Cours de Droit International Public 2 - UAO - 2019

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Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Droit des espaces et de la responsabilité


internationale

Première partie : Les espaces


internationaux
Le droit des espaces se présente à la fois comme un
droit sur les espaces et comme un droit d'aménagement
des activités.
Des données de fait et de politique internationale
amènent à recourir à une étude fondée sur la constitution
physique des espaces pour l'examen successif des
régimes juridiques : l'espace terrestre (non traité),
l'espace maritime, l’espace aérien et l'espace extra-
atmosphérique

Titre 1. Les espaces maritimes

Chapitre 1. Les espaces maritimes sous


juridiction nationale

Section 1. Les espaces maritimes annexés au territoire


terrestre

Paragraphe 1. Les eaux intérieures

Les eaux intérieures sont constituées par les eaux situées


entre le littoral et la ligne de base de la mer territoriale.
1
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Cette définition inclut dans les eaux intérieures : les


ports1, les rades2, les havres3, les fjords4, les estuaires5,
les baies historiques6.

1
Un port est une infrastructure construite par l'homme, située sur le
littoral maritime et destinée à accueillir des bateaux et navires. Un
port peut remplir plusieurs fonctions, mais doit avant tout permettre
d'abriter les navires, en particulier pendant les opérations de
chargement et de déchargement. Il facilite aussi les opérations de
ravitaillement et de réparations. Il est un lieu de séjour.
2
La rade est un plan d'eau marin permettant le mouillage d'une
flotte. Elle a une ouverture vers la mer plus étroite que n'en a une
baie ou un golfe.
3
Un havre : Petit port naturel ou artificiel, situé le plus souvent à
l'embouchure d'un fleuve, pouvant éventuellement servir de refuge à
des navires de faible tonnage.
4
Un fjord ou fiord est une vallée érodée par un glacier avançant de
la montagne à la mer, qui a été envahie par la mer depuis la retraite
de la glace. L'aspect typique d'un fjord est celui d'un bras de mer
étroit, plus ou moins ramifié, aux côtés très escarpés et qui s'avance
dans les terres sur plusieurs kilomètres et parfois jusqu'à plusieurs
dizaines de kilomètres.
5
Un estuaire est la portion de l'embouchure d'un fleuve (lieu où le
fleuve se jette à la mer) où l'effet de la mer ou de l'océan dans lequel
il se jette est perceptible. Pour certains, il correspond à toute la
portion du fleuve où l'eau est salée ou saumâtre, pour d’autres, c'est
la présence de l’effet dynamique de la marée sur les eaux fluviales
qui le définit.
6
Aux fins de la Convention, on entend par « baie » une échancrure
bien marquée dont la pénétration dans les terres par rapport à sa
largeur à l'ouverture est telle que les eaux qu'elle renferme sont
cernées par la côte et qu'elle constitue plus qu'une simple inflexion
de la côte. Toutefois, une échancrure n'est considérée comme une
baie que si sa superficie est au moins égale à celle d'un demi-cercle
2
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

La souveraineté de l’État y est totale. L’accès à ces eaux


est du seul ressort de l’État côtier, dont les lois et
règlements sont pleinement applicables. Cependant, les
Etats riverains ne peuvent fermer leurs ports à ces navires
qu’à titre exceptionnel, pour des raisons de protection
sanitaire ou de maintien de l’ordre. La décision de
fermeture doit être rendue publique. La faculté
d’interdiction est cependant exclue si le navire est en
détresse.

L’État peut réglementer voire même interdire l’accès


à ses ports des navires de guerre étrangers, lesquels
disposent en tout état de cause d’une immunité complète.

Paragraphe 2. La mer territoriale


La mer territoriale est décrite comme l'espace situé au-
delà de la ligne de laisse de basse mer et d'une largeur
maximale de 12 milles. On définit la mer territoriale
essentiellement par sa dimension ou sa largeur7.
La mer territoriale est soumise au principe de la
souveraineté de l’Etat côtier. L'Etat riverain y exerce les
compétences exclusives qui sont le prolongement de la
compétence territoriale sur le domaine terrestre. Ainsi la

ayant pour diamètre la droite tracée en travers de l'entrée de


l'échancrure.
7
La définition de la limite extérieure de la mer territoriale clôt
dorénavant un débat historique sur lequel ont échoué la conférence de
codification de La Haye de 1938, et les deux conférences de Genève
de 1958 et de 1960.
3
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

plénitude et 1'exclusivité de la compétence s'exercent sur


les activités économiques, les activités de police et les
activités de services publics. Toutefois, la souveraineté de
l’Etat côtier est limitée par le droit de passage inoffensif
reconnu à tout navire étranger. En effet, le principe du
passage inoffensif consiste dans l'obligation faite à un
Etat côtier de ne pas entraver le passage inoffensif des
navires étrangers dans la mer territoriale.

Le passage, selon la convention de Montego Bay, est


inoffensif aussi longtemps qu'il ne porte pas atteinte à la
paix, au bon ordre ou à la sécurité de l'Etat côtier. Cette
conception du caractère inoffensif du passage en termes
de régime de police administrative de 1'Etat côtier laisse
en définitive à 1'interprète une latitude importante en
matière de définition du caractère offensif ou du caractère
inoffensif du passage. une liste d'activités menées sur la
mer territoriale qui peuvent porter atteinte au bon ordre, a
la sécurité et a la paix de 1'Etat côtier est établie par la
Convention de Montego Bay (article 19, paragraphe 2)8.

8
Le passage d'un navire étranger est considéré comme portant
atteinte à la paix, au bon ordre ou à la sécurité de l'État côtier si, dans
la mer territoriale, ce navire se livre à l'une quelconque des activités
suivantes :
a) menace ou emploi de la force contre la souveraineté, l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politique de l'État côtier ou de toute
autre manière contraire aux principes du droit international énoncés
dans la Charte des Nations Unies ;
b) exercice ou manœuvre avec armes de tout type ;
c) collecte de renseignements au détriment de la défense ou de la
sécurité de l'État côtier ;
4
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

La commission de ces activités constitue dès lors des


actes de passage non inoffensif. Mais la formule du point
L de l’article 19, paragraphe 2, qui mentionne « toute
autre activité sans rapport direct avec le passage » peut
prêter à controverse entre les parties.

Les pouvoirs de l'Etat côtier en matière de


réglementation du passage inoffensif font 1'objet d'une
énumération exhaustive à l'article 21 de la convention de
19829. L'Etat côtier a une compétence liée.

d) propagande visant à nuire à la défense ou à la sécurité de l'État


côtier ;
e) lancement, appontage ou embarquement d'aéronefs ;
f) lancement, appontage ou embarquement d'engins militaires ;
g) embarquement ou débarquement de marchandises, de fonds ou de
personnes en contravention aux lois et règlements douaniers, fiscaux,
sanitaires ou d'immigration de l'État côtier ;
h) pollution délibérée et grave, en violation de la Convention ;
i) pêche ;
j) recherches ou levés ;
k) perturbation du fonctionnement de tout système de
communication ou de tout autre équipement ou installation de l'État
côtier ;
l) toute autre activité sans rapport direct avec le passage.
Article 20
Sous-marins et autres véhicules submersibles
Dans la mer territoriale, les sous-marins et autres véhicules
submersibles sont tenus de naviguer en surface et d'arborer leur
pavillon.
9
1. L'État côtier peut adopter, en conformité avec les dispositions de
la Convention et les autres règles du droit international, des lois et
5
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

La préoccupation principale des rédacteurs de la


convention de 1982 a été de limiter au maximum les
risques et les tentations d'abus de droit de la part de 1'Etat
côtier. En effet, il a fallu veiller à ce que, par le biais des
modalités d'application de la réglementation du passage
inoffensif, l'Etat côtier ne parvienne à empêcher ou à
restreindre le passage, notamment par le biais des
inspections. Le navire qui accomplit le passage est, en
revanche, tenu de respecter scrupuleusement la

règlements relatifs au passage inoffensif dans sa mer territoriale, qui


peuvent porter sur les questions suivantes :
a) sécurité de la navigation et régulation du trafic maritime ;
b) protection des équipements et systèmes d'aide à la navigation et
des autres équipements ou installations ;
c) protection des câbles et des pipelines;
d) conservation des ressources biologiques de la mer ;
e) prévention des infractions aux lois et règlements de l'État côtier
relatifs à la pêche ;
f) préservation de l'environnement de l'État côtier et prévention,
réduction et maîtrise de sa pollution ;
g) recherche scientifique marine et levés hydrographiques ;
h) prévention des infractions aux lois et règlements douaniers,
fiscaux, sanitaires ou d'immigration de l'État côtier.
2. Ces lois et règlements ne s'appliquent pas à la conception, à la
construction ou à l'armement des navires étrangers, à moins qu'ils ne
donnent effet à des règles ou des normes internationales
généralement acceptées.
3. L'État côtier donne la publicité voulue à ces lois et règlements.
4. Les navires étrangers exerçant le droit de passage inoffensif dans
la mer territoriale se conforment à ces lois et règlements ainsi qu'à
tous les règlements internationaux généralement acceptés relatifs à la
prévention des abordages en mer.
6
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

législation de 1'Etat traversé, ainsi que l'ensemble de la


réglementation internationale.

Mais certains navires sont soumis à un régime spécial


de passage inoffensif. II s'agit des navires nucléaires et des
navires à cargaison dangereuse ; Il peut leur être prescrit
l'utilisation d'une route maritime spécifique. Les sous-
marins, de leur coté, sont tenus de naviguer en surface en
arborant leur pavillon tandis que les navires de guerre
sont assimilés aux autres navires avec interdiction,
toutefois, de procéder à des manœuvres pendant le
passage dans la mer territoriale.

En cas de passage non inoffensif, l'Etat côtier dispose


de droits préventifs et de droits répressifs. Sur le plan
préventif, l'Etat côtier peut prendre toutes les mesures
nécessaires pour empêcher un passage qui n'est pas
inoffensif et ordonner 1'évacuation des espaces maritimes
par le navire étranger. Le pouvoir de réaction de 1'Etat
côtier doit s'exercer dans le cadre du régime de l'utilisation
de la force déterminé par la Charte des Nations Unies et
cette réaction doit être proportionnelle à la gravité de
1'illicéité.

Enfin, la suspension du passage inoffensif peut être


ordonnée par 1'Etat côtier dans les cas où cette mesure
est indispensable à la protection de la sécurité de cet Etat.
La convention vise en particulier les manœuvres
militaires organisées par 1'Etat côtier. La suspension doit
être temporaire.
7
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Sur le plan répressif, l'Etat côtier exerce sa


compétence civile et pénale à bord des navires qui
exercent le droit de passage inoffensif. En effet, seuls les
navires de guerre bénéficient d'une immunité absolue. La
compétence de juridiction de 1'Etat côtier est établie en ce
qui concerne la répression des infractions commises a
bord pendant le passage en général ; 1'Etat côtier peut
procéder à des arrestations et à 1'accomplissement des
actes d'instruction à bord de navires lors du passage du
navire dans la mer territoriale en venant des eaux
intérieures. Il s'agit d'une règle déjà consacrée lors de la
convention de 1958 à Genève. La seule limite à la
compétence répressive de 1'Etat côtier est relative aux
actes d'arrestation ou d'actes d'instruction pour des
infractions commises avant 1'entrée dans la mer
territoriale sur les navires qui passent dans la mer
territoriale sans pénétrer dans les eaux intérieures.

Section 2. Les espaces sur lesquels l’État côtier exerce


des droits souverains en matière économique

Paragraphe 1. Le plateau continental

Formulé pour la première fois sur le plan juridique en


1945 avec la proclamation Truman, le plateau continental
a connu une modification profonde avec la convention de
1982.

Le Plateau continental est défini par l’article 76 de la


Convention de Montego Bay. Le Plateau continental d’un
8
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Etat côtier comprend les fonds marins et leur sous-sol


jusqu’au rebord externe de la marge continentale, ou
jusqu’à 200 milles marins des lignes de base, lorsque ce
rebord externe se trouve à une distance inférieure

a) Les limites extérieures du plateau continental

Les limites extérieures du plateau continental d'un Etat


côtier sont constituées par le rebord externe de la marge
continentale ou jusqu'a 200 milles marins à partir de la
ligne de base de la mer territoriale. Le critère d'isobathe
retenu en 1958 a été écarté au profit d'un critère de
distance. Mais le critère de distance n'est pas le critère
absolu. Si naturellement le plateau continental s'étend au-
delà de 200 milles, l'Etat côtier peut se référer "Aux
points fixes extrêmes ou l'épaisseur des roches
sédimentaires est égale au centième au moins de la
distance entre le point considéré et le pied du talus
continental"10 pour déterminer le rebord extrême.

La limite extrême du plateau continental ne peut être


éloignée de plus de 350 milles marins des lignes de base
ou de 100 milles marins de l'isobathe de 2 500 mètres.

Le caractère politique de 1'accord consacré par la


convention de 1982 implique la renonciation aux abus
par les Etats à plateau continental étendu. L'annexe II
institue, à cette fin, une Commission des limites du plateau
10
Art. 76-5 de la Convention de Montego Bay.
9
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

continental, de 21 experts, chargée d'adresser aux Etats


côtiers des recommandations sur la fixation de la limite
extérieure du plateau dont l'étendue dépasse les 200
milles.

b) Le régime juridique du plateau continental

La définition du régime juridique du plateau continental a


été le complément apporté à la délimitation dans les
œuvres de la convention de 1982. Dans leurs grandes
lignes, le régime des droits souverains applicables à la
zone économique exclusive peuvent être transposés
mutatis mutandis en ce qui concerne le plateau continental.

La philosophie des régimes juridiques se rapproche et on


peut les résumer comme étant des droits souverains
relevant de la compétence de principe de 1'Etat côtier,
droits finalisés à des fins essentiellement économiques.

Le développement des travaux d'exploration et


d'exploitation des hydrocarbures off shore sur le plateau
continental a amené la conférence à rappeler la
responsabilité spécifique de 1'Etat côtier en matière de lutte
contre la pollution.

Enfin, la convention de 1982 a aménagé un régime quasi


fiscal international pour l'exploitation des ressources au-
delà de la limite de 200 milles marins. En effet, la
convention a prévu un système de versements de
contributions en nature ou en paiement au titre de
10
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

1'exploitation des ressources non biologiques du plateau


continental dans cette partie du plateau ainsi définie. Ces
versements doivent être effectués au profit de 1'Autorité
internationale des fonds marins ; après les premières
années d'exploitation, une dispense d'obligation de paiement
pour les Etats en voie de développement a été établie. Il
s'agit d'une contribution assise sur une partie des
ressources considérées comme relevant du patrimoine
commun de 1'humanité et devant échapper au principe de
la territorialité de la compétence de 1'Etat côtier sur
1'ensemble du plateau continental.

