Traumatisme HypnoseHugan Philippe Memoire DU Hypnotherapie
Traumatisme HypnoseHugan Philippe Memoire DU Hypnotherapie
Traumatisme HypnoseHugan Philippe Memoire DU Hypnotherapie
Traumatisme et Hypnose ?
Juin 2013
Mes remerciements s'adressent à :
Mes collègues du D.U. avec qui les partages ont souvent été drôles et
chaleureux.
INTRODUCTION 2
CONCLUSION 36
BIBLIOGRAPHIE 38
POSTFACE 42
RESUME
INTRODUCTION
S’il ne fut pas question d’hypnose les trois années conduisant à la licence,
je rencontrai la psychanalyse au gré d’une cure, d’expériences associatives et de
stages. Je forgeai également mes premiers outils cliniques, d’inspiration
psychodynamique, en validant en 2002 un diplôme universitaire (D.U.) organisé
à Dijon par Jacky Rigaux et Hervé Bénony intitulé « Psychopathologie des
situations de crise – Processus et changement ». Je fus alors marqué par la
rencontre et la supervision attentive de François Auger, psychologue et
psychanalyste.
1
Par exemple Enseignement de l’hypnotisme par l’image (1910, Editions Idégraf, 1985) de Jean Filiatre ou La suggestion mentale
(1988, Editions Idégraf) du Dr Julien Ochorowicz.
2
Pour faire très court, l’ethnopsychiatrie telle que l’a formulée Tobie Nathan (cf. notamment 1994, L’influence qui guérit, Paris,
Poches Odile Jacob et 2001, Nous ne sommes pas seuls au monde, Paris, Les empêcheurs de tourner en rond / Le Seuil)
s’intéresse au dispositif thérapeutique, à savoir les objets et théories du thérapeute et aux attachements du patient, à savoir les
objets et les êtres du monde de ce dernier.
3
NATHAN T., SWERTVAEGHER J.-L. (2003), Sortir d’une secte, Paris, Les empêcheurs de tourner en rond / Le Seuil.
2
découvrir la somme de Bertrand Méheust Somnambulisme et médiumnité.4 Je fis
au centre Georges Devereux, espace de consultation ethnopsychiatrique, la
rencontre d’Isabelle Stengers. Philosophe belge, elle s’est beaucoup intéressée
aux rapports entre l’hypnose, la psychanalyse et la science. Elle a dans cet
esprit rédigé plusieurs ouvrages, notamment avec le psychiatre et psychanalyste
Léon Chertok. Celui-ci a réintroduit l’hypnothérapie en France dans la seconde
moitié du XXème siècle et lui a redonné quelques lettres de noblesse5.
Egalement, à Dijon, j’eus l’occasion en 2006 de rencontrer François Roustang à
l’occasion de la sortie de son ouvrage Savoir attendre pour que la vie change.6 Je
fus interpellé par son aisance autour du thème Psychanalyse et Hypnose.
4
MEHEUST B. (1999), Somnambulisme et médiumnité Tome 1 Le défi du magnétisme, Le Plessis-Robinson, Institut Synthélabo pour
le progrès de la connaissance.
5
Lire par exemple de CHERTOK L. ET STENGERS I. (1989), Le cœur et la raison - L'hypnose en question, de Lavoisier à Lacan, Paris,
Editions Payot et (1990), L’hypnose – Blessure narcissique, Le Plessis-Robinson, Institut Synthélabo pour le progrès de la
connaissance, 1999.
6
ROUSTANG F. (2006), Savoir attendre pour que la vie change, Paris, Odile Jacob.
7
En clin d’oeil à L’hypnose ou les portes de la guérison de Jean-Marc Benhaiem avec François Roustang (2012), Paris, Odile Jacob.
3
PARTIE UNE. REVUE THEORIQUE
8
FREUD S., BREUER J. (1895), Etudes sur l’hystérie, Paris, PUF, 1996.
9
FREUD S. (1920) « Au-delà du principe de plaisir », Œuvres Complètes, Psychanalyse, Vol. XV, Paris, PUF, 1996, pp. 277-338.
4
Rappelons les théories centrales ayant jalonné les conceptualisations du
père fondateur de la psychanalyse. Entre 1895 et 1897, la théorie de la
séduction attribue au souvenir de scènes réelles de séduction le rôle
déterminant dans l’étiologie des névroses. Le point de vue change lorsque Freud
découvre que les scènes de séduction sont parfois le produit de reconstructions
fantasmatiques, découverte corrélative de la sexualité infantile. Le rôle tenu par
les événements extérieurs n’est plus aussi important qu’auparavant puisque
l’impact traumatisant des événements peut dériver des fantasmes et des
excitations qu’ils provoquent. C’est la théorie du complexe d’Œdipe, point
nodal du modèle psychanalytique. Le fantasme oedipien prend ainsi la place de
la séduction.
10
GARLAND C. (1998), Comprendre le traumatisme – Une approche psychanalytique, Larmor-Plage, Editions du Hublot, 2001.
5
1.2 Eléments historiques et nosographiques
11
. Auteurs cités par Meriem Mahbouli, (2011), « Parer hypnotiquement aux traumas sexuels - L’apaisement après le tourment »,
Hypnose et thérapies brèves, n° 22, p. 42.
12
BARROIS C. (1988), Les névroses traumatiques, Paris, Dunod.
13
In CROCQ L. (1996), « Critique du concept d’état de stress post-traumatique », Perspectives Psy, Volume 35, n° 5, p. 364.
