Puberté Précoce

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Puberté précoce

Springer
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Puberté précoce
Sous la direction de
Claire Bouvattier
Catherine Pienkowski

Springer
Claire Bouvattier Catherine Pienkowski
Hôpital Bicêtre CHU de Toulouse
Service d’endocrinologie Hôpital des enfants
pédiatrique 330, avenue de Grande-Bretagne
78, rue du Général-Leclerc 31059 Toulouse Cedex
94275 Le Kremlin-Bicêtre Cedex

ISBN 978-2-8178-0520-7 Springer Paris Berlin Heidelberg New York


© Springer-Verlag France, Paris, 2014

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littérature existante.

Cet ouvrage a été réalisé avec le soutien du laboratoire Ipsen.

Maquette de couverture : Jean-François Montmarché


Mise en page : Desk
Images de couverture : photos Bloc images
Sommaire

Avant-propos ......................................................................... 1
C. Bouvattier, C. Pienkowski

1. Données actuelles épidémiologiques ............................. 3


A. Cartault, T. Edouard, C. Pienkowski

2. Précocités pubertaires et polluants endocriniens


environnementaux ........................................................... 13
F. Paris, L. Gaspari, C. Sultan

3. Contrôle neuroendocrinien de la puberté ...................... 29


C. Villanueva, N. de Roux

4. Puberté précoce des enfants dans des situations particulières


4.1 La puberté précoce des enfants adoptés
et ses diagnostics différentiels ......................................... 41
J.-V. de Monléon, L. Goutchkoff

4.2 Puberté et retard de croissance intra-utérin (RCIU) . 49


M. Cartigny-Maciejewski

4.3 Particularités de la puberté des enfants irradiés...... 55


C. Thomas-Teinturier, I. Oliver-Petit

5. Diagnostic clinique et biologie des pubertés précoces


centrales ............................................................................. 65
J. Léger, J.-C. Carel

6. Diagnostics étiologiques des pubertés précoces


centrales ............................................................................. 75
R. Coutant
VI Puberté précoce

7. Prise en charge thérapeutique :


traitement par les analogues de la GnRH ....................... 83
C. Bouvattier

8. Devenir à moyen terme


et à long terme des pubertés précoces centrales ............ 93
C. Chao, S. Christin-Maitre

Annexe .................................................................................... 105


Avant-propos

C. Bouvattier, C. Pienkowski

L’amélioration des conditions de vie au cours des siècles montre que le fac-
teur limitant de l’accroissement progressif de la taille de l’Homme est l’avance
séculaire de l’âge de la puberté.
La puberté est un phénomène adaptatif de maturation très sensible à de
nombreux signaux.
Les chapitres traités dans ce livre abordent les données historiques et épidé-
miologiques concernant l’évolution pubertaire des filles et des garçons. L’état
des connaissances et les progrès dans divers domaines comme l’influence de
l’environnement, le mécanisme génétique sont largement développés.
Une mise au point de certaines situations pédiatriques particulières mais
néanmoins fréquentes comme l’adoption, les enfants nés de petites taille, les
enfants irradiés sera d’un intérêt particulier pour le praticien.
Le fil conducteur entre les différents chapitres permet de donner au lec-
teur autant d’outils utiles à sa pratique quotidienne. Une meilleure connais-
sance des mécanismes physiopathologiques permettra d’ajuster finement le
diagnostic, la thérapeutique et la prise en charge sur le long terme.

Sous la direction de C. Bouvattier et C. Pienkowski, Puberté précoce.


ISBN : 978-2-8178-0520-7, © Springer-Verlag Paris 2014
Données actuelles épidémiologiques
1
A. Cartault, T. Edouard, C. Pienkowski

Points essentiels
s Avance séculaire du démarrage de la puberté.
s Âge de ménarche stable depuis les dernières décennies.
s Influence de l’IMC sur la chronologie pubertaire.
s Facteurs de variations : niveau socio-économique, facteurs génétiques, état
nutritionnel, exposition aux dysrupteurs endocriniens.

La puberté est un ensemble de phénomènes de maturation qui aboutit à


l’acquisition de la fonction de reproduction. Il s’agit d’un processus qui débute
très tôt pendant la vie embryonnaire par la différenciation des gonades, puis
qui est suivie d’une phase quiescente pendant l’enfance, et d’une reprise de
la maturation sexuelle pendant la période pubertaire. Le déclenchement de
la puberté est sous la dépendance de facteurs génétiques, endocriniens et
environnementaux. La première étape hormonale correspond à la sécrétion
pulsatile de GnRH par l’hypothalamus et s’ensuit l’activation de l’axe hypo-
thalamo-hypophyso-gonadique.

Avance séculaire1

Avance séculaire de la ménarche


Une avance importante de l’âge d’apparition des premières règles
(ménarche) a été observée dans la plupart des pays industrialisés au cours des

1. Partie rédigée par A. Cartault.


A. Cartault (!), T. Edouard, C. Pienkowski – Unité d’endocrinologie, génétique, patholo-
gie osseuse et gynécologie médicale. Hôpital des Enfants, 330, avenue de Grande-Bretagne,
31059 Toulouse – [email protected]
Sous la direction de C. Bouvattier et C. Pienkowski, Puberté précoce.
ISBN : 978-2-8178-0520-7, © Springer-Verlag Paris 2014
4 Puberté précoce

cent dernières années. Ainsi, des données historiques en Europe et aux États-
1 Unis ont montré que l’âge de la ménarche était passé d’environ 17 ans au
milieu du xixe siècle à 13 ans au milieu du xxe siècle [1, 2]. Ces modifications
sont probablement liées à l’amélioration des conditions socio-économiques,
du statut nutritionnel et de l’hygiène [3]. Depuis les années 1960, l’âge de la
ménarche reste globalement stable, ainsi une avance de seulement 2,5 mois a
été observée sur les 25 dernières années aux États-Unis [4].

Grandes études publiées1

Avance de l’âge de début de la puberté


L’âge de début de la puberté, notamment chez la fille, semblait relativement
stable, aux alentours de 11 ans, en Europe et aux États-Unis.
Les données permettant de définir l’âge normal de début de la puberté
étaient anciennes puisque les études les plus fréquemment citées étaient celles
de Marshall et Tanner datant des années 1970 [5, 6]. Dans ces études, l’âge
moyen de début de la puberté chez la fille (défini par l’âge de début du déve-
loppement des seins, stade de Tanner S2) était de 11,1 ± 1,1 ans (intervalle
de confiance à 95 % [95 % CI] : 8,5-13 ans), et chez le garçon (défini par des
modifications du scrotum et du volume testiculaire à l’inspection, stade de
Tanner G2) de 11,6 ± 0,09 ans (95 % CI : 9,5-13,5 ans). Cependant, plusieurs
facteurs limitaient les données de ces études, notamment un petit nombre
d’enfants (192 filles et 228 garçons) non représentatifs de la population
puisqu’ils vivaient en maison d’enfants et étaient issus de milieux socio-éco-
nomiques défavorisés. De plus, l’évaluation de la puberté était faite à partir
de photographies et non à partir d’un examen clinique. Or la détermination
visuelle du développement des seins est généralement compliquée chez les
jeunes filles en surpoids ou obèses du fait de l’accumulation de tissu adipeux
sous-cutané pouvant mimer le développement d’une glande mammaire. Chez
le garçon, le premier signe de début pubertaire est l’augmentation du volume
testiculaire au-delà de 3 mL, qui est déterminé par la palpation en utilisant un
orchidomètre de Prader [7].

1. Partie rédigée par T. Edouard.


Données actuelles épidémiologiques 5

Études américaines
Au cours des années 1990, plusieurs études américaines indépendantes, uti-
lisant des méthodologies différentes, ont rapporté une avance du début de
l’âge de la puberté notamment chez les jeunes filles.
La première étude transversale, réalisée entre 1992 et 1993, reposait sur les
données collectées par un réseau de pédiatres non hospitaliers (Pediatric
Research in Office Settings Network) [8] chez 17 077 jeunes filles (dont 90,4 %
jeunes filles blanches et 9,6 % jeunes filles d’origine afro-américaine).
Dans cette étude, l’âge moyen de début de la puberté (stade de Tanner S2)
était de 10,0 ± 1,8 ans chez les jeunes filles blanches et de 8,9 ± 1,9 ans chez
les jeunes filles d’origine afro-américaine, soit 1 à 2 ans plus tôt que l’âge
habituellement rapporté. De plus, 5 % des jeunes filles blanches et 15,4 % des
jeunes filles d’origine afro-américaine avaient débuté leur puberté à l’âge de
8 ans, correspondant à la définition habituelle de la puberté précoce. Malgré
cette avance du démarrage pubertaire, l’âge de la ménarche restait inchangé
(12,9 ± 1,2 ans et 12,2 ± 1,2 ans respectivement chez les jeunes filles blanches
et d’origine afro-américaine), suggérant une augmentation de la durée de la
puberté.
Les limites de cette étude étaient liées au recrutement d’enfants dans diffé-
rentes régions, l’examen par des investigateurs différents, et l’évaluation du
stade pubertaire par l’inspection.
Une deuxième étude réalisée entre 2005 et 2010, s’appuyant sur le même
réseau de pédiatres non hospitaliers, s’est intéressée à l’âge de début de la
puberté chez 4 131 garçons [9].
Dans cette étude, l’âge moyen de début de puberté (stade de Tanner G2) était
de 10,1 ± 2,2 ans (95 % CI : 10-10,3) chez les garçons blancs, de 10,0 ± 1,8 ans
(95 % CI : 9,8-10,3) chez les garçons d’origine hispanique, et de 9,1 ± 2,1 ans
(95 % CI : 8,9-9,4) chez les garçons d’origine afro-américaine, soit 1 an et demi
à 2 ans plus tôt que l’âge habituellement rapporté. Lorsqu’une augmentation
du volume testiculaire au-delà de 3 mL était considérée pour définir le
début pubertaire, l’âge moyen de début de puberté était de 11,5 ± 1-2,0 ans
(95 % CI : 11,3-11,6) chez les garçons blancs, 11,3 ± 1,8 ans (95 % CI : 11,1-
11,5) chez les garçons d’origine hispanique, et 11,7 ± 1,8 ans (95 % CI : 11,5-
12) chez les garçons d’origine afro-américaine.
Ces données ont été complétées par une étude transversale s’intéressant à
la santé et la nutrition dans un échantillon représentatif de la population
entre 1988 et 1994 (Third National Health and Nutrition Examination Survey,
NHANES III) [10, 11].
Dans cette étude incluant 1 623 jeunes filles âgées de 8 à 16 ans (dont 28,7 %
jeunes filles blanches, 36,3 % d’origine hispanique et 35 % d’origine afro-
américaine), l’âge moyen de début de la puberté (stage de Taner 2) était de
6 Puberté précoce

10,4 ans (95 % CI : 10-10,5) chez les jeunes filles blanches, 9,7 ans (95 % CI :
1 9,4-9,9) pour les jeunes filles d’origine hispanique, et 9,5 ans (95 % CI : 9,3-
9,8) pour les jeunes filles d’origine afro-américaine, confirmant une avance
de 6 mois à un an et demi de l’âge de début de la puberté. L’âge de début de
la ménarche était aux environs de 12 ans dans les trois groupes (12,7, 12,2 et
12,1 ans chez les jeunes filles blanches, d’origine hispanique et d’origine afro-
américaine, respectivement).
Cette étude a également permis d’étudier les facteurs intervenant dans le
démarrage plus précoce de la puberté, notamment les facteurs ethniques (les
jeunes filles d’origine afro-américaine démarrant leur puberté significative-
ment plus tôt que les jeunes filles blanches ou d’origine hispanique), et la
corpulence (un indice de masse corporelle (IMC) plus élevé étant associé à
des ménarches plus précoces). Les facteurs socio-économiques (taille de la
famille, zone d’habitation urbaine ou rurale, revenus) ne modifiaient pas les
différences observées.
Une étude américaine multicentrique prospective plus récente, réalisée chez
1 239 filles, semble suggérer que l’âge de début de la puberté continue à évo-
luer [12]. Ainsi, dans cette cohorte, un démarrage de la puberté avant l’âge de
8 ans était observé chez 18,3 %, 30,9 %, et 42,9 % des jeunes filles blanches,
d’origine hispanique, et d’origine afro-américaine respectivement.

Études européennes

Plusieurs études ont confirmé l’avance de début de l’âge de la puberté en


Europe.
Ainsi, une étude transversale danoise dite de « Copenhague » s’est intéres-
sée à la puberté d’une large cohorte de jeunes filles (n = 2 095) [13] et de
garçons (n =1 528) [14], dans des écoles de la région de Copenhague, au
début et à la fin d’une période récente de 15 ans, entre 1991-1993 (cohorte
de 1991) et 2006-2008 (cohorte de 2006). Les données étaient collectées par
le même groupe de recherche, utilisant la même méthodologie (évaluation de
la puberté par palpation, dosages hormonaux). Les enfants de parents non
européens étaient exclus de cette étude.
De manière similaire aux études américaines, l’âge de début de la puberté
chez les jeunes filles (stade de Tanner S2) apparaissait significativement
plus tôt dans la cohorte de 2006 (âge moyen : 9,9 ans ; 95 % CI : 9,7-10,0)
comparée à celle de 1991 (âge moyen : 10,9 ans ; 95 % CI : 10,7-11,1), soit
une avance d’un an sur une période de 15 ans. Cette différence restait signi-
ficative après ajustement pour l’IMC. L’âge de la ménarche était peu modifié
(respectivement 13,4 ans et 13,1 ans en 1991 et 2006), ce qui entraînait une
augmentation globale de la durée de la puberté. Le développement précoce
Données actuelles épidémiologiques 7

des seins n’était pas associé à des taux plus élevés des gonadotrophines, sug-
gérant l’absence d’activation précoce de l’axe gonadotrope. En revanche,
une diminution faible mais significative des taux d’œstradiol était observée
parmi les jeunes filles âgées de 8 à 10 ans de la cohorte de 2006, suggérant
une action œstrogénique indépendante des gonadotrophines au niveau des
seins.
Chez les garçons, l’âge de début de la puberté (défini par un volume testicu-
laire > 3 mL) apparaissait significativement plus tôt chez la cohorte de 2006
(âge moyen : 11,6 ans ; 95 % CI : 11,5-11,8) comparée à celle de 1991 (âge
moyen : 11,9 ans ; 95 % CI : 11,8-12,1). Des taux plus élevés de LH étaient
observés dans la cohorte de 2006. Cependant, les différences d’âge de démar-
rage pubertaire et de taux de LH n’étaient plus significatives après ajuste-
ment pour l’IMC, suggérant un rôle important de la masse corporelle sur le
démarrage pubertaire chez le garçon.
Les mêmes tendances ont été observées dans d’autres pays européens au cours
de la même période.
Ainsi, dans une étude longitudinale réalisée en Grande-Bretagne (Avon
Longitudinal Study of Parents and Children), l’âge moyen du démarrage
pubertaire chez la fille était de 10,1 ans (95 % CI : 10,1-10,2), et l’âge moyen
de la ménarche de 12,9 ans (95 % CI : 12,9-13,0) [15]. À l’âge de 8 ans, le
démarrage pubertaire était observé chez 12 % des filles. Les facteurs prédic-
tifs de l’âge de la ménarche étaient des facteurs maternels (âge précoce de la
ménarche maternelle, IMC plus élevée chez la mère) et un indice de masse
corporelle plus élevé chez l’enfant à l’âge de 8 ans.

Calendrier pubertaire1

Développement des caractères sexuels secondaires


La chronologie clinique du développement pubertaire a été décrite par
Tanner et Marshall en 1969 qui ont établi les stades de développement des
caractères sexuels (5). Il existe cinq stades côtés de 1 à 5 [16] (voir Annexe).
Chez la fille, le démarrage pubertaire est marqué par le développement mam-
maire qui débute en moyenne entre 10 ans et demi et 11 ans chez les cau-
casiennes. La pilosité pubienne apparaît progressivement dans les mois qui
suivent mais peut également parfois précéder le développement mammaire.
Les premières règles surviennent en moyenne 2 ans à 2 ans et demi après

1. Partie rédigée par A. Cartault.


8 Puberté précoce

Fig. 1 – Avance séculaire de l’âge des 1res règles (d’après Sorensen 2012).

l’apparition des premiers signes pubertaires soit entre 12,5 et 13 ans, cepen-
dant cet âge peut varier. Les premiers cycles sont souvent irréguliers et anovu-
latoires, ils deviennent généralement ovulatoires la 2e année de la ménarche.
Les résultats français de l’enquête internationale HBSC réalisée en 2006 par
auto-questionnaires estiment l’âge de la ménarche en France à 12,8 ans en
moyenne avec un écart type relativement faible (1,2 an). Les premiers cycles
sont souvent irréguliers et anovulatoires [17]. Ils deviennent ovulatoires la
2e année de règles généralement [18]. Dans l’étude hollandaise (POMC),
2 400 adolescentes ont répondu à un questionnaire concernant leurs cycles.
Les cycles sont irréguliers dans 25 % des cas la 1re année, 12 % la 2e année et
6 % la 4e année [19]. Celles qui restent oligoménorrhéiques au-delà de 3 ans
sont plus à risque d’hyperandrogénie [20].
Chez le garçon, le début de la puberté correspond au développement des tes-
ticules qui se produit en moyenne vers l’âge de 13 ans. La pilosité pubienne
apparaît quelques mois après, associée au développement de la verge et du
scrotum. Puis la pilosité axillaire se développe en moyenne un an après la
pilosité pubienne.

Croissance pubertaire et composition corporelle


Le déroulement pubertaire s’accompagne d’une accélération de la vitesse de
croissance. Chez la fille, cette accélération est associée ou précède de quelques
mois les premiers signes pubertaires alors que chez le garçon elle survient
après le démarrage pubertaire. Le pic de croissance est plus précoce et moins
ample chez la fille que chez le garçon.
Données actuelles épidémiologiques 9

Chez la fille, le gain pubertaire moyen est de 20 à 25 cm soit environ 12 % de


sa taille adulte. La taille adulte est atteinte en moyenne 4 ans après le début
de la puberté.
Chez le garçon, le gain pubertaire moyen est de 25 à 30 cm soit environ 14 %
de sa taille adulte. La taille adulte est atteinte en moyenne 5 ans après le début
de la puberté.
Le pic de croissance pubertaire dépend de l’âge de début et de la durée de la
puberté [21].
Ce pic de croissance s’accompagne d’une augmentation de l’acquisition de
masse osseuse. Ce pic de masse osseuse acquise pendant la puberté est impor-
tant et il peut être un facteur déterminant dans le risque de survenue ulté-
rieure d’ostéoporose.
Il existe des variations de la composition corporelle au cours de la puberté.
L’indice de masse corporelle défini par le rapport du poids (en kilogramme)
sur le carré de la taille (en mètre) va augmenter. Pendant la période prépu-
bère, les masses grasses et maigres sont identiques dans les deux sexes. Au
début de la puberté, la masse maigre qui correspondant à la masse musculaire
augmente puis, en 2e partie de puberté, il existe une augmentation de la masse
grasse plus marquée chez la fille. En fin de puberté, le garçon a une masse
musculaire plus importante que la fille, et inversement la fille a une masse
grasse plus importante que le garçon.

Variations ethniques et socio-démographiques de l’âge pubertaire

Les différentes études décrites ci-dessus relatent des variations ethniques


notées [8, 9].

Impact du niveau socio-économique


Dans les pays en voie de développement, les inégalités liées au statut
socio-économique ou au mode de vie peuvent rendre compte de variations
importantes dans la chronologie pubertaire. L’âge de la ménarche a été uti-
lisé comme paramètre de mesure de la santé d’une population ainsi l’âge des
règles est plus tardif si le niveau socio-économique est faible, plus précoce
dans les milieux favorisés [3].

Rôle de la nutrition et des disrupteurs endocriniens


Les facteurs génétiques jouent un rôle important dans le développement
pubertaire, il existe un caractère familial très marqué notamment pour les
10 Puberté précoce

filles dans l’âge de survenue des règles [22]. Cependant, l’avance rapide de
1 l’âge de début de la puberté sur les dernières décennies suggère plutôt des
facteurs environnementaux.
L’augmentation de l’obésité dans les pays industrialisés a été évoquée pour
expliquer ces modifications. En effet, une adiposité plus importante est asso-
ciée à une avance de maturation pubertaire chez la jeune fille [23]. Chez le
garçon, cette association reste controversée [24, 25].
Les modifications des habitudes diététiques pendant l’enfance (consommation
de soja) ainsi que l’exposition à des composés chimiques susceptibles de modi-
fier le système hormonal (perturbateur endocrinien, bisphénol par exemple)
pourraient également influencer le développement pubertaire [26, 27].

Conclusion
La puberté est une période charnière qui va s’accompagner de change-
ments somatiques et psychologiques. De nombreux facteurs vont influencer
son évolution. Une bonne connaissance de son déroulement normal est indis-
pensable pour en identifier les troubles.

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Epidemiol 26(2): 163-75
Précocités pubertaires
et polluants endocriniens environnementaux 2
F. Paris, L. Gaspari, C. Sultan

Points essentiels
s Avance de l’âge d’entrée en puberté.
s Augmentation d’incidence des précocités pubertaires.
s Rôle des PEE dans l’avance de l’âge d’entrée en puberté et dans l’augmentation
d’incidence des précocités pubertaires.

Introduction

De nombreux facteurs génétiques et environnementaux contrôlent le déve-


loppement pubertaire [1]. La diminution de l’âge d’entrée en puberté ainsi
que l’augmentation d’incidence des précocités pubertaires (PP) (développe-
ment pubertaire survenant avant l’âge de huit ans chez la fille) sont actuel-
lement bien établies chez la fillette, aux États-Unis comme en Europe [2, 3].
L’amélioration générale des conditions de vie est considérée comme un élé-
ment majeur. En revanche, l’augmentation d’incidence des précocités puber-
taires observée depuis une vingtaine d’années ne peut pas être attribuée à la
seule amélioration des conditions socio-économiques. La meilleure connais-
sance des activités de « perturbateurs endocriniens », et plus particulièrement
des effets œstrogéno-mimétiques, de la majorité des polluants endocriniens
environnementaux (PEE) ont poussé la communauté médicale et scientifique
à émettre l’hypothèse de leur rôle dans l’augmentation d’incidence des PP [4].

F. Paris (!), L. Gaspari, C. Sultan – Unité d’Endocrinologie Pédiatrique, Département de


Pédiatrie 1. Département hormonologie du développement et de la reproduction. Hôpi-
tal Arnaud de Villeneuve – CHU Montpellier, 37, avenue du Doyen Gaston Giraud, 34295
Montpellier Cedex 5 – [email protected]
Sous la direction de C. Bouvattier et C. Pienkowski, Puberté précoce.
ISBN : 978-2-8178-0520-7, © Springer-Verlag Paris 2014
14 Puberté précoce

2 Âge d’entrée en puberté et précocités pubertaires

Réduction de l’âge d’entrée en puberté

Une tendance séculaire à un déclin de l’âge du démarrage pubertaire a été


rapportée jusqu’au milieu du vingtième siècle [1, 5]. En effet, des études amé-
ricaines [Pediatric Research in Office Setting (PROS) et National Health and
Nutrition Examination Survey III (NHANES III)] comme européennes ont
rapporté un âge plus précoce, d’environ un an, du début du développement
mammaire chez la fille [5, 6], si l’on se réfère aux données historiques [7, 8].
D’ailleurs, un groupe d’experts composé de chercheurs et de cliniciens, origi-
naires des États-Unis et d’Europe, a conclu que les informations étaient suffi-
santes pour affirmer une tendance séculaire à un développement mammaire
plus précoce [7]. L’amélioration des conditions de vie représente probable-
ment la raison majeure de ce phénomène. Néanmoins la poursuite du déclin
de l’âge d’entrée en puberté [2, 3, 7] ne peut pas être exclusivement rapportée
à des modifications notables des conditions socio-économiques.

