NDD - 67 - Danse Et Arts Plastiques
NDD - 67 - Danse Et Arts Plastiques
NDD - 67 - Danse Et Arts Plastiques
JEUNE PUBLIC :
Quelle danse pour les ados ?
AUTOMNE 16 - N° 67
Trimestriel d’information
et de réflexion sur la danse
Édité par CONTREDANSE
AUTOMNE 16 . N° 67
. NDD
ÉDITO SOMMAIRE
« Femme. Française. Retraitée. » Trois P. 03 CR É AT IONS
adjectifs ont enflammé le petit milieu des
arts de la scène belge sur les réseaux
P. 06 BR ÈV ES
sociaux à la suite de la nomination d’Annie
Bozzini à la tête du Centre chorégraphique,
P. 08 DOSSIER
le 30 avril dernier. Des propos interpellants.
Non pas qu’il soit inacceptable que l’un ou Corps et graphie
l’autre chorégraphe affiche sa Le dialogue intime entre danse et arts plastiques
désapprobation avec véhémence. Une
vingtaine d’acteurs, metteurs en scène et P. 16 PR AT IQU E S
. NDD
Déjà-vu / Julien Carlier un trio féminin non dénué de violence sourde. sonore est assurée par Guillaume Le Boisse-
Pour sa deuxième création, Déjà-vu, Julien Après Notch, qui traitait du corps politique, lier. Première le 14 octobre à De Werf, à
Carlier explore le thème du labyrinthe. Un cette deuxième pièce d’Oriane Varak étudie Bruges.
dédale autant physique que mental où chaque les relations de pouvoir au sein d’une famille
danseur tente de suivre son fil d’Ariane. Fanny dominée par le matriarcat. C’est le corps en
Brouyaux, David Zazzera, Arthur Pedros et le tension qui intéresse la chorégraphe ainsi que Le terrier / Cie LOG
chorégraphe, racontent chacun une histoire les jeux de pouvoir à l’échelle d’une société ou Derrière ce nom de compagnie en trois lettres
singulière, une histoire de choix et de temps bien, comme ici, d’un microcosme. Une pièce (LOG) se cachent Florencia Demestri et Sa-
qui passe, de retour et de déjà-vu. Alors que la créée et interprétée par Oriane Varak, Jenna muel Lefeuvre. Après leur parcours respectif
danseuse est issue de P.A.R.T.S, les trois dan- Jalonen et Audrey Lucie Riesen. La création en tant qu’interprètes, les deux artistes dé-
seurs viennent du hip-hop; c’est ce contraste
des styles qui fait la spécificité du langage de
ce jeune chorégraphe. À voir le 4 octobre au
Centre culturel de Huy.
cident de fonder une compagnie « dédiée à Grace Ellen Barkey. En 2004, cette dernière ECCE. Tous deux seront en résidence au
leur passion pour les états physiques ex- a lancé Lemm&Barkey, avec Lot Lemm, Concertgebouw Brugge de 2017 à 2021. Pre-
trêmes, les atmosphères sombres et les membre également de la Needcompany. mière le 25 octobre au STUK, à Louvain.
lignes narratives décalées ». Ils se plaisent Dans FOREVER, les deux artistes s’attachent
à estomper les frontières entre réel et ima- à parler de notre mortalité, qui contraste
ginaire, et ici, entre spectateur et interprète. avec le renouvellement perpétuel de la na- Failbetter / Renan Martins
Ce « terrier » est la boîte noire, l’espace ture. Leur point de départ est une composi- Après une formation en danse au Brésil et en
physique de la représentation considéré tion de Gustav Mahler, Das Lied von der Erde Autriche, Renan Martins intègre P.A.R.T.S.
comme un protagoniste à part entière, lieu (1909), et plus particulièrement sa dernière (« Performing Arts Research and Training
de déformations spatiales et temporelles… partie, Der Abschied, composée après l’an- Studios ») en 2010 pour participer à un cycle
Pour goûter les saveurs de l’étrangeté, ren- nonce faite au musicien d’une maladie car- de recherche au cours duquel il s’est concen-
dez-vous le 18 octobre aux Brigittines, à diaque fatale. « La finitude des humains tré de manière plus intensive sur la chorégra-
Bruxelles. mérite aussi un Lied et une danse », affirme phie et a commencé à développer son propre
Grace Ellen Barkey. Première le 21 octobre travail. Interprète, entre autres, pour Anne
au Kaaitheater, à Bruxelles. Teresa De Keersmaeker, Pierre Droulers,
nicht schlafen / les Ballets C de la B Meg Stuart, Renan rejoint, en septembre
Pour sa nouvelle création, Alain Platel 2014, l’équipe de l’asbl Seventyseven auprès
s’inspire de l’œuvre et de la vie de Gustav Des illusions / Cie 3637 de Les Slovaks, d’Anton Lachky, de Moya Mi-
Mahler. Le compositeur autrichien mort en Après le thème de l’émancipation (Cortex), chael, de Meytal Blanaru et de Peter Jasko.
1911 vécut à une période de bouleversements, celui de l’immigration (Eldorado), la compa- Dans sa pièce présentée cet automne, il sou-
dans une Europe aux prémices de conflits gnie 3637, aborde avec sa nouvelle pièce les haite poursuivre le dialogue entre danse et
mondiaux. Neuf danseurs évoluent sur pressions de la réussite professionnelle. musique amorcé à P.A.R.T.S. et caractéris-
scène, sur une musique composée par Une adolescente est prise de vertige le soir tique du travail d’Anne Teresa De Keersmae-
Steven Prengels – avec lequel Alain Platel a de ses 17 ans : quelles sont ses perpectives ker, en revisitant la musique du compositeur
collaboré à plusieurs reprises –, inspirée de d’avenir ? Quelle voie choisir ? Porté par autrichien Anton Webern et plus particulière-
l’œuvre musicale de Mahler, mais également Sophie Linsmaux, Bénédicte Mottart et Co- ment la Passacaille (genre musical pratiqué
des traditions polyphoniques congolaises. ralie Vanderlinden, ce spectacle métapho- aux XVIIe et XVIIIe siècles). Première le 25
Première le 19 octobre à deSingel, à Anvers. rique, qui mêle théâtre, danse et musique, octobre au Space Belgica, à Bruxelles.
s’adresse autant aux adolescents qu’aux
adultes. La mise en scène est signée Bap-
Mèches / Vincent Fortemps, Mauro Pac- tiste Isaia, la scénographie Aurélie Deloche Eat it / Cie Irène K
cagnella, Didier Casamitjana et la musique Philippe Lecrenier. Le 24 oc- La pomme de terre est en Belgique ce que
Lorsqu’un chorégraphe, un musicien et un tobre au Théâtre de la Montagne Magique, l’olive est à la Grèce, autant dire incontour-
dessinateur se rencontrent, le résultat +12 ans. (Lire aussi entretien pp.18-19). nable. Eat it, « ode à la terre et à ses
aboutit à une performance plastique et so- pommes », est le fruit d’une collaboration
nore. Deux hommes, deux survivants, deux entre la compagnie d’Irène Kalbusch et The
naufragés confinés dans un espace clos, tel EVOL / Claire Croizé Arts Fission Company de Singapour. Loin
un îlot virtuel, esquissent un espace sans Co-fondatrice de la structure Action scé- d’être anecdotique, le projet s’est construit
repères. Vincent Fortemps dessine en di- nique (avec Nada Gambier et Étienne Guillo- autour du thème de la nourriture, des habi-
rect des images projetées sur un fond blanc. teau), la chorégraphe installée en Belgique tudes alimentaires dans leurs dimensions
Au souffle des deux performeurs (Mauro depuis plusieurs années a développé divers culturelle, géographique, climatique et spi-
Paccagnella et Didier Casamitjana) ré- projets artistiques tout en travaillant égale- rituelle. La réflexion s’est étendue à la
pondent les gestes du dessinateur sur la ment comme interprète. Elle revient au- question de la boulimie, du gaspillage, de
matière peinte, amplifiés par des micros jourd’hui avec E VOL… abréviation d’ l’obésité… En frite, soupe ou purée, la patate
capteurs. Première le 20 octobre aux Brigit- « évolution » et anagramme de « LOVE », parle de force terrestre, de culture et de
tines, à Bruxelles. des thèmes au cœur de cette nouvelle tradition. Il ne reste plus qu’à suivre cette
création. Claire Godsmark, Youness injonction : Eat it, le 10 novembre au Alter
Khoukhou, Emmi Väisänen et Jason Respi- Schlachthof d’Eupen.
FOREVER / Lemm&Barkey & Needcom- lieux se déploient sur scène plongés dans le
pany silence, parfois rompu par des morceaux de
On ne présente plus la Needcompany, fon- David Bowie. La dramaturgie est signée Giovanni’s Club / Claudio Bernardo
dée en 1986 par le metteur en scène et plas- Étienne Guilloteau avec lequel Claire Croizé Après la parution d’un hors-série d’Alterna-
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ticien Jan Lauwers avec la chorégraphe vient de fonder une nouvelle structure, tives théâtrales consacré à son œuvre, le
P.
danseur et chorégraphe Claudio Bernardo met en scène quatre danseurs sud-coréens, 2001, elle a dansé pour plusieurs choré-
investira très prochainement les scènes de un pianiste et un percussionniste, lie cha- graphes : Philippe Découflé, Maria Clara
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théâtre et invitera le public à découvrir un manisme et danse contemporaine. Ce rite Villa Lobos, Fatou Traoré… Après sa Food
club particulier, « un cabaret sulfureux de particulièrement pratiqué en Amérique du Story, une trilogie sur la culture japonaise
liberté ». Giovanni’s Club est ce lieu qui ras- Sud et en Asie est une perpétuelle source par le biais de la nourriture, elle livre en
semble les esprits de deux séducteurs my- d’inspiration et de réflexion pour la choré- 2015 Oshiire sur les rapports entre une
thiques : Don Juan et Casanova. Cette nou- graphe d’origine argentine. « La question du mère et son enfant. Puisant constamment
velle pièce au titre faussement léger chamanisme a toujours éveillé ma curiosité, dans un matériau autobiographique, elle
questionne la virilité, la masculinité au- pour son lien fort avec la nature en général évoque cette fois-ci les questions de l’exil et
.
jourd’hui, une création ambitieuse interpré- et plus spécifiquement avec les animaux ; de la nostalgie. OMOI a plusieurs homo-
NDD
tée par sept danseurs. Avec Mikaël Bres, dans la croyance chamanique, ‘rien ne nous nymes et signifie en japonais penser, gravité
Breno Caetano, Vincent Clavaguera-Pratx, appartient et nous appartenons à tout’ ». physique, gravité mentale mais également
.
Ezra Fieremans, Calixto Neto, Mavi Veloso, Nativos est une invitation à un voyage ritua- nostalgie, aimer quelqu’un. « La maison se
CRÉATIONS
Christos Xyrafakis. Bienvenue au Club le 15 lisé dans un contexte contemporain où la tient dans le vent, elle semble proche d’où
novembre 2016, Théâtre Varia, à Bruxelles. partition chorégraphique joue sur la répéti- nous sommes, mais on ne peut pas l’at-
tion de 310 mouvements… Première le 19 teindre facilement », écrit la chorégraphe.
novembre au Stadsschouwburg, à Bruges. « La pièce parle des doutes, de la peur de
Nativos / Ayelen Parolin rentrer à la maison, et de se permettre de
Ayelen Parolin nous revient avec Nativos, chercher nos propres réponses. OMOI parle
une pièce produite par le Théâtre de Liège et OMOI, la maison vent / Uiko Watanabe de la force de gravité que l’idée de maison
par la Korean National Contemporary Dance et Sarah Wéry peut exercer sur nous. » Co-signée avec la
Company. Créée sur un modèle proche d’Hé- Née au Japon, Uiko Watanabe se forme très musicienne Sarah Wéry. Première le 21 no-
rétiques (2014), cette nouvelle œuvre, qui tôt à la danse. Basée à Bruxelles depuis vembre à la Raffinerie, à Bruxelles.
BRÈVES
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Mouvements grandement améliorer le travail des compa- Technique Alexander. Le chorégraphe et dan-
Clap de fin pour Vincent Thirion et les trois gnies et des artistes (par des aides aux projets seur était artiste associé depuis la fondation
artistes associés (Michèle Anne De Mey, pluriannuelles, des conventions plus lon- du studio Le Regard du Cygne, où il était en
Thierry De Mey, Pierre Droulers) : une nou- gues...), mais qu’il nécessite impérativement charge de la programmation danse depuis
velle ère va bientôt commencer à Charleroi un important refinancement sous peine d’en- 2001.
