Technique de L'écriture

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Technique de l'écriture

Graphologie
Collection dirigée par Monique Genty

Les lecteurs pourront, par l'intermédiaire de différents


auteurs, découvrir la graphologie et élargir ou approfondir leur
connaissance de cette discipline qui permet de mieux
comprendre la personnalité humaine.
Chaque ouvrage enrichit la réflexion, ouvre des
perspectives et permet au travers de l'acquisition progressive
d'une méthode de se familiariser avec l'écriture.
Cette collection est destinée aussi bien aux
graphologues qu'à ceux qui, sensibles à une trace laissée sur le
papier, cherchent à en comprendre toute la portée et la
signification.

Déjà parus

M. DESURVIRE, LES FEUILLETSDE GRAPHOLOGIE n02. Les bases


jaminiennes. Les genres et les espèces, 2005.
M. DESURVIRE, LES FEUILLETSDE GRAPHOLOGIEn° 1 : Les bases
jaminiennes. Le geste graphique, 2005.
M. DESURVIRE, Graphologie et recrutement, 2005.
M. GENTY, L'être et l'écriture dans la psychologie jungienne.
R. OLlV AUX, Pédagogie de l'écriture et graphothérapie.
F. WITKOWSKI, Psychopathologie et écriture.
FEUILLETS DE GRAPHOLOGIE

Marcelle Desurvire

-3-

Technique de I ëcriture
L' observation

L'Harmattan L'Harmattan Hongrie L'Harmattan Italia


5-7, rue de l'École-Polytechnique Kônyvesbolt Via Degli Artisti, 15
75005 Paris Kossuth L. u. 14-16 10124 Torino
FRANCE 1053 Budapest IT ALlE
Du même auteur dans cette collection

Graphologie et recrutement, 2005.

cg Masson, 1990

cgL'Harmattan, 2005
ISBN: 2-7475-8359-7
EAN : 9782747583596
Avant-propos

« Le véritable observateur fait la synthèse


d'abord, car il ne peut rien observer qui ne fasse partie
d'un Tout.
Mais après, il revient vérifier et confirmer chacun
des gestes dans le détail.
Alors se fait la vérification. »
(Marcel JOUSSE,L'anthropologie du Geste,
Gallimard, Paris, 1974.)

Les Feuillets de Graphologie rassemblent une expérience pédagogique de vingt


années, menée en parallèle avec une activité de graphologue en entreprise, qui a
permis de confronter les théories avec les réalités des comportements.
Il était inutile de répéter les notions de graphologie classique, que d'excellents
manuels ont développées ces dernières années, ce travail est un apport complémen-
taire, sur des thèmes ayant fait l'objet de conférences ou d'articles et sur des auteurs
dont les livres sont épuisés, apportant également des points de vue plus personnels,
des réflexions liées à l'expérience, celle-ci n'étant jamais la même d'un graphologue
à l'autre.
Après avoir exposé les Bases jaminiennes dans les deux premiers fascicules, en
faisant un rappel rapide de ce qui en a été conservé, nous continuons à observer
l'écriture pour compléter la définition. Cette définition a une architecture, elle n'est
pas une simple addition de caractéristiques, mais un composé complexe de signes de
valeur variable suivant leur dosage dans l'écriture et leurs alliages.
La diversité des écritures et de ce qui est à l'œuvre dans chacune d'elles, est
tellement grande que cela nécessite de multiples lectures, à travers les auteurs qui les
ont décrites. Telle écriture se refuse à entrer dans une optique, telle autre y répond
immédiatement. La pluralité des possibilités de lecture et la souplesse psychologique
qu'elle nécessite sont le meilleur garant du diagnostic.
Toute science et surtout toute science humaine est dépendante de la person-
nalité de l'observateur qui puise dans sa propre psychologie les éléments de sa
VI Avant-propos

réflexion. Ses hypothèses, ses remarques viennent s'ajouter à celles des autres, en
même temps valables et incomplètes. Il s'agit de prendre ce qu'il y a de positif et
d'utile dans chaque approche, sans trop la réduire ou la banaliser.
Nous étudierons la page organisée, convergence de différents éléments analy-
sables, et le trait, matériau premier de l'écriture.
Puis les syndromes, dans leur principe et dans leur application pratique. Ils
indiquent la présence d'une tendance active, fournissent des hypothèses de recher-
che, et des développements psychologiques, que la rédaction viendra mettre en
forme.
L'étude de la personnalité dans son développement (affectif, intellectuel,
social) et de la personnalité à travers les différentes théories explicatives de son
fonctionnement, sera étudiée dans les Feuillets 5 et 6.
La sélection professionnelle ne sera pas abordée, elle fait l'objet d'un autre
livre.
Même si l'on est très intuitif et très méthodique (les deux qualités se conjuguent
en graphologie), les connaissances en psychologie ne s'improvisent pas et doivent
être bien intégrées. Une bonne culture générale et une expérience humaine sont
nécessaires à l'exercice de la graphologie. Sans connaissances psychologiques, sans
culture générale, sans expérience de la vie, tout cet acquis reste théorique autant que
fragile.
L'exigence du baccalauréat pour se présenter à l'examen de la Société
Française de Graphologie, et de la licence pour l'examen du Groupement de
Graphologues-Conseils de France, se justifient par la complexité des études et les
attentes d'une clientèle de plus en plus attentive à la qualité du graphologue.
Table des matières

AVANT-PROPOS . V

1. Les hases jaminiennes (rappel) ......... 1


Impression d'ensemble................................................................................ 2
Milieu graphique......................................................................................... 3
Harmonie (3) ; Organisation (5) ; Rapport de la Forme et du Mouve-
ment (6) ; Formniveau (7).
Recherche des espèces................................................................................. 9
Syndromes .............................................................................. 9
Typologies . 9
Comment passer de la définition à l'interprétation? .................................. 10

