Note - Retenues Eau Et Changement Climatique - SIGAL - ARRA - 2021
Note - Retenues Eau Et Changement Climatique - SIGAL - ARRA - 2021
Note - Retenues Eau Et Changement Climatique - SIGAL - ARRA - 2021
technique
Travail réalisé dans le cadre du Contrat Territorial Vert et Bleu et du SAGE Alagnon avec la participation de :
SIGAL Décembre 2020
Remerciements
L’ARRA² remercie l’équipe du SIGAL pour la confiance qu’elle a placée dans l’association à la réalisation de
cette prestation sur un sujet complexe, d’actualité et d’avenir. Je tiens à remercier particulièrement
Guillaume Ponsonnaille, Véronique Mérand et David Olagnol pour leur gentillesse et leurs conseils éclairés.
Nous remercions les membres du comité de pilotage pour leur disponibilité en cette année particulière. Ils
ont apporté de la matière, leur expérience et permis d’orienter et cadrer la commande : Julie Faure‐Laurent
de l’EPAGE Loire‐Lignon, Élodie Mardiné du PNR des Volcans d’Auvergne, Stéphane Nicolas de la FDAAPPMA
43, Jean‐Claude Raymond de l’OFB.
Nous remercions chaleureusement Florence Habets du CNRS pour son accompagnement dans le lancement
du projet et la récolte documentaire, ainsi que les professionnels et leurs syndicats qui ont pris le temps de
dépeindre ce sujet et de partager avec nous leur retour d’expérience : Camille Garcia du SYRIBT, Guillaume
Dufaud du Syndicat des trois rivières, Cyrille Girel du CISALB, Claire Marcel du SAGYRC, Althaea Pangaud et
Daniel Roche du SMAELT, Renaud Dumas et Nelly Château d’ARCHE Agglo pour l’Entente Doux‐Mialan.
Crédits :
Première de couverture : © Syndicat de Rivières
Brévenne‐Turdine – 69
Travail réalisé par :
Page 2 : Retenue de la Villette ‐ © CISALB – 73
Nicolas Valé ([email protected])
Page 7 : © Syndicat Mixte des Rivières du
& Lou Renaud
Beaujolais – 69
2
Table des matières
Introduction ....................................................................................................................................................... 4
1. Présentation de la commande et du contexte ...................................................................................... 4
2. Remarques/avertissement .................................................................................................................... 4
Partie 1 : Méthodologie ..................................................................................................................................... 5
1. Synthèse des données et ressources bibliographiques existantes ....................................................... 5
2. Retours d’expériences ........................................................................................................................... 8
Partie 2 : Synthèse bibliographique ................................................................................................................... 9
1. Cadre général : prélèvements d’eau et adaptation au changement climatique ..................................... 9
1.1. Quelques repères chiffrés : les prélèvements d’eau en France .......................................... 9
1.2. L’adaptation au changement climatique de l’agriculture dans le Massif central ............. 10
2. Les retenues : de quoi parle‐t‐on ? ...................................................................................................... 12
2.1. Quelques définitions.......................................................................................................... 12
2.2. Typologie des retenues d’eau ........................................................................................... 14
3. Des retenues d’eau : pour quels usages ? ........................................................................................... 16
3.1. Hydroélectricité : ............................................................................................................... 16
3.2. Agricole : ............................................................................................................................ 17
3.3. D’autres usages plus diffus : .............................................................................................. 18
3.4. Des retenues multi‐usages et des conflits ......................................................................... 18
3.5. La modification des usages par la création de retenues ................................................... 19
4. Réglementation applicable aux projets de création d’ouvrages ......................................................... 20
4.1. La création de retenues d’eau : quelle réglementation ? ................................................. 20
5. Impacts des retenues sur les ressources en eau et les milieux aquatiques : du local au global ......... 21
