c. xvi, § 12; Conc, p. 376-377.
814 Liv. i.v. l'impuissance du concile

« Le texte sur la résidence


taijic :
tju'il avait dressé depuis dix jours
n'avait pas encore été présciité aux Pères; ils n'avaient même pas

désigné des commissaires ])Our examiner son dernier projet sur le


sacrement de l'ordre. Tous ces retards étaient au détriment de
riOglise enseignante et scandalisaient les laïcs, car ils attendaient
que le clergé se réformât lui-même, jiour travailler plus efTicace-
ment h la réforme générale. » Il ne craignit pas de s'en j)rendre aux

légats, semMant les accuser de ces retards, mais en termes généraux;


il
allajus(pi'à jn étendre que, s'ils a\ aient soumis son texte à l'assem-

blée, elle l'aurait accej)té; et la session aurait pu avoir lieu dès


le lendemain, c'est-^-dire au jour fixé *.

C'était une ofîensive combinée d'avance, car l'archevêque de


Pragjie vint à la rescousse avec jilus de hauteur et d'intransigeance :

il
exigeait (pion ne s'occupAt ])lus que de discijjlinc, jiour élaborer
une réforme sérieuse, radicale, jusqu'au gros œuvre, aile mure,
selon les termes de l'archevêques de Corinthe ^. L'ambassadeur

imjtérial bhlmait les ])rorogations multij)liées les derniers mois, et


n'en admettait [)lus qu'une de trois semaines, car les décrets en
chantier ji'avaient besoin, selon lui, que de quelques retouches. Il

partageait l'avis de l'archevêque de Braga, qui avait réclanié de


même, sur un ton assez ])laisant et ironique, la promjite conclusion
de ce qui était commencé pour que le concile le définît en session,
et se consacrât ensuite tout entier à la réforme, aux abus des sacre-
ments et de la discijtline ^.

En de compte, l'ajournement i)roposé j>ar les légats passa à


fin

la majorité de cent trente-six Pères contre cincpjante-huit ojiposants,

tous non italiens. Ceux-ci jirotestèrent en séance contre la manière


dont les légats conduisaient le concile, si vivement qu'on n*a^ait

pas encore vu congrégation plus mouvementée, ni entendu récri-


miner contre les légats avec autant d3 vivacité, au témoignage de
l'évèque de Modène^.

1. Lfs légats n Borroniéo, le 3 février, Stista. p. 201 ;


l'arrlievêque de Corinthe
au c.Trdiii.ilFarnèsc, Conc, p. 377, noie 1.
2. Tocco gagîiardnmenh' (Hil-il de Lorraiiu-j Ic^nii, tmnaccuin'lo srnifirc ruire
/

a noi ultri cl ni nosiro slato, si non sj fa la rijormn gagliardii. f/iiat hornmi coinmciano
a domnndar qtia fîno aile mure, Conc. Tridrut., ibid.
3. Voir son texte lité pnrSustn, p. 201, avec les réflexions typiques de l'ambas-
sadeur florentin Strozzi.
4. Molli ej coniradisscro et con tanla libtrta si doLiero délie manière che si
teneano in qtiesto cuncilio, che non mi ricordo di havere vcduto mai pin libéra congre-
gationr, rimpro^crando di molle cose che si jaceano contra tl iu.slo et dc^-uto governo
del concilia secondo che essi diceano, Conc, p. 379, note 4.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 815

Celui de Budua (Ciurela), qui avait la spécialité, nous l'avons vu


(ci-dessus, p. 800),
de distraire, de choquer parfois les Pères par ses
bons mots bizarres, crut devoir signifier à l'assemblée le peu de
sympathie et de bienveillance que beaucoup d'opposants éprouvaient
à l'égard du cardinal Simonetta. Il osa dire que, le 1^^ novembre 1561,
à une heure qu'il précisa, un incendie s'était allumé au concile et
à barque de Pierre
la ne s'éteindrait pas de sitôt. C'était la date
et

à laquelle Simonetta était entré à Trente; personne ne l'ignorait,


et la réflexion, assez burlesque, produisit plutôt du malaise dans

l'assistance^; le légat dédaigna de la relever.


^
Le délinquant revint à la charge le 11 février sur un autre thème,
et le pape, qui en fut instruit par ses correspondants, engageait les

légats à l'écarter en l'envoyant à Rome, auprès du cardinal Altemps,


dont il était le commensal, ou dans son diocèse pour s'y occuper
d'œuvres de religion à l'égard des infidèles à le faire partir en tout ;

cas, de son consentement, avec quelque argent de route il fallait à :

tout prix en débarrasser le concile, espressamente corne scandaloso


et poco degno di quel consesso. Les légats, après enquête, estimèrent
la mesure scabreuse et se contentèrent de semoncer le coupable pour
le scandale qu'il avait donné, car il avait eu l'air de se moquer du
concile. Il tint compte de la leçon et épargna dès lors aux Pères

ses incartades d'un goût douteux.


Il est certain légat canoniste avait froissé nombre d'oppo-
que le

sants, par des procédés qu'ils étaient tentés de prendre pour de


l'espionnage. Il avait l'oreille du pape, dans sa correspondance
presque journalière avec la Secrétairerie d'Etat, en marge de celle
du rapports qu'il y multipliait sur les défmiteurs mal
collège, et les
pensants pouvaient valoir pour des dénonciations. De plus son atti-
tude de raideur intransigeante, quand se trouvaient en cause les
privilèges ses collègues, Mantoue
du Saint-Siège, son opposition à
et Seripandi, qui étaient populaires opposition qu'il ne cachait

pas lui—avaient attiré des inimitiés, et beaucoup de Pères pen-
saient tout bas ce que Ciurela clamait à sa façon.
Au
milieu du désarroi qui persistait dans le concile, la présence
du pape à Bologne s'imposait pour ainsi dire : il aurait pu agir d'une

1. Con gran mestitia et pocha sadisfattione, écrivait l'évêque de Viviers au


cardinal Farnèse, Conc Trident., p. 377, note 2; sur les
suites de l'incident, Palla-
vicini, 1. XX, c. II, § 7: Susta, p. 241-242.
2. Voir encore des détails curieux, ibid., p. 211-212 et 253 (lettre des légats
le 1er niars) : cf. plus loin p. 826.
816 Liv. i.v. l'impuissance du concile

manière plus directe, de ellicaccmcnt que de Horne


j>Iiis près cl ])liis :

des raisons sérieuses seules l'emprchèrent de mettre h exécution


son dessoin primitif. La présence de l'empereur à Iiinsbruck, à moins
de 1()0 kilomètres de rreiiti-, lui faisait pourtant un devctir de se
déplacer; par la rmitc du Hrenner, [•'crdinand agissait plus facile-
ment sur les Pères <pif l'if I\ di' Bologne mcme. Il sautait aux
yeux (\u*' 1rs opjiosants m; iu(;naient si grand hruit (la séance
du 3 février l'avait assez mis en évidence), (pie parce c[u'il8 se
croyaient apjiuyés par l'empereur, se sentaient forts de son voisinage.

La politique impériale et le concile supplément.

Après avoir assuré à l'Vancfort l'avenir de l'autorité imj)ériale


par l'élection et le couronnement de son (ils Maximilien comme roi
des Komains, l'^erdinand s'était rajiproché du concile, convaincu

(pi'il
]{• ferait réussir ]irom])temenl, même en se jiassant du i"aj)e,
s'il procédé à ces récentes cérémonies,
était nécessaire. N'avait-il jtas

sans se soucier des traditions cjui donnaient au Saint-Siège un droit


connne un devoir d'y intervenir ?Ce dédain envers des privilèges
garantis jiar les siècles n'était )
as moins dangereux ]«our l'autorité
du ])ontife romain. Et il retenait loin du concile, sous des ]>rétextes
d'ctitpiette, le comte de Luna, qui aurait dû délivrer les Italiens et
les f^omains des embarras (pie leur suscitaient les évcques espagnols.

Qu'il voulût imjioser ses directives, sinon s'o})i>oser h celles du pape,


tout le faisait craindre.
Et le danger était ])lus grave ([u'avec Charles-Quint. Celui-ci
se considérait, agissait comme le chef de la chrétienté, responsable de

ses intérêts internationaux. Il sui^ait en sa politi(jue religieuse les


vues de ses conseillers agnols et flamands, plus rpie les exigences
cs]
des Allemands et des Autrichiens. S'il s'occu]'a davantage de ceux-ci
dans ses dernières années, il n'oublia jamais les intérêts de ses autres
Ëtats, ni ceux de la chrétienté. Le danger était plutôt dans sa volonté
autoritaire, dans un certain entêtement étroit, (pic lui faisait

prendre à mal toute résistance.


Son frère était d'une nat.ire toute opposée faible, scrupuleux, :

irrésolu, il ne décidait rien


par ses conseillers, d'ailleurs tous
ipic
Allemands ou Autrichiens, qui ne connaissaient, ne voyaient que
leur pays et avaient une manière de gouverner étroite, exclusive,

purement légale, en ^ rais légistes jirocéduriers qu'ils étaient. L'empe-


CH. IV. l'agitation autour de la résidence 817

reur, qui avait passé toute sa vie d'homme fait en Allemagne, depuis
quarante ans et plus, subordonnait tout aux affaires de ce pays,
la religion comme le reste, le concile, la réforme, le pape et l'Église
romaine. Sa conduite passée ne justifiait que trop les craintes qui se
faisaient jour à la curie de le voir, dans sa sympathie ou sa déférence

pour les luthériens, leur sacrifier des points essentiels, sans


épargner
la doctrine elle-même, dans l'intérêt de la paix, de sa paix à lui.
Il était d'ailleurs tiraillé entre les calvinistes,
utraquistes et autres
sectes de ses États héréditaires il ne
voyait qu'un moyen de les
:

pacifier, de les faire vivre ensemble la réforme du clergé, qu'un


:

moyen de les ramener à l'Église la concession du calice, à laquelle


:

il
joignait au besoin le mariage des prêtres. Il était d'une religion

'convaincue, d'une piété sincère, et pourtant il s'inquiétait assez


peu, comme son frère, peut-être même moins, de voir le pape et le
concile traînés dans la boue par les
pamphlétaires protestants,
le clergédépouillé de ses biens, maltraité et contrecarré dans l'exer-
cice de son ministère il lui suffisait
:
que l'autorité impériale fût
épargnée et restât intacte.
Avant même d'arriver à sa nouvelle résidence, il y avait con-
voqué l'évêque de Fûnfkirchen, voulant se renseigner auprès de
lui sur la situation et les travaux du concile le prélat se mit aussitôt
:

en route, 26 janvier, avec une note que les légats venaient de lui
le

remettre, en même temps qu'aux agents ses collègues, sur le livre


impérial de réforme et les règlements qu'ils espéraient en tirer. Le
cardinal de Lorraine désirait visiter l'empereur, il se fit recommander
il y eut dès lors
par l'évêque :
partie liée entre eux, et l'empereur
manda aussi le cardinal, comme s'il avait besoin de ses lumières ^.
Ferdinand voulut sans retard mettre en œuvre les renseignements
qu'il recueillait de divers côtés n'était-il pas venu pour faire aboutir
;

le concile, mieux que ne l'avaient pu


jusqu'ici le pape et ses agents ?
Sur le conseil de son chancelier Sigismond Seld, il soumit ces notes
à des théologiens, parmi les plus réputés, pour en extraire des con-
clusions qui seraient présentées au concile c'était un concile en
:

marge, un Neben conzil, comme l'appelle l'historien Pastor


^, qui
siégeait sous la présidence de l'évêque de Fûnfkirchen. Ses membres
n'étaient pas tous indifférents aux prérogatives romaines; quelques-

1. Pallavicini, 1. XX, c. i, § 1; Susta,


p. 182, 201, 210. En ce dernier passage
apparaît nettement l'entente entre le cardinal et l'évêque (11 février).
2. T. vu, p. 237 et note 2; Pallavicini, ibid., c. iv,
§ 5.

CONCILES. — IX. — 27
818 MV. l.V. l/lMPUISSANCE DU CONCILE

uns, comme Pierre Canisius, surnil défnidrc l'uulorilé jioiitificale;


celui-ci recourut même aux lumières de son conirère Nadal.
Le désir de l'empereur, sincère sans nul doute, d'aider le concile
allait causer ù celui-ci des embarras de plus par I;i di\ersité d'o})i-

nions (pii séparait les conseillers et t|ni les empêchait de s'entendre


pour suggérer n'imj)ortc quelle décision. Le laïc Staphylus, qui contre-
halan^ait l'ascendant de Canisius sur l'empereur, s'allichait oppor-
tuniste et poursuivait avant tout un accommodement selon les

désirs de Sa Majesté et les besoins de la nation allemande. Ferdi-

nand, qui ne cherchait que des lumières pour arrêter sa ligne de


conduite envers le concile, ne s'en trouva pas moins livré aux stig-
gestions du conseil aulique, dont les membres, nous l'avons dit,
étaient plus ou moins allemands, moins bien disjtosés pour l'f^glise
romaine que les Gran\elle et autres ministres de Charles-Qnint.

Ils avaient certainement jtris part à la rédaction des dix cas de


que les théologiens furent apjtelés à résoudre. Leur
*
conscience
teneur en témoigne assez par exenqde, l'emjjereur veut savoir jus-
:

qu'à quel point ils inter^ iendront, lui et les princes allemands,
pour assurer l'indépendance et la réussite du
quel rôle concile,
leursambassadeurs peuvent y réclamer; n'ont-ils pas voix au
moins délibérativc ? En tout cas, ils ont le droit d'être consultés
])our ce qui intéresse leur Église nationale. De là à diriger le vote
des évêques du pays, il n'y avait qu'un j»as, (pi'il était facile de
franchir Ils devaient par là, même contrôler l'attitude des prési-
!

dents, du secrétaire à jilus forte raison. Ces cas de conscience n'ou-


bliaient pas la réforme du ]ia]>e et de sa cour, la concession du

calice, lemariage des prêtres, ni les modifications qui s'imjtosaient


au règlement de l'ordre du jour dans l'assemblée.
L'emj)ereur ne pressa pas les réponses des théologiens; il ne vou-
lait rien mais se renseigner un peu de partout et son
]trécipiter,

enquête dura longtem])s, tout le mois de février; les consultetirs ne


furent même convoqués qu'assez tardi^ement. Le prince ne négli-

geait j)as ce qui venait de Trente et, s'il ne fit pas a]>])el aux légats,
à leurs conseillers ou partisans, il connaissait am]>lement leur opinion

par Delfino, qui avait toujours sa confiance et entretenait une cor-


respondance suivie avec eux; s'il ne les renseignait pas toujours à
leur gré (nous le verrons jilus loin), l'empereur en obtenait à peu

près tout ce dont il


croj'ait avoir besoin.

1. Cm artirles dans Pallavicini, ibid., § 6.


CH. IV. l'agitation autour de la résidence 819

La mission Commendone à la cour impériale (février 1563) .

Renseigner et se renseigner, c'était pareillement le souci des légats


et, n'ayant encore que des soupçons, des pressentiments sur ce qui

allait se traiter à Innsbruck, ils voulurent s'y procurer un explora-

teur et un indicateur en la personne du nonce qui allait saluer de


leur part Sa Majesté. Ils renoncèrent à se servir d'Hosius, auquel ils

avaient pensé, dès la nouvelle de la venue du souverain en Tyrol :

l'envoi d'un cardinal légat aurait trop fait sensation et poussé les pro-
testants et leurs amis à quelque esclandre; d'ailleurs à quoi bon
cette solennité pour un simple voyage d'investigation ? Le choix de
Commendone par contre tout indiqué, il connaissait bien les
était
affaires d'Allemagne depuis son long voyage de l'année précédente à
travers les pays de l'empire; il en
pénétrerait les secrets sans peine
dans cour impériale. Depuis plus d'un mois, depuis le 26 dé-
la

cembre, où il fut question de lui pour la première fois ^, il se pré-


parait à cette mission, et il avait eu le loisir d'en percevoir toutes
les difficultés.

Ses instructions à la fois écrites et orales (ses mandants comptaient


sur son initiative personnelle, faite d'expérience et d'habileté véni-
dont le but était de mettre l'empereur au
tienne), ces instructions,
courant des vicissitudes de l'assemblée, portaient sur deux points,
que l'on savait avoir une grande importance aux yeux du monarque.
Tout d'abord la question de la réforme générale les légats priaient :

Sa Majesté de s'en remettre au pape et de s'entendre avec lui. Pour


le reste, ils attendaient de connaître ses dernières intentions, et
Commendone devait lui exposer les embarras et les troubles que cer-
taines des réformes qu'elle proposait entraîneraient au concile et
dans l'Église. En second lieu, l'intérêt général exigeait que l'as-

semhlée aboutît rapidement, et aussi bien que possible; elle

priait donc l'empereur d'user de son influence auprès des Français


(entendez le cardinal de Lorraine, quand il aborderait Sa Majesté)
pour mettre fin aux difficultés qu'ils venaient de soulever la supé- :

riorité du concile sur le pape et la non-acceptation du décret de


Florence en faveur de l'autorité pontificale.
Commendone partit le 28 janvier et, sur le conseil de Delfino,

1. Susta, p. 128-129 et note; les instructions dans Pallavicini, ibid ,


c. i, 5 2.
820 Liv. i.v. i.'imi'li.ssa.m:i: du concile

dont il devait s'aider, cela \a de soi, il laissa de côté une partie


essentielle de sa niissionpermettre au paj)e de se réformer lui-même.
:

Il sut se renseigner du moins sur les


dispositions de l'empereur et
sur la mentalité de ses conseillers. Les délibérations des théologiens

impériaux n'avaient [)as commencé et l'empereur attendait, pour les


ouvrir, les cardinaux de Lorraine et Madruz/o, dont il sollicitait
aussi les lumières.Le messager des légats ne s'attarda que quelques
jours,deux semaines environ à la cour impériale et ne réussit guère
qu'ù recueillir ces éclaircissements; il s'entendit assez mal a\ec
Delfino, qui lui rendit peu de services.
De plus il
]trépara le Père Canisius à son rôle d'ajiologiste du
Saint-Siège, et lui laissa, ])Our le diriger, son ]»ro])re secrétaire Anton-
maria Graziani, qui suivit de jirès les débats théologiques et ]»ut
éclairer ceux qui l'avaient délégué. Il améliora même en quelques
points la consultation donnée ]tar les jésuites; par exemple, l'emjjc-
reur prierait le ])ape qu'il se réformût lui-même, et non pas qu'il se
laissât réformer par d'autres ^.

A son retour, Commcndone croisa les deux cardinaux du concile,


en route pour Innsbruck. Madruzzo était ]tarti le 17 février, et le
messager atteignit Trente quelques heures ajirès; tout au jdus,
a])portait-il quelques indications de circonstance. Ilavait cependant
réussi h rapprocher Delfino des légats :
jusqu'alors, ce dernier ne
corresjiondait ]ias avec eux comme il convenait; les affaires du concile
en souffraient et le secrétaire d'État avait dû intervenir ^. Delfino
promit de procéder désormais en toute confiance, afin d'assurer

plus facilement son concours entier. „. 1


Les légats n'obtinrent]»as sans peine que Commcndone leur remît
un raj)]iort écrit sur sa mission; les renseignements qu'il apportait
différaient trop de ceux, plutôt optimistes, que Delfino envoyait
h Rome, et il estimait qu'il serait maladroit de soulever d'autres
difficultés. Il se contenta de rassembler jtar écrit les remèdes que les

ministres de l'empereur sollicitaient i)Our la réforme de l'Allemagne :

plusieurs étaient excellents, tels que la recommandation d'emjdoyer


des missionnaires, les jésuites notanmicjit, (jui rétississaient partout,
au témoignage des mêmes ministres; de multiplier les écoles et
collèges pour l'instruction du clergé et des hautes classes.

1. P.illavicini, c. iv, § 3-7, donne les réponses de Canisius aux dix cas de cons
cicncc.
2. Susta, p. 214, 220, 232, 240.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 821

Commenpone relevait à peine sa mission (assez pauvre en résul-

tats) avec les lettres de compliment, presque insignifiantes ^, qu'il


remit aux légats de la part de l'empereur et du roi des Romains. Le
premier du reste ne lui avait-il pas confié que son héritier lui-même
avait besoin de réforme ? Ce qui se tramait à Innsbruck finit par
éveiller la sollicitudede Pie IV, aussi bien que les nouvelles confuses,
parfois discordantes, qu'il recevait de divers côtés. Et quand l'empe-
reur fit appel aux conseils des deux cardinaux, le pontife dut inter-
venir pour dominer ces intrigues et les faires servir, autant que

possible, au programme du concile.


Dans ce but, il
engageait, le 10 février, le cardinal de Mantoue à
visiter lui-même l'empereur, en sa qualité de légat président de
l'assemblée, à lui rendre compte de la situation, afin de prendre avec
lui les mesures qui assureraient la prompte conclusion des travaux.

Le pape n'avait rien tant à cœur que cette démarche elle ne pou- :

vait manquer de réussir, à cause des rapports étroits que le cardinal


avait avec la famille des Habsbourg ^ il le priait donc de s'imposer
;

encore cette fatigue, per servitio di Dio et amore nostro.


Jamais peut-être Pie IV n'avait sollicité un service sur un ton
aussi pénétrant, et ses instances, auxquelles saint Charles joignit
les siennes, se renouvelèrent encore le 13 février. En mêm.e temps, ils

faisaient agir auprès du légat l'archevêque d'Otrante, personnage


influent à tous points de vue. Rien n'y fit le cardinal était hors :

d'état d'entreprendre le voyage, et sans doute les médecins le lui


interdirent. Le expliquait les raisons multiples qui l'empê-
19, il

chaient de se mettre en route quelques jours après, il s'alitait jjour


:

ne plus se relever ^. Il n'avait plus que peu de temps à vivre.

Un conflit de préséance d'un nouveau genre.

Les épreuves s'accumulaient' sur le concile de nouvelles bour- :

rasques en effet l'assaillirent, après le vote prorogeant la session


(3 février). Le 6, les ambassadeurs français, revenant à la charge,

après plusieurs démarches faites en janvier, priaient les légats, au


nom de leur souverain (il était pressé par ses édits de tolérance),

1. Du moins d'après le sommaire qu'en donne Susta, p. 232-233.


2. Corne parente et persona tanto congiunta con Sca Maesta, ibid., p. 224-225,
229.
3. Le 27 ou le 28 février, Pallavicini, 1. XX, c. v, § 4.
822 iiv. i\. I. 'impuissance du concile

de soumettre au cuiicilc les Ireiite-cjuatre artu-les de réforme dé|)0-


sés par eux un mois auparavant (3 janvier, voir ci-dessus, p. 793),
ou de leur permettre de les présenter eux-mêmes. Il importail dans
l'intércH de la réforme, j\ laquelle le concile devait se consacrer désor-

mais, (pic tous fussent discutés, sans en excepter un seul ils con- :

sentaiejit cependant à ce que l'assemblée mît de côté «pielques


détails qu'elle jugerait insignifiants ^. Les légats sollicitèrent, par
l'intermédiaire du cardinal de Lorraine, un délai de trois jours et
obtinrent ce réj)it: il leur permettait de recevoir les réponses à ces
articles, que l'évcque de Viterbe devait raj)i)ortcr de Home. Toute-
fois, avant cette dernière requête des Français, ils s'étaient empres-
sés de faire lire h la congrégation générale les huit chajiitres sur le
sacrement de mariage, fpii répondaient aux demandes j)1ijs im|)or-
tantes des Français, ainsi que les empiètes sur les abus de l'ordre,

(pi'ils
se proposaient de faire discuter en même temps. Il y avait là,
les légats lecroyaient du moins, de quoi faire patienter de plus exi-
geants que des Français.
D'après le dernier règlement arrêté le 3, les Pères avaient à s'occu-
per de ces abus, ]»endant cpie les théologiens discuteraient sur le
mariage. Ceux-ci avaient été répartis en cpialrc classes, à chacune
desquelles furent soumis deux chapitres sur huit. Dans la première
rntrèrent, avec les théologiens du jiape, auxquels revenait la {)résé-
anco, ceux de la Sorbonne, cette faculté j)récédant toutes les autres
par son ancienneté, par son prestige, plus encore que par le mérite
de ses membres et l'estime dans laquelle ils étaient, même auprès
des papes. Les autres universités, Alcala, Salamanque, Cologne,
Louvain, étaient plus ou moins récentes et celles d'Italie, Bologne,
Pavie, Milan, Rome même, sacrifiaient la théologie au droit canon.
Alors surgit de la [tart des Espagnols une opposition d'un nouveau

genre. Les agents du Roi catholi([ue. Pagnano, au nom de l'ambas-


sadeur marquis de Pescara, et Gatzelu. au nom du comte de Luna,
soulevèrent le conflit de [)réséance entre théologiens, comme s'il

s'agissait encore de diplomates. La combinaison ci-dessus préjudi-


ciait, selon eux, h la dignité do leur souverain, et ils requirent qu'au
moins premier théologien de la seconde classe fut un l'espagnol,
le

comme l'équivalent du docteur de Sorbonne tpii, dans la première


classe venait après Salmeron, le chef de file. Les légats ne voyaient

1. SuntJi, p. 205-208, 209-210 (lottr^-s do» légats los 7 ot 11 fovrifr) ; Paliavicini,


'. I. § 3-4.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 823

pas d'inconvénient à leur accorder cette faveur : le cardinal de


Lorraine s'y montrait favorable.
Mais à 8 heures du soir de ce même jour (4 février), parut l'évêque
de Salamanque, accompagné de docteurs espagnols ils firent obser- :

ver que la première classe comptait quatre Français après Salmeron ;

cependant le privilège de priorité de la Sorbonne ne valait qu'entre


théologiens de même promotion. Ils demandaient donc que le clas-

sement s'en tînt à l'ancienneté des grades, comme il avait été établi
entre les Pères :
par suite, après le théologien pontifical devait venir
un Français, puis un Espagnol, etc. Cette requête, d'un prélat qui les

soutenait d'ordinaire, et auquel il était difficile de rien refuser,


mit les présidents dans l'embarras pourquoi les autres théologiens,
:

Vénitiens ou Portugais par exemple, ne réclameraient-ils pas leur


rang eux aussi ? Par bonheur ceux de l'empire faisaient défaut !

Plusieurs jours furent perdus à négocier; et tout d'abord il fallut

ajourner la conférence des théologiens qui devait ouvrir la série le

lendemain 5. Les Espagnols le prirent de haut, jusqu'à crier que leur


roi saurait se faire justice, même les armes à la main, si çendicherebbe
colle armi (on n'était pourtant pas au temps de Paul IV) et leverehhe
Vohedienza allaSede apostolica; les légats ripostèrent qu'un tel lan-
gage était offensant pour le roi lui-même. Les diplomates espagnols
repoussèrent donc la motion de Salamanque, que le collège des légats
fit
cependant accepter au cardinal de Lorraine et aux prélats
d'Espagne. Selon eux, leur souverain subirait un grave préjudice,
si plusieurs théologiens français parlaient avant tout Espagnol. Les

légats maintinrent néanmoins l'accord les docteurs parleraient


:

selon leur ancienneté de doctorat, chaque nation à son tour. Salme-


ron ouvrit les débats le 9 et, comme les Espagnols n'avaient pas cédé,
recommandèrent de tenir toute la séance, ce qui leur
les légats lui

permettrait de gagner du champ. Le soir seulement, les opposants


acceptèrent la promesse qui leur fut faite dans un acte dressé par
ministère public, que les argumentateurs se succéderaient d'après
le titre et l'ancienneté de doctorat, à l'exclusion de toute autre
condition et formalité.

Nouveaux incidents pendant les conférences de ttièologiens.


L'offensive française pour la réforme.

L'agitation eut peut-être pour conséquence que Salmeron ne


réussit pas comme auparavant. Visconti lui décernait bien un satis-
824 LIV. I.V. L IMPUISSANCE DU CONCILE

fecit, jtour avoir purlû loul ù fait selon les exigences du temps ^,

mais rarchovèijue do Zara ajoutait cette réserve, qu'il avait étonné


et inécojitenté beaucouj) d'auditeurs, en contredisant le témoignage
de saint l'aul sur l'indissolubilité du mariage (I Cor., vu), sens itdmis
à pou près unanimement dans l'Église catholi({uc.
Le jeudi 10 février, lui succéda le doyen de Sorbonne, Nicolas
Maillaril. vieillard de soixante-seize ans et, comme dans le désarroi
des derniers jours, il n'avait pas eu le temps, prétextait-il, de se
préj)arer comme il l'entendait, il lut sa dissertation à la lueur d'une
])etite bougie, la salle n'étant pas très éclairée en cette saison d'hiver.
Le coryjihée de la Sorbonne n'éclipsa jias son evancier, car l'arche-
vêque de Corinthe mandait son corres])ondant, le cardinal Farnèse,
i^i

(pie, si l'école parisienne ne se relevait pas avec ceux qui ])arleraient


ensuite, ils auraient mieux fait de ne pas se déranger.
Maillard appela le jiape i>icaire de Jésus-Christ, rectorem et modéra-
torein unii'ersalis Ecclesiae ; ce fut ])0ur ses compatriotes le prétexte

d'un esclandre parlèrent de protestation en forme


^; ils c'était la :

manie de certains |)ersonnage3 au concile et ses afTaires n'y gagnaient


pas, il s'en faut. Le doyen s'était pourtant elTorcé de les adoucir par le

distinguo né sur les bords de la Seine, distributii^e et non collective.

Il avait, dans le mémo but, apitoyé l'assemblée sur les malheurs et


les monarchie française. Le premier }>résident
ruines présentes de la

essaya d'accommoder ce malentendu de surface, en intercédant


auprès des gens d'im])ortance qui se disaient olTusqués il leur aurait :

permis de })résenter leur j)rotestation, mais en cela il ne se trouva


pas d'accord avec ses collègues.
Le 11, vint le tour de l'Espagnol Cosmao Ortolani, un inconnu
qui remj>lit la séance, de neuf heures à midi. C'était le moment fixé
pour ces sortes de joutes. Le soir, il y eut un autre lever de rideau.
Les ambassadeurs français présentèrent, du consentement des
légats, la lettre dans laquelle leur souverain ', le 18 précédent, annon-
de Dreux et sup])liait les Pères de procéder à la réforme,
çait la victoire

qui devait infailliblement guérir les calamités de la France et les


abus de la cour romaine, comme tous les malaises de la chrétienté.
Puis le ])résident du Ferrier, l'orateur de ces sortes de manifestations,
prit la parole, toujours avec l'assentiment des autorités. Il avait

1. Aanai accomodanwnU, Conc., p. SS'i, nnto 3.

2. Conc, p. .387, note 1 Si sono ;


cu.iai altérait, Susta, p. 2'i2; voir encore p. 212.
3. Snst;i. {hid.. t. III
p. 211.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 825

pourtant refusé de leur communiquer son discours, sous prétexte


qu'il ne méritait pas une réponse du bureau. Il n'en remit qu'un
sommaire des quelques points qu'il se proposait de traiter il en :

aborda d'autres, au témoignage des auditeurs, comme les évêques


de Modène et Vintimille ^. Ils soulignèrent notamment les passages
où il
proclamait le pape summi Christi vicarii, Pétri successoris in
universum supremam potestatem hahentis. Il
unii>ersali Ecclesia, in

se proposait de rattraper ainsi et de réduire au sens gallican les

propos avantageux pour le Saint-Siège, tenus par le doyen de Sor-


bonne.
Dans la harangue vraiment éloquente qu'il prononça, parsemée
d'exhortations pieuses et dévotes, à sa manière, du Ferrier s'appe-
santissait sur la réforme, en insinuant que les Pères devaient la
commencer par eux-mêmes : la victoire de son souverain leur en four-
nissait une excellente occasion, une facilité de plus, pour l'améliora-
tion de l'Église universelle aussi bien que pour la France. Il deman-
dait donc que le concile discutât un par un les articles de réformée

qu'ils avaient apportés, eux Français. Malgré ses assurances de res-


pect et de soumission, il justifiait assez l'opinion émise à ce moment
par certains Pères, que la lettre royale était une mise en demeure,
adressée au concile, sous forme de troisième monition ^. Or, avec les
articles qu'avaient présentés Impériaux, Espagnols, Italiens, Por-
tugais, cela faisait un ensemble volumineux, complexe, surtout
embarrassant, et les légats n'avaient pas tort de se réserver le droit

d'y faire un triage, qui simplifiât la marche des travaux.


Cette exhortation d'un diplomate laïc au concile général leur fai-
sait toucher du doigt, en cette circonstance, les inconvénients de

l'abus qu'ils avaient laissé se glisser dans l'ordre du jour, en permet-


tant aux ambassadeurs de présenter des motions à l'assemblée et
de tenir à ce sujet de longues harangues, comme les délîniteurs. Le
Saint-Père leur en faisait un grief, en termes généraux, par la bouche
de l'évêque de Noie, Antonio Scarampi, que le premier président lui
avait envoyé, à la fin du mois précédent, pour le remercier de la

promotion récente de son neveu au cardinalat. Scarampi fut de


retourle 12 février, avec des commissions que Pie IV avait jugé
pru-
dent de ne pas fixer par écrit. Le discours de du Ferrier venait leur

1. Conc, p. 392, note 1 ;Pallavicini, c. n, § 2-6, avec le résumé du


discours;
dans Susta, p. 212-213, le rapport assez curieux de Seripandi sur du Ferrier.
2. Overo edilto perempiorio, l'évêque de Viviers au cardinal Farnèse, Conc,
p. 389, note 5.
826 I.IN. I\. I r M II Iss V N( i; UU Cl) .N CI LE

donner ]>liis de force et les légats, en ripostant combien ils avaient


de la peine ;i faire respecter leur droit d'initiative ^, laissaient entendre

({u'il n'y avait pas h revenir sur ce qui était fait. Va\ réalité, ils se
tiraiejjt d'embarras jiour le ruieiix, a\ee un personnel diploinn-
ticpie encore plus eneonibr.uil ipie les clergés nationaux. N'aN aient-ils
])as fait insinuer ])ar Corntiiendorje au comte de Luiia ipie. ne pou-
vant rien obtenir des l'^ran^ais sur le débat de préséance, ils le lais-
^
saient libre de rester en chemin ?

Mtant donné les avaient accompagné le dis-


circonstances (pii
ct)urs de du l'errier. les légats estimèrent cpi'il axait eu raison de

ne pas deuiander de réj»onse ils se contentèrent d'en donner une


:

«]uelconque à la lettre de son souverain. Le secrétaire se borna


d'ailleurs à protester, dans cette lettre, que le concile ferait son

possible afin de remédier aux souirrances de la uionarchie et de


l'Eglise gallicane, leur assurer des axantages pour l'avenir"*. Dans la
discussion prépara cette réjionse, le cardinal de Lorraine vint à
cpii
la rescousse de du Ferrier jiar un discours d'une onction vraiment

ecclésiastique. « Les trois jours de répit qu'avaient sollicités les légats


étaient exjiirés, et le concile n'avait plus qu'à donner satisfaction par
des faits et des décisions à la bonne volonté du Roi très chrétien. »

Comme il se ]iréj)arait à ])artir le lendemain pour Iimsbrtick, on ne


voyait ]>as bien comment le concile répondrait à ses requêtes en son
absence, et l'assemblée se borna à ratifier le texte du secrétaire.
L'évêque de Budua se li\Ta encore h des écarts de paroles et s'attira
la foudre par son vote a])j)robatif Placet sed erunt ornnia t-ana * : !

.Vprès avoir expédié la mann;uvre gallicane dans une assemblée


de deux cent six ])rélats et les ambassadeurs de six ])uissances,
le premier jirésident proposa de nommer la conmiission qui exami-
nerait les abus sur le sacrement de l'ordre, comme corollaire des
récents débats et en même temps mise en marche de la fameuse
réforme sollicitée si ardemment de tous côtés. « Les Pères creuseraient
celle-ci à loisir et attendraient ainsi le retour du cardinal de Lorraine,

(plise proposait de se rendre auprès de renqiereur, avec lequel il


avait des alTaires importantes à traiter. » Les légats niettaient tout
en œuvre pour contenter les Français, mandaient au cardinal Farnèse

1. Voir ce p.is8ag? assez curieux dans Susta, p. 217-218.


2. Pallnvifini, c. m,5-7 (lettre du pape qu'il analyse)
§ ; Susta, p. 213-214, ne
nomplètc pas les commissions rnnfiécs à Scarampi.
3. GiUbcanne Kcclesinf respondcrc coinmodis et rationi, Conc., p. 324.
4. Conr. Tridtn'., t. ix, p. 395 voir ci-dessus, ; p. 815.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 827

le futur Innocent IX, Facchinetti, évêque de Nicastro; mais les


résultats de cette condescendance le laissaient sceptique. Quoi
que
fassent les présidents, poursuivait-il, Lorraine leur imputera tout
délai à tort et à négligence ^.

Et, le 15, le même


correspondant suppliait encore Borromée
de renvoyer en toute hâte l'évêque de Viterbe (qui s'éternisait à
Rome), avec les observations des théologiens pontificaux sur les
articles de réforme des Français. Ceux-ci livraient un assaut
suprême
en faveur de leur programme, non sans exagérer et augmenter les
embarras de la situation « Ils en sont les maîtres en ce moment,
:

sono padroni del partito, menacent de s'en aller et ne resteront que


si le concile tourne en leur faveur.
Autrement ils partiront avec les
honneurs de guerre, senza
la machia apparente per loro, tenir leur
concile national et rejeter sur nous la faute d'avoir fait échouer leurs
demandes. »
Ce partisan résolu des prérogatives papales connaissait trop les
affaires du concile, dont il était une des chevilles ouvrières, pour

n'y pas voir clair. Les Français menaient une vraie campagne d'inti-
midation : Lorraine affectait de faire croire à quelque coalition
entre ses compatriotes et les Impériaux. Avait-il été mandé par

l'empereur? Les agents impériaux le niaient; lui-même laissait aussi


entendre qu'il allait à Innsbruck sur les ordres de la reine régente.
Le 12, il voulut, ayant le pied à l'étrier, assister à la conférence sur
le sacrement de mariage faite par un théologien du roi de France,
le docteur en Sorbonne Simon Vigor, savant réputé, qui sut réparer
le demi-échec de son chef Maillard ^.
L'attente du cardinal ne fut pas déçue, car ce théologien émer-
veilla son auditoire par un exposé d'un beau langage, merai^iglioso
dicitore : il aurait toutefois manqué à ses convictions de gallican,
n'avait pas servi quelque thèse de Sorbonne, en soutenant que
s'il

la bénédiction du prêtre est indispensable pour la validité d'un


mariage. C'était soulever un problème de plus dans la doctrine des
sacrements. —
Lorraine se mit en route ce jour-là, 12, avec une suite imposante,
selon sa manière, c'est-à-dire avec l'élite des évêques et théologiens

1. Conc. Trident., t. m, p. 393, note 3.


2. Fu udito e lodato corne meraviglioso e gran dicitore, écrivait l'évêque de
Modène, non sans quelque pointe d'ironie Lin Francese di gran nome, Conc.,
:

p. 395, note 3; voir aussi, chez l'archevêque de Zara, le rapprochement avec


Maillard, ibid., p. 394-395.
828 I-IV. I.\. l.'lMI'UISSANCE DU CONCILE

de sa natiuii ^. Le concile, en son absence, s'en tint donc aux travaux


j)rovisoires dans lesdeux ordres établis jiar les légats. Ce jour-là,
ils désignèrent la commission qui devait travailler sur les abus de
l'ordre. L'évécjuede IVzemisl fut élevé h la présidence, en sa qualité
d'auibassadeur, au-dessus du j)atriarche de Venise et des arche\'rques
d'Antivari. de Sens; avec eux siégèrent six évoques, dont deux
Romains convaincus, celui de Nicastro et le jeune évéque de Parme,
Alessandro Sforza autres l'^s])agnoIs et l'ranvais et, à la tête de
; les

ces derniers, celui de Verduji qui rejirésentail, avec Nicolas de

Pelievé, les convictions gallicanes. Ils se mirent au travail, mais])ro-


cédèreut avec uiic lenteur calculée. De leur côté, les théologiens
coMsacrèrejit le mois de fé\rier au sacrement de mariage : les

arrangements et mesures décisives étaient jirises ailleurs; le concile


aurait-il simplement h les enregistrer? La (juestion ])ouvait se poser.

Les conférences théologiques d'Innsbruck (février 1563).

En tout cas, l'empereur acca])arait, semble-t-il, ce qui désormais


absorberait la vie, serait la raison d être de l'assemblée. Il convo-

quait encore Madruzzo, dont les lumières lui étaient indisjiensables,


disait-il, pour la conférence de théologiens qu'il venait d'établir et

qui allait ouvrir ses séances. Le tout était de savoir si elle travaille-
rait ])lus vite et ferait mieux que le concile. Elle n'attendait ]dus que

Madruzzo pour se mettre à l'fcuvre. Il quitta Trente le 17 février.


Le cardinal de Lorraine était arrivé la veille et a\ait été reçu
avec les honneurs dus à son rang et à son mérite. Commendone,
qu'il avait rencontré en chemin et avec lequel il s'entretint quelques
instants, ne put que des banalités; son siège était fait dès
lui dire :

son arrivée, il remit à l'empereur un mémoire qui contredisait assez


les assurances conciliantes qu'il avait prodiguées à ses premiers

contacts, avec le concile ^. Il le résumait en cette conclusion éton-


nante venant d'un cardinal, (pie le concile était incapable de
procéder h une réforme sérieuse, jiarce qu'il était tro{) sous la dépen-
dance du jtape Et il énumérait toute une série de faits qui accen-
!

tuaient cette dépendance. L'unique remède, ajoutait-il, était d'amener


à Trente tm nombre d'évêques de France, d'Allemagne et d'Es-

1. Au témoignage de Pallavicini, c. m, § 4.

2. Sonini.iire de ce mémoire, dans Pastor, 1. vu, p. 237.


CH. IV. l'agitation autour de la résidence 829

pagne suffisant pour transformer en infime minorité


la majorité

actuelle d'Italiens; en outre que l'empereur s'y rendît et présidât


en personne les travaux, assurât les décisions. Vraiment Pie IV
n'avait pas tort de se méfier de l'entente entre les deux personnages;
elle pouvait être désastreuse pour son autorité.

L'empereur accepta-t-il sans réserve les conseils du cardinal?


C'est peu probable il ne voulait pas aller si loin et il ne prit dans
:

le mémoire que quelques inspirations, qui éclairciraient et précise-


raient les débats, au moment prochain où ils s'ouvriraient entre

ses théologiens. Ces conférences avaient pour but de faciliter et


de hâter le travail du concile; impossible donc d'attendre le temps,
assez long, qui était nécessaire pour en changer la majorité. Les dix
cas de conscience, qui faisaient l'objet de cette réunion, étaient plu-
tôt de simples interrogations, des énoncés de problèmes et n'avaient

pas ton tranchant et péremptoire du mémoire de Lorraine; il


le

s'agissait surtout d'assurer toute liberté au concile, du côté de l'empe-


reur aussi bien que du côté du pape.
Nous ignorons si le cardinal assista aux délibérations; il est cer-

que les réponses des théologiens lui furent soumises,


tain, en tout cas,
ainsi qu'à Madruzzo. Pourtant il repartit le 22 février et les séances
n'étaient sans doute pas terminées; il ne fut donc qu'en partie mis
au courant. Du reste, lui et ses compatriotes nièrent avoir eu con-
naissance des dix articles et affectèrent de désavouer toute entente
avec l'empereur ^. Il leur était plus difficile de démentir l'entrevue
que l'empereur ménagea entre le cardinal et le comte de Luna.
Elle n'avait pas simplement pour but, à coup sûr, d'aplanir le
conffit de préséance, si tant est que les deux personnages fussent
en mesure d'y contribuer; n'était-elle pas plutôt pour ménager
entre eux une entente qui leur permettrait d'abréger la durée du
concile ?

Toute cette mise en scène ne procura pas à l'empereur les éclair-


cissements qu'il désirait les conseils de ses théologiens ne furent pas
:

décisifs, ni même d'une très grande portée, si l'on excepte ceux de

Canisius, que nous connaissons sommairement. Les conférences qu'eut


le prince avec le cardinal de Lorraine ne lui furent pas inutiles cela ;

se devine entre les lignes du rapport que celui-ci en fit aux légats,
si restreint qu'il paraisse. Ferdinand suspendit promptement les

1. Pallavicini, ibid., 1. XX, c. v, § 1 ;


voir à la suite le récit de l'entrevue entre
Lorraine et le comte de Luna.
830 LIV. LV. l.'lM P U1S8ANCE DU CONCILE

délibérations des thé()l<»gi«'ns


^
et se contnita du jm'u qu'ils a\ aient dit,

])()iir
traiter avec le contile de. la réfurmc, dans le sens des articles

(ju'il
lui avait soumis autrefois. I"'.n même
temps, il se retourna vers
négocia auprès de lui la
le |)a])C et concession du calice. Ses ambassa-
deurs af^irent sur ce terrain, de concert avec les deux agents extraor-
dinaires «pie le duc de Uavière entretenait h Rome depuis le mois
de décembre.
Les démarches combinaisons qui se déroulaient à Innsbruck
et

avaiejit ]tour oi)jectif de stimuler la lenteur du i>ape, de mettre fin


aux ijiterminables et stériles discussions du concile, de les amener
l'iiii et l'autre à fixer les réformes que rcm]»ereur estimait nécessaires.
Pif 1\ n'avait ]>as de ]>eijie à s'en rendre compte et, dans plusieurs
lettres de tttte é]>0(pie, autour du 20 fé\ rier. il gourmandait l'apa-

thie des légats à mettre en délibération les réformes sollicitées de


tant de côtés. Il leur donnait plein ]iouAoir pour le faire dans la

mesure la ]>lus large, dignité du Saint-Siège en subir (piebpie


dût la

atteinte. Il n'avait pas consulté en cela le Sacré-Collège, mais fai-


sait la démarche présente de propre initiative. Kn ]»articulicr, il
sa

comj)tait (jue les articles présentes jiar les Français seraient exa-

minés un ]>ar un et «jue l'empereur obtiendrait ce qu'il demandait


de juste et raisonnable ^.
Les légats venaient d'ex]>édier à deux reprises de nouvelles anno-
tations de leurs canonistes sur les articles français, et ils en atten-
daient les éclaircissements des théologiens de Rome or l'évêque :

d«' Viterbe, (pii devait les ap]>orter, s'éternisait à la curie. Ce leur

était d'ailleursune tâche ardue, de tirer de la masse de matériaux


qu'ils avaient en main un règlement pratique pour chaque nation,
ap]ilicable aux besoins qu'elle invoquait. N'était-ce j>as plutôt
l'alTaire du pape et des [trinces, de s'entendre i>ays jar pays,
dans une sorte de concordat: de j^rocurer les remèdes opportuns
pour n'itujtorte quelle condition locale, en tenant compte des liber-
tés, privilèges, traditions et habitudes ipie souverains et peu])les
ne cessaient de mettre en avant ?

1. Dtlfino en envoya finnlom«Mil un sommaire aux légats dans le


plus grand
secret; sonmiaire qui fut communiqué non moins secrètement à Rome, Susta,
Ihid., t. ni. p. 252-253.
2. Pallavirini, c. v, § 5: cf. Susia, p. 2il (Borromée le 21).
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 831

Le Concile arrêté par la mort de ses deux présidents


(mars 1563).

Ces règlements par concordat ne souriaient guère au pape, et


il ne
d'ailleurs pouvait en être question tant que le concile siégerait :

il devait d'abord terminer son œuvre de restauration, et Pie IV


n'était pas fâché qu'il l'étendît aux Églises nationales. Sa nouvelle
intervention au concile avait pour but d'imposer silence aux intrigues,
de calmer l'agitation qui se multipliait à tout propos, si bien que
rien ne se réglait à Trente que par sa volonté, dominant les manœuvres
des Français et des Impériaux, aussi bien que les indécisions des
présidents. A l'époque où il faisait écrire, en février, les théologiens
n'arrivaient pas à s'entendre mieux que les Pères et, à chaque pas,
leurs argumentations s'embrouillaient sur des théories d'écoles et
de facultés, aussi bien que sur des coutumes d'Églises nationales.
Il en fut ainsi à propos du sacrement de mariage, que les docteurs

continuèrent à étudier jusqu'aux premiers jours de mars. Ils pas-


saient en revue les quatre premiers articles et, dès le second, se heur-
taient au système gallican coatre les mariages clandestins, contractés
devant un prêtre comme seul témoin. Les Français rappelaient
chez eux, ils furent toujours considérés comme nuls; c'était
que,
la pratique invariable des parlements comme des autres tribunaux;

tous ils jugeaient en ce sens. Dans le reste de l'Église, ces unions


étaient cependant tenues pour valables. L'article fut mis en réserve,

parce que le cardinal de Lorraine voulait présenter là-dessus un


avis motivé. De même le troisième, décidant, à l'encontre d'une
minorité respectable de théologiens de valeur, que l'adultère ne
dissout pas le mariage. On finit par laisser aussi provisoirement
les articles cinquième et sixième sur les rapports du mariage et du
célibat, la supériorité de celui-ci et l'excellence de la virginité. C'est
ainsi que, le 26 février, les théologiens passèrent en attendant de

plus mûres enquêtes, aux deux derniers articles, septième et hui-


tième, qui réglaient les empêchements de mariage et le droit de
l'Église d'en établir de nouveaux.
Le cardinal ne pas d'ailleurs attendre longtemps il arriva le
se fit :

lendemain, mais, arrêté sans doute par les fatigues du voyage, il ne


communiqua les résultats de son entrevue que le soir du 1^^ mars
aux légats réunis, en l'absence de Mantoue, toujours alité, chez
Hosius, indisposé lui-même. Il s'appliqua d'ailleurs à démontrer qu'il
832 I.IV. I\. 1,'lM PUISSANCE Dr CONCII.F.

avait su consolider la Jiicnvt'illance assez chancelante de l'emjje-


reur, plutôt mécontent du pape et du concile ^ Sa Nfajesté s'indi-
gnait (ju'oji n'eût pas encore abordé un seul article de son programme
de réforme, comme s'il ne s'agissait pas dti sort de l'Kglise catho-

lique dans riùiroj)e centrale. Mécontentement qui remontait assez


haut et <[uc Delfiju) a\onail n'a\oir jiu adoucir. Les nouN elles que le
cardinal énumérait n'étaient pas en somme pour atténuer l'inqires-
sion pessiuiiste ((u'aNait produite le rapport de Cominendone.

Seripandi, dans sa réj)onse au nom du ct)ll(''ge, re\int sur ces


légats avaient présenté au con-
" Les
pau\res articles de réforme :

cile les abus du sacrement de l'ordre et il y avait là déjà beaucoup

à réformer Ils préj)araient d'autres réformes qui viendraient en


!

temps et lieu; mais ils ne pouvaient (}ue renvoyer au ]>ape les amé-
liorations qui le concernaient. » Lorraine en convint, et
l'empe-
reur ]>artagccct avis,ajouta-t-il, «car il est i»énétré de respect pour
la j)ersonne de Sa Sainteté, ^fais pourquoi se laissait-elle fourvoyer

par ses conseillers, ^^orone et Cicada notamment, que Ferdinand


dénoneait par leur nom?» Ainsi la liberté du concile ne cessait de
troubler rAme de ses adversaires : elle n'existait jos, soulignait
encore le cardinal, même au sentiment du roi d'Espagne, qui
allait se montrer l'emjiereur, çt tenait à ce
j.lus intraitable que
que ses ambassadeurs n'eussent jias la langue ni les bras liés à
Trente. Et la formule proponentibus legatis revenait encore. Seri-

jiandi coupa court à controverse, en concluant qu'il s'en entre-


la

tiendrait plus longuement seul à seul avec le cardinal (ce dont


celui-ci se déclara flatté), et qu'il esjiérait le convaincre que le concile

dépendant que d'aucuns


n'était ]»as si ])rétendaient; le il ferait bien
de communiquer cette conviction aux Espagnols et à ses compa-
triotes.
Les légats et le cardinal étaient d'accord sur un point :
qu'il
fallait aller vite, les
premiers j)arce qu'ils prévoyaient que retour le

de celui-ci donnerait le signal d'un \ iolent assaut contre eux, à pro-


pos des articles français ^. Ils venaient de les recevoir, après un
échange répété de notes et observations entre leurs canonistes et
les théologiens de Home. Le pape les leur avait ex])édiés sans faire

partir l'évêque de Viterbe. Il s'en remettait au concile pour les règlc-

1.
Dépêche des légats If \" niars.'Susta, ihid., p. 250-252.
2. Susta, p. 238 (lettre des légats du 25; Borromée mentionne le 21 l'envoi des
artic'.s, p. 2'i3-244,
/

CH. IV. l'agitation autour de la résidence 833

ments propos d'en tirer, et il espérait que les légats


qu'il jugerait à
les lui communiqueraient sans retard. Il les talonnait pour qu'ils
en finissent promptement mais ils hésitaient, semble-t-il, à charger
;

l'ordre du jour de nouvelles matières, avec des embarras de plus :

ils attendaient le retour de Madruzzo et de l'évêque de Fûnfkirchen,

désireux d'avoir leurs conseils en cette affaire. Un événement,


que tous prévoyaient d'ailleurs, vint mettre le comble à la confu-
sion et à l'impuissance du concile, la mort du premier président.
23 février, nous 1 avons
Il s'était alité le vu; il traîna plusieurs
jours, sonmal s'aggrava; le 2 mars, il reçut les derniers sacrements
du général des jésuites, qui avait toute sa confiance, édifia les assis-
tants en cette occasion par sa piété et son recueillement. Il expira
le lendemain entre trois et quatre heures du matin, à l'âge de cin-

quante-huit ans; il en avait


passé trente-six sous la pourpre, parta-
gés entre les affaires, les intrigues de la politique italienne et romaine
et la réforme de son diocèse de Mantoue, où, grâce à son action, la

religion comme les arts et les lettres opérèrent des merveilles.


Sa mort, bien qu'attendue et redoutée, plongea dans la consterna-
tion le concile et le monde qui l'entourait Cecidit corona capitis :

nostri en ce peu de mots l'évêque de Modène marquait le désarroi


^:

dans lequel allait s'enliser le concile. La correspondance de Seri-


pandi, son suppléant, jetait à Rome un cri d'alarme il se décla- :

rait incapable de faire front aux embarras qui avaient terrassé le

mort, suppliait qu'on leur donnât des remplaçants à tous deux. Il


avait eu pourtant, la veille, une conférence avec le cardinal de Lor-
raine sur la formule proponentibus legatis et croyait l'avoir convaincu

que les légats n'avaient jamais gêné la liberté des Pères.


«
Depuis la mort du premier président, écrivait encore l'évêque
de Modène, Trente paraît vivre un jour de vendredi saint. » Les
moins perspicaces sondèrent aussitôt le vide sans fond qu'il laissait
au concile, tellement l'avaient rendu populaire ses manières de
grand seigneur, marquées d'une affabilité naturelle, qui mettait tout
de suite à l'aise. L'insuffisance de son savoir il le reconnaissait —
lui-même —
l'exposait toutefois à patronner les idées que lui suggé-

raient des docteurs, de son entourage religieux surtout, trop indépen-


dants à l'égard de la discipline romaine; le grand grief que lui fit
Pie IV fut de laisser introduire au concile le débat sur le principe

1. Conc. Trident, p. 425, note 3; Susta, op. cit. p. 253-255, 258-259 (lettres
de Seripaudi, 1" et 3 mars); Pallavicini, ibid., c. ^^, § 2.
83^1 i.iv. Lv. l'impuissance du concile

de la résidence (aïKiucl il
croyait lui-tnêine du reste), de lui laisser
prendre h la longue une iin|M»rtance excessi\e *. Il niarnjua jtarfois
if-il déhmder
d'énergie; aussi se \
(juand il s'agit de maintenir dans les
dél)ats, le bon ordre,
régularité cl la suite des discussions. 11 se
):i

rendait <;orni»te de son infériorité et, à deux rejirises, en juin et


décembre, hors d'état de dominer la situation, il sollicita son rem-
placement. Shus doute, il ne réj>ondit pas toujours ce que Home .'i

attendait de lui, non seulement à propos de la résidence, mais en


d'autres jioints «jui se rapjKtrtaient à la réforme. Peut-être aussi
soigna-t-il un ]mmi Iro)» sa ])t»jiiilarité.
La disparition de son j»résident ri'arréta ]ias les travaux du con-
cile. Les commissaires aux abus étaient talonnés ]iar la camjmgne
en faveur de la réforme, qui se ])Oursui\ait dr divers côtés et les

théologiens continuèrent leurs conférences sur le mariage juscprau


8 mars. Alors défilèrent des savants de plusieurs nations et de jilu-
sieurs ordres. Le 17 février, le théologien du Pedro Soto, cajitiva
l>ape,
l'attention des auditeurs, mais provoqua sur la fin
quelque émotion,
par la hardiesse de certains propos ^. Les Français, comme Jean de
Verdun, Jacques Alain, amjiliflèrent l'autorité de l'Kglise univer-
selle aux dépens de celle du pajie le dernier soutint, par exemple,
:

qu'elle n'avait pas seulement hérité des pouvoirs sur le mariage,


stijMilés ])ar la loi mosaïque dans le livre du Lévilique; qu'elle en
avait reçu de nouveaux, avec la faculté de les étendre.
Les théologiens s'étaien entendus dans l'ensemble de la doctrine;
toutefois n'avaient fourni que des matériaux incomjtlets, ]iuisque
ils

le concile avait écarté les unions clandestines et les rapports du

mariage avec le célibat. Sur ces points, les Français et leur cardinal
conq)taient disputer longuement.
Ce dernier, jiar un redoublement d'activité, com])ensait le temps
perdu : c'était à se demander s'il n'aspirait ])as au {)OSte de premier
légat. Le retour de l'évêque de l'ùnfkirchen, le 8 mars, le stinnila

encore, et il pressait les iirésidents d'arrêter le décret sur la rési-


dence, pour passer ensuite à la réforme^. C'était son décret qu'il
réclamait, de jtréférence au texte que patronnaient les trois quarts

1. Cf. I<^
jupf^mpnt un peu «évère de Constant, exact à peu près en ce qui con-
cerne lo La légation de Mnrnne, p. xxvin Pt notes.
roncile,
2. Conc, 409, note 1; 421, note 3; 422, note 2.
p.
3. A Pallavicini, c. vn, § 4, joindre la curiruse et caustique lettre que l'^v^ijue
de la Cava, Tomnnaso Caselli, écrivait, le 8 mars, au cardinal Farncse, et dont je
dt« un passage plus loin, Conc., p. 440, note 1.
CH. IV. l'agitation autour de la résidence 835

des Pères. Il en faisait instance auprès du pape, il se plaignait

auprès de l'empereur, il intriguait partout, costi corne costa, persuadé


que Pie IV ne verrait pas avec déplaisir que son texte vînt en discus-
sion. En réalité, Rome ne pouvait donner la préférence à une écri-
ture inconnue, delà dernière heure, alors que l'assemblée travaillait
la matière depuis dix mois. La mort du second
président, Seri-
pandi, survenue à ce moment, apporta néanmoins un stimulant de
plus à .l'activité fébrile du cardinal; il pouvait se croire plus que
jamais la première bonne tête du concile, l'homme indispensable
dont les légats ne devaient plus se passer.
Le jour même, 8 mars, où les théologiens arrêtèrent leur exposé,

Seripandi à son tour et


s'alitait s'éteignait le 17 ^, dans d'admirables
sentiments de religion il recommanda à ses deux
:
collègues sur^'i-
vants de n'avoir toujours en vue que la gloire de Dieu et l'honneur
du Saint-Siège; il conserva jusqu'au bout, avec sa piété exemplaire,
une présence d'esprit qui ne fit qu'accroître la grande estime dont

ilavait joui jusque-là. Au dire de certains personnages, témoins de


ses derniers moments, sa perte était plus préjudiciable au concile

que celle de Mantoue. 11 était le doyen et, sous plusieurs rapports,

l'interprète de l'assemblée, comme ayant pris part à ses travaux


depuis les débuts. Avec lui disparaissaient le guide et l'inspirateur des

débats théologiques; après du concile non que


la tête, l'autorité :

Seripandi fût un grand théologien, méritant toute confiance il ;

avait parfois des opinions spéciales, quelque peu hasardées, mais il


connaissait à fond les matériaux du concile, aussi bien que le secré-
taire Massarelli, moins en détail sans doute, mais avec plus de
compréhension.
Les Pères en vinrent à se demander si le concile, à moitié décapité,
n'allaitpas se dissoudre de lui-même. En tout cas, il s'immobilisa
dans une attente stérile, impuissante. Les deux légats qui restaient
en fonction manquaient de l'autorité suffisante Hosius, parce que :

d'un pays trop lointain et sans grand prestige; Simonetta, parce que
trop romain et trop exclusivement canoniste. Ils s'en rendaient
compte eux-mêmes, Hosius s'empressa d'envoyer sa démission. Ils
et
décidèrent de suspendre jusqu'à nouvel ordre toute assemblée géné-
rale, par conséquent tout travail collectif et sérieux. Ils en prirent
pour prétexte une rixe qui éclata ce jour-là et se renouvela les jours
suivants ce fut une vraie bataille entre Espagnols et Italiens, dans
:

1. Susta, p. 263-264, 276; surtout Pallavicini, ibid., c. vii, § 6.


836 Mv. i.v. l'impuissance du concile

la domesticité des évèques et ]iarmi les gens de condition inférieure;


il y eut des morts et des blessés ^ La jiolicc de la % illc, les repré-
sentants du i)rince-évêquc alors absent et ceux du comte de T^toI
furent imj)uissants ^» ré])rimer le désordre. Le cardinal de Lorraine,

qui exagérait ]»arfois en gestes comme en ]>arole8, réclama une garde


armée ])our sa ])ersonne. Il venait d'a|)|»rcndrc l'assassinat, au siège
d'Orléans, de son frère, »liic de (luise
le (18 fé\rier), et tremblait
«pie les sicaires des huguenots ne n inssent l'assaillir h Trente.
Les i>rélats n'osaient ]ilu.s
sorlir de leur maison; il était donc
im])Ossible de les convoquer en assemblée générale ^. Le 15, la déci-
sion, jirisc liuit jdurs aujtara\ant. de sus]»endre les travaux, fut
maintenue juscju'à l'arrivée des nouveaux légats, (jui s'annonçaient
(If Rome. Le
concile n'existait ]ilus que pour les Inq)ériaux et les

l'ranvais, car leurs intrigues ne connaissaient aucune I^orne de])uis


la mort des deux légats. Ils faisaient ]>ubliquement camj^agne à
Trente, et davantage à Rome, ])our que le cardinal de Lorraine fût
nommé jiremier président. Ils en écrivirent à l'empereur il devait :

donner de sa personne, dans la persuasion, indiscutable à leurs yeux,


que, sans lui, il était imi)Ossible de réformer l'Higlise.
Et pourtant, même en se ])lai;ant à leur jtoint de vue, la nomina-
tion du cardinal Morone s'imposait le ]>ape et le concile ne pou-
:

vaient aboutir qu'en se servant de Sa Majesté, non jias en lui obéis-


sant toutefois. Or Morone était ]>lus capable que n'inq»orte cpii de
jouer le rôle d'intermédiaire, d'af^ent di]iloniatique, entre Innsbruck
et Trente; et cela sinqilemenl j)Our faire contribuer l'cmjiereur à
la réalisation du ]'rogramme romain, qui était en voie de s'achever,

au moment où ses ministres essayaient de l'accajiarer^.

1. L'incidont est raconté en détail par Pallavicini, 1. XX, r. viu, § 1 ;


voir encore
Conc, p '«'iO, note 2.

2. Textes importants des correspondants du concile, l'archevêque de Corinthe


et l'évéquc de Nicastro, Conc, p. 443, note 7.
3. Le rAlc en partir double de Morone ost bien mis en évidence par G. Constant,
La légation du cardinal Morone prra l'empereur et le concile de Trente, l'aris, 1022.
Je ne souscris pas entièrement à son jugement défavorable sur les légats anté-
rieurs, p. xxviii.
LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME

LE CONCILE DE PIE IV

ET LA RESTAURATION CATHOLIQUE

CHAPITRE PREMIER

LE CONCILE IVIORONE
(mars-septembre 1563).

jGiovanni Morone, cardinal-évêque de Preneste, n'était pas


seulement un des cardinaux les plus éminents et les plus anciens du
Sacré-Collège (il y siégeait depuis plus de vingt ans) personne à Rome
;

ne connaissait mieux que d'Allemagne il les avait


lui les affaires :

pratiquées pendant vingt-huit années, autant dans les congrégations


que dans plusieurs missions diplomatiques importantes; il jouissait
d'un prestige considérable auprès du pape comme à la cour romaine.
Il avait perdu, il est vrai, la confiance de l'empereur, qui lui repro-

chait les mauvais conseils suivant lesquels Pie IV agissait à sa guise,


et non pour le bien de mais en dehors de l'entourage
la chrétienté;

impérial, il était apprécié généralement comme tout dévoué


à ce

bien, capable de le procurer mieux que personne. On le désirait, on


l'attendait au concile, car il n'y était pas connu moins avantageuse-
ment : avait toujours pris une grande part aux travaux qui devaient-
il

orieater ceux de l'assemblée il avait d'ailleurs en celle-ci, pour cor-


;

respondants attitrés, des personnages d'importance, comme l'évêque


de Modène, celui d'Ischia, Filippo Gheri, sans parler des consulteurs
officiels, avec lesquels il échangeait, sous forme d'amendements,
des idées et mêmes des matériaux.
838 LIV. INI. CMNCILE DE l'Ii: IV KT nESTAUR. CATHOLIQUE

Les directives impériales.

Pendaiil «lu'il se préparait à j>arlir (il


ne rc(,iit la croix de légat

(jiie
le IC» mars), se ])oiirsiii\ aient les manèges de la ]>olilique inij)é-
dont nous avons signalé la
riale, genèse et les débuis. Le proconcile
d'Innshniek avait terminé ses travaux, et le moment était venu d'en

tirer parti, (juelles «pie fussent leurs conclusions. Le 3 mars, l'évêijue


de l'^UMfkirclien quittwil i:i cour, où il séjournait depuis la fin de
détaillées «pi'il dcNait communiquer
jan\ier, a\t'f des instructions
au concile, a\anl dr les Iransmet Ire Home, car il avait même des ;i

commissions pour le pajie. Le 8, il distril)uait les premières, dès son


arrivée, à ses collègues impériaux, aux légats, jmis au cardinal de
Lorraine, et à diN ers jiersonnages ^
Dans la jilupart de ces jiièces, Sa .Majesté manifestait son regret
(pie le concile s'agitât suri)lace,
si bien que, depuis des ntois, il sem-
blait paralysé :
envoyait la cause, entre ])lusieurs autres, dans
elle

le bruit cpii courait depuis un certain temps, que le jtajic songeait à


^. Il en avait été question en
susi>eiidre ou bien à transférer l'assemblée
effet fois. Tannée }>récédcnte, à travers la corresj'ondance
plusieurs
de la Secrétairerie d l'jat. Ln juillet, itar exem]>le, Pie IV en\isa-
une solution de ce genre, ])arce que le cardinal de Lorraine,
geait
avant de cour de France, projjosait le transfert h Besan-
(piitler la
con, à Constance, etc. A la fin de l'année, répondant au conseil du
même prélat, de se rendre à Bologne, lejiape attendait que l'empe-
reur hii ]tro]>osât la susjtension. « Lui-même se refusait à rien déci-

der le concile devait terminer ses travaux, ce qui serait facile,


:

si les princes y ajqtortaient leur concours. »

Le 17 mars, le i»ontife réglait encore à sa manière la combinaison


de sa rencontre avec Ferdinatid le secrétaire substitut Galli recom-
:

mandait à l'évêque de d'engager des jiourparlers, avec


\ intifuille

Lorraine pour qu'il décidât l'enq.ereur à entrej>rcndre le voyage de


son couron'iement à Bologne le ]ia])e s'y transjtorterait. y amène-
:

rait le concile; les deux cours et l'assemblée, étant réunies, se trouve-

1. Sommaire dan» Pastor, p. 239, compléta dans Conc, p. 476, note 1 Palia-
iont assci
vicini, c. vin, presque en entier. Les lettres au pape, que Pastor résume,
hardies.
2. Voir à ce sujet, Pastor, p. 240, 241. Il semble cependant qu'il y avait, dan»
toutes les démarclif's qu'il mentionne de la part du pape, surtout des manoruvre»
ou des roups de sonde.
eu. I. LE CONCILE MORONE 839

raient trop à l'étroit sur le territoire de Trente; par contre, à Bologne,


il serait facile de décider une sei>erissima e
giustissima riforma,
grâce au concours des deux chefs de la chrétienté. Sa Sainteté ne
doutait pas que le cardinal n'employât tous ses moyens à faire
réussir la combinaison qu'elle lui proposait ^.
Pie IV ripostait du même coup à la sorte de sommation que l'em-
pereur venait de lui faire parvenir. Celui-ci en effet renouvelait,
tant à Trente qu'à Rome, et avec instance, son désir que le concile
fût mené promptement à bonne fin, avec un décret de réforme géné-
rale complète. Il n'avait pas tiré des conférences d'innshruck un
nouveau volume d'articles, plus chargé que le précédent, comme les

légats le redoutaient; mais les lettresque l'évêque de Fûnfkirchen


emportait le 3 mars, pour le concile comme pour le pontife, faisaient
dépendre cette conclusion satisfaisante de la liberté entière dont
jouirait désormais l'assemblée. Il était indispensable, par exemple,
que les ambassadeurs eussent, comme les évêques, le droit de pro-
poser ce qu'ils jugeraient avantageux à la réforme. Les deux souve-
rains pourraient garantir cette liberté par leur présence et leur con-
cours l'empereur ramenait donc sa proposition d'une conférence
:

entre le pape et lui-même, à Trente; c'était un vrai sacrifice pour lui

que de se déranger, mais


jugeait cette conférence nécessaire, et
il

il
suppliait Sa Sainteté de répondre à son désir, surtout de ne pas
siîspendre le concile. Il ne parlait plus de réforme que d'une manière
vague et générale, déplorait toujours l'impuissance dans laquelle
leconcile se traînait depuis plusieurs mois, insistait en particulier

pour que la résidence fût décrétée et appliquée exactement. Du


reste, dans une lettre confidentielle au pontife, il revenait sur ces
points, en abordait d'autres plus délicats, entrait dans les détails
avec décision, bien qu'en tout respect pour la dignité de Pie IV. Ainsi,
faisant allusion à une vacance prochaine du Saint-Siège, il insinuait
que le conclave devait s'interdire toute inanœuvre qui pourrait avoir
une apparence de simonie.
II est regrettable, continuait la même lettre, que les travaux
du concile soient préparés à Rome par les conseillers du pape, et
qu'une majorité d'Italiens se borne ensuite à les revêtir d'une défini-
« Par
tion :
exemple, sur le devoir de la résidence, ils paraissent dis-

1. Susta, p. 512-513. La proposition est envisagée très sérieusement: Borromée,


de son côté, en écrivait aussi à Visconli. Pallavicini, 1. XX, c, vni, § 2 à la fin,
donne, en résumé, la correspondance échangée entre le pape et l'empereur.
840 LIN. LVI. CONCILE DE l'IK IV 1:T RESTAUR. CATHOLIQUE

posés à conclure dans le sens désiré ]iar Ronne, sous rinfluence de


leurs intérêts personnels. » L'eni]>ereur suppliait donc le jiontife de
laisser régler ce point en toute liberté, niénic dans le sens du droit
divin et de n'user que le moins jiossihle de son pouvoir de dis])ense.
Il revenait encore sur la promotion cardinalice de janvier,
qu'il
avait blflmée sans détour do vive voix, arce rpie Pie IV avait choisi j

deux jeunes pcns de dix-huit et quatorze ans, IVderigo Gonzagua


et Fernando Nfedici, ]iour conserver l'appui des dynasties italiennes.
Ferdinand priait encore humblement Sa Sainteté de j'rcndre des
mesures jiour qu'h l'avenir le Sacré-Collège ne se vît j'ius imposer
des candidats troj»jeunes et de ])réiiaration insuflisante. Il souhai-
tait en même temps la réforme des abus dans les élections des
évêques par les chajiitres^. Il terminait de sa propre main, ])ar lavi^e
ex]tression de son obéissance, en renou\elant au ]'a])e son invita-
lion de se rencontrer tous deux à Trente.

La riposte de Pie IV.

Pic IV n'avait ])as attendu cette mise en dcmeiire, si couverte


de fleurs qu'elle fût, jiour intervenir dans les agissemciits d'Inns-
bruck. Le 6 mars, un bref priait rem]>ereur de ]»rendre le concile sous
sa jirotection, de seconder les légats par l'assistance sans arrière-

]iensée de ses agents il avait cntrej^ris sérieusement sa i»ropre


:

réforme, avait-il soin


d'ajouter. ElTectivement, le 9, il
envoyait
h Trente un ensemble de mesures cju'il avait arrêtées les derniers

temps, notamment pour la Daterie, à la(piellc il travaillait depuis


deux mois ^. Puis il faisait examiner ]>ar ses théologiens les notes

que Delfino avait recueillies aux conférences d'Innsbruck.


Au reçu des mémoires im]>ériaux furent dressées, le 18, deux
réponses, longues et détaillées, mais qui ne jiartirent pas^. Le lende-
main un autre bref, assez court, ])ré^enait sinqilement Sa Majesté
de la nomination de Morone comme
inaugurerait sa }>rési-
légat. Il

dence ]>ar une visite à la cour impériale, où il s'entendrait avec le prince


sur les mesures qu'exigeait le concile, en conformité avec les requêtes
de ce dernier; il ne manquerait ]»as de rendre réjionse à celles-ci,

1. Voir encore Pastor, ibid., p. 239-2'iO, avec les référence» en r.otrs.


2. Lettre aux légale, Susta, p. 268.
.'l.
Pastor, p. 241 ;
analysées dans Pallavicini, ibirl.. 1. XX, r. ii, § 3-7.
CH. I. LE CONCILE MORONE 841

sans en omettre aucune. Par le fait, se trouvaient tranchées les ques-


tions qui s'agitaient depuis un certain temps, de la suspension, du
transfert, de la rencontre ou du travail en commun des deux chefs
de la chrétienté, même de la liberté du concile, dont leur présence
aurait posé à nouveau le problème.
La nomination de Morone, telle qu'elle eut lieu, ne fut pas menée
avec moins d'habileté. A la nouvelle de la mort de son prédécesseur,
devaient se multiplier à l'infini les cancans de Rome, avec les combi-
naisons; aussi le parti du pape fut-il vite pris. Le lendemain au matin,
7 mars, tandis qu'il se rendait au consistoire, le cardinal de La Bour-
daisière pénétra jusqu'à lui et lui fît un long détail des raisons qui
militaient en faveur du choix de Lorraine Le pape eut réponse à
^.

tout, cela va de soi, et, aussitôt entré en chapelle, il annonça aux


cardinaux réunis nomination de Morone, puis tint soudain consis-
la

toire et promulgua cette nomination, avec celle d'un quatrième


légat, le Vénitien Bernardo Navagero.
Celui-ci était un pur diplomate et il fut choisi pour complaire à la
République de Venise ^\ pour agir par elle sur la France et la monar-
chie des Valois, dont elle s'efforçait de retenir l'amitié. Homme
politique de grande expérience, il avait étudié l'Europe à fond,
dans les missions qu'il avait remplies à travers la chrétienté, en
divers pays, dans les fonctions qu'il avait exercées longtemps à
Venise, même, surtout dans son ambassade ordinaire à Rome,
au temps difficile de Paul IV (1556-1558) il
y avait gagné toutes :

les sympathies, sans perdre la confiance de son gouvernement, qui


lui procura pourpre, en février 1561, et lui confia le patronat de
la

ses intérêts auprès de Pie IV. Avec un rôle secondaire, plutôt

effacé, il fut le diplomate du concile, grâce â son influence person-

nelle,qui était grande, sur les nombreux évêques vénitiens et par


contre-coup sur les Français, les Allemands et même sur un groupe
d'Italiens indépendants. Auprès du cardinal de Lorraine notamment,
son action compléta, puis' remplaça heureusement celle de l'évêque
de Viterbe. Le Français se laissa dès lors aller plus facilement aux
confidences '.

Morone prenait ses mesures pour s'installer à Trente et son


correspondant, l'évêque d'Ischia, lui procurait un logis, un ameu-

1. Pallavicini, ihid., o. vi, § 5; récit emprunté à la lettre de l'ambassadeur


français de l'Isle, du même jour.
2. C'est l'opinion de Susta dans la préface de son t. m, p. vi-vm.
3. Constant, ihid., p. l, note 2.
842 1!V. I VI. CONCILE DE PIE IV ET HESTAUR. CAT110I.IQUB

bleriu'iit <;()n\ t'ii;tl)K'ï> '. Il ih; partil (l'iiilh-urs (jue le 'l'ô mars et

s'attarda jus<|u'au T) avril. Dans l'intervalle, le pape


ù liologru-
ne cessait de stimuler le zèle des légats en fonction, racti\ité du
concile. Le 10 mars, il
gourmandait une fois de plus Simonetta sur
leur jieu d'initiative et parce que jusque-là ils a^aient accordé aux
Pères trop de latitude, la briglia larghissiinn, la hiich; sur le cou.
Ils devaient tout régler a\ ce
quatre ou rinfj prélats de choix, pru-
denti e accord, et ne dé])êeher à Home que les affaires de grande impor-
tance. Parmi ces dernières il réservait nommément la réforme des
))rinccs, (pii n'était ]ias du tout ex ofjlcio legalorum; n'avaient ils ii

s'en iiujuiéter que si elle était réclamée par bon nombre de Pères ''.

Le concile ne restait ]tas inactif. Après la dis]>arition du ]iremier

président, Seri])andi a^ ait déj)loyé de l'activité, en débattant a^ec le


cardinal de Lorraine les dillicultés sur la résidence et l'ordre, non
sans les concours hîfbituels les membres de la commission, Paleotto
:

et encore l'abbé de Clairvaux, Souchier, porte-parole du cardinal;


quelques arrangements sortirent de ces conférences. Les pourparlers
se poursuiA aient, toujours dans les couloirs, du 8 au 15 mars,
et Lorraine obtenait l'autorisation de soumettre aux Pères son décret
sur la résidence, sous sa ])ro])re res})onsabiIité, sans engager celle des

légats. Les Italiens se résignaient à renouAcler simplement le décret


du concile de Florence sur primauté de Rome et amenaient les
la

Espagnols à l'accejiter, parce que, de ce pouvoir sui)rême, procé-


daient les prérogatives celui de leur Inquisition. Même j'armi les
Fran(,ais «pii restaient intraitables, toujours à cause de la Sor-
bonne, quelques uns se laissaient ébranler, et leur chef consentait à

s'abstenir.

Suspension des travaux à Trente.

Mais le 1 7, Borromée jetait de l'eau sur ce beau feu : le règlement de


la résidence devait être renvoyé a])rès le sacrement de l'ordre,
toute décision ajournée jusqu'à rarri\re des nouveaux légats"'.
Le concile se résignait donc à ne rassembler que des matériaux :

le lendemain, la commission sur les abus de lordr»' déjiosait son rap-

1.
Prnu'ignrmenti rurinix dans Siuta, ihid., p. 276.
2. Siista, p. 273-27A (Fiorroniér à Simonrtia le 10 mare); pour ce qui fuit, voir
Ip» dorumpiit» rapportés p. 260 rt 274, lettre des légats du 14; Cône., p. 443,
note 7.

3. Suita, p. 279-280: le
rnppori mit I. s al.us, y. 278.
CH. I. LE CONCILE MORONE 843

port et Lorraine y joignait le sien, au sujet duquel Simonetta écri-


vait « Il est difficile de savoir ce
:
qu'il veut une réforme, il faut croire. »
:

En tout commission n'hésitait plus que sur un point


cas, la les :

enquêtes et examens concernant les candidatures à présenter aux


bénéfices consistoriaux.
Le 15, avaient commencé les conférences des théologiens au sujet
du mariage, mais les ambassadeurs français cherchaient à les faire sus-
pendre comme pure perte de temps. Les légats leur rappelèrent que
l'empereur, leur allié, attachait de l'importance à ce que le concile
réglât cette question poursesÉtats, sans omettrelemariage des prêtres.
En effet, l'évêque de Fûnfkirchen en avait traité, le 11 avec Simo-
netta, dans une conférence à ])ropos des dernières requêtes impériales.
Les séances furent finalement suspendues le 22, sous prétexte de se
consacrer aux exercices du carême.
En ne laissaient échapper aucune occasion
réalité, les présidents
d'écarter questions épineuses, jusqu'au jour où l'assemblée
les

aurait à sa tête un homme qui sût et pût prendre une décision. Le

rapport sur les abus de l'ordre et les matériaux que venaient de four-
nir les théologiens furent donc mis en réserve pour la venue des
nouveaux chefs du concile. Le même prétexte de les attendre fut
^
invoqué pour esquiver les instances des ambassadeurs impériaux

qui réclamaient des secrétaires non italiens ^. Nous savons que la


manœuvre remontait loin avait des origines et des "causes multi-
ples. L'empereur lui-même n'avait-il pas fait étudier le cas par ses
théologiens, comme une des garanties de la liberté du concile !

'
Massarelli était loin de pouvoir remplir régulièrement son service :

ses infirmités le paralysaientde plus en plus. Son suppléant, l'évêque


de Castellaneta, n'avait pas son expérience et son prestige de servi-
teur de la première heure; il ne cachait pas ses préférences, ni même
ses faveurs Pères italiens, se montrait partial et satisfaisait
pour les

peu dans l'exercice de ses fonctions.


Un rien suffisait pour éveiller les soupçons et les plaintes. L'arrêt

du travail eut d'ailleurs aussitôt son effet inévitable, la désagréga-


tion progressive de l'assemblée. Lorraine y contribua lui-même :

il
profita des circonstances pour s'accorder un petit voyage à Venise,

1. Vers le 15 mars, Susta, p. 275-276.


2. C'était le qTiatrième cas de conscience présenté par l'empereur, Pailaviciui,
c, IV, § 6.
3. Voir le jugement peu favorable que porte sur lui l'abbé Constant, La légation
Morone, p. l, note 4.
844 I.IV. I VI. CONCILE DE PIE IV ET HESTAUn. CATHOLIQUE

SOUS prétexte d'nITnires mec l'anibassaclnir fiaiit.ais de Maisse. Il


par-
tit leavec nombre d'é\èqijes et de théologiens, et le bureau dut
22,
accéder à se demande, de suspendre les tra\ aux en son absence *.
Le voyage ])arut sus]>ect, surtout cette visite à un gallican comme
de Maisse, justement souji^onnc d'être quelque peu caK inistc. Gual-
ticri mit tout en œuvre pour retenir le cardinal, et s'excusa ensuite

de son insuccès.
Lorraine venait de quitter Trente, lorsque y parvinrent les lettres

de la Secrétaireric d'Ktat, invitant Visconti, et un peu Gualtieri


(ci-dessus. ]». 838) h cha]»itrer le cardinal, ])Our cpiil négociât l'entre-
vue entre le ]iape et l'emjjereur à lîologne, ainsi que le transfert du
concile au même lieu. Gualtieri. a])rès son récent échec aujirès du

personnage, se contenta d'entretenir de


l'afTaire l'archevêque de

Sens, de Pellevé, confident du cardinal, ^isconti courut à Padoue.

y rejoignit Lorraine, lui îcinit. comme entrée en matière, le bref


du ])a])e et les lettres de Borromée lui ex]»rimant leurs condoléances
]iour la mort de son frère.
Le cardinal en fut touché mais ;
}>our le reste il se tint sur la réserve.

II répondit simjilcment qu'il serait sage d'attei dre le résultat des

négociations que le paj'C venait d'engager avec le nouvel ambas-


sadeur ordinaire d'Esjiagne, don Luis d'Avila. qui était arrivé h
Rome peu de jours au]>aravant. Il était annoncé depuis longtem]>s
et la rumeur ]tubliquc, qui s'en occupait alors avec un vif intérêt,

considérait sa mission comme devant amener des changements


notables dans la ]iolitique du pape.