14
In JEHEL L., LOPEZ G. ET AL. (2006), Psycho-traumatologie – Evaluation, clinique, traitement, Paris, Dunod, p. XXII.
6
autres par Louis Crocq notamment de par sa connotation bio-physiologique et
son acception dans la conscience publique. La notion habituelle de « trouble »
aurait été plus appropriée. Les psychiatres américains distinguent dans leur
Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM III en 1980,
DSM IV en 1994, DSM V en mai 2013) une entité diagnostique originale, le post-
traumatic stress disorder (en abrégé PTSD), en français état de stress post-
traumatique (ESPT).15
15
AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION (1994), Mini DSM-IV – Critères diagnostic, Paris, Masson, 1996.
16
Lire par exemple de CROCQ L. (1997), « Stress, trauma et syndrome psychotraumatique », Soins psychiatriques, n° 188, pp. 7-13.
17
BARROIS C. (1998), « Le traumatisme second : le rôle aggravant des milieux socio-professionnel, familial, médical, dans l’évolution
du syndrome psychotraumatique », Ann. Méd.-Psychol., 156, n° 7, pp. 487-492.
18
BIZNAR-CHAHRAOUI K. (1996), « Aspects chroniques des névroses traumatiques, logique traumatique et relation à la médecine »,
Nervure, Tome IX, n° 4, p. 16.
7
1.3 Aspects cliniques et thérapeutiques
A - L’événement traumatique
Violent et exceptionnel, reçu comme une rencontre réelle avec la mort
Vécu comme une crise : effroi, non-sens, impuissance, innommable
B – Le syndrome de répétition traumatique (SRT)
Ses modalités de manifestation :
Souvenir forcé
Reviviscences hallucinatoires
Cauchemars de répétition
Crises émotives, vécu “comme si…”
Conduites de répétition : agir comme si…
Tics et sursauts de répétition
Rumination mentale de répétition
Ses circonstances de survenue :
Spontanée
Provoquée par stimulus, réveil ou intoxication
Ses registres d’expression
Détresse
Orage neurovégétatif
Raidissement de l’attitude
C – Symptômes non spécifiques
Anxiété
Asthénie physique, psychique et sexuelle
Symptômes psychonévrotiques
Troubles psychosomatiques
Troubles des conduites
D - Une altération de la personnalité
Blocage de la fonction de filtration
Etat d’alerte
Sursaut à tout stimulus
Résistance à l’endormissement, réveils fréquents
Blocage de la fonction de présence
Réduction d’intérêt pour le loisir et le travail
Impression d’avenir bouché
Impression de détachement du monde
Blocage de la fonction d’affection
Sentiment de détachement d’autrui
E – Les troubles sont durables
F - Souffrance psychique et désocialisation variable
19
CROCQ L. (1996, op. cit. p. 372).
8
Pendant la 1ère guerre mondiale, la compulsion de répétition était
apparue à Freud comme une manifestation de la pulsion de mort et des traces
qui la réactivent. Lors de ses discussions avec le psychiatre hongrois Sàndor
Ferenczi, Freud avait souligné une fonction de la compulsion de répétition,
inverse de l’actualisation de la pulsion de mort : celle d’une tentative désespérée
de guérison. Si une personne est préparée à une réaction de débordement à
risque traumatique, elle met en action un dispositif d’angoisse qui produit une
liaison des excitations et substitue l’angoisse à l’effroi. Lorsqu’une telle liaison
échoue à se produire, alors le recours à la compulsion de répétition survient à
titre de tentative de liaison substitutive.
b. Aspects thérapeutiques
20
ROISIN J. (2010), De la survivance à la vie – Essai sur le traumatisme psychique et sa guérison, Paris, PUF, p. 24.
9
résistances du patient (s’opposant à l’accès de celui-ci à son inconscient).
Freud développe alors la méthode des associations libres, à la base de la cure
psychanalytique. Le sujet est allongé ce qui provoque une détente et une
régression. L’analyste essaie d’aller au-delà des résistances : « Là où est le ça
doit advenir le moi ». Neutralité (bienveillante), non interventionnisme,
abstinence (on ne dévoile rien de soi) sont les principes du psychanalyste.
Parfois, il propose une interprétation portant sur les résistances et le transfert,
à savoir l’actualisation dans le cadre de la cure psychanalytique de désirs
inconscients du patient.
21
FERENCZI S. (1932), « Confusion de langue entre les adultes et l’enfant », Psychanalyse IV, Œuvres complètes, 1927-1933, Paris,
Editions Payot, 1982, pp. 125-135.
22
FERENCZI S. (1932), « Réflexions sur le traumatisme », Psychanalyse IV, Œuvres Complètes, 1927-1933, Paris, Editions Payot,
1982, pp. 139-147.
10
univers référentiels. La torture ressortirait de ce second cas de figure selon
Françoise Sironi23 puisque l’effet recherché est de produire intentionnellement
un traumatisme.
23
SIRONI F. (1999), Bourreaux et victimes – Psychologie de la torture, Paris, Editions Odile Jacob.