2. La page organisée....................................................................................... Il
Facteurs d'organisation............................................................................... 11
Habileté graphique (12); Investissement de l'écriture (12); Contexte
socio-culturel (14).
La mise en page.......................................................................................... 14
Vers la maturité graphique ........................... 15
Organisation en rapport avec la forme, le mouvement, l'espace, le trait ... 16
Dialogue du blanc et du noir ...................................................................... 16
La page inondée.......................................................................................... 19
Structure de la page.................................................................................... 19
Interprétation des marges............................................................................ 25
Comment interpréter l'organisation de la page? ........................................ 28

3. La signature .................. 29
Qu'est-ce que la signature? .. ............. 30
Etude de la signature.................................................................................. 32
La lisibilité (32); La position dans l'espace (33); Le rapport texte-
signature (36).
La signature, geste libre.............................................................................. 38
Points de vue de graphologues .................................................................... 41
VIn Table des matières

4. La ponctuation et ['accentuation ...................... 43


Les catégories de signes............................................................................... 44
Les signes se rapportant aux lettres (45) ; Les signes se rapportant aux
mots (47) ; Les signes se rapportant aux phrases (48).
Etude du point (Regar) ............................................................................... 49
5. Le trait........................................................................................................ 53
Trait et énergie............................................................................................ 54
L'épaisseur (54) ; Le relief (55) ; La vitesse (55) ; La tension (56).
F. Lefébure, « Le trait en graphologie» ..................................................... 58
W. Regar, « Graphologie par le trait» ....................................................... 59
Le mouvement intentionnel (59) ; Les quatre éléments du trait (62) ; Les
zones du champ (69); Les liaisons planes et dans l'espace (70); La
répartition des traits (72) ; Les conflits (72).
Forme et trait .............................................................................................. 74
Réel et imaginaire....................................................................................... 76
Choix de l'instrument.................................................................................. 78
Trait au pinceau.......................................................................................... 80
BIBLIOGRAPHIE . 83
INDEX ALPHABÉTIQUE .............. 85
Les bases jaminiennes
(Rappel)

Crépieux-Jamin a posé les bases de la méthode graphologique, par une


observation de l'écriture en tant que geste chargé de significations psycho-
physiologiques, ce geste devant s'analyser dans ses composantes (son ordonnance, sa
dimension, sa direction, son inclinaison, sa continuité, sa pression, sa vitesse et sa
forme) qu'il a appelées genres, ceux-ci étant subdivisés en espèces.
Les termes de « genre» et « espèce» employés dans les sciences naturelles,
donnent le ton de l'approche scientifique de l'époque, qui classait et répertoriait
avant toute réflexion d'ensemble.
Les genres sont des « catégories de gestes ». Cependant une même cause peut
produire différents types de gestes: par exemple, un sentiment d'euphorie peut
accentuer la dimension, alléger la pression, accélérer la vitesse...
Et un même geste peut avoir plusieurs causes: le rapetissement de l'écriture
peut provenir d'une grande humilité, d'un sentiment d'infériorité, mais aussi de la
myopie, du froid, de l'inhibition momentanée...
n faudra choisir l'interprétation la plus sûre, la plus logique et parfois la plus
simple, en sachant qu'il n'y a pas de correspondance signe = trait de caractère, que
tout ce qui apparaît dans le tracé, sur le fond de la page, est le résultat d'un geste
complexe, qui unit le corps et l'esprit, la conscience et l'inconscient, la spontanéité
et l'automatisme, la volonté et l'affectivité, la relation à soi et la relation aux
autres... Tout cela venant s'inscrire dans les quatre aspects majeurs du graphisme:
- l'espace, qui lui préexiste et qui prend un sens par le tracé,
- le trait, matériau de base de l'écriture (la coulée d'encre),
- le mouvement, qui permet le développement du geste dans la page,
- la forme, qui est un code appris puis personnalisé.
La fiche technique est un relevé d'observations d'ensemble et de détail dont
l'organisation fait apparaître les composantes du graphisme assemblées de façon
unique pour chaque scripteur.
2 Les bases jaminiennes

Les matériaux réunis par la définition sont des indices pour le raisonnement,
l'esprit de recherche et le sens critique, tous les éléments devant être utilisés (comme
dans un problème de mathématiques) en entrant dans différentes combinaisons de
signes. Rien n'est anodin ou négligeable, lorsque ce « rien» est répété, insistant. Par
contre, les. indices graphiques ont différentes valeurs, certains étant plus significatifs
que d'autres.

L'interprétation:
- se dessine à partir de l'impression d'ensemble,
- s'oriente avec les synthèses constituant le milieu graphique,
- se précise par la recherche des espèces,
- se construit à l'aide des syndromes,
- se complète par la diversité des typologies.
L'essentiel est d'établir un accord sur ce qui est inscrit graphiquement,
observable par des graphologues différents, donnant une base solide aux déduc-
tions. Le graphisme est plus riche de significations que ce qu'on lui fait dire, qui est
souvent réducteur, il est essentiel de bien l'observer avant de se lancer dans
l'interprétation.

FICHE TECHNIQUE

1. Impression d'ensemble (vision globale exprimée en une ou deux phrases).


2. Milieu graphique:
- Harmonie,
- Organisation,
- Rapport Forme/Mouvement,
- Formniveau.
3. Relevé et classement des espèces (de la plus importante à la plus discrète).
4. Constitution de syndromes (groupements d'indices).
5. Typologies (théories de la personnalité appliquées à l'écriture).

Ce travail fait apparaître des sous-ensembles graphiques qui appellent une


diversité de lectures. Selon l'expression de R. Olivaux, l'écriture est un « langage à
plusieurs niveaux ».
La fiche technique doit être concise, ce n'est pas sa longueur qui importe, mais
sa justesse d'application à telle écriture.

IMPRESSION L'impression d'ensemble s'établit à partir d'une vision globale de l'écriture


D'ENSEMBLE (prise d'espace, force et forme du geste) dans sa composition singulière, qui a des
dominantes. Malgré des airs de famille, chaque écriture est unique dans son
apparence première et si l'on cherche la ressemblance à ce niveau, le champ visuel
se ferme à ce qui est à découvrir, pour se limiter à ce que l'on « veut voir », ce que
l'on veut assimiler au connu. Au départ, il s'agit de faire table rase des connaissan-
ces, d'être seulement réceptif et attentif.
Milieu graphique 3

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FIG. J. - L'écriture est traitée comme un dessin: formes à tendance carrée, mais amples et se
développant avec un geste contrôlé, et dans un espace cadré. Fermeté de la ligne de base qui assure
la régularité de la progression. Quelques irrégularités qui donnent de la vie au tracé.