5.1. Impacts quantitatifs ........................................................................................................... 23
5.2. Impacts qualitatifs ............................................................................................................. 26
5.3. Impacts économiques ........................................................................................................ 29
6. Des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) : une préconisation pour l’avenir pour
limiter les conflits d’usages ............................................................................................................ 29
Conclusion ....................................................................................................................................................... 31
ANNEXE 1 : Retours d’expériences .................................................................................................................. 34
ANNEXE 2 : Guide juridique – Construction de retenues ................................................................................ 35
ANNEXE 3 : Étude AP3C ................................................................................................................................... 36
Bibliographie et liens utiles ............................................................................................................................. 37
3
Introduction
1. Présentation de la commande et du contexte
L’Association Rivière Rhône‐Alpes Auvergne (ARRA²) anime depuis 1999 un réseau de plusieurs centaines de
professionnels pour échanger, partager les expériences et améliorer les connaissances techniques sur des
thématiques de plus en plus complexes autour de la gestion globale des milieux aquatiques et de l’eau. Elle
rassemble des agents de collectivités locales et des services de l’État, du personnel de bureaux d’études, des
enseignants‐chercheurs, des étudiants, des naturalistes passionnés travaillant sur des sujets variés tels que
les risques environnementaux, la préservation de la biodiversité, la gestion qualitative et quantitative des
ressources en eau, etc.
L’ARRA² organise et anime des journées techniques, des pêches aux cas pratiques, des rencontres de réseaux
professionnels et réalise des formations et des prestations.
Le Syndicat Interdépartemental de Gestion de l’Alagnon et de ses affluents (SIGAL) porte des outils de gestion
intégrée de l’eau et des milieux aquatiques. Au cœur de nombreux échanges et sollicitations sur la
thématique, le SIGAL a souhaité confier à une structure externe la rédaction d’une note technique vulgarisée
dressant le portrait des retenues d’eau dans le but d’étayer les diverses informations, d’argumenter les
discussions et s’inspirer de retours d’expériences. Il a fait le choix de confier cette mission à l’ARRA2.
Cette note a pour but de présenter de façon la plus impartiale possible :
‐ une synthèse des éléments connus,
‐ les éléments demandant approfondissement,
‐ les éléments mal ou non connus.
Cette note technique est destinée au SIGAL et donc orientée selon le contexte de son territoire. De ce fait,
les données ne sont pas toujours extrapolables sur d’autres territoires aux contextes différents. Le SIGAL met
néanmoins à disposition ce document gratuitement pour d’autres collectivités locales impliquées dans la
gestion de leur ressource en eau.
2. Remarques/avertissement
La question des retenues d’eau est un sujet très vaste. Il convient de bien cadrer le sujet, notamment en
distinguant les différents cas de figure existants. Cette note abordera l’ensemble des retenues d’eau ayant
pour vocation principale d’assurer un stockage d’eau pour sécuriser les différents usages. L’intérêt se portera
ici principalement sur les petites et moyennes retenues créées pour un usage local, sujet qui demande le plus
d’approfondissements de connaissances. Les grands barrages seront abordés, mais dans une moindre
mesure, leurs impacts étant connus de longue date et très documentés par ailleurs.
La demande actuelle de création de retenues d’eau émanant principalement de la profession agricole, cette
thématique est très prégnante dans la présente note. L’objectif est ici de mettre en regard les demandes du
domaine agricole avec les autres usages et d’aborder ainsi les conflits d’usages, existants ou potentiels à
l’avenir.
La question des retenues est en effet l’un des grands enjeux de société des décennies à venir, car elles
constituent actuellement une des solutions préconisées pour adapter nos territoires au changement
climatique. L’objet de cette note est donc au final d’apporter des éléments de compréhension sur le sujet et
d’éclairer la décision locale en replaçant cette question des retenues d’eau au sein d’une vision plus globale
des usages de l’eau.