11
dimension du traumatisme psychique de l’agressé en ce qu’elle diffère de celle
de l’accidenté ? « C’est la rencontre d’une déshumanisation qui produit le vif de
la situation potentiellement traumatogène de l’agressé. L’objet vital qui se trouve
détruit suite à un acte intentionnel de violence est la foi en l’humanité des
hommes, en sa capacité humanisante. » (Ibid. p. 174) L’anéantissement
traumatique qui se produit chez celui qui ne parvient pas à intégrer cette
expérience désespérante détruit le sentiment d’appartenance à la communauté
humaine, c’est la restauration de celui-ci (« la reliance ») que doit viser le travail
analytique. Roisin propose deux voies thérapeutiques pour favoriser la reliance :
. un travail psychanalytique (avec ou sans catharsis),
. l’insertion des victimes dans un groupe de travail (groupe de parole, de
rencontre, groupe thérapeutique, d’entraide, etc.) avec l’objectif de réinsertion
du « déshumanisé » au sein de la communauté humaine.
24
LEBIGOT F. (2005), Traiter les traumatismes psychiques – Clinique et prise en charge, Paris, Dunod, 2011, p. 137.
25
CHAHRAOUI K., BESSE P. (2000), « La consultation psychologique spécialisée pour les victimes de traumatismes psychiques », Ann.
Méd.-Psychol., 158, n° 5, pp. 379-384.
26
DALIGAND L. (1997), « La thérapie des victimes au risque de la violence », Les cahiers de l’Actif, N° 248/249, pp. 77-84.
27
GARLAND C. (1998), Comprendre le traumatisme – Une approche psychanalytique, Larmor-Plage, Editions du Hublot, 2001.
12
et de mise en sens aux psychothérapies d’inspiration psychanalytique à plus ou
moins long terme.
28
FERRERI M. (1996), « Névrose traumatique ou état de stress post-traumatique : repères cliniques et aspects thérapeutiques »,
L’Encéphale, Sp. VII, p.13.
29
BIOY A., MERCADIE L. (2012), Cours de D.U. « Hypnothérapie » - Techniques et méthode hypnotique, Université de Bourgogne.
13
admet qu’un pratique à visée psychothérapeutique requiert l’utilisation de la
suggestion30.
30
BIOY A. (2008), « Sigmund Freud et l’hypnose : une histoire complexe », Perspectives Psy, Volume 47, pp. 171-184.
31
CHERTOK L. (1979), L'hypnose entre la psychanalyse et la biologie - Le non-savoir des psy, Paris, Odile Jacob, 2006, ou CHERTOK
L. ET STENGERS I. (1989), Le cœur et la raison - L'hypnose en question, de Lavoisier à Lacan, Paris, Editions Payot.
32
Lire par exemple de ROUSTANG F. (2000), La fin de la plainte, Paris, Odile Jacob Poches, 2001 ou (1996), Comment faire rire un
paranoïaque ?, Paris, Editions Odile Jacob.
33
BIOY A., MICHAUX D. (Sous la direction de, 2007), Traité d'hypnothérapie - Fondements, méthodes, applications, Paris, Dunod.
34
BIOY A., CELESTIN-LHOPITEAU I., WOOD C. (2010), L’Aide-mémoire d’Hypnose, Paris, Dunod, p. 7.
35
HALEY J. (1973), Un thérapeute hors du commun, Milton H. Erickson, Paris, Epi, 1984.
14
demande de la personne que nous recevons pour lui permettre de modifier le
rapport à son monde. »36
36
ROUSTANG F. (1994), Qu’est-ce que l’hypnose ?, Paris, Les Editions de Minuit, p. 179.
37
COTTENCIN O., VAIVA G., DUCROCQ F., GOUDEMAND M. (2002), « Hypnose et traumatisme psychique - Aspects cliniques », Stress et
Trauma, 2 (3), pp. 163-168.
38
JANET P. (1889), L’automatisme psychologique, Paris, Editions Odile Jacob, 1998.
15
traumatisme, ou un fantasme, a-t-il été traumatique pour le patient. Janet
maintiendra sa position sur l’hypnose, non seulement dans la genèse mais
encore dans le soin du psychotraumatisme.
d. Formulation de la problématique
39
BOURGEOIS P, (2003), Thérapie brève de l’ESPT – Rôle et spécificité de l’hypnose, Stress et trauma, 3 (4), p. 225.
16
Je souhaite dans ce travail étudier la possibilité d’introduire l’hypnose
dans l’accompagnement thérapeutique au long cours d’une patiente
traumatisée chronique.
17
PARTIE DEUX. CLINIQUE
a. Contexte
40
L’article L. 112-3 du code d’action sociale et des familles et l’article 375 du code civil fondent le cadre juridique et les politiques de
protection de l’enfance qui en découlent.
18
administratives ou judiciaires sont suivies par les travailleurs sociaux du
Conseil Général, éducateurs spécialisés ou assistants sociaux, appelés
“référents” socio-éducatifs, ou ceux d’associations médico-sociales.
Il y a un peu plus de cinq ans, j’ai été sollicité pour rencontrer la mère de
quatre enfants placés judiciairement au sein de familles d’accueil.41 Depuis trois
années que la mesure d’assistance éducative (AE) avait été ordonnée par le juge
des enfants, celle-ci voyait ses enfants uniquement au sein d’un dispositif
appelé “visites médiatisées” : les rencontres se déroulent en « lieu neutre » dans
une salle aménagée au Conseil Général et sont accompagnées par une
éducatrice et médiatisées par une psychologue.
