Droit de La Famille - Cours 2021 - FINAL

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LICENCE 1 – UPA

DROIT DE LA FAMILLE
Laure MONTILLET – de SAINT-PERN

2020- 2021

INTRODUCTION

Qu’est-ce que la famille ? La famille. C’est une notion dont chacun connaît
intuitivement le contenu. Un père, une mère, des enfants. Deux pères, des
enfants. Deux mères, des enfants. Un seul parent, des enfants.
Ou encore une famille recomposée.
Des parents mariés, pacsés, ou en concubinage.
La famille présente aujourd’hui des formes multiples. Mais tout le monde
en a une, au moins ascendante. Des parents, des ascendants, des frères et
sœurs.

La famille est un ensemble de liens entre les personnes. Des liens


verticaux : parenté, filiation mais aussi des liens horizontaux : mariage,
collatéraux (frères, sœurs, cousins).
Des liens de sang (filiation, frères/sœurs) mais aussi des liens juridiques
(mariage, pacs, adoption) ou encore des liens de fait (concubinage,
familles recomposées sans mariage entre les parent/beau-parent).

.
1
La famille est riche de situations et de liens. Et le droit de la famille est là
pour encadrer ces situations.

Pour autant, il n’y a pas de véritable définition juridique de la « famille ».


Mais on peut en poser une première définition : « un groupe de personnes
reliées entre elles par des liens fondés sur l’alliance et/ou la parenté1 ».

Dans une conception traditionnelle, la famille repose donc sur un lien


juridique horizontal : le mariage et sur un lien vertical : la filiation.
Mais d’autres liens se sont développés : des liens conjugaux : Pacs et
concubinage par exemple. En revanche, il n’y a pas d’autre lien vertical
que la filiation.
Il peut y avoir des droits et devoirs d’un beau-parent à l’égard d’un bel-
enfant grâce à une délégation d’autorité parentale. Mais il s’agit
uniquement d’un pouvoir de décision dans la vie de l’enfant, mais qui
n’équivaut pas à un lien de filiation.

Dès lors, en droit, le lien familial peut être d’une double nature : il peut
résulter soit du mariage ou du pacs, soit de la filiation.
Le lien créé par le mariage est un lien d’alliance. Le lien de filiation est,
quant à lui, un lien de parenté. Nous reviendrons sur ces notions
ultérieurement.

1 B. BEIGNIER et J.-R. BINET, Droit des personnes et de la famille, LGDJ, coll. Cours, 4e éd, 2019, p. 366, n°635
.
2
Ainsi, le droit régit les liens de famille. Mais de quel type de règles s’agit-
il ?
Parce que nous sommes dans un pays de tradition civiliste – par opposition
aux pays de tradition de Common Law – les règles régissant le droit de la
famille figurent dans des textes de lois.
Tout particulièrement dans le Code civil mais aussi dans le Code de
l’Action Sociale et des Familles (CASF) par exemple ou encore dans le
Code de la Santé Publique (CSP), s’agissant des règles relatives à la
procréation médicalement assistée.

Le droit de la famille régit les liens entre les personnes mais également la
gestion des biens au sein de la famille, autrement dit au patrimoine de la
famille. C’est ce qu’on appelle : le droit patrimonial de la famille.

Le droit patrimonial de la famille recouvre principalement :


- le droit des régimes matrimoniaux – c’est-à-dire le droit des contrats de
mariage – mais également la gestion des biens au sein du couple pacsé, ou
encore des couples de concubins
- le droit des successions, qui vise à organiser la transmission des biens au
sein d’une famille, dans la lignée ascendante (parent/enfant) mais
également collatérale (frère/sœur, oncle/neveu, cousins).

Par conséquent, le droit extra-patrimonial de la famille recouvre la


création et la dissolution des liens familiaux : mariage, pacs, concubinage,
divorce, séparation, filiation, adoption…

.
3
C’est cette partie du droit de la famille, le droit extra-patrimonial, qui fera
l’objet de ce cours. Le droit des régimes matrimoniaux et des successions
sera étudié en M1.
Mais, parce que les deux matières sont liées, il y aura parfois des aspects
de droit patrimonial de la famille qui seront abordés. Cela permettra de
comprendre la globalité de la discipline.

Droit extra-patrimonial ou droit patrimonial, le droit de la famille concerne


avant tout les gens. C’est un droit des gens. C’est notre droit, votre droit.
Celui qui nous établit, nous situe dans un groupe.
C’est un droit de la vie, de la mort, de l’union, de la désunion. Un droit de
l’amour et de la séparation.
Un droit du choix et de la liberté : de s’unir ou non, de procréer ou non, de
se déclarer comme parent, de faire une action en recherche de paternité ou
de maternité…

C’est un droit vivant et en perpétuelle évolution, sans cesse réformé afin


de coller à l’évolution de la société. Et pourtant, est-ce sa fonction ?
Autrement dit, le droit est-il là pour fixer un cadre préalable à la famille ?
Ou bien doit-il s’adapter à la société ? Doit-il absorber les changements
sociaux ? N’est-il qu’une chambre d’enregistrement, comme le disait le
doyen Carbonnier ?
Il s’agit là d’une véritable question de philosophie du droit que nous ne
résoudrons pas durant ce cours. Mais il faut avoir ces questions à l’esprit
tout au long du semestre.

.
4
Enfin, avant d’aborder l’introduction de ce cours, quelques chiffres
concernant la famille.

D’après le dernier rapport de l’INSEE2, publié le 19 janvier 2021, il y a eu


en 2020 :
- 148 000 mariages (75 000 de moins qu’en 2019)
Parmi ceux-là : 144 000 mariages entre personnes de sexe différent et 4000
entre personnes de même sexe
Pour la première fois depuis l’ouverture du mariage aux personnes de
même sexe (en 2013), le nombre de mariages de femmes est supérieur au
nombre de mariages d’hommes.

-196 000 Pacs conclus (13 000 de moins qu’en 2019)

- 740 000 naissances (13 000 de moins qu’en 2019/ contre 798 900 en
2015)
Ainsi, l’indicateur de fécondité est de 1,84 enfant par femme. Il diminue
depuis 6 ans, puisqu’il était près de 2,0 entre 2006 et 2014. Mais la France
demeure le pays le plus fécond d’Europe tout de même.

- 658 000 personnes sont décédées (7,3 % de plus qu’en 2019 – liées au
Covid)

2 INSEE, Bilan démographique 2020, Insee Première , n°1834, Janvier 2021


.
5
Maintenant, il convient d’entrer progressivement un peu plus dans la
matière. D’abord, quels sont les liens qui unissent les membres d’une
famille et qui sont pris en considération par le droit ? Ensuite, un aperçu
historique nous permettra d’envisager l’évolution du droit de la famille.
Enfin, il conviendra de s’attarder quelque peu sur les sources du droit de la
famille. Cela permettra de savoir d’où vient la norme qui régit le droit de
la famille.

I. Les liens familiaux

Quels sont les liens que le droit reconnaît comme étant des liens
familiaux ?
La famille contemporaine est diverse et polymorphe : des familles fondées
sur le mariage, le pacs, le concubinage, unies, désunies, avec ou sans
enfants... C’est la raison pour laquelle il faut déterminer les liens que le
droit identifie comme fondateurs d’une « famille ».

Bien évidemment, il peut y avoir des familles de fait, des familles de


coeur, mais elles ne seront pas nécessairement reconnues par le droit.
Autrement dit, les liens de coeur ou de fait ne produiront pas d’effets de
droit : ils n’ouvriront pas de droit à succéder ou de droits alimentaires, ni
de devoir de fidélité, de secours, etc.

S’agissant des liens reconnus par le droit, il faut distinguer – comme nous
l’avons indiqué – selon qu’il s’agit de liens fondés sur la parenté (A) ou de

.
6
liens consacrés par la conclusion d’un mariage ou d’un pacs (B). Parfois,
ces liens sont purement factuels et découlent d’une cohabitation (C).

A. Les liens fondés sur la parenté

Le lien de filiation fonde la famille : c’est le lien qui relie l’enfant à ses
père et mère ou à l’un d’eux. En effet, l’enfant qui vient au monde a, en
principe, deux parents : un père et une mère.

Très bientôt, lorsque le projet de loi relatif à la bioéthique sera


définitivement voté et promulgué, l’enfant pourra être rattaché dès sa
naissance à deux femmes, ses deux mères. A l’heure actuelle,
l’établissement du lien de filiation dans un couple homosexuel ne pouvait
se faire que par le biais de l’adoption : le conjoint du parent pouvait
adopter l’enfant.

La filiation de l’enfant va être établie à l’égard de chacun des parents, cela


signifie que le nom de chacun de ses parents va figurer sur son acte de
naissance.

Dès lors, l’enfant entre « dans la famille de chacun d’eux » (Art. 310 du
Code civil). L’enfant devient membres de deux groupes familiaux, de deux
branches familiales : celle de son père et celle de sa mère. L’enfant est
ainsi situé à l’égard de ses frères et sœurs, des grands-parents et ancêtres
plus lointains, des oncles et tantes et cousins…

.
7
De ce lien de filiation à l’égard des parents, il découle donc des liens de
parenté à l’égard des autres membres de la famille. Il y a des liens
d’ascendance (grands-parents et aïeuls) et des liens collatéraux (frères,
sœurs, oncles, tantes, cousins).

=> Les liens de filiation et donc de parenté ne reposent pas que sur la
génétique, comme nous pourrons l’observer. Le lien de filiation peut
également se fonder sur la volonté parentale : c’est le cas dans le cadre de
l’adoption ou de la procréation médicalement assistée avec tiers donneur.

B. Les liens consacrés par la conclusion d’un mariage ou d’un pacs

La famille peut également reposer sur le lien matrimonial ou d’alliance,


c’est-à-dire le lien fondé sur le mariage (1). Mais, depuis 1999, il existe
une autre forme d’union : le pacte civil de solidarité (pacs) (2).

1. Le lien matrimonial

Le lien matrimonial ou conjugal est celui qui unit les personnes mariées.
C’est le lien entre les époux. Le mariage est un acte juridique par lequel les
époux organisent leur communauté de vie et qui a pour effet de fonder une
famille3.
Cette fonction du mariage est inscrite à l’article 213 du Code civil : « les
époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille, ils
3 B. BEIGNIER et J.-R. BINET, Droit des personnes et de la famille, LGDJ, coll. Cours, 4e éd, 2019, p. 372, n°649
.
8
pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir ». C’est ici le
mariage qui fonde l’existence du groupe « famille ».

Le mariage créé également des liens entre chaque époux et la famille de


son conjoint, sa « belle-famille ». C’est le lien d’alliance.
Le mariage créé donc un lien d’alliance avec les parents de l’autre époux –
les beaux-parents - avec les frères et sœurs de l’autre époux - les beaux-
frères et belles-sœurs.
Ce lien d’alliance engendre des droits et devoirs entre les personnes qui
sont unies par ce lien, notamment des obligations alimentaires.

Si le mariage est traditionnellement fondateur d’une famille, qu’en est-il


du pacs ?

2. Le lien fondé sur le pacs

Le pacte civil de solidarité, institué en 1999, est un contrat entre deux


personnes de sexe différent ou de même sexe. Ce contrat est destiné aux
couples, et non pas seulement pour une cohabitation par exemple.

Mais a-t-il une vocation familiale comme le mariage ? Cela ne ressort pas
des textes du Code civil. Mais la Cour européenne des droits de l’homme a
une conception large de la vie familiale4. Elle n’exige pas un mariage ni
même un lien de droit entre les individus pour qu’il y ait une famille.
Aussi, il est certain qu’il y a une vie familiale au sein d’un couple pacsé.
4 CEDH, 24 juin 2010, Schalk et Kopf c. Autriche, n° 30141/04 (en pdf )
.
9
De plus, le juge compétent pour les litiges liés au pacs est le juge aux
affaires familiales ( art. L. 213-3 du Code de l’Organisation Judiciaire), ce
qui illustre bien le fait que le pacs est un contrat d’union de couple, un
contrat à l’origine d’une famille.

Pour autant, il n’y a pas de lien d’alliance entre deux partenaires pacsés car
le lien juridique établi entre eux se limite aux deux intéressés. Autrement
dit, le Pacs ne fait pas naître de lien juridique entre les pacsés et leurs
beaux-parents ni avec les beaux-frères et belles-sœurs.

C. Les liens fondés sur la cohabitation

Contrairement à la filiation, au mariage ou à l’union des pacsés, le


concubinage n’est qu’une cohabitation. Il ne crée pas de lien juridique
entre les concubins.

Il est d’ailleurs défini comme une « union de fait » dans l’article 515-8 du
Code civil. Il n’y a pas d’obligations légales entre les concubins.

Toutefois, le concubinage revêt un caractère familial. La Cour européenne


des droits de l’homme a, en effet, considéré que « la notion de « famille »
[…] ne se borne pas aux seules relations fondées sur le mariage et peut

.
10
englober d’autres liens « familiaux » de fait lorsque les parties cohabitent
en dehors du mariage5 ».
La Cour européenne des droits de l’homme a également précisé que « la
relation [entre les membres] d’un couple homosexuel cohabitant de fait de
manière stable, relève de la notion de « vie familiale » au même titre que
celle d’un couple hétérosexuel se trouvant dans la même situation6 ».

De même, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’il


existait une « vie familiale » entre un enfant et des adultes qui vivent
quotidiennement avec lui mais qui n’en sont ni le père ni la mère :
« malgré l’absence de tout rapport juridique de parenté, le lien entre [les
intéressés] [est susceptible de relever] de la vie familiale 7 » .

Concernant un enfant élevé par sa mère avec le concubin de celle-ci, la


Cour européenne des droits de l’homme a considéré que « des liens
familiaux de facto [unissaient] » ces trois personnes8.

Ainsi, toute cohabitation n’est pas synonyme de « famille » au sens


juridique du terme. Ce n’est pas parce que des personnes vivent ensemble
que des obligations naissent entre elles. Mais le lien familial reposant
également sur de l’affection, un lien de fait peut être pris en compte. Plus
exactement, un lien de fait peut être protégé au nom du droit au respect de

5 CEDH, 24 juin 2010, Schalk et Kopf c. Autriche ; v. également CEDH, 18 déc. 1986, Johnston et autres c. Irlande,
n°9697/82 (lien)
6 Idem
7 CEDH, Moretti et Benedetti c. italie, 27 avr. 2010, n°16318/07 (lien); v. également CE, 24 mars 2004, n°249369
8 CEDH, 22 avr. 1997, X, Y et Z c. Royaume-Uni, n°7215/75 (lien) ; v. également CEDH, 15 mars 2012, Gas et
Dubois, n°25951/07 (lien)
.
11
la vie familiale, énoncé par l’Article 8 de la Convention européenne de
sauvergarde des droits de l'homme9.

L’on constate donc que si le lien privilégié pour fonder une famille était le
mariage, il en existe désormais d’autres. Preuve que la famille et le droit
qui lui est consacré évoluent en profondeur.

II. Evolution du droit de la famille

La famille et son droit ont profondément évolué, tout particulièrement


durant les 60 dernières années.

L’étude de l’évolution historique permet de prendre du recul sur le droit


contemporain de la famille : comment la règle s’est-elle construite ? A quel
impératif social ou politique cette règle répond-elle ?

Commençons par le droit romain.

A. Le droit romain.

a. La famille

A Rome, la gens, était le premier cadre familial, où même les enfants


majeurs et leurs conjoints demeuraient placés sous l’autorité du pater
familias. Mais au fur et à mesure de l’évolution du droit romain, l’on a
9 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
.
12
assisté à un phénomène de rétrécissement de la famille et, sous l’Empire,
c’est la conception de la famille-domus qui l’emportait. Il s’agissait là
d’une famille plus restreinte, restreinte au cadre de la domus, c’est à dire
de la maison.

La famille obéissait à un modèle patriarcal fondé sur le pater familias, seul


détenteur de l’autorité dans le groupement. La femme était juridiquement
incapable et soumise à son conjoint.

Le mariage était alors monogamique. Mais la liberté matrimoniale était


restreinte : les esclaves et les militaires étaient privés du droit de se marier.
Les unions entre Romains et étrangers étaient également prohibées.

b. Le mariage et le divorce

Le mariage romain n’était pas indissoluble. A l’époque classique, le


divorce était très facile à obtenir.
Il ne supposait pas l’intervention d’un juge.
Il pouvait être fondé sur le consentement mutuel des époux et chacun
d’entre eux avait en outre le droit de répudier son conjoint sans avoir à
justifier sa décision.
A la fin de l’époque romaine, la faculté de divorcer fut toutefois beaucoup
plus encadrée, du fait de l’influence croissante du christianisme.

Les unions hors mariage existaient mais étaient ignorées par le droit.

.
13
c. La filiation

Les pères devaient par ailleurs déclarer la naissance de leurs enfants


légitimes à l’autorité publique.
Il existait alors une sorte de présomption de paternité : a priori, le père
était le mari de la mère. Mais cette présomption était une présomption
simple : c’est à dire qu’on pouvait la renverser en rapportant la preuve
contraire.

Les enfants nés en mariage étaient dits « légitimes » et étaient soumis à


l’autorité du pater familias. Cette autorité paternelle subsistait même à
l’âge adulte.
Pendant un temps, elle était tellement vigoureuse qu’on reconnaissait au
père de famille un droit de vie ou de mort sur ses enfants. Par la suite, les
pouvoirs conférés au père furent encadrés de plus en plus, et les fils
obtinrent une certaine capacité juridique.

Les enfants nés hors mariage demeuraient en principe en dehors de la


famille de leur père. Ils pouvaient toutefois y être intégrés soit au moyen
d’une adrogation, c’est-à-dire une forme d’adoption.

B. L’Ancien Droit

.
14
= c’est-à-dire la période avant la Révolution française

Cette période est marquée par l’Ancien Régime et la monarchie de droit


divin. Le droit de la famille est donc ancré dans le christianisme.

a. Le mariage et le divorce

Le mariage demeura longtemps consensuel : cela signifie que l’accord des


conjoints suffisait à faire apparaître le lien nuptial.
L’échange des consentements avait lieu le plus souvent devant un prêtre et
deux témoins. L’union pouvait toutefois être valable même lorsque cela
n’était pas le cas.
Pour davantage de contrôle du nombre de mariages, les autorités
religieuses et de l’Etat exigèrent que les noces soient célébrées devant un
prêtre et des témoins. Puis le mariage était enregistré dans le registre de la
paroisse, ancêtre du registre d’état civil.

Quant au divorce, il fut radicalement exclu à partir du XIIIe siècle. Le


mariage ne pouvait être dissous, il était indissoluble. Seul les cas de nullité
pouvaient permettre de revenir sur le lien matrimonial.

b. La filiation

.
15
La filiation des enfants légitimes – c’est-à-dire nés lors du mariage –
pouvait être établie à l’égard de leur père au moyen de la présomption de
paternité. Le mari de la mère est présumé être le père de l’enfant.
Cette présomption pouvait toutefois être renversée.

Les enfants légitimes étaient soumis à la puissance paternelle.


Celle-ci persistait souvent à l’âge adulte, même si elle s’allégeait. Elle
cessait par le mariage de l’enfant devenu adulte, ou par une émancipation
expresse.
La puissance paternelle demeurait vigoureuse : le père disposait
notamment d’un droit de correction et il pouvait incarcérer les enfants
lorsque leur conduite les avait contrarié.

Les unions hors mariage ne produisaient pas de conséquences juridiques.


Les règles étaient défavorables aux enfants nés hors mariage – les
« bâtards ». Ils n’entraient pas dans la famille de leur père, ils n’avaient
pas vocation à hériter du père ni même parfois de leur mère.
Toutefois, les enfants naturels pouvaient être légitimés soit du fait du
mariage de leurs parents soit par décision du roi.

C. Le droit intermédiaire

= Après la Révolution

a. Le mariage et le divorce

.
16
A l’époque révolutionnaire, le mariage fut laïcisé.
Jusque là, les consentements étaient échangés devant devant un prêtre. Il
fut décidé que les consentements seraient dorénavant échangés devant une
autorité civile.

La liberté matrimoniale s’est par ailleurs accrue. Les empêchements entre


ascendants et descendants ont survécu. Mais les empêchements à mariage
entre collatéraux sont limités au deuxième degré : seuls les mariages entre
frère et sœur sont prohibés.

Le mariage peut être dissous : le divorce est autorisé en 1792. Le divorce


était facile à obtenir : il ne supposait pas l’intervention d’un juge et pouvait
être fondé non seulement sur le contentement mutuel des conjoints ou sur
certaines fautes. Il pouvait également être dissous en raison de la démence
d’un époux ou de la simple incompatibilité d’humeur.

Les unions hors mariages ne furent pas reconnues.

b. La filiation

Le sort des enfants nés hors mariage fut amélioré : on leur accorda des
droits successoraux identiques à ceux dont bénéficiaient les enfants
légitimes. Sauf s’ils étaient adultérins.

.
17
Il faut ajouter que la filiation hors mariage ne pouvait être établie contre la
volonté du géniteur de l’enfant. Il n’y avait pas d’action en justice
possible.

D. Le Code civil

Les rédacteurs du Code civil essayèrent de trouver un équilibre entre les


règles qui s’appliquaient sous l’Ancien Régime et celles qui avaient été
mises en place à l’époque révolutionnaire.

a. Le mariage et le divorce

La liberté matrimoniale fut à nouveau restreinte. Les rédacteurs du Code


civil fixèrent l’âge nubile, l’âge pour se marier, à 15 ans pour les femmes
et à 18 ans pour les hommes.
L’autorisation des parents était requise pour les hommes qui se mariaient
avant 25 ans et pour les femmes avant 21 ans.
Dans tous les cas, les futurs époux devaient se conformer à la formalité des
« actes respectueux ». C’est à dire qu’ils étaient tenus de solliciter les
conseils de leurs père et mère en leur adressant un acte notarié.
De plus, autre limitation, en cas de divorce pour adultère, l’époux infidèle
ne pouvait se remarier avec son amant/amante.

Les empêchements à mariage découlant de la parenté ou de l’alliance


demeurèrent. Le mariage est toujours prohibé entre ascendants et

.
18
descendants. Ainsi qu’entre alliés en ligne directe. Le mariage est
également interdit entre collatéraux jusqu’au troisième degré. Il fut enfin
proscrit entre anciens beaux-frères et belles-sœurs.

Les infidélités sont encore sévèrement sanctionnées.


Elles ne sont pas sanctionnées de la même façon selon qu’il s’agit d’un
homme ou d’une femme. Pour la femme, de lourdes sanctions pénales ;
pour le mari, ce n’était qu’une infraction s’il avait entretenu sa maîtresse
dans la maison familiales

Le divorce ne fut pas aboli. Il fut encadré davantage.


Les rédacteurs du Code civil exigèrent qu’il soit prononcé par un juge.
Ils redéfinirent les causes de divorce. Il devint ainsi impossible
de divorcer pour incompatibilité d’humeur ou pour démence. Ce sont les
fautes commises par les conjoints qui devinrent le principal motif de
rupture.
Le divorce pas consentement mutuel n’était possible que si de très
nombreuses conditions étaient réunies.

Le concubinage fut ignoré par le Code civil. Son entrée dans le Code civil
date de 1999 (article 515-9).

b. La filiation

.
19
La présomption de paternité acquit, quant à elle, une portée qui ne lui avait
jamais été donnée. Il devint extrêmement difficile de la remettre en cause.
Même lorsqu’il était évident que le mari n’était pas le géniteur, le mari de
la mère demeurait donc souvent le père.
Le législateur avait estimé que l’important était la stabilité et la paix des
familles plutôt que la vérité biologique du lien de filiation.

Les enfants naturels étaient susceptibles d’être légitimés par le mariage de


leur père avec leur mère. Mais cela ne valait pas pour les enfants
adultérins.

E. Entre le Code civil et la moitié du 20e siècle.

a. Mariage et divorce

Par des lois de 1896, 1907, 1922 et 1933, on a supprimé l’autorisation des
parents pour le mariage des enfants majeurs. On supprime également la
formalité des « actes respectueux ».

Par des lois de 1907, 1938 et 1942, le législateur atténua l’inégalité entre le
mari et la femme.
Le devoir d’obéissance de la femme au mari fut supprimé, la capacité de la
femme mariée fut affirmée. Ses prérogatives patrimoniales furent étendues

.
20
Le divorce fut interdit à nouveau sous la Restauration par une loi de 1816.
ce n’est qu’en 1884 que la faculté de divorcer fut rétablie. Mais le divorce
ne peut toutefois pas être justifié par le consentement mutuel des conjoints.
Il devait être fondé sur des comportements fautifs, qui étaient susceptibles
d’être sévèrement sanctionnés.

b. Filiation

La puissance paternelle fut encadrée. Des cas de déchéance furent prévus


en cas de faute du père. La possibilité pour le père de faire incarcérer ses
enfants fut supprimée.

Le sort des enfants naturels fut amélioré par des lois de 1896, 1907 et
1912. Ils ont davantage de droits successoraux. Mais ils ne sont pas encore
à égalité avec les enfants légitimes.

Les enfants adultérins, quant à eux, eurent le droit d’être reconnus et


légitimés en cas de mariage de leurs parents ensemble. Leur situation
n’était pas améliorée en revanche lorsque leurs parents ne se mariaient pas
ensemble. Une action alimentaire fut tout de même ouverte à l’enfant
adultérin à l’égard de son père.

L’adoption se développa. Elle devint un instrument pour donner des


parents à de jeunes enfants. Dès 1923, le législateur permit l’adoption de
certains mineurs.

.
21
Puis, en 1939, le législateur institua l’adoption plénière telle qu’on la
connaît. L’adoption rompt les liens existant entre l’adopté et sa famille
d’origine.
Fut créée également la légitimation adoptive : ouverte aux époux sans
enfants et qui leur permettrait de devenir les parents d’enfants de moins de
5 ans. L’adopté se trouvait alors dans la situation d’un enfant légitime. On
voit ici l’importance de la qualité d’enfant légitime.

F. Sous la Vème République

C’est la période récente, et en soit assez courte, pendant laquelle le droit de


la famille a évolué de façon spectaculaire.

Il faut distinguer deux sous-périodes : l’une allant de 1958 à 1998 (A), et


l’autre de 1999 à nos jours (B).

1. De 1958 à 1998

Entre 1964 et 1975, le législateur rénova profondément la plupart des


aspects de droit de la famille. Au cours des deux décennies suivantes, les
changements furent moins nombreux et profonds.

a. Mariage et divorce

Le législateur accentua la liberté matrimoniale.

.
22
En 1974, l’âge de la majorité fut fixée à 18 ans. Tous les individus ayant
atteint cet âge eurent le droit de se marier sans demander le consentement
de leurs parents.

Les principales réformes concernèrent les effets du mariage. En effet,


l’égalité entre les époux devint l’objectif à poursuivre. La loi de 1965 sur
les régimes matrimoniaux permit une égalité des époux dans la gestion de
leurs biens. En 1985, la parfaite égalité du mari et de la femme fut acquise.
Désormais, cette égalité figure d’ailleurs dans l’article 5 du Protocole n° 7
à la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Le divorce fut considérablement libéralisé. La loi de 1975 autorisa, en


effet, le divorce par consentement mutuel. A partir de 1975, il fut possible
de divorcer d’un commun accord. C’était révolutionnaire car le divorce ne
reposait plus seulement sur la notion de faute. Il s’agissait d’une
objectivisation du divorce : la désunion et la mésentente étaient constatées
et le divorce prononcé.
Le divorce pour faute demeurait toutefois possible. Mais la philosophie
change : il n’est plus question uniquement de punir. Lorsque les torts sont
partagés, les fautes peuvent être moins sévèrement sanctionnées.

b. La filiation

En 1972, le législateur vota une grande loi d’égalité. Elle affirme l’égalité
entre les enfants légitimes et les enfants naturels. Désormais, que l’on soit

.
23
né de parents mariés ou non, on bénéficie des mêmes droits successoraux à
l’égard de ses parents.
De plus, la loi permit de remettre en cause la présomption de paternité
dans le cadre d’une action en recherche de paternité. C’était l’affirmation
de la primauté de la réalité génétique sur l’unité familiale fondée sur le
mariage.

L’enfant adultérin, quant à lui, ne bénéficia pas de cette égalité. Sa


situation était toujours traitée à part. Sa situation fut toutefois améliorée.
En effet, le législateur fit en sorte que sa filiation puisse être établie à
l’égard de ses deux parents, ce qui n’était pas possible jusqu’alors.
L’enfant adultérin pouvait également bénéficier de droits successoraux
mais ils étaient moins importants que ceux des autres enfants : il ne
pouvait percevoir que la moitié de ce que les autres enfants, légitimes ou
naturels, pouvaient percevoir.

2. Les réformes postérieures à 1999

1999, la dernière année du XXème siècle. C’est l’année de l’adoption du


PACS. Un contrat d’union entre couples hétérosexuels ou entre couples
homosexuels. Une révolution car on offrait aux couples hétérosexuels une
possibilité de s’unir sans se marier, et on offrait aux couples homosexuels
une véritable reconnaissance civile. Une entrée dans le droit de la famille.
Le législateur fait également entrer le concubinage dans le Code civil : il
en offre une définition à l’article 515-8. L’union de fait entre dans le droit.

.
24
Mais le législateur ne fixe pas le régime du concubinage, il se contente de
le définir.

En 2001, à la suite de la condamnation de la France par la CEDH, le


législateur modifia la loi française concernant les enfant adultérins. Il
instaura une égalité successorale complète entre les enfants légitimes,
naturels et adultérins. L’idée est que le droit ne peut punir un enfant pour la
faute de ses parents.

En 2004, le législateur réforme le divorce. L’idée est de faciliter le divorce


par consentement mutuel. On recherche le consensus. L’idée est aussi de
raccourcir la procédure de divorce : il faut qu’elle soit plus courte et moins
conflictuelle. Il faut pacifier le divorce pour que l’après-divorce se passe
bien.
Le législateur choisit de conserver le divorce pour faute mais d’en
décorréler les effets de sanction. Ainsi, un époux fautif pourra tout à fait
percevoir une prestation compensatoire, ce qui n’était pas le cas avant.
Enfin, le législateur introduit un nouveau cas de divorce : le divorce pour
altération définitive du lien conjugal. Si le juge peut constater une
séparation des époux pendant deux ans, il pourra alors prononcer le
divorce. Il s’agit là d’une objectivisation du divorce : il suffit de le
constater pour le prononcer.

En 2005, le législateur s’attaqua à la réforme de la filiation. Il procéda à


une grande réforme égalitaire. Cette réforme affirma l’égalité entre la

.
25
filiation légitime et la filiation naturelle. Pour cela, le législateur bannit les
expressions « naturelle » et « légitime ». Désormais, il n’y a plus de
distinctions entre les filiations.

Enfin, en 2013, le législateur ouvre le mariage aux couples de même sexe.


Il s’agit là de la pleine reconnaissance du couple homosexuel. L’égalité
avec le couple hétérosexuel est ainsi actée.
Mais le législateur choisit de ne pas toucher au chapitre VII du Code civil,
c’est à dire au chapitre concernant la filiation.
Toutefois, comme les couples mariés peuvent adopter, il fallait ouvrir
l’adoption aux couples homosexuels afin de ne pas créer de
discriminations entre les couples hétérosexuels et homosexuels.

En 2021, sera votée la loi de réforme de la bioéthique qui permet l’accès à


la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Il s’agit là de
permettre aux couples de femmes de fonder une famille grâce à la
procréation et non par l’adoption d’un enfant déjà né.

Une fois envisagé ce panorama de l’évolution du droit de la famille, il


convient de s’attaquer au droit positif de la famille, c’est à dire aux règles
applicables aujourd’hui en droit de la famille.

Pour cela, nous suivrons une structure classique : nous étudierons le


couple (Partie I) puis l’enfant (Partie II).

.
26
PARTIE I. LE COUPLE

En droit civil, la famille est fondée sur l’union d’un couple 10. Pendant
longtemps, seul le mariage permettait au couple d’accéder à une
reconnaissance officielle.

Toutefois, comme nous l’avons vu, la mise en place du PACS et la


reconnaissance du concubinage par le Code civil en 1999 ont établi deux
autres modes d’unions conjugales, l’une de droit, l’autre de fait.

Si il existe trois modes de conjugalités, chacun est différent. Les trois


modes d’unions n’offrent pas les mêmes droits et n’impliquent pas les
mêmes devoirs. Chaque type d’union est distinct et c’est ce qui permet un
pluralisme familial, suivant l’expression du Doyen Carbonnier.

Nous étudierons ces trois formes de couples même si le mariage prendra


une part plus importante en raison de son histoire, parce qu’il est encore
très pratiqué mais également parce que sa rupture ne peut se faire que par
le divorce.

Nous envisagerons donc dans un premier temps, le couple marié (Titre I)


et, dans un second temps, les autres modes d’union (Pacs et le
concubinage) (Titre II). La rupture de ces modes d’unions sera envisagé au
fur et à mesure.
10 C. Brunetti-Pons, La notion juridique de couple, Economica, 1998 ; C. Brunetti-Pons, « L’émergence de la notion
de couple en droit civil », RTD Civ. 1999, p. 27.
.
27
TITRE I - LE MARIAGE

Le Code civil ne donne pas de définition du mariage. Le Code civil se


contente de donner les caractères du mariage : l’indifférence du sexe des
époux (Art. 143), accord de volontés (Art. 146), rites du mariage (Art.
165).

Si chacun sait de quoi il s’agit, il n’en est pas moins difficile de définir le
mariage.
Et cela, pour deux raisons :
- la première provient des différents aspects du mariage, aspects sociaux et
moraux qu’il est difficile d’insérer dans une définition juridique du
mariage.
- la seconde résulte du double sens du mot mariage qui désigne tantôt
l’acte instantané qui donne naissance à cet état, tantôt l’état lui-même,
continu.

DEFINITION : Compte tenu de ces difficultés, on peut dire que le mariage


est un acte juridique solennel, par lequel deux personnes de sexe différent
ou de même sexe établissent une union organisée par la loi civile et dont la
rupture ne peut être obtenue que dans des conditions déterminées.

Le mariage apparaît alors comme un accord de volontés en vue d’adhérer à


un modèle légal11.

11 A. BENABENT, Droit de la famille, Montchrestien, Lextenso, 2010, p. 21, n°110.


.
28
Dès lors, un débat s’est instauré concernant sa nature juridique : le mariage
est-il un contrat ou une institution ?
Selon une première thèse, le mariage serait une institution. C’est à dire un
ensemble organisé, une société régie par ses règles propres et dépassant
par les fonctions que la loi lui attribue, les situations individuelles des
personnes qui la constituent12.
En réalité, ce n’est pas le mariage qui est une institution mais la famille
dont le mariage est un acte fondateur. C’est d’ailleurs ainsi que le mariage
est défini en droit romain par le jurisconsulte Modestin, au IIIe siècle :
« Le mariage est l’union de l’homme et de la femme, c’est une société qui
doit durer toute la vie, une mise en commun du droit humain et du droit
divin13 ».

