9782098839472 (2)

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art ancestral

du gabon
déjà parus
Masques d'Afrique
Art des Iles Salomon

à paraître
Art de la Nouvelle-Guinée
Art de la Côte-d'Ivoire
L'Or des Noirs
louis perrois

art ancestral
du gabon

photographies pierre-alain ferrazzini

nothon
Pour to� Sophie
si blonde mais africaine de cœur
qui déjà nous a quittés
cet ouvrage où l'art, la vie
et la mort sont si intimement
mêlés

Toutes les œuvres reproduites en planches couleur


ainsi que celles qui sont décrites dans le catalogue
de la fin du volume appartiennent
aux collections du Musée Barbier-Mueller à Genève.

. ISBN 2 - 0 9 - 1 6 8 4 5 2 - X
296062
avant-propos

Quand je fus invité, en 1978, à voir les objets


d'art africain que le collectionneur suisse Josef
Mueller avait rassemblés avant la seconde
guerre mondiale, lors d'un séjour à Paris entre
1929 et 1942, je ne savais pas encore qu'il
s'agissait d'une collection de toute première
qualité. Les objets du Gabon constituent au
sein de celle-ci un ensemble exceptionnel en
Europe, dont l'étude quelque peu détaillée
devrait retenir l'attention tant des spécialistes
que des amateurs.
L'intérêt et le goût très sûr attestés par Josef
Mueller non seulement pour l'art africain, mais
aussi pour beaucoup d'autres formes d'expres-
sion esthétique, se sont trouvés très heureuse-
ment prolongés par les initiatives prises par ses
héritiers, en particulier la création du musée
Barbier-Mueller à Genève et, fait encore plus
notable, l'édition d'un certain nombre de cata-
logues et d'études consacrées à l'art tradi-
tionnel, aussi bien d'Afrique, que d'Océanie ou
d'Asie.

Je ne reprendrai toutefois pas ici en détail ce que


j'ai déjà publié à propos des arts du Gabon, en
particulier la présentation systématique de tous
les styles. Le présent ouvrage sera plutôt la
transcription d'une visite commentée de la col-
lection, à la lumière de mon expérience du
pays où j'ai passé dix ans et de mes enquêtes de
terrain, chaque objet suscitant, de par ses pàrti-
cularités, des réflexions et des remarques plus
générales se rapportant aux problèmes stylisti-
ques de l'Afrique équatoriale. Rien donc de très

1. J o s e f Mueller en 1967 (photo Monique Barbier-Mueller.)


méthodique, puisque tous les styles du bassin
de l'Ogooué ne sont évidemment pas représentés
ici avec leurs variantes, même si l'ensemble,
pour une collection privée, apparaît comme
remarquablement diversifié. Les objets seront
replacés dans leur contexte humain et stylisti-
que, puis situés dans la dynamique esthétique
à laquelle ils participent.
On pourrait s'interroger sur le souci qu'a eu
Josef Mueller de constituer un ensemble cohé-
rent et représentatif Car la manière de créer une
collection personnelle peut différer grandement
de celle que doit appliquer un muséographe
spécialisé. Il semble en fait que Josef Mueller
ait toujours insisté sur l'absence de «méthode».
Seul son goût le portait à constituer des séries :
il aimait Rouault, il en a donc acheté une tren-
taine sans chercher à illustrer par sa collection
tout l'œuvre du peintre. Il aimait particulière-
ment les «pahouins» tout autant que les sièges
africains, et il «ramassait», selon son expression,
des objets des types qui lui plaisaient, parfois
sans même chercher à en connaître exactement
la provenance. Ses acquisitions, comme l'attes-
tent ses carnets (voir fig. 2) soigneusement,
mais hélas momentanément tenus (durant deux
ans environ), ont été faites au gré de ses trou-
vailles chez les marchands parisiens —Delcourt,
le «père» Moris, Ratton, Garnier, Ascher, Vignier,
etc. (voir fig. 3 et 4) — et en fonction de son
seul goût pour les beaux objets.

