2018 Albalat

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Rapport synthétique

De la Campagne 2018 sur le site médiéval


d’Albalat (Romangordo, Cáceres, Espagne)
Sophie Gilotte (dir.)
avec la collaboration de C. Bottaini, L. Buttard, Y. Cáceres Gutiérrez, A. Canto, C. Ca-
pelli, J. De Juan Ares, P. De Keukelaere, A. Durand, N. Garnier, J.A. Garrido García, W.
Jablonska, A. Lafont,I. C. Mena Méndez, J. Ma Moreno Narganes, X. Moreno Paredes,
D. Pérez Navazo, N. Portet, C. Richarté, J. Ros, N. Schibille, P. Guerra García.
TABLE DES MATIÈRES

I- données administratives, techniques et scientifiques

1. Données administratives.......................................................................................................................................2
2. Données techniques.................................................................................................................................................4
3. Calendrier provisionnel des opérations..............................................................................................................6
4. Fiche synthétique et carte de localisation du site.............................................................................................7

II- Les fouilles 2018 et les études spécialisées


Introduction..................................................................................................................................................................9
1. Le sondage 3.................................................................................................................................. 11
Introduction................................................................................................................................................................11
Ensembles C-11 et C11bis..........................................................................................................................................11
Ensemble C-12bis.......................................................................................................................................................12
2. Le sondage 4.................................................................................................................................. 15
Secteurs A1 et F : les rues ........................................................................................................................................15
Ensemble C-16.............................................................................................................................................................17
Ensemble C-17.............................................................................................................................................................18
Ensemble C-18.............................................................................................................................................................19
Ensemble C-13-13bis..................................................................................................................................................20
3. Le sondage 2 (A. Lafont-Chardin)................................................................................................ 21
Sondage exploratoire en S2-I..................................................................................................................................21
4. Le vaisselier de B8 : étude préliminaire (Y. Cáceres Gutiérrez, J. De Juan Ares).................... 26
5. Analyse pétrologique des pâtes céramiques (C. Capelli, C. Richarté)...................................... 33
6. Analyse chimique des verres (J. de Juan)................................................................................... 38
7. Analyse des alliages de base cuivre (C. Bottaini)....................................................................... 41
8. Analyse biochimique du contenu d’un mortier (N. Garnier).................................................... 42
9. Les restes fauniques de L4.2 : 1ère approche (J. A. Garrido García)........................................... 44
10. Étude carpologique (J. Ros)........................................................................................................ 46
11. Numismatique (W. Jablonska, A. Canto)................................................................................... 50
12. Les marques glyptographiques (L. Buttard)............................................................................. 52
13. Conservation et restauration (X. Paredes Moreno)................................................................. 56
Bibliographie.......................................................................................................................................... 58

Annexe :.......................................................................................................................................................
Autorisation de fouille 2018.........................................................................................................................................

En couverture : photo du four alimentaire découvert dans le sondage 4 en 2018 et inscription propitiatoire
« Baraka mîn Allâh » trouvée dans la maison C-6 en 2016.
SECTION ADMINISTRATIVE

1
1. Données administratives

L’intervention archéologique dont ce rap-


port synthétique rend compte fait suite
à une sollicitude présentée à la Direction
Générale du Patrimoine Culturel du Minis-
tère de l’Éducation et de la Culture qui ré-
glemente l’activité archéologique dans la
communauté autonome d’Estrémadure (art. Fig. 1. Étude du mobilier céramique, mai 2018.
50 de la loi n° 3/2011 du 17 février 2011 qui
modifie partiellement la loi n° 2/1999 du
29 mars 1999). La résolution favorable a été
émise par M. Francisco Pérez Urban, direc-
teur général des Bibliothèques, des Musées
et du Patrimoine Culturel, le 17 juillet 2018
(Expte. INT / 2018/101 : voir annexe).

La campagne de terrain 2018 sur le site d’Al-


Fig. 2. Préparation du terrain.
balat a mobilisé pendant cinq semaines et
demie (22/08-28/09/2018) une équipe com-
posée de plus d’une vingtaine d’étudiants
espagnols et français ainsi que d’habitants
des environs (voir le détail dans la section
« les données techniques », fig. 9). Elle a été
précédée par une mission longue consa-
crée à l’inventaire et l’étude du mobilier
céramique, de fin avril à fin mai 2018 dans
les réserves de fouille de Romangordo (fig. Fig. 3. Défrichage mécanique.

1). Même si le travail des spécialistes de


nationalités française (7), espagnole (10),
italienne (1) et portugaise (1) s’effectue
principalement en dehors des temps de ter-
rain, plusieurs d’entre eux (céramologues,
carpologue, spécialistes de l’équipement
équestre et des mortiers) ont pu passer lors
des fouilles et exposer les problématiques,
méthodes et objectifs de leurs disciplines à Fig. 4. Surveillance du décapage à l’aide d’une
l’occasion de présentations informelles des- tractopelle à godet lisse.
tinées aux étudiants. Générale du Patrimoine Culturel1. Nous ne

Le rapport final (RFO), rédigé en espagnol,


1
Signalons que les demandes d’autorisation de
fouille doivent être déposées chaque année et
sera remis au printemps 2019 à la Direction sont conditionnées au dépôt préalable du RFO de
2 la campagne passée.
présentons ici qu’une synthèse des résultats.
La plupart des dessins (minutes de terrain,
relevé planimétrique détaillé et coté, etc.),
des tableaux, photos ou encore des études
du mobilier ont donc été omis, soit faute de
place, soit parce qu’ils se trouvent en cours
d’élaboration. En ce sens, on ne peut pré-
tendre refléter dans ce document toute la
complexité de l’analyse stratigraphique et
Fig. 5. Fouille en cours de la salle de service liée des processus taphonomiques enregistrés.
au four alimentaire. Les résultats présentés ici seront à la fois
nuancés et enrichis grâce aux données com-
plémentaires que ne manquera pas d’appor-
ter l’étude du mobilier archéologique, com-
posé principalement de céramique, mais
aussi de métaux, verre, industrie lithique, de
charbons et, enfin, de restes de faune/ ictio-
faune/ malacofaune. En raison du temps re-
quis pour mener à bien ces analyses, il n’est
Fig. 6. Protection des vestiges en fin de chantier. pas rare d’enregistrer un décalage d’une an-
née minimum entre les fouilles et les études
spécialisées.

Les opérations de terrain ont logiquement


débuté par la mise en condition du chan-
tier (fig. 2-4). Préalablement aux fouilles
proprement dites, un nettoyage de surface,
effectué à l’aide d’une machine de type trac-
topelle à godet lisse, a permis de nettoyer
Fig. 7. Mise en place de bâches, recouvertes par
la suite de terre.. les abords immédiats des sondages et de
procéder au décapage des agrandissements
planifiés pour cette campagne. Une fois la
couche superficielle retirée, les fouilles ont
été réalisées manuellement, suivant le pro-
tocole classique d’enregistrement des uni-
tés stratigraphiques (fig. 5). À l’exception
des coupes qui font l’objet de dessins basés
sur une observation directe et visuelle, les
relevés restants sont automatisés grâce aux
Fig. 8. Vue générale de la fermeture du chantier
rendus photogrammétriques.

3
2. Données techniques

Fig. 9. Équipe de la première quinzaine de fouille.

• Financements 2018 - Adriana Martín López (Univ. Grenade)


- MEAE – Anna Lafont (ENS Lyon). RS
- CNRS - CIHAM/UMR 5648 – Marc Agustín Verbo (Univ. A. Barcelone)
- Casa de Velázquez (Madrid) – José Ramón Sánchez Viciana (Granada)
- Commune de Romangordo – José María Moreno Narganes (Univ. Alicante,
- Diputación de Cáceres doct.). RS
- Centrale Nucléaire d’Almaraz - Feliz Bizarro Carmona (Univ. Grenade).
- Association Madinat Albalat (Romangordo) – Guillaume Chung-To (Univ. Paris-Sorbonne)
– Manuel Miguel Algaba Davila (unex)
• Direction – María Estrada García (Mérida)
- Sophie Gilotte (CR, CNRS-CIHAM-UMR 5648 – María Múñoz Espinosa (Univ. Murcia)
& Asociación Madinat Albalat). Responsable. – María Jesús Diaz Marcos (Navalmoral)
Direction scientifique et technique. – Laura Bacazo del Mazo (Madrid)
- Agustin Sánchez García (Univ. Grenade)
• Relevé topographique, photogrammétrie – Pauline De Keukelaere (Univ. Paris-Sor-
- Miguel Á. García Pérez (Grenade). bonne, doct.). RS
– Benjamin Oury (Ciham)
• Sondages archéologiques
– Cristián Monzón Alonso (Baléares) • Restauration
– Antonin Durand (Archeodunum) - Xoan Moreno Paredes (restaurateur). Coor-
- Antonio Navas Nuevo (Valdehuncar) dinateur des travaux de consolidation et
– Paloma Muriel López (Univ. Jaén) restauration.
- Adrían Marcos San Fulgencio (Univ. Grenade) – Alba González Gil (escrbc, Pontevedra)
– Noelia Hernández Díaz (uam) – Alberto Llamas Herrero (escrbc, Pontevedra)
– Desirée Pérez Navazo (uam). RS – Lucía Castejón Torres (escrbc, Madrid)
- Léa buttard (Univ. Lyon 2) - Belen Cames Panero (ESCRBC, Madrid)
4
- Claudia Fernández Montero (escrbc, Madrid) antracología
- Clara Calvo Hernández (escrbc, Ávila) - Laurent Savarèse (site du Ruscino): meules
– Jean-Christophe Tréglia (Ciham): céramique
• Études
– Carlo Bottaini (Univ. Évora, Hercúles): al- • Logistique
liages cuivreux – Association Madinat Albalat (Romangor-
- Léa buttard (Univ. Lyon 2): marques glypto- do) : une partie des véhicules, matériel topo-
graphiques- Yasmina Cáceres Gutiérrez (doc. graphique (Trimble M3), outillage, etc.
UCM): mobilier céramique
– Alberto Canto (MCF, UAM): numismatique • Cuisine
- Claudio Capelli (distav–Univ. de Génova): – Javier Vílchez Vílchez (Guadix)
lames minces, analyses pétrogfraphiques
- Diego Carmona (UEx et ARKEOGRAPHOS),
restitution 3D
- Jorge De Juan Ares (post-doc. IRAMAT,
CNRS): verre, mobilier céramique
- Pauline De Keukelaere (doc. Paris-Sorbonne)
: armement
- Antonin Durand (Archeodunum): dessin
mobilier métallique
- Nicolas Garnier (labo Garnier, S.L.): Ana-
lyses biochimiques par GC-SM. Fig. 10. Tri des refus de tamis.

- José A. Garrido García (EBD-CSIC): faune et


malacofaune.
- Sophie Gilotte (CR, CNRS-CIHAM): petit
mobilier.
- Pablo Guerra García (Univ. Politécnica Ma-
drid): étude des mortiers
– Wioleta Jablonska (uam) : numismatique
- Muriel Llubes (MCF, Univ. Paul Sabatier
Toulouse) : géophysique Fig. 11. Étudiants en restauration en train de
travailler sur le mobilier (métal, os, etc.).
- M A. Martínez Núñez (MCF, Univ. Malaga) :
a

épigraphie
– Cristina I. Mena Méndez (archéologue, Estré-
madure). Dessin et DAO mobilier céramique
- Nicolas Portet (LandArc): mobilier équestre
- Catherine Richarté (INRAP & doct. Ciham):
étude céramiques (pâtes)
- Jérôme Ros (doctor del Museum Nacional
de Historia Natural, París): carpologie.
Fig. 12. Après-midi consacré au nettoyage du
- Mónica Ruiz Alonso (IH, CSIC, Madrid): mobilier céramique.
5
3. Calendrier provisionnel des opérations
L’extension des sondages stratigraphiques • Année 2020 :
existants et l’ouverture de plusieurs autres - Poursuite de la fouille du secteur
est une priorité afin d’accroître le niveau sud, sud-est, accompagnée d’une éventuelle
de connaissance sur les caractéristiques extension à l’ouest de la rue principale. Il
constructives, fonctionnelles et s’agira de poursuivre la fouille du bâtiment
chronologiques des vestiges (fig. 14). C-10 encore très partiellement connu et
Cela devrait, entre autres, permettre qui s’annonce de très grandes dimensions,
de répondre à des questions concrètes posant la question de son identification.
(prolongation des quartiers dédiés à Ouverture d’un nouveau « sondage » au
l’artisanat et à la production, place du sud de la voirie de direction est-ouest qui
bétail au sein de l’habitat, présence d’une se développe dans le tiers septentrional de
garnison, etc.), méthodologiques (comparer l’aire fouillée. Cette nouvelle aire ouverte,
les résultats issus de la géophysique) ou aux dimensions ambitieuses (environ 150
encore d’aborder des problématiques plus m2) cherchera à détecter si le caractère
larges sur la trajectoire de l’établissement artisanal se maintient dans ce secteur.
et son processus de formation au travers des - Possibilité d’ouverture d’un nouveau
indices de réaménagements. sondage dans les aires nouvellement
prospectées par la géophysique en fonction
• Année 2019 : de l’intérêt potentiel des données collectées.
- Trois fronts d’agrandissements
sont envisagés dans les secteurs sud et • Année 2021.
nord de l’aire ouverte. Ils chercheront à cette dernière année du contrat quadriennal
répondre à des interrogations concernant la sera essentiellement consacrée à achever
matérialisation de différences urbanistiques la fouille des zones ouvertes et à l’étude
et sociales. Au sud, il s’agira de poursuivre du mobilier. On n’envisage pas d’ouvrir de
la fouille d’une zone visiblement dédiée à la nouveaux secteurs.
production et au commerce. Du côté nord-
est, il conviendra de compléter le plan de Il est toutefois évident que certains des
l’édifice C-12b où a été mis partiellement au objectifs proposés sont susceptibles d’être
jour une possible pièce de stockage et, plus réajustées à la lumière des résultats obtenus
amplement, de poursuivre l’intervention à l’issue de chaque campagne.
dans la frange nord qui sépare les bâtiments
de la muraille. Un agrandissement du front
nord-est devrait permettre de compléter le
plan de l’édifice C-9 (domestique ?) contigu
à l’une des forges et d’apporter des éléments
de réponse quant à leur hypothétique
connexion. Ces sondages permettront,
en outre, de confronter les données
géophysiques avec la réalité des vestiges.

6
4. Fiche synthétique du site
Situation
Code site YAC80612
Niveau de protection Bien de Interés Cultural (BIC),
catégorie Zona Arqueológica
Année de la protection 2014
Dénomination MTM 125000 Albalat
Municipe Romangordo
Contrée Campo Arañuelo
Province Cáceres
Coordonnées U.T.M. Datum ETRS89 UTM 30
X: 266841; 266800 Y: 4406240; 4406343
Altitude max. 251 m

Cartographie
Carte IGN 1/25000 652-I. Serrejón. ed. 2000
Photo aérienne Vol de 1945, 1956 (et 82, etc.)
Servidor IberPix [www.ign.es/iberpix/visoriberpix/visorign.html]

Environnement
Unité géomorpho Vallée fluviale de pénéplaine métamorphique
Localisation Terrasse fluviale, rive droite du Tage
Usage actuel Site archéologique

Caractéristiques générales
Superficie ~ 2 ha intramuros
Visibilité Limitée à la vallée
Type de site Ḥisn ; madîna
Toponyme(s) antérieur(s) Maẖāḍat al-Balāṭ (Xe-XIIe s.) ; al-Balāṭ (XIIe s.) ; Alvalat (XIIe s.) ; Villa-
viejas (XVIe s.)