Le milieu graphique est constitué par ùn ensemble de données qui vont orienter MILIEU
la réflexion: c'est un premier niveau de synthèse. GRAPHIQUE
Observation: de l'Harmonie, de l'Organisation, du rapport entre la Forme et
le Mouvement, du Formniveau.
Car l'addition de signes n'aboutit à rien s'il n'y a pas un principe pour
assembler ces signes par rapport à un cadre de référence. L'interprétation est
fonction d'un contexte, de lois qui régissent l'ensemble de l'écriture comme ses
détails, chaque détail pouvant, à son tour, modifier le contexte. Crépieux-Jamin
avait pressenti cette nécessité de rechercher un sens sous-jacent aux signes graphi-
ques, comme un courant formateur qui est responsable de l'harmonie et de
l'organisation du graphisme, ce qu'il a appelé des Synthèses d'Orientation. Dans le
même esprit, la graphologie moderne a introduit deux autres synthèses, qui sont le
rapport Forme/Mouvement et le Formniveau. Le Rythme et la Tension constituent
d'autres synthèses d'orientation, porteurs d'autres éclairages.

Harmonie
Une écriture est dite harmonieuse lorsque le graphisme se déroule avec aisance,
exprimant la maîtrise graphique et l'unité de la personnalité, par conséquent, une
capacité d'adaptation à la vie sociale, de communication avec les autres, de
confiance en soi et de capacité à se diriger dans la vie. Cette harmonie interne se
reflète par une disposition harmonieuse des signes graphiques dans la page écrite,
elle n'est pas le résultat de la seule application à bien écrire, mais d'une personnalité
en accord avec elle-même, quel que soit le niveau intellectuel.
L'harmonie se constate à l'aide de six espèces plus ou moins présentes, dont les
six espèces inverses permettront de conclure à l'inharmonie :
- Proportionnée (P),
- Ordonnée (0),
- Claire (C),
- Aisée (A),
- Simple (Si),
- Sobre (So).
4 Les bases jaminiennes

Elles seront cotées en +, + -, -. Chacune ayant un sens précis, le sens global


apparaîtra au niveau de cette harmonisation de la personnalité.

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FIG.2. - Ecriture harmonieuse,qui réunit les six conditionsde proportion, ordre, clarté, aisance,
simplicité, sobriété. Le texte est rapide et lisible, répondant aux impératifs de la communication
écrite. L'harmonie est un indice d'équilibre de lil'personnalité en accord avec elle-même.

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FIG.3. Ecriture
- inharmonieuse, parce que non proportionnée, désordonnée, peu claire, malaisée,
manquant de simplicité et de sobriété. Cependant, elle reste lisible. La compacité du tracé, les
enchevêtrements, les télescopages, dans un mouvement qui reste vif sont plutôt des indices
d'agitation que d'efficacité.

Proportionnée: espèce liée à des normes calligraphiques de dimension du tracé


et d'espace entre les mots, les inégalités discrètes n'altérant pas les proportions.
Dans un milieu graphique souple et vivant, le scripteur aura une richesse de
possibilités; dans un milieu plus contraint, il aura de la mesure et de l'objectivité.

Ordonnée: la lisibilité du message est assurée par le respect des codes


graphiques (formes précises, marges respectées, alinéas, interlignes homogènes,
accents et barres de t bien placés), sans trop de rigidité dans cet ordre. La
signification de cette espèce est positive lorsque le scripteur doit assurer ses
engagements, en apportant de l'ordre dans sa vie, mais toute exagération (perfec-
tionnisme, scrupule, manies, craintes du changement) sont présentes dans un ordre
rigide, excessif, qui bloque l'action.

Claire: à la fois régulière et sans complications de formes, sans irrégularités


d'espace, cette espèce prendra un sens de franchise, d'authenticité, de refus de
l'ambiguïté, du désir d'être compris et entendu. Son sens est positif (son inverse
étant l'écriture confuse qui prête à des équivoques de sens).

Aisée: cela concerne le mouvement cursif qui est acquis et maîtrisé (pas
d'accidents de parcours tels que brisures, retouches, saccades, raccords en tous
Milieu graphique 5

genres, ou coupures anarchiques). Le geste acquiert de la spontanéité, les formes


sont à la fois courbes et fermes. Le sens général sera d'activité motrice, intellectuelle,
psychologique, sans difficultés majeures.

Simple: l'écriture ne présente ni forme inutile, ni forme excentrique, elle est


proche du modèle, sans en être prisonnière, ce qui signifiera une sincérité qui
féconde l'action et la relation.

Sobre: cela concerne la dimension, dans son amplitude, et le mouvement qui


est contenu jusque dans les détails, ce qui épure les formes. La sobriété de l'écriture
s'apparente à la sobriété du geste ou du discours. Même dans un milieu graphique
moyennement harmonieux, sa signification est positive, comme facteur de prudence,
sagesse, modération. Son inverse est l'écriture exagérée.

Organisation
L'organisation résulte d'un contrôle intellectuel, visuel et affectif, de la
situation d'éCrire. Elle est liée au niveau socio-culture! du scripteur qui est placé, ou
non, dans des conditions d'utilisation intensive de l'écriture (longues études), celle-ci
réagissant sur le fonctionnement intellectuel (voir p. 14).
L'étude de la page organisée va reprendre cette synthèse en détail. Crépi eux-
Jamin avait pressenti les étapes d'inorganisation de l'écriture (chez l'enfant),
d'acquisition d'une organisation stable (chez l'adulte) et d'une désorganisation (par
la maladie et la vieillesse). Ces différentes écritures doivent s'interpréter dans une
perspective d'évolution, de maturation, d'involution.