Le placement partait d’observations et de signalements des services
sociaux et médicaux. La décision était notamment fondée sur les
« dysfonctionnements importants du couple parental et l’incapacité des parents
à assumer dans de bonnes conditions l’éducation de leurs enfants. » Madame D
venait de se faire agresser à son domicile par son propre mari, le père des
enfants. Celui-ci sera condamné à une peine de trois années d’incarcération
pour « agression sexuelle commise en réunion », administration de substances
nuisibles et menaces de mort. L’âge des enfants à l’époque du placement allait
de un à neuf ans.
Des expertises psychiatrique et psychologique ayant été ordonnées,
Madame rebondit sur certaines préconisations et entama des démarches d’aide
psychologique : elle fut suivie deux ans par une psychologue à l’hôpital dans le
cadre d’une consultation spécialisée en traumatologie, un an auprès d’un
confrère de l’école des parents et trois mois par une psychologue d’un
organisme de réinsertion.
Témoins des manifestations d’angoisse et de souffrance de Madame D et
observant leurs effets négatifs, les intervenants en charge des visites
médiatisées et l’éducateur référent suggérèrent au juge des enfants une
réduction de la fréquence de ces rencontres. Madame D exprima alors son
incompréhension auprès de la psychologue médiatisant les visites et lui
demanda la possibilité de rencontrer un psychologue ASE pour mieux
41
Afin de respecter l’anonymat, j’appellerai cette patiente Madame D et je veillerai à rester flou sur les éléments temporels et
géographiques. Madame D a accepté le principe de cette recherche ainsi que la vidéographie d’une séance d’hypnose qui sera
présentée lors de la soutenance de ce mémoire. Qu’elle en soit à nouveau remerciée ici.
19
comprendre ce qui lui était demandé par le juge afin de « ne pas perturber » ses
enfants lors de ces visites médiatisées.
C’est dans ce contexte que je fus amené à rencontrer une première fois
Madame D. Voici sa question telle qu’elle me l’a formulée lors de ce premier
rendez-vous : « J’aimerais que mes enfants aillent mieux avant et après les
visites. Comment je fais moi, qu’est-ce que je dois faire ? »
Nous avons convenu de nous rencontrer régulièrement, tous les mois
d’abord, puis tous les quinze jours, dans le cadre d’un accompagnement qui prit
assez vite une allure thérapeutique.
c. Récit de (sur)vie
Quand je rencontre pour la première fois Madame D, elle fait partie de ces
personnes blessées, sur le qui-vive, dont la posture vigile et défiante impose tout
à la fois un cadre rigoureux et un apprentissage de la confiance. L’angoisse, les
mouvements dépressifs sont toujours présents, labiles cependant. Madame D
témoigne aussi de vivacité, de curiosité, d’envie de plaire et de se faire
remarquer, enfin d’une force de vie et de survie peu commune.
Au vu de l’ampleur de la souffrance exprimée par Madame D et de son
besoin d’étayage, nous adopterons au terme d’une année un rythme de deux
entretiens par mois. Progressivement, elle pourra aborder le récit de son histoire
et la vision de sa vie.
Un an après le début du suivi, Madame D subit des examens médicaux
qui révèlent de multiples pathologies : tumeur cancéreuse, fibrome intra-utérin
et malformations cardiaques notamment. S’ensuivront depuis lors des
investigations et interventions chirurgicales qui ne laissent pas de répit à
Madame D. Malgré les pronostics pessimistes, elle parvient à ce jour à assumer
ses responsabilités et obligations, notamment parentales. Autant que faire se
21
peut, je reste en contact avec les praticiens pour articuler au mieux
l’accompagnement thérapeutique.
Durant ces années, Madame D est régulièrement assaillie d’envies
suicidaires dont elle me fait part. Elle envisage de “partir” de façon plus ou
moins programmée, avec prévision de date, de moyens. Elle réchappe à
quelques tentatives de suicide. Je suis alors attentif aux sentiments qui peuvent
s’emparer de moi, notamment la peur, le découragement ou l’impuissance. Je
reste également sensible et mobilisé par la force que je sens habiter Madame D.
Bénéficiant d’une supervision individuelle, je peux réfléchir au sens des paroles
échangées, à la circulation de la pensée, aux mouvements transférentiels et
contre-transférentiels, ainsi qu’à la stratégie thérapeutique.
Madame D a changé à cinq reprises de lieu d’habitation depuis que je la
connais sans compter divers hébergements liés à des projets de réinsertion. Elle
habite désormais à trois cents kilomètres de la ville où je la rencontre. Elle s’y
déplace environ deux fois par mois pour rencontrer ses enfants et moi-même.
Nous alternons désormais un entretien téléphonique et un entretien au bureau.
Les rencontres avec ses enfants se déroulent mieux et, même si une levée
de placement n’a pu être envisagée, Madame D a regagné des droits, notamment
celui de les accueillir en hébergement de temps en temps. L’aîné est aujourd’hui
majeur et s’implique dans un projet professionnel ce qui était une gageure. Sa
mère semble avoir su lui transmettre des valeurs positives.
22
Ces répétitions notables constituent une des limites du travail verbal et de
co-construction de sens réalisé avec Madame D et ont suscité mon souhait
d’introduire une approche psychocorporelle comme l’hypnose. Je lui en ai fait la
proposition peu après le début du D.U. « Hypnothérapie ». La patiente se
représentant l’hypnose comme un « état second, comme si on pouvait causer en
dormant », je précise qu’en état hypnotique on ne perd pas le contrôle de soi.
