Barrage (Nord-Cameroun) : Lagdo
Barrage (Nord-Cameroun) : Lagdo
Barrage (Nord-Cameroun) : Lagdo
(Nord-Cameroun)
Impact sur les plaines d'inondation
de la Bénoué
I Principales caractéristiques
de la zone d'étude
Caractéristiques hydroclimatiques
du bassin de la Bénoué
Les connaissances hydroclimatiques du bassin de la Bénoué
(fig. 1) sont dues aux travaux de Naah (1981), Tchoué (1983) et
Olivry (1986). Le bassin de la Bénoué est soumis à un climat
tropical à deux saisons : une saison sèche (novembre à avril) et une
saison humide (mai à octobre). Ce climat détermine deux saisons
de production agricole : de juillet à septembre en culture pluviale,
d'octobre à mars en culture irriguée. Le régime hydrologique de
type tropical pur est caractérisé par une période de hautes-eaux
(juillet à octobre avec le maximum en août / septembre) et une
période de basses-eaux (janvier à mai avec étiage au mois d'avril).
La pluviosité augmente progressivement sur l'ensemble du bassin
à partir du mois de mai en raison de l'avancée du front intertropical
vers le nord. La pluviométrie moyenne annuelle varie de 600 à
1 400 mm selon les années et les secteurs tandis que la température
I Tableau 1
Débits moyens (en m"'_3_-1\
s"') de la Bénoué et du mayo Kébi
aux stations de références (Tchoué, 1983 ; Olivry, 1986).
Légende
éÎBy
Camftouap-WvY
Limite du bassin
Garoua
. Limite des frontières
Zone d'étud Station hydrométrique
/ \ de référence
250 Km
y Tibati \
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Barrage de Lagdo
\Jg»l« Yaoundé
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Yagouas.
VBongor
Kelo
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100 Km »
I Figure 1
Légende
^gdo
barrage
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IFigure 2
Localisation de la retenue de Lagdo et des zones inondables.
Développement de l'agriculture
La politique agricole s'est orientée vers la culture irriguée afin de
diversifier la production agricole en introduisant le riz et la canne à
sucre. Pour alimenter en eau les irrigations, deux prises d'eau ont
été prévues de part et d'autre de la Bénoué. Le potentiel total de
ces deux prises permet la mise en valeur de 13 000 ha irrigués. Le
canal principal de la rive droite a une capacité de 14 m3 s*'tandis
que celui de la rive gauche est de 9 m3 s"1. La modernisation de
l'agriculture a permis de diffuser des techniques agricoles
améliorées et d'obtenir des bons rendements. Par exemple, les
462 T Gestion intégrée des zones inondables tropicales
Développement de la pêche
Le développement de la pêche dans la retenue de Lagdo
correspond à un processus spontané dès la mise en eau du barrage.
En quelques années, la ressource halieutique abondante et la crise
écologique (sécheresse) dont souffrent d'autres bassins, ont attiré
sur les rives de la retenue une population importante de pêcheurs
de différentes ethnies, provoquant ainsi un flux migratoire en
provenance de l'extrême Nord du Cameroun, du Nigeria, du Tchad
et, à un degré moindre, du Mali. Cette situation favorable a poussé
de nombreux autochtones à se consacrer toujours davantage à la
pêche, en l'intégrant aux activités agricoles et/ou d'élevage
traditionnelles (Minplat, 1993). Le nombre de pêcheurs est passé
de moins de 400 en 1983 à 2 350 en février 1992. Parmi ces
pêcheurs, 65 % environ pratiquent l'agriculture. A Lagdo, 63 %
des captures sont représentées par la famille de Cichlidae, dont
90 % de Sarotherodon galilaeus. La productivité dans la retenue
de Lagdo est passée de 157 kg ha"1 an"1 en 1985 pour une surface
totale de 50 000 ha et une densité de 2,4 pêcheurs par km2 à
205 kg ha"1 an"1 en 1990 pour une surface totale de 60 000 ha et
une densité de 6,4 pêcheurs par km2.
I Tableau 2
Evolution des superficies globales cultivées (en hectares)
et de la population (d'après Minplat, 1993).