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FIG.4. - L'écriture a acquis une organisation stable, de l'aisance dans le geste et dans le tracé des
formes, qui se concentrent dans la zone médiane.

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FIG. 5. - La zone médiane est particulièrement grande, dans un tout autre contexte de renverse-
ment, de formes étroites, de juxtaposition, de sinuosité de la ligne, et le trait est léger et net.
L'attitude générale est de défense de soi, l'organisation n'a pu se construire normalement, dans
la page comme dans la personnalité.
6 Les bases jaminiennes

Rapport de la Forme et du Mouvement


Que l'on parte de la forme (école française) ou du mouvement (école
allemande), l'écriture se compose de formes prises dans un mouvement et de
mouvements ayant pris forme, autour d'un modèle imposé par la scolarité.
La Forme est l'aspect construit, unifié, délimité, de l'écriture, elle rassemble le
tracé à plusieurs niveaux (lettre, mot, phrase, page, signes divers) qui créent une
organisation formelle reconnaissable pour chaque scripteur, qu'il s'agisse de
l'ensemble de la page ou du tissu graphique dans ses moindres éléments.

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FIG. 6. -Ecriture à dominance de forme, le mouvement progresse mais par les détours de formes
bouclées et annelées qui l'enroulent autour de la zone médiane.

Lorsque la forme domine dans l'écriture, la personnalité est contrôlée, freinant


ses élans au bénéfice de la réflexion, de la conscience de soi, de la maîtrise de sa
spontanéité. A la limite, cela peut devenir un carcan qui emprisonne les sentiments
(écritures artificielles).
Le Mouvement est l'élément moteur de l'écriture, lié au tempérament, aux
motivations, il s'éduque par l'apprentissage, en se différenciant du dessin, il se moule
dans une forme qu'il anime.

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FIG. 7. -
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Ecriture à dominance de mouvement. Le graphisme se lance à la conquête de la page, dans


un geste élastique, qui rebondit sur la ligne de base.

Lorsque le mouvement domine dans une écriture, l'élan est important dans le
caractère, plus prompt à l'enthousiasme, à l'action immédiate, aux échanges
spontanés. A la limite, cela peut être une impulsivité sans frein.
Dans une écriture qui équilibre la forme et le mouvement, l'accord se réalise
entre ces deux pôles nécessaires. Les tiraillements, les antagonismes marqués sont
des indices de personnalité conflictuelle.
Milieu graphique 7

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FIG.8. - Entre laforme qui retient et le mouvement qui étire, l'écriture est en équilibre dynamique.
Elle a des formes structurées et un mouvement ample. L'action sera réfléchie mais non ralentie.

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FIG. 9. - Il y a des gestes inutiles à la formation des lettres et des incertitudes dans l'inclinaison,
qui montrent un antagonisme entre la forme et le mouvement. Ce qui se traduira par des
flottements et des revirements d'attitude.

Le rapport de la Forme et du Mouvement, permettent une lecture dynamique


des forces d'élan et de contrôle, l'équilibre entre l'inné et l'acquis, le spontané et le
voulu. Ce que L. Klages (1) reprendra dans son opposition entre la Vie et l'Esprit,
la Liberté et la Contrainte, en y ajoutant une dimension nietszchéenne entre les
forces dionisiaques et les forces appolliniennes qui s'opposent éternellement dans
l'homme: forces expansives de la vie et forces régulatrices de l'esprit.
La forme, comme le mouvement, sont de nature rythmique.

Formniveau
Ce terme est emprunté à la terminologie allemande, il désigne un phénomène
d'expression à la fois original (c'est-à-dire non acquis), individuel et rythmique, qui
préexiste à toute trace écrite (dessin ou écriture).
Le poids, la qualité, la « chaleur» du trait, le rythme qui anime non seulement
la forme et le mouvement, mais aussi le trait et l'espace, apportent à l'écriture son
aspect vivant (plénitude ou pauvreté vitale).
La forme vitale (Formniveau) peut être pauvre parce que banale, routinière,
conventionnelle, elle peut être riche parce que pleine, dense, intense, qualités qui
s'apprécient visuellement plus qu'elles ne s'analysent.

e) L. KLAGES, L'expression du caractère dans l'écriture. Réédition, Privat, Toulouse, 1976.


8 Les bases jaminiennes

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FIG. 10. - Ecriture rythmée, au trait chaud et souple, élasticité du geste vivant.

L'étude du rythme et celle de la tension permettront d'aller plus loin dans la


compréhension de l'acte graphique tout entier, pas seulement son résultat figé dans
la page.

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FIG. 11. - L'écriture a du rythme, mais aussi de la tension, qui vient raidir le geste, l'arrêter par
moments, pour de nouveaux départs. Le contrôle de la r~flexion intervient sur la spontanéité de
l'élan, dans une écriture de « manager» qui doit coordonner avant de décider.

La graphologie allemande s'intéresse à l'acte d'écrire, à partir du mouvement


expressif. La graphologie française est davantage axée sur la structure et le
développement de la personnalité, en suivant une optique plus génétique, à partir
d'une forme-modèle, de son intégration et de sa personnalisation dynamique.

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FIG.12.- L'écriturefiotte sur sa base, lesformes sont puériles et de tracé incertain, elles semblent
posées dans l'espace de la feuille. Ce qui évoque l'immaturité d'une personnalité qui subit son
destin et se laisse porter plus qu'elle ne dirige sa vie (absence de tension, variations d'inclinaison,
espaces inégaux forment un syndrome).
Typologies 9

Cette recherche se fait méthodiquement, en passant les différents genres en RECHERCHE DES
revue; avec l'habitude, elles se dégagent de l'impression d'ensemble si celle-ci a été ESPÈCES
bien appréhendée.
Elles se classent par ordre d'importance décroissant, de la plus prégnante à la
plus discrète. Tout ce qui est répété, insistant, accentué par la convergence de
plusieurs gestes, est important dans le caractère. Tout ce qui est épisodique est sans
valeur expressive.
La recherche des espèces affine le regard par l'observation de «ce qui est
présent» dans l'écriture, et concentre la réflexion sur des indices rigoureux.

