Article 8 - Anomalies de La Structure Ostéo-Dentaire Et Réhabilitations Implantoprothétiques
Article 8 - Anomalies de La Structure Ostéo-Dentaire Et Réhabilitations Implantoprothétiques
Article 8 - Anomalies de La Structure Ostéo-Dentaire Et Réhabilitations Implantoprothétiques
Leonor Costa Mendes Les réhabilitations prothétiques chez les patients présentant des anomalies
RÉSUMÉ
Assistante hospitalo-universitaire, de la structure dentaire sont toujours un défi thérapeutique, à la fois pour le praticien
département de chirurgie orale et le patient. Malgré l’avènement des réhabilitations implantoprothétiques,
de nombreuses questions subsistent, quant à leurs indications possibles ; notamment
Frédéric Vaysse avec les patients qui présentent des troubles de la structure osseuse. Ces réhabilitations
Professeur des universités, sont souvent complexes et s’adressent à des patients jeunes, dont le parcours de soin
praticien hospitalier,
doit être fréquemment adapté à des situations de vie changeantes. Bien que sur ce sujet,
département d’odontologie pédiatrique
la littérature soit assez pauvre, ce travail a pour objet de présenter différentes situations
Luc Raynaldy cliniques, avec des propositions de prise en charge adaptées.
Praticien hospitalier,
réhabilitation orale
rehabilitation
Prosthetic rehabilitations in patients with structural abnormalities of dental tissues
are always a therapeutic challenge for the practitioner and the patient. Despite
the advent of implant prosthetic rehabilitation, many questions remain as to their
possible indications, especially in patients who have disorders of boney structure.
Such rehabilitation is often complex and is aimed at young patients, whose care must
frequently be adapted to changing life situations. The literature is poor on this subject
and this paper aims to present different clinical situations, with proposals for appropriate
management.
1a b
c d
anomalies cémentaires sont responsables d’une faiblesse de l’attache associée une faible activité de la vitamine D et à un rachitisme [25,26].
desmodontale, à l’origine de mobilités accrues et de pertes dentaires Les patients présentent généralement un retard de croissance, une
prématurées [23]. Comme pour l’OI, la fragilité, la faible densité osseuse déformation des membres et des douleurs articulaires. Les manifesta-
et la diminution du remodelage osseux [24] peuvent compromettre la tions orales se traduisent par un élargissement de la chambre pulpaire,
stabilité primaire et l’ostéointégration des implants dentaires chez les une dentine immature, des anfractuosités amélaires et la formation de
patients atteints (fig. 2). Très peu de données existent quant au succès lésions apicales sans atteinte carieuse visible, conduisant à la perte
de la prise en charge implantaire : Lynch et al. ont rapporté le cas d’un des dents.
patient ayant bénéficié d’une réhabilitation par six implants [23] avec Friberg [21] a décrit trois patients atteints d’hypophosphatémie, réhabi-
l’échec précoce d’un seul implant, dû à un manque de stabilité primaire. lités avec succès par des implants sur un suivi de cinq ans. Le turn-over
Cependant, les cinq autres implants sont stables à treize ans. Bergendal osseux étant plus lent chez ces patients [27], le temps de cicatrisation
et Ljunggren [25] ont, quant à eux, recensé trois patients, chez qui treize et d’ostéointégration est allongé. Un enfouissement des implants pen-
implants ont été posés avec succès. dant dix à treize mois est recommandé, ainsi qu’un passage par des
prothèses provisoires.
