Intro Droit Cours Sur Word
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Le droit civil est une branche du droit qu’on peut définir sommairement comme celle qui a pour objet la
réglementation des rapports de droit privé, c’est-à-dire des droits que les particuliers peuvent exercer dans
leurs rapports entre eux et des obligations réciproques pesant sur eux. En droit tunisien, la majorité des lois
se rapportant au Droit civil est réunie dans plusieurs Codes tel que le Code des Obligations et des contrats
(C.O.C.), le Code du Statut Personnel (C.S.P.), le Code des Droits Réels (C.D.R.)…
Le droit civil fait partie de la branche du Droit privé qui se compose d’un ensemble de règles qui gouvernent
les rapports des particuliers entre eux ou avec les collectivités privées, telles que les sociétés ou les
associations. On l’oppose généralement au Droit public qui comprend l’ensemble des règles qui, dans un Etat
donné président à l’organisation même de cet Etat et de celles qui gouvernent les rapports de l’Etat et de ses
agents avec les particuliers.
2
Le droit pénal est l’ensemble des règles juridiques qui déterminent les faits que le législateur considère
comme des infractions et les sanctions qui découlent de la commission de ces infractions.
3
Le droit commercial est le droit applicable aux personnes qui ont la qualité de commerçant et aux opérations
juridiques constituant des actes de commerce.
4
Le droit du travail regroupe les règles relatives aux rapports entre les chefs d’entreprise et leurs salariés.
5
Le droit judiciaire privé est l’ensemble des règles qui président à l’organisation judiciaire, à savoir de
déterminer la procédure et la manière de faire valoir et de défendre les droits devant la justice. Il est régi en
droit tunisien par le Code de Procédures Civiles et Commerciales (C.P.C.C.).
dont ils peuvent se prévaloir dans leurs relations avec les autres ; par
exemple le droit de propriété, le droit de créance, le droit à l'intégrité physique,
le droit au mariage, le droit au travail… Le Droit est ici défini à partir des sujets
auxquels il s'applique, c'est-à-dire les sujets de droits ou encore les titulaires de
droits أص حاب الحق. Il est alors appelé droit subjectif. Les droits subjectifs
puisent leurs sources dans le Droit objectif qui a pour objet de les réglementer et
de le protéger.
On étudiera, donc, en première partie « le Droit objectif » et en deuxième partie
« les droits subjectifs ». On réservera, enfin, une troisième partie pour évoquer la
protection de ces droits à travers les moyens de preuve des droits subjectifs et
l’organisation judiciaire.
PREMIERE PARTIE
LE DROIT OBJECTIF
CHAPITRE PREMIER
LA NOTION DE DROIT
Cette nature de la règle de droit en tant que règle de conduite sociale entraîne les
résultats suivants :
- La règle de droit (comme la morale et l'usage) diffère d'un groupement à
un autre. En effet, certains actes ou faits sont permis dans certaines
sociétés alors qu'ils constituent une violation de la loi dans d'autres. A titre
d'exemple, l'adultère est une infraction pénale en droit tunisien alors qu'il
n'est qu'une faute justifiant la demande de divorce pour préjudice en droit
français.
- La règle de droit diffère, non seulement selon les civilisations, mais
également selon les époques dans le sens qu'elle n'est pas entendue de la
même manière à n'importe quel moment de l'histoire d'un groupement
humain. A titre d'exemple, la polygamie était permise avant la
promulgation du Code du Statut Personnel tunisien en 1956. La règle de
droit, tout comme la morale et l'usage, n'est donc pas éternelle.
Caractères de la règle de droit
La règle de droit est une règle abstraite, c'est-à-dire impersonnelle, qui
s’applique d’une manière générale. Elle est surtout obligatoire.
