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Revue Économie, Gestion et Société N°18 décembre 2018

LE DEVELOPPEMENT DES FINANCEMENTS ALTERNATIFS AU


MAROC :

CAS DE LA MICRO-FINANCE

Par

Mohamed Jamal Eddine ZAROUALI

Chercheur en Sciences Economiques et de Gestion et Cadre à la Trésorerie


Générale du Royaume du Maroc.

Résumé :

Le développement des Financements Alternatifs au Maroc : Cas de la Micro-finance

Le Maroc a bien adopté la famille des financements alternatifs. Sur la liste de ses membres
figure évidemment la Micro-finance. Cette dernière est animée par plusieurs intervenants. Elle
est également passée par plusieurs phases, afin d’arriver à son niveau actuel. Son secteur a
bien réussi à atteindre des résultats très performants, avant de témoigner l’arrivée d’une
turbulente crise, qui l’a tangiblement chamboulé.

Mots-clés : Financement alternatif, Maroc, Micro-finance, Microcrédit

Classification JEL: G21

Abstract :

Development of Alternative Financing in Morocco: Case Microfinance

Morocco has adopted the family of alternative financing. On the list of its members obviously
include the Micro-finance. The latter is driven by several actors. It is also passed through
several phases, in order to arrive at its current level. Its industry has managed to achieve high-
performance results, before the arrival of a turbulent crisis, which has tangibly upside.

Keywords: Alternative financing, Morocco, Micro-finance, microcredit

JEL Classification : G21

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Introduction :

Malgré le développement et les innovations qui ont caractérisé l’industrie financière tout
au long de son histoire, les produits et les services financiers demeurent toujours une
exclusivité pour les personnes qui remplissent certains critères, exigés par les établissements
bancaires et financiers classiques. Par conséquent, dans le monde entier, une très large
population se trouve exclue du circuit bancaire et financier, et ne peut guère jouir de ses
services.

Grâce au développement économique et à l’essor que connaisse l’industrie financière


dans les pays développés, l’effectif des personnes qui y se trouvent en dehors du circuit
bancaire est beaucoup plus inférieur que celui des pays en voie de développement. Faisant
partie de cette dernière catégorie, le Maroc est caractérisé par l’existence d’une large
population qui ne bénéficie pas des prestations des établissements financiers, et ce pour
diverses raisons surtout économiques et sociales.

Dans le but de moderniser ses structures économiques et financières, le Maroc a ouvert


ses frontières sur l’extérieur. Ce pays africain s’est adhéré au sein des institutions
internationales, il a suivi minutieusement leurs instructions et programmes, comme il a
déployé d’immenses efforts afin de stimuler les échanges avec le reste du monde. Dans
le cadre de ce contexte, cette monarchie parlementaire a inéluctablement adopté les membres
légitimes de la famille des financements alternatifs, et ce dans le but de diversifier l’offre
financière locale et suivre les tendances internationales.

Ces financements alternatifs constituent des sources financières offrant des produits et
des services originalement non commercialisés par les banques classiques, et ciblant des
clients insatisfaits ; situés en dehors du champ du financement classique pour diverses
raisons1. Sur la liste de ces produits figure bel et bien la Micro-finance !

Les besoins financiers de plus en plus accrus de la population marocaine, en plus du


phénomène exorbitant de l’exclusion financière, étaient des éléments propices pour
la naissance et le développement de la micro-finance au Maroc. De même, et dès son
lancement, ce type de financement a profité pleinement d’un cadre juridique bien adapté,
favorisant ainsi le développement de la micro-finance au Maroc.

C’est ainsi que les premières institutions et associations, offrant ce type de


financement alternatif, virent le jour. De ce fait, la scène financière marocaine a témoigné
l’apparition d’un nouvel acteur censé d’animer la situation financière en participant au
développement économique du pays, à travers l’inclusion financière et la création des
activités génératrices du revenu.

1
ZAROUALI M-J (2016)., Le financement bancaire classique face aux financements
alternatifs : relations de concurrence ou de complémentarité ? Analyse comparative dans le
contexte marocain, Thèse de doctorat en Sciences économiques et de gestion, FSJES Oujda,
p-1

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A la lumière des lignes qui précèdent, le présent article se veut être une analyse du
développement de cette finance alternative sur le marché marocain, en parcourant son
histoire, en décrivant son état et en dénombrant ses points de force et ceux de faiblesse.

1. L’INSTALLATION DE LA MICRO-FINANCE AU MAROC

La réussite de toute industrie nécessite, en plus de la combinaison des facteurs de travail,


la propagation d’une atmosphère adéquate offrant un climat convenable pour sa croissance et
son développement. Par ailleurs, pour que la Micro-finance réussisse à avoir une place sur
le marché marocain, dominé principalement par le financement bancaire classique, ceci
dépendait de la disponibilité d’une tranche de la population assoiffée pour les services
financiers, mais qui ne peut pas y accéder. En fait, le Maroc possédait plusieurs atouts
nécessaires pour la réussite d’une nouvelle expérience en matière de la Micro-finance.

a) Un contexte socio-économique propice pour la naissance de la Micro-finance :


Puisqu’il s’agit d’un pays en voie de développement, le contexte économique
marocain n’est pas assez différent de ceux observés dans les pays qui ont adopté le système de
la micro-finance, plus particulièrement le microcrédit. En plus de cela, nous pouvons
remarquer que la pauvreté ; l’exclusion sociale ainsi que l’existence d’un important secteur
informel, peuvent être considérés comme étant les principaux débouchés de ce financement
alternatif au Maroc.