Aussi me donne t-elle son accord de principe.
b. Introduction de l’hypnose
42
Comme l’a illustré Brigitte Lutz (2013), Cours de D.U. « Hypnothérapie », Les troubles anxio-dépressifs et l’ESPT, et Supervision,
Université de Bourgogne.
43
BIOY A., MERCADIÉ L. (2012, op. cit.)
44
ZINDEL P. (2013) Cours de D.U. « Hypnothérapie », Les états dissociatifs, Université de Bourgogne.
23
[A droite Madame souhaiterait avoir] « la mer, froide, verte et grise, avec un
phare au milieu et puis des vagues qui viennent taper…
[A gauche] La montagne. Pourquoi ne pas se faire rencontrer deux opposés.
Elle est blanche, froide. Quand on est au sommet, elle nous donne
toujours des visions nouvelles. On a toujours l'impression de la
redécouvrir.
[Derrière vous ?] Ma jeunesse... de ma naissance à maintenant. Comme si
on tournait le dos à quelque chose, à quoi, à qui ?
[En dessous de vous ?] Le vide. J'ai l'impression de tomber dans un tunnel.
Et que je pousse un grand cri. Et dans un autre sens, je me dis que
quand j'arriverai en bas, et ben j'aurais plus de soucis. Tout ce qui
m'aura pourri la vie ça sera terminé.
[Devant vous ?] La mort. Je pense que s'il y a une personne avec qui je ne
gagnerai pas mon combat ce sera avec elle. Pas que j'en ai peur, mais
dans un sens quand je dis ça, ça me procure un sentiment de bien-être.
Au moins je serai tranquille. Ca me procure un sentiment de paix. Une
paix intérieure que je recherche. Dans un autre sens, j'ai pas le droit, vis-
à-vis de mes enfants.
[Au dessus de vous ?] Rien, rien. Surtout pas un ange.
[Pourriez-vous décrire ce rien ?]
Des fois j'ai l'impression que quoi que je fasse... Le ciel, le temps, les nuages
? J'arrive pas à définir comment est le rien. J'aimerais trouver cette paix
au fond de moi. Parce que c'est vraiment pénible d'être comme je suis,
aussi bien pour moi que pour les autres. Je ne sais pas où aller, ce que
je veux faire, c'est toujours l'inconnu. Donc vous voyez, rien.
[Imaginez maintenant que vous êtes au centre de cette espace, de ces six
éléments qui sont des ressources, que vous pouvez utiliser comme des
ressources.]
Les utiliser comment ? La mer ? La montagne, c'est froid et au sommet c'est
l'inconnu, le mystère. Le passé, je vois pas trop à quoi il peut me servir,
hormis à me donner des cauchemars, quelque chose qu'on a pas envie
toujours de revivre. Ensuite la mort, elle vous attend. Le vide, comme un
entonnoir et en dessous on va tomber donc savoir si on sera mort ou pas
c'est une autre question. Ensuite rien au dessus de votre tête. Le seul
point positif qu'il peut y avoir c'est la mer, la montagne. »
24
Un mois après, entretien filmé (vidéo)
Mme D - Vous savez, on parle de rêve mais, est-ce que je vous ai déjà causé
de mon séjour à l'hôpital, ce qui s'était passé avec Mademoiselle T [suite
à la tentative d’assassinat dont avait été victime Mme D], mon réveil et
tout ? […] Je vous avais dis que j'avais vu, que j'avais pensé que je
dansais avec les morts ? Que j'avais été comme aspirée par un entonnoir
? Parce que si vous voulez, ça va peut-être vous paraître bizarre, mais
pendant cette période-là, à plusieurs reprises, mon cœur il battait
tellement faiblement que... ils se demandaient euh... vous voyez donc,
y'a un moment vous voyez le médecin légiste était venu m'examiner...
Vous savez pour les besoins de l'enquête, pour les besoins de l'enquête,
à ce qu'il paraît ils envoient le médecin légiste, enfin bref... Et je ne sais
pas ce qui s'est passé mais à ce moment-là je me vois danser... je ne
sais pas où j'étais mais, enfin j'étais à l'hôpital mais, est-ce que j'étais
dans mon lit, enfin bref je ne sais pas...
- Vous ne savez pas...
- Au départ parce que, ça a duré un long moment, un très long moment. Ca
a bien duré une demi-heure parce que je sais qu'à un moment donné ça
a bougé... et si vous voulez ce qui est arrivé, j'étais mis comme sur un
espèce de brancard, ou un machin métallique, je peux pas vous dire ce
que c'est, et à ce moment-là j'étais, parce qu'à ce moment-là je ressentais
tout, mais j'étais, comment dire, j'avais du mal à mettre des noms sur ce
qui se passait. Alors vous voyez... arriver à identifier la... Et à ce
moment-là, euh, c'est paradoxal parce que à ce moment-là je me suis
vue, j'ai vu comme un espèce d'entonnoir, y'avait, un grand cône, comme
ça [élevant au ciel ses bras écartés], au dessus de ma tête, avec une
lumière, à chaque fois la lumière s'allumait, et donc je me suis vue,
aspirée, on aurait dis que y'avait un aspirateur en haut... et là, arrivée
en haut, y'avait une, euh, multitude de personnes qui étaient en train de
danser autour d'un feu, et c'était des personnes que je connaissais
qu'étaient décédées. Et donc ces personnes-là, une fois arrivée en haut,
elles m'ont pris, elles m'ont pris les mains, machiné, et hop, elles me
faisaient danser avec, et je dansais mais vous savez pas comme on
danse là mais je me voyais voler mais en me tenant les mains… Et vous
allez peut-être pas me croire mais alors ça m'a tellement effrayée, ...,
45
BIOY A., MERCADIÉ L. (2012, op. cit.).