De double conibinaison de Bologne, dont il était ]iourtant


la

l'auteur, Lorraine fit valoir surtout les inconvénients. Il objecta,

par exem]>le, que les hérétiques en ]>rendraient ombrage, parce qu'ils


y ^"erraient le point de départ d'une ligue ou croisade contre eux.
C'était i)récisément le motif que l'empereur et ses conseillers ne ces-
saient de mettre en avant ])Our écarter le ]>rojet du concile à
Bologne. Il objecta n'y avait rien à faire tant q\ie
encore qu'il
Morone, le nouveau légat, n'aurait pas ]>ris ses arrangements avec
l'empereur.
L'o])position et la ligue franco-ini]>ériale attachaient de rim]>or-
tance à cette volte-face de la politique pontificale, comme étant la

contre-]iartie des pourjarlers qu'elle rou^rait en ce moment avec


Philippe II, par l'entremise d'Avila. Lorraine n'y attachait ] as moins

1. PalI.Tvicini, ibid., r.ix, § 2-'i ; Constant, ibid ,


note ?.
CH. I. LE CONCILE MORONE 845

d'importance, avec cette curiosité que lui soufflait le dépit d'avoir


été supplanté par le nouveau président du concile.
La pierre d'achoppement du projet de Bologne était la question

qui venait naturellement à la pensée si l'empereur ne profiterait


:

pas de l'entrevue pour se faire couronner par le pape ^, à l'exemple


de son frère et dans des circonstances à peu près semblables. Ferdi-
nand, dans la situation de santé et les embarras où il se trouvait,
semblait incliner à faire reporter cette faveur sur son fils Maximi-
lien, avec l'arrière-pensée de lui remettre ensuite les rênes du gou-
vernement impérial. Or ni Maximilien, à moitié hérétique, entouré
de luthériens, ni les conseillers auliques, qui avaient peur des princes
allemands hétérodoxes, ne se souciaient de cette formalité d'un
autre âge, qui n'avait aucune portée à leurs yeux bien plus le cardi-
:

nal de Lorraine se faisait l'écho de leurs préoccupations, quand il

objectait que l'entrevue^de Bologne provoquerait plus ou moins une


levée de boucliers des protestants, sous prétexte de se défendre;
dans l'entourage de l'empereur, certains s'en déclaraient convaincus.
Pie IV, en politique calculateur et au courant de son époque, ne
s'attardait guère à ce projet de couronnement, pas plus qu'à l'entre-
vue elle-même. Avant tout, le concile devait aboutir en toute con-
venance et rapidement. Avec le transfert à Bologne et la présence de
l'empereur, les opposants ne seraient-ils pas tentés de vouloir remettre
son œuvre en question. D'ailleurs, comment empêcher les Pères de
rejeter les réformes qu'on attendait d'eux, les efforts qu'ils faisaient
pour supprim.er les abus commis par les princes, en même temps
que ceux du pape ? Il y avait alors parmi eux une vraie levée de
boucliers en ce sens ^ et qui sait si l'empereur et son entourage ne
:

les auraient pas encouragés, pour assurer une réforme plus générale,

plus complète chez le pape et dans le clergé ? L'œuvre conciliaire


devait donc se continuer, somme toute, à Trente et nulle part ailleurs,
dans conditions antérieures, entre le pape et les Pères, avec
les le

concours des ambassadeurs réduit à son minimum.


Le concile cependant se dissolvait dans l'inaction et l'incertitude :

les légats avaient peine à le maintenir, à faire patienter les membres :

ils se dispersaient lesuns après lesautres dans la région, pour fuir


le climat désagréable de Trente et de ses Alpes, et se délassaient à

1. Voir le
témoignage invoqué par Pallavicini, ibid., § 9.
2. Voir
projet de réforme des princes, déposé par Zambeccari, l'évêque de
le

Sulmone, que les légats envoyaient à Rome, le 11 mars, Susta, p. 264-267.


846 MV. IVI. CONCILE DE PIF. IV ET RESTAUR. CATHOI.IQUB

travcFB les |)ays italiens, (jui s'einbaninait.'nt alors des senteurs du prin-

temps. L'ambassadeur lloreiitin, Strozzi, évaluait le nombre des

absents à (|uatre-N ingt-dix ^


(]»rès de hi moitié), comme j>ris de nos-
tal^'ie. iinti lUil tedio. « Ceux nui restent, ajoutait-il, murmurent,
{^émissent de la situation, et il est à craindre que, si l'on continue à
les amuser par de belles paroles, il ne s'ensuive un f^rand scandale
ft un grand dommage })our la religion.
" Les légats en fonction,
manquant de l'autorité nécessaire, ne parvenaient ]»as à retenir
ceux qui s'en allaient sans congé, sous j)rétexte que le concile était

suspendu. Le 1" a\ril, leur corresjtondance accentuait, bien (|u'avec


une certaine réserve, les constatations du Florentin ils élevaient :

il ime retif .lific le nombre des absents: «Force leur avait été d'arrêter
tout tra\ail jus(pj'à l'arriNéc des nouveaux légats. Les retards qui,
depuis Ioiigtem[»s, faisaient tnîner les discussions, s'en trouvaient
aggravés et leur prestige aiïaibli par l'incertitude dans laquelle Rome
les laissait, en ce qui concernait le jtrogramme confié à Morone.
Ils ne le connaissaient que ])ar la correspondance jirivée (ju'ils rcce-
Naient de Home et ]iar une conversation de l'enqiereur avec l'agent
vénitien attacbé à son gouvernement. »
Ces jdaintes n'étaient justifiées qu'en partie; elles eurent bientôt
la réparation sullisante IJorromée s'excusa et expliqua le prétendu
:

manque d'égard .Morone n'avait reçu «pie des recommandations


: k

verbales, et Sa Sainteté n'avait décidé que successivement le départ


<l la destination
j)remièrc des nouveaux légats, Navagero à Venise
et .Morone h Innsbruck; celui-ci s'arrêterait d'abord à Trente, pour
s'entendre avec ses collègues sur le détail de sa mission. » Le 27 mars,
le pontife
couy)ail court aux intrigues et aux racontars dont le con-
cile étaitl'objet il annonçait solennellement, en consistoire, qu'il
:

ne consentirait pas à l'arrêter, ni même fi le transférer, tant que


l'assemblée n'aurait jias constaté elle-même que son œuvre était
terminée ^.

Il s'entendait jiarfnitement avec les légats jtour ramener les fuyards


à Trente : Morone lui rap]»elait que son devoir était, plus que jamais,
de ne pas laisser déserter le concile *; Na\agero s'y entremettait
à \'enise et les deux légats de Trente invitaient les absents à honorer
de Iiiir
présence l'arrivée de leur nouveau chef. Madruzzo donna lui-

1 Lr 29 mars; extrait dans Snsta, p. 285; 1rs plaintes des légats, p. 287-288;
t*«llavirini, r. xi : au déhuf.
-• Trxlc dans Constant, La légation Moronr, y. xi.m, note 1.

3. Susta, p. 287, 200. .100, ri noio 2.


CH. I. LE CONCILE MORONE 847

même l'exemple et, après six semaines d'absence passées à Inns-


bruck, puis à Brixen, son autre évêché-principauté ^, se trouva à
son poste pour saluer Morone, quand celui-ci fit son entrée le samedi
saint, 10 avril.

IVIorone remet le concile en marche.

Ce fut à Bologne seulement, d'oii il partit le 5 avril, que le prési-


dent commença à recevoir les instructions écrites, les pouvoirs et la
correspondance pour ses opérations, tant au concile qu'auprès de
l'empereur ^. En quittant cette ville, il dut se rendre à Mantoue,
pour baptiser, au nom du pape, le nouveau-né du duc Guillaume de Gon-
zague. Sa domesticité le précéda de trois jours à Trente et son homme
d'affaires, l'évêque d'Ischia, Filippo Gherio, l'avait déjà installé dans
deThun, qu'avait habité le cardinal de Mantoue, avec l'ameu-
le palais

blement recueilli à la succession de Seripandi. Son entrée eut lieu


à cinq heures du soir (vingt-deux heures à l'italienne) et, malgré
lerefus de l'intéressé, la réception fut des plus solennelles, digne d'un
il n'y manqua aucun des Pères
président de concile œcuménique :

demeurés à ambassadeurs, excepté celui de


Trente, aucun des
Venise qui était indisposé.
Le jour de Pâques, Morone chanta la messe, pontifia et prit aussi-
tôt en main la direction des affaires, en recevant successivement
lesambassadeurs et les évêques. Les premiers qui se présentèrent,
ceux de France et les Impériaux, parlèrent de la réforme, chacun
d'eux à leur manière, l'évêque de Funfkirchen regrettant qu'elle
marchât si lentement et qu'elle n'eût pas encore réglé la question
du calice. Celui de Portugal et les Vénitiens exprimèrent simple-
ment le désir que le concile allât vite et aboutît. Morone attesta
que le pape voulait la réforme, ce qui n'empêcha pas une partie
des évêques espagnols de faire leur réserve là-dessus, hisogna vedesse
le opère. Il avait pourtant apporté avec lui des copies de la bulle

sur le conclave et les rapports des réformes récentes dans la Daterie,

la Rote et la Chambre apostolique ^.

1. Ihid., p. 249, 263; arrivée et premiers actes de Morone, dépêches commune»


des 11-12 avril, p. 291-295.
2. Susta, Ihid., t. m, p. 276, 287.

3. Constant, ihid., p. xlv, xi.vii, note 3 cf. les confidences du pape à l'envoyé
;

du cardinal de Lorraine, Musotti, le 22 avril, Susta, p. 314, avec des détails précis.
8'l8 LIV. I.VI. CONCILE DE IME IV ET HESTAUR. C AT 11 » > Il (jU E

Le 13 présida une congrégation générale, lui communi-


avril, il

qua avec le bref du 20 mars qui le nommait, et fit con-


ses ]>ouvoirs,
naître les intentions du Saint-Père. Il avait retardé son départ

pour înnsl>ruck, afin daltendre, sur Unir demande cxjiresse, le


cardinal de Lorraine et le nouvel ambassadeur espagnol, comte
de Luna;inais le ])remicr ne j)arutpas, encore qu'il eût fait jirésen-
ter sa requête par ses ambassadeurs, et même j»ar l'évéque de Fûnf-
kirchen. Bien j)lus, aucune nouvelle ne venait (pi'il se fût mis en

route et Morone, qui tenait cependant beaucoup h connaître ses


dispositions, dut laisser la tûcho de les pénétrer à son collègue
Navasero ^.
Le comte de Luna, Claudio de Quinones, grand d'Espagne, après
s'être fait attendre des mois, nous l'avons dit, arriva le lundi de
Pûques et eut aussitôt son audience du nouveau ])résident. Il
demanda tout d'abord résolument la suj>j)ression de la formule

proponentibus règlement des anciens


legatis, j)arce qu'elle altérait les
conciles: il prétendait que son maître était d'accord en cela avec les
autres souverains ^. Morone, qui connaissait les véritables dispositions
du roi catholique et de ses conseillers, reconduisit et l'ajourna
après sa ])rochaine entrevue avec l'empereur. Le comte l'assura

alors de l'entier dévouement de son maître envers le concile et, à


une j)lace sur le j»ied de son
]iropos de la préséance, se borna à solliciter
collègue de France, à l'un des deux côtés du bureau ou d'une autre
manière, au jugement des légats, mais avec protestation que cela ne
nullement aux droits de son souverain.
préjudicierait préséance^de

Accord de Pie IV^avec^Philippe^ll.

La solution jvint de Rome, ainsi (|ue celle de toutes les dillicultés


avec l'Espagne,
pendantes alors au concile, par un accord définitif
que Pie IV préparait depuis un certain temps contre la coalition

à démêler
franco-imj)ériale. Il n'avait pas eu beaucoup de peine
que. derrière les récentes manifestations d'intransigeance
de Phi-

lipj)e II, se cachait un besoin réel de s'entendre avec Rome, pour


le règlement de tant de dilficultés ])olitico-religieuses que Chralcs-

1. cit., p. 295 (Irttrc dc^Moronc d'Innsbrurk


Susta, op. du 21 avril). 1 ,.
.

à
2. 301-304; sur les incertitudes et les divisions du conseil d'Espagne
Ibid., p.
ce sujet, voir la dépêche du nonce Crivelli du 24 février, ibid., p. 502-506.
CH. I. LE CONCILE MORONE 849

Quint avait laissées en souffrance A la jjlace de l'indésirable Fran-


!

cès de Vargas ^, que Pie IV supportait avec peine, incapable


par
conséquent de suffire à cette tâche exceptionnelle, le Catholique avait
jeté les yeux, en août 1562, sur un de ses serviteurs les plus expéri-
mentés, don Luis d'Avila, grand commandeur de l'ordre d'Alcan-
tara. Comme il avait beaucoup d'affaires à traiter en
Europe et en
Amérique, celles surtout des Pays-Bas, de Naples et de Milan,
ses instructions s'élaborèrent lentement, à travers un marécage de
négociations, discussions, subterfuges, redites, et ne furent prêtes
que le 30 novembre. Il attendit jusqu'au mois de février pour se
mettre en route et entra enfin à Rome le 14 mars. Le pape, voulant
l'avoir sous la main, le logea au Vatican, et les pourparlers s'ouvrirent

aussitôt, le 16.
Mais l'Espagnol n'avait pas à marcher vite, son maître, la len-
teur même, avait tellement temporisé ! Il revint fort loin en arrière,
parla tout d'abord de la nécessité de faire une dernière démarche
de conciliation auprès des dissidents, des princes de l'empire; sur-
tout de ménager la France, pour qu'elle n'éprouvât pas de répu-

gnance à régler embarras de religion en accord avec le concile.


ses
Puis conseilla au pape de s'en remettre à celui-ci de tout, même de
il

sa réforme à lui les légats, insinuait-il, n'avaient


:
pas toujours
respecté suffisamment la liberté des Pères, et certains de leurs actes
faisaient voir les inconvénients de la formule proponentibus legatis;
elle était au moins à modifier.

Ce manège franco-impérial, que don Luis remettait en œuvre,


le comte de Luna le poursuivait aussi à Trente
pendant deux mois,
jetant encore un peu plus de désordre et de désarroi dans le concile,
après et avec les secrétaires Pagnano et Gatzelu, dont on ne savait
s'ils servaient ou desservaient l'assemblée; les chefs de celle-ci
avaient dû les faire rappeler à l'ordre par leurs supérieurs; il était

temps de mettre un terme à des agissements d'autant plus dange-


reux qu'ils surgissaient de divers côtés.
Us étaient d'ailleurs entretenus par Vargas qui, de Rome, préten-
dait peser sur le concile et s'en occupait sans cesse. Pie IV crut
néanmoins jirudent de l'admettre en tiers dans les pourparlers ^.

1. Sur les négociations, Pastor, p. 251-253; Pallavicini, 1. XXI, c. i, § 6-7;

Susta, passim.
2. Susta, ibid., p. 296; et p. 526-535 un essai de mise au
point; le mémoire du
28 mars, dressé parle secrétaire Galli, annoté de la main du pape, avec les réponses
d'Avila.

CONCILES. — IX. — 28
850 i-iv. i.\ I. co.NciLi: i)v. vu: i\ i i iiKsiArn. catholique

Il iif
parut (l'ailltMiis jias plus pressé d'ahoutir ipie ses partenaires :

le 28 mars seuhMuciit, il
riposta par un I<>iig inrinoirc aux pre-
mières j)ropo8itions du conunandeur : « II était Imcii tard pour rame-
ner ce dédale do vieilles dillicultés, il fallait m finir avec les exigences
coni|di(iuées, divergentes et même contraires, <jue les souverains
catholi(|ues apportaient au concile, l'ne seule solution était pra-

ti(]ue :
l'arliifrago et la décision dernière du souverain pontife,
jirimat de toutes les Kglises. dirigeant les débats de ra3send)lée
avec le concours de ses légats. II a\ait commencé la réforme par lui-
même, im])osé la résidence h ses cardinaux t'X \ouIait continuer a\ee
les évêques de la curie, autant (pie faire se pourrait. Il
espérait
étendre oc devoir h Irlglisc universelle, si le concile et les évêques
s'y prêtaient et si les princes n'y mettaient jias obstacle. Il consen-
tait formule contestée, pourvu que ce ne fût j as
h al)aJ!doiinor la

au préjudice des privilèges de la monarchie espagnole, et aussi de ses


prérogatives do chef de l'itglise. >»

Les deux partis se mirent à peu près d'accord sur ces prinoij>es
posés, et d'abord ils convinrent que le pape accorderait le calice
selon les convenances et ferait continuer le concile dans les conditions

|)rescrites; sur le reste, négocièrent encore tout le mois d'avril.


ils

Des personnages d'importance, comme Cosme de Médicis, pressaient


Sa Sainteté do s'entendre promptement avec le roi d'Espagne, il y allait
du salut de la chrétienté! Le pontife avait de bonnes raisons de le

croire. Effectivement, le 6 mai, les deux plénipotentiaires espagnols


signaient, au nom de leur niaître. un engagement par lequel celui-ci
promettait au paj>o son appui et garantissait dans leur intégrité
les privilèges du Saint-Siège, y comjiris le maintien de la for-
mule proponrniibus legatis. De son cAté, le j)Oiitife stij)ulait que.
sans rien préjuger sur le conflit de préséance, tel qu'il avait j>u
se présenter jusque-là. il
réglerait le cas présent selon les désirs

exprimés par le souverain espagnol dans sa lettre du mars, et 5


accordt rait au comte de Luna un siège à part, élevé, à côté du
bureau.
Le même jour, 8 mai, le pape ordoimait aux légats de faire exécu-
ter cet arrangement h l'intproviste et dans le
plus grand secret,
afin d'éviter toute manifestation intemposti\ o. Ils abandonneraient
les Français à leur ]>ropre décision, cpioi tpi'ils prétendissent à
rencontre de ce règlement. Le comte d'ailleurs témoignait d'une
grande déférence, affectait d'aborder le moins possible le sujet do
la préséance et cherchait un moyen de se faire recevoir au concile
CH. I, LE CONCILE MORONE -
851

sans rien brusquer^. Le cardinal de Lorraine, venant au secours des


légats, fit
adopter par ses compatriotes un moyen terme provisoire,
qui pourrait être pour eux un précédent, jusqu'à la décision, que les
légats en fonction ne voulaient pas prendre sans le concours des
nouveaux. A la congrégation du 20 mai, les Français occupèrent
leur place habituelle, et Luna siégea près du secrétaire, en face des
légats.

L'attente au concile.

Le concile avait dû attendre, pour prendre cet arrangement,


d'être reconstitué, avec son collège de légatsau complet. Depuis
le 23 mars, il n'avait eu qu'une séance solennelle, le 13 avril, quand
il célébra la venue du nouveau président. Il n'avait été jusque-là
qu'un concile en vacances notables et les Pères disparaissaient
: les

et reparaissaient tour à tour, ambassadeurs aussi bien que cardinaux,


et le président lui-même n'avait fait que
passer en constatant les
vides. La congrégation du 16 janvier avait compté deux cent-trois
prélats or, à cette prise de contact entre eux et leur nouveau prési-
;

dent, ils n'étaient plus que cent soixante-six ^, même après les rap-

pels et semonces de Rome, qui avaient dû en ramener un certain


nombre.
Le 20 de Lorraine arriva, retour de Venise, plus
avril, le cardinal

entreprenant que jamais. Le lendemain, les Pères se réunirent, en


prévision de la séance du 22, qui devait être la session xxiii^, comme
ilavait été résolu deux mois auparavant. Or l'assemblée en était à

peu près au même point elle n'avait toujours rien de prêt, que des
:

matériaux, notes et ébauches de décrets sur les sacrements de l'ordre


et du mariage, provenant surtout des théologiens inférieurs. Les légats
avaient donc décidé avec Morone que la session serait ajournée au
jeudi de la Pentecôte (3 juin); ils communiquèrent cette décision
aux ambassadeurs et aux cardinaux, qui l'approuvèrent sans rien

objecter, et la congrégation fut convoquée. Elle ne pouvait arrêter


de décret sans le concours des deux nouveaux légats, et surtout en
dehors des arrangements que le premier prendrait avec l'empereur;

1. Comparez Pallavicini, 1. XX, c, xvii, § 5, avec Susta, p. 333-334 (lettre des

légats, le 17 mai) voir aussi, p. 319, les propos que Lorraine tient à Navagero.
;

2. Conc, p. 361 et 473; Susta, p. 305. Le 13 avril, Borromée rappelle aux légats

qu'ils ont des facultés pour semoncer les absents.


852 I.IV. l.\I. HO.NCILF, Dr. l'il l\ Il HKSTAUn. ( : A I IH l.U» U
> IC

il était impossiMf »l<'


iii<'\iiir i|ii!iii(l
il ;iiii;iii tcniiiné les airaircs

<|u'il avait ;i fi;iiftr au nom de Sa Saiiilrté.


Telles furent les raisons qu'llosius lii \aloir, mais Lorraine avait

changé d'a\is ri ol)j<'cta <]u'il m- convenait jias de fixer la date de


la session sans l'ax des deux autres présidents
is Ils m- larderaient :

pas à arriver, sa\ait pert inemnicnt jioiir Na\ agero il avait eu


il \r :

avec lui une longue eonférenee à Venise, et en avait reçu la confi-


dcnee, avec plusinirs autres, qu'il rejoindrait son poste ineessam-
ment ^ (^uant à Nforone, l'empereur était si l»ien disposé ipi'il ne le
retiendrait pas loi'gtemps. » Il jtroposa donc de renvoyer au !20 niai
la lixation de la date, quitte à l'ajourner encore.

Son avis fut ap|)uyé par Nfadru/zo, (îuerrero, la jiMiparl des oppo-
sants et par l'évripic ilr Niterhe lui-même; l'incident jieiinit de
constater h (pid point, en ces derniers tem])S et au milieu d'un désar-
roi qui croissait, avait soulTerl If
prestige du tollège décapité des
légats. Leur proposition fui repoussée jiar quatre-vingt-trois voix
contre soixante-dix-huil il sept abstentions: la majorité s'était
désagrégée et le concile se trouvait coupé deux, après le en

(léj)art d'une <piarantaine de définiteurs. Italiens pour la pluj art.


Il était grand
lemjis de remédier à la crise qui paralysait l'Lglise
enseignante.
Navagero apporta un premier remède: il fit son entrée incognito,
le 28, pendant la nu il. devançant d'un jour la réception qu'on lui

jiréparait, et évitant par là d'é\ ijHer le débat de préséance^, qui


tenait le comte de Luna à l'écart de toute solennité et cérémonie,
il
s'enifdoya aussitôt à prêcher la conciliation et l'ajiaisenient, et
tout d'abord auprès du cardinal de Lorraine, dont il avait fait la

con(|uête h \ enise. Il était manifeste que l'évèque de N'iterbc avait


perdu son ascendant sur celui-ci ^. Navagero laborda le 2 mai, écouta
ses sem})iternelles doléances, même contre la formule proponenti-
bus legatis, tpi'il altérait en decidentihiis U'gali.s; ses protestations
de zèle et de dévouenienl au Saint-Siège. Il ne disait en tout cela
rien de nouveau, sinon (pie le concile ferait bien de se mettre au

travail, sans attendre le retour tlu jireiiiiei- président; les Pères, et


notamment les Espagnols, étaient impatients de pouvoir contrôler
de près l'œuvre des commissaires, qui ne lui semblaient j)as assez

1. Snsta, p. 'J95, 312; Pallavirini, ihid., c. xii, § 5; Conc, p. M6-^ll.


2. rallavicini. r. xiii, 2; Susta. p. 310-311.
(j

3. Susta, ibiJ., p. 327-328 (lettrr de Borromée le l*' mai); 317-320 (lettre dos

lé;îats le 3); Pallavicini, c. xvi, § 'i-5 (conférence de Navagero avec Lorraine).


CH. I, LE CONCILE MORONE 853

impartiaux, un poco appassionati. Et il s'offrait lui-même pour cette


fonction, avec les ambassadeurs, sans en exclure les légats.
Navagero fit dans cette conférence une découverte de prix, c'est
que cardinal avait des intelligences dans tous les camps, même
le

Il en conclut
parmi les Italiens^. qu'il importait de le ménager. Il
était d'ailleurs de notoriété publique —
et Lorraine en fit confidence
ù son interlocuteur — qu'il avait envoyé à Rome l'ancien secrétaire
de Seripandi, Filippo Musotti, devenu le sien que celui-ci négociait;

en son nom des affaires importantes, directement avec le pape, tout


en justifiant ses derniers actes, aussi bien que son attitude aii con-
cile^. Cette démarche fut de conséquence, peut-on dire, pour le
rôle de Lorraine à Trente, mais aussi pour l'avenir de l'assemblée.
Le cardinal entendre à Sa Sainteté que l'évêque de Viterbe lui
fit

déplaisait, qu'il voulait désormais le tenir à distance. Mais, si le


pontife se plaignit, comme le prétend Musotti, de tous, des légats en
particulier et du deux ans, il apprit
concile, qui n'avaient rien fait en
comment il devait manier Lorraine et sut en profiter. Le cardinal
parlait d'entreprendre le voyage de Rome pour se concerter avec le
})ontife, comme il l'avait fait avec l'empereur. Pie lY l'en dissuada
tout d'abord, et assez longtemps; il y consentit enfin, dans l'intérêt
du concile. Le Français deviendra son instrument, à la suite de plu-
sieurs autres définiteurs d'importance.
Les légats, soucieux avant tout de surmonter les difficultés nou-
velles qui s'embrouillaient dans les anciennes, n'avaient pas attendu
l'invite du cardinal français pour reprendre les travaux. Le 29 avril,
ils firent distribuer aux Pères, en même tempsqu'aux ambassa-
deurs, dix-sept articles sur les abus du sacrement de l'ordre, éla-
borés lentement depuis le 13 mars. Il y avait là de quoi rallumer
toutes les vieilles querelles sur la résidence, les rapports de l'épisco-

pat avec les chanoines, le sacerdoce et les ordres religieux. Ces


articles mettaient aux prises les deux pouvoirs, à propos de la colla-
tion des bénéfices et dignités ecclésiastiques, soulevaient un problème
des ]>lus graves, celui des empiétements que les princes se permet-
taient, sous toute sorte de prétextes, contre les personnes et les choses
sacrées. Le concile engageait ainsi, à propos des affaires mixtes,
temporelles à la fois et spirituelles, la réforme des princes, la plus

Fia un gran seguito in queslo concilia, et sia cosa di sliinar assai, Susta, p. 319.
1.

Musotti avait sa première audience le 22 avril voir un extrait de son rapport,


2. ;

qui ne manque pas d'exagération, Susta, p. 313-317; il fut question de beaucoup


de détails, même de la réforme du pape.
8.')'! Il\. l.\l. ( OMMLE DE F'IK IV ET RF.STAL'H. (
\TU()LIQtK

éjtiiieuse do tous les temps. C'est contre elle «inils ropinihaieiit, les
Valois et N's Habsbourg cm tète. Tout fais«iit «loue prévoir une
levée dv boucliers de la part de leurs ambassadeurs. l/ofTensive avait
commencé mémo, avant <pie les légats eussent trou\é b; temps de se
mettre en garde.
Le Borromée avait renvoyé ces articles censurés et annotés
i'},

par pape avec cette réserve, que le jtrojet de réforme fût


le

géni'ral, ou laissât tomber les cinq premiers sur la collation des


bénéfices, notamment l'article (pii réglait la nomination des
évècjues ^ Les légats consentirent à renvoyer les numéros 2 à 3
a\i moment où le concile traiterait de la réforme en général;
quant
an premier, les commissaires lui donnèrent une rédaction, qui pré-
cisait les empiètes à jirésenter en consistoire sur les candidats, leurs
caj)acités, mérite et genre de vie. Ces derniers incidents retardèrent
encore la remise des textes aux évèques et ambassadeurs.

L'offensive oblique du cardinal de Lorraine.

Quand il reçut le sien, le comte de Luna prit l'initiative de l'assaut,


en dépit de l'esjirit conciliant (ju'il avait manifesté jusque-là il :

avait d'abord donné l'impression <[u»' son maître l'envoyait pour


brider les évoques, ses sujets, qui s'écartaient du droit cbemin, du
service de Dieu-. Il demanda sujtpression de Turticle premier, et
la

fut appuyé par l'agent portugais .Mascarenbas, qui. lui aussi, se


montrait d'ordinaire |i|us condescendant. Le comte sollicitait en outre
les légats d'inter\ etiir au]irès des conunissaires, pour leur faire dres-
ser un texte en général moins long et ])lus j>récis. C'était le cas d'invo-
quer la liberté du concile, et les légats se virent ap]>uyés par Lor-
raine, qui bataillait, de son côté, pour le jiiaintien du texte primitif
de l'article premier.
Les présidents prétextèrent qu'ils a\aicnl besoin de réflécbir, puis,
peu après, cinq des commissaires vinrent avouer à I fosius, que le texte
des quatre canons ajournés leur avait été suggéré par im tiers, qui
tenait à ne pas se faire connaître. On ne tarda pas à savoir (il se décou-
vrait lui-même) que cet anonyme n'était autre ipie le cardinal de

1. Susla, p. 307-309, 311 (lotlros des légats les 22 ri 23).


2. Tftxer m
huona regtda li prclah che stn hora hanno deviatn; ibid., p. 309
(nouvrllcs d'Kspapno), 311-317 (intervention des deux ambassadeurs).
CH. I. LE CONCILE MORONE 855

Lorraine, Il comptait, à propos de la supériorité de l'épiscopat sur

le sacerdoce, ramener le débat sur la résidence de droit divin, de


manière à mieux préciser le caractère de la juridiction épiscopale :

il y avait même en cela collusion entre lui et les Impériaux.

Le cardinal en l'évêque de Fûnfkirchen vinrent trouver


eiïet et

tour à tour Simonetta et firent de vives instances pour qu'il remît


immédiatement en délibération au moins un des articles écartés,
celui de la nomination aux curés mais c'était toucher aux ;
intérêts
de quantité de collateurs, le pape compris, lequel percevait un
oros revenu (annates) de ces nominations comme de tant d'autres.
Un conflit menaçait d'éclater entre le concile et son chef : l'un et
l'autre s'en rendaient compte, et il semblait plus opportun de cher-
cher un accord, à l'aide du temps, en renvoyant cet article à la réforme :

lepape champ de ses collations,


consentirait sans peine à limiter le

mieux que dans un débat de principe et de règlement sacramentaire.


L'évêque de Fûnfkirchen se fit battre par ses propres armes :

Simonetta lui riposta qu'ils avaient des raisons de croire que cet
article portait préjudiceau septième canon de l'ordre tant discuté, la
il conve-
supériorité de l'épiscopat et la nature de ses pouvoirs :

nait de l'ajourner «Pour le moment, le concile ne se préoccupait que


:

de faire nommer
des pasteurs dignes et décidés à la résidence; peu
importait d'où vînt la collation ce dernier point se réglementerait
:

plus tard. » L'agent impérial parut se résigner et Lorraine dut en


faire autant ^.

avait cependant dessiné une offensive plus énergique auprès


Il

dn même légat il est vrai que Simonetta prit l'initiative d'aborder


:

la question, voulant sans nul doute éclaircir le bruit qui courait,


que le cardinal était l'auteur des nouveaux canons. Il le pria donc

d'employer son crédit à seconder leurs projets « Ils a^•aient résolu :

de renvoyer ces canons à un autre temps. » Par contre le cardinal


dépensa encore plus d'éloquence et d'arguments à prouver que le
débat devait commencer par cet article des curés, parce que de lui
dépendait tout le reste, l'existence même de l'ordre ecclésiastique. Ce
qui ne l'empêcha pas d'insister, et encore au nom de l'ambassadeur
l'évêque de Przemysl, pour que le concile discutât aussi les
])oloîiais,

autres, sans en excepter un seul. A ce long discours, le légat répon-


dit en quelques mots « Les commissaires s'en étaient remis à eux
:

1. Susta, p. 324, 325-326 (les légats, le 6 mai) ;


l'entretien de Lansac avec Nava-
gero, p. 323-324.
856 l.l \ . I \ I . lO.NClLi: UE VIE 1 \ Il 11 I N I VI it I \ l II () I Itil I

de régler l»- sort d'urlicles donl ils n'étaient |>as Its auteurs, parce
{ju'ils ne \oyaient pas qu'ils eussent
Irait ;mx abus du sacrement

de l'ordre. j»liit«'»t «pi'ii la réforn»*; et les léf^als les aN aient, fondus

avec celle-ci, pour ne pas allonger le |iiciiiier déeret. .ifiii d'en finir

phis vite avec session.


la "

Lorraine feignait de craindre que le tout ne fût ajourné itidéHni-


ment il se contenta néanmoins de
:
promesse (pie les légats lui
la

firent, sous la foi du serment, d'avancer son article en tète du déciet


de réforme, et il se calma pour un lenips. Les légats ;if (rihuèrcnt ce
revirement assez rapide aux l>onnes nouvelles (pie son secrétaire
Musotti lui rajiporlait le jour même de Home. Celui-ci était encore
sous l'impression cpie lui avaient laissée les caresses et les flatteries
dont il avait été l'objet il raj)))ortait en ]»Ius tout un paquet de
:

déj)cches, lettres d'alTaires et faveurs diverses, dont le cardinal eut


sa large pari. Toutefois ce dernier nejœrdait pas de \ueNforone, et
cherchait à pénétrer le secret de ses négociations; il continuait donc
ses intrigues parmi
opposants. les

Pendant cpiilSimonetta, l'ambassadeur Lansac


entreprenait
à
s'attaquait Navagero dans un discours pathéticpie, non sans plaintes
indignées, qui n'avaient rien de bien nouveau, sur la stérilité des
tentatives de réforme. Il crut toutefois rajeunir sa harangue, en
airirmant avoir ferme confiance que le légat saurait dissiper la
fâcheuse impression répandue à travers la chrétienté par tant de
belles paroles et ])ontificales restées sans effet. comptait
Il
promesses
sur lui pour entraîner ses collègues à la vraie réforme. Il s'était fait

apj)uyer par l'évéque d'Orléans, Jean de Mor\ illiers; comme ce


dernier était j»armi les fidèles de Catherine de Aîédicis et les évêqucs
gallicans suspects, on dc\ine sans peine que le \énitien reconduisit
avec de bonnes paroles.
Quelques jours plus lard '. le soupijonncux Simonetta dénonçait
des entrevues secrètes, des conciliabules mystérieux entre Français,
hnpériaux, Espagnols Lorraine, Madruzzo, les évcques de Grenade,
:

Fùnfkirchen, Ségovie, tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, sous


jirétexte que l'empereur désirait avoir par écrit l'opinion des Espa-
gnols, à coup sûr pour ses négociations avec Morone. Ils prétendaient
la lui expédier jiar un courrier sûr. En même temps, les nolal)Ics

définiteurs de la même nation faisaient des avances à Navagero,


s'excusaient auprès de lui de l'exubérance de leur argumentation

1. Le 10, tbiiL, p. 328; Navagrro, \c mùnif jour, p. 320.


CH. I. LE CONCILE MORONE 857

méridionale. Rt Lorraine lui témoignait une affection particulière,


de sorte que le nouveau légat comptait le gagner à la cause de Rome,
jarloci amorevole ^.

Les abus du sacrement de l'ordre.

Ce tut au milieu de cet imbroglio d'intrigues et d'équivoques que


décidèrent à lancer, le 12 mai, le débat concernant les
les légats se

abus du sacrement de l'ordre: il en restait treize articles sur dix-


sept. Hosius qui présidait annonça que les quatre premiers avaient
été ajournés, selon ce qu'ils avaient décidé avec Lorraine. Il con-
seilla aux Pères de grouper les autres en sections, d'après la
communauté d'objet, et de présenter des avis en sommaires écrits,
ce qui simplifierait et hâterait le travail de la session. Lorraine
prit lepremier la parole, limita son exposé aux cinq premiers
canons nouveaux et insista sur celui de tête, qui concernait les
enquêtes pour les candidatures à l'épiscopat; il en demanda la

suppression, après naguère fortement appuyé


l'avoir son but, :

d'après l'archevêque de Zara bien au courant de la situation^,


était pourtant de faire annuler par le concile un décret analogue

qu'avait arrêté l'assemblée de Poissy.


Son exposé remplit la séance de ce jour et fut écouté avec un
vif intérêt: mais il n'eut, comme toujours, qu'un succès relatif,
se \\t approuver, soutenir par les Esfiagnols, en général par les ultra-
montains. tandis que ceux d'Italie ne lui épargnaient pas les
réserves et les critiques. Sa situation à Trente était déjà celle que

dépeignait six mois plus tard (le 8 novembre), et d'une manière

typique, l'évêque de Bertinoro, Egidio Falcetta, lorsque le cardinal


revenait de Rome, conquis par le pape « Il subjugue merveilleuse-
:

ment son auditoire par de beaux discours ^, mais il prétend faire


respecter les privilèges de son roi [saUns prwilegiis régis sui), et ne se
soucie pas de l'autorité pontificale. C'est ainsi qu'on exige la justice
et l'équité chez le voisin, non dans sa maison. »

1. Ce terme que les légats, comme saint Charles, emploient pour désigner
leurs partisans, n'a pas de correspondant exact en français nos a/nis, nos fidèles.
:

Conc. Trident., p. 489, note 1 (le 12 mai); le votum de Lorraine, p. 487-489


2.

et 491-493; Susta, p. 330 (dépêche des légats, le 13).

3. Capta henivolentia mirahilmente voir ce curieux extrait d'une lettre au


;

cardinal Farnèse, le 8 novembre, Conc, p. 951, note 2.


858 I.IV. l.VI. CONCILE DE PIE IV ET nFSTAL'K. CATHOLIQUE

Le cardinal, vn nv (Ji.sciilaiil
tpic les j)r«:iiiiers articles, annonça
(ju'il jiarlrrait des antres sculcnienl après que tons les Itères miraient
donné lenr avis. I/opinion s'accrédita qti'il se |iroj)osait de dévelop-
per alors nne thèse générale, nne argnnientation qni entraînerait
la majorité dans le sens de son programme. I,es légats supposèrent

natnrellement «pie ce programme avait pour ohjct la réforme, dont


lecardinal et Lansac avaient entretenu Navagero les <lerniers jours
à plusieurs reprises '. non sans récriminer une fois de jilus contre le
manque de jiarolc «pi'ils rejirochaient au souverain pontife. Le légat
les avait assurés de son entière bonne volonté, mais ne pouvait qr.e
se retrancher derrière sa situation de dernier président, tout récem-
ment arrivé.
Le })rocédé trahissait visiblement l'intention de faire traîner en

longueur concile: le
beaucouj) de Pères, aussi bien j»armi
il
déjilnt h
lesespagnols (|ue parmi les Italiens et ils s'en fdaignirent comme
d'une manaMivre, qu'ils ne ])ou\aient admettre. Les légats dépê-
chèrent encore Navagero pour détourner le cardinal de sa combi-
naison. « S'il le tenq)s de pré]»arer sa thèse, ils ajour-
n'avait ])as eu
neraient la
congrégation suivante à deux ou trois jours pour lui ])er-
mettre de se documenter. » Lorraine fit des dillicnltés, se plaignit
à son ordinaire « On ne lui accordait pas les moyens de déve-
:

lopper sulllsamment la doctrine! Il ne


parlerait donc pas, conclut-

il, avant le lundi suivant, 17 du mois. A la réflexion, il re\ int, peut-

être sans trop de ]>eine, sur sa jtarole et acheva son votum le lende-
main l"!.

Il n'en présenta pas moins une vraie dissertation, étudiée, nourrie


de faits etde textes; il ])assa en revue successivement les divers
articles du projet, non sans risquer des excursions sur les terrains

avoisinant le sujet, critiqua h droite et h gauche, notamment les

promotions de candidats trop jeunes aux grandes dignités ccclé-


siasti»pies, sans excei)ter la sienne: son souverain l'avait })résenté à
rarche\éché de Reims alors qu'il n'avait pas «piator/e ans. Il
parla
des cardinaux à ]ilnsieurs rejirises. regretta qu'ils fussent pourvu»
d'évéchés avant de recevoir la prêtrise, étant sim]'les sous-diacres.
Il blAma les abus commis en ces promotions par les ]»rinces comme
par d'autres, et n'en excepta ])as ses souverains ni ll'^glise galli-
cane. Il insinua, pour évêques simplement nommés,
finir, que les

qui figuraient au concile, feraient bien de recevoir la consécration

1. Di'taiU clans Pallaviciiii, r. xvi, § 3-5.


CH. I. LE CONCILE MORONE 859

é}»iscopale sans tarder, s'ils ne voulaient pas eux, encore laïcs, se


voir rejeter par les fidèles comme par les novateurs.
II
invoqua à l'appui de ses thèses le témoignage de plusieurs théolo-
giens autorisés du concile, le cardinal Hosius, l'évêque de Ségovie,
le docteur de Cologne Gropper, le dominicain Pedro Soto. Celui-ci

venait de mourir, mais son souvenir restait bien vivant à Trente,


où circulait toujours la copie d'une lettre qu'il avait écrite au pape,
lui conseillant de faire déclarer
principe de la résidence et l'ori-
le

gine divine de l'épiscopat ^. Un membre influent de l'opposition, son


chef même, ne pouvait manquer d'appeler à son aide un témoignage
aussi graveque celui du premier théologien du pape.
Cette offensive ne pouvait manquer de mettre l'opposition en
mouvement elle se montra d'autant plus acharnée dans ses attaques,
:

n'eut rien de plus pressé que de passer en revue les divers articles,
au lieu de se cantonner dans les premiers; Lorraine rencontra ainsi
de nofubreux adhérents. Madruzzo, qui le suivit le 13, fut assez réservé,
parce qu'une maladie de son père, au chevet duquel il voulait cou-
rir, lui fit abréger son avis ^. Mais les lutteurs habituels, les arche-

vêqites de Grenade, Braga, l'évêque de Ségovie, etc., accentuèrent


leurs critiques dispenses, réserves, exemptions et autres pratiques
:

de cour romaine furent passées au crible, à propos des nominations


la

épiscopales et ils ne ménagèrent pas davantage les nonces, et autres


agents du pape. L'archevêque de Grenade, en bon chef de file,
sétendit au long sur les cardinaux, leur reprocha d'exploiter de
riches évêchés en commende, et cela sans résider. Il attaqua aussi
la pratique assez récente des
évêques titulaires, inconnus dans la
primitive Église. Et, à ce propos, il déchaîna, sans s'en douter, une
tempête qui éclata bientôt.

L'affaire des procureurs et le dernier ajournement


de la XXII h session.

L'archevêque de Lanciano la fit poindre le 17. A propos du cha-


pitre troisième sur les ordinations, il s'en prit au clergé allemand,
qui ne se souciait pas plus de la résidence que des autres devoirs

1. Pallavicini, ibid., c. xiii, § 1 ; Susta, p. 513 et note 1. Cette lettre fit du bruit
et longtemps, on le conçoit sans peine.
2. Conc, ibid., p. 490, note 3; sommaire du ^>otum de l'archevêque de Grenade
dans Pallavicini, ibid., o. xvi, § 12.
8<)'^ MV. I.\I. C.ONLII.K DE IMI-: IV KT ItKSTAlH. t
VllKlI.lQl'E

de sa iliarg»», inrinc d<î son ohli^'ation i\v piriulrt- |i.iil au concile,


fût-ce simjdemont par jirocureurs. l'iiis il se tourna vers l'évt'quc
(11- l'uiifkirchru cf. riuter|M>llaii( rn sa nualiti- irauiliassadcur impé-
rial, lui (Icinanda p()ur({uoi son niaîlre tolérait ces abus, surtout de

la pal t (les rlt-rtcurs (jui devaient clonncr l'exenijjle '. ()uand il eut
iinisur leclia|)itre dix-septième, l'évêiiue inteq)ellé. j»reiiant!a parole

pour ce fait personnel, à titre d'évèque par ronsé<|uent, sans mandat


olliriel, riposta ]tar l'olTcnsive
j»ourquoi les cvcques allemands. (]ue:

les hérétiques retiennent à Imr poste, se feraient-ils rej>résenter au


concile, si leurs agents n'ont pas la parole nu teni])S de Paul III. :

les procureurs allemands avaient eu % (ux décisive, un droit


qui leur
avait été retiré dans la dernière période des débats.

Simonctta. qui avait pris jiart au concile dès le début, rétablit les
faits dans un exj)Osé historiqtie sous l'aul III, en réalité, la pra- :

tique a\ail \arié, si bien que Pie I\ avait ^oulu écarter un peu d<
confusion en retirant aux agents des ordinaires les ])Ouvoirs de défini-
tenrs seul celui de Salzl)Our}i; les avait exercés une fois par erreur.
:

A ce moment du du cardinal de Lorraine, fil


Ferrier, sur un si<;ne

reniar(]uer que beaucoup d'é\"èques gallicans, di huonissima menU\


se trouN aient dans les mêmes embarras, et il pria l'assemblée

d'admettre leurs j)rocureurs qui attendaient à la porte qu'elle leur


fît un sort, li'était une ^•ieille (luerelle qui renaissait et les légats,
redoutant (>ette -. laissèrent tomber ces pro-
nouvelle escarmouche
pos sans y répondre. Dans la soirée, les ambassadeurs français solli-
citèrent encore l'admission des procureurs en bloc, les légats les

payèrent de bonnes paroles et renvoyèrent le tout à Rome, leur refuge


habituel. La réponse fut plutôt négati\e. jmis le pajie laissa aux

présidents toute liberté |)our décider.


Ceux-ci, (|ui venaient de recevoir, dans la persoimc de .\Iorone, le
nouveati premier, un aj>pui appréciable, n'en étaient pas moins
quelque ]ieu embarrassés. Le 18. l'évêque de Philatleljihie. Léonard
Haller, apporta lui aussi sa réclamation comme procureur d'Lichs-
tâtt. invoqua son titre d'é\êque
Il titulaire, cpii ne l'avait pas empê-
ché de voler une fois, le 20 juillet IfilVi, pour son ordinaire. Il
pro-

1. Le récit tl<' l'nllavicini, ibid., c. x\ii, Sj 7-10, est confirm<' |>;tr


la dépêche des
légats, lo mémo jour; Susta, p. 333-334, AppeUo io.< Reveme Dne tanqitam Caesaris
oraiorein.
2. Ci avedamnio clie il ioltr rrplicar era un altacar una scaramucia... pi^liainnio
per ispediente di non rispondcr pii'i purola, ibid. A'oir rnrorc 1. 1\ ,
p. 'i, leur dépêche
du 20, p. 29, la réponse de Rorromée le 26.
CH. I. LE CONCILE MORONE 861

testaque lui et ses collègues (nous autres titulaires) n'étaient pas


venus au concile pour s'entendi-e signifier les articles troisième et

quatrième sur la collation des ordres Bref, il appuya l'évêque de !

Fiinfkirchen dans sa réclamation pour les }>rocureurs. Mais alors

que ce dernier avait parlé avec beaucoup de calme, placide et sine


strepitu, l'autre soutint la thèse avec une impétuosité qui prêta à
rire, semble-t-il ^. Il en voulait aux légats, sans doute, de ne l'avoir
laissé définir que par méprise.
L'olïensive des ambassadeurs ne suffisait pas à remettre en ques-
tion une affaire déjà tranchée. Cependant les légats appelèrent en
consultation les canonistes Paleotto et Lancellotti, leur en adjoi-

gnirent, pour contrebalancer leur avis, un troisième, Michèle Toma-


sio, de l'île Majorque, qui avait aussi pris part aux travaux du
concile depuis ses débuts. Leurs conclusions laissèrent l'affaire en sus-

pens et les légats, sur le conseil du pape, décidèrent d'admettre,


dans les procureurs avec, en plus, quelques
congrégations générales, les

théologiens, parmi plus réputés de chaque nation, pour éclairer


les

l'assemblée de leurs conseils, aussi bien que des vues et des idées
de leur souverain. Ils résolurent ensuite, avec la participation de

Lorraine, d'accorder voix décisive aux procureurs des électeurs ecclé-


siastiques, de l'archevêque de Salzbourg et de l'évêque de Wurzbourg
et prièrent le pape de confirmer ces décisions par un bref. Il fut

expédié 6 juillet^; mais, à part les deux derniers prélats, aucun


le

ne se soucia de répondre à l'avance.


Ces agitations et ces intrigues, plus ou moins en marge de l'ordre du
jour,n'empêchaient pas les Pères de donner leur avis successivement
sur les abus du sacrement de l'ordre, avec d'autant plus de zèle

qu'approchait le 20 mai, date à laquelle ils avaient résolu d'arrêter la


session xxiii^. Le concile n'était cependant pas beaucoup plus avancé
qu'un mois auparavant. A.ussi la veille, le 19, Morone étant retenu

par un accès de goutte qui l'avait terrassé à la suite de son voyage


d'Innsbruck, Hosius proposa un nouvel ajournement, jusqu'au
15 juin. Ce n'était plus qu'une formalité qui fut admise sans objec-
tion sérieuse. Le concile avait maintenant de solides espérances
d'aboutir : il se trouvait reconstitué à peu près, avec un collège de

1. Con un garho (entrain) e con una pronunzia teutonica, capable de faire perdre
sa gravité à l'homme le plus sérieux du monde. Au dire de l'archevêque de Zara,
Conc. ibid., p. 508, note 3.
2. Susta, t. IV, p. 29, 46, 101, 117; Pallavicini, 1. XXI, c. i, § 1-14, avec les réfé-

rences.
8t)2 LIV. l.N I. « oM ni 1)1. IMi: IV KT HliSTAUn. CAUiuLlgUE

léf^uts au c()iM|tl<*t, 1111 |ir»'niifr |ii rsiiit'ni de grande ex{»t'rienct' armé


(l'iiM nouveau jtropramine (ju'il Nciunt (l.irrrter avec reiiipcrcur et
dv. c«;Iiii-ri, mujilir d'uiie manière
i|iril |niii\ait, prAcc à l'aiipiii
satisfiiisanle. Mais cela nous ramène en arrière.

Morone à Innsbruck : son accord avec l'empereur.

Moroiic at tcij:;iiit
Ijiiisbrutk le 1! 1 ;»\iil. [''crdiiiaiid <iiii
l'atlcndait
avec impatience, alla au dcAant de lui. eu dehors de la \ iJle, lui fit

escorte h son domicile, lui a.ssura toute solennité dans son entrée
«le légat et le comldade marques d'honneurs, de témoignages même
d'amitié, comme un intime de pins de viiigt-einij ajis. Les négo-
ciationscommencèrent «lès le lendemain, avec les vieux conseillers
impériaux. Morone connaissait trop l»ien, el de huigue date, la cour
de Ferdinand et son entourage jiour ne pas se rendre compte, comme
il l'écrivait dès le 23, des dillieultés
cpii l'altendaienl ^
même celles
\ enanl de l'entente ou moins olhcielle, plus ou moins complète,
j>lus

"pTii devinait entre l'empereur, les rois de France et d'Espagne.


Ses raj'jiorts j)ersonnels avec Sa .Majesté imj)ériale lui parurent
dès ral)ord insullisants pour garantir le succès de sa di|)lomatie,
et il recourut à tous les moyens en son pouvoir, sans même excepter
les esjièces sonnantes : il
gagna ainsi les conseillers imiiériaux. avec
les(piels il fut mis en rapjiort. Il ne réussit jias aussi facilement

auprè.s du confesseur de Sa Majesté, le franciscain espagnol hran-


cès de Cordoba. rpii lui fut donné d'abord comme j»artonaire: ce
dernier ne cachait nullement son penchant j)Our la doctrine des
conciles de Constance et de HAle.
Le vice-chancelier imjiérial, Sigismond Seltl. un \ieiix routier
de la jurisjtrudence régalienne, dressa, sous la dictée de l'empereur,
le détail des articles, dont ce dernier avait arrêté le sommaire de con-
cert avec le légat. Ils furent ensuite soumis à la criti(|ue des théolo-

giens impériaux, .Mathias Sithard, Conrad Hraun, Frédéric Stapln-


lus, enfin saint Pierre Canisius. Par bonheur le plus dangereux des
conseillers anlitpies, le chancelier Georg Ciienger, était absent et

I. Lhihtorion Pastor fait bion ressortir res difTicultés dans son rxposé dos
iwjjoriations, p. 243-250. I^os diverses pièces r\ d^prrhi s (pii s'y i.ipporltnl, ot
dont nous ne pouvons qiir iiicntionn<T qnohpir^-uiics, oui (f-lc puldicc» par
G. Constant, La légation du cardinal Morone près l'emptrenr. Paris, t922, pièces
î> à 3.3.
p. 37-135.
CH. I. LE CONCILE MORONE 863

lesdébats marchèrent avec aisance, en prenant pour objet la corres-


pondance récente entre le pape et l'empereur, les lettres de celui-ci
du 3 mars, enfin réponses que le premier avait fait dresser le 18
les

et dont il avait confié oralement au légat les détails principaux ^.


Le 22 avril, dans une conférence de quatre heures, les deux pro-
tagonistes so mirent à peu près d'accord sur les ])oints importants.
L'empereur recommandait encore la liberté du concile, et il entendait
par là le droit pour ses ambassadeurs, même laïcs, de présenter des
motions aussi bien que les évoques. Il n'insista pas trop sur ce der-
nier point, mais pour s'arrêter davantage à d'autres réformes,
telles que la limitationdes dispenses et autres faveurs émanant de
la curie, le maintien des privilèges des chanoines dans les cathédrales
allemandes. On mit de côté la réforme de la cour rom.aine comme celle
des princes : celle-ci se ferait entre eux et le pape, d'un commun
accord, et l'empereur renouvela l'expression de son profond respect
pour la dignité du souverain pontife et pour celle du concile. Le succès
des travaux dépendait selon lui d'une entente sur tout, d'une coopé-
ration étroite entre les deux puissances, qui ne serait possible (et
ilrevenait sur cette idée ancienne) que dans une rencontre en quelque
localité voisine de l'assemblée, où le pape et Sa Majesté séjourne-
raient jusqu'à sa clôture. Le premier aurait alors l'occasion de cou-
ronner comme empereur, selon le vif désir du second, l'archiduc
Maximilien, roi des Romains, et de confirmer ainsi sa récente élec-
tion.

Lorsque théologiens eurent épluché à leur aise les conclusions


les

de cet entretien préliminaire, sur une rédaction dressée par le chan-


celier, le légat en débattit les articles un à un avec les membres du
conseil et, comme il
y était surtout question de la réforme, il se heurta
tout de suite au préjugé enraciné chez eux comme chez tant de
chrétiens, et dans la plupart des cours princières, que la curie ne se
souciait pas de la faire sérieuse. Morone eut de la peine à détruire ce
préjugé, qui portait un préjudice réel à ses négociations. Il se servit
avec succès du nonce Delfino, qu'il réussit à faire entrer dans les
négociations, parce qu'il connaissait mieux la situation présente
de la cour impériale et la mentalité de ses membres influents.
Un autre incident fit encore traîner ces négociations, sans les

1. Pallavicini consacre trois chapitres, 1. XX, c. xm-xv, aux négociations


d'Innsbruck et analyse en dernier lieu le rapport de Morone du 17 mai (plus loin,
p. 598).
804 I.IV. l.\I. CONCILn DE PIE IV ET nESTAUR. CATIlOLigUE

compromettre beauc()ii|> (riiilIiMirs; un accès de {^outtr <iiii parfois


immobilisait Morone. l'erdiiiaiid se transjiortait alors à son chevet,
et ils a\aient poor iiilcrmcdiairc le mmce. aussi bien (pie le cbanre-

licr. Les af^euts ponlilicaux obtijirent encore fjue le prince abandon-

nAt, adoiu ît du nu)ins, certaines de ses jiremières demandes, telles

que le i^roujuMuenl des Pères en nations, }\ la nuinièrc du concile de


BAIc et renoni,iU à faire j)réciser les rapports du concile et du ]iape
en matière de décisions et de réformes, ce qui revenait à constater

imj)Iicitomcnt la siqiériorité de l'im sur l'autre.


Après une dizaine de jours de débats, l'erdinand prétendit sou-
dain brusquer la conclusion et, \v. mai. DeKlno la sollicitait en .'i

son nniii ilu léjiat alité. I.e 7. le prince apportait Ini-mèmc à celui-ci
un minimum en trois ]»oints^qui rcjtrenait la plujtart des concessions

faites : de proposition des and)assadeurs. la préparation


le droit
de l'ordre du jour par des délégués nationaux, qui soumettraient
ensuite h l'asscudilée la conclusion de leurs travaux, la reforme en

capile l'i in celle-ci. Morone riposta aussitôt


nwmbris abandonnée à
le lendemain, en im tête-à-
par un contre-mémoire, qu'ils discutèrent
tcte de trois heures. Puis ils apjielèrent les théologiens à la rescousse,

l'échange des mémoires se renouvela et le légat obtint enfin ime


satisfaction l'emitereur se bornait ù désirer une réforme générale,
:

entreprise en commun, dirigée par pajie autant


le et
que possible
selon les ordonnances des anciens conciles, ce qui laissait toute
latitude faire concorder les derniers : aussi bien Constance et Bûle, que
Florence et le V^ de Latran.
Le 12, Morone était en possessioji de cette ré])onse et l'enqtereur
venait prendre congé de lui. I'!n une dernière conférence de deux
heures, ils tombèrent d'accord sur les points sui\ants le concile, :

aller % ite, ne toucherait à aucune des \érités et doctrines


jiour plus
(pie les hérétiques avaient laissées intactes: les andtassadeurs
auraient, comme les Pères, de jirésenter leiirs opijiions, en
la liberté

se tenant dans les limites de l'ordre du jour, les convenances et les


égards dus aux ]>résidents le pape garantissait donc rindé])endance
;

du concile pour toute délibération et décision, et celui-ci joindrait


aux réformes déjà réalisées des règlements sur le choix des évèqties,
les privilègesdes chapitres, la mise en pratique de la résidence; il
terminerait à l'amiable le conflit au sujet du jirincipe de ce dernier
devoir. Il serait enfin à désirer rpie le pontife et l'assemblée s'ac-
cordassent aussi sur le choix d'un secrétaire non italien, rpii serait

agréé de Sa .Majesté.
CH. I. LE CONCILE MORONE 865

Ces divers points furent ensuite couchés par écrit, et l'empereur


promit de garantir aussi les privilèges du conclave, en premier lieu
sa liberté, en cas de vacance du Saint-Siège pendant la durée du
concile. Le légat désirait desengagements plus précis sur la bulle du
conclave, sur la formule proponentibus legatis et sur le rôle des délé-
gations nationales. Au moment de se mettre en route, ce même
jour 12, en entretint longuement les conseillers impériaux les plus
il

influents, en laissa un mémoire adressé au prince


^
et chargea le
nonce Delfino de négocier son contenu. Celui-ci lui apporta les
réponses le lendemain, sur la route du Brenner, avec l'assurance
verbale du chancelier Seld, que l'empereur n'insisterait pas sur ces
points. iMorone se montra satisfait de ces résultats, bien que les
promesses données par Ferdinand fussent assez vagues, peu pré-
cises, et surtout de politesse. En sa qualité de président, il était bien
résolu de tirer de ces concessions tout le profit possible, pour le grand

avantage de l'assemblée. Il affecta de l'optimisme, de l'enthousiasme


même, sur le succès de sa mission.
Le travail préalable des délégations nationales lui semblait sur-
tout avantageux pour les décisions à prendre, en ce sens qu'il ren-
dait facile leur acceptation par les Eglises régionales. Il fut de plus
heureux d'apprendre que l'empereur renonçait à ses réserves sur
la formule proponentibus legatis et laissait à l'assemblée, toute liberté
de voter et décider h majorité. Sur les autres points, Ferdinand
la

reprenait l'avantage. Sa Sainteté ne trouverait pas mauvais, esti-


mait-il, que ses ambassadeurs aient la faculté, selon ses désirs, de

porter à l'assemblée leurs motions, même repoussées par les légats.


L'empereur ne souhaitait rien tant que de voir obser\ er la bulle du
conclave, qui empêcherait toute injustice, contrainte, intrigue de
la part des électeurs, des agents séculiers et du peuple romain le :

concile aurait à prendre des mesures là-dessus. Et Morone voyait en


cela d'abord le paralyser les machinations des souverains.
moyen de
Il
s'empressa de remercier Ferdinand de ses réponses, dans une
lettre empreinte de reconnaissance émue, en exprimant le ferme

espoir que le concile avancerait désormais bien et vite : c'était sa


volonté comme celle du pape; les événements prouveraient sous
le

peu. Il ne se trompait pas, car le succès relatif de sa mission apporta

quelque force nouvelle au concile. Le 17, le légat envoyait à la curie

1. Pallavicini en donne un résumé, ainsi que de la réponse de l'empereur,


1. XX, c.xv, § 5-9 ; Pastor, p. 247-248. Les deux sommaires manquent de précision.
866 I.IV. J.VI. CUNCILE DE PIK IV ET HESTAUn. CA I IH» I.U> V F.

le rappiirt sur ses négociations; il \ fiiisail t'-flatcr ua \if ronljMite-


ment *. Son (uiivre fui d'ailleurs louée sans réserve, h Home ft h
'l'rontr plus encore qu'h \ ienne, où toutefois saint Pierre Canisius le
félicitait d'aNoir enterré la fameuse mann'u\re <!»• la réforme in

capite et in incnthris.

Vie IV', en particulier, dans la correspondance de la Secrétairerie


d'I-'tat, se proclamait on ne peut plus satisfait (19 et 27 mai). Aucun
de ses apents. disait-il on substance, ne lui a\ait procuré pareil

son ex;»ltat ion k II s'était en elfet demandé


plaisir depuis :
naguère
s'il ne serait pas obligé, devant la coalition
(pii se tramait entre les

puissances catholiques, de céder sur le droit d'initiati^•e des ambas-


sadeurs, de permettre même que le concile réformât la cour et l'adnii-
nist ration romaines. Il aurait plutôt dissout l'assemblée, nous en
aN(uisla certitude, mais chrétienté n'aurait-elle }>as vécu (pielque
la

ré])étition des troubles qu'avait i)rovoqués le conciliabule de lîâlc?


l'.u tout ras. le
ponlife ne craignait pas d'exagérer pour mieux
témoigner son ap])robation.
Nous serions tentés de voir une preuve du succès de la politique

]i(iiiliricale, dans le chagrin que ne sut pas réprimer le roi des Romains
.Maximilien. Il laissa éclater son désappointement, quand son père
lui <-oirMuuni<pia le résiiltat de ses conférences avec Morone. II était
absent de la cour, toutefois Ferdinand l'axait tenu jour par jour au
courant de la marche des j)Ourparlers .Maximilien lui reprocha :

ce qu'il considérait conmio un excès de condescendance. mena<;a


de ne plus reparaître à la cour, tout au moins de ne [dus s'occuper
du concile. Les antécédents et l'entourage du i)rince lui insj. iraient
la crainte que l'arrangement ])résent ne favorisât tro]» le Saint-Siège

au détriment des novateurs, pour lesquels il ne cacha jamais ses


synq>athies, même pendant ses douze années de règne à l'emjiire.
Quels rpie fussent les sacrifices réciprocpies que se faisaient le pape
et l'enqiercur, .Morf)ne se voyait les mains libres, et il en usa dès son
arrivée à Trente. Il
y trouva d'ailleurs un secours de plus, eji même
tenq)S que des instructions, dans l'accord entre Pie IV e1 IMulippe II,
dont les légats avaient reçu récemment le texte, accord qui réglait
définitivement (on pouvait le croire du moins) le sort du concile sous
la garantie du roi Catholique. Cette garantie n'était pas plus sûre

1. Pastor, p. 248 et note 4 voir aussi, p. 2'i9 et les notes le rapport do Morone,
; :

avec pièces annexes, dans Steinherz, .\iintialiirhrrirhte aiw Deuischland, Vienne,


1897, t. ni. p. 307 sq.
CH. I. LE CONCILE MORONE 867

en réalité que celle obtenue de l'empereur, et tout dépendait de


l'habileté, de la promptitude avec lesquelles le nouveau président
saurait prendre des décisions, en même temps que maintenir l'accord
et l'entente, surmonter les obstacles d'ordre secondaire, réparer les
jnaladresses de ses subordonnés.

Les premiers actes de Morone : il déblaye le champ d'opération.

Lorsque Morone atteignit Trente le 17 mai, le prejiiier des obstacles


qu'il eut à surmonter fut le règlement, selon les dernières instruc-
tions de Rome, du fastidieux conflit de préséance entre les ambassa-
deurs de France et d'Espagne, qui absorbait trop la vie du concile
et la correspondance avec Rome. Le com.te de Luna n'avait pas
tardé à revenir de sa condescendance quelque peii dédaigneuse,
et renchérissait maintenant sur les exigences du sieur de Lansac.
Chacun y apportait sa manière de faire à lui, la variait au besoin :

mais tout leur était prétexte à chicane, les sessions et les congréga-
tions générales, les solennités religieuses, les audiences et réce})-

tions, l'encensement et le baiser de paix à la messe. Leurs subor-


donnés s'en mêlaient, et le cardinal de Lorraine, que le collège des
légats ne pouvait se dispenser d'appeler à son aide, cela va de soi.
s'agitait aussi dans toutes les directions. Nonobstant les faveurs du
souverain pontife que lui avait apportées son secrétaire Musotti, il
lançait à Innsbruck (fin avril) le sieur de Villemur, son gentil-
homme, avec des lettres documentées qui sollicitaient l'intervention
de l'empereur. Mais celui-ci, déclinant tout arbitrage, conseilla aux
plaideurs de s'accommoder entre eux pour le mieux ^.
Le comte avait maintenant un avantage sérieux sur son adver-
saire,par suite des accords arrêtés récemment entre le pape et son
maître, arraiigements dont ses collègues de Rome lui communiquaient
la marche au jour lejour. Il soupçonnait tout au moins l'exis-

tence de la ])romesse secrètedonnée par le pontife, de régler le con-


flit au profit de l'Espagne. Sur les instances de Morone, il accepta
de présenter ses pouvoirs en congrégation générale, et en la place
qui lui fut offerte. Il demanda toutefois, comme récompense de sa

1. Pallavicini, c. xvi, § 1-2, donne un résumé de cette correspondance. Le

cardinal s'y lance dans une dissertation historique, qu'il emprunte, ou bien
attribue à Catherine de Médicis !
868 I.l\. I.\I. CONCILE Di: l'il; I\ ET RESTAUH. CATHOLH^>tE

générosité, la place aux


rliapriics. «•'est-ù-dire pendant les
iiu'iih'

cérémonies religieuses. Mais les légats refusèrent d'arnjilifier la


fa^•'llr accortléc, dans la tiainh- de i'f)iii]di([ucr davaiila^'c la sitna-

linii «•! renvoyèrent au j)a]ic celte nouvelle cxigeiMf '. I.;nisar, d«'

son côté, aecepta, pour le nionient, le mot d'ordre drs légats et


s'al)stint de j»araîlre à la séanro. guet tant l'occasion de |irendrr la

revanche de son maître.


I^e \endrcdi 21 mai, le iiuiile jiarui a\('c finite sa .suite dans la

salle des séances, se luit debout au milieu de l'hémicycle, devant


les stalles des l'ères, en face des légats et lit lire une protestation par
le doctoir Antonio Covarruvias, auditeur de la chancellerie épisco-
pale de l'ireiiade. Mu l'errui' y répondil au inuii de ses collègues :

les deux andiassades acceptaient l'arrangeiiicnf ]iris a\ec les légats,

mais sans ]tréjudicier en rien au droit de ]>réséance (jue leur maître


prétendait avoir dans la chrétienté, à la suite de rem])eretir. Sur
cette formalité, le comte alla s'asseoir au fauteuil <pii lui éf.nt pré-

paré, devant leImreau des secrétaires, en face et noti loin de l'estrade


des légats et des cardinaux -.
l
premier incident surgit, et les Français ne mamjuèrent pas
11

de j'exjtloiter. Le conseiller-clerc de l'ambassade espagnole, le docteur


en théologie Pedro Fontidonio, dans le discours-compliment qu'il
adressa aux Pères, s'oublia jusqu'à faire honneur à son maître des
victoires que les catholiques de l'rance avaient, avec son secours,

r(Mn])orlées récemment sur les huguenots. Les l'rançais ])rotestèrent


naturellement contre cet attentat à rindéj)endance de leur souverain,
et le cardinal de Lorraineencoreplus pourla mémoiredcson frère, le vrai

vainrpieur, assassiné dans la lutte. In esclandre faillit éclater, et


Lansac le prolongeait au loin, en mandant à sa cour (jue le comte de
Luna lui avait fait des excuses jmbliques. S'il y en eut, elles se bor-
nèrent h ce <|ue, par ordre des légats, le discours ne fut pas inséré
dans les actes du concile; il fui |iublié néanmoins à |iart et n'en cir-

cula f[ue pins Idtrement.


(
>ii ne devait j)as s'attendre à ce <|iie le conflit eu resl.\f là. Le
comte exigea (jue le bureau (buinàt un témoignage ]tar écrit de
lui

l'avantage «pi'i! \<'iiait d'obtenir: il aurait At)ulu (piil y spécifiât


un ordre émanant <lu |>a])e : les légats se gardèrent bien de découvrir

1. Leur dépêche du 20 mai, dans Siista, I. iv, |i.


3.

2. Récit dans Pallavicini, I. XXI, r. i, «j 3, conlirmé par Conc. Trident., t. ix,

p. 611 sq; \c discours <\o rontifloriio, p. 515-522.


CH. I. LE CONCILE MORONE 869

leur maître et se contentèrent de déclarer qu'ils avaient fait la conces-


sion d'eux-mêmes. Pour couper court à toute répercussion fâcheuse,
ils décidèrent que l'acte resterait secret ^. Mais, aussitôt après la
séance, les Français réussirent à corrompre le secrétaire Massarelli
et les notaires et obtinrent copie de l'acte. La maladie du premier
le préser\'a des suites fâcheuses de son incorrection, telles que le
mécontentement du pape. Pie IV parlait de châtier sa désobéissance
par le retrait de ses fonctions ;
ce fut une raison de plus de lui donner
des auxiliaires capables de le remplacer. Les circonstances cadraient
trop avec les désirs de l'empereur, pour qu'il n'obtînt pas oc
qu'il demandait avec instance.
Les légats procédèrent d'ailleurs avec beaucoup d'égards pour le
vieux serviteur du concile, et s'ils prirent des mesures de rigueur,
elles n'atteignirent que les notaires, coupables d'avoir abusé de sa

faiblesse, parce qu'ils étaient ses hôtes. Ils attendirent que le temps eût
fait oublier l'offense. Au début de juin, la gravelle réduisit Massa-
^
relli à l'extrémité et un de ses suppléants, l'évêque de Campania,
Marco Laureo, rédigeait tous les comptes rendus (ci-dessus, p. 747),
non sans mécontenter les étrangers, qui l'accusaient, lui aussi, de
partialité envers les Italiens. Le 21 juin seulement, entra
en fonc-
tion, au consentement de tous, son suppléant pour l'ensemble du
secrétariat, le chanoine de Vérone, Adriano Fumano,* familier du
cardinal Navagero. Pour marquer davantage que ce choix venait
de leur libre initiative, les légats jetèrent les yeux sur un second
secrétaire, que d'ailleurs ils n'installèrent pas. Massarelli conserva
son rôle d'archiviste, gardien des actes de toute date, de toute impor-
tance, au service de quiconque en aurait besoin. De fait il resta sur
labrèche jusqu'au dernier jour, alors que certains de ses collègues
escomptaient sa succession au petit évêché de Telese, dans les
Abruzzes ^.

Avec le problème de préséance, Morone en eut d'autres à liquider,


de non moindre portée. Et d'abord la concession du calice, sollici-
tée par le duc de Bavière, dont Pie IV avait renvoyé la requête au
remontait assez loin et n'était qu'une instance de celle
concile. Elle
dont l'empereur et le duc avaient poursuivi la réalisation l'année

1. Sur les suites de ce nouvel incident, voir la correspondance avec la Secré-


taireric d'État, Susta, t.iv, p. 36, 83, 86, 90.
2. Conc. Trident., t. ix, p. 563, note 1, 591, note 1; Pallavicini, ibid., c. ii, § 7;

Susta, p. 46, 86.


3. Susta, ibid., p. 90, note 2.
870 I.IV. I.VI. r.ONCII-K DK l'IK. IV Kl HKSTAl'H. < V I II ( > |.| gU E

précédente (ci-dessus, p. U.'ÎO, (>8'â, siirlout 7lj-720j, En décenibre


ir)6*2, doux af^eiits (|up \v dur envoyait l;i soutenir à Koine.
présentaient leur commission aux légat», pour la mettre sons leur
|)atronage : Iun d'eux était un canoniste expert en arguties juri-

di(|ues. le docteur Sigisniond N'iehauser ^. L'afTaire traîna tout


l'hiver : Pie IV
éprouN'ait toujours une certaine répugnance à
résoudre de lui-même ces cas «Miiharrassants; selon sa coutume, il
s'en déchargea sur le ccuieilc. Lt; iO mai, Viehauser se présentait aux
légats avec les h'tlres de décharge de la Secrétairerie d'Titat (",«;ux-<i .

se retranchèrent d«'rriére le décret, arrêté dans la xxii* session et

renvoyant lalTairt' au pape, ])ar suite de la diversité d'oj)inions (jui


partageait l'assemblée. Ils ne pouvaient remettre l'allaire en discus-
sion sans un ordre formel de Sa Sainteté, par bref adressé an concile :

ils ne voulaient ])as com])romettre ])Our elle leur jircrogative de

proposition.
Le Bavarois insistait : il a\ait promis la concession pour la Saint-
.lean (21 juin); outre que sa parole était engarrée, il craignait des
désordres graves parmi ses sujets. Cette tactique de mettre la cour
romaine au ])ied du mur ne laissait pas que de la rendre perplexe,
et à bon droit. l'^lle s'emj)ressa de recourir à rex})édient proposé jiar
les légats envoyer au duc un dijdomate. f[ui saurait le faire patien-
:

ter, muni d'ailleurs de toutes les recommandations possibles, de


Rome et de Trente. Morone projiosa un autre confident de Navagero,
Nicolo Ormanetto de Vérone, «pii avait fourni ses preuves pendant
la légation du cardinal Pôle en Angleterre et avait de])uis signalé
son zèle ]>our la réforme, dans le cercle, toujours plus nonibreux.
qui y travaillait depuis quarante ans. Le président le manda et, le

personnage multipliant objections })Our esquiver une missmn


les

scabreuse (il n'était pas seul à la connaître !). il le chapitra longue-


ment :
Navagero. venu à la finit par le décider. Il fut abon-
rescousse,
damment pourvu d'instructions, de brefs du pajie. de recommanda-
tions d'flosius, du patronage du nonce Delfino, si bien qu'il réussit
à faire patienter le duc et ses sujets, jusqu'au jour où rcmpereur,

]>ar un règlement général. ])ren(lrait position lui-même avec le con-


cotirs du ]»a])e; c'était autant de L,'agné.

Une autre affaire, jdus générale et de toute inq)ortance potir le

1. Pour rottc afTiiiro, cf. Susta, pan.sim voir à l'indox dos t. m <i iv, aux mots
Viohausor et Unnanetto; Pallavicini, I. XXI, c. ii, § 9-10; détails dan.s Pastor,
p. 368-369, fi onfin dans l'ouvrage de Coni*taiit, ci-dessus, p. 684, note 1.
CH. I. LE CONCILE MORONE 871

concile, n'entravait pas moins l'initiative de son nouveau chef. 11 y

allait en effet de la liberté, peut-être de l'existence même de l'assem-


blée, en tout cas de sa dignité, puisqu'il s'agissait de la faire servir

à des visées politiques en faveur des dissidents. C'était la ques-


tion de son transfert, qui revenait de fois à autre et qui réapparut
en ces jours par la volonté de Catherine de Médicis. Elle n'en était
pas à sa première tentative; mais cette fois elle prétendit agir
d'elle-même. A la suite de son édit d'Amboise, et comme son com-
plément nécessaire, elle entreprit de faire déplacer l'Église ensei-
gnante, convaincue, prétendait-elle, que celle-ci aurait moins de peine
à ramener les huguenots, si elle tenait ses séances dans une ville libre
impériale, plus au centre, comme Constance, ou sur les bords du
Rhin, à Worms, Spire, Bâle. Elle dirigea ses batteries de divers côtés.
au moyen de missions qui avaient en même temps pour but de
justifier son édit de tolérance, de gagner à son manège le roi

d'Espagne. La manœuvre fut préparée soigneusement et confiée


à des diplomates de choix, dirigée aux quatre vents de la chrétienté,

à Rome, à Trente, Vienne et Madrid ^.


Pour Rome, Catherine désigna Yves d'Alègre -, le 20 avril; il n'y
arriva que le 18 mai. Il s'agita beaucoup et longtemps, des semaines
et des mois, sans rien obtenir sur le point particulier du transfert;
il avait trop de commissions à la fois et les diplomates romains
n'eurent pas de peine à l'amuser par de belles ])aroles, en laissant
tomber d'elle-même une combinaison qui avait contre elle plusieurs
échecs antérieurs. Les légats et le concile n'eurent que les échos de
ces tractations heureusement pour eux, car elles ne leur demandaient
;

rien moins que d'endosser un édit de tolérance. Devant la stérilité


des agissements d'Alègre, le transfert du concile revint à l'arrière-
plan, où il aurait dû rester. Fin juillet, Philippe II signifiait qu'il ne
voulait pas en entendre parler ^. C'était un enterrement.

Outre Pallavicini, 1. XXI, c. xxni, Constant, La légation du cardinal Morone,


1.

p. 150-151 et note 7 (lettre du 27 mai).


2. Voir ce nom à l'index de Susta, t. ni et iv; dans les mêmes références, il est

question des autres envoyés, t. iv; demandes écrites présentées par Alègre, p. 482-
484.
3. Ibid., p. 538; Pallavicini, ibid., c. m, § 2-4.
872 Liv. i.\ I. t:o.\(.ii.i ui: vu: i\ i. r m -^ i vt i:. • MiioiaoLt;

Le président do Biraçjue à Trente.

I/anihassJuliMir <|tio la rriiu' mt'Tc avait désif^né auprès d«* Ferdi-


nand a\;ul ordre dr faire nii crutluM à Crciitr. (rr\|»li(jiicr <nrelle
ii*n\ait ]iu se disj)eiist'r d<' conclnio ur» acford |iro\isoirc avec les

rel)olles. C'était René de Hiragiie. de son \rai nom hirafjo, un réfugié


milanais acclimaté en l'rance depuis un»' trentaine d'années et rpii,
de jiremier ])résideul au parlement fianrais de Turin, sous Henri II.
était passé à celui de Paris '. Le choix était assez risqué à la réputa- :

tion de transfuge italien se joignait celle d'un ])arlemcntaire gallican


ne mamjua j'as de faire jaser, était con-
sus]iect, et la mission, (pii
damnée d'avance. Le personnage se montra d'ailleurs circonspect,
se garda même de toucher mot du transfert. Lorstpi'il joignit Trente
ra\ ant-dernier jour de mai. les légats l'attendaient sans troji d'apjiré-
hcnsion ils étaient renseignés sur la situation de la monarchie fran-
:

çaise par le cardinal de Ferrare, qui venait de ]iasscr sept mois en


l'rance comme légat, et })ar les gens de métier ! d'exjiérienoe qui
l'accGnijiagnaient.
Le cardinal de Lorraine était lui-même initié au manège : la reine
avait donné celui île T'errare, leur cousin, commission
i^i
exj)resse
de le rencontrer à son retour en Italie et de lui faire la leçon, pour
qu'il appuvAt au concile la nouvelh* mann'u\re de la politifjue fran-
çaise '^. Les légats a\aient du reste pris les devants et, dès la ]>re-
mière nouvelle du jiassage de l'^errare, lui avaient délégué, ré\ c(|ue
de \'intifiiille. riiomme de confiance de la curie sous jnétextede com- :

plimenter le cardinal, il devait le mettre an courant de la situation,

pour qu'il sut con\ ertirson jiarent à la cause du concile. Visconti ]>ré-
céda le légat h Turin, s'aboucha avec lui, lui tint compagnie plusieurs
jours dans son voyage, eut tout le temps de le renseigner et de se
renseigner, comme de l'instruire: l'important était tl'amener le

cardinal de Lorraine à laisser tomber le débat sur le principe de la

résidence, pour régler les modalités de celle-ci, ainsi (jue le chapitre


tic l'institution des évêfjues.
Lorraine joignit les deu.x Italiens à vingt ou \
iugt cinq kilomètres
de .Mantouc et ils se rendirent ensemble à Ferrare. où ils s'arrêtèrent du
25 au 27 mai. Le Français entonna son monotone refrain de jilaintes.

1. Susta, Indox hor verho, I. ni et i\ l'allnvicini, ihid., ;


c. m, ,^
1.

2. Susta. (. IV, p. IC. 17, 27-28; Pallavicini, ihid., c. ii, Si 1-6.


CH, I. LE CONCILE MORO.NE 873

en eut cette au nouveau président, qui ne lui communiquait rien


fois !

Il ne fut pas difficile de le ramener pour le moment, en invo-


quant le crédit de l'empereur dans ses entretiens avec son cousin,
:

il préférait un règlement
pratique à une déclaration de principe.
Quand il
congédia ses hôtes, le cardinal de Ferrare crut avoir con-
vaincu son cousin et il en écrivit à la curie. Il ne manqua pas du reste
de transmettre au même les renseignements complémentaires que lui
confia peu après l'abbé Niquet, qui portait à Rome de nouvelles
exigences des Valois, renseignements que Lorraine attendait avec
impatience. Celui-ci parut d'abord converti il semonça même, dès :

son retour à Trente, président de Birague, pour qu'il ménageât


le

l'autorité du siège apostolique. Ce beau zèle ne dura pas longtemps.


Dès son arrivée, l'agent français sollicita des légats une audience du
concile, afin de lui faire une communication au nom de son maître.
Il n'était plus question que de justifier
de tolérance et Birague
l'édit
devait compléter par des explications verbales l'apologie que lui avait
confiée la cour de France. Bien qu'il ne pût se présenter qu'à titi e
d'accrédité auprès de l'empereur (il
ne convenait pas qu'il le fût

comme simple commissionnaire royal), les légats firent aussitôt

demande, par égard pour son souverain; mais les ambas-


droit à sa

sadeurs, sescompatriotes, en prirent prétexte pour s'abstenir de


marques d'honneur à son égard ^ et pour s'absenter de la séance à

laquelle il fut admis, le 2 juin.


Dans un éloquent discours, il justifia de son mieux la paix
d'Amboise, et se garda bien d'omettre le couplet obligatoire exhor- :

ter le concile à terminer promptement son œuvre de réforme, par

pitié pour le malheureux pays de France. Les Espagnols protestèrent


contre la demande qu'il fit d'une réponse par écrit les légats incli-
:

naient à la lui accorder, et le cardinal de Lorraine réclamait une déli-


bération sur la teneur de cette réponse. L'évêque de Gérone, en Cata-

logne, Arias Gallego, unanimement estimé pour son profond esprit


de religion ^, se fit l'interprète de l'opposition de ses compatriotes :

avec Pères requéraient que le concile s'abstînt, passât


lui plusieurs

à l'ordre du jour; sinon il aurait tout l'air d'approuver un traité


humiliant pour l'Eglise catholique.
Les légats crurent du moins devoir rédiger une réponse de poli-

1. Pallavicini qui résume le Conc, p. 548 sq., est à compléter par Susta, p. 35-38.
2. Uomo molto spirituale et religioso, d'après l'archevêque de Zara, Conc,
p. 550, note 1.
874 MV. INI. in.NCll.i 1)1. iii; |\ Il niSIAl II. CA rm)Ll(^)L'E

tesse, qui regretlail siinjdciiieiit les concessions faites à des ri'l)clles,

ajtrès tant d'horreurs ijue la guerre civile avait rnultiiili»es. Le texte


fut soumis, le juin, i\ une congréf^alion jtarticulière «M Lorraine,
uu\runt les avis selon le j»rotocolc, déclara «(u'il ne {larlerail pas j>our
le moment, par égard ])our la lilxTté des Lères. .Mais
congré- dans la

gation générale du lendemain, il s'enipressa de justifier l'édit de


tolérance; il eut mènie l'air d'en rejeter la faute sur le concile « Il :

n'avait qu'à terminer ])ronq>tenient ^(^'u^re d»; réforme et voter les

articles ])réscntés plusieurs mois aupra^ant ])ar les l'^rant^ais et l«;s


fmpériaux. » Le scrutin se déroulant eiisuile, quand ciiujuante à
S(»ixantc Itères eurent jiarlé, le résultat apparut incciiaiii. et j
plusieurs

opinants réclamcreni un suj>|ilémeiit d'explications de la j'art du


cardinal français. Sur un signe des légats, le prosecrétaire Marco
Laureo s'a])procha de lui et l'inxila h arler plus clairement, selon le |

désir de ses confrères. déclara alors sans an:bages que le texte ne


Il

lui plaisait ])oint et qu'il en donnerait ses raisons à la fin du débat.