Dans une autre perspective, le mariage ne serait qu’un contrat, fondé sur le
seul consentement des parties et ne produisant que les effets recherchés.
Au soutien de cette thèse, il est possible de relever la terminologie même
du Code civil : il y est dit que l’on « contracte » mariage : article 144, 146-
1 et 147
De plus, parmi les conditions de formation, le consentement est une
condition fondamentale. Comme pour tout contrat.
S’ajoute à cela la possibilité de divorcer par consentement mutuel sans
l’intervention d’un juge depuis 2016. Il n’y a plus qu’un enregistrement
par notaire de la convention de divorce. Cela renforce la dimension

12 B. BEIGNIER, J.-R. BINET, Droit des personnes et de la famille, LGDJ, Lextenso, 4e éd. 2019, p. 386, n°668
13 Digeste, 23, 2, 1 cité par P. OURLIAC et J. de MALAFOSSE, Histoire du droit privé, PUF, « Thémis », t. 3, La
Famille, spéc. 163
.
29
contractuelle du mariage : il est possible de le délier par la seule volonté
des époux. Non sans cadre, mais en tout cas sans cadre judiciaire.

En réalité, le mariage est à la fois contrat ET institution. Le mariage est un


contrat qui donne naissance à une institution. Les deux thèses ne
s’opposent pas, elle se combinent.

Le mariage n’est plus une union indissoluble. Il peut être dissous. En


d’autre termes, les époux peuvent se séparer et mettre fin au mariage. Ils
leur faut, pour cela, divorcer. Auparavant, le divorce ne se faisait que sous
forme judiciaire, c’est-à-dire devant le juge. Désormais, depuis 2017, le
divorce par consentement mutuel se fait sans l’intervention du juge.

Union et désunion. Ce seront là les deux grands chapitres de ce titre.

Chapitre I L’union du couple marié

Se marier est une liberté. On ne peut être forcé de se marier. C’est ce qu’on
appelle : la liberté matrimoniale (section 1).
Nous envisagerons ensuite la formation du mariage (section 2)
Puis les effets du mariage (section 3)

Section 1 La liberté matrimoniale

.
30
En d’autres termes, la liberté matrimoniale signifie que chacun est en
principe libre d’adhérer ou non à l’institution matrimoniale, et de choisir
son conjoint14.

A. Le principe de la liberté matrimoniale

La liberté matrimoniale est une liberté fondamentale consacrée par de


nombreux textes nationaux et internationaux, ainsi que par des décisions
de justice.

Ainsi, la liberté matrimoniale est affirmée dans l’article 12 de la


Convention européenne des droits de l’homme : « A partir de l’âge nubile,
l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille
selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. »

Elle est affirmée également à l’article 9 de la Charte des droits


fondamentaux de l’Union européenne : « Le droit de se marier et le droit
de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en
régissent l’exercice ».

PRECISION : Attention, la Convention européenne des droits de


l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sont
deux textes distincts.
La Convention européenne (de sauvegarde) des droits de l’homme
est un traité international signé par les Etats membres du Conseil de
14 V. EGEA, Droit de la famille, 3e éd., 2020, p.40, n°60
.
31
l’Europe, le 4 novembre 1950. Elle a pour but de protéger les droits de
l’homme et les libertés fondamentales en permettant un contrôle judiciaire
du respect de ces droits individuels15.
Le Conseil de l’Europe est composé de 47 pays : France, Italie, Espagne,
Allemagne, mais aussi Russie, Turquie, etc.…
L’application de la Convention est contrôlée par la Cour Européenne des
Droits de l’Homme, qui se situe à Strasbourg.

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, quant à


elle, dépend de l’Union européenne. Cette Charte est une déclaration des
droits fondamentaux adoptée le 7 novembre 2000 par l’Union européenne.
Elle est mise en œuvre par le Traité de Nice16.
La juridiction qui en assure la mise en œuvre est la Cour de Justice de
l’Union européenne (CJUE) à Luxembourg.

Ces deux conventions ont un effet horizontal direct : c’est-à-dire qu’elles


peuvent être invoquées directement par tout justiciable devant une
juridiction nationale. Il n’est pas besoin d’aller jusqu’à la CEDH ou la
CJUE pour en faire valoir l’application17.

Revenons à la liberté matrimoniale :

15 Pour plus d’informations générales : V. Wikipedia


16 v. Wikipédia
17 Il y avait un doute concernant la Charte des droits fondamentaux de l’Union, qui a été levé : CJUE, 17 avr. 2018,
Vera Egenberger c. Evangelisches Werk für Diakonie und Entwicklung eV, C-414/16, ici ; Commentaire de la
décision : V. BOUHIER, « L’effet direct horizontal de la Charte reconnu explicitement », dalloz-etudiant, 31 mai
2018, ici.
.
32
La liberté matrimoniale figure également dans l’article 16 de la
Déclaration universelle des droits de l’homme :
« 1. A partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction
quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de
fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant
le mariage et lors de sa dissolution.
2. Le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement
des futurs époux.
3. La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à
la protection de la société et de l’État. »

Cette liberté figure encore à l’article 23 du Pacte international des droits


civils et politiques du 19 décembre 1966 :
« 1. La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit
à la protection de la société et de l’État.
2. Le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l’homme et
à la femme à partir de l’âge nubile.
3. Nul mariage ne peut être conclu sans le libre et plein consentement des
futurs époux.
4. Les Etats parties au présent Pacte prendront les mesures appropriées
pour assurer l’égalité de droits et de responsabilités de époux au regard
du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. En cas de
dissolution, des dispositions seront prises afin d’assurer aux enfants la
protection nécessaire. »

.
33
C’est encore le Conseil constitutionnel qui affirmait, dans une décision du
13 août 1993, que « le principe de la liberté du mariage est une des
composantes de la liberté individuelle18 ». Ainsi, la liberté matrimoniale
est-elle une liberté fondamentale.

B. Les applications de la liberté matrimoniale

1. La liberté de se marier

Consacrer ainsi la liberté matrimoniale signifie qu’une personne publique


ou une personne privée ne saurait valablement priver une personne qui
remplit les conditions légales requises du droit d’adhérer à l’institution du
mariage.
Le principe d’égalité entre les sexes implique que cette liberté soit garantie
à l’homme et à la femme.
On ne peut vous empêcher de vous marier, et on ne peut vous y forcer.

2. La liberté de mettre fin au mariage

Mais la liberté matrimoniale implique-t-elle également la liberté de mettre


fin au mariage ? Le Conseil constitutionnel a estimé, dans une question
prioritaire de constitutionnalité du 29 juillet 2016, que la liberté
matrimoniale impliquait également la liberté de mettre fin au mariage 19.

18 Cons. Const., 13 août 1993, n°93-325 DC, considérant n°107 : v. ici


19 Cons. Const. 29 juillet 2016, n°2016-557 QPC : ici
.
34
3. L’interdiction des clauses de célibat et de non-convol

La liberté matrimoniale implique l’interdiction des clauses de célibat ou


des clauses d’interdiction de remariage (ou de non-convol). Il pourrait être
tentant d’insérer de telles clauses dans certains actes juridiques privés, tels
qu’une donation ou un contrat de travail. Mais ces clauses sont contraires à
la liberté matrimoniale donc elles sont interdites. On dit qu’elles sont
« réputées non écrites », c’est-à-dire que ces clauses sont nulles, on
considère qu’elles n’ont jamais existé.

4. Les fiançailles

La liberté matrimoniale a également des répercussions concernant les


fiançailles. En effet, le fait d’être fiancé – c’est-à-dire d’avoir promis un
mariage futur – porte-t-il atteinte à la liberté matrimoniale ?
C’est ce que nous allons étudier maintenant. Nous allons envisager
d’abord la nature juridique des fiançailles (a) puis les effets des fiançailles
(b).

a. La nature juridique des fiançailles

Les fiançailles constituent une promesse réciproque de mariage.

.
35
Historiquement, elles s’accompagnent d’un serment, ou du versement
d’arrhes, ou encore d’échange d’anneaux. Il s’agit, à l’époque romaine ou
dans l’Ancien droit, d’un véritable engagement.
Les fiançailles créent une obligation de faire. Elles peuvent être résiliées
par consentement mutuel ainsi que pour une cause grave.

Aujourd’hui, en droit positif, les fiançailles sont une promesse. Mais elle
ne crée aucune obligation de mariage à l’égard des fiancés. Les fiançailles
ne sont d’ailleurs pas envisagées dans le Code civil.

Ne créant pas d’obligations, on peut s’interroger sur la nature contractuelle


des fiançailles. C’est la raison pour laquelle on qualifie généralement les
fiançailles de fait juridique.

RAPPEL : distinction entre fait juridique et acte juridique :


- acte juridique : manifestation de volonté destinée à produire des effets de
droit. Ex : contrat
- fait juridique : fait quelconque auquel la loi attache directement des
effets juridiques, indépendamment de la volonté individuelle. Ex :
naissance, délit

Puisque les fiançailles sont qualifiées de fait juridique, leur existence se


prouve par tout moyens.

.
36
b. Les effets des fiançailles

Les promesses échangées au moment des fiançailles ne créent pas


d’obligations : les promis demeurent libres de convoler en juste noces ou
de rompre.
La liberté nuptiale, qui doit rester intacte jusqu’à la célébration, justifie
cette règle et conduit à ce qu’en principe la rupture ne puisse pas conduire
à l’allocation de dommages et intérêts.

En revanche, la solution est différente lorsque la rupture est fautive. Si les


circonstances de la rupture sont fautives, alors des dommages et intérêts
pourront être attribués si les conditions de la responsabilité civile
délictuelle sont remplies (faute/préjudice/lien de causalité entre les 2).
En d’autres terme, la rupture des fiançailles est libre. Mais elle ne doit pas
être fautive.
Par exemple, a été jugée fautive la rupture de fiançailles 5 jours 20, voire
même une heure21, avant un mariage alors que tout est prêt.

Par ailleurs, en cas de rupture des fiançailles – fautive ou non, toutes les
donations reçues au titre des fiançailles doivent être restituées.
Mais il y a une exception concernant ce que l’on appelle les « présents
d’usage ». C’est-à-dire des cadeaux de faible valeur qui ont été faits aux

20 Cass. 2Ème civ. 2 juill. 1970, D. 1970, 743.


21 CA Paris, 8 nov 1957, D. 1958, 45, note E. Blanc ; RTDCiv. 1958, 232, obs. H. Desbois
.
37
fiancés. La faible valeur est évaluée au regard du train de vie de celui qui a
offert le cadeau.
Le sort de la bague de fiançailles est particulier. Normalement, elle n’a pas
à être restituée sauf s’il s’agit d’un bijou de famille22. En effet, dans ce cas,
la bague relève du statut des souvenirs de famille. Ceux-ci ne font l’objet
que d’un prêt à usage. De sortes qu’ils doivent être rendus.

Ici, nous avons une belle illustration du raisonnement juridique :


- un principe : restitution des cadeaux
- une exception : sauf pour la bague de fiançailles
- exception à l’exception : retour au principe : restitution de la bague de
famille s’il s’agit d’un bijou de famille.

Une fois envisagées les fiançailles, il convient de s’intéresser au mariage.

Section 2 La formation du mariage

La formation du mariage obéit à des conditions de fond (§1) et de forme


(§2).

§1. Conditions de fond

22 Cass. 1Ère civ, 20 juin 1961, aff. La Rochefoucauld, Bull. Civ. I, n°326 ; D. 1961, jurispr. p. 641, note R. Savatier ;
JCPG 1961, II, 12352, concl. R. Lindon ; RTDCiv. 1961, p. 713, obs. R. Savatier.
.
38
Les conditions de fond du mariage sont politiques : elles reflètent les choix
d’une société donnée à un moment donné. Elles ont donc évolué avec le
temps et avec la société.

Il y a trois catégories de conditions de fond du mariage :


- les premières tiennent aux caractères physiques des futurs époux (A)
- les deuxièmes tiennent au consentement des époux (B)
- les troisièmes tiennent à des normes sociales et morales (C)

A. Les conditions physiologiques

Le mariage a longtemps été conçu comme l’union d’un homme et d’une


femme. Ce n’est que récemment, en 2013, que cette condition d’altérité
sexuelle a disparu.
De même, pendant longtemps, on a exigé des époux qu’ils passent un
examen médical prénuptial.
Ces deux conditions ont aujourd’hui disparu (1).

Ne subsiste plus que la condition de l’âge nubile (2).

1. Conditions disparues : altérité sexuelle et examen prénuptial

Même si elles ont disparues, il est important de les étudier pour bien
comprendre ce qu’est l’institution du mariage.

.
39
a. L’altérité sexuelle des époux

Initialement, l’article 144 du Code civil disposait que « l’homme avant


dix-huit ans révolus, la femme avant quinze ans révolus, ne peuvent
contracter mariage ».
En 2006, l’âge nubile de la femme fut élevé à 18 ans, de sorte que le texte
devint « l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-
huit ans révolus ».
Dans le texte, la différence de sexe des époux était claire, évidente. Jusqu’à
la fin des années 1990, la question d’un éventuel mariage homosexuel ne
se posait pas. Il était évident que le mariage supposait la présence d’un
homme et d’une femme puisque le mariage constituait une institution
poursuivant une finalité procréatrice.

Progressivement, l’évidence de ce texte fut discuté, remise en question,


contesté. Les législations étrangères ont progressivement ouvert le mariage
aux couples de même sexe. Et la France a semblé « en retard ». Pourtant,
en 1999, la France avait offert aux couples de même sexe la possibilité
d’une union civile.
Union civile mais pas mariage. Et l’égalité n’était donc pas parfaite. c’est
la raison pour laquelle des revendications ont commencé à se faire
entendre.

.
40
Des actions « coup de poing » ont également été menées. C’est le cas par
exemple de la fameuse affaire du « mariage de Bègles ». V. vidéo : ici et
ici.
Le maire de Bègles a célébré un mariage de deux hommes en 2004. Cette
célébration reposait sur une interprétation de l’article 144 du Code civil,
selon laquelle le texte ne comporterait qu’une exigence concernant l’âge
nubile des époux. Ce texte ne poserait pas de condition relative à l’altérité
sexuelle.

Cette affaire a conduit la jurisprudence à se prononcer sur le mariage de


personnes de même sexe.
Ainsi la Cour de cassation décida dans un arrêt du 13 mars 2007 23 que
« selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une
femme ». De plus, « ce principe n’est contredit par aucune des
dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la
Charte européenne des droits fondamentaux. »
Partant, la Cour de cassation se ralliait à l’interprétation classique
consistant à lire l’article 144 comme posant implicitement une condition
de différence de sexe.
Pour autant, cette jurisprudence a été considérée comme lançant un appel
au législateur. La formule « selon la loi française » laisserait entendre que
la condition d’altérité sexuelle dépendait du législateur et qu’il lui revenait
de la changer s’il l’estimait utile.

23 Cass. 1Ère civ. 13 mars 2007, n° 05-16627 : ici ; Bull. Civ. 2007, I, n°113, D. 2007, 1389, note Agostini ; JCP G.
2007, I, 170, n°1, Y. Favier ; RTDCiv. 2007, 315, obs. J. Hauser.
.
41
Dans un arrêt Chapin et Charpentier c/ France24, la Cour européenne des
droits de l’homme a jugé, dans cette même affaire, que la France avait
respecté les articles 8, 12 et 14 de la CEDH.

C’est ensuite devant le Conseil constitutionnel qu’a été contesté la


constitutionnalité de l’article 144 du Code civil. Dans le cadre d’une
question prioritaire de constitutionnalité, en date du 28 janvier 2011 25, le
Conseil constitutionnel a jugé que « le dernier alinéa de l’article 75 et
l’article 144 du Code civil ne font pas obstacle à la liberté des couples de
même sexe de vivre en concubinage dans les conditions définies par
l’article 515-8 de ce code ou de bénéficier du cadre juridique du pacte
civil de solidarité, régi par ses articles 515-1 et suivants ;
que le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit de
se marier pour les couples de même sexe ;
que, par suite, les dispositions critiquées ne portent pas atteinte au droit
de mener une vie familiale normale ».

Le Conseil constitutionnel poursuit : « le législateur a, dans l’exercice de


la compétence que lui attribue l’article 34 de la Constitution, estimé que
la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples
composés d’un homme et d’une femme peut justifier une différence de
traitement quant aux règles du droit de la famille ; qu’il n’appartient pas
au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du

24 CEDH, 5ème section, 9 juin 2016, n° 40183/07, Chapin et Carpentier c. France : ici; Dr. Fam 2016, Alerte 61, obs.
J. Couard
25 Cons. Const. 28 janv. 2011, n°2010-92 QPC : ici ; Dr. Fam 2011, comm. 32, note Oeudraogo
.
42
législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de
situation ».
=> Le Conseil constitutionnel renvoie la question au législateur.

La Cour européenne des droits de l’homme s’est également prononcée sur


la question de l’altérité sexuelle dans le mariage dans d’autres arrêts,
impliquant d’autres Etats que la France.
Par exemple, dans un arrêt Schalk et Kopf c/ Autriche, en date du 24 juin
2010, la CEDH a décidé que « les Etats bénéficient d’une certaine marge
d’appréciation pour décider de la nature exacte du statut conféré par les
autres modes de reconnaissance juridique26 ».
Concrètement, cela signifie qu’un Etat partie à la Convention européenne
des droits de l’homme n’a pas l’obligation de consacrer le mariage entre
personnes de même sexe et que, par conséquent, un tel silence législatif ne
constitue pas une violation des articles 8, 12 et 14 de la CEDH.

Désormais, l’article 143 du Code civil dispose que : « Le mariage est


contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ». Le
principe est ainsi affirmé du mariage indépendamment d’une condition
d’altérité sexuelle.

b. L’examen prénuptial

Jusqu’à une époque récente, le Code civil conditionnait la célébration du


mariage à la réalisation d’un examen prénuptial.
26 Précité
.
43
Une loi du 16 décembre 1942 prévoyait l’obligation des futurs époux de se
soumettre à un examen médical. Un certificat médical leur était remis et ils
devaient le présenter à l’officier d’état civil en vue de la publication du
mariage.
L’objectif du législateur était eugénique27. Il s’agissait d’ « éviter les
anormaux ». Il s’agissait de vérifier les capacités procréatrices des futurs
époux afin d’éviter des naissances non souhaitables.

Après la fin de la guerre, la mesure a toutefois été maintenue.


L’ancien article 63 al. 3 du Code civil reprit l’obligation de l’examen
prénuptial. Cet examen devait avoir lieu au moins deux mois avant la
célébration du mariage. Les époux devaient ensuite le remettre à l’officier
d’état civil.
Ce certificat avait pour vocation d’inciter les futurs époux à s’informer
mutuellement en cas de problème et à éviter, ultérieurement le divorce ou
l’annulation du mariage.

2. Condition maintenue : l’âge nubile

Si la loi n’impose pas d’âge maximum pour se marier, elle impose un âge
minimum : l’âge nubile28 ou l’âge nuptial.
En principe, il est impossible de se marier avant l’âge de 18 ans. En effet,
l’article 144 du Code civil dispose ainsi que « le mariage ne peut être
contracté avant dix-huit ans révolus ».

27 B. BEIGNIER, J.-R. BINET, Droit des personnes et de la famille, 4e éd, LGDJ, Lextenso, 2019, p. 396, n°689
28 Adj. Du latin nubilis, tiré du verbe nubere : se marier
.
44
Par exception, le Procureur de la République du lieu de célébration du
mariage peut diminuer cet âge lorsqu’il existe des « motifs graves ». En
pratique, cette dispense peut intervenir lorsque la femme est enceinte par
exemple.

Si cette condition d’âge est remplie, il faut alors que les époux échangent
leurs consentements.

B. Condition contractuelle : le consentement des époux

Le mariage étant un contrat, pour partie en tout cas, il est logique d’exiger
le consentement des époux.
L’article 146 du Code civil dispose qu’ « il n’y a pas de mariage lorsqu’il
n’y a pas de consentement ».
Le mariage se forme ainsi par l’accord de volontés des futurs conjoints.
Cette condition essentielle était déjà connue du droit romain puis du droit
canonique.

Pour satisfaire à cette condition, le consentement doit exister (1) et être


libre et éclairé (2). C’est ce que l’on appelle l’intégrité du consentement.

1. Existence du consentement

L’existence du consentement pose trois problèmes :


- le mariage des personnes protégées (a)

.
45
- le mariage posthume (b)
- le mariage simulé (c)

a. Le mariage d’une personne protégée

Il faut distinguer le cas du mineur de celui du majeur.

→ Le mineur
Le mariage du mineur doit faire l’objet de l’autorisation des parents ou de
certaines personnes qualifiées.
Le mineur doit recueillir le consentement de ses parents. S’ils sont en
désaccord, cela vaut acceptation.
Si l’un des parents est décédé, le consentement du parent survivant suffit.
Si les deux parents sont décédés, ce sont les ascendants les plus proches
qui doivent se prononcer, souvent ce sont les grands-parents.
Si tous les ascendants sont décédés, il faudra obtenir l’accord du conseil de
famille.

→ Majeurs protégés
Le mariage du majeur protégé pose la question de son aptitude à émettre
un consentement valable.
Dans un souci de préservation de ses intérêts, l’article 460 du Code civil
prévoyait donc que le majeur en curatelle devait obtenir le consentement
du curateur, ou à défaut celui du juge des tutelles.
Le majeur en tutelle devait obtenir le consentement du tuteur.

.
46
Depuis la loi du 23 mars 2019, ces exigences n’existent plus. Le majeur
sous tutelle ou sous curatelle peut se marier après avoir préalablement
informé son tuteur ou son curateur.

b. Le mariage posthume

Exceptionnellement, le Code civil admet le mariage posthume.


L’article 171 du Code civil dispose que « le Président de la République
peut, pour des motifs graves, autoriser la célébration du mariage en cas
de décès de l’un des futurs époux, dès lors qu’une réunion suffisante de
faits établit sans équivoque son consentement ».

Cette possibilité est utile lorsque le fiancé meurt peu de temps avant le
mariage par exemple. Cette possibilité est notamment utilisée pour le
mariage de policiers ou militaires décédés dans le cadre de leurs fonctions.

Pour cela, il faut obtenir l’autorisation du Président de la République.


Le mariage est réputé avoir lieu la veille du décès. Mais il n’a aucune
conséquence en matière de régime matrimonial ni en matière de
successions.
C’est une mesure symbolique.

c. Le mariage simulé

.
47
Lorsque les époux ont consenti au mariage dans le but d’obtenir certains
de ses effets et non tous ceux qui sont prévus par la loi, on dit que le
mariage est simulé.
C’est le cas par exemple du mariage conclu uniquement dans le but
d’acquérir la nationalité française ou d’obtenir des avantages patrimoniaux
ou fiscaux.
Dans ce cas, le consentement à mariage n’existe pas. L’union matrimoniale
ne sert alors qu’à « atteindre un but étranger à l’union matrimoniale29 ».

Une action en nullité du mariage pourra être intentée, par exemple par le
ministère public. Le juge devra déterminer l’absence d’intention
matrimoniale.

2. Intégrité du consentement

Le mariage est un acte juridique, il se fonde sur le consentement des


parties. Le consentement doit donc être libre et éclairé. En d’autres termes,
il faut que le consentement soit intègre, c’est-à-dire qu’aucun vice ne
l’affecte.

Trois vices peuvent affecter le consentement d’une partie à un acte


juridique :
- l’erreur = le fait de s’être trompée sur la personne (a)
- le dol = l’erreur provoquée
- la violence = avoir été forcé à se marier (b)
29 Cass. 1Ère civ. 28 oct. 2003, n°01-12574
.
48
Reprenons :

a. l’erreur

L’erreur altère la sincérité du consentement. L’erreur désigne une mauvaise


perception de la réalité qui conduit la personne qui la subit à donner un
consentement qu’elle n’aurait pas donné si elle avait eu connaissance de la
réalité.

En matière contractuelle, on distingue l’erreur spontanée (la véritable


erreur) de l’erreur provoquée par des manœuvres, des mensonges (le dol).
En matière de mariage, on ne retient que l’erreur spontanée. L’article 180
alinéa 2 n’envisage que l’erreur spontanée et pas le dol.

En effet, selon l’adage de Loysel, « en mariage, il trompe qui peut ».


Autrement dit, la séduction peut justifier certains écarts : enjoliver une
situation par exemple.
Pour autant, cela ne signifie pas que les manœuvres restent impunies !
Mais elles seront sanctionnées sous le régime de l’erreur et non pas sous le
régime du dol.

S’agissant de l’erreur spontanée, qui nous intéresse, il en existe deux


sortes : l’erreur sur l’identité de la personne et l’erreur sur les qualités
essentielles de la personne.

.
49
→ l’erreur sur l’identité de la personne

Il peut s’agir d’une erreur sur l’identité physique ou civile du futur


conjoint. Une personne croit épouser M. DuponT et épouse en réalité M.
DuponD.
L’erreur sur l’identité physique de la personne consisterait à épouser
quelqu’un d’autre que son époux. Par exemple dans le cas de vrais
jumeaux. C’est une hypothèse très rare.

L’erreur sur l’identité civile vise le cas où l’un des époux aurait utilisé un
faux état civil. Là encore, c’est plutôt rare.

→ l’erreur sur les qualités essentielles de la personne

Parce que les cas d’erreurs étaient très restreints, le législateur a introduit
l’erreur sur les qualités essentielles de la personne dans le Code civil en
1975.

 Avant la loi de 1975, la Cour de cassation avait refusé d’admettre une


telle erreur dans une célèbre affaire Berthon30 en 1862.
Une fille de bonne famille découvrit, après son mariage, que son mari avait
fait de la prison, autrement dit, qu’il était forçat. Se rendant compte de
cela, elle fit valoir qu’elle avait fait une erreur sur la personne de son

30 Cass. ch. réunies, 24 avr. 1862, Berthon


.
50
époux. Mais la Cour refusa en précisant que l’article 180 du Code civil (de
l’époque) ne visait que l’erreur sur l’identité de la personne.

Le législateur introduit donc, bien plus tard, en 1975, l’erreur sur les
qualités essentielles dans le Code civil dans l’alinéa 2 de l’article 180 :
« s’il y a eu erreur dans la personne ou sur les qualités essentielles de la
personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage ».

La condition importante est que si l’époux avait connu cette qualité


essentielle, il ne se serait pas marié. Il n’aurait pas donné son
consentement. C’est la raison pour laquelle il y a erreur.

 Mais que sont ces qualités essentielles ? Est-ce une notion


subjective ? Ou une notion objective ? C’est toute la complexité du
sujet.

Les qualités essentielles de la personne sont celles qui apparaissent


déterminantes pour l’autre conjoint « eu égard aux fins propres du
mariage telles qu’elles sont définies par la loi ou résultent des principes
moraux généralement admis31 ».

Cette notion de qualités essentielles est donc une notion à la fois


subjective : quelle est la qualité considérée comme essentielle pour cette

31 TGI Lille 17 mai 1962, D. 1962, somm. 10


.
51
personne ? Quel est le ressenti de cette personne qui a l’impression de
s’être trompé ?
Et objective : cette qualité est-elle essentielle pour la société ? Que
représente le mariage pour le citoyen à un moment donné dans une société
donnée ?

Le droit ne définit pas les qualités elles-même, il n’en donne pas une liste
précise. Les juges procèdent à une appréciation au cas par cas.
Le juge doit procéder à une appréciation à la fois subjective et objective,
en d’autres termes une appréciation à la fois in concreto et in abstracto.
- D’abord, il faut donc que la qualité invoquée soit considérée comme
essentielle d’une point de vue subjectif par l’époux qui se prétend victime
en faisant valoir ses convictions religieuses, sa sensibilité ou encore ses
opinions.

- Ensuite, il faut que la qualité soit objectivement considérée comme


essentielle.
Dans une affaire, s’est posée la question de savoir si la virginité de
l’épouse pouvait être une qualité essentielle au sens de l’article 180 al. 2
du Code civil.
Le mari se prétendait victime d’une erreur sur les qualités essentielles de la
personne car son épouse n’était pas vierge lors du mariage. Son épouse
aurait menti.
La Cour d’appel de Douai32 considéra que « le mensonge qui ne porte pas
sur une qualité essentielle n’est pas un fondement valide pour l’annulation
32 CA Douai, 17 nov. 2008, Dr. Fam. 2008, 167, note Larribau-Terneyre ; D. 2008, 2938, obs. V. Egéa.
.
52
du mariage ». Puis, la Cour précise que « tel est particulièrement le cas
quand le mensonge prétendu aurait porté sur la vie sentimentale passée de
la future épouse et sur sa virginité, qui n’est pas une qualité essentielle en
ce que son absence n’a pas d’incidence sur la vie matrimoniale ».
= La Cour apporte une précision importante : il faut que l’absence de la
qualité en question ait une incidence sur la vie matrimoniale.

=> Ainsi l’époux qui invoque une erreur sur les qualité essentielles de son
conjoint devra démontrer non seulement que cette mauvaise perception de
la réalité portait bien sur une qualité qu’il considère, dans son for intérieur,
comme demeurant essentielle pour la vie conjugale.
Mais cela ne suffit pas. Il faudra encore démontrer qu’objectivement, en
l’état actuel des mœurs, l’absence de ladite qualité comporte bien une
incidence sur la vie matrimoniale.

Tel n’est pas le cas de nos jours pour une absence de virginité de l’un des
époux au jour du mariage.
De même, l’existence d’une relation avec une tierce personne avant le
mariage n’est pas constitutive d’une qualité essentielle33.

En revanche, il a été retenu une erreur sur les qualités essentielles lorsque
l’épouse très profondément religieuse découvre que son mari a été
précédemment marié, religieusement, et qu’il avait divorcé34.
33 Cass. 1Ère civ. 13 déc. 2005, n°02-21259, (Fiche TD 2, doc 1)
34 Cass. 1Ère civ. 2 déc. 1997 ; Dr. Fam. 1998, comm. 35, note Lécuyer ; RTDCiv. 1998, 654, obs. J. Hauser ;
Defrénois 1998, 1017, obs. J. Massip
.
53
 A quel moment s’apprécie l’erreur ?
L’erreur s’apprécie au jour du mariage.
C’est à celui qui se prévaut de l’erreur de rapporter la preuve de cette
erreur.

b. la violence

L’article 180 alinéa 1er du code civil dispose que l’exercice d’une
contrainte sur les époux ou l’un d’eux constitue un cas de nullité du
mariage.

La violence est une contrainte physique ou morale. Cette contrainte se


caractérise par la menace d’un mal pour la personne ou les biens de celui
contre qui elle s’exerce.

Le plus souvent, il s’agit d’une violence morale exercée par les membres
de la famille des futurs époux. Cela peut être une contrainte, appelée
« crainte révérencielle », c’est à dire que le futur époux se sent contraint de
se marier car il craint ses parents ou autres ascendants.

La violence est un des cas de nullité du mariage. Il faudra que la victime


apporte la preuve de la contrainte.

.
54
C. Les conditions morales et sociales

Restent encore à envisager les conditions morales et sociales du mariage.

Le respect de deux principes fondés sur des considérations sociales et


morales conditionne la validité du mariage : le principe monogamique (1)
et le principe exogamique (2).

1. Le principe monogamique : l’interdiction du mariage bigame

 Le mariage monogamique est un principe essentiel, non seulement en


droit français, mais plus largement de la civilisation européenne. Il
s’agit là d’une clef de voûte, selon le Doyen Carbonnier35.

En vertu de cette règle, le mariage ne peut être contracté qu’entre deux


individus. Qu’il s’agisse de deux personnes de nationalité française ou de
nationalité étrangère.
Dès lors, la célébration d’un mariage polygamique est interdite en France,
même entre deux personnes étrangères dont la loi nationale le leur
permettrait.

 Ce principe est d’ordre public. On ne peut y déroger. La sanction de


sa violation est la nullité absolue.

35 J. Carbonnier, Droit civil, La famille, Thémis, PUF, p. 1191, n°539


.
55
Ainsi, l’article 147 du Code civil dispose qu’ « on ne peut contracter un
second mariage avant la dissolution du premier ». La monogamie est donc
un principe strict.
La violation de la monogamie, c’est-à-dire la bigamie, est même
sanctionnée par un délit pénal : Code pénal, art. 433-20.

Afin d’éviter la bigamie, chacun des futurs époux doit remettre à l’officier
d’état civil une copie de son acte de naissance datant de moins de trois
mois pour vérifier qu’aucun mariage n’y est inscrit en marge.

Si, malgré ces précautions, une seconde union est contractée, celle-ci est
nulle.

Le mariage valablement célébré à l’étranger n’est pas nul en France où il


peut produire des effets limités36 : par exemple la dévolution successorale
ou l’exécution de l’obligation alimentaire.
En effet, selon la Cour de cassation, « l’ordre public français ne fait pas
obstacle à l’acquisition de droits en France sur le fondement d’une
situation créée sans fraude à l’étranger en conformité avec la loi ayant
compétence en vertu du droit international privé37 ».

2. Principe exogamique : la prohibition du mariage incestueux

 L’interdiction de principe
36 Cass. 1Ère civ. 24 sept. 2002 , Bull. Civ. I, n°214, p. 165. ; JCP 2003, II, 10007, concl. Sainte-Rose, note A.
Devers ; D. 2003, somm. 1935, obs. J-J. Lemouland ; Defrénois 2002, 1467, obs. J. Massip.
37 Cass. 2Ème civ. 2 mai 2007, n°06-11418
.
56
La liberté matrimoniale permet de se marier avec qui l’on souhaite. Sauf
s’il y a un empêchement à mariage. L’inceste fait partie de ces
empêchements à mariage.

Sur le plan pénal, l’inceste est condamné aux articles 222-31-1 et 222-31-2
du Code Pénal.
Dans le Code civil, l’ « inceste » n’est pas mentionné en tant que tel mais
c’est bien de l’interdiction des mariages incestueux dont il est question
dans les articles 161 et suivants du Code civil.

Ainsi, la prohibition de l’inceste empêche tout mariage entre les membres


proches d’une même famille38.
Cette prohibition ne s’appuie pas sur des considérations uniquement
biologiques, c’est-à-dire visant à empêcher la consanguinité. D’ailleurs, les
empêchements à mariage ne sont pas fondés que sur des liens génétiques.
En effet, les empêchements à mariage résultant de la parenté ou de
l’alliance valent également à l’égard des enfants adoptés.