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FIG. 13. - L'écriture peut se dire en quelques espèces.' liée, anguleuse, rapide, inclinée, à pression
ferme, tendue. C'est tout un programme d'action.

Les syndromes s'obtiennent par le regroupement d'indices d'ordre différent, SYNDROMES


qui montrent l'action d'une tendance sous différentes formes: à travers des espèces,
des signes de détail, mais aussi le trait, la prise d'espace, la signature etc., ce sont des
gestes qui se répondent (les syndromes seront étudiés dans le Feuillet 4).
Par exemple, dans l'écriture de la figure l, il y a une primauté de la forme,
traitée en dessin: formes arrondies pouvant s'inscrire dans un carré, arcades,
hampes bâtonnées, trait net précis: volonté de représentation, en s'effaçant derrière
un rôle et une activité, comme un message anonyme et informatif.
Par ailleurs, certaines lettres restent « en suspens» (h, b), les i sont de petite
taille, certaines finales sont prolongées, tandis que d'autres (les s) s'enroulent, les a
ont perdu leurs hampes: tous ces signes marquent l'anxiété, l'incertitude, des
sentiments d'infériorité au-delà de l'attitude élaborée par la volonté.
Le contrôle de soi s'exprime par la ligne de base, la verticalité des lettres, la
précision des points et accents, tout ce qui marque la vigilance attentive.
La rondeur des formes évoque l'imagination et l'esprit d'enfance, qui font
surface au travers du contrôle de la vie intellectuelle.
Trois ou quatre syndromes suffisent généralement à situer cette dynamique
interne de l'écriture qui sera exploitée dans la rédaction de l'analyse donnant lieu à
des constats, des explications, des développements vers le futur.

Les typologies seront étudiées dans les derniers Feuillets. Elles ne sont pas TYPOLOGIES
indispensables à l'étude de l'écriture, et sont spécifiques de la graphologie française
qui s'est imprégnée des théories psychologiques. Elles sont une aide pour apprécier
la structure d'un caractère à condition de bien connaître chaque théorie et de ne pas
faire d'amalgames entre les auteurs. Certaines écritures entrent très bien dans un
10 Les bases jaminiennes

cadre d'explication, d'autres résistent, il ne s'agit pas de « forcer l'écriture» à obéir


au modèle théorique, mais de savoir utiliser, ou non, cet outil spécialisé.
Goethe disait: « les théories sont grises, les feuilles sont vertes... ».

COMMENT La tâche est malaisée. «Constater et accumuler, c'est le niveau empirique.


PASSER DE LA C'est par une conduite constructive de l'esprit que l'on précise, puis enrichit les
DÉFINITION À phénomènes. Le savant ne découvre rien, mais il systématise mieux. C'est parce qu'il
L'INTERPRÉTATION enchaîne qu'il révèle (Bachelard, La formation de l'esprit scientifique).
L'observation est relativement facile avec de l'entraînement et de la méthode,
en exerçant son regard pour collecter les indices graphiques et les ordonner selon la
définition.
L'interprétation résulte du tri des données qui vont se regrouper pour signifier
ensemble. Un indice peut entrer dans diverses combinaisons, c'est la difficulté et
l'intérêt de ce travail de reconstruction de la personnalité, de saisie des tendances
majeures et de leurs alliances, contrastes, oppositions, en essayant de visualiser la
personne dans son milieu de vie. De solides connaissances psychologiques, une
documentation abondante (livres, fiches, collection d'écritures comparables)
permettent d'élargir le sens d'un geste, d'une forme, et même d'un blanc.
Entre la structure graphique qui apparaît dans la définition (veiller à ce que
rien ne se contredise) et la réalité unique de chaque écriture, il y a des ressemblances
et des différences à saisir. Le dictionnaire ne suffit pas à combler la pauvreté de la
réflexion, il n'est qu'un outil de travail pour stimuler les associations d'idées.
Un indice graphique a plusieurs sens, selon qu'on l'applique à la forme de
l'intelligence, au style de relation ou à l'action. La lenteur, par exemple, peut aller
avec une lenteur généralisée, mais pas forcément. Il y a des personnes qui pensent
très vite, mais sont inhibées dans leur travail et d'autres qui agissent vite et sans
penser plus loin que l'immédiat.
Des indices d'anxiété se traduiront par toutes sortes de retombées sur l'attitude
vis-à-vis de soi (dévalorisation), des autres (peur), de l'avenir (pessimisme) mais ils
peuvent aussi être stimulants (défi, compétition, dérivation).
Et toutes sortes de comportements alternés, car on peut être tantôt gai, tantôt
triste, tantôt actif, tantôt nonchalant, les êtres ne doivent pas être étiquetés dans des
mots passe-partout. Il faut se méfier des adjectifs isolés et surtout des listes
d'adjectifs, et leur donner un contexte de phrase: Au cas où... le scripteur se
comportera de telle manière. Dans d'autres circonstances...

L'interprétation consiste à exprimer ce qui n'est pas écrit, tout en respectant


scrupuleusement ce qui l'est (J. P. Charcosset).
La page organisée

Il faut de nombreuses années de familiarité avec les écritures, pour acquérir le


« coup d'œil» qui va à l'essentiel de la structure de la page. Les débutants sont pris
par les détails et par ce qui est différent de leurs propres habitudes graphiques, et ont
du mal à replacer chaque élément dans son ensemble.
Plus l'organisation de la page sera assimilée à travers ses constituants, plus elle
se retrouvera dans chaque signe comme une répétition en miniature de ce qui est
visible à l'échelle de la feuille. La structure et sa signification apparaissent en même
temps avant de se diversifier dans cet « écheveau de sens» qu'est l'écriture.
La page devient l'analogue de l'image photographique dont H. Cartier-
Bresson disait qu'elle est « reconnaissance simultanée de la signification d'un fait et
de l'organisation rigoureuse des formes perçues qui expriment ce fait ».