Augmentation d’incidence des précocités pubertaires

Du fait de l’abaissement de l’âge d’entrée en puberté, différentes équipes


se sont légitimement interrogées sur l’évolution de l’incidence des PP [9,
10]. La PP survient essentiellement chez la fille, le sex-ratio garçon/filles
étant approximativement de 6/1, et est définie par l’apparition des caractères
sexuels secondaires avant l’âge de 8 ans chez la fillette. Ainsi Teilmann [10]
retrouve une incidence de 80/100 000 PP chez des fillettes danoises, ce qui est
huit fois supérieur à l’incidence rapportée par Gonzales dans les années 1980
au sein d’une population de fillettes américaines [11]. Dans ces études, sont
regroupés au sein des PP, les développements mammaires isolés (ou préma-
tures thélarches) ainsi que les authentiques pubertés précoces, qu’elles soient
centrales (PPC), ce qui est le cas le plus fréquent, ou périphériques (PPP).
Par ailleurs, une fréquence particulièrement élevée de PP est retrouvée parmi
des enfants étrangers adoptés [9, 12, 13] et, à un moindre degré, parmi des
enfants immigrants avec leur famille [13]. Ainsi sur une centaine de petites
filles d’origine indienne adoptées par des familles suédoises, Proos retrouvait
une avance significative de l’âge de la ménarche [12]. L’équipe du professeur
Bourguignon a rapporté dans une étude rétrospective une prévalence de PP
multipliée par 80 au sein d’une population de fillettes natives de pays en voie
de développement et adoptées par des familles belges, comparées à une popu-
lation de fillettes natives de Belgique [9]. Ces données sont confirmées par
Précocités pubertaires et polluants endocriniens environnementaux 15

les travaux de Teilmann qui concluent à un risque multiplié par 20 de déve-


lopper une puberté précoce pour des petites filles originaires de différents
pays en voie de développement adoptées au Danemark [13]. Seules les fil-
lettes originaires de Corée ne semblent pas avoir d’augmentation du risque de
puberté précoce. Au-delà de ces études épidémiologiques, plusieurs auteurs
rapportent une épidémie de prématures thélarches à Puerto Rico dans les
années 1980 [14-17].

Rôle joué par les polluants endocriniens environnementaux


dans l’augmentation de fréquence des pubertés précoces

De nombreux facteurs génétiques et environnementaux contrôlent le déve-


loppement pubertaire [1]. La forte corrélation entre l’âge de la ménarche
au sein d’une même famille, et entre jumeaux monozygotes comparés aux
jumeaux dizygotes suggère une influence génétique forte sur le « timing »
de la puberté [18]. Une étude récente confirme par ailleurs le lien entre PP
et petit poids de naissance [19]. Toutefois la forte concordance de l’âge des
premières règles entre sœurs jumelles, malgré des différences concernant leur
poids de naissance, indique que les facteurs génétiques et environnementaux
partagés par ces dernières sont les principaux éléments de contrôle de l’âge
des premières règles [19]. Enfin, de nombreuses études chez l’homme ont
montré une relation positive entre l’indice de masse corporelle (IMC) prépu-
bertaire et l’âge des premières règles [20]. Ces études suggèrent que le timing
de la puberté peut être influencé par la composition corporelle et l’insulino-
résistance [20]. Ainsi l’amélioration des conditions de vie, parmi lesquelles
les modifications des habitudes alimentaires, pourraient être impliquées dans
la tendance séculaire à un déclin de l’âge d’entrée en puberté [4, 21]. Cepen-
dant, les facteurs génétiques et nutritionnels ne peuvent à eux seuls expli-
quer cette évolution séculaire, et encore moins la poursuite du déclin de l’âge
d’entrée en puberté et de l’augmentation d’incidence des PP constatée actuel-
lement. Du fait de leur capacité à perturber le système endocrinien à dif-
férents niveaux incluant l’axe hypothalamo-hypophysaire, la stéroïdogenèse,
ainsi que la liaison des stéroïdes aux récepteurs nucléaires, les polluants endo-
criniens environnementaux (PEE) ont théoriquement la capacité d’interférer
avec le déroulement pubertaire physiologique. La plupart des PEE possèdent
notamment une activité œstrogéno-mimétique à l’origine de la terminologie
de « xénœstrogènes ». La rapidité avec laquelle s’est accrue la fréquence des
précocités pubertaires ainsi que la connaissance des activités de « disrupteurs
endocriniens » des PEE ont conduit la communauté scientifique à émettre
l’hypothèse de leur rôle dans l’augmentation de la prévalence des précocités
pubertaires [7, 22-24].
16 Puberté précoce

Différents types de PEE


2
Il existe différents types de perturbateurs endocriniens, les uns naturels, les
autres synthétiques.

Œstrogènes naturels
Les œstrogènes comme les autres hormones stéroïdes sont dérivés du méta-
bolisme du cholestérol. Ils sont composés de quatre cycles carbonés, les cycles
A, B, C comportant 6 atomes de carbones et le cycle D 5. Les œstrogènes
naturels regroupant l’œstradiol, l’œstrone et l’œstriol peuvent être considérés
comme des perturbateurs endocriniens car ils sont retrouvés dans l’environ-
nement et peuvent affecter les fonctions endocriniennes de l’organisme [25].

Phytoœstrogènes et les mycoœstrogènes


Les phytoœstrogènes sont des composés polyphénoliques qui possèdent
une similarité structurale avec les œstrogènes naturels, ils ont été classés sur la
base de leur structure chimique en flavonoïdes, lignans et coumestans (fig. 1)
[26]. Les phytoœstrogènes les mieux étudiés sont les flavonoïdes qui incluent
les isoflavones (génistéine, daidzéine, formonétine, biochanine A), les flavo-
nols (kaempférol, kaempféride et quercétin) et les flavones (apigonine). Ces
substances sont essentiellement retrouvées dans les fruits et les légumes, plus
particulièrement dans les pouces de soja et le choux rouge pour les flava-
noïdes et dans la luzerne et les haricots pour les coumestans [26].

Fig. 1 – Structure des principaux phytoœstrogènes et mycoœstrogènes comparée à celle


de l’E2 et du DES.
Précocités pubertaires et polluants endocriniens environnementaux 17

Les mycoœstrogènes sont sécrétés par des champignons et des moisissures


appartenant principalement aux genres Aspergillus, Penicillium et Fusarium
[27]. Ces substances sont représentées par la zéaralenone et ses dérivés
(fig. 1). Les moisissures se développent sur les plantes durant leur culture
et leur stockage, les toxines qu’elles produisent peuvent alors être ingérées
avec les végétaux contaminés. Ces mycotoxines se retrouvent essentiellement
dans les céréales comme le maïs, le blé, l’avoine et le sorgho, dans les graines
de sésame et dans le fourrage. Les mycotoxines peuvent ainsi être ingérées
par l’homme, soit par une consommation de céréales, soit par des produits
animaux contaminés, qu’il s’agisse de lait ou de viande. Une autre source de
contamination par des produits animaux est l’utilisation dans certains pays,
en particulier aux États-Unis, du zeranol (!-zearalanol) en tant qu’anaboli-
sant protidique utilisé dans les élevages de bovins [27].

Œstrogènes synthétiques
Ils sont essentiellement représentés par les hormones de synthèse conte-
nues dans les contraceptifs oraux ou la pilule du lendemain (éthynilœstra-
diol EE2), les traitements substitutifs de la ménopause étant quant à eux
constitués d’œstrogènes naturels. Les antiœstrogènes comme le tamoxifène
utilisés dans le traitement de certains adénocarcinomes mammaires pos-
sèdent aussi une activité agoniste partielle. Enfin, parmi ces œstrogènes de
synthèse, il ne faut pas oublier le diéthylstilbestrol (DES), utilisé pendant une
trentaine d’années dans le traitement des menaces d’accouchements préma-
turés et dont l’utilisation a été suspendue après les travaux de Herbst en 1970
qui faisaient état d’un taux élevé d’adénocarcinome du vagin chez les filles de
mères ayant été traitées par DES durant leur grossesse [28].

Xéno-œstrogènes
Ils regroupent des substances appartenant aux pesticides et d’autres qui
sont issues de l’industrie (fig. 2). Les pesticides sont essentiellement repré-
sentés par les dérivés organochlorés comme le dichlodiphényltrichloroé-
thane (DDT), son métabolite le dichlorodiphényldichloroéthylène (DDE),
le méthoxychlore, le lindane, la vinclozoline ou l’endosulfan. Les pesticides
organochlorés se dégradent très lentement et peuvent de ce fait persister dans
l’environnement, air, eau, sol, sédiments durant de nombreuses années [29].
Ainsi, des traces de DDT et surtout de DDE peuvent persister dans le milieu
extérieur jusqu’à une dizaine d’années et dans l’organisme plus de 20 ans
après l’arrêt de son utilisation. Le DDT, puissant PEE, a été interdit aux États-
Unis et dans de nombreux pays européens depuis 1970, mais est encore uti-
lisé dans certains autres pays en voie de développement [1]. Le MXC possède
comme la plupart des PEE des activités œstrogéniques et anti-androgéniques,
18 Puberté précoce

Fig. 2 – Structure chimique des principaux PEE.


Précocités pubertaires et polluants endocriniens environnementaux 19

mais a une capacité à s’accumuler dans le tissu adipeux un peu moindre


que le DDT. Le MXC et le lindane ne sont plus autorisés en France alors
que d’autres produits organochlorés le sont encore comme l’endosulfan ou
la vinclozoline.
Les autres types de contaminants environnementaux regroupent des subs-
tances comme les dérivés phénoliques alkylphénols ethoxylates (APE),
bisphénol A, les polychlorobiphényles (PCB), les dioxines (PCDD), les
hydrocarbones polycycliques aromatiques (PAH) ou encore les phtalates.
Les APE sont des surfactants utilisés dans la composition de nombreux
détergents, le bisphénol A est utilisé dans la composition des retardateurs
de flamme, ainsi que dans les revêtements internes des boîtes de conserves,
les verres de lunettes de soleil, et dans de nombreux matériaux utilisés dans
la construction. Son utilisation dans les biberons vient récemment d’être
interdite en France. Les PCB ont été fabriqués industriellement à partir de
1930, pour voir leur production arrêtée depuis les années 1980 suite à la
connaissance de leurs effets délétères [30]. Leur stabilité chimique et leur
ininflammabilité ont conduit à leur utilisation dans les transformateurs,
les condensateurs, les fluides caloporteurs et isolants [29, 30]. De plus, la
décomposition des PCB peut se traduire par le dégagement de composés à
forte toxicité, les furanes et les dioxines ; c’est ainsi qu’en France, seulement
une dizaine de sociétés sont agréées pour l’élimination et la décontamina-
tion des appareils contenant des PCB. Plus largement, les dioxines (PCDD)
proviennent de la combustion de produits chlorés [29] et peuvent conta-
miner la chaîne alimentaire. Les PAH sont retrouvés de façon relativement
ubiquitaire dans l’environnement, provenant essentiellement de la combus-
tion incomplète des fuels, ils peuvent eux aussi contaminer la chaîne ali-
mentaire [31]. Concernant les phtalates, ce sont des composés industriels
de plus en plus utilisés depuis 1930, dont la production a plus que doublé
depuis les années 1970. Ils sont ajoutés aux polymères pour améliorer la
souplesse du PVC. Ils entrent dans la composition d’une large gamme de
produits en PVC comme les matériaux de construction tels que les câbles
ou les planchers. Ils sont de plus largement retrouvés dans la composition
d’équipements médicaux, de tuyaux, de rideaux de douche, de jouets, à l’in-
térieur des voitures comme dans les emballages alimentaires. Enfin, ils sont
additionnés aux peintures, aux adhésifs ainsi qu’à nombre de cosmétiques.
Les phtalates n’étant pas liés de façon covalente aux plastiques, ils peuvent
facilement contaminer l’environnement aux cours du temps, l’exposition
humaine se faisant donc de façon chronique par voie cutanée, orale ou par
inhalation [32].
L’ensemble des œstrogènes synthétiques et les xénoœstrogènes peuvent être
regroupés sous la dénomination de polluants endocriniens environnemen-
taux (PEE).
20 Puberté précoce

Études animales sur le rôle des PEE dans les précocités pubertaires
2
Le système de reproduction des rongeurs femelles (rats et souris) partage un
certain nombre de caractéristiques avec l’homme. Aussi, ces animaux ont été
largement utilisés en laboratoire de façon à mieux appréhender expérimenta-
lement les mécanismes du déclenchement et du déroulement pubertaire chez
l’homme. La puberté de la souris femelle est marquée par l’ouverture vaginale
qui est le premier signe d’entrée en puberté témoignant d’une élévation du
taux d’œstrogènes. Elle est suivie de la première ovulation à laquelle fera suite
l’apparition de cycles réguliers. Les événements correspondants chez l’homme
sont respectivement le développement mammaire et la ménarche (premières
règles) (fig. 3).
L’ouverture vaginale apparaît ainsi chez le rongeur femelle à 35 jours de vie,
la durée moyenne entre l’ouverture vaginale et le premier œstrus étant de
4 jours environ. C’est donc en suivant ces deux paramètres qu’il est possible
d’évaluer le retentissement de l’exposition à certains PEE sur le déclenche-
ment pubertaire.

Fig. 3 – Correspondance de la maturation pubertaire entre le rat (A) et l’Homme (B).


Naissance (N), ouverture vaginale (OV) (d’après [33]).
Précocités pubertaires et polluants endocriniens environnementaux 21

La plupart des travaux rapportent une avance de l’ouverture vaginale chez des
rongeurs exposés en période postnatale à de l’îstradiol (E2), de l’éthynylœs-
tradiol (EE2) ou divers PEE [33]. L’EE2 est actuellement le composé œstro-
génique le plus fréquemment utilisé dans les pilules contraceptives chez la
femme. Cet œstrogène de synthèse est éliminé dans les urines, pouvant ainsi
contaminer les eaux usées. Différentes équipes ont bien démontré, chez des
rongeurs exposés en période postnatale à divers PEE, une avance de l’âge de
l’ouverture vaginale associée à une augmentation du volume utérin témoi-
gnant donc d’une avance de l’âge d’entrée en puberté. Ces effets sont aussi
bien retrouvés pour les phytoœstrogènes comme la génistéine ou le cou-
mestrol, que pour les pesticides organochlorés, le bisphénol A ou encore les
phtalates.
Parmi les pesticides organochlorés, sont retrouvés le DDT et le méthoxychlor
(MXC). Laws et al. rapportent que des souris exposées au MXC en période
pos natale présentent un âge plus précoce d’OV ainsi qu’une augmentation
du volume utérin [34]. Les mêmes effets sont retrouvés chez des rongeurs
exposés au bisphénol A (BPA), PEE appartenant à la famille des alkylphénols,
en particulier retrouvé dans nombre d’emballages alimentaires et dont l’uti-
lisation vient d’être interdite dans les biberons en France et au Canada [34].
Enfin, les phtalates peuvent eux aussi perturber le développement pubertaire
des animaux de laboratoire. L’ensemble de ces études animales conforte donc
l’hypothèse selon laquelle les PEE seraient impliqués dans l’avance de l’âge
d’entrée en puberté comme dans l’augmentation d’incidence des précocités
pubertaires de la fillette. De plus, ces études permettent de mieux appréhender
le mécanisme d’action des PEE sur le déclenchement pubertaire, bien que de
nombreuses inconnues demeurent encore. Il semble que la majorité des PEE
puissent avoir une action périphérique et centrale. L’avance de l’âge de l’ouver-
ture vaginale comme l’augmentation du volume utérin suggèrent une action
œstrogénique directe des PEE sur l’épithélium vaginal et l’utérus. Néanmoins,
l’exposition postnatale au coumestrol, au MXC, ou au bisphénol A engendre,
parallèlement à une avance de l’OV, une avance de la première ovulation et/ou
une irrégularité menstruelle persistante suggérant fortement une capacité de
modulation au niveau hypothalamo-hypophysaire [33, 34]. Ces effets modu-
lateurs centraux semblent pouvoir être, soit inhibiteurs, soit stimulants [4].
Des travaux réalisés par l’équipe du professeur Bourguignon en 2004 mon-
traient que l’exposition d’explants hypothalamiques ou de souris prépubères
à de l’E2 diminuait l’intervalle des pulses de GnRH ayant ainsi un effet de sti-
mulation de l’entrée en puberté. Cette même équipe retrouve un effet stimu-
lant de l’o.p’-DDT sur la synthèse de GnRH chez des souris prépubères [33].
Le système kiss/kiss-peptine, qui joue un rôle majeur dans le déclenchement
pubertaire, semble pouvoir être modulé par certains PEE. En effet, des travaux
plus récents montrent qu’une exposition néonatale à des composés œstro-
géniques tels que l’œstradiol ou la génistéine, engendre une diminution de
22 Puberté précoce

l’immunoréactivité pour kiss-peptine au niveau hypothalamique en période


2 pubertaire [35, 36], ces effets étant aussi retrouvés chez la brebis [23].

Études sur le rôle des PEE dans les précocités pubertaires de la fille
Revue de la littérature
Certaines équipes ont tenté d’évaluer l’association entre l’existence d’une
PP et l’exposition à certain type de PEE.
Du fait d’une épidémie de prématures thélarches à Puerto Rico durant les
années 1980, Colon a recherché la présence de certains pesticides et phtalates
dans le sérum d’une quarantaine de petites filles présentant un développe-
ment mammaire isolé prématuré [14]. Cette équipe put ainsi mettre en évi-
dence une concentration sérique de phtalates plus élevée chez les fillettes avec
prémature thélarche comparées aux contrôles [14].
Par ailleurs, plusieurs études se sont intéressées au lien potentiel entre PP et
DDT du fait de l’utilisation massive de ce pesticide jusque dans les années
1960-1970, et de ses capacités de rémanence tant dans le milieu extérieur que
dans le tissu adipeux. Dans une étude rétrospective, Vasiliu évaluait l’expo-
sition in utero au DDT/DDE estimée à partir de mesures successives dans
le sang maternel de jeunes femmes du Mishigan [37]. Il observa la présence
d’une ménarche plus précoce chez les jeunes filles les plus exposées au DDT/
DDE pendant la grossesse [37]. Un second travail rétrospectif rapportait, au
sein d’une cohorte de femmes en Chine, un antécédent de ménarche plus pré-
coce chez celles ayant les taux de DDE sériques les plus élevés [38]. Une étude
réalisée en Belgique s’est intéressée à l’évaluation du taux sérique de DDE chez
des petites filles présentant une puberté précoce, les unes étant natives de Bel-
gique, les autres ayant immigré de pays étrangers, pour certaines dans le cadre
d’une adoption [9]. Les auteurs observent une augmentation significative des
taux de DDE sériques chez les petites filles présentant une PP originaires d’un
pays étranger, comparées aux petites filles natives de Belgique. Sur la base des
données animales et humaines, les PEE pourraient avoir une action périphé-
rique, via leur activité œstrogénique, sur les tissus œstrogénodépendants que
sont la glande mammaire et l’utérus. D’autre part, ils pourraient aussi avoir
une action centrale au travers d’un effet de maturation des neurones à GnRH
comme cela est décrit dans les cas de PPC secondaires à des PPP. L’effet de dif-
férents PEE sur le système Kisspeptine est venu récemment conforter l’hypo-
thèse de leur action centrale [39]. Au demeurant, le fait que les petites filles
ne développent leur PP qu’une fois en Belgique et non dans leur pays d’ori-
gine [9] pourrait plaider en faveur d’un effet freinateur de certains PPE sur
les neurones à GnRH. Cette action inhibitrice hypothalamo-hypophysaire est
un effet central des œstrogènes bien démontré en période prébubertaire [40].
L’immigration vers un pays plus développé dans lequel le DDT n’est plus
Précocités pubertaires et polluants endocriniens environnementaux 23

utilisé engendrerait une exposition moindre, et donc une levée d’inhibition


hypothalamo-hypophysaire à l’origine du déclenchement pubertaire.
Enfin un lien a été rapporté entre PPC et exposition à certains mycoœstro-
gènes [41, 42].

Expérience personnelle
Nous nous sommes attachés, depuis une quinzaine d’années, à développer
des méthodes de dépistage de la contamination par des PEE. Comme nous
l’avons déjà souligné, la grande majorité de ces substances possède une carac-
téristique commune, leur activité œstrogénique. C’est ainsi que nous avons
développé une méthode d’évaluation de l’activité œstrogénique globale du
sérum humain [43], l’élévation de l’activité œstrogénique sérique globale
témoignant de la contamination par des PEE.
Nous avons ainsi pu démontrer le rôle d’une contamination par les PEE chez
une petite fille de 4 mois ayant consulté en endocrinologie pédiatrique dans le
cadre d’une puberté précoce, la découverte d’un taux très élevé de lindane et
de DDT chez l’enfant, la maman, et dans des échantillons de terre prélevés sur
leur lieu d’habitation est venue confirmer nos résultats [44]. De plus, notre
récent travail portant sur un groupe de fillettes présentant une prémature
thélarche suggère que cette dernière peut être rapportée, dans certains cas, à
une exposition prénatale ou postnatale aux PEE, au travers de l’identification
d’une activité ultrasensible des œstrogènes anormalement élevée (fig. 4) [45].

30
Activité Estrogénique (pg/ml)

25

20

15

10

0
FPT et FPT sans Témoins
contamination contamination n=18
potentielle par potentielle par
les PEE les PEE
n=9 n=6

Fig. 4 – Activité œstrogénique (pg/mL) chez 15 fillettes présentant une prémature thé-
larche (FPT) : 9 sont connues pour avoir potentiellement été exposées aux PEE en
période ante/postnatale, 6 n’ont pas d’exposition particulière connue, 18 sont des
témoins appariés pour l’âge (d’après [45]).
24 Puberté précoce

PEE et glande mammaire


2
En dehors de l’augmentation d’incidence récente des PP, la communauté
scientifique s’interroge sur leurs causes, et leur retentissement en termes de
santé publique. En effet, la PP a des conséquences physiques, psychologiques
et sociales non négligeables [46]. D’un point de vue social, elle peut accentuer
le risque de consommation de drogues, de troubles du comportement ali-
mentaire ainsi que d’instabilité émotionnelle [47]. D’un point de vue médical,
en dehors de la classique diminution de taille définitive en cas de PPC non
traitée, un élément beaucoup plus préoccupant concerne le risque à moyen
terme, non seulement d’obésité à l’âge adulte [46], mais aussi et surtout de
cancer du sein de la femme jeune dont l’augmentation d’incidence est actuel-
lement bien reconnue [48]. L’exposition œstrogénique est effectivement un
facteur de risque de développement d’un cancer du sein à l’âge adulte [49,
50]. De plus, un fort probable dénominateur commun entre PP et cancer du
sein, représenté par les PEE, vient encore souligner l’importance de cette pro-
blématique en termes de santé publique. En effet, un lien a tout d’abord pu
être établi entre cancer du sein et DES, le taux de cancer du sein étant multi-
plié par 2,5 chez les femmes de plus de 40 ans ayant été exposées pendant leur
grossesse au DES [51, 52]. Ces données ont été confirmées chez le rat pour
le DES ainsi que pour certains PEE [51] tels que le BPA y compris pour une
exposition postnatale [53]. L’ensemble de ces données supportent la notion
que les PEE altèrent la morphogenèse de la glande mammaire, favorisant ainsi
le développement ultérieur d’un adénocarcinome mammaire [54].

Conclusion

Nous assistons indéniablement depuis plus de cinquante ans à un rajeu-


nissement de l’âge d’entrée en puberté, ce phénomène se poursuivant encore
de nos jours. De plus, l’augmentation d’incidence des PP est rapportée dans
de nombreux pays. L’ensemble des travaux scientifiques menés chez l’animal
comme chez l’Homme, conforte le rôle des PEE dans ces phénomènes. Au-
delà de la puberté elle-même, le lien entre durée d’exposition aux œstrogènes,
PEE et cancer du sein semble être généralement reconnu, soulignant, si cela
était encore nécessaire, l’importance de cette problématique en termes de
santé publique.
Précocités pubertaires et polluants endocriniens environnementaux 25

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Contrôle neuroendocrinien de la puberté
3
C. Villanueva, N. de Roux

Points essentiels
s La puberté est due à une réactivation de l’axe gonadotrope dont le principal témoin
est l’augmentation de la sécrétion de la GnRH hypothalamique avant l’apparition
des caractères sexuels secondaires.
s L’augmentation de la GnRH résulte d’un processus neurodéveloppemental complexe
d’un réseau neurones/glie appelé le réseau GnRH.
s Plusieurs neuropeptides dont les kisspeptines en association avec des
neurotransmetteurs participent à la réactivation du réseau GnRH.
s Des données récentes ont montré l’importance des régulations épigénétiques.
s L’âge de l’initiation de la puberté est un marqueur sensible de l’évolution, ce qui
explique le rôle important des facteurs de l’environnement.