La prohibition de l’inceste s’ancre dans une norme sociale imposant le


mariage en dehors du groupe : l’exogamie. Il s’agit de multiplier les
échanges entre les groupes de population.
Dès lors, la prohibition s’ancre très profondément dans nos cultures. Elle
est constitutive d’un interdit fondamental, anthropologique.

38 A. Batteur, « L’interdit de l’inceste, principe fondateur du droit de la famille », RTDCiv. 2000, p. 759.
.
57
Cet interdit fondamental trouve sa transcription dans les articles 161 et
suivants du Code civil.
L’article 161 dispose que « En ligne directe, le mariage est prohibé entre
tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne. »
Les articles 162 et 163 posent la même interdiction entre frères et sœurs,
oncles, tantes, neveux…

Enfin, l’interdiction concerne également les alliés (art. 161) – c’est-à-dire


– les personnes qui ont un lien juridique entre eux par l’effet du mariage.
Autrement dit, c’est ici le lien entre un conjoint et les parents de son
époux. Il est impossible de se remarier avec le père ou la mère de son ex-
conjoint.

En revanche, le mariage entre cousins, même germains, n’est pas interdit.

S’il existe des causes graves, l’article 164 permet de lever l’interdiction de
mariage entre oncle, tante/ neveux et nièces, et entre alliés en ligne directe
lorsque la personne qui a créé l’alliance est décédée.

Signe que l’inceste n’est pas une question de lien génétique, les personnes
adoptées sont également concernées. Ainsi, l’enfant adopté plénièrement
est soumis aux mêmes interdictions.
En ce qui concerne l’adoption simple, les cas de mariage interdits sont
précisés dans l’article 166 du Code civil. Il s’agit d’empêcher l’enfant

.
58
adopté de se marier avec les membres proches qui composent la famille
adoptive.
Là encore, le Président de la République peut lever certains interdits à
mariage.

Cet interdit subsiste dans notre droit mais l’on a pu se demander si, au nom
des droits fondamentaux, l’interdit n’avait pas été remis en cause par la
jurisprudence.

 Une remise en cause prétorienne de l’interdit de l’inceste ?

La jurisprudence procède peu à peu à un véritable assouplissement des


empêchements à mariage, en exploitant pour ce faire les libertés et droits
fondamentaux.
Cette tendance ressort tant de la jurisprudence de la CEDH que de la Cour
de cassation.

→ Jurisprudence de la CEDH

Dans un arrêt B. L. c/ Royaume-Uni39, la Cour EDH a considéré que


l’interdiction du mariage de certains alliés constitue une atteinte excessive
au droit au mariage et viole l’article 12 de la Convention EDH (liberté
matrimoniale).

39 CEDH, 13 septembre 2005, n°36536/02, B.L. c/ Royaume-Uni ; Dr. Fam. 2005, comm. 234, note A. Gouttenoire et
M. Lamarche ; RTD Civ. 2005, 735, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD Civ. 2005, 758, obs. J. Hauser.
.
59
Elle considère que l’intérêt de l’enfant, né du couple, risquait d’être
perturbé si le mariage de ses parents était impossible.

→ Cour de cassation – Acte 1

Dans un arrêt du 4 décembre 2013, la Cour de cassation a également altéré


l’empêchement à mariage entre le beau-père et la belle-fille40.
Dans cette affaire, une femme avait été mariée une première fois en 1969.
Une fille était née de cette union en 1973.
Après le divorce des époux en 1980, l’ex-épouse se marie avec le père de
son ex-mari (son beau-père donc), en 1983.
De manière étonnante, aucune opposition à mariage n’est alors formée.

En 1990, le second mari consent une donation à sa petite fille. Il décède en


2005 en laissant pour lui succéder son épouse et son fils (l’ex-mari).
Le défunt avait désigné son épouse en tant que légataire universelle, c’est-
à-dire qu’elle héritait de tout le reste de la succession après versement de la
part réservataire du fils. C’est sans doute la raison pour laquelle le fils a
engagé une action en nullité du mariage de son ex-femme avec son père.

La Cour d’appel a accueilli cette demande en nullité. Elle considéra que


l’empêchement posé par les articles 161 et 164 du Code civil répondait à
des finalités légitimes de sauvegarde de l’homogénéité de la famille en
maintenant des relations saines et stables à l’intérieur du cercle familial.
40 Cass. 1Ère civ., 4 déc. 2013, n° 12-26066 : ici ; Dr. Fam. 2014, comm. 1 note J.-R. Binet ; D. 2014, 179, note F.
Chénedé ; D. 2014, 1342, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; … V. aussi M.-C. Meyzeaud-Garaud, « L’influence
des dr déc. oits de l’Homme sur les empêchements à mariage », RJPF 2014-5/6
.
60
Selon la Cour d’appel, cette interdiction permettait également de préserver
les enfants, qui peuvent être affectés, voire perturbés, par le changement de
statut et de liens entre les adultes autour d’eux.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de façon


spectaculaire et inattendue.
La première chambre civile procède ici au relevé d’office d’un moyen,
comme le permet l’article 1015 du Code de procédure civile.
Concrètement, cela signifie que la Cour de cassation ne se limite pas aux
moyens du pourvoi. Elle soulève un moyen non invoqué par les parties, ce
qui montre l’importance de l’arrêt en termes de création de droit par la
jurisprudence.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel pour violation de l’article 8 de la


CEDH.
En prononçant la nullité du mariage pourtant conclu en contravention avec
l’article 161 du Code civil, l’arrêt d’appel revêtait à l’égard de l’épouse :
« le caractère d’une ingérence injustifiée dans l’exercice de son droit au
respect de sa vie privée et familiale, dès lors que cette union célébrée sans
opposition, avait duré plus de vingt ans ».
Ce faisant, elle procède à un contrôle concret de proportionnalité : elle
observe si l’application de la norme à cette situation particulière produit
des effets contraires aux droits fondamentaux, et plus spécifiquement à
l’article 8 de la CEDH.

.
61
Ici, le fait que le mariage ait duré plus de vingt ans est pris en compte. La
nullité du mariage porterait atteinte au droit au respect de la vie privée de
l’épouse.
= l’écoulement du temps rend pérenne la situation en principe prohibée.
L’article 161 du Code civil en ressort particulièrement affaibli.

→ Cour de cassation – Acte 2

Quelques années plus tard, la Cour de cassation est saisie d’une affaire
similaire41. Mais elle rend une décision en sens contraire.

Ici, un homme épouse la fille de son ex-femme, née d’une précédente


union. Cinquante ans séparent les deux époux.
Une demande en nullité du mariage est formée par l’ex-épouse. La CA
l’accueille favorablement.
L’épouse actuelle fait valoir les mêmes arguments que ceux de la Cour de
cassation en 2013 : que la nullité du mariage, fondée sur l’inceste entre
alliés, constituait une atteinte disproportionnée au droit au mariage (garanti
par l’article 12 CEDH) et une ingérence injustifiée dans l’exercice du droit
à la vie privée (garanti par l’article 8 CEDH).

Mais cette fois, la Cour de cassation ne casse pas l’arrêt de la Cour


d’appel.

41 Cass. 1Ère civ. 8 déc. 2016, n°15-27201 : ici ; Dr. Fam. 2017, comm. 24, note J.-R. Binet ; Dr. Fam 2017, comm.
25, concl. L. Bernard de la Gatinais ; JCP G. 2017, 166, note J. Hauser ; JCP G 2017, 186, obs. M. Lamarche ; D.
2017, 1082, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; D. 2017, 953, note F. Chénedé ; RTD Civ. 2017, 102, obs. J.
Hauser
.
62
La Cour de cassation rappelle la finalité de la règle prohibant le mariage
entre alliés. Ainsi, la règle « poursuit un but légitime en ce qu’elle vise à
sauvegarder l’intégrité de la famille et à préserver les enfants des
conséquences résultant d’une modification de la structure familiale ».
Puis, elle rappelle la place occupée par le contrôle de proportionnalité : « il
appartient toutefois au juge d’apprécier si, concrètement, dans l’affaire
qui lui est soumise, la mise en œuvre de ces dispositions ne porte pas
atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la
Convention et que l’atteinte n’est pas disproportionnée au regard du but
légitime poursuivi ».
Enfin, elle considère qu’en l’espèce l’appréciation concrète a bien été
menée puisque l’arrêt d’appel relève que l’intéressée a vécu, « alors
qu’elle était mineure, durant neuf années, avec celui qu’elle a
ultérieurement épousé et qui représentait nécessairement pour elle, alors
qu’elle était enfant, une référence paternelle, au moins sur le plan
symbolique ».
=> La finalité de la règle qui consiste à empêcher les perturbations
généalogiques apparaît ici clairement.
La Cour souligne la durée de ce mariage (8 ans) et le fait qu’il n’y ait pas
d’enfant né de cette union. Par conséquent, il n’y avait pas d’atteinte au
droit au respect de la vie privée.

=> Dès lors, la prohibition de l’inceste demeure mais, concernant le


mariage entre alliés, les circonstances peuvent conduire à une application
plus ou moins rigoureuse de la règle.

.
63
Maintenant que nous avons pu étudier les conditions de fond du mariage,
nous allons envisager les conditions de forme.

§2. Conditions de forme

Certaines formalités doivent être accomplies par les futurs conjoints avant
la célébration du mariage (A). D’autres sont propres à la célébration, ce
qui fait du mariage un acte solennel (B).

A. Formalités antérieures à la célébration du mariage

 Les formalités antérieures à la célébration du mariage consistent


d’abord en la remise de différentes pièces à l’officier d’état civil.
Cela lui permet de vérifier que les conditions de fond sont remplies.
Ainsi, les futurs époux doivent donc constituer un dossier de mariage
composé d’une copie intégrale de leur acte de naissance (art. 70 du Code
civil), ou à défaut d’un acte de notoriété.

Si le futur époux est mineur, il faut également qu’il fournisse l’autorisation


de se marier, signé par ses parents ou représentants légaux.

.
64
Si le futur époux est placé sous tutelle ou curatelle, le tuteur ou curateur
doit être préalablement informé de son projet de mariage. Une justification
de cette information doit être fournie à l’officier d’état civil.

 Ensuite, l’officier d’état civil doit procéder à l’audition des futurs


époux afin d’éviter les fraudes au mariage, par exemple pour obtenir
un titre de séjour.

A la suite de cette audition, s’il apparaît que le mariage projeté est


susceptible d’être annulé, l’officier d’état civil peut saisir sans délai le
procureur de la République et il en informe les intéressés.
Dans les 15 jours de saisine, le procureur doit :
- soit laisser procéder au mariage
- soit former opposition
- soit surseoir à la célébration dans l’attente des résultats de l’enquête à
laquelle il a fait procéder.

 Enfin, avant la célébration, le mariage projeté fait l’objet d’une


publicité pour permettre aux personnes compétentes d’exercer leur
droit d’opposition. Ou encore pour que les tiers qui ont connaissance
d’un empêchement à cette union puissent en informer l’officier d’état
civil. = c’est ce que l’on nomme la publication des bans
Cette publication des bans est assurée par voie d’affichage à la mairie du
lieu du mariage pendant 10 jours. Elle indique les « prénoms, noms,

.
65
professions, domiciles et résidences des futurs époux, ainsi que le lieu où
le mariage va être célébré42 ».

B. Formalisme de la célébration du mariage

En France, seul le mariage civil a une valeur juridique. Ainsi, seul


l’officier d’état civil peut le célébrer valablement.
Aucun ministre du culte ou aucune autre personne ne peut le faire.
S’il y a un mariage religieux, il doit impérativement se tenir après le
mariage civil.

Ce principe est pénalement sanctionné. L’article 433-21 du Code pénal


sanctionne de 6 mois d’emprisonnement et 7500€ d’amende à l’encontre
du ministre du culte qui transgresserait la règle.

Le mariage doit être célébré en mairie, publiquement, en présence des


époux et de l’officier d’état civil et avec au moins deux témoins. Quatre
maximum.
La mairie est celle de la commune où l’un d’eux au moins, ou l’un de ses
parents a son domicile ou sa résidence établie par un mois au moins
d’habitation continue à la date de la publication prévue par la loi.

La cérémonie républicaine consiste en la lecture par l’officier d’état civil


des articles 212, 213, 214 al. 1 et 215 al. 1 portant sur les devoirs des

42 Art. 63 et 64 du Code civil


.
66
époux ainsi que l’article 371-1 portant sur l’exercice conjoint de l’autorité
parentale.
L’officier d’état civil demande ensuite aux futurs conjoints si un contrat de
mariage a été établi, afin de l’inscrire sur l’acte de mariage.
Puis, il recueille le consentement solennel des époux, les déclare unis par
le mariage et en dresse l’acte immédiatement.
Il remet enfin un extrait de l’acte de mariage aux époux ainsi qu’un livret
de famille. Puis il inscrira le mariage en marge de l’acte de naissance de
chaque époux.

§3. La sanction des conditions de formation du mariage

La violation des conditions de formation du mariage fait l’objet de


sanctions civiles (A) et pénales (B).

A. Sanctions civiles

La violation des conditions du mariage peut intervenir a priori (1) ou a


posteriori (2), c’est-à-dire avant la célébration du mariage ou après celle-
ci.

1. Sanction a priori : l’opposition à mariage

.
67
L’opposition est le droit par lequel des personnes désignées par la loi
indiquent aux époux et à l’officier d’état civil que le mariage qui va être
célébré est frappé d’un empêchement à mariage.

a. Conditions de l’opposition

 Titulaires du droit d’opposition


En vertu des articles 172 et suivants du Code civil, voici ceux qui peuvent
exercer le droit d’opposition à mariage :
- le conjoint d’un des deux futurs époux qui révélerait ainsi un cas de
bigamie
- les ascendants qui peuvent invoquer tous les cas d’empêchements
- à défaut d’ascendants, les frères et sœurs, oncles et tantes, cousins et
cousines germains majeurs. Ils ne peuvent invoquer que « l’altération des
facultés personnelles du futur époux » ou l’absence de consentement du
conseil de famille lorsque celui-ci est en principe nécessaire
- le tuteur ou le curateur peut former opposition au mariage de la personne
qu’il assiste
- le ministère public peut soulever tous les cas de nullité du mariage.

 Formes de l’opposition

A peine de nullité, l’opposition à mariage doit être signifiée par huissier à


l’officier d’état civile et aux futurs époux.

.
68
Cette opposition à mariage doit comporter la signature du ou des
opposants, leur qualité, l’élection de domicile dans le le lieu où le mariage
devra être célébré, les motifs de l’opposition et le texte de loi sur lequel ils
sont fondés43.
L’officier d’état civil doit alors faire mention des actes d’opposition sur le
registre des mariages44.

b. Effets de l’opposition

Tout simplement, l’opposition interdit à l’officier d’état civil de célébrer le


mariage.
Si l’officier d’état civil passe outre, il encourt des sanctions.
C’est ce qui s’est passé lors du mariage de Bègles. Le ministre de
l’intérieur a alors suspendu, temporairement, le maire de ses fonctions.

L’opposition interdit à l’officier d’état civil de célébrer le mariage. Mais


cette interdiction n’est pas définitive.
Le mariage pourra être célébré au bout d’un an si l’opposition n’a pas été
renouvelée (art176 al.2). Il pourra également être célébré dès lors que
l’opposant exerce une mainlevée de son opposition.
A défaut de retrait par l’opposant, les futurs conjoints doivent saisir le
tribunal de grande instance qui devra statuer dans les dix jours (art. 177).

Voyons maintenant les sanctions a posteriori.

43 Art. 176du Code civil


44 Art. 67 du Code civil
.
69
2. Sanction a posteriori : la nullité du mariage

Le droit canonique opère une distinction entre deux catégories


d’empêchements.
Certains empêchements, dit prohibitifs, ne permettent pas la célébration de
l’union. Toutefois, s’il est passé outre, ces mariages ne peuvent être
annulés.
A l’opposé, la sanction du non-respect des autres empêchements, dit
dirimants, réside dans l’annulation du mariage.

Le droit civil s’est inspiré du droit canonique. On retrouve ainsi la


distinction entre nullité absolue et nullité relative.

a. Causes et régime des nullités

On distingue les cas de nullité relative de ceux de nullité absolue.


La nullité est relative lorsqu’elle ne peut être exercée que par la ou les
personnes déterminées par la loi.
La nullité est absolue lorsqu’elle est ouverte à toute personne ayant un
intérêt.

 Nullité relative

Il y a deux causes de nullité relative :

.
70
- Le premier : le vice du consentement d’un des époux (article 180 du
Code civil).
Dans ce cas, seul l’époux dont le consentement est vicié – par l’erreur ou
par la violence – peut demander la nullité du mariage.
Il dispose de cinq ans pour exercer l’action à compter du jour du mariage.
L’action est intransmissible aux héritiers.

- l’absence de consentement des personnes qualifiées lorsqu’il s’agit du


mariage d’un mineur.
Seules les personnes qui devaient donner leur consentement au mariage du
mineur ainsi que le mineur lui-même peuvent demander la nullité.

Cette nullité se prescrit également par cinq ans.


Le délai de prescription court à compter de la connaissance du mariage
pour ceux dont le consentement était requis et à compter du jour de sa
majorité pour le mineur.

Cette nullité relative peut être couverte par une confirmation, expresse ou
tacite.
La confirmation est expresse lorsque les époux ou les parents dont le
consentement était requis reconnaissent dans un acte postérieur au mariage
la validité de celui-ci.
La confirmation est tacite lorsque le comportement des époux ou des
parents dont le consentement était requis permet de constater qu’ils
reconnaissent la validité de l’union. C’est notamment le cas lorsqu’ils

.
71
laissent s’écouler cinq années après la célébration sans faire de
réclamation.

 Nullité absolue

Il existe sept causes de nullité absolue : cinq portent sur le non-respect des
conditions de fond, deux sont relatives au non-respect des conditions de
forme.

Les cinq causes de nullité liées au non-respect des conditions de fond sont
prévues à l’article 184 du Code civil par renvoi aux textes qui les
contiennent :
- l’impuberté (art. 144)
- l’absence de consentement (art. 146)
- l’absence de l’époux lors du mariage (art. 146-1)
- la bigamie (art. 147)
- l’inceste (art. 161, 162, 163)

Les deux causes de nullité résultant du non-respect des conditions de


forme sont prévues par les articles 191 et 192 du Code civil.
Il s’agit de
- la clandestinité (c’est-à-dire lorsque les mesures de publicité n’ont pas
été réalisées)45
- l’incompétence de l’officier d’état civil, lorsque ni l’un ni l’autre des
époux n’a son domicile sur le territoire de la commune. Dans cette
45 Affaire des mariages de Montrouge : Cass. Civ. 7 août 1883, DP 1884, 1, 5 ; concl. Barbier
.
72
hypothèse, toutefois, la nullité est facultative pour le juge qui peut ne pas
la prononcer lorsqu’il n’existe aucune volonté de frauder la loi de la part
des époux.

Pour tous ces cas, toute personne qui a un intérêt légitime à voir le mariage
annulé peut demander la nullité.
Cependant, afin de limiter les actions en nullité fondées sur un intérêt
purement moral, certains doivent justifier d’un intérêt « né et actuel » (art.
187).

Dès lors, il faut distinguer les personnes qui n’ont pas à justifier de cet
intérêt, et celles qui doivent en justifier.
Peuvent agir sans avoir à justifier d’un tel intérêt : les époux, le conjoint de
la personne qui se marie (dans le cas de la bigamie), les père et mère et les
ascendants et, enfin, le conseil de famille en l’absence d’ascendants.

Le ministère public peut également agir en nullité.


Son action est légitimée par l’ordre public, ce qui explique qu’il ne puisse
agir que du vivant des époux puisque le trouble causé à l’ordre public
cesse avec le décès de l’un d’eux (art. 190)

L’action en nullité absolue se prescrit par trente ans. (art. 184 et 191 du
Code civil)
Toutefois, deux situations entraînent la disparition de la cause de la nullité
absolue :

.
73
- premièrement, le ministère public ne peut plus agir à la mort de l’un des
époux
- deuxièmement, si le mariage comporte un vice de forme et que les époux
jouissent de la possession d’état d’époux depuis la célébration, ils ne
peuvent pas en demander la nullité (art. 196)

b. Effets de la nullité

Conformément au droit commun des nullités, la nullité du mariage


entraîne son anéantissement rétroactif.
Cependant, par exception, le recours à la théorie de la putativité permet de
cantonner à l’avenir les effets de cette nullité, dans certaines hypothèses.

 Principe : l’anéantissement rétroactif du mariage

Le principe veut que la nullité du mariage entraîne sa disparition


rétroactivement.
Le mariage est donc censé n’avoir jamais existé.

Dès lors, tous les effets personnels et patrimoniaux sont également


annulés.
Par exemple, concernant les effets personnels, les époux perdent le droit
d’user du nom de famille de l’autre époux.
Concernant les effets patrimoniaux, le régime matrimonial cesse de
s’appliquer. Les intérêts patrimoniaux sont réglés comme pour des

.
74
concubins sans appliquer les règles de liquidation-partage de la
communauté.
Enfin, au titre des effets patrimoniaux, les donations faites en
considération du mariage sont annulées : le conjoint survivant perd tous les
droits successoraux qu’il aurait pu avoir en cette qualité et doit tout
restituer.

Toutefois, comme le divorce, l’annulation ouvre droit à une prestation


compensatoire.

En revanche, la nullité du mariage ne modifie pas la filiation des enfants


issus du mariage annulé. Ils conservent leur lien de filiation et leur
nationalité.

 Exception : le mariage putatif

Toutefois, la rétroactivité de l’annulation du mariage peut être écartée sous


certaines conditions.

Cette exception à l’effet rétroactif de la nullité du mariage est ce qu’on


appelle « le mariage putatif ». Cette institution particulière est prévue aux
articles 201 et 202 du Code civil.

.
75
Le mariage est putatif lorsque les époux ont pu valablement croire qu’ils
étaient mariés, et ce, malgré la cause de nullité qui affecte ce mariage

Fondé sur la croyance des époux, ce mariage est maintenu pour ce qui
concerne le passé, et annulé pour l’avenir.

Historiquement, la notion a été inventé par le droit canonique afin de


permettre aux enfants nés dans le mariage de demeurer légitimes.

Pour que le mariage soit considéré comme putatif, il faut que plusieurs
conditions soient remplies. Il faut que les époux se soient unis de bonne
foi, sur la base d’une erreur et n’avoir commis aucune fraude.
La jurisprudence admet l’erreur de fait comme l’erreur de droit : c’est-à-
dire qu’ils ont pu se tromper sur une des causes d’erreur de l’article 180,
ou bien par exemple sur des règles de droit applicable : l’un des époux
ignorait de bonne foi que la bigamie était interdite en France.
Il faut que les époux soient de bonne foi (art. 201), c’est-à-dire qu’ils
devaient ignorer l’erreur au moment du mariage.
Il faut également que l’un des époux - ou les deux - demande au juge de
déclarer le mariage comme putatif.

Quand un mariage est déclaré putatif, l’anéantissement du mariage ne vaut


que pour l’avenir. L’anéantissement n’est pas rétroactif.

.
76
Les effets civils produits par le mariage avant la nullité perdurent à l’égard
de l’époux de bonne foi. Ex : l’épouse pourra continuer de porter le nom
du mari.
De même, l’époux de bonne foi pourra bénéficier de la qualité de conjoint
survivant au sens des articles L. 353-1 du Code de la sécurité sociale. A ce
titre, il pourra percevoir une pension de réversion. C’est la raison pour
laquelle de nombreuses caisses de retraite engagent des actions en nullité
de certains mariages.

B. Sanctions pénales

Celles-ci sont très rares.

La bigamie constitue un délit puni d’un an d’emprisonnement et de


45000€ d’amende46. Ces peines s’appliquent à l’époux bigame et à
l’officier d’état civil qui a célébré le mariage en connaissant cette cause de
nullité.

Section 3 Les effets du mariage

Les époux assument la direction matérielle et morale de la famille.


Des devoirs réciproques pèsent donc sur eux. Ce sont ces devoirs qui
assurent la cohésion du groupement familial et son bon fonctionnement.
46 Art. 433-20 du Code pénal
.
77
Ainsi, les conjoints se doivent mutuellement respect, fidélité, et assistance.
L’assistance consiste en une aide morale que les époux s’apportent en cas
de difficultés. Ce sont des devoirs personnels.

Ces devoirs personnels s’accompagnent de devoirs patrimoniaux. C’est-à-


dire d’obligations pécuniaires. L’époux doit donc apporter une aide
matérielle à son conjoint qui se trouve dans le besoin.
Au titre des devoirs patrimoniaux, les époux doivent également contribuer
aux charges du mariage, c’est-à-dire aux dépenses nécessaires à la vie de
famille.

Tous ces devoirs sont complétés par des dispositions qui prévoient une
certaine indépendance des époux. Ainsi, les époux peuvent conclure seuls
des actes ayant pour objet l’entretien de la famille et l’éducation des
enfants.
Ils seront solidaires pour ces dépenses, c’est-à-dire que ls créanciers
pourront demander le paiement de la dette à l’un ou l’autre époux, peu
important quel époux a contracté la dette.

Ils ont le libre choix de leur professions. Ils peuvent librement disposer de
leur patrimoine – sauf s’il s’agit du logement de famille. Ils peuvent
chacun librement gérer leur compte en banque.

Le mariage impose deux choses aux époux :

.
78
- un régime matrimonial – un contrat de mariage en d’autres termes. Ce
régime matrimonial peut être choisi par les époux. Ce régime matrimonial
organise la répartition du patrimoine entre les époux.
- un régime primaire impératif – qui s’applique à tous les époux, quel que
soit le régime matrimonial choisi. Les époux ne peuvent écarter aucune ds
règles du régime primaire impératif.
Ce régime primaire impératif fournit les règles de base de l’organisation
patrimoniale et familiale.

Les régimes matrimoniaux font l’objet d’un cours en M1. En revanche,


nous allons étudier les principaux aspects du régime primaire impératif.
Cela permettra de comprendre les effets du mariage, et de pouvoir
distinguer le mariage du pacs et du concubinage.

Nous envisagerons d’abord les effets personnels du mariage (§1) puis les
effets patrimoniaux (§2).

§1. Effets personnels du mariage

Les effets personnels du mariage consistent en une série de droits et


devoirs réciproques entre époux.

Le mariage implique l’existence d’une intimité (A) et une harmonie


conjugales (B)

.
79
A. Intimité conjugale : les devoirs de communauté de vie et de fidélité

Deux devoirs seront ici présentés : l’obligation de vivre ensemble, c’est-à-


dire le devoir de communauté de vie (1), et l’obligation à des relations
sexuelles exclusives, c’est-à-dire le devoir de fidélité (2).

1. Devoir de communauté de vie

Vivre ensemble, c’est là l’essence du mariage. Même si, bien sûr, il y a des
exceptions en pratique. Mais, sur le plan des principes, se marier, c’est
vivre ensemble. Il y a donc obligation d’une communauté de toit (a) et
d’une communauté de lit (b).

a. La communauté de toit

L’article 215 alinéa 1er du Code civil énonce que « les époux s’obligent
mutuellement à une communauté de vie ».
L’alinéa 2 dispose que « La résidence de la famille est au lieu qu'ils
choisissent d'un commun accord. »

En d’autres termes, les époux sont censés vivre ensemble dans le même
logement, choisi par leurs soins. Cette communauté de vie implique donc
une communauté de toit.

.
80
Toutefois, l’article 108 du Code civil dispose que :
« Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté
atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie.
Toute notification faite à un époux, même séparé de corps, en matière d'état et de capacité des
personnes, doit également être adressée à son conjoint, sous peine de nullité. »

Ainsi, il est possible, à titre exceptionnel, d’avoir un domicile distinct. Ce


qui compte , c’est l’intention d’avoir une communauté de vie.

L’article 215 étant d’ordre public, il n’est pas possible d’y déroger dans
une convention entre époux. Une telle convention serait nulle en vertu de
l’article 6 du Code civil.
Néanmoins, lorsque les époux sont séparés, ils peuvent conclure un pacte
parental afin d’organiser l’exercice de l’autorité parentale à l’égard de
leurs enfants, pacte qui peut être ensuite homologué par le juge aux
affaires familiales.
Indirectement, l’homologation d’un tel pacte aboutit à la légitimation
judiciaire de l’organisation de la séparation par les époux.

Il est également possible de cesser la vie commune lorsqu’il y a séparation


de corps. Il s’agit d’une institution permettant aux époux de ne plus vivre
ensemble tout en ne divorçant pas.
Il est également possible de ne plus vivre ensemble dans le cadre de la
procédure de divorce. L’ordonnance de non-conciliation, c’est-à-dire une
décision du juge aux affaires familiales, peut autoriser les époux à résider
séparément le temps de la procédure.

.
81
b. La communauté de lit

Les époux doivent partager le même toit mais également le même lit. En
effet, le devoir de cohabitation implique le devoir conjugal, c’est-à-dire
l’obligation d’entretenir des relations sexuelles avec son conjoint.

Le refus opposé par un époux peut ainsi constituer une faute au sens de
l’article 242 du Code civil47. Mais, l’absence ou la limitation des relations
sexuelles n’est pas en soi une cause de divorce car elle peut trouver sa
source dans diverses origines48.

Si le refus peut constituer une faute, cause de divorce, cela ne signifie pas
qu’il est possible de contraindre son conjoint à des relations sexuelles.
Autrement dit, un rapport non consenti sera qualifié de viol, même entre
deux époux.
Ainsi, l’article 222-22 du Code pénal précise que « Le viol et les autres agressions
sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par
la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y
compris s'ils sont unis par les liens du mariage. »

2. Devoir de fidélité

L’article 212 du Code civil prévoit que « Les époux se doivent mutuellement respect,
fidélité, secours, assistance. »

Les époux sont donc tenus d’un devoir réciproque de fidélité.


47 CA Paris, 27 octobre 1959, D. 1960, 144 ;
48 CA Paris, 16 avr. 2015, JurisData n°2015-0088, Dr. Fam. 2015, comm. 141, J.-R. Binet.
.
82
Ce devoir implique l’exclusivité des relations intimes et interdit l’adultère.
Cette exclusivité est symbolisée par le baiser que se donnent les époux et
les alliances qu’ils s’échangent, à l’issue de la cérémonie.

Cette exclusivité est physique mais également intellectuelle. C’est ainsi


que l’on a pu voir la Cour de cassation valider le prononcé d’un divorce
pour faute d’une épouse ayant envoyé des photos intimes d’elle à un tiers
via un réseau social49. L’adultère est ainsi renouvelé par les nouvelles
technologies.

Avant la réforme du divorce par la loi du 11 juillet 1975, l’adultère était


une cause péremptoire de divorce. Sa constatation entraînait
obligatoirement le prononcé du divorce aux torts de celui qui l’avait
commis. Il s’agissait même d’une infraction pénale.

Depuis 1975, l’adultère n’est plus une infraction pénale. L’adultère


n’entraîne plus non plus le prononcé automatique du divorce.
Toutefois, l’adultère peut toujours constituer une faute, cause de divorce,
au titre de l’article 242 du Code civil.
L’adultère peut également constituer un préjudice réparable au sens des
articles 1240 et 1241 du Code civil et entraîner l’attribution de dommages
et intérêts pour l’époux trompé.

49Cass. Civ. 1Ère, 30 avr. 2014, n° 13-16.649 : fiche TD n° 2, document n°4 + fiche TD n°3, document n°4
.
83
Le devoir de fidélité est un devoir d’ordre public. On ne peut l’écarter dans
une convention.

L’interdit de l’adultère semble toutefois s’atténuer. Le devoir de fidélité


demeure mais il semble de moins en moins grave de l’enfreindre. Ainsi, la
Cour de cassation a considéré que la publicité pour le réseau social
Gleeden, spécialisé dans les rencontres extra-conjugales, autrement dit
dans les relations adultères, n’était pas contraire à l’ordre public 50. On peut
donc faire la publicité de l’adultère librement. N’est-ce pas promouvoir
l’adultère ? N’est-ce pas en atténuer indirectement l’interdit ?
Certains auteurs demandent même la suppression du devoir de fidélité
dans le Code civil. Ils estiment que le devoir de fidélité est un engagement
personnel, pas un devoir devant résulter de la loi.

En tout état de cause, le devoir de fidélité s’impose jusqu’à ce que la


décision de divorce soit passée en force de chose jugée, c’est-à-dire qu’il
n’y a plus de recours à l’encontre de cette décision.
La Cour de cassation estime que « l’introduction de la demande en divorce
ne confère pas aux époux une immunité destituant de leurs effets normaux
les offenses dont ils peuvent se rendre coupables l’un envers l’autre51 ».

B. L’harmonie conjugale : devoirs d’assistance et respect

50Cass. Civ. 1 ère , 16 déc. 2020, n°19-19.387 : fiche TD n° 2, document n°5


51 Cass. Civ. 1Ère 8 mars 2005, n°03-20325 : Jurisdata n°2005-027490 ; Cass. 1Ère civ. 9 juill. 2008, Jurisdata
n°2008-044817
.
84
S’ajoutent deux autres devoirs. Les devoirs d’assistance (1) et de respect
(2). Ils sont le socle moral de l’harmonie conjugale.

1. Devoir d’assistance

Contrairement au devoir de secours qui n’est que pécuniaire – on le verra


plus tard – le devoir d’assistance est un devoir moral.
Il s’agit de l’aide mutuelle que doivent s’apporter les époux face aux
difficultés de la vie.
Ainsi cette aide peut être matérielle : participation aux tâches ménagères,
aide réciproque dans le travail de l’autre, aide morale quand l’un des
époux est malade ou perd un être cher…

C’est la formule classique de « s’aimer pour le meilleur et pour le pire ».


C’est l’un des atouts du mariage. Une étude récemment publiée en 2013 a
montré que les malades atteints du cancer ont un accroissement de leur
survie de 20 % lorsqu’ils sont mariés52.

Au titre de ce devoir d’assistance, la jurisprudence sanctionne le désintérêt


manifeste opposé par une épouse à l’égard de son conjoint53.

2. Devoir de respect

52 Le Figaro, 24 sept. 2013


53 CA Paris, 12 janv. 1972, D. 1973, 217, note J. C.
.
85
La loi du 4 avril 200654, renforçant la prévention et la répression des
violences au sein d’un couple ou commises contre les mineurs, a introduit
au sein de l’article 212 du Code civil un devoir de respect mutuel entre les
époux.

Cet ajout a été proposé par Robert Badinter. Le respect est considéré
comme la « base d’une vie de couple harmonieuse et préalable
indispensable à la prévention des violences conjugales 55 ». Mais ce devoir
de respect n’existait-il pas déjà implicitement dans le Code civil ? N’était-
ce pas l’évidence de ne pas frapper ou dénigrer son conjoint ? Un texte
semblait nécessaire et cela ne s’est pas amélioré depuis, ce qui n’est pas
rassurant.

