Lexicographie 3
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Lexicographie 3
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VI. Le contenu des articles
Les auteurs d'un dictionnaire doivent déterminer au départ les catégories de mots à
retenir, en fonction des limites imposées par l'éditeur et du public visé. Il faut
décider de la place à faire aux néologismes, aux termes rares ou archaïques, au
vocabulaire scientifique et technique, aux mots d'un emploi purement régional, au
vocabulaire d'origine étrangère, aux mots grossiers et au vocabulaire populaire et
argotique
Une entrée comprend normalement : (a) la lexie, ou plus petite unité porteuse de
signification, ses dérivés affixaux et ses composés (pomme, pommier, pomme de
terre); (b) les morphèmes grammaticaux, c’est-à-dire les mots vides qui indiquent les
rapports entre les mots pleins, porteurs de signification ou sémantèmes; (c) la
prononciation; (d) les marques d'usage; (e) des exemples.
Les renseignements linguistiques sont de trois ordres : sémantiques : définitions
formels : catégorie (verbe, adverbe, substantif, adjectif, etc.), possibilités
combinatoires historiques : étymologie.
EX : Orthographe, ou orthographes différentes / prononciation (API) / catégorie
grammaticale, et genre s'il y a lieu / étymologie, avec date d'apparition / une série de
définitions / des exemples, qui peuvent être courants, ou littéraires, avec des
expressions stéréotypées quand il y en a / des emplois (technique, médical, etc.) et
des niveaux de langue. Des synonymes, et souvent des antonymes ; tout un champ
lexical ; les homophones à la fin de l'article (Robert).
1. Les renseignements qui précèdent la définition d’un mo
1.1. L’orthographe
Le premier renseignement que donne tout dictionnaire, celui auquel on ramène assez
souvent l’utilisation d’un dictionnaire, concerne l’orthographe des termes utilisés.
Le dictionnaire ne peut donner toutes les formes délicates de chaque verbe. Le Petit
Robert par exemple reproduit celles qui sont difficiles dans un certain nombre de
verbes. Il est évident que le lexicographe, faute de place, se limite à ce qui lui
semble poser problème.
1.2. La prononciation
Figure, en général, immédiatement après l’entrée, entre crochets droits ; les
lexicographes contemporains utilisent l’alphabet phonétique international. Cette
transcription pose parfois des problèmes ; la prononciation d’un mot dépend souvent
du contexte où il est placé.
Des indications sur la prononciation des mots sont devenues courantes avec le
Dictionnaire de la langue française (1863) de Littré11. Divers procédés de
transcription phonétique ont été utilisés, avec plus ou moins de bonheur, par divers
dictionnaires. En 1964, le Petit Robert a adopté l'A.P.I. ou alphabet phonétique
international, qui, en plus d'être standardisé à travers les dictionnaires de différentes
langues, présente trois avantages :
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Chaque son est noté par un seul signe, toujours identique. Chaque signe n'a qu'une
seule valeur phonétique.
Les signes représentent ce qui est réellement prononcé12
La prononciation n'est pas homogène, mais varie selon les régions et les groupes
sociaux. Des mots comme sculpteur (skyltoe:ʀ) et oignon (ɔ ɳ ɔ) possèdent des
lettres que les locuteurs cultivés ne prononcent pas, mais le cas de dompteur est
moins clair, les deux formes étant en usage (dɔ ˜toe:ʀ et dɔ˜p.toeʁ]. L'auteur d'un
dictionnaire doit donc déterminer la forme recommandée en se basant sur la
prononciation la plus acceptée, qui n'est pas nécessairement la plus répandue. Ces
questions complexes, qui touchent à la norme dans ce qu'elle a de plus intime et de
moins conscient, ont justifié la rédaction d'ouvrages spécialisés, tel le Dictionnaire
de la prononciation française dans sa norme actuelle (1964) de Léon Warnant.
Les dictionnaires électroniques modernes proposent un modèle de prononciation
sonore, comme dans le wiktionnaire.
1.3. La catégorie grammaticale
La deuxième indication nécessairement donnée de manière explicite par un
dictionnaire de langue est l’indication de la nature grammaticale du mot. Un ouvrage
qui ne donne pas ce type de renseignement est une encyclopédie ou un lexique de
spécialité (droit, chimie, etc.). En effet, pour utiliser correctement un terme, il faut
savoir s’il s’agit d’un nom masculin, féminin, pluriel, d’un adjectif, d’un verbe... Le
lexicographe n’indique pas le genre du nom, quand celui-ci, sans changer de forme,
peut-être masculin ou féminin : "élève, n.". Il existe aussi quelques cas où le nom
peut-être aussi bien masculin que féminin (après-midi) : le lexicographe indique
alors les deux genres (n. m. et f.).
