13-Nephrologie 8e-Edition Chap13
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Item 255
ÉLÉVATION DE LA CRÉATININÉMIE
UE 8. Circulation - Métabolismes
N° 255. Élévation de la créatininémie
OBJECTIFS
y Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens
complémentaires pertinents.
Objectifs annexes :
Ê Connaître l’interprétation d’un dosage de créatininémie, savoir calculer la clairance de la créatinine.
Ê Citez les circonstances au cours desquelles il convient de doser la créatinine.
Ê Citez les arguments en faveur d’une insuffisance rénale chronique et d’une insuffisance rénale
aiguë devant une élévation de la créatinine.
Ê Connaître les éléments cliniques (interrogatoire et examen physique) et para-cliniques en faveur
de la nature obstructive, fonctionnelle ou parenchymateuse d’une élévation de la créatininémie.
Créatininémie
¢¢ La valeur de créatinine dans le plasma est inversement liée au Débit de Filtration
Glomérulaire (DFG), donc à la fonction rénale. Ainsi, plus la fonction rénale est
altérée, plus la créatininémie augmente.
¢¢ La valeur de créatinine dans le plasma dépend aussi de la production musculaire de
créatinine. Pour un individu donné, il est donc difficile de déterminer le caractère
normal ou anormal d’une valeur de créatininémie.
¢¢ La créatininémie en tant que telle est donc un marqueur imparfait de la fonction
rénale. Les valeurs considérées comme « normales » sont habituellement situées :
hh entre 50 et 90 µmol/L chez la femme ;
hh entre 80 et 115 µmol/L chez l’homme.
yy Par exemple, un sujet avec une masse musculaire importante peut avoir
une valeur de créatininémie élevée sans avoir d’insuffisance rénale. Inverse-
ment, une personne âgée dénutrie ou une personne avec anorexie mentale
peut avoir une créatininémie normale avec une réelle insuffisance rénale.
Cette formule est simple d’utilisation, mais de moins en moins utilisée, car la méthode
de dosage de la créatininémie qui a servi à son développement n’existe plus et que ses
performances sont mauvaises, en particulier chez le sujet âgé et le sujet obèse. Ceci
explique qu’elle n’est plus recommandée pour définir et classer la Maladie Rénale
Chronique. Historiquement, les études de développement de certains médicaments
ayant été faites avec la formule de Cockcroft, elle reste encore utilisée pour adapter
la posologie de ces médicaments. Les futures recommandations devraient conduire
à l’abandon définitif de cette formule.
Plus récemment, deux autres formules estimant directement le DFG (et non la
clairance de la créatinine) ont été développées :
hh La formule MDRD (Modification of Diet in Renal Disease Study) simplifiée (2006) :
¢¢ Les formules MDRD et CKD-EPI estiment directement le DFG indexé sur la surface
corporelle (résultat en ml/min/1,73 m2). Elles incluent le sexe, l’âge, la créatininémie
et l’ethnie, mais pas le poids.
¢¢ Compte tenu de leur complexité d’écriture (ne pas apprendre par cœur la formule !!),
elles nécessitent l’utilisation de calculateurs (disponibles facilement par voie électro-
nique : site de la société SFNDT : http://www.sfndt.org/sn/eservice/calcul/eDFG.htm).
¢¢ Les performances de ces formules sont nettement supérieures à celles de la formule de
Cockcroft. La formule CKD-EPI est supérieure à la formule MDRD pour les valeurs
basses de créatininémie (hyperfiltration, dénutrition). La Haute Autorité de Santé
(2012) recommande d’utiliser la formule CKD-EPI à partir d’une créatininémie dosée
par méthode enzymatique, à défaut la formule MDRD si la créatininémie est dosée
par méthode colorimétrique (méthode dite de Jaffé).
¢¢ Ces formules d’estimation restent des estimateurs du DFG, et donc peuvent être
mises en défaut.
¢¢ De façon générale, on retiendra qu’elles ne peuvent être utilisées :
hh chez l’enfant (utiliser la formule de Schwartz, spécifique de l’enfant)
hh en cas de dénutrition majeure
hh en cas de variation aiguë de la fonction rénale (car il n’y a pas d’état d’équilibre
entre l’élimination rénale et la production musculaire de créatinine)
hh en cas de cirrhose hépatique décompensée
hh en cas de gabarit hors norme
hh en cas d’amyotrophie importante (amputation, myopathie, para ou tétraplégie)
hh en cas de grossesse
¢¢ Dans ces situations, l’évaluation de la fonction rénale passe par d’autres méthodes
hh Clairance urinaire de la créatinine sur les urines des 24 heures : elle ne dépend
pas de la masse musculaire. La valeur obtenue est proche du DFG , avec une
discrète surestimation car la créatinine est également sécrétée par le tubule, en
plus d’être filtrée. Elle n’est donc plus recommandée (à l’exception de la grossesse)
ce d’autant que sa fiabilité repose aussi sur la précision du recueil des urines de
24 heures souvent pris en défaut.