La loi du 9 juillet 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux


femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces
dernières sur les enfants, a donné une véritable portée juridique à ce devoir
de respect.
Elle a permis à l’époux, victime de violences, de saisir le juge aux affaires
familiales pour qu’il lui délivre une ordonnance de protection (art. 515-9
du Code civil).
Cette action est également ouverte à tout concubin ou à tout partenaire.
Elle n’est pas exclusive au couple marié.

54 Loi n°2006-399, 4 avr. 2006


55 Doc. Sénat n°160 (2005-2006), Rapport de M. Henri de Richement, fait au nom de la commission des lois, déposé
le 18 janv. 2006
.
86
Le juge peut prendre des mesures au titre de cette ordonnance de
protection56 :
- interdire au défendeur de rencontrer certaines personnes ou d’entrer en
relation avec elles
- statuer sur la résidence séparée des époux en attribuant la jouissance du
logement à la victime des violences et en précisant les modalités de prise
en charge des frais afférents à ce logement
- prendre des mesures quant à l’exercice de l’autorité parentale
- autoriser la victime des violences à dissimuler son domicile…
Ce sont des mesures temporaires, en principe limitées à 6 mois maximum.
Toutefois, elles peuvent être prolongées en cas de demande en divorce ou
en séparation de corps57.
Comme ce sont des mesures provisoires, le juge peut les modifier ou les
supprimer à tout moment s’il estime cela justifié, à la demande d’une
partie ou du ministère public.

Si le mariage emporte des effets personnels, il suscite également des effets


patrimoniaux.

§2. Effets patrimoniaux du mariage

Les effets pécuniaires du mariage sont prévus par les règles du régime
primaire impératif, qui s’appliquent à tous les couples. C’est la base de
règles communes à tous les couples mariés.

56 Art. 515-7 du Code civil


57 Art. 515-12 du Code civil
.
87
Les effets pécuniaires sont également prévus par les règles du régime
matrimonial, choisi par les époux. Il s’agit là de règles de répartition du
patrimoine qui peuvent varier d’un contrat à l’autre. Par exemple, dans le
régime de communauté réduite aux acquêts, les époux conservent la
propriété de certains biens acquis avant le mariage, ou dont ils ont hérités,
mais partagent la propriété des biens acquis pendant le mariage. A
l’inverse, dans le régime de séparation de biens, les époux sont chacun
propriétaires des biens qu’ils acquièrent avant ou après le mariage.

Ici, nous ne nous intéresserons qu’aux règles concernant le régime


primaire impératif.
En vertu de ces règles, les époux ont des devoirs pécuniaires réciproques
visant à assurer une bonne vie familiale (A).
Cependant, parce que se marier ce n’est pas perdre son indépendance, le
mariage pose des principes garantissant une indépendance des époux l’un
envers l’autre (B).
Enfin, en cas de dysfonctionnements, le droit prévoit des mesures de crise
(C).

A. Les devoirs pécuniaires entre époux

Les époux sont en charge de la direction matérielle de la famille. Ils


doivent donc s’entraider financièrement, contribuer aux charges du
mariage (1) et assurer un logement à la famille (2).

.
88
1. Le devoir de secours et la contribution aux charges du mariage

a. Le devoir de secours

Le devoir de secours est affirmé par l’article 212 du Code civil. Il s’agit de
subvenir aux besoins matériels de son époux. Lorsque les époux vivent
ensemble, ce devoir ne se concrétise pas véritablement. Il est en quelque
sorte fondu dans la vie quotidienne.

C’est en cas de séparation que ce devoir de secours va se concrétiser en


une pension alimentaire versée par l’un des conjoints à l’autre.
C’est donc paradoxalement pendant la procédure de divorce que la
question juridique de l’exécution du devoir de secours se posera aux
époux.

b. La contribution aux charges du mariage

Pendant le mariage, ils contribueront aux charges du mariage.

Selon l’article 214 du Code civil,


« Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du
mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l'autre dans les
formes prévues au code de procédure civile. »

.
89
La notion de « charges du mariage » n’est pas définie par le Code civil.
C’est la jurisprudence qui lui a donné un contenu progressivement.
Cette notion de « charges du mariage » désigne principalement les
dépenses nécessaires à la famille, comme par exemple le paiement du
loyer de l’habitation principale58.
Mais cette notion de « charges du mariage » recouvre également les
dépenses d’agrément : ainsi est-ce le cas de l’acquisition d’une résidence
secondaire59.

L’article 214 est d’ordre public, les époux ne peuvent y déroger. Mais, ils
peuvent en aménager la répartition dans leur contrat de mariage. A défaut,
l’article précise qu’ « ils y contribuent à proportion de leurs facultés
respectives ».
En cas d’inexécution de son obligation par l’un des époux, l’autre peut
saisir le juge aux affaires familiales pour qu’il détermine la contribution du
conjoint.

Il est possible qu’un des époux contribue aux charges au-delà de son
obligation légale. Tel est le cas pour les époux séparés de biens, lorsque
l’un d’eux participe à l’activité professionnelle de l’autre ou gère le
ménage de telle sorte qu’il lui procure des économies importantes.
Dans ce cas, l’époux qui s’est appauvri peut prétendre à une indemnité sur
le fondement de l’enrichissement injustifié. La solution est différente pour
les époux soumis au régime de communauté car les revenus du travail de

58 Cass. 1Ère civ. 7 nov. 1995, n°92-21276 , Bull. Civ. I ; n° 394, p. 275
59 Cass. 1Ère civ. 20 mai 1981, n°79-17171, Bull. Civ. I, n°176.
.
90
chacun enrichissent la communauté. Ce n’est qu’à l’issue du mariage que
le patrimoine de la communauté sera divisé en deux parts égales.

2. Le logement de famille

Le logement de famille fait l’objet d’une protection particulière. Sur ce


bien, le Code civil instaure une règle de cogestion à l’article 215 alinéa 3.

Ainsi, « Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par
lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants
dont il est garni. Celui des deux qui n'a pas donné son consentement à
l'acte peut en demander l'annulation : l'action en nullité lui est ouverte
dans l'année à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans
pouvoir jamais être intentée plus d'un an après que le régime matrimonial
s'est dissous. »

Ainsi, il est impossible à l’un des époux de vendre, louer, ou constituer une
hypothèque sur le bien qui constitue le logement de famille, sans l’accord
de son conjoint. Et cela, même si l’époux est seul propriétaire du bien qui
constitue le logement de famille.
La même règle s’applique pour les meubles meublants du logement, c’est-
à-dire pour les meubles qui le garnissent.

Le conjoint qui n’a pas donné son consentement à l’acte de vente, bail,
etc.. pourra en demander la nullité dans le délai d’un an à compter du jour

.
91
où il a eu connaissance de cet acte et, au plus tard, un an après la
dissolution du régime matrimonial.

B. L’indépendance des époux

Bien que le mariage fonde une famille dans laquelle les époux ont des
devoirs réciproques, la loi leur garantit des libertés.
Ainsi, l’époux est libre de travailler, d’avoir son propre compte bancaire,
de gérer seul les biens mobiliers, ses propres biens et les besoins de sa
famille.

1. Indépendance professionnelle et bancaire

L’article 223 du Code civil prévoit que « chacun des époux peut librement
exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après
s’être acquitté des charges du mariage ».
Ainsi, l’épouse a vu consacrées son indépendance professionnelle et
financière.
La loi du 23 décembre 1985 a institué sur ce point une parfaite égalité
entre les deux époux.

L’article 221 du Code civil pose quant à lui le principe de l’autonomie


bancaire des époux.

.
92
Chacun des époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l'autre, tout
compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel : « Chacun
des époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l'autre, tout compte de dépôt et tout compte
de titres en son nom personnel. »

Là encore, il s’agit d’une égalité pleine et entière entre l’homme et la


femme mariés.

L’alinéa 2 poursuit : « A l'égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après
la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt. »

Cela signifie que le banquier n’a pas à demander à son client l’origine des
fonds pour s’assurer que ce dernier a bien le pouvoir d’en disposer 60. Sauf
cas de fraude, le banquier se trouve exempté de toute responsabilité envers
le conjoint de son client au cas où celui-ci déposerait des fonds qui ne
seraient pas à lui mais à l’autre époux.

2. L’indépendance de gestion

Chaque époux peut gérer, seul, les meubles, ses biens personnels et les
affaires ménagères.

a. Les meubles

L’article 222 du Code civil prévoit que

60 CA Paris, 5 sept. 2000, Dr. Fam. 2001, comm. 75


.
93
« Si l'un des époux se présente seul pour faire un acte d'administration, de
jouissance ou de disposition sur un bien meuble qu'il détient
individuellement, il est réputé, à l'égard des tiers de bonne foi, avoir le
pouvoir de faire seul cet acte.

Cette disposition n'est pas applicable aux meubles meublants visés à


l'article 215, alinéa 3, non plus qu'aux meubles corporels dont la nature
fait présumer la propriété de l'autre conjoint conformément à l'article
1404. »

Cela signifie que l’un des époux peut passer seul des actes sur les biens
meubles : il peut les vendre, les louer etc. même s’il n’en est pas le
propriétaire. C’est en raison de la présomption suivant laquelle « En fait de
meubles, la possession vaut titre ».

Le tiers de bonne foi qui contracte avec l’époux peut se fier à l’apparence
suivant laquelle l’époux a le pouvoir de passer un tel acte.

L’article 222 pose ainsi une règle de pouvoir et une présomption. Un


pouvoir de disposer seul d’un bien meuble dont il a la détention. Une
présomption de pouvoir disposer de ce bien à l’égard du tiers de bonne foi.

Ce pouvoir ne joue pas pour les meubles meublants du logement de


famille, c’est-à-dire les meubles qui sont dans le logement de famille.

.
94
b. Biens personnels

L’article 225 du Code civil dispose : « Chacun des époux administre,


oblige et aliène seul ses biens personnels ».

Cet article consacre donc l’indépendance patrimoniale de chaque époux.

c. L’indépendance ménagère

L’article 220 du Code civil pose le principe de l’indépendance ménagère


mais aussi la solidarité des époux. On peut le voir à l’alinéa 1 :
« Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du
ménage ou l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre
solidairement. »

Chaque époux peut donc passer des contrats pour la vie courante de la
famille. Ce sont des dettes qui sont nécessaires à la vie de la famille :
électricité, chauffage, vêtements, frais de scolarité, hospitalisation…

En revanche, en sont exclues : les dépenses de loisirs dès lors qu’elles ont
un caractère anormal par rapport au train de vie du ménage, et les
opérations d’investissement.

.
95
Pour ces dépenses, les époux sont solidaires. Cela signifie que le créancier
peut poursuivre chacun des époux indifféremment pour se faire payer
l’intégralité de sa créance.

Toutefois il existe des exceptions à cette solidarité, qui sont envisagées aux
alinéas 2 et 3 de l’article 220 :

- al. 2 : « La solidarité n'a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu
égard au train de vie du ménage, à l'utilité ou à l'inutilité de l'opération, à la bonne ou mauvaise foi
du tiers contractant. »

Ici, tout dépendra de chaque situation.

- al. 3 : « Elle n'a pas lieu non plus, s'ils n'ont été conclus du consentement des deux époux, pour
les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes
modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en
cas de pluralité d'emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du
ménage. »

Pas de solidarité non plus pour les achats à tempérament : c’est-à-dire pour
les achats dont le paiement est échelonné dans le temps.

La solidarité est aussi exclue en matière d’emprunts.


Sauf si ceux-ci portent sur des « sommes modestes nécessaires aux besoins
de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de
pluralité d'emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train
de vie du ménage ». Si cette double condition est remplie, alors retour au
principe de solidarité des époux.

.
96
Mais cet alinéa 3 contient également une exception à l’exception, et donc
retour au principe. L’alinéa 3 nous dit : « s'ils n'ont été conclus du consentement des
deux époux »

ce qui signifie que si les achats à tempérament ou emprunts ont été


consentis par les deux époux, ensemble, alors ils sont solidaires l’un de
l’autre.

C. Les mesures de crise

Trois articles du Code civil prévoient des mesures pour trouver des
solutions dans les situations de crise que peut connaître la famille : art.
217, 219 et 220-1.

 Article 217 : il prévoit la possibilité pour un époux de se faire


autoriser par la justice de passer seul un acte qui nécessite en
principe le consentement de l’autre conjoint.
Par exemple, un acte de disposition sur le logement de famille.

Le texte envisage deux hypothèses :


- lorsque l’un des époux est hors d’état de manifester sa volonté. Ex : coma
ou insanité mentale
- lorsque l’acte n’est pas justifié par l’intérêt de la famille.

 Article 219 : il permet la représentation judiciaire. Un époux peut se


faire autoriser par la justice à représenter son conjoint lorsque
l’époux est hors d’état de manifester sa volonté.
.
97
Cette représentation vaut soit pour certains actes particuliers
d’administration et de disposition, soit d’une manière générale. Dans ce
dernier cas, le juge précisera les modalités de la représentation.

Ce pouvoir est plus important que celui conféré à l’article 217. Dans
l’article 217, il s’agit de passer outre une règle de cogestion. Dans l’article
219, l’époux se substitue à son conjoint.

 Article 220-1: Le juge aux affaires familiales peut prescrire toute


mesure urgente lorsqu’un époux manque à ses obligations et met
ainsi en péril l’intérêt de la famille. L’article 220-1 offre une liste
indicative des mesures possibles dans ce cas.

Ainsi, après avoir envisagé les modalités du mariage et ses effets, il


convient d’envisager la désunion du couple marié, plus exactement le
divorce.

.
98
Chapitre II - La désunion du couple marié : le divorce

Afin de rompre le mariage, il n’y a que deux voies : le décès et le divorce.


En effet, ni la séparation de fait ni la séparation de corps ne permettent de
rompre le lien matrimonial.

Jusqu’en 2017, seule l’intervention du juge permettait de dissoudre le lien


matrimonial par voie de divorce. Depuis 2017, il est possible d’obtenir un
divorce par consentement mutuel sans intervention judiciaire, ce qui allège
considérablement la procédure et les délais. Mais cela n’est pas forcément
synonyme de protection des époux pour autant.

Alors, quelle définition du divorce peut-on donner ? On peut dire que le


divorce est la dissolution du mariage résultant soit d’une décision de
justice prononcée à la demande de l’un ou des époux soit résultant d’une
convention conclue entre les époux.

Aujourd’hui, la loi permet la dissolution du mariage par divorce selon cinq


modalités (section 1). Il conviendra ensuite d’étudier les effets du divorce
(section 2).

Section 1 Les cas de divorce

Il faut distinguer entre les cas de divorces consentis (§1) et les divorces
subis (§2).
.
99
§1 Les divorces consentis

Deux de ces divorces sont fondés sur le consentement mutuel des deux
époux : le divorce par consentement mutuel sans juge (A) et le divorce par
consentement mutuel judiciaire (B) .

Le divorce accepté (C) repose sur un accord des époux sur le principe du
divorce mais pas sur les conséquences du divorce. Le juge arbitrera entre
les propositions de chacun des époux.

A. Le divorce par consentement mutuel sans juge

La loi du 18 novembre 2016 a introduit dans le Code civil un nouveau cas


de divorce par consentement mutuel, sans aucune intervention judiciaire.

Le nouvel article 229 du Code civil dispose que « Les époux peuvent
consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée
contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d'un notaire. »
Les articles 229-1 et suivants régissent ensuite les modalités de ce divorce.

Cette disposition déjudiciarise le divorce, ce qui est une véritable


révolution en droit de la famille.

.
100
Le Conseil constitutionnel a été saisi de la constitutionnalité de cette loi et
l’a déclarée conforme à la Constitution61.

Dans le cadre de ce divorce, la convention dans laquelle les époux se


mettent d’accord sur le principe et les effets du divorce est essentielle.
Auparavant, le juge aux affaires familiales homologuait cette convention.
Désormais, ce n’est plus le cas, elle sera seulement enregistrée au rang des
minutes du notaire.
C’est la raison pour laquelle on parle de contractualisation du droit de la
famille. C’est la convention qui permet la dissolution du mariage et non
plus la décision du juge, représentant de l’État.
Toutefois, le législateur a souhaité que le notaire, officier ministériel et à ce
titre représentant de l’État, intervienne tout de même. Il ne s’agit donc pas
d’une totale contractualisation, au sens où l’on aurait laissé le divorce à la
seule volonté des parties.

Envisageons le processus de ce divorce par consentement mutuel par acte


sous signature privée contresigné par avocats (1) puis nous dirons un mot
des effets particuliers de ce divorce déjudiciarisé (2).

1. Le processus de divorce par consentement mutuel déjudiciarisé

Les époux doivent s’entendre par convention sur la rupture du mariage et


sur ses effets.

61 Cons. Const. 17 nov. 2016, n°2016-739 DC


.
101
 Le contenu de la convention résultera d’une négociation entre les
époux et leurs avocats. C’est la raison pour laquelle chacun des
époux a son propre avocat (art. 229-1 al. 1). Chacun des époux doit
pouvoir faire valoir ses propres intérêts, librement, sans pression.

 La convention doit comporter un certain nombre de mentions


obligatoires. A défaut, la sanction est la nullité de la convention et
donc du divorce.

L’article 229-3 énonce ces mentions obligatoires :


- les classiques de l’état civil : noms, prénoms, résidence, nationalité, date
et lieu de naissance
- les mentions concernant les avocats : nom et adresse professionnelle des
avocats des époux
- la mention du consentement des époux à la rupture du mariage : mention
essentielle caractérisant l’accord des époux sur le principe et les effets du
divorce
- les mentions relatives à l’organisation des effets du divorce : prestation
compensatoire ou non, montant et modalités du versement de celle-ci,
organisation de la vie des enfants du couple (résidence etc)
- les mentions relatives au régime matrimonial : l’état liquidatif du régime
matrimonial
- la mention relative à l’information des enfants du couple : le ou les
mineurs ont été informé par leurs parents de leur droit à être entendu par le

.
102
juge dans les conditions prévues à l’article 388-1 et, surtout, qu’ils ne
souhaitent pas utiliser cette faculté d’être entendu par le juge

 Afin que les époux prennent bien la mesure de la décision qu’ils


prennent, un délai de réflexion est instauré. En effet, auparavant, la
procédure judiciaire était longue et permettait ce délai de réflexion.
Désormais, le divorce peut être prononcé en 3 mois donc il convient
que les époux prennent bien conscience de leur décision.

Ainsi, l’article 229-4 impose un délai de réflexion de quinze jours à


compter de la réception du projet de convention de divorce.
En effet, chaque avocat adresse à son client le projet de convention en
lettre recommandé avec accusé de réception. A compter de la date de
réception, il ne peut être possible de signer cette convention avant
l’expiration du délai de 15 jours.
Durant cette période, l’époux est censé réfléchir.

 Signature des avocats (ou contreseing des avocats)

La convention de divorce prend la forme d’un acte sous signature privée


contresigné par les avocats des époux.

L’acte sous signature privée contresigné par avocat – appelé également


« acte d’avocat » - est un acte particulier régi par l’article 1374 du Code
civil :

.
103
« L'acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par
l'avocat de toutes les parties fait foi de l'écriture et de la signature des parties, tant à leur
égard qu'à celui de leurs héritiers ou ayants cause.
La procédure de faux prévue par le code de procédure civile lui est applicable.
Cet acte est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »

Il faut avoir à l’esprit la dichotomie classique entre acte authentique et acte


sous seing privé :
- acte authentique : écrit établi par un officier public (notaire par exemple),
sur support papier ou électronique. La loi impose que certains actes soient
passés sous cette forme : vente immobilière par exemple.
L’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux. Cela signifie qu’il a
une forte valeur probante.

- Acte sous seing privé : l’acte sous seing privé est acte écrit rédigé par un
ou plusieurs particuliers et comportant la signature des parties. Par
exemple : contrat de bail, constat amiable suite à un accrochage de voiture.
L’acte sous seing privé fait foi entre les parties qui l’ont signé, et à l’égard
de leurs héritiers et ayant cause. Il peut être facilement contestable : en
effet, la personne à qui on l’oppose peut désavouer son écriture ou sa
signature.

C’est la raison pour laquelle le législateur a instauré une troisième


catégorie d’acte : l’acte contresigné par avocat.
Il s’agit d’un acte sous seing privé qui comporte les signatures des parties
et, en plus, la signature de leur avocat.
.
104
Apposant sa signature, l’avocat atteste :
- qu'il a examiné l'acte et pleinement informé son client sur les
conséquences juridiques de l’engagement qu’il prend
- que le client a signé l'acte en connaissance de cause, ce qui garantit la
réalité et l'intégrité du consentement des parties et limite les possibilités de
contestation ultérieure,
- que les parties pourront se prévaloir de la validité de l’acte qui a valeur
probante.

L’Acte d'Avocat est donc un nouvel outil juridique souple qui peut être
utilisé dans toutes les situations dans lesquelles le recours à l'acte
authentique n’est pas obligatoire. Il allie souplesse et sécurité juridique,
une sécurité juridique que les actes sous seing privé ne garantissent pas.

Dans le cadre de ce nouveau divorce sans juge, l’acte d’avocat a permis


aux avocats de prendre une place plus importante, en certifiant l’acte
contenant l’accord des époux sur le divorce et ses conséquences.

Mais cet acte d’avocat ne suffit pas. Il faut encore l’enregistrer chez le
notaire

 L’enregistrement de la convention par le notaire

.
105
L’acte sous signature privée contresigné par avocat fait foi de l’écriture et
de la signature des parties. Mais il n’a pas date certaine. Cela signifie que
l’on pourrait encore en contester la date.

Il convient donc d’enregistrer cet acte au rang des minutes d’un notaire :
article 229-1 alinéa 2.

Pour autant, le notaire ne se trouve investi que d’une mission de


vérification formelle de l’acte.
Il ne dispose pas non plus d’un pouvoir de refuser l’enregistrement, voire
de l’homologuer, dès lors que l’équilibre de la convention lui paraît
discutable.
Il ne s’agit que d’un enregistrement formel. C’est là toute la différence
avec l’homologation judiciaire, pour laquelle le juge vérifie le respect de
l’équilibre de la convention pour les deux époux. Il s’assure qu’il n’y a pas
eu de pression sur l’un des époux, etc.

Le notaire doit seulement vérifier que le projet de convention n’a pas été
signé avant l’expiration du délai de réflexion prévu à l’article 229-4 du
Code civil (15 jours de réflexion à compter de la réception de la
convention).
Puis il procède à l’enregistrement de la convention. C’est à cette date que
l’acte acquiert date certaine.

.
106
 Présence d’enfants mineurs issus du couple

Que se passe-t-il lorsque des enfants sont nés pendant le mariage ? Un


divorce sans juge n’est pas suffisamment garant de l’intérêt de l’enfant. La
convention régissant les effets du divorce prévoit l’organisation nouvelle
de la vie de la famille, et tout spécialement de la vie des enfants. La
convention détermine leur domicile, la répartition du temps passé avec
l’un ou l’autre parent, les dates des vacances, le montant de la pension
alimentaire le cas échéant…

Auparavant, le juge vérifiait que l’enfant allait pouvoir voir ses deux
parents régulièrement, que le montant de la pension alimentaire était
raisonnable et justifié… En d’autres termes, le juge vérifiait que l’intérêt
de l’enfant était protégé.

Désormais, plus personne ne vérifie objectivement que l’intérêt de l’enfant


est préservé. Les parents et chacun de leurs avocats sont évidemment de
parti pris. C’est leur intérêt personnel qu’ils vont tenter de favoriser.

C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu que l’enfant mineur


pouvait demander à être entendu par le juge.
Dans ce cas, le divorce par consentement mutuel déjudiciarisé bascule
automatiquement en un divorce par consentement mutuel judiciaire. Le
juge reprend alors en charge l’examen de tous les aspects du divorce.

.
107
Ainsi, l’article 229-2 dispose que : « Les époux ne peuvent consentir
mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné
par avocats lorsque :
1° Le mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le
juge dans les conditions prévues à l’article 388-1, demande son audition
par le juge [...] »

L’enfant doit être informé qu’il peut être entendu par le juge. Pour s’en
assurer, il faut que l’enfant remplisse un formulaire attestant qu’il a été
informé de cette faculté d’être entendu par le juge et qu’il y renonce.

Ce choix politique est particulier. Dans d’autres Etats, le choix a été fait de
n’ouvrir le divorce extra-judiciaire aux seuls couples sans enfants 62. L’idée
est qu’un juge semble garantir davantage la protection de l’intérêt de
l’enfant. Mais ce n’est pas le choix du législateur français qui a souhaité
ouvrir la possibilité d’un divorce au plus grand nombre.

Voici donc le processus relativement rapide du divorce sans juge.

2. Les effets du divorce par consentement mutuel déjudiciarisé

Il faut distinguer entre :

62 H. Fulchiron, « L’enfant dans le divorce sans juge », Dr. Fam. 2016, dossier 28.
.
108
 Les effets du divorce entre les époux

Entre les époux, l’enregistrement de la convention au rang des minutes


d’un notaire lui confère date certaine et force exécutoire (art. 229-1 al. 3).

C’est donc à compter de la date de l’enregistrement chez le notaire que le


divorce va pouvoir produire ses effets.

 Les effets du divorce à l’égard des tiers

L’enregistrement de la convention au rang des minutes d’un notaire ne


rend pas le divorce opposable aux tiers.

L’article 262 du Code civil prévoit que « la convention ou le jugement est


opposable aux tiers, en ce qui concerne les biens des époux, à partir du
jour où les formalités de mention en marge prescrites par les règles de
l’état civil ont été accomplies » .

Mais il convient alors que l’inscription du divorce sur l’acte d’état civil
soit réalisé au plus vite, pour éviter une période de transition incertaine.

Une fois envisagé le divorce par consentement mutuel sans juge, il


convient d’envisager le divorce par consentement mutuel judiciaire, le seul
qui existait jusqu’en 2016.

.
109
B. Le divorce par consentement mutuel judiciaire

Il s’agit là du divorce par consentement mutuel historique. Il a été institué


en 1975 et réformé sur le plan de la procédure en 2004.

1. Conditions et procédures

Le divorce par consentement mutuel repose sur une concorde entre époux.
Il suppose, on l’a dit, un accord complet des époux : sur le principe du
divorce (ils veulent tous les deux divorcer) et sur les effets du divorce (la
répartition du patrimoine, le montant de la prestation compensatoire, la
résidence des enfants etc).

Cet accord s’exprime dans la convention de divorce. Que le juge


homologuera si elle lui semble équilibrée et conforme à l’ordre public.
On dit que le juge intervient ici en matière gracieuse : c’est-à-dire pour
opérer un contrôle de légalité de la convention. Il ne tranche pas un litige
comme lorsqu’il intervient en matière contentieuse.

Il faut ici envisager plusieurs aspects

a. La requête en divorce

.
110
La demande en divorce par consentement mutuel est présentée au juge aux
affaires familiales par requête. Cette requête est l’acte introductif
d’instance. Elle est déposée au greffe du juge aux affaires familiales par le
ou les avocats des époux. Car dans la procédure judiciaire de divorce par
consentement mutuel, il est possible de recourir à un seul avocat commun
aux deux époux.

Cette requête doit respecter un certain nombre de conditions formelles 63.


Mais la requête n’a pas à mentionner les motifs de la rupture.

b. L’homologation de la convention

La convention est le document qui comprend les termes de l’accord des


époux concernant le principe du divorce et ses effets. Les époux y règlent
toutes les conséquences personnelles du divorce : port du nom par
exemple. Mais aussi les conséquences patrimoniales du divorce :
prestation compensatoire, pension alimentaire…

La liquidation du régime matrimonial fait l’objet d’un document : l’état


liquidatif. Ce document organise la répartition du patrimoine mobilier et
immobilier suivant les règles du régime matrimonial des époux.

La convention est annexée à la requête pour divorce64.

63 Art. 57 Code de procédure civile


64 Article 1091 Code de procédure civile
.
111
La convention doit ensuite être homologuée par le juge aux affaires
familiales. Il va s’assurer qu’elle préserve suffisamment les intérêts des
enfants et de chacun des conjoints65.

Pour cela, le juge va convoquer les époux à une audience. Il entend


séparément chacun des époux puis les entend ensemble. Puis il fait entrer
leurs avocats.
Le juge va ici tenter de déceler si l’un des époux n’a pas consenti sous la
contrainte au divorce ou consenti à la répartition du temps avec les enfants,
ou à d’autres effets du divorce. En d’autres termes, le juge s’assure de
l’existence d’une volonté réelle de chacun des époux de divorcer et il
vérifie que « leur consentement s’exprime de manière libre et éclairée »66.

Le juge prononce alors le divorce entre les époux.

2. Effets du divorce par consentement mutuel judiciaire

Le divorce par consentement mutuel judiciaire produit les mêmes effets


que tout divorce : changement de nom de famille, modification de l’état
civil, répartition du patrimoine…

65 Pour quels motifs peut-il refuser ? Par exemple lorsque la résidence alternée des enfants est irréalisable, notamment
pour des raisons d’éloignement géographique. Ou encore la convention qui dispenserait un parent de toute
contribution à l’entretien ou à l’éducation de l’enfant. Ou encore, de l’époux qui abandonnerait de nombreux droits
à l’autre.
66 Art 232 du Code civil
.
112
La spécificité des divorces par consentement mutuel est que les effets du
divorce sont régis par la convention de divorce.

A quelle date cette convention prend-elle effet ? La date des effets du


divorce est fixée par les époux eux-même dans la convention concernant
les effets pécuniaires du divorce.

A défaut d’avoir prévu une date, l’article 262-1 du Code civil prévoit que
les effets interviendront à la date de l’homologation de la convention
réglant l’ensemble des conséquences du divorce.

A l’égard des tiers, le jugement de divorce est opposable à partir du jour où


les formalités de transcription du jugement sur les actes de l’état civil ont
été effectuées.

Maintenant que nous avons envisagé les divorces pas consentement


mutuel, il faut étudier un dernier cas de divorce dans lequel les époux sont
partiellement en accord : le divorce accepté.

C. Le divorce accepté

Le « divorce accepté » est le cas de divorce dans lequel les époux sont
d’accord sur le principe mais pas sur les effets du divorce. C’est la raison
pour laquelle il est classé parmi les divorces contentieux et non gracieux.

.
113
Le juge intervient pour trancher des désaccords, non pour entériner un
accord.

En vertu de l’article 233 alinéa 1er du Code civil, « le divorce peut être
demandé conjointement par les époux lorsqu’ils acceptent le principe de
la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci »
Cela signifie que l’on ne prend pas en compte les raisons du divorce. Il
suffit que les époux souhaitent divorcer, peu en importe la raison.

Puis l’article 233 poursuit :


alinéa 2 : « Il peut être demandé par l'un ou l'autre des époux ou par les
deux lorsque chacun d'eux, assisté d'un avocat, a accepté le principe de la
rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par
avocats, qui peut être conclu avant l'introduction de l'instance. »
C’est ici une passerelle entre les deux procédures de divorce : les époux
ont commencé une procédure de divorce par consentement mutuel sans
juge. Ils sont d’accord sur le principe du divorce. Mais ils n’arrivent pas à
se mettre d’accord sur les conséquences de ce divorce. Ils demandent donc
au juge de les aider à trancher leurs différends quant aux modalités de leur
vie post-divorce.

Puis, à l’alinéa 3, il est précisé que : « Le principe de la rupture du


mariage peut aussi être accepté par les époux à tout moment de la
procédure. » On peut donc y recourir à tout moment. C’est la possibilité de
pacifier une procédure.

.
114
Enfin à l’alinéa 4 : « L'acceptation n'est pas susceptible de rétractation,
même par la voie de l'appel. » Ici c’est l’importance du consentement qui
est signifiée : si l’on accepte le principe du consentement, on ne peut le
rétracter. Sauf évidemment, en cas de vice du consentement ou en cas
d’incapacité.

Le juge reçoit les époux lors d’une audience dite de « non-conciliation »


pour vérifier que les époux consentent au divorce. Il lui suffit de constater
que chacun des époux a donné librement son accord au divorce. Puis, il
prononce le divorce.
Le juge statue alors que les conséquences et effets du divorce : prestation
compensatoire ou non, modalités de l’exercice de l’autorité parentale, port
du nom du mari par l’ex-épouse.
=> On voit bien ici que le divorce accepté a bien une nature mixte :
consensuel dans son principe et contentieux dans ses conséquences.

Une fois étudiés les divorces consensuels et le divorce accepté, il convient


d’envisager les deux cas de divorces dits « subis », c’est-à-dire non fondés
sur le consentement au divorce.

.
115
§2 Les divorces subis

Une fois étudiés les divorces consensuels, il reste encore deux cas de
divorces à envisager. Ce sont deux cas de divorces contentieux : le divorce
pour faute bien sûr et le divorce pour altération définitive du lien conjugal.

A. Le divorce pour faute

Avant 1975, le divorce pour faute était le seul cas de divorce ouvert.
Aujourd’hui, il subsiste toujours. Il est régi par les articles 242 et suivants
du Code civil.

Toutefois, les époux y ont moins recours pour deux raisons :


- le divorce par consentement mutuel est plus rapide (et encore plus depuis
la réforme de 2016 du divorce sans juge)
- l’époux fautif n’est plus sanctionné : auparavant il pouvait être privé de
prestation compensatoire. Depuis 2004, on a dissocié les cas de divorce de
leurs effets : ainsi, si les conditions sont remplies, l’époux même fautif
peut obtenir le versement d’une prestation compensatoire.

Désormais, le divorce pour faute est choisi par l’un des époux lorsqu’il
souhaite que l’autre époux soit reconnu comme « coupable » de la fin de
leur union. En d’autres termes, c’est pour des raisons psychologiques qu’il
choisit le divorce pour faute.

.
116
Voyons en les conditions (1) puis les possibilités de réconciliation (2).

1. Conditions

L’article 242 du Code civil précise que


« Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation
grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et
rendent intolérable le maintien de la vie commune. »

Ainsi, la faute est constituée par la violation d’un ou plusieurs des devoirs
conjugaux.

La faute peut être prouvée par tout moyen. Mais la limite est que la preuve
ne doit pas être obtenu de façon illicite (vol par exemple) ou portant
atteinte au respect de la vie privée67.