Paragraphe 2. La zone économique exclusive

La Zone économique exclusive est une zone située au


delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci. Elle est
d’une largeur maximale de 200 milles (370 km) au-delà
des lignes de base. La zone économique exclusive est la
création principale ex novo de la convention de 1982. Il
s'agit de la pierre angulaire de la nouvelle convention sur
le droit de la mer. La négociation portant sur 1'adoption
de cette notion a mis en relief les contradictions d'intérêt
entre, d'une part, les Etats côtiers et la communauté
Internationale et, d'autre part, les Etats en développement
et les Puissances maritimes. La convention de 1982 a
tenté d’assurer une synthèse entre les différentes pratiques
des Etats en ce qui concerne l'appropriation des espaces
maritimes ; à cette fin elle a consacré les droits
patrimoniaux des Etats riverains sur l'ensemble des
ressources situées dans la zone économique exclusive,
11
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

tout en confirmant les libertés traditionnelles de la haute


mer dans cet espace. En effet, la zone économique
exclusive est constituée par 1'étendue de mer située au-
delà de la ligne de base jusqu'a une limite maximale de
200 milles, c’est-à-dire après soustraction de la mer
territoriale, un maximum de 188 milles pour les Etats qui
ont fixe leur mer territoriale à 12.

Dans la zone économique exclusive, 1'Etat riverain jouit


de droits souverains sur les ressources qui y ont leur
source. Bien que d'une très grande ampleur les droits
souverains, toutefois, ne peuvent pas être assimilés à la
souveraineté territoriale, telle que cette souveraineté
apparait dans la mer territoriale. Il s’agit de prérogatives
sur lesquelles 1'Etat riverain exerce une compétence de
principe dans le cadre d'un régime international aménagé.
Les attributions de l'Etat riverain, aux termes de la
convention, sont des compétences affectées. En effet, les
droits souverains sont reconnus
« aux fins d'exploration et d'exploitation, de
conservation et de gestion, des ressources
naturelles, biologiques ou non biologiques, des
eaux surjacentes ou fonds marins, des fonds
marins et de leur sous-sol, ainsi qu'en ce qui
concerne d'autres activités tendant a
1'exploration et a l'exploitation de la zone a des
fins économiques, telles que la production
d'énergie a partir de l'eau, des courants et des
vents ».

12
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

A 1'analyse, il ne s'agit pas de droits inhérents aux


prérogatives de l'Etat côtier, du seul fait de sa proximité.
Ce sont des droits spécialisés au profit de 1'Etat riverain,
portant non pas sur la zone en tant qu'espace mais sur les
ressources dont regorge cet espace. La reconnaissance de
la compétence de principe de l'Etat côtier dans la zone
économique exclusive est la conséquence essentielle du
caractère souverain de ses droits.

En matière de pêche l'Etat riverain détermine


discrétionnairement tant le niveau des autorisations de
prises maximales que sa propre capacité de pêche. Ainsi
le riverain est seul à pouvoir exercer, dans la zone
économique exclusive, une certaine fonction sociale en
procédant a la répartition et à la gestion des ressources de
la mer. Le caractère souverain des droits s'étend
également a ce qui concerne l'exercice de la compétence
de principe relative à la mise en place d'iles artificielles,
d'installations, ainsi que la réglementation de la recherche
scientifique de la protection de l'environnement. Bien que
surprenante, cette extension vise la conservation et le
développement des ressources, ainsi que la protection de
1'environnement marin contre les dégradations résultant
de ces installations ou activités.

L'aménagement international de 1'exercice de cette


compétence de principe se situe à un double niveau.
D'abord en ce qui concerne 1'obligation de p a r t a g e r
le surplus de stock auquel ont prioritairement droit les
Etats sans littoral et les Etats en voie de développement.
13
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Ce partage se réalise par la voie des accords d'accès aux


ressources, bilatéraux, sous-régionaux ou régionaux. Le
second niveau de la réglementation internationale afférent
à 1'exercice de la compétence de principe, se situe au
niveau des immunités des actes de 1'Etat riverain. En
effet, aux termes des dispositions qui régissent le
règlement des différends, les actes de 1'Etat riverain
relèvent du domaine de la conciliation obligatoire.

Chapitre 2. Les espaces maritimes internationaux

Section 1. La haute mer

La haute mer se définit de façon négative depuis la


convention de Montego Bay. Il s'agit:
« de toutes les parties de la mer qui ne sont
comprises ni dans la zone économique
exclusive, la mer territoriale ou les eaux
intérieures d'un Etat, ni dans les eaux
archipélagiques d'un Etat archipel »11.
Le régime de la haute mer est caractérisé par le
Príncipe de la liberté de la haute mer d'une part et
l'application de la loi du pavillon sur la haute mer d'autre
part.

Paragraphe 1. Le principe de la liberté de la haute mer

11
Art. 86 de la convention.
14
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Le principe de la liberté de la haute mer est accepté


comme une règle fondamentale du droit international12.
Le principe de la liberté des mers et de la haute mer
signifie l'interdiction pour un Etat d'exercer sa juridiction
ou son autorité à 1'égard des navires étrangers. La
jouissance de cette liberté de la haute mer est reconnue à
tous les Etats, qu'ils soient côtiers ou non-côtiers, mais le
contenu de cette liberté n'est pas absolu. Toutes les
activités humaines qui peuvent avoir comme cadre
d'exercice la haute mer ne jouissent pas de plein droit du
régime de la liberté de la haute mer ; i1 y a en effet des
libertés consacrées et des activités qui sont prohibées.

A. Les libertés consacrées

Les libertés consacrées sont celles qui ont trait, à titre


principal, aux usages traditionnels de la mer, mais
également aux utilisations nouvelles imposées par le
progrès technologique et le développement de la
connaissance scientifique.

12
Ce principe correspondait aux intérêts des grandes Puissances
maritimes au moment de sa consécration par la pratique coutumière.
Mais ce principe n'a jamais été remis en cause par les différentes
conférences internationales consacrées au droit de la mer. Cette
liberté a été essentiellement 1'expression du refus de toute
appropriation nationale de 1'espace maritime ainsi que du rejet des
différentes tentatives d'exercice des compétences de souveraineté par
certains Etats sur les navires étrangers.
15
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Parmi les libertés traditionnelles, on peut retrouver la


liberté de navigation, la liberté de la pêche, la liberté de
poser des câbles et des pipe-lines sous-marins, ainsi que
la liberté de survol. A ces libertés traditionnelles, il
convient d'ajouter de nouvelles libertés : la liberté de la
recherche scientifique et la liberté de construire des Iles
artificielles et autres installations.

B. Les activités prohibées

En revanche, sont interdites certaines activités sur la


haute mer. Il s'agit de 1'interdiction des essais nucléaires.
Cette prohibition résulte explicitement du traité portant
interdiction partielle des essais nucléaires de 1963 ; elle a
été implicitement confirmée par la convention de 1982 au
titre du régime de l'utilisation pacifique des océans. De
même, est également interdit sur la haute mer le trafic des
esclaves, plus exactement le transport d'esclaves par mer.
Enfin, la convention de 1982 confirme l'illicéité de la
piraterie, du trafic de stupéfiants et de substances
psychotropes, ainsi que celle des émissions non
autorisées diffusées depuis la haute mer à destination du
grand public.

Le souci a été de veiller à ce que la liberté de la haute


mer ne serve pas de prétexte à la constitution de zones
refuges pour 1'accomplissement en toute impunité
d'activités nuisibles à la vie sociale. Les besoins de
répression expliquent le recours à la loi du pavillon pour
le régime juridique de la haute mer.
16
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Paragraphe 2. La loi du pavillon

A. La signification de la loi du pavillon

La loi du pavillon régit les activités sur la haute mer.


Cela signifie que la compétence de 1'Etat dont le pavillon
est porté par un navire est, en haute mer, exclusive et
plénière. Pour les navires de guerre, le caractère exclusif
et plénier de la compétence a une portée absolue. En
revanche, pour les navires marchands, le problème de
l'exclusivité de la plénitude de la compétence est atténué
par les règles de conflit de lois, au sens du droit
international privé en matière civile. Mais elle est absolue
en matière de répression des infractions pénales.

Les seules exceptions à 1'exclusivité de la compétence


concernent la piraterie, le trafic et la traite des esclaves.
Le trafic illicite des stupéfiants soulève plus de difficultés
et 1'article 108 de la convention de Montego Bay invite
les Etats à coopérer pour la répression de ce type
d'activité.

L'importance du pavillon dans la réglementation du


régime juridique de la haute mer, a une implication
importante : le droit des Etats à un pavillon, quelle que soit
la situation juridique et géographique de cet Etat. La
convention n'établit aucune distinction entre les Etats
côtiers et les Etats sans littoral. Ce droit au pavillon est
intimement lie au droit reconnu à chaque Etat de
17
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

développer ses activités sur tous les plans et dans tous les
domaines.

B. Les difficultés liées à l’application de la loi du


pavillon

Pour que le régime des libertés soit réalité, une


condition est souhaitée en ce qui concerne le pavillon :
1'effectivité du droit de juridiction et de contrôle de 1'Etat
du pavillon sur ses navires. Au plan juridique, les Etats
disposent d'une compétence discrétionnaire en ce qui
concerne les conditions d'octroi du droit au pavillon aux
différents navires. Mais, face au développement de la
pratique des pavillons de complaisance, et aux risques de
tous ordres inhérents à ces pratiques, le problème s'est
pose de savoir s'il fallait déterminer en droit international
les critères essentiels a l’octroi du pavillon.

La Commission du droit international, dans la


préparation des conventions de Genève en 1958 et 1960,
tenta de rappeler le caractère nécessaire du lien
substantiel et réel entre 1'Etat et le pavillon revendique par
le navire. Tant à la conférence de Genève de 1959 qu'à
celle de la troisième conférence des Nations Unies sur le
droit de la mer, seule a été retenue la formule selon
laquelle était souhaitée un lien substantiel entre l'Etat et le
navire qui revendique sa nationalité. Tout effort de
précision portant sur l'étendue du droit de direction et de
contrôle de 1'Etat du pavillon sur le navire a échoué. Un
problème se pose : quelle est la position du droit
18
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

international vis-à-vis des dispositions et actes octroyant


une nationalité à un navire au mépris de 1'existence de ce
lien substantiel mentionné dans les dispositions des
conventions de Genève et de 1982 ?

Section 2. La Zone

La consécration de la zone internationale des fonds


marins comme patrimoine commun de 1'humanité
représente la création la plus spectaculaire de la
convention de 1982. A ce titre, cette zone est soumise à un
régime spécial d'exploration et d'exploitation dont le
pilotage est assuré par des structures institutionnelles
particulières.

Paragraphe 1. Le régime juridique de la zone


L’article 136 de la convention de 1982 proclament :

« La zone et ses ressources sont le patrimoine


commun de l'humanité ».
Il s'agit dorénavant d'une règle de droit positif. La zone
internationale des fonds marins situés au-delà des limites
de la juridiction nationale des Etats côtiers est soumise à
un régime spécifique, celui du patrimoine commun de
l’humanité. Ce régime exclut toute possibilité
d’appropriation privative de la zone ou de ses ressources.
En effet, selon Article 137 de la Convention de Montego
Bay,
19
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

« Aucun État ne peut revendiquer ou exercer de


souveraineté ou de droits souverains sur une
partie quelconque de la Zone ou de ses ressources
; aucun État ni aucune personne physique ou
morale ne peut s'approprier une partie quelconque
de la Zone ou de ses ressources. Aucune
revendication, aucun exercice de souveraineté ou
de droits souverains ni aucun acte d'appropriation
n'est reconnu.
2. L'humanité tout entière, pour le compte de
laquelle agit l'Autorité, est investie de tous les
droits sur les ressources de la Zone. Ces
ressources sont inaliénables ».

L'exclusion de 1'appropriation est entendue dans le sens


le plus large puisqu'elle comprend non seulement 1'espace
en question mais également les ressources provenant de
1'exploitation de cet espace. Les activités d'extraction
menées dans la zone sont placées sous le contrôle de 1'
Autorité internationale des fonds marins. Les droits sur
les ressources essentiellement minérales sont attribués non
aux Etats mais à 1'humanité tout entière, par-delà les
espaces et par-delà les générations. La communauté
internationale n'en est que le gestionnaire afin de faire
sortir les déshérités de leur condition actuelle. Le
patrimoine commun de 1'humanité est un concept
juridique à vocation prospective dont 1'effectivité sera
fonction directe de 1'aptitude de la communauté à
résoudre les contradictions d'intérêts caractéristiques de

20
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

la société internationale contemporaine. Son exploitation


a nécessité la création d’un mécanisme institutionnel.

Paragraphe 2. Le mécanisme institutionnel de


l’exploitation de la zone internationale des fonds
marins

Le mécanisme institutionnel se fonde sur 1'idée selon


laquelle les institutions ne sont que des gestionnaires pour
le compte de 1'humanité du patrimoine commun institué.
Trois principes en forment les idées directrices : une
organisation spéciale, créée et dotée de pouvoirs
particulièrement importants, qui est 1'Autorité
internationale des fonds marins (A) ; une institution
opérationnelle qui est 1'Entreprise (B) ; et un mécanisme
spécifique de règlement des différends relatifs aux fonds
marins grâce à la chambre du Tribunal international du
droit de la mer (C).

A. L'Autorité internationale des fonds marins


Sur le plan formel, l'Autorité internationale des fonds
marins, dont le siège a été fixé à Kingston (Jamaïque),
ressemble à une organisation internationale et repose sur
le principe de 1'égalité absolue des Etats membres.
Elle comprend les organes traditionnels d'une
organisation internationale, à savoir : une Assemblée
plénière, un Conseil restreint et un Secrétariat.

21
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Les relations entre le Conseil et 1'Assemblée constituent


le problème le plus délicat pour le fonctionnement de
1'Autorité. L'Assemblée, en effet, dispose du pouvoir
d'orientation générale de la politique de 1'Autorité des
fonds marins, en statuant à la majorité absolue de ses
membres et non à la majorité qualifiée des deux tiers.

Le Conseil, en revanche, organe plus restreint de 36


membres, s'efforce d'assurer la plus grande
représentativité de la composition de 1' organisation, en
combinant dans son recrutement les critères
géographiques et ceux de la représentation d'intérêts. I1 a
le pouvoir d'arrêter les politiques spécifiques à suivre par
1'Autorité en fonction des dispositions de la convention et
de la politique générale définie par l'Assemblée. La
procédure de décision au sein du Conseil est assez
complexe, les qualifications de la majorité variant selon
l'importance des sujets13.

A coté des pouvoirs délibératifs, 1'Autorité comporte


des commissions chargées de préparer la décision des

13
Ainsi, la majorité des deux tiers est requise pour les huit questions
les plus importantes, notamment celles relatives aux directives à
donner à 1'entreprise. La majorité des trois quarts est exigée pour 19
questions, par exemple, le contrôle des activités dans la zone ou le
choix des demandeurs d'emploi. Enfin, le consensus est requis pour
des questions affectant l'équilibre général de la convention, telles que
les règles relatives à 1'exploitation minière et au partage des
avantages financiers, ainsi que les amendements relatifs à 1'
exploration et à 1' exploitation.
22
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

organes délibératifs, tandis que le Secrétaire général est


élu pour quatre ans.

