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L'imitation
des Modernes
DU MÊME AUTEUR
TRADUCTIONS
L'imitation
des
Modernes
(Typographies 2)
GALILÉE
Tous droits de traduction, de reproduction
et d'adaptation réservés pour tous les pays,
y compris l'U.R.S.S.
© 1986 Éditions Galilée
9, rue Linné, 75005 Paris
ISBN 2-7186-0294-5
Avant-propos
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L'imitation des Modernes
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Avant-propos
*
Vers la fin du texte de Diderot, c'est-à-dire vers la fin de
ce dialogue qu'est le Paradoxe sur le comédien, lorsque les deux
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Les poètes, les acteurs, les musiciens, les peintres, les chan-
teurs de premier ordre, les grands danseurs, les amants tendres,
les vrais dévots, toute cette troupe enthousiaste et passionnée sent
vivement, et réfléchit peu.
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Ou bien :
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Ou encore :
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Alles schwebt
Anton WEBERN
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suppose (et pas tout à fait sans doute à son insu) un théâtre : une
structure de représentation et une mimèsis, un espace clos, distant
et préservé (sauvegardé et vrai, si l'on entend bien, comme le
faisait Hegel, ce que dit l'allemand Wahrbeit), où la mort en
général, le décliner et disparaître, puisse « se » contempler, « se »
réfléchir et « s' » intérioriser. Cet espace, ce « temple » et cette
scène, c'était, pour Bataille, l'espace du sacrifice qui est, disait-il,
une « comédie ». Nous connaissons tous cette analyse célèbre. Ce
que l'on sait en revanche un peu moins — et sur quoi, pour cette
raison, je voudrais mettre l'accent —, c'est qu'il y a, dans le tout
premier développement de l'Idéalisme absolu, une fondation tout
à fait explicite du procès spéculatif lui-même (de la logique
dialectique) sur le modèle de la tragédie. Et qu'à en reconstituer,
même rapidement, le mouvement (jusque, bien entendu, dans sa
dénégation, ou son désaveu de la théâtralité), on peut y recon-
naître, avec une certaine précision, l'exploitation philosophique
(élevée au carré, donc) du concept aristotélicien de catharsis. De
sorte que, s'il y a du moins quelque justesse dans ce soupçon, ce
n'est pas la seule mimèsis, ou la seule « structure de représenta-
tion », qui se trouve impliquée, sournoisement, dans la dialec-
tique; mais bien le tout de la tragédie, avec ce qui la définit
essentiellement pour l'ensemble de la tradition classique, à savoir
son effet propre : « l'effet tragique », l'effet dit « de purification ».
La question serait donc ici, vous l'entendez déjà : et si la dialec-
tique était l'écho, ou la raison, d'un rituel?
Mais là n'est pas, je dois le dire tout de suite, l'essentiel de
mon propos.
D'autre part, en effet, il m'intéresse bien davantage de faire,
si l'on veut, la « contre-épreuve » de cette hypothèse. C'est qu'en
réalité, le travail dont je distrais ce soir ces quelques remarques
ne porte pas directement sur l'Idéalisme spéculatif mais sur
Hölderlin, sur la théorie hölderlinienne de la tragédie. Je n'ignore
pas qu'entre celui-ci (Hölderlin) et, en vérité, ceux-là — je veux
dire ces protagonistes majeurs et presque exclusifs, dans leur
rivalité même, de l'Idéalisme spéculatif que sont les anciens
condisciples de Tübingen, Hegel et Schelling —, je n'ignore pas
qu'entre eux la distance est la plupart du temps extrêmement
courte, voire parfois, à la limite, nulle et imperceptible. Je ne
l'ignore pas, et c'est même ce qui m'intéresse en tout premier
lieu. Car c'est, de fait, pour cette raison précise qu'il a collaboré,
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C'est exactement ce que Schiller, dans ses mots à lui, avait voulu
dire, et qu'il avait dit :
Nous avons été nature [...] et notre culture doit nous ramener
à la nature par la voie de la raison et de la liberté.