Il y a deux conditions cumulatives à remplir pour que le divorce soit


prononcée pour faute : il faut une violation grave ou renouvelée des
devoirs du mariage (a) et que cette violation rende intolérable le maintien
de la vie commune (b).

a. Une violation grave ou renouvelée des devoirs du mariage

La violation d’un devoir du mariage doit être grave OU renouvelée. Ici


donc, au coeur des conditions cumulatives, il y a une condition

67Cass. Civ. 1 ère , 17 juin 2009, n°07-21796 : Dans cet arrêt, la preuve de l’infidélité était rapportée par des sms. Mais
ces sms avaient été récupérés par fraude ou violence, ce qui rend le moyen de preuve irrecevable.
.
117
alternative : grave ou renouvelée, soit l’un soit l’autre. Grave, cela suffit.
Renouvelée, cela suffit.

- Une violation grave ? Qu’est-ce que cela signifie ? L’appréciation de la


gravité va dépendre des faits de l’espèce. Le juge tiendra compte du
ressenti personnel de l’époux victime.

A ce titre, sont des fautes graves : l’adultère68, l’abandon du domicile


conjugal, violences, injures graves, refus persistant de traiter sa stérilité 69,
conception d’un enfant à l’insu du mari70, installation de micros et caméras
dans le domicile conjugal71...

- La violation peut également ne pas être grave mais renouvelée. C’est à


dire qu’une violation peu importante mais renouvelée pourrait justifier un
divorce pour faute.
Par exemple, des humiliations répétées (= violation du devoir de respect).
En soi, cela n’est pas grave mais la répétition peut rendre intolérable le
maintien de la vie commune.

Car il ne suffit pas que la violation soit grave ou renouvelée, il faut encore
qu’elle rende intolérable le maintien de la vie commune.

68 Cass. 1Ère civ. 15 avr. 2015, n°13-27898, Dr. Fam. 2015, comm. 114, note J.-R. Binet
69 CA Bordeaux, 6e ch. 7 juin 1994, Juris-Data n°1994-0403646
70 CA Nîmes, 2e ch. Sect. C, 21 mars 2007, RG n°05/03638, Juris-Data n°2007-332022 : « en l’état des mœurs et des
moyens de contraception existant dans la société française contemporaine, la conception d’un enfant par un couple
marié doit relever d’un choix conjoint et d’un projet commun » dès lors, « la conception d’un enfant à l’insu du
mari [ …] constitue de la part de l’épouse un manquement au devoir de loyauté que se doivent les époux, le mari
étant de surcroît réduit au simple rôle de géniteur. Ce fait constitue une violation grave des devoirs du mariage et
rend intolérable le maintien de la vie commune ».
71 CA Amiens, 27 juin 2013, n°12/02114 : Juris-Data n°2013-013500
.
118
b. Une violation des devoirs du mariage qui rend intolérable le maintien de
la vie commune

Il faut que la violation du devoir conjugal rende insupportable la vie


commune. Il n’est plus possible de vivre ensemble.

Toutefois, la jurisprudence a retenu que lorsque le juge constate une


violation des obligations au sens de l’article 242, la double condition est
constatée72. Autrement dit, il suffit de constater la violation pour en déduire
que la vie commune ne peut plus subsister.
Il semble donc qu’il n’y ait plus qu’une seule condition à remplir : la
violation d’un devoir. La jurisprudence a, en quelque sorte, vidé de son
contenu la seconde condition.

2. La réconciliation

Si la faute est pardonnée et que le couple se réconcilie, le juge déclare


alors la demande en divorce irrecevable.

Pour qu’il y ait réconciliation, il faut deux éléments :


- un élément objectif : le maintien ou la reprise de la vie commune.
Cependant, ce seul élément est insuffisant car l’article 244 alinéa 3 du

72 Cass. 1Ère civ. 11 janv. 2005, Dr. Fam. 2005, 53, note V. Larribau-Terneyre ; Cass. 1Ère civ. 6 juill. 2005, n°04-
10081
.
119
Code civil précise que « Le maintien ou la reprise temporaire de la vie
commune ne sont pas considérés comme une réconciliation s'ils ne
résultent que de la nécessité ou d'un effort de conciliation ou des besoins
de l'éducation des enfants. » En d’autres termes, si la réconciliation est en
quelque sorte forcée, il ne s’agit pas d’une véritable réconciliation.

- la deuxième condition de la réconciliation est subjective : il faut que


l’auteur de la faute se fasse pardonner par l’autre époux et que la victime
doit accepter de pardonner.

Cependant, le pardon n’efface pas tout. Suivant l’article 244 alinéa 2 du


Code civil, « Une nouvelle demande peut cependant être formée en raison
de faits survenus ou découverts depuis la réconciliation, les faits anciens
pouvant alors être rappelés à l'appui de cette nouvelle demande ». Ainsi,
des faits anciens même pardonnés, peuvent être utilisés à l’appui d’une
nouvelle demande en divorce.

Venons-en ensuite au dernier cas de divorce : le divorce pour altération


définitive du lien conjugal.

B. Le divorce pour altération définitive du lien conjugal

.
120
Le divorce pour altération définitive du lien conjugal est régi par les
articles 237 et suivants du Code civil. Avant la réforme de 2004, il
s’agissait du « divorce pour rupture de la vie commune ».
L’article 237 dispose que « le divorce peut être demandé par l’un des
époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré ». La demande n’a
pas à être conjointe, la volonté d’un seul des deux époux suffit à justifier la
demande en divorce.

En d’autres termes, la volonté unilatérale de divorcer suffit. Un époux peut


donc « imposer » à l’autre de divorcer. Il faut toutefois que certaines
conditions soient réunies.

Ainsi, l’article 238 du Code civil précise que « L'altération définitive du


lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les
époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis un an lors de la demande en
divorce. »

Avant la loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 1 er septembre 2020, la


durée de séparation était de 2 ans.
Et, avant la réforme de 2004, la durée de séparation était de 6 ans !

Désormais, il suffit donc que le juge constate que les époux sont séparés
depuis un an à la date de la demande en divorce pour qu’il prononce le
divorce pour altération définitive du lien conjugal.

.
121
Ce constat suffit, c’est la raison pour laquelle on dit qu’il s’agit d’un
divorce objectif. Les époux sont séparés depuis un an, cela suffit. Le juge
n’a pas à apprécier les faits ou les sentiments, juste à constater une
séparation effective pendant une certaine durée.

De plus, cette condition d’une séparation durant une année est assez
souple. En effet, le juge ne peut pas relever d’office le fait que le délai
d’un an n’a pas été respecté73. Cela signifie que si le juge se rend compte
que les époux sont séparés depuis moins d’un an et que l’avocat de l’un
des époux ne le fait pas remarquer, le juge ne peut le faire remarquer non
plus. Il prononcera le divorce malgré tout.

Par ailleurs, il peut se présenter le cas où l’un des époux fait une demande
en divorce pour faute et que l’autre époux présente une demande
reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal.
Si le juge rejette la demande en divorce pour faute, il devra statuer sur la
demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal. Et, dans
cette hypothèse, le juge ne regardera pas nécessairement si la condition de
délai est respectée.

Dès lors, le divorce pour altération du lien conjugal pourra être imposé à
l’époux quitté. Cela a suscité des interrogations relatives à la conformité
du droit de l’époux défendeur de mener une vie familiale normale, garanti
par l’article 8 de la CEDH.

73 Art. 1126 du Code de procédure civile


.
122
Ainsi, la Cour de cassation a été saisie d’un pourvoi invoquant que le
divorce pour altération définitive du lien conjugal portait une atteinte
disproportionnée au droit de mener une vie familiale normale74.
Dans cette affaire, un époux fit valoir que ce divorce portait atteinte à son
droit à une vie familiale normale car ses convictions religieuses
l’empêchaient de divorcer.
La Cour de cassation a considéré que « le prononcé du divorce pour
altération définitive du lien conjugal, qui implique une cessation de la
communauté de vie entre les époux séparés depuis deux ans lors de
l’assignation en divorce, ne peut être contraire aux dispositions de
l’article 8 de la CEDH ».

Ainsi, en l’état du droit positif, il y a quatre cas de divorces :


- le divorce par consentement mutuel qui connaît deux modalités :
judiciaire ou par acte sous signature privée contresigné par avocats
- le divorce accepté
- le divorce pour faute
- le divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Dans l’ensemble, ces divorces produisent les mêmes effets : des effets
patrimoniaux et des effets personnels. Mais, parmi eux, il y a quelques
spécificités encore selon les cas de divorce.

74 Cass. 1Ère civ. 15 avr. 2015, n°13-27898, Dr. Fam. 2015, comm. 114, note J.-R. Binet ; V. Egéa, Dr. Fam. 2015,
chron. 3, spéc. n°16-17
.
123
Section 2 Les effets du divorce

Le divorce a pour effet de dissoudre le mariage (§1). Dès lors, il produit


des effets personnels mais également patrimoniaux.

Chacun des époux redevient célibataire et sa situation patrimoniale et


financière peut alors devenir très délicate, c’est la raison pour laquelle un
des ex-époux peut avoir à verser à l’autre ex-époux une somme d’argent
pour compenser la différence de situations née du divorce : il s’agit de la
prestation compensatoire (§2).

Enfin, si certaines conditions sont remplies, le divorce peut conduire au


versement de dommages et intérêts (§3).

§1. Dissolution du mariage

Le divorce entraîne la dissolution du mariage, ce qui a des effets


personnels (A) mais également patrimoniaux (B).

A. Effets personnels

1. La fin des droits et devoirs réciproques

Dans les rapports personnels entre époux, le divorce met fin au mariage
dès que la convention de divorce acquiert force exécutoire ou que la

.
124
décision de divorce est passée en force de chose jugée (Art. 260 du Code
civil).

Entre époux, le divorce met fin à tous les devoirs, droits et obligations
réciproques. Après le divorce, chacun des époux retrouve sa liberté : il n’y
a plus de devoir de fidélité, ni de devoir d’assistance ou de respect.

Les liens créés entre chaque époux et la famille de l’autre disparaissent :


l’obligation alimentaire à l’égard des beaux-parents disparaît.
Mais les empêchements à mariage demeurent entre alliés en ligne directe.

2. La question de l’usage du nom de famille

Le mariage donne la possibilité de porter le nom de famille de l’autre


époux. Traditionnellement, c’était l’épouse qui portait le nom de son
époux. Mais, depuis 2004, le mari peut porter le nom de son épouse : soit
le substituer à son propre nom, soit l’y accoler.

Avec le divorce, ce droit d’usage cesse. En principe, chacun perd l’usage


du nom de l’autre.

Or, cela peut avoir des conséquences importantes notamment dans le


domaine professionnel. Par exemple, lorsque l’épouse a fait sa carrière
avec le nom de son époux. Dès lors, l’article 264 du Code civil prévoit
qu’un époux peut continuer à utiliser le nom de son ex-époux avec

.
125
l’accord de ce dernier. Ou encore si le juge l’y autorise à condition que
l’époux ait justifié d’un intérêt particulier pour lui ou pour ses enfants à
conserver le nom.

3. L’organisation de la vie des enfants

L’organisation de la vie des enfants après le divorce est envisagée par la


convention de divorce dans un divorce par consentement mutuel ou mise
en place par le juge dans un divorce contentieux.

Chacun des parents conserve l’autorité parentale sur les enfants du couple.
Ils doivent décider ensemble en tant que parents pour tout ce qui concerne
les enfants.

La résidence des enfants sera fixée chez l’un ou l’autre des parents. Le
juge favorisera la résidence alternée pour s’assurer que les enfants voient
leurs deux parents régulièrement.

Le parent chez lequel l’enfant n’aura pas sa résidence principale devra


verser à l’autre parent une pension alimentaire. Cette pension alimentaire
ne doit pas être confondue avec la prestation compensatoire que l’on
étudiera tout à l’heure. La pension alimentaire n’est destinée à couvrir que
les besoins de l’enfant. La prestation compensatoire n’est destinée qu’à
l’ex-époux, pour compenser les disparités de vie, nées du divorce.

.
126
Mais le divorce ne produit pas que des effets personnels, il produit
également des effets patrimoniaux.

B. Effets patrimoniaux

Pour bien les comprendre, il faut savoir à partir de quelle date se


produisent les effets patrimoniaux du divorce : la date du dépôt de la
convention ? Du jugement de divorce ?
Puis il faut envisager quels sont ces effets patrimoniaux plus en détail.

1. Le point de départ des effets patrimoniaux

La date des effets patrimoniaux est différente selon qu’il est question des
rapports entre les époux ou des relations entre ces derniers et les tiers.

a. Entre les époux

En ce qui concerne les relations entre les époux quant à leurs biens, le
point de départ des effets du divorce n’est pas le même selon le cas de
divorce. Il faut distinguer le divorce par consentement mutuel des autres
cas de divorce.

 Dans le divorce par consentement mutuel, la date retenue pour le


point de départ des effets du divorce est celle du dépôt de la
convention auprès du notaire, pour un divorce sans juge.

.
127
Pour un divorce par consentement mutuel judiciaire, ce sera la date
de l’homologation de la convention par le juge.

Mais les époux peuvent décider d’une date à laquelle le divorce produira
ses effets. Ils peuvent décider que le divorce doit produire ses effets à la
date de la requête conjointe, donc de façon anticipée.

 Lorsque le divorce est prononcé dans un cadre contentieux, la date


des effets du divorce est la date de l’ordonnance de non-conciliation.
Dans cette hypothèse aussi, les effets peuvent être reportés à une date
antérieure qui est celle à laquelle les époux ont cessé de collaborer ou
de cohabiter. Ce report doit être demandé par l’un des époux.

b. A l’égard des tiers

Le divorce n’est opposable aux tiers qu’à partir du moment où la


convention ou la décision judiciaire de divorce a été mentionnée en marge
de l’acte de mariage et de l’acte de naissance de chacun des époux (Art.
262 du Code civil).

C’est ainsi que les créanciers sont informés du divorce de leur débiteur par
exemple.

.
128
2. Le contenu des effets patrimoniaux

Le divorce cause deux effets patrimoniaux principaux : il met fin au


régime matrimonial (a) et à toute vocation successorale (b).

a. La liquidation du régime matrimonial

Nous n’entrerons pas dans l’explication des règles de liquidation du


régime matrimonial ici.

Toutefois, il faut préciser que la convention de divorce doit toujours être


accompagnée d’un projet liquidatif dans lequel les époux envisagent la
répartition des biens entre eux après le divorce.

Lorsqu’il s’agit d’un divorce contentieux, les époux doivent tenter de


s’entendre pour fournir au juge un projet de liquidation du régime
matrimonial. Dans ce cas, le juge pourra l’examiner et le rendre exécutoire
par sa décision de divorce et statuer éventuellement sur les désaccords qui
subsistent entre les époux.

b. Les successions et libéralités

Avec le divorce, les époux ne sont plus mariés. Dès lors, ils ne seront pas
« conjoint survivant » en cas de décès de l’autre, ils n’ont donc plus de
vocations successorale.

.
129
Pour ce qui est des donations, il faut distinguer entre les donations de biens
présents et les donations de biens à venir.
Pour les donations de biens présents, c’est-à-dire celles qui concernent les
biens dont le donateur disposait au moment de la libéralité, elles ne sont
pas remises en cause par le divorce.
Pour les donations de biens à venir, c’est-à-dire celles qui portent sur des
biens dont le donateur n’a pas encore la propriété, sont révoqués de plein
droit (=automatiquement) par le divorce.

Une fois envisagés ces effets personnels et patrimoniaux du divorce, il


convient d’envisager un autre effet très important : la prestation
compensatoire.

§2. La prestation compensatoire

Le divorce met fin aux devoirs entre époux et tout particulièrement au


devoir de secours. Pour autant, le divorce ne peut effacer la vie commune
qui a existé entre les époux pendant de nombreuses années parfois. Des
difficultés matérielles peuvent donc naître à l’issue du mariage.

En effet, les époux n’ont pas les mêmes revenus, le même patrimoine, etc.
Le divorce peut entraîner une baisse du niveau de vie pour l’un des époux.
C’est la raison pour laquelle le législateur a institué la prestation

.
130
compensatoire en 1975. Cette prestation compensatoire vise à rééquilibrer
pécuniairement la différence de niveau de vie qui est susceptible d’exister
entre les deux ex-époux après le divorce. Dans les termes de la loi, suivant
l’article 270 du Code civil, « L'un des époux peut être tenu de verser à
l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la
disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie
respectives ».
Cette disparité des niveaux de vie doit être la conséquence du divorce et
non pas d’autres événements75.

Nous envisagerons donc les éléments constitutifs de la prestation


compensatoire (A) et son régime (B).

A. Les éléments constitutifs de la prestation compensatoire

Le principe est que la prestation compensatoire peut être versée, quel que
soit le cas de divorce choisi.

1. Faut-il demander une prestation compensatoire ?

Lorsqu’aucune demande de prestation compensatoire n’est faite, le juge


doit interroger les époux sur cette absence de demande 76. La prestation
compensatoire n’est donc pas automatique, elle répond à une demande.

75 Cass. 1Ère civ. 24 sept. 2014, n°13-20.695, Fiche TD n°4, document n°1
76 Art. 1076-1 du Code de procédure civile
.
131
Pour autant, elle est très pratiquée, et rares sont les divorces dans lesquels
une prestation compensatoire n’est pas demandée.

2. Le juge peut-il refuser l’attribution de la prestation compensatoire ?

Oui, lorsque « l’équité le commande, soit en considération des critères


prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts
exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard
des circonstances particulières77 ».

3. Comment évaluer le montant de la prestation compensatoire ?

Dans le divorce par consentement mutuel, les époux déterminent eux-


même si oui ou non, l’un d’eux bénéficiera d’une prestation compensatoire
et quel est son montant.

Dans les autres cas de divorce, c’est au juge de se prononcer sur le


montant de la prestation compensatoire. L’article 271 détermine les
éléments qui lui permettront d’en fixer le montant :
« A cet effet, le juge prend en considération notamment :

- la durée du mariage ;
- l'âge et l'état de santé des époux ;
- leur qualification et leur situation professionnelles ;

77 Cass. 1Ère civ. 8 juill. 2010, n°09-66186, Fiche TD n°4, document n°2
.
132
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux
pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il
faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au
détriment de la sienne ;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en
revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
- leurs droits existants et prévisibles ;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant
estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui
aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation
compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa. »

Cette liste est indicative : on le voit à l’emploi de « notamment » qui


montre bien que d’autres éléments non indiqués dans la liste peuvent
également être pris en compte par le juge.
Les éléments sont alternatifs : seuls certains éléments peuvent être pris en
compte et d’autres non. Il s’agit en réalité d’un faisceau d’indices que le
juge utilise pour fixer le montant de la prestation compensatoire.

Chacun des époux va remplir une déclaration sur l’honneur et qui expose,
leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie (art. 272).

a. Données pécuniaires

La prestation compensatoire a pour but de compenser la différence des


niveaux de vie entre les ex-conjoints après le divorce. Le juge va donc se

.
133
fonder principalement sur les données pécuniaires pour évaluer le montant
de la prestation.

Ainsi, il va prendre en compte :


- le patrimoine de chacun des époux après la liquidation du régime
matrimonial
Le patrimoine est un élément primordial pour le juge afin de fixer le
montant de la prestation compensatoire. C’est la raison pour laquelle un
projet de liquidation du régime matrimonial doit être également fourni afin
de pouvoir identifier le patrimoine de chacun des époux une fois que le
divorce sera prononcé.

- les droits existants et prévisibles : c’est-à-dire si une succession est en


cours, ou à venir dans un délai très court. En principe, on ne peut tenir
compte des droits dans une succession qui n’est pas déjà ouverte.

- leur situation respective en matière de pensions de retraite

- leur qualification et leu situation professionnelle

b. Données non pécuniaires

.
134
D’autres éléments qui ne sont pas purement de nature économique sont
pris en considération par le juge :
- la durée du mariage : le montant de la prestation compensatoire sera
moins élevé si le mariage a été de courte durée
- la santé des époux
- leur âge (et donc la possibilité de trouver/retrouver un emploi par
exemple)
- le choix professionnel qu’a fait l’un des époux pour élever les enfants :
en ce cas, l’époux qui a arrêté de travailler pendant de nombreuses années
ne retrouvera pas nécessairement un emploi rapidement et le montant de la
prestation compensatoire sera plus élevé en ce cas.

4. A quelle date évalue-t-on le montant de la prestation compensatoire ?

A quel moment doit-on évaluer la disparité des conditions de vie entre les
époux ?
L’article 271 prévoit dans son alinéa 1er que « la prestation compensatoire
est fixée […] en tenant compte de la situation au moment du divorce et de
l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ».

Il conviendra donc au juge de se déterminer en fonction du niveau de vie


qu’a chaque époux lors du divorce.
Mais il faut également que le juge envisage si les ressources dont le
conjoint créancier de la prestation disposera dans l’avenir ne vont pas
mettre un terme à la disparité des conditions de vie. C’est le cas par

.
135
exemple si l’époux qui ne travaillait plus est susceptible de trouver un
emploi rapidement.
A l’inverse, le juge doit envisager si la situation du conjoint créancier ne
risque pas de s’aggraver (fin de droits de chômage, etc.)

La tâche du juge est donc très délicate. Il doit anticiper des modifications
futures dans les conditions de vie de chaque époux alors qu’il ne dispose
pas toujours des informations nécessaires pour réaliser cette projection
dans l’avenir.

B. Le régime de la prestation compensatoire

Le divorce par consentement mutuel connaît un régime de prestation


compensatoire différent de celui qui est commun aux autres cas de
divorces.

1. Dans le divorce par consentement mutuel

Dans le divorce par consentement mutuel, ce sont les époux qui fixent le
montant de la prestation compensatoire dans la convention de divorce.

Ils fixent également les modalités de versement de cette prestation


compensatoire. Ainsi, la prestation compensatoire peut prendre la forme

.
136
d’un capital ou d’une rente, ou encore avoir une nature mixte (rente et
capital).

Les époux décident également de la durée du versement.

Ils peuvent prévoir aussi une clause de révision : en cas de changement


important dans les ressources ou les besoins de l’un et de l’autre, ils se
réservent la possibilité de saisir le juge pour demander la révision de la
prestation.
En l’absence de clause de révision, il est toujours possible de demander au
juge la révision de la prestation compensatoire.

La convention, une fois homologuée ou enregistrée chez le notaire, a la


même force qu’une décision de justice et ne saurait être modifiée que par
une nouvelle convention soumise à homologation.

2. Dans les autres cas de divorces

Dans les autres cas de divorce, le montant de la prestation compensatoire


et son mode de règlement sont déterminés par le juge.

La loi du 26 mai 2004 a voulu pacifier le divorce. Elle a fait en sorte que
les effets du divorce soient tous réglés en une fois. C’est la raison pour
laquelle la loi du 26 mai de 2004 a affirmé le principe du versement en

.
137
capital de la prestation compensatoire (a). En d’autres termes, le principe
est de verser la prestation compensatoire en une seule fois.

Toutefois, parce qu’il n’est pas toujours évident de verser la prestation


compensatoire en une seule fois, la loi envisage un aménagement : le
versement de la prestation compensatoire peut être fractionné sur une
durée maximale de 8 ans (b).

Enfin, une exception est également prévue : si certaines conditions sont


remplies, il est possible que la prestation compensatoire soit versée sous
forme de rente viagère (c), c’est à dire sous forme d’une rente à vie.

a. Le principe : le versement en capital

En principe, suivant l’article 274 du Code civil, la prestation


compensatoire est versée sous forme de capital :
- soit sous la forme du versement d’une somme d’argent
- soit par l’attribution de biens en propriété
- soit par l’attribution d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation
ou d’usufruit.

Le pouvoir du juge est donc très important puisqu’il décide librement quel
bien peut être attribué en propriété à l’autre époux.

.
138
Néanmoins, pour éviter les abus, la loi prévoit une limite au pouvoir du
juge. Ainsi, en ce qui concerne les biens reçus par donation ou succession
par l’époux, le juge doit recueillir le consentement de l’époux débiteur
pour pouvoir les attribuer à l’autre époux au titre de la prestation
compensatoire. Il semblerait que la nature familiale de ces biens justifie
une telle contrainte.

Cette attribution forcée d’un bien en plein propriété à titre de prestation


compensatoire n’est-elle pas attentatoire au droit de propriété, garanti par
l’article 17 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ? C’est la
question qui fut posée au Conseil constitutionnel dans le cadre d’une
question prioritaire de constitutionnalité.
Le Conseil constitutionnel a considéré dans une décision QPC du 13 juillet
201178 que l’article 274 n’était pas contraire à la Constitution.

Mais le Conseil constitutionnel procède toutefois à une réserve


d’interprétation dans cette décision. Cela signifie qu’il pose des conditions
à la conformité de la disposition légale à la Constitution.
Ainsi, « que l'atteinte au droit de propriété qui résulte de l'attribution
forcée prévue par le 2° de cet article ne peut être regardée comme une
mesure proportionnée au but d'intérêt général poursuivi que si elle
constitue une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation
compensatoire en capital ;
que, par conséquent, elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le
cas où, au regard des circonstances de l'espèce, les modalités prévues au
78 Cons. Const., décision n°2011-151, 13 juillet 2011, Fiche TD n°4, document n°3
.
139
1° n'apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette
prestation ;
que, sous cette réserve, l'attribution forcée d'un bien à titre de prestation
compensatoire ne méconnaît pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 »
Ainsi, l’attribution d’un bien en pleine propriété au titre de la prestation
compensatoire n’est envisageable que si d’autres modes de règlement de la
prestation compensatoire ne sont pas possibles. Autrement dit, si le
patrimoine de l’époux débiteur n’est composé que du bien en question,
qu’il ne peut verser la prestation compensatoire sous une autre forme :
somme d’argent, etc. Alors, il pourra être décidé d’attribuer le bien en
pleine propriété à l’autre époux.
La Cour de cassation a confirmé cette interprétation79.

Si le principe est le versement en capital, il peut toutefois être aménagé.

b. L’aménagement : le versement fractionné sur 8 ans

Il est possible que l’époux qui doit verser la prestation compensatoire ne


puisse la verser en une seule fois. Il n’a tout simplement pas l’argent
nécessaire ni de patrimoine à attribuer.

L’article 275 du Code civil prévoit qu’il est possible d’autoriser l’époux
débiteur de la prestation compensatoire a verser la prestation sous forme
de versements périodiques.

79 Cass. 1Ère cv. 28 mai 2014, n°13-15.760, Dr. Fam. Juill.- août 2014, comm. 107, note J.-R. Binet, Fiche TD n°4,
Document n°4
.
140
Afin de limiter dans le temps les effets du divorce, ces versements ne
peuvent se faire que dans la limite de 8 années consécutives.

Toutefois, en cas de changement important dans la situation des époux, le


débiteur pourra demander une révision des modalités de la prestation
compensatoire. Le juge pourra alors même lui autoriser le versement du
capital sur une durée supérieure à 8 ans, à titre exceptionnel.

Dans un tel cas de versement fractionné, l’époux débiteur peut à tout


moment se libérer du versement du solde de la prestation compensatoire
s’il le peut. L’objectif est toujours de régler les conséquences du divorce
dans les délais les plus brefs.

Si le versement en capital est le principe et le versement fractionné


l’aménagement, il est encore possible de prévoir une exception : le
versement de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère.

c. L’exception : le versement sous forme de rente viagère

A titre tout à fait exceptionnel, l’article 276 du Code civil prévoit la


possibilité du versement de la prestation compensatoire sous forme de
rente viagère.

.
141
Ainsi, l’alinéa 1er de l’article 276 prévoit que « A titre exceptionnel, le juge
peut, par décision spécialement motivée, lorsque l'âge ou l'état de santé du
créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation
compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les
éléments d'appréciation prévus à l'article 271 ».

Il faut donc que l’âge ou l’état de santé du créancier justifie une telle
modalité de versement de la prestation compensatoire. En effet, viager
signifie que les versements s’effectueront jusqu’au décès du créancier.

Mais cette modalité est très rarement accordée par les juges aux affaires
familiales. Elle est, en effet, trop importante et le juge préférera fixer un
montant plus élevé de prestation compensatoire que de faire durer les
effets du divorce de façon indéterminée dans le temps.

Ainsi, la prestation compensatoire vise à compenser les différences de


niveau de vie dues au divorce. Mais elle n’a pas pour objet de réparer un
préjudice. C’est en cela qu’elle diffère des dommages et intérêts, qui eux
sont prévus à l’article 266 du Code civil.

§3. Les dommages et intérêts

Seuls les dommages et intérêts peuvent permettre de réparer un préjudice


moral qu’a pu subir l’un des époux du fait de la rupture.

.
142
A. Les dommages et intérêts de l’article 266 du Code civil

L’article 266 prévoit que « des dommages et intérêts peuvent être accordés
à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il
subit du fait de la dissolution du mariage soit lorsqu'il était défendeur à un
divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu'il n'avait
lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est
prononcé aux torts exclusifs de son conjoint ».

Aussi, certaines conditions doivent être remplies :


- l’époux qui a obtenu le divorce pour faute aux torts exclusifs de son
conjoint peut demander des dommages et intérêts au titre de l’article 266.
De même l’époux qui est défendeur à un divorce pour altération définitive
du lien conjugal et qui n’a formé aucune demande reconventionnelle peut
les demander.
Ainsi, il s’agit d’époux qui subissent le divorce.

- il faut que le divorce ait eu « des conséquences d’une particulière


gravité ». Il faudra donc prouver que le divorce a causé un dommage né du
divorce, mais surtout que ce dommage est d’une particulière gravité.

- de plus, comme en droit commun de la responsabilité, il faut prouver que


c’est bien le divorce qui a causé le dommage : qu’il y a donc un lien de
causalité entre le divorce et le dommage.

.
143
Ces dommages et intérêts peuvent s’ajouter à l’attribution d’une prestation
compensatoire.

B. Les dommages et intérêts de l’article 1240 du Code civil

Des dommages et intérêts peuvent également être attribués en vertu du


droit commun de la responsabilité civile, c’est-à-dire en application de
l’article 1240 du Code civil.

Dans ce cas, il ne faut pas que ce soit le divorce qui soit à l’origine du
préjudice subi. Sinon, on tombe dans le champ d’application de l’article
266.

Il incombe donc à l’époux qui intente une action sur le fondement de


l’article 1240 d’invoquer un dommage qui est distinct de celui qui résulte
de la dissolution du mariage : répercussions dommageables dans l’exercice
de la profession du conjoint, humiliation de l’épouse du fait de
l’homosexualité de son mari.

Pour cela, les conditions de l’article 1240 doivent être réunies : une faute,
un dommage et un lien de causalité entre les deux.

.
144
Maintenant que nous avons envisagé les cas de divorces et les effets de ce
divorce, nous allons pouvoir passer à l’étude des autres modes de
conjugalité que le mariage.

.
145
TITRE II - LE PACS ET LE CONCUBINAGE

A côté du mariage, il existe deux autres modes de conjugalité : le pacs et le


concubinage.
Le Pacs est un contrat tandis que le concubinage est une relation de fait.
Mais le Pacs n’est pas un contrat comme les autres : de nombreuses règles
relatives au Pacs ne sont pas laissées à la libre décision des parties. Il s’agit
donc d’un contrat encadré par la loi.
En revanche, le concubinage n’est pas régi par la loi. Le Code civil lui a
donné une définition légale mais le régime relatif au concubinage n’est que
de pur fait. La jurisprudence a donc eu à puiser dans le droit commun pour
trouver des règles pouvant s’appliquer aux concubins : l’enrichissement
sans cause, etc.

Pour appréhender au mieux ces deux modes de conjugalité, il convient de


commencer par l’étude du Pacs (chapitre 1 )puis continuer avec l’étude du
concubinage (chapitre 2)

Chapitre 1 Le Pacs

Le PACS est un mode de vie conjugal, entre le concubinage et le mariage.


C’est un contrat, comme le mariage, mais ça n’est pas une institution
véritablement car la loi en donne seulement le cadre. Les parties sont
ensuite libres d’en déterminer le contenu – dans les limites de la loi malgré

.
146
tout. C’est une sorte de contrat spécial finalement. Un contrat qui a pour
objet l’organisation de la vie d’un couple, hétérosexuel ou homosexuel,
sans être pour autant un mariage.

Mais, comme on le verra, il y a finalement de nombreux points de


rapprochements entre le pacs et le mariage. Au point que certains auteurs
parlent d’un « quasi-mariage80 ». Sociologiquement, il faut constater que
de nombreux couples se pacsent avant de se marier. De sorte que le Pacs
est devenu une sorte de fiançailles.

En premier lieu, il convient d’envisager la formation du pacs (section 1),


puis, en second lieu, les effets du pacs (section 2) et, enfin, la dissolution
du pacs (section 3).

Section 1 La formation du Pacs

Pour pouvoir contracter un pacs, il faut répondre à des conditions de fond


(§1) et des conditions de forme (§2).

§1. Conditions de fond

Le Pacs est un contrat donc il doit répondre aux conditions de tout contrat
de droit commun (A). Il doit également répondre à des conditions
spécifiques (B).
80 Ph. Simler et P. Hilt
.
147
A. Conditions de droit commun

Le Pacs doit répondre aux conditions de validité de tout contrat. Il faut


donc remplir les conditions de l’article 1128 du Code civil : le
consentement , la capacité à contracter, un contenu licite et certain.

Cette évidence a été affirmée par le Conseil constitutionnel lors de


l’examen de la loi du 15 novembre 199981.

Consentement, capacité à contracter, contenu licite et certain.


- Consentement d’abord : il faut que les partenaires consentent au pacs.
Comme pour le mariage, et comme pour tout contrat, ce consentement ne
doit pas être vicié. Certaines solutions relatives au mariage peuvent
d’ailleurs être transposées au pacs, en matière d’erreur ou de violence par
exemple.

- Capacité à contracter : là encore, il faut que les partenaires soient majeurs


et qu’ils ne soient pas placés sous tutelle ou curatelle

- Contenu licite et certain : il faut que le contenu du contrat de pacs soit


licite, c’est à dire conforme à la loi. Et certain, c’est-à-dire qui ne
contiennent pas des obligations qui ne puissent être réalisées.
81 Cons. Const. Déc. N°99-419 DC, 9 nov 1999, cons. 28, Fiche TD n°5, Doc. n°1 : « Les dispositions générales du
Code civil relatives aux contrats et aux obligations conventionnelles auront par ailleurs vocation à s’appliquer,
sous le contrôle du juge, sauf en ce qu’elles ont de nécessairement contraire à la présente loi ; qu’en particulier, les
articles 1109 et suivants du Code civil, relatifs au consentement, sont applicables au pacte civil de solidarité ».
Attention, la numérotation a changé en 2016, désormais c’est l’article 1128 qui est applicable.
.
148
Au-delà de ces conditions classiques de droit des contrats, il convient
d’étudier les conditions spécifiques au pacte civil de solidarité.