Danses. La nomination d’Annie Bozzini à la voyer tout le monde dans le mur en quelques
tête du Centre chorégraphique de la Commu- années. Autre nouveauté, la Fédération Wallo-
nauté française a fait couler beaucoup d’encre nie-Bruxelles a lancé un appel à projet pour la Prix
en mai dernier. Longtemps directrice de la création d’un bureau de diffusion, comme le Whispers de la compagnie Mossoux-Bonté a
revue Pour la danse, elle a ensuite fondé, et réclamait le Conseil de la danse depuis de très reçu en mai dernier le « Special Award of the
dirigé pendant 20 ans, le Centre de développe- longues années. Cinq structures recevront un 27th International Festival of Puppetry Art » à
ment chorégraphique (CDC) de Toulouse, du- montant allant de 20 000 à 75 000 euros pour Bielsko-Biala, en Pologne, récompensé pour
quel elle a fini par démissionner, lassée par le accompagner les compagnies de danse et de sa « maîtrise dans la création de l’image en
manque de considération des pouvoirs publics. théâtre dans ce difficile travail de diffusion. relation avec le son et le mouvement ». Ce
Femme d’expérience, cette battante a long- festival international est, depuis sa création en
temps milité pour ouvrir la danse à d’autres 1966, un lieu incontournable pour l’art de la
publics. C’est donc en toute cohérence que son Coopération marionnette, où se rencontrent formes tradi-
projet pour Charleroi Danses s’intitule « La La ministre de la Culture en Fédération Wallo- tionnelles et contemporaines.
danse en partage ». « ‘Danse’ car je veux me nie Bruxelles, Alda Greoli, a récemment suc-
centrer sur la danse, et ‘partage’ car il faut cédé à Joëlle Milquet. Aux côtés de son homo-
convaincre le public. (…) J’aime faire tomber logue flamand, Sven Gatz, elle lance, pour 2017, Cette année, les Rencontres de Huy ont mis la
les barrières qui subsistent parfois à l’égard un nouvel appel aux opérateurs culturels qui danse à l’honneur et plus particulièrement
de la danse contemporaine », déclarait Annie souhaitent mener un projet en collaboration celle à destination des ados. Brèves de ves-
Bozzini après sa nomination (La Libre Belgique, avec un partenaire de l’autre Communauté. Les tiaires de la Cie Le Huit a obtenu le Prix de la
2 mai 2016). Son projet pour le futur quinquen- propositions peuvent être introduites jusqu’au Province de Liège, la Cie 3637 repart avec le
nat ? Travailler sur les publics, poursuivre la 15 octobre 2016. Un montant identique est ap- Prix de la ministre de la Jeunesse et Coup de
Biennale de la danse, permettre aux spec- porté par chaque Communauté aux projets sé- foudre de la presse pour son spectacle Des il-
tacles de tourner plus longtemps, faire lectionnés, pour un total de 5 000 €. lusions (lire aussi l’entretien p. 18), et Dance-
connaître la danse belge francophone… Voilà floor du Théâtre de l’EVNI remporte la men-
quelques-uns des axes de son travail. Et quel tion spéciale du jury. Avec des spectacles qui
sera son budget ? C’est toute la question. La Coupes flamandes suscitent souvent la réflexion sur des théma-
nouvelle directrice va passer le futur contrat- L’été a apporté son lot de stress et de tiques qui les touchent, la saison s’annonce
programme et le budget au peigne fin, avant déceptions. En juillet dernier, le ministre sous de bons auspices pour les jeunes.
d’investir les lieux en janvier 2017. flamand de la Culture Sven Gatz a retenu 207
demandes de subvention pour 2017-2021 sur
300. L’AB, le Kaaitheater, le KVS, deSingel, Le 3 octobre, les Prix de la critique Théâtre et
Succédant à Jan Goossens nommé au Festi- Vooruit, Concertgebouw, Bronx, le Danse seront remis lors d’une cérémonie qui
val de Marseille, Michael de Cock prend la Beurschouwburg… recevront plus de subsides se déroulera au Théâtre national. Décernés
direction artistique du KVS pour la nouvelle qu’en 2013… mais moins que le montant par des journalistes culturels, ces trophées
saison. Auteur, metteur en scène, acteur et escompté. Scénario classique, les grosses visent à « rendre compte de la richesse et de
directeur de t,arsenaal à Malines depuis structures restent épargnées… au détriment la pluralité des arts de la scène » - théâtre,
2006, « il veut construire un ensemble inter- des petites, telle SARMA – laboratoire de danse auquels s’ajoute pour la première fois le
générationnel et interculturel composé de pratiques discursives et de publication dans le cirque. Le Prix Bernadette Abraté honorant le
genres divers qui relève les défis de la métro- champ de la danse et de la performance – qui rayonnement d’une personnalité sera remis à
pole et puise dans toutes ses opportunités » fait partie des (nombreux) vaincus : elle vient Jean-Louis Colinet et à Jan Goossens, qui
(site du KVS). Quant à son homologue franco- de perdre son aide structurelle et doit donc quittent respectivement le National et le KVS.
phone nommé en mai dernier à la direction du repenser son mode de fonctionnement pour le Concernant la danse, sont nominés : Cold
Théâtre national, il s’agit du comédien et futur. Blood de Jaco Van Dormael, Michèle Anne De
metteur en scène Fabrice Murgia, qui suc- Mey et Thomas Gunzig dans les catégories
cède à Jean-Louis Colinet, parti au Festival Meilleur spectacle et Meilleure création artis-
de Liège et au Festival de Naples. Un défi Disparitions tique et technique. Dans la catégorie Meilleur
pour le trentenaire qui signera sa première Le printemps dernier a été marqué par le spectacle de danse : Happy Hour de Mauro
véritable programmation en 2017-2018. décès de deux personnalités du monde du Paccagnella et Alessandro Bernardeschi,
théâtre et de la danse. À Bruxelles, Jacques Rushing Stillness de Marielle Morales et Sim-
Thomaes, directeur de la structure Pierre de plexity de Thierry De Mey. Dans la catégorie
Pendant ce temps au ministère... Lune (Centre Dramatique Jeunes Publics de Meilleur spectacle Jeune public : Stoel de la
Dans le prolongement de la plate-forme de Bruxelles), dans laquelle il s’est investi durant Nyash Compagnie et Alibi du Théâtre de l’EVNI.
réflexion « bouger les lignes », la ministre de 28 ans, a rejoint les étoiles. Un hommage lui a
la Culture Joëlle Milquet, suivie par Alda été rendu lors des Rencontres de Huy l’été
Greoli, a souhaité mettre en place un nouveau dernier. Happy Hour de Mauro Paccagnella et Alessan-
décret relatif au subventionnement des arts de dro Bernardeschi continue d’être acclamé à
la scène. Après de multiples réécritures, le travers le monde. Les deux artistes viennent
texte devrait être voté cet automne. Nous au- Fabrice Dugied est décédé à Paris, le 4 avril. de recevoir le Prix de la danse décerné par les
rons l’occasion d’en proposer une analyse Fils de la journaliste de danse Lise Brunel, il structures britanniques « Total Theatre » - qui
complète pour le numéro de janvier, mais on s’était formé à la danse contemporaine mais édite un magazine numérique et propose des
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peut déjà dire que ce futur décret pourrait aussi à la danse africaine, au tai chi et à la ressources en ligne - et The Place, lieu de ré-
P.
férence pour la création contemporaine en
Grande-Bretagne. Le « Luminux Award of
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Theater Moments » leur a également été remis
par le Summerhall, à Edimbourg.
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Off d’Avignon, dans la catégorie danse-théâtre.
. BRÈVES
Chorégraphe de l’année, c’est le titre décerné
à Anne Teresa De Keersmaeker par le maga-
zine allemand Tanz, à l’occasion de la publica-
tion du Jahrbuch (livre de l’année) 2016. Cette
distinction, attribuée par 42 critiques interna-
tionaux, marque la reconnaissance de la cho-
tique du dessin au stylo-bille qu’elle utilise important que parmi les cinq théâtres
La célèbre chorégraphe française Maguy comme outil réflexif dans ses explorations nationaux, l’un soit dirigé par des personnes
Marin a reçu un Lion d’or à la Biennale de Ve- et les workshops qu’elle mène. En août der- venant du monde de la danse, et c’est d’autant
nise pour l’ensemble de sa carrière. nier, elle a proposé un atelier dans le cadre plus important qu’on constate, quand on est à
du 4 e symposium IDOCDE (« International l’écoute des artistes chorégraphiques, qu’il y
Documentation of Contemporar y Dance a une forte régression des conditions
Dame de Pic souffle 20 bougies Education »), accueilli par ImPulsTanz à d’exercice de la danse, que ce soit pour les
Tout au long de l’année, la compagnie de Ka- Vienne. La documentation qui en découle danseurs ou les chorégraphes », déclarait le
rine Ponties fête deux décennies d’existence et sera visible très prochainement sur www. directeur lors de sa présentation de saison. •
de création. Après la Tchéquie, la Slovaquie et idocde.net/idocs/1612, intitulée « Revisiting Alexia Psarolis
Moscou – lieux avec lesquels la chorégraphe a drawing as a tool for poetic and polyphonic
tissé des liens étroits –, les festivités se clôtu- dance documentation ».
reront à Bruxelles avec la reprise de Luciola
aux Brigittines et Hero% au Théâtre de la Vie.
Quatre soirées spéciales ponctueront cet évé- Avis aux noctambules Notre collègue bien-aimé, ardent défen-
nement avec des cartes blanches offertes aux Qui a dit que la nuit est faite pour dormir ? Le seur de la danse, aura tout le loisir, à par-
interprètes de la compagnie. Au programme 1er octobre, ce sera Nuit blanche à Bruxelles ! tir du mois d’octobre, de se consacrer à
également, de la musique, du dessin Initié par la Ville de Paris en 2002, ce concept plein temps à la lecture du Papalagui et à
(évidement), le tout emballé dans un coffret s’est étendu à une dizaine de capitales euro- la pêche au homard dans le Golfe du
anniversaire, comme il se doit pour une telle péennes. Cette année, le quartier européen Mexique. Michel Cheval quitte Contre-
occasion (lire aussi le dossier Danse et arts de Bruxelles ne va pas fermer l’œil : de 19h à danse après 22 années riches d’engage-
plastiques, p. 10). 3h du matin, il sera transfiguré par une mul- ment – notamment à la R.A.C. (Réunion
titude de propositions artistiques, dont celle des Auteurs Chorégraphes) – et
du collectif Bixas (créé en 2014) avec sa per- d’échanges avec les danseurs et choré-
Le palimpseste de Michèle Noiret formance déambulatoire Anywhere doors, co- graphes. Psychologue et criminologue de
Solo Stockhausen, créé en 1997 par Michèle produit par Nuit blanche. Cinq portes se pro- formation, régisseur puis programma-
Noiret en hommage au compositeur Karl- mènent parmi les passants, mises en teur, il a été l’initiateur du festival « Danse
heinz Stockhausen, inspirera sept ans plus mouvement par dix performeurs… une méta- à la Balsa ». Ce drôle d’animal aura mar-
tard le réalisateur Thierr y Knauff, qui phore des frontières, une réflexion sur l’Es- qué de sa patte équine le secteur bruxel-
l’adaptera au cinéma. En 2014, elle revisite pace Schengen, en écho avec l’actualité. De lois de la danse. On lui souhaite de trépi-
ce Solo en repartant cette fois du film, pour 20 h à 1 h. dantes aventures braino-mexicaines !
en livrer une autre lecture, tel un palimp-
seste (méthode utilisée surtout au Moyen
Âge, qui consistait à effacer d’anciens ma- La Belgique méridionale
nuscrits pour y copier de nouveaux textes). Le Théâtre des Doms, la vitrine sud de la créa-
Du 6 au 8 octobre, elle présente Palimp- tion belge francophone, a renouvelé avant l’été
seste #1 Duo, en collaboration avec le dan- son contrat-programme pour 2017-2020 et re-
seur et chorégraphe David Drouard au cevra de WBI une enveloppe annuelle de
Théâtre National de Chaillot, à Paris. L’ar- 667 000 euros (indexée annuellement). Outre la
tiste belge sera à l’honneur au Centre Wal- poursuite de leurs missions déjà définies, les
lonie-Bruxelles, qui propose le 1er octobre Doms mettront également en œuvre une acti-
une rencontre ainsi que la projection d’un vité en lien avec la Journée internationale de la
documentaire sur son œuvre. Francophonie et accorderont dans leur pro-
grammation une plus grande place au cirque.
Danse et dessin
Depuis 2012, la danseuse et chorégraphe La danse de Chaillot
Anouk Llaurens s’est immergée dans une Le Théâtre de Chaillot à Paris devient officiel-
recherche sur « la documentation poétique, lement Théâtre National de la Danse. À sa
polyphonique et multimodale de la danse ». tête, Didier Deschamps rempile pour un se-
Aux côtés du danseur, chorégraphe et plas- cond mandat de trois ans. Philippe Decouflé
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ticien Julien Bruneau, elle découvre la pra- est associé en tant qu’artiste résident. « Il est
P.
Corps et graphie
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« Chorégraphier, c’est à l’origine tracer ou danger, de confronter « la fixité de la matière en biographique qui ne se résume en rien à une
noter la danse », rappelle l’historienne de la mouvement et la réalité vivante des corps ». Ses restitution de ses œuvres mais une façon origi-
danse Laurence Louppe 1. Issu du grec (de compagnons de création ? Thierry Van Hasselt, nale d’approcher un univers artistique avec tout
khoreia, la danse, et de graphein, écrire), le un des chefs de file de la nouvelle vague de la BD l’humour et le décalage que permet la BD.
terme, inventé par Feuillet 2 en 1700, renvoie belge et fondateur du Frémok 3, auquel elle s’as-
aujourd’hui à l’activité de création, de composi- socie sur les spectacles Brutalis et Holeulone. Quand danse et dessin se confondent, l’expé-
tion plus qu’à celle de trace. L’étymologie invite Avec Stefano Ricci, la chorégraphe découvre rience sur scène est des plus surprenantes.