D’après les statistiques officielles, publiées par le Haut Commissariat au Plan HCP,
il s’avère que : « […] le taux de pauvreté relative a diminué de 15,3% à 8,9% au niveau
national, de 7,6% à 4,8% en milieu urbain, et de 25,1% à 14,4% en milieu rural. Le taux de
vulnérabilité a également été réduit, durant la période 2001-2007, de 22,8% à 17,5% au
niveau national, de 16,6% à 12,7% en milieu urbain, et de 30,5% à 23,6% en milieu rural.
En termes d’effectif, si le nombre de personnes vivant au dessous du seuil de
la pauvreté s’élève en 2007 à 2,8 millions personnes, il y a lieu de noter que, depuis 2001,
1,7 million de Marocains sont sortis de la pauvreté et 1,2 million de la vulnérabilité2 […] »

A partir de ces données, nous pouvons clairement remarquer qu’une large partie de
la population marocaine, estimé à peu près 2,8 million de personne, vit au dessous du seuil de
la pauvreté. Dans le même sens, le taux de pauvreté relative demeure toujours assez élevé
avec un pourcentage de 8,9% au niveau national, et ce malgré les efforts déployés et
les progrès réalisés.

De tels chiffres, quoiqu’ils soient tragiques pour certains, ils s’avèrent très attractifs
pour les institutions de la micro-finance qui y voient une opportunité à saisir, notamment
puisqu’une telle situation socio-économique représente une demande potentielle assez
importante pour les produits de la micro-finance, plus particulièrement le microcrédit.

La pauvreté n’en est pas le seul facteur incitatif, auquel nous ne pouvons pas oublier
d’ajouter la pesanteur du secteur informel. Ce dernier, dans lequel une grande partie de

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Haut Commissariat au Plan HCP (2009)., Evolution des niveaux de vie, des inégalités et de
la pauvreté au Maroc entre 2001 et 2007, Décembre 2009.
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la population marginalisée exerce ses activités économiques, enregistre de très importants


chiffres. Selon les résultats de l’enquête nationale sur le secteur informel en 2007, réalisée par
le HCP, le nombre d’unités de production informelles s’est élevé à 1.550.274 unités, soit une
création nette de 320.000 unités en l’espace de 8 ans ou l’équivalent de 40.000 unités par an.

Dans le but de financer la création de leur Unité de Production Industrielle UPI,


les micro-entrepreneurs du secteur informel ont recours principalement à leur épargne
personnelle à hauteur de 56,4% et dans une moindre mesure aux crédits octroyés par autrui
dans 19% des cas. Le recours aux microcrédits demeure faible et ne représente que 2,2% des
financements, mais représente tout de même le double du recours aux crédits bancaires qui ne
dépasse pas 1,1%3.

Figure 1: Les sources de financement de la création des Unités de Production


Industrielles

Source : Livre Blanc du Microcrédit au Maroc

b) La genèse de la micro-finance au Maroc4 :

La première mention de la Micro-finance a été faite en 1992, lors de la Conférence


organisée par l’Ecole Nationale pour l’Agriculture de Meknès ENAM sur la désertification
au Maroc. Convaincus par l’idée, quelques participants du Catholic Relief Service CRS, en
partenariat avec l’AMSED ont décidé d’en faire l’expérience en milieu rural dans le Moyen

3
Haut Commissariat au Plan HCP. (2009), Enquête Nationale sur le Secteur Informel 2007,
Décembre 2009
4
- ZAHRAOUI O. (2009), Micro-finance et pauvreté au Maroc : Outils d’évaluation et
Impact, Université Mohamed Ben Abdallah Fès, Faculté Pluridisciplinaire de Taza.
- HADDAD A. (2007), Analyse du Secteur du Microcrédit au Maroc fin 2006, note de
synthèse.
- PALLUD A.(2005), Etat des lieux du secteur de la micro-finance au Maroc, BIM n : 18
Octobre 2005.

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Atlas près de Khenifra en collaboration avec l’Association Locale Oued Srou. Un premier
crédit a été octroyé à un groupe de 8 femmes. Quelques tentatives ont permis de confirmer
l’efficacité du système, très adapté à la tradition solidaire marocaine.

Ceci dit, le secteur marocain de la micro-finance est assez récent. Les premiers
programmes qui orientaient les opérations de microcrédit, ont été déclenchés dans les années
1993-1994. Cependant, ce n’est qu’en 1996 que l’expérience internationale en matière de
la micro-finance a commencé à être connue dans le pays, surtout avec son essor spectaculaire.
En Mars 1997, quand des consultants ont mené la mission d’identification du projet
pilote pour le programme MICROSTART au Maroc, il y avait toujours très peu de
partenaires potentiels identifiés. Ce programme MICROSTART lancé par le Programme
des Nations Unies pour le Développement PNUD, a fourni à partir de 1998 une assistance
financière et technique à six associations avec un budget opérationnel de 1.7 millions USD.

Cet appui au secteur de la micro-finance a été suivi par celui de l’United States
Agency for International Development USAID pour plus de 16 millions USD en faveur
surtout de l’association AL AMANA. Le succès remarquable de ce projet a été un facteur
incitatif derrière la création de plusieurs associations, qui ont contribué à leur tour au
développement de la micro-finance au Maroc.