4
Partie 1 : Méthodologie
La présente étude a débuté en mars 2020 avec la réunion d’un comité de pilotage (COPIL) le 17 mars
réunissant Julie Faure‐Laurent de l’EPAGE Loire‐Lignon, Élodie Mardiné du PNR des Volcans d’Auvergne,
Stéphane Nicolas de la Fédération de pêche de Haute‐Loire, Jean‐Claude Raymond de l’OFB.
Cette réunion de lancement a permis de définir les orientations de la mission, de mutualiser les documents
à la disposition des partenaires et de partager les contacts utiles à l’étude.
Celle‐ci se découpe en deux parties :
Une synthèse bibliographique, basée sur des articles scientifiques, des rapports d’études et la
littérature grise : c’est l’objet de la présente note,
Un recueil de retours d’expériences de collectivités locales, présenté en annexe sous forme de
6 fiches retours d’expériences.
La bibliographie et les échanges avec le COPIL ont permis d’affiner les orientations de l’étude et de décliner
un plan détaillé.
1. Synthèse des données et ressources bibliographiques existantes
Un premier travail de recueil bibliographique a été réalisé auprès des membres du comité de pilotage, de
membres du réseau de l’ARRA² (collectivités et partenaires techniques) et de professionnels référents sur le
sujet, notamment Florence Habets, directrice de recherche du CNRS en hydrométéorologie.
Le critère principal de sélection des documents utiles à cette synthèse bibliographique est que ceux‐ci traitent
directement des retenues d’eau en tant que sujet principal (hors grands barrages). Lorsque ce n’est pas
directement le cas, une recherche par mots clés contenus dans le corps du texte a été effectuée sur la base des
occurrences suivantes : retenue, bassine, barrage, rétention, stockage… Le document a été retenu lorsque
l’usage contextuel de ces mots concerne effectivement le sujet des retenues d’eau au sens large ou que la
question du stockage de l’eau est abordée de manière conséquente.
Certains documents traitant le sujet à la marge ou ayant pour objet des thématiques moins prégnantes sur le
bassin de l’Alagnon ont été exclus. De même, la présente synthèse ne traite pas des aspects économiques de
la création ou de la gestion des retenues. La bibliographie sur le sujet semble très limitée et la question des
coûts est fonction de trop nombreuses variables dépendantes des caractéristiques des territoires et des projets.
Les documents et éléments recueillis sur ces sujets sont néanmoins fournis dans la bibliographie à titre
d’information générale et pour un éventuel usage ultérieur.
Seuls les documents librement accessibles ont été sélectionnés. Par exemple, les articles scientifiques à accès
payant de grandes revues du type Science n’ont pas pu être consultés. Leurs conclusions générales ressortent
néanmoins dans certains articles français retenus.
Les sources sont diversifiées (voir le tableau 1 ci‐après). Néanmoins, les documents recueillis sont en majorité
de nature « institutionnelle » (25 occurrences) et du domaine de la « recherche » (20).
Les principales sources de documents techniques et scientifiques sont le CNRS, l’INRAE (ex‐Irstea et Inra), les
Agences de l’Eau, l’OFB (ex‐AFB et Onema), les Ministères de l’Environnement et de l’Agriculture et les
institutions de l’État. Ces sources sont les plus fiables et les plus détaillées. Elles ont donc été conservées
dans le corpus.
Les documents issus de structures militantes (écologistes notamment) ou défendant des intérêts particuliers
ou collectifs (syndicats agricoles notamment) ont également été pris en compte lorsqu’elles développent un
argumentaire technique et/ou scientifique. Leurs citations sont parfois reprises dans le présent document,
5
mais les carences argumentaires sont alors signalées. Elles doivent ainsi être considérées avec prudence, car
pouvant être taxées de « parti pris ».