hh Mesure du DFG par calcul de la clairance de substances exogènes filtrées par
le rein. Ce sont les plus précises (méthodes de référence ou gold-standard),
mais elles sont longues et coûteuses (structures spécialisées hospitalières). Elles
sont indispensables lorsqu’il est nécessaire de connaître la valeur exacte du DFG
(avant néphrectomie pour don de rein) ou lorsque les formules d’estimation sont
trop imprécises pour la prise de décision clinique au cas par cas.
Diabète (++)
Hydronéphrose bilatérale
IRC avec gros reins
Polykystose autosomique dominante
ou de taille normale
Amylose
Néphropathie associée au VIH (HIVAN)
Myélome
IRC sans hypocalcémie
Sarcoïdose ou autre granulomatose
Rhabdomyolyse
IRA avec hypocalcémie
Syndrome de lyse tumorale
Syndrome hémolytique et urémique
IRA avec anémie
Choc hémorragique
Une fois cette distinction entre la nature aiguë ou chronique établie, la discussion
diagnostique dépend du type d’insuffisance rénale.
¢¢ Diagnostic positif :
hh Contexte clinique :
yy hypovolémie vraie,
–– hypotension artérielle : déshydratation extracellulaire (perte de
poids, pli cutané) ou globale, hémorragie,
–– avant le stade d’hypotension : rechercher une hypotension orthos-
tatique (++) ;
yy hypovolémie efficace (situations où la pression de perfusion rénale est
basse sans hypovolémie vraie) :
–– états œdémateux majeurs au cours des hypoprotidémies (syndrome
néphrotique, insuffisance hépatocellulaire, dénutrition), cirrhoses
en décompensation œdémato-ascitique, insuffisance cardiaque
globale ou droite,
–– chocs septique, anaphylactique ou cardiogénique à la phase initiale,
–– médicaments interférant avec la régulation de l’hémodynamique
rénale : anti-inflammatoires non stéroïdiens, inhibiteurs de l’enzyme
de conversion de l’angiotensine, ou antagonistes du récepteur de
l’angiotensine 2…
¢¢ Arguments biologiques :
hh rapport (1000 x urée plasmatique mmol/L/créatininémie µmol/L) > 100 ;
hh indices traduisant des urines concentrées :
yy U/P osmolaire > 2,
yy U/P urée > 10,
yy U/P créatinine > 30 ;
Une fois les étapes A (Obstacle) et B (IRA fonctionnelle) éliminées, l’IRA est probablement
organique.
• Protéinurie tubulaire
La survenue d’un épisode d’insuffisance rénale aiguë est possible au cours d’une
insuffisance rénale chronique.
¢¢ L’interrogatoire recherche :
hh des antécédents familiaux de maladie rénale, de diabète, des antécédents person-
nels de diabète, d’obésité, de prématurité, d’hypertension artérielle, d’infections
urinaires hautes récidivantes, d’uropathie, de maladie athéromateuse, de lithiase,
de maladie systémique ou de maladie auto-immune, de goutte, de protéinurie,
d’hématurie ;
hh la prise chronique ou intermittente de médicaments ou de substances potentielle-
ment néphrotoxiques : anti-inflammatoires non stéroïdiens, antalgiques, lithium,
anti-calcineurines (ciclosporine, tacrolimus), sels d’or, D-pénicillamine, certaines
chimiothérapies, certains antiviraux… ;
hh l’exposition à des toxiques professionnels : plomb, cadmium.
¢¢ L’examen clinique recherche :
hh une hypertension artérielle, un souffle vasculaire sur les axes artériels, la dispa-
rition de pouls périphériques ;
hh des œdèmes ;
hh des reins palpables, un obstacle urologique (globe vésical, touchers pelviens si
nécessaire) ;
hh des signes extra-rénaux de maladie systémique ou de maladie génétique (peau,
articulations, yeux, audition…) ;
hh à la bandelette urinaire, une hématurie, une protéinurie, une leucocyturie.