B. L'Entreprise

L'Entreprise constitue le bras opérationnel de


1'Autorité des fonds marins et sa création constitue une
originalité de l'institution. Elle est dotée de la capacité
juridique et bénéficie des privilèges et immunités
nécessaires pour 1' accomplissement de 1'exploitation
dans la zone internationale.

C. La chambre des fonds marins du Tribunal


international du droit de la mer

La chambre pour le règlement des différends


représente la dernière dimension institutionnelle de
1'Autorité. I1 s'agit d'une chambre spéciale du Tribunal
international du droit de la mer chargée d'assurer
l'application de la convention, des règles et règlements de
1'Autorité et les clauses du contrat. La chambre est
compétente pour connaitre de tous les différends relatifs
a 1'exploitation de la zone internationale des fonds
marins, ainsi que des différends entre 1'Autorité et une
autre entité relative à la responsabilité de 1'Autorité, par
exemple en matière de délivrance de permis. Les entités
contractantes autres que les Etats ont un droit d'accès a la
chambre. Les différends portant sur un contrat peuvent

23
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

toutefois, à la demande de 1' une ou 1'autre partie, être


soumis à un arbitrage commercial obligatoire.

Titre 2. Les espaces aérien et extra-


atmosphérique

Chapitre 1. L’espace aérien


L'espace aérien ou la colonne d'air qui surplombe le
territoire d'un Etat est soumis à la compétence territoriale
de 1'Etat sous-jacent. Cette extension physique de la
sphère géographique de la compétence de 1'Etat
s'apparente à 1'assimilation de la mer territoriale au
territoire terrestre. Il en résulte d'une part une répartition
des espaces aériens dans le monde et, d'autre part, un
aménagement du régime juridique de 1'utilisation de
1'espace aux fins de la navigation aérienne. L'espace
aérien se repartit en espace aérien national (Section 1) et
espace aérien international (Section 2).

Section 1. L'espace aérien national

L'Etat sous-jacent jouit de la plénitude de la


souveraineté de la compétence territoriale sur 1' espace
aérien qui surplombe son territoire terrestre et sa mer
territoriale. Sont exclues du domaine de 1'espace aérien
national, les zones maritimes affectées à des fins ou
usage économiques, relevant de la compétence de
24
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

principe de 1'Etat riverain : le plateau continental et la


zone économique exclusive. Cette délimitation restrictive
sur le plan de la géographie physique s'explique par
l'importance des considérations de sécurité qui ont marqué
les travaux de négociations de ces différents traités
multilatéraux.

Les questions de sécurité, tant de 1'Etat survolé que des


avions, posent le problème de la délimitation verticale de
1'espace aérien national, notamment en raison de la vitesse
actuellement atteinte par les différents types d'appareils
mis en exploitation et des conséquences graves pouvant
survenir à la suite des erreurs, mêmes mimines de
navigation.

La Convention de Chicago n’établit pas de règles en


matière de délimitation des espaces aériens nationaux,
bien que dans la pratique des difficultés soient fréquentes
: incertitudes liées à la délimitation terrestre, le caractère
défectueux du fonctionnement des points de repérage.
Face à ces lacunes, la seule solution raisonnable consiste
à faire coïncider les limites latérales de 1'espace aérien
national avec les lignes constitutives des frontières
terrestres et maritimes.

La souveraineté de 1'Etat sur son espace aérien


national implique le caractère discrétionnaire de ses
compétences pour 1'aménagement du régime juridique du
survol de son territoire par les aéronefs, nationaux ou
étrangers. Ainsi il est libre non seulement de réglementer
25
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

mais voire d'interdire tout survol à des appareils


militaires ou même civils. Toute violation de ces
prescriptions constitue une atteinte à sa souveraineté et
peut donner lieu à la mise en œuvre de mesures de
réactions licites de 1'Etat dont les droits sont violés :
interception ou obligation d'atterrir de 1'avion en situation
d’infraction. Le droit de riposte de 1'Etat survolé est,
toutefois, limité par les exigences élémentaires
d'humanité, liées au souci de ne pas mettre en danger les
vies des personnes transportées.

Section 2. L'espace aérien international

L'espace aérien international14 est constitué par les


espaces ne relevant pas de la souveraineté d'un Etat sous-
jacent particulier. A la différence de la haute mer, on ne
saurait envisager pour cette catégorie juridique un régime
de liberté absolue pour des raisons évidentes de sécurité.
Aussi des fonctions particulières ont-elles été attribuées à
l'Organisation de l'Aviation civile internationale pour
promouvoir l'internationalisation effective de cet espace
dans le cadre d'une uniformisation au plus haut degré
possible des règles de navigation aérienne.

Cette internationalisation du régime connait néanmoins


deux limites : en premier lieu, la convention de 1'OACI ne
14
Il n’est pas défini par la Convention de Chicago du 7 décembre
1944 relative à l’aviation civile internationale et couvre dans la
pratique la zone située au-delà des 12 milles nautiques (marins) des
frontières de chaque pays, à la verticale des mers territoriales.
26
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

s'applique qu'aux seuls aéronefs civils à l'exclusion des


appareils d'Etat et, en second lieu, 1' efficacité de la
convention est fonction directe de la prise en charge par
chaque Etat de sa responsabilité. Les manœuvres
d’approche relèvent de l’autorité de l'Etat survolé à
laquelle doivent se plier les avions concernés, tandis qu'il
appartient à chaque Etat de prendre des mesures pour faire
respecter les règles et règlements en vigueur par les
avions arborant son pavillon.

Chapitre 2. L’espace extra-atmosphérique


L'espace extra-atmosphérique représente la catégorie
d'étendue la plus récente a laquelle s'est intéressé le droit
positif. Le lancement de Spoutnik I15, le 4 octobre 1957,
a ouvert une nouvelle ère dans l'ordre juridique de
1'espace extra-atmosphérique.

Le régime juridique de 1'espace extra-atmosphérique


est marqué par la solution de trois questions principales :
le statut (Section 1), 1'immatriculation des objets
(Section 2) et le mécanisme de la coopération
internationale (Section 3).

15
Spoutnik signifiant « compagnon de route » est une famille de
satellites lancés par l'URSS. Spoutnik 1, lancé le 4 octobre 1957, est
le premier engin placé en orbite autour de la Terre et marque le début
de l'ère spatiale.
27
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Section 1. Le statut de 1'espace extra-atmosphérique,


la lune et les corps célestes

Le statut de 1'espace extra-atmosphérique et des corps


célestes qui s'y trouvent est caractérisé par le principe de
la liberté, transposé directement du régime de la haute
mer. Cette liberté implique une double dimension négative
(A) et positive (B) avec des particularités pour le statut de
la lune (C)

A. La dimension négative de la liberté de l'espace : la


non-appropriation

Le droit positif reconnait, de façon non équivoque, que


1'espace et les corps célestes ne sont pas susceptibles
d'appropriation privative. Il en résulte qu'aucun acte, ni
aucune activité afférent à ces espaces ne peuvent créer un
droit quelconque a leur auteur, ni constituer un titre de
souveraineté16.

16
Mais la mise en œuvre de ce principe parait être source de
problèmes compte tenu de la position géographique des Etats sur le
globe. Il en émit ainsi des satellites géostationnaires équatoriaux ou
polaires. Ce sont des satellites géostationnaires qui tournent à la même
vitesse que la terre et apparaissent comme stationnaires aux yeux
d'un observateur situe à 1'équateur. En effet, les coordonnées
géographiques de certains Etats situés le long de 1'équateur leur
conféraient une situation privilégiée en leur offrant une « ressource
naturelle r a r e ' en matière de maitrise des télécommunications par
satellites, tandis que d'autres placés dans les aires de chute des
satellites (cf. Madagascar) s'estimaient exposés à des risques graves et
anormaux. En 1976, huit Etats situés le long de la ligne de 1'équateur
28
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

B. La dimension positive de la liberté de l'espace : la


liberté d'utilisation

La liberté d'utilisation de 1'espace extra-atmosphérique


implique tout d'abord la liberté de l'initiative pour mener
des activités spatiales. Aucune autorisation d'un Etat
survole ou sous-jacent ou d'une institution internationale
n'est requise. En outre, cette liberté signifie la prohibition
de toute discrimination. L'utilisation de 1'espace extra-
atmosphérique est reconnue a tous les Etats sans
distinction et sur une base de stricte égalité.

Des limites a 1'exercice de cette liberté ont toutefois été


envisagées ; la conformité des activités spatiales au droit
international y compris la Charte des Nations Unies ;
l'utilisation pacifique de 1'espace aux fins de maintenir la
paix et la sécurité internationales avec interdiction de
mise sur orbite d'engins porteurs d'arme nucléaire ou de
destruction massive et, enfin, la finalisation des activités
spatiales pour le bien ou 1'intérêt de tous les pays sans
distinction.

C. Le statut particulier de la lune et des autres corps

ont proclame leur souveraineté sur 1'orbite géostationnaire


équatoriale (Brésil, Colombie, Congo. Equateur, Indonésie, Kenya,
Ouganda et Zaïre) en contradiction avec le droit positif. Toutefois,
1'Assemblée générale en 1983 s'est préoccupée de l'utilisation
rationnelle et équitable de 1'orbite géostationnaire qui est une
ressource naturelle limitée qui risque d'être surchargée (résolution
30/80 du 15 décembre 1983).
29
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

célestes

Les principes régissant 1'espace sont aussi valables pour


la lune et les autres corps célestes solides du système
solaire. Echappent à cette définition les matières extra-
terrestres qui atteignent la surface de la terre comme les
météorites en chute. Mais c'est en matière de
démilitarisation que le statut de la lune et des corps
célestes se distingue du droit de l'espace interplanétaire.
En effet, l'interdiction des armements y est absolue et
totale. L'établissement de bases, les essais et les
manœuvres militaires sont prohibés et la règle frappe
aussi bien les armes nucléaires et de destruction massive
que les armes dites classiques.

Par ailleurs, par transposition dans le domaine de


1'espace, du principe du patrimoine commun de
1'humanité, la lune et les autres corps célestes sont
« 1'apanage de 1'humanité tout entière » et leurs
ressources naturelles constituent le patrimoine commun de
l'humanité. Il en résulte des obligations d'information et
de coopération en matière de recherche scientifique et
d'environnement, ainsi que 1'ébauche d’un régime
international pour 1' exploitation.

Mais 1' idée d’affectation d’une partie des produits au


profit des Etats et des peuples les plus démunis, inhérente
au concept de patrimoine commun de 1'humanité,
explique, sans la justifier, l'hostilité des Puissances
spatiales à 1'accord du 18 décembre 1979 régissant les
30
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

activités sur la lune et les autres corps célestes. Ainsi,


contrairement aux ambitions de 1'Assemblée générale, le
droit de 1'espace n'assure pas encore 1'égalité des Etats.

Section 2. L'immatriculation des objets spatiaux et la


responsabilité

Par analogie avec les navires et les aéronefs, les engins


spatiaux sont immatriculés par un Etat. La compétence
d'un Etat pour assurer l'immatriculation des engins
spatiaux fait 1'objet d'un régime juridique particulier et
l'exercice de cette compétence comme celui des activités
spatiales est sanctionne par un régime spécial de
responsabilité.

A. Régime juridique de l'immatriculation

Les engins spatiaux sont soumis à la formalité de


l'immatriculation dont la responsabilité relève de la
compétence de 1'Etat lanceur. Les organisations
internationales peuvent aussi jouir du droit de faire
immatriculer des objets spatiaux. L'originalité du
mécanisme tient au système du double registre. Un
premier registre est tenu par 1'Etat de lancement et un
second par le Secrétaire général des Nations Unies. A
1'examen, le double registre ne se situe pas au même
niveau d'obligation juridique. L’immatriculation
nationale découle directement de la pratique en matière
de nationalité des navires et des aéronefs. En revanche,

31
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

1'immatriculation auprès du Secrétariat général des


Nations Unies est la consécration de la pratique de
1'enregistrement volontaire, initialement observée par les
Puissances spatiales. L'origine historique de
1'enregistrement volontaire explique la disposition selon
laquelle la déclaration d'enregistrement auprès des
Nations Unies devait se faire le plus tôt possible.

B. Compétence et responsabilité de 1'Etat


d'immatriculation

L'immatriculation des engins spatiaux confère a l'Etat


de lancement des compétences particulières dont
1'exercice est sanctionne par la responsabilité
internationale. Cet Etat exerce sur 1'engin une
compétence personnelle et continue de juridiction
pendant toute 1'opération de navigation spatiale : depuis
le lancement jusqu'a la récupération de 1'engin sans
considération particulière du statut de 1'espace touche ou
survole : espace interstellaire, corps célestes, terre. Une
obligation de surveillance, sinon de direction des
activités menées par les personnel tant publiques que
privées dans le domaine spatial pèse ainsi sur les Etats
concernes. Des mécanismes particuliers pour la
restitution des objets lances et atterrissant sur un espace,
national ou international, de la terre ont été aménagés par
les traites de 1967 et de 1979.

Le système international de responsabilité pour les


activités spatiales est sui generis, en droit international,
32
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

non seulement en raison de la dimension des risques


encourus mais aussi du caractère spécifique des règles qui
sont établies et distinctes du droit commun de la
responsabilité internationale des Etats. La responsabilité
peut être imputée à un Etat pour ses activités spatiales
nationales et les activités spatiales menées a partir de son
territoire. La responsabilité est absolue, fondée sur le
risque en dehors de toute faute, pour les dommages causés
à la surface de la terre ou sur les aéronefs en vol. En
revanche la responsabilité pour faute peut être engagée
pour les dommages causés ailleurs qu'a la surface de la
terre à un autre objet spatial soit par la faute de 1'Etat de
lancement, soit par celle de toute personne dont ledit Etat
doit répondre.

Par ailleurs et à titre d'innovation en droit international,


la responsabilité peut être solidaire entre 1'Etat de
lancement et 1'Etat ayant mis son territoire ou ses
installations à la disposition du premier.

33
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Deuxième partie
Les incidents liés à l’utilisation des
espaces internationaux
ou le contentieux international

Titre 1. La responsabilité internationale


Le principe de la responsabilité internationale est le
corollaire de leur égalité souveraine. La reconnaissance
du principe apparait comme un facteur primordial de
régulation des relations internationales.

Chapitre 1. Les éléments constitutifs de la


responsabilité internationale
Section 1. Le fait générateur de la responsabilité
internationale

Tout fait internationalement illicite d’un Etat engage sa


responsabilité internationale. Le fondement de la
responsabilité est l’illicéité et non la faute qui peut être
appréhendée comme une notion subjective.