Introduction

La puberté est un processus de maturation somatique et psychique qui


débute dès la vie fœtale et se poursuit jusqu’à l’acquisition de la fonction de
reproduction. Cliniquement, elle se manifeste par l’apparition des caractères
sexuels secondaires, l’accélération de la vitesse de croissance, l’augmentation
de la masse osseuse et une augmentation de l’indice de masse corporelle. Sur-
viennent également des modifications de comportement avec à l’adolescence
l’acquisition d’une identité sexuelle pouvant s’accompagner de préoccupa-
tions marquées pour l’image du corps, des troubles de la conduite, d’opposi-
tion systématique ou de provocation.
Le développement des caractères sexuels secondaires dépend de l’augmenta-
tion de la synthèse des hormones sexuelles par les gonades suite à une réac-
tivation hypothalamo-hypophysaire de l’axe gonadotrope. Depuis les travaux

C. Villanueva, N. de Roux (!) – INSERM U676. Université Paris-Diderot. Laboratoire


de biochimie-hormonologie, Hôpital Robert Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris –
[email protected]
Sous la direction de C. Bouvattier et C. Pienkowski, Puberté précoce.
ISBN : 978-2-8178-0520-7, © Springer-Verlag Paris 2014
30 Puberté précoce

de Knobil chez le singe, il est bien connu que la réactivation pubertaire de


3 l’axe gonadotrope est due à une augmentation de la sécrétion de la GnRH
dans le système porte hypothalamo-hypophysaire. Dans l’hypothalamus, les
neurones GnRH participent à un réseau neuroendocrinien complexe com-
posé de neurones spécifiques tels ceux exprimant les kisspeptines, la neu-
rokinine B, la dynorphine et de cellules gliales telles que les tanycytes, les
astrocytes ainsi que les cellules épendymaires. Ces neurones et cellules gliales
agissent de concert pour réguler la sécrétion de la GnRH.
La réactivation de l’axe gonadotrope résulte de la maturation de ce réseau neu-
ronal dont les premiers indicateurs de l’activité sont visibles dès la 20e semaine
de gestation. Entre cette première activation chez le fœtus et l’initiation de la
puberté, l’axe gonadotrope va subir un cycle d’inhibition-activation.
Des avancées majeures dans la compréhension de ces mécanismes ont eu
lieu ces dernières années grâce notamment à l’étude des maladies rares de la
puberté ou bien à partir de modèles animaux nouveaux. Dans la suite de cet
article, l’architecture actuelle du réseau GnRH sera rappelée puis, les avancées
récentes dans la compréhension de l’initiation de la puberté seront revues.

Le réseau GnRH : une architecture neurones/glie mieux comprise

La GnRH est une hormone hypothalamique, secrétée de façon pulsatile


par des neurones spécialisés. Ces pulses de GnRH sont émis à partir des
terminaisons nerveuses des neurones au niveau de l’éminence médiane à la
base de l’hypothalamus. La GnRH est sécrétée dans le sang du système porte
hypothalamo-hypophysaire, pour rejoindre l’hypophyse antérieure où elle va
stimuler la sécrétion de gonadotrophines LH et FSH, par les cellules gonado-
tropes hypophysaires. La sécrétion de ces pulses de GnRH est synchrone entre
les neurones GnRH.
Les neurones GnRH sont peu nombreux dans l’hypothalamus, environ 1 000 à
3 000 selon les espèces. Ils migrent de l’épithélium olfactif pendant la période
embryonnaire, vers le cerveau dont notamment le septum médial, la diagonale
de Broca, l’aire préoptique et vers l’hypothalamus. Les extrémités des neu-
rones GnRH, dont les corps cellulaires sont situés dans la région préoptique
de l’hypothalamus, se projettent vers l’éminence médiane, située dans l’hypo-
thalamus médiobasal, grâce à la participation de facteurs encore inconnus.
Parmi les différents régulateurs extrasynaptiques des neurones GnRH, les kiss-
peptines et la neurokinine B jouent un rôle essentiel. En effet, l’inactivation
de ces protéines ou de leurs récepteurs entraîne un hypogonadisme hypogo-
nadotrope [1-4]. Les kisspeptines sont des neuropeptides synthétisés par des
neurones hypothalamiques. La plupart des neurones GnRH expriment des
Contrôle neuroendocrinien de la puberté 31

récepteurs aux kisspeptines (KiSS1R) et les neurones kisspeptines expriment


les récepteurs aux œstrogènes, les récepteurs à la progestérone et aux andro-
gènes. Ces neurones sont en effet le principal relai des rétrocontrôles négatifs
et positifs des hormones stéroïdes sur l’axe gonadotrope à l’âge adulte mais
également au moment de la puberté [5].
Les corps cellulaires des neurones kisspeptines sont présents dans deux noyaux
hypothalamiques. Un noyau localisé dans la partie antérieure de l’hypothala-
mus appelé aire antéroventro-périventriculaire (AVPV ou R3V) chez la sou-
ris et dans un noyau plus postérieur situé dans l’hypothalamus mediobasal
qui comprend notamment le noyau arqué. Cette distribution des neurones
kisspeptines dans l’hypothalamus est également décrite chez l’homme bien
qu’elle soit moins marquée. Il faut noter des différences importantes entre les
neurones kisspeptines de l’AVPV et ceux du noyau arqué. Les neurones kiss-
peptines du noyau arqué synthétisent la neurokinine B et la dynorphine A,
ils forment les neurones KNDy [6]. Ces neurones expriment le récepteur à
la neurokinine, NK3R, ce qui suggère une boucle de régulation autocrine ou
paracrine au sein du réseau GnRH. Il apparaît que la neurokine B et la dynor-
phine participent à la sécrétion dynamique des kisspeptines et par conséquent
de la GnRH. Les neurones kisspeptines de l’AVPV sont moins bien carac-
térisés. Les extrémités axonales des neurones kisspeptines projettent vers le
corps cellulaire des neurones GnRH mais également les extrémités axonales
situées dans l’éminence médiane. Plus récemment, il a été démontré le rôle
des neuropeptides RF-amides (RFRP1, RFRP3) qui agissent directement sur
les neurones GnRH [7].
Plusieurs neurotransmetteurs participent également à la régulation du réseau
GnRH. Au niveau du noyau arqué, le GABA et le glutamate jouent un rôle
important dans le contrôle de l’excitabilité des neurones GnRH. Le rôle de
ces neurones a essentiellement été décrit chez les rongeurs [8]. Les neurones
GnRH expriment les récepteurs au GABA et au glutamate. Le réseau de neu-
rones GABAergiques est assez complexe puisque certains de ces neurones
vont avoir un effet direct sur les neurones GnRH, et d’autres vont agir sur
des neurones intermédiaires. Le GABA est plutôt inhibiteur sur les neurones
GnRH. Les neurones glutamatergiques sont excitateurs des neurones GnRH.
L’équilibre entre inhibition GABAergique et activation glutamatergique du
réseau GnRH est modifié au cours de la puberté en faveur de l’activation.
La fonction de reproduction requiert une sécrétion synchrone et pulsatile de
GnRH, qui est contrôlée par des interactions transynaptiques de réseaux de
neurones hypothalamiques spécialisés mais aussi via l’activation de voies de
signalisation neurones/glie [9]. Les cellules gliales comprenant notamment les
astrocytes secrètent des facteurs de croissance comme le TGFalpha, les neuré-
gulines qui, via les récepteurs erB, entraînent la libération de substances actives
comme la prostaglandine E2 qui stimule la sécrétion de GnRH [10]. D’autres
32 Puberté précoce

molécules comme les protéines de la famille des EGF, les fibroblast growth
3 factors (FGF) et l’IGF1 (insulin like growth factor 1) participent également à la
maturation de l’axe gonadotrope. Enfin, un autre mécanisme de communica-
tion neurones/glie implique des réarrangements plastiques des cellules gliales
adhérentes aux neurones GnRH qui dépendent notamment du NO.
Cette organisation du réseau GnRH dans l’hypothalamus permet une régu-
lation très fine dans le temps mais également en amplitude de la sécrétion de
la GnRH. En effet, en plus des appositions avec les neurones kisspeptines, les
extrêmités axonales des neurones GnRH sont étroitement associées aux pro-
cessus gliaux de cellules épendymogliales appelées tanycytes [11]. Ces tany-
cytes régulent l’accès des terminaisons des neurones GnRH à l’endothélium
de l’espace péricapillaire dans la zone externe de l’éminence médiane. Il existe
une plasticité de ces tanycytes. En effet, lorsque les récepteurs erB sont activés,
les tanycytes subissent une phase de rétraction de leurs pieds entre les termi-
naisons de neurones GnRH et les cellules endothéliales. Ce mécanisme est
notamment important pour l’induction du pic ovulatoire de LH [12].

La réactivation pubertaire de l’axe gonadotrope :


un événement qui précède les signes cliniques de la puberté

Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’axe gonadotrope subit un


cycle complexe d’activation-inhibition dès la vie fœtale. En effet, après avoir
rejoint l’hypothalamus suite à une migration des neurones GnRH de la placode
olfactive vers les noyaux hypothalamiques entre la 5e et 16e semaine de dévelop-
pement, des concentrations très importantes de LH et de FSH sont retrouvées
dans le sang fœtal à partir de la 20e semaine de développement [13]. Le rôle
exact de la GnRH dans cette phase d’activation est mal connu. Le dimorphisme
sexuel de l’activation de l’axe gonadotrope est néanmoins déjà présent [13].
Durant toute la deuxième partie de la gestation, l’axe gonadotrope va subir
une inhibition qui est presque complète à la naissance. La deuxième phase
d’activation survient après la naissance, ce qui correspond à la mini-puberté.
Ensuite, l’axe gonadotrope est quiescent à partir de 6 mois chez le garçon et
environ 2 ans chez la fille, jusqu’à la puberté. L’augmentation de la fréquence
et de l’amplitude de la sécrétion de GnRH est d’abord nocturne puis diurne à
mesure que la puberté progresse chez l’homme [14]. Le premier changement
biologique démontrant que l’axe gonadotrope est en cours de réactivation
pubertaire est l’apparition de pulses nocturnes de LH chez les enfants avant
le passage en stade 2 de tanner. Cette réactivation est donc infraclinique. La
fréquence et l’amplitude des pulses de LH augmentent et des pics de libé-
ration diurnes sont ensuite observés. Ces augmentations sont probablement
le reflet de l’augmentation de la sécrétion de la GnRH mais également une
Contrôle neuroendocrinien de la puberté 33

réponse hypophysaire qui se développe sous l’effet de la GnRH. Cette réacti-


vation biologique survient plus tôt chez la fille que le garçon. La sécrétion de
la testostérone augmente dans le sang peu de temps après l’augmentation de
la concentration plasmatique de la LH et de la FSH. Chez la fille, l’œstradiol
augmente en même temps que la LH et la FSH. Un dialogue entre les gonades
et l’axe hypothalamo-hypophysaire est donc initié à la puberté, ce qui participe
à la dynamique de l’axe gonadotrope au cours de la puberté (voir plus loin).
La puberté est le résultat d’un processus neuro-développemental de la
commande hypothalamo-hypophysaire de l’axe gonadotrope. Il n’est pas pos-
sible aujourd’hui de déterminer le timing précis de cette maturation. L’étude des
mécanismes impliqués n’est pas simple. Ils pourraient être spécifiques d’espèces.

La réactivation pubertaire de l’axe gonadotrope dépend d’une maturation


complexe de l’hypothalamus

Il est maintenant bien admis que l’effecteur principal de la maturation de


l’axe gonadotrope permettant la puberté est le système kisspeptine (fig. 1).

Enfance Puberté

s Facteurs de l’ environnement

s Balance énergé!que

s Epigéné!que
s Stéroïdes sexuels

s MicroRNA.
s Les catécholamines
s La norépinephrine
s Lep!ne s La dopamine
s Mélatonine
s La sérotonine
s NPY s La galanine

s GABA s Glutamate

K
p Kp

Fig. 1 – La puberté : une période de transition entre un état inhibé de l’axe gonado-
trope et un état activé qui dépend directement des kisspeptines (Kp). L’axe gonado-
trope est inhibé durant l’enfance par l’action du GABA et autres inhibiteurs (bleu).
Sous l’effet de mécanismes cellulaires complexes (rouge) entraînant l’augmentation
de neurotransmetteurs ou autres neuropeptides voire hormones périphériques (vert),
la synthèse des kisspeptines augmente fortement, ce qui permet l’augmentation de la
sécrétion de la GnRH.
34 Puberté précoce

L’augmentation de l’expression et la synthèse des kisspeptines dans l’hypo-


3 thalamus précèdent l’initiation de la puberté et se poursuivent au cours
du processus pubertaire. Tous les facteurs neuroendocriniens participant à
l’initiation de la puberté contrôlent ou agissent en synergie avec le système
des kisspeptines. Le rôle de la neurokinine B est moins évident. Les résultats
sont discordants selon les espèces.
Les mécanismes responsables de cette augmentation de l’expression des kiss-
peptines sont inconnus. Un réseau transcriptionnel complexe comprenant
notamment OCT2, TTF1, EAP1, LIN28B participe probablement à cette
augmentation mais l’organisation de ce réseau au moment de la puberté
n’est pas bien connue [9]. Ce réseau pourrait dépendre de gènes soumis à
empreinte parentale dont notamment ceux situés sur le chromosome 15
dans l’espèce humaine. Dans le syndrome de Prader-Willi, le déficit gona-
dotrope est d’intensité variable, et son mécanisme physiopathologique exact
n’est pas connu mais pourrait être d’origine hypothalamique. Les gènes
SNRPN (small nuclear ribonucleoprotein polypeptide N) et Necdin impliqués
dans ce syndrome, pourraient participer à la maturation de l’axe gonado-
trope. Très récemment, un autre gène de cette région soumise à empreinte a
été impliqué dans l’initiation de la puberté. Ce gène (MKRN3) code pour la
makorin RING finger proteine 3 qui a la propriété de se fixer sur les ARN. Ce
gène est soumis à empreinte maternelle, ce qui explique que seulement les
enfants ayant hérité la mutation de leur père sont malades. Cette transmis-
sion liée à l’empreinte parentale est originale et ouvre de nouvelles perspec-
tives pour comprendre l’initiation de la puberté. MKRN3 pourrait avoir un
effet inhibiteur sur le réseau GnRH puisque son expression dans le noyau
arqué diminue chez la souris entre la naissance et le sevrage [15].
En plus de modulateurs centraux, le rôle des hormones périphériques sur
l’initiation de la puberté est certain mais plus par un effet facilitateur qu’ini-
tiateur. Le rôle de la leptine est un bon exemple. La leptine est une hormone
synthétisée par le tissu adipeux qui est un acteur important dans l’initiation
de la puberté. En effet, le rapport masse grasse/masse maigre participe à
l’initiation de la puberté. La perte de fonction du système leptine est associée
à une absence de puberté par déficit gonadotrope. L’évaluation précise de
l’axe gonadotrope chez la souris déficiente en leptine montre que la distri-
bution des neurones GnRH et l’expression du gène de la GnRH sont conser-
vées ; les gonades et les cellules gonadotropes fonctionnent correctement
mais il n’y pas d’augmentation de la GnRH pulsatile à la puberté [16].
L’hypogonadisme hypogonadotrope est réversible sous traitement par la lep-
tine, ce qui démontre bien le caractère fonctionnel de l’impubérisme chez
ces patients [17, 18]. Les souris ayant un déficit sélectif du récepteur de la
leptine dans les neurones kisspeptines ont un développement pubertaire
normal, une maturité sexuelle et une capacité de reproduction normales,
Contrôle neuroendocrinien de la puberté 35

ce qui confirme que l’action de la leptine sur les neurones kisspeptines est
indirecte [19].

Le rôle des stéroïdes sexuels témoins du dialogue


entre l’axe hypothalamo-hypophysaire et les gonades
au cours de la puberté

Les garçons et les filles commencent leur puberté à des âges différents.
Les variations dans l’âge du déclenchement pubertaire et dans la durée de
la puberté dépendent de l’héritabilité mais aussi des espèces étudiées et de
facteurs internes et externes [20]. Les stéroïdes sexuels participent au déter-
minisme de ce timing. Leur action sur l’axe gonadotrope est déterminante dès
la période anténatale et perdure jusqu’à la puberté. En effet, un traitement
par testostérone d’une rate à la naissance « masculinise » l’organisation du
cerveau et il n’y aura plus de pic préovulatoire de GnRH/LH. Au niveau de
l’hypothalamus, la répartition des neurones kisspeptines diffère en fonction
du sexe. Chez la souris, le nombre de neurones kisspeptines est beaucoup
plus important dans le noyau antéro-ventro-périventriculaire de la femelle
par rapport aux mâles alors que dans le noyau arqué, il n’y a pas de différence
notable [21]. Le niveau de la testostérone en période néonatale pourrait être
un facteur déterminant cette distribution. Des régulations indépendantes des
hormones sexuelles sont également possibles.
Les stéroïdes sexuels ont un rôle essentiel dans l’organisation du système kiss-
peptine. L’action des stéroïdes sur le système kisspeptine passe via le récep-
teur ER alpha qui est exprimé dans les neurones kisspeptines. Cette régulation
œstrogéno-dépendante des neurones kisspeptines est différente dans l’hypo-
thalamus antérieur par rapport à l’hypothalamus médiobasal ; en effet, les
stéroïdes sexuels inhibent l’expression de Kiss1/kisspeptine dans le noyau
arqué et participent donc au rétrocontrôle négatif sur la sécrétion de gona-
dotrophines. Au contraire, les œstrogènes activent l’expression de Kiss1 dans
le noyau AVPV/RP3V chez la souris, ce qui permet le rétrocontrôle positif de
l’œstradiol sur l’axe gonadotrope. Les stéroïdes sexuels régulent également la
synthèse de la neurokinine B selon un schéma en cours de détermination.
Le rétrocontrôle positif des stéroïdes sexuels sur l’expression des kisspeptines
dans l’hypothalamus antérieur participe au processus pubertaire chez la sou-
ris. En effet, un élégant travail, réalisé par le groupe d’Alan Herbison, montre
que cette régulation positive par les œstrogènes ou les androgènes permet
une augmentation progressive de l’expression de Kiss1 dans l’hypothalamus
antérieur au cours de la puberté. Si ce feedback positif est réduit, la puberté
est retardée ou incomplète [22].
36 Puberté précoce

3 Les mécanismes épigénétiques :


une complexité nouvelle dans l’initiation de la puberté
L’épigénétique concerne l’étude des modifications de l’expression des gènes
qui ne dépendent pas de modification de la séquence de l’ADN. Les modifi-
cations épigénétiques peuvent être des modifications de structure de la chro-
matine, soit au niveau des histones, soit au niveau des nucléotides. C’est un
mécanisme qui est caractérisé par sa réversibilité à chaque génération.
En 2009, la publication de résultats d’analyse d’association sur l’ensemble du
génome dans des populations de femmes normales a montré que l’âge de
la ménarche est associé notamment à LIN28B dont la fonction est de régu-
ler la maturation des microARN [23-26]. Les microARN sont des ARN non
codants qui participent à la régulation post-transcriptionnelle en se fixant sur
le 3’ non codant de gènes spécifiques. Ils régulent leur expression en dimi-
nuant leur traduction et/ou leur stabilité : cette régulation est un mécanisme
épigénétique.
En 2010, Zhu et ses collaborateurs explorent la fonction de la voie LIN28-
let-7 en créant une souris transgénique surexprimant LIN28A, protéine
homologue de LIN28B et ayant une fonction similaire [27]. Ils observent
une augmentation de la taille des souris et un retard pubertaire. Ces résultats
confirment le rôle de LIN28 dans la vitesse du développement, déjà observé
chez C. elegans [28]. Les explorations métaboliques faites chez cette sou-
ris surexprimant LIN28A pour essayer d’expliquer leur croissance excessive
retrouvent une augmentation du métabolisme du glucose et de la sensibilité
à l’insuline. La protéine LIN28 est donc à la fois importante pour la chrono-
logie du développement chez C. elegans mais aussi pour la puberté chez le
rongeur et l’Homme. L’action de LIN28 peut passer par une inhibition de la
maturation des miARN let-7 mais aussi par une autre voie car LIN28 est une
protéine qui se fixe sur certains ARNm comme IGF2, Oct4, c’est-à-dire des
ARNm de protéines participant à la différenciation cellulaire [29].
Nous avons déjà évoqué le rôle de MKRN3 qui est un gène soumis à empreinte
maternelle dans la puberté précoce centrale. Il faut mentionner l’association
entre unidisomie maternelle du chromosome 14 et la puberté précoce cen-
trale dont les mécanismes sont inconnus [30].
En 2013, Lomniczi et ses collaborateurs ont définitivement confirmé le rôle
de l’épigénétique dans l’initiation de la puberté. L’intervention de protéines
du complexe polycomb, EED et Cbx7 dans le mécanisme de répression de la
transcription du gène Kiss1 est montrée dans ce travail. L’expression de ces
gènes en période prépubertaire diminue parallèlement à l’augmentation de la
méthylation de leurs promoteurs. EED est un inhibiteur direct du promoteur
de Kiss1. La fixation d’EED sur le promoteur Kiss1 diminue au moment de la
puberté en même temps que surviennent des modifications de la chromatine
Contrôle neuroendocrinien de la puberté 37

au niveau du promoteur Kiss1. Le résultat de ces changements épigénétiques


étant l’augmentation de la synthèse du gène Kiss1 [31].

Les facteurs de l’environnement : la puberté, un témoin de l’évolution


Le rôle des facteurs de l’environnement sur l’âge de la puberté est une pré-
occupation qui devient de plus en plus importante. Initialement révélé par
la fréquence élevée de puberté précoce chez les petites filles adoptées, il est
maintenant une des explications de la baisse récente de l’âge de la thélarche
dans de nombreux pays. Ces données épidémiologiques ont entraîné de nom-
breuses interrogations sur les mécanismes. L’âge de la ménarche a fortement
diminué entre le milieu des xixe et xxe siècles, mais il semble exister une sta-
gnation depuis le début des années 1970, alors que l’âge de thélarche a conti-
nué à diminuer. Cela suggère que la thélarche pourrait en partie dépendre
d’un effet périphérique des facteurs de l’environnement indépendant de la
commande hypothalamo-hypophysaire. L’ensemble des études montre que les
mécanismes sont très complexes, avec un fort dimorphisme sexuel. Contrai-
rement à la compréhension habituelle de facteurs de l’environnement, sou-
vent restreinte aux perturbateurs endocriniens, il est important d’élargir la
réflexion aux facteurs sociaux, familiaux, éducatifs qui tendent à favoriser une
fonction de reproduction plus précoce. Cette réflexion permet d’intégrer la
puberté comme un caractère adaptatif de l’évolution [32].
Parmi les facteurs environnementaux pouvant avoir une influence sur le
développement pubertaire, les perturbateurs endocriniens ont une action
essentiellement œstrogénique ou anti-androgénique. Ce sont des produits
naturels comme les phytoœstrogènes, ou des produits synthétiques provenant
de l’industrie comme les pesticides ou les phtalates. Les phtalates par exemple
sont retrouvés dans les plastiques des jouets, les matériaux de construction,
les vêtements. Une étude danoise a retrouvé chez 129 enfants sains, 11 méta-
bolites de phtalates différents [33]. Le mécanisme d’action de ces facteurs de
l’environnement sur le réseau GnRH n’est pas connu. Il pourrait passer par
une régulation de la synthèse des kisspeptines. Il est certain que les résultats
récents sur les mécanismes épigénétiques ouvrent des perspectives très inté-
ressantes pour mieux comprendre le lien entre environnement et initiation
de la puberté.

Conclusion
Le déclenchement pubertaire est un mécanisme complexe qui débute par
la réactivation centrale de l’axe gonadotrope. Cet axe subit une maturation
38 Puberté précoce

progressive qui débute dès la vie fœtale grâce à des déterminants génétiques
3 mais aussi une régulation épigénétique. Cette maturation va permettre la
mise en place d’un réseau hypothalamique complexe de neurones et de cel-
lules gliales dont le marqueur principal est l’augmentation de l’activité des
kisspeptines et par conséquent l’augmentation de la sécrétion de la GnRH.
Les stéroïdes sexuels participent à l’activation des neurones kisspeptines par
un rétrocontrôle positif. Plusieurs mécanismes épigénétiques sont maintenant
décrits, comprenant notamment des protéines ayant la capacité de se fixer sur
les ARN ou des variations du niveau de méthylation des promoteurs de fac-
teurs de transcription qui inhibent la transcription du gène Kiss1.
Ces dernières années ont permis des avancées importantes dans la compré-
hension de l’initiation de la puberté. Il apparaît maintenant possible de
caractériser ce processus neurodéveloppemental pour mieux comprendre les
maladies de l’initiation de la puberté mais également la commande centrale
de la reproduction.