Caractéristiques constructives
Conservation Partiellement conservé en élévation (muraille)
Habitat Enfoui, partiellement conservé en élévation
Mots-clés trame urbaine, muraille, gué, hammâm, cimetière, Almoravide, frontière

Caractérisation chronologique et culturelle
Caractérisation culturelle Médiéval. Al-Andalus
Période d’occupation X -XII s ; possible occupation chalcolithique restreinte (Cordero González)
e e

Interventions
Interventions précédentes Prospections années 1990 ( (Lillo, Serrano-Piedecasas 1998) ; Recon-
naissance superficielle, étude de l’enceinte et relevé topographique avec Cancelo Mielgo et al. (2001) ;
prospections 2008 (RFO Gilotte dir., 2009) ; campagnes de fouilles programmées (depuis 2009, RFO an-
nuels) ainsi que de restauration (depuis 2014).
7
LES FOUILLES

8 Fig. 13. Vue aérienne du site d’Albalat, en septembre 2018. Le barrage de Torrejón-Tajo (1966) a radicale-
ment modifié le paysage alentour..
1. Introduction
Le site d’Albalat est une agglomération premiers résultats sur les formes d’habitat
fortifiée d’époque musulmane, installée sur et le processus d’abandon du site, qui
une ancienne terrasse fluviale qui domine la changèrent radicalement la vision qui
rive gauche du Tage (fig. 13). Connue dès le était jusqu’alors véhiculée. La nature des
Xe siècle sous le nom de Maẖāḍat al-Balāṭ, structures (résidentielles mais également
ou « le gué de la voie », elle permettait de artisanales) et la qualité du mobilier
contrôler l’un des principaux passages du recueilli suggèrent que ce point de passage
cours moyen du Tage qui, une fois franchi, fonctionna également comme un véritable
ouvrait les portes de la pénéplaine de carrefour récepteur et distributeur de
Cáceres-Trujillo et, dès lors, aux plaines produits manufacturés.
fertiles du Guadiana. À la veille du XIIe
siècle, Albalat tomba sous les coups des Rappelons que l’approche extensive de
offensives menées dans la région par le l’aire intramuros qui prévaut depuis le
roi Alphonse VI de León et Castille. Même commencement du projet confirme, tout en
si les conditions et la date exactes de sa la détaillant, la nature belliqueuse et militaire
première prise par les troupes chrétiennes des évènements qui précédèrent l’abandon
sont méconnues, tout porte à croire que de cet établissement fortifié  ; elle permet
celle-ci eut lieu avant l’intervention des aussi de nuancer l’impact négatif que put
Almoravides dans la péninsule en 1086. En avoir ce contexte de conflits confessionnels
effet, ce site se trouva pris en étau entre les et territoriaux liés à une situation frontalière
terres septentrionales contrôlées par les sur la vie quotidienne des habitants et sur
chrétiens dès 1079 et celles situées plus à la gestion des terroirs. Car il s’agit bien
l’est, conquises quelques années plus tard, d’aborder, par le prisme du registre matériel,
entre 1084 et 1085. Sa fonction de contrôle l’histoire de ce qui fut un pion modeste, mais
d’un des rares gués permettant de franchir bien réel, de l’échiquier militaire qui se mit
le cours du Tage entre Talavera de la Reina et en place dans la région à partir de la fin du
Alcántara, justifia les efforts déployés par les XIe siècle. La perspective qui a été adoptée
musulmans pour récupérer cette place forte suppose la participation de différents
au début du siècle suivant : elle réintégra le spécialistes (sollicités ponctuellement ou de
domaine d’al-Andalus vers les années 1109- manière continue selon la nature de leurs
1119, avant d’être détruite en 1142 par des sources) ainsi que l’utilisation de méthodes
milices chrétiennes en provenance d’Avila relevant de différentes disciplines, souvent
et de Salamanque. à la croisée entre sciences humaines
La reprise du dossier archéologique, en et environnementales. De nombreux
2009, faisait suite à une courte prospection questionnements dépassent toutefois
pédestre qui avait, entre autres résultats, le cadre de cette micro-histoire pour
permis de localiser un hammâm au pied rejoindre des problématiques plus vastes
de la muraille, dans la zone inondable du qui s’intéressent à la circulation des biens et
barrage de Torrejón. Bien que le projet au traitement des matières premières, par
pluridisciplinaire débutât de manière exemple.
très modeste, il apporta rapidement des Les 235 m2 qui ont pu être fouillés
9
Fig. 14. Aire ouverte avec indication du tracé des voiries (montage d’orthophotos campagne 2018).

intégralement cette année renforcent nos sur plusieurs fronts étaient motivés par des
connaissances sur sa dimension productive questionnements concrets, issus en grande
et commerciale. partie de la campagne antérieure (fig 14).
Les agrandissements menés simultanément
10
SONDAGE 3

Fig. 15. Jarre décorée de cordons digités ondulés, retrouvée écrasée sur le sol de B11 (ensemble C12bis).

Équipe: Desirée Pérez Navazo (R.S), A. Durand vraisemblablement dans un moment de


(R.S), Matias Figueredo Canosa, Ma de los Ángeles crise qui précéderait l’assaut final. Cette
Muñoz Espinosa, Antonio Navas, Cristián Mozón action fait écho à un autre cloisonnement
Alonso, José R. Sánchez Viciana, Adriana Martín
des espaces documenté non loin de là, dans
López, Paloma Muriel López, Ma Jesús Díaz
le même secteur nord. De plus, cet ensemble
Marcos.
n’entretient pas d’autres liens que la simple
mitoyenneté avec un autre, qui s’ouvre sur
Il s’agissait d’intervenir dans l’ample
la voirie bordant la muraille.
frange du sondage 3 qui sépare les édifices
Ce dernier (C-11bis), d’environ 37 m2 utiles,
découverts de la muraille nord pour tenter
comprend uniquement une entrée (L6), une
de compléter le plan de deux d'entre eux,
apparemment plus que de simples demeures.
L’inusuelle puissance de la sédimentation a
obligé à recourir, de manière certes limitée,
à des moyens mécaniques avant l’approche
manuelle.

• Ensembles C-11, C11bis


Les fouilles ont ainsi montré que la cour (L4)
où avait été trouvée une cuve utilisée pour Fig.16. Vue du patio L4 (avec une cuve en éléva-
la tannerie fait partie d’un édifice (fig. 16) à tion dans son angle NE). Son couloir d’entrée (vi-
sible partiellement en bas à droite, à été muré.
vocation artisanale condamné hâtivement,
11
pièce principale (L5) et un compartiment
(L8) [fig. 18-20].
Sa pièce principale, de 5,7 x 2,6m et son
entrée (4,2  m de long et 1,9  m de large
dans sa première section) partagent une
séquence stratigraphique qui comprend de
puissants amoncellements de pierres (US
5628, 5637), mêlés à des paquets de terre.
Ceux-ci recouvraient des niveaux de tuiles
plus ou moins fragmentées, caractéristiques
de l’effondrement de toitures (US 5653,
5647, fig.  18), avec un pendage prononcé Fig.18. Niveau d’effondrement des tuiles de la
pièce principale (L5), avec un fort pendage S-N.
dans la pièce principale. Les couches sous-
jacentes contenaient un riche assemblage
de céramiques (parmi lesquelles se détache
une bouteille à décor champlevé sous une
glaçure plombifère verte) et plusieurs
pointes de flèches/carreaux d’arbalète dans
la première pièce et essentiellement, des
déchets de faune disséminés sur le sol pavé
de l’entrée. Le secteur L8, auquel on accède
Fig. 19. Vestibule d’entrée grossièrement dallé.
après un parcours coudé est également Au 1er plan, à droite, le compartiment L8..
situé en façade de la rue (fig.  19). De plan
légèrement trapézoïdal (2,3 x 1,9/2,3  m),
il diffère des espaces précédents par
l’absence d’indice de couverture (fig. 20).
Son sol de terre battue est percé par deux
fosses (F 5685, 5686). Leurs parois rubéfiées
ainsi que leurs remplissages de cendres et
charbons (US  5680-5683) montrent qu’elles
ont servi de structures de combustion
Fig. 20. Amas de pierres apparus dans les ni-
(fig. 21). Le mobilier y est quasiment absent. veaux supérieurs de L8.
Les petites dimensions et la relative simplicité

Fig. 17. Amas de pierres concentré dans le sec- Fig. 21. Foyer excavé F 5685, à côté duquel se
teur sud-ouest du vestibule d’entrée. trouve une autre fosse-foyer en cours de fouille.
12
du plan de cet ensemble soulèvent la question
de sa fonction puisqu’aucun aménagement
particulier – autre qu’un foyer installé dans
le prolongement à ciel ouvert du vestibule
d’entrée – ne vient offrir de pistes. L’étude
de son mobilier céramique (qui inclut des
formes inédites sur le site) permettra peut-
être de formuler des hypothèses. Les bermes
témoins conservées devront être démontées Fig. 22. Vue zénithale du patio B4.2, au sol dallé
lors d’une campagne future. (SC 5616). Sa fermeture occidentale (à gauche)
est très arasée.

• Ensemble C-12bis
Le second bâtiment sur lequel se sont
focalisées les recherches possède un plan
plus complexe, dont on ne connaissait
jusqu’alors qu’une rampe d’accès et la cuisine
(B8 : cf. la section consacrée à son vaisselier).
La poursuite des fouilles a révélé les limites
occidentale et en partie méridionale de
son patio dallé (fig. 22), qui adopte une Fig. 23. Amas de pierres US 5633.
forme en « L ». Sa superficie totale n’est pas
connue (supérieure à 20 m2), car il s’étend
hors de l’emprise du sondage. Un puissant
apport de terre limoneuse (US 5628-5630)
s’étend sur toute sa surface, scellant des
éboulis de pierres (US 5830, 5633, 5657),
spécialement concentrés aux abords des
murs qui clôturent cet espace (fig.  23). La
strate suivante est composée de tuiles très
fragmentées, provenant également de la Fig. 24. Concentration de mobilier céramique
dans le patio B4.1 (US 5633).
destruction des toitures alentour (US 5636).
Elle repose sur une couche relativement riche
en restes céramiques - dont des jarres - qui
recouvre le sol ; une partie d’entre eux sont
concentrés dans son secteur nord (fig.  24),
à proximité d’une large ouverture. Cette
dernière donne accès à une pièce couverte
(B11, fig. 25), dans laquelle un petit sondage
a été pratiqué en fin de fouille afin d’obtenir
Fig. 25. Pièce B11 en cours de fouille (US 5651,
une vision rapide de sa stratigraphie et, le éboulis de pierres). Les jalons sont posés en
cas échéant, d’en déterminer sa fonction. avant de ses limites sud et ouest.
Plus longue qu’elle ne semblait l’être de
13
prime abord (son mur du fond n’a pas pu
être trouvé), elle se distingue tout d’abord
par le soin qui a été apporté à la construction
de son entrée. Relativement large comparée
aux accès intérieurs documentés dans les
autres édifices (1, 40 m), elle est flanquée de
piédroits massifs qui font saillie. Sa séquence
met en évidence un violent incendie, patent
non seulement au travers de l’effondrement Fig. 26. Exemple d’un conglomérat de céréales
de sa toiture (US 5654), mais surtout dans carbonisées, au contact de céramiques éven-
trées.
les niveaux rubéfiés et carbonisés (US 5666,
5691) qui reposent sur son sol dallé. Ces
couches incendiées renferment un mobilier
riche et varié, qui comprend une meule à
main fragmentée, quatre feuilles de plomb
à moitié enroulées (possibles talismans),
plusieurs jarres complètes associées à des
céréales et des glands carbonisés et, surtout,
un arsenal composé d’une quarantaine de
fers de trait, visiblement entreposé près de
la porte (fig.  15, 26-28). Ces éléments, bien Fig. 27. Jarre écrasée sur place, avec au fond et
autour, des glands carbonisés.
que préliminaires, suggèrent que cet espace
a pu servir d’entrepôt. Il sera prioritaire
d’en achever la fouille.

Fig. 28. Lot d’une 40e de fers de traits apparu dans l’angle oriental de l’entrée de la pièce B11.
14
SONDAGE 4

Fig. 29. Tronçon de rue fouillé (secteur F) sur lequel s’ouvre, du côté sud, un espace dédié au travail de
matières dures animales.

Équipe: Pauline de Keukelaere (R.S), José Ma d’espaces repérés lors de la campagne


Moreno Narganes (R.S), Jesús Adrían Marcos San précédente (secteurs B, F, I) au sein de l’aire
Fulgencio, Noelia Hernández Díaz, Marc Agustín ouverte de 15 x 15 m, ainsi qu’à agrandir ses
Verbo, Guillaume Chung-To, Laura Bacazo del
fronts nord et est pour vérifier certaines
Mazo, María Estrada, Agustín Sánchez García,
des hypothèses avancées (présence d’une
Felix Bizarro Carmona.
rue, etc.). Cette vaste surface, qui couvre
désormais 400 m2, est structurée par une
À l’extrémité sud-est du périmètre ouvert,
voie sud-est/nord-ouest et deux rues
le sondage 4, implanté grosso modo dans le
perpendiculaires. Seules ces deux dernières
prolongement de l’accès principal flanqué
ont pu faire l’objet de sondages limités.
de deux tours, a concentré l’essentiel
des efforts : malgré un arasement très
• Secteurs F et A1 : les rues
prononcé des vestiges en raison de leur cote
Deux rues parallèles (secteur A1 au nord et
superficielle d’apparition, on commence
F au sud), orientées O-S-O/E-N-E et
à y percevoir un urbanisme particulier, lié
partiellement explorées, délimitent un îlot
à des espaces tournés vers la production
en lanière (d’une largeur comprise entre
artisanale et alimentaire, dotés d’une nette
de 6 et 8 m), occupé par des bâtiments
dimension commerciale.
composés de cours donnant accès à une
L’intervention visait à compléter la fouille
pièce intérieure (secteurs B, B1, B2, D,
15
comparables, qui comprennent des couches
compactes de sédiments limoneux (US
6107, 6109, 6131, 6143, 6147) recouvrant
des amas de pierres hétéronométriques
générés par la destruction partielle des
structures avoisinantes (fig.  30-31). Ces
strates s’arrêtent sur des niveaux indurés
et relativement plans (US 6113, 6154). Des
cailloux et des pierres forment par endroit
Fig. 30. Tronçon de la rue A1 (US 6109, 6110).
un pavement très grossier et disjoint, tandis
que des déchets, essentiellement de faune
et de céramique, sont incrustés dans ces
niveaux de circulation (fig. 32-33).
Un sondage pratiqué dans l’une de ces rues
(A1) a permis de documenter une partie de
ses niveaux préparatoires et, surtout, de
découvrir un puisard désaffecté (L 6161,
fig.  34). Son remplissage a été prélevé en
Fig.31. Tronçon du secteur F : effondrements de vue de futures études carpologiques. 35 US
tuiles et amas de pierres provenant des édifices
qui bordent cette voie (US 6131, 6143, 6147). techniques ont été créées, qui permettront
de restituer une colonne stratigraphique
très fine, sur 1,50  m de hauteur, pour
détecter d’éventuels changements dans les
assemblages de carpo-restes.

Fig. 32. Détail de restes de faune incrustés dans le


niveau de circulation, US 6154 (secteur F).