à rapprocher art chorégraphique et dessin ou une « débauche de matières ». Pastels à l’huile, Vincent Glowinski est ce « dansinateur » qui a
crayons lithographiques et pigments font sur- franchi les frontières et qui, de son corps a fait un
peinture, ces modes d’expression graphique qui
gir des images que le dessinateur italien a très pinceau humain. C’est donc tout naturellement
se déploient dans l’espace et le temps. Et pour-
vite envie de mettre en mouvement. De leur qu’il intitule sa première performance Human
tant, aussi surprenant que cela puisse nous interaction naîtra Humus vertebra. L’univers Brush, qui préfigure Méduses, présentée la sai-
apparaître aujourd’hui à l’ère de la transdisci- singulier de l’illustratrice Beatrice Alemagna son dernière au Théâtre national de Bruxelles.
plinarité, ces disciplines ont longtemps coha- est également une inépuisable source d’inspi- Issu des arts plastiques et du street-art en par-
bité sans se soucier l’une de l’autre. Le journa- ration, tout comme celui de Stefan Zsaitsits et ticulier, l’ancien graffeur se lance à corps perdu
liste et écrivain Philippe Verrièle remonte le d’autres encore. dans la performance suite à sa rencontre avec
temps et analyse cette (non) relation qui préva- un programmeur, Jean-François Roversi. Ce
lait avant le XXe siècle entre les arts plastiques Des croquis sur des carnets de notes, c’est dernier a développé un dispositif qui permet
et la danse, jusqu’à ce moment de bascule- ainsi que Mathilde Monnier prépare ses de projeter sur écran les traces que le danseur
ment : la modernité. chorégraphies. Dessiner, pour elle, « c’est laisse en se mouvant sur scène. Naissent ainsi
écrire le corps en mouvement ». Le jour où sur la « toile » de multiples figures issues du
Saisir ce qui se joue dans cette relation artistique, le dessinateur et auteur de BD franco-belge monde animal… Dessiner avec son corps, sans
entrer dans l’intimité de cette aventure, c’est ce François Olislaeger contacte la chorégraphe pinceau ni autre outil, une prouesse et un spec-
que nous avons tenté de faire, en recueillant les pour qu’il lui apprenne à danser, elle accepte tacle dont on sort réellement… médusé. • AP
paroles d’artistes. Ce dossier met en exergue immédiatement… mais leur projet initial pren-
trois démarches contemporaines qui, de par leur dra finalement une toute autre forme : celle 1 Laurence Louppe, Danses tracées, éditions Dis Voir, 1991.
originalité, méritent que l’on s’y attarde. d’une bande dessinée où François et Mathilde 2 « Raoul-Auger Feuillet fait carrière à l’Académie royale de
musique. Il publie en 1700 un système de notation des pas de
sont devenus des personnages graphiques. danse, Chorégraphie, ou l’art de décrire la danse. Le système
Karine Ponties, chorégraphe française instal- Alternant planches en noir et blanc et jaillisse- Feuillet est la première écriture de la danse par signes inven-
lée à Bruxelles, met des mots sur ce dialogue ment de couleurs, la BD Mathilde, danser après tés, inspiré de la notation musicale. » Encyclopédie Universa-
ininterrompu qu’elle mène depuis plusieurs an- tout 4 est un ovni dans la production choré-gra- lis.
3 Maison d’édition franco-belge spécialisée dans la littérature
nées avec des dessinateurs, peintres ou illus- phique. Abordant la genèse des pièces, elle suit graphique.
trateurs. Approcher un autre territoire est une le processus créatif de la chorégraphe, livre 4 Mathilde Monnier, François Olislaeger Mathilde, danser après
façon pour elle de se bousculer, de se mettre en ses doutes et ses réflexions. Un documentaire tout, éditions Denoël Graphic/CND, 2013.
Si l’on change de perspective, en regardant l’histoire de l’art moderne de s’intéresser à la danse et non plus à la danseuse était pour les artistes la
à partir des préoccupations de la danse, et non le contraire, comme c’est marque d’une entrée consciente dans la modernité. L’exemple est patent en
encore fréquemment le cas, une profonde rupture apparaît. Comme si le fait Allemagne, au moment de l’expressionnisme, il est aussi sensible en France.
On pourrait légitimement se demander en quoi On pourrait alors objecter que la préoccupation avancées techniques de l’usage de la lumière
les relations entre danse et arts plastiques plastique allait naître avec la conscience de de son époque. Son travail plastique constitue
constituent réellement un sujet. Sinon à aligner, l’art de chorégraphier. Mais, outre que, sans en une véritable clef de compréhension de ce chef-
comme il a déjà été fait, quelques poncifs sur savoir le mot, les « composeurs » étaient déjà de d’œuvre de l’art romantique de la danse… Et
l’importance de la transdisciplinarité ou de la réels chorégraphes, il faut souligner l’absence qui s’en soucie ? 2 Pour cruel, le constat n’en est
collaboration entre les arts, ce qui ne fait guère complète des plasticiens dans l’histoire longue pas moins certain, la danse pouvait se poser
avancer le débat. En réalité, la danse se passe de la danse. la question de la musique ou de l’espace, se
très bien des arts plastiques et s’est très bien préoccuper du sujet et du poète, mais elle ne se
accommodée, et pendant très longtemps, de Danse et arts plastiques : chacun son souciait guère des arts plastiques.
n’avoir que quelques barbouilleurs disciplinés territoire
pour décorer les toiles. Dans son livre De la En regard, les arts plastiques se satisfaisaient
manière de composer et faire réussir les ballets À l’exception des plus éminents spécialistes, au mieux de n’avoir avec la danse qu’une
(1641), Nicolas de Saint-Hubert précise : « Pour qui se souvient du nom de Ciceri, l’éminent relation utilitaire et, au pire, aucune relation du
faire un beau ballet, il y a six choses nécessaires : créateur des décors de Giselle (1841) ? Pourtant tout. La grande majorité des œuvres plastiques
savoir le sujet, les airs, la danse, les habits, les Pierre-Luc-Charles Ciceri, peintre d’une consacrées à la danse que nous connaissons
machines et l’ordre, desquelles choses je dirai mon réelle maîtrise, témoigne dans sa composition avant le XXe siècle relèvent de deux catégories
sentiment. » 1 On remarque l’utilisation du terme pour Giselle d’une véritable compréhension principales : d’une part, des œuvres relatives
« composer » et non « chorégraphier », un terme dramaturgique du ballet de Perrot-Coralli et du aux décors et costumes (cartons, esquisses,
qui n’existe pas encore, et on note l’absence livret de Gautier, tandis que sa fréquentation de etc.), d’autre part, des portraits de figures
8
totale de mention du peintre ou du plasticien. Daguerre lui permettait de maîtriser toutes les remarquables. Il peut s’agir de grandes
P.
Ressentir quelque chose de la danse
AUTOMNE 16 . N° 67
Afin, là encore, d’éviter les évidences
trop fréquemment partagées, il n’est pas
directement question de Diaghilev, des Ballets
russes, de collaboration entre les arts ni de
transdisciplinarité. Duncan danse ; de Segonzac
ou Grandjouan 5 dessinent. Qu’ils aient pu
être follement troublés par le charme de la
danseuse libre n’a qu’un intérêt anecdotique. Ils
. NDD
sont saisis par la danse et ne s’intéressent pas
du tout à la danseuse, encore moins au contexte
pittoresque dans lequel elle évolue. Ils s’en
.
tiennent à la danse.
DOSSIER
La modernité se joue dans ce petit espace, juste
entre la danse et la danseuse, avant tout dans la
question de la représentation. Dans la préface
à l’anthologie des écrits sur la danse publiée
« en regard de l’exposition ‘Danser sa vie’ (Centre
Pompidou, 23 novembre 2011-2 avril 2012) », les
auteurs condamnent leur démarche d’office
en engageant que « représenter la danse, art de
l’éphémère, instant fugitif déployé dans l’espace,
apparaît comme une gageure pour les artistes, tout
autant que pour les auteurs. » 6 Mais justement,
où est-il question de représenter ? Comme si
la danse devait se cantonner à n’être qu’une
séance de dessin avec poses en mouvement
que les peintres et dessinateurs se devaient de
saisir dans les meilleures conditions afin de la
présenter à nouveau. Ce qui fait la modernité,
ce qui se joue dans les dessins de Grandjouan
ou de Dunoyer de Segonzac tient justement à
ce qu’il n’y est plus question de « représenter »
mais de ressentir quelque chose de la danse. Il
est passionnant de constater que Grandjouan
va continuer à dessiner Duncan même après
la mort de celle-ci, comme une invocation
© Laurent Paillier
dessin nauséeux mais de talent (il créa avec l’émotion de la danse. meilleur livre de danse 2016.
P.
Matières vivantes
AUTOMNE 16 . N° 67
Le besoin et le désir de m’associer à des façon de penser, une façon de voir, d’écouter qui pensées, des associations d’éléments qui
perturbent et enrichissent mon propre univers. amènent à penser – des secrets, des anamor-
artistes dont l’univers me touche est la Un moyen de m’interroger, de remettre chaque phoses, des visages, des formes insoupçon-
suite de ce besoin artistique que j’ai de me fois ma façon de faire en doute. D’essayer de nées – et à s’y perdre.
comprendre l’autre.
.
vivant.
DOSSIER
et il existe plusieurs façons de les parcourir. tions où l’on est inconfortable mais où l’on
trouve plein de réponses ? Ou tout simplement
J’ai parfois la sensation de reconnaître observer et essayer de comprendre ce que
Le fait de s’associer à un artiste dont on aime quelque chose chez l’autre et j’essaie d’identi- l’autre pense, comment il vit, quelles sont les
le travail est une façon de se bousculer en- fier quels sont les moyens qu’il utilise pour en choses qui lui donnent des impulsions, où il va
semble, autant pour eux que pour moi dans parler ; parfois c’est en moi que je reconnais chercher sa matière, son énergie… J’ai l’im-
notre façon de faire, d’aller chercher plus loin, une sensation exprimée par un biais, un paral- pression que je vais chercher ces perturba-
de façon différente, de se mettre en danger. lèle de l’autre. tions, que ce soit en rencontrant des dessina-
teurs ou en allant travailler en Russie ou en
Chacun parle du travail de l’autre, de ce qu’il Interprète depuis toujours, je me suis long- Roumanie, là où tous mes repères sont bous-
en voit, de ce qu’il en apprend ou de ce qu’il ne temps exprimée avec mon corps. J’ai une fas- culés. Et parfois, toute cette énergie déployée
comprend pas ; ce qui nous oblige à remettre cination pour la manière dont les impressions, n’a aucun sens, juste de la beauté.
notre travail en question de façon profonde, les sensations, les idées traversent le corps.
pour peut-être ensuite l’affirmer encore plus Par où transitent-elles ? De la tête, du cœur, J’éprouve une fascination pour le film d’ani-
et pour pouvoir peut-être aussi trouver com- elles arrivent aux mains et ces mains arrivent mation, le mouvement pur. Il me semble très
ment se laisser toucher par l’autre et se com- à fabriquer et à imprimer un univers que je similaire au travail chorégraphique. Un chaos,
pléter. Il y a ce désir commun aussi de parta- peux regarder autant de fois que je veux. la diversité, qui tout à coup prend forme par le
ger nos univers, car c’est en montrant aux jeu, en mettant ensemble des morceaux hété-
autres les choses qui nous émeuvent qu’on les Ce sont les outils de chacun pour traduire, non roclites, qui sont nés dans le travail, dans la
fait circuler et qu’on les fait vivre. pas notre place dans le monde, mais le monde rencontre, par le hasard, par accident, par
en nous. Ce sac à dos rempli de sentiments, de association d’idées, par fatigue, dans l’écoute,
Des doubles regards, des doubles vues sensations contradictoires, belles et tellement des moments de grâce ou tout simplement de
Approfondir et se confronter terribles à la fois. La sensation de revenir à jeu, de complicité, même de perte, de doute.
Essayer de trouver un rapport entre la fixité de une sorte de crise d’adolescence dans la ren-
la matière en mouvement et la réalité vivante contre d’un univers différent. Réussir à assembler, sans toujours com-
du corps prendre tout de l’autre, bien souvent, mais
Des formes en strates car une vraie collabora- Pourquoi suis-je sensible à des artistes mettre ensemble.
tion artistique prend du temps. comme Svankmajer, Eidrigevicius, les Frères Chercher l’accord, le raccord tout en essayant
Quay, Iouri Norstein, Stefan Zsaitsits ? Ils pro- de savoir pourquoi l’autre veut ça, l’accepter,
Tout se refait, se redessine, se réinvente inté- duisent des œuvres qui contiennent des se- céder sur des choses, ne pas céder sur
gralement sur le plateau. crets, des plis de l’extraordinaire et de l’extra- d’autres.