Paragraphe 1. Le fait internationalement illicite

A. La qualification du fait

1) La notion de fait internationalement illicite


34
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Il y a fait internationalement illicite de l’Etat lorsqu’un


comportement attribuable à l’Etat constitue une violation
d’une règle internationale conventionnelle ou
coutumière17. Sur cette base, la responsabilité peut être
engagée aussi bien pour une action que pour une
omission18.

Le projet de la CDI distinguait initialement au sein des


violations du droit international les délits des crimes.

Le crime est « le fait internationalement illicite qui


résulte d’une violation par un Etat d’une obligation
internationale si essentielle pour la sauvegarde d’intérêts
fondamentaux de la communauté internationale que sa
violation est reconnue comme un crime par cette
communauté dans son ensemble »19.

Cette distinction a été abandonnée dans le projet définitif.


Ce projet vise « les violations graves d’obligations
découlant de normes impératives du droit international
général ». Cette formule témoigne du fait qu’à côté des
manquements ordinaires du droit ordinaire dont seules les
victimes directes sont fondées à se plaindre, il existe des
violations d’une particulière gravité qui mettent en péril
les intérêts essentiels de la communauté internationale

17
Article 3 a et b du projet d’articles de la CDI.
18
CIJ, arrêt du 9 avril 1949, Affaire du Détroit de Corfou, Rec. P. 4.
19
Article 19, §2, projet CDI.
35
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

dans son ensemble et qui appellent des réactions


spécifiques de la part de tous les membres de celle-ci.

Fondée intellectuellement, la distinction « les violations


graves » et les autres faits internationalement illicites n’a
d’intérêt pratique que si elle produit des conséquences
concrètes. Or les conséquences que l’article 41 tire du
concept de violation grave sont décevantes : les Etats
doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites,
à toute violation grave.

2) La nature de l’obligation méconnue

Le projet de 1996 distinguait les obligations de


comportement des obligations de résultat. Cette
distinction a été abandonnée en 2001. Le nouvel article
12 sur la « violation d’une obligation internationale » se
contente d’indiquer : « il ya violation d’une obligation
internationale par un Etat lorsqu’un fait dudit Etat n’est
pas conforme à ce qui est requis de lui en vertu de cette
obligation ; quelle que soit l’origine ou la nature de celle-
ci ».

B. Les circonstances excluant l’illicéité

1) Le fait de la victime

• Le comportement de la victime

36
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

La victime peut, par son comportement, contribuer à la


survenance d’un dommage.

• Le consentement de la victime.

Pour être efficace, ce consentement doit être valable en


droit international (ce qui ne saurait être le cas dans
l’hypothèse d’une violation grave), clairement établi,
réellement exprimé, attribuable à l’Etat et antérieur à la
commission du fait auquel il se rapporte.

• La légitime défense.

Quand l’acte illicite n’est qu’une réponse à un autre fait


illicite, dans des conditions justifiées par la notion de
légitime défense, le sujet du droit qui est à l’origine du
premier acte ne pourra pas invoquer l’illicéité du
comportement qu’on lui oppose.

2) Les circonstances étrangères à la victime

L’Etat qui commet un acte illicite peut se réclamer de


certains faits extérieurs à l’auteur du manquement et à la
victime pour dégager sa responsabilité.

• La force majeure et le cas fortuit

Il s’agit d’une force irrésistible ou d’un événement


extérieur imprévu en dehors de tout contrôle de l’Etat. Il
est évidemment indispensable que le responsable n’ait
37
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

pas contribué, par sa négligence, à la survenance de la


situation de force majeure ou de cas fortuit. Il doit donc
s’agir de comportements véritablement involontaires.

• L’état de nécessité20

Il n’efface l’illicéité que si :


• Ce fait constitue
- le Seul moyen
- de sauvegarder un Intérêt essentiel de l’Etat
(ex : survie économique, conservation de la
paix interne, conservation écologique, etc.)
- contre un péril grave et imminent.
• ce fait n’a pas gravement porté atteinte à un
intérêt essentiel à l’Etat à l’égard duquel l’obligation
existait.
• L’État qui l’invoque n’a pas contribué à la
survenance de l’État de nécessité.

Paragraphe 2. La responsabilité du fait d’activités


compatibles avec le droit international

Plus nombreuses, à mesure que le progrès technique


avance, sont les activités utiles mais de nature à causer
des dommages à l’homme ou à l’environnement, sans
pour autant constituer des violations du droit
international. La tolérance d’activités risquées impose

20
Affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros (CIJ 1997),
Hongrie/Slovaquie.
38
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

une compensation de la rupture de l’équilibre des intérêts


provenant de la survenance du dommage. Les Etats,
conscients de leur interdépendance recherche une sorte
de "protection sociale" sans laquelle la poursuite
d’activités dangereuses ne pourrait plus être envisagée.
Leur nécessité justifie l’élaboration d’un régime de
responsabilité objective. , dans le cadre duquel le risque
apparait comme une condition de la responsabilité.

Il n’existe pas à ce jour de régime général de


responsabilité objective de l’Etat, mais des solutions
d’espèce applicables à certaines activités :

• Utilisation pacifique de l’énergie nucléaire :

les conventions en la matière consacrent le principe de la


responsabilité automatique de l’exploitant de l’engin ou
de l’installation nucléaire si le dommage résulte de son
fonctionnement21. Le montant maximum de la réparation
est limité. En cas de dépassement, la réparation est prise
en charge, dans la limite d’un plafond, par l’Etat de
rattachement.

• Pollution des mers et des cours d’eaux par les


hydrocarbures et autres substances
polluantes :

21
Convention de Paris (1960) relative à la responsabilité civile dans
le domaine nucléaire ; Convention de Vienne (1963) également sur
ce sujet.
39
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

la responsabilité engagée est celle du propriétaire du


navire et celle de l’exploitant des installations de forage
indifféremment de toute violation du droit international.
La responsabilité de l’Etat du pavillon ne pourra être
mise en cause que pour autant qu’il aura manqué à ses
obligations de vigilance (donc pour manquement à une
obligation internationale).

• Les engins spatiaux :

La Convention de Londres-Moscou-Washington
du 29 mars 1972 relative à la responsabilité
internationale pour les dommages causés par les objets
spatiaux.

Section 2. L’auteur du fait internationalement illicite

Paragraphe 1. L’attribution à l’Etat du comportement


internationalement illicite

A. L’attribution à l’Etat du comportement illicite de


ses organes

Est « considéré comme un fait de l'Etat d'après le droit


international le comportement de tout organe de l'Etat
ayant ce statut d'après le droit interne de cet Etat, pour
autant que, en l'occurrence, il ait agi en cette qualité »
(Article 5, projet CDI).

40
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

La position de l'organe dans le cadre de l'organisation de


l'Etat est sans pertinence au regard du droit international
(Article 6, projet CDI).

La CIJ apporte une précision importante : « Selon une


règle bien établie du droit international, le comportement
de tout organe d’un Etat doit être regardé comme un fait
de cet Etat. Cette règle, qui revêt un caractère coutumier,
trouve son expression à l'article 6 du projet d’articles sur
la responsabilité des Etats, adopté a titre provisoire par la
Commission du droit international en première
lecture... »22.

Ce n'est donc pas le droit international public qui indique


quels sont les organes de 1'Etat. Le droit interne
détermine les organes et le droit international public en
tire les conséquences. En outre, il faut que l'organe ait
agit en cette qualité.

L'article 6 approfondit l’article 5 en établissant que le fait


de tout organe est considéré comme le fait de 1'Etat. Peu
importe donc la fonction de l'organe, ses compétences (en
particulier, s'il n'a pas de compétence internationale) et sa
position dans la hiérarchie.

22
Différend relatif à 1'immunité de juridiction d'un Rapporteur
spécial de la Commission des Droits de 1'homme, avis consultatif du
29 avril 1999, C.I.J., Recueil 1999, §62.
41
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

L’Etat ne peut donc pas se dissimuler derrière les


particularités de son ordre interne pour échapper à la
mise en cause de sa responsabilité internationale.

L’activité administrative (lato sensu) est par nature celle


qui est la plus susceptible d’engager la responsabilité de
l’Etat.

La responsabilité de l’Etat peut également résulter de


l’action ou de l’abstention d’un organe législatif.

La responsabilité de l’Etat peut enfin être engagée du fait


d’un acte juridictionnel internationalement illicite. Ainsi,
l’Etat doit, en vertu d’un principe coutumier, garantir aux
ressortissants étrangers une protection juridictionnelle
sans laquelle ils seraient victimes d’un déni de justice.
B. La responsabilité de l’Etat du fait des particuliers

La responsabilité de l’Etat peut être engagée par le fait


d’un agent incompétent, d’un fonctionnaire de fait voire
d’un particulier agissant à son instigation et exécutant ses
injonctions. Dans l’affaire des otages américains, la Cour
a jugé qu’à ses débuts le comportement des militants ne
pouvait être considéré comme étant en lui-même
imputable à l’Etat iranien. Les éléments d’informations, à
sa disposition, ne lui permettaient pas d’établir que les
militants agissaient sur l’ordre d’un organe officiel qui
les aurait chargés d’une opération déterminée. Cette
conclusion ne signifiait pas que l’Iran était, en
conséquence, exonéré de toute responsabilité directe pour
42
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

le fait de n’avoir pas pris les mesures appropriées en vue


de prévenir les atteintes à l’inviolabilité de l’ambassade.
La politique ensuite appliquée par les autorités iraniennes
a eu pour effet de transformer radicalement la nature
juridique créée à l’origine par l’occupation continue de
l’ambassade et la détention persistante des otages ont pris
le caractère d’actes étatiques. Les militants, auteurs de
l’invasion et geôliers des otages, sont alors devenus de
véritables agents de l’Etat iranien.

Paragraphe 2. L’imputation à d’autres sujets : les


organisations internationales

Les organisations internationales, comme les Etats,


voient leur responsabilité engagée du fait des
comportements internationalement illicites qui leur sont
attribuables. L’application aux organisations
internationales des règles de la responsabilité
internationale est la contrepartie de l’attribution de la
personnalité juridique internationale. En effet, si la
personnalité juridique permet à l’organisation de
bénéficier d’une protection juridique, celle-ci peut
commettre des manquements au droit international et
devenir responsable de la même manière qu’un Etat.
Dans certaines organisations, la question de la
responsabilité est réglée dans l’acte constitutif : l’article
288 al.2 du traité CE dispose en ce sens qu’ « en matière
de responsabilité non contractuelle, la communauté doit
réparer, conformément aux principes généraux communs
aux Etats membres, les dommages causés par ses
43
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs


fonctions ».

Mais la responsabilité d’une organisation internationale


peut être engagée même dans le silence de sa charte
constitutive. C’est ainsi que la responsabilité de l’ONU
fut mise en cause par la Belgique en raison des exactions
commises, au Congo en 1960, par des soldats de
l’ONUC.

Chapitre 2. La mise en œuvre de la


responsabilité internationale
Section 1. Les conditions de mise en œuvre de la
responsabilité internationale

L’engagement de la responsabilité internationale reste


subordonné à la survenance d’un dommage qui, seul,
permet d’identifier la victime.

Paragraphe 1. Le dommage

A. Atteinte à un droit juridiquement protégé

Comme l’a souligné la Cour, la responsabilité est le


corollaire nécessaire du droit. C’est donc l’existence ou
l’inexistence d’un droit appartenant à un Etat et reconnu
comme tel par le droit international qui est décisive en ce

44
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

qui concerne le problème de la qualité à agir afin d’en


assurer le respect23.

Tous les Etats ont un intérêt au respect du droit


international. Cependant, ce n’est pas parce qu’un tel
intérêt existe qu’il présente un caractère spécifiquement
juridique de nature à garantir la recevabilité d’un
recours24. En d’autres termes, la responsabilité ne peut
être mise en cause que lorsqu’il est porté atteinte à un
droit.

Le droit international contemporain ne reconnait pas


l’actio popularis et la Cour se refuse à y voir un principe
général de droit25. Toutefois, ce point de vue mérite
d’être quelque peu nuancé car la Cour a considéré
qu’"une distinction essentielle doit être établie entre les
obligations des Etats envers la communauté
internationale dans son ensemble et celles qui naissent
vis-à-vis d’un autre Etat dans le cadre de la protection
diplomatique. Par leur nature même, les premières
concernent tous les Etats. Vu l’importance des droits en
cause, tous les Etats peuvent être considérés comme
ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient
protégés. Les obligations dont il s’agit sont des
obligations erga omnes"26.

23
CIJ, 5 février 1970, Barcelona Traction, §36.
24
CIJ, 1966, Sud Ouest africain, § 50.
25
CIJ, 5 février 1970, Barcelona Traction, §88.
26
CIJ, 5 février 1970, Barcelona Traction, §33 et 34.
45
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Par ailleurs, si l’hypothèse la plus fréquente reste celle de


l’invocation de la responsabilité par l’Etat lésé, le projet
de la CDI n’exclut pas qu’elle puisse l’être par un Etat
autre que l’Etat lésé lui-même.

B. Les caractères du dommage

1) Préjudice direct et préjudice indirect

Le dommage n’est pris en compte par droit international


qu’en relation avec un fait générateur. En principe, seul
le préjudice direct est de nature à engager la
responsabilité internationale. le dommage direct est celui
qui résulte nécessairement de la commission d’un acte
internationalement illicite. Il convient donc d’établir le
lien de causalité entre la survenance du dommage et
l’existence d’un fait illicite. Se pose ici une question
universelle, celle du lien de causalité entre la survenance
du dommage. En droit international, le dommage
indemnisé est celui qui peut être considéré comme
raisonnablement la conséquence du fait imputé à l’Etat.
On parle de causalité naturelle. Les dommages indirects
seront perçus comme accessoires.

2) Préjudice matériel et préjudice moral

Traditionnellement, la réparation des dommages de


nature matérielle ne pose pas de difficulté particulière. Il
se présente comme une atteinte aux activités et biens

46
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

matériels de la victime.ses conséquences sont par


définition quantifiables.

Longtemps, la doctrine et les juges se sont en revanche


interrogés sur le point de savoir si les préjudices moraux
étaient suffisants pour engager la responsabilité de leur
auteur. Les juges et les arbitres ont été, au départ,
réticents à cette idée. Cette réticence tenait au fait que ces
dommages présentent par essence un caractère abstrait et
immatériel. Il s’avère donc difficilement quantifiable.
Depuis la sentence rendue dans l’affaire du Lusitania, (1er
novembre 1923), la jurisprudence accepte sans équivoque
de prendre en compte le préjudice moral.

Cette solution permet de prendre la mesure réelle de


l’importance que revêtent l’honneur et la dignité aux
yeux des Etats.

Paragraphe 2. La personne lésée

A. Préjudice médiat et préjudice immédiat

Lorsque la victime d’un préjudice est un Etat (ou une


organisation internationale), on considère que le
préjudice est immédiat. En revanche, lorsque la victime
réelle est un particulier, il convient de parler de préjudice
médiat.