Initialement, et puisque il n’y avait pas d’institution spécialisées, les programmes de


micro-finance ont été opérés généralement par des associations. Il n’y avait qu’une seule
association spécialisée dans la micro-finance : AL AMANA, qui a été constituée en Février
1997. Par ailleurs, parmi les autres associations opérant sur ce nouveau marché au Maroc,
uniquement ZAKOURA et AMSED qui avaient bénéficié des contacts directs avec
la communauté internationale de micro-finance, qui leur imposait certaines normes à suivre.

En 2000, le Fonds Hassan II a soutenu le secteur avec une subvention de 100


millions DH. Cette contribution financière a permis d’accroître le nombre et le montant des
prêts accordés, en particulier pour les trois principales associations, à savoir AL AMANA,
ZAKOURA et la Fondation Banque Populaire Microcrédit FBPMC.

Figure 2 : Les importants événements de la Micro-finance au Maroc

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Source : HADDAD A. (2007), Analyse du Secteur du Microcrédit au Maroc fin 2006, note
de synthèse, p.2

Le 04 Octobre 2001 se fut la création de la Fédération des Associations de Micro


Crédit FNAM, qui regroupe 12 associations spécialisées dans ce type de crédit. Parmi
les attributions de cette fédération nous trouverons :
 Etablir les règles de déontologie.
 Veiller à l’application de la loi et textes d’application ainsi que règles de déontologie
et saisir le Ministre des finances de toutes violations y afférentes.
 Proposer au Ministre des finances toute action de nature à favoriser le Développement
du microcrédit.
 Servir d’intermédiaire entre ses membres et l’administration.
 Créer et gérer tous les services communs de nature à favoriser le développement du
microcrédit.

Au 31 Mars 2003, le secteur faisait état d’un encours de 537 millions dirhams prêtés à
307 523 personnes, dont 75 % de femmes. 1,5 millions de personnes ont été bénéficiaires
d’un microcrédit depuis l’émergence du secteur au Maroc. Le taux de remboursement était
supérieur à 99 %. Et ce n’était que le début, surtout que par la suite les chiffres et
les indicateurs enregistrés ne cessent d’envoyer des signes de performance. De plus en plus,
de nouvelles offres voient le jour surtout que le secteur a déjà embauché 1 509
professionnels.

Devant ce développement incontestable qu’a connu la micro-fiance au Maroc,


les autorités publiques se trouvaient devant l’obligation de concevoir un cadre juridique et
fiscal spécifiques pour l’organisation de cette jeune industrie sur le marché marocain.

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c) Un cadre juridique adéquat5 :

Puisque les IMF encourent un risque de viabilité à long terme, la réglementation est
conçue pour sécuriser les investisseurs et les donateurs et leur assurer une fiabilité du système
micro financier. De telles mesures permettront de faciliter aux institutions de microcrédit
l’accès à des sources et à des lignes de financement commerciales.

A l’échelle internationale, les acteurs de la micro-finance accordent un intérêt particulier


à la question de la réglementation du secteur. Etant conscient de son importance, le Maroc
dispose d’un cadre juridique spécifique à l’activité de microcrédit. Dans le but d’accompagner
le développement de cette activité, les pouvoirs publics ont édicté la loi
n° 18-97 du 5 février 1999, qui définit le microcrédit et en fixe les conditions d’agrément et
d’exercice. Au terme du premier article de cette loi : « […] est considéré comme association
de microcrédit toute association constituée conformément aux dispositions du dahir n° 1-
58-376 du 03 Joumada I 1378 (15 novembre 1958) réglementant le droit d'association et
dont l'objet est de distribuer des microcrédits dans les conditions prévues par la présente loi
et les textes pris pour son application […] ».

Ceci étant dit, une spécificité de la micro-finance marocaine réside dans le fait que ce
secteur soit régi par deux lois : le droit des associations du 15 Novembre 1958 tel que
modifié et complété en 2002 et la loi 18-97 relative au microcrédit promulguée par le dahir du
15 février 19996.

Dans le but d’assurer un climat propice au développement de ce secteur, et en suivant


les tendances de la demande interne, certaines modifications ont été apportées à la loi 18-97
afin d'autoriser les AMC à étendre leur champ d'action aux prêts liés à la rénovation et
l'amélioration de logements sociaux, l'accès à l'eau potable et l'électricité. Au terme de
l'article unique de la loi 58-03 du 06 Mai 2004 modifiant et complétant la loi 18-97 relative
au microcrédit : « est considéré comme microcrédit tout crédit dont l'objet est de permettre à
des personnes ‘économiquement faibles’ :
 De créer ou de développer leur propre activité de production ou de service en vue
d'assurer leur insertion économique ;
 D'acquérir, de construire ou d'améliorer leur logement ;
 De se doter d'installations électriques ou d'assurer l'alimentation de leur foyer en eau
potable... »

Par ailleurs, la loi a fixé le seuil des prêts à 50000 dirhams, mais son décret
d'application s'est contenté d'un plafond de 30000 dirhams. Cette restriction a permis de
segmenter le marché du crédit : les AMC servent donc essentiellement les petites activités
génératrices de revenu et les micro-entrepreneurs.