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Les Grecs, tels que Hölderlin s'en forme l'image, sont nati-
vement mystiques : dans ses termes, le « pathos sacré » leur est
inné, leur élément propre est le « feu du ciel ». Sous la mesure et
la virtuosité, l'habileté de l'art grec, ce que voit Hölderlin, c'est
une Grèce sauvage, en proie au divin et au monde des morts,
soumise à l'effusion dionysiaque ou à la fulguration apollinienne
(que Hölderlin ne sépare pas), enthousiaste et sombre, noire, d'être
trop éclatante et solaire. Une Grèce orientale, si l'on veut, et toujours
tentée en direction de ce qu'il appelle l' aorgique pour le distinguer
de l'organique. Avec plus de violence que Fr. Schlegel, la Grèce
qu'invente Hölderlin est au fond celle qui ne cessera de hanter
l'imaginaire allemand jusqu'à nos jours, et qui traversera en tout
cas l'ensemble du texte philosophique de Hegel à Heidegger en
passant par Nietzsche. On traduirait d'ailleurs philosophiquement
les catégories utilisées ou forgées par Hölderlin — ce qui est toujours
possible et nécessaire, quoique non suffisant —, il faudrait dire que
le propre des Grecs est la spéculation elle-même, c'est-à-dire la
transgression de cette limite que Hölderlin pense à travers Kant
comme la limite assignée à la Raison humaine pourtant vouée à
la « pulsion métaphysique ». La transgression de la finitude. Et l'on
pourrait du même coup comprendre, d'un seul mouvement, pour-
quoi une tragédie moderne était inédifiable sur ce héros mystique
et en désir de fusion avec l'Un-tout qu'est Empédocle, et pourquoi
c'est bien une sourde fidélité à Kant, le « Moïse de notre nation »
comme l'écrivait Hölderlin à Hegel, qui aura toujours paralysé la
tentation spéculative, l'aura empêchée et pervertie, ouvrant la
possibilité d'une « autre pensée ». Ce que, je crois, il faut dire pour
rendre justice, dans sa visée philosophique essentielle (ce qui ne
signifie pas forcément, par exemple, sa visée politique), à la lecture
heideggérienne.
La Grèce ainsi découverte par Hölderlin est en somme la
Grèce tragique, si l'essence du tragique, disent les Remarques, est
cet accouplement monstrueux du dieu et de l'homme, ce devenir-
un illimité et cette transgression (hybris) de la limite que la
tragédie, en lointain écho d'Aristote, a précisément pour fonction
de purifier.
La tragédie, c'est-à-dire l'art tragique. C'est-à-dire encore ce
à quoi les Grecs ont dû s'employer, conformément à la loi énoncée
plus haut, comme à ce qui leur était étranger et par quoi ils
devaient passer si la moindre chance d'appropriation de ce qu'ils
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C'est une loi générale que tout vivant ne peut devenir sain,
fort et fécond qu'à l'intérieur d'un certain horizon. (1, p. 209.)
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paradis, elle connaît les sucs magiques et les baumes qui remédieront
à la maladie historique, à l'abus de l'histoire. Quels en sont les
noms? Qu'on ne s'étonne pas si ce sont des noms de poisons. Les
contre-poisons de l'historisme sont le non-historisme et le super-
historisme. (10, p. 379-381.)
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formatrice » (bildende Kraft), tantôt, sur un mode qui lui est plus
personnel, la « force plastique » (plastische Kraft) ou la « force
figuratrice » (gestaltende Kraft) 4 . Je préférerais traduire, en « latin »,
par « force fictionnante », pensant à la manière dont la philosophie,
c'est-à-dire la construction de « fictions théoriques », doit se faire
selon Nietzsche « à coups de marteau » — ce qu'il faut entendre,
ainsi que Heidegger nous l'a appris, en référence à l'art du
sculpteur. L'essence plastique de l'art est l'apollinien en tant que
mise en forme du chaos, confusion et béance.
Il n'y a donc pas de hasard si, dès les premières pages, la
santé (c'est-à-dire l'être-soi ou l'état de non-aliénation, l'existence
comme existence effective) est rapportée à la capacité plastique.
La vie est bien pensée sur le modèle de l'art, et non l'inverse :
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11. Cf. Bertrand Pautrat, Versions du soleil, Paris, Le Seuil, 1971, p. 123
et suiv.