Fig. 33. Niveau de circulation de la rue A1 (US


6113).
D1). De largeurs variables, comprises entre
Fig. 34. (a) Grande dalle servant de couverture à
1,6 et 2,5 m, ces deux voies présentent des un puisard et (b) vue de son ouverture appareil-
séquences stratigraphiques relativement lée (A1).
16
• Ensemble C-16.
De l’autre côté de la voie méridionale
(secteur F) se trouve un espace (secteur I,
fig.  29, 35) de plan rectangulaire d’environ
2,7 x 3,7 m. La stratigraphie montre qu’il était
en partie protégé par une toiture, effondrée
lors d’un incendie. Le pisé de ses élévations
et sa couverture de tuiles (US  6180, 6181)
scellent des couches de terres rubéfiées Fig. 35. Secteur I, Apparition du niveau d’incen-
et riches en charbons (US  6185=6188) sous die US 6185.
lesquelles est apparu un sol de terre battue
(SC  6236) grossièrement dallé dans la zone
est (SC  6242). Un petit foyer rectangulaire,
en briques, est encastré dans le sol du côté
nord (H  6229). Il conserve son support de
cuisson formé par deux tuiles plantées
verticalement et était encore rempli de
cendres et de charbons (US  6188). Une
étroite rigole de pierres (USC 6238) court au Fig. 36. .Vue générale du secteur I, doté d’un
foyer.
pied du mur oriental et s’écoulait côté rue,
en passant sous le seuil matérialisé par deux
grandes dalles pourvues de crapaudines. Ce
système trahit la nécessité de drainer des
liquides, peut-être en relation avec l’activité
pratiquée dans cet espace. Le mobilier issu des
couches d’occupation comprend quelques
céramiques (l’une d’elles s’insère dans un
petit foyer aménagé contre un muret), des Fig. 37. Détail d’un bois avec des traces de débi-
armes (fers de trait), des fragments de meule. tage aux deux extrémités.
Mais il concentre surtout des indices de
travail de bois de cervidés (bois de massacre,
pointes d’andouillers/épois, etc. avec et
sans stigmates d’outils, fig. 37-38). Notons
que les seuls produits finis correspondent
à des noix d’arbalètes. Cette découverte, en
soi exceptionnelle, démontre l’importance
de l’approvisionnement en matières dures Fig. 38. Détail d’un bois de massacre de jeune
animales pour répondre aux besoins cervidé (probablement un chevreuil).
d’armement et apporte un éclairage nouveau
type d’industrie.
sur les enjeux de l’activité cynégétique,
Cette pièce précède un autre espace (secteur
patente dans le registre faunique, et plus
I.2), qui sera fouillé en 2019.
largement sur la chaîne opératoire de ce
17
• Ensemble C-17 : secteurs H et J
Non loin, à proximité d’un carrefour formé
par les voies A et A1, a été trouvé un grand
four alimentaire (H  6163) d’environ 2,20
de diamètre intérieur qui conserve sa sole
pleine en briques réfractaires (fig. 39). Il ne
reste de ses parois effondrées qu’un mince
paquet de terre très rubéfiée (US  6146)  ;
sa couverture a de toute évidence fait Fig. 40. Niveau d’effondrement de la toiture de
l’objet d’un démontage systématique qui la salle de travail située devant le four..
interdit de restituer sa morphologie exacte
(hauteur et forme de sa coupole) ou le mode
d’évacuation des fumées. Il est précédé
en façade d’une pièce de travail (secteur J,
fig. 39, 40) sur laquelle s’ouvre sa porte pour
le chargement. Son socle, construit dans un
appareil de dalles et moellons régularisé, est
surélevé de plus de 0,80 m par rapport au
fond de la salle de service. Fig. 41. Détail des rejets de cendres qui col-
Cette dernière avait été colmatée par des matent le secteur est de la pièce de travail.
rejets de cendres et de charbons (cachant
un bel exemplaire de hache à double
tranchant ou un couvercle complet) avant
que sa toiture ne s’effondre (fig. 41-43). Peu
de structures de cuisson de ce type, avec le
foyer au niveau de la chambre de cuisson,
sont connues en al-Andalus et les parallèles
disponibles renvoient systématiquement
à des milieux urbains où particuliers et Fig. 42. Détail d’un couvercle complet
professionnels pouvaient cuire du pain et
des plats (Madînat al-Zahrâ’, milieu Xe s.
; Malaga, 2nde moitié du XIIe s., Siyâsa, fin

Fig. 43. Hache à double tranchant, sur un frag-


ment de plat (ataifor) miel et manganèse.
XIIe-début XIIIe s.). Les sources textuelles, et
tout spécialement les réceptaires culinaires,
Fig. 39. Vue zénithale du four précédé de sa évoquent souvent l’utilisation du furn.
pièce de travail. On distingue son seuil ouvert
sur la rue, partiellement sondée à cet endroit.
18
• Ensemble C-18.
Immédiatement à l’est du four et de sa pièce
de travail, s’étend un vaste patio documenté
sur environ 3,7 x 7,2 m (26 m2). Apparu une
fois dégagées les couches superficielles et
stériles au moyen d’un décapage mécanique,
la cote inusuellement haute de son niveau
de circulation n’a pas facilité la conservation
de mobilier et explique la disparition des
Fig. 45. Détail du secteur occidental du patio
strates qui manquaient pas de le recouvrir en cours de fouilleet qui présente trois orifices
dont l’un conservait le fond d’une céramique en
à une époque plus ancienne (fig. 44). Le seuil place.
de son entrée, de 0,90 m de large, se trouve
ainsi à un niveau plus élevé que celui de
la chaussée A1 qui le borde au sud (fig.  46,
47). Cette cour est en partie dallée (SC 6132)
et possède un large parterre, délimité par
de petites plaques de schiste, qui disparaît
hors de l’emprise nord du sondage (fig. 47).
Il communique à l’est avec un autre espace
rectangulaire (2,5  m de large) qui reste à
Fig. 46. Détail de l’entrée du patio

Fig. 47. Détail de l’entrée du patio

explorer.
S’il est évident que cette cour ouverte
appartient à un ensemble plus conséquent,
composé d’au moins une autre pièce, il
n’est pas possible, dans l’état actuel de la
recherche, d’avancer des hypothèses sur sa
fonction (habitat domestique ?).

Fig. 44. Vue générale du patio G qui commu-


nique directement avec la rue A1.
19
• Ensembles C-13 et 13-bis
L’espace délimité par les rues A1 et F se
développe tout en longueur et renferme
plusieurs bâtiments indépendants. Celui qui
occupe l’extrémité ouest (C-15) ne comprend
qu’une seule pièce qui a souffert plusieurs
remaniements avant que son mur de fond
ne soit ouvert pour y pratiquer une nouvelle
entrée. Il a reçu d’importants épandages de
cendres -très vraisemblablement issues du
curage du four voisin- avant d’être, lui aussi,
incendié. Cette pièce, à la fonction incertaine
(possible réserve), jouxte un grand ensemble
formé d’une succession d’espaces ouverts Fig. 49. Vue de l’enfilade des patios B/B1 et B2.

(B, B1, B2 : fig. 49) donnant chacun accès


à une unique pièce. Alors que la première
d’entre elle, fouillée l’an dernier, avait
livré un abondant assemblage, composé de
céramiques souvent entières, de métaux
et de verres ainsi que les caractéristiques
niveaux d’incendie, le local mitoyen
présente un contexte très différent (fig. 48).
Totalement colmaté par l’effondrement de
Fig. 50. Mouchette et tige en alliage cuivreux
ses parois de terre banchée, il ne renfermait apparus dans l’US 6178. Le plateau de balance,
qu’un mobilier relativement indigent, écrasé entre les deux, est recouvert par le sédiment.

sur son sol de terre battue et sur la surface


d’une structure massive en terre. On compte
toutefois un support de jarre, une jarre,
une cruche et, surtout, plusieurs artefacts
en alliage base cuivre : une mouchette de
grande dimension et deux éléments d’une
balance de précision (fig. 50-52).
Fig. 51. Détail du seuil (USC 6224) de D1, formé
de dalles de schiste, avec des crapaudines dans
les angles. Des fragments d’une jarre sont en-
core en place.

Fig. 52. Détail de la partie inférieure d’une


Fig. 48. Pièce D1 en cours de fouille cruche (US 6178).
20
SONDAGE EXPLORATOIRE EN S2-I

A. Lafont-Chardin

Fig.  53. Vue zénithale du ­secteur I avant l’ouverture du sondage exploratoire.

Équipe : Anna Lafont, Benjamin Oury. le côté ouest l’ensemble C-2, qui correspond
à un grand édifice composé de 6 pièces
Objectifs (les secteurs B, B1, C, D, G, H) auquel il
Un sondage exploratoire a été réalisé au sein appartenait très probablement. Il s’agit
du secteur I du sondage 2 (fig. 53), en posant d’un espace découvert, de plan légèrement
deux problématiques distinctes. Il s’agissait trapézoïdal orienté nord-sud, d’environ 6 m
de comprendre le phasage de plusieurs sur 2,70 m (approximativement 17 m2). Il est
murs qui délimitent l’aire d’implantation du délimité par les murs M 3127, M 3166/3146,
sondage, espace déjà fouillé en 2012 jusqu’à M 3124/3186, M 3147, respectivement situés
la phase d’occupation la plus récente. Plus au nord, est, sud et ouest. Tous étaient très
largement, l’opération visait à documenter arasés lors de leur découverte en 2012, et
des phases antérieures d’occupation au ont fait l’objet de restauration au cours des
sein du site, en collectant des données campagnes de 2016 et 2017.
diachroniques sur l’organisation urbaine et Anciennement relié du côté sud au
le mobilier archéologique. secteur G par un seuil en partie comblé,
et vraisemblablement ouvert vers l’ouest
Contexte du sondage sur un espace encore non-identifié,
Lors la dernière phase d’occupation (avant possiblement une rue (secteur S2-J) : le mur
1142), le secteur I du sondage 2 jouxtait sur M  3147 s’interrompt sans qu’un véritable
21
seuil puisse être identifié. remblai de construction (US 3279) qui leur
Le secteur I est scindé en son centre par un sert de niveau de fondation sommaire. Le
mur arasé (M 3276), d’orientation est-ouest, niveau d’occupation US 3172 est installé sur
et dont la dernière assise est intégrée au ce remblai et contre la première, voire la
niveau de circulation, divise en deux ce grand deuxième assise des murs M 3166 et M 3147.
espace. Alors qu’au nord de M 3276 la surface Le mur M 3276 est, quant à lui, conservé
de circulation correspond simplement à de sur sept assises et 0,70 m de hauteur, et
la terre compactée, elle conserve au sud est associé à plusieurs phases d’occupation
les dalles d’un sol appartenant à une phase antérieures. Il passe sous le mur est M 3166
antérieure (US 3171=US 3451). En effet, les et est interrompu à l’ouest par un seuil ou
murs périmétraux M 3146, M 3147 et M 3124 un retour d’angle (fig. 54).
prennent directement appui sur ces dalles Au sein du sondage, on distingue d’abord
qui se retrouvent d’ailleurs dans la pièce une première strate commune à l’ensemble
adjacente H. Le sol en terre de la section de l’espace, interprétée comme un remblai
nord empêchait une telle observation pour
les murs M 3166 et M 3127. Cette surface
de terre compactée facilitait cependant
l’ouverture d’un sondage exploratoire
dans cette zone, pour comprendre les
relations structurelles des murs M 3166, M
3127 et M 3276. L’implantation du sondage
s’est faite sur 2,42 m de large entre le mur
septentrional M 3127 et le mur arasé M 3276,
et sur 2,40 m d’est en ouest, en laissant une
berme de 0,5 m devant le mur M 3166 dans
un premier temps. Elle a été ensuite doublée
d’une seconde berme de 0,65 m de large à
0,25 m de profondeur, après la découverte
d’un premier niveau d’occupation présumé
(US 3453). Le premier témoin a ensuite été
largement entamé (portant les dimensions
du sondage à 2,90 m x 2,42 m) afin de Fig. 54. M 3276 et le niveau de fondation US
3485
documenter plus amplement le niveau
d’occupation 3453, objectif qui n’a pu être
que partiellement atteint faute de temps. de construction hétérogène (US 3449) sur
laquelle a été installé le dernier niveau
Résultats de la fouille d’occupation (US 3172). Les zones nord-
La fouille a permis de constater que les est et est du sondage renferment une très
murs M 3166 et M 3147, comme les autres forte concentration de pierres aux modules
murs délimitant le secteur I, ont été décimétriques à pluri-décimétriques, dont
mis en place lors de la dernière phase certaines sont disposées horizontalement
d’occupation. Ils sont construits sur un et qui passent sous les deux murs M3166
22
et 3127. De nombreuses céramiques
(fragmentaires, mais présentant souvent au
moins des profils complets), de la faune et
des objets métalliques de qualité y ont été
retrouvés.
Les couches sous-jacentes ont été presque
entièrement détruites dans les deux-tiers
ouest du sondage par l’installation d’une
grande fosse F  3460, qui se prolonge vers
Fig. 55. Niveau supérieur de la fosse F 3460.
l’ouest, au-delà de la zone fouillée (fig.  55-
56). Cette fosse présente une ouverture de
1,50 m large, avec des parois partiellement
effondrées, et se rétrécit à environ 1,25
m dans sa partie inférieure. Longue d’au
moins 1,30 m, elle atteint une profondeur
de 1,05 m, sans que son fond ait été atteint.
On peut, d’ores et déjà, remarquer que son
creusement prend en compte les limites
imposées au sud par le mur arasé M 3276, Fig. 56. Vue en coupe de la fosse qui entaille des
et au nord par le mur M 3127 qui serait niveaux d’occupation antérieurs au milieu du XIIe
s.
pourtant postérieur à la fosse.
Le remblai de construction US 3449 vient ponctuellement, en grande partie grâce à
niveler le remplissage de la fosse US 3454, la présence de structures de combustion
laissant penser que les deux correspondent (plaques de chauffe) dont des lambeaux ont
à une même phase d’aménagement. Quatre été conservés par endroits.
remplissages successifs ont été identifiés (US Le premier niveau (US 3453) est matérialisé
3454, 3459, 3463=3483, 3484) dans la fosse, par une plaque de chauffe (US 3468), localisée
avec deux petites fosses circulaires ayant dans l’angle nord-est du sondage, et par
servi de foyers (US 3461, 35 cm de diamètre deux dalles de schiste à plat dans le coin sud-
et 5 de profondeur et US 3462, 30 cm de est, à 249,73 m. Ce niveau apparaît dédoublé
diamètre et 6 de profondeur) installés dans (US 3453A et US 3453B) en stratigraphie
l’un d’eux (US 3459). Toutes ces couches ont dans les coupes ouest et nord, sur quelques
livré un nombre important de tessons de centimètres d’épaisseur (sédiment blanc-
céramiques extrêmement fragmentaires, jaune d’environ 2 cm, sous une couche
et une très grande quantité de faune (os de orangée charbonneuse, vraisemblablement
grands mammifères, nombreux équidés). chauffée, de 4 cm) entre 249,74 et 249,68
On y retrouve aussi un peu de mobilier m dans le coin sud-ouest. Il s’agirait en
métallique. La fonction de cette fosse n’est fait deux phases successives extrêmement
pas claire (fosse de récupération, puis proches : dans la partie est du sondage, la
dépotoir ?). structure de combustion US 3468 appartient
De part et d’autre de cette fosse, différents à la plus ancienne (US 3453B), tandis que
niveaux d’occupation ont pu être identifiés des plaquettes de schiste et une importante
23
249,55 à 249,34 m). Le recoupement entraîné
par la fosse US 3460 gêne la compréhension
de cette phase.
Le niveau d’occupation US 3473 est installé
directement sur le niveau de fondation du
mur M 3276 (US 3485), constitué de petites
pierres et gros blocs, galets liés par une terre
argileuse. Ce niveau s’aplanit dans sa partie
supérieure, établie contre la face nord de M
Fig. 57. Détail du lambeau de plaque de chauffe
US 3472 3276, au niveau de sa première assise : des
plaquettes de schistes posées à l’horizontale
semblent servir à la fois de renforcement
de fondation et de niveau d’installation du
sol. Au même niveau, différentes couches
pierreuses et argileuses (US 3474, 3475, 3479
et 3480) ont été localisées dans le sondage
autour de la fosse 3460 qui pourraient
correspondre à une même phase de
d’installation, voire être équivalentes.
Fig. 58. Profil septentrional, délimité par le mur Sous ces niveaux pierreux, deux US
M 3127
particulières se distinguent : au nord-ouest,
une couche aux couleurs vives rouge et
concentration de matériel archéologique
jaune, très argileuse (US 3481, à 249,37 m) ; à
(petits objets, tessons de céramique) sont
l’est une couche d’incendie (US 3478, à 249,38
posés à plat sur la plus récente de la plus
m) sur une dizaine de centimètres de large
récente (US 3453A). Faute de temps, la
et légèrement plus basse, délimitée dans sa
couche US 3453B n’a pas pu être fouillée au
partie ouest par une possible structure liée
niveau du témoin oriental, et la couche US
au mortier (US 3486), et qui continue vers
3453A que partiellement.
l’est sous les témoins. Leurs fonctions tout
Ces deux strates scellent un double remblai
comme leurs relations restent à déterminer.
(US 3470, US 3464), au sein desquels se
trouvent deux lambeaux de plaques de
Un point sur le mobilier métallique
chauffe, l’un (US 3467) entre 3470 et 3464
L’importance du mobilier métallique
(à une altitude de 249,59 m), l’autre dans
découvert, en nombre comme en qualité,
la partie nord du sondage, au sein du
doit être soulignée. Sa concentration au sein
remblai 3464 (à environ 249,49 m). Sous ce
de ce sondage, dans des contextes variés, est
double remblai, juste à l’ouest de la plaque
en elle-même remarquable.
de chauffe 3467, une autre grande plaque
Le remblai de construction US 3449 a livré
(US 3472: fig.  57) matérialise ensuite un
une feuille de plomb, enroulée à l’origine
second niveau d’occupation (US 3473). Cette
et retrouvée partiellement ouverte,
structure de combustion conservée sur 50
interprétée comme une possible amulette
cm de large et 80 cm de long, est adossée
; deux pointes de flèches ; un fragment de
contre M 3276, avec un pendage est-ouest (de
24
lame de hache ; deux fragments de possibles
pitons, un poids et des clous.
Au sein de la fosse US 3460, ont été trouvés
dans la couche de remplissage US 3463 deux
poids de fer, et une lame de fer en demi-lune
(possible lame d’outil).
Le niveau d’occupation US 3453A étaient
associé à des artefacts de fonctions diverses
(fig.  59-63) : un couteau, conservant son Fig. 60. Feuille de plomb (M4064)
manche en os riveté et une lame coudée ;
une attache de chaudron en alliage cuivreux
qui renvoie à des parallèles bien connus en
contextes médiévaux, tel les exemplaires
de l’épave d’Agay (Richarté 2017: 487) ou
du Castelo Velho de Alcoutim (Catarino
1997/98: 1150 nº2) ainsi qu’une plaque
circulaire polylobée décorée d’une étoile
à 6 branches en son centre. La présence de
perforations sur son ourlet suggère qu’elle Fig. 61. Attache d’anse de chaudron, en alliage
pouvait être cloutée sur un support en bois. base cuivre (M4065)
Dans la couche de remblais US 3464, située
entre les deux niveaux d’occupation US
3453A/B et US 3473, ont été retrouvés,
toujours en fer : un cadenas, un poids, deux
objets encore indéterminés mais au volume
important (dont un possible élément
de décoration de bouclier). S’y trouvait
également une fusaïole en terre cuite. Fig. 62. M3924, poids-fort correspond à un 1/2
Enfin, une lame de couteau fortement ūqiyya (Tonegawa U.4)