Il ne serait pas efficace, pour un dictionnaire de langue, de retenir toutes les formes
fléchies des mots, car cela amènerait un fort taux de répétition. Si certains mots ont
une forme unique, tels les adverbes, beaucoup d'autres, en effet, existent sous
diverses formes, selon qu'ils sont au singulier ou au pluriel, au masculin ou au
féminin, ou s'ils sont des verbes aux formes conjuguées. Pour résoudre ce problème,
on recourt à une opération de lemmatisation, qui consiste à regrouper les formes
occurrentes d’un mot sous une même adresse lexicale. Si cette opération peut
paraître à première vue assez simple, elle se trouve rapidement compliquée par les
variations orthographiques survenues au fil du temps, voire par la présence, au sein
d’une langue évoluée, de diverses homographies. On peut s’en faire une idée en
consultant un dictionnaire historique de langue ou un dictionnaire étymologique
1.4. Données étymologiques
L'étymologie est apparue dans les dictionnaires français avec Origines de la langue
française (1650), de Ménage, qui « découvrit seul, et de manière intuitive, l'origine
d'un grand nombre de mots français9 ». Les bases d'une étymologie scientifique ont
été posées par le philologue allemand Friedrich Christian Diez (1794-1876). Le
domaine est maintenant couvert par l'ouvrage monumental de Walther von Wartburg
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(1888-1971), grâce auquel « nous disposons d'informations indiscutables, dans
presque tous les cas, sur l'étymologie des mots français10 ».
L'histoire du mot est souvent plus instructive que l'étymologie, car elle permet de
voir l'évolution des significations au fil des siècles, mais ces données sont souvent
très fragmentaires dans les dictionnaires courants.
La datation est également une donnée intéressante, qui indique la date à laquelle un
mot a été employé en français pour la première fois dans un texte.
°Les formes : Certains dictionnaires de langue, avant de passer à la (ou aux)
définition(s) fournissent des renseignements sur l’histoire du mot, son "étymologie",
c’est-à-dire son origine. En général, l’étymologie est indiquée entre parenthèses en
tête de l’article, immédiatement après la mention de la catégorie grammaticale.
°Les dates : Le Petit Robert et le Larousse indiquent, en plus, la date à laquelle le
mot est attesté pour la première fois, dans un texte français. Ce renseignement n’est
fondé que sur les dépouillements des écrits. Or celui-ci est loin d’être complet et
chaque année on avance la date d’apparition de certains termes en découvrant leur
présence dans un écrit antérieur à celui où on les avait remarqués jusqu’alors. Enfin,
il n’existe aucun témoignage de la langue orale, où le mot peut être apparu bien
avant d’être écrit.
1.5. Classement alphabétique ou idéologique?
Le classement alphabétique, qui nous paraît aujourd'hui normal et caractéristique des
dictionnaires, n'a pas toujours été considéré comme la solution idéale. Le
Dictionnaire de l'Académie française de 1694 avait plutôt adopté un classement par
famille de mots : malaise est classé sous l'article aise, aîné sous naître, ennemi et
inimitié sous amour, etc. Abandonné par la majorité des dictionnaires, un système
similaire a cependant encore été retenu par von Wartburg pour son grand
dictionnaire étymologique. Une solution mitoyenne est celle du Lexis des éditions
Larousse (1979), qui limite les familles aux termes les plus proches, l'objectif,
parfaitement défendable au plan pédagogique, étant de faire découvrir à un usager
les mots apparentés à celui qu'il consulte. Ce genre de préoccupation devient sans
objet avec les dictionnaires électroniques. 1.6.Présence d'exemple Les exemples sont
apparus en français avec le dictionnaire de Richelet, en 1680 (voir ci-dessous). Ils
ont une triple utilité : Ils éclairent le sens d'un mot par son emploi en contexte : «
Citons le cas de chien défini ainsi : « Animal domestique, dont il existe de
nombreuses races, qui garde la maison ou les troupeaux et qui aide l'homme à
chasser. » La définition évoque les principales activités que nous pourrions appeler «
professionnelles » du chien, mais elle ne signale pas deux aspects fondamentaux,
familiers aux enfants : le chien aboie, le chien mord.
Dans un dictionnaire de plus grand format, nous aurions pu ajouter des phrases du
type suivant : le chien dort dans sa niche ; le chien grogne en rongeant un os
; le chien fait le beau pour avoir un sucre, etc. Grâce à de tels exemples, non
seulement la définition du chien est précisée, mais on présente au lecteur plusieurs
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situations à la fois concrètes [...] et linguistiques [...] où apparaît l'animal »7.