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Et ceci encore :
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La réponse est donc très simple (je laisse en réserve ici toute
la rhétorique de l'Entscheidung et de l'Entschlossenheit , de la
décision et de la décision-résolue, de la volonté de l'essence, où
le vouloir « institue sa mainmise sur le voulant », le comman-
dement se soumet lui-même à l'ordre qu'il donne, de telle sorte
que la volonté s'excède elle-même et, s'excédant elle-même, accède
à la puissance, domine sur ce qui est résolu, se révèle en son
essence puissance, etc. 18), la réponse est donc simple : la mission
du peuple allemand, sa mission spirituelle, c'est la science. Ou
si l'on préfère, ce qui détermine le peuple allemand en son essence,
ce qui « astreint le destin allemand à la frappe de son histoire »,
ce qui le dirige, le commande et le destine (il y a tout cela dans
l' Auftrag, la mission), c'est la science. Et rien d'autre. Au passage
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(...) si la science doit être, si elle doit être par nous et pour
nous, sous quelle condition peut-elle alors trouver consistance?
C'est à la seule condition que nous nous placions à nouveau
sous la puissance du commencement de notre existence — de notre
Dasein spirituel-historiai. Ce commencement est l'irruption (Auf-
bruch) de la philosophie grecque. C'est là que pour la première
fois l'homme occidental, à partir d'un peuple (d'un être-peuple,
Volkstum), par la force de la langue de ce peuple, se dresse en
face de l'étant en totalité, qu'il le questionne et le saisit (begreift)
comme l'étant qu'il est.
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Ou encore :
27. Je reprends ici le lexique de Vom Wesen des Grundes (cf. QI, p. 135).
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mais il s'agit quand même de tout autre chose) est donc le tout
premier signe de l'appartenance de Heidegger au philosophique
(à la métaphysique), et la toute première détermination politique
de sa philosophie. Et il n'y a pas de hasard, on le comprend
désormais, si celle-ci est primitivement dominée par une problé-
matique de la (re)fondation de la métaphysique; comme il n'y
en a pas non plus si Heidegger ne cesse au départ de se réclamer
de la détermination kantienne de la métaphysique comme « dis-
position naturelle de l'homme » 3'.
Mais se réclamer de Kant, dans le contexte des années 30
et contre les interprétations néo-kantiennes, c'est aussi se réclamer
de Nietzsche; c'est même probablement se réclamer avant tout
de Nietzsche, dont au reste le « Trieb der philosophiert », sous
l'autorité duquel il était arrivé à Heidegger de se placer 32, n'est
pas sans rapport avec la « disposition naturelle » invoquée par
Kant. Car c'est Nietzsche, en réalité, le « héros » de l'aventure
politique de Heidegger. En sorte que mettre en cause « la déter-
mination heideggérienne de la philosophie » revient à incriminer,
en second lieu, la surdétermination nietzschéenne d'une telle
détermination.
« Héros », ici, est à entendre en un sens strictement heideg-
gerien — c'est-à-dire, sans doute, strictement nietzschéen. Soit au
sens où Sein und Zeit prend ce mot, toujours dans le même § 74
et quelques lignes simplement après que le Mitgeschehen eut été
assigné comme peuple 33 . Le héros apparaît au lieu précis où il
est nécessaire que quelque chose supplée, dans l'histoire (dans la
temporalité du Dasein), à la non-explicitation, pour le Dasein,
de l'origine des possibilités sur lesquelles il se projette. Plus
exactement — parce qu'une telle explicitation, dit Heidegger, n'est
pas indispensable (et parce que de toute façon, dans la transcen-
dance vers le monde, il n'y a pas de saisie explicite de l'esquisse
projetée, de l'Entwurf) — le héros apparaît au lieu où se révèle
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37. /M, p. 166. « Technè » est ici encore défini comme savoir.
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43. Cf. Jean Beaufret, (pùcrtç et térni, in Aletheia, n's 1-2, janvier 1964.
44. 1M, p. 162.