2. D u r a n t trois a n s environ, de 1 9 3 7 à 1940,josefMueller enre-


gistra tous ses a c h a t s de manière systématique, encore que peu
détaillée. Ici un extrait des pages consacrées à l'un de ses plus
importants fournisseurs, le «père» Anthony Moris.
On sent cependant une passion particulière pour rêveurs les amateurs d'aujourd'hui pour qui
les idoles pahouines, et on le comprend. Quand la moindre pièce «pahouine» vaut des sommes
on constate dans ces fameux carnets que nombre considérables.
d'objets fang ont été acquis en «lots» de cinq ou
six unités (ce que confirme Charles Ratton, qui Josef Mueller, avec quelques autres, avait pres-
devait, m'a-t-il dit, trier les meilleures pièces dans senti la grande valeur esthétique de ces statues,
les propositions de vente faites par des coloniaux qualifiées de «sculptures grossières» par tous les
las de leurs souvenirs exotiques), cela laisse voyageurs, les missionnaires et même les ethno-
3. E m e s t Ascher et son a m i Pablo Picasso (archives Barbier- 4. Charles Ratton: dessin de Jean Dubuffet (archives Ratton-
Mueller, inédit). Ladrière, inédit).
logues du début du siècle. Non qu'il n'y ait pas Josef Mueller est un de ces découvreurs, et l'art
d'objets africains grossièrement taillés, mais gabonais n'a pas été sa seule réussite en ce
quant à les confondre dans le même mépris avec domaine (voir fig. 7).
les chefs-d'œuvre que nous avons découverts Si l'art pahouin est bien représenté dans sa collec-
depuis, il y a une marge que peu d'esthètes tion, ce qui correspond à la m o d e du moment,
avaient franchie à l'époque. d'autres styles alors pratiquement inconnus
sont aussi présents, tels des objets vouvi, kouélé,
5. Photographie prise vers 1939 chez le «père» Maris p a r loumbo, etc. Finalement, la cinquantaine de piè-
Charles Ratton. On y reconnaît au centre la figure de reliquaire
kota et le soufflet deforge pounou (Cat. nos 11 et 28), acquis p a r ces du fonds Mueller, complétées p a r les acquisi-
J. Mueller (archives Ratton-Ladrière). tions de s o n g e n d r e j e a n Paul Barbier, permettent
d'avoir une vision tout à fait générale des arts ces styles ne serait pas du même ordre. Il ne faut
du Gabon. pas perdre de vue, en effet, que l'évolution de ces
Aujourd'hui qu'il est souvent question du sociétés traditionnelles et leur ouverture inéluc-
«retour des biens culturels dans leurs pays d'ori- table sur l'Occident avaient condamné ces arts
gine», que penser d'une telle collection privée? presque exclusivement rituels à disparaître rapi-
En fait, je pense que sans les collecteurs d'«art dement. Les objets n'ont pratiquement jamais été
nègre», maintenant presque anonymes, sinon «arrachés» à leur milieu, mais le seul fait que les
tout à fait oubliés, du XIXe et du début du XXe
6. En 1957,josefMueller prêta plusieurs centaines de masques,
siècle, et sans l'intérêt passionné de quelques col- statuettes, sièges, etc. au Musée de Soleure, s a ville natale, pour
lectionneurs, la connaissance que nous avons de une exposition qui fit sensation.
Blancs se soient intéressés sur place à leur tinguer les «beaux» objets des autres. L'enquête
production incitait les villageois étonnés à les de Child et Siroto à propos des masques kouélé
vendre, à l'exception de celles qui avaient une le montre, et j'ai pu personnellement le constater
réelle importance rituelle, comme les boîtes-reli- au cours de mes investigations. L'existence
quaires du Byéri des Fang, dont on n'a d'ailleurs même de statues ou de masques très bien sculp-
que très peu d'exemplaires et quasiment jamais tés, particulièrement bien décorés et finis (au
avec la statue qui leur correspond. niveau des patines par exemple) prouve ce souci
Les collections d'art exotique, conséquence tout à du «bel objet». Il faut se souvenir cependant que
fait secondaire et presque accidentelle du proces- ces sculptures sont toujours faites pour servir à
sus politique, économique et moral de la coloni- quelque chose, jamais pour être contemplées ou
sation, ont finalement conservé à l'Afrique et à admirées. L'art pour l'art n'existe pas dans ces