5
- FASKA M. (2006), Le secteur du microcrédit au Maroc : évaluation et étude de cas,
Mémoire de licence en Sciences Economiques, Université Moulay Ismail Meknès, 2006.
- BAGUAR K. (2005), Financement des Associations de Microcrédit AMC au Maroc,
novembre 2005.
6
Ainsi au Maroc, nous ne parlons pas des Institutions de Micro-Finance IMF, mais plutôt des
Associations de Micro Crédit AMC
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Outre l’octroi de microcrédit au profit de leurs clients, les associations de microcrédit


ne peuvent pas recevoir des fonds du public (collecte de l’épargne) au sens de l’article 2 du
dahir portant loi n° 1-93-147 du 15 moharrem 1414 (6 juillet 1993) relatif à l’exercice de
l’activité des établissements de crédit et de leur contrôle.

Dans le but d’accompagner le développement de cette industrie financière et encadrer


ses acteurs, le texte de la loi a doté le secteur de deux structures d'encadrement :
 Un Conseil Consultatif pour le Microcrédit CCM qui est consulté sur toutes
les questions liées au développement du secteur7 ;
 Un organe de concertation, de coordination interne et de représentation externe :
la Fédération Nationale des Associations de Microcrédit FNAM.

En ce qui concerne la fiscalité appliquée à ce secteur, elle s’avère très avantageuse


surtout que les opérations de crédit effectuées par les AMC au profit de leur clientèle sont
exonérées de la TVA. Cependant, les dons en argent ou en nature octroyés par des personnes
physiques ou morales aux AMC constituent des charges déductibles et instituant un Impôt sur
les Sociétés IS.

Les équipements et les matériels destinés exclusivement au fonctionnement de


microcrédit bénéficient de l'importation en franchise des droits de douanes et autres droits et
taxes. Ces exonérations, déductions et franchises sont accordées à chaque AMC pour une
durée de cinq ans à compter de la date de publication au Bulletin Officiel BO.

2. LE PANORAMA DE LA MICRO-FINANCE AU MAROC

Malgré son apparition assez récente sur la scène financière marocaine, la micro-
finance a bien réussi à enregistrer de très grandes performances, non seulement au niveau
national mais aussi à une échelle régionale et internationale. Ces satisfaisants résultats
n’étaient que le fruit des efforts déployés par les différents acteurs et associations du
microcrédit au Maroc, sans oublier l’importance capitale des encouragements des autorités
publiques au profit de cette nouvelle niche.
a) Les acteurs de la micro-finance au Maroc :

Le développement et la réussite de l’expérience marocaine en matière de ce type de


financement alternatif, nécessitaient une combinaison des efforts effectués par de multiples
acteurs. Des bailleurs de fonds bilatéraux ont participé au financement des activités du
microcrédit au Maroc, notamment lors des premières phases de lancement. Il s’agit bien de :
 USAID8.
 Agence Canadienne pour le Développement International ACDI9.

7
Les AMC doivent appliquer un taux d’intérêt fixé par décret après avis du Conseil
Consultatif du Microcrédit CCM. Elles ont une obligation d’information quant aux conditions
appliquées à l’octroi de prêts.
8
Dans le cadre de sa coopération avec le Ministère du commerce, de l’industrie et de
l’artisanat (protocole d’accord signé le 19 septembre 1995), l’USAID a accordé un don de
15,5 millions de USD avec lequel AL AMANA vu le jour.
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 Agence Espagnole de Coopération Internationale AECI10.


 Agence Française de Développement AFD11.
 Société Financière Internationale SFI12.
 Agence de Partenariat pour le Progrès APP13.

D’autres acteurs multilatéraux ont contribué au développement des activités des AMC
marocaines. A cet effet, le PNUD a crée le programme MICROSTART lancé dans 25 pays
en 1997 pour assurer l’assistance technique. Quant à elle, la Commission Européenne CE a
lancé en l’an 2000, un projet pilote d’appui au microcrédit au Maroc qui est intégré au
Programme MEDA 1995-1999. Comme nous ne pouvons pas négliger le rôle de la Banque
Mondiale BM qui avait accordé un soutien logistique au gouvernement marocain pour
la modification de la loi relative au microcrédit.

En parallèle aux efforts des acteurs étrangers, d’importantes initiatives nationales ont
été menées par le Fonds Hassan II pour le Développement Economique et Social, par
l’Agence Nationale pour la Promotion et le Développement Economique et Social des
Provinces et des Préfectures du Nord et par l’Agence de Développement Social ADS. A
tout cela, nous ajoutons le rôle primordial du fonds JAIDA14 dans le financement des IMF
marocaines.

A coté du soutien gouvernemental et celui des bailleurs de fonds, les Associations de


Micro Crédit AMC représentent le nerf de la micro-finance au Maroc. C’est uniquement à
9
C’est l’unité d’appui au programme de coopération canadienne au Maroc UAP qui contribue
à la réalisation de projets de développement. Elle encourage les efforts de développement
initiés par des organismes associatifs en s’intéressant de près à la participation des populations
locales.
10
L’AECI finance le secteur du microcrédit à travers l’ONG espagnole CODESPA. Elle vise
spécialement les régions du nord, dont Chefchaouen et Tétouan.
11
L’AFD (Agence Française de Développement) est un établissement public au cœur du
dispositif français de coopération, qui au moyen de subventions, de prêts ou de fonds de
garantie finance des projets afin d’accompagner les partenaires du Sud dans le renforcement
de leurs capacités.
12
Membre du Groupe de la Banque mondiale, la SFI est une institution mondiale d’aide au
développement dont les activités concernent exclusivement le secteur privé.
13
L'Agence du Partenariat pour le Progrès (APP) est un établissement public marocain. Il est
chargé de la mise en œuvre du programme, objet de l'accord "Millennium Challenge
Compact", conclu le 31 août 2007 entre les Gouvernements du Royaume du Maroc et des
Etats-Unis d'Amérique
14
JAIDA est un fonds de financement des IMF du Maroc, agrée par la banque centrale du
Maroc. Ses principaux objectifs sont les suivants :
 Faciliter le financement des IMF et ainsi améliorer l’accès des micro-entrepreneurs
marocains aux crédits
 Lever des financements auprès de sources privées et drainer de nouveaux capitaux
privés vers le secteur de la micro-finance
 Favoriser le développement institutionnel des IMF
 Tenter d’harmoniser les efforts des bailleurs de fonds internationaux en faveur du
secteur de la micro-finance au Maroc