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4. Puberté précoce des enfants dans des situations particulières

La puberté précoce des enfants adoptés


et ses diagnostics différentiels 4.1
J.-V. de Monléon, L. Goutchkoff

Points essentiels
s Touche un quart des petites filles adoptées entre 4 et 6 ans.
s Nécessité d’un suivi scrupuleux de la croissance et de l’âge osseux, dans l’année qui
suit l’adoption.
s Une erreur d’âge doit aussi être évoquée en cas de survenue précoce de signes
pubertaires.
s Le niveau de vie et la malnutrition semblent être les principaux facteurs de risque.

Une nouvelle population

Quasi inexistante jusqu’aux années 1970, l’adoption, et tout particulière-


ment l’adoption internationale, s’est considérablement développée depuis le
début des années 1980. On estime à plus de 100 000 le nombre d’enfants,
originaires des cinq continents et d’environ 80 pays différents, adoptés dans
des familles françaises. À cet aspect quantitatif déjà conséquent, se rajoute un
critère qualitatif pour les médecins, les enfants adoptés étant plus exposés à
certaines pathologies.
Les enfants adoptés présentent trois types de risques médicaux.
On identifie tout d’abord les risques non spécifiques, c’est-à-dire les patho-
logies qui sont aussi fréquentes dans le pays d’origine qu’en France. Mais se
posent deux problèmes : d’une part, on oublie un peu trop vite que les dépis-
tages systématiques ne sont pas tous faits dans la plupart des pays d’origine,
par manque de moyens financiers, et d’autre part, l’adoption est trop souvent
l’arbre qui cache la forêt, si bien que des pathologies plus ou moins fréquentes,
qui n’auront rien à voir avec l’adoption, seront occultées au détriment de

J.-V. de Monléon (!), L. Goutchkoff – Consultation d’adoption outre-mer


Pôle de pédiatrie – CHU de Dijon, Le Complexe du Bocage, 2, boulevard Maréchal de Lattre
de Tassigny, BP 77908 21079 Dijon Cedex – [email protected]
Sous la direction de C. Bouvattier et C. Pienkowski, Puberté précoce.
ISBN : 978-2-8178-0520-7, © Springer-Verlag Paris 2014
42 Puberté précoce

celle-ci et de ses conséquences psychologiques. Certains praticiens peuvent


4.1 oublier que dans « enfant adopté », le mot le plus important est « enfant ».
Viennent ensuite les risques géographiques, avec des pathologies qui sont
beaucoup plus fréquentes dans le pays d’origine que dans le pays d’accueil,
qu’il s’agisse de pathologies tropicales, des conséquences de la dénutrition ou
de la promiscuité, mais aussi de pathologies qui, sans être exotiques, sont plus
fréquentes dans certaines régions, telles les conséquences d’une alcoolisation
fœtale.
Enfin, les risques adoptifs sont ceux qui sont directement dus à l’adoption pro-
prement dite, et à tous les chamboulements qu’elle entraîne. On retrouve dans
cette catégorie les problèmes psychologiques, mais aussi une forme de puberté,
d’évolution particulièrement rapide et de fréquence particulièrement élevée.

Une pathologie sujette à polémiques

La puberté précoce des petites filles adoptées, si elle reste parfois encore
méconnue des médecins, commence à être bien identifiée par les familles
adoptives, bien informées par des associations de parents. Pourtant, elle reste
encore très discutée quant à sa réalité et ses étiologies.
Malgré de nombreuses descriptions [1-9] soulignant sa fréquence, mettant
en évidence son évolution particulièrement rapide et attirant donc l’atten-
tion sur ses conséquences, cette pathologie a pu être minimisée, voire niée
[10, 11]. Les arguments, alors évoqués, ne voyaient dans ces pubertés qu’une
erreur d’état-civil, ou une différence ethnique de l’âge de la puberté. Ce lais-
ser-faire aura les mêmes conséquences que pour toute puberté précoce igno-
rée : mettre en danger la taille finale en laissant évoluer trop rapidement la
maturation osseuse.
Pourtant, dès 1991, une étude suédoise a démontré, sur une cohorte de
107 petites filles indiennes adoptées en Suède, que celles-ci débutaient leur
puberté significativement plus tôt que les Suédoises de la même classe d’âge,
mais aussi que les enfants restés en Inde [4]. En Belgique, dans une popula-
tion de 32 pubertés précoces centrales diagnostiquées en trois ans, il s’agissait,
pour un quart d’entre elles, d’enfants adoptées outremer [1]. Une différence
significative des âges du début de la puberté et des premières règles est aussi
retrouvée dans une étude de suivi danoise [12].
Une autre étude récente [13], réalisée dans le cadre de la Consultation
d’adoption outre-mer du CHU de Dijon, a pu avancer une prévalence de
26 % de pubertés pathologiques, nécessitant un traitement, chez les petites
filles adoptées à l’étranger, et arrivées en France après l’âge de 4 ans. Cette
étude a l’avantage d’avoir un caractère prospectif, dans un cadre qui assure
La puberté précoce des enfants adoptés et ses diagnostics différentiels 43

le suivi de plusieurs milliers d’enfants adoptés, de façon systématique depuis


leur arrivée, et non pas en les sélectionnant dans une population présentant
une puberté précoce.
L’étiologie de cette puberté précoce des petites filles adoptées est aussi un sujet
de polémique. Ses causes restent encore très discutées, elles sont probablement
multifactorielles ; le changement alimentaire (un emballement du rattrapage
staturo-pondéral) joue sans doute un grand rôle ainsi, peut-être, que le chan-
gement environnemental et l’intervention de certains polluants [14], dont on
sait maintenant qu’ils peuvent avoir un rôle sur l’apparition de la puberté.

Particularités cliniques et facteurs de risque

Les différentes publications retrouvent une fréquence importante de


pubertés précoces, particulièrement chez les enfants de sexe féminin adoptées
entre les âges de 4 et 8 ans. La prédominance féminine dépasse le cadre de
l’adoption, puisque la puberté précoce centrale est, de manière générale, une
maladie féminine. Entre 8 et 10 ans, on ne peut plus parler de puberté pré-
coce, mais il peut exister dans cette population des pubertés pathologiques,
car d’évolution trop rapide, nécessitant soins et surveillance. Il semble aussi
que cette puberté se caractérise par son évolution explosive et son début sou-
vent précoce par rapport à l’adoption, le plus souvent dans l’année qui suit
l’arrivée de l’enfant dans sa nouvelle famille.
L’étude de Goutchkoff [13], qui a l’avantage de ne pas avoir de biais de sélec-
tion, a aussi permis d’identifier un certain nombre de facteurs de risque.
Avant l’adoption, on retient comme significatif un plus faible niveau écono-
mique du pays d’origine (défini par l’indice de développement humain), ainsi
qu’une durée de temps passé en institution plus courte chez les petites filles
ayant besoin d’un traitement freinateur. Comme si le passage prolongé en
orphelinat avait un effet tampon. Ce sas joue peut-être, au niveau alimen-
taire, comme une période de transit entre un régime de disette et un régime
surabondant.
Autre résultat significatif, l’âge de l’adoption : au moment de l’arrivée en
France, les petites filles qui présenteront une puberté pathologique seront
âgées en moyenne de 6,15 ans (contre 5,48 pour le groupe témoin, p = 0,01).
La fréquence de cette pathologie est nettement plus élevée chez les petites
filles originaires d’Afrique que dans les autres continents.
Après l’adoption, on constate que la vitesse de croissance staturale, pendant
les six premiers mois dans leur nouvelle famille, est aussi un élément d’alerte,
tout comme l’accélération rapide de l’âge osseux. En revanche, peu d’indices
biologiques semblent prédictifs.
44 Puberté précoce

4.1 Diagnostics différentiels

Un des grands dangers, dans le suivi des enfants adoptés, est de trop vouloir
généraliser. L’adoption inquiète, l’adoption interroge, mais plus encore elle
fascine et d’aucuns souhaiteraient que la pathologie qu’ils ont vue chez un
enfant adopté se retrouve dans l’ensemble de cette population. Cela se voit
dans le champ psychologique, où les troubles de l’attachement, le malaise dû
à la quête des origines, même s’ils sont bien réels, sont trop souvent exagérés.
Cela devient aussi le cas pour la puberté précoce. Si son oubli, ou son déni,
peuvent avoir des conséquences dramatiques sur la taille des enfants, il ne
s’agit pas du seul cas d’explosion de la croissance chez les enfants adoptés, et il
faut éviter les diagnostics par excès. Si la fréquence des pubertés pathologiques
nécessitant un traitement a été estimée à 26 % [13] pour les sujets à risque,
c’est-à-dire les petites filles adoptées entre les âges de 4 et 8 ans, cette catégorie
d’âge et de sexe, ne représente qu’environ 5 % du total des enfants adoptés. Il
y a donc d’autres diagnostics à envisager quand la croissance s’emballe.

Rattrapage staturo-pondéral simple


Beaucoup d’enfants adoptés à l’étranger présentent, à leur arrivée, une
taille relativement petite par rapport à nos courbes de référence françaises.
Les causes en sont multiples : ethniques, conséquences des séquelles d’une
alcoolisaon fœtale…, mais la principale étiologie reste la dénutrition. Les
enfants adoptés sont issus des milieux les plus défavorisés et souffrent sou-
vent, dès leur conception, de malnutrition. Ensuite, la plupart des orphelinats
et institutions des pays du tiers-monde n’auront pas les moyens de nourrir
convenablement les enfants qui leur sont confiés. À ce manque de moyens, se
rajoute une énorme prévalence des parasitoses digestives, qui majore encore
cette dénutrition [15]. Une fois arrivés dans leur nouvelle famille, dans leur
nouveau pays, les petits adoptés bénéficieront d’un meilleur environnement,
avec une alimentation abondante, une éradication des parasites, qui permet-
tront un rattrapage. Si, dans les catégories à risque, celui-ci peut conduire à un
emballement et à une puberté précoce, dans la majorité des cas, après quelques
mois d’hyperalimentation et d’accélération de la courbe staturo-pondérale, on
assistera à un retour à la normale de l’appétit et de la croissance.

Puberté avancée des petites filles adoptées


Un certain nombre de petites filles, quel que soit l’âge de leur adoption,
peuvent aussi présenter des pubertés qui, sans être véritablement patholo-
La puberté précoce des enfants adoptés et ses diagnostics différentiels 45

giques, sans avoir des conséquences sur la taille finale, débuteront tout de
même trop tôt, et pourront générer des troubles psychologiques. L’étiologie est
probablement ethnique. Dans la plupart des pays du tiers-monde, les petites
filles ont tendance à débuter leur puberté plus tardivement qu’en Europe, du
fait de phénomènes de dénutrition endémique. Mais il a été démontré (parti-
culièrement en Inde) qu’avec une alimentation suffisante, la puberté survenait
alors plus tôt que chez les petites Européennes [4]. L’hypothèse est celle d’une
adaptation séculaire à ce retard pubertaire dû à la dénutrition. Pour toutes les
petites filles, la puberté débute à un poids starter ; si ce poids est globalement
le même, à l’intérieur d’une ethnie donnée, il sera plus faible en Inde qu’en
Europe, afin que, malgré la dénutrition, la puberté ne tarde pas trop. Mais si
une petite fille, originaire d’Inde, d’Afrique ou d’une autre région moins favo-
risée, est adoptée et qu’elle bénéficie d’une alimentation adéquate, ce poids
starter sera atteint plus tôt et une puberté normale débutera plus précocement.
S’il n’y a, dans ce cas, pas de conséquences sur la taille finale, mais juste dans
le déroulé de la puberté, un traitement peut toutefois être proposé, plus à visée
psychologique. En effet, il n’est pas toujours facile, alors qu’on est déjà diffé-
rente de ses petits camarades par son histoire, par ses différences ethniques, de
l’être à nouveau par l’apparition trop rapide de caractères sexuels secondaires.

Nanisme psychosocial
Quoique bien connue des pédiatres, cette pathologie n’est cependant pas tou-
jours facile à objectiver. Dans la correction de cette maladie, l’accélération de la
croissance sera majeure, plus rapide que devant un rattrapage nutritionnel, et
une puberté pathologique peut être suspectée. Après leur adoption, les enfants
sont en phase de guérison pour cette maladie. Il est alors difficile de l’objectiver,
si ce n’est parfois en constatant un taux élevé d’hormone de croissance. Le dia-
gnostic est souvent fait secondairement, quand, après quelques mois, l’enfant,
ayant appris le français, décrit les sévices subis avant son adoption.

Erreur d’âge
D’aucuns ont systématiquement relié un début pubertaire trop précoce,
chez des enfants adoptés, à une erreur d’âge, parfois qualifiée de tricherie [10,
11]. Il est effectivement normal qu’une enfant adoptée à un âge officiel de
6 ans, mais qui aurait réellement 9 ans, débute, dans l’année qui suit son
adoption, une puberté. Sans l’exagérer, ce diagnostic doit rester présent dans
les pensées de ceux qui suivent des enfants adoptés. De telles erreurs existent,
qu’elles soient volontaires (dans le but de rendre l’enfant plus facilement
adoptable en le « rajeunissant ») ou non (dans des pays où l’état-civil est
46 Puberté précoce

inexistant), mais l’hypothèse d’une erreur d’état-civil doit cependant rester


4.1 un diagnostic d’élimination [5].

En conclusion, surveillance attentive de la croissance et de l’âge osseux

L’adoption est une période de grands bouleversements, dans une jeune


existence déjà bien perturbée. Si certains examens, comme la recherche de
dénutrition, de séquelles d’intoxications (plomb, alcool), de pathologies
infectieuses, mais aussi la prévention d’une puberté précoce, doivent être
faits dès l’arrivée en France, il est indispensable de laisser du temps à l’enfant
pour s’adapter, et ne pas le traumatiser par des investigations inappropriées,
lourdes et trop précipitées.
Une fois encore, les enfants adoptés nous montrent leur grande diversité, alors
qu’il serait tentant de généraliser tous leurs problèmes. Plus encore que nos
autres petits patients, ils ont besoin de soins attentifs, de surveillance bienveil-
lante et d’une expérience clinique avérée.
Il est finalement assez aisé de différencier la puberté précoce des autres causes
de croissance rapide. Cette différenciation est importante, car contrairement
aux autres diagnostics, la véritable puberté précoce nécessite une prise en
charge rapide, au risque d’hypothéquer la croissance et la taille finale.
Qu’il s’agisse d’un simple rattrapage nutritionnel, de nanisme psychoso-
cial, de puberté avancée, ou d’erreur d’âge, dans tous les cas, la croissance
et la maturation osseuses seront rapides, mais d’évolution parallèle. Seule la
puberté précoce des petites filles adoptées montrera une progression de l’âge
osseux plus rapide que la croissance. Cette particularité fait son danger, mais
permet aussi son diagnostic. Il est donc essentiel, en particulier pour les sujets
à risque : petites filles adoptées après l’âge de quatre ans, de faire réaliser au
plus tôt, dès leur arrivée en France, une radiographie d’âge osseux qui pourra
servir de référence, mais aussi de surveiller scrupuleusement l’évolution de la
croissance et l’éventuelle apparition de caractères sexuels secondaires.
L’âge osseux reste donc l’examen clé. Son interprétation doit être prudente,
il ne faut pas y voir la preuve objective de l’âge réel de l’enfant. Du fait de la
dénutrition, la plupart des enfants ont souvent un à deux ans de retard sur
leur âge osseux par rapport à leur âge réel. C’est son évolution, trois, six ou
douze mois plus tard, en fonction de l’évolution de la croissance ou de l’appa-
rition de signes pubertaires, qui sera un outil indispensable. Une accélération
de l’âge osseux par rapport à la croissance permettra d’objectiver le diagnos-
tic de puberté précoce plutôt que d’autres étiologies et, comme pour toute
puberté précoce d’origine centrale, de proposer un traitement par agonistes
de la GnRH.
La puberté précoce des enfants adoptés et ses diagnostics différentiels 47

De manière parallèle, une surveillance scrupuleuse de la croissance s’impose.


Celle-ci doit s’effectuer grâce à des mesures fréquentes et à l’utilisation de
nos courbes de référence françaises. Les courbes staturo-pondérales des pays
d’origine sont rarement disponibles et pas toujours fiables. Le critère primor-
dial de surveillance est, d’ailleurs, plus le côté dynamique de la courbe que
l’aspect statique d’une taille à un moment donné.

Références

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4. Puberté précoce des enfants dans des situations particulières

Puberté et retard
de croissance intra-utérin (RCIU) 4.2
M. Cartigny-Maciejewski

Points essentiels
s Il est bien établi que la malnutrition fœtale à des périodes critiques de la grossesse a
des répercussions sur le développement futur.
s Une prise de poids rapide pendant l’enfance est associée à une maturation pubertaire
plus précoce, et ce, d’autant plus qu’il existe un RCIU.
s Les patients RCIU qui ont eu un gain pondéral rapide et une pubarche prématurée
sont plus à risque de développer une insulinorésistance et les complications qui y
sont associées. Ils doivent être particulièrement surveillés.
s L’adrénarche, la pubarche et la puberté des enfants nés RCIU sont normales pour
la grande majorité d’entre eux. L’âge moyen du démarrage pubertaire est parfois
avancé et, en cas de petite taille, la puberté avancée peut impacter la taille finale. Le
pic de croissance pubertaire est parfois réduit et le tempo pubertaire accéléré. La
taille finale est souvent inférieure à la taille cible.
s Quelques études ont montré une altération des fonctions gonadiques avec un risque
à l’âge adulte d’hypofertilité.

Introduction

Depuis plusieurs décennies, les données expérimentales chez l’animal et


les enquêtes épidémiologiques chez l’Homme ont montré l’influence de la
nutrition fœtale sur notre état de santé pendant l’enfance et à l’âge adulte.
Chez l’animal, les études expérimentales ont bien montré l’existence d’un
« programme » intra-utérin pour la croissance, le gain pondéral, la puberté,
les fonctions métaboliques et endocriniennes [1]. L’adaptation du fœtus à des
conditions de malnutrition in utero pendant des périodes critiques de son déve-
loppement implique des modifications de ce programme (reprogrammation)
avec pour conséquences des altérations des voies métaboliques, des fonctions

M. Cartigny-Maciejewski (!) – Hôpital Jeanne De Flandre. CHRU, 2, avenue Oscar Lambret,


59037 Lille Cedex – [email protected]
Sous la direction de C. Bouvattier et C. Pienkowski, Puberté précoce.
ISBN : 978-2-8178-0520-7, © Springer-Verlag Paris 2014
50 Puberté précoce

physiologiques notamment endocriniennes et de la croissance [1, 2]. Ce « phé-


4.2 notype d’épargne » permet au fœtus de survivre. Mais, associé à certains facteurs
environnementaux périnataux notamment nutritionnels et probablement aussi
à une prédisposition génétique, il augmente le risque à l’âge adulte de patho-
logies chroniques : obésité, insulinorésistance, diabète, HTA, dyslipidémies,
syndrome métabolique… Cette « reprogrammation » pourrait aussi avoir un
impact sur la puberté en modifiant son timing et son tempo.

Puberté et adrénarche

Les études sur l’adrénarche, la puberté et la croissance pubertaire dans le


RCIU restent limitées [3-6], et souvent sans distinction entre les RCIU pour
le poids, les RCIU pour la taille, les RCIU avec ou sans croissance de rat-
trapage postnatale et sans prise en compte de l’évolution séculaire de l’âge
pubertaire et de l’âge de la ménarche [7].
La plupart des études épidémiologiques n’ont pas noté de différence signifi-
cative pour l’âge de l’adrénarche et de la puberté des enfants nés RCIU, com-
parés à la population générale [8, 9]. L’étude française (cohorte de Haguenau)
de 236 RCIU (taille de naissance et/ou poids de naissance < 3e p) a montré
que la puberté chez les filles démarre à un âge normal et que l’âge moyen de
la ménarche est comparable à la population de filles nées eutrophes [9]. Dans
cette même étude, la différence en DS entre la taille adulte et la taille prépu-
bertaire est la même dans les deux groupes (RCIU/eutrophes) suggérant que
la taille adulte dans le RCIU n’est pas influencée par la puberté et que le pic
de croissance pubertaire est normal.
D’autres études rapportent néanmoins un démarrage pubertaire avancé, une
diminution modérée du pic de croissance pubertaire et l’apparition des pre-
mières règles 5 à 10 mois plus tôt que l’âge moyen [10-12]. Dans son étude
longitudinale, Persson a suivi des enfants nés entre 1973 et 1977 jusqu’à l’âge de
16 ans. Les garçons nés RCIU pour la taille et/ou pour le poids démarrent leur
puberté à un âge moyen comparable aux garçons nés eutrophes de 12,1 ans
(± 1,1). En revanche, les filles RCIU entrent en puberté 5 mois plus tôt que les
filles eutrophes à 10,6 ans (± 1,2) versus 11,1 ans (± 1). La ménarche survient
4 mois plus tôt à 12,7 ans (± 1,1) versus 13,1 (± 1). Dans cette étude, seules les
filles nées RCIU pour le poids ont un démarrage pubertaire et une ménarche
plus précoces. Ainsi, plus que la taille de naissance, un poids de naissance
inférieur à –2DS est associé à une puberté plus précoce [11].
Dans son étude de suivi longitudinal d’une cohorte indienne urbaine, Ghirri
a noté aussi un démarrage pubertaire à un âge moyen de 9,9 ans et l’appari-
tion des premières règles à un âge moyen de 11,9 ans soit 12 mois plus tôt en
moyenne que la population de référence [13].
Puberté et retard de croissance intra-utérin (RCIU) 51

Si la puberté survient le plus souvent à un âge normal, sa progression est


souvent rapide [14]. Dans ce contexte, la maturation osseuse n’est prédictive
ni du démarrage pubertaire ni de la taille finale, de sorte que son évalua-
tion dans le RCIU n’est pas recommandée [15]. Tous ces facteurs (démarrage
pubertaire avancé, tempo accéléré, réduction du pic de croissance pubertaire),
associés souvent à la petite taille prépubertaire, contribuent à une réduction
de la taille finale [4, 14, 16].
Le gain pondéral postnatal est aussi un déterminant important du timing
pubertaire [17]. Dans la population générale, on sait qu’une prise de poids
importante et rapide pendant l’enfance est un facteur de maturation puber-
taire plus précoce. Les mécanismes impliqués sont encore mal connus. Chez
les RCIU avec un petit poids de naissance, la normalisation rapide du BMI au
cours des deux premières années est associée à une adiposité centrale, facteur
d’insulinorésistance. Les modifications hormonales induites par l’insulinoré-
sistance vont avoir un impact important sur la croissance et le développement
pubertaires [18]. Ainsi, chez les RCIU avec un petit poids de naissance, une
augmentation rapide du poids, notamment au cours des six premiers mois,
est associée à une adrénarche prématurée, une puberté et une ménarche plus
précoces [19-21]. Des taux élevés d’androgènes surrénaux, déhydroépiandros-
térone (DHEA) et son sulfate (DHEAS), ont été retrouvés chez des enfants de
8 ans nés avec un petit poids de naissance qui avaient présenté un rattrapage
pondéral postnatal rapide [19]. En revanche, l’âge de l’adrénarche et les taux
sériques de DHEAS pour les RCIU sans rattrapage pondéral ne sont pas dif-
férents de la population générale.
Même si aucune des études publiées ne décrit la puberté en détail chez les
enfants nés RCIU, on peut dire que dans la majorité des cas celle-ci démarre
à un âge normal. Elle est parfois avancée, compromettant la taille finale chez
les enfants RCIU restés petits. Les RCIU pour le poids sont probablement
plus à risque de puberté avancée et d’adrénarche prématurée que les RCIU
pour la taille, notamment ceux dont la prise de poids postnatale est rapide.
Enfin, aucune de ces études ne rapporte de puberté précoce chez les enfants
RCIU. L’ethnie, la population de référence, les conditions nutritionnelles et
environnementales sont impliquées également dans ces variations de timing
et de tempo pubertaires dans le RCIU, ce dont il faut aussi tenir compte.