Le caractère abstrait
Dire que la règle de droit est abstraite signifie qu'elle ne vise pas les
individus dans leurs particularismes, mais s'intéresse aux situations
abstraites dans lesquelles les personnes peuvent se trouver. Aucune règle
juridique ne vise une personne particulièrement nommée. Elle édicte, par contre,
des dispositions appelées à être appliquées quelle que soit la personne qui s'y
trouve impliquée. A titre d'exemple, l'article 7 C.O.C. dispose que « Est majeur
aux effets de la présente loi, tout individu de sexe masculin ou féminin âgé de
dix-huit ans révolus ». Cette loi est abstraite dans le sens qu'elle ne s'adresse pas
à une personne individuellement nommée, mais à une personne quelconque
qui se trouve dans une situation objective déterminée, à savoir le fait pour
n'importe quelle personne d’atteindre l'âge de dix-huit ans révolus.
Ainsi, le caractère abstrait de la règle de droit intervient au moment de la
création et la formulation de cette règle. Cette formulation doit comporter
deux éléments : L'hypothèse et La solution.
Pour prendre un autre exemple, on peut citer l'art. 240 C.O.C. (Code des
Obligations et des Contrats) qui dispose que « les obligations n'engagent que
ceux qui ont été parties à l'acte ; elles ne nuisent point au tiers et elle ne leur
profite que dans les cas exprimés par la loi ».
L'hypothèse : Quelles sont les personnes liées par les obligations qui naissent
d'un acte juridique ?
La Solution : Les obligations ne lient que les contractants. Elles n'ont pas
d'effets à l'égard des tiers sauf dans les cas prévus par la loi.
La solution contenue dans chaque règle de droit peut être soit proposée
soit imposée par le législateur, d’où la distinction entre les lois supplétives et
les lois impératives.
Le caractère général
La règle de droit est générale, c'est-à-dire qu'elle est destinée à régir non
un cas particulier, mais une série de cas semblables susceptibles de se présenter :
elle s'applique, indifféremment à tous ceux qui, présents et futurs, se
trouveront à un moment donné dans la situation que la règle a,
précisément, pour mission de régir. Ce caractère général constitue, donc, une
garantie de justice et d’égalité.
Le caractère obligatoire
Il peut arriver, cependant, que certaines lois restent non appliquées. C'est
le cas, notamment, des lois tombées en désuétude, c'est-à-dire celles dont
l'usage de la société a parfaitement ignoré. On peut citer par exemple l'article
317 du Code Pénal qui dispose que « sont passibles des mêmes peines (quinze
jours de prison et vingt francs d'amende) :1) ceux qui servent des boissons alcooliques
à des musulmans ou à des personnes en état d'ivresse ». Le fait que cette règle
n’ait pas reçu application ne veut pas dire qu’elle n'est pas obligatoire car le
législateur a bel et bien prévu une sanction. Toutefois, la société a choisi
d’ignorer cette règle et les autorités qui doivent la faire respecter sont
défaillants.
La nature de la sanction
La sanction afférente à la règle de droit peut avoir différentes sortes mais
avec un point commun à savoir la source étatique de cette sanction, c'est-à-dire
que ce sont les pouvoirs publics munis, si nécessaire, de la force publique qui
sont amenés à appliquer ces sanctions.
Quant aux différentes sortes de sanctions, il est naturel de penser en premier lieu
Questions
1°) Déterminez dans les règles juridiques suivantes :
- l'hypothèse et la solution.
- s’il s’agit de règles impératives ou supplétives.
Art. 82 C.O.C. : «Tout fait quelconque de l’homme qui, sans l’autorité de la loi, cause sciemment
et volontairement à autrui un dommage matériel ou moral, oblige son auteur à réparer le dommage
résultant de son fait, lorsqu’il est établi que ce fait en est la cause directe.
Toute stipulation contraire est sans effet ».
Art.741 C.O.C. : «Les frais de délivrance sont à la charge du bailleur.
Les frais d’actes sont à la charge de chacune des parties pour le titre qui lui est délivré ; ceux
d’enlèvement et de réception de la chose louée sont à la charge du preneur. Le tout sauf usage ou
stipulation contraire ».
Art.67 C.O.C. : «L’obligation sans cause ou fondée sur une cause illicite, est non avenue.