l'humanité tout entière des œuvres qui auraient sociétés. Existe-t-il, même en Occident, à y bien
pu être ignorées à jamais, en raison du caractère réfléchir? L'objet est à la fois symbole et outil. La
éphémère, interchangeable et donc fragile de conception, et même la vision qu'on en a, est
leur rôle dans la société. Quand une statue du essentiellement spirituelle.
Byéri ou un masque était rongé par les termites Pourquoi la charge magique de ces statues d'an-
ou brisé accidentellement au cours d'un rituel, ce cêtres ou de ces masques d'esprits, les attributs
n'était pas une catastrophe: on en sculptait un des défunts, ne pourrait-elle pas nous atteindre
autre. Chaque villageois plus ou moins habile de nous, les Blancs, les étrangers, au travers du
ses mains et inspiré pouvait sculpter statues, prisme mystérieux du goût esthétique?
masques, tabourets ou cuillers. Quelques artistes
étaient toutefois connus pour leur talent et Les Fang et quelques autres ethnies de la côte
avaient une production plus élargie, mais ils ont gabonaise ont l'habitude de dire dans leurs
toujours été rares. Les conditions mêmes de la vie mythes que les Blancs sont en réalité leurs frères
relativement isolée en milieu forestier obligeaient perdus, revenus d'au-delà des mers riches et
les groupes à se suffire à eux-mêmes dans tous puissants. Rien d'étonnant alors à ce qu'ils s'inté-
les domaines, y compris celui de la sculpture ressent, avec parfois autant de passion, à la cul-
rituelle, d'où la diversité des formes et les diffé- ture noire et à ses chefs-d'œuvre!
rences de qualité d'exécution entre des objets de
même nature. 7. Né en 1 8 8 7 , j o s e f M u e l l e r commença à collectionner la pein-
ture très jeune. A 24 ans, il acquérait une toile majeure de
Bien sûr, on peut penser que le point de vue Cézanne: le p o r t a i t d u j a r d i n i e r Vallier, et, a v a n t 1918, toute
du collectionneur et son goût orientent ses une série d'œuvres cubistes, à côté des Renoir, des Cézanne et des
choix pour aboutir généralement à des ensem- Hodler. D a n s les années vingt, il a c h e t a des séries entières de toiles
de Mirô et Ernst, de R o u a u l t et Léger, les demières en partie visi-
bles esthétiquement valables dans l'optique bles s u r la photographie ci-contre, prise d a n s les années 1960. En
occidentale. 1923, il f i t un voyage de six mois a u Congo f r a n ç a i s : de là son
Mais les Fang comme les Bakota savent aussi dis- intérêt p o u r l'art africain.
cartes
carte générale
carte des peuples
carte des masques
carte des figures de reliquaire
D a n s les collections d u Musée Barbier-Muettler
se trouvent plus de quatre-vingt objets caractéristiques de la diversité
des styles traditionnels d'une vaste région d o n t le G a b o n est le centre,
m a i s qui déborde largement s u r les zones limitrophes
de la Guinée Equatoriale,
d u Sud-Carrtéroun et de la République populaire d u Congo.
S u r la carte des m a s q u e s (p. 16), o n a f a i t f i g u r e r en outre
d e u x objets célèbres de la collection Barbier-Mueller qui s o n t souvent
inclus d a n s les ouvrages consacrés a u Gabon, bien qu'originaires
d u Congo: en b a s le m a s q u e r o n d téké-tsape a y a n t a p p a r t e n u
a u peintre Derain, et à droite le m a s q u e que j e a n L a u d e r a p p r o c h a i t
directement des «Demoiselles d'Avignon» de Picasso, anciennement
propriété d u Musée d ' A r t M o d e r n e de N e w York. Le p r e m i e r
a p p a r t i e n t à u n style identifié c o m m e exclusivement congolais
(bien que certains g r o u p e s téké, plus a u nord-est, soient gabonais).
Q u a n t à l'autre, il a été découvert p a r l'administrateur Courtois
d a n s la petite localité d ' E t o u m b i a u Congo et, en l'état actuel
de la documentation, rien ne p e r m e t de l'attribuer a u x Mahongoué,
c o m m e o n l'a parfois proposé.
Evocation directe des ancêtres o u simplement utilisés p a r les anciens,
tous ces objets constituent les liens privilégiés de l'Ajrique moderne
avec s o n patrimoine ancestral encore trop méconnu.
introduction