Les exemples mettent en évidence les rapports syntaxiques d'un mot avec d'autres,
comme le choix de la préposition acceptée par un verbe (aider quelqu'un à, dans,
pour), la place de certains adjectifs, etc.
Les exemples attirent l'attention sur les cas où le mot fait partie d'une locution, d'un
cliché : une discussion animée, un soleil radieux, perdre la face, etc.8
Un exemple est une mise en contexte de l'entrée. Il peut être soit forgé, c'est-à- dire
inventé par le lexicographe, soit attesté, auquel cas il constitue une citation
(éventuellement un proverbe). Il peut également être glosé, dans le cas où il introduit
une définition. Par exemple dans le Petit Robert, à l'entrée poudre, on trouve «
Poudre de perlimpinpin, que les charlatans vendaient en la donnant pour une
panacée ». Les exemples sont essentiels dans un dictionnaire. Ils permettent de
donner un peu de vie aux mots décrits, qui sans cela seraient épinglés, par ordre
alphabétique, comme des papillons morts dans une vitrine.
Selon une formule de Voltaire, reprise plus tard par Pierre Larousse, « un
dictionnaire sans exemple n'est qu'un squelette ».
Autres cas : *La vedette d'un article est la mise en forme typographique de son
entrée, qui permet de la mettre en valeur. Par exemple, la vedette peut être en gras,
en petites capitales, en minuscules, en rouge, en noir, etc. *Un renvoi est soit
contenu à l'intérieur d'un article, soit en constitue un à lui tout seul. Dans le premier
cas, il complète la définition en renvoyant le lecteur vers un article où d'autres
informations sont disponibles ; dans le deuxième cas, il indique que le mot recherché
est traité à un autre endroit du dictionnaire. Un doublon est une définition qui se
trouve à deux endroits du dictionnaire. Les lexicographes évitent d'en produire car
ils sont nuisibles. D'une part, ils prennent de la place inutilement, et d'autre part, ils
créent un risque de contradiction. En effet, lorsqu'en deux points du dictionnaire
deux définitions décrivent la même chose, il y a un risque que celles-ci se
confrontent. Prenons un exemple dans le Petit Larousse 2006 : Entrée bon enfant : «
plein de bienveillance et de candeur. » Entrée enfant : « Bon enfant [exemple glosé],
d'une gentillesse simple ; accommodant. » Ce n'est pas tout à fait la même chose !
*La refonte d'un dictionnaire est une nouvelle édition pour laquelle toute l'édition
précédente a été remise en question. Le Petit Larousse, dont une nouvelle édition
paraît chaque année, subit une refonte tous les six à dix ans environ. Le millésime
1998, comme le 2005, est une refonte : le nombre de pages, les polices, les
illustrations ont changé, de nombreuses définitions ont été refaites, la nomenclature
et la mise en pages ont été revues ; tandis que le millésime 2004, n'étant pas une
refonte, ressemble beaucoup au millésime 2003 (quelques mots ajoutés, peu de
définitions remaniées). Attention : dans le Petit
Larousse, les refontes de la partie Noms communs et de la partie Noms propres ne
sont pas forcément simultanées !
*Un dictionnaire informatisé est un dictionnaire conçu en premier lieu pour une
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version papier, dans lequel on insère des balises afin de le rendre exploitable sur un
support informatique. Le Petit Larousse a été balisé à l'occasion de la refonte du
millésime 1998, et il a dès lors été disponible sur cédérom. *Un dictionnaire
électronique est un dictionnaire qui n'existe que sur support informatique, comme
par exemple le dictionnaire de synonymes intégré au logiciel Word, ou bien le
Dictionnaire du moyen français (DMF). La distinction entre dictionnaire informatisé
et dictionnaire électronique n'est pas tout à fait établie.
VII. Définition
Un dictionnaire doit d'abord donner la définition du mot. Cette opération, bien plus
complexe qu'elle n'en a l'air, est « sans conteste l'élément de l'article du dictionnaire
qui est le plus difficile à réaliser4 ». Elle occupe les logiciens depuis des siècles et
est également étudiée par la linguistique, la sémiotique et la psycho-sociologie.
Selon la méthode fondée par Aristote, définir consiste à découvrir les attributs
essentiels, en identifiant les différences et en remontant, par paliers successifs, à la
catégorie supérieure. Ainsi, on définirait le chien comme un animal de la classe des
mammifères, ordre des carnivores et famille des canidés. En procédant ainsi, il faut
évidemment veiller à ne pas empiéter sur le sens d'autres mots.