B. Conditions spécifiques au pacte civil de solidarité

1. Conditions liées à la personne :

Certaines conditions sont spécifiques au Pacs. Ainsi, les articles 461 et 462
du Code civil prévoient les conditions auxquelles les majeurs sous tutelle
ou sous curatelle peuvent conclure une telle convention.
Par exemple, la personne sous tutelle est accompagnée de son tuteur pour
la signature du pacs.

2. Conditions similaires au mariage :

Comme pour le mariage, la loi interdit le Pacs entre certains parents et


alliés.

L’article 515-2 du Code civil prohibe ce pacte entre ascendant et


descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux
jusqu’au troisième degré inclus.

La sanction est la nullité absolue.


Contrairement au mariage, aucune dispense n’est possible.

.
149
Toujours en se référant au mariage, la loi impose la monogamie dans le
Pacs. Ainsi, il n’est pas possible de se pacser si l’on est déjà engagé dans
un pacs ou dans un mariage.
Néanmoins, une personne qui a conclu un pacs peut se marier. Soit avec
son partenaire soit avec un tiers. Ce qui met fin automatiquement au pacs,
nous le verrons plus tard.

Le pacte posthume est impossible, à la différence du mariage posthume.

Maintenant que nous avons envisagé les conditions de fond du Pacs, il faut
envisager ses conditions de forme.

§2. Conditions de forme

Ce sont ici les articles 515-3 et 515-3-1 qui précisent les conditions de
forme du Pacs. Le Pacs nécessite un écrit (A) qui doit être enregistré (B).

A. Rédaction du pacte

1. Une convention

En vertu de l’article 515-3 du Code civil, les parties doivent rédiger une
convention de Pacs.

.
150
Celle-ci peut être passée sous la forme d’un acte sous seing privé, d’un
acte sous signature privée contresignée par un avocat, ou encore d’un acte
authentique.

2. Une déclaration conjointe

Une fois la convention rédigée, les futurs partenaires doivent en faire la


déclaration conjointe.

A l’origine, cette déclaration devait être faite au greffe du tribunal


d’instance.
Depuis la loi du 28 mars 2011, cette déclaration peut être faite devant le
notaire lorsque la convention est rédigée en la forme authentique (515-3 al.
5).
Puis, la loi du 18 novembre 2016 a transféré à l’officier d’état civil les
compétences initialement dévolues au greffier. L’objectif de cette réforme
est d’alléger la charge de travail des juridictions. Toutefois, ce faisant, la
réforme a une portée plus symbolique : elle rapproche le pacs du mariage
en mimant la célébration du mariage devant l’officier d’état civil.

Mais il convient encore que le pacs soit enregistré.

B. Enregistrement du pacte

.
151
La formation du pacs ne donne pas lieu à une véritable cérémonie, à la
différence du mariage. Il s’agit ici seulement d’un enregistrement par
l’officier d’état civil.

L’officier d’état civil vérifie que les conditions de conclusion du Pacs sont
réunies. Il enregistre la déclaration des partenaires et fait procéder aux
formalités de publicité.

Cet enregistrement confère date certaine au Pacs et le rend opposable aux


tiers.

Il est ensuite adressé un avis aux officiers d’état civil des lieux de
naissance des partenaires afin qu’ils fassent mention du pacs en marge des
actes de naissance des partenaires.
En effet, la publicité du Pacs se fait sur les actes de naissance, tout comme
pour le mariage. Cette formalité est récente puisqu’elle a été introduite par
la loi du 23 juin 2006.

Là encore, cette formalité rapproche le pacs du mariage. Le pacs n’est pas


un simple contrat, il a des conséquences sur l’état civil des partenaires. Il
est donc apparu logique d’en faire mention sur l’acte de naissance des
partenaires.

Comme tout contrat, le pacs peut être modifié en cours de vie commune.

.
152
Section 2 Les effets

Le Pacs a pour objet d’organiser la vie des partenaires. Il produit des effets
personnels (§1), pécuniaires (§2) et patrimoniaux (§3).

§1. Les effets personnels

Il existe un lien juridique entre les partenaires qui forment un couple. Dès
lors, le pacs produit certains effets personnels.

L’article 515-4 alinéa 1er dispose que « les partenaires liés par un pacte
civil de solidarité s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide
matérielle et une assistance réciproques ».

A. Une vie commune

Les partenaires ont une obligation de vie commune. Celle-ci a fait l’objet
d’une définition par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1999.

Vie commune, c’est-à-dire vie de couple. Cette exigence semblait très


claire dans la décision du Conseil constitutionnel, mais elle semble mise à
mal dans la jurisprudence récente. En effet, dans un arrêt du 8 mars 2017 82,

82 Cass. 1Ère civ. 8 mars 2017, n°16-18685, Fiche TD n° 5, doc. N° 3 ; A. Gouëzel, « Le Pacs sans couple, une
hérésie », D. 2017, p. 2038.
.
153
la Cour de cassation a validé un pacs entre deux personnes de 44 ans de
différence d’âge, qui estimaient avoir un lien de père et fils l’un avec
l’autre. Autrement dit, le pacs se mue ici en un simple contrat de
cohabitation là où il est censé être un contrat d’union conjugale.

Reste à savoir s’il existe un devoir de fidélité entre partenaires. Un


jugement assez ancien estimait que puisqu’il y avait vie de couple, il y
avait une obligation de loyauté entre les partenaires, qui impliquait un
devoir de fidélité83.
Mais, plus récemment, la jurisprudence a estimé qu’il n’y avait pas de
devoir de fidélité au sein du Pacs84.

B. Une assistance réciproque

Les partenaires sont également tenus d’une obligation d’assistance


réciproque.

Ce devoir est identique au devoir d’assistance de l’article 212 du Code


civil entre époux. Les partenaires doivent donc s’épauler face aux
difficultés de la vie.

§2. Les effets pécuniaires

83 TGI Lille, réf. 5 juin 2002, Dr. Fam. 2003, comm. 57, note Beignier ; D. 2003, 515, note X. Labbée ; RTDCiv.
2003, 270, obs. Hauser, Fiche TD n°5, doc. n°2
84 CA Montpellier, 4 janv. 2011, Dr. Fam. 2011, comm 89, note V. Larribau-Terneyre ; CA Rennes, 5 mai 2015, Dr.
Fam. 2015, comm. 140, note J.-R. Binet
.
154
Les effets pécuniaires du Pacs sont proches de certains effets du mariage.

A. Une aide matérielle

L’article 515-4 du Code civil impose aux partenaires une aide matérielle
réciproque qui est proportionnelle aux facultés respectives des partenaires
à moins qu’ils n’en disposent autrement dans leur convention.

Cette aide est semblable à l’obligation de contribution aux charges du


mariage énoncées par l’article 214 du Code civil.

B. Une solidarité ménagère

Le mimétisme avec le mariage se retrouve également dans l’alinéa 2 de


l’article 515-4 du Code civil. En effet, la rédaction de l’article 515-4
reprend à peu de choses près la rédaction de l’article 220 du Code civil
concernant la solidarité ménagère des époux.

Cet article impose une solidarité entre partenaires pour certaines dettes :
« les dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie
courante ». La solidarité ménagère des partenaires a donc un champ
d’application plus large que la solidarité des époux qui se limite aux dettes
relatives à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants. Autrement
dit, la notion de dettes pour les besoins de la vie courante est plus large que

.
155
celle de dettes relatives à l’entretien du ménage ou à l’éducation des
enfants.

Les exceptions à cette solidarité ménagère des époux sont les mêmes que
celles pour la solidarité ménagère des époux.

C. Une présomption mobilière

L’article 515-5 alinéa 3 in fine, instaure une présomption mobilière


identique à celle de l’article 222 concernant le mariage.

Ainsi, « le partenaire qui détient individuellement un meuble est réputé, à


l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire sur ce bien tout
acte d’administration, jouissance ou disposition. » En d’autres termes, on
présume que celui qui détient le bien en est le propriétaire et donc peut le
vendre, louer, etc.

Le Pacs produit des effets pécuniaires mais aussi des effets patrimoniaux.

§3. Les effets patrimoniaux

- Dans la version initiale de 1999, le législateur avait prévu un régime


d’indivision entre partenaires. Cela signifie que les partenaires sont
propriétaires, tous les deux, indistinctement, des biens acquis pendant leur
vie en Pacs.

.
156
En cas de rupture, ils récupèrent la moitié de la valeur de ces biens.
Mais la liquidation de l’indivision est complexe et source de contentieux.

En tous les cas, les partenaires peuvent choisir une autre organisation de
leur patrimoine dans leur convention de pacs.

- Dans la réforme de 2006, le législateur opte pour une autre solution : le


régime de séparation de biens. Chaque partenaire conserve la propriété de
ses biens personnels et chacun d’eux reste tenu des dettes personnelles
nées avant ou pendant le pacte (Art. 515-5 ), sauf le cas des dettes conclues
pour les besoins de la vie courante.

A la dissolution du pacs, tout partenaire devra prouver la propriété de ses


biens et, à défaut, ils seront réputés indivis par moitié.

La preuve de la propriété peut se faire par tous moyens et incombe à celui


qui se prétend le propriétaire exclusif.

Toutefois, dans leur convention, les partenaires peuvent tout de même


choisir de soumettre à l’indivision les biens qu’ils acquièrent, ensemble ou
séparément, pendant le pacte. Ces biens seront réputés indivis par moitié
sans recours possible de l’un d’entre eux au titre d’une contribution
inégale (515-5-1)

.
157
Seuls certains biens ne seront alors pas soumis à l’indivision : art 515-5-2,
par exemple, les biens à caractère personnel, les biens acquis par
succession, etc...

Section 3 Dissolution du pacte de solidarité

La dissolution du pacs est possible dans 4 cas prévus par la loi. Cette
dissolution est beaucoup moins contraignante que la dissolution du
mariage. (§1)

Cette dissolution entraîne des effets, qui sont prévus par la loi (à la
différence du concubinage par exemple) (§2).

§1. Cas et procédure de dissolution

La loi prévoit quatre cas de dissolution du Pacs à l’article 515-7 :


- la déclaration conjointe
- la rupture unilatérale
- le mariage de l’un des partenaires
- le décès de l’un des partenaires

Ces cas peuvent être regroupés en deux catégories : les cas de dissolution
volontaire (A) (dépendant soit de la volonté d’un partenaire soit des deux),
et les cas de dissolution due à un évènement extérieur (B).

.
158
A. La rupture volontaire

L’article 515-7 alinéa 3 dispose que : « Le pacte civil de solidarité se


dissout également par déclaration conjointe des partenaires ou décision
unilatérale de l'un d'eux ».

1. La rupture conjointe

Les partenaires peuvent décider de mettre fin au pacte d’un commun


accord.

Dans cette hypothèse, ils remettent une déclaration conjointe de leur


décision de rompre à l’officier d’état civil du lieu d’enregistrement du Pacs
ou au notaire qui l’a reçu (art 515-7 al. 4)

2. La rupture unilatérale

La rupture peut également être unilatérale (art. 515-7 al. 3). Dans ce cas,
l’auteur de la rupture doit la signifier à son partenaire : par lettre
recommandée avec accusé de réception par exemple.

Dans ce cas, l’auteur de la rupture doit remettre une copie de cette


signification à l’officier d’état civil du lieu d’enregistrement du pacte ou au
notaire (art. 515-7 al. 5).

.
159
Il s’agit là d’une rupture décidée par un seul des partenaires, ce qui marque
bien la nature contractuelle du pacs. Il n’est pas possible de sortir aussi
simplement d’un mariage : il faut toujours divorcer, et donc au moins
recourir aux services d’un avocat ou se présenter devant le juge.
La rupture du pacs est tout de même plus encadrée que celle du
concubinage, puisque le pacs est un contrat auquel il faut mettre fin là où
le concubinage n’est qu’une situation de fait.

3. Conditions communes aux deux ruptures volontaires

Dans les deux cas – rupture unilatérale ou rupture conjointe – l’officier


d’état civil ou le notaire enregistrent la dissolution (art. 515-7 al. 6).

Puis ils font procéder aux formalités de publicité : il est fait mention en
marge de l’acte d’état civil des partenaires de la rupture du pacs

Dans les rapports entre partenaires, la dissolution prend effet à la date de


son enregistrement (art. 515-7 al 7).
Dans les rapports avec les tiers, la dissolution n’est opposable qu’à
compter de l’accomplissement des formalités de publicité (art. 515-7 al 8).

B. Décès ou mariage

.
160
Le pacte peut également prendre fin au décès ou au mariage de l’un des
partenaires (art. 515-7 al. 1).

1. Le mariage

Il peut s’agir du mariage de l’un des partenaires avec un tiers ou bien du


mariage des deux partenaires ensemble. Le mariage dissout
automatiquement le pacs.
Il s’agit là de l’affirmation d’une primauté du mariage sur le pacs. Le
mariage prime sur le pacs. Il s’agissait de rappeler qu’il y a une hiérarchie
des formes d’union conjugale : le mariage, puis le pacs, puis le
concubinage.
Par là même, c’est bien la nature contractuelle du pacs et la nature
institutionnelle du mariage qui sont rappelées.

Le Pacs est dissous au jour du mariage. L’officier d’état civil qui est chargé
d’inscrire la mention du mariage sur l’acte d’état civil du partenaire ou des
partenaires en informe immédiatement l’officier d’état civil du lieu
d’enregistrement du pacs ou le notaire qui a enregistré le pacs.
Cet officier d’état civil ou ce notaire enregistre la dissolution et en informe
les deux partenaires.

2. Le décès

.
161
Comme tout contrat conclu intuitu personae, le pacs prend fin avec le
décès de l’un des partenaires.

L’officier d’état civil qui est chargé d’inscrire la mention du décès sur
l’acte d’état civil du partenaire ou des partenaires en informe
immédiatement l’officier d’état civil du lieu d’enregistrement du pacs ou le
notaire qui a enregistré le pacs.
Cet officier d’état civil ou ce notaire enregistre la dissolution et en informe
le partenaire survivant.

La dissolution prend effet au jour du décès.

Une fois envisagés les cas de dissolution, il faut encore en observer les
effets.

§2 Effets de la dissolution

Les principaux effets de la dissolution sont la liquidation des droits et


obligations des partenaires (A), le possible versement de dommages et
intérêts s’il y a eu préjudice (B), et la question de la succession en cas de
dissolution par le décès de l’un des partenaires (C).

A. Liquidation des droits et obligations

La dissolution du pacs entraîne la liquidation des droits et obligations des


partenaires : devoir d’assistance, d’aide matérielle, solidarité ménagère, etc
.
162
Si les partenaires sont soumis au régime de séparation de biens, il faudra
procéder à la liquidation du régime : c’est-à-dire à la répartition des biens
et dettes entre les partenaires.
S’il existe des biens indivis entre les partenaires, il faudra procéder à la
liquidation de cette indivision.

B. Dommages et intérêts
L’article 515-7 al. 10 du Code civil prévoit que « A défaut d'accord, le
juge statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans
préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi. »

Le Conseil constitutionnel a précisé dans sa décision relative au Pacs 85


qu’il s’agissait ici d’une référence à la responsabilité civile de l’article
1382 (devenu 1240) du Code civil.

Quel dommage peut être indemnisé ? Comme pour les fiançailles ou le


concubinage, la rupture est libre. Donc il ne peut y avoir de préjudice subi
du seul fait de la rupture.
En revanche, il peut y avoir un préjudice subi du fait des circonstances de
la rupture : humiliation, violences, etc.

Pour obtenir réparation de ce préjudice, il faudra remplir les trois


conditions de la responsabilité civile extracontractuelle : il faut une faute,
un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
85 Cons. Const. 9 nov. 1999, précité
.
163
En revanche, il n’existe pas d’équivalent de l’article 266 (dommages et
intérêts pour le dommage subi du fait du divorce) pour la dissolution du
Pacs.

C. Succession

En cas de décès de l’un des partenaires, le partenaire survivant n’a pas de


statut équivalent à celui du conjoint survivant. Il ne bénéficie pas d’office
de droits dans la succession de son partenaire.

En revanche, une protection légale est accordée au partenaire survivant


concernant son logement. Le partenaire survivant peut bénéficier de
l’attribution préférentielle de droit, c’est-à-dire automatique, de la
propriété du bien qui lui sert d’habitation, ainsi que des meubles meublants
ce bien (art. 515-6 al. 2 du Code civil)

Pour cela, il faut que le partenaire survivant ait sa résidence dans ce


logement au moment du décès de son partenaire et le défunt doit avoir
expressément prévu dans son testament le bénéfice de l’attribution
préférentielle.

Ainsi, le partenaire survivant est moins protégé que le conjoint survivant,


ce qui marque là encore la primauté du mariage sur le pacs.

.
164
Une fois envisagées les modalités et les effets du pacs, il convient
d’étudier la dernière forme d’union connue du droit français : l’union libre
ou concubinage.

Chapitre 2 Le concubinage

Pendant très longtemps, le concubinage était une situation ignorée du Code


civil. Le concubinage relevait du domaine du fait et non pas du droit. En
effet, le fait d’être concubins n’entraînait pas de conséquences juridiques.

C’est en 1999, à l’occasion de l’insertion du Pacs dans le Code civil,


qu’une définition du concubinage a été posée dans le Code civil à l’article
515-8 du Code civil.
Dès lors, le concubinage est devenu une notion juridique, définie dans le
Code civil, mais dont les effets ne font pas l’objet de règles légales. Le
régime du concubinage est exclusivement régi par la jurisprudence.
Autrement dit, il s’agit d’un régime prétorien uniquement.

Après en avoir étudié les conditions (Section 1), nous verrons les effets
que cette situation de fait produit (Section 2) ainsi que la dissolution du
concubinage (Section 3).

.
165
Section 1 Les conditions du concubinage

Le concubinage est désormais défini par le Code civil (§1), ce qui


n’empêche pas de soulever des difficultés de preuve (§2).

§1. Définition légale du concubinage

A. Une union de fait

L’article 515-8 du Code civil dispose que « le concubinage est une union
de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de
stabilité et de continuité entre deux personnes, de sexe différent ou de
même sexe, qui vivent en couple ».

Le concubinage est donc une « union de fait ». Cela signifie qu’il crée un
lien de fait entre les deux concubins, et non un lien de droit (comme le
mariage ou le pacs).

En d’autres termes, le concubinage est un fait juridique (créateur d’effets


de droit). Il se distingue donc du mariage qui est un acte juridique dont les
effets de droit s’ancrent dans le consentement des époux.

Cette définition légale du concubinage reprend les éléments de définition


dégagés par la jurisprudence. A une exception près : la jurisprudence ne

.
166
reconnaissait pas le concubinage homosexuel86. La loi a ainsi brisé la
jurisprudence.

B. L’exigence d’une vie commune

Le lien de concubinage est caractérisé par une « vie commune ». Comme


pour le mariage, une relation de concubinage implique une cohabitation
ainsi que l’existence de relations sexuelles entre les concubins.

Cette communauté de vie entre les concubins est sans doute l’élément
fondateur du concubinage car il s’agit là de l’imitation du mariage.

De plus, pour qu’il y ait concubinage, il faut que deux conditions


supplémentaires soient réunies : le couple doit être stable et durable 87. Ce
qui n’implique pas nécessairement une adresse commune aux deux
concubins.

Si le concubinage imite le mariage, il n’y a pas pour autant de devoir de


fidélité entre concubins.

C. L’exigence d’un couple

L’article 515-8 du Code civil précise que les concubins vivent « en


couple ». Cela exprime là encore l’imitation du couple marié. Cela
86 Cass. Soc. 11 juil. 1989, n°86-10665 : « en se référant […] à la notion de vie maritale, le législateur a par là même
entendu limiter les effets de droit, au regard des assurances maladie et maternité à la situation de fait consistant
dans la vie commune de deux personnes ayant décidé de vivre comme des époux, sans pour autant s’unir par le
mariage, ce qui ne peut concerner qu’un couple constitué d’un homme et d’une femme » ; V. aussi : Cass. 3e civ., 17
déc. 1997, n°95-20779 : « le concubinage ne [peut] résulter que d’une relation stable et continue ayant
l’apparence du mariage, donc entre un homme et une femme ».
87 CA Douai, 12 déc. 2002, n°01/03255 ; CA Lyon, 2 juil. 2013, n°13/03189
.
167
exprime également que le concubinage est la relation entre deux personnes
et seulement entre deux personnes, pas plus.

Les conditions du concubinage sont relativement claires, reste à faire la


preuve du concubinage.

§2. Preuve du concubinage

Puisqu’il s’agit d’un fait juridique, et non d’un acte juridique, la preuve du
concubinage est libre.
Cela signifie que l’on peut prouver le concubinage avec des factures
d’électricité, la mention des deux noms sur le bail locatif, sur les avis
d’imposition, etc.
Mais, pour autant, cette preuve n’est pas toujours facile à rapporter.

C’est la raison pour laquelle il est possible de faire établir par les mairie ou
commissariat un « certificat de concubinage ».
La délivrance de ce document est soumis à deux conditions : d’une part, il
faut que les concubins résident à la même adresse ; d’autre part, il faut que
deux témoins, sans lien de parenté entre eux, attestent de l’existence d’un
concubinage.

Il est également possible d’établir une convention de concubinage afin


d’organiser les rapports personnels et patrimoniaux entre les concubins.
Cela peut être également utilisé comme preuve du concubinage.

.
168
Si cette relation de concubinage est une relation de fait, quels effets
produit-elle ? Peut-on contraindre les concubins à certaines obligations ?
Ou sont-ils pleinement libres ?

Section 2 Les effets du concubinage

Le concubinage n’est pas le mariage. Il est donc impossible d’appliquer


aux concubins les mêmes règles qu’aux époux. Pour autant, le
concubinage produit des effets personnels (§1) et des effets patrimoniaux
(§2).

§1. Rapports personnels

En principe, le concubinage ne crée aucun devoirs personnels entre les


concubins : pas de devoir de fidélité, ni d’assistance, pas de droit d’usage
du nom, d’acquisition de la nationalité française.
Il n’y a pas non plus de présomption de paternité en concubinage ni de
possibilité d’adopter un enfant (l’adoption est réservée aux couples mariés
ou aux personnes seules).

Pour autant, s’il n’existe aucune règle légale, les concubins peuvent établir
une convention de concubinage dans laquelle ils décideront des droits et
obligations les concernant – dans la limite de l’ordre public évidemment.

.
169
§2. Rapports patrimoniaux

S’agissant des rapports patrimoniaux entre concubins, le principe est le


même qu’en matière de relations personnelles. Le concubinage ne produit
pas d’effets particuliers.

- Ainsi, les concubins ne sont soumis ni au devoir de secours, ni à


l’obligation de contribuer aux charges du ménage.
Ce faisant, il n’y a pas de solidarité entre les concubins. En d’autres
termes, chacun des concubins doit prendre en charge les dépenses de la vie
courante qu’il a engagées.
Aucun des concubins ne peut donc obliger l’autre à contribuer à des
charges qu’implique nécessairement une communauté de vie.

- Chaque concubin est propriétaire des biens qu’il acquiert. Si aucun d’eux
ne parvient à prouver la propriété d’un bien alors ce dernier est présumé
indivis entre les concubins. Si les concubins achètent ensemble un bien,
celui-ci est indivis à moins qu’il n’en soit stipulé autrement dans l’acte
d’acquisition.

- Les concubins ne bénéficient pas de régime de protection du logement


comme les époux. Mais ils bénéficient toutefois de certaines mesures de
protection pour la continuation du bail en cas de rupture ou de décès.

.
170
Section 3 La fin du concubinage

Comment cette union de fait prend-elle fin ? Puisqu’elle n’est soumise à


aucune formalité pour réaliser cette union, il n’y a pas non plus de
formalités pour en sortir. Le principe est celui de la liberté de rupture (§1).
Pour autant, cette rupture peut produire des effets, notamment
patrimoniaux.

Le concubinage est également rompu par le décès de l’un des concubins


(§2).

§1. La rupture du concubinage

Le principe est celui d’une rupture libre (A). Mais cela ne rend pas la
rupture plus simple. Celle-ci peut être conflictuelle. Les conséquences de
la rupture peuvent être délicates à régler (B). Et plus la vie en concubinage
a été longue plus la rupture sera compliquée car il faudra déterminer la
répartition de la propriété des biens, l’organisation de la vie des enfants,
etc. Pour le divorce, il y a une procédure à suivre qui encadre les
difficultés. Ici, la liberté peut se révéler coûteuse.

A. Causes et rupture du concubinage

Plusieurs événements peuvent causer la cessation du concubinage :


- une décision commune de rupture
- une décision unilatérale de rupture

.
171
- une décision de se pacser ou de se marier

Cette rupture est totalement libre. Aucune forme n’est imposée. On peut
prévenir son concubin de la rupture de la façon que l’on souhaite. Il n’y a
aucun délai à respecter, il n’y a pas besoin d’un avocat, etc.

Par conséquent, la rupture du concubinage n’est pas en soi fautive. En


revanche, les circonstances de la rupture peuvent être fautives : si elles
sont humiliantes88, ou accompagnées de violence, de harcèlement... par
exemple.
En ce cas, le droit de la responsabilité civile s’applique et il est possible
pour la victime d’obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de
l’article 1240 du Code civil. Pour cela, il faut prouver une faute, un
préjudice et un lien de causalité entre les deux.

B. Conséquences de la rupture du concubinage

L’étude de la jurisprudence nous montre que la rupture du concubinage


soulève de fréquentes questions relatives à la répartition des biens acquis
pendant la durée du concubinage (1) ou bien au sujet de l’indemnisation de
la participation d’un concubin à l’activité professionnelle de l’autre
concubin (2).

88 Cass. 1Ère civ, 3 janv. 2006, n°04-11016, inédit, Fiche TD n°5, doc. n°1
.
172
1. Sort des biens acquis durant le concubinage

Il n’existe pas de régime matrimonial entre concubins, comme nous


l’avons déjà dit.

Par conséquent, lors de la rupture, en cas de litige sur la propriété de


certains biens, il appartient à chacun des concubins de rapporter la preuve
de sa propriété, à défaut de quoi ces biens seront présumés indivis moitié
chacun.

Si le bien a été acquis conjointement par les concubins, il sera partagé en


tenant compte des éventuelles différences d’apports de chacun, et plus
largement des dépenses de conservation, d’entretien ou d’améliorations
réalisées par chaque concubin sur le bien.

En l’absence de preuve des apports, le partage s’effectuera par moitié.

2. Prise en compte de la participation à l’activité professionnelle

La vie commune entre les concubins conduit souvent l’un des deux
concubins à collaborer à l’activité professionnelle de l’autre, lui permettant
ainsi de faire fructifier son entreprise.

La rupture du concubinage met un terme à cette collaboration


professionnelle. Cela peut générer une injustice car le concubin, qui

.
173
participait le plus souvent à titre gratuit à l’activité de l’autre, ne peut
prétendre à rien : ni rémunération en retard, ni parts de société…

Deux mécanismes existent pour pallier cette injustice : la société crée de


fait (a) et l’enrichissement injustifié (b).

a. La société créée de fait

Afin de permettre au concubin qui a travaillé sans rémunération de se faire


rémunérer, la jurisprudence emploie le mécanisme de la société créée de
fait.

Cette société créée de fait est la société créée par des personnes sans s’en
rendre compte.

L’article 1832 du Code civil exige trois conditions pour créer une société :
des apports (c’est-à-dire du capital, des biens, ou du travail), une volonté
des associés de contribuer aux bénéfices et aux pertes, ainsi que l’affectio
societatis, c’est-à-dire la volonté de contribuer ensemble à une entreprise
commune.

Dans le cadre de la société créée de fait, il faut qu’il déceler ces trois
éléments. Cela n’est pas toujours évident. L’intérêt est de permettre aux
personnes concernées d’être reconnues comme associés et donc de
partager les bénéfices et les pertes de la société entre elles.

.
174
En matière de concubinage, le concubin ayant travaillé sans rémunération
pourra faire valoir qu’il a fait un apport en industrie (= un apport en
travail) et tenter de recouvrer une somme équivalente à la rémunération
qu’il aurait dû recevoir.

Ce mécanisme est très intéressant mais il est peu évident d’en remplir les
conditions. En effet, la Cour de cassation est très rigoureuse quant à la
réunion des trois conditions de la société et retient donc peu souvent
l’existence d’une société créée de fait.

b. L’enrichissement injustifié

Le concubin qui a participé à l’activité professionnelle de l’autre peut


également invoquer l’enrichissement injustifié.

L’article 1303 du Code civil prévoit que « celui qui bénéficie d’un
enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’est
appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de
l’enrichissement et de l’appauvrissement ».

Le concubin devra donc apporter la preuve de trois éléments :


- son appauvrissement dû au travail fournie
- un enrichissement corrélatif de son concubin
- l’absence de justification de cet état de fait.

.
175
Or, si le concubin a travaillé afin de bénéficier également de
l’enrichissement, on peut estimer que l’enrichissement est justifié. Ainsi,
l’article 1303-2 du Code civil prévoit que « il n’y a pas lieu à
indemnisation si l’appauvrissement procède d’un acte accompli par
l’appauvri en vue d’un profit personnel ».

De plus, l’action fondée sur l’enrichissement injustifié ne peut être admise


qu’à titre subsidiaire, c’est-à-dire à défaut de toute autre action ouverte au
demandeur lui permettant d’obtenir le même résultat. Autrement dit, ce
n’est que si le demandeur n’a aucun autre moyen d’action que l’action en
enrichissement injustifié pourrait aboutir.

Aussi, l’enrichissement injustifié est rarement retenu pour permettre au


concubin d’obtenir rémunération du travail fourni.

§2. Le décès d’un concubin

Le décès d’un concubin entraîne la cessation du concubinage.

A la différence des époux, les concubins n’ont aucune vocation


successorale réciproque. Cela signifie qu’un concubin n’a pas de part
réservée dans la succession de son concubin.

.
176
Par conséquent, les concubins doivent anticiper cette situation en ayant
recours à des libéralités, c’est-à-dire à des donations ou à la rédaction d’un
testament instituant le concubin comme héritier.

.
177
PARTIE II – L’ENFANT

Le couple ne se fonde désormais plus uniquement sur le mariage. Il peut


s’unir dans différentes sortes d’unions. Le droit lui offre un choix possible.
Il n’y a plus de modèle matrimonial.

Dès lors, la famille ne se construit plus sur la base du couple. La famille se


construit aujourd’hui autour de la personne de l’enfant. On dit d’ailleurs
que « l’enfant fait la famille ».

C’est en effet l’enfant qui lie les deux parents à jamais, même s’ils se
séparent. Réunissant les patrimoines génétiques des deux parents, c’est
l’enfant qui crée un lien génétique au sein de la famille. Si l’enfant n’est
pas génétiquement celui des deux parents, l’engagement parental auprès de
l’enfant constituera le lien familial.

En d’autres termes, c’est le lien de filiation entre l’enfant et son ou ses


parents qui va fonder la famille. Le lien de filiation est donc le lien
structurel de la famille.

C’est la raison pour laquelle nous allons l’étudier dans cette seconde partie
du cours.

Pour la plupart d’entre nous, le lien de filiation repose sur un lien


génétique.

.
178
Mais, du fait des progrès scientifiques, des techniques de procréation
médicalement assistée se sont développées, tels que la procréation
médicalement assistée avec tiers donneur. Comme son nom l’indique, un
tiers a donné ses gamètes (sperme ou ovules) pour qu’un enfant soit conçu.
Pour autant, le donneur n’est pas reconnu juridiquement comme parent de
l’enfant. Celui qui est reconnu comme le parent est celui qui aura exprimé
sa volonté de devenir parent : le mari, partenaire ou concubin de la mère,
ou bien la femme qui va porter l’enfant conçu avec des ovules d’une autre
femme. Demain, avec l’adoption de la loi de réforme de la bioéthique,
l’épouse, la partenaire ou la concubine de la mère pourra également établir
un lien de filiation avec l’enfant.
Ainsi, la filiation n’est plus liée à la procréation charnelle, elle s’en est
dissociée.

D’autres pratiques, illégales, se sont développées et viennent chambouler


les règles du droit de la filiation. Ainsi, le recours à des mères porteuses à
l’étranger a donné lieu à plusieurs jurisprudences importantes en droit de
la filiation. Au-delà du recours à une pratique illégale en France, la
question de la gestation pour autrui a mis à l’épreuve le droit de la
filiation : qui est la mère de l’enfant ? Celle qui accouche de l’enfant ou
celle qui porte le projet parental avec l’autre parent ?
La gestation pour autrui pose ainsi la question de la filiation fondée sur la
volonté davantage que sur le lien génétique.

.
179
Il convient donc d’étudier, en premier lieu, l’établissement du lien de
filiation, qui repose principalement sur une conception de la filiation
fondée sur le lien génétique (Chapitre I) puis, en second lieu, nous
envisagerons plus spécifiquement l’étude de la filiation fondée sur la
volonté (chapitre II).

Chapitre I La filiation par procréation « naturelle »

Le titre VII du Code civil s’intitule « De la filiation ». Est envisagée ici


principalement la filiation d’un enfant issu d’une procréation « naturelle »,
c’est-à-dire sans intervention médicale ou décision judiciaire.

La filiation par procréation « naturelle » se fonde donc sur un lien


génétique présumé, vérifié ou imité. Il convient donc d’établir ce lien de
filiation (section 1). Lorsqu’un doute sera émis concernant la réalité du
lien génétique, une action en justice en contestation sera possible à
certaines conditions (section 2).

Section 1 Les modes d’établissement du lien de filiation

L’article 310-1 dispose que « La filiation est légalement établie, dans les conditions
prévues au chapitre II du présent titre, par l'effet de la loi, par la reconnaissance volontaire ou par
la possession d'état constatée par un acte de notoriété.
Elle peut aussi l'être par jugement dans les conditions prévues au chapitre III du présent titre. »

.
180
Dès lors, il y a trois modes d’établissement principaux : par l’effet de la loi
(§1), par une reconnaissance volontaire (§2), par la possession d’état (§3).

§1. Etablissement par l’effet de la loi

Grâce à des présomptions, la loi permet d’établir automatiquement la


filiation à l’égard de sa mère (A) et de son père (B).

A. Filiation maternelle

Mater semper certa est : il s’agit là d’un adage qui signifie : la mère est
toujours certaine. L’idée est que la femme qui accouche est la mère de
l’enfant. Car si elle porte l’enfant, c’est que l’enfant est génétiquement le
sien.

Cet adage latin a longtemps correspondu à la réalité. Toutefois, les progrès


de la science et les évolutions sociales ont perturbé la véracité de cet
adage.