J’ai besoin du vivant, mais j’ai besoin de ces vagance dans lesquels on se love ou on
images qui me font rêver et qui restent pour le s’attarde. L’écriture des corps comme l’écriture des
nourrir et me guider. images. Des univers qui se révèlent par l’ima-
Des œuvres d’une légèreté apparente mais qui gerie, par les collaborateurs.
Ce n’est pas la forme qui me plaît mais l’uni- appellent l’œil, le regard, qui interrogent, at-
vers que les dessins transportent. tirent, parce qu’à l’intérieur se cachent des La scène est un lieu de multiples langages :
C’est une confrontation avec un regard, une histoires, des personnages, des reliefs, des corps, images qui s’écrivent aussi par l’élasti-
cité des corps. J’utilise des images pour défi-
nir un lieu, des espaces, un temps mélangé.
Un endroit où je cherche de multiples couches
de complexité, et de gens qui n’ont pas de rap-
port à la danse ; ils n’amènent pas quelque
chose qui va dans un sens évident, mais un
sens détourné.
AUTOMNE 16 . N° 67
artiste associé aux spectacles Brutalis et Holeulone
« J'ai toujours eu une attirance pour le dessin,
la photo, les arts plastiques, et la littérature et
je suis un rat de librairie. En fouillant, je suis
tombée sur Gloria Lopez, le premier livre de
Thierry. Ce livre m'a touchée par la matière. La
matière de l'encre que je trouvais fluide et flot-
tante toujours en mouvement. Particulièrement
. NDD
les transformations du visage de Gloria. Je suis
allée le trouver sans trop savoir ce qu'on pour-
rait faire ensemble. » Karine Ponties
. DOSSIER
« Il y avait le désir de faire un travail sur la
matière et le corps… trouver une confrontation,
créer un échange dont le centre, l’intersection
serait cette matière. La mettre en mouvement.
(...) Comme si le premier contact entre la ma-
tière et son corps devait avoir lieu dans la pla-
néité du « papier ». Et de voir ensuite comment
ces images pourraient devenir génératrices de
temps de mouvement et d’espace. Moi en tout
cas je voulais dessiner… profiter de ce projet
pour poursuivre un travail déjà entamé sur le
corps. L’affiner, l’amener autre part par le biais
de l’observation. Je suis convaincu qu’un des-
sin réalisé d’après nature contient en lui une
temporalité différente d’un dessin fait d’imagi-
nation. Le dessin est comme la mémoire de ce
temps passé. » Thierry Van Hasselt
Dessin de Thierry Van Hasselt pour Holeulone (extrait d’une interview d’Aurélie Lacan)
STEFANO RICCI
artiste associé aux spectacles Humus Vertebra, Babil, Fidèle à l’éclair et Havran
« Les dessins de Stefano Ricci sont de vraies
explosions de sens, des miniatures de mises en
scène. Son œuvre est un éloge de la matière
graphique et narrative. Son dessin réaliste est
mis en critique par une débauche de matières.
Il utilise des crayons, des pastels à l’huile
blanc, noirs et transparents, des pigments
noirs, des crayons lithographiques, autant de
couches qui donnent un résultat de chaos hu-
mide. Il fait naître sous nos yeux une infinité de
récits. » Karine Ponties
aux mots. Elle s’immerge ensuite dans le monde de la chanson avec Qu’est-ce qui nous arrive ?!?, et d’une bande dessinée, Mathilde, danser
Philippe Katerine et crée 2008 vallée, une extrapolation à partir des après tout (éd. Denoël Graphic / CND, 2013), un titre clin d’œil au disque
textes et des musiques de l’album Robots après tout. Vient ensuite le de Katerine.
. DOSSIER
Qu’avez-vous voulu transmettre avec cette propos et les retours des danseurs. Et cela doutes, votre processus créatif… Le titre
bande dessinée Mathilde, danser après tout ? à travers une forme à la fois simple, directe même, Mathilde, induit une proximité. Ce
Mathilde Monnier : François Olislaeger et légère. Le projet du livre est venu après détour par le dessin permet-il de se livrer
m’avait contactée car il voulait que je le ce temps, assez naturellement ; nous avons plus facilement tout en maintenant une
fasse danser ; c’est ainsi que je l’ai rencon- choisi des pièces emblématiques et nous distance due à l’interprétation graphique ?
tré. À cette époque, je préparais une pièce, avons réalisé une série d’interviews, où je Je me suis rendu compte que la BD aborde
Pavlova 3’23, et je lui ai proposé d’assister lui ai raconté la genèse des pièces. Je lui ai la forme d’un documentaire biographique :
aux répétitions. Il est resté tout le temps également transmis un certain imaginaire tout ce qui apparaît dans le livre n’est pas
des répétitions et a commencé à les dessi- autour de ces travaux. Tout ce matériau a tout à fait le réel. Celui-ci a été en partie ré-
ner. J’ai été étonnée par le tracé et l’authen- servi au livre. inventé et dessiné à travers un récit scéna-
ticité des dessins, qui reproduisaient à la risé par François. Il était important de lui
fois l’atmosphère du travail mais aussi mes Comment le trait peut-il capter le mouve- livrer un peu de ces matériaux biogra-
ment ? phiques qui sont autant de clés pour appré-
Le trait capte surtout une certaine direction hender le travail, et il fallait aussi donner le
du mouvement, il ne prend pas d’emblée la contexte dans lequel les pièces sont appa-
forme, il s’attache à une intention globale et rues. Par exemple, il était important d’intro-
surtout il écrit un corps en mouvement, duire la notion de rêve, très prégnante dans
orienté dans une projection de lui- mes phases de répétition. Dans ce livre, je
même. Ce que le dessin BD apporte deviens un personnage de BD, donc un per-
aussi est le potentiel de chaque case sonnage de scène dont les traits sont exagé-
à figurer une scène, un plateau : il y rés, grossis, et ce personnage commence à
a de l’espace autour du corps, il exister par lui-même. Il est autonome et
situe le corps dans un espace, ce que s’invente.
ne fait pas toujours la photo. À
chaque dessin, la scène est recons- Dans la foulée du livre, vous avez co-réa-
tituée avec les dimensions de pro- lisé un spectacle avec François Olislaeger,
fondeur et de largeur, d’entrée et de Qu’est-ce qui nous arrive ?!?, dans lequel le
sortie, de proximité ou d’éloigne- dessin est réalisé en direct, en gardant le
ment. La BD est intéressante en ce style BD très graphique. Comment la BD
sens qu’elle peut faire deux choses à « live » et le livre se répondent-ils ?
la fois, en les juxtaposant et en les A priori, les deux objets, le livre d’un côté et
faisant dialoguer. Ce qui est diffé- le spectacle de l’autre, sont très différents,
rent de la scène, qui permet cela ils n’ont pas de lien. La collaboration avec
aussi mais dans une toute autre vi- François Olislaeger sur Qu’est ce qui nous
tesse ; la vitesse ici est celle du lec- arrive ?!? est venue pour une autre raison.
teur, c’est lui qui prend le temps né- Cette pièce a été ma dernière pièce en tant
cessaire pour mettre les mots et que directrice du Centre chorégraphique
l’image en relation. national de Montpellier et je voulais faire un
projet en direction du public pour penser
Vous/votre personnage dites : « Par- une forme d’identification entre les per-
fois, il y a chez le spectateur une sonnes qui étaient sur scène et les specta-
confusion : il regarde la danse teurs. Le dessin est venu pour soutenir
contemporaine comme une pièce de l’action, comme une scénographie en lien
théâtre, alors qu’il s’agit plus de direct avec le plateau. Le dessin est aussi
l’aborder comme une peinture, une un support et un outil dramaturgique qui
musique. C’est un art de l’indicible ». assure des fonctions précises : reprendre
Pourquoi avoir choisi, pour restituer un détail, agrandir ou réduire une action,
votre art, la forme de la BD, narrative appuyer un mot, ramener de l’attention sur
et figurative, plutôt que la peinture un geste, etc. ; chaque action des amateurs
abstraite par exemple ? est mise en abîme par le dessin. Dans le
Ce projet n’est pas une restitution de mon spectacle, il ne s’agit pas de redessiner une
travail, c’est un objet en soi qui a une véri- situation mais au contraire d’être dans la
table autonomie ; il n’y a pas besoin d’avoir vu situation et d’interagir avec elle comme un
les pièces pour regarder et comprendre le autre personnage.
livre. Mais la BD a ceci de particulier qu’elle
est populaire et accessible à tous les publics. Que vous a apporté cette immersion dans
Je pense aux livres que François a consacré l’univers du dessin par rapport à celui de la
aux spectacles à Avignon, ou à Darwin (pour littérature (avec Christine Angot) ou de la
les enfants), ou à Duchamp. Je crois que la chanson (avec Katerine) ?
BD apporte de la légèreté, de l’humour et un Il m’est tout à fait difficile de comparer ces
décalage. C’est une autre façon de revisiter expériences qui sont toutes singulières. Le
des thèmes parfois sérieux, compliqués et temps d’un livre n’est pas celui d’un spec-
lourds ; c’est comme si la BD pouvait s’appro- tacle : la bande dessinée a pris presque
prier n’importe quel sujet et le traiter. trois ans de travail. François a bien sûr des-
siné et j’ai rédigé une partie des textes ;
Cette bande dessinée très personnelle notre collaboration s’est étendue sur trois
12
AUTOMNE 16 . N° 67
Le point de vue de François Olislaeger
François Olislaeger est un dessinateur et auteur de bandes dessi-
nées franco-belge. Diplômé de l’École Émile Cohl de Lyon, il de-
vient dessinateur de presse et publie régulièrement des repor-
tages dessinés. Après sept années de reportages au Festival
. NDD
d’Avignon, il publie ses Carnets d’Avignon, dans lesquels s’écrit
une mémoire du théâtre contemporain. Il rencontre Mathilde Mon-
nier, avec laquelle il entame un travail scénique et biographique
. DOSSIER
dans le livre Mathilde, danser après tout. Sa bibliographie compte
également la biographie Marcel Duchamp, un petit jeu entre moi et je
aux éditions Actes Sud.
13
P.
Vincent Glowinski :
AUTOMNE 16 . N° 67
Le grand tag à la porte de Hal, à Bruxelles, calligraphie, son utilisation est ici novatrice : Le dessin performatif
la source lumineuse est le corps lui-même. Le
c’est lui. Un autre au bout de la rue de
.
Flandre, c’est encore lui… ou plutôt, c’était loppé ce système, selon lequel « un danseur- une frontière étanche entre danse et dessin ;
dessinateur évolue sur une grande surface des tags aux performances, la dimension
lui. Le street-artiste clandestin a sévi pen-
.
dant quelques années, recouvrant les murs peint de blanc et faiblement éclairé par des s’adonne au hip-hop et à la break-dance, puis
‘lumières noires’ (‘blacklights’). Filmés du découvre le graffiti, qui a fini par s’imposer.
parisiens ou bruxellois de graffitis et de
dessus, ses déplacements et les figures qu’il « J’ai aimé la monumentalité de cette activité,
peintures monumentales. Son pseudo- exécute au sol sont capturés par une caméra le corps dans l’espace se projette partout.
et traités en temps réel par un logiciel afin de Mon audace grandissant, le graffiti est de-
nyme de l’époque tient en deux syllabes :
les fixer sur un écran de projection. En direct, venu performatif. Au début, le dessin est très
Bonom. une forme apparaît peu à peu : l’image de sa mental : il exige observation, concentration et
trace au sol, accumulée au cours du temps. La maîtrise. Quand je dessine, il y a une agitation
silhouette du corps en vue zénithale devient un en moi. Je prends plaisir quand j’ai réussi à
outil calligraphique multiforme selon les pos- suffisamment ‘caler le cerveau’ pour pouvoir
Féru d’anatomie et de sciences naturelles, ce
tures et les séquences du mouvement. On peut lâcher mon corps, j’aime quand le corps me
« bonhomme » de l’ombre a transfiguré l’es-
comprendre le dispositif en le comparant à dépasse. Peindre à la perche, en équilibre, six
pace urbain avec des représentations d’ani-
une surface sensible photographique au déve- mètres au-dessus du sol… j’ai toujours senti
maux gigantesques. L’intervention de la police,
loppement instantané de laquelle on assiste- qu’il y avait là une danse. Avec Human Brush,
différents événements personnels et son en-
rait au fur et à mesure de son exposition à la je voulais bouger dans le dessin, que le des-
trée dans un monde plus institutionnel sonne-
lumière. » 1 À l’instar de la peinture sin soit mon corps. Je ne me suis jamais dit
ront le glas de cette activité illicite. Il va alors
monumentale, le repère dans l’espace se fait que j’allais me mettre à danser, la danse était
mettre sa soif de performance au service d’un
au moyen du corps, unique échelle de en moi. »
tout autre projet, et ce faisant, récupérer son
référence. Sur scène, le danseur, en se mou-
identité civile, laissant Bonom dans la rue.
vant, fait naître à l’écran animaux marins,
Vincent Glowinski peut alors (re)naître.
scarabée, bélier, scorpion… autant de tableaux De l’ombre à la lumière
figuratifs à l’existence éphémère. Face à l’im-
Le corps-pinceau mense toile-écran, le corps omnipotent crée, De l’anonymat de la rue à la scène du Théâtre
transforme, efface selon ses désirs. Pro- national, le chemin parcouru est long et par-
En 2008, le dessinateur se lance dans une grammé huit fois au Théâtre national à fois laborieux. « Certaines choses se sont
aventure performative : Human Brush, pro- Bruxelles, Méduses n’a plus rien à voir avec réalisées très rapidement, dès 2008, comme
grammé dans le cadre du festival des Brigit- l’improvisation du début. Mais si le spectacle la performance en collaboration avec Jean-
tines, qui préfigure ce que deviendra Méduses est écrit, la prise de risque n’en demeure pas François Roversi aux Brigittines. » L’artiste se
en 2013, telle une ébauche avant l’œuvre ache- moins présente. « Je peux changer le type de souvient : « Cette performance d’un plasticien
vée. Si le dispositif à l’œuvre, « le light-pain- dessins dans l’après-midi. Les gestes ne sont seul sur scène, dans l’ombre, avait un carac-
ting », a déjà été utilisé, notamment dans la pas répétés », précise l’artiste. tère spontané, naturel. » Pour Méduses, le
AUTOMNE 16 . N° 67
Vandekeybus avait vu et apprécié une perfor-
mance au KVS, dans le cadre du Kunstenfesti-
valdesarts en 2010 ; il m’a encouragé à en faire
une création. Il m’a proposé de travailler dans
son studio, avec ses danseurs, sa production…
tout un système que je ne connaissais pas et
dont j’ignorais les implications. »
. NDD
Le performeur découvre alors un monde in-
connu, avec ses rouages et ses codes, très
.
différents des arts plastiques. « Là, je me suis
DOSSIER
fait violence, confie-t-il. J’ai dû écrire des dos-
1 Description du dispositif par le programmeur Tous ces documents peuvent être consultés au Centre de documentation de Contredanse.