Le concile était lialiitué à ces variations inattendues, soudaines,


du soir au lendemain
toutefois celle-ci ])arut dépasser les bornes
;

permises, aller contre le resjtectdû à l'assemblée; elle ne s'y atten-


dait guère en tout cas et la surj)rise fit place à une vraie commo-
tionL L'évèque d'Aoste, ambassadeur de Savoie, tira les Pères de
cet embarras il fit admettre cjue, pour éviter un scandale, les prési-
:

dents discuteraient encore leur texte avec le cardinal, tu présence


de quelques Pères, qu'ils choisiraient selon leurs lumières et prudence.
.Morone, toujours condescendant, ajouta que le roi rès Chrétien I

méritait une réponse, ainsi fpio l'exigeaient les ((uin enances élé-

mentaires.
Le jour même, les légats cxainmércnt encore le texte, amendé à
la dernière heure, en une conférence ati domicile de .Morone, avec
les deux cardinaux du concile, les patriarches de \ enise et d'Aqui-
lée, sixarchevêques et trois évêques, rej)résentants des princes ou
notables du concile le détail prenait de l'importance aux yeux
:

du concile y eut même échange d'exj)lications de f)art et d'autre


! Il

sur le soi-disant malentendu qui venait de surgir, .^îadruzzo et l'arche-

vêque de Prague aAaient manifesté leur sur|)risc de l'attitude des


légats et du discours de Morone, sous prétexte qu'ils tenaient peu

1. Qucsta picrola cosa adduce tina pran rommolicnc, mandait l'archovèquc île
Zara, Conc, p. 573, note 2; voir les détails curieux de Susta, p. 47; Pallavicini,
I. XXI. r. III, passim.
CH. I. LE CONCILE MORONE 875

compte des égards dus au roi de France; les deux prélats prenaient un
peu parti pour Lorraine. Le texte finalement adopté ne se bornait pas
à l'expression des regrets que provoquaient dans le concile les cala-
mités dont la France était accaLlée il y joignait le désir de voir les
:

rebelles soumis à l'Église et à leur roi, le souhait d'un zèle plus


ardent pour la vraie foi, de la part de la reine mère.
La réponse ne fut remise au président de Birague que le 21 dans ;

l'intervalle, il s'était rendu à Innsbruck, mais avait trouvé l'empe-


reur hostile à toute translation : c'était à Trente et nulle part ailleurs

qu'il prétendait protéger le concile ^. De toutes les entreprises de


Catherine de Médicis, une seule réussit, la plus sérieuse du reste à
ses yeux une vente de domaines ecclésiastiques, pour regarnir le
:

trésor royal, mis à sec par les gaspillages invétérés des Valois.

La liberté plus grande de parole assurée au nom du pape;


incidents qui en résultent.

Tout en réglant ces détails délicats, Morone prenait en main la

direction des débats dans des circonstances qui restaient critiques.


Les votes sur les abus du sacrement de l'ordre, commencés le 12 mai,
se poursuivaient à travers l'incohérence trop habituelle. Les ora-
teurs y parlaient de tout, de préférence contre les curiaux et l'admi-
nistration romaine; cela, de propos d'autant plus délibéré qu'ils
avaient certainement connaissance de l'admonition que le pape
venait d'adresser aux légats (8 mai), pour être communiquée aux
Pères « La formule
:
proponendbus legatis avait été introduite dans
le règlement sans sa participation et ne devait nullement limiter la

liberté et l'indépendance du concile. Les prélats en profitaient, en»

abusaient par la Aariété, sinon par la longueur de leurs observations.


Et les incidents se répétaient, selon l'esprit et l'humeur de chacun,
mais pas toujours avec la dignité à laquelle une assemblée, dirigée ]:ar

l'Esprit-Saint, devait toujours rester fidèle.


la malice dépas-
Il y en avait quelquefois de plaisants, dans lesquels

sait légèrement les bornes. L'évêque d'Orvieto, Sébastian© Vanzi, à


cette
propos du discours de Nicolas Psaume, le 22, se permettait
réflexion d'un caractère clérical très romain : « Ce coq {gallus, jeu
de mot avec Gallus, Gaulois) a bien chanté. » L'humaniste Danès

1. Pallavicini, ibid., c. vu, § 1.


87G i.i\. i.\ 1. i (j.m;ii,i: m. l'ii. n i i ntsT.vLH. catiidi.ioue

se hûtiiit (Il IMùt à Dirii nu'il révcillAl l'iorre (le


ri|i(istrr :
pape)
ot le lit jileurer !
'^
l'A deux jours aprrs, r«'"vr(|iir dr r.ni-. I!ii--I;i("he

(lu l{(,'Iluy, r«'Ir\;iit riiicidciil sans motif Imii sérieux, et se jdai^uait

<(ue Ir ]ml)Iic [iropa^i'àt ru l'iiitrrprrtaiil ,


iiialif,'neineiit, le moindre
|)r()])os tenu par ses conipatriotes Ilic aul : illc pallus inalc cantfu'it.
lin réalitr. ils \
jurtainif parfius. plus ou inouïs de leur propre ini-

t iat i\ r.

(.V u'rst pas


((ue la discussion ne ])rof(ressàl plus ou moins, en
abordant de nou\rau\ abus. Ainsi fut é\(»qur. h jdusieurs reprises,
i:eluides év^'cpics titulaires ou administrateurs, rpii »mi appravait
un autre, relui dv la non-résidence là eneore. Home aNait sa part de :

responsal)ilité. Mais fjuoi ! n'était-ce ]ias en Allemagne que sévissait


ce iléau, en Allemagne où tant d'administrateurs, apparentés à des
familles princières, plus ou moins entachées d'ambitions cléricales

suspectes, ])réi)araient la sécularisation des j)rinci}>autés ecclésias-

ticpies. Aussi les agents impériaux s'elTorçaient-ils d'atténuer, par


des diversions parfois imprudentes, la tournure plutôt fâcheuse
du mal jjouvait ap])orter aux délibérations jirésentes.
(|ue la gra\itc
Tout d'abord l'archevêque de Prague, le 27 mai. Il revenait
d'Innsbruck, où il a^ait passé six semaines ad audiendum verhuni,
et en ra]>])ortait des instructions conlirmatives des accords passés
il

tout récemment entre rem|)ereur et Morone. Sa parole n'en avait


que ])Ius de ])oids, et il expliqua que son maître, quand il n'avait
]»a3 sous la main des sujets suflisants pour ses évéchés. nommait
des administrateurs en ceux de ses Mtats héréditaires. La cour de
Koniv- n'était donc ]>as seule responsable de l'impuissance de ces

dignitaires h contenir le torrent des erreurs (pu dé\astait les mêmes

régions 1/autorité de l'ambassadeur césarien ne gêna nullement


!

ré\ êque d'Aoste. et même Pierre Danès, pour faire le procès des

évoques allemands, ([iii abandonnaient à des titulaires les fonctions


sj>irituelles, des moindres au ]dus inq^ortantes. Ils doivent faire
tout leur de^•oir, s'écria ce dernier, quantum^-is principes. « Ils étaient
d'abord évêques, mais en réalité ils se comjiortaient uniquement
comme des princes » (28 mai.)
Le même jour, l'évêque de Fûnfkirchen se dressa contre ces cen-

seurs, au secours de son collègue l'archevêque, en une diversion


qui ne fut (pi'iin lim»,' procès de la curie romaine, à propos des

annatcs, des comtes palatins, titres honorillques coûteux, qui raji-


j)ortaient de l'argent au })ajie; une sortie contre les sollicitores,

agents d'affaires (jui renchérissaient les prix, au point qu'à Rome on


CH. I. LE CONCILE MORONE 877

les nommait couramment janissaires, sans doute à cause de leur


rapacité sans scrupule, toute musulmane, comme celle de la milice
du même nom. Pour un prélat, dont le diocèse confinait à la Hongrie,
piétinée par les armées turques, le dernier trait ne manquait pas de
saveur !

Les évêques italiens soutenaient de leur mieux la contre-partie.


Celui de Viesti, l'illustre Buoncompagni, rappelait, pour justifier
la nomination par Rome d'évêques titulaires, que, dans la primitive

Église, il n'y avait pas encore partout des diocèses délimités, mais
aussi des évêques avec pouvoirs in universali Ecclesia, c'est-à-dire

juridiction à travers l'Eglise en général. Il en concluait que la juri-


diction ordinaire n'était déterminée que par le pape, selon les néces-
sités de lieu, de temps et autres ^. La controverse qu'il souleva

au secours de la discipline et du droit


faisait intervenir l'histoire

canonique. Le 2 juin, le Romain Facchinetti, évêque de Nicastro,


un des conseillers attitrés des légats, faisait l'éloge des évêques
nommés par le pape régnant, tous docteurs en théologie, hommes de
savoir et de piété, magna eruditione et pietate praeditos.
Les Espagnols auraient manqué aux traditions de leurs écoles
de théologie, s'ils n'avaient pas démontré que les pouvoirs des évêques
viennent directement de Dieu, que le souverain-pontife ne peut
qu'en préciser l'exercice quant aux circonstances, de territoire notam-
ment; les contrôler, en réprimer les écarts. La présence du comte
de Luna, d'ailleurs, suffisait à
tempérer quelque peu l'impétuosité
de leur éloquence. Certains d'entre eux, comme ceux d'Alife, Gil-
berto de Xoguera, et de Montemarano (province de Bénévent,
Campanie'i. Anton Gaspar Rodriguez, des Espagnols bon teint,
avaient des raisons personnelles de se surveiller ils étaient mal vus :

à Rome pour leur opposition tapageuse, et même le dernier avait été

dénoncé, l'hiver précédent, avec celui de Sulmona, comme espion ^,


à coup sûr au service du camp ennemi de la cour romaine. Aussi

l'évêque de Vintimille avouait-il, dans son rapport du 8 juin, que,


comme leurs compatriotes, ils affectaient plus de respect et de réserve
dans leurs bizarreries (stravaganze), extravagances au sens italien^.
En réalité, ils s'abritaient derrière l'autorité du cardinal de Lorraine.
L'évêque d'Alife avait d'ailleurs soin de soumettre son vote au

1. Conc., p. 557 et note 2; pour Facchinetti, p. 565 et note 5.


2. En novembre — en extrait
1562. Susta, t. ni, p. 419-420, curieuse note fait
à la Secrétairerie d'Etat — d'un rapport du théologien espagnol Antonio de Solis.
3. Conc, p. 576, note 4; le vote des deux prélats, p. 575-576.
878 I.IV. I \ 1. CONCILE DE PIE IV El HKSTAUR. CATHOLIQUE

jiig«'riifiit de protestait contre ceux de ses confrères


rass«;iiil)lée. Il

qui allinnaient i|ue rTlcrituro sainte n'est pas d'un prand secours
pour lii t
li»'M)|»)gi(' : en cela, il faisait allusion h la (•ontro\ erse qui
venait déclater entre les évè(jues de (iapo d'Istria et de la Gava.
Le premier, Stella, séparait la théologie conciliaire srriptu- de la

raire et donnait la jiréférence à la première, (lasella plaidait ]»our


la secoride en exprimant le regret (pie, dans les écctles de théologie,
les lecteurs en écriture sainte fussent relégués au dernier rang.
Les légats constataient eux-mêmes ((ue les Pères abusaient de
leur liberté nouvelle ^ et ils l'écrivaient h Home. Ils pouvaient le
faire en tnuic >é( unie, au sujet des IVançais tout au moins, qui se

cantonnaient toujours dans hnr citadelle, les décrets de Bùle et de


Constance, les o])posant à ceux de h'iorence et des autres conciles,
même ceux <le \ ienne et de Lyon, fpii les touchaient de plus près.
L'assemblée a\ ait di'i re\ enir, la session apj'rochant, au décret géné-
ral de doctrine sur le sacrement de l'ordre: le cha|iitre de l'institu-
tion tics évcqucs, «pii venait le riiupiièmc de la série, allait faire
ressortir le prestige dont le cardirial de Lorraine jouissait auprès
de ses compatriotes. I)e})uis son retour de l'errare. il clierchait une à
formule de conciliation, qui accommoderait les prérogatives du j»ape
avec celles de l'épiscopat dans leurs rapports nuituels, forniule qui
s'insérerait dans les canons 7 et 8 du même sacrement ils détermine- :

raient les ori^iines et le caractère de cette même institution des


évéques 2. Lnc dernière
fois, il dressa un formulaire qu'il espérait
<'om})iner avec celui provenant de la commission. Il sollicita dans
ce but le concours de l'évèque de Modène, Foscarari, qui n'avait rien

perdu de son autorité au concile, ])ien qu'il eût été question de l'éloi-
gner au moment de l'arrivée de .Morone à Trente. Tous deux arrê-
tèrent un troisième texte que l'évèque déclarait acceptable de la

part de ro]>]>osition.
(.e texte établissait (pie le i)aj>e a le i)ouvoir de faire jtaître toutes

les brebis du C.hrisi prises une à une. Les légats, après s'être assuré
,

l'appui des ambassadeurs ecclésiasti(pies de rem|>ereur, l'arche-

vê([ue de Prague et l'évèque de Fùnfkirchen, en soumirent la minute

1. Vogliono métier la nuino pin oltre che convengo, a Rorromée, le 10 juin, Cànc,
p. 578. note 1.

2. LVxposé (lo Piill.Tvirini, c. iv, § 11-15, est conririiif par 1rs «lépAchcs qu'il

mrntioiinr drs légats, 4, 10 et 12 juin, Susta, t. iv, p. '»1-60. 11 fut question


d'éloijfner l'évèque de Modène, (t, m, p. 329), le 5 mai) la rurie craignait-elle qu'il :

prît sur lo nouveau président de l'assemblée quelque ascendant fâcheux pour elle?
CH. I. LE CONCILE MORONE 879

à l'examen d'une commission de onze canonistes, plus ou moins


favorables à la cause du pape, les deux archevêques de Rossano,
l'ancien (Verallo) et l'actuel (Castagna), les évèques de Nicastro,

Viesti, iModène et Capo d'Istria; les consulteurs habituels du bureau :

Paleotto, Castelli, Lancelloti; enfin deux théologiens qui tenaient


le premier rang au concile, Laynez et Salmeron.
Ces commissaires entraient, le 9 juin, en conférence avec les prési-
dents Morone, Simonetta, Navagero; parmi eux l'évêque de Modène
une formule qui ne mît pas trop en relief la
et Paleotto cherchaient

supériorité du pape sur l'épiscopat, suspecte aux Français. Les


autres opinants s'en tenaient au décret de Florence, qui accentuait
cette supériorité. De leur côté. Lorraine et ses confidents, l'arche-

vêque de Sens et l'abbé de Clairxaux, Jérôme Souchier, ne ces-

saient de négocier avec leurs compatriotes, s'effort^ant de les

am.ener à la conciliation. La commission


leur proposa tour à tour
d'attribuer au pape les pouvoirs de saint Pierre sur les brebis, le

troupeau du Seigneur, ou la plénitude de la puissance de Jésus-


Christ; le titre de pasteur ou recteur de l'Eglise universelle,

emprunté au premier concile de Lyon, et accepté à Bâle, ou bien

encore celui de chef de l'Église catholique.


Finalement on tomba d'accord sur ce dernier texte avec l'adjonc-
tion toute r Église catholique, (^usint aux évêques, il fut 'admis qu'ils
étaient institués de par l'autorité du Siège apostolique, ou plus

précisément de par celle qui réside dans le pontife romain. Assuré-


ment, ce n'était qu'un minimum de pouvoir qui lui était concédé
sur les évêques. Pourtant les Français estimèrent que c'était encore

trop. Le 13 dans la matinée, Musotti vint prévenir Morone que le


cardinal son maître renonçait à l'espoir de les faires céder. Il ne
donnait pas plus de précision, sinon qu'ils refusaient d'examiner la
formule qu'ils avaient reçue en dernier lieu; ils en avaient d'ailleurs
présenté la veille une autre qui épiloguait sur des pointes d'aiguille,
réclamant pastoris au lieu de rectoris universalis Ecclesiae et Sedis
^
apostolicae (au lieu de Romani pontificis) auctoritaie ;
ils allaient

répétant que, s'ils


acceptaient termes à^universalis (Ecclesiae
les

catholicae episcopus), à l'encontre du concile de Baie, on les lapide-


rait dès leur retour en France !

Les légats appelèrent encore à leur aide les théologiens mineurs


qu'ils avaient consultés la veille et, sur leur avis, se décidèrent à

1. Susta, ibid., p. 55, 56, 59.


880 l.l\. I,\l. CONCILE DE PIE IV ET HESTAUR. CATHOLIQUE

laisser tombrr pour le luoiiuMit !< «Irhal sur la |Tiniaiitf' de saint


PitTrc. afin (rarrixci- |>liis prompleineiil à la xxiii*^" session, dont la
(lal«' (lr\ait rtrr anrlôe le 15. Ils axaient (jiieiqucs jours a»i])ara-

vunl soumis au Saint-Père un corps de doctrine sur l'ordre, en


'

cin<| chajfitres, a\ei; un canon dclinissant


la juridiction épiscopalc;

ils se jiroposaient d'y joindre un autre canon, <(ui sauvegard«'rait la

primante pontilicalc, d'après les termes mêmes du concile de l'io-


rencc. Ils attendaient ;\ toute heure la réponse ([ui devait leur })er-
mcttre de compléter l"iru\redela ai^ssion. Ils résolurent néanmoins
de poursuivre ce programme dans la mesure du jiossibir.
Le en une congrégation j)artielle des notables déliniteurs et des
l^'i,

ambassadeurs, ternie chez lui, Morone proposa d'ajourner le débat sur


la primauté, en même temps (ju'il iixait la session au I) juillet. La

mesure fut approuvée néanmoins


; les ambassadeurs conseillèrent de ne
pas al)audonner toute tentative de conciliation, en (e(pii concernait
la (loctririe de la hiérarchie et du |)rimat ^. La congrégation générale

du 1,")
adopta la rnnanimité, ce (fui n'empê-
date de la session à
cha jias révê(jue de Ségovie, infatigable dans son intransigeance,
de présenter trois nouveaux canons sur la hiérarchie, l'autorité des
évèques et la résidence de droit divin; il s'elTorca défaire admettre
tout de suite celui-ci. Pour les deux autres, qui remplaçaient les
articles septième et huitièine du jirojet ))rimilif, il les endiarrassait
de longueurs inutiles, du moins au jugement de \isconti-'.
Le IG et le 17, une autre asseml)lée de notables, ju-élats. théolo-
giens et eanonistes, discuta sans fin un nomeau chayiitre cinijuième
de l'ordre, dont les termes furent indéfiniment («Ifacés, changés,
rem]dacés un à un, se succédant en un mot sans interruption. Le
débat aboutit enlin à une rédaction cjui permettait d'espérer qu'elle
ne déplairait pas aux Esjiagnols, et que les Français s'en conten-
teraient. Elle aAait l'aitprobation unanime, en deliors de l'arche-

vêque d'Otrante *, de l'évcque de Nicastro et de deux ou trois autres


euriaux. Elle fut alors exj)édiée à Home, pour que le jiape l'examinât
et en donnAt son avis.
La discussion sur les al)us de l'ordre avait pris lin : le général des

1. D^pfchc du 4 j»iin, ilans Susta, p. 42-43.


2. Ibid., p. 67, f>9-70, 74-75 (les 1/^gats à Borroinéo, les 14, 17 et
19 juin).
3. Conc, p. .''>84 vi note 2.
4. Au témoipnage de Pallavicini, c. v, § 3, \in vif débat s'éleva entre le cardinal

de Lorraine et l'arclievéque d'Otrante, à la suite duquel le comte de Luna pré-


tendit faire exclure le dernier des assemblées particulières.
CH. I. LE CONCILE MORONE 881

jésuites,Laynez, la clôturait le 16, par une dissertation qui dura deux


heures. Il ne fut pas aussi heureux que d'habitude il avança qu'il :

était préférable choix des évêques aux princes,


d'abandonner le

à défaut de l'élection par le clergé, plutôt qu'à une multitude inintelli-


gente, bestiale, qui d'ordinaire procède sans réflexion, con piu temerita
che cou prudenza ^. Il étonna l'assemblée, la
choqua même, quand il
s'écria Je crains toute multitude, même celle des évêques »,
: «

paraissant rapprocher l'épiscopat d'une populace inconsistante,


imperita. Il ajouta que le pape seul pouvait se réformer, car il ne
serait jamais lié, quoi que l'Église enseignante pût réglementer à
son sujet.
Les légats, en soumettant son discours à Rome, faisaient aussi
leurs réserves sur des passages du discours, parce que certains Pères
s'imaginaient que Père avait parlé à leur instigation, nostra per-
le

suasione. En réalité, ils n'en avaient rien su, senza saputo nostro,
et ils l'en auraient plutôt détourné. Le bruit s'en était accrédité,
au témoignage de Visconti, par suite des faveurs exceptionnelles
qu'ils accordaient au général il parlait du haut d'une estrade, isolée
:

au milieu de la salle, alors que les autres Pères parlaient debout


de leur place. Le président lui laissait toute latitude de développer
sa pensée, le concile tenait môme
des séances extraordinaires pour l'en-
tendre lui seul. Ce témoignage de l'évêque de Vintimillê est assez
curieux.

Laynez avait argumenté en toute indépendance, nonnisi conscientia


sua locutus est, au dire de l'auditeur Paleotto, qui invoquait à l'appui

de cette impartialité, les belles vertus de l'orateur, erat maxime pins


et innocens. Cette
sympathie des Italiens fut suspecte aux Français
et ils se persuadèrent, persuadèrent à leur cardinal que le Père
ils

les avait visés dans sa démonstration discrète de la suj>ériorité du


pape sur le concile. Il s'était permis en effet une allusion aux châti-
ments qui menaçaient le clergé de France, parce qu'il favorisait le
conciliabule schismatique de Bâle. Laynez jugea opportun de se
disculper dans une démarche auprès du cardinal et avec des explica-
tions prudentes: « Il n'avait nullement visé Son Ejuinence, ni aucun
de ses prélats, mais seulement combattu quelques docteurs de Sor-
bonne trop prévenus en faveur du concile suspect.» Le cardinal n'eut
pas de peine à le croire, il l'affecta du moins et l'incident parut clos.

1. L'archevêque de Zara, Conc, p. 587, note 4; 588, note 2; sommaire dans


Pastor, p. 254-255, d'après Pallavicini, ibid., c. vi, § 3-11; Susta, p. 61».

CONCILE-;. — IX. — 29
882 I.l\. I \ I. CONCILE I)F. PIF, IV I.T HESTALM. fMÎItOl.IQUE

Les premiers assauts contre le nouveau président.

Plus graves étaient ceux (jue certains Pères soulevaient contre le


nouveau chef du concile, au sujet des jiroblènies (|iril avait d«''l>attu8
à Innsbruck avec reniperour et pour les(|uels, selon eux, il n'avait

o])tcnudc son auguste partenaire que des assurances de bonne volonté


Il ne pouvait empêcher que ses
négociations sans résjiltat décisif iif
fussent alléguées jiar les oj>]iosants aux ])réro{Tatives jtontificales,
c|uirecueillaient ii'inii)orte où leurs moyens d'attaque, pour récla-
mer notaniinent la réforme sous tous ses asjiects, même la réform»'
in capite et in nienihris;en sorte qu<^ eelle-ei gardait au concile l'ini-
poitance que le légat avait su atténuer auprès du conseil aulique. Les
elTorts de Moro/ie tendirent toujours à simjdilier la situation, en

empêchant ces intrigues d'embarrasser la marche des travaux :

à les faire cadier même avec


programme de réforme, ce qui rendait
le

sa réalisation possible, ainsi que la solution des dillicultés dont l'Mglise


soufTrait de])iiis des siècles.
Les déliniteurs oj)posants, de même que les ambassadeurs et les
indé])cndants eux-mêmes, ne manquaient ]ias de renouveler de temps
en temps ces reproches et autres pareils, dans un accès de zèle ou jtar
flatterie pour leur jirince. La délibération sur les abus du sacre-

ment de l'ordre. <pii se jirolongea du 12 mai au 1.")


juin, allait surtout
mettre assez en lumière (avec les dis])ositions que nous avons signalées
chez certains prélats) ceux de ces abus ([ui se jierjiétuaient à Home,
si bien que vers la fin de ces débats, dans la première moitié de
juin, la réforme in capite et in membris réap]»araissait h travers les

préoccupations et les colloques journaliers


Ils parlaient de ces Pères.
beaucoup de la bulle In eligendis, du î) octobre
précédent, sur la
réforme du conclave des coj)ics en circulaient à Trente. Klle rame-
:

nait naturellement à la jiensée les cardinaux et le Sacré-Collège,


dont abus aggra%aient ceux de
les la curie et com]!romellaicnt la

dignité du pape.
L'em])ereur n'avait-il ])as d'ailleurs taxé de mesure regrettable
lapromotion en janvier de deux jeunes hommes, un Gonzague et
un Médici ? On en jasait d'autant ]>lus, à Trente comme à InnsbrucK.
que le Sacré-Collège avait compté naguère trois cardinaux Gon-

zague, un oncle et deux neveux. A la date même où nous sommes, la


puissante famille des Farnèses, qui en avait aussi trois, dont un Sforzîi.
travaillait encore, pour contre-balancer l'ascendant des Gonzagues.
CH. I. LE CONCILE MORONE 883

ses rivaux, à faire promouvoir l'évêque de Parme, Alessandro Sforza,


frère du cardinal de ce nom. Alors que celui de Mantoue disparais-
sait, les Farnèses occupaient toujours les premiers services de l'Église
romaine, la Chancellerie et la Chambre apostolique : cette Église,
ainsi que Sacré-Collège, risquaient donc de devenir l'apanage
le

d'un petit nombre de familles puissantes, ou de quelques dynasties


italiennes.
Les Pères faisaient remarquer avec justesse que plusieurs papes
avaient, en diverses époques, réglementé l'existence, le fonctionne-
ment, la dignité du Sacré-Collège, à mesure qu'il prenait de l'impor-
tance : il suffisait de remettre en vigueur ces décrets, par exemple

celui qui interdisait à deux frères d'être en même temps cardinaux ^.

Les requêtes en ce sens, présentées aux congrégations générales,


finirent par se renouveler presque quotidiennement, et les légats
crurent devoir en informer le pape. le? juin, dans la crainte de quelque
^
scandale :
« Il était indispensable de procéder immédiatement à la

réforme désirée de tout côté. »

Pie IV avait pris les devants et, le 29 mai, fait envoyer un som-
maire des articles de réforme recueillis sur ce sujet, parmi les actes
de plusieurs papes et conciles il ne s'opposait pas à ce que l'assem-
:

blée les renouvelât de sa propre autorité, toutefois sou's quelques


réserves qu'il énumérait et qui garantissaient les avantages maté-
même pécuniaires, qu'il retirait de ses nominations. Ses avances
riels,
n'eurent pas d'abord le succès qu'il désirait les commissaires, :

chargés de recueillir les abus contre le sacrement de l'ordre, se divi-


sèrent à propos de l'opportunité de la réforme toutefois la majorité :

insistait plutôt sur les inconvénients qu'il y aurait à toucher ce point

spécial ^; les Le 19 juin,


légats pressaient le pontife de s'en charger.
ils lui rapportaient un propos du cardinal de Lorraine, assurant que
les quatre premiers princes de la chrétienté, l'empereur, les rois
de France, d'Espagne et de Portugal, se concertaient pour faire agir
le concile à défaut du pape. Aussi Pie IV consentait-il à faire de nou-

velles concessions sur l'âge des cardinaux et le devoir de la résidence,

auquel ils seraient soumis comme de simples évêques.


Par ailleurs, le Sacré-Collège, à qui le pape s'en était remis de son
amendement, ne se souciait que de sauvegarder ses privilèges.

1. Susta, p. 63, 75-76, 89, 116, 129, 206, 209, 551-552; Constant, p. 529 sq.
2. c. v, § 6-11; Susta, p. 32-33, 67-68, 71-72, 78.
Pallavicini,
3. Nouveaux
incidents sur la réforme des cardinaux, Susta, p. 33, 43-45, 66,
75 (réponse de Pie IV à Morone au sujet des négociations en ce genre).
884 Ln . i.\ I. ii'Ncii.i; ui; i-iL i\ 1. r hi.siaih. i \ i
iioi.iouk

l*u' l\ tri
|)iil prrtfxtf (!<• laiSMi toiii])er la rtforiiH'. puis rllc fut
leprisf vu août par le coiiite de Lima, dans sa caiiipa^ne pour
proJojigrr le roiuiN*; (-ampa^^iK* d'où sortit pour (ciiii-ci la dernière
source de ses dilluMillés. Nous verrons ( (unnimt l'alîaire fut réglée

par l'intervention du «'ardMial (!<• I.oiraine, on plutôt n-in oyée


au j>a])e, rassemblée ne pouvant faire autrement.
La politi(|ne de Pic \\ lui créait d'autres ol)stacles <jue le nou-
veau ]»résidenl n'a\ait pas moins de jieine à écarter de son chemin.
Le l'i juin, le comte de Luna, se présentant aux léf^ats réunis en
conseil, les pria, soi-disant au nom de son maîtr<', de sup])rimer la
formule proponcntibiis legdtis, ou de l'explitiuer dans une déclara-
tion oi1i(Melle en séance ]»lénière. qui laisserait à tout orateur, comme
aux évc(pies, liberté jdeine et entière de ])roposer ce (pi'il croirait

être l'intérêt du clergé national'.


de son souverain et

La démarche avait été concertée avec les ambassadeurs espagnols


h I{ome, A^ ila et ^ argas, comme conséquence des promesses que
Sa Sainteté avait faites naguère au jtrofit du Catholique:
leur
comme conséquence aussi des instructions qu'elle envoyait aux
légats le 27 mai. et dont ces agents avaient eu connaissance. Pie I\
autorisait ses représentants, dans l'intérêt des nations comme dans
celui de ri'.glise universelle, à faire voter en séance solennelle, une
déclaration cpielcojique garantissant la lil>erté du concile, à supj)rimer
la formule dans les actes, si les Pères le jugeaient à j)ropos mesure :

d'autant plus facile à }trendre que Sa Sainteté n'était pour rien dans
lu dj on et ion de la réserve.
Les légats n'aNaient j)as les mêmes
motifs que le ])ape de boule-
verser ainsi le règlement que leur jtraticjue avait consacré jusqu'alors.
Ils }.ou\aient d'ailleurs invoquer l'autorité de l'empereur, «jui s'était

montré ])lus accommodant sur ce chapitre, dans ses tractations


avec Morone. Ils refusèrent tout d'abord d'ajourner la session,
comme le requérait I
l'!sj)agnol et, pour gagner du temps, l'invi-
tèrent à remettre sa demande par écrit
lotir « Ils : l'examineraient
avec soin et tâcheraient d'en tenir conijtte dans les congrégations
à venir. Tout ce qu'ils jtouvaient faire, c'était de donner la

promesse qu'un décret pris en derjuère session garantirait la liberté

des conciles à venir. »

Le 17. iion\»l assaut, à la table même de .Morone. pendant son

1. Voir plu.sioiirs votes


d'évêqucs, Conc, p. 545, note 1 ; 577-578, celui do
l'évèquc dr Knin.
CH. I. LE CONCILE MORONE 885

repas : le comte s'abstint de présenter la pièce demandée; bien plus,


il se fit
pressant, prétendit même les conciles futurs, en deman-
lier

dant une déclaration générale, formelle' —


au moment delà clôture
de celui-ci —
et qui engagerait l'avenir. Morone, prenant feu
(il l'avoue

lui-même), s'écria qu'il y allait de l'honneur du concile la formule :

avait été adoptée dans une session de cent dix Pères, dont deux seule-
ment s'étaient rétractés, après y avoir donné leur consentement.
II faisait allusion à la session xvii^, du 18 janvier 1562, la première
sous Pie IV, composée en effet de ce nombre de Pères et qui avait
le décret de reprise du concile, proponentibus
adopté legatis. Les
opposants avaient été deux Espagnols, l'archevêque de Grenade
et l'évêque d'Orense.

L'empereur, ajouta Morone, n'était pas si exigeant que Sa Majesté


Catholique, et celle-ci était moins soucieuse de la liberté du concile
qu'elle n'en faisait parade, puisqu'elle venait de lui interdire d'en-
tendre les procureurs des chapitres espagnols. Plutôt
que de se
]'lier à des conditions intolérables, les légats enverraient leur démis-
sion au pape. C'est ce qu'ils firent le jour même.
Le comte se préparait Innsbruck, où il voulait
à partir pour

prendre congé de l'empereur, qui allait s'installer à Vienne. Morone


sollicita donc l'intervention de Ferdinand par l'entremise du nonce

Delfino. Il en appela aussi à celui d'Espagne, Alessandro Crivelli.


Le comte finitpar déposer sa requête; il ne cessait même de l'ampli-
fier, sous prétexte de préciser une situation indécise « Les ambassa-:

deurs comme les évêques auraient désormais la faculté de porter


eux-mêmes leur avis au concile,
quand les légats refuseraient de
s'en charger.Le cardinal de Lorraine et les autres ambassadeurs
»

commençaient à s'agiter en faveur du comte. Les légats objectaient


que l'assemblée ne finirait jamais, si n'importe qui de ses membres

jetait sans cesse de nouveaux amendements à travers la discussion.


Une transaction provisoire survint alors. Le comte promit par
écrit qu'il patienterait jusqu'à son retour d' Innsbruck, attendrait

même d'avoir reçu les nouvelles instructions de son souverain. Les

légats ne semblaient pas d'humeur à céder: finalement leur parte-


naire se laissa amadouer par l'empereur et fit pour le moment
machine en arrière, le pape accordant toute liberté à ses représen-
tants de s'en tenir simplement aux récents accords avec le prince.
88(j i.n. i.\i. i;o.NciLK ui: imk iv kt iu.siaI'R. r:A i
holi^uk

Encore le conflit de préséance ; nouveaux orages.

Celte trêve conscjilie par raiiibuhsadeiu il< l'Iiilijipe II avait sa


raison d'êlre, «mi
particulier dans le besoin de feniiiiier le conflit de
préséance. Il n'avait été ré^'lé eu faveur des l!!spa^uols <pie pour les

conf^réf^a lions générales : Lansac mettait tout en


pour (jue la (i'u\re
au
no s'étendît
reste du «;'«'sl -à-dire aux ollices
pral iipir })as protocnlr,
el féréujonirs religieuses. Nous avons \u
(jue le comte de Luna
a\ait pris ^ol^ensi^ e sur ce dernier point (ci-dessus, p. 8<J5-866;.
Le pape suggérait l'expédient, (pie des cérémouiaires difTérents ju-é-
senlassent l'encens el le baiser de paix simultanément aux deux
ambassadeurs ^ Le plus dillicile restait, le idacement en chapelle:
lîVdessus les intéressés s'entêtaient, et Home se refusait à faire un
pas de plus. Pie f\ déclarant qu'il avait eu les oreilles assez
rebattues de cette alîaire.

Lansac ne voyait en tout cela qu'une questioji, l'honneur de son


nti et
repolissait n'im|iorte quel arrangement accorder au comte :

un siège à part au chtrur, comme dans les congrégations générales,


c'était consonuner sa cajïitulalion. Le cardinal de Lorraine, qui fut

appelé en arbitre, partagea cet avis et le soutint sans détour. Le comte


de son côté, revenu de la cour impériale (27 juin),nuilliplia les ruses et
les manèges pour éviter la |tarité que le pape lui imposait en matière
de liturgie. Il laissa croire aux légats qu'il s'abstiendrait de toute
cérémonie religieuse; puis, le jour de la Saint-Pierre, il parut soudain
à la grand'mcsse pontificale et prit j>lace sur un siège séparé, que les
cérémoniaires lui installèrent en toute hâte. Les Français proles-
tèrent ensuite contre la jtarité d'encensement (car il en était aussi
^
question^, le cardinal lui-même, dans un discours maladroit :
'
Les
ambassadeurs de sa nation intenteraient au })ape un procès en
simonie contre son élection (ils en avaient assez de ]>reuves), ])uis-
qu'il violait les droits d un jtrince trop jeune pour se défendre. Du
reste, ils allaient tous se retirer du concile en manière de protesta-
tion, sauf un ])etit grou])e qui ]>oursuivrait la réparation de celle
»
injustice.
Sur le ton que prenait Son r.minence, l'esclandre ne pouvait que

MU, -'1-8; .Susta, p. 99, 10.5-107; Cnnc, p. .*)91-.')92.


1.
Pi»ll.ivi.iiii, r. tj

2. Lo
récit de Pall.ivicini, ibid, c. viii, vu cnlior) abondr on détails pittoresque»

qu'il n'a certainement pas inventés. Il consacre encore à cette affaire les denx
chapitres «uivants.
en. I. LE CONCILE MORONE 887

s'aggraver ii ne nianqua pas de malveillants qui accusèrent les légats


;

de chercher le j'rejiîier prétexte venu d'esquiver la réforme en ren-


voyant le concile. Ils pressentirent du moins l'accusation, et ne tar-

dèrent pas une minute à régler le conflit. Ils convoquèrent aussitôt,


à la sacristie de la cathédrale et pendant que l'office se poursuivait,
notables des deux partis, cardinaux et ambassadeurs, avec l'agent
les

impérial et celui de Pologne, les archevêques de Grenade et de


Sens. Les représentants de l'empereur s'entremirent en vain après :

une longue discussion, l'archevêque espagnol déclara, au nom de


son ambassadeur, que celui-ci renonçait à toute marque d'honneur
liturgique. Les Français ne se montraient pas disposés à la même
condescendance, et les légats supprimèrent les deux cérémonies de
l'encens et du baiser de paix pour tous, pour eux-mêmes comme
pour
les autres, au moins dans la solennité commencée; ils verraient à
s'entendre ensuite avec les intéressés.
Le concile réussit tant bien que mal à régler un conflit qui nous
semble aujourd'hui assez futile, mais que les Français affectaient
de prendre au tragique. Ils l'avaient si bien pris que, dès le lende-
main, Musotti, secrétaire du cardinal, qui partait traiter à Rome
diverses affaires importantes du concile, recevait l'ordre de renou-
veler la protestation et les exigences de ces ultramontains. Sans

doute, il
pas jusqu'à parler de simonie Au concile, des mur-
n'alla !

mures s'élevèrent même contre les agents impériaux, que les Fran-
çais accusaient de pencher pour le comte; ils ripostaient qu'ils ne fai-
saient que se conformer à la promesse que leur avait faite les légats
de condescendre aux désirs du comte, entendez s'il se montrait rai-
sonnable. De leur côté, les légistes du concile, Paleotto et Buon-

compagni, soutenaient que le conflit étant purement laïc, le pape,


seul pouvait le trancher, après avoir cité et entendu les deux parties.
Si nous en croyons le récit documenté de Pallavicini, l'affaire fut
chaude et fit grand bruit à Rome, et même à Vienne. Pie IV crut
devoir se justifier et l'empereur intervenir, ce dernier prêchant
d'ailleurs la conciliation aux partis, la modération à
Ce ses agents.

qui semble non moins singulier, c'est ce qu'avance l'historien, que


l'opinion publique au concile penchait du côté des Français, cheva-
leresques défenseurs de leur jeune roi. Les négociations auraient
été longues et difficiles, et n'aboutirent qu'à de maigres résultats,

qu'il était facile de prévoir il fut résolu de suspendre toute


:

cérémonie d'encensement et de baiser de paix, même pour la session


toute })roche; dans l'interAalle, les intéressés mettraient leurs supé-
888 i.n. iNi. coNr.ii.K ni. PII. IV i:i kkrtauh. < a i hoi.iol k

rieurs au cniiiaiit, «'n sollicili-iaiciif des iustnicticMis précises et

|)rati(jurs.
I.fs deux j)riiuijiau.\ ilaillnirs, Laiisac et le ooiiite de Luna, ne
laissaient pas <jue de s'entendre parfois en cachette, même contre les
légats et le pape; mais en furent jiour leur peine, et le conflit
ils

cessa (peut-on dire) faute de cond)attnnts. Lansae, rappelé par la


cour de France, quitta définitivement Trente le 6 juillet, sans ôtrc
remplacé et ses deux adjoints n'eurent pas à renouveler la disj)ute,
car le comte aux séances solennelles
s'abstint dés lors de jiaraître
et aux grandes cérémonies, comme l'empereur le lui faisait conseiller
par ses agents.

Manœuvres des Français à Rome.

Au
milieu de ces agitations, le concile ne suspendait pas son tra-
vail, mais avançait trop lentement. Le collège des légats, ayant
envoyé à Rome, le 19 juin, deux nouvelles formules du cha])itre
cinquième de la doctrine sur le sacrement de l'ordre, concernant la

hiérarchie ecclésiastique, attendait toujours la réj»onse des cano-


nistes romains. Sur la résidence ])ar ailleurs, des négociations qu'il
avait engagées avec le cardinal de Lorraine lui donnaient l'espoir
d'ajouter au sacrement de l'ordre, en la session xxiii® (du 16 juillet),
un décret prescrivant la mise en pratique de ce devoir, sans toucher
à son principe. L'enjpereur avait renoncé à soutenir le droit divin,
et le comte de Luna ol)ligcait ses évcques à faire de même. La ques-
tion des abus sur le sacrement avait paru suffisamment mûre dès
le 16 juin : restait à préparer le décret, et les commissaires s'en

occupaient sans relAche.


Il n'y avait donc lieu de tenir des congrégations générales.
j)lus
Une dernière fut consacrée, le 21. la remise de la réponse que le
;"!

président Hirague attendait pour son souverain. Puis les légats,


selon la formalité admise, ])roclamcrent la commission qui aurait
h dresser le décret j)our le sacrement de mariage. L'éA èque de Fiinf-

kirchen, qui fut désigné en première ligne, se récusa, sous ])rétexte


de manque de temps ^ Morone choisit alors quatre archevêques,
ceux de Grenade, Braga. Rossano, Parente (.Marcantonio Colonna)
et neuf évêques, ceux d'Aoste, Sinigaglia, .Metz, Viesti, Léon (Andréa

1. Conc., ibid., t. i.\, p. 590.


CH. I. LE CONCILE MORONE 889

Cuesta), Séez (le docteur de Sorbonne Pierre Diival), Crémone


(Nicolo Sfondrate), etc. Ils devaient aborder aussitôt le nœud du
débat, les mariages clandestins, qui ne donnait guère moins de souci.
Le concile s'ajourna, en attendant, sine die et les congrégations
restèrent suspendues près de trois semaines.
La correspondance entre Rome et Trente fut dès lors des plus
actives, et encorecompliquée par le conflit de préséance, qui rebon-
dit de nouveau à cette époque. Les intrigues françaises lui appor-
tèrent d'ailleurs un alinaent de plus. Avant la mission Musotti,
sur laquelle nous reviendrons, parce qu'elle n'eut que plus tard son
résultat complet, ces intrigues avaient modifié assez sensiblement
l'avenir du concile. L'ambassadeur du Ferrier, qui avait des préten-
tions à favoriser la politique romaine, imaginait une combinaison
dont l'objet était d'abréger la durée et de faciliter la tâche de l'assem-
blée^; elle décréterait, dans une dernière session, les canons et les
points sur lesquels celle-ci s'était mise d'accord et renverrait aux con-
cilesprovinciaux ou assemblées nationales de chaque pays le règle-
ment des questions controversées, selon les nécessités et les intérêts
locaux. Il réussit à faire admettre sa combinaison par l'évêque de

Viterbe, et le gagna si complètement que, vers le milieu de juin,


celui-ci dépêchait à Rome un homme de toute confiance, son secré-
taire Cipriano Sararinelli, avec des instructions détaillées. La com-
binaison de du Ferrier avait du moins l'avantage de mettre fin aux
interminables débats sur la hiérarchie ecclésiastique et sur la rési-

dence. Le négociateur arriva le 18 à destination, et l'alTaire parut si

importante que le
pape le retint plusieurs jours et le
renvoya le 26
avec des commissions multiples. Pie IV, sans donner de décision,
cela va de soi, laissa la manœuvre suivre son cours et sut s'en ser-
vir dans la suite. Elle prit de l'importance dans la vie du concile,

lorsque le cardinal de Lorraine, que du Ferrier mit au courant assez


tard et au moment où Saracinelli allait revenir, intervint à son tour
et prétendit agir de concert avec Gualtieri. Ilimagina d'envoyer à
son tour Musotti reprendre la négociation, lui donner plus d'ampleur,
une sérieuse portée pour le concile.
Musotti partit le 30 juin, emportant une apologie de Lorraine,
qui prenait hardiment l'offensive contre le pape, à propos du

1. Sur celte négociation en marge du concile, Pallavicini, ibicL, c. v, § 2; Susta,


donne des détails, p. 101 et surtout 491-494, instructions de l'évêque de Viterbe
à son secrétaire. Le 23 juin, Borrornéc prévenait les légats, ibid., p. 102, 113.
890 I IV. I.\l. CU.NCILE Dfc IMI. I\ Il flKSTAUR. C:ATH0LI(.>U E

deniHT iii(-i(itMit tlt* prrst'aïur '. Il a\ait des (-oiiiinissions |«liis impor-
tantes, siiiioiit de jirépartT iiii aciord d«'s l'ranrais a\ ce la vom
romaine sur les points é|)ineux do la doctrine <{e online. Korraino

esj)érait sans doute, a\ec ses illusions habifuclles, amener le pape à

t(uel(|ue concession sur le primat et la résidence de droit <ii\iii.

Mtisofti jirriAa If les né^oeiatifuis avec son entrain


'i
juillet et ouvrit
habituel. Saracinelli avait eu pour introducteur ;iu \atican le car-
dinal de ,;i lîourdaisière, ])rotecteur des alîaires de l*'rance; .Nfusotti
I

pou\ait compter sur le concours de celui de I-'errare. Ce dernier


était moins bien \ ii ce détail toutefois n'arrêta pas l'envoyé, ne le
;

gêna même ])as beaucoup.


Il fit si bien qu'il confirma le {)ape dans l'idée «pii. depuis lonjz-
tem])s, depuis toujours dominait chez lui se débarrasser coûte que
:

coûte de tout obstacle, l-.t d'al)ord le concile agirait prudemment en


laissant tomber
discussion du primat, ]»uisque les Pères n'arri-
la

vaient j»as h s'entendre. Le 9 juillet, liorromée conseillait vivement Jn


mesure, sans cacher le mécontentement du pajie de ce que ceux-ci
lui renvoyaient la décision ^, ]>arce que le cardinal de Lorraine y
poussait de tout son ]>ouvoir. Le secrétaire d'Ivtat justifiait son
injonction ]>ar l'avis motivé de ]>lusieurs cardinaux, (piil avait ap]»e-
lés en conseil. L'ambassadeur N'argas avait été aussi convo(|ué.
comme un légitime définitcur, et avait donné un vrai mémoire sur
la question, mémoire qui i>artit aussi pour Trente, où les évêques
espagnols étaient invités à le faire leur. Ces jirocédés dij)lomatiques
étaient-ils caj>ables de simplifier une situation si embrouillée ?

Préparatifs de la XXIII'^ session.

Les légats ne demandaient


])as mieux que de se tirer dafTaire à
bon compte, d'arriver ])rom])tcment à la session qui fuyait depuis des
mois. Parmi tant de matériaux de réforme «pi'ils avaient entassés,
brassés ])endant une année et |)lus, ils firent im choix des moins

embarrassants, selon l'idée récemment émise j-ar du Ferrier. Ils


élaguèrent surtout : la commission écarta un article sur les élections

épiscopales, jiuisque le ])ape se les réser\ait, ainsi (pie les princes.

1. rallaviciiii, 1. XXI, c. ix, § 2-3; pour les autros négociations de Musotti,


SustR, p. 110-120 principalement,
2. Curieuse lettre de Horromée,
Susta, p. 114-116; If mémoire do Vnrj^s, insis-
tant expressément sur la prérogative du pape, ihid., p. 120.
CH. I. LE CONCILK MORONE 891

Ceux-ci voyaient là une de leurs prérogatives essentielles, assurées

par les concordats, y subordonnaient toute autre réforme, même


celle de Les élections de supérieurs par les chapitres
la résidence.

et par moines
les n'avaient plus de raison d'être à leurs yeux.
On mit encore de côté l'article qui supprimait les évêques titu-
laires ils restaient indispensables en certaines circonstances; les
:

ordinaires en avaient besoin pour se faire suppléer en des fonctions

trop lourdes. Ils encourageaient la non-résidence, sans doute, et il eût


été préférable de supprimer les évêques de cour au service des princes,
mais ceux-ci ne voulaient pas en entendre parler. La papauté reti-
rait de cette institution plus d'un profit, revenus et autres, en faveur
des évêques dont elle avait besoin à la curie, notamment des cardi-
naux. En les obligeant récemment à se contenter d'un seul diocèse,
elle ne pouvait leur interdire de s'y faire suppléer par des titulaires.
Avec ces suppressions, la matière était encore assez ample. Tout
d'abord une dernière rédaction fut dressée pour la doctrine du sacre-
ment de l'ordre, et ce fut l'œuvre de Paleotto, ap])elé à suppléer
eu cela Massarelli, le secrétaire principal, devenu tout à lait iuipo-
tent ^. La doctrine en quatre chapitres (elle mettait de côté le cin-

quième, sur les rapports de la papauté et de l'épiscopat) et les huit


canons furent distribués le 3 juillet, puis, le 5, un chapitre sur le devoir
de la résidence, sans toucher au principe, et quinze sur, la réforme,
les abus entachant le sacrement de l'ordre et un dix-septième pres-
crivant la séminaires; enfin un appendice des sept
création de
ordres mineurs en autant d'articles. Ce fut l'ordre adopté définiti-
vement, avec cette différence que l'appendice devint le chapitre dix-
septième du décret de réforme, et l'ordonnance sur les séminaires

prit place à la suite comme complément indispensable l'amélio- :

ration du clergé ne pouvait être assurée que par la formation sérieuse


des jeunes ecclésiastiques.
Cette mesure d'importance était d'ailleurs un des rares articles
du programme conciliaire, qui ne rencontrât pas d'obstacles elle :

était même unanimement désirée et réclamée. L'application dépen-


dait d'ailleurs beaucoup des circonstances, des situations, des condi-
tions de temps et de lieux: il suffisait donc d'établir dans un décret
général une exhortation, impérative en quelque sorte, qui atteindrait
tout d'abord les Ordinaires plus riches et dont les diocèses avaient

1. Conc, ibid., p. 600, noie 3, les textes, p. 592-601 ; Siisla, p. 79-81 ; Constant,
ibid., p. XXX, note 4.
8î>- ll\. I\l. CONCILE DK l'IK IV Kl niSTAlJR. rATIlOI.IOL'E

))esoiii (le jiliis de prêtres. Ils ciitraîiitTiiieiit les autres jiar l'exemple :

le pape en avait trailleurs pris l'initiative dans la fondation du cn]-

it''|Te germanique du collège romain. Le concile s'était donc occupé


et

de la (juestion, et d'une manière sérieuse


Kuiguement une com- '
:

mission, nommée en février, avait travaillé un mois et l'éx rque de


Verdun, désigné comme rapjjorleur. déposa une esquisse tle décrt-t
en mai; elle ne fut abordée que le If) juillet, dé})attue phisieurs
jours de suite et iitlnpf ée le 11. (Vesi le décret (uni adoUsrenlnim aetas.
I)ans les mêmes premiers jours de ce mois de juillet, les légats

travaillaient activement à résoudre les trois dillicultés »|ui arrê-


taient tout. Ils avaient décidé de mettre de côté le débat sur le

principe de la résidence. Les deux autres j)ortaient sur le sacre-


ment de l'ordre au sixième canon de la hiérarchie eeelésiastique, ils
:

voulaient ajouter (jue les évcques ont été institués jiar Jésus-Christ
et sont les successeurs des apôtres: dans le huitième, ils repoussaient,
comnu' trop vague et insuflisant, le titre de rector uni\'ersalis Ecclc-
siae, »|ue le texte attribuait au pape.
diTiiirr

Leur tâche se simj>liliait insensiblenu'ut non seulement les Espa- :

gnols semontraient moins intraitables, depuis l'arrivée du comte


de Luna; mais les Im]jériaux secondaient les vues des présidents,
selon les récentes instructions de leur maître. Ferdinand ne se bornait

})as à conseiller le renvoi au pape des jioints dilbcultueux : il

engageait celui-ci à ne ])as insister sur sa ])rééminence. Tout cela


cadrait donc avec la mancruvre de du Ferrier; ce n'était que
l'écho d'une dernière tcntati\e })our mettre fin au concile ^.

Les consultations théologiques du Père Laynez vinrent encore au


secours des légats :
depuis un certain temps, il
rappelait aux Pères
la distinction si facile à démêler «t à l;i([uelle ils ne pensaient guère;
du moment qu'il s'agissait de sacrement, ils n'avaient ]>as à se préoc-
cuper du pouvoir de juridiction, mais uniquement du earactère
complexe que confèrent les ordinations. Dès le mois (1';)% ril, les légats
recommandaient cette solution dans leur correspondance. Mais le
pa]ie poursuivait un autre objectif. Le décret de l*"lorence ne per-
mettait plus de laisser en suspens le dogme du ]>riinat, surtout
devant théories négatrices des hérétiques, qui venaient aggra-
les

ver celles des gallicans. I/Kglise enseignante devait définir une

1. A. Dopcrt, Histoire dr.s séminaires français depuis leitr origine, Paris, 1012.
I. I. p. 11-27.
2. l'astor, p. 256, avec les référrnros; l'allavirini, c xi, p.i«sim.
CH. 1. LE CONCILE MORONE 893

foispour toutes si ce primat appartient au pape seul et de droit divin,


ou évêques tiennent aussi leur pouvoir de Dieu et sont par
si les

conséquent les égaux de celui de Rome. Pie IV écrivait en ce sens


et ajoutait qu'il valait mieux abandonner le débat que d'établir
un décret qui laisserait la porte ouverte à d'incessants conflits.
« Le concile s'était trop avancé pour ne pas conclure. »

Le dépôt des divers textes, réalisé enfin au début de juillet, le


signifiait assez clairement; aussi les légats allèrent-ils de l'avant
avec décision. Le 7, une réunion chez Morone de notables compre-

nant cardinaux, Laynez et trente-six archevêques ou évêques


les

les plus considérables de toute nation, adnait, après cinq heures de

débats, le décret sur le devoir de la résidence, qui avait été dressé


par le cardinal de Mantoue et ne faisait pas la moinde allusion à

l'origine divine de ce devoir. Le cardinal de Lorraine n'insistait


plus sur son texte; il était acquis définitivement à la cause romaine;
il en donner des preuves patentes, au point que les Espagnols
allait

l'accusèrent de les trahir (par allusion aux manœuvres de Saraci-


nelli etde Musotti), avec l'ambition de devenir légat du pape au
prochain concile national de France,
Vint ensuite le canon sixième, qui définissait la hiérarchie ecclé-

siastique. Laynez, qui tenait plus que jamais les premiers rôles, fit
rejeter la formule a Christo Domino institutam, présentée par les
Espagnols, et la fit remplacer par celle-ci : dwina ordinatione institu-

tam, qui laissait en suspens l'origine divine de l'épiscopat, du moins


médiate, car il avait fait pareillement repousser l'origine immédiate.
Une commission fut ensuite chargée d'arrêter le texte définitif :

elle comprenait deux définiteurs théologiens et deux canonistes

du concile, les archevêques de Lanciano et de Rossano, l'évêque


de Modène et Paleotto. Ils apportèrent quelques modifications au
texte précédent.
Le 9juillet, une congrégation générale, la première depuis le 21 juin,
fut appelée à ratifier les accords sur les canons, en réservant la doc-
^
trine. Elle siégea sept heures et les tiraillements ne manquèrent pas ;

les Français se tinrent à l'écart et les légats leur en adressèrent des


éloges. Guerrero et l'évêque de Ségovie, qui avaient poiirtant reculé
dans les séances privées précédentes, réclamèrent, avec douze autres

1. Court sommaire dans Conc, p. 601-602, avec la longue note 1 de cette der-
nière page; Susla, p. 121-125. On voit en cette dernière correspondance que les
tiraillements durèrent jusqu'à la session elle-même.
8i>'l I.l\. I\l. ( O.NCILE Di; VU. I\ KT RKSTAl H. CATHOLIQl'B

prélats lie Inir iiuhini, le rétahlisseiiiriil ili> termes a CUnslo Doinino


In.stitutam, uxcuixcaul iiième, si salisfuetion ne leur était
pas donnée,
de rejeter pouvoir universel du pape, défini au canon huitième.
le

Le comte de I^una les appuya ouvertement et parla d'une |irolesta-


tion par écrit, l'ar contre les patriarches de Jérusalem et d'Aquilée,
les archevêques d'Otrante, Matera, Uossano (les deux Tarenle et ,

plusieurs évècpics italiens


'
\v.
|
ailrirnt de voter contre
décret de
la résidence, au tas où les Espagnols maintiendraient leur obstruction.

L'archevé(jue de Hraga inter\int alui> avec la chaleur (pii lui


"
était coutuinière et su|>]dia les légats d arrêter cette com])lication

noiuellc. Ceux-ci proclamèrent alors ({ue les deux décrets seraient


votés en bloc, et par accessioji. Les résistances cédèrent et deux <ent
\
ingt-scpt voix ajiprouvèrent, contre de rares op])osaTits, le text<-
si som ent- modifié. Le cardinal de Lorraine avait ])laidé pour la

résidence en particulier, avec une ])rofonde conN iction et mérita,


lui aussi, les éloges que les légats envoyèrent de lui à Rome. Il fit

ado})tcr. ])armi d'un ^ravc reipitblicae munus


les disjienses, celle :

les services do j)remier ordre et de toute jjécessité que les Etats et

les souverains exigeaient de certains hauts dignitaires du clergé.

Le 10 juillet. la congrégation générale, a\ant de rejtrendrc la


suite de ses travaux, admit au concile les représentants de la nou-
velle l'église des Pays-Bas, trois évcques, celui d'Arras, le Comtois
l'rançois Hiihardot. ceux d'Ypres et de Namur, deux des évêchés
récemment créés |iiii l'ic IN dans ces régions; avec eux trois théo-
logiens de valeur, dont
célèbre liaius et ses princijaux alliliés.
le

Corncliiis Jansen étaient arrivés vers le 21 juin et


et .lean Ilessels. Ils

le bureau avait hésité quehjue tenq)s à les recevoir, à cause des que-
relles théologiijues que ces docteurs aA aient soulevées dans leur uni-
versité sur la grâce et la justification. Le concile a\ait épuisé les
débats de cette nature, et pouvait se demander si ces nouveaux
venus se présentaient comme consulteurs, on bien titre d'ac- ;i

lusatetirs et plaideurs 3. dans leurs disputes et conflits d'éc<tle.


Morone ra}>pela ensuite (pTune congrégation particulière avait,
l'avant-veille, écarté du décret sur les abus du sacrement de l'ordre
les articles des élections épiscojiales et des évècpies titulaires :
« Les

1. \'oir uiH- li.slv inr«iin|>lr-li' dans Siisla. p. 12.'»: !<• modo do vote fixé on celle
nrra>if>ii p;tr les lépals i-\plii|ii<Tail pourquoi le ln'iroaii ne laissa qu'un court
r/'jiunu' «II- In séanc»-.
2. Con t/ufl siio /ri\rnr ri sincenlii, (aiir.^ p. ('lOl, noie 1.

3. l'ral, lli.sloire ihi munie de Trenlr, I. u, p. "J8't, .'ivre la lonpuo note 2.


Clï. I. LE CONCILE MORONE 895

Pairespourraient les reprendre plus tard. Les sept articles sur les
ordres mineurs avaient été réunis en.un seul et la question des abus
se condensait définitivement en un décret de dix-huit
chapitres,
dont le premier réglait l'obligation de la résidence, et le dernier la
création des séminaires. »

Pendant que les avis se déroulaient les jours suivants, plus ou


înoins courts, mais tous approbatifs, des tractations particulières
entre les légats, les prélats et théologiens d'importance, aplanis-

saient les dernières difficultés de détail sur les divers points qui se
rapportaient au sacrement de l'ordre.
Le 12, le cardinal de Lorraine fit insérer dans le chapitre de la

résidence personnelle, que les cardinaux y seraient soumis pour


les diocèses
qu'ils recevraient du pape, s'ils n'étaient pas retenus
par leurs fonctions en curie. C'était couper court au conflit qui avait
failli éclater les derniers mois entre Rome et l'Église
enseignante,
conflit qui avait occupé leur correspondance des jours précédents.
Il y a tout lieu de croire d'ailleurs que l'intervention de Lorraine
avait été inspirée par les légats, qui le mirent en avant pour ne pas
se découvrir. Ils venaient de recevoir la dépêche du 5 juillet ^, dans
laquelle saint Charles Borromée les autorisait à comprendre les

cardinaux dans réforme des ordres majeurs. Le pape annonçait


la

les mesures qu'il se proposait de prendre sur l'âge de ses candidats,

l'obligation de la résidence devait être la même pour eux que pour


les évêques. Le décret du concile ne spécifia rien de plus, mais la
dispense était sous-entendue pour les cas où le pape aurait besoin
d'eux, sous la condition qu'ils se feraient remplacer par des évêques
titulaires de capacité éprouvée.En tout cas, les cardinaux ne pou-
vaient posséder plus d'un évêché, et c'était un progrès; le pape ne
paraissait pas disposé à les dispenser d'une mesure qu'il avait
recommandée lui-même.
En dépit de ces concessions, les Espagnols, lecomte de Luna, en
tête, revenaient à leur attitude d'opposition quand même. Le der-
nier réclamait encore l'ajournement de la session; mais le concile
était résolu d'en finir, au prix de la protestation dont le menaçait
le personnage, sur laquelle il paraissait d'ailleurs disposé à })asser
outre *. Seul, l'évêque de Lerida, Antonio Agostino se déclarait
prêt à suivre la majorité les autres Espagnols réclamaient toujours
:

1. Ci-dessus, p. 883-884, pour la correspondance à ce sujet, aux mois de mai-


juin, entre Rome et Trente.
2. Au témoignage de l'archevêque de Zara, Conc , p. 616, notes 1, 2, 6.
806 Liv. i.\i. (fiMii.i. ni: 111. IV i:t hkstai h. cATHf)i.inuK

le iiialiiticn, (liiiis le ^acreiiiciit de roitlr»-. lie It'iir foriiiiilr :


tjuotl

cftiscopi .suit (t (hriato ni.sliluti, d Ir i niiite se déclarait impuissant à


\aincrr leur cntèteniciit .

.Néaniuoins Morone «'iitra en tractations à j»art avec lui, l'évoque


(rAliiicria. Antniiin (lorronicro, leur sci\ ;mt (riutcrniédiairo Le
tr (riiii
It'L^iit litiit
par se l'tiiit fiil
f-n^agciiicnf \ iif^iic, capable de
paralyser l'ojiposition : « Le comte protester; si s'ahsticrulrait lUt

lesévcque d'Kspagne respectaient en tout In (li<,'iiité et raiitorilé du


Saint-père, le coni-iic ne inniKjuerait jtas de leur .ircordcr quolquj'
satisfaction pour les privilèges de leur f'-glise. Le i, ie
iiieniier
-
1

président fit remettre à son jiartenaire un engagement écrit, signé


de tous SCS collègues que, dans une condamnation général»' des
hérésies, éj»ilogue nécessaire des décisions du ccuicile, mention serait
faite de ccux»qui nient f(ue les évêques sont institués de droit divin,
aussi bien (pie de ceux (jui contestent le primat et la suprême auto-
rité du jiape. La promesse était conditionnelle, quantum in eis est,
et fut réalisée, d'une manière générale, dans un décret final, par
lequel constate qu'il a
le concile condamné toutes les erreurs du

temps, damninil. anathematizavit et definisut.

La XXIII' session: la hAte d'en finir.

La congrégation j>réparatoirc du 14 arrêta enfin le ])rogramme de


la session xxiii®, y com])ris la date de la suivante, celle-ci fixée au

jeudi 16 septembre. Les Espagnols firent encore opposition au canon


sixième de l'ordre et furent a]ipuyés par cinq oA-èques italiens, assez
iiidéjtendants, et sans attache avec Kome. l/un d'eux cependant,
celui de Cajazzo (province de (laiioue), Fabio Mirto, était un curial
(pii fournit plus tard une assez belle carrière dans la diplomatie

pontificale, comme nonce en France et ailleurs. La formule hierar-


chiani ordinationc divina mstitutani fut admise à une grand*' majorité.
Le soir même du reste, le comte de Luna, (|iii,
le matin encore, par-

laitde protestation notariée, prévenait le jirésident que ses évoques


se rangeaient à l'avis de la majorité, du moment (pi'ils a\ aient reçu

par écrit des j)roinesses satisfaisantes. Les légats purent enfin jtous-
ser un sou]>ir de soulagement !

Le jeudi 1'^
juillet, la nxiii*" session s'ouvrit à eiii(|
heures du matin,
selon les nécessités de la saison chaude. I.lle conq»ril deux cent
trente-cinq Pères, dont six cardinaux. se]>t généraux d'ordres et
CH. I. LE CONCILE MORONE 897

six procureurs d'évêques. Les témoins de la chrétienté étaient douze


ambassadeurs et cent trente-trois théologiens; nous ignorons s'il

y eut des nobles laïcs. La messe du Saint-Esprit fut chantée par


l'évéque de Paris, Eustache du Bellay, et le discours d'apparat réservé
à un autre prélat indépendant, qui faisait parler de lui quelquefois,
et la veille encore, l'évéque d'Alife, Gilberto Noguera. Les légats

espéraient-ils l'amadouer ? Il ne manqua pas d'ailleurs de piquer la

curiosité, en insinuant que les mœurs


des catholiques n'étaient sans
doute guère meilleures que celles des hérétiques, nescio an simus
adversariis meliores. Dans l'énumération des souverains dont il
célébrait la grandeur, il mit le sien au premier rang, ce qui
fit pro-

tester les Français et ils exigèrent que concile n'autorisât pas


le

l'impression du discours. Le bureau invoqua ce prétexte, que l'orateur


avait refusé de lui remettre auparavant son texte, puis en avait
remis un différent de celui qu'il donna en séance il avait ses :

raisons pour cela, nous l'avons vu. Enfin il n'y eut pas jusqu'à
l'ambassadeur de Venise qui ne protestât, parce que l'orateur faisait
passer le duc de Savoie avant la Sérénissime Seigneurie !

L'adoption des décrets se sans grande rumeur. Pour celui de


fit

l'ordre, Morone put proclamer que sept Pères seulement avaient


formulé des réserves. L'évéque de Ségovie vota affirmativement,
avec la réserve sub spe futurae declarationis ^, allusion à' la récente
promesse des légats. Le décret sur la réforme rencontra un peu plus
d'opposants dix-huit Pères, dont onze n'acceptaient pas le chapitre
:

de la résidence. Les absents étaient au nombre de quarante; onze


Pères étaient morts depuis la xxu^ session.
La séance s'était ouverte sur un certain nombre de formalités,
cjuine laissaient pas que d'accroître l'importance et la solennité
d'un concile œcuménique. Le prosecrétaire, évêque de Castellanetta,
présenta pouvoirs des nouveaux présidents, Morone et Navagero,
les

puis actes
les qui accréditaient plusieurs ambassadeurs, ceux de
Pologne, de Savoie, le comte de Luna; ce dernier occupa définiti-
vement, et pour les séances de travail ou de décision, la place privi-
légiée tant débattue, en face et à l'écart des autres ambassadeurs
laïcs, après les cardinaux et avant les patriarches ^.

1. Conc, p. 622, note 4; pour le discours de l'évéque d'Alife, p. 017, note 4:


liste des absents et des défunts, p. 638-639.
2. Qui orator sedil solus e regioite aliorum oratorum principum saecularium, post

ultimum cardinalem, immédiate supra patriarchas in sede ad hoc ihi praeparala,


ibid., p. 620,
898 iiv. i\i. iiiNcirr. ni". Pir iv et resiaih. \ i ikh.iol k

Le concile en conclusioii les lettres par lesquelles la


criregistra
reine s'excusant de ne pouvoir envoyer ni évêque, ni
d'Jtcosse,
iunhassadeur, se soumettait par avance, et sans réserve, aux déci-
sions de rassemblée t^omme à iiiutorité du Saint-Siège; elle s'en
remettait pour le détail à son oncle, le cardinal de Lorraine, qui la

représenterait |hiui- toute la durée du concile, en même temps qu'il


y soutiendrait li's intérêts de son royaume, rudement éprouvé j>ar
les erreurs, les troubles civils, religieux et j)oliti(pics. Le cardinal
avait t'îi rlTct jirésenté ces requêtes le 10 mai, dans un discours

pathclicpie, (|ui dêveIo|)pait en raccourci le tableau qu'es(juissaienl


les lettres ^, deréponse du roncilf cxprimn sa très vive
la reine et la

svfupatbie pour ces malheurs.


Sans r<'fard après la session, le concile reprit ses liavaux, sou
train ordinaire, au milieu des dillicultés qui renaissaient toujours
de divers côtés.Il ne restait plus à examiner <{ue la doctrine du sacre-

ment de mariage, dans laquelle subsistait une seule dilîiculté impor-


tante, celle des mariages clandestins, ils serait facile de s'entendre
à ce sujet avec les Français et de terminer le concile avant l'hiver.
C'était l«; désir le j)lus ardent des Pères et jiour jlusieurs motifs

également légitimes que nous connaissons. C'était le désir exprimé


par le ])ape à maintes reprises, encore après la session ^, désir que son
entourage ne manquait pas d'accentuer la santé de Fie IV faisait :

craindre ((uc le Sacré-Collège n'eût prochainement à lui désignei


un successeur. Cette inquiétude perçait aussi dans la corres{)ondanee
avec les légats, notamment à travers les passages (|ni revenaient sur
la bulle du conclave, sur la réforme des cardinaux; de celle-ci il lut
encore question, à Rome surtout.
Les légats inclinaient à satisfaire ces désirs, ils les conq)renaienl
d'ailleurs, les partageaient; ils se déclaraient résolus à terminer le

plus tôt ]>ossible ^. Avant même la session, ils manifestîiient leur


es])oir d'en finii vers la Totissaint ou ]ieu ajirès, et ils renouvelaiejit
leur assurance, la session passée. Aux sacrements qu'ils étaient
sur le point de terminer, il leur sullisait d'ajouter (piebpies décrets
sur les reliipies, les indulgences et autres points d.'^ doctrine mis en
doute par les hérétiques. La réforme générale se heurtait encore à
(le grosses dillKultés, par exemple aux emj)iétements des jrinces

1. Ihid,, p. 486, ne donne qu'un pâle résumé, comme loul acte officiel.
'1.
Depuis l'instalIntioM de Morone h Tn nte, Su«la, p. 18 (Horrom^e le 10 mai),
l.')8, 152, l.');3-15'i, 171 (le •'
août) demande d'avancer la xxiv* session, 187.
3. /6i./.,p. 112 (le 8 juillet), 122, 129 (le 19), 132 (Morone le 19).
CH. I. LE CONCILE MORONE 899

dans l'ordre snirituel; d'ailleurs, sous régime des concordats qui


le

se développait depuis un siècle, elle ne pouvait aboutir que par


l'entente entre le pape, les souverains et les gouvernements. D'autre

part, elle se rattachait étroitement à celle de la cour romaine, et


Pie IV était fermement résolu de maintenir cette dépendance, de
fairemarcher de front l'un cet l'autre réforme, surtout de ne pas
laisser la sienne
dépendre de celle des princes.
Pour cette raison, et aussi devant l'impatience avec laquelle un
peu partout les fidèles réclamaient des mesures immédiates, le
pape poursuivit sa réforme propre, tout en insistant auprès des
légats pour que le concile de son côté en entreprît une qui fût
le plus large possible, selon le
princesvœu des
des Églises et
nationales. En réalité, l'assemblée
était-elle .en état de corriger
les abus
qui s'étaient glissés dans chaque pays, sur la base d'une
discipline locale qui s'implantait et à laquelle les nations s'atta-
chaient déjà, commepropre existence? Ces tentatives ne
à leur
pouvaient être
poursuivies sérieusement qu'avec le temps, et la
conclusion après laquelle les Pères aspiraient s'en trouvait com-
promise.

La contre-manœuvre des Espagnols.


4

Elle Tétait davantage encore par la campagne que le comte de Luna


venait d'entreprendre pour tirer le concile en longueur, campagne
qu'il continua jusqu'à la dernière heure, avec une obstination qui
a de quoi étonner. La manœuvre ne pouvait avoir lieu qu'avec
l'assentiment de Philippe II, sinon sur ses ordres ^. Le comte l'a
sans doute exagérée, dans sa continuité du moins; l'intervention
en sens contraire et à plusieurs reprises de ses collègues de Rome
le donnerait à croire. Les origines et les causes de cette manœuvre

sont du reste d'autant plus difhciles à préciser que la pensée et le


rôledu roi restent dans l'ombre; nous ne le voyons apparaître nulle
}>art, du moins d'une manière directe et positive.
Il se peut que Philippe II se soit préoccupé de la politique de tolé-
rance, plutôt dangereuse pour que Catherine
la religion et l'Église,

de Médicis pratiquait alors à travers la chrétienté, et qu'il ait voulu

1. Le récit que domie Pallaviciiii, 1. XXII, c. i, toujours d'après les sources,


montre combien l'opposition du comte embarrassait les légats, et aussi le pape.
900 •l\. I\l. < ONCILE DK IMi: 1\ KT HESTAIH. <
ATMOI.IQUE

iiit«;rvt'iiii |Mme la duiniiirr. la tlirifjor h son aNaiitape aussi bien


• crltii «Ir IMt^Iisf. l'iii tout cas, It-s agissciiienl des l'Vaiirais, à
jirà
rrcritf t'\ à HoiiM', jiour al»ri''ger !«• concile, cvcillcrcnt la dcliancc
tic SCS ministres*; ils y \ ircnt la ]»r«''t<'nt
ion d'accajiarci- l'assoni-

hlcc an |>rolit tlcsNalois. (^uoi (ju'il en soit, le comte de Liina j)ril

nettement position, dès le débiit. contre le programme (pie Lor-


raine et ilii l'crricr s'cITorçaient de faire ])révaloir; sa correspon-
dance en fait foi "". Il
s'opposait en jiaiiiulicr h ce (pie le concile aban-
I

donnât le (l(''tail de la réforme aux T^ji^lises nationales, selon l'objectif


( le ces diplomates. L'assend)lée de Trente devait entreprendre une
ll'l i\re compN'te; de j)lus, d'apr«'S lui, son maître pr/'fi'-rait (pie la
r(''forme se fît à Irentc, plutôt (pià lîoine. De tout cela il ('*crivit

nu'irie au pa]>e une lettre tout, à fait dociiment(''e, (pii alfcctait

une certaine indt'pendance, en même temjis (pie beaucouj) de zèle


envers la religion et l'Kplise.
r*,t
partie se serrait du cîité des Français, le comte serra
eoinine la

aussi }>eu à peu son jeu, oj)]iosa ses intrigues à leurs efforts aii})rès
des légats. Le lendemain de la session, Musotti, secrétaire de Lor-
raine, revenait de sa mission ù Rome a\'ec des arrangements pour
la marcbe du concile, favorables aux vues des Français^. Sans se

découvrir tout à fait, et selon sa manière de ]irocéder. Pie IV'

approuvait avance ce que Lorraine entre])rendrait pour l'beu-


jiar
reuse conclusion de l'assemblée. Il recommandait aux légats de lui
témoigner en cela confiance ])leine et entière, de lui communiquer
leurs combinaisons, actes, opinions et prévisions pour la bonne
marcbe du concile. Il se demandait s'il ne ferait pas bien de
l'agréger au collège des présidents. Morone s'empressait d'applaudir
à cette idée.
lin même temps, le ]ia]ic adressait au cardinal une lettre élo-

gieuse, caressante, qui calmait ses ressentiments, atténuait les sujets


de jdainte (pii l'assaillaient de tout ccHé; bref il ajqirouvait la pensée

([lie
Musotti avait exjirimée de sa part, sans le mettre en avant, de
venir à Home conférer avec le Saint-Père sur les movens de termi-

Voir à ce sujet la \rHTo df lévt'tpic de Vitcrbe, Susla, p. 175 et note 2.


1.

L<'ttre ilu 22 juillet à don Luis dA\ila. Constant, La légation du cardinal


J.

Mornnr au cnnrilr de Trriilr, appmdirc XXIX. Voir à partir de rapp<'ndire


X.WI <'t |>. \'J~, note r», une sérii' de doeuinenls (]ui eonfirinenl le récit df l'.dla-
virini mentionné plus haut.
3. Documents dans Susta, p. 127, 128-12'.», etc. et Constant, pièces 53, 55-57,
60; appendii •
WI, curieuse iellr< i!.' l'ic IV ;"i Lorraine.
CH. I. LE CONCILE MORONE 901

ner promptement le concile ^. II serait bien reçu, honoré, caressé,


ils n'auraient
et pas de peine à s'entendre en toute chose.
Ces attentions n'étaient pas de pure politesse et les Français
surent bien le faire savoir au concile. Les cercles oisifs ne
par-
lèrent bientôt plus que des faveurs extraordinaires qu'ils recevaient
de Rome, et les Espagnols crurent sans peine qu'une véritable coali-
tion se formait entre la cour romaine et leurs voisins d'outre-P\Té-
nées, coalition qui dominerait désormais à Trente. Le comte de Luna
dressa aussitôt contre elle — à cela rien d'étonnant — tout un
système de contre-attaques et, peu de jours après la session, il inau-
gura une série d'intrigues qui n'avaient d'autre but que de subor-
donner le concile aux vues et intérêts du roi Catholique.
Il requérir que l'assemblée invitât les protestants
commença par
une dernière fois à venir se faire instruire, convaincre et convertir.
Morone se borna d'abord à objecter que la démarche n'avait pas
été envisagée par l'empereur dans les conférences d'Innsbruck. Les

légats, après réflexion, crurent voir, derrière cette démarche, une


nouvelle manœuvre de Philippe ne se départirent plus de ce
II, et ils

soupçon ils ;
écrivirent donc au nonce en Espagne, Crivelli, et aussi au
duc d'Albe, conseiller influent du roi, de faire cesser l'opposition
de l'ambassadeur. En même temps, Morone réclamait l'intervention
de l'empereur auprès de son neveu, lui recommandait ^'aider à la
marche rapide des travaux. Les agents impériaux l'appuyèrent et
l'évêque de Csanad, qui allait prendre part au couronnement de
Maximilien comme roi de Hongrie, se chargea de diverses lettres et
partit bien stylé pour y joindre tous les commentaires désirables ^.
Pie IV intervenait lui aussi auprès de Philippe II et, par son
ordre, Crivelli entreprit les ministres aussi bien que le roi, les priant
de calmer les impatiences du comte : la cour romaine alla jusqu'à
solliciterson rappel, mais en même temps le pape lui écrivait à deux
reprises, de sa propre main, des lettres pressantes et pleines d'égards,
comme celles adressées récemment au cardinal de Lorraine. Il l'assu-
rait que la réforme serait aussi complète que possible, qu'elle se fît

1. Ne fareste cosa sopia modo grata et noi non mancheressimo di honorari ^ et

accarerezzar... Sapemo che restaressimo ben d' accorda et conveniente... L'honore del
buon progressa et fine di questo concilio sara principal mente attribuito al buon mezzo

et opéra vostra. Constant, ihid., p. 483. Tous les mots sont pesés.
2. Susta, p. 132 (Morone à Borromée le 19 juillet); Constant, ibid., p. 196 en

note. Voir appendice, n°s XXXI et XXXII, les longues lettres du pape en
Espagne.
902 I.IV. l.VI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAL'R. CATIIOIIOUE

à rrente, à Koiiu; on dans Irs conciles nationaux il le


conjurait de ;

iii^
pas mettre d'entraxe à la marche du «'oncilc. Dans des lettres
aualoprues, don Luis d'A\ila allirmail à son collèj^'ue <jue leur maître
commun n'axait pas les intentions «pie le comte lui prêtait en se
dcmenant ainsi : il et» a\ait même numifesté de toutes dilléreutes,
sinon contraires.
Devant cet assaut gcnéral, Luna n'insista pas du\antaj^c: d'ailleurs
ileut hieiitùt l'occasion déporter ses attaques sur un autre terrain les :

Icjjats la lui fournirent d'eux-mêmes. Désireux a^ant tout d'accélé-


rer l'exécution du programme convenu, ils apportèrent ajtrès entente .

avec le cardinal de Lorraine \ quehpics x.iriantes à i'nrdre du jour :

les points secondaires de discipline, p.ir lesipiels le conrile se propo-


sait (le compléter son uu\rc des sacrements, c'est-à-dire les indul-

gences, le culte des saints, les vieux, les professions reli}»ieuse8, etc.,
seraient élaborés séparément dans des commissions de deux théolo-

giens de chaipie nation, que présitleraieiit deux généraux d'ordre et


les théologiens du jiape. Laynez et Salmeron. Quehjues jirélats

emj>loieraient ensuite les matériaux réunis à fixer les cha})itres de


doctrine et de discipline qu'ils jugeraient opportuns sur clia({ue sujet.
L'I'lspagrml prétendit alors faiic accepti-r une modification de son
cru. Le 2<) juillet, il déclarait à Morone, tout en regrettant les pro-
cédés adoptés pour arriver pronqitena-nt à la session dernière des
travaux, ([ue les matériaux devaient être discutés au préalable et
à fond par les théologiens de second ordre, réjiartis en nations:

que lui désormais les examinerait avec les évêques espagnols qu'il

convo(|uerait autour de lui dans sa maison, comme le cardinal de


Lorraine le
pour les faisait Français. Le premier président se con-
tenta d'expli((uer les mesures qu'ils avaient prises pour assurer
cette session; d'ailleurs, allirmail-il. le r<»i
Catholicjiic \oulait en
finir, lui aussi, et. dans ce but, il \ enait de se mettre d'accord avec

renq)ereur et le roi de France.


(Tétait ]>res(pie une fin de non-recevoir ; le «omle ne se tint pas

pour battu. Lorsque, deux jours a}>rès. les léi/;its lirent distribuer
les articles de réforme générale, cpi'ils axaient dressés, d'après tant
de mémoires présentés dans les derniers niois p;ir les diverses nations,

en les adaptant aux liesoius de chacune, le cumle inliigna aiq»rcs

Voir leur dépêche des 22 et 29 juillet, etc., Siista, p. 135-136, l'.l. \'t.i, uti-
1.

par Pallaviciui, I. XXII, c. r. L<s pratiques du comte se poursiiix aient encore


lisées
Hn août, Constant, apjx iulices XLI, XLIII. etc., et mu tout XLIX.
CH. 1. LE CONCILE MORONE 903

des agents d'Etats non italiens, et prétendit les amener à requérir


que ces articles fussent d'abord examinés par des théologiens
pris dans chaque nation, les Italiens n'inspirant pas grande con-
fiance. Le Portugais Mascarenhas se montra seul inébranlable, resta
fidèle à la ligne de conduite, que son souverain lui avait tracée, de sou-
tenir en tout l'autorité du Saint-Siège. Les légats purent citer son
exemple, comme un reproche, aux coalisés, en ajoutant qu'ils s'oppo-
seraient de toutes leurs forces à l'innovation, qu'on prétendait leur

imposer. Et ils combattirent non seulement à Trente, mais à


la

Rome et dans diverses capitales.


les

Le pape s'entremit aussitôt et fit admonester par leurs souverains


les ambassadeurs qui s'agitaient pria Philippe II en particulier
: il

de mettre fin à systématique de son représentant.


l'obstruction
Les agents espagnols de Rome, d'Avila et Vargas, morigénaient
toujours le comte « Il devait attendre des ordres formels pour agir
:

à l'encontre des légats. Sa Sainteté, en se réformant elle-même,

préparait une réforme générale, dont elle confierait l'exécution


dans chaque pays à des légats, non à des conciles provinciaux,
comme le comte se le figurait. »

Pie IV entretenait de lui-même, fortifiait l'entente entre ses légats

et les représentants de la France. Les Espagnols faisaient grief


à cette entente de violer les engagements pris par le pape envers

Philippe II, dans leur accord de mai. Mais le pontife ne croyait pas
que cet accord lui interdît de faire coopérer les autres souverains
au succès du concile. Et, puisque les Espagnols se permettaient de
tout régenter, force lui était d'opposer à leurs exigences les nécessités
des autres nations, afin de fixer les remèdes de réforme qui conve-
naient à celles-ci comme à ceux-là. Auprès de l'empereur, il faisait

intervenir le nonce Delfini, et surtout il laissait agir


Morone, qui
avait toujours la haute direction des affaires du concile dans l'empire.
Dans les instructions ^ qu'il confiait au nouvel évêqu e de Csanad, s'en
allant à la cour impériale (20 juillet), le président annonçaitque le
pape abandonnait au synode la réforme générale, sans en excepter
la cour romaine, les cardinaux et le Sacré-Collège « Il se réservait :

toutefois les réformes nécessaires à chaque pays, pour lesquelles il


était indispensable qu'il s'entendît avec les souverains et les cierges

1. Sur ces instructions voir la longue note de Constant au document 56, p. 196-
197. La réponse de l'empereur, pièce 63, p. 210-214, rappelle les délibérations
correspondantes du conseil aulique.
00'» iiv. i\i. <<.m;Ii.i m l'ii. i\ Il itF^ivLii. i:ath(»i.iqi;e

iiationanx. (!«!tl(' manière de |ir(>céder seule |)ernieUail de résiuidre


les deux |irol)lrnies les plus gra\es de l'heure présente: la concession
(lu calice et If maria;;»' des prêtres. !,<• t(in<-ile doit donc prendre
lin pronijileinent et le n'i (j"l'",spa^ne renoncer h son opj)osif ior», si

illf existe. »

Des lettres du cardinal <l»' Lorraine recommandaient chaudement


••essupplications il ne craignait j»as de confier en secret u remj)ereur
:

<(uc le pape lui oUrait la légation de l'Vance [)rojetait par suite


« Il :

de se rendre auprès de celui-ci et de s'entendre avec lui pour la fin


du concile ils avaient toutefois besoin, pres<pie autant que les légats,
:

du concours de Sa Majesté. » L'enipereur répondit à ces derniers par


un vrai nu''nu)ire. miirement examiné, longuement débattu, en son
conseil; il
j)ortait la niarque de son origine, n'était pas conifiromet-
lant : chacune de ses concessionsou à peu près aj)portait sa réserve.
« Le prince ne s'opj)ose pas, comme son neveu, à la clôture Immé-
diate, pourvu qu'elle ne laisse pas indécis ce qui a besoin d'être défini
et terminé. Il veut la réforme générale complète, |»romise par Morone

iiiix C(»nférences d'Innsbruck; il attend


que le concile règle lui-même
«•»•
(pi'exigcnt les besoins de chaque Rtat en particulier. Il sollicitera
«lu pape les concessions utiles à l'empire, après en a\oir délibéré
avec les électeurs ecclésiastiques, qu'il a convoqués à Vienne; s'il
jie les obtient pas, il s'en remettra à Dieu, avec la crainte que ses

sujets ne prennent par force ce qui leur aura été refusé. »


Le mémoire, adressé à .Morone, avait été adouci dans sa forme par
chancelier impérial Seld. Quant au cardinal de Lorraine, les Lnpé-
It*

riaux s'eiror(;ai(Mit de l'amadoufr, en lui ré})ondant sur des (juestions

analogues: l'empereur ex})rimait son mécontentement des pra-


tiques secrètes qui avaient failli amener la disst)lution du concile,
et dont quel(|ues-unes étaient dirigées contre le cardinal. Il Icncou-
rageait discrètement à se charger de la légation de I-'rance il y :

réussirait brillamment. Href ces réj)onses produisirent des effets


elles donnèrent à réfléehir aux lésais, dit un témoin
^
iH\ ers : mais :

\ raiment, et .Morone tout le premier, qui connaissait le pays et ses


gens, ils ne durent s'en étonner (ju'à moitié; c'était de Home seule-
ment «[ue pouvaient \enir les directives propres à surmonter les
obstacles sans heurt, plutôt en les tournant.
Quant à [..orrairje, qui attendait de l'empereur une approbation
entière, un concours sans limite, il éprouva quelque déconvenue

I. Voir l«s détails dans Constant, ibid., p. 197.


CH. I. LE CONCILE MORONE 905

de sa réponse, froide plutôt et réservée. Il fit machine en arrière,


se montra bientôt moins enthousiaste pour le voyage de Rome,
même pour légation de France, si le pape consentait à la lui offrir.
la

Tout d'abord, il avait témoigné un certain empressement à la lettre :

pontificale que lui remit Musotti, il répondait le juillet par un 23


vrai dithyrambe d'actions de grâces et de promesses ^. Il s'enga-

geait notamment à seconder de son mieux, et en tout ce que com-


portaient les intérêts du Saint-Siège, Morone et les autres légats, et
ilne manquait pas de faire leur éloge. Il s'excusait toutefois de
devoir retarder son voyage à Rome il ne voulait y aller que les
:

mains pleines, avec des assurances positives que l'empereur, le roi


de France et même celui d'Espagne garantiraient la prompte con-
clusion du concile. La réforme générale tant désirée devait marcher
vite, car voulait retourner avant l'hiver en France, où sa présence
il

était réclamée unanimement, et d'ailleurs nécessaire à cause des


difficultés de la situation.