Hypophosphatémie, rachitisme et implants Les résultats de Bergendal et Ljunggren [25] sont moins encoura-
L’hypophosphatémie est une maladie génétique rare liée à l’X liée à geants : sur trois patients, huit implants sur dix ont été perdus. Resnick
un trouble de la réabsorption rénale du phosphate ; elle est souvent a décrit la pose de trois implants unitaires associée à une ROG avec de
3a b c
d e f
l’os allogénique [26]. À six mois, une bonne cicatrisation de la greffe - renforcer l’antisepsie locale pré, per et postopératoire, les anomalies
osseuse a été constatée, permettant la mise en charge des implants. Les de la structure et du remodelage osseux diminuant ses capacités de
résultats sont stables à 3,5 ans. défense face aux infections [16,24,27] ;
Le taux d’échec implantaire semble être majoré comme pour l’hypo- - privilégier des implants autotaraudants voire autoforants avec une sur-
phosphatasie et l’OI. Lorsque la thérapeutique implantaire est malgré face rugueuse afin d’augmenter la stabilité primaire [14] ;
tout envisagée, il est recommandé d’augmenter les délais de cicatrisa- - utiliser les séquences complètes avec des forets neufs sous irrigation
tion et d’ostéo-intégration (fig. 3a- à ). abondante avec une solution saline physiologique stérile ;
La mise en place d’implants chez un patient atteint de fragilité osseuse ne - utiliser un guide chirurgical afin de contrôler l’axe implantaire et ne
peut pas être recommandée de manière systématique, en raison d’un taux pas ovaliser le site de forage dans ces os de très faible densité, pour
d’échec plus élevé que dans la population générale. Cependant, elle peut optimiser la stabilité primaire [22] ;
être envisagée au cas par cas. Bien qu’il n’existe pas de consensus quant - chercher à obtenir un ancrage bicortical à la mandibule pour aug-
à la prise en charge de ces pathologies dans la littérature, il est possible menter la stabilité primaire lorsque l’os spongieux présente une densité
de proposer quelques recommandations (voir tableau ci-dessous) : faible [17,21] ;
- augmenter le délai de cicatrisation post-extractionnelle, du fait de la - enfouir les implants pendant une durée minimale de cinq, six mois
diminution de la vitesse du remodelage osseux [16,24,27] ; [14,19,21,23]. Certains auteurs préconisent même un délai de cicatrisa-
- en cas de réhabilitations multiples, travailler par quadrants et espacer les tion de neuf à onze mois, en particulier lorsque les implants sont posés
interventions de plusieurs mois afin d’évaluer la cicatrisation et ostéoin- dans un os greffé ou au maxillaire [16,20] ;
tégration implantaire, au fur et à mesure de la progression du traitement ; - favoriser le jumelage des implants adjacents à l’aide de la prothèse
- la prophylaxie antibiotique doit être systématique, la diminution du dentaire sus-jacente ;
remodelage osseux augmentant sa susceptibilité aux infections. Les - favoriser le passage par une phase prothétique provisoire, pour éva-
protocoles varient selon les auteurs : Caicedo-Rubio et al. [17] pro- luer la qualité de l’ostéointégration ;
posent de l’amoxicilline la veille de l’intervention puis jusqu’à six jours - les réglages occlusaux doivent être réalisés avec application afin
postopératoires, tandis que Friberg [21] l’étend jusqu’à trente jours pour d’éviter toute surcharge occlusale et cratérisation osseuse péri-
les patients atteints d’OI ; implantaire ;
Précautions
Préopératoire - contact rhumatologue : antibioprophylaxie antibioprophylaxie
interruption traitement par BP
- bilan d’hémostase
- antibioprophylaxie
Peropératoire - protocole implantaire en deux temps
- forets neufs, irrigation abondante
- guide chirurgical
- ancrage bicortical à la mandibule
Délai de cicatrisation - implant simple : > 5 mois
- implant + greffe osseuse : > 6 mois à la mandibule
> 9 mois au maxillaire
Prothèse - prothèse provisoire
- jumelage reconstitutions plurales
- réglages occlusaux
- suivi biannuel
- le suivi et la maintenance doivent être rigoureux : utilisation quoti- La décision thérapeutique doit être concertée avec le patient et l’en-
dienne d’accessoires inter-dentaires, surveillance clinique, radiologique semble de l’équipe médicale. Le patient est informé des possibles com-
et nettoyage dentaire professionnel tous les six mois. plications et des risques d’échecs. La conception de la thérapeutique
proposée est guidée par des principes de réhabilitation chirurgicopro-
thétique raisonnés.
Conclusion Le plan de traitement est élaboré avec une vision globale, intégrant
La mise en place d’implants chez des patients atteints d’anomalies de la notion d’économie tissulaire ainsi qu’une vision d’évolution à long
structure ostéodentaire ne peut pas être recommandée de manière sys- terme. Les patients doivent bénéficier d’une prise en charge pluridisci-
tématique, mais envisagée selon un respect des précautions adaptées plinaire coordonnée. Il s’agit d’intégrer les patients dans une logique de
au type d’anomalies structurelles de la maladie. parcours de soins et non dans une succession d’actes isolés.
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Correspondance : [email protected]