P.
Jean-François Roversi
AUTOMNE 16 . N° 67
J’ai rencontré la méthode GDS en tant que de vue de danseuse, fut de s’emparer de cette provoqué une sorte de petite révolution dans
dimension physique et sensuelle pour en livrer mon parcours. En effet, cette chose qu’est
patiente, pour un problème de lombalgie
une incarnation dansée. Faire parler le corps l’intensité, je l’ai longtemps vécue comme
en 2010. Frappée par la force des images et aux endroits où le verbe ne peut retranscrire une intensité du muscle. Soit dans sa contrac-
toute la multiplicité (la duplicité ?) du senti- tion, soit dans son étirement, ou encore dans
la justesse du vocabulaire utilisé, je me
ment. Sous l’impulsion d’Isabella Soupart, l’intensité de l’effort cardiaque. Pratiquer
suis engagée dans une recherche auprès certains passages sont alors devenus des cette qualité de présence m’a fait sentir que
parties dansées. le « fort » n’était pas nécessairement syno-
de Bénédicte Struyf, ma thérapeute, fille
nyme d’effort ou de labeur, mais que le corps
de Godelieve Denys-Struyf, fondatrice de la J’ai travaillé à la physicalité du personnage de savait aussi communiquer ; habiter son corps,
Klara en basant mon approche sur une inté- c’est être intensément présent dans sa chair,
méthode dite des chaînes musculaires et
gration des organes dans l’écriture du mouve- y compris dans ses organes.
articulaires. ment. Cette démarche me semblait particuliè-
rement appropriée ici, car toute la pièce Ceci m’a amenée à repenser la notion de
J’ai rapproché ses enseignements à ma pra- s’organise autour du « ressenti » des person- présence scénique. Au-delà de l’idée de
tique chorégraphique par le biais de diffé- nages. Cette matière organique qui nous ha- projection, la présence scénique est au-
rentes productions. Mon expérience la plus bite, je la ressens très liée à l’émotion, dans jourd’hui pour moi une présence à soi, qui
récente fut la création de C’est ici que le jour se tout ce qu’elle a d’obscur à elle-même, de s’étend, se prolonge au-delà des limites du
lève, au Théâtre Le Public en octobre 2015. foudroyant. Les organes sont la chair palpi- corps et devient une présence au monde,
Cette pièce, qui se situe aux confluents de la tante de notre vécu. une présence à l’autre.
danse et du théâtre, est inspirée d’un texte
écrit par Sam Touzani et Rolland Westreich. Cette démarche d’intégration des organes De cette prise de conscience de l’organe
Elle est conceptualisée, mise en scène et cho- dans le mouvement dansé diffère selon les découle une procédure que chaque danseur
régraphiée par Isabella Soupart. On y retrouve danseurs, mais elle débute le plus souvent par développe pour lui-même. Aller dans l’orga-
un couple à un point charnière de son histoire, la visualisation d’un organe en particulier ; son nique, c’est pour moi descendre dans la nuit
où la question du désir se déploie dans toute volume, son énergie, son « humeur ». Il s’agit du corps. C’est épouser sa part d’ombre.
sa complexe démesure. Karim et Klara se sont avant tout de « sentir » la présence d’un or- C’est reconnaître la chair dans tout ce
aimés passionnément, jusqu’au jour où… gane. Faire cet acte-là, c’est faire une sorte de qu’elle a d’impérieux, de périssable, d’ins-
pèlerinage vers soi-même. tinctif et de sauvage. C’est reconnaître en
Klara, l’incandescence et le spleen nous les « puissances intraitables » dont
De l’intensité du faire à l’intensité de l’être nous sommes faits. S’aventurer dans ces
Il se dégage une forte physicalité, une forte mers intérieures, c’est pénétrer un monde
sensualité du texte original. Le travail qui a été Cette notion d’intensité de présence, que j’ai sans limite, indéfini, à la temporalité étrange
réalisé au cours de la création, de mon point beaucoup abordée avec Bénédicte Struyf, a et instable.
16
P.
L’éclairage de la GDS une idée de « but ». passe alors pas le stade de l’introspection.
Le cheval, lui, est cet animal élégant, doué de
AUTOMNE 16 . N° 67
Ceci aboutit à des matériaux chorégraphiques
La GDS m’a appris à intégrer de façon plus mémoire, qui apprend, reconnaît et sait élabo- systématiquement lents, petits, énigmatiques,
saine et plus efficace l’organe dans ma danse, rer un geste construit et architectural, en col- et à une étroitesse stylistique certaine.
car elle replace toujours chaque élément du laboration avec le cavalier qui le monte. Ces
corps dans sa réalité physiologique ; elle rap- difficultés m’ont donc rendue particulièrement Voici pour moi le véritable enjeu de cette dé-
pelle sa fonction et sa place au sein d’un sys- attentive aux enseignements de la GDS. marche d’intégration : établir un lien ténu
tème corporel appréhendé dans sa globalité. entre profondeur et extérieur ; faire de l’expé-
La méthode des chaînes musculaires et arti- rience privée une expérience commune et ar-
.
Le système des organes ne fait pas partie du culaires m’a appris à toujours utiliser les or- tistique.
NDD
système locomoteur (muscles, ligaments, ganes en combinaison avec le système sque-
squelette). Les organes ne sont pas conçus lettique. Jamais seul. Ce conseil est d’abord Le travail du metteur en scène est, à cet en-
.
pour créer des mouvements « à l’extérieur » d’ordre thérapeutique, mais il s’avère aussi droit du processus, tout à fait crucial ; ce sont
PRATIQUES
du corps. Ils bougent, certes, dans un mouve- tout à fait utile de mon point de vue de dan- ses indications, ce regard porté de l’extérieur,
ment de va-et-vient qui reproduit, comme une seuse. La clarté et la précision propres au qui permettent d’amener le geste à « hauteur
mémoire, leur développement ontogénétique. squelette/cheval offrent un cadre à cette de public ». Il s’agit pour moi d’une véritable et
Mais ils n’ont pas de fonction locomotrice à « matière ourse ». La nature formelle de l’os nécessaire mutation.
proprement parler. Pourtant, la présence de offre un espace-temps où la matière orga-
ces « animaux intérieurs », leur masse, leur nique peut s’exprimer, sans risquer de nous Le regard dramaturgique et aiguisé d’Isabella
tonus et leur vitalité influent sur la qualité de happer, de nous engloutir… dans ses en- Soupart m’a permis de formuler un vocabu-
nos mouvements. trailles ! laire en profonde cohérence avec l’ensemble
du récit, d’entrer en résonance avec un
L’expérience m’a mise devant certaines évi- En créant un système d’utilisation corporelle « monde » particulier.
dences. En tant que danseuse, je ne peux pas combinant le squelette et les organes, on ar-
« m’adresser » aux organes comme je rive à une physicalité où l’organique colore le C’est cet entrelacs des flux qui donne au geste
m’adresse au système locomoteur. Le sys- mouvement de sa dimension particulière. Il son éloquence, son charisme, son identité. Sa
tème locomoteur a une promptitude de réac- apporte un trait d’archaïsme, de mystère, dans « patine théâtrale ».
tion bien plus vive, bien plus « ajustée » aux un geste pouvant être par ailleurs très sophis-
exigences du timing scénique. Il me semble tiqué. Il résout les problèmes de timing et or- La physicalité de Klara est issue d’un travail
extraordinairement généreux et disponible. De chestre une sorte de va-et-vient entre le mou d’alternance et de corrélation entre la nuit du
fait, la pensée est en lien direct avec la muscu- et le dur, entre le pré-verbal et l’architectural, corps et sa lumineuse expression. •
lature volontaire. Par contre, les organes ont entre le conscient et l’inconscient.
une qualité de réponse bien plus imprévisible,
changeante. Je les trouve lunatiques. J’aime ce que les organes apportent d’incon- Éléonore Valère-Lachky a étudié la philosophie
trôlable dans une pratique qui a tout à voir à Paris X et est diplômée de PARTS. Danseuse
À un moment donné de mon parcours, il m’est avec la préméditation. C’est convoquer une et chorégraphe, elle a travaillé entre autres
alors apparu étrange, presque contre-nature dimension plus grande que soi. Et c’est accep- avec Ultima Vez, Needcompany, Michèle Anne
de vouloir utiliser les organes pour l’écriture ter aussi la possibilité qu’elle n’advienne pas. De Mey, Louise Vanneste et Isabella Soupart.
d’une gestuelle chorégraphique. De les faire Elle s’est intéressée aux pratiques somatiques
« monter » sur scène, de les « plier » aux Vers une luminescence du geste dès le début de sa carrière.
exigences temporelles d’une représentation.
Pourtant, ce qu’ils apportent de profondeur au L’enjeu, et la difficulté, de cette démarche
mouvement me semblait toujours aussi d’intégration de cette pratique somatique à
indéniablement précieux. une pratique chorégraphique consiste selon
moi à conserver l’authenticité issue de l’explo-
La danse de l’ours et du cheval ration somatique et de « publier » cette inté-
riorité vers l’extérieur.
Pour illustrer cette sensation, j’aimerais utili-
ser une métaphore. Si on dit « dresseur de Il s’agit d’élaborer une procédure permettant
chevaux », on ne dit pas « dresseur d’ours ». l’élaboration d’un geste éloquent et communi-
En effet, les dresseurs d’ours n’existent pas, catif, sans trahir l’honnêteté surgie de l’explo-
car il est impossible de dresser un ours. On dit ration somatique.
« montreur » d’ours. Tout comme avec les
ours, on ne peut rien négocier, ni rien exiger Sous prétexte d’authenticité, on risque sou-
des organes. On ne peut approcher cette ma- vent de maintenir le travail dans une forme
tière sauvage avec un esprit dirigiste ou avec expérimentale, voire hermétique ; on ne dé- Recherche pour C’est ici que le jour se lève d’I. Soupart
© Danny Willems
17
P.