25
Parce qu'à ce moment-là y'a eu un moment où y'a eu un déclic, je me
suis dis mais attends, t'es en train de danser avec des personnes qui
sont mortes, ça veut dire que t'es en train de mourir ?
- [...]
- Et euh, maintenant voilà, ça m'a... Et vous voyez, autant avant, avant cet
épisode-là, je, j'aurais fait des cacas nerveux excusez-moi l'expression
quasiment pour un oui un non, autant après, et j'étais rapace enfin
j'étais euh, autant après, ça a changé. Parce que je me suis dis que ça
servait à rien de se prendre la tête pour des clous...
- Oui d'accord, ça a permis de relativiser.
- Enfin, ça servait à rien, si parce que bon, c'était quand même, il y a eu
quand même du chemin depuis qu'on a travaillé mais bon, je veux dire,
par rapport à avant...
- Oui avant [...]
- Voilà, et donc, quand je me suis réveillée à ce moment-là, je me souviens,
je me rassois, le monsieur je me souviens il me dit "bonjour je suis
médecin légiste." Oh punaise, pschitt, je suis tombée dans les pommes,
la grosse mémère elle est tombée dans les pommes, et je me suis
retrouvée dans mon lit, quelques jours après, et y'avait les gendarmes à
mon chevet, ils venaient m'auditionner, alors...
- Et là, vous êtes tombée dans les pommes, avec le médecin légiste, avec ce
que vous veniez de vivre, avec ce, cette rencontre avec les morts, enfin
des morts... Finalement là vous avez eu une frayeur, une vraie frayeur !
- Ben attendez, sur le coup, est-ce que, vous savez c'était le contrecoup alors
je me suis toujours posée la question. Parce que déjà, pourquoi à ce
moment-là, alors que bon depuis un moment euh, ils se demandaient,
bon ils essayaient, parce que sur les rapports c'était marqué que mon
cœur battait très faiblement, à ce qu'il paraît à certains moments il
s'arrêtait un petit peu pour reprendre mais très faiblement après… Donc
est-ce qu'à un moment donné ils ont dû en déduire sûrement que, je sais
pas quoi ? Parce que entre temps y'avait quand même une grande
période, où je me rappelle que avant qu'il y ait ce fameux épisode-là, on
était, ben c'était le 2 et puis bon après, il y a fallu pas loin à peu près
une semaine pour euh, je sais pas trop, c'était un peu flou mais bon, là
j'ai été quand même plusieurs jours où euh, je peux pas vous dire
réellement ce qui s'est passé à telle heure, parce que, c'est le néant
total... Donc à ce moment-là je me réveille, je vois ça, j'entend "médecin
légiste", ah, je retombe dans les pommes parce que je me dis est-ce que
c'est vrai, ou est-ce que tu viens de rêver...
- Finalement est-ce que je suis vivante, ou morte...
- Voilà ! Et si vous voulez ça m’a fait tellement... je suis tombée, oui je suis
tombée dans les pommes !
- Vous vous êtes évanouie...
- Evanouie, et après je me suis retrouvée dans le lit, et y'avait donc des
gendarmes, qui attendaient pour m'auditionner. D'ailleurs ils m'ont dit,
"Tiens, vous vous réveillez !" Euh oui...
- Et ça faisait combien de temps que...
- Et ça faisait plusieurs jours...
- Ah plusieurs jours !
- Plusieurs jours, parce que eux ils comptaient m'auditionner le deux...
26
PARTIE TROIS. DISCUSSION
46
Se reporter notamment à SIRONI F. (1999), Bourreaux et victimes – Psychologie de la torture, Paris, Editions Odile Jacob et (2007),
Psychopathologie des violences collectives, Paris, Odile Jacob.
47
Instance où sont examinées les mesures de protection de l’enfance en vue de formuler des propositions au magistrat.
48
Voir par exemple Marie-Christine Hardy-Baylé (1994), Le diagnostic en psychiatrie, Paris, Editions Nathan.
27
de l’enfance et qu’il passe à côté d’éléments bien plus prégnants et probants. Il
aurait été plus pertinent d’envisager la lignée “limite”49 chère à Jean Bergeret ou
bien la notion de « frontaliers » qu’interroge François Roustang50. Mais surtout,
nous pensons au syndrome psychotraumatique tellement plus conforme à la
réalité clinique de Madame D et offrant davantage de perspectives
thérapeutiques.
Il est regrettable que l’expert judiciaire en question n’ait pas pris appui
sur l’expertise psychiatrique demandée une année plus tôt dans le cadre de
l’affaire pénale qui opposait Madame D à son mari de l’époque. L’examen
concluait qu’il s’agissait « d’une jeune femme déprimée depuis la petite enfance
à ce jour, pour avoir subi depuis toute sa vie des actes criminels. » Qu’en dehors
de ces troubles dépressifs, Madame D présentait « une personnalité
normalement structurée, c’est-à-dire qu’elle ne présente aucun trouble ou
anomalie susceptible d’affecter son équilibre psychique ou intellectuel. » Qu’il
« existe un important traumatisme moral consécutif aux fait poursuivis. » Que
Madame D est « de plus, une jeune femme qui éprouve un sentiment de honte et
de culpabilité permanente, comme en éprouvent toutes les victimes qui ont subi
des traumatismes d’une extrême violence. » L’expert formulait « un pronostic
très réservé sur les conséquences des faits, car force est de constater que cette
jeune femme a été, de tout temps, martyrisée et maltraitée. » Il l’invitait à
poursuivre les soins auprès d’un confrère psychiatre mais également à engager
« un solide suivi de psychothérapie de soutien auprès d’un psychologue »,
préconisation dont s’est saisie Madame D.