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Poétique et politique *
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C'est très peu dire, mais cela suffit. Et en réalité, si l'on y regarde
de plus près, on s'aperçoit que tout, dans le moment du retrait
et de l'« explication avec le national-socialisme », vient se focaliser
sur la question de l'art : car outre le premier cours sur Hölderlin
(c'est le cours consacré, sans nul hasard, aux hymnes « Le Rhin »
et « Germanie », bientôt suivi de la conférence « Hölderlin et
l'essence de la poésie »), outre l'ouverture du très long débat (il
durera plus de quatre ans) avec la métaphysique de Nietzsche,
dont il faut noter qu'en 36 il prend son départ dans la décons-
truction de l'esthétique de Nietzsche, ce que Heidegger ne dit
pas, c'est que dans les mêmes années, entre 34 et 37, il tient un
séminaire consacré aux Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme
de Schiller, il co-organise un autre séminaire « interdisciplinaire »
sur « Le dépassement (Überwindung) de l'esthétique dans la ques-
tion de l'art » (où il élabore, sous la forme de conférences plusieurs
fois répétées, le texte sur « L'Origine de l' œuvre d'art »), il donne
en 1935 son cours d'Introduction à la métaphysique qui culmine,
comme on sait, dans une longue interprétation du célèbre choeur
d' Antigone sur la technè (interprétation qui doit beaucoup aux
Remarques de Hölderlin et que d'ailleurs il reprendra en 1942
dans le cours consacré à l'hymne « L'Ister »). Si l'on ajoute encore
qu'il existe un troisième cours sur Hölderlin (« Andenken », 1941-
1942), qu'au moment où son enseignement sera suspendu, en
44, Heidegger proposait un cours sur Denken und Dichten et que
le seul livre dont il réussira à obtenir la publication dans toutes
ces années, ou qu'il consentira à laisser paraître, c'est le livre sur
Hölderlin, vous voyez que cela fait beaucoup de convergences et
que semble en tout cas se dessiner là une sorte de projet systé-
matique où la question de l'art, dans l'explication politique,
occupe une place centrale.
On pourrait dire en somme — et du reste Heidegger le dit
presque de manière explicite dans un passage du cours de 1942
sur l'hymne « L'Ister » (p. 141 sq. du volume récemment publié
dans la Gesamtausgabe) — qu'à l'autre extrémité de l'histoire de
la philosophie, mais cette histoire étant désormais achevée et
Heidegger occupant, selon une topologie (et une stratégie)
complexes, un autre lieu que le lieu philosophique, Heidegger
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sentée comme telle mais jamais non plus tout à fait dissimulée,
de la conception aristotélicienne du partage entre phusis et technè,
c'est-à-dire de la conception ontologique de la mimèsis : faire de
l'art, dans le combat (le polémos) entre terre et monde (ou, chez
Sophocle, dikè et technè), qui est le combat même de'einai l et
du noein inaugural de la pensée occidentale, le supplément, voire
le trait ou l'archi-trait originairement supplémentaire dévoilant à
l'égard de la phusis elle-même (de l'être de l'étant) ; faire de l'art
ce dont la phusis a besoin pour apparaître comme telle, c'est — à
une autre profondeur — répéter ce que dit Aristote de la mimèsis
en tant qu'elle « mène à terme » ce que la phusis, d'elle-même,
ne peut « effectuer ». Ce qu'il ne faut pas comprendre, Jean
Beaufret l'a montré, comme une simple supplémentarisation
ontique ou empirique.
Du reste le discours sur l'art, avec son opposition du monde
et de la terre et sa thèse sur l'œuvre d'art comme thèse de la
vérité ou de l'être, prend de manière tout à fait nette le relais de
la réinterprétation, dans les termes de l'ontologie fondamentale,
de la transcendance du Dasein comme imagination transcendantale
ou pouvoir de schématiser : la technè, l'art, vient au fond en lieu
et place du concept transcendantal de monde, lequel est depuis
Sein und Zeit traité en termes d'esquisse (Entwurf), d'image (Bild),
de prototype (Vorbild) — le Dasein étant, lui, désigné comme
formateur de monde (weltbildend). Certes tout un lexique de la
trace et de l'archi-trace, du trait et du retrait, de la stature et de
la figure (Gestalt), se substituera à la terminologie kantienne
utilisée auparavant. Mais le dessein est le même : l'art est pure-
ment et simplement l'installation d'un monde, c'est-à-dire — nous
allons y venir — la possibilité d'une histoire. Et que l'œuvre soit
définie pour la première fois comme -le- Gestell, le rassemblement
de tous les modes de l'installation que la philosophie distribue
en représentation (Vorstellung), figuration (Gestaltung), présenta-
tion (Darstellung), production (Herstellung), etc., dont vingt ans
plus tard Heidegger fera la secrète essence de la technique elle-
même ; ou qu'aussi bien, partout où il parle du Dichten, Heidegger
insiste sur l'image (Bild), cela ne fait que confirmer l'origine
kantienne de son interprétation de l'art. Et par conséquent ce que
j'avance ici sous le nom de mimétologie si, dans l'incertitude
totale où l'on est quant à l'étymologie de mimèsis et la signification
du mot mimos, on n'en sait pas moins qu' imitatio et imago se
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2. Introduction à la métaphysique.