La danse et les ados
AUTOMNE 16 . N° 67
Les adolescents, très friands d’une culture qui partagée par les pairs, la culture populaire la seule sortie de l’année, sur base de
leur est propre, grands « consommateurs » de pour adolescents est homogène et très sou- quelques lignes souvent hermétiques ; devoir
films, de musique et de littérature ne se ren- vent stéréotypée. Alors que pour les adultes, justifier ses choix devant des élèves ou des
dront que très rarement, voire jamais, à un les pratiques culturelles sont un moyen de se parents campant sur leurs réticences ; ris-
spectacle de danse contemporaine. distinguer, nous dit le sociologue de l’éduca- quer de se retrouver devant un spectacle
tion Stanislas Morel, qui a travaillé sur la ré- complexe ou choquant, voilà autant d’obs-
Si l’on en croit les 117 millions de vues sur ception de la « culture savante » dans des tacles que l’enseignant n’a pas toujours le
YouTube du clip Countdown de Beyoncé, dont la collèges en ZEP, « la culture adolescente ré- courage d’affronter. Mais n’est-ce pas là un
chorégraphie est plagiée de Rosas Danst Rosas pondrait à une exigence d’égalité que la clas- risque à prendre ? À l’âge où l’on estime
d’Anne Teresa De Keersmaeker, les ados sont sification scolaire tend à mettre à mal ». qu’ils sont suffisamment capables d’abstrac-
un public potentiel. Les ados aiment la danse. tion pour apprendre l’algèbre, pourquoi ne
Prendre des cours, danser entre potes ou la Si les jeunes se déplacent en bande pour aller leur montre-t-on pas des formes artistiques
regarder sur YouTube, elle fait partie de leur au cinéma ou au concert, la rencontre de moins figuratives ? Le langage chorégra-
vie. Beyoncé, mais pas seulement, comme en l’adolescent avec les arts de la scène se fait phique de par sa forme pose des questions
témoigne la vitalité de la culture hip-hop. majoritairement dans le cadre scolaire. C’est sur le monde qui interpellent l’adolescent : le
Tapez dans Google « cours ados danse donc l’enseignant, souvent le professeur de rapport de l’individu au groupe, l’unisson et
Bruxelles » et « cours ados théâtre Bruxelles », français, qui va pouvoir ouvrir ou pas cette la dissonance, l’élan vers l’autre, le contact
vous verrez que paradoxalement les ados porte vers la danse contemporaine. Mais alors et sa difficulté, les transformations du corps…
s’intéressent plus à la danse qu’au théâtre par qu’un « Racine » est un objet d’apprentissage
exemple. directement exploitable, qui a une valeur sur Que vous soyez enseignant ou parent, cette
le marché scolaire, la danse contemporaine saison emmenez vos ados voir des spec-
Bien sûr, ne nous leurrons pas, la démarche devient une sorte d’objet scolaire non identifié. tacles de danse, que ce soit Dancefloor du
n’est pas la même de regarder Beyoncé sur Les élèves, plus souvent encore que les ensei- Théâtre de L’EVNI, Accident de personne de
YouTube et d’aller voir Rosas au Kaaitheater. gnants, veulent que les activités soient direc- Marie Limet ou Des illusions de la Cie 3637,
La danse contemporaine, parce qu’elle fait tement utiles dans l’amélioration de leurs ré- des spectacles créés et pensés pour eux, ou
partie de la « culture savante », est celle des sultats. encore la création de Julien Carlier, Déjà-vu,
adultes (des parents ou des profs) ; or, la dont la danse à la fois breakdance et contem-
culture des adolescents est avant tout un mar- Prendre le risque d’emmener sa classe voir un poraine plaira aux enfants des années 2000. •
queur d’identité générationnelle. Pour être spectacle de danse, pour ce qui sera peut-être Isabelle Meurrens
Comment envisagez-vous la création pour le veut viser. Au sein de la compagnie, nous défi- le recevoir singulièrement en fonction des
jeune public ? nissons une tranche d’âge à l’avance puis nous préoccupations liées à leur âge.
On distingue la filière du jeune public et celle choisissons un sujet ; le tout s’affine au fur et à
du « tout public ». Quand une pièce est créée mesure. À l’origine, Des illusions – qui traite de Le metteur en scène Baptiste Isaia – avec le-
pour l’adulte, elle peut également toucher la pression exercée sur les jeunes concernant quel nous avons collaboré sur Cortex –travaille
l’adolescent. Eldorado 1, un spectacle destiné a leur orientation professionnelle – s’adressait régulièrement pour le jeune public. Il parle de
priori aux adultes, a été joué à Mons en pré- aux ados mais nous ne savions pas encore à l’adolescence comme d’une période très spé-
sence d’adolescents. Ceci étant, créer spécifi- partir de quel âge exactement. Après des cifique de la vie, de chamboulement physique
quement pour les adolescents relève d’une bancs d’essai, nous nous sommes rendu et sentimental. Les ados ont besoin d’avoir des
autre démarche. Dans le processus de créa- compte que la thématique touche différem- objets artistiques qui leur sont clairement
tion d’un spectacle jeune public, nous nous ment les petits et les plus grands. Entre 15 et adressés.
posons toujours ces questions : à qui nous 17 ans, les jeunes s’identifient réellement à la
adressons-nous ? De quoi les jeunes ont-ils protagoniste du spectacle. Vers 12 ans, ils Comment abordez-vous « la planète ado » ?
besoin ? Qu’est-ce qui les préoccupent ? Dans comprennent les enjeux qui les attendent et se Quelles sont vos sources d’inspiration ?
18
le secteur jeune public en général, il est im- projettent. Nous proposons donc le spectacle Nous nous inspirons de notre vécu avec des
portant de connaître l’âge du public que l’on à partir de 12 ans, sachant que les jeunes vont ados, d’articles, de rencontres dans le proces-
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. NDD
sus de création ; nous nous documentons éga- trer dans notre univers. L’aspect pédagogique des pistes de réflexion via des ateliers philoso-
lement en amont. Coralie a suivi durant toute « traditionnel », très présent et fortement dé- phiques. Les « bords de scène » permettent
l’année un groupe de 5e secondaire en option veloppé dans le secteur jeune public, est es- également de rassurer dans les cinq minutes
artistique à Namur, en collaboration avec le sentiel mais peut toutefois être cadenassant. qui succèdent à un spectacle lorsque l’interro-
CDWEJ. Dans le cadre d’ateliers danse- Nous aimons inviter à des démarches diffé- gation est palpable chez les jeunes. À leur
théâtre, elle a travaillé sur le thème de l’avenir rentes, qui sortent parfois du cadre du question de savoir s’ils ont « bien compris »,
et nous a donné de nombreux feedbacks. « connu ». Proposer des outils autour du spec- nous leur répondons : « qu’as-tu ressenti ? »
Chloé Colpé, qui a documenté le travail de tacle permet de contourner la peur de l’ensei- En général, l’enfant est moins inquiet que les
Wajdi Mouawad sur La fabrique des héros 2, gnant face aux questions des enfants (« est-ce adultes qui l’entourent. Il possède la clé en lui
nous a beaucoup apporté… Nous désirons par- que j’ai bien compris ?) ou encore les interro- et doit acquérir cette confiance de se dire que
ler aux ados mais nous ne voulons pas incar- gations du programmateur, souvent démuni, son interprétation est valable. • Propos re-
ner un ado sur scène, nous ne prétendons pas qui ne sait pas toujours comment emmener cueillis par Alexia Psarolis
être eux. Nous sommes plus proches d’eux en son public… L’art, c’est aussi élargir l’interpré-
parlant à partir de qui nous sommes nous. tation… comme dans la vie ! Amener l’art à 1 Eldorado, créé en 2013 par Bénédicte Mottart, traite de la
question de l’immigration.
l’école, c’est ouvrir cette porte-là. Un dossier 2 Exposition de l’étude ethnographique menée par l’UCL et la
Pourquoi l’offre de spectacles de danse des- pédagogique accompagne systématiquement doctorante Chloé Colpé, autour du projet de Wajdi Mouawad qui
tinée aux ados n’est-elle pas plus riche ? les spectacles. Sur Cortex, Gilles Abel et Lau- a accompagné 50 adolescents, venus de cinq villes franco-
phones, de 2011 à 2015, un projet inédit posant les questions de
Pour toucher les adolescents, il ne faut pas ranne Winant ouvrent les portes et proposent la transmission et de l’émancipation.
développer un univers trop enfantin. Même
lorsque la thématique d’un spectacle touche à
la fois les enfants et les ados (comme avec
Cortex), il n’est pas opportun de jouer devant
une salle en présence des deux tranches
d’âge, car ils se brident les uns les autres. 12
ou 16 ans, ce n’est pas pareil. Aux Rencontres
de Huy, les spectacles pour grands ados sont
peu nombreux, sans doute parce qu’il est plus
difficile de les intégrer dans le circuit scolaire.
Ce créneau est plus compliqué. Dans le sec-
teur jeune public, peu de compagnies ont une
approche de la danse. Et parmi les choré-
graphes, peu sont ceux qui se destinent à la
création spécifique pour le jeune public. En ce
qui me concerne, mes influences et ma colla-
boration avec deux comédiennes m’ont incitée
à mettre la danse au service d’un objet artis-
tique différent.
PUBLICATIONS
. NDD
Rabanel, Spectateurs sidérés ou l’Allégorie du réflexions en matière d’éducation artistique et sont-elles tributaires ?
Goéland, L’Harmattan, Paris, 2016, 116 p. culturelle (inspirées des méthodes de Célestin S’intéressant à la « nature migratoire du corps
Si la sémiologie et la psychanalyse ont étudié Freinet) aux programmes pédagogiques les du danseur », Guy Cools nous fait découvrir
le spectateur dès les années 80, on ne pourrait plus récents, en passant par la création de l’œuvre des chorégraphes de manière subtile,
le définir que de manière indécise et nébu- l’association « Danse au cœur » en 1989 ou la à l’aune de nombreuses réflexions théoriques
leuse. Plutôt que de vouloir en théoriser la naissance du Centre national de la danse en sur la notion d’identité (dont celles de S. Hall,
notion, le théâtrologue Rabanel tente ici d’en 1998, l’économiste et sociologue Patrick Ger- J. Lacan, J. Derrida, M. Foucault, J. Butler,
saisir l’action : qu’est-ce que l’activité specta- main-Thomas décrit les motivations à l’œuvre Homi K. Bhabha, A. Maalouf, S. Keleman),
trice ? Pourquoi certains instants s’inscrivent- dans ces dispositifs d’action. Pourquoi le mais aussi par le biais de leur propre histoire,
ils de manière indélébile dans notre mémoire ? monde éducatif a-t-il besoin de la danse ? celle d’hommes à la fois d’ici et d’ailleurs,
Dépassant le postulat erroné selon lequel il Quels enjeux ? Quels obstacles ? Une « dimen- riches de leur identité hybride et sans cesse
existerait un « spectateur idéal », le chercheur sion sociale de la danse » qu’il n’hésite pas à remise en question.
procède à un réel décryptage du phénomène confronter aux raisonnements des sociolo-
de sidération à l’œuvre dans l’expérience du gues Pierre Bourdieu et Howard Becker, pour
regardeur. À la fois activité, expérience, pra- que la danse à l’école puisse, dans le prolon- Rudi Laermans, Moving Together, Theorizing
tique et vécu, l’activité du « spectateur sidéré » gement de cette citation du psychosociologue and Making Contemporary Dance, Antennae,
est complexe : elle fait appel à nos sens, à nos Gilles Ferry, aider chaque élève à « apprendre Valiz, Amsterdam, 2015, 429 p.
affects, à nos fonctions cognitives et s’inscrit à devenir ». Rudi Laermans a 16 ans lorsqu’il assiste à
dans un contexte culturel et social fluctuant Fase, d’Anne Teresa De Keersmaeker, en 1982.
qui invite le chercheur à décortiquer cet état Rompant avec l’esthétique néoclassique et la
de stupéfaction constitué à la fois – selon les Guy Cools, In-between Dance Cultures, On the vision populaire de la danse de Maurice Béjart,
dires de l’auteur – de choc, de fascination, de Migratory Artistic Identity of Sidi Larbi Cher- ce duo minimaliste et « quasi-mathématique »
ravissement, de terreur et d’effroi. kaoui and Akram Khan, Antennae, Valiz, Ams- – dansé avec Michèle Anne De Mey sur la mu-
terdam, 2015, 159 p. sique de Steve Reich – lui fait l’effet d’une ré-
Voilà plus de 15 ans que le dramaturge et cri- vélation. Depuis, Rudi Laermans est devenu
Patrick Germain-Thomas, Que fait la danse à tique de danse Guy Cools est témoin privilégié sociologue de l’art enseignant à Louvain, es-
l’école ? Enquête au cœur d’une utopie possible, du travail des danseurs Sidi Larbi Cherkaoui et sayiste de danse et professeur invité chez
éditions de l’attribut, Culture Danse, Tou- Akram Khan. L’un est belgo-marocain, l’autre, PARTS. En partant de l’influence décisive du
louse, avril 2016, 195 p. anglo-bengalais. Tous deux ont de nombreux courant postmoderne de la Judson Church,
Ce livre s’apparente à un rapport richement points communs : même génération (ils sont son dernier ouvrage, Moving Together, propose
documenté où se côtoient dates, budgets, pro- nés durant les années 70), même investisse- une traversée érudite au cœur de l’histoire de
jets de lois, programmes culturels et éduca- ment dans leur travail, mêmes aptitudes rela- la danse contemporaine. S’intéressant tout
tifs… Fruit d’une observation menée entre tionnelles, même polyphonie de cultures… autant aux œuvres des chorégraphes phares
2013 et 2015, cet état des lieux constitue une Comment, dans un contexte post-nationaliste, des années 80 (The Flemish Wave) qu’aux ré-
20
analyse de l’action publique mise en relief par incorporent-ils leurs identités multiples ? De centes évolutions de la danse, Rudi Laermans
de nombreux témoignages. Des premières quelle manière leurs pratiques artistiques en théorise ici la pratique et les processus de
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création de plusieurs artistes (dont Anne Te- genre ? Quelle fut l’influence de la danseuse cadre d’un atelier d’écriture durant la Bien-
resa De Keersmaeker, Meg Stuart et Jérôme postmoderne Yvonne Rainer dans la construc- nale 2015 de Charleroi Danses.