Nouvelle mission de l'évêque de Vlterbe à Rome;


hostilité des Français à propos de la réforme.

Malgré sa réserve, le cardinal se mettait à l'unisson du pape, aussi


bien que de l'empereur. Pie IV procédait lentement, en toute matu-
rité, et il se passa plusieurs semaines avant qu'il
donnât au concile
l'impulsion décisive.
L'évêque de Viterbe, son homme de confiance auprès du cardinal,
emporta les commissions de celui-ci, avec charge de les commenter,
dès le 24 juillet. De son remit un vrai mémoire, par
côté, Morone lui

facultés de cinquième
lequel il sollicitait ponr le cardinal français les
légat « Lui et ses
:
collègues ne pouvaient se dispenser de le tenir
au courant de tout, car il jouissait d'un grand prestige. » Le prési-
dent réclamait en plus des instructions précises sur un certain nombre
d'articles de réforme, qu'il venait de soumettre au concile, en parti-
culier pour celle des princes. « Le tout restait subordonné d'ailleurs
à laprompte conclusion de l'assemblée impossible en effet de pas- :

Morone avant tout autre. Sa Sainteté ferait


ser l'hiver à Trente, à
bien d'envoyer nombre de prélats italiens, qui neutraliseraient l'oppo-

1. Sommaire des mémoires remis par Lorraine et Morone à l'évêque de Viterbe,

ibid., p. 203, en note ; analysés par Pallavicini, 1. XXII c. ii.


rK)b Il\. I.\I. CONC II.K DH Ml. IV HT RKSTAIH. CATHOLIQUE

sition (les l'raiivais, eL stirlout tillr tli;s lisp.igiKjls. Il serait nième


urgent (juc le de ses jirélats an roi Catholique
concile dépulAt iiii

faire cesser uim; intraiisigeaiire <|ni retardait tons les travaux,


pour
on ne voyait jias dans «pielle utilité. »
Pie IV n'attendit j)as, j)Our donner une j>remière décision, d'avoir

renvoyé l'évèquo de Viterhe Trente; il rcinjtloya au règlement


j^

d'alTaires moins imj)ortantes. Le août, il reroniniundait h ses légats


^i

de nlarder oyagc du cardinal jusfin'à la jirocliaino session,


le \

pnisijn'il |tou\ ait contribuera la faire aboutir proiniitennent *. « Il ne


jugeait pas à propos. |M»ur le moment, de le créer légat, mais le collège
devait Ir traiter comiiie s'il l'était réellement. Le Saint-Siège avait
toute confiance en ses ajititndes à faire réussir le synode celui-ci :

ne |i(iii\ail donc se passer de lui. Assurés de ce concours, les

légats n'a\aient pas à se laisser arrêter par l'ojtjjosition du comte


de Luna. Trois jours a])rè8, le pape invitait le cardinal à
>
régler
d'abord et sans retard les affaires de Trente : il viendrait ensuite
à Rome, et romaine organiserait la mise en ]prati(|iie des
rP^glise
décrets, avec son aide, i)ar conséquent au moyen de la légation de
France, dont il n'était ])as daA antage fait mention.
On le voit. Pic I\' faisait quelque peu machine en arrière; c'est
que le cardùial un peu trop a^ancé. Il prétendait ra])porter
s'était

de son voyage bulle de confirmation du concile", s'acquérir par


la

là le princi])al honneur de l'heureuse issue des travaux. Le pajui

n'entrait pas dans ces vues, cela se comprend. Toutes ses démarches
récentes dévoilaient à moitié son intention, bien arrêtée dès le

mois de juillet, d'en Unir au j)liis \ ite, et il n'était pas ])rudent de


s'appuyer sur les seuls l'rançais !

Le sacrement de mariage, «pie l'asseiiiblée abordait après la ses-


sion, ne pouvait manquer de créer des embarras entre eux et le
concile. Le jirojet, soumis aux Pères le 20 juillet. coni]»renaii onze
canons et un décret, dont le j^remier chaj'itre annulait les n^.anages
clandestins ou secrets, contractés sans témoins. Les écoles de théolo-

gie gallicanes enseignaient cette nullité, ainsi que celle des mariages
de mineurs, contn' volonté des jiarents. Les and)assadeurs au
la

concile et le cardinal lui-même voulaient faire insérer dans le texte


les deux cas de nullité. Le 2^i, ils en ])résentèrcnt ref[urte. an noni

1. Voir CCS lettres dans Constant, à Lorraine !•• 7 août, j). .">25-527.
\>. 215-217;

Les notes insistent à bon droit sur In volonté du pape de terminfr If concile,
volonté dt'-j.T hi<'n arrêtée en juillet.
2. n.-|i.M Iw .1.- Moroni-. le 29
juillet, Su.sta, p. 149.
CH. I. LE CONCILE MOROME 907

de leur souverain; ils sollicitaient en outre le concile de fixer l'âge


auquel enfants pourraient se marier comme ils l'entendraient,
les

en cas de négligence de la part des parents. Les légats ne s'opposèrent


pas à la proposition, voulant par là attester la générosité tout à fait
libérale qu'ils apportaient à user désormais de leur droit d'initiative,
La séance de ce même jour 24 s'ouvrit avec réception d'un nou-
vel ambassadeur florentin, l'évêque de Cortono, Girolamo Gaddi,
qui remplaçait le laïc Giovanni Strozzi. La dispute de celui-ci avec
le chevalier Melchior Liissi, agent des cantons suisses, à propos de
la préséance, prit fin avec le rappel des deux compétiteurs. Le cheva-

lier s'était vu refuser l'autorisation de communiquer au concile


une lettre assez prétentieuse et déplacée de ses commettants ^, et il

avait, en n'insistant pas, reconnu lui-même l'inconvenance du pro-


cédé. Il était remplacé officieusement par le nonce en Suisse, l'évêque
de Côme, Gianantonio Volpi. C'étaient deux évêques italiens de plus
à l'assemblée.
Celle-ci put ensuite aborder le problème du mariage le débat :

se prolongea une semaine, jusqu'au 31, et la majorité, cent trente-


six voix contre cinquante-sept et dix abstentions ^, se prononça
en faveur des Français. La discussion fut animée de part et d'autre
et apporta plusieurs particularités qui méritent d'être notées. Le
cardinal de Lorraine signala plus de vingt cas de mariages clandes-
tins, assezscandaleux, brutissiini et tragichi, dont les procès s'étaient
déroulés au Parlement de Paris, sous le règne de Henri II; sa thèse
tendait à démontrer que la religion et l'Église en recevaient un
sérieux préjudice^. L'évêque de Bertinoro, Egidio Falcetta, lui objecta

qu'il n'avait jamais, quant à lui, rencontré de difficulté sérieuse


à résoudre les cas de ce genre, pendant vingt-sept ans qu'il avait
exercé les fonctions de vicaire sulTragant en divers endroits, par
exemple dans le diocèse d'Aquilée. A quoi le vicaire général de Cat-

taro, qui avait succédé en ce dernier poste, riposta par une


lui

affirmation contraire. Et du Ferrier concluait de tout cela, à la suite


d'une remarque de l'évêque de Côme concernant le roi de France
(remarque qui le fit sourire ostensiblement ), que le concile aurait

pu se passer d'une telle abondance de développements superficiels *.

Était-il juge impartial en la matière ?

1. Exorbitante e vitnperosa, écrivaient les légats, le 28 mai, Susta, p. 23.


2. Chiffres donnés par l'évêque de Vintimille, le 2 août. Conc, p. 680, note 3.
3. Conc, p. 643, note 3; 668, note 3.
4. Quanto grossamente le case fossero intese. Ibid.
008 i.iv. I VI. ( oNcii r. or. ni: iv i.r htstalh. cATiiniinvE

La ({ucstioii jioinaitse poser: à cette date (lî> juillet), l'aniltassa-


deiir «'t I»' rardiiial oj)érai<'iit uih; volte-face contre lesléfjats, à jiropos
(les articles de réforme dnut ceux-ci |»réyiaraient rexaiuen pour
faire suite au sacrement de mariape. Lormiiir, rpi'ils mettaient cepen-
ilaiil cliacpie juin an courant du détail *. laissa néanmoins éclater
delà mauvaise humeur, lorsipie I*alcott<> lui remit 1rs articles, ce

jour-là : ils étaient si


((unplitpiés, remar(jiiait -il, (|ii"il v en avait

pour iiiif année (1(> liaxail: t^'étail donc une concession aux I''spa-

j;nols, une manière de proloiif^er le concile ! l't il


menaçait dVn
référer aux autres princes; il en avait écrit à son souNcraiii !

Il n'était pas jiriMlrnt de s'appuvcr sur un de {groupe aussi tlief

iiii-oiisistaiil . l'ii' I\ ((Mivint doiir aNic l«s lé^Mls ipie la réforme


.se ferait \r plii> lar;je ])OSsil)le, à l'axantage de n'importe (juelle

nation, cl le |)a)if donna au bureau t(uit }iouvoir de satisfaire aux


réclamations <pii' jtrésenteraient évêques et ambassadeurs. Les
articles, à mesun- fpie les Pères les expliipiaient, étaient soumis à
ceux-ci en même temps (ju'aux membres du concile les jilus influents

par leur savoir, sinon par leur situation. Le pontife conseillait de


céder quel(|ue peu aux Es}»agnols eux-mêmes, en leur jiermettant, par
exemple, de s'étendre sur des points qui leur tenaient h cœur, la
croisade d'I'^spagne, la fabriijue de Saint-Pierre, sans parler d'autres
matières, comme le culte de leurs saints « L'inqiortant était de mener :

rapidement le concile, de ne pas bouleverser le règlement par de


nouvelles combinaisons, en l)rouillant ])clr-iiiéle nations, théolo-
;iiens et définiteurs. I/ordre du jour <'ii particulier était déjh assez

chargé |
ar les nécessités du moment, les exigences jiersonnelles ou
collectives. » L'Index des livres revenait sur le tapis, et les conflits
entre le Saint-Ofîice et les Inquisitions nationales prenaient une
forme {tins aiguë, h propos du ])rocès de l'archevêque de Tolède,
liartolomco Carranza, et de son catéchisme, que Philippe II yiour-
suivait personnellement; il
y eut une vive discussion et des incidents
qui mirent encore L'arche%rque de Prague, qui
le concile en émoi *.

commission de l'Index, se prit de (juerelle avec l'évêque


jirésidait la
de Lerida, vengeur des privilèges de son souverain, et les légats
«lurent inter\enir pour calmer les esprits. In procès analogue, au
Saint-OfTice de Rome, celui de l'ancien patriarche d'Aquilée, Giovanni

1.
rallavicini, ibid., I. XXII, r. ii, ^ 1; Susta, p. 136 (lettre des légats
• lu '22 juillet), 162 (Rorromée le 31).
2. Ibid., p. I'«'i-l'i7 (lellie des légats le 9 jnillef, rtc).
CH. I. LE CONCILE MORONE 909

Grimani, jetait encore la république de Venise à travers le concile.


En réalité, il était difficile de prévoir une conclusion prochaine,
ainsi que le désirait la cour de Rome. La session elle-même semblait
reculer à mesure qu'approchait la date du 16 septembre. Le décret de
réforme n'en était qu'à ses débuts, et faisait prévoir une discussion
longue, confuse et compliquée. Ce n'était pas seulement du côté des
princes que venaient ces difficultés. De hauts dignitaires ecclésias-
tiques avaient aussi leur responsabilité dans les abus qu'il était urgent
de corriger. Depuis longtemps les évêques du concile réclamaient,
à Rome comme à Trente, le privilège exclusif de la nomination aux
bénéfices à charge d'âmes, aux cures notamment, que la cour de
Rome accaparait et dont elle avait fini par établir le partage avec
les ordinaires, six mois de l'année pour ceux-ci, six mois pour elle-
même.

Le scandale de la réforme des princes.

Les évêques ne manquèrent pas de renouveler ces revendications


dans les débats en cours, et Rome semblait leur faire des avances;

le pape tenait à ce que la réforme se fît, coûte que coûte : il avait


insisté trop souvent et trop fortement là-dessus pour qu'il ne fût
pas pris au sérieux. Il consentait à ce que l'assemblée supprimât ces
dernières conquêtes de la curie toutefois la réforme lui semblait incom-
;

plète, peu pratique, si elle épargnait les princes. Il ne tentait pas


une simple diversion, par exemple quand il mandait à ses légats
le 26 juin Faccino cantare ancora sopra il libj'o de H principi secolari ^.
:

Il soulevait des problèmes qui, depuis longtemps, troublaient les


consciences vraiment soucieuses des intérêts de l'Eglise. Le tout
était de savoir jusqu'à quel point ces princes entreraient dans les
voies de la solution. Les puissances séculières ne tardèrent pas à

rappeler brutalement le monde clérical à la réalité.


Les admonestations fréquentes de Rome, quelles qu'elles fussent,
trouvaient toujours un écho chez les légats. Depuis plusieurs mois,
ils avaient établi des articles extraits des mémoires et desiderata

transmis par l'empereur et les diverses nations, les Portugais eux-


mêmes 2. Le 4 juin, ils en envoyaient une première ébauche à Rome,

1. Pages curieuses dans Pastor, ibid., p. 259-261 Susta, p. 100-101.


;

2. Détails dans Conc, Trident., t. ix, p. 747, notes 5 et 6.


910 r.lV. I.Vl. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

avec recominandatiou de la tenir secrète, et leur correspondance en fit

dès lors mention à diverses reprises. Les articles furent discutés un


à un plusieurs semaines de suite, à Rome comme à Trente pendant :

que là-bas théologiens, canonistes et cardinaux s'évertuaient sur ce


terrain, les ])résidents sollicitaient ^a^ is, tantôt du cardinal de Lor-
raine, tantôt des ambassadeurs, enfin des principaux du concile;
ils voulaient aboutir à un texte qui ne soulevât pas de contradic-

tions trop redoutables de la part de l'assemblée, senza dubbio di

repuisa o notahile contradittione. Finalement, sur les observations


bien réfléchies jjrésentées par une élite de définiteurs, les légats
firent rédiger un sommaire de quarante-deux articles, qu'ils dis-
tribuèrent ])ar séries aux ambassadeurs dans les derniers jours de
juillet. Ceux-ci s'en montrèrent littéralement abasourdis : ils n'au-
raient jamais supposé qu'un concile général osât porter la main
sur l'arche sainte des prérogatives du pouvoir temporel ! ! !

In article trente-neuvième notamment réprimait par les peines


canoniques d'usage, excommunication, interdit, censures etc., les

empiétements des pouvoirs publics en matières spirituelles sur : les

exem]>tions de charge publiques, financières ou autres, sur la jus-


tice ecclésiastique; interdisait de conférer les bénéfices, d'user de
leurs revenus ou biens pour n'importe quel usage profane, sans le
consentement des autorités compétentes abolissait toute réserve, ;

restriction, de n'importe quel placet, tel que Vexequatur du souve-


rain, sans lequel un évêque ne pouvait prendre possession de son
bénéfice sur les territoires de la monarchie espagnole. Liberté absolue
et exercice sans limitation des pouvoirs, droits et privilèges ecclésias-

tiques, voilà en quoi se résumait cet article.


On peut prévoir le sort qui l'attendait. Quelle que fut la bonne
volonté que l'empereur et d'autres princes eussent afïichée jusque-là
pour la réforme, ils furent unanimes à le rejeter. Leurs ambassadeurs
feignirent même de l'ignorer, dans les réponses qu'ils donnèrent aux
autres : les Impériaux, le 31 juillet, les Français et les Portugais,

le 3 août. Et pourtant les légats les avaient tenus au courant presque


jour par jour, depuis le 4 juin c'était absolument peine perdue.
:

Quant au comte de Luna, comme il attendait une


réponse ferme,
sinon une décision de son maître, pour la campagne qu'il avait ouverte
contre la clôture du concile, il n'éclata que le 7. Dans une discussion
toujours chaude comme les précédentes ^, il varia quelque peu ses

1. Susta, ibid.,Y. 163-168; les légats à Borromée, plusieurs lettres du même jour.
CH. I. LE CONCILE MORONE 911

réserves habituelles : « Les Pères donneraient leur avis en toute


quoi
liberté, après dresser un décret conforme au
les légats feraient

résumé qu'en présenterait une comm-ission composée de prélats


en nombre égal de chaque nation. Il mettait à
part le chapitre
>

sur le conclave, pour lequel il attendait de Rome dçs éclaircis-


sements.
Somme toute, il ne se départait pas de son système d'obstruc-
tion quand même. La combinaison nouvelle allait pourtant contre
la manière de procéder des premiers conciles, contre celle en parti-
culier qui se pratiquait à Trente depuis les débuts. Elle risquait de
remettre tout en question, de recommencer le concile, contre la
volonté exprimée par le maître lui-même, au nom duquel le comte
[retendait parler. A})rès un échange de paroles vives (regrettables,
déplacées de part du personnage, assai altiereet inconvenientl) les
la

,

légats laissèrent entendre parce que leur interlocuteur se réclamait


du cardinal de Lorraine et des autres diplomates qu'ils quitteraient

la place plutôt que d'accepter cette nouveauté. Ils adressèrent
ensuite un appel pressant au souverain pontife.

L'Espagnol essaya d'atténuer le fâcheux efîet de sa démarche.


Dans une visite à Navagero, qu'une indisposition retenait chez lui,
il recourut aux caresses, certifia qu'il ne voulait pas ])rolonger le
concile, son maître non plus; mais uniquement lui assurer une con-
clusion honorable. n'avait pas encore donné son avis sur la réforme
Il

des princes, parce que, comme ses collègues, il devait attendre quelle
serait l'attitude des souverains. Il rappela, en terminant incauda —
venenum — que la grande majorité des nations avaient affirmé l'ins-

titution divine des évêques, qu'elles s'étaient partagées sur l'autorité


du pape et qu'elles avaient finalement laissé tomber le débat, à son
grand regret. Le cardinal voyait bien à quoi rimait ce rappel du grand
embarras conciliaire, et il en concluait que rien ne l'obligeait, lui
et ses confrères, à compter sur de telles assurances de bonne

volonté ^.

Du côté de Rome ne pouvaient atter.dre mainte-


cependant, ils

nant qu'un secours assez peu efficace bien plus, ils se rendaient
;

compte qu'ils avaient à se tirer d'affaire d'eux-mêmes. Des lettres


de Vienne, dignes de confiance, mandaient, au témoignage de la
^, que l'empereur, retombant dans
Secrétairerie d'État ses incerti-

1. Non havemo cagione di correr a furia in credergli. Ibid., p. 167.


2. Pallavicini, ibid., c. ii, § 9; pour tous ces détails, voir encore le chapitre 3.
912 I.IV. LVI. roNCIl-K DK PIE IV ET RESTAUH. CATHOLIQUE

Indes, ne se prononçait plus aussi iiettement pour la conclusion du


concile.Les légats adoptèrent donc le projet de suspension, que le
comte avait fait mine de leur suggérer. Leurs explications mutuelles
jiortèrent ensuite sur les accusations que celui-ci avait lancées
contre eux. à Uoine, en s'eiïorçant de prouver qu'ils attentaient à
la liberté du concile. Il leur reprochait d'ailleurs en face de tenir
des assemblées secrètes, composées en grande majorité d'Italiens:
ils rappelèrent que d'autres y étaient pourtant admis, les cardi-

naux jiar exemple et les ambassadeurs ecclésiastiques. Ce supplé-


ment d'explication, qui se passa ]ilus tard, le 15 août, dans une longue
conférence, se termina par de grandes marques d'honnêteté de part
et d'autre. Le comte promit finalement qu'il amènerait ses prélats
à plus de sagesse et de modération ^.
Cette concession de sa ])art n'avait j»as beaucoup de mérite, car
les légats avaient fini par lui accorder une bonne partie de ce qu'il

demandait; il avait, il est vrai, mis en campagne les autres ambas-


sadeurs. Les dix articles de réforme furent donc répartis entre les

nations, Français, Espagnols, Hongrois et Polonais, etc., distribuées


elles-mr'ines en quatre classes; les Italiens se trouvèrent dispersés
dans trois d'entre elles il leur était
:
par là difficile d'imposer leur
manière de voir, comme le permettait leur majorité. Les légats
se réservaient de recueillir les opinions, d'en tirer l'esquisse du décret,
(Qu'ils soumettraient à une commission de définiteurs, en nombre égal
pour chaque nation.
Le comte avait eu gain de cause en apparence. En réalité, la déci-
sion dernière restait au collège des présidents, avec le concours des
cardinaux et des ambassadeurs ecclésiastiques, plus indépendants,
sinon plus souples que les laïcs et marchant la main dans la main
avec les légats. Les Impériaux n'étaient pas tout à fait sûrs, mais

le bureau |)ouvait compter sur les autres. Quant aux cardinaux,


Lorraine n'insistait plus pour son vovage à Rome, qui devait régler
le sort du concile, et Madruzzo dé])loyait encore plus de bonne volonté

que lui, depuis que les légats, sur le conseil du pape, le traitaient
avec la déférence qu'ils avaient pour Lorraine, l'admettaient avec
lui à toutes leurs délibérations.

1. Les légats, les 12 et 16 août; Susta, p. 176, 181-184.


CH. I. LE CONCILE MORONE 913

Retour au sacrement de mariage et procès


du patriarche d'Aquilèe.

En attendant que l'horizon s'éclaireît au loin, surtout à Vienne,


où l'empereur se mettait aux prises avec une diète, le concile avait
repris, ce même jour 7 août, sacrement de mariage, et sur le nou-
le

veau texte que la commission venait de dresser à l'aide des obser-


vations closes le 31 précédent. Des embarras de plus éclatèrent aussi-
tôt, à côté des précédents, et les aggravèrent.In canon sixième, qui
passa plus tard au septième rang, condamnait la doctrine, d'après
laquelle l'adultère annule le mariage; l'assemblée s'était abstenue
de tout anathème par égard pour saint Ambroise, qui aurait, préten-
dait-on, admis cette nullité ^. Le 11 août, l'ambassadeur \énitien in-
tervint en faveur des Grecs sujets de la République De : <*
temps immé-
morial, ils avaient admis pareillement cette nullité; or ils n'étaient

pas représentés au concile, n'y aA aient pas même été convoqués;


celui-ci n'a\ ait pas le droit de les condamner sans les entendre. »
Les légats n'avaient à ce sujet que des renseignements incertains.
Hosius, qui présidait ce jour-là, se borna à ré])ondre que le patriarche
de Constantinople a ait déclaré qu'il ne recevrait pas la convo-
.

cation que le j)ape lui destinait (détail qu'ignorait le concile); que


Sa Sainteté avait député son camérier, Francesco Canobio, au grand-
duc de Moscou, le principal chef des orthodoxes orientaux, mais
que le roi messager au cours de son voyage.
de Pologne avait retenu le

Il s'ensuivit une longue discussion, assez confuse, dans laquelle les


avis se partagèrent indécis.Une faible majorité se rangea finalement
au texte, amendé tant bien que mal. qui avançait que l'Église n'erre
pas quand elle enseigue que l'adultère ne dissout pas le mariage.
Quatre-vingt-dix-sept Pères donnèrent cette satisfaction au Véni-
tien, de ne pas condauiner formellement les Grecs, contre quatre-

vingts qui se partagèrent entre plusieurs opinions. Le concile avait


intérêt à ménager la république des lagunes, dont l'apjnii lui servait

toujours auprès des Français. Il ne tarda pas à lui donner un témoi-


gnage plus éclatant de limportance qu'il attachait à cet appui.
La vive discussion que la cause de l'archev'êque de Tolède et de
son catéchisme avait soulevée dans la commission de l'Index (ci-des-

sus, p. 908) n'avait pas eu de fâcheuses conséquences pour le concile.

1. Conc., p. 640 et note; 657, note 1 ; 686, note 3.


CONCILES. — IX. — 30
914 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

Les théologiens chargés de l'examen déclarèrent le catéchisme irré-


prochable, et la commission se borna à constater que cette déclara-
tion n'atteignait nullement la dignité du Saint-Office d'Es]iagne ni

l'autoritédu roi, qui cependant était intervenu en personne. Un


autre procès plus grave, dont le pape s'était déchargé sur le concile,
avait entraîné un conflit entre celui-ci et le Saint-Office de Uome;
l'assemblée résolut par un accommodement, qui lui conservait
le

les sympathies de Venise, intéressée dans Taflaire plus que l'assem-

blée ne l'aurait souhaité.

Depuis quatorze ans, l'ancien patriarche d'Aquilée, Giovanni


Grimani, était poursuivi pour une lettre à son sufîragant, l'évêque
d'Udine, sur la conciliation de la liberté humaine avec l'éternité
des peines de l'enfer \ lettre dans laquelle a^ ait été dénoncée une
j)hrase équivoque au point de vue de la foi et de la justification.
Comme il ])oursuivait avec ténacité sa candidature au cardinalat,
soutenue par son gouvernement, et que ni l'un ni l'autre ne la
laissèrent dormir pendant toute la durée du procès, Jules III ordonna
une enquête au tribunal de l'Inquisition. En attendant l'issue, le

consistoire refusa le pallium que l'accusé sollicitait, et il


résigna
son patriarcat. Tout cela n'arrangeait pas ses affaires: il rencontra
d'ailleurs un juge impitoyable dans
la personne du grand inqui-

siteur deRome, Michèle Ghislieri. Le patriciat de Venise prit


unanimement fait et cause pour lui, car il appartenait à une de ses
premières familles et comptait des doges parmi ses ancêtres.
Grimani contestait d'ailleurs la compétence du Saint-Office, parce
que les juges de Rome se montraient hostiles à sa cause, à la suite

de Ghislieri, qui avait extrait du mémoire incriminé toute une


série de propositions suspectes.
Sous Paul IV, procès sommeilla, le Saint-Office étant absorbé
le

ailleurs. Pie IV, par sympathie pour Venise qui sollicitait ce service,
déféra l'affaire au concile et chargea Morone de lui soumettre les
écrits du patriarche : favorable en qualité de conci-
Navagero lui était

toyen. Grimani, qui ne doutait pas de son innocence, prétendit


})laider lui-même sa cause, bien qu'on l'en dissuadât à Trente comme
à Rome ^. Il vint donc au concile, et, le 18 juillet, y fit une entrée

tapageuse, à la tête de dix-huit ou vingt évêques qui attestaient son


innocence. Le 31, du consentement de l'assemblée, Morone lui cons-

1. Récit du procès dans Pastor, p. 517-521, avec une abondante bibliographie.


2. Susta, p. 86-87 (lettres de Morone et Navagero du 21).
CH. I. LE CONCILE MORONE 915

titua un tribunal de \ingt-huit juges : les deux cardinaux, les arche-


vêques de Prague, Grenade, Braga et Rossano, seize évèques, quatre
abbés ou généraux d'ordre et l'ambassadeur de Pologne. II ne pou-
vait exiger plus de lumière ni plus d'impartialité Le procès fut par !

ailleurs mené rapidement et, le 13 août, après une séance de sept

heures, la pièce incriminée, avec l'apologie que le patriarche en avait


ensuite donnée, proclamées parfaitement orthodoxes, ab omni sus-

picione haeresis liberam censeri, l'accusé renvoyé innocent. L'arche-


vêque de Grenade et l'évêque de Ségovie s'abstinrent seuls, pré-
textant une connaissance insulfisante de la cause ^.

Le premier président jugea bon toutefois de requérir en plus


^a^ is général des Pères, par écrit et en peu de mots. Aussi la sen-
tence ne fut rendue que le 17 septembre, en assemblée plénière, et
le conciley apporta cette restriction, im])ortante, que les deux
mémoires incriminés ne seraient pas répandus dans le public, à
cause de quelques détails peu exacts et embarrassés qu'ils renfer-
maient, propter nonnulla difpcilia minus exacte in eis tractata et
explicata. La réserve atténuait l'absolution, et on l'entendit ainsi à
Rome;rex-patriarche y fut toujours tenu pour indigne de la pourpre,
caril s'entêta encore à la solliciter
pendant une vingtaine d'années
et ].lus, lui et son gouvernement.
La dernière discussion sur le mariage s'était terminée le 23 août. La
bataille avait été chaude à propos des mariages clandestins. La majo-
rité des théologiens accordaient à l'Église le pouvoir de les annuler,
mais ne s'entendaient pas sur l'opportunité ni sur les circonstances,
et la question fut réservée les évêques de Ségovie et de Modène
:

firent observer qu'il ne con\ enait pas d'introduire un ana thème ou un


article de foi dans un décret contre des abus : ce serait rendre toute
réforme impossible, ajouta le dernier ^. Dans le sommaire qui fut éta-
bli en conclusion de ces débats, plus des deux tiers des Pères, cent

trente-trois contre cinquante-six ou cinquante-neuf demandèrent


l'annulation de ces mariages, et les Français ne s'en montrèrent

que plus obstinés à réclamer un décret en ce sens. Le concile fut


donc amené à reprendre la discussion. Le maquis de la réforme,
dans lequel il se débattait, devenait inextricable.

1. Pastor, p. 522, note 1 ; Pallavicini, c. m, § 10-11 ; Conc, p. 681, 705, 828-829.


2. Chiuder la i'ia di voUr jar alcuna rijorma. Conc. p. 711, note 2.

1
916 LIV. I,VI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

L'empereur contre la réforme des princes.

L'empereur démasquait peu à peu de nouvelles exigences, tout


d'abord dans les instructions périodiques qu'il adressait à ses ambas-
sadeurs. II leur déclarait vouloir tenir le juste milieu entre la len-
teur du roi d'Espagne et l'empressement du pape il
comptait, :

comme il l'avait mandé à Morone dans sa lettre-mémoire du 31 juillet,


que le concile, réforme générale, aurait loisir
après avoir établi la

de réformer chaque pays, et en premier lieu ses États et l'empire ^.


Il allait d'ailleurs s'en
occuper dans la diète qu'il venait de convo-
quer à Vienne. Et, quelques jours après, le 18 août, sur une dénon-
ciation de ses agents, que les légats ne faisaient qu'effleurer la

réforme, en la confiant à quelques théologiens italiens, il leur jjres-


crivait de se rapprocher du comte de Luna, de le soutenir, en requé-
rant que la question fût préparée sérieusement et discutée à fond
par des délégués de toute nation, qui dresseraient ensuite un décret.
Les dispositions peu favorables de Ferdinand tournaient à l'hos-
tilité, parce qu'il venait de recevoir les articles de réforme, avec
les annotations que les ambassades impériale et française y avaient
a])portées; le tout ne fut expédié que le 3 août, le comte de Luna
se faisant toujours attendre. Les conseillers impériaux jiassèrent les
documents au crible, sans se presser; et l'empereur donna une pre-
mière réponse le 23 août seulement ^, par un courrier exprès, il est
vrai, qui mit trois jours seulement à chevaucher de Vienne à Trente.
Elle portait, dans plusieurs de ses articles, des réserves parfois

graves, si bien que ses agents n'osèrent pas les communiquer tous
ensemble aux légats; ils ne les leur livrèrent que peu à peu, et le

concile les connut tardivement, morceau par morceau, même par la

voie publique ou par des confidences.


Tout d'abord, le 27 août, l'archevêque de Prague, qui les connais-

sait de nuit précédente, signifia un premier désir de César


la que :

le concile ne touchât pas à la réforme des jirinces; en sa qualité de


chef de la chrétienté. Sa Majesté soutenait, en cette circonstance,
les intérêts des absents, des souverains qui n'avaient pas à l'assem-

blée d'avocats otliciels. Au fond, c'était toute la réforme qui s'en

1. Pallavicini, XXII, c. v, § 5, etc. Voir à la fin du chap.,


1.
§ 12, etc., les articles
de réforme et lesobservations de l'eniperevir.
2. Susta, p. 201-205; Pallavicini, ibid., c. vi et vu.
CH. I. LE CONCILE MORONE 917

allaiten lambeaux. Les légats ne laissèrent pas que d'éprouver


quelque émotion à cette mise en demeure inattendue. Ils ripos-
tèrent qu'elle contredisait les assurances antérieures de Sa Majesté

impériale, gênait H
réforme générale non moins que la liberté du
concile, dont les princes avaient fait pourtant grand bruit jusqu'à
ce jour « Ces souverains qui s'entremettaient ainsi brusquement, ils
:

avaient été convoqués à satiété, attendus des années et, si les légats
ne pouvaient diriger le concile comme ils l'entendaient, de concert
avec le pape, ils n'avaient qu'à s'en aller, » L'archevêque sollicita
au moins l'ajournement de cet article à une session ultérieure.
Hosius plaida pour les nécessités et les malheurs de l'Allemagne,

qu'il connaissait bien; il fut résolu de part et d'autre de tempo-


riser, d'attendre des éclaircissements, avec des instructions plus
complètes.
Les explications suivirent dans une conférence entre Morone et
l'archevêque les Allemands s'étaient figuré tout d'abord, en rece-
:

vant une première esquisse, qu'elle annulait tous les recès, lois et
institutions antérieurs del'empire, ce qui aurait soulevé des
désordres sans fin, des troubles et des guerres. Les légats avaient
ensuite corrigé le texte et fait distribuer un second projet bien mo-
difié. Chacun restant sur ses positions, Draskowich menaçait de signi-

fier aux Pères, le jour où le débat s'ouvrirait, que c'était contre la

volonté de l'empereur. Le cardinal de Lorraine intervint et repré-


senta que les princes allemands, même hérétiques, désiraient être
entendus: les légats ne devaient pas leur refuser cette faveur. Les
ambassadeurs s'en mêlèrent, le comte de Luna à sa manière c'était —
sa politique de temporisation qui triomphait Portugais lui-même.
— le

Bref, on décida d'un commun accord, d'attendre encore huit jours,


pendant lesquels l'archevêque solliciterait des explications, les légats
recourraient aux bons offices du nonce Delfino et aussi aux reven-
dications de la cour romaine.
Le même jour 28, àbout depatienceconmie ses col-
Morone, qui était

lègues, après avoir vigoureusement défendu l'ordre du jour de l'assem-


blée, crut devoir justifier son point de vue dans une lettre-mémoire à
^
l'empereur : « Le pape avait, par égard pour les princes, abandonné
ses prérogatives à la juridiction du concile, et c'était maintenant
celui-ci qui recevait des ordres ! » Le légat rappelait les conver-

1. Dans Constant, p. 241-245. La lettre est éloquente, le ton indigné, quoique

respectueux. Susta, p. 208-209, en mentionne une seconde.


918 ii\. i.\i. i;o.m:ilk de imk iv kt nrsiAi h. caiikilique

Mtioiis d'Iiirihbriick, Iva réforiues f|u elles uvHieiit eii> isagécs cuinrne

jtoHsihlcs : «
J/«*rMj)eriMir n'avait sans doute eu connaissance que du
texte |>riuiilif du décret, non du second, exfiédié seulement le 20 aoi'it,

(^uand il srriiit au courant de tout, il ]ireridrail en main l;i cause de


la réforme, donc celle du concile, dans ses Mtats et auprès des jiri/ices,

et ne maïujuerait pas de recommander j» ses agents de ne jias


écouter le comte de l^una. mais de procéder simplefnent, selon lenr
dc\ oir et leur conscience. "

Le collège des a\ait décidé de ne présenter aux


légats, de s(ui coté.

pères qu'une}iartie des décrets, de réser\ er pour plus tard les réformes
des abus concernant le tem|)orel; les articles se trou\ aient ramenés,

par le fait, à trente-six, dont douze pour cette dernière partie '.
Une telle entreprise exigeait du temps, prolongeait le concile à une
date indéterminée: il était h craindre ((uc les Pères ne fussent jias
d'humeur à patienter, pas plus qu'à so contenter d'une réforme
ainsi tronfpiée; et cette crainte ne cessait de gagner en certitude,
à mesure «pie se révélait le détail des exigences impériales.
Avec l'ancien article trente-neu\ ième sur la réforme des jirinces.
elles repoussaient sans réserve le treizième, (jui supprinmit le droit
de patronage liiïc établi par prisilège ou sans titre authentique:
elles des restrictions assez imjiortantes sur huit an
soulevaient
moins des articles, comme sur le troisième (pii interdisait la musicpic
religieuse : elle était selon Ferdinand, très utile à la piété. Il

réclamait en outre le maintien du droit des princes à présenter un


seul candidat a»ix bénéfices, et non jjlusieurs, comme le statuait le
huitième cha))itre. 11 demandait que la dîme ne fut pas enle\ée aux
princes allemands, (pii l'avaient achetée; que, dans les mêmes ]ays
allemands, les frais de \ isite fussent laissés aux é\ èques, et non inipo-

sés aux diocésains, à cause des lourdes charges (|u'ils conqiortaient


de coutume immémoriale.
Le concile serait-il désormais à la merci des princes, l'empereur
à leur tête? La question se posa. a|)rès un nouvel échec des présidents.
Le 'l'\ aoAt, les Pères avaient commencé l'examen des articles de
réforme, par nations ré|»arties en quatre bureaux, selon la réglenien-
tafion adojitée quelques jours aupara\ant ^. Ils délibéraient à part,
sous la présidence d'un notable du concile, en dehors des légats. Le

1.
Rnnaoignrincnts ronipIrnuMitairrs dans Susla, p. 213; Conc, p. 747, note 5,
déjà cité^.
2. Ci-dossu5,
p. 'J12. Lonc, p. 747 cl la longue note 1 ; l'allavicini, c. viii, § 5-6.
CH. I. LE CONCILE MORONE 919

premier comprenait les Français, un certain nombre d'Espagnols et

Portugais, sous la direction du cardinal de Lorraine. L'archevêque


d'Otrante était à la tête des autres Espagnols mêlés à des Italiens,
majorité de ceux-ci entrait dans les deux derniers, avec l'arche-
et la

vêque de Tarente, et l'évêque de Parme pour chefs. Les Espagnols


gardaient, comme les Français, la faculté de tenir des assemblées à
part, autour de l'archevêque de Grenade, et même ceux de la répu-
blique de Venise chez leur patriarche. Les débats furent poursui-
visavec une discrétion qui étonne, venant de la part d'un si grand
nombre de personnes.
En même temps, les légats faisaient recueillir, pour en tirer un
projet de résolution, les sommaires des avis, à mesure qu'ils se pré-
sentaient. La nouvelle méthode leur apprit à diminuer le nombre des
bien qu'à transform^er et préciser le texte. Ils ne tar-
articles, aussi
dèrent pas aussi à se heurter au mauvais vouloir des ambassadeurs,
du comte de Luna en particulier. C'était à se demander ce que cher-
chaient ces personnages, sinon embrouiller la situation, pour réduire
leconcile à leur merci. Pendant que l'accord s'établissait avec l'arche-

vêque de Prague, le comte réclamait encore la réforme, par le concile,


du conclave et du Sacré-Collège. Et pour accentuer ce système
d'obstruction, il y ajoutait un nouvel article qui laissait aux évêques
les premières instances des causes, quels que fussent leurs sujets,
fidèles,moines ou clercs. Il n'était toujours pas question des servi-
teurs et ofiiciers des princes séculiers !

Dans
leur correspondance du 31, les légats se déclaraient hors
d'état d'aboutir aussi promptement que Rome le désirait. Ils avaient
cédé sur la réforme des princes, en la renvoyant à une session ulté-

rieure, et cela sur le conseil du pape. Leur impuissance, avouaient-ils,


avait pour origine la coalition entre Luiia et les Impériaux, qu'ils
n'avaient pu rompre, après en avoir écrit inutilement à l'empereur.
Cette coalitioi\ reposait sur des combinaisons politiques entre les
grandes puissances, même sur des projets de mariages, comme ceux
de Charles IX et de Marie Stuart. Les belles assurances de ces agents
ne garantissaient rien. La bonne volonté du cardinal de Lorraine,
qui s'était bien comporté jusqu'ici,- n'avait-elle pas fléchi elle-même
dans cette affaire de la réforme ?
Malgré ces éclairs de pessimisme, les légats ne se décourageaient
pas. Pour donner à l'empereur le temps de se décider, ils simpli-
fièrent encore l'ordonnance du décret de réforme, le scindèrent en
deux parties, et, le 2 septembre, soumirent aux quatre sections
!J2n II\. I\l. r.ONCILK DE PIE IV ET nESTATR. CATHOLIQUE

iiiteinutionalos \vs \iii{^lolun jirofniors articles; puis, deux jours


aprrs. le roiute d« l.una Kmii su^'j^rra, dans ses continuelles obses-
sions, d'v joindre un article «pii r«'îglait les jirocès en première ins-
tance. Ils lui donnèrent encore l'esjioir que les théologiens mineurs
reprendraient leur place dans les délil)érations secondaires les :

évj^ques espagnols eux-mêmes les avaient


fait écarter, sous prétexte

leurs discussions, et interminables, ne servaient


que sujierficielles
à rien, n'étaient cjuinie perle d«î temps ^
Cf <]ui rendait le comte si entreprenant, c'était une démarche du
pape, à laquelle avaient su habilement l'amener les deux
ambassa-
deurs espagnols, Avila et Vargas, grAce aux bons oHices (ju'ils ne ces-
sait'.nt de lui rendre dej)uis plusieurs semaines, à Trente et en Hsjjagne,

pour faire cesser l'intransigeance tapageuse du comte. Le 28 août,


tout en protestant vouloir maintenir dans leur intégrité les j)réro-
iratiNcs d'initiatiN e des légats et la liberté du concile, Pii- et le car- W
dinal Horromée insinuaient (ju'ils feraientbien d'avoir (pirhjues égards
de plus pour le roi d'F.spagne dans la questioji des réformes*. Ils ne
cachaient pas qu'ils riscjuaient cette démarche en toute discrétion, et
sur les instances des and)assadeurs précités. Les légats s'étonnèrent
iibon droit de cette intervention inattendue, qui leur rendait la tûche
encore un jteu plus dillicile mais le coup était porté, et ils durent s'en
;

accommoder. Il leur préparait un orage, qui ne tarda pas à éclater.

Ajournement de la XXIV^^ session.

Ce fut à jiropos de la session du Kî septembre (|ui approchait, el


dont il fallait arrêter les décisions. ne pouvait plus être question
Il

d'un décret de réforme: le problème restait embrouillé, incohérent,


en plan et en l'air, jusqu'au reçu des réponses (ju'on atten-
d'ailleiirs

dait de N'ienne. Néanmoins, sans abandonner le travail des quatre


nations, le concile revint, pour la troisième fois, au sacrement de
mariage et, le 5 septembre, le bureau distribua une nouvelle rédac-
tion en df)u/e chapitres, y compris le décret annulant les mariages
clandestins-''. La bataille commença deux jours a|)rès et s'annonça

1.
Longue conversation avec le comte, «lu m^me jour, .Susta, p. 22.1-227
(dépêches des 5 et 6).
2. Pallavirini, r. ix,
§ 2; Susta, p. 221-22.'?. 220
3. Conc, ibid.,
p. 761-765, 774; ^ur ralîairc de Majte, Suola, ibid., t. iv,
p. 46, note 2; Index au mot noyas.
en. I. LE CONCILE MORONE 921

chaude les Français se hâtèrent de jeter dans la mêlée tout l'arsenal


:

de leurs arguties.
Ce jour-là, 7 septembre, le concile admit dans ses rangs l'agent du
grand maître de Malte, Portugais Martin Royas de Portai Rubio. Il
le

était en expectative depuis le 26 mars, parce que le rcpréselant de l'ar-

chevêque de Salzbourg lui disputait la préséance, et la curie romaine


eut encore à intervenir. L'embarras venait de savoir si le chevalier
était ecclésiastique ou militaire, et dans quelle catégorie il se range-
rait.Son rival, le théologien Félician Ninguarda, était clerc, mais il
s'absenta de bonne heure (1563) et les légats, de guerre lasse, don-
nèrent au chevalier un rang après les ambassadeurs ecclésiastiques,
c'est-à-dire après le Florentin, évêque de Cortone ^. Ils durent donner
en outre satisfaction à certains prélats qui requéraient que l'attri-
bution ne compromît pas leur rang de préséance, établi par le
pape lui-même '^.

Le sacrement de mariage fut révisé en quelques séances, terminé le 10


du même mois, non sans de vives discussions et partage d'opinions
au sujet des mariages clandestins, du nombre des témoins (deux ou
y compris le curé dont la condition restait en conteste; était-il
trois),

simple témoin ou ministre, comme le prétendaient les gallicans ?


Ceux qui proclamaient la nullité de ces mariages le décret lui-même —
— semblaient favoriser Calvin, qui l'afTirmait lui aussi, cette nullité.
Les avis se répartirent en quatre groupes sur le pouvoir ou non- :

pouvoir de l'Eglise de décréter cette nullité une troisième opinion ;

exigeait des motifs graves pour cette annulation; une quatrième


cherchait dans le débat un moyen d'anathématiser Calvin, parce qu'il

aggravait son erreur de cette affirmation, que l'Église n'avait pas le


droit de créer des empêchements de mariage.
Les Français exerçaient envers l'assemblée une sorte de pression,
qui ne cessait pas depuis le 24 juillet, jour où ils avaient sollicité,
au nom de leur souverain, l'annulation des mariages conclus avec
moins de trois témoins et sans la présence du curé ou de son repré-
sentant. Elle fut finalement adoptée par cent trente-trois Pères contre
une soixantaine; mais ceux-ci se savaient soutenus par Simonetta
et Hosius, quimenaçaient d'en appeler au pape, et par Madruzzo.
Les ambassadeurs n'étaient pas moins divisés; toutefois ce renvoi

1. Conc, p. 774; Pallavicini, c. viii, § 7 : à la suite les avis sur le mariage; et


chapitre 9.
2. Bref du 20 juillet concernant les patriarches, Conc, ibicL, note 4. Les légats
rétendirent aux autres archevêques.
922 I.IN. 1^1- «ONriI.E DE riF IV FT «FSTAUn. CATIIOI.IVI'E

au pape avait plulùt la drsa})pr()hali()ii de la prai de majorité des


Pères et rinoertitiide restait à son coinhlf. i< Il scptctiihre. une
conférence des lépats, cardinaux <'t iimhassadeurs, avec les ru»ta})Ies

de l'asseinhléc, décida rajourneniciit «in prohlcine, et |


ar siiitr la

tenue de la session, du moment que rien n'était prêt.


La réforme de\ait être abordée en cette séance, et ce fut à si>n

occasion <préclal;i l'orage. Avant la séance, nombre de ii(ttal)les,

patriarches. archevc(jucs et évccjues, vinrent trouver les légats


et

leur signifièrent (pi'ils étaient plus de cent décidés h ne j-as jtrendre

part aux tra^aux, si la réforme ne s'étendait ]'as aux princes eux-


mêmes, car ils étaient convaincus (pi'unc fois votée, vaille que vaille,
la reforme tron<juée cpii leur était soumise, on leur jetterait h la face
un bref de suspension (jui les renverrait sans honneur h leurs diocèses '.
Les légats se virent réduits à solliciter un délai de trois jours, qui
leur permettrait d'attendre les ré])onses de remj)ereur; ils s'enga-

geaient à faire reprendre l'article, objet du litige, une fois le délai

exj>iré.
Ils purent alors s'occuper de la session et de son ordre du jour,
cela d«;concert avec les cardinaux: ils j.rocédèrent lentement
et furent vite arrêtés : tout d'abord ]»ar l'apjtroche de la date fixée
au IG. Toujours ])ressés d'en linir, ils auraient voulu la conserver.
et firent )>our cela l'impossible. Ils s'étaient d'ailleurs engagés à

pronmiguer le décret du mariage ^, et ils tentèrent un dernier effort

pour régler le conflit en suspens au sujet des unions clandestines.


\.v 13, eut lieu chez
le premier légat tine conférence contradictoire

de cinq théologiens, délégués pour chacune des deux oi)inions cor>-


traires. Les Portugais Francès Ftireiro, Diego Payva, les Français

Simon Vigor, l{i<hard I)u]>ré, l'Esjiagnol Pedro Fontidonio soute-


naient de vue gallican
le ])oint —
qui était celui de la majorité de la —
nullité de ces mariages en eux-mêmes; ro])inion contraire avait pour

argumentateiirs les théologiens du pape, Salmeron, Torrès, le domini-


cain Adriano Valentico de Venise, qui avait renq»lacé Pedro Soto,
en outre le docteur de Sorbonne François Pelletier et un inconnu
anglais. La séance publi(]ue et solennelle, grâce à la jtrésence,
fut

comme simples auditeurs, de tous les agents diplomatiques, avec la


plupart des personnages notables du concile et de Trente.

1. Su*U,
p. TAl; Pallavicini, I. XXII, c. ix, § 3-4. Le bruit d'une suspension
courait rn rITct depuis un rorlain
temps au eonrile.
2. Dépêche de» légaUs le 15, Susta,
p. 242. Récit de la conférence de» théolo-
fiens dang Pall«\-icini, tbid., § 5-9.
CH. I. LE CONCILE MORONE 923

Le théologien Hosius l'ouvrit par un discours conciliateur, qui


invitait Pères et théologiens à tout mettre en œuvre pour abou-
tir à la session. Mais il était loin de compte. L'agitation fiévreuse,
qui venait de paralyser le concile, s'était communiquée aux consul-
teurs. Ce fut d'abord une discussion de faits, de mots, d'opportu-
nité, dans laquelle intervinrent l'histoire ecclésiastique, la tradi-
tion, la pratique de l'Eglise. Les définiteurs s'en mêlèrent; le père

Laynez lui-même, à l'encontre d'Hosius, contesta le pouvoir de


l'Église d'annuler les unions clandestines, par ce fait qu'il n'y avait
Jamais eu de loi
ecclésiastique contre elles.

La gravité du débat venait de l'importance qu'avait prise l'abus :

ces mariages se multipliaient, ouvrant la porte au divorce, sous des


noms mviltiples, et l'autorité civile était intervenue au secours des
pouvoirs ecclésiastiques impuissants. Cette ingérence . elle-même
compliquait la discussion quand
lendemain,
: devint
elle reprit le elle

promptement confuse, tumultueuse, sans issue; elle en arriva aux


incidents fâcheux, qui compromettent le prestige d'une assemblée,
même quand ils ne blessent pas les personnes. Valentico et Laynez,
qui menaient l'argumentation, se virent blâmer, celui-là pour s'être
appuyé sur l'autorité de conciliabules comme celui de Rimini;
celui-ci pour avoir taxé de moins raisonnables les consciences de
ses contradicteurs. La conférence se sépara sans conclure.
ne restait plus qu'à renvoyer la session. Les agents impériaux,
Il

appuyés toujours par Luna, insistaient pour ce renvoi; ils ne vou-


laient pas de session sans un décret de réforme; or ils ne devaient

plus y compter. Le comte venait de recevoir des directives précises


de son maître: celui-ci exprimait hautement sa satisfaction de tout
ce que le concile avait réglé, y compris la dernière session ^ l'Espagnol ;

n'en épiloguait pas moins sur la formule proponentibus legatis et


sur le décret de réforme. Les présidents, qui savaient sûrement à

quoi s'en tenir, lui firent accepter qu'aux vingt et un chapitres


qui étaient en chantier, ils en ajouteraient quinze autres, y compris
celui pour la réforme des princes. Et tout cela ne pouvait qu'im-

poser l'ajournement.
Les ambassadeurs, les Impériaux les premiers, réclamaient, avec
leur indiscrétion habituelle, le décret sur le mariage, et il n'avait

jias tenu à eux que la conférence des théologiens eût lieu ils la :

voyaient d'un mauvias œil. La majorité s'était prononcée; à quoi

1. Susta, p. 230, 232, lettre des légats, citée par Pallavicini, c. x, au début.
924 LIV. I,VI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUH. CATHOLIQUE

bon hésiter? .\!ais les légats avaionl encore leur raison de soumettre
la définition à un nouvel examen : le 13, ils donc le
]>r()])Osèrcnt
ren\ t>i de la session au jetuii a|)rès la Saint -Martin, novembre:
18

«Le concile y publierait, avec le décret sur le mariage, un autre sur


la réforme, v comjtris les articles réglant rélection des évêques et
la collation des bénéfices, (ju'il
avait rcsersés lors de la dernière
session. Trente prélats seulement refusèrent leur placet. Les Pères
»

néanmoins a]»j)réhendaient généralement la persjtective de passer


un autre hi\er à Trente et murmuraient contre la com}ilaisance que
les pour les exigences des ambassa-
légats a\aient, aifirmaient-ils,
deiirs. Le voyage du cardinal de Lorraine, qui était enfin décidé,
après de nombreuses traverses et alternati\ es, voyage dont les légats
traçaient en ce moment l'itinéraire, ajoutait à ces ap]>réhensions,

en faisant craindre des retards de jilus.


La situation du concile n'avait donc jamais été plus critique, môme
à l'cpocpio la plus agitée, sous la jtrésidence du cardinal de Mantoue.
L'activité ojtiniAtre du comte de Luna ne s'ex]iliquait (pie par des com-
binaisons mystérieuses de son maître; I*liili})]io II ne les révélait qu'à

peine et troj) lentement: cette activité n'en était que ]>lus obsédante.
De son côté l'empereur pesait trop, lui aussi, sur les délibérations
de rr^glise enseignante. En jirésence de ces deux forces encombrantes,
le pape seul pou\ ait et devait résoudre une situation si embrouillée.

Il
y était d'ailleurs décide : il voulait, coûte que coûte, clore prompte-
inent le concile et, le 4 septembre, en invitant les légats 5 céder sur
le conflitque venait de soulever la réforme des princes, il ajoutait
que le moment
était venu d'en finir ^, que j)crsonne ne pouvait s'y

opposer sans mauvaise foi, senza manifesta macchia di nialignita


« Il se :

proposait donc de faire dresser et ex])édicr sans délai le bref de congé,


que les légats avaient sollicité, le 28 août, d'une manière incidente*;
ils ne devraient toutefois s'en servir qu'en cas d'extrême nécessité,
comme ils l'avaient promis, et avec l'assentiment de la majorité.

Avant tout il fallait éviter la


rupture avec les puissances séculières,
s'acheminer vers une conclusion honorable, digne de l'Eglise uni-
verselle, bona et solenne conclusione. » Nous allons voir comment le»

légats y condtiisirent discrètement l'assemblée.

1. Su«ta. ibid.,
t. m. p. 20.3, 2,3.5-236.
2. En mêmp trmp» que partait l<> ménioirr ju?lifir.Ttif de Morone ,i l'em-
pereur, ci-dc»ru9 p. 9J3.
CHAPITRE II

LA CONCLUSION DU CONCILE
ET LA RESTAURATION CATHOLIQUE
(septembre 1563 - décembre 1565).

Dans nuit du 14 au 15 septembre, arrivèrent les dernières


la

réponses de l'empereur, attendues impatiemment; il se plaignait


que le concile l'eût mis au pied du mur, en réclamant ces réponses
dans un délai de dix jours ^. Il n'était pas resté inactif toutefois,
pas plus que ses ambassadeurs, car ces réponses furent l'objet d'une
correspondance assez volumineuse entre eux, pendant la première
quinzaine du mois. Les agents mettaient leur maître au courant de
ce qui se passait à Trente, soulignaient les plaintes et récriminations
des Pères contre les princes qui exigeaient la réforme, mais refusaient
de se l'imposer, par exemple en admettant la résidence avec peu de
réserves : certains prélats les accusaient sans détour d'imposer des
entraves à la marche et à la liberté de l'assemblée. Le premier prési-

dent lui-même allait jusqu'à se plaindre de la personne impériale.


Et pourtant Sa Majesté se déclarait en général satisfaite des articles
tels qu'ils venaient d'être amendés. Ferdinand faisait
cependant,
quelques modifications, peu importantes il est vrai, toujours à
l'avantage des États de l'empire, unique objet de ses soucis en
matière de religion.

L'empereur condescendant; le comte de Luna plus intransigeant


que Jamais.

Il désirait, par
exemple, que la bulle du conclave fût enregistrée
à Trente, approbante sàcrosancta synodo. Quant à l'usage du calice
et au mariage des prêtres (il ne cessait d'y penser), il se proposait,

après en avoir délibéré avec les princes de l'empire, de régler ces


points délicats auprès du j)ape. Il communiquait néanmoins à ses

agents une ébauche de ses ouvertures, qu'ils devaient tenir secrète,

1. Susla, p. 244; résumé de la réponse dans Pallavicini, c. x, § 8 à la fin.


n26 in. I.\I. CONCILE DE PIE l\ i: I nr.STAUn. CATHOLIQUE

exccjtlion fuite junir U: comte de Luiin. (ielui-ci ne songeait {,'uère


à s'einharijuer en res sortes de négociations ni sun maître, ni les ;

évèpiies, ses compatriotes, ne leur étaient favorables; «-Iles ]>ouvaient,

s'il s'en iiiclait, le mettre en mauvaise posture, trahir <lu moins sa


collusion avec Impériuu.x. Ifs

F'crdinand insistait d'ailleurs pour i|iii' li- rom-ilc ajourriAl son

projet de rrf«)rme; il voulait en délibérer liii-mrmc avec ses vassaux :

ses agents devaient tout mettre en (cuvre pour obtenir cette con-
cession.Il revint à la charge dans sa
réponse h. ra]>ol(»gii' (!<• Morone
du août (ci-dessus, |i. 01. î
'J8 Il
rapjtelail tout <(ue le clergé
.
« ••

de\uit au.\ fidèles de richesses, d'honneurs et de considération :

lesprinces y axaient contribué dt> leur mieux Lit !


l'I'iglise ensei-

gnante ])rétendait trancher en deux mois une question (|ui axait pour
elle des de prati(pic, boules crsor l'organisation séculaire
siècles

du Saint-i'lmpire Pourtant rem|>ercur iw pou\ail j»as exiger du


!

coiicilc qu'il siégeùt des années !

Les ambassadeurs, longuement stylés sui- ce «;ha| ilrc. lenlérent


d'ab.»rd de s'arranger avec les légats, jiar rcs[)ect pour !« règlement
(lu ruucilo. Ce»ix-ci se bornèrent à faire la discussion
remarquer que
sur réforme était commencée, l'article sur les princes ajourné;
la

ils axaient même mis de côté les mesures projetées contre les emjiê-
chements résidem-e, ]>arce (pu- les princes axaient
n la hur part
de resjionsabilité dans ces abus. Le concile fixerait, après la discus-
sion sur les vingt et un chapitres de réforme, la suite de l'ordie du

jour. Les circonstances leur auraient ])ermis de faire constater à


*
(pnl point cette discussion s'éternisait ; et ce n'était pas leur faute.
Le cardinal de Lorraine, qui était pourtant pressé de partir |>our
Rome, allongeait à plaisir son eX|»osé, et les autres orateurs rivali-
saient d'abondame ax ec lui. Les débats, ouverts le septembre, I 1

avaient déjà rempli six longues séam-es de trois heures, le L'>, jour
où les Impériaux inaugurèrent leurs comnuinic atious très xariées,
et les débats traînèrent jusqu'au 2 octobre.

l..e comte de Luna contijiuait à se jeter à la liaxcrs»': par exemple,


dans une police présentée au concile, il
suggérait cet amendement
inattendu sup])rimer la gratuité des frais dans les enquêtes de x ie et
:

pour b-s candidats aux bénéfices. Son interxentiou fournit


iiiu'iirs

au cradinal de Lorraine l'occasion de vanter le désintéressement du

I. l'allavicini lui coiisacrr tout un loup cliapilrc, le J" du livro Wll J ;


il s étend
»ur \r i-oium du cardinal do Lorraine.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 927

pape, son zèle à réprimer les abus du consistoire ce discours fut :

accueilli par une approbation unanime. Le cardinal justifia aussi la

perception des annates, condamnées par les gallicans, et leur chef


en réclama le maintien. Le comte s'en inquiétait assez peu, absorbé
qu'il était à cette époque par un bizarre incident, dans lequel il
fitéclater le dédain, inconscient sans doute, qu'il affichait pour la

dignité et l'indépendance du concile.


L'article des exemptions et privilèges des chapitres était un de ceux
qui ])assionnaient le
plus l'assemblée, jusqu'à perdre quelque lui faire

peu de sa dignité elle avait même vu les Ordinaires organiser toute


:

une campagne, à propos de la réforme, pour réduire ces privilèges,


s'ils ne pouvaient les supprimer. Le pieux Barthélémy des Martyrs

les comparaît à des excroissances monstrueuses, dont le concile

devait débarrasser l'Église. Le comte s'en chargea pour sa part, et


à sa manière.
Les chapitres d'Espagne avaient délégué un de leurs membres,
le scolastique de Ségovie, Pedro Arias Osorio, pour plaider ces exemp-
tions devant le concile. Dans la première quinzaine de septembre,
il se présenta secrètement, sollicitant une audience, sous la garan-
tie de l'assemblée ^. Il précéder d'un mémoire au pape,
s'était fait

et celui-ci l'avait recommandé aux légats. Or le comte lui signifia,


par l'intermédiaire de sa police et sur l'ordre formel de leur souve-
rain, qu'il eût à vider immédiatement les lieux, s'il ne voulait pas
être privé de tous ses bénéfices et dignités sur le territoire de la
monarchie. le dépouiller au préalable de ses papiers
Il eut soin de
et documents, malheureux ne mit pas longtemps à décam.per.
et le
Les légats ne purent se dispenser d'en adresser des observations au
comte, et dénoncèrent le scandale à la séance du 13 ^.
Les Pères n'étaient pas tenus à la même réserve, et ils ne se firent
pas faute de protester. L'archevêque de Rossano, en sa qualité de
curial, présenta cet acte de violence comme contraire au droit canon,

qui consacrait les exemptions des chapitres. Et, le 17, l'évêque de


Bertinoro, Egidio Falcetta, le autant qu'il le méritait, en face
flétrit,
du comte, qui ne souffla mot, mais trouva un apologiste dans l'évêque
de Ségovie. Celui-ci justifia ce procédé de police il plaidait sa cause :

et celle de l'épiscopat, mais non pour la dignité, l'honneur de


l'Église enseignante. L'incident fut clos à la séance du 18, après

1. Susta, p. 239 et note 2 : récit dans Pallavicini, ibid., c. x, § 2.


2. Susta, p. 270-278; Cotic., p. 807, note 1; 825, 832-833.
U28 i.i\. I V I. ti'.Ntii.i iH III i\ Il iti:sTArn. cvi ih»lk)i;e

uiiriiernitTo [initestation dv I'cn «'que de Hova, en Surdaigne, le Napo-


litain Aidullf nraïuia, i|iii.
sans (Taiiidr»^ 1rs foudres de son vice-roi

espagnol, se Ht riiiterprrli- (!<•


Iindiirnation du praiid iM)Mii>r«' tt Ir

d(*fon»i'ur dt* la libort»' du rcuii-ile.

Le paj)e a>ail dCi se contenter lui aussi di-


protester contre un
acte de tlespotisnu'. ([iii rappelait trop l'iiupiisition d'l*lspagne. Le
concile y })erdait un moyen de contrôle «-t d«'
reuseigneuuMit son ;

caractèr»' d'imiversulitr n'était guère moins atteint que sa liberté,

puis(ju'il lui était interdit de s'occuper des alTaires d'I'.spagne,


('.'«'•tait une (•(uuju«'''tejiour régime des l\glises d'Iùat, c;omme la
le

re\ endication du calice au n(»m de l'empereur ou les édits de tolé-


rance des \alois. Les exigences de cluupie jiays, présentées ainsi
avec des procédés plus ou moins admissil)les, mettaient h ]ieu près
le concile dans l'imjtossibilité d'établir les nouvelles règles de disci-

pline, qui pouvaient remédier au malheur des temps. A cette impuis-


sance, un seul remède s'imjtosait, une conclusion jtrompte des tra-
\aux. honorable pour h-' pa]ie comme pour l'assemblée, conclusion
qui permettrait au premier de compléter aussi bien qut; jjossible
lu-livre de son auxiliaire.

Campagne diplomatique pour accélérer la clôture.

l'ie I\ venait précisément de prendre trois mesures


importantes
dans l'ordre diplomati<}ue, ayant pour objectif jiremier d'assurer
cette prompte et digne conclusion. Pendant cpiil dépéchait son camé-
rier Antinori à Trente et l'évéque de \ intimille cji Lspagne, il utili-
sait la veinie à Kome du nonce en France, Prospero Santa Croce,

délégué par les \alois. Celui-ci, jqtrés un séjour de jirès de deux ans
dans ce royaume, séjour qu'avait jtrécédé un autre d'une année en
Lspugne. <u)nnaissait à fond les alTaires des deux j^ays *, et était
en mesure de compléter les renseignements (pra\ait aiq>aravant
transmis sa corres])ondance, de redresser ceux (jue le cardinal de
l'errare y avait ajoutés pendant sa légation et dej)uis. Il \a sans
dire que les trois missions avaient potir but d"a[ilanir les end)arras
auxquels s«; heurtait la politique pontificale; par suite, d'assurer le
succès du concile, alors le principal, sinon l'unique souci de cette
politique.

1. Sur la valeur pru ronimunc de ce diplomate, cf. Pastor, p. 430-431.


CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 929

Le Florentin Lodovico Antlnori, ancienne créature du cardinal


de Tournon, qui s'était ensuite attaché à la cour de Rome, la servait
comme un de ces subordonnés dévoués et adroits, auxquels elle
confiait les missions délicates, dont la réussite dépendait d'un cer-
tain mystère. avait déjà paru à Trente (fin 1562), à la suite de
Il

Gualtieri, chargés tous deux de gagner le cardinal de Lorraine, et


il fut
envoyé, le 17 août 1563, avec la mission d'escorter celui-ci à
Rome, en tout honneur et distinction ^. Ce dernier voyage fut différé

pour diverses raisons, et d'abord pour attendre la session, qui devait


avoir lieu en septembre l'intention du pape était d'employer le
:

cardinal à son but de terminer le concile pour le mieux; toutefois


il
jugeait prudent d'avancer le plus possible les travaux, de réduire
à leur minimun le rôle du personnage, les profits qu'il en tirerait.
Antinori resta donc à Trente plusieurs semaines après son arrivée,
le 23 du même mois d'août, et rendit quelques services aux légats
et à lacause pontificale; son action gagna de l'ampleur, lorsqu'il
eut conquis la confiance du cardinal (qui l'avait accueilli d'abord

avec défiance) il alla jusqu'à mériter les confidences de l'ambas-


;

sadeur du Ferrier, au moment de l'esclandre qui précipita la fuite

des Français de Trente.


Celui-ci, avec son collègue, se faisaient alors les instruments
d'un nouvel assaut contre le concile, et ils étaient à surveiller aussi
bien qu'à entretenir. Catherine de Médicis gardait le silence depuis
qu'avait échoué sa tentative de transfert. Lorsqu'elle reçut le
premier projet de réforme en quarante-deux articles, qui osait
toucher aux princes, elle en mûrit la réponse dans de longues
délibérations en conseil royal, avec le chancelier Michel de l'Hô-

pital. Elle envoyait aux Pères, par l'intermédiaire du cardinal de


Lorraine, assurances de sa bonne volonté; elle désirait la fin
les

des travaux et promettait d'assurer la mise en pratique des décrets


dans le royaume, pourvu qu'ils s'étendissent aux indulgences, au
culte des saints et autres objets similaires ^.

Mais en même elle expédiait à Rome le nonce Santa Croce,


temps,
afin de soumettre au pape une combinaison qu'elle caressa long-
temps, une sorte de congrès entre les grands princes de la chrétienté,
l'empereur, le roi Catholique, le roi de France, congrès auquel prési-

1. Actes de cette mission dans Constant, appendice XLIV, et p. 535 note 2,


abondante en renseignemeiîts.
2. Morone à Bonomée, 19 août, Constant, p. 231 avec les notes. Sur la mission

Santa Croce, pièces 84, 86, 118 et note 4, et surtout Susta, p. 554-555.
930 I IV. I.>l. CONCILE DE PIF. IV KT RESTAUR. CATHOLIQUE

df-rnil Sa Sainteté. Le di|'l<>mal«' «nul la la cour le 'l'I août et arriva


le 18 st;|ite(uhrc. Son voyapc. (fin* rien ne faisait provoir, jiroAoquB
d«»» hniits divers et confus, <|uel(jiirs rncontars absurdes (|uo Ip

|ia|»f dut
démentir. Il se garda bien ci ailleurs de rejeter j'ouverturr

que lui a|>|'nrtait lo nonco, et l'entretint jusqu'à la fin du concile.


Il retint
pour renA oya rpie le 6 novembre
«'cla Santa (Iroce, et ne le

avec des réponses encourageantes, pronicttaiil du uioius de sonder


l'enqiereur et le roi d'Kspagnr. de les persuader, si |tossible d'entrer
dans la coiubiiiaison. Il profilait de ce répit |)()ur se
renseigner sur
les affaires de l'Vance, sur l'état de la relif^'ion. de rTlglise et du clergé,
sur les domaines ecclésiastiques que les \alois exploitaient sans
relAclie el cpi'ils e.xtorcpjaient jibis on moins, autant ipTil était en
bnr pou\()ir, avec sa connivence.
Il avant tout à ne pas décourager la jirétendue bonne
s'a]ipli(piait
>olonté de reine nu;re, et envoyait en même temjis en Esjiagne
la

ré\r(pie de Vintimille^. Il y était destiné dej)uis ()lusienrs mois,


de]Miis qu'en août les légats avaient jiroposé df déy)écher un
jirélal d'iniportance qui, en ])énétrant les véritables dispositions
de rhili])|>e II en\ers le concile, sût arrêter l'opjtositif)!! du comte
de Luna et de ses évêques, dis])Oser leur sou\ erain à la conclusion
ra] ide de l'assemblée. Pie IV ne prêta d'abord qu'une attention
distraite à ces conseils, mais à l'arrivée de
Santa Croce. et en prenant
connaissance de sa mission, il se décida, sans jtlus tarder, à faire
mareber de pair les deux négociations, le projet de congrès de Cathe-
rine avec la nonciature de sondage à la cour d'Espagne. Pour l'une
et l'autre, \ isconti était l'bonmio tout désigiu'*; il connaissait à fond
la situation du concile et saurait faire réussir les combinaisons en jeu.
I.e 1.")
septembre, le cardinal Borronu''e le manda soudain, iiivita
Its légats aie nninir d'instructions j>réeises et détaillées, (pii le pré-
]»areraient à la seconde ]iartie de sa commission: il ne leur cacha
pas la première, les deux devant rester unies, l'une, en fait, >-nbor-
donnée à l'autre.
Les légats rédigèrent aussitôt un mémoire général des circonstances
ils déconseillaient, en sarmant de ces
]>résentes :
circonstances, le
choix entre les trois hy])othèses dont l'opinion s'occujiait alors :

la continuation, la rupture ou la sus})ension du concile; une qua-


trième seulement était admissible, sa fin ]trompte et honorable :

1. Sur la mission do Vificoiiti rn Espapnr. Constant, pièce 86 rt note 2; Suita,


p. 2Ô&-261, lo texte deg instructions des
légats.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 931

«Sa Sainteté devait y gagner l'adhésion du roi d'Espagne, puisque


son ambassadeur seul y faisait opposition. L'empereur surtout en
avait besoin, à cause des embarras que lui créaient les protestants
et les Turcs, à cause de sa santé qui donnait des inquiétudes à son
entourage, et au roi des Romains les soucis de la succession. Les
Français seconderaient l'entreprise, il
n'y a\ait pas de doute, si
l'Église leur assurait une bonne réforme, puisqu'ils désiraient retour-
ner chez eux avant l'hiver. »

La réforme, on s'en préoccupait généralement, à Trente surtout;


toutefois les {irinces ne la voulaient pas pour eux-mêmes. Lorsque
Visconti rejoignait Rome, le 23 septembre, venait d'éclater le coup
de foudre que la cour de France préparait, pour marquer son oppo-
sition, sous prétexte de sauvegarder l'honneur du roi Très chrétien.
Le futur nonce d'Espagne (car il devait rester à ce poste, après la
conclusion du concile, y assurer la mise en pratique de ses décrets),
fut retenu à Rome ainsi que Santa Croce, et cela jusqu'au 2 novembre.
Le projet de congrès passait au rang d'accessoire et la cour romaine
se servit des lumièers et des conseils de l'ancien médiateur entre les
légats et le concile, dans son entreprise de faire aboutir les travaux
de l'assemblée, f^ncombrée comme toujours de péripéties et d'in-
trigues, celle-ci semblait en effet vouée à l'inaction, paralysée
qu'elle était j'ar l'agitation que les débats passionnés de la réforme
avaient soulevée après plusieurs autres causes, telles que la résidence.

L'esclandre des Français au concile.

Cette agitation était maintenant l'oeuvre des Français, depuis que


la reine mère avait démasqué son programme réel, celui dont le

congrès des princes n'était que le trompe-l'œil, semble-t-il. Le


28 août, le conseil royal expédiait une dépêche fulgurante ^, qu'il
avait eu soin d'étoffer, en exploitant certains bruits qui circulaient
autour du concile, en particulier qu'il était question à Rome et —
c'était vrai en partie —
de lui faire condamner la reine veuve de
Navarre, Jeanne d'Albret, comme hérétique ^, en outre priver ses

1. Sommaire daus Pallavicini, I. XXIII, c. i, au début. Sur la publicité donnée

à cette démarche, Constant, pièces 84, not. 5 et 6; 90, note 10.


2. Le 22 octobre, une citation fut en effet lancée contre elle en consistoire. Susta,

p. 353, 404, note 4; Constant, p. 259-260 (Morone à Borromée le 12 septembre);


Pallavicini, c. vi, § 8.
932 LIV. I.VI. CONCILE DE PIE IV ET HF.STAUR. CATHOLIQUE

enfants dv. leur droit à cette couromif, au prolil ri à l'instigation du


inonan|iiP cspapnol, leur ooiiip^titciir. Jamais lo roi de l'*rance ne
su])|>orterait cet afTront i\ l'honneur de la dynastie. Les ambassa-
deurs recevaient l'ordre de présenter uim- protestation solennelle,
d^s «pie rasseml)lée en viendrait à des diseussions ipii atteindraient,
si peu tpie ce fût, les jiri\ ilèri;es de la monarchie, puis de se retirer

à Venise, après avoir jiris des mesures pour assurer le départ des

prélats français, car ils ne pouvaient plus siéger au «oncile.


La commission
était embarrassante, à coup sûr, cl l'on conçoit

(juc ni lesambassadeurs, ni le cardinal de Lorraine, ipii en reçut


une semblable, ne se soient souciés de la laisser connaître. Le der-
nier la cacha aux légats, ])ar crainte que leurs bons rapports n'en
fussent troublés. Son voyage à Home arrangerait tout, pensait-il,
car il comptait dissuader le {taj»e du ])rocè8, cause de tout le mal.
l'atherine de Médicis ne voyait ])as ce \ oyage d'un mauvais œil,
mais déc<mseillait d'accejiter la légation de l'Vancc : le cardinal y
renonçait donc, jiour recouvrer un peu de la faveur «(u'il avait per-
due à la cour, de})uis son arrivée au concile. Il faisait les préj)aratifs
de son voyage, il annonçait son
départ à son souverain le 7 sej)teinbre 1

et essayaitde dissiper les frayeurs qui s'étaient emjiarces des membres


du conseil royal à tout prendre, le décret de réforme n'a\ait ]>as
:

toute gravité (pi'ils lui attribuaient, les ministres de renq)ereur


la

et des autres princes n'auraient pas manqué d'empêcher qu'il leur


fût jtréjudiciable, et lui-même d'en ]irévenir Sa Majesté. Les légats
n'avaient pas cru devoir refuser aux instances d'un certain nombre
de prélats quelques mesures de répression contre des abus ])ar trop
]>réjudiciables à la liberté de l'itglise et à la dignité des évcques.
A la longue, l'existence, un ou deux détails des instructions
adressées aux Français, transpira à travers les cercles du concile,
et c'est à cela que celui-ci i)Ouvait im))uler le déjiart de Pères
a]>eurés qui s'en allaieiit chaffue jour sans congé, si l)ien
que, le 2.1,

les légats attiraieni l'attention du jiaj^e sur cette sorte d'abandon


et le priaient de refuser toute permission, comme ils le faisaient
eux-mêmes *. Il dans
y avait jiarmi ces peureux des I-'rançais et,
une entrevue du 20, les agents, leurs compatriotes, présentaient
aux légats des excuses pour cette défaillance.
Ces mêmes agents, Arnaud du P'errier et Guy du l'aur tle Pibrac,
n'osèrent pas risquer leur manifestation en présence du cardinal

1. Su«ta, t. IV, p. 269-270.


CH. II. LA CONCLUSIOiN DU CONCILE 933

de Lorraine et attendirent son départ ce serait, pensaient-ils, la :

réponse gallicane à la manœuvre par laquelle le pape l'appelait.


Peu après ce départ, vers le 19 ^, le premier s'épanchait en confi-
dences auprès du camérier Antinori, sur la triste situation du con-
embarras qui lui s enaient de toute part, l'impuissance dans
cile, les

laquelle il se débattait à réaliser n'importe quelle réforme; ce n'était


pas la faute de Rome, mais des évêques qui perdaient leur temps
en des intrigues, des parlotes et des vota stériles. Le diplomate n'y
voyait qu'un remède la suspension Il ne
ménageait pas beaucoup
: !

le cardinal, son compatriote, et ne prenait pas au sérieux le concile

national que prônait ce dernier, que lui du Ferrier se promettait


d'ailleurs de combattre. Antinori flaira quelque intrigue et s'empressa
de faire son rapport à Rome. C'était sans doute ce que voulait son
interlocuteur. préparait les voies à l'esclandre
Il !

Le 20, il se présenta, accompagné de son collègue, chez les légats

et commença, sur un ton de diplomate prudent, par exprimer le

contentement que éprouvé en apprenant que


ses maîtres avaient
le concile abordait une réforme sérieuse. Finalement tous deux
sollicitèrent au nom de leur souverain
de pouvoir soumettre la liberté

à congrégation générale quelques remarques de peu d'impor-


la

tance sur la réforme - ils assurèrent même qu'il n'y serait pas ques-
:

tion des cardinaux. Les légats y consentirent sans peine, avec la


condescendance extrême dont ils usaient pour les réclamations

si multipliées contre la formule proponentibus legatis.


Le 22, eut lieu la fameuse scène dont la répercussion devait se
prolonger, dans le temps et pour l'œuvre du concile, plus peut-être
que ne l'avaient prévu ses instigateurs. Du Ferrier prononça un véri-
table discours, dont il retoucha le texte en des parties importantes,
avant de le remettre au bureau.
Il en fit
disparaître, par exemple,
le passage qui blâmait certains évêques de France d'être partis
naguère de Trente, contre la volonté du roi et du cardinal de Lor-
raine. Il ne retint que ce qui garantissait à son discours le caractère
d'une protestation, au nom de la monarchie des Valois et de sa
fidèle servante, l'Église gallicane.
Depuis trois cents ans, disait-il, que l'Église avait besoin d'une

1, En communiquant le rapport d'Antinori, le 23, Borromée le date à peu près :


pochi di sono. Ibid., p. 277; le rapport lui-même, p. 278-280. Pie IV en concluait

en finir.
qu'il fallait
Poche cose pertinenli
2. alla riforma et di non molto momento. Rapport des légats
du 20, Susta p. 255.
934 l.n. LVI. CONCILE OK Pli: IV I:T IIRSTAUn. CATHOLIQUE

réfonur. It;s rois do 1 liiiit c l'uvaiont réclamée en vain dans toutes

lo8 assombicrs ])léniér<:8


de l'Égliso. Kt rassemblée |>réscnte al)()u-

lissait un projet qui


h llH•(•()nnais^ail les libertés gallicanes et les

souverains n'a^ aient


nréropatives du roi Très Chrélitn 1 .lauuiis ces

molesté évèqnes par des lois abusives, ni ne les avaient


ni fjéné les

ompcchés notammonl de résid. r .t de roiniilir leurs devoirs. Le roi


de France avait d'ailleurs le droit de disposer de leurs biens et reve-

nus pour les nécessités de l'Iàat et, ce pouvoir, il le tenait de Dieu

même c»>mme ses autres privilèfres. Les libertés nationales ne relèvent


ont eux,
pas du concile (Dcninéni<|ue et,
s'il y porte atteinte, ils

ambassadeurs de l'rauee. mission di^ protester et protestent en bonne


et duo forme '.

l/orateur ne »rai},Miit pas d'entrer dans les détails, i)onr asseoir

plus solidement sa thèse :


que les papes
il
rappelait, jiar exemple,
d'autrefois avaient inséré des parties d'ordonnances des anciens
rois dans leurs constitutions, d'où elles étaient passées au droit

canon. Le roi Très Chrétien ne saurait être réformé sans son con-
seiiteim^nt, ni excomnuiiiié que sous certaines conditions que détcr-
ii\inaient ses j)rivilèges.Les évoques ne sont que les usufruitiers de
leurs revenus, ils en doivent l'excédent aux pauvres, et le roi de
l'^rancc est le jiremier pauvre de son royaume c'est ce (juc ne cessa :

de répéter le dé))cnsicr llemi 111 Le discours finissait ])ar un a]»pel


1

entlainmé aux Pères, les exhortant à se réformer sérieusement, le

roi de l'rance y aiderait certainement et de tous ses moyens.


les

Les Français déclarèrent ensuite que, selon les ordres reçus, ils

ne devaient j»as accepter de réjtonse; ils refusèrent donc de (juitter


la salle pour l'attendre, comme le jtrésident les y invitait. Morone,
reprenant alors la parole et soucieux, avant tout, de sauvegarder
l'honneur de l'i'Lglise enseignante, fit observer fjue le synode ne pou-
vait davantage se préoccuper de l'incident chaque Père avait la ;

faculté de relever, dans son i'otum et selon sa conscience, ce qui lui


semblait mériter une réponse. Les ambassadeurs se retirèrent donc
et ne reparurent plus dans les assemblées conciliaires; ils ])réparèrent

leur départ pour \enise, d'après Tordre qu'ils en avaient (ci-dessus,


p. 928).
1.,'esclaiulre siir|>rit généralement, le synode s'y attendait assez

Le sommair*- «le Piillnvirini, I. X.XIII, c. i, § 5-10, se précise (i.ivantapo dans


1.

lo rapport des légats du 23, Susta, p. 268-270. Sur l'csclandiv que souleva ce
discouru, p. 271-272; Cotte., p. 8 'il, noir 3; p. 8'é3, notes 1 et 5.
CH. II. LA CONCLUSIOiN DU CONCILE 935

peu surprise mêlée de quelque indignation, que partagèrent des


!