Fonction ovarienne

Dans la littérature, les données concernant la fonction ovarienne dans


le RCIU sont encore limitées. Aucune étude ne rapporte dans le RCIU une
baisse de la fertilité ou une plus grande fréquence de ménopause précoce.
52 Puberté précoce

Dans une population particulière du nord de l’Espagne, L. Ibanez a rapporté


4.2 une association entre pubarche précoce, hyperandrogénie ovarienne et petit
poids de naissance [21]. Elle a retrouvé également une adrénarche exagérée
associée à un hyperinsulinisme dans un groupe d’adolescentes nées avec un
faible poids de naissance [22]. Ces études suggèrent une possible association
entre la croissance fœtale, l’hyperinsulinisme, l’occurrence d’une adrénarche
précoce, d’une hyperandrogénie ovarienne et d’un syndrome des ovaires
micropolykystiques (SOMPK) [23]. Une autre étude brésilienne menée chez
des femmes adultes, nées RCIU et eutrophes, a montré une prévalence du
SOMPK multiplié par 2 dans le groupe RCIU [24]. L’origine ethnique pour-
rait influencer la fréquence de la prémature pubarche, de la puberté précoce
et du SOMPK chez ces jeunes filles. Ces données n’ont pas été confirmées sur
une population plus large de RCIU d’ethnies différentes.
Dans une population d’adolescentes nées RCIU, L. Ibanez a également rap-
porté une diminution du volume ovarien et de la taille de l’utérus et une
augmentation de LH et de FSH [25].

Fonction testiculaire

Là encore, les données de la littérature sont restreintes. Dans une étude ita-
lienne comparant en période postpubertaire des garçons RCIU et des garçons
eutrophes, Cicognani a montré dans le groupe RCIU une baisse significative
de la testostérone plasmatique (diminution moyenne de 21 %) et une aug-
mentation du taux de LH indiquant une atteinte de la fonction leidigienne.
Il a retrouvé également une diminution significative du volume testiculaire
(diminution moyenne de 28 %) évoquant une atteinte sertolienne. Dans cette
étude, 54 % des patients RCIU ont un volume testiculaire < –2DS c’est-à-dire
inférieur à 16 mL. Leurs taux d’inhibine B sont abaissés également de façon
significative, corrélés au volume testiculaire et témoignant d’une atteinte de la
spermatogenèse [26].

Conclusion

L’adrénarche, la pubarche et la puberté des enfants nés RCIU sont normales


pour la grande majorité d’entre eux indiquant que les influences rapportées
des facteurs prénataux et postnataux sont subtiles. L’âge moyen du démarrage
pubertaire est parfois avancé. En cas de petite taille, la puberté avancée peut
impacter la taille finale. Quelques études ont montré une réduction du pic de
croissance pubertaire et un tempo pubertaire accéléré.
Puberté et retard de croissance intra-utérin (RCIU) 53

Les RCIU avec faible poids de naissance et gain pondéral postnatal rapide sont
plus à risque d’adiposité centrale, d’insulinorésistance et de modification du
timing et du tempo pubertaires. Ils devront donc être plus particulièrement
surveillés.
Il existe une possible association entre adrénarche prématurée, hyperandro-
génie ovarienne, hyperinsulinisme, SOMPK et petit poids de naissance.
Les fonctions reproductrices pourraient être altérées.

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4. Puberté précoce des enfants dans des situations particulières

Particularités de la puberté
des enfants irradiés 4.3
C. Thomas-Teinturier, I. Oliver-Petit

Points essentiels
s La puberté est plus souvent avancée que précoce et rapidement évolutive.
s Chez la fille, le risque est majoré après radiothérapie cérébrale d’autant qu’elle
survient avant 5 ans.
s Chez le garçon, l’insuffisance sertolienne post-chimiothérapie masque le début de
puberté avec un volume testiculaire qui n’augmente pas.
s L’évaluation du pronostic de taille par les méthodes classiques est mis en défaut.
s La taille finale est réduite du fait de l’association fréquente à un GHD et/ou à une
irradiation spinale : dépistage précoce et traitement doivent être discutés.

Introduction
Les progrès thérapeutiques faits en oncologie pédiatrique ont permis d’aug-
menter significativement la survie à long terme des enfants et de reconnaître
les complications des traitements de nombreuses années après la guérison.
Aujourd’hui, environ 75 à 80 % des enfants traités pour un cancer survivront
plus de cinq ans. On estime qu’environ 1/1 000 jeunes adultes âgés de 20 à
30 ans a survécu à un cancer de l’enfance et doit faire face aux complications
induites par les traitements. Le déclenchement de la puberté est un phénomène
complexe dépendant de l’axe hypothalamo-hypophysaire, et une atteinte de
cet axe, en particulier après une irradiation incluant la région hypothalamo-
hypophysaire, peut altérer le timing et/ou le tempo de la puberté.
Dans ce chapitre, nous ne traiterons pas des pubertés précoces révélatrices d’une
tumeur qui sont détaillées dans le chapitre des étiologies des pubertés précoces,
mais uniquement des avances pubertaires observées après radiothérapie cérébrale.

C. Thomas-Teinturier1 (!), I. Oliver-Petit2 – 1. Endocrinologie-diabétologie pédiatrique,


APHP – Hôpital du Kremlin-Bicêtre, 78, rue du Général Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre Cedex
[email protected]. 2. Unité d’endocrinologie, génétique, maladies osseuses et gyné-
cologie. Hôpital des enfants, TSA70034 – Toulouse Cedex 09
Sous la direction de C. Bouvattier et C. Pienkowski, Puberté précoce.
ISBN : 978-2-8178-0520-7, © Springer-Verlag Paris 2014
56 Puberté précoce

4.3 Données de la littérature

Chez les survivants d’un cancer dans l’enfance, la survenue d’une puberté
précoce centrale est associée à l’irradiation de la région hypothalamo-hypo-
physaire. Une augmentation de l’incidence de puberté précoce secondaire à
l’irradiation cérébrale est rapportée depuis longtemps chez les survivants de
leucémie aiguë lymphoblastique qui avaient reçu une irradiation cérébrale à
des doses de 18 à 24 Gy pour la prophylaxie des rechutes neuroméningées
[1-3]. Bien que ce type d’irradiation prophylactique ait été remplacé depuis
une vingtaine d’années chez l’enfant par le Méthotrexate® à haute dose et
la chimiothérapie intrathécale, environ 10 à 15 % des enfants traités pour
une leucémie ou un lymphome malin non hodgkinien reçoivent encore une
irradiation cérébrale entre 12 et 20 Gy. Depuis la première publication d’une
association entre ces faibles doses d’irradiation cérébrale et l’augmentation
de l’incidence de puberté précoce et/ou prématurée en 1987, plusieurs autres
études ont confirmé une avance d’environ un an en moyenne de l’apparition
des premiers signes pubertaires et montré une nette prédominance chez les
filles [1, 2]. Le jeune âge au moment de l’irradiation, le sexe féminin et le
surpoids semblent les principaux facteurs de risque chez ces survivants d’hé-
mopathies. En revanche, le début de la puberté ne semblait pas plus précoce
chez les garçons après ces doses d’irradiation.
Des études similaires chez les survivants de tumeur cérébrale ayant reçu des
doses d’irradiation plus élevées ont confirmé l’avance de l’âge de la puberté
qui n’est pas restreinte aux filles [4, 5]. Parmi 47 survivants d’une tumeur
cérébrale non localisée dans la région hypothalamo-hypophysaire, ayant reçu
une irradiation à des doses allant de 30 à 47 Gy, les garçons comme les filles
ont tendance à démarrer leur puberté plus tôt, 9,9 " 0,98 ans chez les filles et
10,9 " 0,7 ans chez les garçons [6]. De plus, il existe une corrélation linéaire
positive entre l’âge au moment de l’irradiation et l’âge de début de la puberté,
c’est-à-dire plus l’enfant est jeune au moment de l’irradiation, plus le début
de la puberté survient tôt [4]. Cette avance de l’âge de la puberté chez les
garçons après irradiation pour une tumeur cérébrale a été confirmée par
les dosages hormonaux dans un groupe de 13 garçons, objectivant un âge
médian de début de puberté de 10,5 ans alors qu’il est de 12,4 ans dans la
population de référence [7].
L’autre point essentiel est la possibilité d’une modification du tempo de la
puberté avec une puberté rapidement évolutive. Ceci a été mis en évidence par
certaines études avec des premières règles qui surviennent moins de 18 mois
après le début du développement des seins ou un passage rapide au stade Tan-
ner 4 pour les garçons [2, 8] mais non retrouvé par toutes les équipes [6, 9].
Dans un groupe de 10 filles ayant reçu une irradiation cérébrale à la dose de
Particularités de la puberté des enfants irradiés 57

18 Gy, alors que la poussée mammaire est survenue au même âge que chez les
contrôles (âge moyen : 10 ans 3 mois " 6 mois dans les deux groupes), l’inter-
valle moyen entre le début de la poussée mammaire et les premières règles
était nettement raccourci, 13 mois en moyenne avec des extrêmes allant de 4
à 21 mois. L’âge moyen aux premières règles était de 11 ans 3 mois " 10 mois
chez les patientes ayant reçu une irradiation cérébrale versus 12 ans 1 mois
" 14 mois chez les contrôles [8].
Il ressort donc de la littérature que l’irradiation de la région hypothalamo-
hypophysaire à des doses modérées est associée à une augmentation du risque
d’avance de l’âge de la puberté et de puberté rapidement évolutive, alors que
des doses élevées supérieures à 50 Gy sont associées à une augmentation
du risque d’insuffisance gonadotrope. Mais qu’en est-il de l’incidence des
pubertés réellement précoces ?

Données épidémiologiques

Les seules données épidémiologiques disponibles proviennent des études


de cohorte de survivants d’un cancer pédiatrique, en particulier la cohorte
américaine CCSS, mais aussi la Dutch Late effects Study Group et la Children’s
Cancer Group Leukemia Follow-up Study [10-13]. Comme il s’agit d’études
rétrospectives de cohortes basées sur des auto-questionnaires, seules ont été
publiées les données concernant l’âge des premières règles qui est habituelle-
ment rapporté avec une bonne fiabilité.
L’âge moyen des premières règles chez 949 survivantes de leucémie aiguë
lymphoblastique est de 12,3 "1,7 ans comparé à 12,7 " 1,5 chez les témoins
(p < 0,001). Le risque d’avoir des règles précoces (avant 10 ans) est aug-
menté en cas de radiothérapie cérébrale quelle que soit la dose (OR = 6,2,
95 % CI 2,1-18,5) et de traitement avant l’âge de 5 ans (OR = 4,9, 95 % CI 1,7-
13,8). L’incidence des premières règles précoces après radiothérapie cérébrale
dans cette population est rapportée autour de 5,8 % comparée à 1,2 % chez
les contrôles [10].
Parmi 235 survivantes de tumeur cérébrale, l’âge des premières règles est
avancé à 11,9 " 2,1 ans comparé à 12,7 " 1,5 chez les témoins (p < 0,0001) et
11,9 % d’entre elles ont eu leurs premières règles avant 10 ans comparé à 1 %
chez les témoins (OR = 14, 95 % CI 6,9-30,9). Ce taux monte à 14,5 % si la
région hypothalamo-hypophysaire a reçu plus d’1 Gy (OR = 3,8, 95 % CI 1,2-
16,5). Le jeune âge au traitement (avant 5 ans) est associé à un risque signifi-
cativement augmenté de premières règles précoces (OR = 4 ; 95 % CI 1,7-10)
[11]. La dose d’irradiation reçue par la région hypothalamo-hypophysaire est
associée à une augmentation du risque de premières règles avant 10 ans chez
58 Puberté précoce

les survivantes de tumeur cérébrale ou de leucémie, y compris pour des doses


4.3 inférieures à 20 Gy, et bien qu’il y ait une tendance significative à l’augmen-
tation de ce risque avec l’augmentation de la dose d’irradiation, les risques ne
semblent pas très différents (tableau I).

Tableau I – Risque de premières règles précoces chez les survivantes d’une


tumeur cérébrale ou d’une leucémie dans la cohorte CCSS. Modèle multivarié
(d’après Armstrong [11]).

Odds Ratio 95 % CI
Dose d’irradiation reçue par la région hypothalamo-hypophysaire (Gray)
1-< 20 4,25* 1,88-12,28
20-< 30 3,55* 1,42-9,7
30-< 50 4,01* 1,3-13,27
> 50 5,68* 1,57-22,1
Pas de radiothérapie cérébrale (référence) 1,00 –
Âge au diagnostic (ans)
0-4 4,06* 2,09-8,58
5-9 (référence) 1,00 –
Type de tumeur
Leucémies 0,34 0,11-1,11
Tumeurs cérébrales (référence) 1,00 –
* Valeur statistiquement significative (p < 0,05).

L’augmentation du risque d’avance de l’âge des premières règles après irradia-


tion cérébrale est retrouvée dans la cohorte Danoise et pour Mill mais sur de
plus petits effectifs et pour des doses d’irradiation de 18 Gy [12, 13].

Physiopathologie

La physiopathologie de ce phénomène n’est pas élucidée. Des essais chez


le rat femelle ont mis en évidence une activation précoce de la puberté (mise
en évidence par la précocité de l’ouverture vaginale, l’augmentation du taux
d’œstradiol et la montée de la LH après stimulation par le GnRH) survenant
après irradiation crânienne à faibles doses (5 à 6 Gy) avant l’âge de 16 jours.
L’activation prématurée du générateur de pulses de GnRH pourrait être
secondaire aux lésions postradiques des neurones inhibiteurs [14].
Particularités de la puberté des enfants irradiés 59

Pourquoi l’hypothalamus des filles serait-il plus sensible aux effets délétères des
radiations ? Étant donné que la puberté précoce centrale idiopathique est plus
fréquente chez les filles que chez les garçons, il a été postulé que le contrôle céré-
bral du timing de la puberté chez la fille serait plus sensible que chez le garçon et
pourrait être atteint plus facilement. Néanmoins son mécanisme physiologique
reste inconnu. Il est aussi possible que le début pubertaire n’ait pas été diagnos-
tiqué chez les garçons survivants d’un cancer pédiatrique en raison du faible
volume testiculaire secondaire à l’insuffisance sertolienne post-chimiothérapie.

Particularités cliniques

Le diagnostic et la prise en charge des pubertés précoces, ou simplement pré-


maturées, des enfants irradiés précédemment sont d’autant plus importants
qu’elles mettent en jeu de façon préoccupante le pronostic statural de ces
enfants déjà altéré [4, 6]. Le diagnostic clinique précoce est souvent mis en
défaut par des particularités subtiles dans leur présentation clinique qu’il faut
connaître et anticiper [15].
Chez la fille, le développement mammaire reste le premier signe d’une
puberté précoce centrale. Chez le garçon, l’augmentation du volume testicu-
laire, premier signe clinique de début de puberté, est essentiellement liée au
développement des cellules des tubes séminifères ; or celles-ci peuvent être
altérées par la chimiothérapie reçue, particulièrement les agents alkylants,
ou la radiothérapie. Chez ces garçons traités pour des tumeurs malignes, et
dont les schémas thérapeutiques ont associé chimiothérapie et radiothérapie,
le volume testiculaire n’est pas un bon marqueur du début de la puberté ;
les testicules peuvent rester petits malgré une sécrétion endogène significative
de testostérone. Seul le dosage systématique de la testostérone plasmatique
matinale et des gonadotrophines permettent un diagnostic précoce [16]. Les
autres signes de démarrage pubertaire doivent aussi être recherchés, en par-
ticulier l’accélération de la croissance. Malheureusement, chez ces enfants,
celle-ci est souvent inexistante en raison de l’association concomitante à un
déficit en hormone de croissance (GHD). Ce déficit est d’autant plus précoce
et fréquent que la dose d’irradiation sur la loge hypophysaire est élevée : près
de 85 % des enfants irradiés sur la région hypophysaire ont un déficit en
hormone de croissance cinq ans après leur traitement et presque 100 % dans
les suites d’une irradiation de plus de 30 Gy [16, 17]. Si ce déficit n’est pas
connu et substitué, l’accélération de la vitesse de croissance concomitante du
début pubertaire n’est pas présente et le pic pubertaire amputé. Par ailleurs, la
puberté précoce peut, en maintenant une vitesse de croissance apparemment
normale prépubertaire, masquer le ralentissement de croissance du GHD et
60 Puberté précoce

conduire à un retard diagnostique tant de la puberté précoce que du GHD


4.3 avec retentissement sur la taille finale [18].
Chez les enfants ayant subit une irradiation spinale associée à l’irradiation
cérébrale, les lésions directes des cartilages de croissance vertébraux limitent
la croissance du rachis ; ainsi la part rachidienne du pic pubertaire est réduite,
ce qui contribue à la petite taille finale, en particulier chez les garçons [16, 19,
20]. Tous ces effets conjugués des traitements anticancéreux contribuent au
pronostic de taille péjoratif de ces enfants.
Il faut aussi être particulièrement attentif au caractère parfois rapidement
évolutif de la puberté dans ce contexte, responsable d’un pic statural puber-
taire écourté et de faible amplitude. Il est probable que le diagnostic clinique
difficile et retardé de ces pubertés précoces les fasse évaluer à tort dans cer-
tains cas comme des pubertés simplement avancées. Les critères d’âge retenus
par rapport aux indications de traitement pourront donc être pondérés.

Diagnostic positif

Le diagnostic biologique repose sur le dosage des stéroïdes sexuels et


des gonadotrophines après stimulation par LHRH, avec élévation de la LH,
comme pour toute puberté précoce. Des taux de base élevés de FSH peuvent
être retrouvés, liés à la toxicité gonadique de la chimiothérapie [4]. Chez les
filles, l’échographie pelvienne est bien sûr informative.
L’estimation de l’âge osseux avec la mise en évidence d’une accélération de la
maturation osseuse peut être un bon critère paraclinique de dépistage et de
surveillance d’une puberté précoce ou prématurée chez ces enfants irradiés.
Cependant, chez les enfants les plus jeunes, ou chez ceux qui ont un déficit en
hormone de croissance associé, l’âge osseux peut de façon trompeuse rester
en retard [4]. L’évaluation du pronostic de taille finale est difficile chez ces
enfants, en particulier lorsqu’ils ont reçu une irradiation spinale, et son calcul
par la technique de Bayley et Pinneau surestime toujours la taille finale.
Compte-tenu de l’histoire naturelle au cours du temps de l’apparition des
déficits hypophysaires après irradiation cérébrale [21], un déficit gonadotrope
peut survenir dans les suites d’une puberté précoce centrale [4]. Cette infor-
mation devra être donnée aux familles dès le diagnostic.

Prise en charge

Le traitement de la puberté précoce centrale repose sur les analogues de la


GnRH qui sont développés dans le chapitre sur le traitement de cet ouvrage
Particularités de la puberté des enfants irradiés 61

(chapite 7). Son intérêt sur l’amélioration du pronostic de taille est d’autant
plus recherché que celui-ci est déjà péjoratif chez les enfants irradiés du fait
du GHD fréquemment associé, du défaut de croissance rachidienne et de la
rapidité évolutive de cette puberté. L’amélioration de la taille finale de ces
patients avec le traitement par analogue de la GnRH a été démontrée dès
2002 [22] ; les résultats sont d’autant meilleurs en termes de réduction de
perte de taille que le traitement est associé à la prise en charge précoce et
concomitante du GHD [23, 24]. Les enfants, en l’absence d’irradiation spinale
associée, atteignent ainsi des tailles finales proches de leur taille cible avec un
gain estimé moyen de 18 cm par rapport aux non traités. Ce gain est beau-
coup plus faible dans le groupe des enfants ayant reçu une irradiation spinale,
seulement 3,2 cm en moyenne. Dans ces séries portant sur de petits effectifs,
les critères de début de traitement par analogue de la GnRH étaient toujours
une puberté centrale confirmée par un test au LHRH, à un âge moyen de
8 ans 2 mois ± 1,95. En retardant la soudure des cartilages de croissance, avec
des traitements prolongés (durée moyenne de 4,4 ans), il améliore la réponse
au traitement par GH [24]. Chez les enfants ayant reçu une radiothérapie
spinale complémentaire, la précocité du traitement et le sexe féminin appa-
raissent comme des déterminants positifs sur l’amélioration de la taille finale
[20] mais le traitement par hormone de croissance semble aggraver la dispro-
portion squelettique finale [24].
Lors d’une avance pubertaire chez un enfant irradié, il est important de
prendre en compte tous les critères pour décider éventuellement d’un traite-
ment par analogue de la GnRH : l’âge civil, la taille au diagnostic, un déficit
hypophysaire associé, l’avance de maturation osseuse, le caractère rapidement
évolutif de la puberté, la notion de radiothérapie spinale mais aussi bien sûr
le retentissement psychoaffectif de la maladie initiale, des signes pubertaires
avancés, du retard statural ainsi que d’un éventuel déficit cognitif séquellaire.
Les critères d’âge habituellement retenus pour l’indication du traitement par
analogues de la GnRH doivent être élargis chez les enfants irradiés.
La durée du traitement sera adaptée à chaque situation et tiendra compte de
ces mêmes éléments et de leur évolution sous traitement.
À l’arrêt du traitement, il faut garder en mémoire pour les enfants ayant
subi une radiothérapie avec une dose supérieure à 30 Gy le risque d’insuf-
fisance gonadotrope secondaire. Il convient donc de suivre l’évolution des
signes pubertaires. Certains auteurs ont proposé pour les garçons ayant un
très mauvais pronostic statural, d’associer alors l’hormone de croissance et les
inhibiteurs de l’aromatase [25]. Si théoriquement cette association peut sem-
bler intéressante, il n’y a pas à l’heure actuelle de résultats d’études cliniques
dans cette indication, ni de recommandation consensuelle [26].
Au diagnostic et tout au long du traitement par analogue de la GnRH, le GHD
ainsi qu’un éventuel déficit thyréotrope associés doivent être dépistés et traités.
62 Puberté précoce

À titre préventif, tous les enfants ayant reçu une irradiation cérébrale doivent
4.3 faire l’objet d’une surveillance clinique systématique et régulière pour dépis-
ter une avance pubertaire ; celle-ci doit être couplée à un dosage des gona-
dotrophines et des stéroïdes sexuels et un monitorage de la maturation
osseuse [15].

Conclusion

L’irradiation avance l’âge de la puberté mais la puberté précoce vraie est rare,
moins de 15 % des cas. Son dépistage peut être difficile chez les garçons en
raison de la faible augmentation du volume testiculaire liée à la toxicité de
la chimiothérapie. Cette avance pubertaire, même si il ne s’agit pas d’une
réelle précocité pubertaire, met en jeu le pronostic statural en raison de son
association à un déficit en hormone de croissance, à un défaut de croissance
vertébrale secondaire à l’irradiation spinale et de son caractère rapidement
évolutif. Son traitement par analogues de la GnRH doit être discuté au cas
par cas.

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Diagnostic clinique et biologie
des pubertés précoces centrales 5
J. Léger, J.-C. Carel

Points essentiels
s La puberté précoce centrale est liée à la réactivation prématurée de l’axe gonadotrope.
Puberté précoce = développement des seins avant 8 ans ou augmentation du volume
des testicules avant 9,5 ans. Croissance presque toujours accélérée et âge osseux
avancé dans les pubertés précoces évolutives. Échographie pelvienne (fille) et mesure
des gonadotrophines de base et sous stimulation sont les examens clés du diagnostic.
Impact psychologique à évaluer.
s La réponse des gonadotrophines au GnRH est de type prépubertaire dans les formes
lentement progressives de pubertés précoces dont l’évolution clinique est variable,
soit vers la régression totale des signes pubertaires pour les plus jeunes, soit vers une
évolution lentement progressive de la puberté.
s Chez la fille, le plus souvent forme non évolutive de puberté ; risque de lésion
hypothalamique particulièrement faible quand la puberté commence entre 6 et
8 ans. Chez le garçon, puberté précoce le plus souvent d’origine centrale et fort
risque de lésion hypothalamique (# 40 %).
s Ne pas méconnaître les variantes de la normale que sont la prémature thélarche ou
pubarche ainsi que les pubertés précoces périphériques en relation avec syndrome de
Mac Cune Albright, hyperplasie congénitale des surrénales, testotoxicose et tumeurs
gonadiques : prise en charge radicalement différente.