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dit qu'elle veut dire. Une figure n'est figure que parce qu'elle
s'impose comme telle et peut avoir cette position, c'est-à-dire la
position, inversée ou renversée, d'une idées. Une figure est néces-
sairement de statut ontologique, au sens de la métaphysique.
Autrement dit : si Œdipe est une figure, ce n'est pas du fait de
Freud — du seul fait de Freud. Mais d'une ontologie qui lui
préexiste, et qui soutient par-dessous ce qu'il aura toujours présenté
comme l'aventure d'une pure recherche.
La question est par conséquent : qu'est-ce qui disposait
Œdipe au statut de figure? Qu'est-ce qui a autorisé le geste de
Freud? Et mon hypothèse, mais c'est une première hypothèse, est
par conséquent : avant d'être, conjointement sans doute, la figure
du désir et de sa science, Œdipe était déjà figure; peut-être pas
du désir mais sûrement de la science. Il était figure dans la
philosophie, et de la philosophie. C'est-à-dire, probablement,
figure aussi d'un désir, désir de cela que la philosophie, dans le
nom même qu'elle s'est donné, dit avoir pour tâche d'« aimer » :
le sophon, qui est l'un des mots, mais non le seul, par quoi les
Grecs désignaient le « savoir ». Et qui sait si « aimer » ne veut
pas dire « désirer »?
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contraire, en tant que sujet, capable (bien qu'il soit fini, mortel)
de s'arracher au mécanisme du monde et d'accéder à la liberté.
En somme, pour Schelling, la contradiction philosophique la plus
fondamentale est la contradiction même que Kant a durcie à
l'extrême de l'objectif (la nécessité, la nature) et du subjectif (la
liberté). Et il y va à ses yeux de la possibilité du sujet absolu,
c'est-à-dire de l'Absolu comme sujet.
Or à cette contradiction apparemment insurmontable il existe
une solution. Et cette solution, c'est la tragédie grecque qui l'a
donnée dans sa présentation du mythe d' Œdipe. Voici en effet
comment s'ouvre pratiquement la dixième et dernière des lettres
qui composent l'ouvrage de Schelling. C'est un texte auquel,
ailleurs, j'ai déjà fait recours 4 :
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Mais cela veut dire aussi bien que cet accès d' Œdipe à la
parole survient très tard. Œdipe ne devient la figure du philo-
sophique que lorsque la philosophie touche à sa fin, lorsque son
discours s'épuise. Paradoxalement, Œdipe ne devient le porte-
parole de la philosophie — et un porte-parole prolixe — que lorsque
la philosophie commence à perdre la parole ou ne parle plus qu'à
travers des langages qui se détachent d'elle. Et la symbolique
hégélienne trouve peut-être là sa limite : il est bien possible que
le soleil naissant de l'Égypte — celui qui faisait chanter à l'aube
les statues du temple de Memnon — monte, dans le ciel grec,
jusqu'à son zénith; mais alors, c'est aussitôt pour décliner et
commencer sa course occidentale. C'est pourquoi Œdipe, la figure
matinale du savoir grec, est aussi la figure du savoir proprement
occidental, du dernier savoir. L'ambivalence du pharmakos reste
attachée à sa figure. Aussi n'est-ce en aucune manière son hostilité
à Hegel qui explique que Nietzsche, le « tard-venu », ait choisi
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ce, sans qu'il le sût très bien (ou sans qu'il voulût le savoir),
reprendre le projet philosophique, s'inscrire dans la tradition du
savoir, recommencer — une fois de plus — le destin grec (lequel
n'est pas sans une secrète parenté avec le destin juif)? Ou bien
était-ce prendre le relais d'une tradition défaillante, exténuée? Ou
bien encore s'ériger en rival et imaginer possible de recommencer,
au-delà de son achèvement et au prix d'une découverte inouïe,
moyennant le déchiffrement décisif et définitif de l'énigme, l'aven-
ture occidentale du savoir? Et réaffronter, mieux que les Grecs,
le risque de ce nouveau savoir? — Il faudrait beaucoup de temps
et de patience pour avancer dans ces questions. Et peut-être
simplement les poser est-il encore un geste œdipien : le roi Œdipe
a (toujours) un œil en trop.