Bel), tout en faisant appel à la pensée d’intel- tion d’une vision féministe de la danse ? Autant
lectuels tels que – pour ne citer qu’eux – Gilles de questionnements qui permettront, à coup
Deleuze, Pierre Bourdieu, Claude Lévi- sûr, de déconstruire plus d’un préjugé en la Michèle Tarento, Construire son corps avec
Strauss, Marcel Mauss, Hannah Arendt ou matière. l’ostéo éveil et la biotenségrité, éditions Sully,
encore Georgio Agamben. mars 2016, 400 p.
Spécialiste d’embryologie et d’histologie, doc-
Collectif. Sous la direction d’Aurore Desprès, teur en ostéopathie et danseuse contempo-
Hélène Marquié, Non, la danse n’est pas un truc Gestes en éclats. Art, danse et performance, raine, Michèle Tarento découvre en 2011 le
de filles ! Essai sur le genre en danse, éditions Les presses du réel, 2016, 533 p. concept de biotenségrité auprès du chirurgien
de l’attribut, Culture Danse, Toulouse, avril « 40 mots à la clef des 40 contributions de orthopédiste Stephen Levin. Dans ce livre, elle
2016, 244 p. l’ouvrage, répartis sur 4 focus ». Le ton est en explique les fondements et les principes,
« Si le mot circule, les définitions du genre donné : l’objet-livre emprunte à la tout en les complétant de ses recherches sur
sont souvent bien floues, et ses emplois performance, il désaxe les principes et cela l’ostéo éveil, qu’elle qualifie comme étant une
multiples, contradictoires ». Soucieuse de pal- donne des chapitres qui s’éclatent sur une technique somatique à la fois préventive, in-
lier cette imprécision, la spécialiste Hélène « carte de l’ouvrage ». Qui s’éclatent, oui, trospective et créative. Les 33 chapitres de ce
Marquié consacre son dernier ouvrage à la parce qu’ici rien n’est lisse, poli ou uniforme. que le docteur – et ancien directeur d’ensei-
clarification du concept, tout en établissant, à Les 41 auteurs – théoriciens, journalistes ou gnement de Paris XIII – Didier Feltesse nomme
partir de là, une éclairante réflexion des biais artistes issus du théâtre, des arts visuels, « une encyclopédie et un plaidoyer pour le
sexistes dans l’histoire de la danse. En ques- sonores et performatifs – se complètent dans toucher » explorent notre corps sur un ton
tionnant cette histoire au travers du prisme du une démarche qui ne craint pas la discontinuité. pédagogique et scientifique. Qu’il s’agisse de
genre, l’auteure examine les discours d’ar- Ainsi, parlent-ils là de crise, là de pouvoir, de nos os, de nos membres, de notre peau, de nos
tistes et d’intellectuels qui font la part belle nudité, de fragilité ou de geste. Le philosophe autres organes, de notre tête ou des forces qui
aux stéréotypes. La danse, lorsqu’elle est Roland Huesca, le danseur Loïc Touzé, l’artiste régissent notre maintien, les recherches de
considérée comme un « fait social total » (Mar- pluridisciplinaire Antoine Pickels et tant l’anatomiste nous (dé)montrent comment le
cel Mauss), témoigne sans détours du système d’autres nous invitent en effet à suivre un « geste thérapeutique ostéopathique » permet
normatif et des représentations du corps à mouvement de lecture imprédictible : celui qui au corps de retrouver ses voies d’équilibre.
l’œuvre dans une société donnée, à une époque n’a ni départ ni arrivée, un parcours philoso- Serti d’illustrations, images et schémas, cet
donnée. D’où la pertinence d’en saisir l’évolu- phique et poétique qui forme en lui-même une ouvrage hautement instructif s’accompagne
tion historique, imprégnée d’une pensée an- expérience heuristique. non seulement de commentaires et d’expé-
drocentrique de l’Antiquité à nos jours. Quels riences personnelles mais aussi d’exercices et
rôles ont joués Rudolf Noureev et Maurice de moments d’(auto)pratique. Un manuel à
Béjart dans l’élaboration d’un autre discours Jeux critiques, Biennale 2015, Morceaux choi- mettre dans les mains de tous les praticiens
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sur les danseurs ? Qu’exprime la danse de la sis, Charleroi Danses, décembre 2015, 87 p. du mouvement, qu’ils soient thérapeutes ou
chorégraphe Pina Bausch en matière de Un recueil à plusieurs voix réalisé dans le danseurs. • Naomi Monson
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AUTOUR
DE LA DANSE
eXPO, FiLMS,
.
CONFÉRENCES...
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au Kaaitheater) ou d’un biopic (La Danseuse de Quelqu’uns, France 2007 et Décade) et de re- Animé par le critique et dramaturge Olivier
Stéphanie Di Gusto),les films qui témoignent de joindre la plasticienne Anne-Sophie Feyers Hespel, les ateliers de L’L proposent à qui le
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Exposition Inside out © Diane Batens
veut de poursuivre un travail de réflexion et gratuit animé par le danseur Peter Savel est
d’écriture critique à partir des présentations de proposé aux danseurs amateurs expérimentés.
fin de chantiers des artistes en résidence. Plus Le 18 octobre, de 14 à 17h : www.stuk.be
d’infos : [email protected] (mention :
« Atelier critique ») et sur www.llasbl.be
Parler aux jeunes spectateurs
Pierre de Lune organise une Journée de For-
Inside out mation « Autour du Spectacle, ou comment ac-
Une exposition et un workshop interactifs pour compagner le jeune spectateur lors d’une sor-
enfants, tel est le projet de la metteuse en tie culturelle.» Cette formation est accessible
scène Diane Batens, en collaboration avec Lie- aux enseignants, artistes et médiateurs cultu-
ven Baeyens. L’atelier explorera le thème de la rels. Le 21 octobre, de 9h à 16h30 à laMaison
dualité (intérieur-extérieur, visible-invisible…) à des Cultures et de la Cohésion Sociale de Mo-
l’aide d’accessoires et d’une chorégraphie que lenbeek. www.pierredelune.be
les jeunes participants créeront eux-mêmes.
Binnenstebuiten (Inside out), produit par la Cie
Iota. Du 12 au 14 octobre, au VGC Ten Weyngaert La fête à Charleroi
à Forest, du 28 novembre au 2 décembre au Deux bals et deux soirées aux accents de fête
Centre culturel de Bertrix et du 14 au 16 dé- foraine et de kermesse (La fête à Toto) anime-
cembre, au Elzenhof à Ixelles. ront le festival Bis-Arts à Charleroi. Le 28 oc-
tobre et les 2, 3 et 5 novembre : www.pba.be
Battles hétéroclites
DansBAaR est un concept qui allie danse et Danser pour résister
« party », un savoureux mélange de danse ur- Dans le cadre du festival urbain Utopia à Louvain,
baine et non-urbaine, de battles où breakdancers la danseuse Amanda Piña et l’artiste visuel Da-
affrontent des danseurs classiques, contempo- niel Zimmermann invitent à découvrir la part de
rains ou issus du hip-hop. Le 15 octobre à 20h : résistance présente dans les danses rituelles,
www.stuk.be initialement destinées à honorer l’interdépen-
dance entre l’homme et la nature. L’atelier abou-
tira à deux dates de représentation. Aucun prére-
Radical Light Workshop quis n’est nécessaire. Accessible à tout âge. Sur
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FESTIVALS
. NDD
Olga de Soto, I-Fang Lin, Youness Khoukhou, tines. Les 9, 10, 16 et 17 décembre.
Malika Djardi, Martin Roehrich, Stefan Dreher www.workspacebrussels.be
et Wagner Schwartz. Du 13 au 16 octobre à la
Raffinerie : www.charleroi-danses.be
Noël au Théâtre
Rendez-vous désormais incontournable de la
LookIN’OUT fin d’année. En danse jeune public, notons déjà
Un condensé d’environ quinze travaux en dans nos tablettes la présence de Maria Clara
cours, de rencontres professionnelles et d’ins- Villa Lobos avec Alex au pays des poubelles (aux
tallations, auquel participera notamment la Tanneurs) et celle de la compagnie 3637 avec
chorégraphe Erika Zueneli. Du 27 au 29 oc- sa nouvelle création Des illusions. Program-
tobre au BAMP, en collaboration avec le mation à venir : www.ctej.be • Naomi Monson
Théâtre 140 : www.lookinout.be
Bis-Arts
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ATDK / ROSAS Rain © Serge Leblon
ANVERS
ANVERS . ANTWERPEN
27/10 • JAN MARTENS 29,30/11 & 1/12 • VERA TUSSING 9/10 • GIOVANNI SCARCELLA Crépuscule. Prélude
20h, deSingel 20h30, STUK kunstencentrum à un Premier Mouvement, 18h, Danse avec les
1/12 • CULLBERG BALLET Figure a sea, 20h, 30 CC
Foules, Garcia Lorca
29/10 • BOLLYLICIOUS & THE INDIAN DANCE COMPANY BALLES C DE LA B nicht schlafen 20h, 30 CC
Dance
20, 21/12 • AMANDA PIÑA & DANIEL ZIMMERMANN
(+ 3 ans) 14h30, CC Jacques Franck
29/10 • JAN MARTENS The dog days are over and Resistance (Endangered Human Movements
Vol.2), 19h, STUK kunstencentrum
6,7/12 • PIETER AMPE
21h30, Slov:Motion, Les Halles de Schaerbeek 20h30, DANSEUR, La Raffinerie
20h30, Arenbergschouwburg
30/9 • DIVADLA STUDIO TANCA Roots 14/10 • DAVID ZAMBRANO Soul Project,
TURNHOUT 30/9, 1/10 • JAN MARTENS Sweat baby sweat, 14-31/10 & 1-5/11 • ERIC ARNAL BURTSCHY
20h30, Beursschouwburg Deep are the woods, Les Halles de Schaerbeek
6/10 • ANNE TERESA DE KEERSMAEKER / ROSAS
Verklärte Nacht, 20h15, De Warande 1/10 • LES SLOVAKS Opening night 15/10 • ANA PI, CECILIA BENGOLEA, FRANÇOIS CHAI-
19h, Slov:Motion, Les Halles de Schaerbeek GNAUD Le tour du monde des danses urbaines en
26/10 • MICHELE RIZZO Higher & SALVA SANCHIS Radi- dix villes, 17h & 21h30, DANSEUR, La Raffinerie
1/10 • PETER SAVEL Bakkheia
DIEST 4-7/10 • ANNE TERESA DE KEERSMAEKER 16/10 • MARTIN ROEHRICH & ARNAUD GONNET La disso-
Rain, 20h, Cirque Royal lution du cube, 20h, DANSEUR, La Raffinerie
GUERRERO Badke, 20h30, CC Diest 6-8, 12-13, 19-22, 26-29/10 & 30/11 & 1-3, 18-22/10 • FLORENCIA DEMESTRI & SAMUEL LE-
7-10/12 • THIERRY SMITS / CIE THOR Anima Ardens ,
FEUVRE Le Terrier 20h30, Les Brigittines
LOUVAIN . LEUVEN
20h30 (19h30 le 12/10, 19/10, 26/10, 30/11, 20-22/10 • MAURO PACCAGNELLA, VINCENT FORTEMPS &
7/12), Studio Thor ,
Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Christoph 8/10 • KARIN VYNCKE Le grand déménagement
Rilke, 20h30, STUK kunstencentrum 14h, Danse avec les Foules, Porte d’Anderlecht
30/10 • ROLF WALLIN, FIELDWORKS/HEINE AVDAL, 8/10 • ARES D’ANGELO & MARTINA BARJACOBA Holy CC Jacques Franck
YUKIKO SHINOZAKI THE OTHEROOM , Day, 19h15, Danse avec les Foules, Garcia Lorca
20h30, STUK kunstencentrum
8,9/11 • CAROLINE LE NOANE & JUSTIN COLLIN
8/10 • COMPAGNIE MOSSOUX-BONTÉ Brèves de Vestiaire, 20h (14h30 le 9/12),
Vice-Versa, 17h, Danse avec les Foules, L’Envers,
5, 6/11 • KATRIEN OOSTERLINCK /
CC Jacques Franck
, & 16h (le 5/11) 11h,
KESKI.E.SPACE Raaklijnen 15h rue de Tanneurs
gnie), 20h30, Les Brigittines
9,10/11 • LISBETH GRUWEZ, MAARTEN VAN CAUWEN-
BERGHE Lisbeth Gruwez dances Bob Dy- Foules, Garcia Lorca
lan, 20h30, STUK kunstencentrum 10-17/11 • PEEPING TOM Moeder,
25
20h (18h le 15/11), KVS_BOL
25,26/11 • FABULEUS, DOX/BRAM JANSEN & RYAN DJOJO- Foules, Place Fontainas
P.