concrétionnée, retrouvée entre deux pierres


brûlées, provient de la couche d’incendie US
3478.

Fig. 59 Couteau avec manche fait de deux


Fig. 63. Tôle en fer ourlée et ajourée, ornée d’un
plaques en os rivetées et lame en fer coudée
motif géométrique. Prélevée en bloc (M4154)
(M4157)
25
LE VAISSELIER DE LA CUISINE B8: ÉTUDE PRÉLIMINAIRE
Y. Cáceres Gutiérrez, J. de Juan Ares, C. Richarté

Fig. 64. Vue zénithale de la cuisine B8 de l’ensemble C-12bis.

La fouille du secteur B8, appartenant


de l’ensemble C-12bis, a révélé qu'il
s'agissait d'une cuisine ayant conservé un
assemblage exceptionnel de récipients in
situ, fragmentés mais la plupart complets,
liés aux activités domestiques (fig. 64-65). La
plupart sont apparus en position primaire,
ce qui permet de connaître leur disposition
avant l’effondrement de la toiture. Le
répertoire documenté vient enrichir nos
connaissances sur les céramiques d’Albalat Fig. 65. Extraction de la PC 200.
et, plus largement, sur la culture matérielle
site (Gilotte et al. 2016). Ces mobiliers ont été
d’époque almoravide.
regroupés en quatre catégories :
1. Vaisselle de cuisine.
Classification morphologique
2. Service de restauration et
Le corpus se compose d’un lot de dix
présentation.
récipients complets en céramique qui ont
3. Éclairage.
été classés en fonction de leur fonctionnalité
4. Plats pour le stockage, le transport et la
suivant la norme de présentation des
conservation.
précédentes publications des céramiques du
26
• Vaisselle de cuisine quartz et des particules noires. Elle est
brûlée à l’intérieur et à l’extérieur. Elle
porte un décor de quelques traits peints en
blanc, qui se superposent aux cannelures de
sa partie centrale.

PC 227 (fig. 67)


Contexte : US 5559 et 5573
Dimensions : ø bord 12,2 cm. Hauteur
maximale : 22,4 cm.
Il s’agit d’un marmite globulaire avec
un bord terminé par une lèvre arrondie,
soulignée par une gorge incisée. Le col est
0 1 5 cm

Fig. 66. Marmite PC 226 court et légèrement convexe, séparé de la


panse par une incision horizontale. Elle
possède deux anses ovales-trapézoïdales qui
naissent sur le bord et terminent au sommet
de la panse. Le fond est mal conservé, mais
l’orientation donnée par les parois évoque
plutôt une base convexe. La pièce conserve
des traces de tournage à l’intérieur tandis
que l’extérieur est lisse. Sa cuisson est
oxydante et sa pâte ferrique. Le dégraissant
0 1 5 cm
est abondant, avec des particules de schiste,
de mica et de quartz. À l’instar de la marmite
Fig. 67. Marmite PC 227
précédente, elle est brûlés à l’intérieur et à
l’extérieur et porte des cannelures sur toute
PC 226 (fig. 66) sa panse.
Contexte : US 5573, 5577, 5578.
ø bord/base : 14/10,3 cm. H. max. : 23 cm. • Service et présentation des aliments
Cette marmite globulaire est à fond plat, PC 225 (fig. 68, 76)
à bord droit et lèvre biseautée, soulignée Contexte : US 5577
par une incision. Le col, court et peu ø bord/base : 28/11,5 cm. ø H. : 8,7 cm.
développé, est séparé de la panse par une Cette coupe (ataifor) possède un bord évasé
gorge horizontale tracée à sa base. Elle avec une lèvre arrondie et une panse
possède deux anses ovales-trapézoïdales carénée. Elle est munie de deux préhensions
qui naissent sur le bord et se terminent horizontales de section circulaire et repose
sur la partie supérieure de la panse (une sur une base annulaire à double ressaut.
conservée, empreinte de la seconde). La Elle est réalisée au tour et a été cuite en mode
pièce a été réalisée au tour et sa cuisson oxydant, mais dont le processus de cuisson
est oxydante. Sa matrice ferrique renferme est irrégulier. La pâte de couleur orange
d’abondantes inclusiones de schiste, mica, est par endroit grisâtre, signe d’un procédé
27
technique mal maîtrisé. Le dégraissant
comprend des points de chaux et des
inclusions grises. La pièce est entièrement
couverte d’une glaçure jaunâtre à verdâtre
(melado), avec un décor noir représentant
deux arcs sécants (oxydes de manganèse 0 1 5 cm

et/ou fer). Des concrétions recouvrent


l’intérieur et une partie du bord. Fig. 68. Ataifor PC 225

PC 202 (fig. 69, 76)


Contexte : US 5577
ø bord/base : : 21,2/8,6 cm. H. : 8,1 cm .
Coupe (ataifor) à lèvre repliée vers
l’extérieur, avec une panse est arrondie
0 5cm

qui ne comporte pas d’anses. Le pied est Fig.69. PC 202 (Dessin & DAO : C.I. Mena)
dessin & DAO: C.I.M.M
annulaire, légèrement incliné. La pièce est
fabriquée au tour. La cuisson est oxydante
et sa matrice ferrique, de couleur orangée,
renferme un dégraissant peu abondant
0 1 5 cm
comportant des points de chaux, comme
seul élément minéral observable à l’œil nu. Fig. 70. PC 205 (Dessin & DAO : C.I. Mena)
Le récipient est brûlé sur le bord et sur la
partie interne. Sa glaçure et son décor sont
identiques à ceux de la pièce précédente
(PC225). Elle est également couverte de
concrétions sur sa face externe ainsi que sur
une partie de son bord.

PC 205 (fig. 70)


Contexte : US 5578 0 1 5 cm

ø bord/ base : 14,1/ 8,5 cm. H. : 4,6 cm. Fig. 71. PC 236 (Dessin & DAO : C.I. Mena)
Plat creux (ataifor) à bord droit légèrement
éversé vers l’extérieur et panse arrondie
dépourvue d’anses. Sa base bien que plane,
est très légèrement convexe. Il a été cuit en
atmosphère oxydante et possède une pâte
ferrique de couleur orange. Le dégraissant
ne comporte que quelques rares mica, du
quartz et des particules noires. Il est brûlé
à l’intérieur et sur une partie du bord. Il 0 1 5 cm

ne possède pas de couverte glaçurée. Il est Fig. 72. PC 200 (Dessin & DAO : C.I. Mena)
partiellement recouvert de concrétions.
28
0 1 5 cm

Fig. 73. PC 209 (Dessin & DAO : C.I. Mena)

PC 236 (fig. 71)


0 5cm
Contexte : UE : 5573, 5578 y 5577
Fig. 74. PCdessin & DAO:&C.I.M.M
200 (Dessin DAO : C.I. Mena)
ø bord/base : 9,7/8,7 cm. H. Max. : 13, 7 cm.
Récipient à col cylindrique et bord droit La cuisson est oxydante et la pâte orange.
possédant une lèvre biseautée soulignée par Les inclusions comportent du mica et du
une gorge incisée. Son col est séparé de la quartz. Il est brûlé à l’intérieur et en partie à
panse par une fine incision horizontale. Il l’extérieur (utilisation ?).
est muni d’une anse aplanie rattachée au
bord de la lèvre et qui termine à la base de la PC 209 (fig. 73)
panse. Le fond est plat. Il est réalisé au tour, Contexte : US : 5577
l’intérieur et l’extérieur sont soigneusement ø bord/base 8,3/6 cm. H. max. : 10,9 cm.
lissés, et des cannelures apparaissent sur le Petit vase à bord en bandeau, légèrement
haut de panse. La cuisson est oxydante et la éversé et dont la lèvre est arrondie par une
pâte orange. Le dégraissant est abondant : moulure extérieure. Le corps est piriforme. Il
mica, quartz et quelques particules noires. porte trois gorges incisées horizontalement
Il a été brûlé à l’intérieur et à l’extérieur sur le col ainsi qu’au sommet du bord. Les
(traces d’utilisation ?). anses sont ovales et démarrent au sommet
de la panse et se terminent à la base de celle-
PC 200 (fig. 72) ci. Le fond est annulaire et bien marqué.
Contexte : US : 5573, 5578 y 5577 Le vase est façonné au tour. La cuisson est
ø du bord/base 13/8 cm. H. max. : 14 cm. oxydante et la pâte rougeâtre. Le dégraissant
Vase à bord droit et lèvre étirée, bien est constitué de points de chaux. Il est
marquée à l’intérieur et séparée du col par revêtu d’une glaçure jaunâtre à l’intérieur et
dessin & DAO: C.I.M.M
une incision horizontale. Le col, légèrement à l’extérieur. Sur les deux faces de la pièce,
convexe, est marqué par une fine gorge deux traits verts (oxydes de cuivre) en forme
horizontale. L’épaulement de la pièce est de demi-cercle ont été tracés.
adouci. Il porte une anse trapézoïdale qui
naît sous le rebord et se termine à mi-panse. • Luminaires
Son fond est plat, très légèrement convexe. PC 201 (fig. 74)
La pièce est réalisée au tour, l’intérieur Contexte : US 5573
et l’extérieur sont lissés. Les traces de Long. max. : 15 cm. H. max. : 6 cm.
tournage à l’intérieur sont très marquées. Lampe à réservoir tronconique terminé
Il y a des cannelures sur le haut de panse. par un bec allongé. La partie supérieure
29
de la lèvre ainsi que l’extrémité du bec ne Martínez et al. 2016 : 37, nº 9). Des formes
sont pas conservés. L’anse est de section similaires ont été découvertes à Cercadilla
circulaire, rattachée directement au col et se (Cordoue), exclusivement dans les niveaux
terminant au milieu du réservoir. La base est du XIIe siècle (Fuertes Santos 2010 : 41, fig.
plate. Elle a été façonnée à la main et au tour. 45), de même que dans des contextes de
La cuisson est oxydante et la pâte de couleur Santarém, également attribués à la période
orange. Le dégraissant est rare et comporte almoravide (Gómez Martínez et al. 2016 : 24,
quelques points de chaux. La pièce est en fig. 4). S. Gómez Martínez met en évidence
partie brûlée (intérieur et extérieur de la la pérennité de cette forme qui apparaît dès
pièce). Elle est entièrement recouverte d’une le XIe siècle et dure jusqu’au XIIe siècle. Un
glaçure olivâtre et présente des concrétions exemplaire daté la fin du XIe siècle montre,
blanches sur un seul côté de la préhension. comme dans cas qui nous occupe, un décor
exécuté à la peinture blanche (Gómez
• Vaisselle de stockage et transport Martínez 2014 : 107 et figure 5.2.1.4B).
PC 224 (fig. 75) D’autre part, il faut souligner qu’à Albalat
Contexte : US 5573, 5577, 5579 cette forme peut combiner une glaçure miel
ø bord/base 23/22.2 cm. H. max. : 60 cm. sombre à l’intérieur et un décor peint en
Jarre à col court et cylindrique terminé par décor blanc à l’extérieur.
un rebord en bandeau avec une modénature. L’autre marmite (PC 227), non décorée,
Son corps est globulaire et le fond est plat. La possède une morphologie semblable à celles
pièce est réalisée en technique mixte, c’est- trouvées, entre autres lieux, dans la cuisine
à-dire à la fois au tour et à la main. L’intérieur (secteur A2) de la maison C-1. Dans ce cas, le
est rugueux et l’extérieur lisse. La cuisson récipient présente un diamètre d’ouverture
est oxydante et la pâte prend des teintes identique ainsi que des anses élancées,
brun-orangé. Le dégraissant est constitué rattachées directement sur le bord et fixées
de particules de quartz et d’éléments gris. sur la panse (Gilotte et al. 2016 : 723 et fig. 3).
Le récipient est partiellement brûlé. Il est On retrouve également ce type de marmite
décoré d’ondes horizontales tracées au à Mértola, datée des XIe-XIIe siècles (Gómez
peigne. Le conteneur est complètement Martínez 2014 : 107 et fig. 5.2.1.4C).
couvert de concrétions.
Service de table et de présentation
Étude du vaisselier La vaisselle de table est représentée par
Vaisselle de cuisine trois plats (ataifores) complets, de différent
Deux récipients présents dans le vaisselier modules et avec quelques variantes
servent à cuisiner directement sur le feu. morphologiques (PC 225, 202 et 205). Deux
Ces marmites globulaires à deux anses d’entre eux possèdent une couverte glaçurée
et cannelures sur les panses sont assez miel rehaussés de traits noirs (oxydes de fer/
fréquents sur le site (Gilotte, Cáceres, éd. manganèse). Des formes similaires au plat
2017 : 104-105). L’une d’entre elles (PC 226) PC 225 ont déjà été découvertes à Albalat,
se distingue par son décor peint en blanc notamment dans la cuisine de C-1, mais le
sur fond sombre, suivant une formule bien présent exemplaire s’en démarque par son
documentée à Mértola au XIIe siècle (Gómez profil à la carène très marquée (Gilotte et al.
30
2016 : 729, PC : 14). De même, il présente des dans des contextes almohades (Gilotte,
analogies avec les ataifores du XIIe siècle à « Cáceres éd. 2017 : 80).
carène marquée » de Cercadilla (Cordoue), De même, la glaçure miel combinée au noir
bien que les anses d’Albalat soient se décline en plusieurs variantes (deux,
dissemblables (Fuertes Santos 2010 : 473, fig. trois voire quatre arcs de cercles sécants).
164.1). Ce type a également été documenté à Ce décor est abondamment représenté à
Mértola, dans des contextes XIe-XIIe siècles, Albalat (Gilotte et al. 2017 : 80-84 ; fig. 13).
mais sans base à ressauts (Gómez 2014 : 128 La petite jarre glaçurée (PC 209) appartient
type 4A et 4B). Il rappelle le sous-type A.12 également au service de table. Elle rappelle
de la classification de M. Retuerce (1988 :100- une autre pièce, de plus grande taille,
104 et fig. 46). Il semble que ce modèle ait été retrouvée dans la maison C-1, et qui portait
abondamment diffusé au XIe siècle et se soit une décoration incisée sous glaçure et des
maintenu tout au long du siècle suivant. anses à poucier (Gilotte et al. 2016 : 728 et fig.
Des plats semblables au PC 202, avec un 5, PC5 et Gilotte, Cáceres éd. 2017 : 90). Des
profil en «S» ont aussi été détectés sur le formes similaires, au col un peu plus long
site d’Albalat, toujours dans la cuisine de et dans une version beaucoup plus stylisée
C-1, bien que l’exemplaire ici pris en compte ont été repérées à Cercadilla (Fuertes Santos
ne possède pas d’anses horizontales (Gilotte 2010, 145 et fig. 278.4) ainsi qu’à Mértola
et al. 2016 : 729, PC 55 et PC 29). Il montre pour les XIIe-XIIIe siècles (Lopes et al., 2012
également des similitudes avec le sous-type :83 ; Gómez 2014 :138). Son décor verdâtre,
A.12 de M. Retuerce (1988 : 100-104 et fig. exécuté au pinceau sur fond miel, a un
46) et apparaît à Mértola - avec une base parallèle sur un pichet de Vascos, sur un
moulurée - dans des contextes datés entre le fond émaillé blanc (Izquierdo 1999 : 116 et
XIe siècle et la première moitié du XIIe siècle fig. 31).
(Gómez 2014 : 130, type 7A). Quant aux petites jarres sans revêtement
De taille plus modeste, le plat PC 205 (jarrita et jarrito PC 236 et PC 200), elles
est dépourvu de pied, ce qui évoque des rappellent des exemplaires aux profils plus
modèles califaux et taifa. Des formes tout globulaires, recensés sur le site (Gilotte,
à fait similaires, quoique plus grandes, Cáceres éd., 2017 : 100; Gilotte et al. 2016 : 728
proviennent de la maison C-1 (Gilotte et et fig. 5) et d’autres types cordouans datés
al. 2016 : 729, PC 38). Cette forme perdure entre les XIe et XIIe siècle (Fuertes Santos
jusqu’aux XIIIe et XIIIIe siècles (Gomes 2011 2010 : 47, figure 54). À Mértola, ces formes,
: 229). avec un fond plus convexe, sont également
Ces trois ataifors illustrent bien la variété présentes dans des contextes datés du XIe
morphologique qui existe dans les derniers siècle (Gómez Martínez, 2014 : 133, 1B). Très
niveaux d’occupation du site. Si certains fréquentes dans le vaisselier du site, ces
traits, que l’on peut considérer comme formes sont probablement à associées au
archaïsants, sont propres au XIe siècle (tels service à boire.
les profils adoucis, les bases sans moulures
ou encore les anses horizontales et les lèvres Luminaire
repliés), d’autres annoncent au contraire L’éclairage est représenté par une seule
des formes qui seront par la suite habituelles lampe à bec (PC 201). Avec son réservoir
31
bitroncoconique et son bec facetté, elle période almohade à Mértola (Gómez 2014 :
rappelle les formes du XIe siècle (Gilotte, 92, fig. 5.1.1.1).
Cáceres éd. 2017 : 77 nº 26). Ces modèles
coexistent sur le site avec d’autres
pleinement almoravides, qui ont déjà le
dépôt piriforme, un goulot étranglé et le bec
allongé (Gilotte, Cáceres éd. 2017 : 77 nº 24).
Cette forme de lampe est connue sur le site 0 1 5 cm