Le Gabon est essentiellement un pays de grande D'ouest en est, nous trouvons d'abord la région
forêt. Située au fond du golfe de Guinée, sur la côtière, avec ses lagunes et ses basses terres,
côte ouest de l'Afrique, traversée par l'équateur, domaine de la mangrove (fig. 11), puis, un peu
la République gabonaise a une superficie de dans l'arrière-pays, de la savane (fig. 12). Curieu-
267.667 km2 pour une population d'environ un sement, ce pays facile d'accès et commode pour
million d'habitants. la circulation (par les rivières) est peu peuplé,
L'homogénéité géographique (relief, hydrogra- sauf de nos jours à Libreville et Port-Gentil.
phie, climat, végétation) du Gabon est due au Plus à l'est, ce sont les «montagnes», si on peut
fait que le bassin versant du principal fleuve, appeler ainsi des reliefs qui n'atteignent même
l'Ogooué, occupe à peu près les trois quarts du pas mille mètres. C'est une zone très difficile
pays. On peut donc parler des Gabonais c o m m e d'accès avec des vallées profondes, de multiples
des «peuples du bassin de l'Ogooué». cours d'eau encaissés et des sommets recouverts
d'arbres de trente mètres de haut. Ce sont les
Au plan du relief (voir carte p. 14), le pays se
divise en trois grandes zones : la plaine côtière, les Monts de Cristal (fig. 13) au nord jusqu'à Médou-
montagnes du centre et les plateaux (au nord et à neu, et les Monts du Chaillu au centre, dans le
l'est). L'Ogooué p r e n d sa source au Congo-Braz- pays des Mitsogho. Depuis le XIXe siècle au
zaville. Fleuve déjà tumultueux, coupé de rapides moins, ces régions aux paysages splendides,
et de chutes, il atteint les plateaux dits Batéké mais particulièrement retirées des voies naturel-
(fig. 8) qu'il longe à l'ouest. Après Franceville, il les de communication, ont servi de refuge à plu-
traverse une zone de plateaux cristallins, j u s q u ' à sieurs groupes ethniques en butte à la poussée
Booué (fig. 9) où l'Ivindo, la «rivière noire», le d'autres groupes plus forts, puis à la colonisation.
rejoint venant du nord, le pays des Bakota. Au sud-ouest, la chaîne du Mayombe qui s'étend
jusqu'au Congo est également un obstacle.
Sur la partie moyenne, de Lastoursville à Lamba-
réné (fig. 10), le fleuve, plus large, se fraye un che- A l'est de ces montagnes se trouvent plusieurs
min à travers une suite de petites montagnes zones de plateaux, du Woleu-Ntem au nord (le
(Monts du Chaillu au sud et Monts de Cristal au pays des Fang), au pays kota du Haut-Ivindo, jus-
nord) et de collines (portes de l'Okanda). qu'aux plateaux sablonneux et presque déserti-
ques du pays des Batéké à l'est de Franceville.
Après Lambaréné, l'Ogooué devient une vaste
étendue d'eau parsemée d'îles; il se divise en Il n'est pas indifférent de connaître ces éléments
multiples chenaux qui alimentent de nombreux géographiques dans la mesure où ils ont un rôle à
lacs (les principaux sont les lacs Onangué, jouer dans la répartition spatiale des peuples du
Gabon à travers les siècles et les relations cultu-
Azingo et Avanga), où abondent les hippopota-
mes et les pélicans. Enfin, il atteint la m e r par un relles de groupes à groupes.
delta (région de Port-Gentil) dans une zone plate Le climat, équatorial océanique, est chaud et très
et sablonneuse. humide à l'ouest; plus contrasté à l'est, on peut
alors le qualifier «d'équatorial continental». Les
températures varient de 15° à 30° environ, la fraî-
cheur et les brouillards pouvant surprendre au
Centre-Gabon particulièrement. Les précipita-
tions sont de l'ordre de 2600 m m en moyenne,
avec des m a x i m a de 4000 m m sur la côte nord-
ouest, réparties sur deux principales saisons,
celle des pluies de n o v e m b r e à avril, et la saison
sèche de mai à octobre. L'humidité relative est
toujours comprise entre 80 et 95%.
C'est la grande forêt équatoriale («rain forest»,
fig. 14) qui domine u n peu partout avec de multi-
ples essences (plus de 700) à feuilles persistantes
p o u r la plupart. Dans certaines zones, on trouve
des savanes, toujours humides. Du fait de
l'occupation d u pays p a r l'homme, très
ancienne, à peu près partout, des noyaux de
savane anthropique se sont développés, particu-
lièrement vers la côte (fig. 15).