Occurrences
Nature de l’émetteur Source Nombre d’occurrences
par nature
État 12
Agence de l’Eau RMC 4
Agences de l’Eau 2
Institutionnel 25
Région AuRA 1
BNPE 1
OFB 5
CNRS 5
INRAE 7
Recherche 20
International 6
Bureau d’étude 2
Chambres d’agriculture 3
Agricole Coordination Rurale 1 5
Association Française d’Agroforesterie 1
Demain Deux Berges 1
GRAIE 1
Gestionnaire Syndicat 5 10
Fédération de Pêche 2
Autre gestionnaire 1
Écologiste Associations de protection de la nature 5 5
France Culture 1
Le Monde 3
ReporTerre 1
Presse La Gazette des communes 1 9
Actu‐Environnement 1
Vulgarisateur scientifique 1
The Conversation 12
Tableau 1 : Sources des documents recueillis pour la présente synthèse par nature de l’émetteur
La période couverte par ces ressources bibliographiques court de 1999 à 2020. L’essentiel du corpus
documentaire date néanmoins de la période 2010‐2020.
Les documents recueillis sont de différents types : rapports scientifiques, rapports parlementaires ou
ministériels, études techniques et guides, diaporamas de présentation, articles de presse ou web,
argumentaires et positionnement politiques, plaquettes de communication et sites internet… Quelques
ressources « grand public » ont été recensées et consultées telles qu’une émission de radio et deux vidéos.
Environ 70 documents ont été recueillis, dont :
10 articles scientifiques (principalement francophones, mais aussi anglophones) et 1 thèse,
8 rapports parlementaires ou ministériels, instructions du gouvernement, appels à manifestation
d’intérêt ou notes stratégiques,
15 études et guides d’échelle nationale ou de bassin,
Plusieurs argumentaires et positionnements politiques d’associations environnementales et de la
profession agricole.
6
Le tableau 2 ci‐après récapitule les types de documents recueillis. La liste complète et les références des
documents recueillis sont fournies en annexe (tableau Excel).
Occurrences par
Champ Nature du document retenu Nombre d’occurrences
champ
Argumentaire 7
Instruction gouvernementale 1
Politique Note stratégique 2 15
Rapport parlementaire 4
Appel à projets 1
Article scientifique 11
Scientifique Thèse 1 13
Bulletin de situation 1
Actes 2
Diaporama 6
Opérationnel / Étude 9
32
Connaissances Étude locale 4
Guide 6
Site internet thématique 5
Article de presse 7
Article de vulgarisation 3
Grand public 13
Vidéo 2
Émission de radio 1
Tableau 2 : Typologie des documents recueillis pour la présente synthèse
Si on peut légitimement considérer que ce recueil n’est pas exhaustif, il semble néanmoins constituer
l’essentiel du corpus sur le sujet des impacts cumulés des retenues. Selon l’OFB, 2017, « l’expertise met en
lumière la rareté des études menées à ce jour sur la thématique des impacts cumulés des retenues, ainsi que
la quasi‐absence d’éléments opérationnels dans la production scientifique et jusque dans la littérature dite
« grise » (rapports et guides émanant du champ de la gestion) ».
7
2. Retours d’expériences
L’ARRA² s’est appuyée sur les membres du réseau professionnel pour identifier des collectivités locales de la
Région Auvergne‐Rhône‐Alpes ayant d’ores et déjà traité le sujet des retenues d’eau et mis en place des actions
sur leur territoire. L’objectif était initialement de s’intéresser à des bassins versants aux caractéristiques proches
de celui de l’Alagnon.
Une trame de questionnaire d’enquête a été élaborée par l’ARRA² avec l’appui du groupe de travail afin de
définir les points saillants et fondamentaux à identifier pour chaque retour d’expérience. Il s’agissait de
normaliser au maximum le travail d’enquête afin de recueillir des informations homogènes pour les différents
territoires.
Une première liste de collectivités locales potentiellement concernées par le sujet a dans un premier temps été
élaborée sur la base des connaissances de l’association. Un appel à contribution a ensuite été publié sur le
forum de l’association sur le site www.arraa.org, puis dans la lettre d’information de l’ARRA² du 7 juillet 2020.