L'écriture engage une grande part de la personnalité dans un apprentissage de FACTEURS


longue durée (six ans pour maîtriser l'écriture et plusieurs autres pour la rendre D'ORGANISATION
aisée), elle se greffe sur un corps et un esprit en développement qui l'utilisent dans
une prise de conscience progressive de la réalité (celle du dedans et celle du dehors)
et dans l'assimilation d'un savoir à travers des manuels, des exercices, une
pédagogie, un éveil de sa curiosité, dans la compétition et le partage des expériences
avec d'autres. Tout cela va influencer l'organisation de la personnalité et son reflet
dans la maîtrise de l'organisation de la page.
Certains facteurs sont liés au caractère:
- le tempérament, qui conditionne le style de motricité et la perception de la
réalité, et influence les acquis scolaires,
- la forme et le développement de l'intelligence,
- la maturation psychologique et relationnelle.
D'autres sont d'une importance variable selon les personnes:
- l'habileté graphique,
- l'investissement de l'écriture,
- le contexte socio-culture!.
12 La page organisée

Habileté graphique
L'habileté graphique est distincte de l'habileté gestuelle spécifique à un exercice
tel que le sport, la prestidigitation, la technique musicale... qui sont des program-
mations similaires du système nerveux, pour des objectifs différents.
Cependant, il existe une habileté générale qui facilite les tâches manuelles
(dessin, artisanat, bricolage) dans lesquelles il y a aussi une coordination de la main,
du regard, de la réflexion, vers une réalisation-but. Cette habileté peut se déduire
d'une aisance dans les simplifications et les combinaisons de l'écriture en rapport
avec la souplesse de l'adaptation, la perception et l'ajustement rapides, la mobilité,
l'imagination. La qualité du trait participe à cette habileté globale proche de la
réalité concrète.
L'habileté peut aussi s'acquérir par l'exercice répété, comme chez le technicien
ou l'artisan, qui a le « coup de main », et le goût du contact avec la matière.
Pour Klages, le «don graphique» qui est «puissance formatrice» et qui
s'oppose à toute tension, sécheresse ou banalité, est en baisse chez l'homme civilisé,
de moins en moins capable d'extérioriser ce qu'il ressent.

Investissement de ['écriture
Georges Brabant (1), psychologue et graphologue, évoque les problèmes de
l'interprétation du graphisme par la notion classique de parallélisme entre les
caractéristiques de l'écriture et les traits de la personnalité. En fait, le parallélisme
n'est pas en rapport de qualité ni de quantité, il existe des « marges d'incertitude »,
par décalage entre le comportement graphique et le comportement global.
Par exemple, un geste habituellement nonchalant dans l'écriture peut être lié à
un désintérêt pour cette activité. Tandis qu'un soin excessif peut naître de
l'importance accordée par le scripteur au fait d'écrire et au jugement qui s'ensuit.
L'écriture a une signification pour lui, et il s'y applique, tandis qu'il peut être
brouillon pour d'autres tâches.
Klages disait déjà qu'il pouvait y avoir des disproportions entre un « contenu
de vie» et son extériorisation, par suite d'interdits, d'inhibitions, comme « un écran
qui voilerait l'image par endroits ». C'est le cas de l'agressivité qui peut être très
manifeste ou bien absente dans le graphisme et ne pas correspondre à l'attitude de
vie, qui est moins directe, qui a subi des déplacements, des transformations. Ou qui
se manifeste de manière localisée (l'agressivité du tyran domestique ou du sportif
acharné peut être une conduite isolée de son contexte habituel). Inversement, une
écriture trop douce et délicate peut cacher des sentiments violents dans les rapports
avec autrui, tandis que ces sentiments restent contrôlés voire idéalisés, à travers
l'écriture.
Jung montre également les phénomènes de compensation entre les attitudes
conscientes et inconscientes, celles qui sont sous le contrôle de la volonté et celles qui
agissent spontanément, qui sont à déduire plutôt qu'à observer.
Ces considérations générales mettent en garde les graphologues contre le
danger des pronostics imprudents en matière de comportement, une tendance
pouvant se satisfaire de plusieurs manières (reste à savoir où et comment), alors

C) G. P. BRABANT, L'écriture considérée comme un secteur de comportement. Brochure éditée par le Centre
d'Evolution Graphologique, Saint-Mandé, 1960.
Facteurs d'organisation 13

qu'elle est évidente dans l'écriture et, inversement, elle peut ne pas apparaître alors
qu'elle est consciente et connue par le scripteur ou par son entourage.
Dans une brochure éditée en 1960, intitulée « L'écriture considérée comme un
secteur de comportement », il met les graphologues en garde contre les généralisa-
tions hâtives pour étendre un geste de l'écriture à l'ensemble de la personnalité. Le
même problème se trouve chez les psychologues, face aux résultats d'un test, et dans
toutes les techniques de communication, où l'on s'efforce ~e saisir la part expressive
de la conduite.
Il distingue plusieurs causes de distorsions:

a) Les facteurs organiques: l'écriture enregistre les caractéristiques générales


de la motricité pour lesquelles la volonté est sans effet, la personne obéissant à son
propre rythme. Mais il faut tenir compte aussi de l'harmonie des tendances qui peut
être déficiente et contrecarrer les mouvements naturels, par exemple, dans un état
anxieux, une fatigue passagère.

b) Les attitudes: elles peuvent varier suivant les circonstances, par exemple,
dans l'ap_plication à une tâche importante pour le scripteur (lettre de demande
d'emploi) où il s'appliquera, sans qu'il soit vraiment soigneux dans l'ensemble de
son comportement. Comme un «snob» peut être simple dans l'intimité, un
chirurgien attentif dans sa vie professionnelle peut avoir un caractère violent dans
sa vie privée, les qualités de sang-froid et de contrôle peuvent être localisées à
certaines tâches.
Il y a aussi des écritures-masques, dans lesquelles la personne cherche à
produire un effet, vit sous l'effet d'une contrainte. L'écriture est un «objet
d'exposition ».
Plus généralement, l'écriture présente des compromis entre le naturel et
l'artificiel, à l'intérieur d'un même document, montrant la dualité des attitudes. Ce
qui peut se voir également dans la différence entre une lettre de candidature et une
lettre spontanée.
L'attitude adoptée dans l'écriture ne correspond pas toujours au comporte-
ment manifesté dans la vie sociale, mais elle doit bien se manifester hors de
l'écriture, dans quelque domaine. Tout se passe comme si le scripteur voulait
accentuer ou atténuer certaines attitudes qui traduiront son intérêt pour l'écriture,
en tant que représentation de lui-même.