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« Le dernier philosophe »
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Dans un autre langage, qui est celui des conférences sur l'œuvre
d'art, cela revient à dire que l'essence de l'homme, le Da du
Da-sein, c'est la thèse de l'être ou de la vérité (de l'alèthéia),
laquelle est désormais en premier lieu l'œuvre d'art parce que
l'art est essentiellement la Dichtung, c'est-à-dire la langue. Pour
cette raison aussi bien l'essence de l'homme est le langage, « le
plus dangereux de tous les biens » comme Heidegger le rappelle
de Hölderlin lorsque précisément il le sollicite en vue de la
question « Qui est l'homme? » (Hölderlin et l'essence de la
Dichtung, 2.) Ét si de là s'esquissent en effet les contours d'une
« économie » fondamentale, prenant encore appui sur Hölderlin
(« c'est poétiquement que l'homme habite sur cette terre ») ou
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Discutons.
Discutons d'abord parce que nous sommes là pour ça, du
moins en principe. Mais discutons aussi, et surtout, parce qu'il y
a deux ans, ici même, c'est à ce titre et sous ce motif que tu es
venu, non pas pour dire : voilà, c'est mon thème, mais pour
répondre à une adresse ou à une injonction qui nous occupait
déjà beaucoup à l'époque.
Qu'est-ce que cela veut dire : « discutons »? Pour nous (j'en-
tends : pour nous deux, toi et moi) cela veut dire, et c'est d'une
certaine manière très simple : continuons à discuter. Ou : reprenons
la discussion, — dans le genre : où en étions-nous déjà? La dis-
cussion entre nous n'est pas continue; elle est encore moins
organique. Mais il se trouve que depuis longtemps, avec des hauts
et des bas (il y a même eu des bas assez bas), parfois aussi sans
échange direct, à distance et silencieusement, notre mode propre
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3. C.pm., p. 29.
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4. R.q., p. 358.
5. Blanchot, dans L'Écriture du désastre (Paris, Gallimard, 1980), en
propose la traduction suivante : « D'où vient donc parmi les hommes le désir
maladif qu'il n'y ait que l'un et qu'il n'y ait que de l'un? »
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9. R.q., p. 358-359.
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*
Donc tout d'abord ceci : dans le récit que tu te reconnais
toi-même contraint de « monter » '° et qui est le récit de l'Occident
ou du savoir occidental — ton Histoire de la philosophie —, tout
se passe comme s'il n'y avait de place que pour deux types de
récit, de même (ceci explique peut-être cela, ou inversement) qu'il
n'y a de fonction philosophique que celle de la légitimation .
Il y a le récit de la spéculation et celui de l'émancipation. Le
premier est largement plus ancien que l'autre (tu le réfères la
plupart du temps à Platon, quand ce n'est pas à Parménide), le
second plus spécifiquement moderne, mais il se trouve aussi bien
que pour nous — ce qui veut dire simplement : vus d'ici — ces
deux discours sont à peu près contemporains (Hegel et l' Aufk-
lärung), ils ne cessent de s'entrecroiser et de se tisser ensemble (la
toile la plus résistante étant, ou ayant été, le marxisme), et ils
forment à eux seuls, ajointés ou pas, le tout de la philosophie
comme « récit légitimant » 12 .
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32. Ou, dans la terminologie qui est encore celle d'Au juste (cf. la note,
p. 33-34), au nombre des modernes. Sur Diderot, p. 25-26.
33. Voir ici même « Le paradoxe et la mimèsis ».
34. C.pm., p. 39-40. Aj., Deuxième journée, « Les trois instances prag-
matiques ».
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et d'avoir été, par le nom qu'on porte, déjà raconté par un récit,
c'est-à-dire placé en position de référent diégétique d'autres occur-
rences narratives 35.
et par son nom propre, et par l'histoire qu'il raconte, son appar-
tenance à la tradition 37.
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sens kantien), toutes les réticences qui sont les tiennes vis-à-vis
de la notion de modèle, tous les abîmes que tu désignes sous
chacun de nos gestes théoriques, praxiques ou esthétiques, sans
parler de ta répugnance à l'égard de l'illusion transcendantale.