Le droit international admet qu’un Etat endosse, le cas


échéant, une réclamation formulée individuellement par
47
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

l’un de ses ressortissants. Le différend change alors de


nature. Selon Pierre-Marie Dupuy, il ya novation du
litige. En effet, le litige dont se réclame le particulier doit
désormais être appréhendé comme une atteinte à un droit
juridiquement protégé de l’Etat ou de l’organisation de
faire respecter les garanties offertes par le droit
international à ses nationaux ou à ses agents dans ses
rapports avec d’autres Etats ou organisations
internationales. Cette opération d’endossement s’appelle
la protection diplomatique ou fonctionnelle27 (si une telle
prérogative est endossée par une organisation
internationale).

B. Les conditions de mise en œuvre de la protection


diplomatique

1) Une protection accordée aux nationaux de


l’Etat

Un Etat ne peut accorder sa protection diplomatique


qu’aux personnes physiques ou morales qui sont

27
La protection fonctionnelle ne s’apparente que très partiellement à
la protection diplomatique. Elle joue uniquement pour la sauvegarde
des intérêts de l’organisation en la personne de ses agents. En outre,
elle n’est pas exclusive de la mise en œuvre par l’Etat dont la victime
est ressortissante de la protection diplomatique. Comme l’a
clairement établi la CIJ dans son avis du 11 avril 1949, « il n’existe
pas de règle qui attribue une priorité à l’un ou à l’autre, ou qui oblige
soit l’Etat soit l’organisation internationale à s’abstenir de présenter
une réclamation internationale.
48
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

rattachées à lui par un lien de nationalité (ou


d’immatriculation) à la date du fait illicite et à celle de
l’introduction de la réclamation internationale. il est
indispensable que la nationalité dont se réclame le
particulier soit opposable à l’Etat contre lequel l’action
est formée. A cet égard, il faut que cette nationalité soit,
en particulier, effective (CIJ, Nottebohm, 1955, p. 20).
Par ailleurs, lorsque la victime est titulaire d’une double
nationalité, aucune réclamation diplomatique ne peut être
introduite à l’encontre d’un Etat dont la victime est
ressortissante.

2) La règle de l’épuisement des voies de recours


interne28

Largement consacrée par la coutume et le droit


conventionnel, cette règle trouve originellement son
fondement dans la volonté de laisser à l’Etat responsable,
la faculté de réparer les préjudices causés par la violation
de ses obligations internationales, avant qu’un juge
international puisse être saisi.

3) La théorie des mains propres

Le comportement de la victime primaire pour laquelle


l’Etat exerce sa protection diplomatique est de nature à
conditionner le succès de son action.

28
Confère CHAPPEZ (J.), la règle de l’épuisement des vois de
recours interne, Pedone, Paris, 1972, 263p.
49
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

• La conduite illicite de la victime primaire :

Elle a agi au mépris des lois de l’Etat de séjour. Ne se


conformant pas au comportement attendu d’elle, sa
demande sera frappée d’irrecevabilité.

• La conduite inadaptée de la victime


primaire :

La victime peut avoir manqué de diligence ou avoir


commis une imprudence. Par son comportement, elle n’a
donc pas pu se prémunir, conformément à ce que l’on
pouvait légitimement attendre d’une personne
raisonnable, contre la survenance du dommage. Dans
cette hypothèse, on ne peut imputer le fait générateur à
l’Etat, lequel est exonéré de sa responsabilité. Un
concours de comportements de nature à favoriser la
survenance d’un dommage est toutefois envisageable.
Dans ce cas, les imputations définitives se feront au
prorata du rôle que chacune des parties a joué dans la
réalisation du dommage.

C. Les conditions d’exercice de la protection


diplomatique

1) Faculté ou obligation ?

L’exercice de la protection diplomatique est une


compétence purement discrétionnaire de l’Etat. Comme
50
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

la CIJ l’a rappelé, "l’Etat doit être considéré comme le


seul maitre de décider s’il accordera sa protection, dans
quelle mesure il le fera et quand il y mettra fin. Il possède
à cet égard un pouvoir discrétionnaire dont l’exercice
peut dépendre de considérations politiques notamment"29.

Un particulier ne peut renoncer, par contrat avec un Etat,


à solliciter, sans l’accord de l’Etat dont il est
ressortissant, la protection diplomatique de celui-ci. Il est
admis qu’une telle clause doit être considérée comme
nulle, car une solution contraire reviendrait, pour les
Etats, à admettre que des particuliers puissent se
soustraire contractuellement au lien d’allégeance à
l’égard de leur gouvernement, ou dispensent celui-ci d’un
éventuel devoir de protection en cas de déni de justice.

2) Modalités d’exercice de la protection


diplomatique

L’Etat désireux d’accorder sa protection diplomatique le


fait en recourant à tous les moyens de règlement
pacifique des différends. Les Etats ont tendance à
privilégier les moyens diplomatiques par rapport aux
voies contentieuses. L’exercice de la protection
diplomatique ne peut en aucun cas justifier un recours à
la force.

29
Affaire Barcelona traction.
51
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Section 2. Les conséquences de la mise en œuvre de la


responsabilité internationale

Paragraphe 1. La restitution (in integrum ou par


équivalent)

La réparation vise ici à rétablir le statu quo ante mais


surtout à remettre les choses en l’état qui aurait
vraisemblablement existé si l’acte en cause n’avait pas été
commis. Cette restitutio in integrum constitue la solution
de principe pour autant qu’elle soit raisonnablement
envisageable. Il s’agit donc de restaurer la situation
matérielle de la victime et de rétablir la situation qui
existait avant la violation du droit.

Tel est le cas lorsque l’acte incriminé est un acte juridique


dont on peut prononcer l’annulation. De même, lorsque le
dommage matériel prend la forme d’une destruction
réversible, il est facile d’ordonner l’adoption de mesures
appropriées.

Il est cependant envisageable que l’acte juridique ait


produit des effets irréversibles ou qu’un acte matériel ait
eu des conséquences dommageables définitives. La
restitutio in integrum étant impossible, il faut rechercher
une autre solution. On peut envisager une restitution en
nature sous réserve toutefois qu’elle ne soit pas
matériellement impossible ou manifestement contraire à
une règle de jus cogens. Elle ne doit pas constituer une

52
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

charge disproportionnée pour l’Etat fautif par rapport au


dommage causé par son fait illicite.

Paragraphe 2. L’indemnisation

Il s’agit d’une forme de réparation très courante et


adaptée aux dommages matériels. On parle également de
réparation par équivalent. Elle est susceptible de couvrir
tout dommage pouvant faire l’objet d’une évaluation
économique. Le calcul du montant de l’indemnité se fera
sur la base du droit international. L’importance du
dommage doit être appréciée au moment de la fixation de
l’indemnité. Des intérêts peuvent être dus pour
compenser effectivement le préjudice subi. Dès lors que
le dommage est direct, il est indemnisable. La réparation
doit prendre en compte le damnum emergens (perte
réalisée), le lucrum cessans (manque à gagner) aussi bien
que le pretium doloris.

Paragraphe 3. La satisfaction

Ce mode de réparation est adapté au préjudice moral ou


juridique dont la réparation ne peut être pleinement
satisfaite par le versement d’une indemnité.

La satisfaction peut prendre la forme d’excuses


présentées par l’Etat auteur d’une violation du droit
international à l’Etat victime.

53
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

La satisfaction peut également résulter de l’expression de


regrets ou de l’adoption de mesures de sanctions internes
à l’encontre de l’agent auteur de l’acte illicite. Comme la
Cour l’a souligné dans l’affaire du Détroit de Corfou (9
avril 1949), la constatation (par le juge ou par un arbitre)
du droit violé constitue en elle-même une satisfaction
appropriée pour l’Etat lésé.

Titre 2. Le règlement des conflits

Chapitre préliminaire : l’interdiction du


recours à la force dans le règlement des
conflits

(A traiter en salle de cours)

Chapitre 1. Les procédés politiques ou non


juridictionnels
Section 1. Les procédés interétatiques

Paragraphe 1. Les négociations diplomatiques

La négociation est l’instrument ordinaire des relations


internationales. Elle y remplit les fonctions les plus
variées : élaboration de traités, définition de politiques
communes ... En conséquence, elle est également perçue
54
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

comme le mode ordinaire de règlement des différends


internationaux. La Cour de La Haye (C.P.J.I. ou C.I.J.)
l’a souligné à maintes reprises :
- « Le règlement judiciaire des conflits
internationaux, en vue duquel la Cour est
instituée, n'est qu'un succédané au règlement
direct et amiable de ces conflits entre les
Parties »30.
- « Il est inutile d'insister sur le caractère
fondamental de cette forme de règlement
sinon pour remarquer qu'il est renforcé par la
constatation que le règlement judiciaire ou
arbitral n'est pas généralement accepté »31.
- « La méthode la plus propre à résoudre le
différend est de toute évidence celle de la
négociation. Son objectif doit être de
circonscrire les droits et les intérêts des Parties
[…] »32.

La négociation se singularise par l’absence totale de tiers,


qu'il s'agisse d'un État, d'une personnalité ou d'une
institution internationale.
30
Affaire des zones franches de la Haute-Savoie et du pays de Gex,
ordonnance du 19 août 1929, C.P.J.I. série A n°22 - série C n°17-I
(I), 17-I (II), 17-I (III), 17-I (IV)) pp. 5-22.
31
Plateau continental de la mer du Nord, Arrêt du 20 février 1969 :
C.I.J. Recueil 1974, p. 3.
32
Compétence en matière de pêcheries (République fédérale
d'Allemagne c. Islande), Fond, Arrêt du 25 juillet 1974: C.I.J.
Recueil 1974, p. 175.
55
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

A. Le fondement : L’obligation de négocier

L'article 33 § 1 de la Charte de l'ONU dispose:" les


parties à tout différend dont la prolongation est
susceptible de menacer le maintien de la paix et de la
sécurité internationale doivent en rechercher la solution,
avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de
médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement
judiciaire, de recours aux organismes ou accords
régionaux, par autres moyens pacifiques de leur choix".

Au regard de cette disposition, on a pu soutenir en


doctrine l’existence d’une règle coutumière en vertu de
laquelle les parties à un différend international auraient
l’obligation de négocier préalablement au recours à tout
autre mode de règlement. Il s’agit là d’une thèse sans
fondement jurisprudentiel crédible si l’on en croit la
Cour internationale de Justice :

« Il n'existe ni dans la Charte, ni ailleurs en droit


international, de règle générale selon laquelle
l'épuisement des négociations diplomatiques
serait un préalable à la saisine de la Cour. Un tel
préalable n'avait pas été incorporé dans le Statut
de la Cour permanente de Justice internationale,
contrairement à ce qu'avait proposé le Comité
consultatif de juristes en 1920 (Comité consultatif
de juristes, Procès-verbaux des séances du
Comité (16 juin-24 juillet 1920) avec annexes, p.
56
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

679, 725-726). Il ne figure pas davantage à


l'article 36 du Statut de la présente Cour.

Un préalable de ce type peut être incorporé et est


souvent inséré dans les clauses compromissoires
figurant dans les traités. Il peut également figurer
dans un compromis, les signataires se réservant
alors de ne saisir la Cour qu'une fois écoulé un
certain délai (voir par exemple Différend
frontalier (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad),
arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 9). Enfin, les Etats
demeurent libres d'insérer dans leur déclaration
facultative d'acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour une réserve excluant de la
compétence de cette dernière les différends au
sujet desquels les parties en cause seraient
convenues ou conviendraient d'avoir recours à un
autre mode de règlement pacifique. »33.

Les juridictions internationales ne sanctionnent


l’obligation de négocier que si elle a été expressément
souscrite par la partie contre laquelle elle est invoquée.
L’obligation de recourir à la négociation préalablement à
un autre moyen pacifique pour régler un différend
particulier ne saurait résulter que d’un engagement
contracté de plein gré par les Etats concernés au moyen

33
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria
(Cameroun c. Nigéria), Exceptions préliminaires, Arrêt du 11 juin
1998: C.I.J. 1998, p. 275.
57
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

d’une disposition conventionnelle ou de toute autre forme


juridiquement valable ou pertinente d’expression du
consentement des Etats.

La liberté d’action des Etats entraînant souvent des


divergences d’interprétation, différentes espèces ont
permis aux juges internationaux de préciser le contenu de
l'obligation conventionnelle de négocier.
- Les parties sont tenues à une obligation de
comportement fondée sur la bonne foi34.

34
Trafic ferroviaire entre la Lithuanie et la Pologne (Section de
ligne Landwarów-Kaisiadorys), Avis consultatif du 15 octobre
1931, C.P.J.I. série A/B n°42 - série C n°54 : « En réalité, il est
permis de considérer que l'engagement des deux Gouvernements,
conformément à la résolution du Conseil, n'est pas seulement
d'entamer des négociations, mais encore de les poursuivre autant que
possible, en vue d'arriver à des accords. » ;
Affaire du Lac Lanoux (Espagne, France), sentence du 16
novembre 1957, R.S.A. Vol. XII : « Les engagements ainsi pris par
les Etats prennent des formes très diverses et ont une portée qui varie
selon la manière dont ils sont définis et selon les procédures
destinées à leur mise en œuvre; mais la réalité des obligations ainsi
souscrites ne saurait être contestée et peut être sanctionnée, par
exemple, en cas de rupture injustifiée des entretiens, de délais
anormaux, de mépris des procédures prévues, de refus systématiques
de prendre en considération les propositions ou les intérêts adverses,
plus généralement en cas d'infraction aux règles de la bonne foi. » ;
Plateau continental de la mer du Nord, Arrêt du 20 février 1969:
C.I.J. Recueil 1969, p. 3 : « Les parties sont tenues d'engager une
négociation en vue de réaliser un accord et non pas simplement de
procéder à une négociation formelle comme une sorte de condition
préalable à l'application automatique d'une certaine méthode de
délimitation faute d'accord ; les parties ont l'obligation de se
58
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

-Toutefois, les parties ne sont pas tenues à une


obligation de résultat35.
B. Les modalités de négociation

Les négociations diplomatiques sont bilatérales. Elles


peuvent être multilatérales, se développant dans le cadre
de l’OI. Elles peuvent être ad hoc ou institutionnalisée
lorsqu’elles portent par exemple, sur un différend récurrent.
Lorsque les parties ne parviennent pas à résoudre leur
différend par voie de négociation directe, l'intervention d'un
tiers (Etat, organisation internationale ou personnalité) leur

comporter de telle manière que la négociation ait un sens, ce qui n'est


pas le cas lorsque l'une d'elles insiste sur sa propre position sans
envisager aucune modification ».
35
Trafic ferroviaire entre la Lithuanie et la Pologne (Section de
ligne Landwarów-Kaisiadorys), avis consultatif du 15 octobre
1931, C.P.J.I. série A/B n°42 - série C n°54 : « L’engagement de
négocier n'implique pas celui de s'entendre » ;
Affaire des concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt du 30
août 1924, C.P.J.I. série A n°2 - série C n° 5-I pp. 6-37 :
« L'appréciation de l'importance et des chances de réussite d'une
négociation diplomatique est essentiellement relative. Une
négociation ne suppose pas toujours et nécessairement une série plus
ou moins longue de notes et de dépêches ; ce peut être assez qu'une
conversation ait été entamée ; cette conversation a pu être très courte
: tel est le cas si elle a rencontré un point mort, si elle s'est heurtée
finalement à un non possumus ou à un non volumus péremptoire de
l'une des Parties et qu'ainsi il est apparu avec évidence que le
différend n'est pas susceptible d'être réglé par une négociation
diplomatique. Tel peut être encore le cas, dans certaines
circonstances, si les conversations entre gouvernements ne sont que
la suite de négociations antérieures entre un particulier et un
gouvernement. ».
59
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

permet parfois de sortir de l'impasse et de faire émerger une


solution acceptable.