En effet, les progrès médicaux ont permis qu’une femme bénéficie d’un
don d’ovules ou même d’un don d’embryon. Dans ce cas, l’enfant n’est
pas génétiquement le sien. Mais dans la mesure où elle a porté cet enfant
en son sein, le lien n’est plus strictement génétique, il est toutefois
biologique. Le droit se contente de cette réalité biologique pour conserver
la même règle : la femme qui accouche est la mère de l’enfant.

.
181
Les évolutions sociales ont également malmené ce principe : lorsqu’un
couple de femmes aura accès à la procréation médicalement assistée,
laquelle des deux femmes sera la mère ? Celle qui a accouché de l’enfant
ou celle qui a fourni ses ovules (dans le cas d’une insémination avec les
ovules de celle qui ne porte pas l’enfant) ? C’est toute la question, que
nous envisagerons dans la section consacrée à la procréation médicalement
assistée.

De même, la question de la maternité est renouvelée avec la gestation pour


autrui : la mère de l’enfant est-elle la femme qui a accouché de l’enfant
même si l’enfant doit être ensuite rattaché à la mère d’intention, à
l’initiative du projet parental avec le père ? Là encore, nous traiterons la
question ultérieurement.

Il n’en reste pas moins que la règle d’établissement de la filiation en droit


français résulte de cet adage. L’article 311-25 du Code civil dispose que
« La filiation est établie, à l'égard de la mère, par la désignation de celle-
ci dans l'acte de naissance de l'enfant ».

La mère est donc la femme désignée dans l’acte de naissance de l’enfant,


autrement dit, en principe, la femme qui a accouché de l’enfant. Il faut
donc envisager comment cette présomption fonctionne lorsque la mère est
désignée comme telle dans l’acte de naissance (1). Il faudra envisager

.
182
ensuite ce qui se passe lorsqu’elle n’est pas désignée dans l’acte de
naissance de l’enfant (2).

1. Désignation de la mère dans l’acte de naissance

Dressé lors de la naissance de l’enfant, puis enregistré à l’état civil, l’acte


de naissance contient l’identité de la mère de l’enfant.
Cette règle vaut quelle que soit la situation matrimoniale de la mère : la
règle est la même, que la mère soit mariée ou non.

L’acte de naissance tient donc lieu de preuve de la maternité de l’enfant.


La femme qui est indiquée comme mère dans cet acte de naissance est
présumée être la mère de l’enfant.
Il s’agit là d’une présomption, c’est-à-dire une déduction tirée d’un fait
connu pour établir la vraisemblance d’un fait qui n’est pas prouvé/ d’un
fait inconnu.
Il s’agit d’une présomption simple, c’est-à-dire qu’on peut la renverser en
rapportant la preuve contraire. (par opposition à la présomption
irréfragable, qui ne peut être renversée).
Il faudra alors fournir une expertise génétique par exemple dans le cadre
d’une action en contestation pour prouver que la femme dont le nom figure
dans l’acte de naissance n’est pas la mère de l’enfant.

2. Absence de désignation de la mère dans l’acte de naissance

.
183
Parfois, il arrive que la mère ne souhaite pas donner son identité. Il n’est
alors par fait mention de son nom dans l’acte de naissance.
L’article 316 du Code civil lui permet d’établir sa maternité
ultérieurement, par le biais d’une reconnaissance de maternité.

Mais, la mère peut également choisir de conserver l’anonymat toute sa vie.


En effet, l’article 326 du Code civil prévoit que lors de l’accouchement, la
mère peut demander que le secret de son admission et de son identité soit
préservé.
La femme met ainsi au monde un enfant qu’elle ne peut sans doute pas
élever. C’est ce que l’on appelle l’accouchement sous X.
Dans cette hypothèse, le lien de filiation entre l’enfant et sa mère ne sera
pas établi. L’enfant sera confié à l’aide sociale à l’enfance pour être
adopté.

Toutefois, la loi prévoit que l’enfant peut engager une action en recherche
de maternité en vertu de l’article 325 du Code civil, à la condition toutefois
qu’il n’ait pas été adopté.

Si l’enfant accouché sous X a été adopté, il peut toutefois mener des


recherches pour obtenir des informations concernant sa mère génétique. La
loi du 22 janvier 2002 sur l’accès aux origines personnelles a offert la
possibilité aux enfants nés sous X de mener ces recherches. La loi du 22
janvier 2002 a créé le Conseil national d’accès aux origines personnelles
(CNAOP), qui va conserver les informations que la mère aura donné en

.
184
amont (prénom, nom, âge, professions, raisons de l’abandon…). Si
l’enfant effectue des recherches, il pourra avoir accès à ces informations à
la condition que la mère ait donné son accord.
Il s’agit ici pour l’enfant de connaître ses origines, non pas d’établir sa
filiation.
Cette organisation a été validée par le CEDH dans un arrêt Odièvre du 13
février 200389. La Cour a reconnu l’équilibre recherché par le législateur
entre les droits de l’enfant à l’accès à ses origines et la liberté de la mère
de ne pas devenir mère.
De même, le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions de la loi
du 22 janvier 2002 étaient conformes à la Constitution90.

B. Filiation paternelle

Si la mère est toujours certaine, cette affirmation ne peut être transposée à


la paternité. Qui est le père de l’enfant ? Pour répondre à cette question, le
droit pose une présomption de paternité dans le cadre du couple marié à
l’article 312 du Code civil. Ainsi, « l’enfant conçu ou né pendant le
mariage a pour père le mari ».

1. Conditions de la présomption

89 CEDH, gr. ch. 13 févr. 2003, n°42326/98, Odièvre c. France ; JCP G, II, n°10049, note A. Gouttenoire- Cornut ;
JCP G 2003, I, 120, étude P. Malaurie ; Dr. Fam. 2003, comm. 58, note P. Murat ; chron. 14, note H. Gaumont-
Prat ; RTD Civ. 2003, p. 276, obs. Hauser et p. 375, obs. J.-P. Marguénaud.
En revanche, condamnation de l’Italie en raison de l’absence totale d’accès aux origines : CEDH, 25 sept. 2012,
n°33783/09, Godelli c. Italie
90 Cons. Const. , décision n°2012-248 QPC, 16 mai 2012
.
185
 Pater is est quem nuptiae demonstrant = le père est celui que le
mariage désigne. Autrement dit, lorsque les parents sont mariés, le
père est le mari de la mère.

Cette présomption s’ancre dans le devoir de fidélité des époux : si les


époux sont censés avoir des relations sexuelles exclusivement entre eux,
alors l’enfant, qui est conçu ou naît pendant le mariage, est forcément
l’enfant du mari de la mère.

Cette présomption de paternité ne s’applique pas, en l’état actuel du droit,


dans le cadre d’un couple homosexuel91.

 Pour que la présomption de l’article 312 s’applique, il faut que


l’enfant soit né ou ait été conçu pendant le mariage.

Autrement dit, si l’enfant est né pendant le mariage, la preuve est assez


simple à rapporter puisqu’elle résulte de la comparaison entre la date
portée sur l’acte de naissance, de la date de formation du mariage et, le cas
échéant, de la cessation du mariage.

Lorsque l’enfant est conçu en mariage, il s’agit de la situation où l’enfant


aurait été conçu peu de temps avant une séparation par exemple. Dans ce
311 al. 1er
cas, le Code civil pose une autre présomption à l’article du Code
civil : « la loi présume que l’enfant a été conçu pendant la période qui
91 Cons. Const. 17 mai 2013, n°2013-669 DC, consid. n°40
.
186
s’étend du trois centième au cent quatre-vingtième jour,
inclusivement, avant la date de la naissance ».

L’alinéa 2 de l’article 311 prévoit une autre présomption relative à la date


de conception : la présomption omni meliore momento, c’est-à-dire la
présomption du meilleur moment.
En effet, la date de conception exacte n’est pas connue. Il faut la déduire
du fait de la naissance.
Ainsi, « la conception est présumée avoir eu lieu à un moment quelconque
de cette période, suivant ce qui est demandé dans l’intérêt de l’enfant ».
Le moment de la conception est donc fixé au moment le plus favorable
pour l’enfant, c’est-à-dire d’avoir été conçu pendant le mariage.
Cette disposition avait un réel enjeu avant la loi du 3 décembre 2001
lorsque les enfants adultérins ne disposaient pas des mêmes droits que les
enfants légitimes. Il était alors dans l’intérêt de l’enfant de naître en
mariage plutôt qu’hors mariage afin de pouvoir hériter des parents mariés.
Désormais, les enfants adultérins sont égaux à tous les autres donc cette
disposition a moins d’intérêt.

2. Exclusion de la présomption

La présomption de paternité peut être écartée dans deux situations prévues


par l’article 313 du Code civil :

.
187
a. En cas de procédure de divorce

L’article 313 prévoit que la présomption de paternité « est encore écartée


lorsque l'enfant est né plus de trois cents jours après l'introduction de la
demande en divorce [ou en séparation de corps] ou après le dépôt au rang
des minutes d'un notaire de la convention réglant l'ensemble des
conséquences du divorce,
et moins de cent quatre-vingts jours depuis le rejet définitif de la demande
ou la réconciliation. »

La présomption est écartée de plein droit. Le mari de la mère n’a aucun


lien avec l’enfant.

b. En cas de non-désignation du père dans l’acte

La présomption de paternité est également écartée « lorsque l'acte de


naissance de l'enfant ne désigne pas le mari en qualité de père » et que
l’enfant n’a pas de possession d’état à son égard.
En pratique, par exemple, il s’agit de l’hypothèse dans laquelle la femme
est séparée de son mari et élève seule son enfant.

3. Rétablissement de la présomption

- L’article 314 du Code civil prévoit les modes de rétablissement de la


présomption de paternité, qui aurait été écartée.

.
188
Ainsi, « Si elle a été écartée en application de l’article 313, la
présomption de paternité se trouve rétablie de plein droit si l'enfant a la
possession d'état à l'égard du mari et s'il n'a pas une filiation paternelle
déjà établie à l'égard d'un tiers. »

Deux conditions cumulatives sont nécessaires au rétablissement de la


présomption de paternité : la possession d’état à l’égard du mari, c’est-à-
dire le fait qu’il ait traité l’enfant comme le sien, et l’absence de lien de
filiation paternelle établie à l’égard de quelqu’un d’autre.

- Par ailleurs, la présomption de paternité peut être rétablie judiciairement


(art. 315) : chaque époux peut intenter une action en justice, avant la
majorité de l’enfant, même en l’absence de possession d’état à l’égard du
mari de la mère.
Il faudra alors prouver que le mari est bien le père de l’enfant.

Cette action est ouverte pendant les 10 années qui suivent la majorité de la
personne. La preuve pourra se faire par l’expertise biologique.

Ainsi l’établissement de la filiation par la loi permet d’établir la maternité


et la paternité en se fondant sur des faits connus pour en déduire des faits
inconnus, autrement dit des présomptions. S’agissant de présomptions
simples, elles peuvent être renversées par la production de preuves
contraires. Mais l’établissement peut également se faire par la
reconnaissance volontaire.

.
189
§2. Etablissement par la reconnaissance volontaire

Lorsque la filiation n’est pas établie par l’effet de la loi, la filiation peut
être établie par une reconnaissance de paternité ou de maternité.
Ainsi l’article 316 alinéa 1er du Code civil dispose que « Lorsque la
filiation n'est pas établie dans les conditions prévues à la section I du
présent chapitre, elle peut l'être par une reconnaissance de paternité ou de
maternité, faite avant ou après la naissance. ». Il s’agit donc d’un mode
subsidiaire d’établissement de la filiation.

Il s’agit là d’un acte volontaire d’établissement de la filiation. Le parent


exprime sa volonté de se rattacher l’enfant dont la filiation n’est pas
établie. C’est la raison pour laquelle la reconnaissance peut être prénatale,
c’est-à-dire être faite avant la naissance de l’enfant.

Il faut étudier les conditions (A) de cette reconnaissance avant d’en


observer les effets (B).

A. Conditions de la reconnaissance

La reconnaissance obéit à des conditions de fond (1) et des conditions de


fond (2).

1. Conditions de fond

.
190
La reconnaissance est un acte juridique par lequel une personne déclare de
façon solennelle être l’auteur d’un enfant et, établit ainsi un lien de
filiation avec ce dernier.

L’acte de reconnaissance fait entrer l’enfant dans les familles de chacun de


ses auteurs.

La reconnaissance peut avoir lieu avant ou après la naissance.


Cela a soulevé des difficultés dans certaines espèces d’enfant accouché
sous X dont le père avait fait une reconnaissance prénatale. La
reconnaissance prénatale de paternité peut-elle empêcher l’abandon par la
mère ?
La Cour de cassation a tranché que si la reconnaissance prénatale a lieu
avant que le conseil des pupilles de l’État ait consenti à l’adoption de
l’enfant, l’enfant ne peut plus être adopté. Il doit être élevé par le père.

2. Conditions de forme

a. L’acte de reconnaissance

L’article 316 alinéa 3 du Code civil prévoit que « Elle est faite dans l'acte
de naissance, par acte reçu par l'officier de l'état civil ou par tout autre
acte authentique. »

.
191
Si la reconnaissance est prénatale, elle sera faite directement auprès de
l’officier d’état civil ou du notaire, puisque par définition l’acte de
naissance n’existe pas encore.

La reconnaissance reçue par l’officier d’état civil est inscrite sur les
registres de l’état civil et mentionnée en marge de l’acte de naissance.

b. Les informations exigées de l’auteur de la reconnaissance

Pour éviter les reconnaissances inexactes ou fantaisistes, le législateur a


rajouté des exigences pour faire une reconnaissance. Ainsi la loi du 10
septembre 2018 a modifié l’article 316 du Code civil et y a ajouté à
l’alinéa 4 et suivants que l’auteur de la reconnaissance doit justifier :

« L'acte de reconnaissance est établi sur déclaration de son auteur, qui justifie :
1° De son identité par un document officiel délivré par une autorité publique comportant son nom,
son prénom, sa date et son lieu de naissance, sa photographie et sa signature ainsi que
l'identification de l'autorité qui a délivré le document, la date et le lieu de délivrance ;
2° De son domicile ou de sa résidence par la production d'une pièce justificative datée de moins de
trois mois. Lorsqu'il n'est pas possible d'apporter la preuve d'un domicile ou d'une résidence et
lorsque la loi n'a pas fixé une commune de rattachement, l'auteur fournit une attestation d'élection
de domicile dans les conditions fixées à l'article L. 264-2 du code de l'action sociale et des
familles. »

Il s’agit ainsi de vérifier de l’identité et du domicile de l’auteur de la


reconnaissance.

.
192
c. La lutte contre les reconnaissances mensongères

Dans le sens, pour lutter cette fois contre le développement de la pratique


des reconnaissances destinées à permettre une fraude aux règles relatives à
l’immigration, la loi du 10 septembre 2018 a ajouté au Code civil les
articles 316-1 à 316-5, entrés en vigueur le 1er mars 2019.

L’officier d’état civil doit refuser d’enregistrer la reconnaissance s’il y a


des indices sérieux laissant présumer que cette reconnaissance est
frauduleuse. Il saisit alors le Procureur de la République qui décide dans
un délai de 15 jours si la reconnaissance peut être enregistrée ou non.

S’il décide qu’elle ne peut pas être enregistrée, le Procureur fait opposition
à la reconnaissance conformément à l’article 316-2. Dans ce cas, l’auteur
de la reconnaissance devra faire une demande de mainlevée de
l’opposition devant le tribunal judiciaire (ancien Tribunal de Grande
Instance).

B. Effets de la reconnaissance

La reconnaissance a plusieurs effets : un effet unilatéral, un effet


irrévocable, un effet absolu et un effet déclaratif.

1. Un effet unilatéral

.
193
La reconnaissance est un acte unilatéral, c’est-à-dire un acte dans lequel
une seule personne s’engage. La reconnaissance ne concerne que celui qui
l’effectue.
L’officier d’état civil informe d’ailleurs le parent qui reconnaît l’enfant de
l’effet unilatéral de son acte, et ainsi du « caractère divisible du lien de
filiation ainsi établi92 ».

2. Un effet irrévocable

Une fois qu’une personne a reconnu un enfant, elle ne peut plus révoquer
son acte. Elle ne peut pas revenir en arrière.

La reconnaissance crée ainsi un lien de filiation irrévocable entre l’enfant


et son parent. Ce lien s’impose à tous.

La reconnaissance ne peut être combattue que judiciairement dans le cadre


d’une contestation de filiation.

3. Un effet absolu

Par conséquent, la reconnaissance a un effet absolu. Elle sert de preuve à la


maternité ou à la paternité.
Pour autant, elle peut être contestée en justice si le demandeur apporte les
preuves de la filiation à l’égard d’une autre personne.
92 Art. 316 al. 3
.
194
4. Un effet déclaratif

La reconnaissance a également un effet déclaratif. Cela signifie que même


lorsque la reconnaissance a lieu bien après la naissance de l’enfant,
l’enfant est rétroactivement rattaché à celui qui l’a reconnu. Autrement dit,
il est considéré que l’auteur de la reconnaissance a été le parent de l’enfant
dès sa naissance.

Après l’effet de la loi et la reconnaissance, il nous reste à envisager le


troisième mode d’établissement de la filiation : la possession d’état.

§3. Etablissement par la possession d’état

La possession d’état est un mode d’établissement de la filiation fondé sur


le vécu familial. La personne s’occupe de l’enfant comme s’il s’agissait de
son enfant ; l’enfant le traite comme s’il s’agissait de son parent ; et tout le
monde les considère comme tels.

C’est en quelque sorte fonder la filiation sur l’apparence de filiation. Il n’y


a pas besoin de prouver génétiquement une filiation pour qu’elle existe
juridiquement. La possession d’état en est l’illustration majeure. La
filiation n’est donc pas qu’un lien de sang, c’est également un lien vécu et
vivant.

.
195
La possession d’état va alors servir de preuve de la filiation : si la personne
s’occupe de l’enfant comme s’il s’agissait du sien, c’est bien la preuve
qu’il s’agit de son enfant ! Dès lors, la possession d’état constitue une
présomption simple de filiation. Reste à en déterminer l’existence.

Pour déterminer l’existence d’une possession d’état, il faut une série de


faits. En d’autres termes, un faisceau d’indices de la filiation.
L’article 311-1 du Code civil prévoit que « la possession d’état s’établit
par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de
parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite
appartenir ».

La possession d’état se compose de trois éléments caractéristiques mais


non cumulatifs (§1). Elle présente quatre caractères (§2). Nous en verrons
également la preuve et les effets (§3).

§1. Les éléments de la possession d’état

Ils sont 3 : Nomen, Tractatus, Fama : le nom, le fait de se comporter


comme un parent et le fait d’être traité comme tel par l’enfant et par les
tiers.

Reprenons les.

.
196
A. Le Tractatus

L’article 311-1 alinéa 2 dispose que les principaux fait établissant la


possession d’état sont les suivants :
« 1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme
leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ;

2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son
installation ; »

Il s’agit là du comportement parental de l’adulte à l’égard de l’enfant, et


réciproquement.

B. La fama

C’est-à-dire littéralement : la réputation. C’est le fait que la personne soit


reconnue comme le parent par l’entourage de l’enfant. Mais également par
l’autorité publique.

Ainsi, l’article 311-1 poursuit :


3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la
famille ;

4° Qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ;

.
197
C. Le nomen

C’est-à-dire le nom de famille. Il s’agit du port du nom de l’adulte par


l’enfant. Il est mentionné en dernier, à l’article 311-1 5°.

=> Ces trois faits constitutifs de la possession d’état peuvent être prouvés
par tout moyen.
Il n’est pas nécessaire que les trois éléments soient réunis ensemble, deux
voire même un peuvent suffire93. Le juge dispose d’un pouvoir
d’appréciation souverain en la matière. C’est-à-dire que c’est lui qui
décidera si la possession d’état – et donc la filiation – sont établies.

§2. Les caractères de la possession d’état

Suivant l’article 311-2, la possession d’état doit être continue, paisible,


publique et non équivoque.

Reprenons-les :
- La possession d’état doit être continue : cela signifie que possession
d’état doit s’être déroulée sur une période suffisamment longue pour être
probable et donc probante.

93 Cass. 1Ère civ. 5 juill. 1988, n°86-14 489, D. 1989, 398 : « la réunion de tous les éléments énumérés par l’article
311-2 du Code civil n’est pas nécessaire pour que la possession d’état puisse être considérée comme établie […] ; il
suffit, ainsi que le prévoit l’article 311-1 du même Code, qu’il y ait une réunion suffisante de faits qui indiquent le
rapport de filiation et de parenté entre un individu et la faille à laquelle il est dit appartenir »
.
198
Ni la loi ni la jurisprudence n’ont jamais fixé de durée à la possession
d’état. Tout dépend de l’espèce et l’appréciation est donc laissée aux juges
du fond.

- Elle doit également être paisible : cela signifie que la possession d’état ne
doit pas être viciée par la fraude ou la violence.
Ainsi, pendant une certaine période, il ne doit y avoir aucun acte visant à
empêcher le déroulement d’une vie de famille apparente entre l’enfant et
les personnes qui se comportent comme les parents. Par exemple, il ne
peut y avoir de possession d’état si le présumé parent a enlevé sa fille.

C’est ce caractère de paisibilité qui empêche d’établir la filiation grâce à la


possession d’état dans le cas d’un enfant né de gestation pour autrui à
l’étranger94.

- Elle doit être publique : La possession d’état se matérialise par des actes
et comportements en public. S’ils sont cachés, il ne peut y avoir de
filiation durable.

- Elle doit être non-équivoque : aucun fait ne doit venir démentir le lien qui
unit la personne et la famille à laquelle on censés appartenir.
Pour cela, par exemple, il ne peut y avoir plusieurs possessions d’état en
même temps, en concurrence.

94 Cass. 1Ère civ, 6 avr. 2011, n°09-17130.


.
199
§3. La preuve

La possession d’état est prouvée par un acte de notoriété, qui est un


document établi par un notaire.

Cet acte contient une déclaration faite par trois témoins, parents ou non, et
fait mention des prénoms, nom, profession et domicile de la personne qui
se comporte comme le parent, et de ceux des père et mère ainsi que
d’autres renseignements.

L’acte de notoriété est ensuite signé par les témoins, et il est mentionné en
marge de l’acte de naissance de l’enfant.

Comme en matière de succession, l’acte de notoriété est un moyen de


preuve comme un autre. En d’autres termes, il peut être renversé par la
preuve contraire.

Ainsi, maintenant que nous avons envisagés les modes d’établissement de


la filiation, il convient d’étudier les actions relatives à la filiation.

.
200
Section 2 Les actions relatives à la filiation

Parfois la filiation n’est pas établie à la naissance de l’enfant. Ou bien la


filiation établie dans l’acte de naissance n’est pas conforme à la réalité
génétique. Il faut alors en passer par une action en justice.
Il faut distinguer les actions en recherche de filiation, qui permettent
d’établir un lien de filiation lorsqu’il n’y a pas de filiation préétablie, et les
actions en contestation, qui permettent de remettre en question un lien de
filiation déjà établi.

Lorsque l’action en contestation aboutit, il ne reste plus qu’à la personne


qui se prétend père ou à celle qui se prétend mère de reconnaître l’enfant.
Si c’est l’enfant qui agissait en contestation de la paternité ou de la
maternité, il lui faudra faire une action en recherche de paternité ou de
maternité ensuite pour faire établir le lien de filiation à l’égard de celui
qu’il pense être son parent.

Ces actions présentent des dispositions communes (§1) mais aussi des
règles qui leur sont particulières : celles relatives aux actions en recherche
(§2) ou en contestation (§3).

§1 Dispositions communes à toutes les actions

Certaines dispositions sont relatives à l’action en justice (A), d’autres à la


preuve (B).

.
201
A. L’action en justice

- Devant quel tribunal une action en recherche ou en contestation doit-elle


être engagée ? C’est le tribunal judiciaire (ancien Tribunal de Grande
Instance) qui est compétent (art. 318-1).

- Le jugement a un effet déclaratif et donc rétroactif : le lien de filiation est


censé exister depuis la naissance, dans le cas d’une action en recherche, ou
bien ne jamais avoir exister, dans le cas d’une action en contestation.

- Les jugements rendus en matière de filiation sont opposables à tous,


même aux personnes qui n’ont pas été parties à l’action. Toutefois, ces
dernières ont le droit de former une tierce opposition dans le délai de dix
ans (art. 324 al. 1er).

- La prescription de l’action : Le principe général est posé à l’article 321


du Code civil. Il dispose que l’action relative à la filiation se prescrit par
« dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l’état quelle
réclame, ou a commencé à jouir de l’état qui lui est contesté.
A l’égard de l’enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité ».

Concrètement, le point de départ de la prescription est souvent le jour de la


naissance (« jour où la personne a été privée de l’état qu’elle réclame »)

.
202
ou la date du titre qui établit la filiation (jour où la personne « a commencé
à jouir de l’état qui lui est contesté »)

Le délai étant suspendu pendant la minorité de l’enfant, celui-ci peut agir


jusqu’à l’âge de 28 ans.

Ce délai est le délai de droit commun. Certains délais spéciaux sont plus
courts (5 ans par exemple, que nous verrons plus tard).

- Indisponibilité de l’action

L’indisponibilité, cela signifie que l’action en justice n’est pas disponible.


C’est-à-dire qu’elle ne peut faire l’objet d’un contrat, ne peut être
monnayée.

L’action en recherche ou en contestation de filiation est relative à l’état des


personne, c’est-à-dire tout ce qui relève de l’identité et de l’état civil de la
personne.
L’état des personne est indisponible : on ne peut vendre son nom, sa date
de naissance… ni y renoncer. La filiation fait partie des éléments
constitutifs de l’état des personnes. A ce titre, l’action relative à la filiation
est indisponible.

.
203
B. La preuve

En droit de la filiation, la reine des preuves est la preuve génétique. Elle


permet d’identifier le parent ou de contester la filiation existante de façon
quasi certaine. Elle n’est pas la seule preuve de la filiation : d’autres
preuves sont admises : témoignages, photos etc. Mais l’expertise génétique
est la preuve la plus fiable. En effet, l’examen comparé des ADN a une
fiabilité de 99,99 %. La question s’est donc posée de savoir s’il fallait
recourir systématiquement à cette preuve ou non.

L’article 16-11 du Code civil prévoit que « l’identification d’une personne


par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de
mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure
judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique ». L’alinéa 2
précise qu’en matière civile, l’identification est réservée aux actions
relatives à la filiation ou à fins de subsides.

1. L’expertise génétique est de droit

La jurisprudence a posé un principe dans un arrêt du 28 mars 200095, la


Cour de cassation a considéré que « l’expertise génétique est de droit en
matière de filiation sauf s’il existe un motif légitime de s’y opposer ».

Cela signifie que l’expertise génétique doit être ordonnée par le juge si elle
est demandée par le requérant.
95 Cass. 1Ère civ 28 mars 2000, n°98-12.806, Fiche TD n°8, doc. N°2.
.
204
Sauf « s’il existe un motif légitime de s’y opposer ».
Reste à déterminer quels sont ces motifs.
La jurisprudence a retenu que l’expertise génétique pouvait être refusée en
cas d’impossibilité matérielle : par exemple si l’on ne peut localiser le
défendeur96. Ou encore, lorsque l’action en contestation est irrecevable :
dans ce cas, il est impossible au juge d’ordonner une expertise génétique97.
Certains arrêts se fondent sur l’intérêt de l’enfant pour refuser l’expertise
génétique98.

2. Refus de s’y soumettre et conséquences

L’article 16-11 alinéa 2 prévoit expressément que « le consentement de


l’intéressé doit être préalablement et expressément recueilli ». Par
conséquent, la personne concernée par l’examen sanguin ou génétique peut
refuser de s’y soumettre.

Mais cela n’est pas sans conséquences : en cas de refus, le juge apprécie
les raisons du refus. Puis, le juge peut en tirer ou non les conséquences
juridiques. Ainsi, le juge peut établir le lien de parenté s’il existe d’autres
éléments de preuve99.

96 Cass. 1Ère civ. 14 juin 2005, Bull. Civ I, n°250.


97 Cass. 1Ère civ. 5 oct. 2016, n° 15-25507, Fiche TD n°8, doc. N°3 : la Cour de cassation procède ici à un contrôle
de proportionnalité et aboutit à la conclusion que, dans cette espèce, rejeter la requête et la demande d’expertise
génétique n’était pas contraire au droit au respect de la vie privée e familiale de l’enfant.
98 CA Rouen, 31 mai 2018 ; v. L. Montillet – de Saint-Pern, La filiation, entre statut et rôle. Etude de droit français et
de droit anglais, thèse Panthéon-Assas, 2013, ici
99 Cass. 1Ère civ. 6 mars 1996, Bull. Civ. I 121 ; Cass. 1Ère civ. 7 juin 2006, n°03-16204 et n°04-16388
.
205
Mais ce refus ne constitue pas en soi une preuve de parenté : « le seul refus
de se soumettre à une expertise sanguine n’établissait pas la nature des
liens exigés par les textes pendant cette période pour recevoir l’action à
fins de subsides100 ».

L’expertise génétique est une preuve formidable car certaine : le partage


d’ADN prouve en effet la filiation. Elle est donc désormais la preuve à
laquelle on recourt le plus.

§2. Actions visant à l’établissement de la filiation

Trois actions permettent l’établissement judiciaire du lien de filiation :


l’action en recherche de maternité (A), l’action en recherche de paternité
(B) ou en constatation de possession d’état (C).

A. L’action en recherche de maternité

L’action en recherche de maternité est réservée à l’enfant car il est le


principal concerné. Ainsi, l’article 325 dispose : « A défaut de titre et de possession
d'état, la recherche de maternité est admise.
L'action est réservée à l'enfant qui est tenu de prouver qu'il est celui dont la mère prétendue a
accouché. »

L’action en recherche de maternité répond à des conditions (1) et produit


des effets (2).
100 Cass. 1Ère civ. 17 sept. 2003, n°01-13.856, Dr. Fam. 2004, n°3, obs . P. Murat ; D. 2004, I, 659, note J. Massip.
.
206
1. Conditions

Le contentieux concerne généralement l’enfant abandonné à sa naissance.


Il devra prouver que telle femme a accouché le jour de sa naissance dans la
maternité où il est né.

Pour que l’action soit possible, il faut qu’aucun titre (acte de naissance) ni
possession d’état n’existe à l’égard de l’enfant. Sinon, il doit procéder à
une action en contestation.

La spécificité réside dans le cas de l’accouchement sous X : puisque


l’identité de la mère n’est pas connue, comment procéder à une action en
recherche de maternité ?
La loi du 16 janvier 2009 a ouvert l’action en recherche de maternité à
l’enfant accouché sous X qui n’aurait pas été adopté. En effet, s’il est
adopté, il a une filiation maternelle donc il ne peut engager une action en
recherche de maternité.
Reste à déterminer qui est la mère. Pour cela, lors de la naissance, la mère
de l’enfant peut laisser des informations à destination de l’enfant au
Conseil National d’Accès aux Origines Personnelles (CNAOP), qui lui
permettront d’être retrouvée plus tard.

2. Effets

.
207
L’action a pour effet d’établir rétroactivement la filiation à l’égard de la
mère. L’enfant peut ainsi demander à celle-ci toutes les pensions
alimentaires qui auraient dû être versées depuis sa naissance.

Après avoir envisagé l’action en recherche de maternité, il convient


d’étudier l’action en recherche de paternité.

B. L’action en recherche de paternité

L’action en recherche de paternité n’était pas la même selon que l’enfant


était légitime, naturel ou adultérin. La réforme de 2005 a unifié les actions
dans l’article 327 du Code civil. Le principe d’égalité des filiations justifie
l’existence d’une action unique en recherche de paternité.

Parallèlement, l’accès simplifié à l’expertise génétique a rendu plus facile


la preuve au sein de l’action en recherche de paternité.

Comme pour l’action en recherche de maternité, l’action est réservée à


l’enfant. S’il est mineur, c’est le parent à l’égard duquel il a une filiation
qui pourra agir.

.
208
L’action est exercée contre le père prétendu, ou contre ses héritiers s’il est
décédé.
En revanche, aucune action en recherche de paternité ne peut être engagée
contre un donneur de sperme en cas de procréation médicalement assistée
(Art. 311-19).

Si le requérant arrive à prouver que la personne est son père, la filiation


paternelle est rétroactivement rétablie au jour de la naissance. Il peut
demander le versement des pensions alimentaires dues depuis sa naissance.

L’enfant peut également porter le nom de famille de son père s’il le


souhaite, ou bien l’ajouter à son nom.

C. L’action en constatation de la possession d’état

La possession d’état peut être constatée à la demande de toute personne


qui y a intérêt dans le délai de dix ans à compter de sa cessation ou du
décès du parent prétendu (art. 330)

Cette action n’a pas pour objectif d’établir la filiation. Il s’agit d’une
action visant à constater l’existence de la possession d’état. Le juge la
constate et en décrit les effets.

Cette constatation pourra servir ultérieurement à l’établissement d’une


filiation.

.
209
Si l’action en recherche de maternité permet de combler un vide de
filiation, l’action en contestation vise à la remise en cause d’un lien de
filiation déjà établi.

§3. Actions en contestation

L’action en contestation est celle par laquelle l’enfant va venir remettre en


question un lien de filiation paternel ou maternel afin de le faire
disparaître, soit parce qu’il ne correspond pas à la réalité génétique, soit à
plus forte raison parce qu’il souhaite que son véritable parent établisse un
lien de parenté à son égard.

L’une des finalités de la réforme de la filiation en 2005 a été de consolider


le lien de filiation, c’est-à-dire d’empêcher les actions en contestation.
C’est la raison pour laquelle le délai de prescription a été raccourci dans
certains cas.

Il faut étudier les trois cas d’actions en contestation (A) :


- lorsque l’enfant a un titre (acte de naissance ou reconnaissance)
corroboré par une possession d’état (art 333).
- lorsque l’enfant a un titre mais pas de possession d’état conforme à son
titre (art. 334)
- lorsque l’enfant a une filiation établie par une possessions d’état
constatée dans un acte de notoriété ( art 335).

.
210
Il conviendra ensuite d’envisager les effets de la contestation (B).

A. Les cas de contestation de la filiation paternelle

Le ministère public peut également contester un lien de filiation lorsque


des indices tirés des actes eux-même le rendent invraisemblable. Son
action n’est soumise à aucun délai.

1. La contestation de la filiation établie par titre + possession d’état

L’article 333 dispose que :


« Lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir l'enfant, l'un de ses père et
mère ou celui qui se prétend le parent véritable. L'action se prescrit par cinq ans à compter du jour
où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté.