La puberté précoce se définit comme l’apparition des signes cliniques


de la puberté, avant l’âge de 8 ans chez la fille et de 9,5 ans chez le garçon.
Cependant, le début de la puberté, et donc la définition de la puberté pré-
coce peuvent varier en fonction de variations environnementales (séculaire,
adoption, absence du père), nutritionnelles (indice de masse corporelle),
constitionnelles (génétique, ethnie) [1-3].
L’histoire naturelle de la puberté précoce, outre celle de la cause, est le déve-
loppement progressif des caractères sexuels secondaires, l’accélération de la
vitesse de croissance et de l’avance de la maturation osseuse qui entraîne une

J. Léger (!), J.-C. Carel – Université Paris 7-Diderot. Service d’endocrinologie pédiatrique,
Centre de référence Maladies endocriniennes de la croissance, Inserm UMR 676, Hôpital
Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris – [email protected]
Sous la direction de C. Bouvattier et C. Pienkowski, Puberté précoce.
ISBN : 978-2-8178-0520-7, © Springer-Verlag Paris 2014
66 Puberté précoce

fusion précoce des cartilages de conjugaison responsable, dans certains cas,


5 d’un déficit statural définitif [4].
L’expression clinique des pubertés précoces est polymorphe. À côté des formes
cliniques, dont l’évolutivité est évidente avec en l’absence de traitement un
déficit statural définitif, il existe des formes très lentement progressives et qui
ne compromettent pas le pronostic statural final. La reconnaissance de ces
différentes formes cliniques n’est pas toujours aisée lors de l’évaluation ini-
tiale. Elle est néanmoins très importante car elle permettra de moduler les
indications thérapeutiques [5-7].
L’hétérogénéité de la présentation clinique et de la définition de la puberté
précoce est expliquée par l’évolution progressive de la période de transition
vers la puberté. En effet, la pulsatilité de la LH est installée longtemps avant
la puberté et l’augmentation de l’amplitude des pics est le signe biologique
essentiel de la maturation pubertaire de l’hypophyse gonadotrope. Le test de
stimulation par la GnRH révèle de façon indirecte la sécrétion pulsatile endo-
gène de GnRH puisque celle-ci conditionne la réponse à la GnRH exogène.
Ces données physiologiques indiquent qu’il n’y a pas de limite nette entre
l’état pubertaire et prépubertaire, ce qui explique la fréquence des formes
« limites » de puberté précoce.

Diagnostic clinique

Les pubertés précoces centrales se manifestent par l’apparition progressive


des caractères sexuels secondaires : chez la fille, développement des seins, pilo-
sité pubienne, apparition des règles, chez le garçon, augmentation de la taille
des testicules puis de la verge, pilosité pubienne [8, 9] (voir Annexe). Ce déve-
loppement des caractères sexuels secondaires s’accompagne d’une accélération
de la vitesse de croissance staturale et d’une avance de la maturation osseuse,
qui est souvent très importante (supérieure à deux ans pour l’âge chronolo-
gique). Mais un seul de ces signes peut rester longtemps isolé et être source
de difficultés diagnostiques, surtout chez les filles où un développement isolé
des seins peut précéder de plusieurs mois l’apparition de la pilosité pubienne
voire l’accélération staturale et l’avance de la maturation osseuse. Il faut tou-
tefois noter que chez certains enfants, l’accélération de la vitesse de croissance
staturale précède l’apparition des caractères sexuels secondaires [10].

Évaluation clinique
Elle doit permettre d’orienter le diagnostic et d’envisager la discussion
thérapeutique.
Diagnostic clinique et biologie des pubertés précoces centrales 67

Interrogatoire
Il permet de préciser l’âge de début et la vitesse de progression des signes
pubertaires, les antécédents de l’enfant, sans oublier la notion d’une adoption
éventuelle, l’étude des paramètres néonataux (âge gestationnel, mensurations
à la naissance), le niveau et la vitesse de croissance de la taille et de l’indice de
masse corporelle), la taille et l’âge pubertaire des parents et collatéraux ainsi
que l’histoire familiale de puberté précoce ou avancée.
Il permet de rechercher une céphalée, des troubles visuels ou des signes neu-
rologiques (crises gélastiques), une asthénie, une polyuro-polydipsie, ainsi
que l’existence d’une pathologie chronique connue ou des antécédents de
radiothérapie cérébrale.
Examen clinique
Il permet de vérifier la taille (courbe de croissance), le poids (évaluation
d’une obésité ou au contraire d’une maigreur), d’évaluer le stade pubertaire
avec aussi chez la fille l’aspect d’œstrogénisation de la vulve, de rechercher
des taches cutanées en faveur d’une neurofibromatose (ou en faveur d’un
syndrome de Mac Cune Albright), des signes neurologiques (macrocéphalie,
nystagmus, amputation du champ visuel, déficit neurodéveloppemental) et
d’apprécier l’état neuropsychologique de l’enfant qui reste la préoccupation
majeure des familles qui consultent pour puberté précoce.
Au terme de cette évaluation
Au terme de cette évaluation, l’orientation vers une surveillance simple ou
vers des explorations complémentaires pourra être décidée. Les critères actuel-
lement utilisés pour orienter les explorations sont présentés dans le tableau I.

Tableau I – Suspicion de puberté précoce : quand faut-il explorer ?

Filles Garçons
Poussée mammaire vue strictement Augmentation du volume testiculaire avant l’âge de
avant 8 ans 9,5 ans
Pilosité pubienne avant 8 ans Pilosité pubienne avant l’âge de 9,5 ans
Poussée mammaire vue entre 8 et 9 ans ; Développement pubertaire vu autour de 10 ans ;
explorer dans certains cas seulement : explorer dans certains cas seulement :
sdébut pubertaire avant 8 ans (interrogatoire) sdébut pubertaire avant 9 ans et demi (interrogatoire)
svitesse de croissance > 6 cm/an, pronostic svitesse de croissance > 6 cm/an, pronostic
de taille inférieur à la taille cible familiale de taille inférieur à la taille cible familiale
sévolutivité clinique importante (passage sévolutivité clinique importante (passage
d’un stade à un autre en moins de 6 mois) d’un stade à un autre en moins de 6 mois)
sarguments cliniques pour une pathologie sarguments cliniques pour une pathologie
neurogène neurogène
sarguments cliniques pour une puberté sarguments cliniques pour une puberté précoce
précoce périphérique périphérique
Règles avant 10 ans
68 Puberté précoce

Dans les situations limites, il est important de noter que, si une surveillance
5 simple est décidée, la réévaluation attentive de l’évolution trois à six mois plus
tard reste nécessaire pour permettre d’apprécier la vitesse d’évolution de la
puberté et de la croissance.

Examens complémentaires
Ils comportent les dosages biologiques, l’évaluation de l’âge osseux (avance
de maturation osseuse d’importance variable), et les autres examens d’image-
rie que sont l’échographie pelvienne chez la fille et la neuro-imagerie.

Diagnostic biologique

Le diagnostic biologique de puberté précoce permet d’évaluer la sécrétion


des stéroïdes sexuels et ses mécanismes. Le diagnostic des pubertés précoces
centrales repose sur la démonstration de sécrétions des gonadotrophines de
type pubertaire avec la mise en évidence de l’activation des sécrétions gonado-
tropes et l’absence des marqueurs des précocités sexuelles non centrales [11].
Chez le garçon, la testostérone est un bon marqueur de la maturation testicu-
laire, à condition d’utiliser une méthode sensible, en pratique un dosage par
RIA. Chez la fille, le dosage d’œstradiol est peu informatif car la moitié des
filles initiant une puberté précoce centrale ont des taux d’œstradiol dans la
zone normale des valeurs des filles impubères. Il faut disposer d’une méthode
très sensible et seules les méthodes RIA répondent à cette exigence. De plus,
l’élévation de l’œstradiol est variable en raison de sa sécrétion fluctuante et
parfois intermittente. L’imprégnation œstrogénique est mieux appréciée sur
les données de l’échographie pelvienne montrant l’aspect œstrogénisé de
l’utérus et des ovaires [12].
Les taux de base des gonadotropines, si l’on utilise une méthode fluoromé-
trique ultrasensible, sont indicatifs et, en moyenne, significativement élevés
par rapport à ceux des enfants impubères [13]. Cependant, la valeur de base
de la concentration sérique de LH est bien plus sensible que celle de la FSH
[14-16]. La réponse au test à la GnRH est le gold standard du diagnostic de
puberté précoce centrale. Le test de stimulation par injection unique d’ana-
logues au LHRH peut aussi être utilisé [17, 18]. Le problème majeur reste la
définition du seuil de décision.
Dans les deux sexes, l’origine centrale de la puberté précoce est démontrée
par l’élévation des gonadotrophines hypophysaires. En effet, le mécanisme
de la puberté précoce est lié à une activation prématurée de l’axe hypotha-
lamo-hypophyse-gonades avec l’apparition d’une sécrétion pulsatile de la LH
Diagnostic clinique et biologie des pubertés précoces centrales 69

et l’augmentation de la sécrétion des gonadotrophines hypophysaires de base


et après stimulation par le LHRH. Avant et au début de la puberté, le pic de
FSH est supérieur au pic de LH. Durant et après la puberté, le pic de LH est
prédominant. En cas de puberté précoce centrale, la valeur de la concentration
sérique de LH de base est $ 0,3 IU/L et de LH après stimulation $ 5 IU/L [4, 19].

Place de l’imagerie dans l’évaluation des pubertés précoces

Échographie pelvienne
L’échographie pelvienne par voie abdominale permet de mesurer, avec des
critères de taille et de morphologie, le degré d’imprégnation œstrogénique
des organes génitaux internes. Une longueur utérine supérieure à 35 mm est
le premier signe d’œstrogénisation. La morphologie est également importante
puisque d’une forme prépubère « en goutte », l’utérus devient tubulé puis
« en poire » avec un renflement du fond utérin. La mesure du volume uté-
rin peut permettre d’améliorer la fiabilité de l’examen (prépubère % 2 mL).
Secondairement apparaît la ligne de vacuité utérine, témoin de l’épaississe-
ment de l’endomètre. La taille des ovaires et le nombre de follicules ne sont
pas un critère de développement pubertaire [12, 18, 20].

Neuro-imagerie
La neuro-imagerie est indispensable dans l’exploration étiologique des
pubertés précoces centrales confirmée par la biologie. L’imagerie par réso-
nance magnétique (IRM) est l’examen de choix dans l’étude de l’encéphale
et de la région hypothalamo-hypophysaire, même si son indication a pu être
discutée dans les pubertés précoces isolées de la petite fille de plus de 6 ans
qui représentent la majorité des cas [21, 22].

Au terme de cette analyse


Au terme de cette analyse, la démarche diagnostique doit donc permettre
de définir le caractère évolutif de la précocité pubertaire et de différencier
l’étiologie centrale ou périphérique de la puberté précoce.
En effet, il a été démontré que les filles avec puberté précoce idiopathique
présentaient dans un grand nombre de cas une puberté très lentement pro-
gressive, voire parfois régressive, avec un pronostic statural final qui restait
conservé lors de l’évolution et une taille finale normale proche de leur taille
cible parentale [5, 6]. L’abstention thérapeutique est justifiée dans la majorité
70 Puberté précoce

des cas puisque la puberté évolue lentement avec des premières règles qui
5 surviennent en moyenne 5,5 ans après le début des signes cliniques puber-
taires et une taille finale normale en relation avec la taille cible parentale.
Néanmoins, dans certains cas (1/3 des sujets), une détérioration du pronostic
statural final peut apparaître au cours de l’évolution parallèlement avec l’ap-
parition de signes biologiques francs d’œstrogénisation. Par conséquent, la
surveillance clinique des enfants pour lesquels l’abstention thérapeutique est
justifiée lors de l’évaluation initiale doit être systématique au moins jusqu’à
l’âge de 9 ans pour dépister les filles qui pourraient nécessiter secondairement
un traitement freinateur de la puberté précoce.
Les pubertés précoces périphériques sont totalement indépendantes de l’axe
hypothalamo-hypophysaire et donc de la sécrétion des gonadotrophines et que
la production de stéroïdes en excès provienne des gonades ou des surrénales.
Cependant, elles peuvent aussi favoriser l’activation de la maturation puber-
taire de l’axe gonadotrope et conduire à une puberté précoce centrale [4].

Pubertés variantes de la normale

La distinction entre puberté précoce et puberté normale n’est pas stricte.


La puberté peut revêtir différentes formes définies comme des variantes de la
normale qui posent souvent des problèmes de diagnostic différentiel et dont
la prévalence est importante [23-25].

Développement isolé prématuré des seins ou thélarche prématurée


Il s’agit du développement isolé des seins avant l’âge de 8 ans. Il existe
deux pics de fréquence de la thélarche prématurée : la période néonatale
marquée par l’activation gonadotrope qui peut se prolonger jusqu’à 2, voire
3 ans, et la période prépubertaire [20]. La thélarche prématurée se distingue
d’une puberté précoce par l’absence de développement de tout autre caractère
sexuel, par l’absence habituelle d’évolutivité du développement mammaire et
par l’absence d’accélération de la vitesse de croissance staturale et d’avance
importante de la maturation osseuse ($ 2 ans). L’échographie utérine per-
met, de façon simple, de vérifier l’absence de modification de l’utérus et des
ovaires. Aucune autre exploration ni aucun traitement ne sont nécessaires
et l’évolution est soit la persistance d’un développement mammaire modéré
(2/3 des cas), soit la régression (1/3 des cas). Néanmoins, un développement
isolé et prématuré des seins peut précéder l’apparition d’une puberté précoce
centrale qu’il ne faudra pas méconnaître en cas d’apparition d’autres signes
pubertaires et d’accélération de la vitesse de croissance staturale.
Diagnostic clinique et biologie des pubertés précoces centrales 71

Développement prématuré de la pilosité pubienne ou pubarche prématurée


Il s’agit de l’apparition d’une pilosité pubienne avant 8 ans chez la fille et
9 ans chez le garçon. Elle peut s’accompagner de signes cliniques d’hyperan-
drogénie : acné, pilosité axillaire, accélération de la vitesse de croissance. Elle
correspond à la puberté surrénalienne (adrénarche) et ne rentre pas dans le
diagnostic différentiel des pubertés précoces centrales. Les diagnostics diffé-
rentiels à éliminer systématiquement sont les tumeurs de la surrénale et les
formes non classiques de bloc en 21-hydroxylase [26, 27].

Formes lentement progressives de pubertés précoces


Elles se présentent cliniquement comme des pubertés précoces, avec déve-
loppement des caractères sexuels secondaires et avance modérée de l’âge
osseux. À l’échographie, l’utérus peut montrer un début d’imprégnation
œstrogénique. Cependant, la réponse des gonadotropines au GnRH est de type
prépubertaire. La surveillance de ces formes de pubertés précoces a démontré
qu’un traitement par les agonistes de la GnRH n’était pas indiqué puisque
l’évolution se fait, soit vers la régression totale des signes pubertaires pour les
plus jeunes, soit vers une évolution lentement progressive de la puberté [5, 6].
Le tableau II donne les éléments d’orientations qui permettent de différencier
les formes évolutives des formes lentement progressives de puberté précoce.

Tableau II – Arguments permettant de différencier une puberté précoce


vraie d’une forme lentement progressive.
Puberté précoce Puberté précoce
évolutive lentement progressive
Passage d’un stade à un autre en Régression spontanée
Signes cliniques
moins de&6 mois des signes
Clinique
Vitesse de croissance Accélérée : > 6 cm/an Normale pour l’âge
Âge osseux En général avancé d’au moins 2 ans Variable
Longueur > 34 mm ou volume > 2 mL Longueur % 34 mm
Utérus Forme renflée en poire Arrondi, en goutte
Échographie
Ligne de vacuité présente et totale
Ovaires Peu contributif Peu contributif
Œstradiol (RIA ++) Peu contributif Peu contributif
Pic de LH après stimu- Dans la zone
Dans la zone pubère
Biologie lation par la GnRH prépubère
Utile si valeur franchement élevée
Dosage de LH de base Pas de valeur définitive
et dans la zone pubère
72 Puberté précoce

5 Aspects psychosociaux

Les aspects psychosociaux des pubertés précoces sont la préoccupation


majeure des familles qui consultent pour puberté précoce alors que les méde-
cins sont en général focalisés sur les aspects étiologiques et staturaux. L’évalua-
tion psychologique révèle habituellement un QI normal, avec cependant un
QI performance plus faible que le QI verbal. Les patientes sont en moyenne
plutôt solitaires, avec un score d’isolement élevé, et une tendance à la dépres-
sion. Elles sont essentiellement préoccupées par leur apparence alors que les
parents sont inquiets de la survenue des règles. Les conséquences psychoso-
ciales à long terme des pubertés précoces sont actuellement mal connues de
même que l’insertion psychosociale des patientes ayant été traitées pour une
puberté précoce [28, 29].

Conclusion

La connaissance des différentes formes cliniques des pubertés précoces est


déterminante pour poser l’indication thérapeutique ou l’abstention du trai-
tement freinateur.
Les aspects psychologiques liés à la précocité pubertaire doivent également
être évalués lors de la prise en charge de ces patients.

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Diagnostics étiologiques
des pubertés précoces centrales 6
R. Coutant

Points essentiels
s L’activation prématurée de la production pulsatile de GnRH hypothalamique peut
résulter de lésions hypothalamiques (puberté précoce centrale organique d’origine
tumorale ou d’autre origine), mais le plus souvent elle est d’origine inconnue
(puberté précoce centrale idiopathique).
s Dans les séries rapportées de puberté précoce chez la fille, la prévalence de lésions
organiques a été comprise entre 8 et 33 %, et diminue à près de 2 % lorsque la
puberté précoce débute après l’âge de 6 ans.
s Les hamartomes hypothalamiques représentent 30-50 % des causes organiques de
puberté précoce, et les gliomes des voies optiques 20-40 % (associés à une NF1 dans
2/3 des cas).
s Il est recommandé d’effectuer systématiquement une IRM crânienne devant toute
puberté précoce centrale, et devant les pubertés avancées s’il existe des signes
associés, car plusieurs séries ont rapporté des causes organiques, tumorales, même
dans les limites normales de la puberté.

Les pubertés précoces centrales correspondent à l’activation prématurée


de la production pulsatile de GnRH hypothalamique. Cette activation pré-
maturée peut résulter de lésions hypothalamiques (puberté précoce centrale
organique d’origine tumorale ou d’autre origine), mais le plus souvent elle
est d’origine inconnue (puberté précoce centrale idiopathique). Dans cette
dernière situation, on peut évoquer l’influence de facteurs génétiques (muta-
tions génomiques), épigénétiques, ou environnementaux (interrupteurs hor-
monaux), mais dans la plupart des cas, le (ou les) facteur(s) déclenchant(s),
s’il(s) existe(nt), demeure(nt) inconnu(s). Les principales étiologies sont
indiquées dans le tableau I [1, 2] et seront développées ci-dessous.

R. Coutant (!) – Endocrinologie pédiatrique, CHU Angers, 40, rue Larrey, 49100 Angers –
[email protected]
Sous la direction de C. Bouvattier et C. Pienkowski, Puberté précoce.
ISBN : 978-2-8178-0520-7, © Springer-Verlag Paris 2014
76 Puberté précoce

Tableau I – Les étiologies des pubertés précoces centrales


6
Causes Manifestations Examens
Lésions hypothalamiques
Hamartome Association possible avec une IRM
hypothalamique épilepsie : Masse au niveau du plancher du
scrises gélastiques avec accès de rires ; 3e ventricule, iso-intense au tissu nor-
sépilepsie focale ; mal, sans rehaussement après admi-
scrises tonico-cloniques généralisées nistration de produit de contraste
Tumeur hypothalamique Maux de tête possibles, anomalie IRM
Gliome des voies visuelle (acuité, modifications du Masse se rehaussant après admi-
optiques ou de champ visuel) nistration de produit de contraste,
l’hypothalamus, Altérations cognitives impliquant les voies optiques
associé ou non à une (chiasma, nerfs ou voies optiques)
Signes et symptômes de déficit ante- ou l’hypothalamus seul (dans le cas
neurofibromatose de ou post-hypophysaire (diminution
type 1 d’astrocytome ou de gliome), l’hypo-
de la vitesse de croissance, frilosité, thalamus et la tige pituitaire (dans le
Astrocytome, fatigue, polyurie ou polydipsie) cas d’une tumeur germinale)
épendymome Si la tumeur est associée Signes d’hypertension intracrânienne
Pinéalome à une neurofibromatose, (dilatation ventriculaire)
Tumeur germinale d’autres caractéristiques de la
neurofibromatose (neurofibromes Détection de '-hCG dans le sang ou
Craniopharyngiome cutanés, taches café au lait, nodules le LCR (tumeur germinale)
(rare) de Lisch) Altération des dosages hormonaux
Granulomatose antéhypophysaires, hypernatrémie
(diabète insipide central)
Malformations du Éventuels déficits neuro- IRM
système nerveux développementaux, macrocrânie L’IRM montre la lésion causale
central impliquant (kystes arachnoïdiens) Altération des dosages hormonaux
l’hypothalamus Anomalie visuelle (acuité, champ antéhypophysaires, hypernatrémie
(kyste arachnoïdien visuel), nystagmus, obésité (diabète insipide central),
suprasellaire, dysplasie hyperprolactinémie
septo-optique, Signes possibles d’insuffisance
myélomeningocèle, hypophysaire antérieure ou
postérieure (diminution de la vitesse
de croissance, frilosité, fatigue,
polyurie ou polydipsie)
Lésion intracrânienne Histoire personnelle IRM
traumatique Signes possibles d’insuffisance Séquelle en rapport avec la lésion
(traumatisme crânien), hypophysaire antérieure ou initiale
infectieuse (méningite), postérieure Peut être normale
anoxique (souffrance
périnatale), irradiation
crânienne
Exposition précoce à des agents environnementaux ou
endogènes modifiant l’activation pulsatile du GnRH
Exposition précoce à des IRM normale
stéroïdes gonadiques ou
surrénaliens (hyperplasie
des surrénales, tumeur
surrénalienne, puberté
précoce périphérique)
ou à des stéroïdes
gonadiques exogènes
Diagnostics étiologiques des pubertés précoces centrales 77

Causes génétiques
Anomalie monogénique IRM normale
de la voie de la
kisspeptine (mutation de
la kisspeptine ou de son
récepteur)
Mutation de MKRN3
Sd de Williams
Disomie uniparentale
maternelle du Chr 14
Risque de puberté précoce IRM normale
Adoption internationale
« idiopathique » 10 à 20 fois plus fort
Idiopathiques IRM normale

Fig. 1 – Hamartome du plancher du 3e ventricule chez une fille de 2 ans et 4 mois.


78 Puberté précoce

6 Démarche étiologique :
faut-il faire une IRM crânienne à toutes les pubertés précoces ?

Face à une puberté précoce d’origine centrale chez la fille, la démarche


étiologique est dominée par l’imagerie. Du fait de l’âge plus précoce de
démarrage pubertaire repéré aux États-Unis comme en Europe [3-6], la ques-
tion de l’âge auquel l’imagerie n’est plus nécessaire (car on se trouverait dans
les limites physiologiques normales) a été posée. Cependant, les causes orga-
niques de puberté précoce centrale sont dominées par les tumeurs, et la pra-
tique facile, sinon systématique, d’une IRM crânienne devant une puberté
précoce reste conseillée. Plus concrètement, les études portant sur des grandes
séries de pubertés précoces ont montré que des causes organiques, tumorales,
pouvaient être détectées même dans les limites normales de la puberté [7-10].
Ceci est compréhensible, puis ces limites ont été définies statistiquement, la
puberté précoce concernant par définition entre 0,5 et 3 % de la population
(selon que l’âge limite retenu correspond à – 3 ou – 2 DS de l’âge moyen).
Il n’est pas étonnant que d’authentiques causes organiques de démarrage
pubertaire puissent être trouvées, même dans le cadre des pubertés avancées,
non précoces. D’une manière générale, la fréquence des causes organiques
augmente avec le jeune âge, mais n’est pas nulle lorsqu’on franchit la limite
d’âge entre puberté précoce et puberté normale. Dans les séries rapportées de
puberté précoce chez la fille, la prévalence de lésions organiques a été com-
prise entre 8 et 33 %, et diminue à près de 2 % lorsque la puberté précoce
débute après l’âge de 6 ans [7, 11].
Dans les pubertés précoces d’origine centrale, la sémiologie qui guide-
rait vers une cause tumorale correspond d’une part à celle liée au volume
tumoral (symptomatologie visuelle, signes d’hypertension intracrânienne),
à l’altération des autres fonctions hypothalamo-hypophysaires (mais l’asso-
ciation d’une activation organique de l’axe hypothalamo-hypophyso-gona-
dique, avec un déficit des autres axes est finalement peu fréquente), ou à
des signes propres à la maladie causale (tâches cutanées dans la neurofibro-
matose).
La pratique aujourd’hui consiste à effectuer systématiquement une IRM crâ-
nienne devant toute puberté précoce centrale, et à l’effectuer dans les puber-
tés avancées s’il existe des signes associés. Cette pratique, facile, de l’IRM
crânienne contraste avec ce qui est fait dans les retards de pubertés (parce
que les tumeurs responsables d’un retard de puberté entraînent également
une altération des autres axes facile à mettre en évidence et que les hypo-
gonadismes hypogonadotropes isolés ne sont pas d’origine tumorale, et ne
requièrent pas une imagerie crânienne avec le même degré d’urgence que les
pubertés précoces).
Diagnostics étiologiques des pubertés précoces centrales 79

Causes

Hamartomes hypothalamiques (fig. 1 et tableau I)


Ils sont la cause la plus fréquente de puberté précoce centrale organique,
représentant près de 30-50 % des causes organiques de puberté précoce cen-
trale [12, 13]. L’âge médian au diagnostic est de 2,7 années [12], mais une
puberté précoce en rapport avec un hamartome a déjà été décrite chez un
enfant de 3 mois. Une prise pondérale excessive a été décrite dans 25 % des cas,
une accélération staturale dans plus de 80 % des cas (en rapport avec l’intensité
de la puberté). Il n’y a pas d’autre anomalie endocrinienne. Les hamartomes
responsables de puberté précoce sont plus gros, et plus souvent en contact avec
l’infundibulum ou le tuber cinereum que ceux n’entraînant pas de puberté
précoce. La physiopathologie de la puberté précoce reste mal comprise. On a
évoqué l’expression ou la production en excès dans l’hamartome de GnRH,
GnRH receptor (GnRHR), TGFalpha, KISS1, GPR54, ou GRM1A (un récep-
teur du glutamate), mais les études comparant les hamartomes associés ou
non à une puberté précoce ont donné des résultats contradictoires [14, 15].