Paragraphe 2. L’intervention des tiers

Une telle intervention est susceptible de revêtir différentes


formes. Le tiers peut inciter les protagonistes à reprendre la
négociation ou se borner à leur offrir une plate-forme de
communication supplémentaire. On dit alors que le tiers
propose ses bons offices. D'un autre côté, le tiers peut
enquêter sur les faits pertinents du différend, puis proposer
formellement une solution. Comme on le verra plus loin, cette
forme d'intervention reçoit la qualification de conciliation.
C'est entre ces deux formes d'intervention du tiers (bons
offices et conciliation) que se situe la médiation.

A. Les bons offices

Les bons offices ont pour objet de favoriser la reprise des


négociations, de mettre en contact les parties opposées,
parfois même de rendre possible la négociation. Mais pas
de proposition de solution.

B. La médiation

Elle Proposera en outre aux parties une base d'accord


possible, des solutions sur lesquelles celles-ci auront à se
prononcer. Le médiateur pourra suivre et même guider la
négociation jusqu'à son aboutissement.

60
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

IL n'y a qu'une différence de degré entre les bons offices


et la médiation. Ce qui expliquera le flottement de la
terminologie dans la pratique. Sur le fond, ces procédures
sont facultatives quant à leur choix et leur résultat. Elles
respectent en cela intégralement la souveraineté des
Etats. Sur la forme, les bons offices ou la médiation se
déroulent sous la forme d'une négociation diplomatique
tripartite, en général secrète. Il arrive que l'existence
d'une médiation ne soit révélée qu'après sa conclusion.
En cas de succès de la procédure un accord sera
généralement signé.

C. L’enquête internationale

L'enquête a pour but de faciliter le règlement d'une crise


internationale par une connaissance impartiale des faits,
établie (élucidée) par un organisme offrant toutes
garanties d'impartialité. Elle va permettre de mettre en
lumière les causes et les conséquences d'un incident ainsi
que les responsabilités qui s'en dégagent...Même si les
parties sont libres de décider de la suite à donner aux
constatations de la commission.

Le procédé a été créé par la convention de La Haye du 29


juillet 1899 puis perfectionné par la convention de la
Haye du 18 octobre 1907 à la suite de deux différends

61
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

internationaux majeurs : l'Affaire du Maine36et l'Affaire


du Dogger Bank37.

36
Le 15 février 1898, le Maine, un navire de guerre américain en
escale dans le port de La Havane, est détruit par une explosion qui
cause également la mort de 259 membres de l'équipage. Aux Etats-
Unis l'opinion publique et le gouvernement imputent la
responsabilité de l'explosion à l'Espagne. Celle-ci crée une
commission d'enquête qui la met hors de cause en soulignant
l'origine interne de l'explosion. Mais une contre-commission
d'enquête mise sur pied par les Etats-Unis confirme les soupçons
américains : l'explosion serait due à une mine sous-marine. La guerre
américano-espagnole qui s'ensuit incite les délégations présentes à la
conférence de La Haye de 1899 à prévoir, sur la base d'une
proposition russe, le remplacement des commissions nationales
(présumées partiales) par une commission internationale d'enquête
(voulue impartiale).
37
c'est la première application du procédé de l'enquête internationale.
Les faits sont en rapport avec la guerre russo-japonaise de 1904-
1905. Le 9 octobre 1904, une escadre russe quitte la mer baltique et
fait route vers l'extrême orient. A proximité du Dogger Bank, elle
ouvre le feu sur des pécheurs britanniques de Hull, les prenant pour
une partie de la flotte japonaise dont une rumeur insistante signale la
présence en Mer du nord. L'incident provoque la mort de deux
marins britanniques et de sérieux dégâts matériels. Grâce à la
médiation de la France désireuse d'éviter une guerre anglo-russe aux
conséquences nécessairement imprévisibles, les deux parties
conviennent de constituer une commission internationale d'enquête.
Composée de cinq amiraux (Anglais, Russe, Américain, Français et
Austro-Hongrois), la commission publie le 25 février 1905 un
rapport dans lequel elle
- relate les faits
- souligne la bonne foi, la méprise ainsi que … la
compétence de l’amiral russe
62
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Sauf disposition conventionnelle spéciale, l'enquête


suppose l'accord des Etats en conflit. Elle pourra avoir
été prévue par des conventions bilatérales ou
multilatérales.

La commission d'enquête (sauf si un traité a prévu une


commission permanente) est librement constituée par les
parties. Elle est en principe composée de nationaux des
Etats en litige et de tiers (qui ne représentent pas leur
gouvernement) choisis en fonction de leurs compétences
propres pour les départager.

La commission d'enquête établira un rapport, adopté à la


majorité de ses membres, qui sera limité à la constatation
des faits.

D. La conciliation internationale

Dans son Règlement de la procédure de conciliation


internationale adopté le 16 septembre 1961, l’Institut de droit
international a donné de ce mode de résolution des différends
internationaux une définition qui fait autorité : « On entend
par "conciliation", au sens des présentes dispositions, un
mode de règlement des différends internationaux de toute
nature dans lequel une Commission constituée par les
Parties, soit à titre permanent, soit à 1'occasion et à

- et recommande que la Russie verse à l’Angleterre une


indemnité de 65 000 livres sterling.
63
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

raison d'un différend, procède à un examen impartial du


différend et s'efforce de définir les termes d'un
arrangement susceptible d'être accepté par elles, ou de
prêter aux Parties en vue de son règlement tel concours
qui lui aurait été demandé ».

La conciliation semble s'apparenter d'assez près, au


premier abord, aux bons offices et à la médiation
puisqu'il s'agit là aussi de rapprocher les points de vue
des parties et de proposer une solution sans aucun
caractère contraignant.

La commission de conciliation aura pour tache d'élucider


les questions en litige, de recueillir à cette fin toutes les
informations utiles, par voie d'enquête ou autrement, et
de s'efforcer de concilier les parties. Elle pourra, après
examen de l'affaire, exposer aux parties les termes de
l'arrangement qui leur paraîtrait convenable et leur
impartir un délai pour se prononcer".

Comme pour tous les procédés qui impliquent


l'intervention des tiers, la base juridique du système de la
conciliation est une convention entre les Etats en litige.
Cette convention peut organiser directement la
conciliation dans une affaire déterminée. Une convention
peut créer l'obligation de recourir à la conciliation en cas
de différend entre Etats parties. Mais obligation, par la
suite, de recourir à un accord spécial pour créer la
commission de conciliation. Une convention peut
organiser la conciliation comme une procédure
64
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

permanente à la disposition des Etats signataires. La


commission est immédiatement constituée et à la
disposition des parties.

L'organe de conciliation, que l'on peut créer soit à


l'avance soit pour une affaire déterminée, est constitué
par plusieurs personnes prises à titre de personnes
privées. Elles sont toujours en nombre impair et il y a
toujours des commissaires de la nationalité des parties.
Par conséquent, les Etats sont surs qu'au sein de la
commission leur point de vue sera présenté sous tous ses
aspects. Enfin les commissaires neutres sont choisis d'un
commun accord pour avoir la confiance des deux Etats en
cause.

L'accord entre les parties définit la mission confiée à la


commission de conciliation. En général sa mission
consiste: à élucider les questions en litige, et à cette fin à
recueillir toutes les informations utiles; à s'efforcer de
concilier les parties; à exposer aux parties les termes d'un
arrangement qui lui paraît convenable et à leur impartir
délai pour le prononcer.

Le rapport qui préconise les termes de l'arrangement n'a


aucun caractère obligatoire sauf, bien entendu, stipulation
conventionnelle expresse contraire.

Section 2. Les procédés au sein des Organisations


internationales

65
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Paragraphe 1. Le système universel de l’ONU

L'ONU qui a pour but le maintien de la paix et de la


sécurité internationale tente d'assumer une triple mission:
prévenir les différends internationaux, régler les
différends qui peuvent surgir, prendre des mesures de
police collectives pour empêcher ou faire cesser le
recours à la force.

Pour ce qui est des mécanismes de règlement de ces


différends, on observera que les organes des Nations
Unies auront un rôle supplétif. C'est ce qui ressort des
articles 33 et 37 de la Charte, lorsqu'ils disposent:
art. 33 § 2 : "Le Conseil de Sécurité, s'il le juge
nécessaire, invite les parties à régler leur différend
par tel moyen".
art. 37 : " Si les parties à un différend de la nature
mentionnée à l'article 33 ne réussissent pas à le
régler par les moyens indiqués audit article, elles
le soumettent au Conseil de Sécurité.
" Si le Conseil de Sécurité estime que la
prolongation du différend semble, en fait,
menacer le maintien de la paix et de la sécurité
internationale, il décide s'il doit agir en
application de l'article 36 ou recommander tels
termes de règlement qu'il juge appropriés".

A. Les mécanismes de la Charte

66
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Dans les mécanismes qu'elle met en place, la Charte


maintien, au point de vue organique la double
intervention obligatoire de l'organe plénier et de l'organe
restreint que sont l'Assemblée Générale et la Conseil de
Sécurité.

On observera que la saisine et les pouvoirs de


l'Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité sont
parfois identiques, ce qui peut conduire à des
empiètements réciproques de l'un sur l'autre.

1- La saisine de l'Assemblée Générale et du Conseil de


Sécurité

L'Assemblée et le Conseil peuvent être saisis par un Etat (art.


35, 37§1), se saisir mutuellement (art. 11§3), et le secrétaire
général peut saisir le Conseil (art.99) de différends et
situations susceptibles de menacer le maintien de la paix et de
la sécurité internationale.

La saisine de l'Assemblée Générale ou du Conseil de


Sécurité, est réservés aux " Etats membres", parties ou
tiers au différend. Toutefois, un Etat non membre pourra,
dans des conditions particulières saisir le Conseil de
sécurité. Ainsi que le prévoit l'art. 35§2 :"Un Etat qui
n'est pas membre de l'organisation peut attirer l'attention
du Conseil de Sécurité ou de l'Assemblée générale sur
tout différend auquel il est partie, pourvu qu'il accepte
préalablement, aux fins de ce différend, les obligations
de règlement pacifique prévues dans la présente Charte".

67
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Dans ces différents cas le Conseil de Sécurité ou


l'Assemblée Générale pourront faire des
recommandations.

2. Les pouvoirs respectifs de l'Assemblée Générale et du


Conseil de Sécurité

Si les deux organes participent au mécanisme de


règlement pacifique des différends, le Conseil de Sécurité
bénéficie dans celui-ci d'une certaine prééminence.
Toutefois, ce principe peut connaître une certaine
exception.

● Le principe

Les deux organes ont en effet un pouvoir d'enquête, de


discussion et de recommandation. Mais seul le Conseil a
un pouvoir d'action en cas de menace contre la paix, de
rupture de la paix ou d'acte d'agression (art.39 de la
Charte de l’ONU.

En principe l'Assemblée ne doit pas empiéter sur les


attributions du Conseil de Sécurité lorsque celui-ci est
saisi (art. 12§1).

● La prééminence du Conseil de Sécurité.

Elle est justifiée par l'art.24§1 de la Charte lorsqu'il


dispose: " Afin d'assurer l'action rapide et efficace de
l'organisation, ses Membres confèrent au Conseil de
68
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Sécurité la responsabilité principale du maintien de la


paix et de la sécurité internationales et reconnaissent
qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose cette
responsabilité la Conseil agit en leur nom".

Ainsi que l'observe la majorité de la doctrine bien que ce


texte ait pour objet le maintien de la paix et non le
règlement des différends, on peut considérer, ainsi que le
soulignent notamment Daillier & Pellet que "ces deux
missions sont trop interdépendantes pour ne pas
autoriser une interprétation large de l'article 24".

D'autres dispositions de la Charte précisent les moyens et


modalités de cette primauté, garantie notamment par
l'absence de subordination hiérarchique du Conseil à
l'Assemblée générale et par l'application en la matière des
limitations à la compétence de l'Assemblée en vertu des
articles 11§2, 12 et 35§3.

● Modalités d'intervention du Conseil de Sécurité.

Le Conseil de Sécurité peut faire appel à l'ensemble des


moyens non juridictionnels de règlement pacifique des
conflits que propose le DIP et que nous avons évoqués
au chapitre précédent. Ainsi le Conseil de sécurité
pourra-t-il: faire procéder sous son autorité à une
enquête, exercer les fonctions de médiateur ou de
conciliateur, inviter les parties à recourir à un mode de
règlement déterminé. En application des art.33§2 et
36§1.
69
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

En principe il procède par voie de recommandations,


mais il semble désormais acquis qu'il est en droit
d'imposer aux parties le recours à un mode de règlement
par une décision. Dans l'avis consultatif du 21 juin 1971
dans "L'Affaire de la Namibie", la CIJ a considéré que le
libellé de l'article 25 de la Charte ("Le membres de
l'organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les
décisions du Conseil de Sécurité conformément à la
présente Charte"), n'interdisait pas de reconnaître valeur
décisoire à des résolutions du Conseil de Sécurité qui ne
s'inscrivaient pas dans le cadre du chapitre VI.

● Modalités d'intervention de l'Assemblée Générale

Comme organe plénier, l'Assemblée apparaît d'avantage


comme un forum, une tribune politique, qu'une instance
de règlement. La Charte lui attribue une compétence tout
a fait générale (art. 10 de la Charte de l’ONU)

-Pour ce qui est du règlement des différends:

L'Assemblée peut discuter et faire des recommandations


sur toutes "questions" intéressant le maintien de la paix
(art.11§2). Sa compétence est confirmée par l'art. 35. Elle
peut attirer l'attention du Conseil de Sécurité sur les
situations dangereuses pour la paix (art.11§3). Elle peut
aussi - et surtout - recommander les "mesures propres à
assurer l'ajustement pacifique de toute situation"
(art.14). On rappellera enfin le rôle particulier - et discuté

70
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

- que lui a attribué la résolution Acheson38 en cas de


blocage du Conseil de Sécurité.