Nul, à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état
conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été
faite ultérieurement. »

 Il s’agit de la situation dans laquelle l’enfant a un titre de filiation =


un acte de naissance ou un acte de reconnaissance
+ une possession d’état conforme à l’acte, c’est-à-dire que celui qui est
déclaré comme père dans l’acte de naissance se comporte comme le parent
de l’enfant.

 L’action est réservée à


- l’enfant, premier concerné
.
211
- à ses père et mère, concernés également par l’autre branche de filiation
de leur enfant
- à celui qui se prétend parent véritable et qui souhaite se rattacher à
l’enfant.

 Le délai de prescription de l’action est assez court : 5 ans à compter


du jour où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le
lien de filiation est contesté.

Toutefois, l’alinéa 2 de l’article 333 nous indique qu’aucune action en


contestation n’est possible si la possession d’état conforme au titre a duré
au moins 5 ans depuis la naissance ou la reconnaissance si elle a été faite
postérieurement.

De l’alinéa 1er de l’article 333 et de l’interprétation a contrario de l’alinéa


2, on en déduit que :
- si la possession d’état conforme au titre a duré moins de cinq ans,
l’action en contestation est possible.
- en revanche, si la possession d’état a duré plus longtemps, l’action est
irrecevable, sauf pour le ministère public.

2. La contestation de la filiation établie par titre sans possession d’état

Il s’agit de la situation où l’enfant a un titre (acte de naissance ou acte de


reconnaissance) mais pas de possession d’état conforme. En d’autres

.
212
termes, le parent ne se comporte pas comme tel aux yeux de l’enfant mais
également des tiers.

Parce que cette filiation est moins solide, l’article 334 prévoit un délai
d’action plus long : dix ans, conformément à l’article 321 du Code civil.

3. La contestation de la filiation établie par possession d’état constatée


dans un acte de notoriété

L’action peut être intentée par tout intéressé pendant les 10 ans qui suivent
la délivrance de l’acte de notoriété.
Le demandeur doit rapporter la preuve contraire, c’est à dire qu’il n’existe
pas de possession d’état ou bien que l’acte de notoriété est un faux.

B. Les effets de la contestation

L’action en contestation de filiation peut avoir pour objet de remettre en


cause la maternité, en faisant juger que l’enfant n’est pas celui de la femme
qui est considérée comme la mère.
L’action en contestation permet également de remettre en cause la
paternité, en établissant judiciairement que l’homme qui est reconnu
comme ton père.

.
213
Dans les deux cas, le jugement est déclaratif : le juge ne crée pas de droit,
il constate une situation préexistante. C’est pourquoi le lien de filiation est
anéanti rétroactivement.
Néanmoins, tout lien n’est pas définitivement rompu entre l’enfant et son
ex-parent ( art. 337). Le juge peut prononcer des modalités de relations
entre l’enfant et la personne qui l’élevait : par exemple un droit de visite. Il
s’agit là de préserver l’intérêt de l’enfant qui est de maintenir une relation
avec la personne qui l’a éduqué afin de ne pas rompre abruptement tous les
repères familiaux de l’enfant.

Chapitre II La filiation par procréation médicalement assistée

Les progrès de la science ont permis de développer des techniques de


procréation : la procréation médicalement assistée (Section 1). La
médecine vient aider les couples qui rencontrent des difficultés pour
procréer.

Tant qu’il s’agissait d’utiliser les gamètes des père et mère, le droit de la
filiation ne s’en voyait pas modifié. Mais dès lors que la procréation
médicalement assistée a eu recours à des tiers donneurs, tout a été
chamboulé. En effet, le père de l’enfant n’est pas le père génétique, c’est-
à-dire celui qui donne ses gamètes, mais celui qui porte le projet parental

.
214
avec la mère. Autrement dit, le père de l’enfant sera le mari, le partenaire
ou le concubin de la mère.
=> La PMA a mené à une dissociation entre procréation et filiation : la
filiation ne repose plus nécessairement sur le lien génétique.

Lorsqu’il y a recours à un tiers donneur, le législateur a décidé de laisser le


choix aux parents de le révéler ou non à l’enfant. De sorte que le tiers
donneur ne figure nulle part dans l’acte de naissance de l’enfant. De plus,
afin d’éviter que les potentiels donneurs ne soient réticents à donner leurs
gamètes, le législateur a précisé qu’aucun lien de filiation ne pourrait
jamais être établi entre l’enfant et le donneur de sperme ou la donneuse
d’ovules.
Ainsi, la filiation dans l’acte de naissance est établie à l’égard du ou des
parents d’intention et non pas à l’égard du ou des donneurs. La filiation
reste finalement fidèle à l’apparence suivant laquelle les parents sont les
parents génétiques de l’enfant. Même si cela n’est pas conforme à la
réalité, cela y ressemble.

Parallèlement à la procréation médicalement assistée, une technique dite


de gestation pour autrui s’est développée. Il s’agit cette fois d’implanter un
embryon dans l’utérus d’une autre femme que celui de la mère.
Concrètement, un couple fait concevoir un embryon avec le sperme de
l’homme et l’ovule de la femme. Au lieu d’être implanté dans l’utérus de
cette mère génétique, l’embryon va être implanté dans l’utérus d’une autre
femme. Elle portera l’enfant tout au long de la grossesse, en accouchera,
mais n’en sera – en principe – pas la mère. Elle n’en aura été que la
.
215
gestatrice. Dans certains pays, la mère porteuse pourra être rémunérée pour
cette tâche.

Cette pratique est interdite par le droit français car elle porte atteinte au
principe d’indisponibilité de l’état civil (c’est-à-dire que l’identité d’une
personne ne peut faire l’objet d’un contrat ) et de dignité du corps humain
(on ne peut porter atteinte au corps humain – par exemple le soumettre en
esclavage).

Pour autant, des couples outrepassent l’interdiction et vont à l’étranger


(USA, Ukraine,etc…) afin de recourir à un mère porteuse. La difficulté qui
s’est posée est relative à la transcription en France de la filiation de
l’enfant né à l’étranger d’une gestation pour autrui (Section 2).

Section 1 La PMA

Il convient d’envisager d’abord les conditions d’accès à la procréation


médicalement assistée : qui peut y avoir accès ? Dans quelles
circonstances ?
Ensuite, il faudra étudier les modes d’établissement de la filiation des
enfants nés par PMA (§2). Une fois la filiation établie, est-elle susceptible
de faire l’objet d’une action en contestation de filiation comme les autres ?
(§3).

.
216
§1. Conditions d’accès

En l’état actuel du droit positif, l’assistance médicale à la procréation n’est


prévue que dans deux hypothèses :
- soit en cas de stérilité pathologique
- soit pour éviter la transmission d’une maladie à l’enfant ou à l’autre
membre du couple (par ex, le sida).

L’article L. 2141-2 al. 1er du Code de la Santé Publique dispose que


« l’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à
l’infertilité d’un couple ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un
membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le caractère
pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué ».

A l’avenir, dans le cadre du projet de loi de réforme de la bioéthique, cet


objet thérapeutique de l’assistance médicale à la procréation disparaît. Si
elle est maintenue en dernière lecture à l’Assemblée nationale, la future
rédaction de l’article L. 2141-2 al. 1er sera la suivante : « L’assistance médicale
à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme
et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l ’assistance
médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres
de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités
prévues à l’article L.2141-10 ».
En d’autres termes, il s’agit désormais d’accompagner un projet parental et
non plus seulement de pallier une infertilité pathologique ou d’éviter la
transmission d’une maladie. La dynamique de la loi change.

.
217
Etudions donc les conditions de la PMA : les conditions relatives aux
techniques utilisées (A), au couple demandeur (B) et aux modalités
d’expression et de recueil du consentement des membres du couple (C).

Pour des raisons d’actualité juridique, il convient d’évoquer le droit positif


mais également les règles qui pourraient émaner du projet de loi de
réforme de la bioéthique.

A. Conditions tenant aux techniques d’assistance

1. En droit positif

Les techniques d’assistance médicale à la procréation sont mentionnées


dans l’article L. 2141-1 du Code de la Santé Publique :
- la conception in vitro
- le transfert d’embryons
- l’insémination artificielle
- la conservation des gamètes et des tissus germinaux

Aussi, il est possible de concevoir des embryons in vitro, c’est-à-dire en


laboratoire, avec les gamètes mâles et femelles du couple. Gamètes qui
auront donc été préalablement conservés en laboratoires.

.
218
L’insémination consiste à insérer les gamètes mâles du père ou du donneur
dans l’utérus de la mère. Ces gamètes iront féconder les ovules de la mère
dans son utérus.

Le transfert d’embryons consiste en la conception in vitro d’un embryon


qu’on implantera ensuite dans l’utérus de la mère.

Ces techniques peuvent être pratiquées avec les gamètes mâles et femelles
des membres du couple. C’est ce qu’on appelle la PMA endogène.
Mais elles peuvent être pratiquées avec les gamètes d’un tiers donneur,
évoqué plus haut : don de sperme, don d’ovules et même don d’embryon.
C’est ce qu’on appelle la PMA exogène.

2. Dans le projet de loi de réforme de la bioéthique

Concernant les couples de femmes ou les femmes seules, les techniques


demeurent les mêmes. Mais, concernant ces femmes, la PMA sera
nécessairement exogène puisqu’il sera fait recours à un tiers donneur.

B. Conditions tenant au couple demandeur

1. En droit positif

.
219
Suivant l’article L. 2141-2 alinéa 2 du Code de la Santé Publique :
« L'homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir
préalablement au transfert des embryons ou à l'insémination. »

- Ainsi, l’assistance médicale à la procréation médicalement assistée n’est


ouverte qu’à un couple composé d’un homme et d’une femme. L’idée
était de demeurer dans l’apparence d’une procréation charnelle : on doit
pouvoir penser que l’enfant qui va naître a été conçu « naturellement » par
le couple parental.

- Cette justification explique la seconde condition : « en âge de


procréer ». Il faut rester dans une certaine vraisemblance de la filiation.
Aucune indication n’est donnée dans le texte quant à la détermination de
l’âge.

- Est exigé un couple vivant. En droit français, la procréation


médicalement assistée post mortem n’existe pas. Cette règle est justifiée
par le désir du législateur d’éviter de faire naître des enfants orphelins ab
initio, dès l’origine.
Cette interdiction de la PMA post mortem n’existe pas en Espagne ou au
Royaume-Uni, ce qui pose parfois des difficultés lorsque l’un des membres
du couple a la double-nationalité française et anglaise ou française et
espagnole101.

101 A propos du transfert d’embryons déjà conçus : CE, Ass., 31 mai 2016, n°396848.
.
220
- Est exigé un couple stable. Cette exigence est implicite. Avant la loi du 7
juillet 2011, seuls pouvaient avoir accès à la PMA : les couples mariés ou
les couples pouvant apporter la preuve d’une vie commune d’au moins
deux ans. Cela garantissait la stabilité du couple. Cette exigence n’existe
plus mais elle renseigne sur l’importance de stabilité du couple qui va
accueillir un enfant.

2. Dans le projet de loi de réforme de la bioéthique

Dans le projet de réforme, l’alinéa 2 de l’article L. 2141-2 dispose : « Tout


couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute
femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation
après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de
l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les
modalités prévues à l’article L.2141-10. »

Est ajouté un alinéa 3 :


«Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement,
notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle
des demandeurs. »

- Ainsi, auront désormais accès à l’assistance médicale à la procréation :


les couples composés d’un homme et d’une femme ou de deux femmes.
Les femmes seules non mariées y auront également accès. A contrario,
une femme mariée ne pourrait se présenter seule et prétendre accéder à

.
221
l’assistance médicale à la procréation sans son mari. Dès lors, le projet
parental demeure un projet de couple lorsque la femme est mariée.
L’ouverture de la PMA aux femmes seules vise à offrir la possibilité à ces
femmes de fonder une famille alors même qu’elles seraient célibataires.

- Il n’est plus fait mention d’un couple vivant. Mais il est indiqué à
l’alinéa 4 1° qu’il n’est pas possible de procéder à une insémination ou à
un transfert d’embryon si l’un des deux membres du couple est décédé.

- De même, il n’est plus fait mention d’un couple stable mais il est
indiqué à l’alinéa 4 2°, 3°, 4° et 5° qu’une procédure de divorce ou la
cessation de la vie commune empêchera toute insémination ou tout
transfert d’embryon.

C. Conditions relatives au recueil du consentement des membres du


couple

1. En droit positif

- Le couple qui a recours à la procréation médicalement assistée doit


comprendre ce à quoi il consent et à quoi il s’engage. Le législateur
souhaite que le consentement du couple soit éclairé et totalement libre.

.
222
L’article L. 2142-10 du Code de la Santé Publique dresse une liste très
longue d’entretiens préalables du couple avec les équipes médicales pour
bien comprendre ce dont il s’agit.

Ce consentement doit être donné par écrit et après un délai d’un mois à
l’issue du dernier entretien.

A tout moment, tant que la procréation médicalement assistée n’est pas


réalisée, le consentement peut être révoqué par écrit auprès du médecin qui
devait réaliser l’opération.

- Dans le cadre de la PMA exogène, c’est-à-dire avec recours à un tiers


donneur, les conditions sont plus complexes et rigoureuses.

Ainsi, l’article 311-20 du Code civil dispose que « Les époux ou les concubins qui,
pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur,
doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement à un
notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation. »

Auparavant, le consentement devait être recueilli devant le notaire ou le


juge. Depuis la loi de programmation de la justice 2018-2022, cette
exigence a disparu afin d’alléger les juridictions.

2. Dans le projet de loi de réforme de la bioéthique

Sur ce point il n’y a pas de grand changement :

.
223
- L’article L. 2141-2 al. 3 du Code de la Santé Publique dispose que « Les
deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir
préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons. »

Le couple ou la femme non mariée doit donc accepter que soit procéder à
une insémination artificielle ou au transfert des embryons.

- La réforme de la bioéthique insère également un titre VII Bis « De la


filiation en cas d’assistance médicale à la procréation avec tiers
donneur » dans le Code civil.

En son sein, l’article 342-10 alinéa 1er prévoit :


« Les couples ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale
nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, préalablement donnent leur consentement à un
notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation ainsi que des
conditions dans lesquelles l’enfant peut, s’il le souhaite, accéder, à sa majorité, aux données non
identifiantes et à l’identité de ce tiers donneur. »

L’alinéa 3 poursuit :
« Le consentement est privé d’effet en cas de décès, d’introduction d’une demande en divorce ou
en séparation de corps, de signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par
consentement mutuel selon les modalités prévues à l’article 229-1 ou de cessation de la
communauté de vie, survenant avant la réalisation de l’assistance médicale à la procréation. Il est
également privé d’effet lorsque l’un des membres du couple le révoque, par écrit et avant la
réalisation de l’assistance médicale à la procréation, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre
cette assistance »

.
224
Comme auparavant, le consentement du couple, ou de la femme seule, est
recueilli par un notaire. C’est ce consentement à la procréation
médicalement assistée qui permettra ensuite l’établissement de la filiation
à l’égard du parent non génétique de l’enfant.

Venons-en donc aux modes d’établissement de la filiation de l’enfant né


d’une procréation médicalement assistée.

§2. Modes d’établissement

Nous allons envisager tout d’abord les modes d’établissement actuels de la


filiation de l’enfant né par PMA (A). Puis, il faudra étudier les difficultés
liées à l’ouverture de la PMA aux couples de même sexe et aux femmes
seules : en effet, faut-il privilégier la reconnaissance ou l’adoption ? Créer
un mode d’établissement particulier ? (B).

Enfin, puisqu’elle ne correspond pas à la réalité génétique, une filiation


ainsi établie peut-elle être contestée ? (C).

A. Les modes d’établissement actuels

L’établissement du lien de filiation de l’enfant né du recours à une


assistance médicale à la procréation diffère selon que la technique utilisée
est endogène (1) ou exogène (2).

.
225
1. En cas de recours à une technique endogène

Le recours à une technique endogène, c’est lorsqu’on a utilisé les gamètes


mâles du père et les gamètes femelles de la mère pour concevoir
l’embryon. En d’autres termes, la PMA a permis de concevoir un embryon
dans un laboratoire plutôt que dans l’utérus de la mère. Mais cela n’a rien
changé quant à la paternité ou la maternité de l’enfant.

Aussi, les règles habituelles s’appliquent : l’article 311-25 concernant la


maternité de la femme indiquée dans l’acte de naissance de l’enfant, la
présomption de paternité si la mère est mariée, la reconnaissance si elle ne
l’est pas, etc..

2. En cas de recours à une technique exogène

Les choses se compliquent en cas de recours à une technique exogène


puisque, par définition, il a été fait appel à un tiers donneur. Par
conséquent, l’un des parents de l’enfant ne sera pas le parent génétique de
l’enfant. Comment le rattacher à l’enfant ?

La filiation de l’enfant issu d’une PMA exogène procède pourtant des


règles classiques de droit de la filiation :
- la mère est la femme qui accouche
- le père est le mari de la mère si elle est mariée ; le père est celui qui
reconnaît l’enfant si elle n’est pas mariée.

.
226
Tout est fait pour que le droit désigne celui qui semble être le parent, peu
importe que la filiation corresponde à la réalité génétique ou non.

Mais, comme il ne s’agit pas d’une filiation comme les autres, certaines
dispositions y sont spécifiques. Ainsi, celui ou celle qui a consenti à la
PMA ne peut renoncer à sa filiation à l’égard de l’enfant (a). Ce n’est donc
pas la réalité génétique dont il est tenu compte ici mais de la volonté
initiale de recourir à la PMA. C’est ce que l’on perçoit également à travers
l’interdiction de la filiation à l’égard du donneur (b).

a. L’établissement obligatoire de la filiation à l’égard de celui/celle qui a


consenti à la PMA

Lorsque l’on consent à une PMA, c’est-à-dire lorsque l’on accepte de


recourir à ces techniques de procréation, on s’engage à en assumer les
conséquences. Par conséquent, si un homme ou une femme accepte de
recourir à une PMA avec tiers donneur, il lui est impossible de refuser
d’établir la filiation à l’égard de l’enfant.

C’est la raison pour laquelle l’article 311-20 alinéas 4 et 5 du Code civil


dispose : « Celui qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, ne reconnaît
pas l'enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l'enfant.
En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. »

.
227
Aussi, non seulement la paternité lui est imposée mais en plus sa
responsabilité sera engagée, de sorte qu’il devra verser des dommages et
intérêts à l’enfant pour réparer le préjudice subi.

Le consentement à la PMA emporte donc le consentement à la filiation :


l’un entraîne l’autre.

b. L’interdiction de l’établissement de la filiation à l’égard du donneur

La filiation de l’enfant issu d’une PMA avec tiers donneur ne repose pas
sur la réalité génétique mais sur une fiction juridique : c’est-à-dire sur
l’apparence de parenté entre le parent et l’enfant.

Le donneur ou la donneuse de gamètes ne souhaite pas être père ou mère ;


ils souhaitent aider des personnes qui ne peuvent concevoir des enfants par
eux-mêmes.

Par conséquent, l’article 311-19 du Code civil prévoit une interdiction


claire d’établir la filiation à l’égard du donneur de gamètes :
« En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut
être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation.
Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l'encontre du donneur. »

.
228
De même, l’article 16-8 du Code civil prévoit que :
« Aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un élément ou d'un
produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître
l'identité du receveur ni le receveur celle du donneur.

En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir
accès aux informations permettant l'identification de ceux-ci. »

Cette règle est rappelée également à l’article L. 1211-5 du Code de la


Santé Publique : « Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur, ni le receveur celle du
donneur. Aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un élément ou
d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée.
Il ne peut être dérogé à ce principe d'anonymat qu'en cas de nécessité thérapeutique. »

L’article 511-10 du Code Pénal en renforce l’effectivité en punissant de


deux ans d’emprisonnement et 30 000 d’amende le fait de divulguer une
information permettant à la fois d’identifier une personne ou un couple qui
a fait don de gamètes et le couple qui les a reçus.

L’anonymat du donneur est actuellement l’une des règles pivot du système


de la PMA. Certains la contestent notamment au nom du droit au respect
de la vie privée et familiale de l’enfant né d’une PMA. Peut-être sera-t-elle
remise en cause par la CEDH à ce titre ?

.
229
B. Les difficultés liées à l’ouverture de la PMA aux couples de même
sexe et aux femmes seules

Si les modes d’établissement habituels peuvent être envisagés lorsqu’un


couple hétérosexuel a recours à la PMA, qu’en est-il lorsqu’il s’agit d’un
couple de femmes ? Doit-on adapter les modes existants d’établissement
de la filiation ? Ou doit-on créer un mode d’établissement spécifique – dit
sui generis - pour les couples de femmes ? Dans ce cas, comment garantir
l’égalité entre les couples hétérosexuels et les couples de femmes ? Ne
risque-t-on pas qu’il y ait discrimination ?

Toutes ces questions sont celles qui ont été soulevées dans le cadre de la
rédaction de la loi de réforme de la bioéthique.

D’abord, l’instauration d’un mode d’établissement à part (= sui generis) a


suscité des discussions. En effet, il aurait été possible de procéder à une
réforme totale de la filiation et d’ouvrir les modes d’établissement de la
filiation aux couples de même sexe : présomption de parenté,
reconnaissance, etc. Mais, dans le cadre d’une réforme de la bioéthique,
cela aurait sans doute été trop ambitieux.

Ensuite, une autre solution aurait été d’étendre ce mode d’établissement


sui generis à tous les couples ayant recours à la procréation
médicalement assistée. Mais alors, cela signifiait que les couples
hétérosexuels ne bénéficieraient plus de la liberté de choisir de révéler

.
230
ou non à l’enfant son mode de conception. Le mode d’établissement de
la filiation révèlerait le mode de conception.

Le Conseil d’État, à qui le gouvernement avait demandé son avis, a


considéré que le principe d’égalité ne commandait aucune solution
particulière. La situation différente des couples hétérosexuels et des
couples homosexuels pouvait justifier une différence de traitement102.

Le législateur a tranché pour un mode d’établissement de la filiation


spécifique pour les couples de même sexe : l’établissement de la filiation
de l’enfant à l’égard des deux femmes qui ont porté le projet parental
s’opérera par « reconnaissance conjointe devant notaire » aux termes du
futur article 342-11 du Code civil.

Ainsi, le futur article 342-11 dispose que :


« Lors du recueil du consentement prévu à l ’article 342-10, le couple de femmes reconnaît
conjointement l’enfant.
La filiation est établie, à l’égard de la femme qui accouche, conformément à l’article 311-25.

Elle est établie, à l’égard de l’autre femme, par la reconnaissance conjointe prévue au

premier alinéa du présent article. Celle-ci est remise par l ’une des deux femmes ou, le cas

échéant, par la personne chargée de déclarer la naissance, à l ’officier de l’état civil qui

l’indique dans l’acte de naissance.


Tant que la filiation ainsi établie n’a pas été contestée en justice dans les conditions prévues
au deuxième alinéa de l’article 342-10, elle fait obstacle à l’établissement d’une autre
filiation dans les conditions du présent titre »

102 CE, avis, 18 juil. 2019, NOR : SSAX1917211L


.
231
C’est donc une solution mixte qui a été choisie :
- les deux femmes reconnaissent l’enfant de façon prénatale en donnant
leur consentement à la PMA
- Puis, la filiation sera établie à l’égard de la femme qui accouche en
suivant la règle de l’article 311-25 : c’est elle la mère de l’enfant
- A l’égard de la deuxième mère, c’est la reconnaissance conjointe
prénatale qui l’établira comme deuxième parent.
=> La filiation de l’enfant est bien établie à l’égard des deux femmes.

Le projet de loi de réforme de la bioéthique est à ce jour en attente d’une


dernière lecture devant l’Assemblée Nationale. Le Sénat avait apporté des
modifications à ce projet, supprimant notamment cette reconnaissance
conjointe devant notaire103. Mais l’Assemblée Nationale ne retiendra sans
doute pas les réserves du Sénat et conservera son projet initial de mode
hybride d’établissement de la filiation.

§3 Une contestation en principe impossible

La filiation de l’enfant né d’une PMA exogène présente encore une autre


spécificité : elle est incontestable en principe.

Ainsi l’article 311-20 alinéa 2 dispose que « Le consentement donné à une


procréation médicalement assistée interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation
de la filiation à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation
médicalement assistée ou que le consentement a été privé d'effet.104 »

103 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3833_projet-loi
104Le projet de réforme de la bioéthique envisage de conserver cette règle dans le nouvel article 342-10 alinéa 2
.
232
C’est donc bien le consentement à la PMA qui préfigure la filiation et qui
empêche de se défausser. Celui qui donne son consentement à la PMA doit
ensuite assumer les conséquences de cet engagement auprès de l’enfant. Il
est donc impossible de contester cette filiation. Elle est comme figée.

Toutefois, le législateur prévoit deux exceptions au principe dans cet


article 311-20 du Code civil :
- il est possible de contester la filiation lorsque l’on prétend que l’enfant
est né d’une union adultérine. Mais il conviendra encore de le prouver !

- il est possible de contester la filiation également lorsque le consentement


du parent a l’AMP a été privé d’effet. L’alinéa 3 de l’article 311-20 du
Code civil précise : « Le consentement est privé d'effet en cas de décès, d'introduction d'une
demande en divorce ou en séparation de corps ou de cessation de la communauté de vie, survenant
avant la réalisation de la procréation médicalement assistée. Il est également privé d'effet lorsque
l'homme ou la femme le révoque, par écrit et avant la réalisation de la procréation médicalement
assistée, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette assistance. »

La filiation de l’enfant né d’une PMA s’ancrant dans le consentement


donné à la PMA, celui-ci est essentiel. Aussi, s’il s’avère que ce
consentement n’était pas réel, c’est-à-dire vicié par exemple, ou encore
qu’il était privé d’effet, il serait envisageable d’agir en contestation de la
filiation d’un enfant né d’une PMA exogène.

.
233
Mais, l’une comme l’autre exception sont très rares. Donc la filiation à
l’égard de celui qui a porté le projet parental avec la mère est le plus
souvent établie à son égard, et ce, sans contestation possible.

Après avoir envisagé la PMA, il convient d’étudier une pratique très


spécifique et interdite pour le moment en France, ce qui a suscité quelques
difficultés.

Section 2 La GPA

La gestation pour autrui ou mère porteuse est une technique qui consiste à
faire porter un enfant par une autre femme que la mère. Cette tâche peut
être accomplie contre rémunération ou, pour le moins, contre
indemnisation.

Cette technique est strictement interdite en France (§1). Mais le recours à


cette technique par des couples français à l’étranger a suscité de nouvelles
interrogations : la filiation de l’enfant ainsi né doit-elle être reconnue en
France ? (§2)

§1. L’interdiction de principe

En droit français, la gestation pour autrui est strictement interdite.

.
234
En effet, l’article 16-5 du Code civil dispose que : « Les conventions ayant
pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses
éléments ou à ses produits sont nulles. »
Plus précisément encore, l’article 16-7 du Code civil dispose que « Toute
convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte
d'autrui est nulle. »

La gestation pour autrui fait également l’objet de sanctions pénales :


l’article 227-12 du Code pénal prévoit que
« Le fait de provoquer soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d'autorité,
les parents ou l'un d'entre eux à abandonner un enfant né ou à naître est puni de six mois
d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.
Le fait, dans un but lucratif, de s'entremettre entre une personne désireuse d'adopter un enfant et un
parent désireux d'abandonner son enfant né ou à naître est puni d'un an d'emprisonnement et de 15
000 euros d'amende.
Est puni des peines prévues au deuxième alinéa le fait de s'entremettre entre une personne ou un
couple désireux d'accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de
le leur remettre. Lorsque ces faits ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif, les peines
sont portées au double.
La tentative des infractions prévues par les deuxième et troisième alinéas du présent article est
punie des mêmes peines. »

Pour autant, certains couples sont partis à l’étranger recourir à des mères
porteuses dans des Etats qui le permettaient. Une sorte de tourisme dans le
but de procréer.

§2. L’établissement de la filiation de l’enfant déjà né d’une GPA

Concrètement, un couple se rend en Californie pour recourir à une


porteuse. Ils se rendent dans une agence spécialisée et concluent un contrat
.
235
avec cette agence. L’agence leur propose de choisir sur catalogue la femme
qui portera leur enfant.
Une fois le choix fait, un embryon est conçu en laboratoire et implanté
dans l’utérus de la mère porteuse. Elle porte ensuite l’enfant puis en
accouche.
L’enfant sera ensuite déclaré comme né de l’homme et de la femme qui
sont venus en agence. L’enfant n’aura pas de lien de filiation établi à
l’égard de la mère porteuse.

L’enfant est né à l’étranger. Il a donc un acte de naissance établi à


l’étranger. Il faut alors le transcrire à l’état civil en France. C’est ainsi que
l’enfant pourra obtenir une carte d’identité française, la nationalité
française, l’accès à la sécurité sociale, etc.
En attendant, l’enfant a une filiation valablement établie à l’étranger et
dispose de papiers d’identité étrangers, d’une nationalité étrangère, etc. Il
n’est pas apatride.

Pour autant, l’enfant doit-il subir les conséquences des actes de ses
parents ? Doit-on interdire la transcription de cette filiation établie
valablement à l’étranger ?

La jurisprudence en la matière est très riche et a fourni l’occasion a des


évolutions et des revirements.

.
236
1. L’interdiction de principe

La Cour de cassation a affirmé pendant longtemps l’impossibilité d’établir


en France le lien de filiation de l’enfant né d’une GPA à l’étranger et ce,
quel qu’en soit le mode d’établissement : ni l’adoption105, ni la
reconnaissance106, ni l’établissement par la possession d’état 107 ne sont
possibles.

La Cour de cassation refusait également la transcription en France de cette


filiation établie à l’étranger. En effet, « le refus de transcription ne prive
pas les enfants de leur filiation, reconnue par le droit ukrainien et ne porte
pas atteinte, en conséquence, à l’intérêt des enfants et, notamment à leur
droit de vivre avec leurs parents108 ».

L’objectif de la Cour de cassation était de rappeler l’effectivité du principe


de prohibition de la GPA. En effet, « il est contraire au principe de
l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit
français, de faire produire effet à une convention portant sur la gestation
pour le compte d’autrui, nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des
articles 16-7 et 16-9 du Code civil. »

105 Cass. 1Ère civ. 9 éc. 2003, N°01-03927


106 Rennes, 4 juil. 2002, n°01/02471 ; Cass. 1Ère civ. 13 sept. 2013, n°12-18315 et n°12-30138
107 CA Douai, 14 septembre 2009
108 CA Rennes, 8 janv. 2013, N° 30, 12/01538
.
237
2. La condamnation de la France par la CEDH

Mais la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est


venue tout chambouler.
En effet, dans deux arrêts du 26 juin 2014 109, la CEDH a condamné la
France pour violation du droit au respect de la vie privée et familiale des
enfants nés de GPA.

Cette décision a conduit la Cour de cassation à revenir sur sa position


habituelle dans deux arrêts du 3 juillet 2015110.

3. La possibilité de transcrire la filiation paternelle et la filiation


maternelle de l’enfant né d’une GPA

Désormais, la filiation paternelle comme la filiation maternelle de l’enfant


né d’une GPA peuvent être transcrite à l’état civil français.

a. Filiation paternelle

- Dans les arrêts du 3 juillet 2015 précités, la Cour de cassation avait admis
que la transcription à l’état civil français de la filiation paternelle de
l’enfant né d’une GPA était possible. Mais, elle n’était possible que parce
que le père était le père génétique de l’enfant.
La filiation génétique venait régulariser en quelque sorte le recours à la
GPA. C’est parce que le père et l’enfant ont un lien génétique que l’on ne

109 CEDH, 26 juin 2014, N°65192/11 et n°65941/11, Menesson c/France et Labassée c/ France
110 Cass. Ass. Plén. 3 juillet 2015, N°15-50002 et 14-21323
.
238
peut pas priver l’enfant de la transcription de cette filiation à l’état civil
français.

- Qu’en est-il pour un couple d’hommes ? Si la filiation de l’enfant fait


mention d’un deuxième père, la transcription de l’acte étranger ne peut se
faire car une telle filiation n’existe pas en dehors de l’adoption en droit
français.
Mais la Cour de cassation a admis la possibilité pour le mari du père
d’adopter l’enfant né de la GPA111. Dès lors, la filiation à l’égard du père
génétique est transcrite et celle à l’égard du père d’intention est réalisée
par le biais de l’adoption.

b. Filiation maternelle

Mais le lien de filiation à l’égard de la mère d’intention, c’est-à-dire de


celle qui avait mené le projet parental mais qui n’avait pas porté l’enfant,
ne pouvait ni être établi ni transcrit.
En effet, le principe est que la mère est la femme qui accouche quoi qu’il
arrive.

Craignant de se faire condamner à nouveau par la Cour EDH, la Cour de


cassation a utilisé la toute nouvelle procédure permettant à un Etat de
demander à la Cour si son droit est conforme ou non à la Convention
EDH.
La Cour de cassation a donc demandé si le fait de ne pas transcrire ni
établir de lien de filiation à l’égard de la mère d’intention (qui n’a pas
111 Cass. 1Ère civ. 5 juillet 2017 (4 arrêts).
.
239
porté l’enfant) viole le droit au respect de la vie privée et familiale de
l’enfant.

La Cour EDH a affirmé que l’impossibilité générale de reconnaître en droit


interne le lien de filiation à l’égard de celle que l’acte de naissance désigne
comme la « mère légale » viole la Convention. Mais la Cour reconnaît une
relative liberté à la France quant aux modalités de cette reconnaissance : le
recours à l’adoption est possible mais à la condition que la procédure soit
rapide et efficace.

C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a affirmé que l’adoption


de l’enfant né d’une GPA par la mère d’intention était possible.
Dans un arrêt du même jour, la Cour de cassation laisse entendre
également que la transcription de l’acte de naissance étranger doit être
effectué dès lors que l’acte était « régulier, exempt de fraude et avait été
établi conformément au droit de l'Etat du Nevada112 ».

=> Il semble donc que, désormais, il n’y ait plus d’obstacles de principe à
la transcription de la filiation paternelle ou maternelle de l’enfant né d’une
GPA. Pas d’obstacles de principe, cela signifie que dans certaines espèces
cette transcription ne sera pas possible en raison, par exemple, d’une
contrariété à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Cette possibilité de transcrire la filiation établie à l’étranger va dans


l’intérêt de l’enfant mais nuit beaucoup à la perception de l’interdit de la
gestation pour autrui. Si c’est autorisé à l’étranger, pourquoi pas chez
112 Cass. 1Ère civ. 18 décembre 2019, n° 18-12327, Fiche TD n°9, doc. n°4
.
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nous ?… C’est toute la question à laquelle il conviendra de répondre
demain...

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