La cause est illicite quand elle est contraire aux bonnes mœurs, à l’ordre public ou à la loi ».
Art.30 C.S.P. : «Le divorce ne peut avoir lieu que par-devant le tribunal ».
Art.1141 C.O.C. : «Le mandant est tenu de fournir au mandataire les fonds et autres moyens
nécessaires pour l’exécution du mandat, s’il n’y a usage ou convention contraires ».
Art. 1252 C.O.C. : «Toute société doit avoir un but licite. Est nulle de plein droit, toute société
ayant un but contraire aux bonnes mœurs, à la loi ou à l’ordre public ».
Art. 1107 C.O.C. : «Le mandat est nul :
a) s’il a un objet impossible ou trop indéterminé ;
b) s’il a pour objet des actes contraires à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou aux lois civiles
ou religieuses ».
Art.3/1 de la loi n°87-30 du 12/06/1987 organisant les baux ruraux : «Nonobstant toute clause
contraire, la durée du bail d’un fonds à vocation agricole ne peut être inférieure à 3 ans
renouvelables».
Art. 22/1 de la loi relative à la concurrence et aux prix : «Le détaillant ou le prestataire de
8
Voir sur les sortes de sanctions juridiques A. WEILL et F. TERRE, op.cit., p.438-446.
service doit par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié,
informer le consommateur sur les prix et les conditions et modalités particulières de vente».
2°) Selon l'article 42 de la Constitution tunisienne « le Président de la République élu prête serment
devant l’ARP, en séance commune, le serment ci-après…». Cette règle est-elle abstraite ? est-elle
générale ?
CHAPITRE SECOND
LES SOURCES DU DROIT
Le terme source de droit est entendu comme étant les modes de création
du droit objectif. Il existe deux sortes de sources :
* Les sources matérielles : On vise ici toutes les données qui ont fait naître la
règle de droit. En d’autres termes, d’où est-ce que le droit puise-t-il sa matière ?
d’où s’est inspiré le législateur ?
Ces données peuvent être historiques, économiques, sociales, politiques,
religieuses... Le législateur prend en considération l’ensemble de ces facteurs
lors de l’élaboration de la règle de droit.
* Les sources formelles : On désigne par-là la forme sous laquelle naît la règle
de droit. Cette dernière, selon la majorité de la doctrine tunisienne 9, s’exprime
principalement sous trois formes : la loi, la coutume et la jurisprudence. Il faut
relever ici que ces trois sources n’ont pas la même valeur et ne sont pas sur le
même pied d’égalité. En effet, l’Etat joue un rôle essentiel dans le
développement économique, social et culturel. Pour assurer ce rôle, la loi
constitue le moyen par excellence qui permet à l’Etat d’intervenir dans ces
domaines. Par conséquent, la loi constitue la source principale (Section 1).
Quant à la coutume et la jurisprudence, elles ne constituent que des sources
secondaires (Section 2).
Section 1 La Loi
Avant d’étudier la loi en tant que source de droit, il faut en préciser le sens.
Or la loi peut avoir deux sens :
- Au sens formel ou strict du terme, la loi désigne tout texte juridique créé
par le pouvoir législatif.
- Au sens matériel ou large du mot loi, elle serait tout texte juridique
d’origine étatique. La loi comprendrait alors non seulement les textes
émanant du pouvoir législatif, mais également ceux qui émanent du
pouvoir exécutif, c’est-à-dire les décrets ou même les arrêtés.
C’est dans le sens large qu’on va étudier la loi, en précisant la hiérarchie des
textes (Sous-section-1), la durée de leur force obligatoire (Sous-section-2) et enfin
les conflits qui peuvent apparaître au moment de leur application (Sous-section-3).
9
M. CHARFI, M.K. CHARFEDDINE, S. MELLOULI.
Sous-section 1 La hiérarchie des lois
Les traités
Internationaux
Les règlements
Les décrets
Les arrêtés
Les circulaires
1- LA CONSTITUTION :
La Constitution est la loi fondamentale du pays, celle qui occupe le plus haut
rang, celle dont toutes les autorités étatiques tirent leur légitimité. Elle détermine
les organes à qui elle donne le pouvoir de faire la loi. Elle régit l’organisation
politique du pays, définissant les divers pouvoirs, leurs fonctionnements et leurs
limites. Elle contient aussi des dispositions relatives aux libertés publiques et les
droits fondamentaux des citoyens.