38
L’empêchement du Conseil de sécurité de l’ONU et la « solution
diplomatique » russe pérennisant le conflit soulignent le décalage
entre les règles du droit international héritées de la Seconde guerre
mondiale et l’évolution contemporaine des conflits.
Il existe pourtant un précédent intéressant avec la résolution 377, dite
« Union pour la paix », selon laquelle l’Assemblée générale peut
s’autosaisir d’une telle question devant le blocage du Conseil de
sécurité. Cette résolution est intervenue lors de la crise de Corée, en
1950, puis employée à une dizaine de reprises, notamment pour la
crise de Suez, la guerre des Six jours, l’invasion de l’Afghanistan ou
l’occupation de la Namibie. Elle avait alors révélé la volonté de
l’Assemblée générale de réaliser ce but premier des Nations Unies :
« écarter les menaces à la paix et […] réprimer tout acte d’agression
ou autres ruptures de la paix ».
La résolution 377 apparaît donc comme un outil juridique pertinent
pour le conflit syrien. Il n’en reste que l’Assemblée générale ne peut,
même avec cette résolution, qu’apporter des « recommandations
appropriées sur les mesures collectives à prendre », c’est-à-dire
qu’elle ne peut dicter de résolutions décidant d’actions, comme
celles du Conseil de sécurité.
En pratique, il faudrait donc déposer au Conseil de sécurité de
l’ONU un projet de résolution appelant à une intervention militaire
suivie d’une force de maintien de la paix. Devant le véto fort
probablement opposé par la Russie et la Chine, l’Assemblée générale
devrait alors acter le blocage du Conseil. Elle serait alors en droit de
convoquer une session extraordinaire et de reprendre en substance la
résolution 377, précisant soit que le conflit syrien a engendré une
rupture de la paix entre États, soit, préférablement, que la résolution
s’applique désormais dans le cas plus large de menaces contre la
paix.
Il ne s’agirait certes toujours que d’une simple recommandation,
mais celle-ci n’en apporterait toutefois pas moins une certaine
71
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

-Afin de remédier aux inconvénients d'un parallélisme


absolu entre le Conseil de sécurité et l'Assemblée
générale, la Charte prévoit deux limitations : selon
l'article 12, l’Assemblée Générale n'a pas le droit de faire
des recommandations sur le "Affaires" (= différends ou
situations, y compris au titre de l'art. 14) qu'examine le
Conseil de Sécurité. Elle peut toutefois en discuter.
Chaque fois que l'examen d'une affaire appelle une action
coercitive régie par le chapitre VII, l'Assemblée Générale
doit la renvoyer au Conseil de Sécurité.

B. La pratique des Nations Unies

Elle se caractérise par la multiplication des organes


subsidiaires et le rôle actif du Secrétaire Général.

1- La multiplication des organes subsidiaires

Les articles 22 et 29 de la Charte ont donné à l'Assemblée


Générale et au Conseil, le droit de créer des organes
subsidiaires nécessaires à l'exercice de leurs fonctions, et

caution légale et politique à toute action internationale en Syrie,


punitive ou d’interposition. Le précédent juridique pourrait ensuite
être le déclencheur d’une nécessaire réforme du droit international
applicable aux conflits
En termes géopolitiques, la communauté internationale serait enfin
placée, dans son ensemble, face à sa responsabilité collective de
mettre un terme au conflit et préviendrait, par la même occasion,
l’émergence d’une telle situation, inouïe, de déstabilisation et de
violence. La fenêtre est étroite mais elle existe.

72
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

c'est par ce procédé que l'on a pratiquement cherché à


agir.

Ces organes ont reçu souvent la même dénomination que


les organes créés directement dans les rapports entre
Etats: Commission d'enquête, de conciliation, de
surveillance d'un cessez-le feu, d'assistance militaire
etc...Mais il convient de relever que ces organes
subsidiaires, dans leur existence, dépendent non de la
volonté des Etats en différend, mais de l'organe des
Nations Unies qui les a constitués.

Ils fonctionnent sous la direction de ceux-ci, lui font


rapport et, par conséquent, leur compétence est
profondément différente des organes créés dans les
rapports entre les Etats membres agissant isolément

2- Le rôle du Secrétaire général dans le règlement des


différends

La charte a donné au Secrétaire général (art.99) le droit


d'attirer l'attention du Conseil de Sécurité sur toute affaire
qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de
la paix et de la sécurité internationale.

Le Secrétaire général est appelé à se tenir au courant de


l'ensemble des difficultés internationales et est compétent
à cet égard pour prendre des initiatives.

73
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Il faut ajouter que, d'après l'article 98, il est présent à


toutes les réunions de l'Assemblée et du Conseil de
sécurité. Et, suivant les règlements intérieurs, il a le droit
d'y présenter des exposés écrits et oraux.

En outre, le règlement du Conseil de sécurité prévoit qu'il


peut être nommé rapporteur pour une question
déterminée. Ainsi le Secrétaire général est, en matière de
règlement des différends, étroitement associé à l'activité
du Conseil et de l'Assemblée.

● Types d'actions

1°- Rôle dans les négociations entre les parties en litige


en vue de réaliser un accord susceptible d'aboutir à une
résolution du Conseil de sécurité.

2°- Missions confiées au Secrétaire Général par


l'Assemblée Générale ou le Conseil de Sécurité :
négociations, bons offices, enquêtes etc., en application
de l'art. 98 de la Charte.

3°- Mise en application d'un accord intervenu entre Etats.

4°-Même sans habilitation ni texte, le Secrétaire Général


est dans une position stratégique au sein même de l'ONU
qui l'autorise, de manière discrète sinon confidentielle, à
jouer un rôle important dans le règlement de certains
différends.

74
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Paragraphe 2. Les systèmes régionaux de règlement des


conflits internationaux

Nous ne ferons ici que les citer en les évoquant très


rapidement.

A. Le Pacte de la Ligue Arabe (22 mars 1945).

L'art. 5 du pacte de la Ligue arabe dispose:" Il est interdit


de recourir à la force pour le règlement des conflits
pouvant surgir entre les Membres de la Ligue. S'il s'élève
entre eux un différend ne touchant pas à l'indépendance,
à la souveraineté ou à l'intégrité territoriale et que les
parties litigeantes recourent au Conseil pour le
règlement de ce différend, la décision du Conseil sera
obligatoire et exécutoire.

" En pareil cas, les Etats entre lesquels le différend a


surgi ne participeront pas aux délibérations et aux
décisions du Conseil.

" Le Conseil prêtera ses bons offices dans tout différend


susceptible d'entraîner la guerre entre deus Etats
membres ou un Etat membre et un Etat tiers.

"Les décisions d'arbitrage et de conciliation seront prises


à la majorité des voix".

75
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Ces mécanismes n'ont pratiquement jamais fonctionné.


Tout au plus l'organisation aura-t-elle servi de cadre de
réunion.

On notera l'envoi d'une force arabe de sécurité au Liban


(FAD = Force Arabe de Dissuasion) en 1976 pour veiller
à un cessez-le feu dans la guerre civile. Non renouvelée
en 1982 l'opération fut considérée comme un échec.
D'aucuns n'y ayant vu qu'une sorte de cautionnement à
l'emprise syrienne sur le Liban.

Ainsi que l'observait en 1995 un conseiller du Secrétaire


Général de la Ligue Arabe; à partir de la guerre du Golfe
(1990), la ligue a subi les plus graves conséquences en
tant qu'institution et on ne peut pas dire qu'elle s'en soit
remise. La ligue Arabe, dont les membres se sont
retrouvés ennemis sur le champ de bataille, reste
aujourd'hui l'otage des innombrables rancœurs et
méfiances qui traversent le monde arabe.

B. Le Continent Africain

● L'organisation de l'unité africaine (OUA, 26 mai 1963)

La commission de médiation, de conciliation et


d'arbitrage, mise en place par le protocole du Caire du 21
juillet 1964, n'a jamais fonctionné. Mais plusieurs
différends ont pu être réglés sous les auspices de
l'organisation:

76
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Règlements obtenus par l'intervention des chefs d'Etats


tiers, agissant dans le cadre d'organismes ad hoc.

Règlements de caractère politique, c'est-à-dire pour des


raisons d'opportunité et suivant une procédure ad hoc.

● Communauté Economique des Etats de l'Afrique de


l'Ouest (CEDEAO, 18 mai 1975)

Le groupe de contrôle de la CEDEAO l'ECOMOG a mis


en œuvre dans les années 1990 des missions de maintien
de la paix au sein de deux pays membre: le Libéria et la
Sierra Leone.

Envoi en octobre 1990 d'une force ouest-africaine


d'interposition, les "casques blancs" au Libéria en proie à
la guerre civile.

Les mécanismes européens de règlement des différends

Quatre systèmes principaux permettent dans l'ensemble


régional européen de résoudre les différends qui peuvent
surgir entre les Etats.

● Le système du Pacte de Bruxelles, du 17 mars 1948.

Le Pacte de Bruxelles du 17 mars 1948, créant l'Union de


l'Europe Occidentale (UEO), met en place un mécanisme
de règlement des différends qui apparaît essentiellement
à L'art. 10 du traité. Celui-ci dispose:
77
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

" Fidèles à leur détermination de ne régler leurs


différends que par des voies pacifiques, les hautes parties
contractantes conviennent d'appliquer entre elles les
dispositions suivantes:

" Les hautes parties contractantes régleront, pendant la


durée de l'application du présent Traité, tous les
différends visés par l'article 36, alinéa 2, du Statut de la
Cour internationale de justice, en portant devant la
Cour, sous les seules réserves que chacune d'entre elles a
faites en acceptant la clause de juridiction obligatoire, et
pour autant qu'elle les maintiendrait.

"Les hautes parties contractantes soumettront d'autre


part à une procédure de conciliation tous différends
autres que ceux visés à l'article 36, alinéa 2, du Statut de
la Cour Internationale de Justice.

" En cas de différend complexe dont certains éléments


relèvent de la conciliation et d'autres du règlement
judiciaire, chaque partie au différend aura le droit de
demander que le règlement par voie judiciaire des
éléments juridiques du différend précède la procédure de
conciliation.

" Les stipulations qui précèdent ne portent pas atteinte


aux dispositions ou accords applicables instituant toute
autre procédure de règlement pacifique."

● Système de la Communauté Européenne


78
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

La Cour de Justice des Communautés Européennes


exerce une fonction juridictionnelle de caractère
international car elle peut être saisie de litiges opposant
les Etats membres . Exemple: Art.227, 237, 239 du traité
Communauté européenne.

● Système du Conseil de l'Europe

Sur le modèle de l'Acte général d'arbitrage de la SDN (26


septembre 1928) a été conclue une convention sur le
règlement pacifique des différends adoptée à Strasbourg
le 29 avril 1957.

Selon cette convention les litiges juridiques doivent être


portés devant la CIJ. Les autres litiges relèvent de la
conciliation ou, à défaut, de l'arbitrage.

Il existe par ailleurs, des modes de règlements


particuliers. On évoquera par exemple ceux prévus par la
Convention européenne des droits de l'homme du 4
novembre 1950 (art.44 et ss.) et le Protocole additionnel
à la Convention européenne sur l'immunité des Etats du
16 mai 1972.

● Système de la CSCE

Dans le cadre de l'institutionnalisation de la Conférence


sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE), telle
qu'elle découle de la Charte de Paris pour une Nouvelle
Europe du 21 novembre 1990 a été créé à Vienne un
79
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

centre de prévention des conflits, et a été adopté le 15


décembre 1992 à Stockholm une Convention relative à la
conciliation et l'arbitrage au sein de la CSCE.

La CSCE se transforma en OSCE, Organisation pour


la Sécurité et la Coopération en Europe, le 1er janvier
1995. Elle rassemble 54 Etats.

La convention de 1992 établit une Cour de


Conciliation et d'arbitrage qui est constituée par
l'ensemble des conciliateurs et arbitres auxquels peuvent
avoir recours les parties (deux par Etat, désignés pour 6
ans, renouvelables, art.3 et 4).

Chapitre 2. Les procédés juridictionnels


Sur la notion de juridiction, les auteurs se rallient
généralement à l’un ou l’autre des points de vue suivants
:

- Le point de vue formel :


Une juridiction se singularise par sa soumission à un
certain nombre de règles de forme et de procédure.
Celles-ci ont pour objet et pour effet d’assurer le respect
du contradictoire et donc de l’égalité des parties (Justice
must not only be done, it must be seen to be done).

- Le point de vue matériel :

80
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Une juridiction se caractérise par sa vocation à trancher


des litiges avec force de vérité légale (Res judicata pro
veritate habetur). il n‘y a aucune différence d’ordre
matériel entre le règlement arbitral et le règlement
judiciaire. De ce point de vue, ils présentent plutôt des
similitudes :
- Les deux procédés sont des modes de règlement
juridictionnel des différends internationaux, règlement
effectué “sur la base du respect du droit ” (article 37
précité) ou “conformément au droit international ”
(article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice,
ajouté en 1975).
- Le fondement juridique du règlement arbitral,
comme celui du règlement judiciaire, réside dans la
volonté des États en conflit. Il n'est de règlement arbitral
ou judiciaire que consenti par les États en litige. (Base
conventionnelle ou unilatérale)
En revanche, ces deux modes juridictionnels se
distinguent du point de vue formel ou organique. Il
convient de les étudier l’un après l’autre.

Section 1. Le règlement arbitral

Le recours à l'arbitrage suppose que deux Etats ou


deux sujets du droit international en conflit donnent à un
organe tiers, désigné d'un commun accord, compétence
pour trancher le différend qui les oppose par une sentence
qu'ils s'engagent à respecter.

81
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

La pratique de l'arbitrage suppose donc un accord


et la volonté de se conformer à ce qui sera décidé par
l'élément tiers qui a la confiance commune des parties.
L'arbitre a généralement mission de statuer en
appliquant des règles définies par les parties et
notamment en mettant en œuvre les règles du droit
international.

Paragraphe 1. Le fondement du règlement arbitral

Le consentement des Etats peut être donné par un accord


spécial postérieur à la naissance du litige que l'on
appellera " compromis d'arbitrage". Il peut être donné,
avant même la naissance du litige, soit par une "clause
compromissoire" soit par un "traité d'arbitrage
obligatoire". Dans ce cas les parties s'engageront, en cas
de litige à venir, à élaborer un compromis d'arbitrage.
Certain parleront alors d'"arbitrage obligatoire".

A. Le compromis

L'organisation de l'arbitrage comporte l'accord entre les


Etats pour prévoir l'arbitrage. La validité du
consentement et, par voie de conséquence, de l'obligation
d'arbitrage elle même, dépend de la validité et de
l'opposabilité du compromis.

Le compromis d'arbitrage est un traité par lequel sont


déterminés le litige qui est soumis aux arbitres,
l'organisation même de l'organe arbitral, les règles de
82
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

procédures qui doivent être suivie par l'organe arbitral,


les règles de fond conformément auxquelles les arbitres
doivent statuer. Il affirme également l'engagement des
parties de se conformer à la sentence arbitrale.