Effets secondaires
Incidences sanitaires
La création d'une grande étendue d'eau stagnante a favorisé la
reproduction de moustiques et d'autres vecteurs de maladies
(onchocercose, amibiase, paludisme, ...). Le paludisme reste
endémique et présente le plus grand taux de morbidité, surtout
chez les enfants de 0 à 5 ans. La bilharziose à Schistosoma
haematobium se manifeste le long des cours d'eau et des marres.
Les enfants qui jouent dans les eaux contaminées sont
généralement les plus exposés. L'onchocercose est maintenant
fréquente dans les eaux situées en amont de la retenue.
La forte densité de la population à Djipordé, le seul point habité en
bordure de la retenue de Lagdo où les activités artisanales et
commerciales (poissons) sont très développées, pose le problème
des conditions hygiéniques et sanitaires. A Djipordé, le manque
d'eau potable et l'inexistence de latrines, de canaux de drainage
des eaux, de systèmes de ramassage des ordures, ainsi que de tout
B. N. Ngatcha ef al. - Le barrage de Lagdo (Nord-Cameroun) T 467
I Stratégies de développement
des plaines inondables
Contraintes socioculturelles
Selon Vincke (2000), la gestion foncière est l'expression formelle
de l'organisation et de la gestion de l'espace et des activités
humaines. Les contraintes sociales dépendent des attributions des
parcelles et de la gestion de ces attributions par les chefs
coutumiers. Dans le nord Cameroun en général, et le bassin de la
Bénoué en particulier, l'une des plus grave contrainte à la gestion
des ressources naturelles est liée à l'absence de régime foncier qui
garantit l'accès et l'utilisation des terres. En effet, l'absence de
statut de propriété - voire même de statut d'usufruit codifié et
institutionnalisé - n'encourage par les migrants à s'investir dans
les terrains mis à leur disposition. On constate plutôt une tendance
très générale au débordement des pratiques ancestrales.
Malheureusement, le système foncier traditionnel est remis en
cause par les populations de plus en plus nombreuses, qui ont
besoin d'obtenir des superficies de plus en plus considérables pour
leur survie. Par ailleurs, la grande diversité de langues et de
cultures ethniques (plus de 50 ethnies) rassemblées autour de la
retenue de Lagdo représente un obstacle au développement.
B. N. Ngatcha ef al. - Le barrage de Lagdo (Nord-Cameroun) 469
I Conclusion et perspectives
Ce travail montre que lorsque les projets d'aménagement
hydraulique, qui constituent des potentialités réelles de
développement, ne sont pas assortis d'un ensemble de mesures
visant à la protection des ressources naturelles, de nombreux
problèmes écologiques peuvent apparaître. Ces problèmes se
situent au niveau de la mauvaise gestion des eaux, de la
surexploitation des forêts, des pâturages et des ressources
piscicoles et de la disparition des biotopes naturels. Dans les
plaines d'inondation de la Bénoué, le bétail, les cultures, la faune
sauvage, la flore, les sols ont été directement touchés par la
diminution de l'ampleur et de la durée des inondations. La
construction du barrage de Lagdo a provoqué un mouvement de
population important vers les zones inondables pour s'établir de
façon permanente. Ce grand mouvement de population augmente
les risques de contamination et de dégradation du milieu. Les
périodes sèches mettent l'élevage, la pêche et la distribution
d'énergie en situation précaire. Les lâchers de la retenue
lorsqu'elles ne prennent pas en compte les crues du mayo Kébi,
demeurent une grave menace pour la stabilité des infrastructures en
aval du barrage. La valeur économique de la culture de mouskouari
a favorisé la construction des digues submersibles et la sauvegarde
de 5 240 ha de terres en rive droite de la Bénoué entre Langui-Bé
et Garoua. L'utilisation des déchets provenant de l'agriculture
irriguée permet d'atténuer la perte des ressources en pâturage des
plaines inondables.
Une bonne gestion des plaines inondables de la Bénoué commande
que d'autres actions soient entreprises. Il s'agit notamment :
B. N. Ngatcha ef al. - Le barrage de Lagdo (Nord-Cameroun) r473
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474' Gestion intégrée des zones inondables tropicales