En Tunisie, le premier texte important de ce genre fut le pacte fondamental
fait par Mohamed Bacha Bey le 10 septembre 1857. Ce n’était pas une
constitution. Il s’agissait d’un texte essentiellement destiné à rassurer les pays
étrangers quant à la sécurité de leurs ressortissants et des minorités
religieuses présentes en Tunisie. Il consacrait la non-discrimination entre les
habitants sur des bases religieuses, ethniques ou linguistiques10.
Le 21 avril 1861 fut déclarée la première constitution tunisienne sous le nom
de قانون الدولة التونسية11.
Après l’indépendance, le peuple tunisien a élu, sur décret du Bey, une
assemblée constituante pour doter le royaume tunisien d’une constitution.
Le 25 juillet 1957, l’assemblée constituante aboli la monarchie et proclame la
10
Parmi les règles du pacte fondamental, on pouvait lire :
ةRRوالهم المحرمRRة وأمRRدانهم المكرمRRوان في أبRRنة واأللRRان واأللسRRا علي اختالف األديRRكان إيالتنRRا وسRRائر رعيتنRRان لسRRد األمRR تأكي: األولى
.وأعراضهم المحترمة إال بحق يوجبه نظر المجلس بالمشورة ويرفعه إلينا ولنا النظر في اإلمضاء أو التخفيف ما أمكن أو اإلذن بإعادة النظر
هRRانون عن العظيم لعظمتRR تساوي الناس في أصل قانون األداء المرتب أو ما يترتب وإن اختلف باختالف الكمية بحيث ال يسقط الق: الثانية
.وال يحط عن الحقير لحقارته ويأتي بيانه موضحا
يره منOOانية ال بغOOف اإلنسOOذلك بوصOOتحقاقه لOOاف ألن اسOOتحقاق اإلنصOOة في اسOOكان اإليالOOيره من سOOلم وغOOوية بين المسOO التس: ةOOالثالث
.األوصاف والعدل في األرض هو الميزان المستوي يؤخذ به للمحق من المبطل وللضعيف من القوي
11
Au Chapitre 12 qui traite des droits et des devoirs des habitants du royaume tunisien, on peut lire :
انونRR يجري حكم هذا الق. سائر أهل المملكة علي اختالف األديان بين يدي الحكم سواء ال فضل ألحد علي آخر بوجه من الوجوه- 3 الفصل
.علي أعلي الناس مع أدناهم من غير نظر لمقام وال لرياسة وقت الحكم
كريةRR سائر سكان المملكة لهم حق التصرف في أنفسهم وأموالهم وال يجبر أحد منهم علي فعل شيء بغير إرادته إال الخدمة العس- 4 الفصل
.علي قانونها وال توضع يد علي كسب ألحد بأي وجه إال لمصلحة عامة كتوسعة الطريق ونحوه بثمن المثل
république.
Le premier juin 1959 fut adopté la première constitution de la Tunisie
indépendante.
Le 23 octobre 2014, une assemblée constituante a été élue pour doter la
Tunisie d’une nouvelle constitution qui a vu le jour le 27 janvier 2014 donnant
naissance à une deuxième république.
On parle ici des lois au sens strict ou formel (textes élaborés par le
pouvoir législatif) dont on peut distinguer trois formes :
12
Procédure de vote permettant aux citoyens d'un pays de se prononcer sur un projet de loi ou sur un texte
constitutionnel proposé par le pouvoir exécutif.
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Dans ce cas, le texte aura la valeur juridique des traités internationaux, donc au-dessus des lois.