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travers leurs réalisations, leurs performances et leurs résultats, que la micro-finance marocaine
réussisse à décrocher la confiance à la fois des institutionnels et des citoyens. Le Maroc
compte 13 AMC de différentes tailles, et qui sont les suivantes :

• AL AMANA – Association Al Amana pour la promotion des Micro-entreprises - Rabat


L’association Al Amana a été créée le 13 février 1997 et a pour mission de contribuer
à l’intégration sociale et au développement économique par la Micro-finance et la promotion
des Micro-entreprises.
• AMOS Association de Micro-finance Oued Srou – Khenifra
AMOS Association de Micro-finance Oued Srou a été créée le 25 février 2000 et agit
dans les régions de Meknes-Tafilalet, en particulier en faveur des femmes (98%), en milieu
rural et périurbain.

• AMSSF Association Marocaine de Solidarité Sans Frontières – Fès


Créée à Fès en 1995 et agréée par le ministère des finances le 5 septembre 1999,
l’AMSSF a été la première association à démarrer ses activités de Microcrédit dans la région
de Fès. Sa cible est composée de Micro-entrepreneurs ayant déjà une activité et dont 90% se
trouvent en zone urbaine ou périurbaine. Son principal objectif : extension de ses activités
dans le Moyen Atlas et le Rif.

• Fondation AL KARAMA de Microcrédit pour l’appui de la Micro-entreprise – OUJDA


La Fondation AL KARAMA de Microcrédit a été créée le 1er juillet 1999 (sous
la dénomination AMAL MC). Les clients d’AL KARAMA sont généralement des femmes
pauvres exerçant une activité génératrice de revenus et qui sont exclues du système bancaire
classique faute de garanties matérielles. La fondation exerce son activité en grande partie dans
deux zones : Oujda et Figuig, zones qui se situent dans l’Oriental du Royaume. La fondation
souhaite maintenant se développer et couvrir tout le nord – est du Royaume.
• ASSOCIATION DE MICROCREDIT DU NORD - TANGER
L’Association de Microcrédit du Nord – Tanger a été créée le 24 Octobre 2001 et
agréée par le Ministère des Finances en Septembre 2005. Elle exerce ses activités de
Microcrédit essentiellement dans la région de Tanger.

• AIMC – Association Ismailia de Microcrédit Meknès


L’association ISMAILIA de Microcrédit a été créée en 1997 grâce à l’initiative de
membres de la société civile de Meknès. Son rôle est de contribuer au développement
économique et social de la ville et de la région de Meknès. L’AIMC se considère comme le
partenaire des femmes les plus démunies de la communauté. En effet 80 % des crédits leur
sont destinés. Les prêts n’ont été ouverts aux hommes qu’à la fin de l’année 2004, pour
certaines zones uniquement.

• L’Association ATIL MC
L’Association ATIL MC a été créée en Janvier 2001 et a démarré ses activités en Mai
2001 en collaboration avec l’ONG italienne APS et le Ministère des Affaires Etrangères
italien pour promouvoir un modèle de développement économique dans la wilaya de
Tétouan.

• FBPMC Fondation Banque Populaire pour le Microcrédit Casablanca – Zakoura


Chaâbi

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La FBPMC a été créée en Juillet 1998 et agréée par le Ministère des Finances le 1er
Mars 2000 pour exercer l’activité de Micro-finance. Elle constitue de ce fait une réponse
citoyenne du crédit populaire du Maroc et un soutien aux efforts de l’état dans la lutte contre
la pauvreté. La cible étant les Micro-entrepreneurs les plus aisés (Très Petites Entreprises
TPE) que l’on souhaite accompagner vers la bancarisation.

• Fondation ARDI
La Fondation ARDI a été créée en 2001 sous forme d’association d’intérêt économique
et social, sans but lucratif. Elle a pour mission de lutter contre l’exclusion financière et de
promouvoir la micro entreprise particulièrement en milieu rural, à travers l’exercice et
la promotion du micro crédit.

• Fondation ZAKOURA Microcrédit – Casablanca :


La Fondation ZAKOURA a été créée en Octobre 1995. Sa mission consiste à
améliorer les conditions de vie des plus démunis et plus particulièrement les femmes (97% de
sa clientèle), tout en associant son action de Microcrédit avec des programmes de
sensibilisation sur diverses questions relatives à l’alphabétisation, la santé, le logement, les
droits légaux etc.15

• FONDEP Fondation pour le développement local et le partenariat – Rabat


Créée en 1996, la FONDEP contribue au financement de projets économiques de petite
taille au profit des femmes (82 % des prêts accordés) en milieu rural et des jeunes exclus du
marché du travail ne disposant d’aucun revenu et désireux de s’insérer dans le tissu
économique. La FONDEP œuvre aussi à l’aide pour l’installation des infrastructures
socioéconomiques de base en milieu rural et à l’alphabétisation.