(Gilotte et al. 2016 : 729, PC 28 et PC 41), et


n’est pas sans évoquer des modèles à glaçure
verte fréquents au XIe siècle en al-Andalus.
Des lampes semblables, mais associées à
des décors de cuerda seca partielle ou de
gouttelettes, se trouvent à Mértola dans
des niveaux datés entre le XIe siècle et la
première moitié du XIIe siècle (Gómez 2014
: 155, 1C).

Conteneurs de transport et de stockage Fig. 75. PC 224 (Dessin en cours).


La présence d’une grande jarre, décorée de
motifs au peigne (PC 224), dans une cuisine
n’est pas en soi surprenante. Même si à
Albalat les grands conteneurs sont placés
de manière préférentielle dans les patios, il
n’est pas rare d’en trouver dans des cuisines,
comme c’est ici le cas.
Les jarres/tinajas appartiennent à un
répertoire bien représenté à Albalat, et dont
la grande variété de formes et de modules
est en train d’être mise en évidence (Cáceres
et al. 2016 ; fig. 14). On distingue ainsi un
groupe aux bords épaissis, fendus ou bifides
et à corps ovoïde et fond plat, parfois ornées
de lignes horizontales ondulées (Gilotte et
Cáceres éd. 2017 : 115 ; Gilotte et al. 2016
: 725, PC 40 et PC 39). Dans le cas présent,
elle présente un registre décoratif alternant
ondulations et zigzags tracés au peigne (fig.
12 - dessin non définitif). Des parallèles
peuvent être trouvés dans les séquences Fig. 76. Photos des ataifors PC 225 et 202.
du XIIe siècle de Cercadilla (Fuertes Santos
2010 : 90 et fig. 186), de même que durant la
32
APPROCHE ARCHÉOMÉTRIQUE DES PÂTES CÉRAMIQUES
C. Richarté-Manfredi, C. Capelli en collaboration avec M.Sbrana

Fig.77. Lame mince 1081 (grande jarre). Fig. 78. Lame mince 10382 (grande jarre),
Le volet d’analyses pétrographiques met prolongée comme l’indiquent un épiderme
en avant la composition des pâtes et les orangé et un cœur gris (post-cuisson
fractions de leurs inclusions minérales. Il oxydante). De nombreuses inclusions sont
s’appuie sur une approche macroscopique visibles à l’œil nu. L’analyse des lames
et microscopique qui apporte des éléments minces indiquent que la totalité de ces jarres
de réflexion particulièrement intéressants ont été réalisées avec des argiles d’origine
sur les modalités de production et diffusion alluviale riches en fer et en dégraissants
des céramiques ; les traceurs géologiques sableux grossiers, parfois ajoutés. La
permettant de caractériser différentes aires nature des inclusions, dérivées de roches
de production. granitiques (quartz, feldspath, subordonnés
Les prélèvements, effectués sur des lots de mica) et, plus rarement, métamorphiques
mobiliers de divers groupes techniques, ont acides (quartzschistes, quartz-micaschistes,
été préparés en lames minces par M. Sbrana phyllades), incite à y reconnaître une
et ont été soumis à l’analyse au microscope origine vraisemblablement régionale,
polarisant par C. Capelli. C. Richarté effectue voire locale car ces types de roches sont
la liaison entre pétrographie, morpho-types diffusées. Un lieu de production situé non
et groupes techniques des céramiques afin loin des rives du Tage n’est donc pas exclu et
de tenter de cerner des faciès et des aires de semble même logique pour ce type d’objets.
provenance potentielles. Toutefois, quelques différences secondaires
L’enquête s’est focalisée sur deux grands de texture (granulométrie, classement)
groupes : les grands récipients de stockage et de composition (inclusions) sont
et les vaisselles de table, tout en testant probablement à rattacher à plusieurs sites
ponctuellement d’autres ustensiles d’approvisionnement, avec des productions
communs et culinaires. peu standardisées. On note aussi quelques
1- Pâtes à matrice ferrique corrélations entre groupes de pâte et
• Conteneurs, jarres/tinajas typologiques.
Les récipients de stockages présentent des Groupe 1 : ex. 10381- jarre type 3 (fig. 77).
pâtes obtenues en cuisson oxydante, peu Matrice riche en fer, moins oxydée au
33
de rares (nodules) calcaires; silt (quartz,
mica) abondant. Une surface est lissée,
l’argile est fort orientée.

Céramiques communes et culinaires


Une partie des récipients culinaires
(marmites, casseroles), mais également
multifonctionnels tels les pichets et les
cruches, forme des sous-groupes en pâte
rouge à matrice ferrique et inclusions de
Fig. 79. Lame mince 10384 (marmite),
quartz. Ils sont réalisés dans des argiles
décantées fournissant des pâtes plus fines
et plus épurées que celles ayant servi
à la fabrication des grandes jarres. Ils
proviennent vraisemblablement des mêmes
officines.
Groupe 6 : ex. 10383 - jarro
Matrice riche en fer, partiellement oxydée.
Inclusions silteuses et sableuses <0.2 mm
(<0.5 mm) très abondantes (quartz, micas
Fig. 80. Lame mince 10387 (casserole), abondants, feldspaths, amphibole et
tourmaline occasionnels). Rares fragments
anguleux et grossiers (jusqu’à 2 mm) de
quartz et quartz-micaschistes à grain fin.
Iso-orientation évidente, indice de travail au
tour rapide.
Groupe 7 : ex. 10384 - culinaire (fig. 79)
Matrice riche en fer, oxydée. Inclusions
anguleuses, <0.2 mm assez abondantes
(quartz, feldspath, mica, amphibole,
fragments de quartz-micaschistes), plus
Fig. 81. Lame mince 10385 (casserole),
grossières (<0.8 mm) rares (quartz).
centre, avec un gros nodule d’argile calcaire.
Sous-groupe 4 : ex. 10387- marmite type
Inclusions anguleuses très abondantes,
Retuerce F02 (fig. 80)
composées de quartz, feldspaths, plus
Matrice riche en fer, oxydée. Inclusions assez
rares micas et fragments de granites et
abondantes, anguleuses et relativement
micaschistes/phyllades. La fraction <0.5 mm
bien classés. Silt plutôt abondant (quartz,
est dominante sur les inclusions grossières
feldspaths, micas). Sable 0.2-0.4 mm
(jusqu’à 1.3 mm).
dominant sur les inclusions grossières
Groupe 1 variante 1 : ex. 10382-jarre (fig. 78)
(jusqu’à 1.2 mm) (quartz, feldspaths,
Matrice en partie calcaire, quelques
rares micas, granites et quartzschistes,
bandes encore plus claires mal mélangées.
occasionnel amphibole). Dégraissant peut-
Inclusions grossières peu abondantes, avec
34
être ajouté ?
Sous-groupe 5 : ex. 10386 marmite type
Retuerce F ; 10389 Cántaro type Retuerce 21
Matrice riche en fer (partiellement) oxydée.
Inclusions (principalement <0.2 mm, max
1 mm) abondantes et anguleuses (quartz,
feldspaths, plus rares micas; amphibole et
zircon occasionnels). Dégraissant peut-être
ajouté ?
Sous-groupe 7 ou 6 variante (texture similaire) Fig. 82. Lame mince 11021 (ataifor).
: ex. 10385 - casserole type Retuerce G09
(fig.  81)
Matrice riche en fer, partiellement oxydée.
Inclusions silteuses et sableuses <0.2 mm très
abondantes (quartz, feldspaths, plus rares
micas, nodules calcaires). Rares inclusions
plus grossières (principalement <0.7 mm,
max 1.2 mm) de quartz, quartschistes et
quartzmicaschistes à grain fin.
Pâtes à matrice ferrique et quartz dominants
Fig. 83. Lame mince 11821 (redoma).
associées à couverte glaçurée (vert ou miel)
Ce groupe possède des pâtes à matrice
ferrique dans lesquelles les inclusions de
quartz dominent. Les argiles exploitées
sont de type alluvial et caractéristiques de
dépôts récents laissés par les rivières et les
fleuves lors de crues. Ce groupe rassemble
presque exclusivement des pièces dotées
d’une glaçure incolore au plomb, décorées
aux oxydes de fer ou manganèse. Ces
productions sont fréquentes dans le sud de Fig.84. Lame mince 13001 (pot)
la péninsule ibérique et notamment dans le
Ġarb al-Andalus.
Ex. : 11021 ataifor à décor melado y
manganeso, pâte fine, matrice assez riche
en fer, inclusions moyennement abondantes
(<0,3 mm), décor hâtif de cercles sécants,
glaçure fine (0,1 mm), régulière, double
cuisson, mica dominant, quartz feldspath.
Ex. : 10242 - fragment de coupe à revêtement
melado ? Glaçure 0.1-0.2 mm incolore. Double
Fig. 85. Lame mince 11025 (petite jarre)
cuisson probable. Matrice riche en fer oxydé,
35
Température plutôt haute ; inclusions centres urbains localisés aux abords de
abondantes, anguleuses, peu classées, de rivages, et sans doute à rechercher au sud
dimensions en prévalence <0.2 mm (max 0.6 de la Péninsule Ibérique. Leurs pâtes sont
mm) : quartz, feldspath, subordonné mica, composées d’argiles calcaires à inclusions
plus rares roches métamorphiques acides, fines, peu abondantes et génériques. En
titanite, amphibole. résulte un groupe rassemblant des pièces aux
Ex. : 10244 - coupe carénée à deux caractéristiques peu homogènes et dont la
anses à revêtement melado sur fond provenance exacte demeure indéterminée.
annulaire. Glaçure incolore <0.1-0.2 mm 2. 1 - Pâte calcaire non glaçurée . ex. 10235
/ <=0.1 mm. 1 agrégat d’oxydes de fer. - Fragment d’amphore (importation ?).
Double cuisson probable. Matrice riche Matrice relativement riche en fer oxydé,
en fer oxydé, Température moyenne; température de cuisson relativement basse
inclusions relativement abondantes, ; inclusions abondantes, anguleuses, peu
anguleuses, peu classées, de dimensions en classées, de dimensions en prévalence <
prévalence <0.3 mm (max 0.7 mm): quartz, 0.6 mm : quartz, feldspath, subordonnés
feldspath, subordonné mica (fin), roches mica, fragments de roches métamorphiques
métamorphiques acides, calcaires, fossiles acides (quartzschistes, quartz-micaschistes,
dissociés ; titanite. phyllades ; jusqu’à 2 mm) ; titanite, épidote,
Variante : ex. 10243 - fragment de bouteille zircon.
globulaire à fond plat à revêtement miel. Pâte calcaire à glaçure verte
Glaçure incolore 0.1-0.2 mm (autre coté Deux variantes sont distinguées au sein de
<0.1 mm) avec bulles et quelques grandes ce groupe de vaisselle à revêtement glaçuré
inclusions de quartz et feldspath. Double mais dont les caractéristiques techniques
cuisson, température moyenne. Matrice diffèrent ; l’une est glaçurée au plomb,
riche en fer oxydé, inclusions relativement tandis que l’autre est émaillée. Si l’origine
abondantes, anguleuses, peu classées, de des argiles est proche (sédiments marins
dimensions en prévalence <0.3 mm (max 1 ?), leur composition n’est cependant pas
mm): quartz, feldspath, subordonné mica, strictement identique et met en évidence
roches métamorphiques acides, calcaires, plusieurs productions.
fossiles dissociés; titanite, épidote. Ex. 11821 – vase fermé globulaire à panse
cannelé à pâte rouge glaçurée verdâtre.
2-Pâtes à matrice calcaire Matrice calcaire. Quartz et mica fins bien
L’autre piste amorcée tient aux liens classés. Glaçure incolore-jaune 2 cotés
établis entre la diffusion/consommation Ex. : 13001. – Pot/limeta (diam 8cm) pâte
des vaisselles fines utilisées à Albalat. Les rosâtre, fine, alvéolée, inclusions de mica,
les céramiques fines et glaçurées, telles quelques quartz grossiers et schistes.
les faïences monochromes blanches, Glaçure verte très épaisse, irrégulière.
polychromes à décors vert et brun ou Céramiques à couverte blanche et/ou décor vert
à cuerda seca, sont relativement peu & brun
présentes. Elles semblent procéder Premier groupe à matrice calcaire à quartz
d’officines très spécialisées, dont certaines fins (dominant et/ou grossier, plus rare)
sont manifestement implantées dans des L’analyse a répondu à notre première
36
interrogation qui portait sur la nature des classées, de dimensions en prévalence < 0.2
revêtements employés, engobe sous glaçure mm (max 0.4 mm) : quartz, feldspath, mica,
ou couverte opacifiée à l’étain. Il apparaît calcaires et fossiles dissociés, rares roches
clairement que l’argile choisie pour façonner métamorphiques, occasionnel grenat.
cette vaisselle est un matériau extrait à Variante 2 : ex. 10241 fragment de
proximité d’un rivage marin (hérité une coupe à décor vert et manganèse (motif
zone paléo-marine (formations géologiques épigraphique). Émail (probable, altéré)
très anciennes ou actuelles ?). La zone de 0.2-0.25 mm, incolore ou vert clair ? + un
production possible pourrait donc être décor noir (+ agrégats de microcristaux
plutôt le sud de la péninsule ibérique. non fondus) / Glaçure 0.2-0.25 mm incolore
10239 - Coupe à revêtement blanc (glaçure peu altérée. Double cuisson, température
sur engobe ou altération de l’émail ?) Email moyenne. Matrice riche en fer oxydé avec
ca. 0.1 mm (des 2 cotés), riche en opacifiant, des nodules et stries d’argile calcaire ;
contacte régulier avec la pâte, double inclusions moyennement abondantes,
cuisson. Matrice calcaire, Température anguleuses, peu classées, de dimensions en
cuisson moyenne ; inclusions relativement prévalence < 0.2 mm (max 0.5 mm) : quartz,
abondantes, anguleuses, peu classées, de feldspath, mica fin, plus rares fragments
dimensions en prévalence <0.2 mm (max de roches métamorphiques acides (quartz-
0.4 mm) : quartz, feldspath; calcaires et micaschistes).
fossiles rares ? dissociés/peu visibles ? plus Productions de cuerda seca (totale & partielle)
rares roches métamorphiques, mica (fin), Groupe 1 à matrice calcaire, quartz fin
amphibole, titanite dominant (compatible avec Espagne centre-
Éléments isolés constituant des sous-groupes sud) : ex. 10236 - fragment de coupe en CS
distincts : ex. 10238/PC97. Fragment coupe à total. Émail vert (cuivre), glaçure jaune (fer)
revêtement blanc (émail stannifère ?). Émail 0.2-0.3 mm, pas d’inclusions, contact régulier
complètement dévitrifié avec bulles 0.15-0.3 avec la pâte, peu d’interface (double cuisson).
mm, <0.1 autre coté. Double cuisson. Matrice Autre face : revêtement plus fin, irrégulier,
calcaire, Tº cuisson moyenne, inclusions altéré. Matrice calcaire, température
relativement abondantes, anguleuses, peu moyenne; inclusions relativement
classées, de dimensions en prévalence abondantes, anguleuses, peu classées, de
<0.2 mm (max 0.4 mm) : quartz, feldspath; dimensions en prévalence <0.3 mm (max 0.8
calcaires et fossiles rares ? dissociés/peu mm) : quartz prévalent, feldspath, fragments
visibles?; plus rares mica (fin), amphibole, de calcaires, fossiles (dissociés), rares micas,
titanite. roches métamorphiques acides (quartzites),
Variante 1 : ex. 10240 - fragment de coupe à amphiboles, titanite.
revêtement blanc et glaçure jaune au revers Ex. 11025 vase fermé en CS partielle, pâte
Email ca. 0.15 mm (altéré en surface) / à matrice calcaire, très épurée, beige-
glaçure incolore 0.1-0.25 mm, quelques blanchâtre, décor brun & vert, cerné de noir,
bulles, contacte irrégulier. Double glaçure jaune (0,2 mm). Glaçure altérée,
cuisson? Température relativement haute. interface épaisse, double cuisson oxydante,
Matrice en prévalence calcaire, inclusions quartz, mica fins abondants, rares roches
moyennement abondantes, anguleuses, peu métamorphiques (<0,3 mm).
37
ANALYSES ARCHÉOMÉTRIQUES DE VERRES D’ALBALAT
J. De Juan Ares