- la prorogation du mandat de l’Assemblée des représentants du peuple conformément
auxdispositions de l’article 56 ;
- la prorogation du mandat présidentiel conformément aux dispositions de l’article 75 ;
- les libertés et les droits de l’Homme ;
- le statut personnel ;
- les devoirs fondamentaux de la citoyenneté ;
- le pouvoir local ;
- l'organisation des instances constitutionnelles ;
- la loi organique du budget.
Cette spécificité tient à la procédure d’examen des projets de lois organiques,
et ce à un double titre :
- Tout d’abord, le projet de loi organique ne peut être soumis à la
délibération de l’Assemblée des représentants du peuple qu’à l’expiration
d’un délai de quinze jours après son dépôt.
- Ensuite, l’Assemblée des représentants du peuple adopte le projet de loi
organique à la majorité absolue des membres14.
14
La majorité absolue est égale à 50% plus une voix.
- à l’amnistie générale ;
- à la détermination de l’assiette des impôts et contributions, de leurs taux et des procé-
dures de leur recouvrement ;
- au régime d’émission de la monnaie ;
- aux emprunts et aux engagements financiers de l’État ;
- à la détermination des emplois supérieurs ;
- à la déclaration du patrimoine ;
- aux garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires ;
- au régime de ratification des traités ;
- aux lois de finances, de règlement du budget et d’approbation des plans de dévelop-
pement;
- aux principes fondamentaux du régime de la propriété et des droits réels et de l’en-
seignement, de la recherche scientifique, de la culture, de la santé publique, de l’envi-
ronnement, de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, de l’énergie, du droit du
travail et de la sécurité sociale.
Les projets de lois ordinaires sont adoptés à la majorité15 des membres
présents, cette majorité ne devant pas être inférieure au tiers des membres de
l’ARP.
- Les Décrets-lois -
15
Il s’agit là de la majorité simple. Par exemple, si un projet de loi reçoit l’approbation de 40% des membres
présents, l’opposition de 30 % et l’abstention de 20 % des membres, ce projet sera adopté à condition que les
40 % ayant accepté ce projet ne soient pas inférieur au 1/3 des membres de l’ARP.
en accord avec le Chef du Gouvernement, des décrets lois qui seront soumis à
l’approbation de l’Assemblée au cours de la session ordinaire suivante.
L’Assemblée des représentants du peuple peut, au trois-cinquième de ses
membres, habiliter par une loi, le Chef du Gouvernement, pour une période ne
dépassant pas deux mois et, en vue d’un objectif déterminé, à prendre des dé-
crets lois, dans le domaine relevant de la loi. À l’expiration de cette période, ces
décrets lois sont soumis à l’approbation de l’Assemblée.
Le régime électoral est excepté du domaine des décrets lois.
4- LES REGLEMENTS :
Selon l’article 65/3 de la constitution, les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi relèvent du domaine du pouvoir réglementaire général, exercé
d’après l’article 94 par le chef du gouvernement.
Afin d’assurer sa finalité, la loi doit être appliquée. Pour cela, elle doit
nécessairement acquérir une force obligatoire. Cette dernière commence à partir
de l’entrée en vigueur de la loi (-A-) et prend fin au moment de son abrogation (-
B-).
- La Promulgation de la loi :
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La Cour constitutionnelle est seule compétente pour contrôler la constitutionnalité :
- des projets de loi, sur demande du Président de la République, du Chef du Gouvernement ou de trente
membres de l’Assemblée des représentants du peuple. La Cour est saisie dans un délai maximum de
sept jours à compter de la date d’adoption du projet de loi ou de la date d’adoption du projet de loi
amendé, après renvoi par le Président de la République ;
aux dispositions du troisième paragraphe de l’article 12117, en cas de re-
cours au sens des dispositions du 1er tiret de l’article 120.
Les projets de loi ordinaire sont adoptés, après renvoi, à la majorité absolue des
membres de l’Assemblée, les projets de loi organique sont adoptés à la majorité
des trois-cinquième des membres.
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Article 121 :
La Cour constitutionnelle rend sa décision à la majorité absolue de ses membres, dans un délai de quarante-cinq
jours, à compter de la date du recours en inconstitutionnalité.