évêques français eux-mêmes. Certains prélats se demandèrent si


les Valois avaient l'intention d'imiter Henri VIII et sa fille Elisa-
beth. La remarque de Morone donc approuvée et trouva de
fut

l'écho plusieurs évêques


: se permirent de relever, d'une manière
discrète, certaines assertions discutables de la protestation. Dès le
lendemain, l'évêque de Montefiascone, Carlo de Grassi, y répondait
d'ailleurs, en vertu d'une sorte de délégation officieuse. Du moins

les légats envoyèrent aussitôt à Rome un sommaire de son


discours.

plaida surtout l'invraisemblance de ce fait qu'un roi Très Chré-


Il

tien se fût permis d'imposer à ses représentants une pareille incon-


venance ^. Jamais souverain, empereur ni roi, en France comme
«

ailleurs, n'avait infligé un semblable affront à n'importe quelle assem-


blée générale de l'Église enseignante. L'orateur avait certainement
mal interprété ses instructions. » Et l'évêque requérait qu'il en
communiquât le texte au concile. Mais, pour les gallicans, celui-ci
n'existait plus. Leur démarche avait du reste jeté le désarroi parmi
les Pères et ils avaient besoin de quelque temps pour se ressaisir.

Des évêques espagnols protestèrent aussi celui de Salamanque :

taxa d'hérétiques certaines propositions de du Ferrier. Le scandale


qu'il aA'ait soulevé amena celui-ci à tenter une démarche d'apolo-
fît circuler un sommaire
gie auprès de Morone -. Il se plaignit qu'on
de il en
de son discours assez différent celui qu'il avait prononcé :

accusa l'archevêque de Sens, Nicolas de Pellevé, un de ses princi-

paux opposants. Il promit de communiquer les pouvoirs qu'il avait


reçus, du moment que certains doutaient de leur existence, parce
qu'il n'en avait donné connaissance qu'au cardinal
de Lorraine, la
veille de son départ. Du
reste .sa protestation était conditionnelle, et
n'aurait plein effet que le jour où l'assemblée attenterait aux
libertés de l'Église gallicane,
Morone ne put s'empêcher de lui faire remarquer que son discours
renfermait certains propos assez déplacés, délie coso molto imper-
tinenti. Il serait d'ailleurs heureux, lui Morone, de voir aussi les ins-

tructions qu'avait reçues du Ferrier, de les communiquer à ses

collègues et même en partie à l'assemblée. L'ambassadeur en réalité

1. Catherine et Charles iX approuvèrent tout à fait les agissements de du


Ferrier. Voir les références données par Constant, p. 275.
2. Susta, p. 274-275 (lettre de Morone du 27 septembre).
936 I.IV. I \ I. CONCILK DE Pli: IV ET RF.STAUR. CATHOLIQUE

se contenta d«; lui remettre un nuuvcuu texte de scju discours, édul-


coré et abré^r. (pu* Morone expédia anssitAt à Home*; les change-
ments ii\ aient été faits, allirmait l'agi'iit. d'après les critiques que
les Pères avaient présentées sur le premier texte: il désirait seule-
ment que le roncile ne fît intervenir ni Sa Sainteté ni le «.ardinal
de Lorraine; il semblait vouloir mettre celui-ci tout ù fait en dehors
de l'iiuident ,
per non parer assrntatore, juuir (pi'il ne j»ariU pas
être un courtisan de la cour dr l'ianLC sans doute. Toutes ces assu-

rances laissèrent les léj^'ats assez incrédules, et ils s'en tinrent aux
recommandations reçues de Hotne.

Le cardinal de Lorraine à Rome.

l*ie I\ prit le seul parti raisonnable


parder le silence, attendre :

à quoi se détermineraient les l'rançais. continuer les travaux du


concile, a^ec ou sans eux. les accélérer de manière à tenir la session
à la date fixée, la de^ ancer même si
jiossible, ne plus permettre sur-
tout de départ et rappeler instamment les évèques qui s'étaient
absentés. Oc lépats devaient
leur côté, les
finir promptement, en
assurer une majorité resjiectable et surtout se tenir }iarfaitement
unis, ne rien laisser paraître au dehors de leurs sentiments person-
nels. Ils pouvaient compter sur le concours de Lorraine,
qui, en arri-
vant h Rome, avait témoigné une extrême surjirise de la inanfruvre
de du Ferrier et assuré qu'il avait outre passé ses instructions ^.
On entrevoit l'accueil emj)ressé qu'il reçut à la curie, car de lui
dépendait maintenant l'issue qu'elle désirait donner au c(»ncile.
Il
partit, le 18 septembre, avec une nombreuse suite, conune il conve-
nait an chef de iT-glise «gallicane. I/incidenl que
préparait du Fer-
rier. et au(pol il aurait dîi prêter son concours, ne
pouv ait que hAter
son déjiart. Il v ov agea toutefois lentement, s'arrêta au moins à
l'errare, chez ses alliés de la dynastie d'I'^ste et n'arriva à lloine

que le 29. |,e pajte le reçut avec tous les


égards (pi'il pouvait espérer,
le logea au \ atican, connue cela se pratitjuait alors envers les grands
jiersonnages que le souverain pontife voulait honorer, gagner à
s.T cause et surtout faire servir à ses combinaisons.

1. Lo 29 srptcmlirr, Siisla, p. 283. Sur l'impression protlnii.-


i i lis ilirrctivcs

«pie rrçuront les léjcats, p. 303-304; 322-323.


2. ."Son harrs-a cnmminninne di mrtierr
(romr si mol dire) lanUi carne a juoco.
Sust.i. p. .10.1 .1 i..,i.. 2.
CH. 11. LA CONCLUSION DU CONCILE 937

Pie IV devança son hôte dans une première visite : ils entrèrent
aussitôt en conférence et sur toutes les questions qui se rattachaient
au concile. Ils écartèrent l'incartade de du Ferrier et, le 8 octobre,
la Secrétairerie d'Etat recommandait aux légats de se tenir sur la

réserve, d'attendre ce que lui-même retirerait de son tapage ^, de


ne lui donner aucun prétexte de faire un nouvel éclat. En réalité,
il avait pris congé des présidents le 7 et dut partir peu après pour
"Venise, où son collègue l'avait précédé immédiatement après l'es-
clandre. Restaient les évêques français, incertains et désemparés,
attendant que leur chef prît position. Ceci était l'affaire du pape,
et eut soin d'en tirer tout profit.
il

Dans
les trois semaines que le cardinal passa à Rome, ils se mirent

d'accord à peu près sur les quatorze demandes que celui-ci présenta,
tant pour lui-même que pour assurer la conclusion du concile, en
ce qui concernait la réforme notamment ^. Au consistoire du
8 octobre, le pape exprimait sa satisfaction de l'heureuse entente,
couvrait Lorraine de fleurs et lui accordait plusieurs faveurs et
bénéfices, même pour ses parents les cardinaux d'Esté, l'oncle et le

neveu, qui échangèrent ce jour-là trois des plus riches archevêchés


de France, Auch, Narbonne, Lyon; non sans provoquer le déplai-

sir et les protestations de certains Pères du concile, qui estimaient


que c'était un peu extraordinaire en matière de réforme. De son
côté, le cardinal écrivait son contentement en France, faisant l'éloge
du pape et de son zèle pour le progrès de l'Eglise et de la chrétienté ^.
Les congratulations du consistoire se renouvelèrent dans la lettre
du 21 octobre, par laquelle le pape, confirmant ses faveurs et réponses,
lescommuniquait aux légats, pour ce qu'ils avaient à réaliser. Il leur
recommandait à nouveau de traiter le cardinal comme un d'entre
eux; il est vrai que la recommandation était faite aussi pour le cardi-
nal de Trente c'était le premier article de l'accord. Pour couper
:

court aux difficultés et terminer le concile au plus tôt, Pie IV se réser-


vait celles que l'assemblée ne parviendrait pas à trancher, par

exemple l'article des mariages clandestins. Il abandonnait aux ordi-

1. Susla, p. 322; Pallavicini, c. iv, § 10. Sur le départ des ambassadeurs français,

Susta, p. 285 et note 1 Constant, p. 356, note 1.


;

2. Ces demandes et les réponses du pape dans Constant, appendice LIX,


p. 353-356; Pallavicini, c. vi, § 1-4.
3. Pastor, p. 267-268, avec les notes. Il estime avec raison que cet accord du

pape et du cardinal fut décisif pour le concile, comme celui de Morone avec
l'empereur.
938 I.IV. INI. CONCILE DE PIK IV i: r HKSTAUH. «tATllOLIQUE

naires les priH es en prcmicTC instance, de nioinilrt- inijtortance, la


ci»lluti(>n dos I)i;M«lic«îs à charge d'Aines dans les six nu>is (|ui lui

étaient réservés, les dispenses de mariage m fort) consctcntiae; il

s'en remettait an concile jioiir les privilèges des chajiitres, sons


sauvegarde «lu dr<»it commun; il renon(.ait aux réserves, expecta-
tives, n:andals, etc., promettait de faire des cardinaux une réforme
édifiante et à la satisfaction générale, etc.

La concession neuvième statuait (pie le concile renouvellerait,

après sa dernière session, tous les décrets arrêtés de))uis ses jiremier»
IraAaux. Lorraine demandait tpie «xla se fît jtius tard, en dehors de
toute session; le ])aj)e y consentait, pourvu que cette répétition eût
l'air d'annoncer et de faire attendre sa projire confirmation des
décrets. 1,'iinj ortant aux ycu.x du cardinal était de faire par là
ratifier à nouveau les décrets portés sous .Iules III. et que les Fran-
çais refusaient d'.'ulmettre.
Il se montrait d'ailleurs généreux en faisant certifier aux évéques
espagnols et à (pielques Italiens qu'éntiméraient les articles 10 à 13
(tous ceux (pii le soutenaient dans rassemblée), qu'il avait rendu
d'eux bon témoignage au pa}te. (^elui-ci y joignait en effet ses ])ropre8

assurances de gratitude et invitait ces prélats à venir, après la


conclusion du concile, recevoir des preuves j)lus ]»ositives de cette
gratitude : c'étaient l'archevêque de Zara, les évêques de Modène
et (".hiuggia, etc. Par contre d'autres
archevêques prélats, les

d'Otrante et de Parente, l'évêqiie de Parme recevaient un aver-


tissement de ne pas faire traîner le concile en longueur, selon les
manèges <pi ils avaient ]iiati(piés jusque-là. Sa Sainteté voulait
a\ant tout on finir prom])tement et avec honneur. Il exhortait
finalement les légats à faire aboutir pour le mieux ces di^ erses con-
ventions.
Le cardinal cpiitta Home le IH octobre, satisfait et résolu de mener
le concile à de rajiidcs arrangements, selon la volonté du ])ape. Il
fit même un crochet à Venise, j)our ru ramener les ambassadeurs
«le son pays y perdit sa jteine et ses frais d'éloquence. Son entente
'. 11

a^ ec le j>ape avait été une conversion complète de sa j art de Home, :

dans le cours de ses négociations, il avait confié à l'abbé de Manne,


qui accoinj'Iissait alors une de ces nombreuses missions anonymes
dont sa carrière fut remplie, tout un pa<piet de b'ttres adressées h
ses souverains et à leurs ministres, dans lesquelles il
déplorait, sans

I. Pallavirini. I. XXHI, .-, vr. Ij 0-11.


CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 939

le blâmer ouvertement, l'esclandre soulevé au concile et plaidait


avec éloquence la nécessité du retour des ambassadeurs français
à Trente, au moins pour la conclusion qui api)rochait. Et quand
il
y fut lui-même de retour, en annonçant à la reine mère, le
14 novembre, l'heureuse issue de la session xxiv, il ajoutait, sur un
ton emphatique, que les deux cents et quelques Pères présents
avaient été d'avis unanime de faire disparaître du décret de réforme
« tout ce qui semblerait toucher à Ihonneur de la monarchie ».
Rien n'empêchait donc lesambassadeurs de reprendre place au con-
cile, quand ce ne serait que pour signer les décrets, les premiers
après les agents de l'empereur ^.
Charles IX n'était pas de cet avis, car, le 9 du même mois, il avait
répondu à la mission de Manne par une fin de non-recevoir. Les
ambassadeurs resteraient à Venise, tant qu'ils n'auraient pas acquis
la certitude que le concile ne toucherait pas au privilèges du roi

Très Chrétien. Et cette lettre rappelait au cardinal que le passé ne


garantissait nullement cette certitude les légats et l'assemblée
:

n'avaient pas ménagé l'honneur de la couronne de France, en dépit


des promesses contraires du pape !

Le cardinal a^'ait déployé en vain sa bonne volonté pour la


conciliation. La réforme du clergé et des fidèles ne touchait plus
ces légistes, du moment qu'elle mettait en cause les abus des pri-

vilèges gallicans, maintenant qu'ils étaient assurés de l'approbation


sans réserve du maître. Ils } prétextèrent qu'ils en attendaient de
nouvelles instructions, et ils s'appliquaient en même temps, dans
leurs dépêches, à rendre impossible tout rapprochement. Ils répé-
taient que leur retour à Trente était incompatible a^ec l'honneur
et la dignité royale. Ils en apportaient comme preuve le cor Ait

de préséance, dans lequel le pape leur avait donné tort, par égard
pour l'ambassadeur espagnol. Ils soupçonnaient certainement, d'après
les bavardages qui circulaient dans la suite du cardinal, que les légats
profiteraient de leur présence pour faire ratifier les décrets conci-
liaires de Jules III, que Henri II n'avait jamiais acceptés, ce qui serait

un véritable affront à ce prince et à ses héritiers.


Le cardinal réussit mieux à faire accepter du sénat de Venise la
conclusion du concile. La Seigneurie sérénissime s'y montrait déjà
disposée, y voyant surtout le moyen d'empêcher la réforme des

1. Lettre dans Mémoires de P. Dupuy pour le concile de Trente, p. 541-542;


Pallavicini, I. XXIV, c iv, ^ 2.
940 I.I\. I.\l. CONCILE DK IMI IV KT RKSTAUn. CATHOLIQUE

princes, car ses nfnhnssadenrs


avaient eux missi,avec les autres,
i)résenf»' contre «'Ile <lc vipoiirouses protestations *. Le mieux était
les vieux
d(»nc (le procéder ra])idement et
apjirofondir siins tntit :

sénateurs crpcndant arrêté un rertaifi


le con\j)rirent. Le cardinal fut

temps par ces négociations délicates, et ne rentra à Trente (jue le


n(»veinhre
.') c'était un ]»eu tard pour tenir la session le 11. Mais
:

les circonstances fournissaient toujours des motifs sulTisants pour

(ju'elle filt
encore ajournée.

Le roi des Romains au secours du concile.

I^e ccoiujuérait en nicme temps un auxiliaire plus précieux^


pape I

l'empereur ce dernier avait mené l'assaut, nous l'avons vu, contre la


:

réforme des princes, et ses ambassadeurs faisaient cause conmiune


avec le comte de Luiia dans son agitation anticonciliaire. .Morone
fut encore le princi}>al ouvrier du raf)procliement, en menant à bonne
(in une négociation délicate, déjà ancienne, la confirmation de
l'archiduc .Maximilien dans sa qualité de roi des Romains ^. .Malgré
la condescendance
que sa situation lui im])osait. Pie IV devait y
mettre certaines conditions, dicter une formule de serment, et l'élu
n'était ])as disposé h tout accej)ter. Il
opposait une autre formule
rédigée h la cour inijiériale, ])leine de périj)hrases, sans portée, dans
laquelle au devoir d'obéissance était substitué celui de dévouement
et de soumission ^. I-'erdinand })rétendait que la cour romaine exi-
geait (jue de ses prédécesseurs, tels que Maximilien 1^.
j'ius <le son fils

Le pape en réalité n'admettait pas cpie l'élection eût été faite sans
son consentement, et par trois électeurs hérétiques sur six votants.
Il avait chargé .Morone de régler ce ]>oint avec les autres, pendant
^M légation aujirès de l'empereur; le léfjat y renonça finalement,
pour courir au ])lus pressé, le concile. Il rej)rit lafTaire en août, ]iar
l'intermédiaire du nonce Delfino et la confondit avec l'autre, celle
de la conclusion du concile. Sur la demande de Vu- \\\ l'crdinand
lui fit ]iarvenir (lin août) les actes olliciels de l'élection, du couronne-
ment, les lettres et formules par lesquelles .Maximilien reconnaissait,
eti tant que roi des Homains, la suprématie du sou\ erain ])()iit ifc. Le

1. Gagliardi»»inin ufficio ron rwi. Siistn, p. .362.


'2.
Pallavicini. I. XXII, r. vi. § 5-1.5.
.3. Constant, p. iv rt notes. L'afTairo rfvirnl dan.s plu.xirtira des documents
inipriinr* m rr nni.jl, pi.-,
rs 71 et notes, surtout ô; 78; 80, note 4; 94, etc.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 941

secrétaire de Delfino, Simone Fatta, servit de courrier entre Vienne,


Trente et Rome. La négociation se poursuivit jusqu'au début
d'octobre, pape finit par céder, à contre-cœur, lorsque les
et le

deux princes eurent promis leur appui au concile. Il accepta les actes
qu'ils lui présentaient et dans lesquels le mot obsequium remplaçait
celui d'obedientia. Dans sa lettre du 4 de ce mois, Delfino vantait
aux légats la bienveillance dont ces princes faisaient étalage et con-
seillait vivement d'en profiter sans retard ^. Il entretint d'ailleurs
cette bienveillance le roi des Rom.ains, aussi bien que son
:
père, se
montra fidèle à sa
promesse d'orienter le concile vers le but auquel
tendaient les présidents. Il demandait d'ailleurs le chapeau pour
le nonce, en récompense des services rendus aux deux parties, revint
à la charge, mais n'eut satisfaction qu'en mars 1565.
La question de la réforme des princes restait toujours le gros
embarras : les partisans et les adversaires se maintenant sur leurs

positions : toutefois ceux-ci avaient de puissants appuis, mettaient


de l'entêtement à combattre il était àla réforme
prévoir que le con-
;

cile finirait n'en continuait pas moins l'examen


par l'abandonner. Il

des vingt et un premiers chapitres, qu'il avait abordés le 11 septembre


et leur consacra le reste de ce même mois. Les Pères et les ambassa-

deurs, ou plutôt les deux partis que nous venons de mentionner


continuaient à s'entre-choquer; les premiers manquaient rarement
l'occasion de signaler les abus dont ils étaient victimes de la part des

princes, attestant par là une intransigeance qui rendait l'accord


impossible. Ainsi les évêques de Budua et d'Antivari se plaignirent
des Turcs, qui mettaient à sac leur diocèse; le duc de Montferrat
dépouillait de ses revenus l'évêque d'Acqui en Piémont; les héré-
tiques de Suisse exploitaient celui de Coire, qui requérait des pou-
voirs spéciaux pour absoudre les repentants.
D'autres élargissaient le débat d'une manière qui n'était pas tou-
jours heureuse. L'évêque de Fûnfkirchen, le 23 septembre, sem-
blait approuver la protestation de du Ferrier en faveur de la réforme,
telle celui-ci l'entendait; il prétendit démontrer que celle des
que
princes achèverait la ruine de l'Église en Allemagne. Il réclama

celle du Sacré-Collège, à propos de la privation du cardinal de Châ-

tillon, déclaré hérétique en mars sentence qui avait fait grand bruit,
;

même en dehors de France et venait seulement d'être promulguée à

1. Constant, pièce 94, note 5; 124 et note 2.


2. Conc. Trident., p. 850-851, 855, note 3, 858, note 2; 867, note 1, etc.
942 LIV. LM. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. C.ATHOLigUK

Rome. Kes prélats ainbussadeiirs ]il5ii(ltT«'iit j.onr les libertés et


|>ri\ ilr^es
de leur nation, par exemple cchii de Pologne, l'évêque de
Przemvsi. Le môme jour, 28 septombro. une passe «l'armes s'enpacre^
encore entre les curiaux et leurs ad\ersaires. Le remuant év«?<jue de
Ciuadix. Melcbior N'osmediano, mit les ]>renùers en cause et s'attira
une répli<jue ironifiue de son confrère de Nocera, l'historien Paul
Jove, «|ui lui reprocha do ])laider sa cause avec ]>lu8 de simcrité que
de savoir, ex aninii coruscientia, non forte ex scientia.
Les débals ]irirent fin le dimanche 2 octobre avec le général des
jésuites: son discours fit sensîïtion, comme tous ceux qu'il avait
donnés aiipara\aiit et provo(jua des impressions diverses. Il ]»arla
avec l)eaucoup de liberté sur tous les ordres ecclésiastiques, au témoi-
gnage des historiens de la compagnie '. si bien que l'archevccjue de
/ara lui reprocha de manquer de bienveillance pour l'ordre des
évoques. blAma le cunuil des bénéfices, ce qui lui rrapna la favetir
Il

de l'assemblée, faveur qu'il M\ai) (fuel((ue ])eu j'erdue, en regrettant


que le récent décret sur la résidence n'en eût ])as })récisé le principe,
n'eût pas au moins signalé l'assistance du Saint-F,s]uit, comme un

sinqde secours assuré i\ chaque évcque }»ri.s en ]>articulier. Il remplit


encore toute la séance et, en terminant, fit niodestenurt rélo<.'e de
sa congrégation, qu'il recommanda au concile^.
Les ambassadeurs, aussi bien ecclésiasliques «pie laïcs, donnaient
maintenant rim|>ression qu'ils ne cherchaient (pi'à gagner du temps,
à fatiguer légats et définiteurs par leur taclicjue de tenijtorisa-
tion; à l'exeuqile des Vénitiens, ils sollicitaient un délai, sous pré-
texte de se renseigner auprès de leur sou^ erain sur les abus à cor-

riger dans les ra]i]>orts entre les deux jiouvoirs (4 octobre). Du


moins, ils penchaient, avec l'archevêque de Prague, vers la suspen-
sion du concile, ou bien ils faisaient canq>agne pour le débat sur
le droit de ]>ro])osition. Cette dernière olîensivc. c'était toujours le

comte de Luna qui la menait,


parce qu'il a\ait maintenant l'ordre,
|»rélendait-il, de présenter une série de prnj»ositions nou^•elles. dont
il était imj)Ossible de jirévoir l'issue.

1. Sonini.iirr, dano Cnnc. p. 877-879; l'all.T. icini, I. XXIII. c. m, jj


30.
2. Ia" l'arleincnl de Paris, auprès roinpagnir solliiitail son adrnissioM
dnquri la
m Frnnro, avait renvoyé l'affaire à Tronic, vX Borromc»' la rrconimandait aux
Ifpits, lo f, aoAt. Susta, p. 171-172.
cil. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 943

Campagne sur la formule Proponentibus legatis.'

Le 14 septembre, en effet, Philippe II lui mandait de rouvrir le


débat au sujet de la formule proponentibus legatis. Il ne pouvait se
contenter de la promesse que les légats lui avaient fait espérer
naguère au mois de juin, que le concile garantirait, dans un décret
in extremis, la liberté des assemblées à venir (ci-dessus, p. 880).
Le comte se mit en campagne le 23 ^ et, pendant plusieurs jours, il
ne cessa de harceler les présidents. A la même date du 23, il avait
avec du Ferrier une conférence qui faisait soupçonner quelque
entente entre eux. 11 recherchait l'appui des Impériaux et autres
ambassadeurs; toutefois les premiers se récusaient, n'ayant pas
reçu d'instruction sur ce chapitre. Le comte présenta enfin une minute
de décret, cjne les présidents déclarèrent inacceptable, parce qu'elle
plaçait les ambassadeurs sur le pied des évêques. Il provoqua ensuite

un débat sur question, entre prélats espagnols et canonistes


la

romains, c'est-à-dire les consulteurs habituels, Paleotto, les évêques


de Grenade, Rossano, Ségovie, Viesti, etc. Par ailleurs beaucoup de
Pères, italiens et autres, s'inquiétaient de cette nouvelle manœuvre,
et la récente aventure du procureur des chanoines espagnols, chassé
de Trente, leur faisait voir clair comme le jour que la liberté des con-
ciles ne serait pas du tout assurée sous la garantie des ambassadeurs.

Le comte lui-même parlait d'une centaine d'entre eux, qui s'agi-


taient et protestaient contre ses procédés.
Les légats lui opposèrent une autre esquisse qui se réclamait de
la lettre dans laquelle, au mois de mai, le pape leur recommandait
de reconnaître et proclamer en son nom pleine et entière
la liberté

du concile (ci-dessus p. 884). Ils se retranchaient toujours derrière


les arrangements pris à Innsbruck entre Morone et l'empereur;
ce dernier n'avait rien objecté à la formule que contestait le comte.
Celui-ci recourut enfin à la manœuvre habituelle, de présenter en
séance une protestation solennelle par écrit. Il consulta Ferdinand,
avant de faire cette démarche, et le pria d'ordonner à ses ambassa-
deurs de le soutenir, ce qui ne manquerait pas d'entraîner les autres.
Il que la lettre du
rejetait le formulaire des légats, sous prétexte
pape qu'ils alléguaient n'existait pas pour lui, ne lui ayant pas été
communiquée, au moins par ses collègues de Rome,

1. Susta, p. 270, 285, 288, 297-303, etc; Pallavicini, ibid., c. ii, en entier.
«I/.A CONCILE IME IV ET RKS1 Atn.

•» I I.IV. I.VI. Di: CATHOLIQUE

llrcf, il dn'ssn t\v\i\ formes de protestation et les s(jiiiMit aux Im|té-


riaiix, vouluiil faire eroire par \h (ju'ils étaient d'accord. Rarement
on avait vu k Trente ])ari'ille avalanche de mémoires et jiapiers *,

et aussi [)areils embarras. Les lé}jats résolure.nt de faire la ])art

du feu et, dans un conseil tenu entre eux le 7 octobre, décidèrent

que, pour simplifier la situation, ils mettraient de côté In réforme


des princes, en attendant (pie les and)assad«urs eussent hi-defvMus
des instructions précises. Kt le concile hâterait !<•
plus possibli; le

tra\ail xxiv® session, vu n'y compretiant (pif le décret sur


»!<• la

le sacrcuiciil de mariage, et celui des vin^t et un chapitres de


réforme. Après (juoi, il n'uirail plus qu'à jtrononcer sa clôture, en

dépit des oppositions du comte de Luna.


I>a décision fut cominuni(]uce à l'assemolée générale le lendemain,

avec les actes établis dans les récents jiourparlers entre légats et
ambassadeurs, l^ majorité en était sunisainruciil édifiée, sans que les

présidents eussent à insister davantage. Madruz/.(». (jui parla le pre-


mier, donna son placet au programme f[ue ])résenlait Moroiic. L'impor-
tant, ajouta-t-il, était d'aboutir en temps utile. Les avis furent assez
partagés. Le Homain Paolo Lmilio V^erallo, ancien archevêque de
Uossano, proposa d'insérer dans le procès-verbal les re(piêtes en
faveur des droits et jtrivilèges nationaux à l'encontre de la réforme,
re([uêtes qui avaient étécommuni(juées en même temps, (^'était une
manière d'enterrer cette réforme la majorité ne s'y prêta pas et se
:

prononça pour l'ordre du jour, tout en autorisant .Morone à désigner


les commissaires (pii dresseraient un nouveaii décret.

Ils le furent le jour même :


cinq archevêques, Otrante, Uossano,
Reggio Calal)ria (iiaspar del Fosso), Sens, Nicosie (Filippo Moce-
nigo) et treize cvêques : à côté d'hommes en vue, ceux de Ségo-
vie, Nicastro, Verdun, Barcelone ((luillem Cassador^i, Coïml)re (Juan
Suarez), .Vlontefiascone, Orvieto, il y avait (pichpies noms nouveaux,
comme celui de l'évcque d'Arras, le diplomate comtois François
Flichardot. L'assemblée décida enfin (pi ils délibéreraient séparé-
ment, en trois conjités, sous la j)résidence d'un des trois jiremicrs
légats, Morone, Hosius. Simonetta.
Les Espagnols auinient cru faire infidélité à leur ambassadeur,
s'ils n'avaient ]»as réclamé, sous }»rétexte qu'ils n'avaient dans cette
commission (pie quatre évêques, et pas un archevêque ils ne comp- ;

taient pas, comme étant des leurs, les trois qui avaient été choisis dans

1. Éniimrr.ition rlnns Suit;», p. 298-303; le coiisril l' un l'' 7 octobre, p. 29'»-295.


CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 945

le clergé de Naples, Otrante, Rossano, Reggio. Ils cherclièrejit ensuite

querelle an sujet de certains chapitres qui ne leur agréaient pas.


Tels étaient le sixième, qui maintenait les exemptions des cha-

pitres, après les procédés, sinon brutaux, du moins par trop expé-
ditifs, du comte de Luna ;
le cinquième, réservant à Rome les
causes criminelles des évêques, et le viiigt et unième, que le
comte avait aussi blâmé, parce qu'il ne laissait pas aux évêques
tous les procès en première instance.
Il avait d'un autre côté obtenu l'assentiment des Impériaux pour
une de ses formules de protestation. Il se croyait donc maître du

jeu et voulait en tirer tout le profit possible. Les trois sous-commis-


sions s'étaient mises au travail, chacune dans sa partie, mais
non sans entraves de la part des Espagnols, comme nous allons le
voir. Morone avait eu soin de faire dresser un sommaire des opi-
nions par six commissaires, qui travaillaient deux par deux, sous
le contrôle de Paleotto ^. Le 22 octobre, il convoqua la commission

entière et lui sommaire, établi dans quatre


communiqua ce
séances successives. Le comte alors dépêcha deux évêques espagnols
de valeur, ceux d'Orense et d'Almeria, se plaintlre que plusieurs
Pères avaient donné par écrit des opinions toutes différentes de celles
qu'ils avaient émises sur le même sujet en d'autres circonstances
à l'assemblée. Et il les émmiérait l'archevêque d'Otrante, l'évêque
:

de Parme, Verallo, San Felice. Il attribuait cette inconséquence


aux menées de certains Romains, qui faisaient campagne pour les
prérogatives du pape -. Il ne considérait comme inspiré du Saint-

Esprit que ce qui était iiroclamé en assemblée générale. Il déclara


qu'il déférait le cas au pape et, en attendant sa réponse, ordonnait
à ses évêques de se tenir en dehors des assemblées.
Les légats promirent de faire une enquête, non sans invoquer
l'exemple du cardinal de Lorraine, qui changeait parfois notable-
ment ses opinions, en les mettant par écrit. Ce nouvel assaut ne les
émut pas beaucoup les jours du concile étaient comptés; ils avaient
:

maintenant lacertitude de pouvoir le terminer comme ils l'enten-


draient : elle leur venait non seulement de Rome, mais de Vienne.

Ils avaient fait le pape juge du conflit sur le droit de proposition,

que le comte de Luna ramenait à satiété. Le mémoire que le collège

1. Conc. Trident, p. 891 ot note 1; Pallavicini, ibid., c. iv, § 2.


2. Sur cet incident, voir la dépêche des légats du 25 octobre, Susta,
p. 347-348.

CONCILES. IX. 31
946 i.jv. i.vi. i.ti.Nc.iLi: UL ru: i\ i:t niisTALH. cai iitiLiyuE

des légat» Itii aMiit adressé le 7 aMiit été rédigée dans renlourage
'.

de Morcuie, sinon par lui, chargée des notes qu'y a\ait ajoutées son
secrétaire, l'évéque d'Iscliia, l'ilippo (Iherio; il étahlissuit les deux
points de \ ue contraires, les <;irconslances et l«'s inconvénient» que
soulevaient les adversaires du proponentibim le^utis.
Le mémoire opj>osait aux ^(rétentions de ri^s]>a^'n<)| et des dijilo-
mntes ses alliés, à celle surtout d'exercer le drt)it de j>ro])osition
des é\ èijues, la manière de voir des légats, de leurs conseillers et
aussi de leaucoup de Pères. En fin do coni])te et jxmr acheminer
le concile une conclusion promj)te, honorahle et fructueuse, les
\ ers

légats adoptaient la solution mise en aAant ]»ar l'ambassadeur


portugais. Ils ]iriaienl donc Sa Sainteté d«! donner un bref en forme
(le déclaration, cpii serait iiii^éré dans les actes du concile, si les
aiid)assadeurs l'acceptaient, qui garantirait pour l'avenir ujie jiar-
faite harmonie et rindé]>endance du
entre l'autorité ]iontillcale
concile : le toute générale et ne ferait
bref serait d'une ]tortée
aucune allusion aux possibilités de conflit. L'assemblée aurait la
faculté de le conqdéter et de rinter]tréter. si elle le jjigeait à

}»ropos.
Alors qu'ils attendaient les réponses de Rome, les légats reçurent,
le !'• octobre, les importantes déjicches de Delfino du 4 et du 5. L'en»pe-
reur admettait que le concile ])rononvât sa clôture dans la session
suivante *, à condition qu'il définît les trente-cinq articles de réforme
(ju'il avait élaborés naguère, en leur adjoignant de sérieuses
amé-
liorations, et cela de l'Lglise d'Allemagne. La réforme
dans l'intérêt
des princes elle-même se bornerait à renouveler quelques canons et
constitutions anciennes, au choix du concile. Les and)assadeurs

impériaux recevaient une cédule (pii les autorisait à signer, nmyen-


nant ces conditions et au nom de rem]»ereur, avec l'assendilée
un accord de garantie des libertés ecclésiaticpies. qu'ils placeraient
sous la
8au\egarde impériale.
Quelques jours plus tard, une longue lettre de Sa Majesté, datée
du 12, refusait au comte de Luna le concours «pi il sollicitait et
l'engageait à se désister de chicanes vaines et iimtiles ^. I*"erdmand
énimiérait en détail les raisons tpii rendaient indis]>ensable la fin
(In concile; il ne cachait pas «ju'à son avis son neveu, le roi Catho-

1. Voir !•' J'tiJ-J'.''.*, avec dos not«


trxlr dans Constant, pirco '.(7, importantes.
p.

2. Momoin" de Morono résumant dépêches dans Constant, pièce lOl,


ces
p. 304-317, avpr d'ahondantos notes documrntairfs.
3. Pallavicini. ibid., c. v, § 7-13; Susla, p. 319.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 947

lique, fourvoyé dans les aiïaires présentes, pour n'avoir


s'était

pas été bien au courant des accords d'Innsbruck. Cette intervention


de l'empereur ne modifia nullement l'attitude de l'Espagnol. Les
légats du moins surent s'armer des lettres impériales, et s'en ser-
vir contre lui sa ténacité, devenant de l'obstination, fut dès lors
:

taxée d'entêtement.
Quant à eux, ils ne cessaient d'aller de l'avant : le 10, au reçu
des lettres de l'empereur, ils arrêtèrent l'accord de garantie avec
les Impériaux, tel que Ferdinand l'autorisait ils le firent aussitôt
:

connaître au public, qui l'accueillit avec satisfaction ^. En même


temps, ils dressaient un projet des mesures que le concile prendrait
en vue d'assurer cette garantie contre les empiétements des princes,
au lieu et place de la fameuse réforme qui devenait impossible: Phi-
lippe II venait encore d'y opposer un veto formel ^, ce qui était
un encoviragement de plus pour le comte de Luna.
Le même jour, Morone envoyait cette esquisse à Rome, en secret,
avec son grand mémoire sur la manière dont il conseillait de termi-
ner le bonnes dispositions que manifes-
concile, en profitant des
taient l'empereur et le roi
« Romains
Impossible de renvoyer les
des :

Pères au pied levé; du moins sans renouveler en termes généraux


les anciens canons, édits impériaux et ordonnances royales confir-

mant les immunités ecclésiastiques. Le concile avait toujours à


compter sur la résistance du comte de Luna et, contre elle, il avait
besoin du concours sans restriction du cardinal de Lorraine. » Morone
priait donc le pape de le renvoyer incontinent, avec des pleins pou-
voirs, c'est-à-dire, la réalité, sinon le titre de légat ^.

A ce moment, le comte modifiait ses batteries, parlait de suspendre


le concile, en écrivait à son souverain. Mais le pape ne partageait
pas son opinion. Aussitôt qu'il eut en sa possession les documents
ci-dessus, avec le mémoire de Morone réclamant le règlement du
droit de proposition, il réunit le consistoire, le J5 octobre, et lui

communiqua le tout avec des assurances de sa grande satisfaction.


Le même jour, il faisait écrire aux légats de tenir une session le 21
du mois et d'en préparer une autre pour le plus bref délai, l'une
et l'autre comme terme du concile; en même temps, il faisait expé-

1. Pastor, ibid., p. 269. Sur la correspondance des légats et de Morone avec le

pape et l'empereur, Pallavicini, ibid., c. iv, § 4 à la fin.


2. Constant, appendices LVII et LVIII, le 13 octobre.

3. Le 15 septembre, Morone, changeant d'avis, déconseillait de le nommer.

Constant, pièce 85.


ftS i.n. j.\i. loMiii Kl rii i\ irnr.siAiit. < \iM<>in»ir

dicr de» i)rrf» (|ui <»r<l«iniiaieiit .lux ('Nrinics (!«•


n-joimlr»; leurs dio-
cèses et (In r«'siilrr «Inture du concile. Les légats,
aussitôt ai)r('s la

ujoutail-il, ii'aivaiciit pas à se préoccuper


du comte de Lima, puisfju'ils
avaient pour eux l'eniperenr ri la majorité des évctpnw L
l'if IV envoyait aussi <im[ nu)dcles du l)ref déclaratoire «jue solli-

citaient les légats, mais en^a^eait à les tenir secrets, ainsi que
il les

les hrefs de oon;;é aux évcipics, à ne s'en servir ipi'en cas de nécessité.

Il
préférait t(»ujours ipTils en restassent à soji règlement du mois
de mai. par leipiel seul il se croyait eriffagé. A son a\is, les Ixuines
nouNclles (pie les légats donnaient sur le changement d'attitude de

l'empereur leur garantissaient le moyen de «'onduire le concile à


bon terme, sans heurt et ra]>idement. tout en déployant envers le
comte de Lima nue di])lomati<' douce et jiatiente. Ils en firent ainsi,
et retinrent |)ar devers eux les derniers actes pontiiicaux. d<uit il

ne fut question ((uc plus laid.

La bataille sur la réforme.

Le collège des jtrésidents ne demandait pas mieux ipie d'aller


vite, bien (ju'il leur fûl inijiossihle d'a%oir la session demandée pour
le 21 ; ils avaient en tout cas ])lus (pi'assez de temj>s pour préparer
celle cpi'ils avaient fixée au 11 novembre. Le 13 octobre, ils faisaient
«listribuerune quatrième rédaction du sacrement de mariage, com-
posée de douze canons et dix chapitres de doctrine, mais la discus-
sion ne ])ut s'en ouvrir (pie le 2^. Le concile restait toujours divisé
sur le jiroblème des mariages clandestins une forte minorité en :

allirmait la validité, l'allé avait


pour chef le légat Ilosius, (|ui multi-
pliait à ce propos mémoires et démarches, et ses collègues redou-
taient une obstruction assez forte ]iour (pie la majorité n'osAt pas
se prononcer. l'ifTectivement, elle a%ait diminué ipiehpie jieu, semble-
t-il, depuis les débats de juillet-août. Le jtape avait cependant
signifié au bureau <|u il s'arrangeât pour obtenir une décision. Celui-ci
se verrait-il contraint de la lui ren\(»\er^ ?

Le nouveau décret maintenait la nullité des mariages conclus sans


la présence du curé ou de son délégué, assisté de deux témoins. Dans

l'intervalle, étaient arrivées de Kome les consultations données par

1. Voir les Irllrps dr I.i Srcrclairrrio d'État dans Constant, pièces 105 et 106.
2. Susta, p. 2.39. 248, etc.
CH. II, LA CONCLUSION DU CONCILE 949

divers théologiens i»oiitificaux et par les cardinaux Dolera et Vitelli :

elles laissaient indécise la question de savoir si l'Église peut annuler ces

mariages; les uns étaient pour, les autres contre; le pape, en tant que
docteur privé, se prononçait pour l'affirmative ^, et le cardinal Dolera
mandait que les théologiens avaient fini par se ranger à son avis.

Désireux d'abréger cette quatrième discussion, les légats recom-


mandèrent de procéder simplement par placet et non placet. Ils ne
furent pas toujours écoutés.Le patriarche de Jérusalem, Antonio
de marque, ancien secrétaire du pape ^, présenta une
Elio, curial
cédule demandant que le débat, à cause de tant de difficultés, fût

renvoyé à Sa Sainteté, Il était approuvé, sinon poussé, par les


cardinaux Hosius et Simonetta et par plusieurs Pères, même des
conseillers du collège. L'évêque de Lésina, en Dalmatie, annonça
qu'il se tiendrait à l'écart de la séance, en manière de protestation.
Le cardinal Madruzzo se déclara insuffisamment informé, mais
l'archevêque de Grenade emporta le vote par son intervention
décidée: les mariages clandestins n'étaient pas de vrais mariages, et
le décret était indispensable. Quand les placet finirent le 27 au soir,
ils'avéra que cent trente-trois Pères contre cinquante-sept, plus des
deux tiers, acceptaient le décret le concile pouvait s'en contenter
: !

Restait la fameuse ébauche en vingt et un articles sur la réforme.


La commission des seize travaillait avec activité, talonnée qu'elle
était par le comte de Luna, Celui ci était plus que jamais l'agita-
teur un peu trop agité. Il venait encore de recevoir un bon point
de son souverain. Le 13 octobre, Philippe II répondait au nonce
Crivelli et lui faisait répondre aux légats sur les plaintes dont le
comte était l'objet. Il affectait d'en être surpris et allait jusqu'à
croire que c'était le fait de gens qui cherchaient à les brouiller avec
le pape. Il
approuvait requêtes présentées par son
les principales

agent à l'assemblée que les articles de


: réforme fussent soumis à
des délégués nationaux; que le concile ne changeât rien à son ordre
du jour en matière de dogme. Il repoussait la réforme des princes
etne reculait que sur le point de la suspension ou de la dissolution
du concile lui, roi Catholique, en désirait plutôt la clôture, pourvu
:

qu'elle ne fût pas hâtive ^.

1. Pallavicini, ibid., c. v, § 17-19; Constant, p. 301-302.


2. Sur son intervention, un peu différente de ce que la fait Pallavicini, Conc.,

p. 899, note 1 902, note 2 906, note 3, d'après les correspondants du concile à Rome.
; ;

3. Lettre en espagnol dans Constant, p. 558-561 dépêche de Crivelli à Bor-


;

romée, le 8 octobre, Susta, p. 579-581.


950 I.IV. LVI. CONC:iI.E DK IM K IV Kl RICSTAVR. «:aTHOLIQUE

Nous nvoiis iiicnli<>iiii«'î los vifs iiM-itlnits (|im'


le comte Roul(;\ail

à |jro])08 drH nrtirIt'S rin(|iii«'nie ot \


infjtit'im» du di ricl dv nfonm».
Par rcinlre, Ir jia|»o faisait rcrire h Moronc de in'
|ias s'iii(|ui«;U'r de
ses rod»uiu>nl«(U*s. ilc se fier encore iiioins à s«»s caresses ^ Kl il

l'exhorlail. m di- Imi^'s pinjuis. à rhciiiincr ^adlardemcnt. rnmini


gaglinrdamenle, ]iuisi|M il jiuiixait rnMi|it«'r sur ra|tj»iii d«^ l'empe-
reiir, comme sur cfliii de [{omm'; lui. |ia|>r. u"a\ait rien à redouter
du roi Catholii|U(-. ajirrs les faveurs et bienfaits dont il iiivait coni-

l>lr :
« Il fallait |>roj;resser sans cesse, en linir bientôt et ne se servir
drs brefs récents sur la formule propnncnhhus le^ntis qu'h la conclu-
sion du concile
déclaration <jue les légats en déduiraient (ils gar-
; la

daient en cela tonte liberté) ne devait nmeiin ni protestation, ni

n'imjxirtc quel autre inconvénient.


"

Lorsque arrixcrent ces instructions, le 'l'^ octobre, h- débat attei-

gnait l'article vingtième, (]ui faisait le déjtart de la juridiction entre


le pape et les évccjues sur les procès ecclésiasticpies moindres, pro-

blème dillicile à résoudre, parce (|ue les juges civils intervenaient à

tout propos. Ce jour-là, dans une réunion des commissaires à son


domicile. Moronc comnuiniqiin un texte nouveau. (|ui remontait
au 10 sejitembre l.^fj'i. Il
s]iécifiait (jue les ordinaires jugeraient en
première instance, d'après une piaticpie établie depuis deux ou trois
siècles, les causes dont la ^aleur wv déjassait pas vingt-quatre
ducats d'or de la Chambre apostolique, estimation usitée alors en
matières bénéficiales assez maigre en somme et
; la faxeur était
\\n\conqirend que évéques ne s'en soient ])as contentés. Les
les

amendements se succédèrent, surtout jxuir établir avec jtrécision


le départ entre causes majeures et causes mineures.
L'archevêque
de (irenade proposait d'élcNer le taux à cinquante ducats. Les
évècpies d'Astorga et de Ciudad-Hodrigo critiquèrent l'article
avec vivacité et refusèrent finalement d'y souscrire. Ils ajqmyèrent
cependant Morone, lorscpTil rappela «pie le droit canon réserA e au
pape les causes majeures. On ne sut jias s'entendre ce jour-là.
Il en fut de même pour l'article cin^piième ]«assé au sixième rang,
qui maintenait les ])rivilèges des cha]»itres. l'hilip]ie II {trétendait
les sup|>riiner,
pour avoir les chanoines en sa main, comme il tenait
déjà les évé(pies. La commission décida de maintenir les exenqitions
qui remontaient à la fondation ou tlataient de teinj»s immémorial.

1.
Quanle parole egU U dira, saranno tanii lacci et tanti ingaiini. Susta,
p. .343. Veir cettr longur dépêche, p. 342-345.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 951

Les Italiens étaient divisés, cela se conçoit les Ordinaires voyaient :

d'un mauvais œil tout ce qui pouvait fortifier l'autonomie à laquelle


prétendaient leurs chanoines. Les Espagnols exagéraieut encore
en certains détails les évoques sortis de l'université d'Alcala, et
:

à leur tête celui de Salamanque, avaient à défendre certaines collé-

gialesdépendant de cette université, contre l'archevêque de Gre-


nade et autres qui prétendaient les assujettir à celle de Salamanque,
leur aima mater ^. Après de longs efforts, Morone ne put amener
une entente entre les commissaires, et force lui fut d'ajourner ce point
particulier à une session postérieure.
Le
27, dans une autre longue séance, qui se prolongea jusqu'à
trois heures de la nuit huit heures du soir —il crut avoir mis

les commissaires à peu près d'accord sur la
plupart des vingt et un
Ils redoutaient toutefois
articles '^.
quelque nouvel assaut de la part
des Espagnols, sur l'article de juridiction contentieuse notamment.
En fait, plusieurs de ceux-ci rappelèrent encore le chapitre sixième
et se plaignirent que la commission eût dans le texte des
glissé
changements en opposition avec l'esprit de leur Église, contra
jtientem patriam. Morone,
qui avait soumis ce texte, aux ambassadeurs
comme aux Pères, en donna lecture à la congrégation générale du
30 et l'en fit
règlement à prévoir.
juge pour le

La réforme par transformée en un champ de bataille


ailleurs s'était
où les escarmouches se multipliaient. En cette même séance du
30 octobre, Morone exposa un autre conflit qui venait d'éclater
entre les évêques et les métropolitains, à propos de la visite que les
premiers étaient tenus de faire à la métropole chaque année, pen-
dant la semaine de Pâques. Ce n'était pas uniquement une cause de
dépenses qui pesait sur les évêques pauvres; les Napolitains, géné-
ralement peu fournis en revenus, avaient néanmoins présenté requête
pour être exonérés de cette charge; ils avaient fait campagne pour
cela auprès de leurs confrères, rallié une majorité, intéressé même
plusieurs ambassadeurs à leur cause.
C'était de plus pour les suffragants une source de déboires, car
ilsavaient parfois à subir des avanies de la part des métropolitains
et de leurs subordonnés. Pourquoi ne pas renvoyer cette visite au
concile provincial, que le décret de réforme, dans son article second,

prescrivait pour tous les trois ans seulement ? Bref, le 21 octobre, les

1. Pallavicini, ibid., c. vii, § 2; Conc, p. 894-895 et notes,


2. Susta, p. 355 (lettre des légats du 28).
952 I.IV. I.VI. <;<)>« ll,K DE PIE IV KT RESTALR. CATHOLIQUE

l(''^ats iiN aient reçu une dernière pétition m ce sons, signée il'unc

<{uumntainc d'évc«|ue8 '. Kn la présentant, le .'50. ;i rassemblée


générale, le
preniier président ajouta que les <-har}^es et les incon-
vénients de la visite nu niétro|U)litain seraient hien moindres, si
les siilTraganls la faisaient jiar jiroeiircui s. I.rs é\ê(|iies n'avaient

pas maixpié d'invoquer leur |troj)re exemple, ear ils remoyaienl au


sviiode diocésain la \ isite de leurs curés. Mais »••• svriode avait lieu

chaque année, objectèrent les arebcvècjues. (.clui irOlrautc réussit


h s'interposer et fit accc])ter un règlement jar arbitrage. Les légats
désignèrent deux meml)res de chacpie ])nrti. Ils finirent par où ils
auraient dû i-ommencer la visite litigieuse fut renvoyée aux épo-
:

<jues des assemblées provinciales.

Un nouvel assaut du comte de Luna et la seconde bataille


sur la réforme.

Cette même assemblée du .^0 fixa nu 2 noveml)re la discussion du


nouveau décret de réforme. Le comte redoubla dès lors ses assauts :

les légats lui avaient transmis le ])lus court et le ])lus condescendant


des cinq brefs sur le proponentihus legatis ', après PaA oir fait approu-
ver par les agents du Portugal et de renq>ereur. Le comte ne les en
menaça pas moins d'une ]irotcstation solennelle ]iar office de notaire.
Le l'"'" no^ eml)re. il leur remit un nouvelle rédaction do l'art icie

vingt et avait soutirée à l'évcque de Lerida, un des


unième, «pi il

rares Es]>agnols bienveillants ])our la cour de Rome. l'^lle décidait

que le pape ne pouvait connaître des causes en première instance


que dérogation ex])resse au décret du concile,
]iar cl nullement en
vertu de son autorité ])roj)re.
Les légats n'admirent ]ias le sul)terfuge, cela va de soi, et le comte
])arlade ne pas assister à la session, d'cnqiécber ses évèques d'y
prendre part. Les ])résidents lui reprochèrent son attittide comme
indigne d'un ambassadeur catholique : il ne réussit d'ailleurs qu'à
les afTermir dans leur résolution d'en finirau plus tôt. Toutes
les lettres de la Secrétairerie d'Iùat ne cessaient de les en presser;
ils n'attendaient plus que le cardinal de Lorraine, (pii devait les y

1. Sunta, ibiH., t. iv. p. 337; Pallavicini, ihid., c. v. ^ 21.


2. Sustn. ihid., p. 336-337; sur la nouvelle chicane du comte, Pallavicini, ibid.,
c yi, $ 6; Sust.i, p. 3r)8.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 953

aider, et qui annonçait son arrivée imminente. Le 2 novembre, un


courrier de Rome leur remettait, avec le conseil réitéré de ne pas
tenir compte des machinations de l'Espagnol et d'expédier le con-
cile comme ils l'entendraient, une esquisse de décret sur la réforme

des princes, extraite des anciens canons et décrets impériaux ou


royaux ^.
Morone ouvrit donc la séance de ce jour par une allocution qui

proclamait leur volonté immuable de ne plus différer la session;


elle l'avait été plusieurs fois, il ne convenait pas de recommencer

le manège. Il priait les Pères d'opiner brièvement, et ceux qui ne se

jugeraient pas suffisamment documentés, d'ajourner leur avis pour


les condenser et, en même temps les rendre plus précis ^.

La commission avait toutefois adjoint aux premiers chapitres


des notes marginales qui les éclaircissaient sans doute, mais don-
naient un aliment de plus à la discussion, et les Pères furent loin
de respecter l'avertissement du premier légat, d'être courts; jusqu'à
l'évêque Verallo lui-même, qui empiéta sur deux séances, sous
prétexte de répondre aux fidèles de l'empereur, qui opposaient la
conduite de leur maître à celle du pape. Selon Madruzzo et Dras-
kowitch, l'empereur ne s'attribuait en première instance que les pro-
cès les plus importants. Verallo riposta qu'il n'y avait pas de compa-
raison possible entre les deux juridictions et les procès qui leur étaient
déférés.

L'archevêque de Prague revint à la charge le 4, pour rappeler


que la diète de Nuremberg en 1523 (il y avait quarante ans et la
situation avait bien changé depuis !) sollicitait déjà l'extension de
la juridiction épiscopale à toutes les causes mineures. Et l'évêque

de Verdun, qui se faisait, petit à petit, Français, après avoir reçu

naguère l'investiture impériale de son fief, raillait discrètement cette


joute sans fin et inopportune (selon lui), à propos de juridiction

épiscopale, impériale, pontificale !

Les Espagnols ne manquaient pas de poursuivre leur système


d'obstruction, en soulevant toujours des incidents. L'archevêque de
Grenade protestait contre le chapitre troisième, la visite des dio-
cèses, parce qu'il l'étendait aux testaments et réservait à l'ordinaire
un droit fiscal sur les legs pieux. A propos des privilèges capitulaires.

1. Susta, ibid., t. iv, p. 359-360.


2. La discussion qui suit, dans Conc.,j). 906-924, avec les notes; Pallavicini,
ibid., c. VII.
n5'l LIV. I.VI. CONCILK Ui; IMI IV ET RESTAUR. CATIIOLI^VK

il
protestait de sou iiulôpciidancc devant les j»ouvoirs civils (i'inijtrn-
deiit !) et défendait, contre les docteurs d'Alcala. le ])riinat de Tolède,

«rnjtrisonné ])ar rfiupiisition de !*hili]i]ir \\. Il s'en prenait aussi h

la coiir romaine et t'X]irifiuiit le regret <|w"un chapitre s]iécial du


décret ne corrigirAt ]»as les défailliuices d«'s cardiniiux. ccunnu-. \v

pape lui-nièine louait promis, à la demande d<' la majorité des


l'ères. Ignorait-il donc la résistance que cette réforme rencontrait an

Sacré-Collège lui-nu*mc et que, dei)uis six semaines, le cardinal


l'arnèse, une des autorités de ce coq»s, avait entre]iri8, en son nom
seulement, prétendait il. uikî vive polémique avec Morone *, <|ue
ce dernier s'en était ému outre mesure et avait envoyé sa démission,
si hier» cpic le pajie avait du ]ire!idre parti jiour lui et le consoler ?

Les ])remiers opinants, tous Italiens ou romanisants, les patriarches


de Jérusalem et de Venise, les archevêques d'Otrante, Rossano,
Antivari, etc., re(juirent l'insertion en tête du décret de la réserve
générale saU'u auctorifale S. Sedi.s une centaine de Pères environ *,
:

])rcs de la moitié du concile, les a])]>uyaient. L'archevccpje de Gre-


nade lit obser\er <jue l'adjonction était inutile la réserve allait de :

soi, du moment que le souverain jiontife tenait ses ]tou\oirs de Dieu.

Quelques évêques ajoutèrent que la clause \ iendrait naturellement


h la conclusion du synode,
lorsrju'il conlirmcrait ses décisions anté-
rieures, s'il adojitait l'opinion du cardinal de Lorraine.
Morone fut de cet a\is et donna raison à rarchcvèqne; la clause
n'avait-elle ])as été formulée déjà dans les actes antérieurs, en tête
des cha])itres de réforme, promulgués à la vu® session? A coup sûr,
elle de\ait être exprimée, im]tlicitement du moins, dans la démarche

qui consistait à solliciter l'apprubation générale du [>a]ie pour les

actes du concile.
La grande ne tarda pas à surgir entre les }tartisans de la
bataille

prérogative pontificale et ceux des itglises dl-ltat, dont le comte de


Ltina se faisait le porte-bannière; elle se livra, en }>remier lieu, sur les
abus que ro]>|iosition reprochait à l'ï^glise et à la cour romaines, et en
l^articulier sur le chajtitre dix-huitième, qui réglementait les enquêtes
requises pour les jtromotions aux bénéfices. l'Llles auraient lieu,
por-
taient ces articles, en dehors des collateurs, évêques ordinaires,

^ur (oitc polfniiipK' dont In moiition rrniontaif au f' scpfombrr, voir


1.

oiilrr Pallnviciiii, loc. ctl., Susta cl Constant, index, au mot Fariicse. Morone
char{(ea de né(;ocier rnfTairr do sa démission iVvéquc de VintimiJle, puis son
agrnt à Romo, Luiffi Fedrie.
2. D après les cairuls faits rn parrourant série des votes.
qur j'ai la
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 955

patrons de tous les degrés, y compris les souverains; en dehors de


la cour romaine, qui depuis trois cents ans, accaparait cette colla-

tion. Le problème souleva une telle diversité d'opinions, que le bureau


estima opportun de le laisser en suspens et de retenir seulement un
tableau des principales de ces opinions. En général, elles ne sépa-
raient pas l'enquêteur du collateur; ils des aient combiner leur action,
non s'opposer, l'un même choisir, diriger au moins l'autre, pour
être informé plus sûrement et plus prom})tement l'enquête
:

devait, par suite, avoir lieu à portée du collateur, dans son voi-
sinage, partir de Rome la plupart du temps et y aboutir. Cette
manière de voir dominait dans la commission, et le })arti italien
s'efforçait de prévaloir, après l'avoir introduite
la faire dans le

nouveau texte. C'est alors qu'un orage éclata.


Le 4 novembre, l'archevêque de Braga donna le signal de l'attaque.
Il revenait de Rome, où il avait séjourné depuis fin septembre,

employé par le pape à divers travaux, de doctrine aussi bien que


^
de réforme : il rendit hautement témoignage aux excellentes dis-

positions du Saint-Père envers le concile, à son zèle pour la réforme,


car il commençait la sienne par les cardinaux, avec l'aide non moins

infatigable du cardinal neveu. Toutes les diflicultés venaient des


courtisans par exemple,
:
chapitre dix-huitième n'avait été fait
le

que pour une question d'argent et en leur faveur, et c'était toute sa


caractéristique, propter confluxus pecuniarum ad curiani romanam.
Le 4 novembre, le digne prélat dénonçait à Rome la tenue prochaine

d'un synode national en France le concile général ferait donc


:

bien de terminer promptement ses travaux. Et le primat de Por-


tugal de conclure que tout dépendait d'eux-mêmes, à savoir de
l'Eglise enseignante.
Ilrevint à la charge le lendemain. Ce jour-là, Gaspard Cervantes,

archevêque de Messine, protestait lui aussi contre les enquêtes pour-


suivies en cour de Rome « Les enquêteurs se laissent facilement
:

influencer, se mêlent même du choix des candidats. « Morone lui


rappela que les Pères devaient se borner à développer leur avis, pour
que chacun pût s'éclairer et donner librement son placet en toute
connaissance de cause. L'archevêque de Braga cita une parole du
pape qu'il avait entendue en consistoire que la réforme lui coûtait :

deux cent mille ducats de revenu et qu'il était prêt à de plus gros
sacrifices, s'il le fallait. Il était facile de répondre qu'un pontife, si

1. Conc. Trident., p. 916-917 et note 4; Susta, p. 406; Pallavicini, ibid., § 7.


950 i.n. INI. < nN( ii.r nr in i\ i r nr«^T\in. r- vtiioi if»fE

bien <lisposô, saurait suns ompr-cher srs gens d'ahuscr des


dmit»»

en(|ut^lc9, prentlr»' iiiriii«>


pour cola toutes uicsures *'ii jirévision
»lr l'avenir. l'i<" I\ ne teiuiit-il pas des propos aiuiloj^ues, lorstpi'il
s'njjit de roiilirnuT 1rs décrets du concilr '
?

Aux opposants Morone objectait iprappan\rM' aiii^i rivalise


ronuiine, r'«''tait jiorter prcjiidii-e h l'I'i^lise universelle, le
prestige
de Vnuv rtaut lie à la ]»rospérit«'' de l'aMlrc. I,a coniniission de la
réforme, m
majorité à tendances romaines, n'avait ntiilenient fait
mystère de ces tendances, et s'était ai»]»li(piée à garantir la splen-
deur et la ])rospérilé du Saint-Siéfre. l'Jle lui réservait donc, avec la
nomination des «i^rands di<^nitaires de l'Rglise uni^•erselle, évéques,
riches abbés, etc., les enfjuétes ])réalables et les énuduments atta-
chés aux services qiii s'y rapportaient. L'opj)osition ne maïupiait j)as
de ]irotester de s'insurger contre cette manière de procéder, y
et

voyant une atteinte à la dignité de ll'.glise enseignante comme à


la liberté de ses délibérations.

L'évêque de Ségovie présenta les doléances des opposants. \v


\ novembre, avec une ampleur cl une énergie ipii laissaient trop
voir qu'il en avait reçu la mission. Selon le témoignage de son com-

patriote, l'évêque de Salaman<pie. il se montra terrible, connue tou-


jours, davantage même et im])itoyal)lement les vingt
'^, criticpia
articles de réforme Inii après refusant à tous son placet. l'autre,
Il lut son i'ntuin, ]M»iir lui éjiargner, prétendait-il. dos altérations

malveillantes et calomnieuses. Il re]>oussait le décret, j-arce ((ue la


commission qui n'ayant pas été désignée par nations,
l'avait dressé,

avait bouleversé texte ])rimitif, sans tenir com]>te des opinions


le

de la majorité. Le décret n'avait jias de \aleur, et l'opinant protes-


tait dès maintenant de la nullité des articles; en lin de compte, il

remit cette protestation, écrite, aux notaires du concile.


A \rai dire, il était un ]ieu resjionsable des prétendus vices de
forme contre lesquels il
s'indignait. Il avait été nommé commis-
saire, le 1 1
octobre, a^ ec son compatriote de Tortosa, .Martin de
r.ordoba ; mais ils avaient refusé de
siéger, ])arce qu'î^ ce moment
leur ambassadeur s'évertuait à faire nommer des comiuissions inter-
nationales. I,a conséquence fut que la moitié des commissaires dési-

gnés, neuf sur dix-huit, étaient des Italiens i\\i'\ (iront bloc contre
les autres; tant de nations diverses et parfois opposées ne surentpas

1. Pastor, p. 289-291, avec diverses notes.


2. Conc, p. 925 et note 1 028-931, passim; l'allavirini,
.
ifcù/., e. vn, § 8.
cil. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 957

s'entendre. Les Espagnols attribuaient à cette manœuvre le rejet


de leurs amendements ce n'était pas le seul reproche qu'ils adressaient
;

au décret; selon eux c'était un travail précipité, superficiel, trop

incomplet, comme le reconnaissaient d'ailleurs eux-mêmes certains


commissaires italiens, Verallo et Paleotto. D'autres Pères, autres que
les Espagnols, assez nombreux, se plaignaient de n'avoir pas eu le

temps d'examiner, d'approfondir suirisamment les articles; ils


avaient été obligés par suite de changer d'opinion, de modifier leur pre-
mier texte avec l'évêque de Ségovie, ils faisaient un grief aux légats
:

et au secrétaire, Marco Laureo, de ce qu'ils résumaient les avis par

écrit, ce qui leur permettait de les modifier, de les faire modifier

par leurs auteurs, dans un sens plus favorable au pape.


Sans contester absolument la justesse de ces reproches, Morone
crut devoir intervenir le lendemain d'une manière générale. En
rappelant Pères à la modération, à la tenue, au respect mutuel,
les

il ajouta
que ceux qui se permettraient des invectives quelconques
pourraient se voir chasser de l'assemblée. Cela était-il à l'adresse
de l'évêque de Ségovie ? Quoi qu'il en soit, les doléances des évêques
espagnols continuèrent les jours suivants, même de la part de
l'évêque de Salamanque, qui passait pour modéré, quelque peu
romain. Ils revendiquaient maintenant les privilèges de leur Inquisi-

tion. Les Portugais faisaient chorus avec eux, cela va sans dire,
et encore au sujet des causes criminelles des évêques, qu'il ne
convenait pas, selon eux, d'abandonner à la curie. Ils réclamaient
le rappel en discussion de certains articles qu'ils prétendaient avoir

été supprimés, l'examen des chapitres vingt-deux à trente-cinq et

même, à la suite de l'évêque de Ségovie, une reprise générale des


vingt et un premiers.

Le retour du cardinal de Lorraine; Les légats préparent


la XXIVe session.

Il était temps que le cardinal de Lorraine ramenât un peu plus

d'ordre et de pondération au milieu de la tempête soulevée par le

prélat espagnol. Il le pouvait et les légats y comptaient les Pères :

attendant son intervention avec non moins de curiosité que d'impa-


tience. Ils n'ignoraient pas qu'il apportait de Rome un programme

précis, concerté avecle pape, et qui avait pour but de clore prompte-

ment le concile, en dépit des manœuvres tendant à le faire traîner


058 I.IV. I.VI. (OXIIl Ifl l'Il I\ Il lll>IVI II. ( A MM'I |i,)l.E

en loiigiHMir. I.rtunliimlnespuressuiias d'entrn m lire «t ne |


aria que
le 8 iiovcinljrr. tr<»is jours après son retour n'ax : ail il
pas l)esoin d'un
|M'u (le répit ]iour se jiréparer pinidrc coula*
;i a\cc l'assendjlée ? I

Il
parla tluiaTit deux heures de suile, a\ee son élo(iuence ha)>ituelle

et fil élalaf^e d"\iii f;rand esprit de eoueiliation oc (jui lui ((impiit :

sur le nioiuenl la fa\«'iii df l'auditoire, fa\eur <jui, chez les


Espa-
pnols, alla jus(|u à I ciitlKuisiasnu". Nous eu a\(Uis le t«''riioi<;nape

d'auditeurs plus ou moins bien disposés ]>our lui. cpti s'c\|>rinient


d'une manière pittores(pie '. Il n'est resté de ce discours <\\ig le
sommaire réditié par le secrétaire et «pii fut aussitôt expédié à Konie.

I/«)ratenr ne ju}j;ea pas o]»portun de le livrer à la jniblicité, d'ex]toser

aux criticpies des <;allirans certainesopinions indépendantes (pi'il


émettait en dehors de leurs thèses. pourtant, sehui le même témoin,
I*A

révc(|ue de lîertinoro, s'il n'admettait pas la réser\ e .sn/i-a ourtori'


Iule S. Sedi.s, il
«'xigeait celte autre, sahis pru'ilcgii.s nui re^i.s, chaque
fois que le décret de réforme touchait au.x ]iri\ilèges de la moi.ar-
ehie française ~.

A]>rès le couplet indispensable sur l'aiiptl ii la concorde, garantie


d'un travail ]dus ordonné et plus friirlueiix. (pu; Cxigeait la tel I

jiroiupte conclusion du i-oncile: après la jiroiuesse de rorateur d'y


contribuer de tous ses moyens, venait un éloge enthousiaste du
|»ape. de sa bonne volonté à })Ouisiii\ le la réfoinie il la voulait :

sévère coniplète, sans en dispenser le Sacré-Collège. Le cardinal


et

invoquait à ce jtropos di^ ers faits et témoignages. Il en appelait,


par exenqile. à l'arclicv crpie de larente, .Marcantonio (iolonna, un
curial d'autanl plus convaincu (piil aspirait au chapeau, de jiar les
traditions de sa famille. Il s'était trouvé à Home en même lenq)8
ipn- le rendu
cardinal et
avait des ser\ ices j)our ses alTaires privées.
lui
" Le
[tape saurait inqioser la réforme h ses courtisans, car il s'était
indigné, sucrensum fuisse, contre un mémoire en six articles (pie les
olliciers de In Rote avaient, sans le consulter, soumis au concile en

justification de leurs jirérogat i^ es et contre les revendications des


é\('''(pies de \;\ curie, (pii leur disputaient certains émoluments aussi
bien rpie des avantages honorificpies '. »

1.
Lévrquo do BrrtiiuTo Fairrita. Cnnr., p. ît.'>1, noto 2: sonini.iir*' «lu (lisro»ir«,

ihid., p. 060-96.3: Paliavicini, ihid., r. vu. 0-11.


(>

2. Voir pour cr détail la lettre du ranlinal à la niiir mèrt" <lii 1 'i


novembre,
oi-dr!«>iiis p. 930.
.'{.
>iii'plii (Uio i>ro rrhus rulnlihns rniu rUtii inr et lolins nirlnr. f'niir., p. 053,
noir 1.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 959

L'exorde de ce discours finissait, il est vrai, par des assurances


de son zèle pour succès de la réforme chez les trois grandes nations
le

catholiques, Italie, France, Espagne; réforme à laquelle le cardinal


voulait travailler également. Dans le cours du discours, il avait soin
de faire des réserves pour tout ce qui serait préjudiciable à la monar-
chie française; la formule dont il se servait, l'archevêque de Sens

remj)loyait déjà au nom des gallicans. Selon eux, les termes


la veille

Sedis risquaient de provoquer une intervention


sali'a auctoritate S.

des puissances séculières et de faire échouer la réforme.


L'orateur demandait la suppression des privilèges capitulaires
et le maintien de ceux des universités; c'était pour les
Es| agnols.
Il accordait aux Italiens que les causes majeures des évêques seraient

portées devant les conciles provinciaux, avec faculté d'appel au


pape, sahis juribus regnorum. Le devoir de la résidence serait assuré
dans la visite annuelle des diocèses, les conciles provinciaux régle-
raient l'une avec l'autre, et en confieraient le contrôle par déléga-
tion au métropolitain. Celui-ci pourrait lui-même suppléer à cette
visite, en cas de négligence de ses suffragants, sans manquer toute-
fois de donner le bon exemple de la résidence.

Le discours n'obtint pas une approbation unanime les Italiens :

lui reprochaient de faire trop de concessions aux clergés ultramon-


tains. Selon l'évêque de Nicastro ^, curial dont le témoignage peut
paraître partial, leprétendit parler au nom de l'Église
cardinal

gallicane, et blâma l'article qui réservait au pape les causes crimi-


nelles des évêques, parce qu'en France elles relevaient de la juridic-
tion royale. Le droit canon avait sanctionné depuis longtemps
cette réserve pour les royaumes de Naples et de Sicile, à la suite
des luttes fréquentes, des guerres ouvertes que ces procès soule-
vaient entre les évêques et leurs métropolitains. Il y eut de vives
discussions à ce sujet dans les cercles du concile; les Français y
affrontèrent les évêques de ces pays; ils vinrent même plus tard,
leur cardinal en tête, déclarer aux légats qu'ils n'accepteraient jamais
cet article, « ce qui est d'un très mauvais exemple », concluait le
correspondant.
En effet, ce nouveau manifeste ne semblait pas de nature à
préparer les voies à la session qui devait avoir lieu quelques jours

après risquait de soulever un conflit de plus avec la majorité


: il

italienne, qui s'était dessinée sur la réserve salva auctoritate S. Sedis.

1. Au cardinal Farnèse, Coiic, p. 952, note 3.


ÎM)0 ll\. I\I loMlll. DK IMK IV I:T HESTAl'n. CATH«>1,I<.UF.

!.«***
It'jjuts avait-Il I
|K»iiitant détidé d'en finir toute (|ue coûte, dr fixer
le décret do réforme, celui sur «le mariaj^e se Iroiixant le sacreuienl
à terminé. Pour se faiic nue maj(»rité. ils (•(uiiplaienl non
peu près
seulement sur le eardinal dr Lorraine, mais enrtire sur- l;i (li\ision
qui venait d'éclater entre les KsjUij;nols, à iiro|)os de la prof «si.it ion
tjue les intransigeants
\oulaierU |>résentor '. L'évètpic de Salamarujuc
s'était fait, selon son habitude, le chef d'un tiers part «pii considérait i

cette nu'sure etunme inutile et scandaleuse il se contentait de l'aboli-


:

tion des pri\ ilè<,'es capitulairos cl de la restitution aux é\ ècpies des


causes mineures en première instanc<>: ces deux ])oinls pon\aicnt
sullire,malgré les rcslrictic)ns <pi'ils a\aieiit dû subir.
Le comte de Liina n'était pas de cet avis et. le 8 novembre, il
tentait une tiernière manœuvre iLobstruction pour rallier ses troupes.
Il remit aux lécrals les lettres cpie son maîlic lui avait exjiédiées à
lui. e:i
réponse à leur justification du 2(1 juillet '.
I*hilip])e II, le

Temporisateur, avait pris son temps! Il est vrai (pi il n'était ])a3
resté iiiactif; s'il ne s'était pas révélé derrière les ajjitafions de son
charrfé d'aiïaires, il avait jilus d'une fois liarcelé le pa|>e de ses exi-

gences; elles seraient trop lonjjues à énumcrer. n mois aupara- l

vant, il lui faisait encore remettre par son ambassadeur, Avila, au


moment où celui-ci quittait Koinc ^. une lettre-mémoire pour démon-
trer (jue le concile ne pouvait se disperser avant d'avoir réalisé les

trois points de son programme : la reconstition du dorrnie, la réforme


de ri'^fjlise retour des hérélitpics. Pie IV jnenait la ]ieine de
et le

lui répondre que ceux-ci ne ])ouvaient ]>as être bien disposés, car
ils venaient de s'em])arer des villes libres de Hamberg et de Wurz-
bourg en Franconie: ils avaient ]dutôt l'air de \ouloir se présenter à
Trente les armes à la main, el non en pécheiirs repentants*.
Sans ]treiidri' la peine de ré]iondre lui-même àl'apolojrie des légats,
le Catholique ]iar son agent, en celte audience du 8,
faisait résoudre
avaient présentées au sujet des embar-
les tpiatre diflicultés <pi'ils lui

ras du concile. |{és(Midre n'ost pas le terme oxa( t. car le roi se bor-
nait aux assurances de sa bonne xolonfé, pimr le passé comme

I. Détails ïi^niruatifi) Jaii.s Pallavirini, ihid., ^ 13.


-. Voir I.» lonpiie (lépr-clif ili »•«•
j«iur, Susta, p. 363-367.
3. l'nllaviriiii, J. XXIV, c. i, <i 1, analyse crtic dépêche sans la dali-r. Avjla
(piitla Homr If
oclolirr; Su>la, p. .""iSô.
1(1

'i. l'riso df
W'ui/huurg aiuioïK'éo aux légats Ip 16 octobre. Siista, p. 324. Le
papr (lut répt>iuliT nu roi d'Lspagnr vers cclto rialc, avant <]in' !< cardinal de
Lorraine quittât l<nmo.
CH. II, LA CONCLUSION DU CONCILE 961

dans le })résent et l'avenir le concile devait terminer sa tâche aussi


:

complètement que ])Ossible, à travers des embarras inévitables,


mais le comte de Luna avait les pouvoirs et les instructions néces-
saires pour coopérer à sa prom})te réussite. Et celui-ci ne manqua

]!as d'énumérer, dans un long discours, les conditions d'après les-

cjuelles, selon lui. le concile devait opérer. Les légats crurent bon
de répondre non moins longuement, au discours comme à la lettre.
Ils prièrent d'abord le diplomate de prouver sa bonne volonté et

celle de son maître, en assurant le succès de la session pour la Saint-


-Martin. Ils n'y et
s'empressèrent d'ajouter que la
comptaient guère
réponse arrivait bien tard,
que circonstances avaient changé
les

depuis leur justification, car elle remontait à plus de trois mois. Et le


comte donnait la mesure de sa bonne volonté en se plaignant des
mauvais rapports dont il était l'objet, à Rome surtout : il ne savait,
disait-ilnégligemment, venaient des légats ou d'autres. Ceux-là
s'ils

attestèrent qu'ils n'avaient rien écrit contre lui nulle part, mais

que d'autres avaient pu dénoncer ses agissements (ils étaient con-


nus de tous), à propos de la réforme des princes, et aussi les congré-
gations privées qu'il tenait en dehors des légats.
Pour ces derniers comme pour le pape le seul point nécessaire
était de tenir la session avec les meilleurs résultats. Le surlendemain,
arrivait une dépêche de Borromée les invitant à précipiter la conclu-

sion, y compris la signature des actes, et cela en dépit de toute opposi-


tion des ambassadeurs; en prodiguant au comte les compliments et
les bonnes paroles L'évêque de Vintimille était parti le l^'* de ce
: ^<

mois pour l'Espagne et saurait améliorer les dispositions du


monarque ^. » Ainsi la partie se serrait entre le pape et le monarque,
et il sullisait qu'elle restât indécise quelque temps, pour que le con-
cilegagnât la sienne.
Par cet envoi de l'évêque de Vintimille, comme par le retour de
Santa Croce en France, qui s'effectua vers époque, Pie IV la même
réglait l'autre question que Catherine de Médicis avait soulevée et
qui était, quelle le voulût ou non, plus qu'un retard pour le concile :

elle l'annulait. Devant des conférences entre pape, le la reine, l'empe-


reur et le roi d'Espagne, dans lesquelles seraient arrêtées les affaires

religieuses internationales, aussi bien la réconciliation des hérétiques


que la réforme des princes, le concile n'aurait plus été c|u'un simple
bureau d'enregistrement. Il faut convenir que la combinaison dépas-

1. Susta, p. 369-371, lettre do Borromée du 3 novembre.


9C2 I 1 \ . I \ I. ( (iN( 1 1 I 1)1 iM 1 1 \ rr iu>;t A in. TA I iH'i KiuE

sait, pur le tt'inps (|ircxigcuit sa rtnilisatinn, tous les atennoieiuents


de Philipp. II
l'ilU" remontait nu mois d'août '; mais le pn])o niteridit. ])Our l'cxa-

miner, lii venue du cardinal de Lurraiiu*. ipii ri.iit cliîtr}//' df la


négo-
cier avec Sa Sainteté. Pie IV suggéra un sonddant de siinjtlilica- lui

tion jtounpioi ces conférrru-es, tpii menaraient de s'éterniser, ne s«r


:

préeiseraii'nt-elles ]>as dans des <'ongrès d«: princes en un lieu .^ déter-


miner ? Il congédia le cardinal en ne lui donnant «pie dv belles espé-

rances, et lit
]>(Mi a])rès ]'arlir ses deux «Mivoyés avec des instrue-
ti<»ns concernant le congrès, mais à ses yeux le projet n'aAait pas de

portée sérieuse, et il l'avait ])romy)tement mis de côté. L'évêque


d'Ischia, l'"ili]»po Cilieri, <jue Lorraine et l'arclicN étpie de l^ragiie

lui conseillaient de déléguer pour cette alïaire auprès de l'empereur,


ne <piitta |ias le concile, où le ]>remicr président a\ ait toujours besoin
de lui. D'ailleurs, le 3 novembre, Horromée prévenait les légats que,
d'a]irès certains bruits cpii couraient '^,
renq)ereur et le roi des
Romains répugnaient au congrès ])rojeté. (^uant à \ isconti, il avait

pour mission d'amener le (^athoIi«pie à favoriser les décisions de


l'assemblée, en ayant pour agréal)lc »pie le jape le terminAt <(uand
et conmie il le jugerait à propos. Il s'était mis à j'irnvre et avait à

peine obtenu fpielque résultat, que cette issue était un fait accompli.

La XXIV' session du concile de Trente (jeudi 11 novembre).

Les légats, en efTet, ])réci]'itaient les discussions, pour assurer


un règlement le jour «le la Saint-Martin. Le novembre, Moronc con-
lui la commission de réf«>rme et
\«»cpiait chez lui comnmniquait le

sommaire des derniers débats, potir (pi'elle en tirAt le décret défi-


nitif. Lt
l'ajourna au lendemain j>our la congrégation préparatoire.
il

('>e
jour-Iù. d«' bon matin, le collège des légats délibéra a\ec les deux
cardinaux, les patriarches et les notables du concile sur les tr«»is

points q»ii faisaient la


dilliculté en matière de réforme. D'abord
réserve sah'a nuctoriiate S. Sedis, «pie Lorraine et d'autres jugeaient
inutile, comme faisant double emploi avec celle insérée aux articles
de réforme dans la vii« session .sah'a sewper in omnibus Sedis Aposto-
:

licae auctonlatr. Le cardinal insistait d'ailleurs pour sa thèse favo-

1. Ci-drgsus. p. 029-930; voir Pallavicini, ihid., § '2, et ifs instructions à


Visronti.
2. Gia ha*rmn odorr. Susta, p. 376.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 963

rite, qu'elle fût renouvelée dans un acte confirmatif des décrets


conciliaires, acte que l'assemblée émettrait avant de se séparer.
L'assistance finit par se ranger à ce parti.
Pareillement pro bono pacis, la majorité, sur le chapitre cinquième :

les procès criminels mettant des évêques en cause procès qu'il



réservait au pape
— sacrifia l'adjonction non obstantibus quibus-
cumque consuetudinibus aux réclamations des ambassadeurs, qui

plaidaient en cela pour les privilèges de leurs


souverains et les cou-
tumes nationales. Il fut admis par suite que le pape pouvait auto-
riser certains princes et certains États à retenir le jugement de ces

procès, selon un privilège qu'ils avaient


exercé jusque-là.
Au sujet de la troisième difficulté, le règlement du conflit sur le

droit de proposition, la situation était celle-ci le pape désirait que:

l'assemblée prît l'initiative d'attester que l'Église enseignante res-


tait en étroite union avec son chef, dans l'exercice de leurs droits
et prérogatives respectives, que cfelles-ci n'avaient souffert aucune
atteinte et ne se contrecarraient nullement les unes les autres. Il

avait manifesté ce désir par le bref du 8 mai, dans lequel, en suite


de son accord avec Philippe II, il affirmait que la formule propo-
nentibus legatis ne causerait jamais de préjudice, à l'indépendance
d'un concile. Les légats devaient en faire la déclaration en session,
ou bien en congrégation générale, comme ils le jugeraient à propos,
et certifier aux ambassadeurs, aussi bien qu'aux Pères, que tout se
passerait toujours selon les canons et la discipline ancieime. Et nous
avons vu que le roi d'Espagne reçut un bref analogue.
Pendant plusieurs mois, les légats ne trouvèrent pas le moment
opportun de prendre une décision. Puis le pape, après la rupture
avec les Français et sur les menaces réitérées du comte de Luna,
leur laissa le choix entre les cinq rédactions de bref expédiées le
15 octobre (ci-dessus p. 948).
Ils choisirent la moins embarrassante et, après avoir attendu
en vain que le comte daignât l'admettre, la firent dresser en une
déclaration jtar l'auditeur de la Rote, Paleotto et l'archevêque de
Rossano. Ils soumirent le projet le 9 novembre à la con^mission
de réforme, comme un progrès de plus que le pape assurait à cette
la

réforme. Il n'en fut pas davantage question pour le moment, et les


commissaires entreprirent aussitôt l'examen des vingt et un articles
bien avant dans
qui pressaient davantage, et travaillèrent jusque
la nuit, sans aboutir sur tous les points en litige.
Les légats ne perdaient point de vue la congrégation préparatoire
9<)''i i.iv. i.\i. CONCILE Di: iMi. IN i:r hi.maih. la iioi.iquk i

(lu li>iul«Miiaiii. Ih n'-iinireiil au matin uiic dcriiirro rniifrrpiu'e de


notables et Inir exposèrent les trois (iillit-iilti's
(pu arrrtaienf tou-
Verallo, a\ail |iarfois des \cllritrs d'indé-
jours tout '. I^e l'urial ipii

pendniice, rcclnnin soudain copie des cliangenicnts «po- la foimiiissicui

avait inlli^'és au texte en discussion, cnntra nuijomn jnirti'ni mentis


Patntin, ju'étentlait-il.
Moroin-
(pTà la vrille de la
lit
reinarcjurr
session le nu)inent n'était plus aux pratiipies entre les l'ères et que
ceux-ci devaient voter ]iar simple pUiot. An hont d'une heure, les
assistants se retirèrent ajirès un échauffe de vues ipiclconque, lais-
sant les légats en tète à tète avec la commission de réforme. Paient to
lut alors un mémoire sur les trois tlillicultés persistantes, puis la dis-

cusion revint à la réforme générale.

On écarta d'abord un jinragraphe concernant les ])rocès criminels


des clianoines, objet principal de leur conilit avec les évéïpies, et qui
a\ ait jirovoipn'* des orapes avec le cotirroux du roi Catholirpu'; sur
lui portail le mémoire adiessé au concile (ci-dessus p. 027}, (|ue le

comte de I.nna avait arrêté a\"ee un sans-gène scandaleux. La dis-


cussion s'envenima, parce que le ra])portcMr l'aleotto a\ait cru
inter]>réter la ]iensée de la con>mission, en réservant aux ordinaires,

d'après des coutumes immémoriables, les cas plus graves, que les
accusés peu\«Mit arrêter en faisant défaut, atrocinrrs ni fjinhiis
tinu'litr fiiga, contre lesqu<'ls par suite il faut procéder sommaire-

ment et juscpi'à la déjiosition. Les Espagnols eux-mêmes étant en


désaccord, ce fut une mesure de prudence d'abandonner l'article.