La poursuite de la collaboration établie avec


le projet ERC Horizon 2020 « GlassRoutes:
Mapping the First Millennium Glass
Economy » dirigé par N. Schibille (IRMAT,
UMR 5060) s’est concrétisée au cours de
l’année 2018 par l’échantillonnage de 12
nouveaux verres provenant des fouilles
d’Albalat, portant le total actuel des
échantillons analysés à 34. Les résultats
préliminaires de ces analyses ne permettent
pas de proposer d’ores et déjà de conclusion
définitive.

Méthodologie
Afin d’établir la composition chimique des
objets en verre, des prélèvements d’environ Fig. 86. Cruchon en verre coloré à l’oxyde de
3 mm d’épaisseur ont été réalisés dans les cuivre (V-17 provenant du puisard de C-1).

installations de l’Institut de Recherche


Antécédents
sur les Archéomatériaux, Centre Ernest-
Les recherches sur la composition
Babelon (IRAMAT-CEB) dépendant du CNRS
chimique du verre et les découvertes
et de l’Université d’Orléans. Dans le cas des
archéologiques suggèrent que, pendant la
échantillons prélevés lors des campagnes
majeure partie du premier millénaire de
précédentes, 22 au total ont déjà été analysés
notre ère, le verre consommé en Europe
et les autres sont en cours de préparation.
a été produit en utilisant comme fondant
Le protocole suivi a été le même pour tous
du natron égyptien et les sources de silice
les échantillons : ils ont été insérés dans des
locale en ce qui concerne les fours de la
blocs de résine époxy, polis et analysés par
Méditerranée orientale (Foy et al. 2003,
ablation laser avec un spectromètre de masse
Feestone et al. 2002). Il existe actuellement
couplé à un plasma inductif (LA-ICP-MS).
un grand nombre de publications sur
Cette technique analytique (Gratuze 2016 et
la composition des différents verres de
Schibille et al. 2016) est actuellement la plus
natron de l’Antiquité romaine et de la fin de
précise pour connaître la composition des
l’Antiquité. Cela a permis de différencier les
éléments majoritaires, minoritaires et des
caractéristiques de composition chimique
éléments traces du verre. Les proportions
de différents groupes de verre, ainsi que
respectives d’un total de cinquante-huit
le cadre chronologique de chacun d’eux,
éléments peuvent ainsi être déterminées.
leur distribution et la provenance des
différents types de composition identifiés.
38
En revanche, pour l’époque médiévale, faible révèle que des cendres végétales de
l’identification des différents groupes ainsi plantes à forte teneur en sodium ont été
que les schémas de diffusion du verre sont employées comme fondant.
beaucoup moins connus. Un seul fragment de verre présente des
Aux environs du huitième siècle, à l’époque quantités élevées de plomb ainsi qu’un
de la conquête islamique de la péninsule composant sodique ce qui le rapproche
ibérique, le verre fabriqué en utilisant d’autres échantillons identifiés à Cordoue
des minéraux de natron comme fondant a (Duckworth et al. 2015), Murcie (Carmona et
commencé à disparaître, pour être remplacé al. 2009) et sur le site de Ciudad de Vascos,
par du verre à base de cendres végétales datés entre le Xe et le XIIe siècle (De Juan,
sodiques en Méditerranée orientale (Sayre, Schibille 2017a, De Juan, Schibille 2017b). Ce
Smith 1974, Gratuze, Barrandon 1990  ; type de verre est particulièrement fréquent
Shortland et al. 2006) auxquelles il faut dans la péninsule ibérique et était donc
parfois ajouter du plomb (Sayre et Smith, probablement produit localement (De Juan
1961). Dans le cas de la péninsule ibérique et Schibille 2017).
et d’al-Andalus en particulier, nous savons
très peu de choses (De Juan, Schibille 2017a). Les verres d’Albalat sont principalement
Jusqu’ici, très peu d’analyses de verres incolores, légèrement jaunâtres ou bleus.
islamiques ont été réalisées en Espagne, Les deux premiers témoignent de l’ajout
ce qui explique que leurs caractéristiques d’agents de blanchiment à la masse de verre
soient donc encore largement méconnues. pour compenser les impuretés de la source
Les verres du site d’Albalat proviennent de silice. Au contraire, on a pu établir que
principalement de contextes datés de la les verres de couleur bleue contiennent de
première moitié du XIIe siècle. Leur analyse petites quantités d’éléments métalliques,
et leur étude nous permettront pour la principalement du cuivre, qui sont à l’origine
première fois d’offrir des données fiables sur de leur coloration.
les caractéristiques des verres de la période Les résultats concordent avec d’autres
almoravide dans la péninsule ibérique. analyses effectuées dans le cadre du même
projet de recherche, sur le verre des
Résultats préliminaires périodes califale et taifa du site de Vascos
Cette approche préliminaire permet de (fig.  88). La comparaison des données de
souligner que parmi les verres d’Albalat composition d’Albalat avec celles d’analyses
analysés jusqu’à présent, aucun verre réalisées pour d’autres répertoires indique
de natron de tradition romaine n’a été que les verres du site ont été produits dans
identifié qui pourrait être daté d’avant le la péninsule, à en juger par leurs quantités
VIIIe siècle après J.C. Au contraire, tous les élevées de minéraux accessoires et de terres
échantillons analysés ont une composition rares. C’est ce qui les différencie des verres
correspondant à celle des verres islamiques fabriqués en Méditerranée orientale aux
postérieurs à cette date (fig. 87). Leur teneur mêmes dates (De Juan, Schibille, 2017). Nous
élevée en oxydes tels que le sodium ou le espérons présenter les résultats définitifs
potassium, contrairement aux verres à base des analyses réalisées et leur interprétation
de natron dont la teneur est beaucoup plus dans le courant de l’année 2019.
39
Fig. 87. Comparaison des verres romains de natron avec des verres islamiques de cendres
sodiques.

Fig. 88. Différences dans les proportions d’oxydes associés aux fondants végétaux dans
les verres d’Albalat.

40
ANALYSE DES ALLIAGES DE BASE CUIVRE

Carlo Bottaini

Fig. 89. Histogrammes des éléments majoritaires (Cu, Sn, Zn, Pb) des artefacts analysés.

Les artefacts à base de cuivre ne représentent allant jusqu'à environ 24% pour le premier
que 3% du vaste corpus métallique (3985 et environ 13% pour le second élément.
NMI inventoriés jusqu'à présent). Il s’agit, Ces données très préliminaires laissent
pour la plupart, d’objets de petite taille, qui entrevoir des compositions chimiques peu
vont d’éléments de harnachement et de normalisées et dépourvues de lien explicite
parure à des instruments liés à l’hygiène ou avec la typologie ou la fonction des artefacts.
encore aux luminaires (fig. 90). La tendance à des contenus bas et variables
Depuis cette année, une partie d’entre eux de Sn et Zn, ainsi que l'hétérogénéité des
a fait l’objet d’analyses par SEM-EDS et XRF alliages documentés suggèrent que le
afin de révéler les caractéristiques chimiques recyclage d’objets obsolètes devait être
de leurs alliages et microstructures. Les une pratique très courante parmi les
résultats mettent en évidence trois groupes métallurgistes locaux.
bien différenciés: des cuivres relativement
purs (Cu + 95%), des laitons (Cu + Zn) et des
bronzes (Cu + Zn). La présence d'impuretés,
principalement de Fe, As, Ag, Sb et Bi, est
récurrente. Parmi les éléments majoritaires
(fig.  89), la teneur en étain (Sn) est
généralement assez faible (inférieure à 6%).
Le zinc et le plomb apparaissent également
Fig. 90. Échantillon d’artefacts de base cuivre
avec des valeurs variables, avec des pics analysés.
41
ANALYSE BIOCHIMIQUE DU CONTENU D’UN MORTIER

(SECTEUR L4.2)

N. Garnier

Fig. 91. Vue de la cuve maçonnée et recouverte de mortier de chaux, avec sondage pratiqué dans son
fond pour documenter sa mise en place et prélever des échantillons.

Méthodologie l’extrait par chromatographie en phase


Un fragment de gazeuse couplée à la spectrométrie de
mortier (US5623, masse (GC-MS) permettant l’identification
fig. 91-92) a été des marqueurs solubles (marqueurs des
prélevé1 afin graisses, cires, huiles, résine, poix, gommes,
Fig. 92. Échantillon pré- de déterminer marqueurs de végétaux comme le chêne,
levé, avec deux couches son contenu par le bouleau et les matériaux fossiles, etc.) ;
bien différenciées.
analyse chimique méthode classique publiée dans Charters et
des imprégnations invisibles de ses parois al., 1995.
internes. - Une seconde extraction acido-catalysée du
Au laboratoire, le prélèvement (de 1 résidu déjà extrait, et l’analyse de cet extrait
043.2 mg) est extrait et analysé selon une par GC-MS donnant accès aux marqueurs
méthodologie en deux étapes développée au insolubles et/ou polymérisés (notamment
sein du laboratoire et comprenant : les marqueurs de fruits dont le raisin et
- Une première extraction et analyse de le vin, les huiles siccatives, les tannins
polymérisés, etc.) [Garnier, Valamoti, 2016].
1
Un autre échantillon est en cours d’analyse par Les deux étapes permettent d’identifier
Pablo Guerra García, pour déterminer la caracté-
risation macroscopique du mortier. la majorité des marqueurs organiques
42
conservés, de faible poids moléculaire associé à l’acide syringique (raisin noir) et
(analysables par CPG). Le couplage GC- aux marqueurs de fermentation alcoolique
MS permet d’identifier, un à un, chaque en faible quantité (acides succinique et
marqueur moléculaire conservé grâce fumarique).
à son spectre de masse. Les associations Interprétation – Le mortier a été imprégné
moléculaires reconnues permettent alors par différents matériaux biologiques,
de remonter aux sources biologiques, de principalement un corps gras d’animal non-
préciser l’état de conservation-dégradation ruminant avec peau, des corps gras végétaux
du matériau et d’obtenir des informations avec forte proportion de cires végétales
sur la chaîne opératoire des matériaux. La (feuilles, sommités florales, brindilles), de
méthode est adaptée à des micro-restes, la subérine (brindilles, rameaux, bois). On
de l’ordre du μg de matière organique trouve aussi une faible quantité de vin /
conservée et permet une identification vinaire de vin rouge. Aucune trace de résine
détaillée et sûre, que ne permettent pas ni de poix n’est détectée. Ces résultats
les analyses plus classiques dites spectrales suggèrent une activité liée au tannage,
comme la spectrométrie infrarouge par même si l’absence du principal agent (chêne)
exemple (Garnier, 2016). est pour le moins curieuse.