La décision de la Cour déclare que les dispositions faisant l’objet du recours sont constitutionnelles ou inconsti-
tutionnelles. Ces décisions sont motivées et s’imposent à tous les pouvoirs. Elles sont publiées au Journal officiel
de la République tunisienne.
Si le délai mentionné au premier paragraphe expire sans que la Cour rende sa décision, elle est tenue de
transmettre sans délai le projet au Président de la République.
5. Du prononcé par la Cour d'une décision de constitutionnalité ou de la
transmission obligatoire du projet de loi au Président de la République
conformément aux dispositions du troisième paragraphe de l’article 121,
dans le cas où le projet a précédemment été renvoyé par le Président de la
République et a été adopté par l’Assemblée dans une version amendée.
- La Publication de la loi :
La loi est censée avoir une force obligatoire et être appliquée du jour où elle
entre en vigueur jusqu’au jour où une autre loi vient l’abroger 24. Pour saisir tous
22
Exemple, le décret 78-51 du 26 janvier 1978 interdisant les manifestations et la circulation dans la capitale et
ses banlieues.
23
Voir les décrets de promulgation de ces codes : (bas de page n°39).
24
On a précédemment souligné que pour les lois temporaires, il n’est pas besoin d’une nouvelle loi pour son
les aspects de l’abrogation, il faut répondre à trois questions :
1- Qui peut abroger une loi ?
2- Comment la loi est-elle abrogée ?
3- Quel est l'effet de l'abrogation de la loi ?
abrogation. Elles sont naturellement abrogées à l’expiration du délai d’application qui leur est fixé.
25
مبدأ توازي الصّيغ و األشكال
* L’abrogation expresse :
L’abrogation est dite expresse lorsque le législateur, en édictant une nouvelle loi,
exprime clairement sa volonté d’abroger une autre loi. Il fixe alors, dans le
texte même de la nouvelle loi, la portée de l’abrogation. Celle-ci peut porter sur
certaines dispositions particulières seulement, sur la loi entière ou même un
Code26.
Parce qu’elle doit répondre aux besoins d’un groupement donné, la règle
de droit diffère d’une société à une autre, et dans la même société d’une époque
à une autre. Cela engendre, au moment de l’application de la loi, certains
conflits. Lorsque ce conflit oppose deux lois relevant de deux systèmes
juridiques différents (relevant de deux Etats), il s’agit d’un conflit de lois dans
l’espace -A-. Si, par contre, les deux lois relèvent d’un même système juridique
(loi nouvelle et loi ancienne) il s’agit alors d’un conflit de loi dans le temps -B-.
Il y a conflit de lois dans l’espace quand deux lois relevant de deux Etats
différents prétendent régir le même rapport de droit. Tel est le cas d’un algérien
marié à une française en Angleterre et résidant en Tunisie et qui veut intenter
une action en divorce devant le juge tunisien. Un allemand de passage en
Tunisie cause, suite à un accident de la circulation des dommages à un touriste
américain. Ou encore, un litige se rapportant à l’importation de marchandise
dans un navire portant pavillon vénézuélien loué par un exportateur allemand.
La question est de savoir quelle loi le juge tunisien doit-il appliquer ?
Ces questions sont régies par une branche spécifique de droit, à savoir le Droit
International Privé (D.I.P.) qui admet, dans certains cas, l’application par le juge
tunisien d’une loi étrangère. Sans entrer dans les détails des solutions apportées
par le D.I.P., on peut citer quelques solutions de principe :
- Le principe de la territorialité des lois : il s’applique en matière de
statut réel, c’est-à-dire que les meubles et immeubles situés en Tunisie
relèvent de la loi tunisienne. C’est également le cas en matière pénale
qui applique généralement ce principe, dans le sens que les infractions et
leurs peines sont régies par la loi où ces infractions ont été commises. Ou
encore la responsabilité civile qui relève de la loi du lieu où le fait
dommageable s’est produit.