• INMAA Institution Marocaine d’Appui à la Micro-finance – Rabat


INMAA, association créée le 17 septembre 1999, a pour mission de contribuer à la
lutte contre la pauvreté notamment dans les zones rurales. L’institution mise aussi sur la
création de nouveaux produits de Microcrédit adaptés aux besoins de certains secteurs
économiques précis (tels que l’élevage, la pêche artisanale, etc.). Sa devise : " Nous luttons
contre la pauvreté, là où elle est le plus difficile à atteindre ".

• Association TAWADA pour le Microcrédit (Rabat)


Agréée en Août 2007 par le Ministère de l’économie et des Finances, l’association
TAWADA a des antennes opérationnelles dans le moyen Atlas et dans la région d’Er-
Rachidia. L’association cible principalement les femmes en zones rurales dans le cadre du
financement d’AGR

• Association Bab Rizk Jameel BRJ – Casablanca

L’Association saoudienne Bab Rizk Jameel (BRJ) s’est implantée en 2010 à


Casablanca, au quartier Roches Noires, et a entamé ses premières activités dans
le microcrédit. L’ONG spécialisée dans le financement de microprojets et dans
l’encouragement de l’emploi des jeunes et l’auto-emploi est basée à Djeddah, en Arabie
Saoudite, et a déjà ouvert des implantations en Egypte, en Syrie et plus récemment en Turquie
15
Après avoir des difficultés avec les impayés, la Fondation ZAKOURA s’est fusionnée avec
la FBPMC pour donner lieu à la Fondation Zakoura Châabi
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et en Algérie. Elle cherche à se positionner principalement en milieu rural avec une ambition
nationale.

Tableau 1: Classement des AMC au Maroc en 2006

Source : HADDAD A., Analyse du Secteur du Microcrédit au Maroc fin 2006, note de
synthèse, p.3

Le champ d’intervention et l’ampleur géographique des opérations diffèrent d’une


association à une autre. Ainsi quatre grandes AMC sont d’envergure nationale :
AL AMANA, FONDEP, Fondation Attouafiq de FBPMC et ARDI, trois autres AMC ont
une couverture plutôt régionale : AMSSF, INMAA et AL KARAMA, cinq autres AMC se
sont planchées sur la distribution locale : Fondation du Nord, ATIL, Ismaïlia, TAWADA et
AMOS. L’acteur le plus récent, qui est entré sur le marché depuis 2010, Bab Rizk Jameel
BRJ cherche à se positionner principalement en milieu rural avec une ambition nationale.

b) Les performances de la Micro-finance au Maroc16 :

16
Les informations citées dans ce paragraphe sont principalement tirées des références
suivantes :
- BARLET K. (2004), Micro-finance dans les Etats arabes : une étude du FENU et
Sanabel, BIM n : 21, Décembre 2004
- BRANDSMA J. et BURJORJEE D. (2004), Microfinance in the Arab States :
Building inclusive financial sectors, UNCDF, New York, October 2004
- DARAICHE R. (2007), Impact du microcrédit sur l’activité économique : cas
pratique AL AMANA, Mémoire de licence en sciences économiques et de gestion,
Faculté pluridisciplinaire de Tétouan, 2007.

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En profitant pleinement d’un ensemble de facteurs juridiques et socio-économiques,


le Maroc est reconnu comme un leader du microcrédit dans sa région MENA. Il dispose du
plus grand nombre de bénéficiaires avec 40 % des personnes servies dans le monde arabe, et
compte des IMF parmi les plus performantes au monde.

Le secteur marocain du microcrédit a connu l’une des plus formidables croissances


jamais observées en micro-finance. En moins de quatre ans, de 2003 à 2007, le secteur a
connu une grande croissance du nombre de ses clients actifs qui est passé de 300.000 à
1.200.000 personnes. De même, le portefeuille de prêts des AMC a été multiplié par onze,
selon les données du Micro-finance Informations Exchange MIX. Cette croissance
colossale a été bien portée par quatre AMC leaders du marché national, à savoir:
ZAKOURA, AL AMANA, Fondation des Banques Populaires et FONDEP.

Figure 3: Evolution du nombre de clients et de l’effectif des AMC 2007-2012

Source : Centre Mohammed VI de Soutien à la Micro-finance Solidaire 2013

Les résultats impressionnants de ces AMC marocaines en plus de leurs performantes


gestions, ne pouvaient pas passés inaperçus sous silence. Par contre, AL AMANA et
ZAKOURA ont reçu plusieurs prix internationaux, dont le prix du MIX récompensant
les IMF les plus performantes et le Prix européen de la micro-finance. En 2007, le secteur de
la micro-finance au Maroc était l’un des plus actifs et de plus performants au monde.

Avec ces performances, le secteur de la micro-finance a bien contribué à son tour au


développement de l’économie nationale. Il était à l’origine de 6000 emplois directs
permanents et de milliers d’emplois indirects. De même, on comptabilise plus de 1300
points de vente sur l'ensemble du territoire, ce nombre est beaucoup plus élevé que
les grandes banques de la place, dont le nombre maximum d’agence par établissement est
égale à 1000 Agences. Le taux de couverture de la population concernée est estimé à 60%
dans les zones urbaines et près de 40% dans les zones rurales ; plus de 52,7% des points
de vente sont localisés en milieu urbain et 47,3% en milieu rural. Les AMC sont implantées
pratiquement dans toutes les régions du pays et notamment là où le taux de pauvreté est élevé.