Gliomes des voies optiques


Ils représentent près de 20-40 % des pubertés précoces centrales orga-
niques [12, 13]. L’âge médian au diagnostic est de 7 à 8 ans. Une prise pon-
dérale excessive est observée dans 50 % des cas, plus rarement une cachexie
10 % [12]. L’association à une NF1 est retrouvée dans 60 à 80 % des cas, et
la NF1 était connue avant le diagnostic de puberté précoce dans presque la
moitié des cas. Chez des sujets présentant une NF1, la survenue d’une puberté
précoce se produit dans 5-10 % des cas [16] : on considère que la survenue
d’une puberté précoce chez un enfant avec NF1 est toujours associée avec une
tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire [17].

Kystes arachnoïdiens
Ils représentent 5 à 10 % des pubertés précoces organiques [12, 13], peuvent
être associés à une obésité, des déficits hypophysaires, et souvent des signes
neurologiques (céphalées, HTIC).

Tumeurs germinales
Elles sont rarement une cause de puberté précoce centrale organique [12,
13, 18], plus souvent de puberté précoce périphérique chez le garçon. Le
80 Puberté précoce

signe endocrinien le plus fréquent est le diabète insipide central. Leur locali-
6 sation peut être pinéale, source de difficulté diagnostique avec le kyste pinéal,
retrouvé chez près de 10 % de la population normale [19].

Autres causes organiques


En dehors de l’irradiation crânienne, qui représente 10 à 20 % des pubertés
avancées ou précoces centrales organiques [20], les autres causes sont rela-
tivement rares, et ne correspondent pas à plus de quelques pour cents des
causes organiques. Les autres causes organiques de puberté précoce centrale
sont indiquées dans la tableau I, et/ou développées ailleurs dans cet ouvrage.

Exposition précoce à des stéroïdes gonadiques et surrénaliens


L’impact « sensibilisant » de l’exposition précoce à des stéroïdes gonadiques
ou surrénaliens sur l’axe gonadotrope a été supposé en raison de la fréquence
accrue de puberté précoce centrale chez les sujets ayant un syndrome de
Mc Cune Albright, une autonomie ovarienne, ou une hyperplasie congénitale
des surrénales. Expérimentalement, l’exposition de modèles animaux à des
stéroïdes gonadiques, y compris in utero, a été associée à une fréquence accrue
de puberté précoce centrale.
Ces observations sont également avancées à l’appui de l’action possible d’in-
terrupteurs hormonaux sur l’axe gonadotrope (ce sujet est traité ailleurs dans
cet ouvrage, et ne sera pas développé ici).

Causes génétiques monogéniques de puberté précoce centrale


Une unique observation de mutation activatrice R386P du récepteur de
la kisspeptine (GPR54) a été décrite associée à une puberté précoce centrale
chez une fille [21], mais la corrélation génotype-phénotype était imparfaite
puisque, dans cette famille, d’autres sujets porteurs de la même mutation
n’avaient pas eu de puberté précoce. Néanmoins, in vitro, cette mutation était
bien associée à une activation prolongée de la voie de signalisation après sti-
mulation par la kisspeptine.
Très récemment, plusieurs cas de puberté précoce familiale, dans cinq familles,
ont été associés à une mutation du gène MKRN3 (locus 15q11-q13 du syn-
drome de Prader Willi, soumis à empreinte) : toutes les mutations étaient de
type inactivatrice, et héritées du père (en accord avec l’empreinte parentale
paternelle du locus à l’origine du syndrome de Prader Willi). L’expression
de la protéine MKRN3, dans le noyau arqué chez la souris, a été montrée
Diagnostics étiologiques des pubertés précoces centrales 81

comme variant avec la puberté (détectable avant la puberté, son expresssion


s’effondrait avec celle-ci) [22].
Ces anomalies sont détaillées ailleurs dans cet ouvrage.

Un mot des pubertés précoces idiopathiques


Elles représentent entre 65 et 98 % des pubertés précoces centrales chez la
fille. Associées par définition à une IRM normale, elles correspondent soit à
un extrême de la normale, soit à l’action de facteurs pas toujours bien identi-
fiés (nutrition, interrupteurs hormonaux, facteurs psychologiques, autres…),
soit, enfin, à l’influence combinée de ces facteurs sur un fond génétique de
prédisposition.
Ces approches explicatives sont actuellement du domaine de la recherche.
Dans ces situations, l’enjeu pour le clinicien est de traiter de manière appro-
priée ces pubertés précoces et, surtout, d’éviter de traiter par excès des puber-
tés peu actives, dont l’effet sur la croissance serait de toute manière peu
marqué, et qui n’entraîneraient pas de problème d’ordre psychologique. Les
indications du traitement freinateur sont traitées ailleurs dans cet ouvrage.

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Prise en charge thérapeutique :
traitement par les analogues de la GnRH 7
C. Bouvattier

Points essentiels
s Le traitement de la puberté précoce centrale fait appel aux analogues de la GnRH.
s La prise en charge thérapeutique d’une puberté précoce centrale se discute sur des
critères cliniques d’évolutivité et des critères biologiques (LH).
s L’indication thérapeutique est assujettie au risque de petite taille adulte, de règles
précoces et à des critères de tolérance psychologiques mal évalués.

La question du tempo du développement pubertaire est un motif fréquent


de consultation en endocrinologie pédiatrique. Une puberté est dite précoce
si le début pubertaire survient avant 8 ans chez les filles et 9 ans chez les
garçons. La puberté précoce est le plus souvent centrale (PPC), dépendante
des gonadotrophines. Son incidence annuelle est bien difficile à apprécier :
de 1/100 000 chez les petites Espagnoles [1] à 15/100 000 chez les Danoises,
toujours 10 à 15 fois plus fréquente chez les filles que chez les garçons [2]. Les
analogues de la GnRH sont utilisés dans le traitement des PPC depuis plus
de 30 ans [3].

Quand décider de l’indication du traitement ?

Sur quels critères cliniques ?


Si la consultation initiale est proche des premiers signes pubertaires (seins
> S2 chez les filles, volume testiculaire > 4 mL chez les garçons), l’évolutivité

C. Bouvattier (!) – Hôpital Bicêtre. Service d’endocrinologie pédiatrique, 78, rue du Général-
Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre Cedex – [email protected]
Sous la direction de C. Bouvattier et C. Pienkowski, Puberté précoce.
ISBN : 978-2-8178-0520-7, © Springer-Verlag Paris 2014
84 Puberté précoce

de la puberté doit être analysée, 3 à 6 mois avant toute décision thérapeu-


7 tique. En effet, sont décrites, dans les deux sexes, des pubertés ayant débuté
tôt, mais faiblement évolutives, et finalement sans retentissement sur le pro-
nostic de taille adulte [4-7]. L’appréciation de cette évolutivité est avant tout
clinique : rapidité du développement mammaire ou testiculaire, vitesse de
croissance. L’avance de la maturation osseuse n’est pas un critère strict d’évo-
lutivité, certains enfants ont une avance osseuse significative, une puberté peu
évolutive et cependant un bon pronostic de taille [4]. Bien évidement, en cas
de consultation plus tardive, après 6-9 mois d’évolution de la puberté, l’indi-
cation du traitement peut être immédiate. Certaines situations sont particu-
lières, comme la puberté précoce des enfants présentant un retard mental [8].
Chez ces enfants, quand la demande des parents est centrée sur les règles,
d’autres possibilités thérapeutiques que les analogues doivent être discutées
[9]. La puberté précoce des enfants adoptés est traitée dans un autre chapitre.

Sur quels critères biologiques ?


La LH, mesurée avec essai ultrasensible, est le plus utile paramètre biolo-
gique dans l’évaluation d’une puberté précoce centrale, si elle est mesurée avec
un seuil de détection proche de 0,1 UI/L [10, 11]. Des mesures aléatoires de la
LH ont été proposées comme alternative. Dans un groupe de 49 filles évaluées
pour PPC, une LH > 0,3 UI/L était spécifique à 100 % d’un pic de LH sous
GnRH > 5 UI/L [12]. Dans le sexe masculin, une LH de base distingue les
garçons prépubères (LH < 0,2 UI/L) des garçons pubères avec 100 % de sen-
sitivité et de spécificité [11]. Cela est moins vrai chez les filles : la moitié des
filles « normales » S2 ont une LH < 0,2 UI/L [10]. Dans l’analyse des 88 filles
atteintes de PPC d’une équipe danoise, 15 patientes (17 %) avaient une LH
indétectable (méthode ultrasensible Delfia) et un test à la GnRH pubère [11].
Même si, dans certaines cohortes, l’analyse des LH de base est parfois infor-
mative pour le diagnostic de PPC, il est admis que le test GnRH reste le gold
standard en France. Un pic atteignant 5 ou 8 UI/L suggère une PPC mais les
valeurs prépubères et de tout début de puberté se recouvrent [10]. Ce pic
pourrait être mesuré, après stimulation par la GnRH, avec un seul prélève-
ment à 30 minutes [13, 14]. Des valeurs au pic < 5 UI/L sont classiquement
dites prépubères [10, 11]. Une LH élevée de base peut donc être utilisée seule
pour le diagnostic de PPC [11, 14]. L’interprétation des valeurs de gonadotro-
phines chez les jeunes enfants de moins de 3 ans est plus difficile, en raison de
concentrations physiologiquement élevées à cet âge [14].
L’œstradiol (E2), mesuré le matin, avec un essai dont les limites de détection
sont adaptées aux valeurs pédiatriques est un dosage peu sensible pour le dia-
gnostic de PPC. Sa valeur prédictive d’une origine organique chez les filles
atteintes de PPC est discutée : l’E2 est normal chez la moitié des filles atteintes
Prise en charge thérapeutique : traitement par les analogues de la GnRH 85

de PPC organique, ce qui a permis de suggérer qu’un cut-off de 45 pmol/L


permet de distinguer PPC idiopathique et tumorale [15, 16]. Aucune étude
n’a évalué les concentrations d’œstradiol ultrasensible dans différents groupes
de filles consultant pour développement mammaire précoce (thélarche, PPC,
kystes ovariens par exemple), afin de voir si ces valeurs permettent d’en
différencier les étiologies.
La plupart des garçons ayant une PPC ont des valeurs de testostérone le matin
dans les valeurs pubertaires [17, 18].
L’inhibine B s’élève au moment de la puberté et diminue sous traitement
par les analogues de la GnRH [19]. Sa valeur diagnostique de PPC est moins
bonne que la LH [11].
L’AMH est produite par les follicules primordiaux et les petits follicules préan-
traux et antraux. Chez les filles « normales », l’AMH est très variable. Elle
n’est pas corrélée à l’âge du début de la puberté [20]. Dans un petit groupe
de patientes porteuses de PPC (n = 15), l’AMH (non différente de celle des
filles impubères du groupe contrôle) diminue de moitié après trois mois de
traitement par les analogues de la GnRH et se ré-élève une fois le traitement
interrompu [20].

Sur quels critères radiologiques ?


L’échographie pelvienne est un examen d’appoint intéressant. Les filles
atteintes de PPC ont un utérus et des ovaires plus développés que les filles
prépubères et les thélarches [21]. Un utérus est dit pubère si sa longueur est
supérieure à 35-40 mm (ou son volume > 2 mL) [22]. La mesure possible de
l’endomètre est très spécifique mais peu sensible. Un ovaire est pubère quand
son volume dépasse 1 mL [23].
La réalisation d’une IRM cérébrale est indispensable, d’autant plus que les
signes pubertaires sont précoces. Elle permettra un diagnostic étiologique
chez 8-33 % des filles [11, 16, 24] et 40-90 % des garçons [25]. Plus l’appari-
tion des signes pubertaires est précoce, plus le risque de pathologie intracrâ-
nienne est élevé. Le risque de tumeur est faible lorsqu’il existe une histoire de
pubertés précoces familiale ou que l’enfant est adopté.

Pourquoi proposer un traitement freinateur de la puberté ?

Les trois critères cités le plus fréquemment comme justifiant la thérapeu-


tique dans la puberté précoce centrale sont les suivants.
86 Puberté précoce

Risque de fermeture précoce des cartilages de croissance


7
et de petite taille adulte

Malgré l’utilisation des analogues de la GnRH depuis plus de 30 ans, aucun


essai randomisé contrôlé n’a évalué l’effet du traitement sur la taille adulte
comparé à des contrôles non traités. La majorité des papiers a comparé le
pronostic de taille, fait avant traitement et évalué par la méthode de Bayley-
Pinneau et la taille cible, à la taille finale atteinte sous traitement. La compa-
raison de groupes traités et de séries contrôles historiques évalue la « perte
staturale » à 20 cm chez une fille et 12 cm chez un garçon [26]. Il n’existe
pas de données claires concernant le bénéfice statural du traitement chez les
garçons, les cohortes étant trop petites, plus rares, ou basées uniquement sur
des tailles prédites [27, 28], mais il est admis que le traitement apporte un
bénéfice en termes de taille adulte chez les garçons ayant des signes puber-
taires évolutifs avant 9 ans [14]. Le gain statural calculé sur la taille prédite
est évalué à 3-10 cm [26]. Ce gain statural dépend de l’avance de matura-
tion osseuse présente au début du traitement et de la durée du traitement
[29]. Les filles ayant des signes pubertaires avant 6 ans bénéficient nettement
du traitement, avec un gain statural variable mais notable (environ 10 cm)
[29-34]. Quand la puberté débute entre 6 et 8 ans, le gain de taille est très
variable de 0 à 7,2 cm [30, 31, 35], en raison de l’hétérogénéité des groupes,
peut-être meilleur chez les filles ayant une puberté rapide et évolutive. Quand
les signes pubertaires débutent après 8 ans (puberté non précoce mais dite
avancée), le gain statural est nul [36].

Mauvaise tolérance de règles précoces chez les filles

Les règles précoces sont associées dans des études en population générale
à des comportements délictueux (toxicomanie, délinquance), des rapports
sexuels plus précoces à l’adolescence et un risque de grossesse précoce plus
élevé [37, 38]. Ces différences semblent s’atténuer à l’âge adulte [39].

Difficultés psychologiques liées à une puberté précoce

Ce risque présumé est très mal évalué, que ce soit isolément, comme
motif de prise en charge thérapeutique, ou associé au risque de petite taille.
Une étude suédoise rapporte dans les pubertés précoces des comporte-
ments antisociaux plus fréquents à l’adolescence et de moins bons résultats
scolaires [39].
Prise en charge thérapeutique : traitement par les analogues de la GnRH 87

Quels sont les traitements disponibles ?

Tous les analogues de la GnRH agissent via le même mécanisme : induire


des concentrations sériques continues constantes de GnRH (effet agoniste sur
les récepteurs de la GnRH hypophysaire) et donc contourner la pulsatilité
de la GnRH endogène. Le rationnel de l’utilisation de la sécrétion continue
de GnRH pour traiter la puberté précoce centrale est l’exposition prolongée
plutôt qu’intermittente des cellules gonadotropes hypophysaires. Les ana-
logues de la GnRH entraînent une activation initiale de l’axe gonadotrope
(flare) avant la désensibilisation des récepteurs hypophysaires aux gonado-
trophines et donc la suppression de la sécrétion de LH puis de FSH [40].
Le développement pubertaire est alors stoppé et l’action des stéroïdes sexuels
sur la maturation osseuse diminuée. Plusieurs analogues de la GnRH sont
disponibles, administrées par voie SC ou IM, sous forme mensuelle ou tri-
mestrielle. Un implant efficace 1 à 2 ans est disponible aux États-Unis. Les
préparations trimestrielles améliorent la compliance et une suppression de
l’axe gonadotrope chez la plupart des enfants [41, 42]. De nombreux essais
ouverts, non randomisés, longitudinaux ont démontré l’efficacité des analo-
gues de la GnRH sur la régression ou la stabilisation des symptômes, la sup-
pression de la réponse de la LH à la GnRH [42, 43]. Les concentrations de
stéroïdes sexuels chutent à des valeurs prépubères à trois mois de traitement
chez 96 % des filles et 70 % des garçons [44]. Aucun essai n’a comparé les
deux formes [40, 45].
Les analogues de la GnRH sont en général bien tolérés. 20 à 30 % des enfants
présenteront des effet secondaires : maux de tête ou des flush occasionnels
et de courte durée. Des abcès aseptiques ont été décrits chez 10-15 % des
enfants [41, 46].
Le poids augmente avec le traitement, aux dépens essentiellement de la masse
grasse mais des travaux longitudinaux montrent que la prévalence de l’obésité
n’augmente pas pendant ou après le traitement [14, 34, 47].
En cas de lésion du système nerveux central, le traitement de la lésion est évi-
demment primordial. Les hamartomes hypothalamiques ne doivent pas être
opérés, ils sont non évolutifs [48].

Quel suivi ce traitement implique-t-il ?

L’enfant sera vu en consultation tous les 3-6 mois. Sous traitement, la pro-
gression des seins ou du volume testiculaire stoppe. La pilosité pubienne, d’ori-
gine surrénalienne, n’est pas à surveiller. La vitesse de croissance se ralentit.
88 Puberté précoce

Des métrorragies peuvent survenir après la première injection. Elles sont liées
7 à l’effet initialement stimulant du traitement. La prescription d’acétate de
cyprotérone quelques semaines, pour son effet antigonadotrope, au début du
traitement, n’a pas démontré son efficacité sur le risque de métrorragie [49].
Leur récidive signe l’inefficacité du traitement ou une erreur diagnostique.
Les mesures de LH, œstradiol ou testostérone sous traitement, mettent en
évidence des valeurs prépubères pour l’essai utilisé [14]. L’hypo-œstrogénie
induite par le traitement entraîne parfois un tel ralentissement de la vitesse de
croissance que la poursuite du traitement doit être reconsidérée.

Quand stopper le traitement ?

Le moment optimal de l’arrêt du traitement n’est pas évalué. L’âge moyen


d’arrêt du traitement se situe autour de 11 ans, âge de la puberté physiolo-
gique. Des données rétrospectives suggèrent qu’un arrêt autour de l’age de
11 ans est associé à un pronostic de taille optimale [31]. Les règles surviennent
12 à 18 mois après l’arrêt du traitement. Les signes pubertaires réapparaissent
quelques mois après l’arrêt du traitement [50].

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Devenir à moyen terme
et à long terme des pubertés précoces centrales 8
C. Chao, S. Christin-Maitre

Points essentiels
s Le traitement par analogue de la GnRH est efficace sur la taille finale surtout lorsque
le traitement est initié avant l’âge de 6 ans.
s En moyenne, l’IMC des filles ayant eu une PPC et un traitement par agonistes de
la GnRH est plus élevé que celui de la population générale. Cependant, il existe
une grande variabilité des données.
s Un traitement à long terme par analogue de la GnRH ne semble pas altérer
la maturation osseuse finale post pubertaire.
s Un traitement à long terme par analogue de la GnRH ne semble pas altérer la fertilité
des femmes ou des hommes traités pendant l’enfance.
s Il existe très peu de données sur les évaluations psychologiques au long cours chez
les patients traités dans l’enfance par agonistes de la GnRH pour PPC.

L’impact essentiel de la puberté précoce centrale (PPC) non traitée est la


survenue d’une petite taille définitive. Depuis plus de 30 ans, les analogues de
la GnRH sont utilisés essentiellement pour améliorer le pronostic de la taille
adulte. Ce chapitre a pour but de faire le point sur les impacts, à l’adolescence
et à l’âge adulte, des traitements par agonistes de la GnRH. Les différents
paramètres évalués sont la taille finale, le poids, la composition corporelle, la
masse osseuse et enfin la fertilité, en distinguant d’une part les filles et d’autre
part les garçons ayant été traités pour une PPC.