3/12 • JULIE DE CLERCQ Wawara 19/11 • AYELEN PAROLIN / KOREA NATIONAL CONTEMPO-
,
(+ 6 ans) 16h, Théâtre Marni RARY DANCE COMPANY Nativos
AUTOMNE 16 . N° 67
20h, Stadsschouwburg - CC Brugge
3,4/12 • HEIKE LANGSDORF / RADICAL_HOPE
Mount Tackle, 20h30 (15h le 4/12), Kaaitheater
NDD
De Werf
17,18/12 • SIDI LARBI CHERKAOUI Puz/zle, 4/12 • IGOR AND MORENO Idiot-Syncrasy,
20-22/12 • ROSAS Golden hours (as you like 6/12 • JONATHAN BURROWS & MATTEO FARGION
it), 20h30, Rosas Performance Space
15-26/11 • AS PALAVRAS / CIE CLAUDIO BERNARDO
The Cow Piece / Body Not Fit For Purpose
Giovanni’s Club, 20h30 (19h30 le 16/11 &
20h, December Dance, MaZ - CC Brugge
le 23/11), Théâtre Varia 26,27/12 • MARIA CLARA VILLA LOBOS / CIE XL PRODUC-
, 7/12 • COMPANY WAYNE MCGREGOR Entity,
15,16,18,19/11 • KARINE PONTIES
14h (11h & 16h le 27/12), Noël au Théâtre, Théâtre 20h, December Dance, Concertgebouw
Hero% + Cartes blanches (dans le cadre des 20 ans de
Dame de Pic), 20h, Théâtre de la Vie
Les Tanneurs
17/11 • WALTER VERDIN & STEVE PAXTON Goldberg 29/9 • JAN LAUWERS / NEEDCOMPANY 20h, December Dance, Concertgebouw
Variations 1-15 & 16-30 (Film), 20h30, Kaaitheater Le poète aveugle, 20h, Concertgebouw
18-19/11 • BÉATRICE GROGNARD / CIE TARAB 13/10 • FLORENCIA DEMESTRI & SAMUEL LEFEUVRE kleine thuisland, 15h, December Dance, Stadss-
L’âme en 3D... Mystère nubien et feu gitan... (danse Le Terrier, 22h, X-TRACT Festival, De Werf
théâtrale d’Égypte), 20h, Petit Théâtre Mercelis chouwburg - CC Brugge
14/10 • RANDI DE VLIEGHE / MOLDAVIË & FABULEUS
19/11 • WU TSANG & BOYCHILD & PATRICK BELAGA ,
Popcorn (+ 12 ans) 20h, MaZ - CC Brugge COURTRAI . KORTRIJK
Moved by the Motion, 21h30, Beursschouwburg
Bodies of lace,
23,24/11 • VERA MANTERO The clean and the dirty 14/10 • ORIANE VARAK / NOTCH COMPANY As a Mother
20h30, Kaaitheater of fact, 20h30, X-TRACT Festival, De Werf
25/11 • ARS MUSICA / CATHERINE DIVERRÈS Blow the 17/10 • RAGUS Ragus The Show (danses irlandaises
bloody doors off!, 20h, Les Halles de Schaerbeek traditionnelles), 20h, Stadsschouwburg - CC Brugge
15h, Kaaitheater
26/10 • JAN FABRE / TROUBLEYN Drugs kept me 8/10 • INGA HULD HAKONARDOTTIR & ROSA OMARSDOT-
28, 29/11 • CLAIRE CROIZÉ Evol, 20h30, Kaaitheater ,
alive, 20h, MaZ - CC Brugge TIR The Valley 21h, Budascoop
30/11 & 1,3/12 • ALFONSO BARON, LUCIANO ROSSO 29/10 • LIES PAUWELS Het Hamiltoncomplex 13/10 • ARKO RENZ / KOBALT WORKS
Un poyo Rojo, 20h30, Théâtre 140 20h, Stadsschouwburg - CC Brugge EAST, 20h15, Schouwburg Kortrijk
30/11, 1-2/12 • MET STUART & TIM ETCHELLS / DAMAGED 3/11 • ANNE TERESA DE KEERSMAEKER / ROSAS 19/10 • ANNE TERESA DE KEERSMAEKER / RO-
GOODS Shown and told 20h30, Kaaistudio’s , Rain, 20h, Concertgebouw ,
SAS Verklärte Nacht 20h15, Schouwburg Kortrijk
55
2,3/12 • AYELEN PAROLIN / KOREA NATIONAL CONTEMPO- 9/11 • THIERRY SMITS / CIE THOR Anima Ardens 19/11 • RADOUAN MRIZIGA
RARY DANCE COMPANY Nativos 20h, MaZ - CC Brugge 21h15, Schouwburg Kortrijk
20h30, Théâtre Les Tanneurs
3/12 • RACHID OURAMDANE
Tenir le temps, 21h, Schouwburg Kortrijk
ROULERS . ROESELARE
Anima Ardens,
27/11 • SALVA SANCHIS
18h, CC Ieper - Het Perron
FLANDRE ORIENTALE
GAND . GENT
3600
28,29/9 • RADOUAN MRIZIGA
20h30, Campo Nieuwpoort
29,30/9 • BOUCHRA OUIZGUEN Corbeaux
18,19/11 • TRAJAL HARRELL
20h, Campo Nieuwpoort
23, 24/11 • SIMON MAYER Sons of Sissy
26
20h30, Campo Nieuwpoort
P.
7,8/12 • JAN MARTENS & LUKAS DHONT 7/12 • LISBETH GRUWEZ & MAARTEN VAN CAUWENBER- LUXeMBOURG
The Common People, 19h30, Campo Nieuwpoort GHE / VOETVOLK
AUTOMNE 16 . N° 67
Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan, 21h, CC Hasselt
8-10/12 • ANNE TERESA DE KEERSMAEKER DURBUY
Rain, 20h, Vooruit
.
CHARLEROI
NDD
8, 9, 11, 12/10 • MICHÈLE ANNE DE MEY, JACO VAN DOR- 30 CC : +32 (0)1 623 84 27 - www.30cc.be • AGORA Theater : - www.agora-theater.net • Alter Schlachthof Kulturzemtrum Eupen : - www.alter-
,
MAEL / LE COLLECTIF KISS & CRY Cold Blood 20h (16h schlachthof.be • Arenbergschouwburg : - www.arenbergschouwburg.be • Arrêt 59 - Foyer culturel de Péruwelz : +32 (0)69 45 42 48 - www.
le 9/10), Palais des Beaux-Arts de Charleroi (PBA) arret59.be • Beursschouwburg : +32 (0) 2 550 03 50 - www.beursschouwburg.be • Biekorf - CC Brugge : +32 (0)5 044 30 40 - www.ccbrugge.be
• Bozar : +32 (0)2 507 82 00 - www.bozar.be • Budascoop : +32 (0) 56 22 10 01 - www.budakortrijk.be • CC Berchem : +32 (0)3 286 88 50 - www.
29, 30/10 • ALEXANDER VANTOURNHOUT, BAUKE LIE- ccberchem.be • CC Chiroux : +32 (0)4 220 88 88 - www.chiroux.be • CC De Spil : +32 (0)5 126 57 00 - www.despil.be • CC Diest : +32 (0)13 460
, ,
VENS Aneckxander 17h (19h le 30/10) Festival 640 - www.ccdiest.be • CC Durbuy : +32 (0)8 621 98 71 - www.ccdurbuy.be • CC Engis : +32 (0)8 582 47 60 - www.ccengis.be • CC Hasselt : +32 (0)1
Bis-Arts, Les Écuries 122 99 33 - www.ccha.be • CC Huy : +32 (0)8 521 12 06 - www.acte2.be • CC Jacques Franck : +32 (0)2 538 90 20 - www.ccjf.be • CC d’Auderghem
Expiry date
: - www.cc-auderghem.be • CC régional du Centre La Louvière : - www.ccrc.be • Campo Nieuwpoort : +32 (0)9 223 00 00 - www.campo.nu •
29, 30/10 • BABAFISH CIE Cirque Royal : +32 (0)2 218 20 15 - www.cirque-royal.org • Coin de la rue de la caserne et de la rue d’Artois : - www.espai.be • Concertgebouw
19h (21h le 30/10), Festival Bis-Arts, Palais des : +32(0)7 022 33 02 - www.concertgebouw.be • De Warande : +32 (0)1 441 69 91 - www.warande.be • De Werf : +32 050 33 05 29 - www.dewerf.
Beaux-Arts de Charleroi (PBA) be • Extra City Kunsthal : +32 (0)3 677 1655 - • Garcia Lorca : +32 (0)2 513 84 99 - www.garcialorca.be • Groenplaats - CC Brugge : - www.
ccbrugge.be • KVS_BOL : +32 (0)2 210 11 12 - www.kvs.be • KVS_BOX : +32 (0)2 210 11 00 - www.kvs.be • Kaaistudio’s : +32 (0)2 201 59 59 -
31/10 & 1/11 • MAURO PACCAGNELLA & ALESSANDRO www.kaaitheater.be • Kaaitheater : +32 (0)2 201 59 59 - www.kaaitheater.be • Kunstencentrum BUDA : +32 (0)5 622 10 01 - www.budakortrijk.
BERNARDESCHI / WOOSHING MACHINE be • L’Envers, rue de Tanneurs : - www.espai.be • La Raffinerie : +32 (0)7 131 12 12 - www.charleroi-danses.be • Le Moderne Théâtre : - www.
Happy Hour, 20h, Festival Bis-Arts, Les Écuries lemoderne.be • Les Brigittines : +32 (0)2 213 86 10 - www.brigittines.be • Les Halles de Schaerbeek : +32 (0)2 218 21 07 - www.halles.be • Les
Écuries : +32 (0)7 131 12 12 - www.charleroi-danses.be • MaZ - CC Brugge : +32 (0)5 044 30 60 - www.ccbrugge.be • Palais des Beaux-Arts de
25, 26/11 • THIERRY DE MEY SIMPLEXITY la beauté du
geste, 20h, Festival Ars Musica, Les Écuries
Charleroi (PBA) : +32 (0)7 131 12 12 - www.pba.be • Petit Théâtre Mercelis : +32 (0)2 515 64 32 - • Place Fontainas : - www.espai.be • Porte
d’Anderlecht : - www.espai.be • Quartier Foulons : - www.espai.be • Rosas Performance Space : - www.rosas.be • Rue de Foulons : - www.
8, 9/12 • THOMAS HAUERT / ZOO inaudible
espai.be • STUK kunstencentrum : +32 (0)1 632 03 00 - www.stuk.be • Schouwburg Kortrijk : +32 (0)5 623 98 55 - www.schouwburgkortrijk.
be • Stadsschouwburg - CC Brugge : +32 (0)50 44 30 40 - www.ccbrugge.be • Studio Thor - www.thor.be • TEXTURE Musée de la Lys et du Lin
20h, Les Écuries : - www.texturekortrijk.be • Théâtre 140 : +32 (0)2 733 97 08 - www.theatre140.be • Théâtre La Montagne magique : +32 (0)2 210 15 90 - www.
10/12 • KONINKLIJK BALLET VLAANDEREN / DEMIS VOL- theatremontagnemagique.be • Théâtre Les Tanneurs : +32 (0)2 502 37 43 - www.lestanneurs.be • Théâtre Marni : +32 (0)2 639 09 80 - www.
PI Casse-Noisette , theatremarni.com • Théâtre National : +32 (0)2 203 53 03 - www.theatrenational.be • Théâtre Varia : +32 (0)2 640 82 58 - www.varia.be •
Théâtre de Liège : +32 (0)4 342 00 00 - www.theatredeliege.be • Théâtre de la Vie : +32 (0)2 219 60 06 - www.theatredelavie.be • Vlaamse Opera
20h, Palais des Beaux-Arts de Charleroi (PBA)
Antwerpen : +32 (0)7 022 02 02 - https://vlaamseopera.be • Vooruit : +32 (0)9 267 28 28 - www.vooruit.be • deSingel : +32 (0)3 248 28 28 - www.
desingel.be
LA LOUVIÈRE
20/10 • MARIE LIMET / CIE LA PEAU DE L’AUTRE
Accident de personne
20h, Arrêt 59 - Foyer culturel de Péruwelz
LIÈGE
ENGIS
10/11 • COMPAGNIE IRENE K
20h, Alter Schlachthof Kulturzemtrum eupen
HUY
Déjà-vu, 20h30, CC Huy
4/10 • JULIEN CARLIER
LIÈGE
18/10 • THÉÂTRE DE L’E.V.N.I
21h30, TheaterFEST, AGORA Theater
LIMBOURG
HASSELT
Empathy, 20h, CC Hasselt
27/10 • NEON DANCE
P.
P. 28 NDD . AUTOMNE 16 . N° 67
P. 29 NDD . AUTOMNE 16 . N° 67
P. 30 NDD . AUTOMNE 16 . N° 67
AUTOMNE 16 . N° 67
. NDD
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« En fermant les yeux, tu t’avances sur le parquet, tu t’engages dans l’espace vide. Je vois tes Tél : + 32 (0) 472 64 30 59 - [email protected]
orteils frôler l’un des coussins à ta droite en direction de la vasque. Oui, je te vois marcher
directement vers la vasque en pierre. (...) Et quand tu es touchée, mes yeux s’écarquillent. Pour plus d’infos : Facebook de Phalène asbl.
Je ne veux pas que ce moment de contact dure plus longtemps que ce que tu as choisi. Et là,
précisément, je me rappelle qu’il ne s’agit pas dans ce travail de rechercher le plaisir et d’éviter Vers un corps conscient de Janet Adler
la souffrance, mais de découvrir, d’accepter et supporter notre vérité et la vérité de l’autre. » (éd. Contredanse) sera en vente sur place.
(Extraits du livre)
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FORMATION Tél. : 02/502 03 27
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