Tableau 2: Chiffres clés de la micro-finance au 31 Décembre 2012

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Source : https://www.lamicrofinance.org/

De plus en plus, de nouvelles offres voient le jour, avec le développement du crédit


logement, d’innovations des produits de prêt en milieu rural, et à l’augmentation constante des
crédits individuels. Malgré tout, les AMC ne servent que 10% à 20% du marché cible. On
estime que les populations qui pourraient bénéficier de microcrédits représentent un potentiel
client de 3,2 millions.

c) La crise de la micro-finance au Maroc17 :

L’essor spectaculaire qu’a connu la micro-finance au Maroc n’a pas réussi à durer
pour très longtemps. Ainsi, des signes annonciateurs d’une crise ont commencé à apparaître
depuis 2007, notamment une hausse des taux d’impayés et une progression de l’endettement
croisé18. En 2006, une étude de ‘Planet Finance’ a mis en lumière la concentration des
microcrédits dans les grandes villes, comme Casablanca, Fez et Marrakech, et
le développement de l’endettement croisé dans les centres urbains19.

En décembre 2007, la crise des impayés avait déjà débuté, mais son ampleur était
encore dissimulée par la croissance exceptionnelle du portefeuille de prêts. Les impayés
étaient déjà importants pour les prêts accordés au début de l’année 2007, mais l’essentiel du
portefeuille datait des six derniers mois et n’était pas encore exposé aux arriérés.
Toutefois, à partir de 2008, le secteur a fait face à des perturbations impliquant son
portefeuille d’encours, qui se sont caractérisées par un ralentissement de l’activité et des
abaissements tant du nombre des clients actifs que de l’encours des prêts (Figure 5).

Figure 4 : Le Déclin de la productivité des AMC marocaines

17
REILLE X. (2009), Essor crise et redressement du secteur de la micro-finance au Maroc,
CGAP BRIEF, Décembre 2009.
18
Planet Finance. (2009), Étude sur les endettements croisés au Maroc, juin 2006.
19
En décembre 2008, douze IMF opéraient au Maroc, servant près d’un million de clients,
avec des actifs combinés de 5,7 millions de dirhams . Le secteur est hautement concentré et
les quatre principales IMF totalisent 90 % des services auprès de la clientèle.
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Source : MIX
Par même effet de crise, la productivité des associations de microcrédit avait tendance
à baisser. Ceci se faisait par le biais des rendements à la fois des portefeuilles et des actifs qui
ne cessaient pas de baisser depuis 2003 jusqu’à 2008, année dans laquelle le rendement des
actifs Returns on Assets ROA était quasiment nul (Figure 4)

Figure 5: Evolution des encours des AMC marocaine durant la période 2007-2012

Source : https://www.lamicrofinance.org/

Pour sortir de cette crise, les AMC en partenariat avec l’Etat ont déployé de grands
efforts, dans le cadre d’une phase d’assainissement du secteur. Cette dernière a révélé entre
2008 et 2011, une baisse de l’encours de 17,4 %, soit un montant de 954 Millions DH. De
même pour le nombre de clients qui a perdu lui plus de 518.000 clients actifs durant
la période allant de 2007 à 2011 avant que le secteur n’affiche une légère évolution de 0,6%
en 2012.

3. MALGRE SON PROGRES REMARQUABLE, LA MICRO-FINANCE AU


MAROC CONFRONTE PLUSIEURS ANOMALIES

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Dans une très courte durée, l’expérience marocaine en matière de la micro-finance est
devenue l’une des expériences les plus réussites dans le monde. Cependant, ce jeune secteur
financier n’a pas réussi à préserver son essor et son évolution. Par ailleurs, la crise qui a
frappé la micro-finance au Maroc n’est que le résultat d’un certain nombre d’anomalies, qui
entravent voire ruinent le développement de ce financement alternatif dans ce pays nord
africain.

a) La propagation des crédits croisés20 :

Les crédits croisés sont considérés parmi les grandes menaces de l’industrie
financière. Cette menace devient encore plus grave dans le cas des petites institutions
financières. Un crédit croisé proprement dit est essentiellement un comportement des clients
détenant des prêts auprès d’au moins deux et jusqu’à cinq IMF différentes.

Le danger que représente ce phénomène parasite peut être constaté dans deux points
primordiaux. Tout d’abord, la multiplicité des crédits contractés par les clients, affaiblit leur
capacité de remboursement et augmente tangiblement le risque d’impayé. Ensuite, les crédits
croisés diminuent considérablement la capacité des AMC à suivre la traçabilité des crédits
accordés.

De même, l’endettement croisé constitue également un facteur aggravant, même s’il


n’est pas à l’origine de la crise. Une étude réalisée par la BAM en 2008 estimait que 40 %
des bénéficiaires de microcrédits disposaient de plus d’un prêt. Ce problème est
particulièrement marqué dans les centres urbains.