c) Les préférences pour des impressions visuelles: elles font appel au symbo-
lisme des formes et l'on peut se demander si une prédominance de l'angle, dans une
écriture, par exemple, correspond à une attitude de fond qui vient modeler le geste
ou bien est une forme adoptée par affinité?
Il ne s'agit plus du jugement d'autrui, mais de l'adhésion du scripteur à une
forme qui lui plaît. Cela concerne le domaine des préférences et des motivations,
plutôt que de la représentation.
Il y a une part d'identification quand le scripteur choisit de ressembler à une
personne, à un groupe, à une mode. Il arrive qu'un patient se mette à écrire comme
son psychanalyste, qu'un élève reproduise les gestes de son maître, ou, comme le cas
cité par A. Binet, qui avait mis Crépieux-Jamin en difficulté, où le concierge de la
Sorbonne avait acquis une écriture raffinée, au contact des enseignants.
L'identification peut atteindre toute la conduite.
14 La page organisée

Et cette identification conduit au problème de la «personnalité de base »,


c'est-à-dire l'influence culturelle d'une société sur ses membres.
Toutes ces mises en garde relèvent des «écritures-pièges» qui sont bien
connues des graphologues chevronnés, et rendent prudents leurs pronostics. On ne
peut faire d'analyse graphologique sérieuse sur un seul document, car ces cas
peuvent se présenter.
La lettre de candidature est une situation standardisée, ce qui est différent,
mais peut réserver des surprises aux amateurs trop pressés.

Contexte socio-culturel
Jusqu'à ce que l'instruction devienne obligatoire, c'est-à-dire au tout début de
ce siècle, le fait de savoir écrire était réservé à une minorité, qui avait accès à la
culture. Celle-ci donnait aussi l'accès à des professions et à des milieux sociaux où
se développaient des échanges, se transmettaient des informations, et une pédagogie
qui renforçaient les liens avec le savoir. Des études sociologiques, et particulière-
ment celles qui ont été menées aux Etats-Unis, sur une grande échelle, ont montré
qu'il y avait une relation étroite entre la réussite scolaire des enfants et le milieu
socio-culturel des parents, les connaissances passant autant par la voie scolaire que
par les échanges avec l'environnement où la curiosité de l'enfant se trouve stimulée.
Mais nous savons aussi que les échanges affectifs structurent la capacité
relationnelle de l'enfant et aident à construire son identité, si bien que l'enregistre-
ment des connaissances est une construction complexe où il n'y a pas que
l'intelligence qui soit engagée.
Le fait de longues études permet, au niveau de l'écriture, de multiples
répétitions gestuelles et une utilisation courante de cette technique, pour réfléchir
(prendre des notes, bâtir des plans, construire des phrases...). La pensée se
différencie en même temps que l'écriture se délie, lorsque l'une et l'autre travaillent
en parallèle.
Mais il arrive aussi que la qualité de la réflexion et de l'observation de
scripteurs ayant fait peu d'études, tout en étant attentifs à ce qu'ils vivent, les
amènent à une qualité graphique qui reflète une organisation psychologique solide.
L'organisation n'est pas le seul fait de l'intelligence et du niveau d'études, mais
ceux-ci y contribuent largement. L'aisance de l'écriture croît, statistiquement, avec
le niveau socio-culturel.
Les auteurs du «Manuel de Graphologie» (Jacqueline Peugeot, Arlette
Lombard, Maàeleine de Noblens) apportent leur connaissance du développement
de l'écriture de l'enfant et des changements qui se produisent dans le graphisme
au-delà du temps de scolarité minimal. La rapidité s'accroît par nécessité et avec elle
le mouvement s'affermit, la page gagne en clarté et en organisation, les formes
dextrogyres et des liaisons personnelles apparaissent, ainsi que des simplifications.

LA MISE EN PAGE Lorsque le graphisme s'inscrit sur la page blanche, il semble qu'il soit libre de
s'y répandre, moyennant certaines conventions spatiales: respect de la ligne
d'appui, cadre fourni par les marges, aération du texte par des intervalles entre les
mots et les lignes, présence d'une date qui situe la lettre dans un temps social et
d'une signature qui authentifie l'auteur de la lettre.
Vers la maturité graphique 15

Le scripteur dispose donc d'un espace ni tout à fait libre (comme celui du
dessin spontané) ni tout à fait déterminé (comme un dessin technique à reproduire),
il va y projeter son espace de vie en agissant sur la mise en page comme pour
s'approprier un territoire.
Le graphologue, sensibilisé aux multiples variations et frémissements d'une
écriture et aux habitudes graphiques communes à plusieurs, saisira la structure de
l'ensemble ainsi créé, dans son homogénéité - soit dans différents graphismes d'un
même scripteur, soit dans des groupes présentant des caractères communs.
Chaque scripteur crée sa propre mise en page, même s'il y a une normalisation
de présentation (par exemple, dans la rédaction des demandes d'emploi) ou des
codes de politesse dans certains milieux.
Il en va de même de la page imprimée, qui subit des contraintes bien plus
importantes et qui relève d'un métier (tout particulièrement dans les livres d'art).