Sur le chajiitre vingt et unième, devenu le vingtiènn- |iar la fusion


di-s articles quatrième et cinquième, la
majorité slifuda que l'ordi-
naire jugerait toutes les causes diocésaines, même bénéjiciales, en

j>reinière instance et dans le délai de deux ans. sans qu'il fut |)ermis
h n'inqiorte <pii d'évoipicr l'airaire, en dehors du jtape. Celui-ci par
contre fut autorisé à le faire ex urgente rationahilique causa et ralionr
nnhiliuni personarum. Les archevêques d'Otrante et de Rossano
firent ajouter la mention des causes qunesecundum ranonicas sanc-
lianes apud Sedem Apostolicam \iinf trarlandae.
\ inrent ensuite les chajiilres ((uatre et i
in«(. ipii furent réunis,
]»arce qu'ils se rapportaient l'un et l'antre aux causes criminelN's
des évêques. Les causes mineures furent attribuées au synode ]»ro-
vincial. c'est-à-dire à ses délégués et la comnnssion supprima défi-

nit ivemenl la résers'e non obstantihus quihusruiuque con.suetudinihus,

I. Conc, p. 957-938.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 965

ce qui permettait au pape de régler avec les princes le maintien


du privilège, en vertu duquel ceux-ci jugeaient les causes graviores
quae depositione aut privatione dignae sunt le quatrième article les :

réservait en principe au souverain pontife ou à ses délégués.


Cela était pour l'Église gallicane pour les Espagnols, il fut admis
:

que les évéques insulaires, au delà de la mer, transmarinos quihuscum


imminenti periculo transfretandum est, se feraient juger sur place
par délégation du Saint-Siège, après entente avec les pouvoirs civils.
Puis cette incidente, en faveur de l'Église naissante de l'Amérique
espagnole, fut supprimée comme inutile décision générale, par
: la

elle-même, laissait au pape toute latitude de régler ce point parti-


culier comme les autres.
La commission, comme les légats, activait le travail de son
mieux. Ils en avaient les moyens : à l'aube de ce même jour, 10,
arrivaient des lettres de Rome
qui approuvaient la marche à suivre
pour terminer le concile, marche tracée dans un mémoire que Morone
avait récemment envoyé ^. Le collège agissait d'ailleurs de concert
avec le cardinal de Lorraine, qui avait indiqué cette marche, et
se faisait fort de la diriger. Il
proposerait en assemblée générale
de remettre au pape le règlement des questions, doctrinales non
abordées, ainsi que le complément de la réforme. Avant de s'adres-
ser au concile, il
s'appliquerait à gagner les Impériaux; les légats
se chargeraient des autresambassadeurs avec le concours du pape.
Ils certainement une majorité, qui laisserait les
se feraient ainsi

Espagnols se débattre en vain dans leur système d'obstruction, en


attendant le résultat des négociations de Visconti auprès du roi
Catholique.
Ce dernier point devait arrêter le concile un certain temps, pen-
dant lequel il serait réduit, une tenue, à se préparer
fois la session

pour le mieux une conclusion honorable. Les légats mirent tout de suite
lecardinal de Lorraine au courant des dernières réponses de Rome; il

accepta sans trop de difficulté le rôle qu'ils voulaient lui faire jouer.
Il fut convenu que les intéressés garderaient le secret le plus absolu,
jusqu'au moment où se présenterait l'occasion favorable de brus-
quer cette conclusion. En attendant, ils s'occupèrent uniquement
de la session.
La congrégation préparatoire eut lieu dans la soirée et fut mou-
vementée. Le concile en écarta tous les non-définiteurs, procureurs ou

1. Le 28 octobre; Susta, p. 376-377; Pallavicini, ibid., c. vu, § 16 17.


ÎM>r» lis. I.\l. CO.NCILE DE l'Ii; l\ Il RKSTAUR. CATHOLIQUE

tlu'-olof^icMs; I»* rardinal I losius s'ul)s«'iita aussi, releiui i»ar un accès


de fièvre, l^e »«MTétuire Mairo Latirco présenta le décret sur !<• sacre-
ment do maria};»', »mi dix cliapitrcs de doctrine a% ce douze canons
«•t un |trcaml>iilc : celui-ci étaldissuit, à aide des textes tradition-
I

nels, la nature et j'oiif^ine des li«'iis ronjupaux ainsi <|iie leur iiidisso-
lultilité.

Les cariliiianx de LorraiiM* et .Madni/./o n'adiiiirent pas deux aiia-

t lièines ; celui <jiii


allirniait la dissolution du mariage non consommé
par profession rdii^ieiise, et celui <|iii constatait l'incapacité des
la

relij;ieux h vœux solennels. Ainsi réa]i}>araissait incidciiunent la

question du mariage des prêtres. Le cardinal de Trente et quarante-


sept opposants contestèrent en «nitir I:i nnllilé des mariages clan-
destins; sept antres |irélals déclarèrent réserver pour la session leur
vote sur ce pouit .

Après la lecture des \


in^t articles de réforme, .Morone avertit les

Pères «pie, jmur enle\er aux héréti(pies tout prétexte de récriminer,


la commission avait ajourné à la clôture du concile la formule .sali'a
nuctoritnte S. Sedis. Elle la tenait d'ailleurs pour ac<piise. d'ajtrès les
opinions émises par la iMaj()rité des l'ères. Les deux cardinaux

approuvant le ren\oi, cent trois défiiiiteurs acce]itèrent contre «juatre-


\
in;rt8. Pour plus de sécurité. les légats firent dresser procès-verhal

du renvoi le lendemain, ])ar-devant notaire, avec attestation de


trois cler<s de la curie, dont le maître de cérémonies, Firmanus de
Rranchis ^
Le bureau iiassa ensuite aux \oles. Sur la réforme. l'arclicN ccjue
de (irenadc essaya de renouveler sa man(L'u\re de j)rotestation et
d'ajournement du 7 sejttemhre. mais Morone lui coupa la parole
par cette incisive cinglante Onines dicant Placet aul non placet.
: :

De son côté, Tévêque de derone. Arias (iallego, \ ieillard \énérablc


et digne de tons égards - ]MMir ses excellentes intentions, se |)ermit
d'axam-er ipi»' le décret n'avait pas été sullisamment discuté et
requit rajournement de la session à peine de nullité. Ainsi voyait-on

toujours poindre l'ohstruction espagnole.


Morone bondit et éclata « La
))roitositioii : était scandaleuse,
indigne d'un concile général celui ipii s'en faisait l'écbo méritait
:

d'être chassé de l'assemblée. C'était une snjirème audace de pro-

1. Conc. p. 959, 960 «t note 1.


2. Vrrchio d'otlima inirntione per nltro et di .singolnr bouta. Ihid., p. 962, note 2
(l'archovcquc do Zara).
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 967

tester contre ce qu'avait approuvé, sans la moindre


de nullité
réserve, l'unanimité des Pères, » Cette sortie ne plut pas à tous,
mais elle n'étonna personne elle ne s'adressait pas à un vieil-
:

lard estimé généralement, méritant, au-dessus de tout soupçon,


mais à cette coterie d'opposants quand même, dont les meneurs
étaient l'archevêque de Grenade et le comte de Luna. Un Esjta-

gnol notable et plus indépendant, l'évêque de Salamanque notait


cet état d'esprit de l'assemblée et félicitait le président d'avoir
arrêté par là ceux qui auraient été tentés de suivre le vieil évêque.
Morone présenta ensuite, comme chapitre supplémentaire du décret,
le vingt et unième par conséquent, une déclaration en laquelle
Sa Sainteté et ses représentants certifiaient n'avoir jamais essayé
sciemment de porter atteinte à l'indépendance du concile, ni d'inno-
ver —
pas plus que ne le feraient les papes à l'avenir en repre- —
nant méthode adoptée dans les anciens conciles pour traiter,
la

débattre et définir le dogme, la morale et la discipline de l'Eglise et :

cela selon la formule proponentibus legatis, placée en tête des pre-


miers décrets conciliaires du pontificat actuel. Ce texte, œuvre de
Paleotto, fut adopté sans difficulté. L'évêque de Feltre, Filippo
Campeggi, seul demanda son renvoi à la session suivante, tou-
jours sous prétexte qu'il était insuffisamment documenté. Morone
releva sa réclamation d'une manière indirecte, mais avec la sévérité

qu'il avait montrée envers d'autres Des Pères,


opposants : «

riposta-t-il, se tiennent trop facilement àdu concile et,


l'écart

quand ils y réapparaissent, pour donner un vote décisif, ils clament


cet incon-
qu'ils ne se sont pas suffisamment éclairés; ils éviteraient
vénient, s'ils remplissaient en tout temps leur devoir de prélats sou-
cieux de l'intégrité du concile. »
Lorsque la série des i>ota fut terminée, Morone proposa de fixer la
date de la session suivante, ajoutant que ce serait la dernière. Les
Pères en avaient parlé beaucoup, en avaient délibéré de toute façon
les derniers temps, et l'approche de la mauvaise saison les ren-
dait anxieux. Allaient-ils passer un troisième hiver dans les condi-
tions pénibles que connaissaient tous ceux, défmiteurs, théologiens
et membres du personnel inférieur, qui avaient affronté les deux

premiers? A coup sûr, cette considération tenait sa place, et non


minime, dans les soucis dominant le concile à cette époque.
Morone
avertit qu'il était de la dignité de l'assemblée de finir

par quelque décret important de réforme, même de dogme. Elle


gardait toute liberté de préciser son ordre du jour; il n'en proposa
968 Liv. i,\ i. c<»N«.iLi: DE l'ii: iv rr nnsTM-n. r ATuni.iorF,

pas moins la flAtiirr an jrudi après l;i f<lr dt; l'


liuniaiMiléo-Coucop-
tion. dcct'iiilu»'. (".rft«^ (latc rtail toiicertép <l ii\;iiu'o. selon la coii-
fmiir. ft les prcoccu])at ions «loni imiis ncikuis (!«• |i;iilt'r
i\\- «''talent

niillenuMit étrangères. Le Imrf'an se r('s«T\ ;iil .


;ijouta l'oratour.
li'aNuncer en il«' ittarilrr If joui- ii\«''. selon Li nécessité des ein^ons-
tanres.
I..I discussion snr la réforme se prolonj^ea au <lel;i de hnit henrcs
du soir (elle avait commencé à midi}, pai' nn incident «pii nécessita
lin donlde vote ', il
portait snr l<^ conflit entr»; ar<hevè(|nes et évê(jues
il
propos dn droit de \isite. I)ans le Irihnnal d'arliitrage qui avait
été constitné pour régler le lili^'e. j'archex èqne de Zara avait fait
statuer, en fa\eiir des évèqne.s, (pie la \isitc se rat tacherait au svnode
pr(tvincial. Mais la majorité se prononça contre cette décision en
assemblée préparatoire. T.e fut une snrjirise générale les archcvé(|ues :

Taxaient enqiorté «mi faisant dans l'intervalle une xigourense cam-


]>agne. Les é\ ètpies ne se découragèrent ]»as, malgré la défection de
beaucoup d'entre eu.\. Ceux de Naples protestèrent et obtinrent que
la session reviendrait encore à ce règlement. Ils se démenèrent si

bien pendant la nuit tpi'ils eurent gain do cause et firent rétablir le

premier vote.
Toiil préxoir (railleiiis (|ue cette session serait laborieuse.
faisait

Llle fui iirécédée, la \eiile et jus(prà la dernière heure, de longues

négociations entre les légats et les Itères, à la suite desquelles les


décrets, celui de réforme surtout, reçurent «piehjues améliorations. La
session fut du reste la plus longue dn dura une journée concile et

entière, de huit heures du matin à huit heures du soir. On en avait


écarté les théologiens et les témoins iu)bles: l'assemblée compta deux
cent trf>is définit eiirs. La séance s'ouvrit par l'admission d'envovés

dipN)matiques arrivés récemment. cou.\ de .Marguerite d'Autriche,


gouvernante des l'ays-Bas, de l'iorence et de .Malte. Le |>remicr,
l'évéque d'Arras. l'rançois Hicliardot, jirononça le discours d'ap-
parat, prit pour sujet l'évangile des noces de Cana et parla du
sacrement de mariage, en exlmrtant les Pères à l'entente sur tous
les j)oints de ce dogme importar>t. Ce n'était pas inutile, car le cat-
«linal llosins, toujom's absent, faisait présenter, ainsi (pie son con-
frère Simonetta. lUK^ recjuète par écrit, qui réclamait le renvoi au
pape de l'article contre les mariages clandestins.

I, Ci-«lc8»U!« p. 951-9r(2. l'.illavicini raconte If tail


j>iir
!<• m.Nui, livre XXIII,
chap. VIII, § 6-tO.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 969

Ils étaient appuyés par le cardinal Madruzzo, le patriarche de


Jérusalem et formaient, avec un certain nombre d'évêques, une
opposition de cinquante-cinq définiteurs, un peu plus du quart de
l'assemblée ^, Finalement, Morone proclama que le concile avait
voté la nullité des mariages clandestins, moins une cinquantaine
d'opposants, que la décision dernière revenait au pape, par mesure
de prudence, et il donna, avec son çotum, une cédule de renvoi par
écrit. Ses deux collègues avaient donc gain de cause !

Le reste du décret fut admis sans grande opposition. Les douze


canons frappaient les erreurs de tous les temps, accumulées par les
derniers novateurs, au sujet de la polygamie, contre le droit de

l'Église d'établir des cas d'annulation en faveur des vœux solennels


et des ordres sacrés, d'interdire les unions en certains autres cas,
comme l'adultère, ou bien une séparation prolongée. Ils définissaient
aussi la supériorité du célibat sur le mariage, la légitimité de cer-
tains cas de séparation entre époux, la prohibition des solennités
matrimoniales en quelques époques de l'année, enfin la réserve des
causes et procès aux juges ecclésiastiques.
Les dix chapitres de doctrine déterminent le.s empêchements
que l'Eglise peut apporter au mariage, pour les degrés de parenté
tout d'abord; le cinquième prononce la nullité des unions con-
sommées sciemment dans ces conditions. Les articles septième et
suivants règlent les mariages des vagabonds, des concubinaires,
interdisent sous peine d'excommunication d'imposer des unions

par la violence, et justifient la nécessité d'interdire les noces pen-


dant l'avent et le carême.
Le décret de réforme, qui fut ensuite abordé, réveilla les passions
et les débats allèrent jusqu'au tumulte. Les notaires ne purent suf-
fire à dresser le sommaire des opinions, et les légats durent faire
appel à deux suppléants ^. Les actes du concile enregistrèrent en
marge des déclaration de principes ou des doctrines d'écoles, de droit
canon aussi bien que de théologie. C'est ainsi que le cardinal de Lor-
raine réussit à faire insérer une protestation pour l'inviolabilité des
Les archevêques d'Otrante et de Grenade et treize
libertés gallicanes.
autres prélats renvoyèrent au pape les chapitres second, sur la tenue
des synodes diocésains, et cinquième, sur les causes criminelles des

1. Pallavicini, liv. xxiv, c. ix, § 1-5.


2. Conc, 994, note 2; 1000, note 1, etc.; Pallavicini consacre à cette discus-
p.
sion trois chapitres x, xi et xn.
:
970 I.l\. I.VI. CONCILE DF Pli; IV ET RESTAUH. CAlllt.IiyUR

évoques. L'uiiIicn OijUf (!•• Messine, Oaspar l'ervantès, remit en cause


les ii la risiilcnce et si^'iiala des cas dont le concile
emjiJ^cluMiuMits
avait été saisi, de l'évèché de Naiili en Lipnrie, qui
conini»' celui

n'avait pas d'atltiiinistiateur, parce qu'un niareliand de llènes, qui

trali(|nait en l'!s]ia{i;nc.
avait mis arrêt sur les re\enus. h projios
d'une pension de cent écns d'or «pi'il jtrétcndait lui être duc.
Le premier ])résidcnl constata néanmoins (jue l'unanimité était
faite, excepté sur les mêmes deuxième et (;in«[uième articles et sur
le sixième, des dispenses et absolutions é]tiscopales. Une dernière
rédaction de ces trois chapitres, duc à l'archevccpie de Zara, avait
recueilli une faihle majorité de cent vingt-deux, cent vingt et cent
dix-huit voix. Morcuie proposa de les revoir, de les amender, tout en
les tenant pour actpiis. l'^t, en elTet, la commission les reprit dès le

lendemain, puis, le l.'i novend>re, Paleotto ])résenta au concile un


nouveau texte, d'a|>rès les o]»inions données en dernier lieu. Le

3 décembre, les notaires ajoutèrent aux actes, avec le témoignage


assermenté des ipiatre légats, du cardinal de Lorraine et des deux
ambassadeurs ccclésiasti(|ues de l'enqiereur, la mention, que le

texte ])résent était conforme aux votes des Pères :


reformata capita
juxta s'uUi Potruni ^.

Le nouveau décret, qui complétait les précédents, c'est-à-dire


ceux des xxii*' et xxiii^ sessions, a\ait une tout autre jiortée dans
son enscMd»le. Sans doute, il n'atteignait ]'as les ]»rinces et laissait
le pape axec eux, notamment dans ses ra])j)orts avec
se débrouiller
les Ordiiuiires, à ])roiios de leurs procès au criminel et des autres

causes majeures ou en ai>pel. Ce]»endant le concile n'aAait j)a8 man-

qué d'opposer (juehpie digue aux em])iétemcnts du pouvoir sécu-


lier et de ses agents, <n:and ces al)us compromettaient la réforme

ù laquelle il visait. Le])ap<' y a\ail prêté son concours en j)ermettant


à l'assernblée de ne ]ias l'éjiargner, lui et son administration.
Ainsi premier, <pii détermijuiit la n.anière de choisir
le cliaj'itre

lesèvcques cardinaux, était plutôt un vœu <|ui lui était adressé,


et les

do consulter dans ses nominations le mérite et la cajiacité, avant


de tenir conq)te des exigences laïques. La \ isite du diocèse jirescrite

chaque année aux évêques (diajiitres m, ix et x, la ]»rédication


avec l'instruction des fidèles (chapitres i\ et vu certains autres
,

règlements de détail dans les paroisses et petits bénéfices (xiii, xv),


le« articles sur le ruiuul des dignités et les paroisses varantes fvvii

onr., Tri.l.. p. InO'.t-ldi


1. ( t. iv, I.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 971

et xviii), n'apportaient pas trop d'entraves à l'action en commun


du pouvoir pontifical et de l'Ordinaire il leur était facile de s'entendre
:

et d'esquiver les complications venant du dehors.


Plusieurs de ces règlements étaient susceptibles toutefois de sou-
lever des conflits entre le Saint-Siège et les puissances séculières,
celles-ci voulant appuyer ou régenter les autorités diocésaines; par

exemple à l'occasion des synodes, qu'elles permettaient, contrô-


laient ou interdisaient selon les besoins de leur politique. Par
contre pécheurs publics que le chapitre huitième mettait sous
les

la surveillance de l'évêque.les chanoines qui lui étaient subordonnés

pour une foule de cas (chapitres xii, xvi), qui le suppléaient à


la vacance du siège épiscopal (chapitre xv), enfin les accusés ou

plaideurs de toute condition et de tout caractère ne manqueront pas


de réclamer l'intervention de ces puissances contre les ordres ou les
rigueurs des autorités ecclésiastiques.

La marche à la clôture.

Le concile avait fait tout ce qu'il pouvait, c'était maintenant au

pape à faire le reste. Le soir même de la session ^, Morone rendait

compte, en dehors de la dépêche commune, des difficultés que les


légats avaient surmontées et de celles auxquelles ils avaient dû céder.
Pour certaines de celles-ci, ils s'en remettaient à Sa Sainteté, per-
suadés qu'elle arrangerait tout pour le mieux. Dans la lettre du 18,

qui proclamait sa grande joie pour le succès obtenu, Pie IV félici-

tait chaudement ne tromperait en rien l'attente du


ses agents : il

concile, ajoutait-il, pourvu que ce dernier se mît en mesure, avec


leur concours et selon le programme présenté naguère par le cardinal
de Lorraine, de terminer ses travaux promptement, dans une session
bien remplie ^.

Le Sacré-Collège unissait ses actions de grâce, non moins empres-


sées, à celles du pape; le cardinal Borromée en son particulier envoyait
à Morone le souhait réconfortant qu'il pût célébrer dans la Ville
Éternelle les solennités de Noël. Celui-ci ne demandait pas mieux, et
il n'avait pas attendu, pour marcher de l'avant, ces divers appels

1. Constant, pièce 125 lettre de Morone. La lettre commune, note 1 de cette


:

pièce, mentionnée par Pallavicini, ibid., c. x, § 1.


2. Susta. ibid., t. iv, p. 398-400; Constant, pièce 131.
972 Il\. I\l CONCILE DE Fil IN KT l|ESTAUR. CATHOLIQUE

lie Iliirnc. Dès li- liMidfiiiain «l»- la session, il s'aciordait a\ ec le t ardi-

iiul do Lorraine et les Impériaux pour «ii finir, dr la inaiiièr»' ijue

prévoyait stui mémoire du -S (x^tohre, <lii inniiitiil «juc les autres


ambassadeurs y «niiseiitaienl. Le romte dr lima lui-même, <|ui se

vovail isolé, se montrait conciliant et se rujitentail d'un romplément


de réforme, si l'on ne jugeait pas opportun d'ajout (i au dt»gine

i|ueli|ue perfeet ionnement.


I,r lendemain |.'5, le premier présidtiit ronvo(pia lu/, lui. autour i

de ses <-ollé;,Mies et des deux cardinaux, une oon^ré<2;ati(ui jirivée


dr \in}f1-eiiu| prélats tir toiilf natinn r\ Inir rxposa Ir
projjramine
qu'il venait de «'oneertcr avec ses alliés nou\t'an\. Il
présenta d'abord
une retpiéte, dans la»[uelle U' cardinal de Lorraiiw sollicitait la clô-

ture pinir la sessiiiii du !> dé«einbre. Sa Sainteté la désirait, ce que


personne rcin)icrcur et le roi des Romains de même, leurs
n'ijïnorait .

agents pouvaient lai tester. Le cardinal (ttiifia «pie son souverain

ne la désirait pas moins. |iour éviter la iiiim- d»- la l'rance, ne Gallia


m riiinam trahntiir '.

Il ne restait plus à régler (]ue quelcpies points de moindre impor-


tance, poursuivit président le : ainsi la réforme des jirinces qu'il
a\ait fallu dépouiller de toute sa force coercitive, omni verho sive vi
coercendi orhatuni -
:
<i
Ils ont fait le i^ossible, eux légats et aussi le

Cfuicile : ils sont des honnnes, iu)n des anges, hommes nonangeli. II

faut agir avec les princes comme avec les hérétiques, les ramener
au bien par de bons exemples, non j)ar des menaces, procéder en
tout avec sagesse, religion et mesure chrétienne, modeste et pie, chris-

tiiinr et »
pnidenlcr.
Le président lit al(»rs lire les articles de réforme qui restaient du
projet mis en o'uvre, depuis le vingt-deuxième jusqu'au trente-
cinquième, avec les modifications qu'y avaient imposées les récentes
réclamations de ces mêmes |)rinces. Le concile devait en tirer un
décret convenable.
Le cardinal de Lorraine développa ensuite le jirogramine concerté
avec le bureau il reprit le tableau des malh<'urs <le la France, dont le
;

|)ape s'était ser\i. ajouta-t-il. pour convaincre renq)ereur et le roi

Catholirpie de la nécessité dune proinjtte c<mclusion. Ils étaient

pressés d'ailb'urs. eux l'rancais. j|e retouiriei- en leurji.'ivs. Madruzzo

1. Dépêche des léRals, Susta.


p. 385-390; Conc. y. H»!', cl note 2; 1016 et
noir 6; Pall..viriin. I. XXIV, r. n.
'2. hnrmidam ri frrr Inaiirnt i-rrhnriim snniiin. au (lin- il"- Paleollo.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 973

et les autres personnages présents abondèrent dans son sens, Tarche-


vèque de Grenade lui-même. Les Espagnols réservèrent cependant
le consentement de leur souverain,
qu'il serait bon d'attendre,
objectaient-ils.
L'assemblée décida finalement d'accommoder les articles de
réforme en restreignant au possible les abus en matières mixtes,
sans irriter les princes. Elle compléterait la doctrine des sacrements
par quelques points secondaires de discipline, notamment le purga-
toire, le culte des saints, les reliques, les indulgences, etc. ; elle devait

dissiper les doutes que les novateurs avaient élevés contre eux et
rassurer la conscience des fidèles, même sans espoir de ramener les

premiers, selon la juste remarque de l'archevêque de Grenade.


Le lendemain 14, après une autre conférence avec le cardinal de
Lorraine, qui insista sur le culte des images, les légats convoquèrent
encore quelques notables et leur annoncèrent que, pour en finir
le concile ne
plus promptement, s'occuperait plus que de trois points
de discipline, le purgatoire, les images et les indulgences «Les anciens :

conciles avaient statué sur leur doctrine, en même


temps que sur
d'autres questions secondaires; les définiteurs se borneraient à
rechercher les erreurs et les abus qui avaient provoqué les attaques
des hérétiques contre les premières. Ils désigneraient cinq Pères

qui, avec le concours d'autant de théologiens, étudieraient le pur-


gatoire; une commission analogue traiterait les deux autres points. »

Morone remplit immédiatement la formalité de désignation et


invita les nouveaux délégués à se mettre aussitôt au travail, à
fournir, en quatre ou cinq jours, une esquisse qui pût être établie
en congrégation générale.
Pour atteindre plus promptement leur but, d'en finir sans le
moindre retard, les légats, dans leur correspondance de ce jour-là
et des suivants, recommandaient les Pères
pauvres qui auraient
besoin d'un subside pour leur voyage de retour; ils envoyèrent la

requête écrite d'une dizaine d'entre eux Quant aux évêques à l'aise,
^.

ils sollicitaient du
pape, les Espagnols comme les autres, pour eux,
leur famille, leurs amis, leur diocèse une multitude de faveurs spiri-

tuelles, bénédictions, indulgences, facultés de tester, privilèges


de l'autel portatif et autres, décorations, insignes, unions de béné-
fices, etc. Jusqu'à la fin, ce fut de Trente à Rome une correspon-

1. Susta, p. 395 ;
voir à la suite la lettre de Morone sur le même sujet; Constant,
ibid., p. 387, noie 14.
974 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR, CATHOLIQUE

dance continuelle par l'intermédiaire des légats, du secrétaire, des


officiers du concile. Le Saint-Siège restait toujours le canal des

faveurs du ciel, et le pape, vicaire de Jésus-Christ, dispensateur des


secours sj^irituels, dont ces générations croyantes ne pouvaient se
passer.
Les légats ne considéraient plus la fin du concile simplement comme
proche, mais comme absolument certaine ^, tout obstacle étant
écarté : le comte de Luna lui-même paraissait céder. Ils s'empres-
sèrent donc de convoquer une congrégation générale pour le lende-
main 15. L'objet en était les articles de réforme qu'ils avaient arrê-
tés la veille : treize d'entre eux, nous l'avons
dit, reproduisaient
à peu près 22 à 35 du catalogue que les légats avaient écha-
la série

faudé si laborieusement, durant une bonne partie de l'année, et dont


lesPères avaient reçu un premier texte le 5 septembre. Ils en avaient
ajouté un quatorzième, tout nouveau, sous forme d'exhortation
aux princes, de respecter les décrets et canons anciens des conciles,
des papes et empereurs qui avaient fondé les libertés et privilèges
ecclésiastiques. L'article renouvelait ces décisions en bloc et enga-
geait à les observer et faire observer toute personne constituée en
dignité, tout d'abord les rois et les empereurs.
Le cardinal de Lorraine, qui parla le premier, plaida principale-
ment (il n'était pas le seul à Trente) pour les intérêts particuliers
de sa nation. maintien en France des coadjuteurs ou
Il sollicita le

suiïragants, indispensables aux évêques que le roi Très Chrétien


retenait à son service. Sur l'article suivant, le cinquième, de l'ad-
miaistration œuvres pies, hôpitaux, hospices, organisations
des

quelconques de bienfaisance, il était indispensable, selon lui, de pré-


venir les abus dont elles avaient à souffrir en ne conférant à leurs admi-
nistrateurs des pouvoirs que pour un an ou deux, pas davantage.
Ils n'auraient pas les
moyens d'exploiter comme leur propriété les
biens de ces œuvres; mais, par contre, n'auraient-ils pas la ten-
tation de s'enrichir à leurs dépens ? L'amendement fut d'ailleurs

appuyé par le cardinal Madruzzo et d'autres Pères les légats crurent ;

y répondre suffisamment en limitant à trois années la durée de ces


pouvoirs.
Le Français ne manqua pas de proclamer à la face du concile,
et pour lui assurer une
publicité officielle, l'idée qu'il poursuivait
avant même son voyage à Rome, la confirmation pontificale de

1. Voir leurs expressions, Susta, p. 389, le 14 novembre.


CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 975

toutes les décisions prises, confirmation qui serait reçue pieusement


en assemblée solennelle. A ses yeux, c'était une garantie de plus
pour les décrets, garantie qui, sans nul doute, enlèverait aux galli-
cans tout prétexte de contester certains d'entre eux.
Quelques Pères ne seraient-ils pas tentés toutefois de discuter
cette confirmation, au lieu de l'accepter comme un fait acquis, sur

lequel il n'y a^ ait pas à revenir ? L'incident était à prévoir. Les


légats sollicitèrent cette ratification, le 22 et le 25 novembre;
envoyèrent même une formule toute rédigée, que le pape pourrait
prendre en considération. Pie IV déclara, le i^*" décembre, se confor-
mer à la requête, pourvu qu'elle fût renouvelée collectivement en
assemblée générale, ce qui n'eut lieu qu'à la séance de clôture; le
débat fut éA ité et la ratification ne souleva pas de difficulté.
Les derniers articles de réforme réglaient les devoirs et la v ie des
clercs, raccom})lissement de leurs fonctions, touchait ainsi à des
parties essentielles de la discipline. Le groupe des réform.ateurs
intransigeants, dont larcheN cque de liraga s'était fait le porte-parole,
réclama par son intermédiaire des amendements sérieux :
princi-
palement pour certaines questions d'argent, telles que les
composi-
tions bénéficiales, qui revêtaient facilement les apparences de la
simonie; pénitences pécuniaires destinées à des usages pieux
les :

le supérieur qui les infiigeait, quand il ne les réservait pas en


entier ou en jiartie à ses œuvres, en retenait du moins quelque peu

pour couvrir les charges que lui apportaient les procès. Le })roblème

des pensions, qui entraînait aussi des abus di^•ers, de la part du

]iou\oir civil et des laïcs, aussi bien que de la cour romaine, fut
longuement débattu; toutefois majorité jugea bon de les main-
la

tenir, sur les instances de l'évoque de Modène et de plusieurs


autres Pères.
Les Espagnols firent chorus avec les partisans de l'archevêque de
Braga contre les réserves papales, qui s'étendaient à tout, ou peu
s'en faut. Selon ces réformateurs, à outrance, l'ordinaire devait
avoir toute faculté de résoudre les cas de conscience en matières
bénéficiales, de réviser les unions de bénéfices, de quelque durée
qu'elles fussent le concile provincial, de contrôler, de régler n'iirqiorte
;

quelle aliénation de domaines, n'importe quelle modification des


revenus. Dans l'ordre spirituel, il y avait beaucoup à redire sur la
vie privée des clercs, les concubinaires ne manquaient pas, et il
était à désirer qu'après une seule monition l'ordinaire les punît sévè-

rement, opinait encore l'archevêque de Braga.


976 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

La discussion dura six séances, de trois à cfuatre heures chacune,

jusqu'au Plusieurs
jeudi 18. définiteurs se plaignirent de l'insulfi-
sance des débats sur certains articles plus importants ils avaient
:

été examinés trop vite, précipités plutôt que discutés. Massarelli,


qui avait repris ses fonctions les derniers jours, après une interrup-
tion d'environ quatre mois, fut soupçonné, et son état maladif en
fournissait le prétexte, de n'avoir pas recueilli les fota avec une
attention suffisante, cuin soliia diligentia, de n'en donner que des
sommaires incomplets. En tout cas, ces sommaires attestaient une
grande diversité d'opinions^, et parfois pour d'infimes détails; par
exemple, vingt Pères environ requièrent que les princes, en témoi-
gnage de la déférence qu'ils devaient au caractère épiscopal,
n'obligent pas leur évêque à rester découvert devant eux, encore
moins à leur servir de caudataires.
Par contre, une majorité de cent trente définiteurs, sur à peu près
deux cents, adopta la proposition suivante du cardinal de Lor-
« Le Saint-Père sera
raine :
supplié de ratifier les actes du concile
avant la clôture de l'assemblée, c'est-à-dire avant la session du
9 décembre.» Il importait que les évêques fussent de retour dans leur
diocèse pour les solennités de la Noël. Cette ratification, insérée
dans derniers actes de l'assemblée, leur donnerait une valeur de
les

plus, surtout pour l'amendement des princes, dont le concile exi-


geait pourtant si peu. Celui-ci prierait aussi Sa Sainteté d'accorder
aux Pères, en dédommagement des fatigues endurées à Trente,
faculté de donner n'importe quelle dispense sur le sacrement de

mariage. Le maintien des coadjutoreries et le renouvellement annuel


des administrateurs des œuvres pies n'obtinrent par contre que
soixante-neuf et soixante-sept voix.

Discussion de certains détails de réforme.

Les légats tinrent compte des dernières réclamations, au risque


de ])rolonger l'existence du concile, et firent refondre le texte. Ils

mirent d'ailleurs en réserve premiers articles qui se heur-


les trois

taient à des difficultés spéciales, parce qu'ils avaient trait à la


réforme des cardinaux et à la visite des chapitres exempts. Massa-
relli établit le texte des six chapitres suivants, dans lesquels il était

1. Sommaire, dans Conc, p. 1031-1033.


CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 977

question des devoirs des évêques, des excommunications et des


décimes, points qui n'étaient guère moins difficultueux, mais trop
importants pour qu'on les négligeât. Le texte en fut distribué le 22.
Le 20, les Pères avaient reçu un autre projet, assez s})écial, qui
devait les embarrasser d'autant plus que les légats n'avaient pas

consulté à son sujet les généraux d'ordre, les premiers intéressés :

le plan de réforme des religieux et des moniales avait été confié, il

y avait assez longtemps, à quelques Pères qui le rédigèrent en trente

chapitres, dont sept pour les religieuses; ils les réduisirent ensuite à
vingt-trois, y compris six pour ces dernières, et la discussion en
commença le 23.
Ils étaient en général assez superficiels et n'atteignaient pas, il

s'en faut, l'essentiel d'une réforme indispensable. Avant tout, on


évitait par là de réveiller la vieille ({uerelle entre les évoques et les

ordres religieux, qui avait abrégé trop précipitamment le cinquième


concile de Latran, sous Léon X. Il est même probable que ce fut
cette préoccuj)ation «^ui détourna de faire appel aux lumières des

généraux d'ordre la commission prit ses mesures pour


:
que la
réforme ne compromît en rien leur autorité. Elle se bornait à renou-
veler d'anciens règlements tombés en désuétude, sur les trois vœux,
la clôture, l'élection des su]>érieurs, la visite des couvents et autres

devoirs des évêques envers les moines, le contrôle de la prédication


et du ministère des religieux eu dehors du couvent le tout n'avait :

pas de quoi éveiller les susceptibilités des supérieurs.


Cette ébauche ne satisfit pas les Pères, il s'en faut plusieurs d'entre :

eux en exprimèrent leur surprise à l'archevêque de Zara. qui avait


eu la principale ])art à cette rédaction. Le concile, de son côté, ne
mit pas beaucoup d'empressement à les amender pour le grand bien
et la perfection de la vie n^onastique ^. Les votes se succédèrent
fort rapidement en huit séances, juscju'au samedi 27, et n'ajoutèrent
à la réforme que des améliorations de peu d'im])ortance.
Le cardinal de Lorraine eut l'air de justifier le peu de portée de
cet essai de réforme, par la raison que les religieux n'en avaient

pas tellement besoin. Il ra]q)ela, afin d'étayer sa thèse, que trois


mille d'entreeux avaient péri, pour la cause de la vérité et de l'Eglise,
en martyrs, de la main des calvinistes dans les derniers troubles
de France. Il proposa même de dispenser de ces règlements certains

1. Non pare che se ne riscaldono molto. L'archevêque de Zara, Conc, p. 10'i7,


note 3.

CONCILES. — IX. — 32
978 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

ordres, dont sans doute la conduite était plus exemplaire que la vie
des autres : les feuillants ou cisterciens de France et les conven-
tuels.

Que ce fût j)ar lassitude ou dans l'impossibilité d'approfondir


la réforme (l'archevêque de Zara, dans son récit de ces incidents,
hésitait entre les deux motifs), les Pères n'insistèrent pas sur ces
articles. Et ce qrii les incitait à ne pas leur attribuer plus d'impor-

tance, c'est qu'ils eurent encore à les discuter avec les six premiers
chapitres de réforme générale, dont ils venaient de recevoir le texte.
L'archevêque de Hraga unissait étroitement, les confondant pour
deux réformes et allait jusqu'à réclamer, avec plusieurs
ainsi dire, les

autres, un rappel du décret par lequel le concile de Carthage, sous


saint Augustin, avait imposé aux évêques la vie monastique en
communauté avec leurs prêtres. Comme dispensateurs des revenus
ecclésiastiques, devaient, ils ajoutait-il, rendre compte de leurs

dépenses au concile provincial et les faire approuver scrupuleusement,


jusqu'à un sou.
En définitive, si les légats étaient pressés d'en finir, l'opinion les

approuvait généralement; et pour des motifs qui variaient beau-


coup. Les princes et leurs ambassadeurs n'avaient nullement les
mêmes que le pape et l'assemblée. La réforme qui s'imposait
à eux, il la comprenait mieux que personne elle leur faisait peur,
:

autant qu'elle embarrassait le concile.


Le 22 novembre, les Impériaux signifiaient, pour la deuxième
fois^, aux
légats que Pères n'en finissaient pas promptement,
si les

l'empereur et le roi des Romains, ne manqueraient pas de les rappe-


ler. D'autres ambassadeurs venaient à la rescousse, comme ceux
de Venise et de Portugal. Démarche d'autant plus extraordinaire
qu'à la congrégation particulière du 13, l'archevêque de Prague
avait encore apporté à la conclusion des réserves qui la retardaient
des semaines et des moi=> ^ tout un programme de travail, et même
:

un ordre du jour qui permettait de s'ajourner à plusieurs années


pour certaines de leurs parties. La question du
calice, que le noble

prélat remettait sur le tapis, pouvait-elle se résoudre au pied levé,

et le catéchisme qu'il réclamait, à l'usage des enfants et des igno-


rants, se rédiger en quelques jours ?
Refuser à l'empereur et à son fils ce qu'ils demandaient apparais-

1. Susla, p. 396-397; sur la réception faite par le pape à Requesens, p. 404-405,


2. Conc, p. 1011-1013.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 979

sait d'autant plus inopportun, que le comte de Luna reprenait sa


tactique d'obstruction et se faisait appuyer à Rome par le nouvel
ambassadeur d'Espagne, don Luis de Requesens. Mais le pai)e
n'en pressait que davantage les légats d'en finir à la première session.
Et eux, de leur côté, négociaient encore avec le cardinal de Lorraine
pour avancer celle-ci de huit jours, c'est-à-dire au premier jeudi
de décembre ^. A cette nouvelle, le comte jetait feu et llamme,
menaçait des foudres de son roi, brouillait les cartes. Lorraine décla-
rait que le concile pouvait attendre d'Espagne réponses et commis-
sions, si tel était le bon plaisir du noble Castillan; mais, une fois
passée la date fixée de la session, il s'en irait avec tous les Français,

Néanmoins, de concert avec les Impériaux, il manifestait à la

dernière heure désir qu'avant de se séparer le concile votât deux


le

petits articles, articoletti hrevi, sur le purgatoire et le culte des images,


Les légats avaient j)ris les devants dès le 14 (ci-dessus, p. 973), mais
ils se demandaient encore si, malgré recommandations de secret
les

absolu faites aux commissaires, quelque mal intentionné, souillé


par Espagnols, ne viendrait pas embrouiller le travail, en le
les

compliquant d'un débat de doctrine, alors qu'il s'agissait unique-


ment de redresser des abus. C'est qu'en réalité le projet avait passé
par des vicissitudes multiples, et, à cette date du 28 novembre, la
question n'avait pas été abordée à fond, il s'en fallait de beaucoup.
Elle remontait au 28 octobre ^. Ce jour-là, les légats proposèrent
un projet de réforme d'abus en vingt-quatre articles, (jui embras-
saient beaucoup de détails assez disparates sur les dogmes du pur-

gatoire, des indulgences et du culte des saints, etc.; en tant que ces
abus touchaient à l'ordre temporel, comme provenant surtout des
ou des magistrats qui les appliquaient. Cet empressement
lois civiles

à la réforme des pouvoirs temporels dut s'arrêter tout de suite


devant le \eXo (jue les ambassadeurs lui opposèrent. Leur résis-
tance prenant une attitude d'hostilité, le projet fut réduit aux trois
points de discipline, dont le concile poursuivait l'amélioration. Le
22 novembre, les commissions établies pour les examiner avaient
peu avancé. Les légats renoncèrent aux indulgences. Il ne manquait
pas cependant de Pères qui, dès le début, avaient exprimé le vœu
qu'elles fussent justifiées en quelque manière, plus par souci de la

1. Ihid., p. 412-414 (le 27 novembre), 420 (le 28).


2. Voir les Awisi di Trento de cette date, et les textes cités dans Conc., p. 906.
note 3; 1069, notes Set 4.
980 LIV. LVr. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

religion et dans l'intérêt de la piété, que pour le bruit que les pro-
testants faisaient autour d'elles, depuis Luther. En dépit des abus
dont elles étaient l'origine, elles n'avaient rien perdu de leur impor-
tance aux yeux des fidèles.
Les légats songeaient même à laisser tomber les deux autres
articles, toujours, et uniquement pour en finir sans retard. La com-
mission somnola queliiues jours, puis le cardinal de Lorraine vint
la aflirmait qu'il serait mal reçu en France, s'il n'y
réveiller : il

rapportait }>as un décret sur le purgatoire et le culte des images;


en tout cas, ii n'éviterait pas un concile national. Or il devait se
rendre sans faute à Nancy pour les fêtes de Noël, à l'occasion
(lu baptême d'un neveu ou cousin, de la maison de Lorraine,
solennité à lacpielle la cour de France devait prendre part ^.
Le comte de Luna s'était réveillé lui aussi, et recommençait,
])lustenace que jamais, sa campagne contre la clôture. Dans la
nuit du 27 au 28, il tint encore un long discours, })lus tumultueux

(jue substantiel -, pour convaincre les légats qu'ils ne pouvaient


pas renvoyer les Pères sans le consentement de son souverain « Les :

articles des indulgences et du purgatoire avaient besoin d'être discu-


tés à fond. » Dans la conversation qui s'ensuivit, il alla jusqu'à con-
tester l'assurance donnée par Morone, que l'empereur souhaitait
cette prompte Il ajouta qu'après le
fin. départ du cardinal de Lor-
raine, les ambassadeurs du roi Très Chrétien reviendraient à l'rente
et que les légats n'auraient de leur côté pas plus les Français que les
Espagnols. Il était donc bien résolu d'empêcher par tous les moyens
le départ des Pères.

A cette offensive, les légats auraient pu riposter que le roi Très


Chrétien venait de défendre à ses agents de reparaître à Trente
(ci-dessus, ]). 939) ils le savaient certainement par le cardinal
:

de Lorraine. Ils aux menées du comte


se contentèrent d'opposer
une assemblée de notables, qui, le lendemain 28, résolut à la majo-
rité d'en finir au plus tôt et à la date que les légats leur proposaient,

c'est-à-dire le 2 décembre, avec la réserve que la session promul-

guerait au moins deux décrets sur le purgatoire et les images. Un jour


après, le 29, .Morone choisit,
pour préparer l'acte, les archevêques
et évêques de Grenade, Braga, Prague, Lanciano, Ségovie, Modène,
Fùnfkirchen, Przesmyl (les })rincipaux de ces notables) et le Père

1. Conc, p. 1070, note 4; Susta, p. 321, 423.


2. Ibid., p. 415-419; Pallavicini, 1. XXIV, c. m, § 8-9.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 981

Lainez. Il fut spécifié qu'ils condenseraient les deux questions


dans un seul décret, et ils se mirent aussitôt au travail.
Le comte ne restait pas inactif pendant la journée du 29, et encore
:

le 30, il tenait des conférences secrètes avec les évêques espagnols,

puis avec ceux de toute la monarchie: cherchait même à suborner


certains évêques italiens, écrivait à son collègue de Rome pour que
ce dernier l'appuyât auprès du pape ^. Mais Requesens intervint

trop tard. Et, pour comble de sans-gène, le comte sollicitait une


audience du concile, sous prétexte d'y présenter une motion, puis
dédaigna de s'y rendre les Pères l'attendirent en vain quelques
:

quarts d'heure en séance, le soir du même jour.

Derniers incidents autour du concile.

Dans la nuit qui suivit, au matin plutôt, survint brusquement


une nouvelle qui démonta ses batteries, mais mit l'assemblée sens
dessus dessous. Une
indisposition du pape s'était aggravée soudain,
le 25 et le 26, en des accès de vertige qui donnèrent de sérieuses

inquiétudes; Borromée envoyait la consultation des médecins à


ce sujet et ordonnait, au nom de Sa Sainteté, d'accélérer la clôture
le plus possible. Le comte était déjà au courant, ayant eu la nou-

velle par lettres de collègue de


son Rome; elle se répandit
aussitôt, comme une traînée de poudre. Par ailleurs, les menées
de l'Espagnol avaient de moins en moins du succès, auprès de
ses compatriotes eux-mêmes, et de larchevêque de Grenade. Eux
aussi étaient pressés de partir et se montraient hésitants. Il réussit

jtourtant à ébranler Hosius et Navagero, mais, malgré leur atti-


tude indécise ^, Morone sut emporter la conclusion.
Le 1^' convoqua chez
décembre, il lui les cardinaux et les ambas-
sadeurs impériaux avec le comte et fit valoir les embarras sérieux

que la mort du pape au concile aussi bien qu'à l'Église


susciterait
romaine. Il proposa d'avancer la session; mais devant l'indécision
des diplomates (l'Espagnol se tenait sur la réserve), il les pria de
réfléchirencore. Les Impériaux consentirent finalement à une
avance de deux jours; quant au comte, il attendait toujours de son
maître une décision qui ne venait pas; en fin decompte,il se compro-

1. Susta, t. IV, p. 450.


2. Id., ibid., p. 426, 453-454.
982 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

mit jusqu'à présenter une lettre ancienne déjà, dans laquelle Phi-
lippe II s'engageait à garantir la liberté du conclave, en cas de

besoin. Et le noble j)ersoniiage })laida sérieusement la cause de cette


liberté au])rès de ses évêques et des Impériaux ^.
Morone avait. résolu de terminer tout, le samedi 4, ou le lendemain
au plus tard. Les légats en conférèrent, selon ce qu'ils avaient arrêté
la veille, avec les ambassadeurs, puis dans une assemblée extraor-

dinaire de quarante-cinq prélats. Les Espagnols et quelques Italiens


seulsappuyèrent l'opposition du comte, ce qui n'empêcha pas le prési-
dent de convoquer, grâce au blanc-seing que lui donna la majorité,
une congrégation générale pour le lendemain à deux heures du soir.

Il un petit discours, pour annoncer qu'il s'agissait de


l'ouvrit ])ar

promulguer des décrets tant de réforme que de discipline. « Les Pères


devaient parler en peu de mots, à cause de l'urgence du temps; ils
pourraient ensuite, s'ils le jugeaient utile, consigner leur opinion par
écrit entre les mains du secrétaire. Qu'ils n'aient en vue que la

gloire de Dieu et se rappellent qu'ils sont libres devant lui. Qu'ils


prient pour ceux qui troublent l'assemblée, qu'ils ne soient pas
châtiés, mais se convertissent ^. »
Après ce coup droit au comte de Luna, le secrétaire Laureo lut
deux décrets sur le purgatoire et le culte des saints. Morone reprit la
parole pour les expliquer et justifier leur insuffisance. Il se répandit
en éloges sur les mérites et les bonnes intentions des commissaires;
ilsn'avaient rien pu faire de mieux ^. En terminant, il se retrancha
derrière l'extrême nécessité des circonstances, qui ne permettait

pas de respecter les traditions conciliaires dans leur détail, ce qui


entraînerait une perte de temps notable. Pour le même motif, une

congrégation particulière avait écarté la veille un règlement eJi

plusieurs articles sur les indulgences, que l'archevêque de f^rago

apportait à la dernière heure ^. Les Impériaux avaient accepté cette


omission un peu malgré eux, et pour éviter le départ des Français.
Le cardinal de Lorraine, abordant aussitôt la discussion, ap})rouva
les décrets. Les avis qui suivirent furent courts en général et appor-

tèrent peu de contradictions Morone put certifier en conclusion


:

que les deux décrets avaient été adoptés à une grande majorité.
Le secrétaire communiqua ensuite un nouveau projet de réforme

1. Susta, p. 436 (les légats le l»"" décembre).


2. Qui conturhant vos non conterantur, sed convertantur. Conc, p. 1069.
3. iVi7î/7 sanctiiis,nihil melius statui potuisse. Ihid.
4. Conc, p. 1069, note 4; Pallavicini, ihid., c. iv, § 9,
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 983

générale, comprenant les treize articles anciens, que la commission


avait développés en vingt les uns expliquaient ceux de la session
;

précédente avec force détails; les autres y ajoutaient des détails


tout nouveaux. xMorone crut devoir d'abord en justifier les points
principaux « La xxiv® session avait laissé en suspens l'article cin-
:

quième de son décret de réforme, qui se rapportait aux exemptions


des chapitres, la majorité voulant retenir celles qui dataient des
origines ou se fondaient sur une coutume immémoriale. La commis-
sion avait donc introduit dans le nouveau décret un article sixième
qui réglementait le droit des Ordinaires de visiter et corriger les cha-
pitres exempts, tout en maintenant, en dehors d'exceptions prévues
et non contestées, la juridiction, l'indépendance et les droits de pro-

priété de ces chapitres, non obstantibus prwilegiis... et consuetudini-


biis etiam inunenwrialibua. Les Pères auraient à voter là-dessus
en toute liberté, selon leur conscience. »
Le secrétaire avertit l'assemblée qu'au décret sur les re.li>rieux qu'elle

avait en main, la commission avait adjoint pareillement un


21* article autorisant commendes, excepté pour les abbayes
les

chefs d'ordre; article qui exprimait en outre le vœu que le pape ne


conférât les autres qu'à des religieux, jamais à des séculiers, sur-
tout hiïcs. Pour gagner du temps, contiima Morone, les Pères allaient

donner leur avis à la fois sur l'un et l'autre décret.


Le cardinal de Lorraine réclama le maintien des exemptions,
telles que concile les avait réglées sous Paul III, sans toutefois
le

fixer ce point dans un décret spécial. Il fut suivi en cela par la majo-

rité, ainsi que pour la p-lupart de ses réserves et, ai)rès l'émission
des avis, généralement assez courts, Morone conclut que le plus
grand nombre des articles avaient besoin d'être amendés, à quoi
la commission allait procéder immédiatement. L'assemblée se sépara

\ ers huit heures du soir, et les légats mandaient à Rome, sans doute
]>our ne pas alarmer le pape, qu'elle s'était mise d'accord sur tout;
l'opposition n'était n enue que de quatorze prélats,
toiis Espagnols,

sauf deux Italiens n'avaient pas proposé la clôture du concile,


: « Ils

mais simplement recommandé aux Pères de prier cette nuit pour que
Dieu permît de la prononcer le surlendemain l'importance des matières ;

obligerait sans doute à prolonger la session jusqu'à cette journée *, »


Il y avait là quelque réticence il fut en réalité
question de congé-
:

dier les Pères à la fin de la session suivante : Morone les laissa libres

1. Susta, p. 438, le 2 décembre; Pallavicini, ibid., c. iv, § 12-14.


984 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTALR. CATHOLIQUE

de suspendre le concile, de le clôturer par une


le dissoudre ou de
session bien remplie. Il est évident
que ce dernier parti convenait
mieux à la dif^nité de rassemblée, de l'Eglise enseignante et du Saint-
Siège. Le jiremier président annonça ensuite que celui-ci et eux-
mêmes se déchargeaient sur le concile des conséquences de la déci-
sion ^. A la crainte d'une vacance s'ajoutaient d'autres motifs :

en retournant chez eux, les Pères pourraient, par leur présence,

empêcher les funestes effets d'un synode national.


Le comte de Luna se leva aussitôt, une jnotestation écrite à la
main, mais ne la lut pas, les autres ambassadeurs déclarant qu'ils
protesteraient aussi et s'en iraient, si le synode n'arrêtait pas la clô-

ture. Les légats prirent alors un moyen terme et renvoyèrent le débat


à la session, quand le concile aurait renouvelé, selon une requête

déjà ancienne du cardinal de Lorraine et de plusieurs autres Pères,


toutes les décisions antérieures, prises sous Paul III et Jules III.
Sur environ deux cent dix Pères présents, si l'on se reporte à la
liste des signatures de confirmation générale, treize seulement refu-
sèrent leur placet, à la suite de l'archevêque de Messine parmi eux :

les évêques de Ségovie et de Lerida. Les autres sujets de Philippe II

(ils étaient encore plus de cinquante, tant des Deux-Siciles que de


la péninsule ibérique, sans tenir compte de ceux plus indépendants
du Milanais et des Pays-Bas) se prononcèrent avec ensemble eu
faveur des légats, c'est-à-dire j^lus des deux tiers, ayant à leur tête
l'archevêque de Grenade et l'évêque de Salamanque qui, pour une
fois, marchaient de concert. Comme les légats du reste, ils ne virent
dans la dernière manœuvre du comte qu'une prudente retraite

diplomatic[ue.
La réponse fut d'ailleurs péremptoire Acclaïuaverunt : : Placet !
Morone recommanda ensuite la tenue qui convenait en ces circons-
tances solennelle^ : «
Que les Pères s'abstiennent de désordres e1

de manifestations contraires au sérieux des décisions qu'ils vont


prendre ^. » Pour leur donner le temps de se préparer, la session ne
commencera qu'à neuf heures du matin; il est à prévoir qu'elle
durera toute journée. » Les Pères se dispersèrent en grande émo-
la

tion, versant des larmes de joie et se félicitant les uns les autres de

pouvoir rejoindre enfin leur église, même sans avoir terminé leur tâche.

1. Sin minus cogilale, si qua mala ei'cnient, de iis vos reddere dehehitis ralionem,
lion autem nos legati et praesidentes. Voir le compte rendu, Conc, p. 1075.
2. Absti néant a lumultibus et ab lis quae non décent modestiam et sanctitalem.
Ibid,
CH. II, LA CONCLUSION DU CONCILE 985

Les commissaires pour la réforme se réunirent donc chez Simo-


netta et débattirent encore leur projet jusque vers minuit. Ils avaient

convoqué les Espagnols, qui s'entêtaient à rejeter les exemptions

des chanoines. Guerrero et l'évêque de Ségovic se déclarèrent irré-


ductibles, mais c'était leur habitude. L'entente se fit néanmoins
et, grâce sans doute au canoniste Paleotto, que les commissaires
avaient appelé à leur aide; mais elle fut facilitée par deux nou-
velles qui survinrent coup sur coup et impressionnèrent les Espa-
gnols, au point de briser leur opposition. La première courait déjà
sous le manteau, et il se })eut ((u'elleait déconcerté le comte de Luna.
L'ambassadeur Requesens, en lui annonçant la maladie du pape
le 26, lui rappelait qu'en cas de mort il devait travailler au concile,

selon les instructions déjà anciennes de leur maître, à ce que le

Sacré-Collège restât tout à fait libre dans le choix de son successeur ^.


Nous avons ^u comment le comte avait arrangé l'incideiil à sa
manière (ci-dessus, p. 981-982).
L'autre nouvelle, arrivée le soir à dix heures, pendant les dis-
cussions chez Simonetta, fut l'annonce d'une amélioration sensible
daJis la santé du pape. Il n'y eut ])ersonn.e qui ne s'en réjouît : les

Espagnols montrèrent plus conciliants et firent quelques conces-


se
sions à leurs chanoines. Vers minuit, l'entente se fit sur un texte

quelque peu vague, et l'assemblée se sépara ]>our se préparer à l'acte


décisif du lendemain. Par le même courrier, Pie IV mandait aux

légats de ne pas différer la clôture d'une heure il l'écrivait de sa :

main, en assurant qu'il accorderait toute confirmation désirable,


pourvu que le concile eu exprimât le vœu. Dans les circonstances
])résentes toutefois, il était impossible que cette confirmation arri-
vât en même temps que la clôture, et l'assemblée ne pouvait se mettre
en permaneiice pour l'attendre.
A vrai dire, tout le monde voulait en pronqitement, même finir

le comte espagnol qui ne songeait plus qu'à se tirer d'embarras

a\ec honneur. Après la congrégation générale, il avait sollicité un


simple répit de vingt-quatre heures, persuadé, disait-il, qu'il se pro-
curerait dans l'intervalle le moyen de coopérer à la clôture ^. C'était
toute l'échappatoire qu'il avait pu imaginer (après ses nombreux
colloques en cachette avec tant de personnes), pour modérer l'impa-

1. Susta, p. secrétaire Galli à Morone, Rome, 29 novembre.


439, le

2. Sperera di proponercilai cosa che potressirno finir il concilio di concordia. Ibid.,

p. 438, le 2 décembre. Il faisait allusion à la prétendue dépêche de Philippe II


qu'il attendait toujours, et qui ne venait jamais.
986 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

tience de ses évêques, pressés de partir comme tous les autres Les !

consentir et prolongèrent la session


légats ne firent ]ias diliiculté d'y
en une seconde journée.
Plus que jamais, l'esprit de conciliation animait l'assemblée,

encouragée par l'espoir certain d'en finir bientôt, dans la persua-


sion, i)aitagée généralement, que le pape, revenu en bonne santé,
aurait letemps de parfaire une œuvre qui n'était qu'ébauchée, de
la transmettre du moins en bonne voie à son successeur; celui-ci
ne manquerait pas de la poursuivre jusqu'à son achèvement. Il

importait surtout qu'elle fût mise en marche, tout de suite après la


dispersion des Pères, au moins pour les parties qu'ils n'avaient fait
qu'entamer la réforme des princes, l'index des livres qu'ils avaient
:

abordé à plusieurs reprises et qu'ils avaient fini par renvoyer à


Rome; la Vulgate à fixer pour établir les règles de
version de la

l'enseignement théologique et de la litugie et, conséquence nécessaire,


son impression; puis celle d'autres livres qui s'y rattachaient, et
dont le concile n'avait pas à s'occuper, livres de prières et de litur-
gie, missel, non moins urgente
bréviaire, martyrologe, etc. Enfin
était la rédaction du catéchisme que l'empereur réclamait. Il en
avait été ])lusieurs fois question à l'assemblée, comme d'un complé-
ment indispensable, d'un sommaire des définitions nouvelles qu'elle
avait dictées aux fidèles.
Le concile de Trente avait donc conscience que son œuvre n'était
pas terminée, il s'en fallait, mais aussi confiance que le vicaire de
Jésus-Christ la compléterait et l'achèverait. Cette disposition d*esi)rit

explique certaines circonstances qui semblent mystérieuses, comme


l'attitude complexe, presque contradictoire des Es})agnols et de

quelques autres opposants, la tactique du cardinal de Lorraine,


j)ressé de retourner à la cour de France, où il sentait que son étoile
d'homme politique pâlissait. Or celui-ci pesait sur tous et par tous
moyens, pour que le concile aboutît tout de suite. Et à cela Pie IV
avait su le
préparer de son voyage à Rome.
lors

Morone, au courant mieux que personne de ces dispositions, en


profitait avec sa diplomatie encore })lus romaine qu'italienne,
préoccupé avant tout de répondre aux désirs du pape. Il avait toute-
fois à compter avec les imprévus que les manœuvres espagnoles
pouvaient toujours faire surgir, et il eut soin de précipiter les événe-
ments le ])lus promptement possible, de mettre l'opposition en face
du fait accompli.
CH. H. LA CONCLUSION DU CONCILE 987

La XXV^ session du concile de Trente. Première journée


(3 décembre 1563).

Le vendredi 3 décembre, de grand matin, il convoqua dans ses


a])partements, avec ses collègues, les deux cardinaux, l'archevêque
de Prague et l'évèque de Fiinfkirchen à titre de témoins, ainsi que
deux autres ecclésiastiques, un prêtre et un simjile clerc. Sur son
ordre, les notaires de l'assemblée dressèrent un acte de clôture et
le firent signer ]>ar ces témoins. Il ne restait plus qu'à le compléter
avec les décrets en préjiaration, ce qui assurerait la solennité requise

pour la conclusion d'une assemblée de l'Église enseignante univer-


selle.

La xxv^ session de Trente s'ouvrit à l'heure convenue, neuf heures


du matin. Les deux secrétaires étaient à leur poste Massarelli, :

dejtuis sa réapparition le mois précédent (ci-dessus ]). 976) était


resté fidèlement à son poste. Les notaires en titre reçurent le con-
cours de deux suppléants. La messe pontificale fut chantée par
l'évèque de Sulmona (dans la partie nord des Abruzzesi. Pompeo
Zambeccari. Le discours d'apparat, en" belles j)ériodes oratoires,
que prononça l'évèque de Xazianze. coadjuteur de Famagouste, le
Vénitien Girolamo Kagazzoni, un autre oracle du concile, laissa
une inqu'ession durable, qui se prolongea et se multiplia par des
j)ublications réjiétées de l'œux re. Elle le dut surtout à l'éloge enthou-
siaste, ([ue présenta l'orateur, des trois pontifes auxquels le concile
devait son existence; le tableau des dillicultés sans nombre que les
Pères avaient surmontées y faisait pendant à celui non moins
enthousiaste de l'œuvre accomplie à la glorification de l'Eglise
catholique.
Les décrets sur le purgatoire et le culte des saints, que promulgua
ensuite prélat oiliciant. ne rencontrèrent quelque réserve
le que de
la part de deux évêques, assez indépendants, ceux de Monte Marano
(Antonio Gaspar Rodriguez de Saint-Michel) et de Guadice (Mel-
chior de Vosmediano), qui s'abstinrent, en regrettant que les décrets
eussent été discutés trop précipitamment. Morone constata l'una-
nimité et s'écria : Deo gratias ! Et les Pères firent chorus avec non
moins de satisfaction.
Par contre, les vingt-deux articles sur les réguliers, même les
vingt de réforme générale se heurtèrent à de nombreuses réserves
de la part des archevêque de Messine, de Braga et autres défini-
988 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

tours, du légat llosius lui-même. Les plus sérieuses attaquèrent


l'abus des commendes, le droit de propriété reconnu aux ordres
mendiants. A projjos de l'article quatorzième du premier décret,
une quarantaine de Pères opinaient qu'un moine vagabond, en fraude
hors de son couvent, devenait par le fait justiciable de l'Ordinaire.
Un pareil nombre rejetait le chapitre vingt et unième, ({ui main-
tenait les commendes. Morone n'en })roclama pas moins que la
majorité présente suffisait pour assurer la définition de ce premier
décret.
Dans la presse du temps, le bureau avait supjiléé de son mieux à
la faiblesse de son décret sur les réguliers. Il n'avait pas jugé à pro-
pos de séparer les congrégations de femmes de celles d'hommes,
mais avait nmltiplié les détails, et ajouté un nouveau chapitre,
classé le vingt-deuxième, prescrivant la mise en pratique immédiate
de ces règlements. La réforme réglait les devoirs et l'élection
des supérieurs, leurs rapports avec les inférieurs et les évêques; le

droit de visite de ceux-ci, en quel cas, dans quelles conditions;


l'exercice de leur juridiction comme délégués du Saint-Siège sur les
monastères de femmes à vœux solennels. Le droit de propriété
pour les communautés et les couvents, la clôture des religieuses,
leurs confessions et autres détails du même
objet se trouvaient dis-
persés à travers cet ensemble. Les derniers chapitres étaient consa-
crés à l'admission des postulants, leur âge, la liberté et diverses
conditions requises, le tout sous le contrôle de l'évêque. Le chapitre
vingt et unième recommandait, nous l'avons vu, de choisir les supé-
rieurs autant que possible parmi les réguliers et interdisait la com-
mende pour les monastères chefs d'ordre.
Le décret de réforme générale })résentait pareillement un ensemble
de détails pratiques, et il évoluait sur un terrain moins glissant,
d'où l'imanimité avec laquelle il fut adopté, malgré les réserves
faites par quelques-uns. Il revenait aux cardinaux ainsi qu'aux
grands dignitaires de la curie pour leur rappeler la vie simple et
frugale qu'ils devaient mener; les autres articles essayaient de réta-
blir les mœurs anciennes. Ce n'était pas sans peine, nous l'avons dit,
Tjue le concile avait arrêté le sixième sur la visite des chapitres

exempts, le huitième sur l'adn^inistration des œuvres pies, le ving-


tième, recommande aux princes le respect des privilèges et libertés
cpii

ecclésiastiques. Le concile règle le bon usage des excommunications,


le de patronat, la location des biens ecclésiastiques, le res-
droit

pect des dîmes (art. 3, 9, 11 et 12), supprime les accessus et les


CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 989

régressas (art. 8), en réservant toutefois le droit du pape, de les


autoriser, de même que, dans la session xxiv, il avait supprimé les
mandata de proi'idendo, les expectatives, les réserves (chap. xix,
De reforrnatione, de cette session).
Le décret n'omettait pas des usages moins importants, comme la

répartition des messes qui seraient en excédent et celle de la quarta


funeraliuni, usitée en certains pays; ni en général certaines trans-
formations que le temps pouvait opérer dans les bénéfices (chap. iv,

XIII, xvi). Il
poursuivait les clercs concubinaires, les bâtards de

prêtres, les duellistes (art. 14, 15 et 19). Kn plusieurs articles,


il déterminait moindres détails susceptibles d'assurer l'accom-
les

plissement exact de ces prescriptions (2, 5, 18); enfin il revenait


sur les droits et les devoirs des évoques, leur recommandant la
tenue et la dignité de vie, surtout de ne pas s'abaisser en public
devant les officiers royaux, les courtisans et les laïcs d'un rang
supérieur (10 et 18). A la fin de ces règlements, entre lesquels il est

difficile d'établir un ordre positif, un chapitre su{)plémentaire, le

vingt et unième, réservait formellement les droits et prérogatives


du Saint-Siège en toutes les décisions que le concile avait arrê-
tées, sous Paul III et Jules III comme sous Fie IV.

Après ces diverses promulgations, le président entonna le Te Deutii,


et la session futajournée au lendemain à la même heure, puis les
Pères se dispersèrent vers trois heures et demie du soir. Un des
correspondants du cardinal Farnèse, l'évêque de Nicastro, enton-
nait, au sortir de cette séance mémorable, un chant de triomphe
en l'honneur de ceux, comme rarchevêfjue d'Otrante, Pieranto-
nio da Capua, qui avaient assuré la victoire de Rome. « Ils ont
arrêté une grande inondation, écrivait-il, et rendu de signalés ser-
vices ^. »

Deuxième journée : clôture du concile (4 décembre).

A dernière heure, sans doute dans la soirée qui suivit ou dans


la

la nuit, plusieurs Pères revinrent à la charge pour que le décret des

indulgences fût maintenu. Une majorité se dessina en ce sens et


le président céda, bien qu'il ne fût pas de cet avis. Il fit dresser un

1. Hanno sostenuio una gran piena (débordement) et fatto sigiialatissimi seri'izii.


Conc, p. 1079, note 2.
990 HV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

nouveau texte, ]>uis les Espagnols apportèrent leurs objections. Le


comte lança l'évoque de Salanian((ue, dont l'ascendant tenait à
son caractère indépendant non moins qu'à son savoir. Lui et quelques
autres réclamèrent la suppression dans le décret d'un passage qui
interdisait de taxer les indulgences et toute tentative d'en suspendre
les Lulles ^;démarche politique, au bénéfice du roi d'Espagne, qui
usait, abusait de ces procédés, surtout en manipulant à sa guise la
bulle de la croisade. A Arai dire, les Espagnols étaient divisés :

les évoques de Ségovie et Barcelone par exenq^le appuyaient la

requête ot le comte en faisait une afî'aire d'Etat, comme de tout


d'ailleurs.
Les légats ne voulaient pas se montrer intraitables et convoquèrent
le concile en congrégation générale, le matin à huit heures, pour
résoudre le cas et dégager leur responsabilité. Après la lecture du
décret, Morone avoua qu'il n'avait pas à changer sa manière de
« A cause de sa
voir ajourner la matière à des tem|)S meilleurs
: :

comjtlexité et de son importance, elle réclamait une décision appro-

foJidie, longuement préparée. Mais il n'émettait qu'une opinion


j)ersonnelle,n'engageant ni ses collègues, ni surtout la liberté de
l'assemblée. » Les autres légats gardèrent le silence et le cardinal
de Lorraine, prenant la ])arole, appuya fortement le décret, longa
coniprobm'it oratione. Il entraîna la majorité une vingtaine de :

Pères seulement plaidèrent pour le texte que l'agent espagnol avait


proscrit. Ce petit succès fut pour lui une satisfaction d'amour-propre:
il ne s'opposa plus à la clôture, et son consentement tacite com-
pléta celui des ambassadeurs ^,

A même
congrégation, Morone communiqua jdusieurs actes,
la

que quelques Pères avaient recommandés comme pouvant être utiles


à la mise en pratique du concile. Le premier inculquait aux pas-
teurs du troupeau de Jésus-Christ le maintien de l'abstinence, des
jeûnes et fêtes établis par les conciles antérieurs. Ne fallait-il pas
restaurer ces pieuses pratiques de religion et de pénitence, plus encore

que de dévotion, salutaires à la chrétienté, et que les novateurs


avaient proscrites, entraînés par un soi-disant excès de zèle plus
ou moins désintéressé ? Ainsi la discipline ancienne se restaurait
jusque dans les détails.
Un autre acte de la session mentionnait le fameux index des

1. Prohibeatur siuipensio indulgentiarum. Conc,


p. 1106 et note 5, 1107.
2. Conc, p. 1110, note 3 (l'évêque de Nicastro au cardinal Farnèse).
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 991

livres prohibés, dont


concile s'était occupé depuis sa reprise sous
le

Pie IV, à la suite des travaux mis en train par ordre de Paul IV.
Une commission, que présidait l'archevêque de Prague, avait fonc-
tionné, nous l'avons vu, ébauché un programme, entrepris un tableau
de condamnations, qu'elle ne put achever, à cause des obstacles
auxquels se heurtait la recherche des livres incriminés. Les légats con-
seillèrent de renvoyer le travail au pape et à sa Congrégation perma-
nente de l'Index; celle-ci notamment avait à son service,
pour
construire un index, beaucoup plus de moyens qu'une assemblée
délibérante, qui ne siégeait que peu de temps.
jugèrent prudent de renvoyer de même au pape le projet de
Ils

catéchisme ou recueil d'instructions rudimentaires pour les enfants


et les ainsi que la rédaction et l'impression des livres
ignorants,
liturgiques, dont certains commissaires s'étaient aussi occupés, mais
à la hâte et d'une manière superficielle ^.
A la suite de ces décisions, qui traçaient ]>our ainsi dire le pro-
gramme complémentaire de l'œuvre du concile, un autre texte
revêtait la forme d'une déclaration, par laquelle le concile aflirmait
avoir toujours respecté les rang et prééminence que les souverains

revendiquaient d'a])rès les traditions anciennes; qu'il avait déter-


miné en ce sens la place réservée aux ambassadeurs. Il avait d'ailleurs
sauvegardé entière la prérogative du souverain pontife, d'accommo-
der les différends de ce genre qui se prolongeraient dans la suite.

Rome n'ignorait pas ces dillicultés :


embarras, que devait lui
les

apporter la compétition entre les njonarchies de France et d'Espagne,


ne faisaient que poindre à l'horizon !

Dans une dernière déclaration, <{uatrième texte ou décret, l'assem-


blée invitait les princes chrétiens à mettre en œuvre leur autorité
et toutes leurs ressources, pour faire respecter et observer ses décrets
sur le territoire de leur domination. Quant aux dillicultés, obscurités
et en général ce qui aurait besoin d'explication ou de complément,
le concile s'en remettait au pape son chef, de même que pour l'inter-

prétation et la mise en pratique: dût Sa Sainteté, si elle le jugeait


nécessaire, convoquer pour cela des conciles locaux dans chaque
royaume ou province.
L'adoption de ces divers actes prit une heure et la congrégation
se sépara, puis à neuf heures du matin, s'ouvrit la session supplé-
mentaire. Les mêmes actes, proclamés par l'évêque de Catane, le

1. Pastor, p. 299 et notes 2, 5, 7; 305-307; 313-314.


992 LIV. LVI, CO.NCILE DE PIE IV ET HESTAUR. CATHOLIQUE

sans difficulté. Vingt


Napolitain Nicolo Maria Caracciolo, passèrent
Pères réclamèrent toutefois le rétablissement, dans le décret sur
les indulgences, du passage prohibeatur suspensio indulgendaruni,
qui, le matin morne, en avait disparu, à la requête de l'évêque de

Salaman({uc,
Morone rappela que certains définiteurs avaient exprimé le vœu,
Il en
que l'assemblée confirmât toutes ses décisions antérieures.
était question depuis le retour du cardinal de Lorraine, car celui-ci
ne se relâchait en rien de sa campagne les Pères avaient été son- :

dés, cha])itrés, gagnés plus ou moins, et maintenant la précaution


leur semblait avoir beaucoup d'importance. Ce fut alors un long
défilé de lectures :
l'évêque de Catane, du haut de l'ambon, répéta
les décrets dogmatiques, dans leur entier, mais se borna au début
de ceux de réforme ou de discipline. Et, après chaque lecture, les
prélats s'écriaient Placet ! Placet ! sans en excepter les Français,
:

qui revêtaient ainsi le concile de Jules III du caractère


d'universa-

lité,que lui refusaient toujours les gallicans ^.


Restait la dernière partie du programme que les légats s'étaient
tracé, la plus délicate et de laquelle le reste dépendait, sans excep-
ter la confirmation papale : la clôture du concile. Il s'agissait d'enre-

gistrer l'acte qu'ils en avaient fait dresser vingt-quatre


heures aupa-
ravant, par-devant notaire (ci-dessus, p. 987). Le cardinal de Lor-
raine était venu à leur aide et cette propagande en commun fit

grande impression sur les esprits. Le Français avait su gagner l'appui


des Impériaux. Les coalisés pouvaient toutefois redouter un esclandre
de la part des Espagnols et, jusqu'à la veille au soir, ils ne se sen-
taient pas sûrs du comte de Luna. Ne faisait-il pas courir, à la der-
nière heure, le bruit qu'il allait présenter une requête pour la conti-
nuation du concile, sous prétexte que celui-ci n'avait pas achevé
l'œuvre doctrinale que la bulle de convocation lui traçait à l'encontre
des hérétiques !

Cependant vingt-quatre heures de répit qu'il avait obtenues


les

étaient écoulées, et la pièce qu'il avait promise (ci-dessus, p. 981)

pour autoriser le désistement qu'on désirait de lui, ne venait pas.


Lui-même se tenait maintenant immobile et silencieux sur son

siège. renonçait à la lutte, et Morone saisit cette occasion pour


Il

interroger les Pères sur la clôture il


ajouta que, si l'assemblée y
:

consentait, les légats solliciteraient eux-mêmes de Sa Sainteté la

1. Voir la dépêche des légats du 2, Susta, p. 438.


CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 993

confirmation des actes du concile. Massarelli, circulant à travers les


sièges, recueillit les sulîrages un à un ^. Ils furent unanimes l'arche- ;

vêque de Grenade seulement observer que la confirmation n'était


fit

pas nécessaire; à quoi l'évêque de Salamanque et deux autres du


parti espagnol, dont celui de Lerida, ripostèrent qu'ils la jugeaient,
quant à eux, indisjiensable.
Après cette dernière proclamation, Morone congédia les Pères
en ces termes Post ados Deo gratias ite in pace. Les Pères répon-
:

dirent à l'unisson : de leur siège, lorsque le


Amen, et se levaient

cardinal de Lorraine, qui avait préparé cette mise en scène avec les

présidents, se dressa de sa place et lança d'une forte voix onze accla-


mations par manière de mercis, vœux ou souhaits ad multos anîios.
Et les Pères de répéter sous diverses formes abrégées. Elles
les

s'adressaient aux trois papes qui avaient dirigé le concile, aux empe-
reurs Charles-Quint et Ferdinand ^, aux légats, aux cardinaux et

ambassadeurs })résents, aux membres du concile. Trois de ces accla-


mations, venant après les autres, les 8®, 9* et 10^ ajoutaient aux
souhaits ]iour succès des décisions conciliaires l'engagement d'y
le

travailler j)ar tous moyens. La dernière renouvelait l'anathème


contre les hérétiques qui refuseraient de s y soumettre.
Les légats conclurent ([ue, le concile se déchargeant sur eux de la
ratification de Sa Sainteté, ils l'obtiendraient quant primum,
puis l'évêque de Catane rai)pela que les Pères ne devaient pas s'éloi-
gner, sous peine d'excommunication, avant d'avoir souscrit propria
manu le texte des décrets rédigé par les notaires. Morone entonna
ensuite le Te Deum. puis il bénit l'assistance une dernière fois, selon
la ]>ratiquc usitée de chaque session. Les prélats se retirèrent
en fin

ensuite dans un contentement indicible, se félicitant d'avoir enfin


terminé le que mal.
concile tant bien
Le lendemain, au secrétariat pour la signature
ils se pressèrent
en cette formule f'^go A. episcopus (le nom du diocèse) definiens
:

subscripsi ^, au nombre de deux cent cinquante-cinq six cardinaux, :

vingt-huit archevêques, cent soixante-dix neuf évèques


et vingt-

sept procureurs avec mandat légitime de trente-neuf autres; sept


abbés et huit généraux d'ordre. Ils s'empressèrent ensuite de

1. Pallavicini, 1. XXIV, c. vin, § 18.


2. Les Français firent un grief au cardinal d'avoir oublié les autres princes
chrétiens, et surtout leur roi,
3. Les signatures ont été imprimées numérotées, Conc, p. 1111 àM20: voir

appendice.
994 1,1V. I.VI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

prendre congé des légats et de rejoindre leur diocèse; en quelques


jours ils disparurent, après avoir reçu une abondante provision de
faveurs, grâces et bénédictions diverses, ainsi que dix mille écus
d'or que les légats leur distribuèrent en secours et gratifications, de
même qu'aux théologiens et
plus méritants, cela
ambassadeurs, les

va de soi, par leurs services ])lus encore


que par leurs besoins ^. Les
légats ne firent aucune difïérence entre Italiens et ultramontains.
La signature des ambassadeurs, que les légats devaient aussi se
procurer, ils ne l'oblinrent qu'avec difficulté : derrière ces diplo-
mates se dissimulaient à peine les souverains avec leur rêve
d'Église d'État, Le comte de Luna en ouvrit la série à sa manière :

il
n'accepta de signer qu'en réservant l'assentiment du roi Catho-
lique, ce que les légats refusèrent d'admettre. Les autres ambas-
sadeurs accédèrent tous, dans les formes les plus étendues, le 6,
mais il fallut tenir compte de leur rang de préséance établi par
l'usage dans une première série figurèrent les orateurs ecclésiasti-
:

ques, dans une seconde les laïcs; on dut faire deux places spé-
ciales à ceux de Suisse eux-mêmes, l'abbé de Notre-Dame des
Ermites (Einsieldeln), Joachim Eichhorn, représentant le clergé du
pays, et le chevalier Melchior Lussy pour les cantons catholiques ^.
Chez ces montagnards, clergé et laïcs se séparaient entre eux
comme du reste du monde.
Tous ces diplomates jurèrent obéissance au concile, au nom de
ceux qu'ils représentaient. Il se passa même un fait assez singulier.

Lorsque le cardinal de Lorraine donna sa signature le 3, il


préten-
dit signer au nom du roi Très Chrétien, ou du moins d'après ses
intentions : Ex mente christianissimi regis^. Il constatait l'absence
de ses ambassadeurs et agissait en leur nom et place,
se facere et
dicere quae praedicti oratores si praesentes fuissent... Les légats ne
furent pas de son avis et n'acceptèrent sa démarche que comme
celled'un simple particulier, cardinal membre du concile. L'évêque
de Verdun, Nicolas Psaume, qui servit de témoin en cette circons-
tance, avouait que l'acte n'avait pas de valeur officielle, en droit
documenli. La démarche ne tarda pas d'ailleurs à rece-
strict, justi
voir un éclatant démenti, qui montra clairement que le roi de
France n'entendait pas se laisser engager ainsi.

1. Pallavicini, 1.
XXIV, c. ix, § 2.
2. Id., ibid., c. vni, § 1120
14-15; Conc., p. sq.
3. Conc, p. 1122, note 1.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 995

Quand du Ferrier apprit, de Venise, les dernières décisions du con-


cile avec sa clôture, il écrivit, le 6, au roi Charles IX une véhémente
protestation contre les actes des xxiv* et xxv* sessions, comme
attentatoires aux privilèges de la couronne de France et aux fran-
chises gallicanes : notamment contre le transfert à Rome des causes
criminelles et autres procès graves des évèques, le titre d'évêque de
l'Église universelle donné au pape qui attestait sa supériorité
et

sur l'Église enseignante, doctrine qu'ils avaient toujours combattue,


eux ambassadeurs, le cardinal de Lorraine et les évêques français :

«L'assemblée n'avait pas tenu compte de la })rotestation de Henri II


contre sa devancière, au temjjs de Jules III, pas plus que d'aucune
de leurs réclamations. Et tout cela suffisait pour que le concile et
son œuvre fussent tenus pour non avenus dans le royaume, «

Pie IV ratifie les décrets. Dernière opposition de la curie romaine.

Pendant que ce gallican prétendait annuler les récentes décisions


de Trente, Pie IV se préoccu}»ait de les confirmer sans retard, ainsi
qu'il l'annonça au consistoire du 12 décembre, en communiquant
les nouvelles importantes qu'il avait reçues les derniers jours « Il :

était décidé à compléter Toeiu re, à la faire exécuter dans toute son
étendue. Et tout d'abord la résidence serait observée en son entier,

scrupuleusement et ])our le plus grand bien de l'Eglise ^. » Le pape


décréta des prières solennelles d'actions de grâces pour le 15 du même
mois, et attendit a\ec impatience le retour des légats, sans le con-
cours desquelsil lui était diilicile
d'entreprendre quoi que ce fût.
Morone et Simonetta quittèrent Trente le 6, en route pour Rome.
Les deux autres légats, Hosius et Xavagero, avaient sollicité leur
congé, désirant se rendre, celui-ci dans son diocèse de Vérone, celui-là
dans le sien de Varmie en Prusse, à l'extrémité nord de la Pologne;
l'un et l'autre également soucieux de donner le bon exemple de la
résidence. Dans les
dispositions où se trouvait Pie IV, il ne fit pas
difficulté de condescendre à leur demande C'était plus qu'un
'-.

exemple, c'était une sorte d'entraînement que ces princes de l'Église


exerçaient, en travaillant à faire triompher autour d'eux, surtout

1. Pastor, p. 288 sq.


2. Susta, p. 455; voir aussi p. 453-454; Pallavicini, ibid., c. ix, § 3 et la réfé-
rence en note.
996 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

dans des régions lointaines et parsemées d'hérétiques, la réforme


et les décisions qu'ils avaient établies, non sans peine. Aussi dès le

4 décembre, avant même de savoir que la fonction de ces légats


avait pris fin, le pape faisait-il expédier leur congé et, le 11, il leur

exprimait son contentement du succès obtenu. Le 14, Hosius quit-


tait Trente, parmi les derniers de ceux qui avaient coopéré à l'œuvre

de restauration; Navagero était parti le 8 les deux éminents per- :

sonnages allaient fournir une longue carrière consacrée à la réforme.


Cette œuvre conciliaire de restauration ne pouvait réussir qu'en
s'implantant tout d'abord (après la confirmation pontificale et grâce
à son eflicacité), })ar la mise en pratique dans le foyer d'où elle devait

rayonner à travers la chrétienté. Pie IV s'y employa dès le retour des


deux principaux présidents, vers le 15 décembre. Leur première
démarche fut de réclamer la confirmation indispensable, et le pon-
tife les appela à la préparer dans une congrégation, qu'il forma en

leur adjoignant les cardinaux Cicada, Yitelli et Borromée. Il leur


donna pour auxiliaires, au titrede consulteurs, les anciens canonistes
du concile, qui étaient bien au courant de son traA ail et des épreuves
qu'il avait traversées, l'auditeur de la Rote, Paleotto, l'abréviateur
Ugo Buoncompagni : ils étaient à même de fournir tous les éclair-
cissements désirables. Le dataire du pape, le jurisconsulte Fran-
cesco Alciati, évêque de Civitate (province de Bénévent), ancien

l>rofesseur de droit à l'université de Pavie, l'homme de loi le plus


autorisé de son siècle, membre de droit (par ses fonctions) de cette

assemblée, était un guide sûr, dont l'autorité portait loin; en même


temps le défenseur des intérêts de la curie. De ce côté-ci, la congré-
gation devait s'attendre à des difficultés redoutables, sans nombre ;

le pape dut imposer plus d'une fois son arbitrage entre ces auxi-

liaires de vraie réforme catholique et des opposants qui ne man-


la

(juaient pas de raisons valables.