49
BERGERET J., REID W. (1986), Narcissisme et états limites, Paris, Dunod, 2003.
50
ROUSTANG F. (1994), Qu’est-ce que l’hypnose ?, Paris, Les Editions de Minuit, p. 43 : « Les frontaliers » [...] « Traduction de
l’anglais borderline, utilisé pour désigner les borderline cases, les cas-limites » c’est-à-dire les personnes qui butent « sur le passage
à notre monde auquel ils n’ont pas accès. »
28
3.2 De l’intérêt de l’hypnose dans l’abord du traumatisme
51 Corine Van Loey in BENHAIM J.-M. (Sous la direction de, 2005), L’hypnose aujourd’hui, Paris, In Press Editions, 2012,
p. 255 et 256.
52 Philippe Villien in MICHAUX D. (Sous la direction de, 2006), Hypnose et dissociation psychique, Paris, Editions imago,
p. 284.
53
PERREN-KLINGLER G. (2012), « Réassociations salutaires - Evolutions de la psychotraumatologie », Hypnose et thérapies brèves, n°
24, p. 45.
29
C’est lorsque le mécanisme de dissociation ne permet plus l’élaboration ou
la résolution du traumatisme et empêche son intégration avec toutes ses
composantes que le recours à l’hypnose présente un intérêt spécifique du point
de vue thérapeutique puisque l’une des manifestations de celle-ci est en effet
une forme de dissociation. « Mais c’est alors une dissociation qui se produit
dans un contexte contrôlé, rassurant, dans un cadre structuré avec une
composante relationnelle très intense permettant au sujet d’affronter “l’extrême
solitude face à la mort” ou “l’effroi”. »54 Philippe Bourgeois indique que la pierre
angulaire de ces traitements est l’alliance thérapeutique et la capacité du
thérapeute à tolérer d’éventuelles violentes manifestations émotionnelles (ibid.
p. 227).
54
BOURGEOIS P. (2003), « Thérapie brève de l’ESPT - Rôle et spécificité de l’hypnose », Stress et Trauma, 3 (4), p. 226.
55
BACHELARD M. (2012), Cours de D.U. « Hypnothérapie », Alliance thérapeutique : historique, recherches et spécificités en hypnose,
Université de Bourgogne.
56
BIOY A., KELLER P.-H. (2009), Hypnose clinique et principe d’analogie - Fondements d’une pratique psychothérapeutique, Bruxelles,
Editions de Bœck Université, P. 152.
30
3.3 Introduction de l’hypnose : des apports
Si l’hypnose est considérée comme une thérapie de premier choix dans les
états traumatiques par nombre d’auteurs, déjà pour Pierre Janet (cours de P.
Zindel, ibid.), elle ne fait pas non plus l’unanimité comme le rappelle Bourgeois
(ibid., p. 225), notamment dans la croyance encore prégnante qu’elle agira par
abréaction ou catharsis.
Je commençais aussi à comprendre que les traumas sont reliés les uns
aux autres, qu’ils se situent dans le présent et dans le passé. L’état traumatique
est un état de conscience séparé (“dissociation pathologique”) dont le moi
normal craint le retour. Cet état ignore le facteur temps : les choses passées
sont vécues comme si elles se passaient maintenant, oubliant la réalité actuelle.
Un fait passé qui n’est pas devenu souvenir ! (Zindel, ibid.) D’où l’importance du
corps, garant de l’ici et maintenant. L’hypnothérapie, comme certaines
approches corporelles, est susceptible de créer un espace de sécurité (notion de
« couveuse relationnelle » développée par Philip Zindel).
C’est pourquoi, après une première séance organisée autour d’un “lieu
agréable” (Bioy A., Mercadié L., op. cit.), j’ai proposé à Madame D l’expérience
« 3 D » illustrée en formation par Philip Zindel. Elle consiste à suggérer au
patient de placer tout autour de soi une personne, un animal, un objet, un
végétal, une chose… Madame D s’est ainsi trouvée au milieu d’un espace
composé sur les côtés de la mer et de la montagne, de sa jeunesse derrière, de
la mort devant, avec rien au dessus et le vide en dessous. Difficile pour elle de
percevoir ces éléments comme autant de ressources et de ressentir dans ce
nouvel espace un sentiment de sécurité. Madame éprouve cependant une
57
LAPLANCHE J., PONTALIS J.-B. (1967), Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1997, p. 492.
31
sensation de détente ce qui l’amène à souhaiter renouveler l’expérience
hypnotique.
32
vivantes. Elles sont qualifiées de morts-vivants, de revenants ou encore de
morts parmi les vivants.58
58
CROCQ L. (2002) « Persée, la méduse et l’effroi », Revue francophone du stress et du trauma, 2 (3), pp. 133-138.
59
CYRULNIK B. (2001), Les vilains petits canards, Paris, Odile Jacob, p. 147.