Résultats
Le premier extrait lipidique montre la
présence :
- d’acides gras pairs linéaires (14:0 18:0),
associés au cholestérol (origine animale),
dominant sur le sitostérol (origine végétale)
dans un rapport chol / sito 1.78. Ils
proviennent principalement de corps gras
d’animal non ruminant ;
- des alcanes impairs (C23 – C33) et des
alcools pairs (20-ol – 32-ol) dominés par le
26-ol, caractéristiques des cires végétales ;
- le squalène est assez abondant. Son
interprétation est délicate et controversée.
Cependant, associé aux matières grasses
animales, il peut indique un sébum, donc des
graisses sous-cutanées avec peau.
La seconde extraction montre (fig. 3) :
- les acides gras pairs 16:0 – 18:0 des corps
gras animaux et végétaux, et à plus longue
chaîne (20:0 – 32:0) des cires végétales ;
- des 2-hydroxy acides à longue chaîne, Fig. 3. Chromatogramme du 2nd extrait organique
provenant de subérine ; obtenu par catalyse acide à partir des imprégna-
tions des parois internes du mortier US 5326,
- les acides tartrique et malique (raisin) triméthylsilylé (colonne ZB5-MSi, détecteur
DSQII mode EI 70 eV).
43
LES RESTES FAUNIQUES DU SECTEUR L4.2 : 1ère APPROCHE
J. A. Garrido García

Caractéristiques de l’échantillon généraux de paléobiologie appliquée à


Au total, 289 restes d’animaux ont été l’archéologie (Chaix & Méniel, 1996, 2001 ;
analysés, provenant d’une structure Horard-Herbin & Vigne, 2005).
interprétée comme une petite cuve de
tannage du cuir, située dans le patio L4 de Résultats
l’ensemble C-11. Au total, il a été possible de déterminer
Les vestiges ont été recueillis manuellement 79 restes (27,34 %) avec plus ou moins de
lors de la campagne de fouilles 2017. Ils ont précision. À l’exception d’un fragment de
été livrés dans des sacs séparés par unités coquille d’escargot (Cornu aspersa) et de
stratigraphiques (US 5584, 5587 et 5589). 10 côtes et rayons de nageoires osseuses
de poissons, presque tous les restes
Méthodologie proviennent de mammifères. Des restes de
Une première classification des restes a lapins (Oryctolagus cuniculus), d’ânes (Equus
été effectuée pour discriminer ceux qui ne asinus) (fig.  1), de chevaux (Equus caballus)
présentaient pas d’éléments morphologiques (fig.  1), de bovins (Bos taurus), de moutons
permettant de les identifier. Dans la mesure (Ovis aries), de chèvres (Capra hircus) et de
du possible, un nettoyage à sec et un porcs/sanglier (Sus scrofa) (fig.  2) ont été
brossage ont été effectués préalablement à obtenus. Les restes d’ongulés constituent la
l’étude des caractéristiques morphologiques majeure partie de l’échantillon et, compte
et biométriques de l’échantillon. Pour cela, tenu de la présence de marques d’outils et
on a utilisé un pied à coulisse avec une de découpe sur bon nombre de ces restes
résolution de 0,1 mm. (fig. 93), ils doivent être interprétés comme
La détermination a été faite en se basant des déchets de consommation.
sur la bibliographie de référence spécialisée
(Pales & Lambert, 1971 a et b ; Pales & Les restes identifiés ne s’écartent pas, a
García, 1981 a et b ; Gallego et al., 1992 priori, de ce qui a été observé dans le reste
; Wilkens, 2002 ; Ruíz Ruíz et al., 2006 ; du site, où de nombreux restes équins ont
Zeder & Pilaar, 2010 ; Zeder & Lapham, également été trouvés (Garrido-García,
2010) et la collection privée de l’auteur. 2017). La seule exception est la présence
Pour chaque pièce, les indices d’utilisation de suidé (13,92 %) qui, à en juger par les
anthropique (calcination/carbonisation grandes différences d’usure observées sur
par le feu, stigmates de débitage ou de les dents, doivent correspondre à plusieurs
découpe, signes de consommation animale spécimens (fig. 94). Une telle concentration
ou de transformation à des fins non est inédite sur le site où, jusqu’à présent, les
alimentaires) ont également été analysées. suidés n’occupaient que 0,18 % sur un total
Leur identification se base sur des manuels de 19641 restes identifiés.
44
Enfin, l’absence de tout indice lié au
processus de tannage du cuir, tels que des
modifications de couleur ou une corrosion
marquée, montre que le dépôt est postérieur
à l’abandon de cette activité.

Fig. 93. Exemples de restes équins issus de Fig. 94. Quelques restes de suidé (porc/sanglier)
l’échantillon analysé : a) Humérus (ALB44246) et : a) Fragment mandibulaire (ALB44254) ; b)
radius + ulna (ALB44247) de cheval ; b) Extrémité Extrémité proximale de scapula (gauche,
proximale de scapula de cheval (ALB44248) ; c ) ALB44257) et zone articulaire de pelvis (droite,
Mandibule presque complète d’âne (ALB44489) ALB44260) ; c) Fragment médian de scapula avec
des traces de dépeçage (ALB44436)

45
ÉTUDES CARPOLOGIQUES
J. Ros

Fig. 95. Flottation de sédiments des fouilles 2018

Ce rapport rend compte de la poursuite de dans la représentativité des assemblages


l’étude archéobotanique en 2018. carpologiques susceptibles d’être conservés
(Gailland et al. 1985 ; Marinval et Ruas
Matériel et méthode 1985 ; Marinval 1986, 1999). En raison de la
Traitement des prélèvements nature du site et par soucis d’économie des
Au total, 85 échantillons, issus des réserves en eau, le tamisage a été réalisé à
campagnes 2016 et 2017 et correspondant l’aide d’une machine à flottation fabriquée
à 33 unités stratigraphiques ont été tamisés durant la campagne 2014, fonctionnant à
durant la campagne 2017 : 3 proviennent du l’aide d’une pompe électrique domestique.
sondeo 1, 44 du sondeo 3 et 38 du sondeo Un seul contexte a été tamisé manuellement
4. Les prélèvements se sont appuyés sur sous eau sans flottation. Au total, 478,9 litres
la présence de charbons de bois ou de de sédiment brut ont été tamisés durant la
concentrations cendreuses visibles au campagne 2017. Tous les refus de tamis ont
moment des dégagements. Afin de tester les par la suite été mis à sécher à l’ombre puis
différentes structures, des échantillonnages conditionnés.
aléatoires ont également été réalisés. Le
protocole d’extraction des restes a consisté Tri, extraction et identification des restes
en un tamisage du sédiment à l’eau par carpologiques
flottation, méthode qui permet de repérer Le tri s’est concentré sur 53 échantillons : 15
charbons et semences de taille et de provenant du sondeo 1 et 38 du sondeo 3. Il a
forme très diverses et de limiter les biais été réalisé sous loupe stéréoscopique Nikon
46
SMZ645, aux grossissements x6.5 à x10. Les Céréales
observations et identifications des vestiges Il s’agit de la troisième catégorie végétale
carpologiques nécessitant une comparaison du site, comptant 39 restes, soit 13% du total
anatomique, ce volet a été réalisé dans les de restes. On enregistre la présence de blé
locaux de l’UMR5554 (ISEM, Montpellier), nu (Triticum aestivum/turgidum), l’orge vêtue
en recourant à la collection de référence (Hordeum vulgare), le seigle (Secale cereale)
de semences fraîches et archéologiques et une avoine (Avena sp.). Ces céréales sont
ainsi qu’aux atlas de semences, aux flores enregistrées par des caryopses, entiers ou
et aux publications suivants : Cappers et al. fragmentés (35 restes), accompagnés de 4
2006 ; Jacomet 2006 ; Lambinon et al. 1992 et éléments de vannes (articles de rachis).
Rameau et al. 2008. La nomenclature latine La première céréale en termes de quantités
et française des taxons se réfère à celle de est le blé nu au sens large avec 11 caryopses,
l’Inventaire National du Patrimoine Naturel 4 fragments et un article de rachis. Un
(http://inpn.mnhn.fr/isb/index.jsp). fragment, douteux, a été classé comme
seigle/blé (Secale/Triticum). L’orge vêtue a
Résultats été reconnu par 2 caryopses et un fragment,
Sur les 53 échantillons triés, 11 n’ont livré et le seigle par 2 caryopses et 2 articles de
aucun carporeste. Les 42 échantillons ayant rachis. Un caryopse, trop dégradé, n’a pu
livré des carporestes proviennent du sondeo être attribué formellement à une orge vêtue
1 (5 échantillons ont été triés intégralement, L’avoine (Avena sp.) est identifiée par un
5 simplement sondés) et 32 du sondeo 3 (20 fragment, qui ne permet pas de déterminer
triés intégralement, 12 sondés). s’il s’agit d’une avoine cultivée (Avena sativa)
ou sauvage (Avena fatua, A. sterilis, A. strigosa).
Conservation du matériel carpologique Enfin, 12 caryopses et fragments,
Les 25 échantillons étudiés intégralement extrêmement abîmés (sillons disparus,
ont livré un total de 295 carporestes, dont disparition du tégument externe), n’ont pu
290 ont pu être identifiés. Les carporestes être déterminés avec précision ; ils ont donc
collectés ont été conservés par carbonisation été enregistrés comme Cerealia.
et par minéralisation (Green 1979 ; Preiss
2011 ; Ruas 1986, 1995 ; Marinval 1999 : 108- Fruits
109). Dans ce dernier cas, il s’agit d’un mode Les fruitiers forment la première catégorie
de préservation très sélectif, la qualité de la végétale du site, avec 168 restes (58% du
conservation dépendant alors de la nature total de restes) répartis en 8 taxons : le
des semences et de la composition des tissus. figuier (Ficus carica), l’olivier (Olea europaea),
le chêne (Quercus sp.), la vigne (Vitis vinifera),
Les plantes attestées le fraisier des bois (Fragaria vesca), le
Le spectre floristique général se compose châtaignier (Castanea sativa), un pommier/
d’un total de 33 taxons dont 9 sont identifiés poirier (Malus/Pyrus) et un cerisier
au rang de l’espèce. La palette végétale indéterminé (Prunus avium/cerasus).
comprend 4 céréales, 8 fruitiers et 16 plantes Si le figuier est le fruitier le plus fréquent (10
sauvages dont 2 identifiées à l’espèce. UE sur 28), c’est le chêne et l’olivier qui sont
les plus abondants, sous la forme de fruits
47
(glands, noyaux) entiers ou fragmentés. C’est Au total, 10 échantillons provenant de 8
d’ailleurs leur fragmentation importante qui US ont été étudiés, intégralement ou par
tend à surévaluer l’importance numérique sondage.
de ces deux taxons. Les autres taxons, Secteurs N1 et Q3
plus discrets, sont enregistrés par des La plupart des échantillons provenant
quantités moindres de restes (< 10 restes) de ces secteurs ont livré des quantités
dans un nombre limité de contextes (1 à peu importantes de restes (1 à 5 par
3). On remarquera que certains des taxons échantillon), rendant impossible d’en tirer
enregistrés (fraisier, pommier/poirier, une information qualitative ou quantitative
cerisier indéterminé) n’apparaissent que optimale. Ils se composent de restes de
sous forme minéralisée. céréales (grains et rachis) et de plantes
sauvages. Seul un échantillon de l’US2734
Plantes sauvages (secteur Q3) a livré plus de restes (NR=70),
Avec 83 restes, les plantes sauvages forment composés essentiellement de semences
la deuxième catégorie de plantes du site d’une oseille qui n’a pu être déterminée au-
(29% du total des restes), représentée par delà du genre.
16 taxons dont 2 identifiés à l’espèce. Ces Les carporestes identifiés, probablement
restes sont insuffisamment bien conservés, issus de rejets secondaires, peuvent avoir
empêchant ainsi souvent une identification des origines diverses : résidus alimentaires,
au niveau du genre, voire au rang de l’espèce. sous-produit de traitement des récoltes de
Les 2 taxons identifiés à l’espèce sont le céréales ou encore résidus de nettoyage de
chénopode blanc (Chenopodium album) et sols.
la ravenelle (Raphanus raphanistrum). Les
14 taxons restants ne sont pas identifiés Sondage3
avec précision au-delà du genre, voire de 32 échantillons provenant de 19 US ont
la famille. On enregistre une amaranthacée été étudiés, intégralement ou par sondage.
(Amaranthaceae), une anthémis (Anthemis Secteurs B, B (3-4), B4, B6, D3, F, P et R
sp.), une euphorbiacée (Euphorbiaceae), la Les échantillons provenant de ces secteurs
jusquiame blanche/noire (Hyoscyamus alba/ ont livré une quantité peu importante
niger), une légumineuse sauvage (Fabaceae), de restes (<10 par échantillon). Ces
de la luzerne (Medicago sp.) dont les échantillons appartiennent à des restes de
semences sont préservées par carbonisation céréales (blé nu, orge vêtue, seigle), de fruits
et minéralisation, de la mauve (Malva sp.), (châtaigne, figue, olive, glands de chêne) et
de l’alpiste (Phalaris sp.), un type plantain de plantes sauvages. Seuls deux échantillons
(Plantago type), des graminées sauvages se démarquent par une quantité plus
(Poaceae), une possible oseille sauvage (cf. importante de restes : US5392 (secteur F),
Rumex), un possible scirpe (cf. Schoenoplectus) avec 46 restes, et 5397 (secteur P), avec 91
et un silène (Silene sp.). restes ; il s’agit toutefois d’un biais lié à la
fragmentation importante des vestiges
Interprétations des assemblages d’olives et de glands de chêne qui tend à
carpologiques par sondage surévaluer leur importance numérique.
Sondage 1 Les carporestes identifiés, probablement
48
issus de rejets secondaires, sont en nuancer certaines premières impressions
quantités insuffisantes pour permettre une obtenus lors des précédentes études,
interprétation fiable. notamment quant à la fréquence de
certains taxons ; il semble ainsi que le blé
Secteur L2 nu soit, dans les derniers niveaux étudiés,
Un total de 7 échantillons provenant de 3 plus fréquent que l’orge vêtue ou le seigle,
US a été étudié pour ce secteur (US 5401, jusque-là considérées comme les premières
5402 et 5403). L’étude de ce contexte en céréales du site. Il reste à déterminer si
est encore à un stade préliminaire, car les cette évolution des résultats découle d’une
échantillons ont simplement fait l’objet d’un éventuelle répartition préférentielle de
premier sondage. Les assemblages observés certains taxons par espace de vie du site
se composent principalement de restes (investissement plus important en 2017
de fruits (figue, fraise, cerise, pomme/ dans l’étude des échantillons du sondage 3),
poire, vigne) conservés par minéralisation, ou de la simple augmentation du corpus, qui
accompagnés de rares grains de céréales modifie les rapports de fréquence entre les
(blé nu, orge vêtue) carbonisés. On note différents taxons. Seule une étude exhaustive
également la présence de restes non permettra d’asseoir les fréquences réelles
carpologiques, notamment des pupes de de chaque taxon par espace. Les fruitiers
mouche. montrent, quant à eux, une fréquence
Ces types de restes et de taxons ainsi que cohérente avec les précédents résultats,
l’état de fossilisation des restes végétaux, figuier, olivier, chêne et vigne arrivant en
rend possible d’identifier la nature des tête des mentions. On notera cette année
déchets enregistrés. Les carporestes extraits l’absence de légumineuses cultivées et de
renvoient ainsi à deux catégories de déchets. lin dans les échantillons étudiés. Enfin, on
- Des déchets d’origines probablement fécale, soulignera également la découverte dans
constitués de semences ayant transité dans l’espace L2 du sondage 3 une structure en
l’organisme sans être digérées (semences de creux dont le comblement a livré des restes
figues, fraises, etc.) carpologiques ainsi que des pupes d’insectes
- Des reliefs de repas et/ou déchets culinaires minéralisés, signalant son probable usage
(céréales carbonisées) comme latrine. Cette découverte se révèle
L’utilisation de la structure comme latrine particulièrement intéressante, puisqu’elle
est donc fortement suggérée par l’analyse permettra de réaliser des comparaisons
carpologique. avec celle de C-1, et de révéler d’éventuelles
similitudes ou différences dans les espèces
Conclusion et perspectives végétales consommées entre ces deux
La poursuite de l’étude carpologique édifices.
a permis d’enrichir les données sur le
spectre agro-alimentaire exploité à Albalat
; la fraise, dont la mention serait une des
premières en péninsule Ibérique médiévale
(Peña-Chocarro et al. 2018). Les résultats
présentés ici permettent également de
49
DÉCOUVERTES NUMISMATIQUES

W. Jablonska & A. Canto

Fig. 96. Occultation de 8 dinars almoravides en C-1 (campagne 2011)

Les nouvelles découvertes monétaires la partie consacrée au vaisselier de cette


sont en train de mettre en évidence un même pièce). L’assemblage qu’elles forment
phénomène jusqu’alors peu attesté pour la n’en est pas moins curieux : l’une date
1ère moitié du XIIe siècle : celui du maintien du IVe s et l’autre du XIe s...dans une pièce
en circulation de monnaies antérieures, occupée - et brusquement abandonnée -
tardo-antiques et surtout d’époque taifa (XIe au milieu du XIIe s. En ce sens, elles
s.), sans doute pour compléter le système apportent un témoignage très intéressant
bimétallique (or-argent) alors en vigueur, sur la complexité de la manipulation et de
soit parce qu’il était peu accessible ou l’interprétation des données numismatiques
inadapté aux transactions quotidiennes. en archéologie.
Trois monnaies récoltées lors de campagnes Une partie des autres monnaies trouvées
précédentes (2016, 2017) illustrent bien au cours de la campagne 2018 (en cours
cette pratique. Les deux premières (M3586 d’étude à l’université Autonome de Madrid)
et M3584) proviennent de la cuisine de semblent confirmer cette tendance. Mais
l’édifice C-12bis, dont on ne connaît que un dirham taifa avec deux perforations
partiellement l’organisation. Posées sur les apparu dans le niveau de préparation d’une
deux banquettes qui encadrent le foyer, des rues, offre quant à lui un terminus solide
elles appartiennent au niveau d’occupation, (datation la plus récente) pour situer la mise
bien scellé par un incendie très violent qui a en place de la trame urbaine.
50 provoqué l’effondrement de la toiture (voir
la pièce précédente. Il s’agit d’un spécimen
• Bronze AE3 Constantin II (337-340 ap. J.- curieux, car le type de Prieto, nº. 148, décrit
C). ALb17/S3-B3/UE 5573/M 3584 une fraction de dinar alors que cette monnaie
correspond à un bronze doré d’époque. Elle
fait partie d’un ensemble de contrefaçons
officielles, très réduit et encore mal connu à
l’heure actuelle. Elle semble bien émise par
l’atelier officiel qui frappait des flancs de
cuivre avant de les dorer. Cette technique
Fig. 97. A.- Tête voilée de Constantin de perfil à
droite. est attestée, pour l’époque taifa, au sein de
R.- Quadrige au galop à droite mené par différentes dynasties et s’appliquant tant
Constantin, couronné par une main céleste. En aux fractions de dinar qu’aux dirham-s
exergue SMKA.