Cela a permis de compléter la liste de professionnels à enquêter et d’obtenir le témoignage de quelques
gestionnaires supplémentaires.
Au total, 27 professionnels ont été contactés par courrier électronique et téléphone afin de déterminer
l’existence d’actions ou de projets d’actions sur leur territoire. 13 personnes ont répondu favorablement à la
sollicitation d’un entretien téléphonique :
4 d’entre eux ont déclaré ne pas avoir de retour d’expérience sur le sujet,
3 ont déclaré n’avoir que des retours d’expérience anciens ou insuffisamment avancés pour être
exploitables,
6 ont fourni un retour d’expérience complet et détaillé au cours de l’entretien.
Chaque entretien a fait l’objet de la rédaction par la chargée de mission de l’ARRA² d’une fiche retour
d’expérience ensuite complétée, corrigée et validée par le professionnel interrogé. De surcroit, certains des
professionnels enquêtés ont complété leur fiche retour d’expérience de documents complémentaires (études,
protocoles, plaquettes de communication, etc.).
Des différents entretiens, il ressort que la gestion des ressources en eau constitue aujourd’hui un enjeu
important dans la région, mais que la thématique des retenues est en émergence et suscite des
questionnements. Les collectivités locales s’étant emparées de la thématique semblent relativement peu
nombreuses, d’où un échantillon de retours d’expériences relativement limité et en dessous de l’objectif de 10
fixé initialement.
Les retours d’expériences fournis en annexes présentent quoi qu’il en soit différents aspects du sujet en allant
de la méthodologie d’inventaire des retenues sur un bassin versant à la mise en place de plans d’action. Les
retours d’expériences font parfois référence à des documents complémentaires disponibles auprès de la
personne‐ressource renseignée dans chaque fiche.
8
Partie 2 : Synthèse bibliographique
1. Cadre général : prélèvements d’eau et adaptation au changement
climatique
La gestion quantitative de la ressource en eau est l’un des grands enjeux de l’adaptation de nos territoires au
changement climatique. Il s’agit de favoriser la résilience de la société et des différents usages face aux
pénuries d’eau et sécheresses régulièrement constatées et qui tendent à s’aggraver dans le futur.
Il existe deux grands axes de solutions pour assurer la préservation de la ressource en eau et des usages :
Politique de la demande : il s’agit d’économiser l’eau à travers les différents usages en développant
de nouvelles techniques, en limitant les usages, en incitant les pratiques économes en eau. En
agriculture, par exemple, il est possible d’agir sur les filières en développant de nouvelles cultures
moins gourmandes en eau, en orientant les exploitations vers l’agroforesterie ou l’agriculture de
conservation, mais aussi améliorer les méthodes et outils d’irrigation pour en assurer une plus grande
efficience,
Politique de l’offre : elle comporte trois modes d’action concernant la ressource :
o la réutilisation d’eaux usées traitées pour l’irrigation, l’arrosage d’espaces verts ou autres
usages,
o le transfert de ressources en eau entre bassins versants,
o le stockage de l’eau : de nombreux usages en dépendent, principalement la production
hydroélectrique et l’irrigation.
C’est ce dernier point du stockage de l’eau qui fait l’objet de cette note de synthèse. Cette méthode
concerne principalement les usages de production d’énergie, par l’intermédiaire des barrages
hydroélectriques, et de production agricole par la création de retenues stockant les surplus d’eau hivernaux
pour permettre l’irrigation estivale. Ces pratiques influent sur l’ensemble du grand cycle de l’eau. Il s’agit
donc d’évaluer leurs éventuels impacts à différentes échelles spatio‐temporelles sur le bilan hydrique et
l’hydrologie.