60
STENGERS I. (2002), L’hypnose entre magie et science. Paris, Les empêcheurs de penser en rond / Le seuil, p. 135.
61
BIOY A., KELLER P.-H. (2009), op. cit., p. 190.
62
En psychopathologie, le terme de crise renvoie à différentes manifestations psychopathologiques aiguës qui, selon les cas, selon le
modèle de classification ou le modèle théorique sous-jacent, s’insèrent ou non dans une personnalité pathologique. Cf. CHAHRAOUI
K., BESSE P. (2000), « Les dimensions de la crise en psychopathologie clinique », Perspectives Psy, vol. 39, n° 4, p. 333.
33
suivi thérapeutique, quels ont été les apports de l’introduction de l’hypnose ? »
Selon elle, les sensations liées à l’hypnose se produiraient non pas vraiment
pendant la séance, mais plutôt à retardement, une demie heure ou une heure
après. Elle ressent alors une somnolence, une sorte d’endormissement, comme
si elle était moins vigilante ce qui lui permet d’éliminer de la fatigue. Je lui
demande si cela lui procure du bien être. Oui, me répond-elle, « pendant ce
temps-là, cela me permet d’évacuer certaines choses qui sont en moi. Pendant
ce temps-là, je ne pense pas à mes soucis. » Elle attribue à son « subconscient
qui ferait blocage » le fait de n’être pas totalement détendue durant les séances.
« Un peu la peur, quelque chose au fond de moi qui est en alerte », ajoute-t-elle.
Globalement, Madame D pense que la méthode lui apporte de l’apaisement
même si ses angoisses restent fréquentes. Elle souhaite donc continuer et
approfondir les expériences hypnotiques. C’est au cours de cet entretien que
Madame D suggèrera une forme interrogative au titre de ce mémoire, une
manière peut-être de maîtriser le doute...
63
REDDEMANN L. (2013), « Hypnothérapie et “Etats du moi” – Tous en scène », Hypnose et thérapies brèves, n° 28, pp. 20-28.
64
Développées par Brigitte Lutz dans ses cours (ibid.) ou par Philippe Villien in BIOY A., MICHAUX D. (2007, ibid., pp. 341-354.).
35
CONCLUSION
A partir d’un matériel clinique illustré par une vidéo, ce mémoire visait à
décrire et extraire les particularités de l’accompagnement thérapeutique de
personnes touchées de façon chronique par des événements traumatiques. De
manière générale, j’évite de concevoir un individu à partir d’une catégorie
psychopathologique préétablie. Toutefois, dans ces logiques de fonctionnement
si particulières, il m’a semblé judicieux d’identifier et d’établir la présence d’un
syndrome psychotraumatique.
65
FERENCZI S. (1932), Journal clinique, Paris, Payot, 1985.
36
fait qu’elle pouvait s’intégrer dans un accompagnement thérapeutique au long
cours et ouvrir d’autres perspectives, comme celles du corps, de la perception
ou de l’ici et maintenant.
66Cité par Gérard Salem in SALEM G., BONVIN E. (2012), Soigner par l’hypnose, 5e édition, Issy-les-Moulineaux, Editions
Elsevier Masson, p. 65.
37
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
BERGERET J., REID W. (1986), Narcissisme et états limites, Paris, Dunod, 2003.
FREUD S., BREUER J. (1895), Etudes sur l’hystérie, Paris, PUF, 1996.
38
HALEY J. (1973), Un thérapeute hors du commun, Milton H. Erickson, Paris, Epi,
1984.
NATHAN T. (2001), Nous ne sommes pas seuls au monde, Paris, Les empêcheurs
de penser en rond/Le seuil.
NATHAN T. (1994), L’influence qui guérit, Paris, Poches Odile Jacob, 2001.
NATHAN T., BLANCHET A., IONESCU S., ZAJDE N. (1998), Psychothérapies, Paris,
Editions Odile Jacob.
NATHAN T., SWERTVAEGHER J.-L. (2003), Sortir d’une secte, Paris, Les empêcheurs
de penser en rond/Le seuil.
ROUSTANG F. (2006), Savoir attendre pour que la vie change, Paris, Odile Jacob.
39
SIRONI F. (1999), Bourreaux et victimes – Psychologie de la torture, Paris, Editions
Odile Jacob.
ARTICLES
40
FERENCZI S. (1932), « Confusion de langue entre les adultes et l’enfant »,
Psychanalyse IV, Œuvres complètes, 1927-1933, Paris, Editions Payot, 1982,
pp. 125-135.
COURS
41
POSTFACE
Plus aucun bruit, plus âme qui vive. L’homme attend, s’impatiente et s’en va.
Il revient à cette même cabane dix ans plus tard et frappe à nouveau à la porte.
Et, à nouveau, plus aucun bruit dans la cabane. L’homme attend quelques
Dix ans ont encore passé. Il revient encore une fois à la même cabane.
- C’est toi !
dans Psychothérapies67.
67NATHAN T. (1998), « Eléments de psychothérapie », in NATHAN T., BLANCHET A., IONESCU S., ZAJDE N., Psychothérapies,
Paris, Editions Odile Jacob, 1998, p. 63 et 64.
42
Philippe Hugan
29 rue des Epoutières
21240 Talant Université de Bourgogne
N° d'étudiant : 12045021 U.F.R. Sciences Humaines et Sociales
RESUME
Traumatisme et hypnose ?
Chroniques thérapeutiques d’une survivante