Devenir sur la taille

Les études sont divergentes à propos de l’efficacité des agonistes de la GnRH


sur la taille finale (tableau I). En l’absence de traitement, la perte staturale est

C. Chao (!), S. Christin-Maitre – Service d’endocrinologie, Hôpital Saint-Antoine, Faculté


Paris VI, 184, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75012 Paris – [email protected]
Sous la direction de C. Bouvattier et C. Pienkowski, Puberté précoce.
ISBN : 978-2-8178-0520-7, © Springer-Verlag Paris 2014
94 Puberté précoce

Tableau I – Études incluant des filles atteintes de PPC traitées par analogues
8 de la GnRH

Âge moyen de début Taille cible Taille adulte


Auteur Année Pays n
du traitement (an) (cm) (cm)
Magiakou et al. [8] 2010 Grèce 33 7,92 158,75 158,5
Poomthavorn et al. [2] 2011 Thaïlande 47 8,3 155,8 158,6
Pasquino et al. [5] 2008 Italie 87 6,5 157,6 159,8
Tanaka et al. [10] 2005 Japon 63 7,7 154,9 154,5
Heger et al. [3] 2006 Allemagne 46 NR 163,8 162,2
Grande-
Paterson et al. [20] 2004 46 8,3 160,9 159,7
Bretagne
Lazar et al. [4] 2007 Israël 22 6,4 159,3 162,8

évaluée entre 12 à 15 cm si la PPC survient avant l’âge de 6 ans, et entre 6 à


7 cm si la PPC survient avant l’âge de 9 ans [1]. L’analyse des différentes séries
de patients montre que la taille adulte obtenue sous traitement est supérieure
à la taille prédite et proche de la taille cible dans la majorité des études. En
effet, la taille adulte obtenue est située entre 157 et 161 cm soit près de 10 cm
de plus que celle du groupe historique non traité.
L’étude de Poomthavorn et al. [2] a comparé 47 filles atteintes de puberté pré-
coce centrale traitées par analogues de GnRH pendant une durée moyenne de
3,4 ans à 11 filles non traitées. La taille adulte des filles traitées est significa-
tivement supérieure à celles des filles non traitées (158,6 cm versus 154,8 cm
p = 0,032). Les patientes traitées ont atteint une taille adulte, en moyenne
plus élevée de 2,6 cm au-dessus de leur taille cible (taille adulte obtenue
158,6 cm, taille cible 155,8 cm). La vitesse de croissance de 9 cm par an avant
le traitement a diminué à 4-4,5 cm par an durant le traitement.
À l’inverse, Heger et al. [3] ont rapporté une série de 46 femmes avec un anté-
cédent de PPC, traitées par analogues de GnRH, pendant une durée moyenne
de 5,6 ans dont la taille adulte moyenne était de 162,2 cm soit 1,6 cm infé-
rieure à la taille cible moyenne. Lazar et al. [4] ont décrit deux séries de
patientes atteintes de PPC. La première a inclus 22 filles dont le diagnostic
a été établi avant l’âge de 6 ans et dont le traitement, arrêté à un âge chro-
nologique moyen de 11-11,5 ans, a permis un gain moyen de la taille adulte
par rapport à la taille cible de 3,5 cm (162,8 vs 159,3 cm). La deuxième série
comprend 38 filles diagnostiquées entre l’âge de 6 et 8 ans dont le traite-
ment a permis un gain de taille plus faible, de 0,1 cm en moyenne. L’étude de
Pasquino et al. [5] a comparé 87 filles ayant une PPC, âgées en moyenne de
6,5 ans et traitées par analogues de la GnRH pendant une durée moyenne de
4,2 ans versus 32 non traitées. La taille adulte était de 159,8 cm dans le groupe
Devenir à moyen terme et à long terme des pubertés précoces centrales 95

traité versus 154,4 cm dans le groupe non traité (p < 0,01). Par ailleurs, le gain
statural chez les filles traitées était de + 2,2 cm par rapport à la taille cible
(159,8 cm versus 157,6 cm p < 0,01) et + 5 cm par rapport à la taille prédite.
Dans les différentes études, l’amélioration du pronostic statural est d’autant
plus élevée que le traitement est instauré précocement, notamment avant l’âge
de 6 ans [4-7]. Si le traitement est initié trop tardivement, le gain statural est
dérisoire. En effet, l’étude plus récente de Magiakou et al., comparant 33 filles
âgées en moyenne de 7,92 ans avec PPC, traitées par analogues de la GnRH,
versus 14 filles non traitées ayant un âge moyen de 7,95 ans, montre qu’il n’y
pas d’amélioration de la taille finale lorsque le traitement est initié aux alen-
tours de l’âge de 8 ans (158,5 cm versus 161,5 cm, p = 0,27) [8].
Le traitement par analogue de la GnRH semble donc préserver le potentiel
génétique de la taille, surtout lorsque le traitement est initié avant l’âge de
6 ans. Plusieurs équipes ont cherché des facteurs prédictifs pouvant influencer
la taille adulte chez les filles traitées par analogue de la GnRH. Les facteurs de
bon pronostic sont la petite taille en début de traitement, la taille prédite en
début et en fin de traitement. L’âge chronologique en début de traitement est
corrélé négativement avec la taille finale. Aucune corrélation n’est retrouvée
avec la durée du traitement. Pour le facteur « âge de début de la puberté »,
le cut off, avant l’âge de 6 ans serait important [4]. Il n’existe pas à ce jour de
critère établi pour décider de l’arrêt du traitement. Aucun n’est validé, ni l’âge
osseux, ni l’âge chronologique, ni le ralentissement de la vitesse de croissance.
La prise en charge est individuelle et tient compte de la taille souhaitée, de
l’adhérence au traitement, de la qualité de vie.
Chez le garçon, peu d’études ont évalué l’efficacité et les conséquences du
traitement par analogues de la GnRH sur la taille. Bien que les résultats soient
variables, la taille adulte obtenue sous traitement chez les garçons est amélio-
rée, dans toutes les études, par rapport à la taille des garçons non traités [9].
En Europe, les huit garçons rapportés par Carel et al., dont six avec PPC idio-
pathiques traités, ont obtenu une taille adulte supérieure de 1 cm à la taille
cible mais inférieure à 1,4 cm par rapport à la taille prédite [1]. Au Japon,
Tanaka et al. ont décrit 13 garçons traités par analogues de la GnRH pendant
une durée moyenne de 4,1 ans [10] ; ils ont atteint une taille adulte moyenne
inférieure à 4,4 cm par rapport à la taille cible (taille adulte 163,2 cm versus
taille cible 167,6 cm) avec un gain de taille par rapport à la taille prédite
faible. Dans d’autres études, le gain de taille par rapport à la taille prédite
peut s’élever jusqu’à 10 cm. Aux États-Unis, Klein et al. ont rapporté une
série de 18 garçons avec PPC, d’étiologie organique chez 15 garçons, traités
par analogues de GnRH [11] ; la taille adulte est plus basse que la taille cible
mais significativement plus élevée que la taille prédite de 15 cm. Une étude
multicentrique européenne, chez 26 garçons avec PPC, traités par analogue de
GnRH, a montré l’obtention d’une taille adulte significativement proche de la
taille cible. Comme chez la fille, il apparaît que le gain sur la taille adulte est
96 Puberté précoce

plus important lorsque le traitement est initié avant l’âge de 6 ans (174,1 cm
8 versus 171,8 cm, p < 0,01). Dans cette étude, la taille adulte n’est pas signi-
ficativement différente dans les deux groupes et tous les garçons atteignent
leur taille cible. Cette étude montre que, bien que la taille adulte soit supé-
rieure lorsque le traitement est entrepris à un âge jeune, des garçons plus âgés
peuvent aussi avoir des bénéfices du traitement. Par ailleurs, les garçons ayant
une PPC idiopathique atteignent une taille adulte proche voire égale à la taille
cible tandis que les garçons ayant une PPC d’origine organique atteignent
une taille adulte nettement inférieure à la taille cible (175,7 ± 6,5 cm versus
169,6 ± 5,1 cm, p < 0,01) [9].
Les relatives différences parmi les études peuvent être dues aux petits effectifs
de patients dans chaque étude, à l’hétérogénéité sur le plan des caractéris-
tiques auxologiques en début de traitement, à l’âge de début de traitement, à
l’étiologie de la puberté précoce centrale, aux différentes molécules et doses
utilisées, et d’autre part à la difficulté d’évaluer « un gain de taille » basé
selon les études sur la taille prédite selon la méthode Bayley Pinneau qui
surestimerait la taille finale vraie, sur la taille cible ou l’âge osseux.

Impact sur le poids à l’âge adulte

Physiologiquement, environ 50 % du poids adulte s’acquiert durant la


puberté. Lors du développement physiologique, l’indice de masse corporelle
(IMC) augmente durant la première année de vie, diminue les quatre années
suivantes et enfin augmente jusqu’à l’âge adulte. L’obésité pédiatrique peut
donc être ignorée vers l’âge de 6 ans devant une augmentation de l’IMC. Une
attention plus particulière doit être apportée aux filles atteintes de PPC. Les
variations de l’IMC après le traitement par agonistes de la GnRH restent un
sujet débattu. L’obésité ou la surcharge pondérale sont des signes fréquents au
moment du diagnostic de puberté précoce, avant même la mise en place d’un
traitement par analogue de la GnRH. Plusieurs séries ont évalué le Z score
de l’IMC. Ce score exprime l’IMC en fonction de l’âge avec une valeur nor-
male définie à 0. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a défini l’obé-
sité avec un Z score supérieur à 3 et le surpoids avec un Z score supérieur
à 2. Chez les patients avec une PPC, il existe une avance pondérale avec un
Z score de l’IMC supérieur à 1 [2, 7]. Il existe à ce jour, peu d’études évaluant
l’impact des agonistes de la GnRH sur le poids à l’âge adulte. Une prise de
poids excessive pourrait être liée à plusieurs mécanismes : au déficit œstro-
génique, à l’influence des analogues de la GnRH sur l’hypothalamus et/ou au
contrôle du poids par la leptine. Heger et al. [7] ont mis en évidence le fait
que l’obésité était fréquente chez les enfants atteints de PPC mais sans être
Devenir à moyen terme et à long terme des pubertés précoces centrales 97

en lien avec la suppression de l’axe gonadotrope induite par le traitement. En


revanche, Feuillan et al., retrouvent un effet synergique de la PPC et du traite-
ment par agonistes de la GnRH avec l’obésité chez les patientes ayant un IMC
élevé initialement et durant le traitement : cette condition persiste à l’arrêt du
traitement et progresse vers une obésité franche [12].
Des études suggèrent que l’augmentation de l’IMC chez les filles avec PPC
pourrait persister voire s’aggraver durant le traitement par analogue de
la GnRH, avec une évolution possible vers l’obésité, en particulier chez les
patientes atteintes d’hamartome [12]. Dans l’étude de Chiocca et al., la pré-
valence du surpoids n’est pas augmentée avant le début du traitement, et le
traitement n’aggrave pas le surpoids [13]. Un IMC plus élevé chez les filles
atteintes d’une PPC n’est pas constant et n’est pas aggravé par le traitement.
Une diminution significative de l’IMC, deux ans après l’arrêt du traitement
a même été rapportée dans l’étude de Van Der Sluis et al., bien que l’IMC
moyen reste toujours supérieur à la population moyenne au même âge [14].
En résumé, selon les études, ont été rapportées chez la fille, soit une augmen-
tation significative de l’IMC durant et après le traitement [12, 15, 16], soit
une diminution de l’IMC [17], voire une absence de variation du poids [8].
En moyenne, il existe cependant un IMC plus élevé chez les filles ayant eu une
PPC et un traitement par agonistes de la GnRH. La variabilité de ces données
suggère que des facteurs génétiques et environnementaux pourraient jouer un
rôle important dans les modifications de poids.
Chez le garçon, des résultats similaires ont été mis en évidence avec un
surpoids, avant même l’initiation du traitement. Palmert et al. montrent que
l’IMC est supérieur au 85e percentile chez environ 50 % des garçons traités
par analogues de GnRH à l’arrêt du traitement [18], mais 71 % de ces patients
avaient un IMC déjà supérieur au 85e percentile avant le début du traitement.
L’étude de Feuillan et al. donne une prévalence plutôt faible d’obésité avec un
garçon sur onze [19].

Retentissement sur la composition corporelle

Jusqu’à la puberté, il existe peu de différence entre les garçons et les filles
en ce qui concerne la composition corporelle : la masse maigre est équiva-
lente à la masse grasse. La composition corporelle se modifie nettement à la
puberté de façon physiologique en raison de l’imprégnation hormonale. Les
œstrogènes sont responsables de l’augmentation de la masse grasse. À l’âge
adulte, la masse grasse est deux fois plus importante chez la femme que chez
l’homme.
98 Puberté précoce

Le pourcentage de masse grasse, évalué par l’absorptiométrie à rayons X, est


8 initialement plus élevé chez les filles atteintes de PPC. Il augmente durant le
traitement et revient à son taux de base deux ans après l’arrêt du traitement.
En parallèle, la masse maigre diminue significativement durant le traitement.
Après une aggravation initiale de l’adiposité durant le traitement, le pour-
centage de masse grasse diminue jusqu’à atteindre les valeurs normales après
l’arrêt du traitement [14]. Chiocca et al. rapportent chez des filles avec PPC
traitées par agonistes de la GnRH, une augmentation de la masse grasse par
rapport au groupe contrôle (32,4 ± 8 % versus 25,8 ± 4,9 % ; p < 0,01) [13].
Cette constatation n’est pas retrouvée chez le garçon mais les études sont
limitées avec un faible effectif.
Des mesures de la résistance à l’insuline, utilisant l’indice HOMA, ont été réa-
lisées, essentiellement chez les filles. Il existerait en moyenne une augmenta-
tion de la résistance à l’insuline, ce phénomène est cependant lié à la prise de
poids. Il n’existe pas d’augmentation de la prévalence des dyslipidémies [13].

Retentissement osseux

En physiologie, approximativement 45 % de la masse osseuse totale de


l’adulte est acquise entre l’âge de 11 ans et 18 ans. Chez l’enfant, l’acquisition
de la densité minérale osseuse est influencée par la GH et l’IGF1. Au cours de
la puberté physiologique, l’augmentation du taux plasmatique d’œstrogènes
est associée à une augmentation de la pulsatilité de la sécrétion de GH et
donc d’IGF1. L’action synergique des hormones stéroïdiennes, de la GH et de
l’IGF1 affecte la minéralisation osseuse. Les agonistes de la GnRH stoppent
la puberté alors que cette période est cruciale pour l’acquisition de la densité
minérale osseuse. Pasquino et al. ont montré que la suppression de l’activité
ovarienne par les analogues de la GnRH entraîne une diminution de la den-
sité minérale osseuse (DMO) à l’arrêt du traitement (DMO rachidienne 0,82
± 0,01 g/cm2 versus 1,001 ± 0,11 ; p < 0,001) [5]. Cependant, deux ans après
l’arrêt du traitement, lors de la récupération complète de la fonction ova-
rienne, la teneur minérale osseuse est totalement restaurée et le pic de masse
osseuse est atteint. Plusieurs études ont montré que les enfants présentant
une puberté précoce ont une DMO plus élevée par rapport à leur âge chro-
nologique mais plus basse que la normale si la DMO est corrélée avec l’âge
osseux. Par ailleurs, à l’obtention de la taille finale, la DMO se normalise et
se situe dans la moyenne de la population sans PPC [14]. Les analogues de
la GnRH inhibent donc l’acquisition de la minéralisation osseuse durant le
traitement mais la teneur minérale osseuse est restaurée après l’arrêt du trai-
tement. En conclusion, un traitement à long terme par analogue de la GnRH
ne semble pas altérer la maturation osseuse finale postpubertaire.
Devenir à moyen terme et à long terme des pubertés précoces centrales 99

Devenir sur la survenue des règles

Dans la majorité des études, la ménarche survient de façon spontanée, en


moyenne un an après l’arrêt du traitement par agonistes de la GnRH. L’âge de
survenue des règles est en moyenne de 13 ans [5, 10] et les cycles sont régu-
liers [2, 5]. Makiagou et al. ont suivi 47 femmes avec un antécédent de PPC,
33 traitées par aGnRH et 14 n’ayant pas reçu de traitement [8]. Aucune dif-
férence n’a été retrouvée entre les deux groupes sur la prévalence des troubles
du cycle menstruel, des dysménorrhées, du nombre de grossesses et sur les
complications survenues au cours des grossesses.
Cependant il a été décrit que l’intervalle entre les cycles peut être plus long
lorsque la durée du traitement est plus longue. Il est allongé quand l’âge de
début du traitement est très jeune et au contraire plus court lorsque la durée
est plus courte ou l’âge plus tardif [12]. La cause de retard de début des règles
reste incertaine. Paterson et al. ont proposé l’hypothèse selon laquelle le trai-
tement par aGnRH exercerait une activité suppressive résiduelle sur l’axe
hypothalamo-hypophysaire au moins un an après l’arrêt du traitement [20].
Aucune preuve n’a été apportée à cette hypothèse. Il est connu que plusieurs
facteurs entrent en jeu dans l’âge de la ménarche, comme le terrain génétique,
la composition corporelle, l’alimentation et l’activité sportive.
La survenue des règles chez les filles ayant eu leur ménarche avant le début
du traitement par aGnRH est plus précoce, avec un délai plus court après
l’arrêt du traitement. Une hypothèse est basée sur le fait que l’utérus serait
plus mature en raison d’une imprégnation hormonale antérieure plus impor-
tante [10]. Cette hypothèse n’est pas démontrée.
La ménarche survient après un intervalle de temps identique après l’arrêt du
traitement, que la PPC soit idiopathique ou liée à un hamartome. Cepen-
dant le pourcentage d’oligo-aménorrhée est significativement plus important
chez les patientes atteintes d’hamartome, deux ans après l’arrêt du traitement
(4/13 (30 %) versus 0/24 (0 %) p < 0,05) et trois ans après l’arrêt du traite-
ment (3/13 (23 %) versus 1/31 (3 %) p < 0,05) que chez les femmes ayant une
autre étiologie de PCC [12].

Risque de syndrome des ovaires polykystiques (SOPK)

Le SOPK est la principale cause d’anovulation, d’hirsutisme et d’infertilité ;


il survient chez 5-10 % des femmes en âge de procréer dans la population
générale. Le diagnostic est établi selon les critères de Rotterdam [21]. Il néces-
site au moins deux des trois critères suivants : oligo-anovulation, hyperan-
drogénie clinique et/ou biologique et une échographie comprenant au moins
100 Puberté précoce

12 follicules de 2 à 9 mm par ovaire. Les adolescentes ayant un SOPK ont un


8 risque plus élevé de développer un syndrome métabolique, une infertilité et
un carcinome endométrial. La prévalence de ce syndrome serait plus élevée
chez les filles avec PPC que chez celles avec une puberté normale. Cependant,
les fréquences rapportées dans la littérature sont variables, avec des chiffres
allant de 24 à 50 % [22]. Selon les études, les critères utilisés pour le diagnos-
tic de SOPK ne sont pas identiques. L’étude de Heger et al. ne retrouve pas
d’augmentation de prévalence du SOPK en cas de puberté précoce traitée par
agonistes [3]. Dans une étude plus récente, publiée en 2010, 46 jeunes filles
avec une PPC idiopathique, traitées par analogue de la GnRH, ont été éva-
luées à un âge moyen de 18,1 ± 3,0 ans [23]. Leur ménarche est survenue en
moyenne à l’âge de 12,2 ± 0,93 ans. La prévalence de SOPK dans cette étude
est de 32 %, selon les critères de Rotterdam. Malheureusement cette étude ne
comprend pas de population contrôle. Chiavaroli et al. [24] ont observé que
le traitement par analogue de la GnRH agirait comme un facteur de risque
indépendant de développer un SOPK mais cette étude porte sur des filles
ayant une puberté avancée et non une puberté précoce.
La cause de l’augmentation de SOPK chez les filles atteintes de PPC n’est pas
élucidée. Une hypothèse évoquée repose sur l’action suppressive des agonistes
de la GnRH sur les gonadotrophines qui pourrait entraîner le développement
d’un SOPK par diminution des œstrogènes et sécrétion excessive d’andro-
gènes. Cette hypothèse est peu probable. D’autres données suggèrent que le
traitement suppresseur de l’axe gonadotrope pourrait augmenter l’insulino-
résistance et ainsi entraîner un taux élevé de testostérone libre, une hype-
randrogénie d’origine ovarienne et une oligoaménorrhée. Ce phénomène
impliquerait le surpoids chez les filles atteintes de PPC qui est fréquent et qui
pourrait aggraver les effets négatifs sur la sensibilité à l’insuline [24].

Devenir sur l’axe gonadotrope et la fertilité

L’axe gonadotrope et la reproduction ne semblent pas altérés chez les


femmes ayant eu une puberté précoce centrale. Dans l’étude de Feuillan et
al. [12], un an après l’arrêt du traitement, la réponse des gonadotrophines
lors d’une stimulation par la GnRH, chez les filles avec un antécédent de
PPC est normale mais le pic de LH tend à être plus bas que chez les filles
du groupe contrôle. Cette différence pourrait être la conséquence de la sup-
pression prolongée de l’axe gonadotrope ou liée à la maturation précoce de
l’axe gonadotrope. Le taux plasmatique d’œstradiol à l’arrêt du traitement est
normal. Dans l’étude de Heger et al. [3], parmi les 34 femmes avec un désir
de fertilité, 12 grossesses sont survenues spontanément. Il n’a pas été rapporté
Devenir à moyen terme et à long terme des pubertés précoces centrales 101

de complications durant les grossesses en dehors de 2 fausses couches spon-


tanées. Aucune de ces femmes n’a eu recours à l’assistance médicale à la pro-
création. Des résultats similaires sont retrouvés dans l’étude de Feuillan et al.
[12] avec la survenue de 7 grossesses spontanées.
Chez le garçon, peu de données sont disponibles pour évaluer l’innocuité du
traitement par aGnRH sur la fonction de reproduction. Feuillan et al. ont
rapporté des taux de gonadotrophine et de testostérone plasmatique nor-
maux à l’arrêt du traitement chez onze garçons, traités pendant une durée
moyenne de 8,8 ans [12, 19]. Le volume testiculaire reste cependant inférieur
à la normale deux ans après l’arrêt du traitement. L’étude italienne de Bertel-
loni et al. a montré un développement complet de la puberté et un volume
testiculaire normal chez neuf garçons traités pendant une durée moyenne de
5,6 ans avec des valeurs de LH, FSH, testostérone et inhibine B normales [9].
Dans cette même étude, la qualité du sperme évaluée chez six adolescents est
normale pour l’âge et la morphologie testiculaire était normale à l’échogra-
phie. Dans l’étude de Feuillan et al., deux des onze garçons (soit 18 %) ont
présenté des microcalcifications intratesticulaires durant le traitement [19].
Cette fréquence, supérieure à la population générale, suggère la réalisation
d’un suivi régulier, sachant que la corrélation entre la présence de microcal-
cifications et le risque de cancer testiculaire est encore débattue. Des études
supplémentaires sont nécessaires sur des effectifs plus larges.

Troubles neurologiques

L’hamartome hypothalamique est connu pour être associé à des crises d’épi-
lepsie gélastiques. L’étude de Feuillan et al. [12] suggère que la préexistence
de troubles neurologiques, plus que le traitement par analogue de la GnRH
jouerait un rôle majeur dans la survenue de crises d’épilepsie. Des études plus
approfondies sont nécessaires pour déterminer l’influence des analogues de la
GnRH sur les crises d’épilepsie.

Retentissement psychosociaux

Il est à noter que peu d’études ont évalué les conséquences psychologiques
chez les adolescents ou les adultes d’un antécédent de puberté précoce alors
qu’il s’agit du motif de traitement le plus souvent invoqué par la famille pour
recourir au traitement. Les pubertés précoces vraies peuvent s’associer à des
problèmes scolaires, une agressivité, une augmentation des pulsions sexuelles,
102 Puberté précoce

une certaine exhibition, voire une instabilité. Les problèmes psycho-sociaux


8 seraient plus fréquents chez les enfants non traités que chez les enfants traités
par agonistes de la GnRH. Dans les deux sexes, mais plus souvent chez le gar-
çon que la fille, la libido est exacerbée, conduisant à une masturbation aug-
mentée et à des troubles comportementaux sexuels à un jeune âge. Les filles
avec une PPC débutent une activité sexuelle à un âge légèrement plus pré-
coce que la population générale. Certaines études suggèrent que ces troubles
peuvent persister à l’âge adulte. L’étude de Poomthavorn et al. [2] note que
la plupart des parents rapportent un bénéfice psycho-social du traitement,
cependant aucune preuve par des tests psychologiques n’a été apportée à ce
jour. Les tests comportementaux montrent que la plupart des filles traitées
par analogues de la GnRH n’ont pas de problème. Seule une minorité montre
une tendance à des difficultés sociales. Les deux seules études portant sur
l’effet des analogues de GnRH sur les conséquences psychologiques des filles
atteintes de PPC n’ont révélé aucune anomalie avant et après traitement mais
elles ont été publiées il y a plus de dix ans [6].

Conclusion

Les traitements par agonistes de la GnRH sont administrés depuis plus de


30 ans à des enfants avec une puberté précoce centrale. Un des écueils impor-
tants pour évaluer leur retentissement au long cours est qu’il est souvent dif-
ficile de distinguer l’impact de la puberté précoce en elle-même par rapport à
l’impact des traitements par agonistes de la GnRH. À ce jour, les impacts des
traitements sur la masse osseuse, l’insulinorésistance, la dyslipidémie, la fer-
tilité aussi bien féminine que masculine semblent minimes. L’augmentation
de la fréquence du SOPK n’est pas prouvée. Les impacts sur l’indice de masse
corporelle et le comportement sexuel restent à préciser sur des effectifs plus
importants.

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104 Puberté précoce

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Annexe

Puberté : caractères sexuels secondaires (filles)

Stade 1

Stade infantile Pas de pilosité

Stade 2

Bourgeon mammaire, Quelques poils droits


soulèvement et augmentation au niveau des grandes
du diamètre de l’aréole lèvres

Stade 3

Augmentation de la saillie
Poils plus denses,
du sein et de l’aréole,
épais et bouclés
pigmentation de l’aréole

Stade 4

Saillie de l’aréole Pilosité triangulaire


et du mamelon en avant fournie

Stade 5

Saillie du mamelon en avant, Extension à la partie


de l’aréole et du sein interne des cuisses

Sous la direction de C. Bouvattier et C. Pienkowski, Puberté précoce.


ISBN : 978-2-8178-0520-7, © Springer-Verlag Paris 2014
106 Puberté précoce

Puberté : caractères sexuels secondaires (garçons)

Stade 1
Pas de pilosité

Volume testiculaire (VT) < 4 ml (20x10 mm)

Stade 2
Quelques poils droits
à la racine du pénis

VT entre 4 et 6-8 ml (30x15 mm)

Stade 3
Poils plus denses,
épais et bouclés

VT entre 8 et 12 ml (35x20 mm)

Stade 4

Pilosité triangulaire fournie

VT entre 12 et 16 ml (40x25 mm)

Stade 5
Extension à la ligne ombilico-pubienne
et à la racine des cuisses

VT > 20 ml

Cotation de la puberté en fonction des stades de Tanner


(d’après : Carel JC, Leger J (2008) Clinical practice. Precocious puberty. N Engl J Med 358(22): 2366-77).

Impression & brochage - France


Numéro d’impression : 12382140601 - Dépôt légal : juin 2014

10-31-1470 / Certifié PEFC / Ce produit est issu de forêts gérées durablement et de sources contrôlées. / pefc-france.org

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