D’après les résultats tirés d’une enquête effectuée par le fonds JAÏDA,
« […] les bénéficiaires interrogés expliquent qu’ils contractent des prêts croisés avant
tout parce que les montants prêtés par les AMC sont insuffisants21. Aussi, ils ont besoin
de faire face à des dépenses particulières tel que financer un nouveau projet ou parce
que certaines AMC sont plus avantageuses que d’autres en matière de maturité de prêt22
[…] »

b) La croissance des Portefeuilles à Risque PAR et des abandons de créance23 :

Parmi les mesures les plus acceptées pour l’évaluation des portefeuilles des IMF, nous
trouverons le Portefeuille à Risque PAR >30 jours. Ce dernier permet aux gestionnaires des
IMF de mesurer la partie des portefeuilles de crédits contaminée par les impayés et
représentant un risque de ne pas être remboursée. Il se calcule avec la formule suivante :

Encours de Crédit Ayant une Echéance en Retard ECER > 30 jours


20
Planet Finance, op.cit
21
D’après l’enquête, 68% des clients endettés affirment être insatisfaits du montant de prêt
proposé.
22
Fonds JAÏDA. (2011), Analyse du prêt individuel et de l’endettement croisé : Enquête
Sectorielle 2010, Janvier 2011.
23
Centre Mohammed VI de Soutien à la Micro-finance Solidaire.(2013), Tendance du Secteur
de la Micro-finance, Juin 2013.
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---------------------------------------------------------------------------------------- × 100
Portefeuille Brut de Crédit PBC

Pour les AMC marocaines, les portefeuilles à risque ont commencé à augmenter de
manière significative, de 0,42 % en 2003, étant l’un des niveaux les plus bas au monde, à
1,9 % en 2007 (Figure 6), mais toujours bien en deçà de la moyenne mondiale de 2,7%.
La hausse brutale des portefeuilles à risque a eu lieu en 2008 et a affecté toutes les IMF.
En Décembre 2008, le PAR> 30 était de 5 %, et il atteignait le niveau alarmant de 10 % en
Juin 2009.

Figure 6 : Evolution du PAR>30 et des impayés des IMF au Maroc 2004-2009

Source : MIX

Les abandons de créance ont eux aussi considérablement augmenté avec un impact
négatif sur la rentabilité et la solvabilité des IMF. En Mai 2009, ZAKOURA, l’une des IMF
marocaines leaders, annonçait un PAR>30 de plus de 30 % et décidait de fusionner avec une
autre institution, la Fondation des Banques Populaires, pour pouvoir résister aux effets de
la crise du secteur.

c) Le comportement des AMC :

Il ne faut pas toujours accuser les autres d’être à l’origine de la crise, par contre
les AMC en assument une grande responsabilité. La crise du microcrédit marocain trouve ses
origines dans les IMF elles-mêmes qui ont connu une croissance non maîtrisée. Leurs
capacités institutionnelles ont été dépassées par cette croissance exponentielle, se traduisant
par des politiques de crédit laxistes, des systèmes d’information et de gestion SIG obsolètes,
des lacunes au niveau du contrôle interne et une gouvernance trop faible.

A cet effet, au début de l’année 2007, ZAKOURA s’est lancée dans une course à
la croissance pour rattraper sa principale concurrente, AL AMANA, alors qu’elle ne disposait
pas d’un Système d’Information et de Gestion SIG assez performant24. Dans le même temps,
certaines grandes IMF ont commencé à diversifier leurs produits de crédit et à proposer des
prêts plus importants sans renforcer leurs procédures d’analyse et d’octroi.

24
L’un des résultats de cette gestion non maîtrisée : la fusion de ZAKOURA avec la FBPMC
pour pouvoir survivre.
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Une étude datée de 2008 a conclu que 40 % des impayés pouvaient être attribués à des
changements de méthodologie de crédit. Les AMC ont commencé à accorder plus de prêts
individuels que des prêts solidaires, comme elles ont augmenté les montants des prêts. De
même, elles ont modifié la nature de remboursement en initiant le passage d’échéances de
remboursement hebdomadaires à des échéances mensuelles.

Avec de tels comportements, les associations et les institutions de la micro-finance au


Maroc ont participé indirectement et involontairement au déclenchement de la crise. Ainsi,
elles étaient obligées de revoir leurs politiques et stratégies pour ne pas tomber dans
les mêmes erreurs fatales.

Conclusion :

Dotée d’une très bonne réputation qui l’accompagne partout où elle s’installe,
la Micro-finance a été la bienvenue au Maroc. Elle a été même le membre de la famille des
financements alternatifs le plus gâté par les autorités, surtout qu’elle a bénéficiée des
encouragements de l’Etat à travers : l’établissement d’un cadre juridique adéquat, l’octroi des
subventions et la création des institutions spécialisées.

Animé par 13 associations de microcrédit et financé à hauteur de 80% par des


banques, le marché de la micro-finance a connu de très beaux jours au Maroc, avant qu’il soit
touché par une turbulente crise en 2007, qui l’a poussé à se restructurer et à changer de
comportements. Les observateurs culpabilisent ces AMC d’être à l’origine de cette crise,
surtout qu’elles ont changé leurs mesures d’octroi et de suivi des emprunts distribués, la chose
qui a dévié ce secteur socio-financier du vrai sentier du développement !

Par ailleurs, il s’avère que les microcrédits aboutissent à des résultats controverses
notamment à long terme. Au lieu d’améliorer la situation des bénéficiaires, ces crédits leur
vulnérabilisent encore plus. Une telle situation peut être due aux taux d’intérêt très élevés et
au phénomène des crédits croisés.

C’est ainsi que la régulation du marché marocain de la micro-finance devient une


nécessité de grande urgence. D’autant plus, les différents intervenants et acteurs du secteur
sont appelés à adopter et suivre des mesures coercitives, afin de mettre le secteur sur les bons
rails !

Références bibliographiques :

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novembre 2005.

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