LES PEUPLES DU GABON

L'histoire des peuples du Gabon est essentielle-


ment une histoire de leurs déplacements, dans la
mesure où nous avons affaire à des groupes non
pas nomades, mais très mobiles, devant subsis-
ter dans un milieu hostile.
Par le recueil et l'étude des traditions orales
des groupes actuellement en place, nous avons
pu définir «l'histoire» de ces ethnies jusqu'au
XVIIIe siècle. Plus avant dans la profondeur
8. Les plateaux Batéké, au sud-est du Gabon (photo Louis
Perrois.)

9. Le fleuve Ogooué, au niveau de Booué (photo Louis Perrois).


du temps, nous restons dans le domaine des
hypothèses.
D'un point de vue global, on peut distinguer
trois grandes périodes dans l'histoire des peu-
ples de l'Ogooué :
— les migrations anciennes, mal connues et seu-
lement par les traditions plus ou moins apolo-
gétiques qui en restent, qui conduisent les
groupes actuels du Gabon occidental depuis la
Sangha et le Haut-Ivindo jusqu'à l'Ogooué et
à la côte ;
— les migrations kota et mbété qui, dès le XVIe
siècle, poussent tout un ensemble d'ethnies
plus ou moins apparentées des confins de
l'Oubangui (Centrafrique) au Haut-Ogooué et
au centre-sud du Gabon;
— enfin les migrations fang aux XVIIIe et XIXe
siècles, qui déferlent du Cameroun (région de
la Sanaga, sud de l'Adamaoua) sur le Gabon et
la Guinée équatoriale. Elles ne seront arrêtées
que par les autorités coloniales, à la latitude
de l'Ogooué.
Partout les Pygmées (Babongo, Bakola, Akowa,
Bekouk, etc.) ont précédé les «grands noirs». Ces
petits groupes sont restés en relation économi-
que avec les nouveaux venus. De même les
Bakélé, de souche linguistique kota, venus avant
les autres, ont été dispersés en un grand
nombre de groupuscules isolés (Bakélé, Ntom-
bili, Mbahouin, Mbississiou, Bongomo, etc.).
10. Pirogues a u b o r d de VOgooué, el L(iiiil)(ii-éilé (photo Louis
Perrois).

11. Mangrove le longdu littolyll, région de Libreville (photo Louis


Perrois).
A mentionner aussi, u n courant migratoire sud-
nord : l'ensemble des Bavili, Baloumbo et Bapou-
nou, venu des confins du royaume du Congo.
Il serait trop long de reprendre ici les traditions
de chaque peuple du Gabon, toutefois on peut
indiquer brièvement que les peuples côtiers, les
Myènè en particulier, sont installés dans leur
habitat actuel depuis plusieurs siècles. Ils sont
de souche okandé, ces groupes ayant été les
premiers à s'installer après les Pygmées. Les
Eshira se sont installés sur la basse Ngounié u n
peu plus tard.

LA DÉCOUVERTE DU GABON
PAR L'OCCIDENT

Si les seuls matériaux «historiques» d'avant la


colonisation sont les souvenirs de la tradition
orale qui nous permettent d'avoir une idée,
même imprécise, de l'histoire ancienne des
peuples du Gabon, d'autres documents, d'archi-
ves ceux-là, nous font connaître l'épopée de la
découverte de ce pays depuis les premières
tentatives de voyage maritime dans l'Antiquité
jusqu'aux expéditions portugaises des XVe et
XVIe siècles.
Hans Otto Neuhoff, dans son livre Le Gabon,1
retrace un historique très c'air de ces explo-
rations. On trouvera reproduit en annexe un
abrégé de son très clair tableau chronologique.
1. H.O. N e u h o f f 1970.