Mais qu'est-ce que le jugement, qu'est-ce que l' essai, qu'est-ce que
l' expérimentation, sinon, aussi peu « imaginée » soit-elle, aussi
appauvrie ou austère, de la modélisation? Nous sommes dans
inventio. Or il n'y a pas d' inventio sans imitatio — serait-elle,
comme on le dit de certaine théologie, « négative ».
Cette contrainte mimétologique est d'ailleurs si forte — de
la force même de la logique mimétique, c'est-à-dire de la para-
doxie mimétique : plus c'est A, plus c'est non- A 43 - que, dans
une sorte de rapport en chiasme avec Platon, tu es victime comme
lui de ce que tu exclus. Platon condamne la mimèsis, y compris
bien entendu la mimèsis comme reproduction, imitation, etc. Il se
retrouve avec une ontologie mimétique (celle que tu dénonces),
et un texte mimétique, et un porte-parole exemplaire. Tu réha-
bilites la mimèsis condamnée par Platon : non seulement tu subis
la surdétermination de son interprétation de la mimèsis (c'est-à-
dire de sa propre soumission à la contrainte mimétique), mais tu
te retrouves avec une pensée de la discrimination et du critère,
c'est-à-dire avec une pensée de la justice, fondée sur la catharsis
des jeux de langage ou référée, si l'on préfère, à la propriété des
phrases. Tu te retrouves avec une exigence de propriété : « L'Idée
de justice, dis-tu vers la fin d'Au juste, consiste (...) à maintenir
la prescription dans son ordre " propre " 44. » Ét tu ajoutes un peu
plus loin, ce qui rend la chose encore plus claire : « (...) la
prescription est toujours transcendante : ce que j'appelais " propre ",
tout à l'heure. On ne peut jamais la dériver 45 . »
Ce n'est absolument pas une « critique ». On ne se débarrasse
certainement pas d'un simple mouvement, fût-il « théorique », de
l'exigence du propre — surtout, comme c'est le cas ici, lorsque
cette exigence reconduit à de l'inassignable. Ét de toute façon la
paradoxie ici à l' œuvre nous contraint tous, d'une manière ou de
l'autre. C'est d'ailleurs si peu une critique que je suis d'autre part
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Table
Avant propos 9
Diderot
Le paradoxe et la mimèsis 15
Hölderlin
La césure du spéculatif 39
Hölderlin et les Grecs 71
Nietzsche
Histoire et mimèsis 87
L'antagonisme 113
Heidegger
La transcendance finie/t dans la politique 135
Poétique et politique 175
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« Le dernier philosophe »
Œdipe comme figure 2 03
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A Jacques Derrida — Au nom de 229
A Jean-François Lyotard — Où en étions-nous? 257
Bibliographie 287
DANS LA MÊME COLLECTION
Élisabeth de Fontenay
Les figures juives de Marx
Sarah Kofman
Camera obscura, de l'idéologie
Jean-Luc Nancy
La remarque spéculative
Sarah Kofman
Quatre romans analytiques
Jacques Derrida
Parages
Jacques Derrida
Schibboleth
Nicolas Abraham
Maria Torok
Le verbier de l'homme aux loups
(Anasémies I), précédé de Fors, par J. Derrida
Sylviane Agacinski
Aparté
Conceptions et morts de Sören Kierkegaard
François Casuelle
Le déclin de l'écriture
Nicolas Abraham
Maria Torok
L'écorce et le noyau
(Anasémies II)
Sarah Kofman.
Aberrations
Le devenir-femme d'Auguste Comte
Jacques Derrida
La carte postale
Jean-Claude Lebensztejn
Zig Zag
Philippe Lacoue-Labarthe
Le sujet de la philosophie
(Typographies I)
Jean-Luc Nancy
Ego sum
L'impératif catégorique
Michel Borch-Jacobsen
Le sujet freudien
Walter Benjamin
Origine du drame baroque allemand
Nicolas Abraham
Jonas
Rythmes
De l'œuvre, de la traduction et de la psychanalyse
CET OUVRAGE
A ÉTÉ COMPOSÉ ET ACHEVÉ D'IMPRIMER
POUR LE COMPTE DES ÉDITIONS GALILÉE
PAR L'IMPRIMERIE FLOCH
À MAYENNE EN DÉCEMBRE 1985
N° d'éd. 303.
N° d'impr. 23640.
Dépôt légal : janvier 1986.
(Imprimé en France)