Le compromis lie les parties mais il oblige aussi les


arbitres qui n'ont de compétence que dans le cadre du
compromis et qui doivent le respecter. Le juge ne peut
statuer "ultra petita" ( latin =au delà de ce qui a été
demandé). Il ne peut se prononcer sur les choses non
demandées ou accorder à une partie plus qu'elle a
demandé. Le compromis est donc la "loi de l'arbitrage"
(cf. convention de Washington de 1871 dans l'affaire de
l'Alabama).

B. Le consentement préalable à l'arbitrage


("arbitrage obligatoire"):

Il va intervenir de manière préalable à la naissance de


tout litige et prendra des formes différentes.

a- Les clauses d'arbitrage obligatoire.

Ce type de clauses compromissoires appartient en général


au groupe des "clauses finales " des traités. C'est une
pratique qui est apparue à la fin du XIX ème siècle et qui
témoigne de la volonté des Etats de voir régler par une
procédure juridique certains différends. On distinguera
les "clauses compromissoires spéciales" et les "clauses
compromissoires générales".
83
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

- Les clauses compromissoires spéciales: sont celles


insérées spécialement dans un traité et prennent en
considération les différends qui peuvent surgir à
l'occasion de la mise en oeuvre du traité qui la contient.

-Les clauses compromissoires générales: visent tous


différends juridiques qui peuvent surgir entre les Etats
signataires. Non seulement les différends relatifs au traité
lui-même, mais tous les différends en général du fait du
traité qui la contient.

b- Les traités d'arbitrage obligatoire

Dans ce cas les Etats ont eu pour but de conclure un traité


spécialement pour le règlement des différends pouvant
surgir entre eux. L'arbitrage est alors l'objet même du
traité. Il n'y a pas d'autres clauses dans le traité que des
dispositions sur le règlement des différends.

A la différence de la clause compromissoire le traité


d'arbitrage a un caractère permanent et obligatoire, même
si en pratique un compromis d'arbitrage est souvent
nécessaire pour permettre sa mise en œuvre dans le cas
d'un litige spécifique. Ces traités peuvent être bilatéraux
ou multilatéraux.

Quelle qu'en soit la forme, le recours à l'arbitrage est


prévu dans un traité qui, comme tel, en cas de différend

84
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

relatif à son interprétation ou son application peut être


soumis au juge international.

Paragraphe 2. L’organisation du règlement arbitral

L'organe arbitral dépend dans son existence de la volonté


des Etats en conflit, qu'il s'agisse de sa structure ou des
personnes qui le composent. Cela expliquera la diversité
des systèmes utilisés. On notera toutefois que, dans tous
les cas, l'organe arbitral sera indépendant des parties en
litige.

L'arbitre unique (autrefois souverain mais aussi


personnalité particulière) tend à être remplacé par un
organe arbitral complexe qui pourra être une commission
arbitrale (paritaire ou avec sur-arbitre) ou un tribunal
d'arbitrage.

Paragraphe 3. Le fonctionnement du règlement arbitral

A. Les pouvoirs de l’organe arbitral

Le rôle des arbitres est de trancher le litige conformément


aux règles posées dans le compromis. Tout différend est
"arbitrable" si telle est la volonté des parties (conflits
politiques, conflits juridiques), même si la plupart des
engagements limitent l'arbitrage aux conflits juridiques.

B. Le droit applicable
85
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Le compromis va généralement fixer les règles de droit


que doivent suivre les arbitres. Quelquefois le compromis
contient lui même l'énoncé des règles applicables. Le
plus souvent le compromis se réfère "aux règles du droit
international", sans préciser leur teneur.

Le compromis peut comporter une clause en vertu de


laquelle l'arbitre statuera en droit et en équité. Cette
clause donne à l'arbitre le pouvoir de tempérer
l'application du droit par des considérations d'équité.
Cette disposition tient compte du souci des Etats en
litige, non seulement d'avoir une solution de droit à leur
contestation, mais aussi de voir apaiser leur différend. On
dira que l'arbitre a un rôle d'" Amiable compositeur".
Cela signifie que l'arbitre devra préparer une solution
transactionnelle, c'est à dire une solution qui n'est pas
uniquement fondée sur l'application du droit, mais une
solution convenable eu égard aux intérêts des Etats en
présence. Le pouvoir d'"amiable compositeur" a souvent
été donné à l'arbitre lorsqu'il était chargé d'un litige
touchant les frontières.

L'arbitre peut être chargé de "faire un règlement pour


l'avenir". On parle aussi de "Clause de règlement
d'intérêts". On lui demande alors non pas seulement de
dire le droit, mais d'établir des règles de droit applicables
dans l'avenir. Cette clause doit être expresse.

86
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Il faut signaler enfin la règle coutumière très importante


suivant laquelle l'arbitre est maître de statuer sur sa
propre compétence. L'arbitre interprète le compromis et il
est libre de se prononcer sur le point de savoir s'il est ou
non compétent.

C. La décision ou la sentence arbitrale

La portée juridique de la sentence arbitrale pourra être


examinée à différents points de vue:

À l'égard des parties, la sentence arbitrale a deux


caractéristiques: elle présente une solution définitive et
c'est une solution obligatoire (art. 81 de la Convention de
La Haye de 1907). Elle doit être exécutée de bonne foi
par les parties. La sanction de ce caractère obligatoire des
sentences est la responsabilité internationale des Etats qui
ne se considéreraient pas liés par elles.

A l'égard des tiers, la sentence n’a aucun effet (effet


relatif aux parties), mais a valeur de "précédent" pour la
formation éventuelle d'une coutume.

Si les recours en interprétation, en rectification d'erreur


matérielle ou en révision (= découverte d'un fait
nouveau) ne soulèvent pas de problèmes, Il n'en est pas
de même en cas de vice de la sentence arbitrale (= excès
de pouvoir ou vice grave de procédure). Il n'existe pas en
effet de règles générales en la matière. L'étude de la

87
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

jurisprudence permet toutefois de mettre en évidence un


certain nombre de cas où les recours furent admis.

Section 2. Le règlement judiciaire

Paragraphe 1. L’organisation de la juridiction : la CIJ

A. La création de la CIJ

La Cour internationale de justice des Nations


unies, organe judiciaire principal des Nations unies, est
créée en 1945, selon les dispositions de la Charte des
Nations unies, pour succéder à la Cour permanente de
justice internationale. La Cour fonctionne conformément
à un statut qui lui est propre, annexé à la Charte des
Nations unies. Sa principale tâche consiste à statuer sur
les différends d'ordre juridique entre nations ; La CIJ est
l'un des six organes principaux de l'ONU. Elle est son
seul organe judiciaire. Elle a compétence universelle,
puisque tous les membres des Nations unies sont de ce
fait parties à son statut. Les États n'appartenant pas à
l'ONU peuvent devenir parties au Statut sous certaines
conditions. Le siège de la Cour est situé à La Haye, aux
Pays-Bas.

Tous les États membres de l'Organisation des Nations


unies (ONU) sont parties au statut de la Cour
Internationale de justice, tout comme les trois États non
membres de l'ONU que sont la Suisse, le Liechtenstein et
Saint-Marin. Une nation qui n'est pas partie au statut de
88
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

la Cour peut recourir à cette dernière si elle accepte, à


titre général ou particulier, de se soumettre aux
obligations d'un État membre des Nations unies.

B. La composition de la CIJ

La Cour est composée de 15 juges, chacun élu à la


majorité absolue par le Conseil de sécurité et l'Assemblée
générale, chacun de ces deux organes votant sans
consulter l'autre. Les juges sont élus pour neuf ans et
peuvent être réélus. Il ne peut y avoir deux ressortissants
d'un même pays. Un juge ne peut être révoqué que par
vote à l'unanimité des autres juges, qui ne représentent
pas leur pays mais sont élus d'après leurs connaissances
du droit international. La composition de la Cour est
supposée refléter les principales formes de civilisation et
les grands systèmes juridiques mondiaux. S'il n'y a pas,
lors d'un différend, de juge ayant la même nationalité
qu'une partie en litige, ce pays peut choisir un juge pour
siéger au procès. Neuf juges constituent un quorum et
toute question soulevée devant la Cour est tranchée à la
majorité des juges présents. La Cour élit ses propres
fonctionnaires et nomme ses greffiers ainsi que ses autres
représentants.

a- Les juges titulaires

C'est un organe permanent composé de 15 juges élus


pour 9 ans par un double scrutin de l'Assemblée générale
et du Conseil de sécurité. Pour être élu, un candidat doit
89
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

obtenir la majorité absolue dans ces deux organes. Les


juges sont renouvelés par tiers, pour assurer une
continuité de jurisprudence.

b- Les juges ad hoc

En vertu des paragraphes 2 et 3 de l’article 31 du Statut,


les Etats parties à une affaire devant la Cour qui ne
comptent pas de juge de leur nationalité sur le siège
disposent de la faculté de désigner un juge ad hoc aux
fins de l’affaire qui les concerne dans les conditions
fixées par les articles 35 à 37 du Règlement. Le juge ad
hoc fait, avant d’entrer en fonction, la même déclaration
solennelle qu’un membre de la Cour élu. Il ne doit pas
nécessairement avoir la nationalité de l’Etat qui le
nomme (et souvent ne l’a pas).

Un juge ad hoc participe à toute décision concernant


l’affaire pour laquelle il a été désigné sur un pied de
complète égalité avec ses collègues et reçoit une
indemnité pour chaque jour où il exerce ses fonctions,
c’est-à-dire pour chaque journée qu’il passe à La Haye
afin de participer aux travaux de la Cour, plus chacune
des journées qu’il consacre effectivement à l’étude de
l’affaire en dehors de La Haye.

Les parties doivent annoncer le plus tôt possible leur


intention de désigner un juge ad hoc. Au cas,
relativement fréquent, où plus de deux parties sont en
litige, il est prévu que celles qui font en réalité cause
90
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

commune ne peuvent désigner qu’un seul et même juge


ad hoc - ou n’en peuvent désigner aucun si l’une d’elles a
déjà un juge de sa nationalité en mesure de siéger. On
peut ainsi concevoir plusieurs types de situations, dont
les suivantes se sont réalisées dans la pratique : deux
juges nationaux ; deux juges ad hoc ; un juge national et
un juge ad hoc ; ni juge national ni juge ad hoc.

Il ressort de ce qui précède que la composition de la Cour


varie d’une affaire à l’autre et que le nombre des juges
appelés à connaître d’une affaire donnée n’est pas
forcément de quinze. Il peut être inférieur si des juges
réguliers ne siègent pas ou s’élever jusqu’à seize ou dix-
sept grâce aux juges ad hoc ; il pourrait même dépasser
dix-sept s’il y avait plusieurs parties en litige ne faisant
pas cause commune. La composition de la Cour se
modifie aussi parfois d’une phase à l’autre d’une affaire,
c’est-à-dire qu’elle peut ne pas être la même pour les
mesures conservatoires, les exceptions préliminaires ou
le fond. Cependant, une fois que la Cour est
définitivement constituée pour une phase déterminée
d’une affaire, c’est-à-dire à partir de l’ouverture de la
procédure orale jusqu’au prononcé de la décision y
relative, sa composition ne change plus.

Paragraphe 2. Le fonctionnement

A. La compétence contentieuse

a- La qualité d’agir ou de saisir la Cour


91
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Seuls les États ont qualité pour agir dans le cadre de la


compétence contentieuse. Les États n'ont pas voulu
limiter leur souveraineté en créant une juridiction
obligatoire de règlement des conflits.

b- Le fondement de la compétence de la CIJ

La CIJ n'est compétente que lorsque les parties se


soumettent à sa juridiction. Il y a plusieurs moyens d'y
parvenir :

● Le compromis : les deux parties concluent un


compromis, convenant de soumettre leur différend à la
Cour. Ce mode de saisine se rapproche assez du
compromis d'arbitrage.

● La clause de juridiction : Certains traités ou


conventions comportent des clauses énonçant que les
litiges concernant l'interprétation ou l'application du traité
devront être soumis à la CIJ. La clause de juridiction est
au règlement judiciaire ce qu’est la clause
compromissoire au règlement arbitral.

● La clause facultative de juridiction obligatoire : un État


peut souscrire à une déclaration facultative de juridiction
obligatoire (article 36-2 du Statut de la CIJ). Cette
déclaration peut se faire purement et simplement, sous
condition de réciprocité, ou pour un délai de réciprocité.

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Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Des réserves (excluant certains domaines de litiges) sont


également possibles.

● Le forum prorogatum : Il consiste dans une extension


du champ de compétence de la CIJ du fait du
comportement des parties ou d’une des parties.
L’hypothèse est celle-ci. La Cour est saisie d’un litige
alors qu’elle n’est pas compétente. La partie qui aurait dû
invoquer l’incompétence de la Cour s’en abstient et se
présente devant elle pour plaider. Un tel comportement
est donné comme valant reconnaissance de la
compétence de la Cour.

c- La procédure

Elle comporte deux phases principales : la phase écrite et


la phase orale

d- Les pouvoirs de la Cour

La CIJ a la compétence de sa compétence : si un État


soulève une exception préliminaire à l'examen du litige
par la Cour, il appartient à celle-ci de juger si elle est
compétente ou non.

● Le droit applicable

La mission de la CIJ est « de régler conformément au


droit international les différends qui lui sont soumis »
(art.38 du Statut). Le droit applicable comprend : les
93
Droit des espaces et de la responsabilité internationale

conventions internationales établissant des règles


expressément reconnues par les États en litige ; la
coutume internationale comme preuve d'une pratique
générale, acceptée comme étant le droit ; les principes
généraux de droit reconnus par les nations civilisées ; les
décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus
qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire
de détermination des règles de droit.

Elle peut également statuer ex aequo et bono (en équité),


si elle y est autorisée par les deux parties.

e- La décision au fond

Une fois rendue, la décision est obligatoire pour les


parties (art.59 du Statut, art.94 de la Charte). En cas de
non-exécution par l'une des parties, le Conseil de sécurité
peut être saisi par l'autre partie. C’est dire que les
décisions de la CIJ sont exécutoires.

B. compétence consultative

Au contraire de la compétence contentieuse qui débouche


sur une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, la
compétence consultative donne lieu à un avis non
obligatoire

a- La saisine de la Cour

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Droit des espaces et de la responsabilité internationale

Dans le cadre de la compétence consultative de la Cour,


l'Assemblée et le Conseil de sécurité peuvent lui adresser
des questions. Cette compétence s'étend aux autres
organes et institutions de l'ONU (UNESCO, OIT, etc.),
après accord de l'Assemblée. Les États, eux, sont exclus
de la compétence consultative.

Dans le cadre de cette procédure, la Cour peut décider


souverainement qu'il n'est pas opportun qu'elle se
prononce.

b- La nature de la question

En matière consultative, la Cour a compétence pour se


prononcer sur toute question juridique. Ce qui exclut les
questions politiques. Il faut faire la différence entre une
question juridique mettant en conflit deux Etats et une
question juridique abstraite.

c- La portée de l’avis

Comme leur nom l'indique, les avis ne possèdent pas de


portée obligatoire. Ils sont facultatifs

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