Dès (jue la congrégation se mit à l'œuvre, elle eut à entendre les
l)laintes habituelles des officiers que la réforme ruinait : « Elle appau-
vrissait le pape, déconsidérait l'Église romaine, etc. Il était donc
inqiossible de confirmer les décrets dans leur ensemble, sans y appor-
ter des restrictions, des amendements. )> Le pape n'était guère
d'humeur s'e.npressa de prescrire la résidence aux
à les écouter. Il

évêques de la curie, au moins le choix de coadjuteurs sérieux et le


contrôle incessant de leur gestion. Il groupa les trois cardinaux
chefs d'ordre, c'est-à-dire le
i)remier des cardinaux évêques, des
j)rêtrcs et des diacres en une commission qui recueillerait, contrôle-
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 997

rait,compléterait au besoin les enquêtes otïicielles sur les candi-


dats aux bénéfices, enquêtes dont l'examen relevait désormais du
consistoire.
La confirmation du concile s'était compliquée au point de ne

pouvoir aboutir qu'après de longues et laborieuses négociations;


mais Pie IV prouva en toute occasion, qu'il la poursuivrait jusqu'au
bout. Pour affaiblir les résistances à la curie, il chargea Morone de
surveiller les officiers consistoriaux, Simonetta ceux de la Daterie,
de les plier par là petità petit aux exigences nouvelles. Au consis-
toire du 30 ^, il appuya sur la nécessité de faire aboutir une réforme
sérieuse et complète : il se félicita que le concile se fût montré si

discret et si réservé en ce qui concernait sa réforme à lui; il se pro-

posait de la compléter autant qu'il convenait.


Les cardinaux étaient persuadés qu'à l'occasion de l'anniversaire
de son couronnement, le 6 janvier, il les comblerait de faveurs de
toute sorte, selon la coutume
établie par ses prédécesseurs. Mais il
se montra fort parcimonieux, esquiva la plupart de leurs requêtes
et renouvela l'ordre, pour eux comme pour les évêques, de se faire

suppléer dans leur diocèse par des coadjuteurs caj)ables -. Petits


incidents qui n'étaient pas pour sim})lifier la situation; et de même
ceux qui suivirent les expéditions dé bénéfices devinrent moins
:

nombreuses au consistoire: la pénurie d'argent se fit sentir, les

curiaux s'en affectèrent jusqu'au désespoir et la congrégation du


concile se beurta à des réclamations qui se multiplièrent, toujours

plus obsédantes, source d'embarras qui compliquaient les autres.


De plus, ses membres n'étaient pas d'accord entre eux. Les consul-
teurs étaient d'avis qu'elle se contentât d'une confirmation par-
tielle, adaptée aux besoins de l'Église romaine seuls Boncompagni :

et Paleotto soutenaient que le pape ne pouvait tenir compte des


réclamations des curiaux, devait publier et a])pliquer le concile tel

quel, attendu qu'il était l'œuvre de l'Église enseignante sous la

présidence de son chef. Pie IV partageait leur opinion et déclarait


au consistoire qu'il ratifierait tous les décrets dans leur intégrité,
en assurerait la mise en pratique sans restriction. Il ne laissait aux
curiaux d'autre délai que celui que le droit leur accordait les pré- :

ceptes du concile auraient toute leur rigueur, quand les divers pays

1. Son discours dans Pallavicini, ibid., c. ix, § 5-7.


Pastor, p. 290 et note 5; 291, note 1; observations dressées par la congié-
2.

gation, Conc, p. 1144-1149.


998 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

de la chrétienté les connaîtraient et les accepteraient. La congré-


gation recommandait d'en faire immédiatement la requête aux sou-
verains par l'entremise des nonces, requête qui entraînait, cela
va sans dire, celle de la mise en pratique totale.
Ce fut le premier point qu'elle régla, lorsqu'elle se réunit, le 19 jan-
vier ISô-'i, pour Aaquer à l'examen des doléances curiales, que le
pajjc venait de lui remettre. Elle tint trois autres séances, jusqu'au 21,
passa minutieusement en revue ces articles, au nombre de qua-
rante-sept et résuma son travail en onze conditions, suivant les-
quelles elle estimait la ratification possible. Elle aborda ainsi tour
à tour une foule de détails des décrets conciliaires qui, selon elle,
avaient besoin d'éclaircissements, jusqu'avi costume de cérémonie
des cardinaux, à la vie des moniales dans leur couvent, à la direc-
tion qui leur était indispensable, etc. Avant tout, la commission se

préoccupa de sauvegarder l'intégrité des prérogatives papales, de


leur adapter ces décrets.
Il
n'y a d'ordre bien constaté dans son travail que ])our la dernière
partie, conclusions ou résolutions. Les trois précédentes sont
les

de simples esquisses, un catalogue de cas particuliers que les com-


missaires ])osent et sur lesquels ils reviennent à plusieurs reprises

[)Our les préciser davantage. Dans cette série de recommandations


pratiques, ce qui ressort le mieux, c'est la qu.estion du choix et de
la nomination des évêques, des hauts bénéficiers, et même des curés

importants s'agit de faire cadrer les règlements conciliaires avec


: il

lespratiques de la curie, notamment avec celles du consistoire, celles

du moins que n'avaient pas supprimées les décrets de réforme, parce


qu'elles ne présentaient que des abus ou des inconvénients faciles à
écarter, qui ne touchaient pas à l'essentiel. Ainsi fut maintenu,
précisé, perfectionné dans le même esprit, le système des enquêtes
qui préparaient les collations consistoriales de bénéfices.
Les commissaires ne s'en tiennent pas là, en ce qui intéresse la
dignité épiscopale ils entrent dans le menu détail des mérites et
:

des capacités des candidats. Ce fut l'objet d'un travail anonyme

qui date de cette époque, et semble avoir été l'œuvre de la congré-


gation ou de certains de ses membres, sous le titreQualitates quae
:

requiruntur in promoi'endos ad episcopatuni ^, Ces conditions peuvent


se répartiren physiques, intellectuelles et morales. Il y est stipulé,
par exemple, que le candidat doit avoir au moins trente ans, que la

1. Coiic., p. 1149-1150, à la suite des travaux de la congrégation.


CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 999

somme de savoir et de piété, exigée de lui, répondra aux nécessités


de la fonction. Il n'était pas nécessaire qu'il fût docteur en théo-

logie, mais la congrégation ne craignait pas d'insister sur certaines


conditions de convenance qu'il n'offrit rien de ridicule en son exté-
:

rieur, ni difformité, ni infirmité notable ou trop visible.


Ces observations, un peu méticuleuses, s'adressaient au Sacré-
Collège, et il ne manqua pas de s'en préoccuper les cardinaux :

pouvaient se demander, par exemple, encore maintenant et après


des années de progrès dans la réforme, à qui revenait celle-ci dans
leur diocèse, à eux-mêmes ou bien à leurs coadjuteurs. Or ils avaient
voix au chapitre de la ratification, puisqu'elle se décidait en con-
sistoire. Les avis parurent d'abord indécis, mais, outre que la volonté

du pape ne faiblissait nullement, la congrégation agit par l'ascen-


dant de ses membres, de Morone son président, et aussi, nous ne
devons pas l'oublier, de saint Charles Borromée. Ce dernier prêcha
d'exemple, dès la conclusion du concile, pour lequel il a\ait tant
travaillé. Il donnait déjà le bon exemple après s'être imposé à :

lui-même une vie sérieuse, puis austère, il s'en j.rit à sa maison et


la transforma si bien qu'en quelques semaines elle devint mécon-
naissable : il réduisit notablement le nombre de ses serviteurs et
ses dépenses ^. Ainsi ces hautes autorités, grâce aux leçons de leur
vie, n'eurent pas besoin de longs et })ressants ai)pels pour obtenir
du Sacré-Collège une acceptation presque unanime du concile, dans
son ensemble.
Au bout
de quelques jours, en effet, il
put aborder le débat. La
congrégation déposa son rapport et, le 26 de ce mois de janvier,
Morone présenta sa requête pour la confirmation. Le cardinal de

Trente, l'oncle Cristoforo Madruzzo, proposa un délai, qui permet-


trait au Saint-Siège d'attendre l'assentiment des souverains, et en
premier lieu celui de l'empereur. A l'unanimité le consistoire j>assa
outre en toute convenance,
: la ratification du pape devait précéder
celles des souverains.
Les cardinaux Alexandrin (Ghislieri) et Cicada soulevèrent

quelques difficultés, à proposdu décret de réforme de la session xxiv :

son chapitre sixième accordait aux Ordinaires le pouvoir d'absoudre


des cas réservés au pape; selon eux, ce privilège annulait la bulle
In caena Domini, qui énumérait ces cas. Ghislieri fit valoir une autre
objection, qui paraissait spécieuse un simple évêque pouvait donc
:

1. Détails donnés par Pastor, ibid., p. 341-344, et surtout 343, note 4.


1000 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

la vie du pape ou d'un cardinal, encore que


absoudre d'un attentat à
ce fûtun cas spécialement réservé Les commissaires avaient dis-
!

cuté longuement ces problèmes, et Morone se donna la peine de


les résoudre : Sa Sainteté, au nom de laquelle les évêques absol-
vaient, avait toute faculté d'y apporter
les restrictions convenables.
Pie IV prit ensuite la parole et déclara solennellement qu'il con-
firmait les décrets, sans en exclure aucun. Le cardinal chancelier,
Alessandro fit
Farnèse, dresser immédiatement le procès-verbal
de la requête et de la confirmation ^ Le pontife ajouta qu'il pren-
drait toute mesure nécessaire pour assurer la mise en pratique des
décisions conciliaires. Il revint encore sur le devoir de la résidence,
etproclama de plus sa résolution de limiter les appels en cour de
Rome aussi strictement que le concile l'avait sollicité. Aucune des
difficultés, conclut-il, que pourrait rencontrer l'exécution des décrets,
ne l'arrêtera jamais ^.

Le môme jour, fut promulguée la bulle Benedictus Deus et Pater,

qui mettait le sceau à l'œuvre du concile de Trente.


Elle reçut la

signature de vingt-deux cardinaux; les Français, comme La Bour-


daisière et le cardinal de Ferrare, ne crurent pas pouvoir se dispen-
ser d'une formalité, qui pourtant les comj)romettait aux yeux des
les motifs
gallicans. Madruzzo s'excusa de ne pouvoir signer, pour
qu'il avait invoqués au débat le pape lui
;
avait cependant fait remar-

quer que l'Église enseignante ne devait pas subordonner à la volonté


des princes les actes essentiels de sa vie organique. Le cardinal

doyen, Rodolfo Pio da Carpi, était absent, retenu par la goutte; mais,
après sa mort, son successeur Francesco Pisani apposa sa signature
à la suite de celle du pape le 30 juin, et trois cardinaux l'imitèrent *.
Ainsi se complétait le vote du 26 janvier, par l'accord unanime des
cardinaux de curie, moins toutefois Madruzzo.
Dans ce document important. Pie IV, après avoir raconté au long
les péripéties à travers lesquelles le concile avait passé sous ses deux

])rédécesseurs, puis sous son pontificat, en communiquait les déci-


sions à tous les évêques de la chrétienté, pour qu'ils les fissent exé-
cuter entièrement, sous les peines de droit. Une recommandation

spéciale était ensuite adressée à l'empereur et aux princes, dont les

1. Ce procès-verbal a été
imprimé en tête de la bulle de confirmation dans
toutes les éditions des actes du concile.
Pastor, p. 291.
2.

Dp là vient que la bulle promulguée le 26 janvier no présente que vingt-deux


3.

signatures, alors que l'acte définitif en a vingt-cinq.


CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 1001

ambassadeurs avaient pris part à l'assemblée. Si la mise en pra-


tique des ordonnances conciliaires soulevait des difficultés, révé-
lait des points obscurs, pape se réservait de les expliquer, de les
le

faire disparaître : c'était à lui seul qu'on devait s'adresser en ce cas,

de même que pour les nécessités particulières de certaines provinces,


auxquelles par avance il promettait de pourvoir.
Cette dernière réserve tenait la porte ouverte aux adoucissements

qu'imposaient les circonstances et les situations, en faveur de la


curie romaine d'abord, où, comme ailleurs, l'application devait se
faire par degré, progressivement. Avec temps le seul pouvaient

disparaître les abus auxquels le concile avait voulu remédier. Sous


ce rapport, la congrégation du concile laissait au pape une grande
latitude, dans la prévision, admise par tous, que le temps et l'usage

aplaniraient bien des obstacles. La chancellerie ne se pressa donc


pas de promulguer la bulle, dont l'ébauche se préparait depuis le
19 janvier : elle attendit jilus de cin<| mois.

Les tâtonnements de la mise en pratique.

Dans l'intervalle, les décrets recevaient la jtublicité de l'impres-


sion : ils se répandaient ainsi peu à peu à travers la chrétienté.
Une première édition parut, le 18 mars, avec une préface de
Paul Manuce, d'une grande famille d'imprimeurs vénitiens, lui-même
établi à Rome*; une seconde, le 10 avril, h Rome toujours, avec
un motu proprio parajilié par le Secrétaire d'État ;
l'une et l'autre
faisaient allusion en certains détails aux travaux des commissaires
et à la prochaine apparition de la bulle de confirmation : le pape
voulait d'abord aplanir les difficultés que pouvait soulever la mise
en pratique; car il était à jtrévoir que ces difficultés surgiraient
aussitôt après la publication.
Le consistoire fut appelé à les résoudre; il
s'y perdit en longs
débats, notamment le 23 févriei les canonistes y mirent cependant
:

en œuvre toute leur science. Les curiaux surent faire valoir que,
pour satisfaire à l'obligation de la résidence, les évêques de la cour
romaine ne manqueraient pas d'entraîner avec eux nombre d'arti-
sans, changeurs, marchands, même des artistes ce serait une grande :

perte pour l'Église romaine : « D'ailleurs le concile, qui avait cons-

1. Pastor, p. 292 et note 4; p. 293, notes 1 et 2, etc.


1002 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

cience de laisser une œuvre inachevée, n'avait-il pas autorisé le

pajie à la compléter,
à l'expliquer dans ses parties obscures ? »
Ces longues discussions aboutirent toutefois à une mesure d'impor-
tance. Pie IV avertit le consistoire, en manière de décision, que le

Saint-Siège se réservait le droit de promulguer des explications ou


remarques complémentaires, tant pour éclairer les passages diffi-
ciles des décrets que pour en préciser l'application dans les cas parti-

culiers. Il but de la congrégation


établissait ainsi et précisait le

romaine, qui porta dès lors le nom du concile, parce qu'elle assumait
la responsabilité de ses décrets. Elle avait fonctionné avant nmême

l'origine etpendant les trois périodes de l'assemblée, avec la charge


de préj arer son travail et de correspondre dans ce but avec elle.
Elle avait subi des vicissitudes dans son existence, son activité,
avait été rétablie enfin en décembre 1562 (ci-dessus p. 996), sim-

plement pour préparer la publication des décrets il ne restait plus :

qu'à la tenir en permanence.


Le 5 avril, Pie IV lui adjoignit celle des trois cardinaux chefs
d'ordre, qu'il avait chargée de contrôler les enquêtes épiscopales
au consistoire, et en outre quatre autres membres du Sacré-Collège.
Avec le doyen comme président, la congrégation comptait dès lors
douze cardinaux. Le pontife les chargea tout d'abord de recevoir,
d'examiner, de résoudre ou de lui soumettre les difficultés qui leur
seraient présentées au sujet du concile. Les plus influents parmi

eux, ceux qui éclairaient les débats et provoquaient les décisions


furent naturellement les deux anciens légats, Morone et Simonetta ;

ceux-là devaient connaître la matière et ils se firent aider par les

consulteurs du concile, lorsqu'il fonctionnait, non seulement Paleotto


et Buoncompagni, les inévitables, mais Lancellotti; et par les évêques
en vue de la curie, qui avaient pris une part importante aux travaux
de l'assemblée, comme Castagna, Verallo, Fachinetti, etc.
La congrégation fut réorganisée par le motu proprio du 2 août ^, qui
fixait à huit le nombre de ses membres
(le doyen n'en faisait plus

partie) et précisait ses attributions. Elle se mit aussitôt au travail,


en prenant pour règles les actes de promulgation la bulle avait été :

enfin affichée au Champ de Flore et autres lieux usités, lo 30 juin.


Le 18 juillet, une autre bulle prévenait le monde chrétien que les
décisions du concile avaient pris force de loi le 1^"^ mai, et qu'à par-

1. Publrée dans les Acla concilii Tridentini, à la suite des bulles de confir-
mation.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 1003

tirde cette date se trouvaient périmés tous les privilèges et coutumes


que le concile contredisait: elle annulait pareillement toutes les
mesures de détail prises récemment, à l'encontre de ses ordon-
nances. Dès lors, la congrégation pouvait et devait fonctionner;
le pape avait encore amplifié pouvoirs jiar la dernière bulle
ses :

ils s'étendaient à l'application des réformes concilillaires


qu'il avait
promulguées, et aussi de celles qu'il promulguerait en complément.

Les suppléments du concile : l'Index.

Pie IV se mettait aussitôt en devoir d'apporter les suppléments


indispensables à son œuvre, ceux d'abord qu'avait sollicités
l'assemblée elle-même. Ainsi, elle avait statué qu'au prochain con-
cile provincial tous les clercs jirésents jureraient d'observer et faire

observer ses règlements, }>uis prêteraient serment au pape et con-


damneraient les hérésies qu'elle avait condamnées, sans en excepter
une seule. Les candidats aux évèchés et les bénéficiers à charge
d'âmes devaient prêter le même serment, en entrant en possession,
et y joindre une ])rofession de foi. Le 13 novembre 1564, Pie IV

promulgua deux bulles la première renouvelait ces prescriptions,


:

et les étendait aux religieux; la seconde imposait le même ser-


ment à ceux qui enseignaient dans les universités, ainsi qu'aux
candidats en théologie. La profession de foi de Pie ÏV. ainsi fut-elle
appelée, reçut aussitôt sa forme définitive des consulteurs de la
congrégation. Elle fut insérée en appendice dans les actes du con-
cile,à la fin de la première bulle Injunctum nobis. :

Des autres compléments réclamés par les Pères de Trente, le


plus embarrassant était VIndex librorum prohibitoruin, parce que
Paul IV avait dépassé la mesure, eu surchargeant sa liste de livres
proscrits. Cependant, nous l'avons vu (ci-dessus, j). 524), il avait fini

par céder quelque peu, par égard pour l'apologéticfue. Pie IV reprit
le tableau dès son exaltation Seripandi reçut mission de rassem-
:

bler de nouveaux matériaux, le gi-and inquisiteur, cardinal Alexan-


drin, d'apporter quelque adoucissement à ce qui s'appelait déjà
VIndex de Paul IV; enfin, le bref du 14 janvier J562 renvoya le
tout au concile \ et lui accorda l'autorisation la plus étendue d'amé-
liorer l'œuvre primitive.

1. Pastor, p. 297, 298 et note 1.


1004 LIV. I.VI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

Au reçu de l'acte, les légats soumirent la question à l'assemblée


générale du 27. Elle fut débattue avec d'aucuns objectaient
soin :

la nécessité d'entendre les auteurs incriminés; mais beaucoup


d'entre eux étaient des hérésiarques ou leurs disciples immédiats; ils
saisissaient la moindre occasion de propager leurs erreurs toute :

])ublicité leur était bonne y avait donc là un danger réel.


: il

Après la lecture du bref, le 30, le débat reprit de plus belle dans cinq
congrégations successives, de ce jour au 12 février, et la majorité
résolut de remplacer l'Index de Paul IV par un autre mieux adapté
aux circonstances. Un comité de cinq Pères, présidé par l'arche-
vêque de Zara, rédigea une première résolution que les définiteurs
eurent en main le 17. Elle proposait de nommer une commission d'im-
])ortance, par le nombre et le mérite de ses membres, qui recherche-
rait les livres, les passages incriminés, les censures portées, inviterait
les intéressés à se justifier en personne. Le concile les entendrait
Aolontiers et leur accorderait un sauf-conduit leur garantissant toute
sécurité. L'assemblée se rallia à cette combinaison, après l'avoir
examinée sérieusement(ci-dessus,p.617avecla liste des commissaires).
Le même jour, cette enquête fut confiée à dix-huit Pères, le

patriarche de Venise, Giovanni Trevisano, cinq archevêques, neuf


évêques, deux généraux d'ordre et un abbé. Pour en souligner le
caractère autrement que par le nombre, la direction en fut confiée,

non au patriarche, mais à l'archevêque de Prague, comme plus au


courant des manèges des luthériens, de leurs livres et de leurs
erreurs, et aussi plus indulgent pour eux; ce fut dans ses apparte-
ments que se réunirent les commissaires.
Au cours de l'année, ils reçurent beaucoup de dénonciations
d'auteurs ou de livres suspects, et aussi nombre de requêtes de justi-
fication. De Rome leur vinrent des éclaircissements et des secours;
le cardinal Alexandrin lui-même leur fit expédier les actes, pièces

et papiers de diverses sortes, qui avaient été rassemblés pour l'Index


])rccédent; le jésuite Nadal acheta pour eux à Anvers tout un stock
de livres sur lesquels
il
y avait à redire. En septembre 1562, le cardi-
nal Borromée recommandait aux légats de faire venir d'Allemagne
ou de Venise, aux frais du pape, les livres hétérodoxes dont la com-
mission aurait besoin. A la fin de l'année, celle-ci se plaignait encore
de manquer de documents : elle ne voulait condamner, sans l'avoir
lu, aucun ouvrage incriminé ^. Le jugement assez favorable qu'elle

1. Pastor, ibid., p. 298 cl note 1; 300 et note 5; 302.


CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 1005

porta sur catéchisme de l'archevêque de Tolède, Bartolomé Car-


le

ranza, valut
lui des déboires de la part de l'agent d'Espagne, des

protestations de certains commissaires, et même de plusieurs évêques,


plus ou moins espagnols.
Elle effaça de l'ancien Index un certain nombre d'ouvrages, les

œuvres de Raymond Lull par exemple et les Constitutions aposto-


liques, résumé de la doctrine des premiers siècles,
dont l'orthodoxie
n'apparaissait pas clairement. Elle se déclara prête à gracier Machia-
vel et Boccace, s'ils pouvaient être corrigés, donec corrigatur. Son

})résident,l'archevêque de Prague, ne réussit pas aussi bien en


laveur d'Erasme. Par contre, le roi d'Espagne interposa son veto,
pour qu'elle ne perdît pas sa peine contre des ouvrages déjà mis à
l'Index par son Inquisition.
Censurer des livres n'était pas à proprement parler la tâche d'un
concile œcuménique. Celui de Trente s'en tint donc autant qu'il put
au catalogue de Paul IV, amendé du reste par le Saint-Oflice de
Rome. Les commissaires firent surtout œuvre de législateurs, en ne
se limitant pas au travail impossible de signaler tous les livres sus-

pects : ils fonimlèrent une série d'indications générales, qui tra-


çaient aux fidèles une ligne de conduite, tant pour leurs études que
pour des lectures. Ce furent les dix Règles de V Index, (jui répartis-
saient en sept catégories les livres à éviter, sans signaler les auteurs

par leur nom ^. Toutefois la seconde énumère les hérésiarques con-


temporains, dont l'ensemble des œuvres reste condamné d'une
manière définitive.
En tête de ces catégories, figuraient les éditions et traductions
de la Bible en langue vulgaire, autorisées ou interdites selon les
circonstances, et cela par les autorités ecclésiastiques, le pape, les
conciles provinciaux, les ordinaires, etc. Le décret s'attaque encore,
avec plus de j>récision si possible, aux livres obscènes, ou qui
offensent les mœurs, à ceux de divination et de sortilèges, si nom-
breux à cette époque, qu'il n'en énumèrepas moins de douze espèces.
Les règles 5®, 6® et 8^ prévoient le sort des ouvrages des hérésiarques
et autres auteurs pernicieux, dans leurs parties étrangères aux con-
troverses religieuses et qui n'ont rien de condamnable en soi. La
dernière règle établit, d'après la pratique antérieure, les conditions

1. Ces règles, imprimées pareillement en appendice dans toutes les éditions

des Acta concilii, sont résumées par Pastor. ibid., p. 802-303; il en signale avec
raison l'imporlance.
1006 r.IV. I.Vl. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

dans lesquelles les diverses autorités ecclésiastiques procéderont à


l'avenir pour condamner un livre, en permettre la lecture, soit à
Rome, soit dans le reste de la chrétienté. Il ne faut pas oublier que,
dès cette époque, un livre ne voyait le jour qu'avec la permission
de ces autorités ou des autorités civiles tout impriineur devait :

en outre solliciter d'elles un privilège général, qu'il leur était loi-

sible de retirer.
Ces règles fournissaient le moyen de résoudre plus facilement les
diflicultés d'application de l'Index. La congrégation générale fut
appelée à donner son avis sur elles, du 30 janvier au 10 février, et
il s'en produisit d'importants^; puis la commission resta en sus-
])ens et les documents assemblés (catalogue, règles) furent emportés
à Rome après la dis])ersion des Itères. Pie IV, voulant terminer
cette entreprise importante, les soumit à l'examen de quatre de
ceux-ci, les archevêques de Zara et de Lanciano, les évêques de
Modène et de la Cava (Caselli), et leur adjoignit comme secrétaire
un des théologiens les plus influents duconcile, le dominicain por-
tugais Frances Fureiro, attaché désormais à la cour de Rome. Le
travail était d'ailleurs assez avancé pour qu'il fût mis au point
en quelques semaines.
Le pontife voulut y prendre part eu personne, et provoqua des
améliorations importantes, qui comblaient des lacunes, suppri-
maient nombre de fautes, même des obscurités. Il écarta notamment
deux catalogues : un premier qui frappait d'interdit toute une série
d'éditions de la Bible; l'autre atteignait
d'imprimeurs, une liste

auxquels le Saint-Office retirait leur privilège. La commission nou-


velle conserva la répartition préventive des condamnés en trois
classes : les auteurs dont elle condamnait œuvres dans
les leur

ensemble, les auteurs connus et les ouvrages anonymes. Pour cer-


tains livres, elle introduisit la réserve importante donec corrigatur.
Des écrivains passèrent d'une classe à l'autre; ainsi Érasme de la
première à la seconde. On stipula finalement que ceux de la première
pourraient n'être taxés que simplement suspects d'hérésie.
Le 24 mars 1564, la bulle Dominici gregis publiait règles et Index
— leur donnait force de loi — avec un ]iréambule du secrétaire
de la connnission, qui apportait des éclaircissement autorisés,
c'est-à-dire, les détails de condamnation que les règles ne pou-

1. Mentionnés par Pastor, ibùL, p, 302 note 8; 303 note 5; Conc. Trident.
t. VIII, p. 306-323, pasicim.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 1007

vaient prévoir. Le Saint-Office fut chargé dès lors de surveiller la


mise en pratique du tout, en même temps que la circulation des
livres suspects à Rome et en Italie.

Le catéchisme du concile de Trente.


«

Les autres suppléments du concile étaient à peine ébauchés


et réclamaient une plus longue élaboration. Il était r.aturel de com-
mencer par le catéchisme nouveau, dont les matériaux se trouvaient
épars dans les décisions du concile; il suffisait
rassembler, de les

de lescompléter, de les éclairer, par les explications que fourniraient


les membres de l'assemblée et, à leur défaut, les disci.ssions elles-
mêmes. C'était surtout une allaire de mise en ordre et de rédaction.
Le concile s'était occupé dès l'origine de préparer ce rudiment,
parce qu'il s'agissait de remédier au plus grand mal de l'époque,
l'ignorance dans laquelle croupissaient partout les chrétiens, nulle-
ment ou trop superficiellement instruits, dans leur enfance par
leurs parents, plus tard par le clergé la Bible et l'Évangile, les livres
:

les plus lus de])uis l'origine de l'imjjrimerie, étaient fort mal ou pas

du tout compris, mal digérée engendrait des abus


et cette lecture

déplorables; notamment les erreurs doctrinales du ])ur ca angilie


et de l'inspiration ]»ersonnelle, qui furent les bases du protes-
tantisme.
Le 5
avril 1546 et les jours suivants, l'assemblée examinait les
abus sur l'usage de l'Écriture sainte, ((ui provenaient de l'ignorance
ou de la paresse de ceux qui l'enseignaient, aussi bien que du peu
de compréhension qij'en prenaient la plupart du temps les lecteurs
peu ou mal instruits. Elle décida d'établir un corps de doctrine
élémentaire, en latin ou même
en langue vulgaire, qui servirait
d'introduction à cette lecture, aussi bien qu'aux enseignements et
discussions qui s'y rapporteraient. L'Écriture sainte restait tou-

jours le livre de religion par excellence, mais les enfants et les igno-
rants avaient d'abord besoin d'une formation, d'une culture élé-
mentaire, religieuse aussi bien que générale, qui les préparerait à
la comprendre.
L'assemblée, absorbée par le souci d'établir le texte de la Vulgate,
puis par d'autres travaux, laissa dormir son projet; l'empereur
Ferdinand le reprit plus tard, le soumit vers 1551 à l'université de
Vienne, puis aux jésuites, et saint Pierre Canisius composa un
1008 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

catéchisme impérial pour les Etats héréditaires. Quand s'ouvrit


la dernière ])ériode du
concile, amhassadeurs impériaux trou-
les

vèrent, dans les instructions que Ferdinand leur remit, le 20 octobre

1561, commission spéciale de solliciter de l'assemhlée un travail du


même genre pour l'Église universelle *, travail devant servir d'abord
aux curés et prédicateurs.
U Index
de Paul IV avait, dans l'intervalle, condamné certains
sommaires de doctrines il était à craindre qu'il n'éiiargnàt pas plus le
:

catéchisme impérial que L'archex cque de Prague


les livres similaires.

n'en souleva pas moins commission qu'il ])résidait et,


le débat à la

le 28 avril 1562, elle décida de soumettre au concile un projet de

catéchisme; le 5 mai, l'archevêque en faisait un rap})ort au prési-


dent, le cardinal de Mantoue. Il avait soin de sj)écirier que l'œuvre
de Canisius serait maintenue à côté du catéchisme universel. La
nation allemande avait besoin d'un enseignement à part, et son
catéchisme ne pouvait servir au reste de la chrétienté !

L'empereur modifia toutefois ses instructions, dans le volume de


réforme qu'il recommanda au concile L'assemblée rédigerait
: <i

et les princes du Saint-Empire


un corps de doctrine, que Sa Majesté
promulgueraient et
imposeraient à tous les pasteurs, catholiques

ou non, avec défense de s'en écarter. De ce catéchisme à l'usage


du maître, elle un sommaire court, sim])le et précis, à
extrairait
» Le roi de France
l'usage des enfants dans les écoles. s'appropria
la requête impériale dans le mémoire de réforme que ses agents
déposèrent sur le bureau, le 3 janvier 1563.
Une nouvelle commission fut appelée en mars à l'examen de ces
requêtes. Le légat Seripandi, après la mort du premier président,
essaya d'y satisfaire et répartit entre plusieurs théologiens les divers
chapitres d'un programme plus vaste, embrassant le pouvoir doctri-
nal de l'Église, le Symbole des apôtres, etc. La mort de Seripandi,
le renouvellement du collège des légats, sus})endirent quelque temps

l'entreprise. Les théologiens s'y remirent vers la fin de juillet : les

Espagnols aux articles du symbole, pendant que les Français et


ceux de Louvain se chargeaient de paraphraser l'oraison domini-
cale. Les commandements de Dieu et les sacrements ne furent

abordés qu'en se})tembre. Le travail avançait lentement; toute-


fois, il ne s'arrêta, incomplet cependant, qu'avec le concile. Finale-

ment, Pie IV invita le canoniste Paleotto à tirer de cet ensemble

1. Pastor, ihid., p. 30'i sq., toujours avec des notes importantes.


CH, II. LA CONCLUSION DU CONCILE 1009

de matériaux un modèle que reproduiraient, selon les nécessités


locales, les catéchismes réclamés par diverses églises nationales.
En
dépit de ces instances du pontife, des besoins et des désirs de
la chrétienté, l'assemblée, lorsqu'elle se sépara, n'avait pas encore

entrevu plan d'un cours d'enseignement qui répondît à ces besoins.


le

L'Église enseignante n'avait sous la main que d'abondants maté-


riaux, aA ec les grandes divisions du programme à suivre. D'ailleurs

pratique de l'arrêter, ce plan, tant que les décrets du concile


était-il

ne seraient pas sulfisammént connus des fidèles, puisqu'il s'agissait


de encadrer dans un enseignement à la portée de tous ? Le cardi-
les

nal Borromée joua ici le rôle prépondérant et fut pour ainsi dire le
créateur du catéchisme du concile, le \Tai catéchisme romaiii et
universel.
Dès les premiers mois de l'année 1564, il appelait à son aide une
commission comprenant tous les bons ouvriers qui, dans les derniers
temps, collaboraient aux grands travaux de la curie comme du con-
archevêques de Zara et de Lanciano, l'évêque de Modène,
cile, les

Buoncompagni, Paleotto, etc. Borromée en fut le constant anima-


du ])ape. Tl fit appel à un théologien suppléant,
teur, à côté et à défaut
le mêmeFureiro, qui figurait déjà dans la commission de l'Index
et avait toute la confiance du cardinal ce dernier prenait, chaque
:

jour, auprès de lui, une leçon de théologie. L'archevêque de Zara


en particulier rédigea les deux premières jtarties, le symbole de
foi et les sacrements.
Quand le travail fut assez avancé, rhumaniste Giulio Poggiani,
attaché dès lors, lui aussi, à la cour romaine, entreprit la rédaction
du texte définitif, et la poursuivit pendant les quatre derniers mois
de l'année loGi. avait auparavant mis la dernière main aux
11

décrets du concile, revêtant les uns comme l'autre d'un style en


bon latin classique ^. Son entreprise n'était pas terminée quand
mourut Pie IV (décembre 1665). Saint Charles Borromée se retira
à Milan, et ni l'un ni l'autre ne purent parfaire l'œuvre du concile :

cet avantage était réservé à saint Pie V.


Celui-ci s'empressa tout d'abord de soumettre à une dernière
révision l'ébauche de Poggiani -. Lu seul commissaire survivait,

l'archevêque de Lanciano, les autres étaient morts ou entrés au

1. Pastor, p. 308 et note 3, signale la renaissance de ce latin classique, et dans


la théologie.
2. Le même, Geschichte der Pàpste, t. vin, Pius V, p. 141 et notes.
CONCILES. — IX — 33
1010 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

Sacré Collège (Buoncompagni, Paleotto). Pie V appela donc à son


aide rhumaniste Guglielmo Sirleti, custode de la bibliothèque vati-

cane, qui révisa la forme, le latin; et le maître du Sacré-Palais,


Thomas Manrique, qui fit de même pour la doctrine.
Le Catechismus concilii tridentini vit jour dans les derjiiers le

mois de l'année 15C6, chez l'éditeur pontifical Paul Manuce qui ,

en donna en même temps une traduction italienne. L'Église vou-


lait lancer prom})ten)ent cette publication populaire, la répandre

partout, en toutes les langues, pour servir à l'enseignement sous ses


diverses formes, tout d'abord à l'enseignement élémentaire pour ;

que les décisions du concile fussent observées le mieux possible,


comme étant le code de la restauration catholique universelle au
point de vue de la foi, des mœurs et de la discipline.

Le Catechismus concilii tridentini servit en effet de modèle à


tous les catéchismes postérieurs, régionaux ou locaux et à tous les
manuels de rudiments religieux; il se divise en quatre parties, selon
qu'il traite des douze articles du Symbole des apôtres, des sept sacre-
ments et des dix commandements de Dieu. La quatrième partie
expose les règles de la prière par une paraphrase,
en général, et finit

vraiment théologique, des sept demandes du Pater, qui est toujours


la prière par excellence.

La Vulgate.

L'enseignement avait pour base, aussi bien que la prière, le texte


de la le concile a^ ait proclamée le document autheii-
Vulgate, que
tiqiie de l'Ecriture sainte, c'est-à-dire de la révélation et la source
de toute tradition écrite. Il fallait donc en établir une version olfi-
cielle, en latin — la langue de l'Église

un texte unique, authen-
tique, dont les pasteurs pussent se servir comme de base pour inter-
préter, développer au besoin la révélation. Le concile n'avait eu ni
le temps ni les moyens de la
préparer une assemblée ne pouvait
:

guère s'occuper de l'entreprise, encore moins en faire imprimer le


texte celle de Trente la renvoya donc au Saint-Père. Pie IV y pen-
;

sait d'ailleurs : en 1561, ilse proposait de confier l'entreprise à l'édi-


teur Paul Manuce, l'appela de Venise, le fit installer à Rome, aux
ordres de la congrégation qui contrôlait l'imprimerie.
Celle-ci réclama le concours des humanistes et érudits en langues

grecque et latine, celui des critiques, des copistes même, fit rassem-
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE JOll

blei et reproduire des manuscrits ^. En


1564, un motu propiio créa
un correcteur des de
Vaticane, qui pourraient être
livres grecs la

défectueux. Les Pères de l'Église eux-mêmes, qui fournissaient des


renseignements, variantes et corrections, furent imprimés, compul-
sés, étudiés. Pie IV ne put réaliser que des travaux d'approche
etde préparation il semble même qu'il ait voulu tout d'abord amen-
:

der l'ancienne Vulgate, en la corrigeant à l'aide de textes grecs -.


Son successeur, saint Pie V lui-même, intervint tardivement pour
courir an plus pressé : donner au personnel enseignant, quel qu'il
fût, un texte définitif. Les travaux étaient assez avancés, lors-

que, en 1569 seulement, une commission de six cardinaux, à sa tête


Morone, cela va de soi, fut appelée à terminer l'œuvre. P^lle com-
prenait des cardinaux jiromus récemment, mais qui avaient tra-
vailléau concile ou pour lui, l'archevêque de Tarente, Marcantonio
Colonna, l'abbé de Cîteaux, .Jérôme Souchier, et le savant Sirleti.
Douze cousulteurs furent mis à leur disi>osition, et ils collation-
nèrent notnbre de manuscrits, une cinquantaine au moins des ])lus

corrects, qu'ils avaient fait venir de Florence, du Mont-Gassin, etc.

Le travail avançait lenteniint et n'aboutit pas, la commission se


scinda, trop tôt, en deux partis diamétralement opposés, ceux qui
voulaient trop corriger et ceux (jui Nor.laient touL garder.
Les travaux re])rirent sous Grégoire XIII, avec le cardinal Sirleti
pour principal organisateur. Son collègue, Felice Peretti. le futur

Sixte-Quint, fut son auxiliaire. Ils firent imprimer, comme j)réam-


bule, la version des Seplante, puis sa traduction en latin, des édi-
tions en langues orientales à l'usage des missions. Ces diverses publi-

cations, à plus forte raison les versions polyglottes qui furent entre-
prises, ne remplaçaient nullement la Vulgate, qui était indispensable,
comme texte officiel. Le dernier cardinal, devenu i>ape, voulut en
finir une nouvelle commission cardinalice révisa les notes que Sirleti
:

assemblait depuis des années, le pontife intervint lui-même dans :

toute sa carrière, s'était occupé de patrologle et d'Écriture sainte.


il

Il invoqua l'aide d'autres cardinaux, tels que le célèbre Santori, dit

de Santa Severina, fonda en 1587 l'imprimerie vaticane et, après


un labeur immense, qu'il s'imposa et imposa autour de lui, parut,
en mai 1590, la Vulgate Sixtine, qu'il fit expédier aussitôt aux princes.

Pastor, t. vn, p. 312, 313 et note 3; t. vm, p. 145-146; t. ix, p. 473-476.


1.

Sur ces travaux d'approche, qui commencèrent à Rome en mémo temps


2.

qu'au concile, en 1545, et sur l'activité de Sirleti, qui en fut le princifal ouvrier,
Toip Pastor, Geschichte der Pàpste, t. x, p. 148-154.
1012 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

On ne tarda |»as h la reconnaître fautive, tout d'abord à cause des

changements nombreux et d'importance qu'elle imposait à l'ancien

texte, ohangeTnentsdojit les hérétiques pouvaient s'armer pour justi-


fier les altérations qu'ils se permettaient. Les savants jésuites Toledo

(qui ]»ouitant avait été l'auxiliaire du pape) et Bellarmin furent les

premiers à présenter des critiques. La congrégation du Saint-Office


adressa des remontrances au pape; d'autres remontrances vinrent
des gouvernements d'Espagne et de Venise.

Grégoire XIV fit arrêter la vente de cette îiible, avant la promulga-


licjiide la bulle qui la rendait officielle. 11 fit revoir les travaux

l)récédents par une congrégation de six cardinaux et onze consul-


teurs ayant à leur tête le secrétaire du Saint-Office, le cardinal
Marcantonio Colonna ;
encore un ancien du concile de Trente ^. L'exa-
men, auquel coopérèrent deux jésuites nommés ci-dessus, ne prit
les

fin (ju'à l'avènement de Clément VIII. Ce pontife fit racheter les


exeaiplaires de la Vulgate sixtine qui circulaient en diverses
régions, interdit l'usage de cette version; finalement elle fut réim-
primée, corrigée, sous son nom, l'année même de son exaltation,
avec un bref du 9 novembre 1592 (Ad perpetuam nienwriam), qui
comme faisant seule autorité dans l'Eglise, La Bible de
l'accréditait
Clément VIII est encore le livre officiel de la chrétienté, en atten-
dant celle dont le pape Pie X a fait préparer rim])ression, qui
avance lentement, mais inspire déjà toute confiance.

La prière publique : IVIissel et Bréviaire.

La version ofiicielle sert surtout à la prière publique, dont le Missel


et le Bréviaire sont les guides indisjiensables; ils lui empruntent son
texte, du moins pour leurs parties essentielles les psauines, leçons, :

épîtres et évangiles. Or ces livres n'avaient pas échappé aux abus


qui s'étaient glissés partout, dans la liturgie comme dans la foi et
la morale, dans la prière
publique des fidèles comme dans celle du
clergé. Le concile avait dû d'abord proscrire ces abus à travers la vie
religieuse, j)rendre des mesures contre les scandales, les supersti-
tions, le mauvais emploi de la parole sainte, la tenue peu convenable
de la part du clergé, pendant les offices; imposer aux fidèles une
assistance plus recueillie aux prières, régler jusqu'à un certain point

1. //'/(/., p. 560-562.
CH. H. LA CONCLUSION DU CONCILE 1013

le chant et la participation aux cérémonies.


n'avait pas eu le temps Il

de corriger les formulaires, rituel, missel, bréviaire.


Ils étaient l'objet de reproches nombreux, plus ou moins graves,

plus ou moins justifiés non seulement les protestants, mais des


:

personnes bien intentionnées incriminaient, par exemple, des fêtes


et des offices de saints,dont abusait la superstition populaire et
qui n'avaient que des approbations insuffisantes, sans parler des

singularités choquantes qui encombraient leur culte et leur dévo-


tion. y avait à supprimer, à réduire, plus qu'à compléter. L'empe-
Il

reur lui-même sollicitait, dans ses articles de réforme, la réduction


des offices du bréviaire, trop longs à son avis ^, et dont les clercs
ne songeaient qu'à se débarrasser le plus vite possible. Ils

emploieraient mieux leur temps à instruire les fidèles.


Les légats confièrent, comme
toujours, à des prélats, conseillés
sur le contenu et l'emploi des deux
par des théologiens, l'enquête
livres de la prière publique. Ceux-ci découvrirent bientôt des
légendes de saints qui juraient avec la gravité reijuise dans ces livres,
avec respect qui leur était dû. D'ailleurs, à mesure qu'avança la
le

commission, les embarras et les obstacles surgirent devant elle;


elle dut se borner, elle aussi, à recueillir des matériaux à Rome, :

d'autres enquêtes procédaient de même, et ces travaux d'approche


ne faisaient que soulever de nouvelles difficultés.
concile eut d'abord à s'occuper du bré\ iaire de la Croix, n éri-
Le
table abrégé qu'avait publié, en 1535, le cardinal espagnol Francès
Quinones, enrichi de légendes empruntées aux manuscrits les plus

autorisés de la bibliothèque vaticane. En l'approuvant, Paul III


s'était réservé la faculté d'en permettre l'usage aux ]iasteurs trop

occupés pour pouvoir se servir d'un office plus étendu. Saint Ignace
de Loyola obtint de Jules III cet usage, pour les prêtres de sa
compagnie. Les ap])réciations variaient beaucoup, même sur l'ortho-
doxie du livre; la mauvaise impression qu'il avait produite empira,
lorsque son texte servit en partie à la rédaction du Prayer Book,
que les oncles calvinistes du roi Edouard VI imposèrent, en 1550,
à l'Église anglicane.
En1558, Paul IV interdit la récitation de ce bréviaire. Lui-même
en avait dressé un, pareillement abrégé, et obtenu du pape
Clément VII la permission d'en faire l'essai, ainsi que les prêtres de
sa congrégation naissante. Devenu pape, il le fit réviser par le cardi-

1. Pastor, 1. vu, p. , 309, 313; t. vin, p. 145 et notes.


1014 LIV, LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

nal Scotii, auquel il


adjoignit le bibliothécaire Sirleti. Le travail
n'était pas terminé, lorsque les théatins adoptèrent définitivement
l'oHiee en 1561 , et le concile ne manqua pas de le prendre en considé-
ration. Il maintien en principe du bréviaire
réclama d'ailleurs le

romain, dont celui-ci n'était qu'un abrégé. Mais il ne }fut jas s'en
tenir là.
Le clergé d'Aragon, l'archevêque de Saragosse en tête, lui dénon-
çait, en même temps qu'au pape, les abus auxquels donnait lieu
l'enqiloi du bréviaire de Sainte-Croix. L'assemblée se contenta de
faire dresser un catalogue des innovations répréhensibles de Qui-
nones soumit au pape, le 23 novembre 1762, avec un projet
et le

d'anathème. Elle ne songeait toujours qu'à réformer le bréviaire


romain, en l'abrégeant surtout; mais dut promptement se rappe-
elle

ler qu'elle avait à s'occuper d'autres affaires que de ])roblèmes litur-


giques.
Le 23 juin 1563, les légats réclamèrent encore, sur la requête de
certains Pères, les matériaux que le cardinal Scotti avait réunis

d'après les instructions de Paul IV, et à propos de son ollice, ainsi

que ceux concernant le missel, rassemblés autrefois par l'humaniste

Alessandro Pellegrini. La commission cardinalice pour limpression


des livres, que j>résidait le même Scotti, en l'absence de Morone,
ne refusa pas de les lui transmettre, le 28 juillet, mais en rappelant
qu'elle seule avait le pouvoir d'autoriser et de contrôler la publica-
tion comme l'emploi de ces livres ^.
Les recherches et les idées de la commission devaient être com-
plétées par celles du concile : la première renvoya donc à celui-ci
les matériaux qu'elle avait réunis, y compris un missel attribué à
saint Grégoire le Grand, que le cardinal de Lorraine avait découvert
à la bibliothèque du Vatican, Les investigations ultérieures de
l'assemblée ne dépassèrent pas toutefois le champ des desiderata

qui les avaient provoquées. Il fut encore question, le 4 novembre,


de désigner des commissaires pour en tirer quelque ébauche de
règlement ou de décret; mais le concile s'en tint là et le bréviaire
ne reparut plus, sinon dans les discussions au sujet du catéchisnic :

ellesportèrent aussi incidemment sur les i>vières de la messe, les textes


propres à nourrir la piété privée comme la prière publique.
La connexion entre ces diverses parties de la liturgie était assez
étroite pour que l'Église romaine, acceptant la responsabilité de les

1. Past.or, ibid, [. vu, p. 311 et note 5, 312; 1. vm, p. 143, notes 1 et 5.


CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 1015

amender, chargeât les mêmes commissaires du concile de réformer


la prière et d'achever la rédaction du catéchisme. Celui-ci retint
du reste la part principale de leurs travaux et, quand il fut terminé, ils
avaient disparu pour la plupart, excepté l'archevêque de Lanciano,
Leonardo Marini, avec les consulteurs Sirleti et quelques théatins.
Les cercles autorisés de la curie conseillaient d'ailleurs de conserver
simplement le bréviaire de Paul IV, abrégé de l'ancien bréviaire
romain, auquel la comparaison des meilleurs manuscrits permet-
trait de donner la forme la plus authentique, surtout en faisant dis-
convenaient moins, ou peu sûres au point
]jaraître les légendes qui
de vue historique. L'humaniste Poggiani eut encore à réviser le
texte latin.
La mort de Pie IV suspendit l'entreprise; mais elle reprit avec
son successeur Pie V. Le pontife fit examiner de nouveau le bréviaire
et le missel par une commission reconstituée de spécialistes. Pour
lepremier, il présida parfois lui-même les séances le mercredi de
chaque semaine. Le souci d'abréger la prière publique fit naturelle-
ment naître celui de la mettre à la portée des esprits les plus culti-
vés dela Renaissance, et pour cela d'adapter, par exemple, le style

des Pères orienlaux au goût des humanistes de l'Occident. La


monotonie de l'olTice ne pouvaient se rompre qu'en
et la routine

multipliant les
psaumes, mais on ne toucha pas aux hymnes, pas
plus qu'aux aiitres poésies liturgiques. La commission, soucieuse
par ailleurs d'apporter à son œuvre le moins d'innovations possible,
jugea bon de supprimer quelques fêtes secondaires, celles de saint
Joachim et de sainte Anne, la Présentation de la sainte Vierge au
Temple, etc. ^. Et, innovation importante, qui ne
manqua pas d'être
soulignée, pour première la quatre grands docteurs
fois les de l'Eglise
grecque fournirent à celle d'Occident des textes de leurs œuvres
traduits en latin et ap])ropriés à la prière publique.
Le Bréviaire romain et le Missel furent imprimés, puis déclarés
obligatoires par bulles, le premier le 16 juillet 1568, le second le
14 du même mois de 1570, pour toutes les Églises qui n'avaient pas
une liturgie propre, remontant à plus de deux cents ans d'existence.
Par ces mêmes bulles, le Saint-Siège se réservait la faculté d'intro-
duire dans ces deux livres les améliorations qui seraient jugées
nécessaires. L'impression resta le monopole de l'éditeur Paul Manuce;
toutefois Pie IV autorisa bientôt certaines contrées, comme l'Espagne,

1. Pastor, ibid., p. 143-145.


1016 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

à se servir du nouveau bréviaire, imprimé chez elles, parce que l'éloi-


gnement de leur pays ne leur permettait pas de faire venir de Rome
les exemplaires indispensables à l'office de chaque jour.

Missel et bréviaire furent rapidement adoptés dans toute la chré-


tienté et prirent la place qui leur a])partenait, soit cji supplantant
les vieilles liturgies, soit en servant de modèles et de prototypes

pour les transformer, car plusieurs d'entre elles réussirent à se main-


tenir. D'ailleurs, pour compléter l'œuvre que l'Eglise romaine accom-
plissait à l'aide du concile de Trente, transféré pour ainsi dire au
Vatican, ces deux livres avaient besoin de deux autres réformes :

celles du mart\Tologe et du calendrier civil. Nous n'avons pas à


faire connaître les combinaisons par lesquelles les savants, sur l'invi-
tation de Grégoire XIII, parvinrent à faire concorder le dernier avec
le calendrier solaire^. Les études et les discussions qui eurent lieu

en cette circonstance ramenèrent l'attention de l'Église sur le mar-


tyrologe, car les enquêtes pour le bréviaire et le missel avaient déjà
fait ressortir ses défauts et son insuffisance.
Tout en s'occupant du XIII appelait le savant
calendrier, Grégoire
cardinal Sirleti, qui avait été un des inspirateurs romains du concile
de Trente, à préparer une édition épurée du martyrologe. Celui-ci
prit à son service douze érudits spécialistes, italiens ou espagnols,
en résidence à Rome. Parmi les premiers figuraient le latiniste Silvio

Antoniano et Baronius, disciple de saint Philippe Neri et qui avait


commencé ses Annales; a la tête des autres était le dominicain Alonso

Chacon, le futur historien des cardinaux. Ces savants compulsèrent


nombre de manuscrits des bibliothèques de Rome, les martyro-
loge d'Usuard, Florus, Abon, Bède, les ménologes grecs, les Dia-
logues de saLnt Grégoire le Grand et autres ouvrages se rapportant
à la question d'une manière plus ou moins directe.
En 1582, commença l'impression du nouveau texte; elle fut ter-
minée en 1584, après deux essais infructueux qu'il fallut retirer.
Un bref de jan^ ier de cette année prescrivit l'enqiloi de cette édition
comme la seule admissible. D'autres brefs du même pape y insé-
rèrent les fêtes du Rosaire et de sainte Anne, mère de la sainte Vierge.
L'édition n'était pas parfaite et Sirleti chargea Baronius de signaler
les moindres imperfections dans une série de notes ^; le travail se

1. Voir chapitre que leur eonsacre


le le même historien, ainsi qu'au marty-
rologe, t.
XIII, p. 204-215.
IX, Gregor.
2. Idem., t. x, p. 164 et note 3.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 1017

poursuivit plusieurs années et n'était pas terminé à la mort du pon-


tife. Sixte-Quint patronna l'entreprise et une nouvelle édition du

martvTologe, faite sous le contrôle de Baronius, lui fut dédiée.

Première mise en pratique du concile. Transformation


de la société romaine.

Ainsi la pluparr des papes du xvi^ siècle contribuèrent à parache-


ver le concile, en mcrne temps qu'à réaliser sa réforme, cela va de
soi. En ceci, Pie IV leur aN ail doimé rexem]>le dès le lendemain de
la clôture. L'entrejirise qui avait coûté tant de peines l'occupa
lui

uniijuement ses derniers jours. Ses promotions de cardinaux


furent faites au réforme, notamment en récomjiensant
})rolit de la

les ou>Tiers qui l'avaient secondée. Il n'en fit d'ailleurs plus qu'une,

le 12 mars 1565, et ce fut la promotion du concile sur vingt-trois :

candidats, quatorze y avaient pris part, non seulement en qualité


de diplomates. Bartolomeo Galli, Santa Croce, Dellini, Visconli,
ComiTiendone, ou de juristes, Buoncompagni, Paleotto, Alciati,
Sirleti; mais aussi comme défmiteurs, les évcques de Padoue, Pisani;

d'Aoste, Bobba; de Parme, uji Sforza; larchevêque de Tarente,


un Colonna; l'évéffue de Verceil. duido Fcrreri. Certains d'entre
eux, Visconti, Commendone, Buoncompagni, Bobba, avaient joué
un grande envergure tant à l'assemblée qu'au dehors.
rôle capital et de
Pie IV poursuivait en même tenq»s le double jtrogranmie de faire

promulguer et apjiliquer les décisions du concile. Le premier point


dépendait des souverains et des l'^tats. plus encore que des Ordi-
naires et réclamait temps et ])atience; le second fut entrepris immé-
diatement, à Rome d'abord, puis dans le reste de la chrétienté,
avec le concours de la congrégation du concile.
Son secrétaire Poggiani a rassemblé ujie série de décisions qui
sont restées pour une période de dix mois, octobre 1564-août 1565 ^.
Elles sont adressées surtout aux clergés d'Italie et de la monarchie
espagnole, pour toutes affaires et cas de conscience unions de béné- :

fices, visites des exempts, érection de séminaires, résidence imposée


dans ou nationales, par exemple dans le royaume
les Églises régionales

de Naples, où les archevêques négligeaient de la faire respecter dans


des diocèses pour la plupart trop pauvres. Le pape suivait de près

1. Pastor, t. vil, p. 327-349 avec des notes abonclanlos.


1018 LIV. LVI, CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

les travaux de l'assemblée son aide par un motu proprio


et vint à

du 17 février 1565, qui a pris place à la fin des décrets du concile :

il y révoquait tous les privilèges qui allaient à l'encontre de ces


décisions, notamment ceux qui avaient été extorqués depuis le

l^'mai 1564, date de l'entrée en vigueur de ces décisions.


Le succès de la réforme conciliaire dépendait de l'exemple qu'en
donneraient le pape et son entourage. Pie IV n'y manqua pas et
son neveu, saint Charles, accentua encore avait déployé
le zèle qu'il

pendant les travaux du de


concile. Par une
mesures, motu série

proprio, brefs, discours, etc., le pontife prêcha, du 1^^ mars 1564

au 5 mai 1565, le devoir de la résidence aux cardinaux et évêques


de la curie ^, avec des sanctions diverses, privation des fruits ou
même des bénéfices, confiscation des revenus et pensions au profit
de la Chambre apostolique, etc. Il fallut toutefois faire des conces-
sions de plus d'une sorte, comme
de proroger la dispense de rési-
dence jusqu'au 31 octobre. Le pape ne voulait plus d'évêques à
Rome que pour les nonciatures ou les fonctions de gouverneurs
dans les Ëtats de l'Église; les cardinaux pourraient se faire suppléer

par des neveux, avec un traitement de mille ducats.


Saint Charles Borromée donna lui-même l'exemple et, le l*''" sep-
tembre 1565, transmit la Secrétairerie d'État à son subordonné
Galli, devenu son collègue, pour se consacrer entièrement à l'admi-
nistration du vaste diocèse de Milan; il ne tarda pas à quitter Rome
pour s'installer au milieu de son troupeau. Le neveu donnait l'exemple
aussi bien que l'oncle.En juin 1564, il avait congédié quatre-vingts
personnes laïques à son service, qui ne respectaient pas toujours les
règles et les convenances d'une maison de cardinal, et à peu près
autant de clercs. Il peu après. Le mois suivant,
supprima ses écuries
le maison de plus de quatre
pape réduisait lui aussi le personnel de sa
cents personnes et réalisait une économie de vingt mille ducats ^.
La réforme s'étendit aussi aisément à la ville et au diocèse de
Rome. Le cardinal-vicaire, Giacomo Savelli, fit procéder, en cette
même année, à la visite du clergé et des églises de la cité, et il fut
en cela secondé par le cardinal Farnèse, qui lui recommanda de
confier aux
jésuites cette ardue entre})rise. Ils y déployèrent un zèle
méticuleux, attentif aux détails et par là soulevèrent contre eux
une coalition des chapitres des basiliques et du clergé paroissial,

1. Ibid., p. 338-339, avec des références importantes.


2. Pastor, ibid., t. vu, p. 344 et note 5.
CH, II. LA CONCLUSION DU CONCILE 1019

coalition qu'entretint Cesarini, le coadjuteur du cardinal-vicaire.


Ce personnage fit circuler à Rome et dans la chrétienté deux mémoires
qui condensaient un certain nombre d'accusations, nourries de faits
interprétés plus ou moins justement, contre le ministère, les règle-
ments et même la vie privée des Révérends Pères. Le pape ordoima
une enquête qui les justifia si Lien, qu'elle leur concilia sa faveur ^:

jusque-là il s'était montré plutôt froid à leur égard, sinon indifTérent


envers leur société.
Cette levée de boucliers s'était j)roduite à l'occasion de l'érec-
tion d'un séminaire, que Pie IV poursuivit cette année, pour réali-
ser le vœu que le concile lui avait adressé de donner en cela l'exemple
aux Ordiiiaires.La congrégation, qui fut appelée à la préparer, lui
conseilla d'en confier la direction aux jésuites, et Laynez, leur géné-
ral, s'empressa de l'accepter. Il était alors en pleine visite diocésaine,
au grand mécontejitement des intéressés. Les curés de Rome mirent
en avant toute une liste de clercs séculiers, capables de diriger le

nouveau collège: mais le pape tint bon et la congrégatioii l'appuya.


Avant la mort du premier, le séminaire romain était ii\stallé au
palais que le cardinal Pio da Carpi avait légué à la compagnie, et
comme dans une maison de famille dépendant du Collège romain.
Pie IV }>rit en outre une série de mesures de détail imposa un :

règlement de vie et bonne tenue aux cardinaux, borna leur luxe,


leur dépense. Il leur fut ijiterdit de se moiitrer en public autrement

qu'à cheval, dans les cérémonies et au Vatican. D'autres règlements


dictèrent à la noblesse de Rome une vie plus morale et plus chré-
tienne. Le port des armes fut interdit, en dehors de lépée, insigne
des nobles: le duel proscrit, les courtisanes surveillées, les blas-

plièmes punis; les mendiants et vagabonds soumis à un régime de


suTA eillance et de travail, qui assurait leur subsistance: l'instruc-
tion enfin fournie aux enfants orphelins ou délaissés en des établisse-
ments dotés de fondations.
Toutes ces réformes s'implantèrent à la longue, achemiiiajit. sous
les pontificats qui suivirent, la société romaine vers une transfor-
mation radicale qui en fit, au xvii^ siècle, un modèle de religion et
d'édification ])Our la chrétienté. Les voies avaient été d'ailleurs prépa-
rées par le ministère des jésuites qui, depuis vingt-cinq ans, nous
l'avons vu. catéchisaient le peuple romain, prêchaient, confessaient,
instruisaient de leurs devoirs les hautes classes, ecclésiastiques aussi

1. Ibid., p. 348-349.
1020 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

bien que laïques, les dirigeaient au point de vue spirituel. Saint


Ignace leur avait imprimé, pendant seize ans, une impulsion remar-
quable, tout en organisant fortement la compagnie et, à sa mort (1556),
son œuvre fut reprise et poursuivie par des héritiers non moins rem-
plis de avec des succès toujours éclatants.
zèle,
Ces succès donnèrent de l'ombrage au clergé romain, nous avons
pu le constater; il se voyait éclipsé, annulé, parce que l'activité

des Pères faisait honte à son oisiveté et à son laisser-aller; leur pau-
vreté et leur détachement contrastait avec son attachement aux
richesses et au bien-être. Cette opposition les aurait fortement gênés,
s'ilsn'avaient eu l'appui de puissants personnages, comme le cardi-
nal Alessandro Farnèse, qui les protégea pendant plus de quarante
ans et fit bâtir à ses frais leur église du Gesu. Pie IV, quant à lui,
après s'être laissé induire à prendre leurs théologiens Laynez et
Salemcron pour défenseurs de ses prérogatives au concile de Trente,
reconnut assez tard les S6r\ ices de la compagnie et ses mérites à ;

l'exemple de ses prédécesseurs, Paul III et Jules III, il lui rendit

justice et finit par la prendre sous sa protection.


C'est qu'en effet, avec le concours de ces auxiliaires, préparait il

toute une série de brillants pontificats : ceux de saint Pie V, de Gré-


goire XIII, de Sixte-Quint, etc. Le premier notamment, en dépit
de sa sainteté éminente, peut-être à cause de sa raideur, aurait sans
doute moins bien réussi, politiquement parlant, si son prédécesseur
immédiait ne lui avait préparé les voies. La grande gloire de son
pontificat fut de continuer le monument dont celui-ci avait jeté
les fondations et d'en faciliter l'achèvement à ses successeurs.
Initiateur et constructeur à la suite de Paul III, telle fut la carac-

téristique de Pie IV dans son court Il perfectionna avec


pontificat.
succès programme que ses prédécesseurs
le avaient ébauché, inau-
gura de plus sa mise en pratique. Un dernier fait illustre davantage
ce rôle du grand pape ce fut de son temps que Philippe Neri déve-
:

loppa son entreprise de conversion et d'édification, entrevue et


commencée sous Jules III, qu'il poursuivit pendant trente et quelques
années, avec des résultats qui accrurent notablement ceux réali-
sés par les jésuites ^. A l'époque précédente, après des années vécues
dans les rues de Rome, en contact quotidien avec le menu peuple,
le Toscan avait jeté les bases de V Oratorio, modeste cercle de
jeunes

1. L. Ponnelle-L. Rordct, Saint Philippe Neri et la société romaine de son


temps, 1515-1595, Paris, 1928, c. v La réforme de la curie, 1560-1572.
:
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 1021

gens et hommes de toutes classes, clercs et laïques, avec les-


faits

quels il tenait chaque jour un exercice de prières et de chants; il le


fixa finalement dans un local déterminé, et l'exercice fut bientôt
suivi d'une conférence-instruction présentée par l'un de ses disciples
sur ji'importe quel sujet, édifiant ou simplement sérieux. Des étran-
gers, des auditeurs de passage se faisaient admettre sans peine, et
les commentaires attachants, dont Philippe accompagnait la confé-
rence, ralliaient un public toujours plus nombreux. Le local adopté
devint trop exigu et il fallut en chercher un autre assez vaste pour
contenir la foule qui ne cessait de s'y multiplier l'église San Giio-
:

lam.o délia Garita, entre le Borgo et le Campo dei Fiori, deux


centres importants de Rome.
Saint Philippe était alors en voie de s'acquérir une influence
réformatrice prépondérante dans la plupart des cercles romains.
A l'époque de Pie IV, elle pénétra dans la curie, où rajjôtre recruta
des auditeurs, puis des disciples; d'abord pénitents, ils se trans-
forment en dirigés dans les chemins de la perfectioji. Charles Borro-
mée se fait le protecteur, l'animateur de l'apostolat du saint; celui-ci

passe dès lors ses journées à confesser, à donner des conseils, dans
son lit (avec l'autorisation du pape), lorsque la vieillesse le jiaralyse
tout à fait. La haute aristocratie, les grandes dames, les cardinaux
eux-mêmes se pressent autour de lui, à côté des ])rélats, après les
artisans de tout degré et les gens de condition inférieure. En 1563,
YOratorio, qui achève de s'organiser, s'installe dans la belle et vaste
église de Saint-Jean des Florentins, non loin du pont Saint-Ange,
entre les deux quartiers mentionnés plus haut. Après la mort du pa]>c,
elle s'ouvre à la congrégation nouvelle, issue de YOratorio et dont

l'action toujours croissante exigera plus tard un foyer mieux adapté


à des nécessités nouvelles, l'église de la Vallicella, reconstruite sotis

Grégoire XIII et ses successeurs ^.

1. Ihid., p. 266-267, 289-294, 357-369. L'église avec toutes ses chapcHes ne fut
terminée qu'à la fin du x\a^ siècle.
CONCLUSION

Le concile de Trente entre dès lors en voie d'application, s'étend


la chrétienté; il ne nous reste qu'à clore son
])eu à peu partout dans
histoire, si importante pour l'Église catholique et pour la papauté.
]1 doit son existence à trois pontifes, dont deux surtout lui ont
consacré un labeur considérable, continuel et de longue durée,
Paul III et Pie IV. Le premier s'est fatigué dix ans sans pouvoir
le une assemblée qui ne comptait
réunir, et ne réussit qu'à tenir
pas cent membres, un peu plus de quatre-vingts. Et parce qu'elle était
convoquée d'abord dans l'intérêt des Allemands, elle dut subir les
exigciices de Charles-Quint, qui entendait la religion à sa manière
et n'abandonna jamais l'espoir de regagner les luthériens par des
concessions dogmatiques inadmissibles, et surtout par la réforme
coûte que coûte du clergé et de l'Eglise, y compris Rome et le pape.
Il s'entêta dans le conflit du transfert du concile à Bologne; celui-ci

dut être suspendu et l'empereur, se nmant en césar byzantin, affli-


goM rAllemagne d'un credo et d'un culte provisoires, dont d'ailleurs
ilconstata promptement le peu d'eiïet.
Sous Jules III, surgirent des contradictioi-s d'un autre ordre,
non moins embarrassantes: Henri II ne voulut pas du concile, sous
])rétexte qu'il n'était que l'assemblée de ses adversaires, les Habs-
bourg ;
il manœuvra contre elle, fit manœuvrer les gallicans, si bien

({iTelle n'existapas pour eux. C'est ainsi que nous voyons toujours
des gi'ands princes de la chrétienté réclamer sans cesse le concile,
mais uJ! concile spécialement pour eux, qui ne fût pas celui du voisin.
Avec Pie IV, de nouveaux embarras viennent compliquer ceux
du passé et trois souverains disputent alors au pape la direction
de l'Eglise enseignante, l'empereur Ferdinand, le roi Philippe II
le Catholique et la
demi-huguenote Catherine de Médicis. Mais le
nouveau pape, diplomate habile en même temps que temporisateur,
montrer énergique, autoritaire quand il le faut ainsi l'atteste
sait se :

à chacjue pas la correspondance de saint Charles Borromée, son


secrétaire d'Etat. 11 ne cesse de négocier avec les trois potentats,
tant à Home par leurs ambassadeurs
que chez eux, par ses nonces ;

en même temps il
intervient, avec décision, discrètement, mais sans
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 1023

se lasser jamais, dans les disputes qui, à chaque instant, immobi-


lisent l'assemblée, annulent même l'autorité des représentants du

Saint-Siège.
A Rome, le pontife trace le programme des débats, sur avis de
ses cardinaux transforme, en suit toutes
et théologiens, le corrige, le
les vicissitudes et les
phases à Trente. Son action se précise encore

par l'entremise de correspondants ofilcieux, qui le tiennent au cou-


rant jour par jour, Simonetta, Visconti, les canonistes pontificaux,
enfin le cardinal de Lorraineqii'il a su convertir
à ses vues par un

coup de diplomatie vraiment habile. Il le choisit })our son lieute-

nant, fait voter par lui tout \n\ ensemble de décrets et, quand il
voit qu'il lui est impossible d'obtenir davantage, prépare longue-
ment et provoque le renvoi des Pères, dans des circonstances où
ilsne de.nandaient pas mieux que de se retirer.
du concile de Trente s'embrouilla dans une telle
L'existerice

complexité de faits et de circonstances, remontant haiit et qui par-


taient des abus lointains de la cour romaine pour aboutir à la révo-
lution protestante, que les papes durent le conduire d'après un
double programme, en faisant cojicorder leur ]»ro]>re réforme avec
le rétablissement de la foi et de la disci]>line ébranlées jus((ue dans

leurs assises par cette révolution. Pour cette raison


par condescen-
et
dance envers des novateurs ombrageux, ils durent aussi tenir l'assem-
blée bien loin de leur propre entourage (suspect à tant de gens), dans
des conditions qui compliquaient e;!core leur rôle de guides de l'Église

enseignante. Ils crurent alléger ce rôle, en le faisant tenir par des


légats, et là encore, surgissaient des dilficultés de plus.
Ces légats ne pouvaient qu'exercer les fonctions de conseillers
etde mentors en face d'un premier président, qui avait à diriger les
travaux et les débats, à })reiulre souvent de lui-même, et parfois
ex iibrupto, des décisions sur l'ordre du jour. Le sort de toute assem-
blée délibérante dépend ainsi d'un homme qui sache la conduire, la
faire aboutir pour le mieux, et surtout se contente du succès possible.
Cet homme se trouve dilficilement, et les papes en firent l'expé-

rience, ce qui les obligea d'intervenir plus souvent qu'ils ne le vou-


laient.
Le rej)résentant de Paul III, le cardinal del Monte, avait le pres-
tige du savoir, de la pratique des alfaires; il n'eut pas toujours cette

possession de soi-même, qui ne manque jamais d'accroître l'ascen-


dant d'un supérieur. Il fut secondé toutefois ellicacement par son

collègue Cervini, dont le savoir multiple, les connaissances en sciences


1024 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUR. CATHOLIQUE

sacrées, les grandes qualités d'àirie et d'esprit en imposaient à ce


point à la foule des Pères, qu'une fois rassemblés ils le
respectaient,
l'écoutaient, se laissaientémouvoir par ses nionitions, bien que sa
timidité le rendît incapable de les dominer; plus d'une fois son
intervention, sa sim])le présence empêcha des chocs entre eux et le
président.
Sous Pie IV, les dillicultés s'accrurent avec le nombre des Pères.
Le cardinal de Mantoue n'avait guère pour lui que le prestige de
son nom et de ses qualités de grand seigneur. Par ailleurs son second,
Seripandi, était surtout un théologien de vaste savoir, un moine qui
se laissa gagner par une école de théologiens ses confrères et
entraîna le }>résident à favoriser la déclaration du droit divin de
la résidence. De là le conflit qui contraignit le pape d'intervenir
])lus d'une fois, au risque de faire un coup d'éclat.
Le cardinal Morone, par contre, fut tout à fait le président dont
il avait besoin pour mener le concile à bonne fin. L'assemblée avait
ébauché à peu près sa tâche elle avait restauré le dogme mis en
:

pièces par les protestants, établi une réforme quelconque qui suffi-
sait, à condition que le pape sût la compléter et la faire appliquer.
Restait toutefois la réforme des abus que le pouvoir civil multi-
pliait contre Pliglise; réforme qui ne pouvait avoir lieu que par
une entente entre ce pouvoir et la papauté. D'après le programme
convenu avec l'empereur Ferdinand, et qui ouvrait les ^ oies à cette
entente, nouveau chef du concile n'avait qu'à compléter la réforme
le

générale, en donnant quelque satisfaction aux Ordinaires contre les


exempts, chanoines et réguliers; puis acheminer l'assemblée vers
sa dispersion, d'une manière douce et sans esclandre. On ne peut
nier qu'en cela Morone n'ait secondé heureusement les intentions
de Pie IV, et ne les aît réalisées.
Ce n'est d'ailleurs que par l'action continuelle du pape et sa volonté
formelle que le concile de Trente put se dire canonique. Il fut tou-

jours dominé ])ar ime forte majorité d'Italiens, y compris un certain


nombre d'Orientaux qui, par leur dépendance de Venise ou placés
directement sous lautorité du pape, pouvaient se dire Italiens.
Allemands, Français, Es])agnols,etc., n'étaient représentés que par
un groupe plus ou moins nombreux ou par quelques unités. Sous
Pie I\ leur nombre augmenta avec celui du concile, et leur minorité,
,

quand même il n'y eût pas toujours entente entre eux, sut s'impo-
ser, plus que précédemment, causant parfois un grand embarras à
la majorité. Les Espagnols avec les Portugais, trente ou quarante
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 1025

environ, sérieux argumentateurs en théologie, intransigeants sur leurs


un nombre presque égal de Napo-
principes, entraînaient à leur suite
Les Français, vingt- six en tout, oscillaient entre la
litains et Siciliens.

raideur des docteurs de Sorbonne et la condescendance du cardi-


nal de Lorraine. Les Allemands devaient un certain prestige à leur

savoir, mis en relief ])ar leur titre d'agents et théologiens de l'empe-


reur ou des princes de l'Empire.

Quelques chiffres, vont nous permettre d'apprécier ce caractère


assez spécial du concile, pour les sessions où se prirent des déci-
sions importantes. Sous Paul III, le canon des Écritures fut défini,
dans la session quatrième, par cinquante-neuf Pères; le décret sur
le péché originel, de la cinquième, par soixante-quatre. L'acte si
important delà justification, à la sixième, en recueillit soixante-neuf:
soixante et onze celui sur les sacrements en général. Sous Jules III,
cinquante-deux et cinquante- six prélats, avec six ])rocureurs, fixèrent,
en treizième session, la doctrine des sacrements d'Eucharistie
la

et de Pénitence.
Nous savons que Pie IV fut plus favorisé quant au nombre de ses
définiteurs. Dans la session vingt et unième, une assemblée de cenl
quatre-vingt-trois nuenibres écarta le débat concernant la commu-
nion avec le calice et règlement au Saint-Siège. Un
en renvoya le

même nombre se prononça sur le saint sacrifice de la messe, qui fit


l'objet de la ^ ingt-deuxièmc. Ce nombre varia ensuite en ])lus comme
en moins : il monta à deux cent trente-cinq, quand l'assemblée
définit l'ordre dans vingt-troisième, descendit à deux cent vingt-
la

sept pour le mariage, à la vingt-quatrième: s'arrêta à cent quatre-


vingt-neuf dans la séance de clôture.
Le pape avait cependant pris les mesures sullisantes pour que le
concile fût réellement o.'cuménique invité à plusieurs reprises et
:

par tous moyens en son pouvoir, bulles, brefs, lettres, missions, etc.,
tous les princes chrétiens et tous ceux, évcques et prélats qui avaient,
de par la discipline et la coutume universelle, le devoir de prendre
part à l'assemblée comme membres de l'Église enseignante. Il
n'oublia ni les patriarches orthodoxes de l'Orient, ni les souverains
de race et de croyance analogues, le tsar de Moscou, le roi d'Abyssi-

nie,empereur d'Ethiopie, princes chrétiens du Danube. Et nous


les

avons vu à quelle mauvaise volonté irréductible il se heurta la plu-


part du temps.
Les Pères se rendirent parfaitement compte de la situation créée
par ces embarras et des rapports qu'elle imposait entre eux et le
1026 LIV. LVI. CONCILE DE PIE IV ET RESTAUB. CATHOLIQUE

Saint-Siège. Aussi n'hésitèrent-ils pas, empressés qu'ils étaient de


se sé]iarer, à se décharger sur celui-ci du soin de compléter leur œuvre,
d'en faciliter la mise en pratique, ce dont il était seul responsable

d'ailleurs. Il ne s'agissait pas uniquement de régler avec les princes


le fastidieux problème de la communion sous les deux espèces, règle-
ment qui échoua d'ailleurs d'une manière pitoyable. Les intrigues
trop mouvantes dans lesquelles nous avons vu le concile s'enliser
souvent, ne disparurent pas avec lui, il s'en faut ;
il était même facile

de prévoir que les princes, avec qui le pape avait désormais à comp-
ter,redoubleraient d'exigences et s'entêteraient d'autant plus à tout
accaparer, qu'ils n'avaient plus affaire qu'à l'Église romaine.
L'histoire du concile se continuera donc par sa mise en pratique.
Celle-cine sera possible qu'avec l'assentiment des princes et leur
concours. Le clergé avait trop besoin d'eux, s'il voulait en faire
observer les règlements, bien plus les promulguer, c'est-à-dire les
rendre obligatoires, en rendre l'application facile. Les premiers
embarras et les plus graves vinrent de la monarchie française *,

parce qu'elle n'avait pas pris part au concile de Jules III, non plus
qu'à la conclusion de celui de Paiil IV. Elle avait même protesté
ne pouvoir accepter leurs décisions, ] arce que celles-ci consacraient
la suprématie de l'autorité pontificale sur les privilèges du pouvoir
civil et les libertés de l'Église gallicane. L'attitude des évêques

français au concile avait plus accommo-


fait espérer qu'ils seraient

dants : sans doute ils


appliquèrent de décrets
discipline; les
les

réformes de l'assemblée n'en restèrent pas moins à la porte des par-


lements, qui refusèrent toujours de les enregistrer comme lois de
l'État. Le concile de Trente n'a pas été publié en France.
Par bonheur, les définitions de doctrine furent admises sans hési-
tation par les souverains et leurs peuples, unanimes dans leur foi
comme dans leur vie religieuse. Sur le reste, la résistance varia avec
les pays, mais nulle part ne se jnontra intransigeante. Philippe II,

par exemple, revendiqua lui aussi les privilèges multiples que les
papes du moyen âge avaient prodigués à ses prédécesseurs dans les
divers États dont le bloc constituait sa monarchie. Les fonctionnaires
de ces provinces déployèrent beaucoup de zèle à les défendre, en
Italie surtout,où le pape soutenait avec le plus d'énergie les préro-
gatives de l'Église romaine. Saint Charles en particulier se heurta

1. Cf. V. Martin, Gallicanisme et


Réforme calfiolique, Essai sur l'introduction
en France du concile de Trente, Paris, 1919.
CH. II. LA CONCLUSION DU CONCILE 1027

chez eux à une opposition \ iolente, quand il prétendit faire exé-


cuter les décisions de son concile dans le diocèse de Milan.
La république de Venise apporta aussi ses restrictions de com-
merçante ne
: voulait
elle pas se priver des bénéfices que lui assu-
raient ses relations avec les cités mercantiles de la ITanse germanique.
En Allemagne, Habsbourg oublièrent vite, après la mort de
les

Ferdinand que celui-ci et soji frère Charles-Quint avaient


l^^ (1564),
poursuivi pendant une quarantaine d'années et plus la tenue du
concile. Leur politique de faiblesse et de ménagements à l'égard
des hétérodoxes faillit être fatale au catholicisme dans les États
héréditaires. Mais les jésuites avec l'appui des Wittels-
^ cillaient et,
bach de Bavière, ils secouèrent la torpeur des évêques dans l'Alle-
magne du Sud, assurèrent la stricte et complète observance du
concile; par leurs missions et collèges ils convertirent les classes éle-
vées aussi bien que le ]>euple. Leur ofl"ensi^e gagna les États hérédi-
taires : ils ramenèrent les Ilabsbourgs à une compréhejision plus
sérieuse de leurs devoirs et réalisèrent ainsi, pour leur part, magni-
fiquement, la restauration et la renaissance catholiques, organi-
sées à Trente, inaugurées à Rome, et que les souAcrains pontifes
dirigeaient maintenant de lu Ville élernelle.
SUBSCRIPTIONES PATRUM
IN FINE SACRI ŒCUMENICI CONCILII TRIDENTINI
DIE 4 DECEMBRIS 1563

(Concilium Tridentinum, t. ix, Actorum pars vi, p, 1111-1120.)

SuBSCRIPTIONES IrUM DD. PR AESI DKNTIUM ET LEGATORLM

In Dei nomine.
Ego Joannes cardinalis Moronus S.R.E. episcopus Praenestinus. in
sacro concilio oecumenico Tridentino Smi D.N. Pii papae quartl et sanctae
Sedis Apcae legatus de latere et praesidens, manu propria dilliniens
subscripsi.
Ego Stanislaus Hosius tituli S. Pancratii presbyter cardinalis Var-
miensis, in eodem sacro concilio oecumenico Tridentino ejusdem Smi
D.N. Pii papae quarti et sanctae Sedis Apcae legatus de latere et praesi-
dens, manu propria subscripsi.
Ego Ludovicus tt. S. C>Tiaci in Tlurmis cardinalis Simoneta, in eodem
concilio legatus et praesidens, subscripsi.
Ego B. cardinalis Naugerius tituli S. Nicolai intra imagines, in eodem
concilio oecumenico Tridentino legatus et praesidens, subscripsi.

SuBSCRIPTIONES CARDINALIUM

Ego Carolus cardinalis Lotaringius tt. S. Appolinaris S.R.E. presbyter


archiep. Remensis, Franciae primus par, manu propria difTiniens sub-
scripsi.
Ego Ludovicus Madrutius S.R.E. tt. S. Honofrii diaconus cardinalis,
electus ep. Tridentinus, manu propria diffmiens subscripsi.

SUBSCRIPTIO.NES PATRI ARC H ARUM

1. Ego Antonius Helius de lustinopoli ep. Polensis et patriarcha Hiero-


solymitanus definiens manu propria subscripsi.
2. Ego Daniel Barbarus Venetus patriarcha Aquileiensis electus difi-

niens subscripsi.
3. Ego Joannes Trevisanus patriarcha Venetiarum propria manu
subscripsi diiïiniens et accepta us.
1030 SUBSCRIPTIOiNES PATRUM

SuBSCRIPTIONES A.RCHIEP1SCOPOBIIM

1. Petrus Landus Venetus archiep. Cretensis dilfiniens subscripsi.


2. Ego Petrus Antonius de Capua Neapolitanus archiep. Ilydruntinus
diflîniens subscripsi.
3. Ego Marcus Cornélius electus Spalalensis difTmiens subscripsi.
4. Ego Petrus Guerrero Granatensis Hispanus diflîniens subscripsi.
5. Ego Antonius Altovita Florentinus archiep. Florentinus difTmiens
subscripsi.
6. Ego Paulus Aemilyus Verallus Caputaquensis dithniens subscripsi.
7. Ego Joannes Brunus patria Dulcinensis archiep. Antibarensis Dioclen-
sis, totius regnique Serviae primas, diflîniens subscripsi.
8. Ego Joannes Baptista Castaneus Romanus archie[». Rossanensis
manu propria subscripsi.
9. Ego Joannes Baptista Ursinus archiep. Sanctae Severinae diflîniens
subscripsi.
10. Ego Mutius archiep. ladrensis diflîniens subscripsi.
11. Ego Sigismundus Saracenus Neapolitanus archiep. Acheruntinus
et Matheranus manu propria subscripsi.
12. Ego Antonius Parragues de Castillegio archiep. Callaritanensis defi-
niens manu propria subscripsi.
13. Ego Bartholomaeus de Martiribus Ulixboncnsis archiep. Bra-
(!)
carensis Hispaniae primas definiens manu
propria subscripsi.
14. Ego Augustinus Salvaigus archiep. Genuensis diifiniens subscripsi
manu propria.
15. Ego Philippus Mocenicus Venetus
archiep. Nicosiensis primas et
legatus natus in regno Cypri diflîniens subscripsi.
16. Ego Antonius Caucus Venetus archiep. Patracensis et coadjutor

Corcyrensis diflîniens subscripsi.