- Le principe de la personnalité des lois : C’est le cas de l’article 45 du
Code du Droit International Privé qui dispose que « les conditions de
fond du mariage sont régies, séparément, par la loi nationale de chacun
des deux époux » c’est-à-dire la loi du pays de chacun d’entre eux.
- La loi désignée par les parties en ce qui concerne les actes juridiques
(voir l’article 62 et suivants du Code de D.I.P.).
28
Alex WEILL et François TERRE, Droit civil – introduction générale, « …il ne faut pas appliquer une loi à
des actes ou à des faits juridiques qui se sont passés antérieurement au moment où elle a acquis force
obligatoire, en vue de modifier ou d’effacer les effets juridiques produits sous l’empire de la loi ancienne…
Si un individu qui a obéi à l’ordre de la loi pouvait être inquiété sous le prétexte qu’un loi postérieure a
modifié les termes de la réglementation qui existait jadis, la loi perdrait toute sa force, puisque personne
n’oserait plus exécuter les ordres de la loi, de crainte de voir ultérieurement des actes, pourtant légitimement
faits, critiqués par une loi nouvelle et inconnue ».
29
L’article 1er /1 du Code pénal confirme ce principe en disposant que « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une
disposition d’une loi antérieure ».
mariage, en aura contracté un autre avant la dissolution du précédent, sera
passible d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 240.000 francs ou de
l’une de ces deux peines seulement, même si le nouveau mariage n’a pas été
contracté conformément à la loi ». Ces peines ne peuvent être appliquées qu’à la
personne ayant conclu un second mariage après le 1er janvier 1957, date d’entrée
en vigueur du C.S.P.
30
Art. 13/1 de la Constitution : « La peine est personnelle et ne peut être prononcée qu’en vertu d’une loi
antérieure au fait punissable, sauf en cas de texte plus doux ».
31
S. MELLOULI, Droit civil – Introduction à l’étude du droit, p.98 : « Il est logique, en effet, qu’une loi
nouvelle qui supprime ou adoucit une peine, reçoive application rétroactive en faveur du délinquant. Si le
législateur estime qu’un fait n’est pas suffisamment grave pour être réprimé, ou que sa gravité ne justifie pas
une peine excessive, l’idéal de justice veut que la personne qui n’a pas été condamnée pour ce fait, bénéficie
de la faveur législative nouvelle ».
matériel de l’infraction ou qu’elle prévoit une nouvelle cause d’atténuation de la
peine ou qu’elle enlève une cause d’aggravation de celle-ci.
- La loi nouvelle modifie les conditions de réalisation d’un fait ou d’un acte
juridique :
Si les conditions imposées par une loi ancienne pour la réalisation d’une
situation juridique ont été déjà satisfaites, l’intervention d’une nouvelle loi
modifiant ces conditions ne peut remettre en cause cette situation qui constitue
alors un droit acquis35. Par exemple, si une loi porte le délai de la prescription
acquisitive36 de quinze à vingt ans, ceux qui au moment de l’entrée en vigueur
de cette loi ayant déjà achevé les quinze ans de possession ont acquis par
prescription la propriété, demeureraient propriétaires, parce que le droit a été
acquis avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.
Si, par contre, la situation juridique n’est pas totalement réalisée au
moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, celle-ci s’applique
immédiatement. En reprenant l’exemple de la loi augmentant le délai de la
prescription acquisitive, le possesseur depuis douze ans d’un immeuble doit
accomplir les vingt ans de possession prévus par la loi nouvelle.
Elle les régit, en effet, pour l’avenir dans leurs conséquences futures. Il ne
34
A.WEILL et F. TERRE, op. cit., pp. 176-177.
35
Le droit acquis est un droit définitivement entré dans un patrimoine ou une situation juridique définitivement
créée.