Atelier Siscia 1,25/16 (RIC VIII, 19). • Fragment de dirham de Yaḥyà al-Qādir
Cette monnaie, attribuée à l’empereur (1075-1090). Alb16/S3-B6/ UE 5469
Constantin, a été trouvée posée sur la
banquette septentrionale de la cuisine
(secteur B8) de l’ensemble C-12bis. Elle
présente un état de conservation médiocre
en raison de son usure (indice d’une
longue circulation). Elle est un exemple
de l’utilisation des bronzes tardo-romains
à l’époque médiévale. La dernière lettre Fig. 99. A.- Fragment de dirham de la taifa de
Tolède
(Alfa) de la légende de frappe, située dans
l’exergue, spécifie qu’il s’agit de la 1ère -M3506
officine de l’atelier. Madīnat Tulaytulā [468H]
0,95/12x8 (Prieto y Vives tipo 343a)
• Fragment de dirham de ‘Abd al-‘Azīz Cette monnaie de billon (vellón), attribuée
(1021-1061). Alb17/S3-B8/UE 5578/ au dernier souverain de la dynastie des Banū
M3586 Ḏī-l-Nūn de Tolède, provient d’un espace
Sans lieu de frappe, ni date. interprété comme une étable. Son état de
fragmentaire n’a pas permis de réaliser
son catalogage précis, mais la distribution
du champ épigraphique, son aspect et la
mention d’al-Qādir sur le revers, autorisent
à la mettre en parallèle avec une monnaie
Fig. 98. A.- Fragment de dirham de la taifa de
Valence citée par A. Prieto y Vives tipo 343a et datée
de l’an 468 H/1075-1076 ap. J.-C.
0,35/9 (Prieto y Vives 148var).
Cette monnaie1 de la dynastie taifa ‘amiride
de Valence, provient du même contexte que

1
Une analyse métallographique est en cours. 51
LES MARQUES GLYPTOGRAPHIQUES:

QUESTIONNEMENTS ET PREMIERS RESULTATS


L. Buttard

Fig. 100. A.- Relevé des marques incisées sur une dalle du patio Q de la maison C-6.

Depuis 2009, diverses marques ont été puisqu’un grand nombre d’entre elles sont
observées sur les dalles utilisées pour paver peu marquées, voire effacées ou illisibles,
certains sols des espaces bâtis à Albalat. Ces et se confondent parfois à des intrusions
marques glyptographiques, définies à la fois postérieures (traits dus à la fouille) même si
par leur technique de réalisation (incision celles-ci sont relativement peu nombreuses.
ou percussion) et leur support (lithique, en En effet, Albalat est caractérisé par cet
schiste et micaschiste) parsèment les sols enchaînement stratigraphique de niveaux
dallés de la dernière phase d’occupation d’effondrement qui scellent les niveaux
du site. Dans le cadre de notre mémoire d’occupation et condamnent l’accès aux
réalisé depuis septembre 2017 à l’Université sols dallés. De fait, elles n’ont alors subi
Lumière Lyon 2 - Master Mondes médiévaux, aucune intrusion extérieure qui ne soit
nous nous sommes saisie de cette source postérieure au XIIe siècle de notre ère.
documentaire afin de proposer un protocole Ainsi, les 144 dalles qui ont déjà pu être
de relevés et d’études, encore peu développé inventoriées comptabilisent plus de 1000
et établi dans cette discipline. Il s’agit de marques différentes. Diverses thématiques
créer un inventaire et un catalogue complet graphiques y figurent (fig. 101-102) :
des marques d’Albalat. La réalisation plateaux de jeu (mérelle ou jeu du moulin,
de cette étude n’est pas sans difficulté morpion, damier, jeu du soldat), motifs
52
Plusieurs dalles inscrites avaient été
identifiées lors des premières années de
fouilles mais n’avaient été que partiellement
documentées faute de protocole ; il a donc
été nécessaire de reprendre l’ensemble.
Nous nous sommes intéressée aux espaces
accessibles déjà fouillés et à ceux en cours de
fouilles. Dans un premier temps, comment
documenter ces marques ? Si certaines
ont une profondeur et une largeur de plus
Fig. 101. Plateau de jeu de type mérelle de 9,
Dalle D31 du secteur B4, C-11 (Photo : L. B.) d’un millimètre, d’autres sont presque
illisibles. Nous souhaitons ainsi proposer
une méthode de relevé combinant plusieurs
techniques de photographie, dessin et
moulage des dalles. Une fois cette première
phase de documentation achevée, nous
nous intéressons à la facture de ces marques
et à leur chronologie relative. Quel type
d’incisions y-a-t-il ? Dans quel sens incise-t-
on un plateau de jeu ? Quels types de motifs
se superposent ? Ces notions de chronologie
relative ne seront développées que pour
Fig. 102. Détail de la dalle D58 : plateau de jeu
(mérelle de 9) et motifs géométriques (Photo : quelques exemplaires de dalles. Il s’agit aussi
L. B.) d’envisager la répartition spatiale de ces
quadrangulaires, idéogrammes (étoiles à dalles grâce à un S.I.G : dans quels espaces les
cinq ou six branches), inscriptions arabes, trace-t-on ? Y a-t-il des espaces privilégiés
motifs ramiformes (en « épi de blé »), traits ? Enfin, nous souhaitons, à terme, proposer
parallèles de type comptes économiques1. une étude thématique de chaque type de
Nous intégrons également dans notre étude marque, notamment en ce qui concerne les
les pièces d’échecs en os et les fiches de jeu plateaux de jeux, afin de les réinsérer dans
en pierre et en terre cuite puisqu’ils sont une réflexion plus large autour des jeux de
liés à la pratique des jeux. Il s’agit désormais société en al-Andalus.
de présenter les enjeux et questionnements
liés à ces marques, avant d’en aborder les Méthodes
premiers résultats. Les dalles, à l’inverse du mobilier
archéologique, sont uniquement accessibles
Questionnements lors des campagnes de fouilles, ce qui
contraint nettement leur documentation
1
Notons qu’il n’existe pas une typologie de réfé- tant en raison de cette limite temporelle
rence des marques glyptographiques. Nous nous que des conditions météorologiques. Or, ces
appuyons donc tout particulièrement sur les tra-
vaux du CIRG, mais aussi ceux de H.J.R. Murray objets mériteraient des analyses souvent
(1952), de C. Navarro Poveda (1993), de J. Passi-
ni et R. izquierdo benito (2012) et de J.A. Souto plus poussées, uniquement possibles en
(1989). 53
Fig. 103. Moulage de la dalle D60 (S1-Secteur
Q-Q2, C-6), application de couches de silicone (L.
Buttard)

laboratoire (analyses microscopiques et


tracéologiques des traits avec une DinoLight,
études des stries et sections au Microscope
Electronique à Balayage). Par défaut, nous
avons appliqué le protocole établi au cours
de notre première année de Master. Après le
nettoyage des dalles, nous procédons à leur
inventaire, que nous associons à une série
de photographies et macrophotographies
de chaque dalle et de leurs motifs. Puis
nous effectuons des dessins sur papier
calque à l’échelle 1:1. Cette documentation
est complétée par des relevés spécifiques,
uniquement testés sur un échantillon
de 1 à 5 dalles. Ainsi, grâce à l’équipe de
restauration présente sur le chantier, trois Fig. 104-105. : Vue verticale et dessin de la dalle
moules de dalles et quatre reproductions en D60 (Photo, relevé et DAO : L. Buttard)

positif ont été réalisées par Alba Gonzalez


Gil, Alberto Llamas Herrero et Xoan Moreno
Paredes. Deux dalles ont été reproduites en
plâtre, tandis que la troisième a fait l’objet
de deux reproductions : l’une en plâtre,
l’autre en résine proxy (Fig. 103).
Nous avons également effectué trois études
tracéologiques à l’aide d’une DinoLight
x400 qui a permis de mettre en évidence
différentes superpositions de motifs et de Fig. 106. Détail de la dalle D60, étoile à six
branches (Photo : L. B.)
déterminer leur sens de traçage.
Plusieurs limites entravent toutefois notre vestiges exhumés n’a pas pu être documenté
étude. D’abord, rappelons que la totalité des puisqu’une partie était couverte de bâches
54
et donc non accessible. D’autre part, les Le diagramme ci-dessous montre que 86%
conditions lumineuses et météorologiques des dalles inscrites proviennent de patios:
jouent souvent en notre défaveur puisque
seule une lumière rasante permet de rendre
visible certaines incisions, notamment
celles des damiers qui sont très peu
marquées. Enfin, nous n’avons pas encore
pu distinguer très clairement la différence
entre un trait de truelle dû à la fouille et les
marques d’origine, même si les premières
ont un aspect plus « blanchâtre ». Cela
Fig. 107. Pourcentage des dalles par type de
nécessiterait des moyens technologiques secteurs
que nous n’avons pas (emploi du MEB).
Rappelons enfin qu’il n’existe que peu Ces premiers résultats devront être étayés
d’études de références. Il n’existe pas, à par des cartes de répartition spatiale,
notre connaissance, d’ouvrages de synthèse en fonction des dalles et en fonction des
dans notre discipline. Nous nous fondons catégories de motifs. Nous pouvons déjà
donc principalement sur les travaux de souligner une prédominance numérique et
J.I. Barrera Maturana , le site d’Alcoutim qualitative des plateaux de jeux, presque
au Portugal et les études menées par le aussi nombreux que sur le site d’Alcoutim
C.I.R.G. pour ce travail de documentation et (Portugal). 41 plateaux de types variés
d’analyse. (mérelles de 9 et de 12, morpion, jeu du
soldat et damiers) sont situés dans les patios
Premiers résultats mais aussi reemployés dans des assises de
Au cours des interventions de 2017 et 2018, murs.
144 dalles ont été inventoriées et plus de 23 Le corpus des marques glyptographiques
types de motifs différents ont été identifiés d’Albalat, riche et en grande partie inédit,
dans les bâtiments C-1, C-6, C-2, C-11 et C-12 est une spécificité du site. Il constitue une
bis ainsi que dans l’ensemble du sondage 4. collection idéale pour l’élaboration d’une
Toutes les dalles ont été photographiées, méthodologie d’étude de ces éléments de
69 ont été relevées et 6 ont fait l’objet de plus en plus fréquemment recensés en al-
moulages. Quatre d’entre elles vont être Andalus, mais aussi dans les territoires
étudiées à la DinoLight lors de l’année 2018– chrétiens de l’Europe occidentale, et encore
2019, telle que la dalle D60 (secteur Q-Q2, trop méconnus.
ensemble C-6, sondage 1) sera étudiée selon
ces méthodes (Fig. 4, 5, 6).
Nous pouvons déjà souligner une répartition
spécifique des dalles selon les types
d’espaces. 23 secteurs comportent au moins
une dalle avec une marque, qu’elle soit
identifiée ou non, et parmi ces secteurs, les
patios semblent être des espaces privilégiés.
55
CONSERVATION ET RESTAURATION

Fig. 108. Vue partielle de la maison C-6, objet des interventions de consolidations de la campagne 2018.

conservation des restes construits respecte


les critères de base que sont la réversibilité
des interventions, la compatibilité des
matériaux employés ainsi que l’identification
des ajouts modernes. De façon plus concrète,
des portions de géotextiles ont été posées
sur l’arase des murs et ont ensuite été
recouvertes par deux nouvelles assises de
pierres, liées au mortier de terre (fig. 110-
Fig. 109. Plan la maison C-6. 112).

Les actions de consolidation des vestiges


in situ ont fait intervenir cette année des
étudiants en restauration des ESCRBC1 de
Madrid, Avila et Pontevedra, dans le cadre
de stages pratiques sous la supervision
d’un restaurateur expérimenté (X. Moreno
Paredes). Elles ont permis d’achever
la première phase de restauration du
bâtiment C-6 (fig. 108-109). Le protocole de
Fig. 110. Tamisage de déblais de fouille pour la
1
Escuela Superior de Conservación y Restaura- préparation d’un mortier de terre.
56 ción de Bienes Culturales.
a pointé un problème lié à une structure
très spécifique, qui n’a pas de parallèle dans
le site. Il s’agit d’une banquette en terre et
pierres dont la façade est ornée par deux
saillants encadrant deux petites colonnettes
(quasiment disparues). Un enduit de chaux,
partiellement préservé, recouvrait cette
installation, très fragile dès l’origine compte
tenu des matériaux utilisés. Il a été décidé,
Fig. 111. Murs recouverts de bandes de géotex- avec l’accord des autorités compétentes,
tile, en attente de la pose de nouvelles assises. de procéder à son extraction en vue de sa
En arrière, trois étudiantes en restauration sont
en train de consolider la façade de la banquette restauration. Celle-ci sera effectuée par A.
avant son extraction.
González Gil (ESCRBC de Pontevedra) dans le
cadre de son travail de fin d’étude (fig 113).
Cet élément sera ensuite déposé dans les
réserves du Musée de Cáceres jusqu’à ce que
la pièce d’où elle provient soit en condition
de la recevoir. Le démontage partiel de
cette banquette a également permis de
documenter un état antérieur, dans lequel
les colonnettes étaient au nombre de quatre,
avant que celles des extrémités ne soient
Fig. 112. Tamisage de déblais de fouille pour la intégrées dans les saillants en terre (fig. 114).
préparation d’un mortier de terre.
Le moindre coût de cette méthode n’est pas
son seul avantage : ses relatives simplicité et
rapidité laissent envisager son application
à l’ensemble des édifices mis au jour. Elle
offre une protection durable aux vestiges
archéologiques, tout en améliorant leur
lisibilité, et peut être renouvelée à loisir en
cas de dégradation. Ces interventions ont
également été l’occasion d’effectuer des Fig. 113. Préparation avant l’extraction : de la
mousse de polyuréthane est utilisée comme ren-
vérifications sur les raccords ou la continuité fort.
de certains murs (les fouilles tendant à
privilégier leur conservation au détriment
de certaines informations), et d’achever
la fouille d’un petit espace localisé dans
un coin du vestibule d’entrée. Des latrines
remaniées ont ainsi pu être découvertes. On
envisage de chercher le puisard associé, côté
rue, lors d’une campagne future.
Par ailleurs, cette campagne de restauration Fig. 114. Détail du saillant S partiellement dé-
monté avec apparition de la base d’une colon-
nette. 57
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