¢¢ Les examens paracliniques recommandés en première intention, pour le diagnostic
étiologique sont les suivants :
hh examens biologiques sanguins :
yy électrophorèse des protéines sériques,
yy glycémie à jeun : diabète évoqué si glycémie à jeun > 1,26 g/L (7 mmol/L)
yy uricémie
yy ionogramme (Na, K, Cl, bicarbonates) ;
hh examens biologiques urinaires :
yy protéinurie des 24 heures, ou rapport protéinurie/créatininurie sur un
échantillon d’urines,
yy cytologie urinaire quantitative sur urines fraîches pour détecter une
hématurie, une leucocyturie (numération des GR et des GB par mm3) ;
hh imagerie :
yy échographie rénale pour apprécier la taille des reins, pour rechercher
une asymétrie, des contours bosselés, des gros reins polykystiques, une
néphrocalcinose, des calculs, une hydronéphrose, la présence de kyste(s)
ou de tumeur(s),
yy échographie vésicale à la recherche d’une pathologie du bas appareil, d’un
résidu post-mictionnel.
`` On estime que 85 % des sujets qui ont un DFG < 60 ml/min/1,73 m2 ont une créatininémie :
> 137 µmol/L pour les hommes et > 104 µmol/L pour les femmes.
`` Cependant, il existe des circonstances où une élévation aiguë de la créatininémie ne
correspond pas à une baisse du DFG :
–– substances interférant avec le dosage de la créatininémie : acide acéto-acétique
(acidocétose diabétique), bilirubine, acide ascorbique, céfoxitine, flucytosine… ;
–– production accrue de créatinine : rhabdomyolyse massive, régime très riche en
viande bouillie ;
–– médicaments diminuant la sécrétion tubulaire de créatinine : cimétidine, trimétho-
prime, amiloride, spironolactone.
`` En outre, en cas d’insuffisance rénale chronique, la clairance mesurée de la créatinine
(avec recueil urinaire des 24 h : (Créat U x Volume U)/Créat P) surestime de façon
importante le DFG du fait de l’augmentation de la sécrétion tubulaire de créatinine
(en cas d’insuffisance rénale sévère, la créatinine urinaire peut provenir pour près
de 30 % d’une sécrétion tubulaire). Cette limite de la clairance urinaire n’existe pas
avec les formules d’estimation dérivées de la créatininémie (MDRD et CKD-EPI), qui
modélisent le DFG en fonction de la créatininémie, intégrant donc tous les facteurs de
variation de la créatininémie autre que le DFG (sécrétion tubulaire, excrétion digestive…)
`` La créatininémie ne dépendant pas que du DFG, un dosage dit « normal » pour des
normes de laboratoire peut en fait correspondre à une altération sévère de la fonction
rénale :
`` Pour exemple, une créatininémie à 100 µmol/L peut correspondre à une fonction
rénale normale chez un jeune homme de 80 kg, et à une diminution importante de la
fonction rénale chez une femme âgée de 40 kg.
`` IL EST DONC ESSENTIEL D’ESTIMER SYSTÉMATIQUEMENT LE DFG (formules
MDRD ou CKD-EPI). L’estimation par calcul est suffisante dans la très grande
majorité des cas.
`` Q1. Quelle(s) variable(s) est (sont) commune(s) aux formules Cockcroft et CKD-EPI ?
A. Poids
B. Créatininémie
C. Sexe
D. Ethnie
E. Âge
`` Q2. Concernant l’insuffisance rénale chronique, quel(s) est (sont) la (les) proposition(s)
exacte(s) ?
A. Elle s’accompagne d’une réduction du nombre de néphrons fonctionnels
B. Elle est définie par une baisse du DFG
C. Elle s’accompagne d’une baisse du débit urinaire
D. Elle peut être responsable d’une HTA
E. Elle peut être responsable d’une hypovolémie
`` Q3. Concernant l’insuffisance rénale aiguë, quel(s) est (sont) la (les) proposition(s) exacte(s) ?
A. Son diagnostic repose sur les variations de la créatininémie et non sur l’estimation
du DFG
B. L’association IRA fonctionnelle et œdèmes oriente vers une hypovolémie efficace
C. La présence d’une protéinurie témoigne d’une atteinte parenchymateuse
Élévation de la créatininémie – Item 255
D. Une excrétion fractionnelle de l’urée basse oriente vers une origine organique
E. L’insuffisance rénale fonctionnelle peut se compliquer d’une nécrose tubulaire aiguë
`` Q4. Quel(s) est(sont) le(les) élément(s) compatible(s) avec une néphropathie interstitielle
chronique diagnostiquée à un stade précoce ?
A. Hypertension artérielle
B. Hématurie
C. Protéinurie > 3 g/24 h
D. Antécédents d’infections urinaires récidivantes dans l’enfance
E. Petits reins bosselés à l’échographie
`` Q5. Devant une élévation rapide de la créatininémie, quel(s) est(sont) le(les) argument(s)
en faveur d’insuffisance rénale aiguë glomérulaire ?
A. Rapport U/P urée > 10
B. Protéinurie majoritairement composée d’albumine
C. Hématurie
D. Leucocyturie aseptique
E. Anémie hémolytique mécanique