36
La prescription acquisitive التقادم المكسب للملكيةc’est un moyen d’acquisition de la propriété qui
permet au possesseur de bonne foi (celui qui prend possession d’un immeuble non immatriculé ) الحائز
حسن النيّةd’un certain type d’immeuble de devenir le propriétaire de cet immeuble après l’écoulement
d’un certains temps (voir les articles 45 et suivants du C.D.R.).
s’agit nullement là de rétroactivité puisqu’elle ne revient pas
Cas pratiques
1°) "Saïd" s'est marié une première fois en 1940 et une deuxième fois en19950. En 1956, le Code du
Statut Personnel a interdit la polygamie. "Saïd" vous demande s'il peut se marier une troisième fois.
Si non, doit-il se séparer de l'une de ses épouses et n'en garder qu'une seule ?
2°) "Salah" a conclu un contrat de travail avec une société dans lequel il est stipulé qu'il peut
bénéficier de 2 semaines de congé annuel. Une nouvelle loi est entrée en vigueur en élevant le
congé annuel à 3 semaines et en instituant une sanction à l'égard de tous ceux qui ne respectent pas
ces dispositions.
"Salah" vous demande s'il a droit à ces 3 semaines de congé annuel ? et à partir de quelle date ?
3°) Après avoir loué sa maison à 500 Dinars de loyer par mois, "Samir" a été surpris par la nouvelle
loi qui a limité la location à 400 Dinars par mois. "Samir" vous consulte pour savoir s'il peut
continuer à exiger l'ancien loyer?
4°) "Ali" a contracté un mariage orf en 1961. Trois ans après ce mariage, un arrêté du 20 février
1964 est entré en vigueur modifiant l'article 36 du Code du Statut Personnel du 13 Août 1957 en
faisant du mariage orf une infraction sanctionnée par la loi.
Est-ce que "Ali" doit être sanctionné pour son mariage orf ?
juridiques quand ils exposent ou interprètent les règles de droits dans des ouvrages juridiques, articles de
revues, commentaires de décisions judiciaires. La doctrine peut être considérée comme une autorité (non
officielle) d’interprétation de la loi, mais en aucun cas comme une source officielle de la règle de droit. Elle
peut, également, être considérée comme une source d’inspiration pour le législateur et les décisions
judiciaires qui parfois citent les travaux de certains auteurs pour appuyer leurs interprétations de la loi (Voir
S. MELLOULI, op. Cit., pp.110-111, M. CHARFI, Introduction à l’étude du droit, pp.197-198).
38
A. WEILL et F. TERRE, op. cit., p.195.
les pourboires…). Le second, par contre, est considéré obligatoire 39. Ainsi, par
Selon l’article 535 du C.O.C., « lorsqu’un cas ne peut être décidé par une
disposition précise de la loi, on aura égard aux dispositions qui régissent les cas
semblables ou des matières analogues ; si la solution est encore douteuse, on
décidera d’après les règles générales de droit ». Ainsi, en cas d’absence d’un
texte de loi, le législateur prévoit le recours à l’analogie 40 ou aux principes
généraux de droit41 sans citer la coutume en tant que solution pour combler les
vides juridiques42. Par conséquent, la coutume n’est pas désignée en Tunisie
comme étant une source autonome. Elle ne peut s’imposer sans renvoi législatif.
- La délégation tacite :
Le législateur utilise souvent des expressions telle que « bonne foi », « bonnes
mœurs », « bon père de famille »…, qu’il ne définit pas. Ces notions, évoluant
avec les mœurs et les mentalités, avec le progrès technique et les nécessités du
moment, il est utile, voire nécessaire de recourir à la coutume pour les définir.
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En effet, les parties à un procès n’ont pas à apporter la preuve de l’existence d’une loi, parce que le juge
connaît la loi.
contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs ».
Quant aux moyens de preuve, la coutume étant une pratique, donc un fait,
tous les moyens de preuve sont admis pour la prouver.
Questions
1°) Distinguez entre l’usage et la coutume et citez en quelques exemples (autres que ceux produits
précédemment).
2°) Pourquoi l’existence de la coutume doit être prouvée par la partie qui s’en prévaut ?
3°) Quels sont les avantages et les inconvénients de la loi et de la coutume en tant que source
formelle de la règle de droit ?
Sous-section 2 La Jurisprudence