12. Lasavane dans la région de Franceville, Haut-Ogooué (photo


Louis Perrois).
13. Chutes dans les Monts de Cristal, Nord-Gabon (photo Louis
Perrois).
GRANDS TRAITS CULTURELS DES PEUPLES
DU BASSIN DE L ' O G O O U É

L'étude des peuples du Gabon, à travers la littéra-


ture anthropologique et sur le terrain, conduit à
avoir le sentiment d'une parenté culturelle d'en-
semble de tous ces groupes si on les compare
avec d'autres, de l'Ouest-Cameroun, de l'Ada-
maoua, de Centrafrique ou du Congo-Brazzaville
par exemple.
On a vu que la grande majorité de ces peuples
sont d'origine nord-orientale, à l'exception, no-
table, des Bapounou et Bavili de la Ngounié. La
grande forêt équatoriale, véritable jungle diffi-
cile à pénétrer, est un milieu contraignant qui
a uniformisé les éléments culturels de tous les
groupes qui ont dû se réfugier là au cours des
siècles, poussés par d'autres ethnies trop entre-
prenantes.
L'occupation de la forêt remonte à un très loin-
tain passé; on en a pour preuve les nombreuses
découvertes archéologiques, les zones de forêt
«secondaire» (repousses après cultures - fig. 15)
et les savanes anthropiques.
Tous les villages gabonais se ressemblent: des
cases rectangulaires avec un toit à deux ou quatre
pans sont alignés le long de la piste, de part et
d'autre d'une large cour (fig. 16). Si le plan actuel
correspond à des directives données au temps de
la colonisation, il n'en reste pas moins que les
remarques de G. Tessmann en 1907 montrent

14. Rivière et forêt primaire dans la région du Moyen-Ogooué


(photo Louis Perrois).
15. Exemple de forêt secoticiaire, moins dense parce qu'exploitée
par l'homme (photo Louis Perrois).
l'ancienneté des villages-rues, les cases prin-
cipales devant, les «cuisines» et dépendances en
arrière, les plantations tout autour. Egalement
la présence des cases communes, «corps de
garde», réservées aux hommes (les guerriers)
de chaque lignage important.
La vie rurale au Gabon est conditionnée par un
milieu contraignant hostile à toute véritable cul-
ture d'envergure. Ce milieu, nous l'avons vu, est
assez homogène; c'est la grande forêt, encore
primaire par endroits, secondaire partout ail-
leurs. Bien que les villageois aient maintenant des
plantations de café et de cacao, on peut dire qu'il
existe surtout une économie rurale de subsis-
tance. La chasse, la pêche et la cueillette ont
encore de l'importance, bien que les espèces
sauvages se fassent toujours plus rares.
Autre point commun des Gabonais, les structu-
res sociales et politiques au niveau du village qui
sont très semblables dans tout le pays. H. Des-
champs les définit ainsi: «sans gouvernement,
sans unité réelle dépassant le village, [ces petites
sociétés anarchiques] arrivaient par le jeu des
compensations à maintenir les coutumes, une
paix relative entre les familles et dans une large
mesure, l'égalité des conditions dans une liberté
i n d i v i d u e l l e a s s e z large». 2

Le système de parenté est classificatoire, c'est-à-


dire que les parents sont classés par niveaux de
2. II. D e s c h a m p s 1962.

16. Village tsogho dans la région du Centre-Gabon, au sud de


l'Ogooué (photo Louis Perrois).
17. Dignitaires d u culte Bwiti chez les Fang de l'Estuaire (photo
Louis Perrois).
Edition et réalisation: Jean Paul Barbier
assisté de: Fabienne Bouvier
graphisme: Jean-Louis Sosna
dessins: Louis Perrois et Domenico Terrana
photocomposition: Artcompo
photolithographie: Burggraf S.A. & Zuliani S.A.
impression: Roto-Sadag
Imprimé et relié en Suisse. Novembre 1985
@Musée Barbier-Mueller - 4, rue de l'Ecole-de-Chimie • 1205 Genève
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Conception graphique ‒ Manon Lemaux
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