17. Ego Gennanicus Bandinus Senensis archiep. Corinthi et coadjutop
Senarum deflniens subscripsi.
18. Ego M. Antonius Columna archiep. Tarentinus diflîniens subscripsi.
19. Ego Gaspar a Fosso archiep. Rheginus definiens subscripsi.
20. Ego Antonius de Muglitio archiep. Pragensis definiens subscripsi.
21. Ego Gaspar Cervantes Digaete Hispanus archiep. Messanensis
electus Salernitanus propria manu diflîniens subscripsi.
22. Ego Leonardus Marinus Genuensis archiep. Lancianensis definiens

subscripsi.
23. Ego Octavianus Praeconius Franciscanus a Messana archiep.
Panormitanus definiens subscripsi manu propria.
24. Ego Antonius lustinianus Chiensis archiep. Naxiensis et Pariensis
definiens subscripsi.
25. Ego Antonius Puteus Niciensis archiep. Barensis definiens subscripsi.

SuBSCRIPTIONES EPISCOPOBUM

1. Ego lo, Thomas Sanfelicius Neapolitanus ep. Cavensis senior sub-


scripsi.
SUBSCRIPTIONES PATRUM 1031

2. Ego Aloisius Pisanus Venetus electus Paduanus, camerae Apcae


clericus, diffiniens subscripsi.
3. Ego Alexander Piccolhomineus ep. Pientinus subscripsi.
4. Ego Dionysius Graecus ep. Milopotamensis subscripsi.
5. Ego Gabriel Leveneur ep. Ebroicensis Gallus definiens subscripsi
manu propria.
6. Ego Guilielmus de Montbas ep. Lectorensis Gallus diffiniens manu
propria subscripsi.
7. Ego Antonius a Cametia Bellissensis subscripsi.
8. Ego Nicolaus Maria Caracciolus Neapolitanus ep. Catinensis Nea-

politanus diffiniens subscripsi.


9. Ego Berardus Bonjohannes Romanus ep. Camerinensis diffiniens
subscripsi.
10. Fabius Myrtus Neapolitanus ep. Calatinus alias Caiacensis defi-
niens subscripsi.
11. Georgius Cornélius Venetus ep. Tarvisinus deliniens subscripsi.
12. Ego Mauritius Petra Papiensis ep. Viglevenensis diffiniens manu
propria subscripsi.
13. Ego Martius Maria de Medicis Florentinus ep. Marsicensis subscripsi.
14. Ego Egidius Falcetla de Cingulo ep. Britonoriensis manu propria
subscripsi.
15. Ego fr. Thomas Casellus civitalis Rossani Calabriae 0. Praed.

ep. Cavensis definiens manu


mea subscripsi.
16. Ego Hippolytus Arrivabenus Mantuanus ep. Gerapetrensis manu
propria subscripsi.
17. Ego Hieronymus Machabaeus Tuscanensis ep. C.astrensis pro\in-
ciae patrimonii beati Pétri manu propria subscripsi deliniens.
18. Ego Petrus Augustinus ep. Oscensis et laccensis provinciae Cae-

saraugustanae in Hispania citeriore definiens subscripsi.


19. Ego Jacobus Naclantus Florentinus ep. Clodiensis propria manu
subscripsi.
20. Ego Bartholomaeus Sirigo Cretensis ep. Castellanetensis diffiniens
subscripsi.
21. Ego Thomas Stella ep. lustinopolitanus diffiniens subscripsi.
22. Ego loannes Soarez ep. Colimbrensis Argomili cornes Lusitanus
manu propria subscripsi.
23. Ego lo. lac. Barba Neapolitanus ep. Interamnensis et sacrista
Smi D.N. manu propria subscripsi.
24. Ego Michael Turrianus ep. Cenetensis definiens manu propria.
25. Ego Pompeus Zambicarius ep. Valvensis et Sulmonensis manu

propria subscripsi.
26. Ego Andréas Mocenicus Venetus ep. Nimosiensls in insula Cypri
manu propria subscripsi.
27. Ego Antonius ex comitibus de Cucurno ep. Brugnatensis manu
propria subscripsi.
28. Ego Caesar Foggia ep. Umbriaticensis deffiniens manu propria
subscripsi.
29. Ego Martinus de Avala ep. Segobiensis manu propria subscripsi.
1032 SUBSCRIPTIONES PATRUM

30. Ego Nicolaus Psalmeus ep. Virdunensis sacri Imperii princeps


Lotharingus dcfiniens manu propria subscripsi f.
31. Ego Julius Parisanus ep. Ariminensis difiiniens subscripsi manu

propria.
32. Ego Bartholomaeus Sebastianus ep. Pactensis diffîniens subscripsi
manu propria.
33. Ego Francisons Lambertus Sabaudus ep. Niciensis definiens manu
propria subscripsi.
34. Ego Maximilianus Doria Genuensis ep. Naulcnsis difTmiens manu
propria subscripsi.
35. Ego Bartholomaeus Capranicus Romanus ep. Calennensis diffî-

niens manu propria subscripsi.


36. Ego Ennius Massarius de Narnia ep. Feretranus diffmiens manu
propria subscripsi.
37. Ego Achilles Brantia Neapolitanus patritius Surrentinus ep. Boven-
sis diffîniens subscripsi manu propria.
38. Ego Joannes Franciscus Virdura Messanensis ep. Kironensis diffî-

niens subscripsi.
39. Ego Tristandus de Bizet ep. Xanctonensis Gallus manu propria
subscripsi.
40. Ego Ascanius Geraldinus Amerinus ep. Cathacensis diffiniens

subscripsi.
4i. Ego Marcus Gonzagua Mantuanus ep. Auxerensis manu propria
diffîniens subscripsi.
42. Ego Petrus Franciscus Pallavicinus Genuensis ep. Aleriensis defi-
niens subscripsi.
43. Ego fr. Aegidius Foschararius ep. Mutinensis diffîniens manu
propria subscripsi.
44. Ego fr. Timotheus lustinianus Chius O. Praed. ep. Ariensis et
Calamonensis definiens subscripsi.
45. Ego Didacus Henriquez de Almanca ep. Cauriensis extra Duriam

Hispanus difiiniens subscripsi.


46. Ego Lactantius Roverella ep. Asculanus diffîniens subscripsi.
47. Ego Ambrosius Monticola Lunensis Sarzanensis ep. Signinus difi-
niens subscripsi.
48. Domnus Honoratus (Fascius Tello) ep. Insulanus sua manu.
49. Ego l*etrus Camaianus ep. Fesularum manu propria subscripsi.
50. Ego Horatius Graecus de Troia ep. Lesinensis diffîniens subscripsi.
51. Ego Ludovicus de Bresze, Mcldensis ep. Gallus diffîniens manu
propria subscripsi.
52. Ego Hieronynms Burgensis ep. Cathalaunensis subscripsi.
53. Ego Julius C'.ananus Ferrariensis ep. Adriensis manu propria sub-
scripsi.
54. Ego Carolus de Roucy, Suessonensis ep. manu propria subscripsi.
55. Ego Fabius Cuppallata Placentinus ep. Laquedonensis subscripsi.
56. Ego Adrianus Fusconius ep. Aquinas diffîniens subscripsi.
57. Ego fr. Antonius a S. Michaele Hispanus O. Min. obs. ep. Montisma-
rani diffîniens subscripsi.
SUBSCRIPTIOXES PATRUM 1033

58.Ego Hieronymus Melchiorius patria Recanatensis ep. Maceratensis


et camerae Apcae clericus difïiniens subscripsi.
59. Ego Petrus de Pétris ep. Lucerinus judicans subscripsi.
60. Ego Caesar lacomellus Romanus ep. Bellicastrensis diffiniens
manu propria subscripsi.
61. Ego Jacobus Silverius Piccolhomineus Celanensis ep. Aprutinus
diffiniens subscripsi.
62. Jacobus Migiianellus Senensis ep. Grosseti difiiniens subscripsi
manu propria.
63. Franciscus Richardotus Burgundus ep. Atrebatensis diffiniens
manu propria subscripsi.
64. Joannes Andréas Crucius ep. Tiburtinus diffiniens subscripsi manu
propria.
65. Carolus Cicada ep. Albinganensis Genuensis diffiniens subscripsi
manu propria.
Maria Piccolomineus Senensis ep. Ilcinensis diffiniens
66. Franciscus

subscripsi manu tam meo nomine quam Imi et Rmi D. Othonis


propria,
Trucxesep. Augustani S.R.E. cardinalisep. Albanensis nomine procuratorio.
67. Acisclus, Vicensis provinciae Tarraconensis in Hispania subscribo.
68. Ego Julius Gallettus ep. Alessanensis patria Pisanus definiens
subscripsi.
69. Ego Agapitus Belhonio Romanus ep. Casertanus diffiniens subscripsi
manu propria.
70. Ego Didacus Sarmiento de Sotomayor Hispanus ex regno Galiciae
ep. Astoricensis diffiniens subscripsi.
71. Ego Thomas Goldvellus ep. Asaphensis prtninciae Cantuariae
in Anglia diffiniens subscripsi.
72. Ego Belisarius Balduinus de terra Montis Ardui Alexanensis diocc.
ep. Larinensis diffiniens subscripsi manu propria.
73. Ego Urbanus Vigerius de Ru\ ère ep. Senogalliensis diffiniens sub-

scripsi.
74. Ego lacobus Suretus Santorneus ep. Milopotamensis junior Graecus
diffiniens subscripsi.
75. Ego Marcus Laureus Tropiensis ex ord. Praed. assumptus ep.
Campaniensis et Satriaiiensis diffiniens subscripsi.
76. Ego Iulius de Rubeis Polymaciae ep. S. Leonis definiens subscripsi,
77. Ego Carolus de Grassis Bononiensis ep. Montisfalisci diffiniens
subscripsi.
78. Ego Arias Gallecus ep. Gerundensis manu propria subscripsi diffi-

niens.
79. Ego fr. loannes a Munatones ep. Segobricensis et Albarzinensis

provinciae Caesaraugustanae in regno Hispaniarum subscripsi.


80. Ego Franciscus Blanco ep. Auriensis in Hispauiae regno Galeciae
diffiniens subscripsi.
81. Ego Franciscus Bachodus Sabaudus ep. Gebennensis diffiniens

subscripsi.
82. Ego Vincentius de Luchis Bononiensis ep. Anconae definiens sub-

scripsi.
1034 SUBSCRIPTIONES PATRUM

83. Ego Carolus D'Angennes ep. Coenemanensis (!) Gallus diffiniens


inanu propria subscripsi.
84. Ego fr. Hieronymus Nichesola Veronensis ep. Theanensis propria
manu subscripsi.
85. Ego Marcus Anton. Bobba ep. Augustensis diffiniens subscripsi.
86. Ego lacobus Lomellinus Messanensis ep. Mazariensis diffiniens
subscripsi.
87. Ego Donalus de Laurentiis Asculanus ep. Arianensis diffiniens ut
supra manu propria subscripsi.
88. Ego Hieronymus Savorgnanus ep. Sibinicensis diffiniens subscripsi.
89. Ego Georgius Drascovitius ep. Quinqueecclesiensis nomine Rmorum
archiespicopi Strigoniensis, omnium episcoporum Ungariae totiusque
cleri ex mandato eorum subscripsi.
90. Ego Georgius Drascovitius Croata ep. Quinqueecclesiarum diffi-
niens subscripsi.
91. Ego Eranciscus de Aguirre Hispanus ep. Cotroniensis regni Neapo-
litani mea manu diffiniens subscripsi.
92. Ego Andréas Cuesta ep. Legionensis Hispanus definiens subscripsi
manu propria.
93. Ego Antonius Corrionero ep. Almeriensis Hispanus subscripsi
manu propria.
94. Ego Antonius Augustinus ep. Ilerdensis provinciae Tarraconensis
in Hispania citeriore definiens subscripsi.
95. Ego Dominicus (Casa Blanca) Messanensis 0. Praed. ep. Equensis
Vicensis manu propria diffiniens subscripsi.
96. Ego Antonius Chiurelia Barensis ep. Buduensis diffiniens manu
propria subscripsi.
97. Ego Angélus Massarellus de S. Severino agri Piceni ep. Thelesinus
sacri concilii sub Paulo HI, Iulio IH et Pic IV Summis Pontbus secreta-
rius manu propria diffiniens subscripsi f.
98. Ego Petrus Faunus Costacciarius ep. Aquensis subscripsi.
99. Ego loannes (Carulus ep. Astuneensis) diffiniens subscripsi.
100. Ego Ugo Boncompagnus ep. olini Vestanus subscripsi.
101. Ego Salvator Pacinus de Colle vallis Elsae ep. Clusinus subscripsi.
102. E,go Lupus Marlinez de la Gunilla ep. Elnensis diffiniens subscripsi.
103. Ego Aegidius Spifame Parisiensis ep. Nivernensis diffiniens sub-
scripsi.
104. Ego Antonius Sebastianus Minturnus Trajectensis ep. Uxentinus
diffiniens subscripsi.
105. Ego Bernardus del Bene Florentinus ep. Nemausensis (indignus)
subscripsi.
106. Ego Dorninicus BoUanus Venetus ep. Brixiensis diffiniens subscripsi.
107. Ego loannes Anton. Ulpius ep. Comensis diffiniens subscripsi pro
me et procuratorio nomine Pi mi Dni Thomao Plantae ep. Curiensis.
ep. Tutellensis Gallus diffiniens
sub-
108. Ego Ludovicus de Ginolhac
scripsi.
109. Ego loannes Quinnonius Hispanus ep. Calagurritanus et Calcia-
tensis in provincia Cantabriae diffiniens subscripsi.
SUBSCRIPTIONES PATRUM 1035

110. Ego Didacus Covarruvias de Leyva Hispanus ep. Civitatensis


diffîniens subscripsi.
111. Ego loannes Petrus Delphinus ep. lacintinus diffîniens subscripsi.
112. Ego Philippus Gerius Pistoriensis ep. Isclanensis defiuiens sub-
scripsi,
113. Ego loannes Anton. Fachinettus de Nuce ep. Neocastrensis sub-
scripsi.
114. Ego loannes Fabritius Severus ep. Acerrensis diffîniens subscripsi.
115. Ego Martinus Rithovius ep. Yprensis subscripsi conformiter,
(prout a me dictum est in actis sessionum).
116. Ego Antonius Havetius ep. Namurcensis diffîniens subscripsi.
117. Ego Constantinus Bonellus ep. Civitatis Castelli subscripsi diffîniens.
118. Ego Iulius Superchius Mantuanus ep. Caprulanus in marca Tri-
visana diffîniens subscripsi.
119. Ego Nicolaus Sfondratus ep. Cremonensis diffîniens subscripsi.
120. Ego Venturas Bufalinus ep. Massanus dilfiniens subscripsi.
121. Ego loannes Andréas Bellonius Messanensis ep. Massaelubrensis
definiens subscripsi.
122. Ego Federicus Cornélius ep. Bergomensis diffîniens subscripsi.
123. Ego loannes Paulus Amanius Oemensis ep. Anglonensis et Tur-
siensis diffîniens subscripsi.
124. Ego Andréas Mocenicus Venetus ep. Nimosiensis in insula Cypri
manu propria subscripsi.
125. Ego Benedictus Salinus Firmanus ep. Verulanus manu propria,
subscripsi.
126. Ego Guillielmus Cassador ep. Barcinonensis ecclesiae provinciae
Tarraconensis in Hispania citeriore defîniens subscripsi manu propria
et confiteor eandem cum patribus fidern.
127. Ego Petrus Gonzalez de Mendoça ep. Salmantinus diffîniens sub-
scripsi ac confiteor eanedem cum patribus (idem.
128. Ego Martinus a Corduba seu Mendoza Dertusensis ecclesiae ep.
diffîniens subscripsi ac confiteor eandem cum patribus iidem.
129. Ego fr. Iulius Magnanus Placentinus Franciscanus ep. Calvensis
defmiens subscripsi.
130. Ego Valentinus Herbortus ep. Praemisliensis propria riianu sub-
scripsi defmiens (Natione Polonus).
131. Ego fr. Petrus de Xaque 0. Praed. Hispanus ep. Niochensis diffî-
niens subscripsi.
132. Ego Prosper Rebiba Messanensis ep. Troianus diffîniens subscripsi.
133. Ego Melchior Alvares de Vosmediano ep. Guadicensis diffîniens
subscripsi.
134. Ego Hippolytus Rubeus Parmensis ep. Cononiensis et Papiae
coadiutor diffîniens subscribo.
135. Ego A. Sfortia electus Parmensis Romanus camerae Apcae clericus

subscripsi.
136. Ego Didacus de Léon ep. Colimbriensis diffîniens subscripsi.
137.Ego Annibal Saracenus Neapolitanus ep. Dei gratia Liciensis
manu mea me subscribo.
103G SUBSCRIPTIONES PATRUM

138. Ego Paulus lovius Novocomensis ep. Nucerinus definiens sub-


scripsi.
139. Hieronymus Ragazzonus Venetus ep. Nazianzenus et coadiutor

Faniagustaiius defiiiiens subscripsi.


140. Ego Lucius Maranta Venusinus ep. Lavellensis difTiniens subscripsi.
141. Ego Simon Pasqua Genuensis ep. Lunensis et Sargianensis diffi-
niens subscripsi.
142. Ego Theophilus Galluppi Tropiensis ep. Oppidensis (manu pro-

143. Ego Iulius Simonetta ep. Pisaurensis definiens subscripsi.


144. Ego lacobus Guidius Volaterranus ep. Pennensis Adricnsisque
diffiniens subscripsi.
145. Ego Didacus Ramirez Sedeno ep. Pampilonensis definiens sub-
scripsi.
146. Ego Franciscus Delgado Hispanus ep. Lucensis in regno Galleciae
defliniens subscripsi.
147. Ego lacobus Gilbertus Nogueras Hispanus Aragonius, Alipha-
nus ep. definiens subscripsi.
148. lîgo loannes Dominicus Annius ep. Hipponensis coadiutor Bovi-
nensis definiens subscripsi.
149. Ego Mathaeus Priulus electus Emoniensis diffiniens subscripsi.
150. Ego Fabius Pignatellus Neapolitanus ep. Monopolitanus diffiniens
subscripsi.
151. Ego Franciscus Guarinus civitatis Castelli ep. Imolensis diffiniens

subscripsi.
152. Ego Thomas Ohierllaitbe ep. Rossensis diffiniens subscripsi.
153. Ego Franciscus Abondius Castillioneus Mediolanensis ep. Bobien-
sis diffiniens subscripsi.
154. Ego Eugenius Ohairt ep. Achadensis diffiniens subscripsi.
155. Ego Donaldus Magongail ep. Rapotensis diffiniens subscripsi.
156. Ego loan. Baptista Sighicellus Bononiensis ep. Faventinus diffi-
niens subscripsi.
157. Ego Sebastianus Vantius de Arimino ep. Urbevetanus diffiniens
liuic sanctae generali synodo subscripsi.
158. Ego loan. Baptista Lomellinus Messanensis ep. Guardiensis diffi-

niens subscripsi.
159. Ego Augustinus Mollignanus Vercellensis ep. Trivicanus definiens
subscripsi.
160. Ego Carolus Grimaldus Genuensis ep. Sagonensis diffiniens sub-
scripsi.
161. Ego Fabritius Landrianus Mediolanensis ep. S. Marci propria
manu subscripsi diffiniens.
162. Ego Bartholomaeus Farratinus Amerinus ep. Amerinus diffiniens

subscripsi manu propria.


163. Ego Petrus Fragus Aragonius et Unicastrensis ep. Usellensis et
Terralbensis in Sardinia definiens subscripsi.
164. Ego Hieronymus Gaddus Florentinus electus Cortonensis mea manu
diffiniens subscripsi.
SUBSCRIPTIONES PATRUM 1037

165. Ego Franciscus Contarenus Venetus ep. Paphensis diffiniens manu


propria subscripsi.
166. Ego loannes Delphinus Venetus ep. Torcellanus definiens sub-
scripsi.
167. Ego Alexander Molus de Bellinzona dioec. Comensis (ep. Mino-
rensis) diffîniens manu propria subscripsi.
168. Ego Hieronymus Vielmius Venetus ep. Argolicensis subscripsi.
169. Ego lacobus ep. Merchanensis et Trebinensis Ragusinus subscripsi.

SuBSCRIPTIOiNES ABBATUM

Ego fr. Hieronymus abbas C.laraevallis bis. quae de fidei ac morum


necessitate diffînita sunt, credo et subscripsi; bis vero, quae ad politiam
et ecclesiasticam disciplinam spectant, paratus sum obedire. Propria
manu.
Ego D. Simplicianus de Valtelina abbas S. Salvatoris congregationis
Cassinensis diffîniens manu propria me subscripsi.
Ego Stephanus Catanius Novariensis abbas S. Mariae Gratiarum Pla-
centinae dioec. congregationis (Cassinensis diffîniens subscripsi.
Ego D. Augustinus Loscos Hispanus abbas S. Benedicti de Ferraria
congreg. Cassinensis diffîniens subscripsi.
Ego D. Eutycbius Flander abbas S. Fortunati de Bassano congrega-
tionis Cassinensis diffîniens subscripsi.

Ego Claudius Lunevillanus de terminatis de fide subscripsi, reforma-


tioniobediam, precatus a Domino N. lesu Cbristo progressum ad meliora.
Ego Cosmas Damianus Hortolanus abbas B. Mariae villae Bertrandi
provinciae Tarraconensis subscripsi.

SUBSCRIPTIO.NES UENEKALIUM

Ego fr. Vincentius lustinianus Chiensis 0. fr. Praed. magister generalis


deffîniens subscripsi manu propria.
Ego Franciscus Zamora Hispanus O. fr Minorum S. Francisai
fr.

generalis minister de obs. diffîniens subscripsi manu propria.


Ego fr. Antonius Sapiens ab Augusta Praetoria generalis Minorum
convent. definiens subscripsi.
Ego fr. Christopborus Patavinus 0. fr. Eremitarum S. Augustini prior
generalis diffîniens subscripsi manu propria.
Ego fr. loan. Baptista Miliovacca Astensis sacrae theologiae magister
O. Servorum B. Mariae prior generalis diffîniens subscripsi manu propria.
Ego fr. loan. Stephanus Facinus Cremonensis sacrae theol. doctor et
provincialis indignus Lombardiae 0. Carmelitarum et vicegeneralis eiusdem
ordinis manu propria subscripsi.
Ego lacobus Laynez Societ. lesu praepositus generalis diffîniens sub-
scripsi manu propria.
1038 SUBSCRIPTIONES PATHUM

SUBSCKIPTIONF.S PROCURATORUM AUSKNTIUM PRARLATOKUM.

Ego Antonius Mouchiarenus Demochares Sorboniae familiae theologus,


pro Rnio Dno nico loaiine (Hennyco ep. Lexovaeo) procurator subscripsi.
Ego Ludovicus de Matha, abbas S. Ambrosii dioec. Bituricensis, procu-
rator Rmi Dni mei Nicolai de Pelvé archiep. Senonensis, et Gabrielis
de Bouvery, Andegavensis, Pétri Danesii, Vauriensis, Caroli d'Espinay,
Dolensis, Philippi du Bec, Venetensis, Pétri du Val, Sagiensis, loannis
Gausse, Cenetensis, Rmorum Drum meorum, qui légitime excusati a
concilio discesserunt, subscripsi.

Ego Anna Delachenal abbas de Bcllayque Claramontensis dioec. pro-


curatorRmi Dni mei Guiliermi D'Avanson archiep. Ebredunensis et
Eustacliii du Belay, Vabriensis, loannis
Parisiensis, Francisci Valette,
Morvilier, Antonii Lecirier, Abricensis, De l'Aubespine,
Aurelianensis,
Lemovicensis, Stephani Bouchier Corisopotensis, Rmorum Drum meorum
cpiscoporum, qui légitime excusati a concilio discesserunt, subscripsi.
Ego Didacus Pavia Dandrade Lusitanus procurator Rdi Dni Goncalo
Pinherio ep. Visiensis subscripsi.
Ego Melchior Cornélius Lusitanus procurator Rmi Dni James ab Alen-
castro episcopi Septensis subscripsi.
Ego doctor Petrus Cumelius Hispanus canonicus Malacitanus subscripsi
pro Rmo episcopo Malacitano ac Rmo archiep. Hispalensi supremo cen-
sore fidei in regnis Hispaniarum.
Ego fr. Franciscus Orantes Hispanus pro Rmo Dno ep. Palenliuo
subscripsi.
Ego Gregorius Hochenwarter theologiae doctor pro Rmo et Imo prin-
cipe et Dno, Dno ep. Basiliensi subscripsi.
Ego Franciscus Forerius Lusitanus s. theol. professer procurator
fr.

Rmi Dni Joannis de Mello ep. Silviensis subscripsi.


Ego Franciscus Sancho magister in artibus et doctor in sacra theol.
cathedraticus in Salmaticensi universitate procurator Rmi archiep. Hispa-
lensis subscripsi, etiam nomine Rmi AUepus archiepiscopi Sacarensis.

Ego fr. loanncs a Ludegna (theologus procurator) Rmi Dni ep. Siguntini
subscripsi.
Ego Gaspar Cardillus Villalpandeus Segobiensis doctor theologus ut
procurator D. Alvari Mendoza ep. Abulensis consentiens his quae sunt
acta subscripsi.
Ego Michael Thoniasius decretorum doctor Dni Francisci Thomasii
ep. Ampuriensis et Civitatentis provinciae Turritanae in Sardinia procu-
rator subscripsi, et pro Dno Michaele Torrella ep. Anagnino.
Ego Didacus Sabagnos Hispanus in theologia doctor, archidiaconuB
de Villameriel et canonicus in ecclesia Legionensi, ut procurator Imi
ac D. Christophori de Rojas et Sandoval ep. Pascensis, qui mode
Rmi Dni
quae sunt acta, subscripsi manu propria.
est Corduvensis, consentiens his,

Ego Alfonsus de Salmeron theologus societatis lesu et procurator Imi


et Rmi Dni Othonis Truchses cardinalis et episcopi Augustani (consen-
tiens manu propria subscripsi).
SUBSCRIPTIONES PATRUM 1039

Ego Joannes de Polanco theologus soc. lesu et procurator eiusdem


Imi ac Rmi cardinalis et episcopi Augustani consentiens subscripsi.

Ego Petrus Fontanus doctor in sacra theologia et procurator Iml ac


Rmi Dni D. in Christo patris Caroli Cerdani Dei et Apcae Sedis gratia
abbatis monasterii B. Mariae de Veruela ord. Cisterc, vocatus ad publicum
et oecumenicum totius orbis concilium subscripsi manu propria.
Joannes Delgadus canonicus Vicensis agens Dni mei loannis de S. Aemi-
liano ep. Tudensis subscripsi.
Nicolaus Cromerus I. U. doctor, canonicus Vratislaviensis et Olomu-
eensis, procurator Rmi D. Marci, Olomucensis et per totam Moraviam
episcopi.
TABLE ANALYTIQUE

Accia (Benedetto de'Nobili, évêque d'), Barbaro, élu), 637, 670, 698, 775-
290, 310, 319, 330, 333, 334, 390. 776.

Aguilar (marquis d'), ambassadeur es- Arbe (Vincenzo Nicosante, évêque d'),

pagnol, 130, 170, 172, 176-177. 609, 739.


Aix (Antoine l'ilheul, archevêque d'), Archinto (Filippo), vicaire du pape,
218, 219, 230, 243, 244, 257, 258, évêque de Saluées, 197-198, 338,
262, 265, 304, 417. 345, 358.
Aléandre (Jérôme, cardinal), 56, 88, Arco (Prospero d'), ambassadeur im-
99,104, 111, 112, 113, 121, 124. périal, 551, 558, 577, 642, 668.
Alexandrin (Michèle Ghislieri, cardi- Armagh (Robert Vaushop, archevêque
nal), pape saint Pie V, 509, 520, d'), 137, 165, 308, 310, 316, 338-
522, 523, 622, 914, 999-1000, 1003, 339, 340, 353, 364.
1004, 1011. Arras (évêque d'). Voir Granvelle (car-
Alife (Gilberle Noguera, évêque d'), dinal de); — Richardot (François),
645, 701, 776, 777, 795, 877-878. 894. 968.
897. Voir Pighini (cardinal). Arrivabene, 650, 679, 680, 682, 686,
Altemps (Marc, cardinal), légat au 700, 715, 1031 (n. 16).
concile, 569, 598, 611, 613, 667, 675, Astorga (Diego d'Alava, évêque d'),
710, 757, 815. 235, 255, 286, 354; voir erratum.
Ambassadeurs au concile :
florentins^ Augsbourg (Otto von Truchsess, évê-
627, 741, 847, 907;
— français, 307- que et cardinal d'), 179, 191, 212,
309, 351-352, 398, 434, 663-664, 225, 234, 274, 381, 436, 530, 603.
665, 737, 787, 793, 803-804, 807, Voir Le Jay, théologien, et 1033
812, 821-822, 824, 827, 836, 888- (n. 66), 1038, 1039.
889, 897, 900, 906-907, 917, 921, Avila (Luis d'), ambassadeur espagnol,
931-936, 980; — impériaux, 176- 844, 848-850, 902, 903, 960.
178, 210, 308, 355, 467, 472, 487,
620, 614-615, 625, 648, 664, 683, Badajoz (Frances de Navarra, évêque
695, 717, 719, 836, 892, 926, 978;
— de), 248, 250, 251.

vénitiens, 644, 690-691, 897, 913. Badia (Tommaso, cardinal), 73, 99, 150,
Amulio (Marcantonio, cardinal), 543, 151, 199.
554, 556, 569, 612, 630, 661, 730, Bavière (Albert V, duc de), 587, 589-
757. 590, 630, 689-691, 744, 782, 869-
Antinori (Lodovico), 788, 929, 933. 870. Voir Paumgarten.
Aoste (Marcantonio Bobba, évêque d'), Bavière (Guillaume IV, duc de), 57,

813, 874; cardinal, 1017. 58, 133, 146, 154, 166.

Aquilée (Giovanni Grimani, patriarche


Beccadelli (Lodovico), archevêque de
d'), 569, 630, 914-915.
— (Daniele Raguse, humaniste, 62, 209, 593-594,

CONCILES. IX. — 34 — A
1042 TABLE ANALYTIQUE

623, 671, 686, 702, 714, 721, 722, Calvinistes, 548, 583-584, 590. Voir hu-
751. guenots.
Bertano (Pietro, cardinal), légat au Campania (Marco Laureo, évêque de),
concile, 216, 247, 249, 250, 254, 267, pro-secrétaire du concile, 298, 314,
269, 294, 320, 321, 428, 429, 430- 580, 747, 869, 874, 957, 966, 982.
431, 441. Campegio (Lorenzo, cardinal), 54, 99,
Bertinoro (évêque de). Voir Caselli; — 104, 119, 126-127.
Falcetta Egidio, 857, 907, 927, 958; Campegio (Tommaso), évêque de Fel-
voir Caorle. tre, légat du pape, 136-142, 175, 180,

Birague (René de), agent au concile, 209, 231, 232, 246, 266, 273.
872, 873, 875, 888. Caorle (Egidio Falcetta, évêque de),
Bitonto (Cornelio Mussi, évêque de), 281, 718. Voir Bertinoro.
209, 223, 262, 267, 270, 280, 310, Capaccio (Arrigo Giofîredi, évêque de),
312, 316, 341. 216, 283, 342, 361, 376-377. Paolo-—
Bonucci (Agostino), général des ser- Emiho Verallo, 608, 879, 944, 953,
vîtes, 274, 275, 283, 285, 292, 389, 964.
423-424. Capodiferro (Girolamo, cardinal), 166,
Braga (Barthélémy des Martyrs, arche- 181, 197, 387, 391.
vêque de), 580, 603, 614, 645, 670, Capo d'Istria (Tommaso Stella, évêque
671, 782, 814, 855-856, 894, 975, 978. de Salpe, puis de), 353, 355, 370,
Brandebourg (Joachim, électeur de), 623, 634-635, 677, 755, 773, 774,
87, 106, 113, 126, 144, 155, 161, 167, 784-785, 878.
453, 478, 486, 581. Caraffa (Carlo, cardinal), 38, 514, 519,
Brunswick (Henri P^ et II, ducs de), 522, 531-532, 558.
113, 133, 188, 218, 582. Carafîa (Gianpietro, cardinal), 61, 73,
Bucer (Martin), théologien protestant, 95, 186, 196, 197, 501, 510; pape
134, 144, 154, 155, 588. Paul IV, 513-526.
Budua (Antonio Ciurella, évêque de), Caselli (Tommaso), successivement
800, 815, 826, 941. évêque de Salpe, de Bertinoro, de la
Bulles : Ab universalis Ecc, 603; Ad Cava, 288, 290, 295, 312-313, 608,
dominici gregis, 70-71 ;
Ad
regimen 617, 695, 774, 776, 777, 878.
EccL, 561-562; Benedictiis Deus, Castellamare (Juan Fonseca, évêque
1000; Cum ad tollenda, 454-455; Cum de), 237, 239, 248, 275, 330, 354,
ex apostolatus ofpcio, 526; Dominici 364, 464, 476.
gregis, 1006; Initio îiostri, 170-171; Castellanetta (Bartolomeo Sirigo, évê-
Laetare Jérusalem, 190; Licet ah que de), secrétaire du concile, 668,
initio, 508 Nostri non solum tempora-
; 671, 677, 717, 776, 843, 897.
lis, 361 ; Supernae dispositionis, 351- Catarinus (Ambrogius), théologien, évê-
357; Siiperni disposilione 260, 537. , que de Minori, 224, 231, 338, 368,
Buoncompagni. Voir Grégoire XIII. 388, 423-442, 427, 430, 432.
Catherine de Médicis, 531, 542, 545,
Calahorra (Bernai Diaz de Lugo, évê- 548, 567, 577, 593, 628, 732, 875,
que de), 346, 363, 364-365, 370. 929, 932.
Calice (concession du), 547, 555-556, Cervini (Marcello, cardinal), légat au
669-670, 683-688, 689, 691-696, 698, concile, 55, 120, 130-131, 138, 208-
715-719, 726, 729, 731, 850. 209, 210, 216, 234, 236, 240, 249,
Calvin, hérésiarque, 113, 194, 536, 590, 253, 267, 268, 278, 280, 291-292, 294-
591, 592, 684, 921. 295, 303-304, 305, 314, 320, 333,
TABLE ANALYTIQUE 1043

336, 340-341, 345, 349, 350, 353, 354, Concile de Constance, 25-26, 236, 240,
361, 362, 372, 381, 389, 391, 399, 263, 378, 670, 718-719, 804.
403-414, 458, 504; Marcel II, pape, Concile de Florence, 30, 233, 253, 256,
510-512. 266, 267, 292, 368, 804, 807, 879, 892.
Charles Borromée (saint), 38, 538-539, Concile de Latran (V^), 30, 228, 308,
558, 561, 602-603, 634, 659, 682, 753- 351, 357, 405-406, 977.
754, 755, 759, 786, 797, 809, 842, 846, Concile de Vicence, 93, 98, 99, 104-105,
854, 890, 895, 930, 961, 971, 981, 115, 161, 162.
999, 1009, 1018. . Conclaves, 70; de Paul III (1534), 49;
Charles-Quint, empereur, 45, 46-48, 65, de Jules III (1549), 444; de Mar-
66-68, 89, 91-92, 94, 100-104, 106, cel II (1555), 510-512; de Paul IV
115, 124, 125, 135, 136, 145, 148, (1555), 512-514; de Pie IV (1559),
149, 154, 157-160, 163, 171-172, 175- 529-532. — Réforme du conclave,
176, 181-182, 183, 185-186, 187-188, 444-445, 507, 510, 653, 923. Voir
203-204, 210, 214, 217, 241-242, 258- Sacré-Collège.
259, 277, 287-288, 319, 320-323, 374, Confession d'Augsbourg, 55, 85, 127,
375-376, 381, 383, 385, 393, 400, 401, 134, 138, 151, 489, 535, 565, 581,
403, 411, 415-418, 419, 431, 435, 436- 589, 615, 616, 624, 745.
437, 447-448, 456, 471, 472, 500. Congrégation du concile, 95-98, 190-
Charles III, duc de Savoie, 65, 67, 99,
191, 384, 395, 406, 407-408, 427, 432,
100.
449, 452, 454, 619-620, 1002, 1017-
Chioggia (Giacomo Nacchianli, évêque 1018.
de), 224, 236, 256, 270, 274, 457, 609, Contarini (Gasparo), cardinal, 60-61,
634-635, 751.
62, 63, 72, 76, 107-108, 131, 135-
Cicada (Gianbattista, cardinal), évêque
136, 146-160, 165-166, 171, 196, 309-
d'Albenga, 338, 345, 350, 364, 615, 310, 782.
612-613, 650, 660, 779.
Corcyre (Cristoforo Marcello, archevê-
Clément VII, pape, 37-38, 46-49, 50,
que de), 160, 315-316, 317-318, 345,
533.
370, 390; (Cauco Giacomo), 621-622,
Clermont (Guillaume Duprat, évêque
659, 696, 1030 (n. 16).
de), 218, 240, 362.
Corinthe (Germanico Bandini, arche-
Clèves (Guillaume V, duc de), 146,
vêque de), 671, 698-699, 814-824.
161, 189, 583-584.
Cosme de Médicis, duc de Florence, 444,
Colloque de Poissy, 590-591, 592, 734,
501, 531-532, 535, 560, 572, 660, 810,
738, 758, 768, 769, 857.
850.
Colloques entre théologiens catholiques
et protestants, de Francfort (1539),
Couvillon (Jean), théologien, 674, 690,

113-115; de Ratisbonne (1542), 151- 705, 709-710.


Crescenzi
155; (1546), 258-259; de Worms (Marcello, cardinal), prési-
dent du concile, 191, 315, 395, 454,
(1541), 141-142.
Cologne (université de), 152, 189, 303, 457-459, 460, 464, 474, 475, 492-493,
332, 419, 480, 481, 484. Voir Gropper. 495, 497, 499, 736, 737.
Côme (Gianantonio Volpi, évêque de), Crivelli (Alessandro), évêque de Caria-
579-580, 907, 1034 (107). ti, nonce en Espagne, cardinal en
Commendone (Gianfrancesco, cardinal], 1565, 649, 885, 901, 949.
563-566, 581-588, 621, 819-821, 826. Csanad (Johann Koloswar, évêque de),
Concile de^Bâle, 21, 26, 29, 330, 454,
1^627, 708, 756; (Andréas Dudith,
489, 49l', 719, 735, 804. d'abord évêque de Knin), 901, 903.
104^ TABLE ANALYTIQUE

Dandino (Girolamo, cardinal), 164, 166, Farnèse (Costanza), fille de Paul III,

181, 190, 217, 391, 429, 460, 462-463. 120, 160, 191-192. Voir Santa-Fiore.
Danès (Pierre), évêque de Lavaur, 307, Farnèse (Orazio et Ottavio), petits-fils
308-309, 708, 762-763, 878. de Paul III, 104, 181, 192, 391, 400-
Datcric, congrégation romaine, 54, 90- 401, 405, 429, 431, 436-437, 461-
91, 107,118, 195-196, 197, 278,504- 462, 463, 466, 495, 496.
505, 549. Farnèse (Pierluigi), fils de Paul III,
Delfini (Zaccaria, cardinal), nonce, 549, 66, 167, 182, 192, 214, 388, 399.

554, 556-557, 563-566, 588-589, 819- Farnèse (Ranuccio, cardinal), 222, 650,
820, 863, 941. 654.
Dictes impériales :
Augsbourg (1530), Ferdinand P', empereur, 57, 92, 94,
47; (1547), 400-404; (1550), 452-453, 106, 110-111, 115-116, 124, 134, 161-
456; Haguenau (1541), 132-134; Nu- 162, 168-169, 177, 179, 210, 211,
remberg (1532), 48; Ratisbonne 495, 499, 540, 551, 554-555, 558-

(1541), l^i3-160; Spire (1529), 45-46; 559, 566, 577, 597, 634, 680-681,
(1542), 167-169, 185-186; Worms 688-689, 715, 716, 725, 733-735, 736,
(1545), 211-214. 791, 816-818, 819, 828, 829, 838-841,
Du Bellay (Jean, cardinal), 56, 60, 398, 845, 862-866, 875, 876, 885, 904, 916,
423. 918, 925, 926, 940-941, 946-947.
Du Faur, ambassadeur français, 663, Ferrante Gonzaga, 399, 425-426, 427,
665, 668, 711-712, 786-787. 461, 534.
Du Ferrier (Arnaud), ambassadeur Ferrare (Ippolito d'Esté, cardinal de),
français, 663, 759, 766-767, 769, 785, 108, 445, 451, 511,591-592, 593, 624,
804-805, 824-825, 860, 868, 889, 907, 712, 872, 873.
933-934, 935-936, 995. Ferreri (Filibcrto, cardinal), évêque
Durante (Pietro), dataire, 90, 107, 118. d'Ivrée, 92, 101, 220-112, 221, 245,
439.
Eck (Johann), théologien, 113, 141, Fiesole (Braccio Martelli, évêque de),
143, 148, 151, 152. 224, 235, 250, 251, 256, 267, 268, 274,
Édits de tolérance Francfort (1533),
:
279, 282-283, 284, 285, 286, 329, 359,
114; Nuremberg (1532), 48; Ratis- 363-364, 365-366, 392.
bonne (1541), 159-161; Spire (1542), François pr, 48, 58, 64-65, 86, 89, 92,
185-186; voir Intérim. En France, 94, 102-104, 112, 123-124, 149, 164,
545. 170, 172, 187, 219, 249, 307, 375-376,
Électeur palatin (Louis), 87, 133, 149. 384-385.
Élizabcth Tudor, 628, 645-646, 664. François II, 541, 546, 554, 559.
Fûnfkirchen (Georg Dracowich, évêque
Farnèse (Alessandro, cardinal), pape de), 599, 609, 820, 670-671, 696, 700,
Paul III, 49 et liv. LUI en entier, 711, 715, 716, 724, 735, 736, 792-
liv. LIV, chap. I, 534. 793, 817, 838, 843, 847, 855, 860, 876,
Farnèse (Alessandro), petit-fils et se- 888, 941, 987, 1034.
crétaire d'État du précédent, 38, 54- Fureiro (Francesco), théologien, 709,
55, 101-102, 123-124, 128-129, 130, 1009, 1038.
184-185, 208, 212-214, 260-261, 315,
320, 322, 323, 327, 337, 381, 388, Geronc (Arias Gallego, évêque de), 762,
397, 418, 430, 438, 441, 513, 519, 873, 966-967.
954, 1000, 1018, 1020. Voir Corinthe, Ghinucci (Girolamo, cardinal), 60, 90-
Nicastro, 91, 103, 105, 106.
TABLE ANALYTIQUE 1045

Giberti (Matteo), évêque de Vérone, 61, Huguenots, 545, 548, 553, 567, 592,
73, 93, 173. 697.
Gonzague (Federigo), 811, 840.
Gonzague (Francesco, cardinal), 568, Ignace de Loyola (saint) et la compa-
572, 650, 659, 672. gnie de Jésus, 165, 167, 198, 225»
Granvelle (Antoine Perrenot, cardinal 290-291, 305, 502-504, 1018-1019.
de), 178, 401, 404, 569, 586. Immaculée-Conception, 291, 292, 293,
Granvelle (Nicolas Perrenot de), mi- 295-296, 297-298, 343.
nistre de Charles-Quint, 94, 102, Index, 523-524, 604, 606-607, 612, 614,
124, 126, 128-130, 138-142, 143-144, 616, 617, 619, 651, 991, 1003-1007.
148, 151, 154-155, 158, 177-178, 179, Inquisitions nationales, 607, 619, 623,
188, 211, 213, 217, 323, 374, 404, 453. 624, 625, 908, 957.
Grassi (Achille de), avocat consistorial, Intérim d'Augsbourg, 418-420, 422-
227, 321, 392, 492. 423, 424-427, 430, 432, 435-436, 451,
Grégoire XIII (Ugo Buoncompagni, 556, 651, 691.
227, 237, 360, Ischia (Filippo Gheri, évêque d'), 837,
futur), 695, 803,
877, 887, 1011, 1016. 841-842, 847, 946, 962.
Grenade (Pedro Guerrero, archevè(}ue
Jacobazzi (Cristoforo, cardinal), 54, 76,
de), 604-606, 609-610, 618, 623, 628,
94, 286.
648, 649, 663, 667, 670, 701, 713, 721,
Jaen (Pedro Pacheco, cardinal de), 191,
729, 731, 745, 748, 749, 802-803, 859,
221, 222, 230, 233, 241, 244, 245,
949, 953-954.
254, 264-265, 268-269, 272, 281, 288,
Gropper (Johann), théologien, 138, 144,
291, 292, 293, 296-298, 304, 315-317
150-152, 480, 518.
324-325, 331-332, 343-345, 351, 363.
Guadix (Alvarez de Vosmediano, évê-
377-379, 420.
que de), 773-774, 942, 987. Jérusalem (Anton.-Elio, patriarche de),
Guidiccioni (Bartolomeo, cardinal), 608, 613, 629, 949.
50, 90, 119, 120. Jésuites. Voir Ignace de Loyola (saint).
Guillart de L'Isle, ambassadeur, 562, Jules III. Voir Monte (cardinal del).
628, 662, 719, 725, 757.
Knin (Andréas Dudith Sbardellat, évê-
Held (Mathias), chancelier impérial, 84, que de), 627, 705, 718. Voir Csanad.
154.
La Bourdaisière (Philibert Babou, car-
Helding (Michel), suffragant de Mayen-
dinal de), 398, 546, 551, 561, 562,
ce, 215, 229, 239, 419.
568, 757, 841, 890.
Henri II, 385, 391, 407, 423-424, 431, Lanciano (Leonardo Marini, évêque de),
433-434, 450-451, 453-454, 460, 468,
673-675, 680, 700, 702, 706-707, 803,
496-497.
859-860, 1009.
Henri VIII Tudor, 32, 48, 49, 58, 86, Lansac (Louis de Saint-Gelais, sieur de),
140, 181,375. 18-19, 628, 646, 647, 663, 664, 711,
Hesse (Philippe, landgrave de), 125- 725, 734, 763, 785, 795, 798-799, 806,
126, 143-144, 161. Voir Smalkalde 856, 867, 886, 888.
(ligue de). Laurerio (Dionisio, cardinal), 91, 120,
Hosius (Stanislas, cardinal), 544-545, 156, 172.
557, 566, 573, 577, 578. 595, 602, 647, Laynez (Jacques), général des jésuites,
689, 745, 772, 777, 779-780, 835, 851, 290-291, 305-306, 335, 592, 658, 712,
857, 861, 923, 948, 968, 995-996. 714, 715, 718-719, 720-721, 746, 767,
CONCILES. IX, — 34 — B
1046 TABLE ANALYTIQUE

780-781, 800-801, 881, 892, 923, 942. d'Augsbourg et Smalkalde (ligue


Le Jay, S. J., théologien, 225, 274, 293. de).
Voir Augsbourg.
Leiria (Gaspar de Casai, évêque de), Madruzz.i (Cristoforo, cardinal), 132,
580, 621, 637, 770. 173, 193, 199,209, 211, 212, 235, 244-
Lerida (Antonio Agostino ou Agustin, 245, 254, 259, 264-265, 269, 281-282,
évêque de), 609, 698, 708, 713, 752- 299-300, 313-314, 317-319, 320, 322,
753, 770, 895, 908, 952. 351, 377-378, 404-405, 408-409, 425,
Lettere (Gianantonio Pantusa, évêque 463, 464, 481, 497-498, 511-512, 532,
de), 334, 708, 713, 714, 756. h 999, 1000.

L'Hospital (Michel de), 398, 410, 434,


Madruzzi (Lodovico, cardinal), 568,

545, 593, 929. 613-614, 617, 631, 637-638, 664, 677,


694, 696, 730. 762, 766, 801, 820,
Ligue de Smalkalde. Voir Smalkalde.
828, 859, 944, 949, 953, 966.
Lippomani (Alvisi), évêque de Vérone,
Maflei (Bernardino, cardinal), 260, 261,
légat au concile, 62, 417, 432, 435-
279, 288, 373-374, 415, 439, 504.
436, 459-460, 464, 493.
Manne (abbé de), 516, 517, 546, 757,
Lorraine (Charles, cardinal de), 400,
938-939.
468, 541-543, 586-587, 592, 658, 756-
Mantoue (Ercole Gonzaga, cardinal de),
757, 759-761, 762, 764-766, 768-771,
président du concile, 75, 80-81, 211,
774-775, 778, 779, 781, 78^ 787, 790,
572-574, 598, 601, 612, 616, 620, 636,
791, 794, 797-798, 801-802, 804, 807-
637-638, 646, 647, 660-661, 669, 671,
809, 811, 813-814, 820, 826, 827-829,
674, 675, 678-679, 681-682, 691, 707,
831-832, 834-836, 841, 843-844, 848,
708, 720, 739-740, 751-753, 759,' 775-
851-853, 855-859, 867, 872-874, 878,
776, 791, 799-801, 811, 813, 821, 833-
879, 886-887, 889-890, 893, 894, 895,
834.
898, 900-901, 904-905, 907, 919, 932,
Marcel II, pape. Voir Cervini (cardi-
936-940, 958-959, 972-978, 980, 982,
nal).
983, 993, 994, 1014.
Marguerite d'Autriche, régente des
Louvain (université de), 476, 481, 484,
Pays-Bas, 584, 586, 968. Voir Far-
586, 894, 1008.
nèse (Ottavio).
Luna (Claudio de Quinones, comte de), Marie Stuart, 542, 898.
805, 806, 829, 848, 850-851, 864, 867-
Mascarenhas (Martinez de), 614, 621,
868, 884-887, 895, 896, 899, 900-902,
739, 758, 803, 807, 854, 903.
910-911, 919, 920, 923, 926-927, 943-
Massarelli (Angelo), secrétaire du con-
946, 949, 952, 960-961, 972, 979, 980-
cile, 15, 40, 209, 226-227, 269, 295,
982, 984-986, 992, 994.
304, 313, 318, 334, 367, 392, 406,
Lund (Johann Weeze, archevêque de), 430, 433, 438, 454, 463, 465, 537, 570,
111, 113, 114, 115, 124-125, 154, 356.
574, 668, 681-682, 687, 708, 750, 802,
Lussi (Melchior, chevalier), agent suisse
843, 869, 972, 987.
au concile, 627, 704, 743-744, 907. Matera (Gianmichele Saraceni, arche-
Luther (Martin), hérésiarque, 85, 107, vêque de), 241, 279, 308, 312, 316,
127, 155, 194, 306, 324, 328, 352, 358, 365, 392, 395, 501.
359, 686, 694, 701, 737, 750. Maximilien, empereur, 540, 555, 557,
Luthériens, 58, 85, 114, 124, 126-128, 673, 715-716, 725, 744, 805, 816, 831,
132, 134, 140, 151-155, 169, 243-244, 845, 866, 940-941.
259, 310-311, 476, 478, 480, 483-484, Mayence (Albert de Brandebourg, élec-
486-491, 494-495. Voir Confession teur de), 84, 155, 159, 160.
TABLE ANALYTIQUE 1047

Mayence Hasenstamm (Sébastian von), Nausea (Friedrich), évêque de Vienne,


425, 467, 469, 471, 475, 485. 113, 179, 469.
Medici (Gianangelo, cardinal), 400, 440, Navagero (Bernardo, cardinal), 849,
504, 512, 530-536. Pape Pie IV, 852-853, 856-858, 871, 914, 995-996.
liv. LV et LVI. Naxos (Sebastiano La Cavella, arche-
Mélanchton, 85, 126, 140, 141,142, 143, vêque de), 390, 605, 608, 756.
151-154, 259, 494. Nicastro (GianantonioFacchinetti, évo-
Mendoza (Diego Hurtado de), ambas- que de), 772, 802, 803, 826-827, 877,
sadeur espagnol, 176, 178, 210. 219, 959, 989.
223, 230, 258, 275, 292, 312, 315, Niquet, secrétaire du cardinal de Fer-
323, 337, 385, 386, 387-389, 393-394, rare, 549, 562, 567, 669, 758.

397, 402-403, 408, 410, 417, 443-444, Noie (Antonio Scarampi, évêque de),

447, 453. 613, 678, 824.


Messine (Caspar Cervantes, archevê- Oleastro (Geronimo ab), 219, 229, 281.

que), 596, 648, 671, 731, 955,970,984. Orléans (Jean de Morvillier, évêque d'),

Mignanelli (Fabio, cardinal), 106, 111, 806, 807, 856.


193, 194, 308. Orvieto (Sebastiano Vanzio, évêque d'),

Modène (Egidio Foscarari, évêque de), 720, 800, 875.


475, 605, 635-636, 643, 660, 669, 694, Otrante (Antoine de Capoue, archevê-
696-697, 704, 714, 770, 772, 833, 878, que d'), 180, 182, 683, 710, 717, 761,

915, 975. 781, 782, 796, 802, 821, 952, 989.


Monte (Gianmaria, cardinal del), pape Pagnano (Ercole), 706, 712, 806, 822,
Jules III, 75, 207-208, 221, 223-224, 927.

235, 236, 240, 243, 262, 270, 272, 273, Paleotto (Gabricle), 14, 574, 608, 623,
279, 282, 284-287, 291, 293-294, 297, 625,^648,* 659-660, 798, 802, 881,
309, 314, 315, 317-319, 332-333, 346, 891, "964, 970, 985.
349, 357-359, 360-361, 363, 365-367, Palerme (Ottaviano Preconio, arche-
378, 389, 405, 407, 409, 410-411, 412- vêque de), 501, 695, 749, 751.
413, 415-416, 425-426, 428-430, 431, Palerme (Pedro Tagliava, archevêque
434. Voir encore liv. LIV, chap. ii, de), 251, 268, 297, 318, 501, 502.
444, 445, 589. Paris (Eustache du Bellay, évêque de),
Montefiascone (Carlo de' Grassi, évê- 627-628, 643, 660, 724, 784, 876, 897.
que de), 758, 759, 935. Parisio (Pietro Paolo, cardinal), légal
Montemarano (Antonio Rodriguez a au concil.', 120, 175, 178, 181.
Santo Michèle, évêque de), 756, 877, Parme (Alessandro Sforza, évêque de),
987,. 773, 796, 883.
Morone (Giovanni, cardinal), 17-18, 94, Paul III. Voir Farnèse (Alessandro,
100, 111, 124, 129, 131-133, 137, 139- cardinal).
142, 144-145, 148-149, 156-157, 166- Paul IV. Voir Caraffa (Gianpietro, car-
169, 175, 181-182, 186, 199, 337, 399, t dinal).
419, 429, 449, 525-526, 552, 571, 786, Paumgarten (Augustin), agent au con-
836-838, 840-842, 846-848, 862-867, f cile, 647, 690-691, 703-705, 743, 744.
869, 884-885, 894, 902, 906, 917-918, Pelargus (Ambrosius), théologien, 292,
934-936, 945, 947, 951, 953, 967, 969- 386, 390, 469, 474, 491.
971-972, 980-984, 986-987, 990, 992, Pellevé (Nicolas de), archevêque de Sens,
993, 999, 1000. 768, 786, 935, 959.
Musotti (Filippo), 736, 853, 856, 879, Pendasio (Federigo), théologien, 639,
887, 889-890, 900. 640, 649-651, 653, 678, 686, 740.
1048 TABLE ANALYTIQUE

Pénitencerie, congrégation romaine, Przmisl (Valentin Herborth, évêque


197, 448, 457, 505, 506, 650, 664. de), 745-746, 795-796, 828, 855, 942.
Voir Farnèse (Ranuccio) et Pucci. Psaume (Nicolas), évêque de Verdun,
Pescara (Fernando d'Avalos, marquis 15, 466, 767-768, 777-778, 796, 802,

de), 627, 647, 651-652, 663, 666, 828, 892, 953, 994.
751 759, 760, 765, Pucci (Lorenzo, cardinal), 59, 118, 121,
Pflug (Julius), 150, 419, 485, 566. 199.

Philadelphie (Léonard Haller, évêque Putco ou Del Pozzo (Giacomo, cardi-


de), 698, 699, 708, 711, 717, 782, nal), 501, 513, 514, 541, 572-573.
860-861. Quinones (Frances, cardinal), 71,
Philippe II, roi d'Espagne, 462, 539, 1013, 1014.
540, 541, 544, 547, 551, 553-554, 566, Raguse (archevêque de). Voir Becca-
569, 575-576, 640, 649, 681, 805, 848- dclli.

849, 871, 899-901, 903, 908, 943, 949, Réformiste (parti), 50, 61-62, 64, 106-
960-961. 107, 500, 530. Voir Caraiïa et Con-
Philippe Neri (saint), 52-53, 503, 1020- tariai.

1021. Ricci (Giovanni, cardinal), 105, 122,


Pie IV, pape. Voir Medici (cardinal). 170, 186, 502.
Pie V (saint), pape. Voir Alexandrin Ridolfi (Niccolo, cardinal), 117-118,
(cardinal). 200-201, 352, 369.
Pierre Canisius (saint), 387, 480, 739, Rieti (Gianbattista Osio, évêque de),
749, 777, 818, 820, 866, 1007-1008. 717, 739.
Pighini (Sebastiano, cardinal), légat au Rossano (Gianbattista Castagna, ar-
concile, 231, 237. 331, 354, 365, 432, chevêque de), 612, 617-618, 646, 670,
449-450,455, 459, 486, 497, 502. 759, 808, 927, 944, 953, 954.
Pic da Carpi (Rodolfo, cardinal), 58, Sacré-Collège, 33-34, 37, 53, 54, 59, 70,
75, 80, 82, 182, 560, 653, 1000. 82, 101, 158, 168-170, 175, 275-276,
Poggio (Giovanni, cardinal), 129, 135- 294, 351, 357, 369, 408, 410, 440-441,
136, 139, 148, 185, 249. 460, 462, 505-506, 516, 526, 600, 653,
Pôle (Réginald, cardinal), 62, 73, 175, 658, 841, 882-883, 937, 997, 999-
193, 207, 237, 238, 240-241, 250-251, 1000. Voir Conclaves et Promotions.
256-257, 283, 295, 296, 304, 306-307, Sadolet (Jacques cardinal), 72-73, 76,
332, 443-444, 506, 525, 795. 108, 172, 175.
Prague (Anton de Muglitz, archevêque Saint-Office, congrégation romaine,
de), 599, 614, 617, 630, 642, 666, 670, 457, 507, 510, 520-521, 523, 529, 622,
673, 688, 692, 716, 726, 784, 814, 876, 734, 908.
908, 916, 953, 978. Salamanque (Pedro-Gonzalez de Men-
Préséances (conflits des), 307-309, 550, doza, évêque de), 618, 668, 738, 750,
647-648, 805-807, 821-823, 867-868, 823, 935, 956, 960, 967, 990.
886-888. Salmeron (Alonso), 280-281, 305-306,
Procureurs au concile, 210-211, 215- 658, 685, 703, 709, 741, 800-801,
216, 219, 221, 225, 230-231, 239, 242, 823-824.
245-246, 356-357, 603, 859-861, 1038- Salzbourg (archevêque de), 666, 708,
1039. 718, 773, 860, 869, 921.
Promotions cardinalices, 54-55, 59-60, Sanfelice (Tommaso), commissaire du
73-76, 119-120, 191, 198-200, 439- concile, 173-174, 177, 188, 193, 277,
440, 500-502, 517-518, 520, 538, 568- 311-313, 570, 613, 634, 638, 677, 681-
570, 840, 1017. 682, 782.
TABLE ANALYTIQUE 1049

San Marco (Coriolano Martirano, évê- Smalkalde (ligue de), 47, 48, 58, 84-86,

que de), 216, 237-238, 248, 370. 113-114, 188-189, 203-204, 299. Voir
Santa-Croce (Prospero), 423, 424, 425, Luthériens, et Saxe.
547, 593, 757, 928, 929-930, 931. Sorbonne, 306, 352, 761, 798, 799, 807,
Santa-Fiore (Guido Ascanio Sforza, 808, 822-823, 824.
cardinal), 54-55, 198, 321, 444, 591. Soto (Domenico), théologien 224, 230-
Sassari (Salvatore A'epo, archevêque 231, 275, 287, 329, 338.
de), 241, 251, 274, 355, 465, 478, Soto (Pedro), théologien 186, 418, 685,
479. 703, 714, 741, 751, 834, 859.
Saxe (Augaiste, électeur de), 564, 581. Souchier (Jérôme), 767, 780, 842, 1037.
Saxe (Jean-Frédéric, électeur de), 84- Spalato (archevêques de), 332, 355, 705.
86, 126-127, 143, 152. Spina (Bartolommeo), 344, 354, 368.
Saxe (Maurice de), 419, 453, 487. Staphylus (Friedrich), 589-590, 647,
Secrétairerie d'Etat apostolique, 37- 688, 818.
39, 147-148, 174, 260-261, 279, 288, Strigonie (archevêque de), 627, 692,
321, 367, 369, 488, 538, 601, 801, 838- 705, 708.
839, 911. Voir Charles Borromée Sulmone (Ponipeo Zambecari, évêque
Farnèse (Alessandro).
(saint) et de), 695, 753, 877, 987.
Ségovie (Martin de Ayala, évêque de),
328, 466, 694, 717, 723, 749, 750, 753, Toledo (Frances Alvares de), ambassa-
784, 880, 893, 897, 915, 927, 956. deur, 249, 258, 273-274, 275, 277,
Seld, chancelier impérial, 688, 817, 862, 292, 312, 384,463-464,492.
865, 904. Toledo (Juan Alvares, cardinal), 422,
Seripandi (Girolamo, cardinal), 241, 437, 443.
243, 245, 266, 314, 327-328, 331, 332, Toledo (Pedro Alvares), vice-roi, 210-
335, 336, 339, 359, 466, 552, 601- 211, 213, 215-216.
602, 605, 610, 625-626, 632-633, 636, Terres (Frances), théologien, 703, 709,
660, 661, 667, 669, 694, 701-702, 707- 741.
708, 720-721, 736, 737, 748, 762, 764, Tortosa (Martin de Cordeba, évêque
771, 772, 778, 783-784, 804, 835, 842. de), 637, 728, 736, 956.
Serristori (Averardo),ambassadeur,131, Tournon (François, cardinal de), 453,
170, 427, 444, 510. 470, 479, 496, 541, 546, 549-550, 562.
Severoli (Ercole), promoteur du concile, Trani (Domenico Cupis, cardinal de),
228, 272, 298, 351, 379. 95, 117, 170, 190.
Sfondrate (Fiancesco, cardinal), 184-
185, 190, 373, 386, 393, 394, 401, Urfé (Claude d'), ambassadeur fran-
402, 404, 420, 428. çais, 307, 398, 416, 434, 444.
Signature, congrégation romaine, 120,
349, 414, 506. Vargas (Frances de), ambassadeur, 531,
Simonetta (Giacomo, cardinal), 60, 91, 562, 571, 615, 630, 640, 667, 706, 890.
104. Vargas (Juan de), ambassadeur, 397,
Simonetta (Lodovico, cardinal), 304, 398, 403, 411-413, 849-850.
367, 569, 573, 575, 598, 600-602, 632- Vega (Juan de), ambassadeur espagnol,
633, 657, 660, 677, 687, 722, 777- 184,186, 188,215,322,381-382.
779, 803, 815, 855-856, 860, 985. Veglia (Albertus Duimius Glirici, évê-
Sinigaglia (Urbano Vigerio de La Ré- que de), 693, 699-700, 713, 723, 754-
vère, évêque de), 257, 271, 288-289, 755.

293, 330, 379, 759, 760. Venise (république de), 88-89, 92-93,
1050 TABLE ANALYTIQUE

131, 162, 315, 630, 652, 690, 776. 785, 790, 794, 844, 852-853, 889, 905,
Voir ambassadeurs vénitiens. 906.
Verallo (Girolamo, cardinal), 159, 321, Viviers (Giacomo Maria, Sala, évêque

374-375, 382-383, 387, 422. de), 626-627, 675, 697.

Vergerio (Pietro Paolo), apostat, 56, Vorst (Peter van), évêque d'Acqui, 63,
57, 59, 69, 588. 71-72, 83-88, 265.

Vienne (Frédéric Nausea, évêque de),


Vulgate, 263, 268-269, 270, 275-276,
279, 1011-1012.
69, 113, 179, 469.

Vintimille (Carlo Visconti, évêque de),


Zanettini (Dionisio), évêque d'Orient,
13, 675-679, 710, 717, 719, 730, 746,
312, 313, 347, 357.
788, 789, 791, 808, 811, 823-824, 844, Zara (Muzio Calini, archevêque de), 13,
872, 881, 930-931, 961, 962.
609, 635, 685, 697,717, 720, 739, 744,
Viterbe (Sebastiano Gualtieri, évêque 765-766, 792-793, 824, 857, 881, 968,
de), 542, 567, 593, 764-765, 769, 779, 970, 977, 978, 1009.
TABLE DES MATIÈRES

Préface 8
Introduction 11
Les sources de l'histoire du concile 12
Les difficultés du concile 18
Les auxiliaires du pape 32

LIVRE CINQUANTE-TROISIÈME

LA MARCHE DU CONCILE DE TRENTE (1530-1539)

Chapitre I^^ — La politique conciliaire de Paul III entre Charles-Quint


et François /«' (1529-1539) .
45
Charles-Quint et Clément VII essayent de convoquer le concile général

(1529-1534) 46
Le conclave de 153't, le passé de Paul III, le programme du pontificat. 49
Les mesures de réforme, préliminaires du concile 53
Missions diplomatiques préparatoires du concile Vergerio en Allemagne. : 55
La première promotion cardinalice et les progrès du parti réformiste
à la curie. Contarini 59
La grande commission de réforme et ses premiers travaux 63
Les embarras diplomatiques et le voyage de Charles-Quint à Rome.
Négociations avec le pape en \'ue du concile 64
La bulle de convocation du concile 68
La convocation transmise à la chrétienté. Un avant-concile prépare
les travaux 71
Le programme de réforme ou le « Cousilium delectorum » 76
Echec du concile de Mantoue 79
Echec des négociations pour le concile : Peter van der Vorst dans
l'empire 82

Ligue du pape et des Habsbourgs contre le Croissant 88


Réforme de l'Église romaine 90
Nouvelles négociations stériles 91

Congrégation préparatoire du concile 95


Le concile de Vicence et les conférences de Nice 98
1052 TABLE DES MATIERES

L'échec du concile et les efforts du parti réformiste à la curie .... 104


La politique de Ferdinand, roi des Romains, fait échouer la légation

Aléandre 109
Le délai de Francfort et l'agonie du concile de Vicence 113

Chapitre IL — Paul III el la politique de « concorde y> des Habsbourgs


(1539-1545) 117

Les progrès de la réforme à la curie et au Sacré-Collège 117


Les légations Farnèse-Cervini 122
Les intrigues de concorde à Gand et la nouvelle légation Cervini . . 126
Les conférences d'Haguenau 132
La nonciature Campegio au colloque de Worms 136
Contarini légat en Allemagne 142
La diète de Rati?bonne (1542) et les instructions de Contarini 145
Le colloque de Ratisbonne 150
Le recès de Ratisbonne 157
Entrevue de Lucques 163
La convocation de la diète, sa tenue à Spire 164
La bulle de convocation et l'opposition de Charles-Quint 170
du concile
OfTiciers et légats 173
L'ambassade impériale au concile 175
Petit nombre d'évêques au concile 179
Suspension du concile la diète de Spire, et la brouille avec Charles-
:

Quint 182
Conquêtes des luthériens en Allemagne 188
Les manœuvres de népotisme à propos de la convocation du concile. . 190
Le parti réformiste à Rome et le Sacré-Collège 194

Chapitre IIL — Le concile de Paul III [mars 1545-juin 1546) 203

du concile à Trente le site, les légats


Installation : 203
Nouveaux embarras provoqués par Charles-Quint. La légation Farncse
à Worms (1545) 209
Vicissitudes du concile : la question du transfert 215
Sur l'invitation du pape, les légats décident d'ouvrir le concile œcu-
ménique, malgré le petit nombre des Pères 220
La session du concile de Trente (13 décembre 1545)
i''* 222
Constitution du règlement et du bureau 225
Premiers travaux de l'assemblée et sa vie quotidienne 231
La II* session du concile de Trente (7 janvier 1546) 235
Le concile devant l'opposition impériale 240
Débat sur le partie double et le détail du règlement.
programme en . 246
La session 111* du concile de Trente
(4 février 1546) 250
Les sources de la foi catholique la version ofTicielle et le canon des
:

Écritures 252
Nouvelle offensive impériale 258
Sur les abus de l'Écriture sainte 261
Le débat sur les sources de la foi se joint au précédent 266
TABLE DES MATIÈRES 1053

La session iv* du concile de Trente et les premières décisions (jeudi


8 avril 1546) 271
Les décrets sur la prédication et l'usage de l'Ecriture sainte 276
Incidents aux séances du 10 et du 18 mai 154o 281
Le pape songe à faire des changements au concile 287
Le péché originel 290
La résidence et son principe 293
La session v^ du concile de Trente et la première restauration catho-
lique (17 juin 1546)
296

Chapitre IV. — Les grands débats sur la juslification el la résidence

(juin 1546-mars 1547).


— Le problème posé à la séance du 21 juin 1546. 303

Les premières discussions 305


L'ambassade française et le premier conflit de préséance 307
Le premier état de justification et le transfert du concile 309
Le scandale Sanfelice-Zancttini 311
Les vicissitudes autour et au dedans du concile. Les séances du 28 et

du 30 juillet 314
La lactique impériale d'atermoîinent et la question du transfert... 319
La discussion sur la certitude de la grâce 323
Les vacances des Pères el la double justice 326
La clôture du 12 octobre et l'ajournement du transfert 332
Les débats sur les .Justilia imputativa »
.< 334
Accord entre les Icgals et les Impériaux pourl organisation du travail. 337
Derniers débats sur la justification 339
Nouvelle crise à propos de la session en perspective 344
Le débat sur le devoir pastoral de la résidence 347
Préparatifs de la vi® session
352
La vi^ session du concile de Trente (13 janvier 15'»7) 355
Les embarras nouveaux 357
Le travail reprend et aborde les sacrements 359
Une session mouvementée 363
La pari de Rome à la vu*' session 367
La vu^ session du conci'e de Trente :3 mars 1547) 369

LIVRE CINQUANTE-QUATRIÈME

lES EMBARRAS DU CONCILE

Chapitre le"".
— Le concile de Bologne et l'obstruction impériale à Rome
et à Trente [mars 1547-novembre 1549) . 373

Charles-Quint se sépare du pape


37'v
-^76
L'épidémie à Trente et la panique
En route pour Bologi^e 379
La colère de l'empereur 380
L'assemblée de Bologne au travail 386
La victoire de Charles-Quint 393
1054 TABLE DES MATIERES

L'agonie du concile de Paul III 395


Dangers et complications dans la Haute Italie 399
La diète d'Augsbourg (1547) 400
Le recès de la diète et les négociations à Rome
d'Augsbourg 403
La protestation impériale à Rome et à Bologne 408
Paul lïl arbitre entre les Pères de Bologne et ceux de Trente 414
L'Intérim d'Augsbourg 418
La politique papale entre
l'Intérim et le procès d'arbitrage 420
La mission Santa-Croce à Augsbourg 424

Perplexité et incertitudes de la politicjue pontificale


426
Essai d'accommodement sur l'Intérim aux dépens du concile de Trente. 430
Bonne volonté des agents pontificaux en faveur de l'accommodement. 435

Règlement définitif du concile par Paul III 437

Chapithe II. — Le concile de Jules III entre Habsbourgs et Valois

{1549-1559).
— Le conclave de 1549 443

Le nouveau pape premiers actes


et ses 446
Les réformes de Jules III et la reprise du concile 448
Stérile activité des nonces 450
La bulle de convocation 454
Les préliminaires du concile 456
Le conflit de Parme 460
L'ouverture de l'assemblée et la session xii<^ du concile (1®' mai 1551). 463
L'activité du concile 467
La guerre de Parme et les embarras de Rome 468
La xn^ session et la protestation d'Amyot. 469
Le sacrement de l'eucharistie 473
La xni^ session du concile de Trente 476
La suite des sacrements ia pénitence
: 479
La XI v^ session du concile de Trente (25 novembre 1551) 482
La messe et le sacrement de l'ordre 484
Manèges des lutlériens ^86
L'agitation au concile 492
La suspension du concile 495
L'œuvre de réforme de Jules III en compensation du concile 500
Les débuts de l'Inquisition romaine 507
Les conclaves de 1555 510
Caractère de Paul IV de son pontificat
et 514
La réforme à outrance et de grand style 516
La réforme par le ministère de l'Inquisition et régime de terreur.
le 520
L'« Index » de Paul IV et les exagérations de la réforme inquisitoriale. 523
Le procès du cardinal Morone 525
TABLE DES MATIERES 1055

LIVRE CINQUANTE-CINQUIÈME

L IMPUISSANCE DU CONCILE

Chapitre I^''.
— La reprise du programme de Paul III (1559-1563) .... 529

Le conclave de Pie IV 529


La carrière du nouvel élu 532
Les auxiliaires. Saint Charles Borromée 537
Pie IV veut convoquer le concile 539
Nouveaux obstacles soulevés par les gouvernements 544
Le pape se décide à convoquer le concile 549
Nouvelles entraves de la part des souverains 553
Les réformes de Rome préliminaires du concile < 557
Nouvelle résistance de l'empereur 558
Préparation de la bulle du concile 560
L'appel du pape aux princes allemands 563
Préliminaires de l'ouverture du concile 566
Le collège des légats 571
Le bureau, les premiers Pères, premières démarches au concile
les 573
Les évêques des nations font défaut au concile 575
Les missions apostoliques à travers l'Allemagne 581
Le colloque de Poissy et les affaires de France 590

Chapitre II. — Les premiers débats; les embarras sur la continuation du


concile et la résidence [juillet 1561-mai 1562) 595

Le concile s'accroît lentement 595


Simonetta transmet l'ordre d'ouvrir le concile 599
La session xvii® du concile de Trente 604
La mise en marche du concile 611
L'index des livres et la recherche des censures 615
La session xviii^ (26 février 1562) 619
Le sauf-conduit aux dévoyés 622
La réforme et la résidence 624
La reprise des travaux au temps pascal de 1562
632
Crise du concile et mission de Pendasio à Rome 635
Les incidents d'avril et les anxiétés de Pie IV 641
Le problème des préséances 647
La réponse du pape et la xix^ session 649
Le pape donne l'exemple des réformes 652

Chapitre III.' — La crise du concile [mai-septembre 1562) 657

657
Disgrâce du cardinal de Mantoue
Les complications avec l'ambassade de France 663
1056 TABLE DES MATIERES

La XX* session (4 juin 1562) 667


Les débats sur la concession du calice et le renvoi à Rome 669
Mission de l'archevêque de Lanciano à Rome 673
La mission Visconti à Trente 675
Intervention de Pie IV ;
calme revient au concile
le 680
Le concile reprend ses travaux péniblement 682
Le concile revient au calice 687
Les requêtes de l'empereur 688
La trêve à propos du calice 695
Les débats décisifs sur la communion 698
La session xxi^ (16 juillet 1562] 703
Le saint sacri fice de la messe 706
Le calice aux Bohémiens 715
Travaux préparatoires de la session xxii^ 720
La xxn^ session et ses péripéties (17 septembre 1562) , 726

Chapitre IV. —
L'agilalion diplomatique autour de la résidence [sep-
tembre 1562-mars 1563) 733

L'offensive franco-impériale 733


L'intervention du pape 738
Discussion commune au sacrement de l'ordre et à la résidence 740
Discussion et accord sur la primauté du pape 747
Nouvelle discussion sur la résidence 752
Les mesures coercitives du pape 753
Le cardinal de Lorraine aux portes du concile ;
il fait ajourner la session . 756
Réception des Français leurs premières intrigues
; 760
A la conquête du cardinal de Lorraine 764
Réception solennelle du cardinal 765
Nouveaux orages sur le concile 770
Le droit divin de l'épiscopat remis en cause 776
Nouvelle délibération sur la résidence 781
Recours des légats à Rome; la mission Visconti 788
Les travaux de la nouvelle année et la réforme française 792
Le point de vue romain sur la primauté et l'opposition gallicane 796
Le dernier examen de la résidence et l'offensive gallicane du cardinal
de Lorraine 799
Quel est le premier monarque de la chrétienté : celui de France, ou celui
d'Espagne? 805
Toujours l'offensive gallicane 807
Le retour de Visconti et les directives du pape 808
L'ofl'ensive des coalisés à propos de la session 811
La politique impériale et le concile supplément 816
La mission Commendone à la cour impériale (février 1563) 819
Un conflit de préséance d'un nouveau genre 821
Nouveaux incidents pendant les conférences de théologiens. L'offensive
française pour la réforme 823
Les conférences théologiques d'Innsbruck (février 1563) 828
Le concile arrêté par la mort de ses deux présidents (mars 1563) 831
TABLE DES MATIERES 1057

LIVRE CINQUANTE-SIXIÈME
LE CONCILE DE PIE IV ET LA RESTAURATION CATHOLIQUE

Chapitre I^'.
— Le concile Morone (mars-septembre 1563) 837

Les directives impériales 838


La riposte de Pie IV 840
Suspension des travaux à Trente 842
Morone remet le concile en marche 847
Accord de Pie IV avec Philippe II 848
L'attente au concile 851
L'offensive oblique du cardinal de Lorraine 854
Les abus du sacrement de l'ordre. , 857
L'affaire des procureurs et le dernier ajournement de la xxiu^ session . . . 859
Morone à Innsbruck : son accord avec l'empereur 862
Les premiers actes de Morone il déblaye le champ d'opération
: 867
Le président de Birague à Trente 872
La liberté plus grande de parole assurée au nom du pape; incidents qui
en résultent 875
Les premiers assauts contre le nouveau président 882
Encore le conflit de préséance nouveaux orages
: 886
Manœuvres des Français à Rome 888
Préparatifs à la xxni^ session 890
La xxm^ session; la bâte d'en finir 896
La contre-manœuvre des Espagnols 899
Nouvelle mission de l'évêque de Viterbe à Rome; hostilité des Français
à propos de la réforme 905
Le scandale de la réforme des princes 909
Retour au sacrement de mariage et procès du patriarche d'Aquilée 913
L'empereur contre la réforme des princes 916
Ajournement de la xxiv* session 920

Chapitre II. — La conclusion du concile et la restauration catholique


[septembre 1563-décembrc 1565) 925

L'empereur condescendant; le ocmte de Luna plus intransigeant que


jamais 925
Campagne diplomatique pour accélérer la clôture 928
L'esclandre des Français au concile 931
Le cardinal de Lorraine à Rome 936
Le roi des Romains au secours du concile 940
Campagne sur la formule proponentibus le^atis 943
La bataille sur la réforme 948
Un nouvel assaut du comte de Luna et la seconde bataille sur la ré-

forme 952
Le retour du cardinal de Lorraine les légats préparent la xxiv^ session
; , . 957
La session xxtv« du concile de Trente (jeudi 11 novembre) 962
La marche à la clôture 971
Discussion de certains détails de réforme , 976
1058 TABLE DES MATIERES

Derniers incidents autour du concile 981


La xxv« session du concile de Trente. Première journée (3 décembre
1563) 987
Deuxième journée clôture du concile (4 décembre)
: 989
Pie IV ratifie les décrets. Dernière opposition de la curie romaine 995
Les tâtonnements de la mise en pratique 1001
Les suppléments du concile l'Index: 1003
Le catéchisme du concile de Trente 1007
La Vulgate 1010
La prière publique : missel et bréviaire 1012
Première mise en pratique du concile. Transformation de la société
romaine 1017

Subscriptiones Palrum in fine sacri Œcumenici Concilii Tridenlini,


die 4 decembris 1563 1029

Table analytique 1041

Table des matières 1051


ERRATA

P. 45, au titre principal, remplacer le chiffre 1559 par 1547; dernière


ligne, remplacer la diètede Spire 1529 par cette diète.
P. 50, lignes 12-13, lire : Guidiccioni et non Gmdtccioni, et partout où ce nom
se rencontre.
P. 101, "ligne 31, supprimer à lire. :

P. 118, ligne 30, lire :Antonio pour Lorenzo.


P. 119, ligne 27, au lieu de Chambre, lire Baume-Montrevel; ligne 31, au
: lieu de
Tortana, lire : Tortone.
P. 196, ligne 35, au lieu de Castarini, lire : Cesarini.
P. 217, ligne 4, au lieu de Pucci, lire : Ricci.
P. 235, ligne 14, lire Diego d'Alai>a.
:

P. 286, ligne 26, lire :


Diego d'Alava, évêque d'Astorga.
P. 332, ligne 21, lire : Le cardinal s'appuyait.
P. 348, ligne 19; p. 609, ligne 14, voir à l'index, au mot Lerida, le vrai nom
espagnol (Agustin) de ces deux frères.
P. 363, ligne 9, au lieu de session, lire séance. :

P. 466, ligne 28, au lieu de Borga, lire Borgia.


P. 665, ligne 19, au lieu de du Faure, lire Du Faur, :

P. 678, ligne 10, au lieu de Federigo, lire Francesco. :

P. 878, ligne 13, au lieu de opposants, lire opposant. :

P. 901, ligne 24; p. 903, ligne 31, voir à l'index, au mot Csanad, le nom de cet
évêque, qui venait de remplacer le prélat mort en novembre précédent,
p. 756, ligne 13.

1013-1931. -
Imprimé en France. — Imp. Letoitzey et Ané, 87, Boul. P(aspail. Paris- VI.
UBRAIRIE LETOUZEY ET ANÉ, 87, Boulevard RaspaU, PARIS^VI

Ouvrage complet.

VITjE
PAPARUM AVENIONENSIUM
HOC EST
HISTORIA PONTIFICUM ROMANORUM
QUI IN GALLIA SEDERUNT (1305-1394)
auctore Stephano BALU2!I0

Nouvelle édition revue d'après les manuscrits et complétée par des notes critiques

par G. MOLLAT
Docteur es lettres et en philosophie, professeur à l'Université de Strasbourg.

4 forts volumes in-8 raisin. Prix : 250 francs.

Quiconque a étudié quelque peu le xiv' siècle et surtout l'époque du Grand Schisme
d'Occident, sait quel prix il convient d'attacher aux Vitœ Paparnm Avenionensium, publiées
par Etienne Baluze, en 1G93, à Paris. Ce vade mecnm de l'historien étant devenu quasi introu-
vable, les éditeurs ont pensé rendre service à la science historique en rééditant un ouvrage
aussi rare. L'édition qu'ils présentent au public est une refonte complète de l'œuvre célèbre
de Baluze.
Par jalousie littéraire, scmble-t-il, Baluze omit délibérément de fournir les indications
désirables sur les manuscrits qu'il utilisa. De même, il jugea superflu, sauf de rares excep-
tions, de citer les variantes de ses leçons. Par suite, nous ne possédions aucun critère pour
juger de la valeur historique de différentes Vies des papes d'Avignon.
Le nouvel éditeur a réussi à découvrir les manuscrits utilisés par Baluze. Poursuivant
ses recherches hors de la Bibliothèque nationale de Paris qui les recelait tous, il a consulté
divers manuscrits tle Bavière, de Belgique, de France et d'Italie. Outre diverses améliora-
tions apportées dans l'établissement du texte, il a décrit, enfin, dans l'Appendice au
\" volume, les manuscrits cotnpulsés, imprimé une Vie de Clément \'I, empruntée à Werner
de Bonn, et reproduit les fac-similés des monnaies des papes d'.\vignon d'après les originaux.
Baluze fit suivre de notes abondantes et précieuses le texte des chroniques auxquelles
il emprunta ses Vitie. Ces notes ont été publiées dans le deuxième volume.

Le troisième et le qtiatrième volumes de la présente édition reproduisent donc le second


tome des Vitœ. Là, encore, on peut constater des différences notables avec la première édi-
tion. Le texte a été établi d'après les manuscrits ou les documents d'archives. On peut ainsi
constater que Baluze, suivant en cela l'exemple de ses contemjiorains, a restitué souvent des
textes sans prévenir le lecteur. On doit lui adresser un reprociie plus grave c'est de n'avoir :

pas su dater la correspondance de Clément V et de Philippe le Bel, et d'avoir rendu quasi


inintelligible la marche du procès des Templiers. Victime d'une erreur qui lui est conmiune
avec la plupart des érudits du xvii« et du sviii« siècle, Baluze com|)ta les années du ponti-
ficat de Clément V à partir de l'élection —
5 juin 1305 —
et non à partir du couronnement

du pape qui eut lieu, à l-yon, le 14 novembre suivant. D'autres fois, le grand érudit a été
trompé par les copies qu'on lui adressait ou les formulaires dont il disposait, comme le fait
s'est produit pour certaines lettres de Clément VI.
On voit combien la nouvelle édition des Viltn Paparnm Avenionensiiim diffère de son
aînée. Elle l'a supplantée même complètement.

ÉTUDE CRITIQUE
sur les WITE PAPARUM AVENIONENSIUM
d'Etienne Baluze
par J. MOLLAT
Elève diplômé de l' Ecole Pratique des Hautes- Études, professeur de l' Université de Strasbourg.

In-8 de 126 pages. Prix : 15 francs.


Complément nécessaire de la nouvelle édition de BALUZE
:.STECHERT«Co.
iLFRED HAFNER)
EW YORK

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