Dans la pratique, les définitions incorporent aussi des propriétés non essentielles,
mais qui aident le lecteur à identifier ce dont il est question. Ainsi, une définition du
chien va inclure qu'il peut servir comme chien de garde, de chasse, de trait, etc. Ces
notations sont de nature encyclopédique, tout comme le fait qu'il aime ronger un os.
De nombreux dictionnaires intègrent ces données encyclopédiques au moyen
d'exemples.
Il est rare qu'une seule définition épuise tous les sens d'un mot. Le plus souvent, un
mot va avoir plusieurs acceptions, c'est-à-dire plusieurs significations, phénomène
que l'on désigne par le terme de polysémie. Dans certains cas, un mot peut même
désigner deux réalités opposées, comme le mot « hôte » qui peut signifier, selon le
contexte, la personne qui accueille ou celle qui est accueillie5. Souvent, la différence
de sens provient d'un emploi figuré plutôt que littéral ou des déplacements de sens
d'un domaine d'activité à un autre. Ainsi, le sens du mot « fuite » varie selon qu'il est
utilisé en droit, en peinture, en aéronautique, en économie, en plomberie ou en
politique6. Un dictionnaire doit non seulement identifier les divers sens du mot,
mais encore les classer d'une façon aussi cohérente et significative que possible. Il
peut également comporter un répertoire indexé pour en faciliter l'utilisation.
1. La présentation polysémique ou homonymique
C'est un choix en principe linguistique, mais on se demande parfois si ce n'est pas
plutôt arbitraire.
- La présentation polysémique utilise une seule entrée, mais donne ensuite une
série de sens différents, en établissant les liaisons, voire en marquant fortement (1. /
2.) des sens très éloignés. L'entrée est donc écrite une seule fois. C'est le choix du
Robert.
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Ex. : BOUTON : sur une plante / sur la peau / sur un vêtement
- La présentation homonymique utilisera plusieurs entrées, comme s'il s'agissait de
mots différents (ex. : 3 entrées pour BOUTON ). C'est le choix du DFC, du Lexis, et
en général de Larousse.
En fait, c'est un choix très difficile, souvent subjectif.
2. L'ordre des définitions
Les lexicologues adoptent l'un des deux choix suivants :
* La fréquence d'utilisation : on commence par le sens le plus courant à notre
époque, et on termine par les sens rares ou vieillis. C'est le choix des dictionnaires
encyclopédiques (de choses), ainsi que de certains dictionnaires de langue (DFC),
c'est le choix chez Larousse, mais aussi dans les dictionnaires courants chez
Hachette, etc.
* L'ordre historique : les sens d'origine d'abord, et les sens dérivés ensuite. C'est le
choix des dictionnaires de langue le plus souvent (Robert, Littré). Cela amène (ou
permet) l'ajout d'autres indications : les dates d'apparition des différentes acceptions,
et les glissements de sens (par analogie = par métaphore, ou par extension = par
métonymie). Ces dictionnaires sont donc en plus des ouvrages de culture.
3. La nature des définitions
Il existe bien des possibilités, voici quelques exemples :
Plumard : lit (synonyme, de même catégorie + niveau de langue)
Échotier : rédacteur chargé des échos dans un journal (groupe, dont l'élément
régisseur est de même catégorie, et est un hyperonyme, dont on limite ensuite le
sens)
Blancheur : qualité de ce qui est blanc (groupe utilisant un terme définisseur :
qualité / action / opération / état / manière / propriété...)
Impossible : qui n'est pas possible (définition par opposition, ici négation de
l'antonyme)
La définition peut etre : une périphrase synonymique ! (le même sens en d’autres
mots)
Les définitions morpho-sémantiques
Vanité: Caractère de ce qui est vain, de ce dont la réalité ou la valeur est illusoire.
Fermeté: Qualité de ce qui est ferme, solide, consistant.
Courageux: Qui a ou qui manifeste du courage, qui exprime le courage. Insulté:
Qui a reçu une insulte.
Les définitions métalinguistiques
Papa: Terme affectueux par lequel les enfants désignent leur père, et dont se servent
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familièrement les personnes qui leur
parlent de lui.
Nous: Pronom personnel de la première personne du pluriel
définition par inclusion
Le classement hiérarchique Genre (animal)
Espèce (le chien)! (le chat)! ! (la souris)
Individus (ce chien, ce chien) (ce chat, ce chat) (cette souris, cette souris
Ahmed Bououd
FLSH Ain Chock , Université Hassan II , Casablanca. E mail :
[email protected]
Site : bououd.e-monsite.com
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