La capacité à organiser la page - et pas seulement à l'ordonner - dépend de VERS LA MATURITÉ


la maturité du scripteur (motrice, émotionnelle, intellectuelle, sociale). Les débiles GRAPHIQUE
mentaux n'arrivent jamais à une organisation saine et les maladies mentales
désorganisent fréquemment la notion d'espace et sa projection sur la feuille.
L'enfant apprend à prévoir son geste et à appréhender l'ensemble de la page en
même temps que le point précis qu'il vise, et son mouvement suit la signification
comme l'orthographe du mot en même temps qu'il surveille la qualité de la forme.
Il vit cet espace dans l'expérience de découvertes intellectuelles et affectives et imite
l'adulte en apprenant un savoir-faire et des règles.
Parallèlement, il construit sa notion personnelle de l'espace grâce à son corps
qui a des limites mais aussi de la mobilité, qui a des ressources gestuelles et lui
fournit des repères d'orientation. Les notions de haut, bas, derrière, devant, gauche,
droite s'acquièrent sur lui-même avant de devenir abstraites et applicables à d'autres
objets.
La marge gauche du cahier qui débute la ligne, part du milieu de son corps,
tandis que la marge droite représente en même temps la limite de la feuille et la
possibilité qu'il se donne de déployer son geste ou de le retenir, ce qui lui donne une
importance expressive au moins aussi importante que la marge gauche, sur laquelle
on insiste davantage.
Si l'enfant enregistre plus ou moins aisément et rapidement ces différentes
coordinations, l'adolescent rencontre des difficultés d'un autre ordre, celles qui sont
liées à sa vie affective et à son affirmation de lui-même, qui sont aussi spatialisées par
un corps agrandi, dont les ressources changent. Son écriture, particulièrement
compacte ou aérée, ou variable reflète ses incertitudes, ses refus, sa révolte, son
besoin de se poser en s'opposant, avec une inquiétude vis-à-vis de l'environnement
matérialisé par le blanc du papier. C'est «l'espace potentiel» dont parle
D. W. Winnicott (l) qui passe du jeu à la réalité.
Chez l'adulte ayant atteint sa maturité, dans des conditions normales, se réalise
un accord entre le réel et l'imaginaire, l'ordre personnel et l'ordre collectif,
l'obéissance aux codes tout en les personnalisant.

e) D. W. WINNICOTT, Jeu et Réalité, l'espace potentiel. Traduction, Gallimard, Paris, 1975.


16 La page organisée

ORGANISATION La forme
EN RAPPORT Il s'agit moins de la forme des lettres ou des mots que d'une forme globale,
AVEC LA FORME, d'une architecture d'ensemble qui crée des proportions, régularise, donne de
LE MOUVEMENT, l'homogénéité au tracé, l'affermit, renforce la précision de chaque élément formel.
L'ESPACE, LE TRAIT Même au travers de formes-types qui le singularisent.

Le mouvement
La norme calligraphique impose une forme aux mouvements naturels et les
arrête pour que soient intériorisées les formes des signes, les libère ensuite par
l'acquisition des liaisons et du mouvement cursif qui donnent au geste une
spontanéité secondaire.

L'espace
L'organisation préside à la distribution des intervalles, à la taille proportion-
nelle des lettres (hauteur et largeur), à la densité et à l'aération des mots et des
intervalles entre les lignes, à la place des signes secondaires qui scandent les phrases,
à la disposition générale du cadre et des informations comme la date et l'adresse et
surtout à la place de la signature.

Le trait
Le trait ne semble avoir qu'un rapport indirect avec l'organisation, en fonction
du tempérament qui s'y exprime. N'importe quel trait ne va pas avec n'importe
quelle forme, quel mouvement ou quelle prise d'espace et s'il y a coexistence de deux
aspects antagonistes, il peut y avoir un conflit au niveau de l'organisation interne de
la personnalité, conflit entre ce qui est manifeste et ce qui est latent, par exemple
(voir l'investissement de l'écriture).

DIALOGUE DU La phrase, parlée ou écrite, représente une unité d'extériorisation, dira Pulver
BLANC ET DU NOIR à la suite de R. Saudek. Dans une écriture en images, comme celle des bandes
dessinées, la phrase est communiquée toute entière en se confondant avec l'action,
mais dans l'écriture, il faut partir du trait, passer par le dessin des lettres et des mots,
ce qui demande une toute autre démarche et discipline de l'esprit, des efforts à
soutenir qui freinent l'expressivité. Les blancs de l'écriture seront chargés de sens, au
même titre que les noirs, et à mettre également en rapport avec le contexte
graphique.
Pour Pulver, le dialogue du blanc et du noir est davantage lié au besoin de
contact avec la réalité, réalité matérielle et présence d'autrui. Moins le scripteur
réserve des espaces autour des mots, plus il est proche du quotidien, engagé dans la
réalité, fusionnant à la limite avec son environnement, avec des projets accessibles
et immédiats, un besoin de contact, il est relié à l'entourage par un esprit concret et
sensoriel. Ce qui est le sens global de l'écriture compacte.
Plus l'espace s'agrandit, entre les lettres, les mots, les lignes, plus le scripteur
prend ses distances, réelles ou imaginaires, intellectuelles et/ou affectives avec la
réalité ambiante. Il peut vivre sur deux plans, celui du quotidien et celui de sa vie
intérieure, ou bien peut élever des barricades internes contre une réalité qu'il
Dialogue du blanc et du noir 17

souhaiterait immobiliser. La qualité du trait montrera s'il y a osmose entre le milieu


extérieur et le milieu intérieur. Ou des défenses plus ou moins étanches. Dans
l'écriture aérée, le scripteur garde ses distances, soit par la cérébralisation, soit par
le refuge dans l'imaginaire, le milieu graphique pouvant établir la distinction entre
ces deux formes de distances au réel.

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FIG. 14. - L'écriture est plus qu'aérée, elle est espacée, entre les mots (irrégulièrement, avec des
cheminées), entre les lignes (paragraphes distincts). Cette jeune journaliste voyage beaucoup
pour son métier etfiltre ses impressions pour ses lecteurs. Le dépouillement du tracé et le trait net,
alliés à ces espaces, indiquent la distance intellectuelle. La signature est particulièrement grande.

Lorsque le scripteur réprime ses sentiments et émotions, l'appui de l'écriture


s'allège et les blancs dominent généralement les noirs. Inversement, le désir de se

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