Néanmoins, la gestion de la ressource en eau ne peut se limiter au seul aspect quantitatif. Il est nécessaire
de traiter cette problématique de manière globale afin d’inclure d’autres problématiques telles que les
aspects « qualité de la ressource », « préservation des milieux naturels », voire même « risques ». Or, la
disponibilité en eau influe fortement sur ces compartiments. Cette disponibilité est variable en fonction de
la pluviométrie, des écoulements et des prélèvements d’eau dans le milieu naturel.
1.1. Quelques repères chiffrés : les prélèvements d’eau en France
Le stockage de l’eau pour un usage ultérieur constitue un prélèvement.
En 2016, date du dernier bulletin des prélèvements en eau en France, « le volume d’eau douce prélevé chaque
année en France est estimé à plus de 884 milliards de m3, mais près de 96 % de ce volume concerne l’utilisation
de la force motrice de l’eau pour produire de l’électricité (barrages hydroélectriques). Parmi les 4 % restants
(près de 37 milliards de m3), plus de la moitié (20,8 milliards de m3) reste destinée à la production d’énergie
(principalement pour le refroidissement des centrales thermiques à flamme ou nucléaires, qui en restituent la
quasi‐totalité au milieu naturel).
(…) Les autres grands usages de l’eau en France sont les suivants : l’alimentation des canaux (4,7 milliards de
m3), l’alimentation en eau potable (5,4 milliards), l’industrie (2,5 milliards), l’irrigation (3,2 milliards) ».
(Source : bulletin national des prélèvements d’eau en France (données 2016), 2019).
Ces données sont basées sur les redevances et ne concernent que les prélèvements supérieurs à 10 000 m3.
Or, la méconnaissance actuelle du nombre et du volume des petites retenues d’eau utilisées pour un usage
9
agricole ou de loisir (pêche par exemple), dont certaines n’atteignent pas ce seuil de 10 000 m3, ne permet
pas d’avoir une vision exhaustive des prélèvements par l’intermédiaire de ces plans d’eau. Par ailleurs, il est
important de noter l’absence de données chiffrées concernant les prélèvements directs par les animaux
d’élevage par abreuvement direct en cours d’eau ou en plan d’eau. Ceux‐ci ne sont pas réglementairement
reconnus comme étant des prélèvements et ne sont bien évidemment pas soumis à déclaration ou
autorisation. Ainsi, sur des territoires d’élevage, comme c’est le cas en moyenne montagne, il est d’autant
plus complexe de chiffrer précisément les volumes réellement prélevés dans le milieu.
Ainsi, il est possible que les volumes prélevés par le domaine agricole soient sensiblement plus importants.
Ce qui n’est pas neutre dans une analyse globale puisque, l’activité agricole constitue la majeure partie de la
consommation1 d’eau en France : environ 70 % de la consommation nette, soit l’eau qui n’est pas restituée
au milieu naturel (cours d’eau, nappes). Notons par ailleurs la variabilité temporelle des prélèvements,
l’essentiel de ceux‐ci étant effectués par l’agriculture au printemps et en été, période au cours de laquelle
l’agriculture représente 80 % des prélèvements effectués. C’est aussi le secteur le plus touché par les
pénuries d’eau et les sécheresses qui deviennent récurrentes sur ces périodes.
La préservation du secteur agricole constitue un enjeu majeur tant sur le plan social qu’économique. Mais il
s’agit de ne pas occulter l’ensemble des autres usages de l’eau tels que l’alimentation en eau potable,
l’industrie et la préservation de l’environnement, notamment de la biodiversité. La question de la
préservation de la ressource en eau est une question d’intérêt général qu’il convient d’aborder à différentes
échelles et avec une vision globale. Ainsi, selon le SDAGE Rhône‐Méditerranée, « l’adaptation au changement
climatique ne doit pas être abordée uniquement sous l’angle de la gestion quantitative de la ressource ». C’est
tout l’objet des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), « démarche reposant sur une approche
globale et coconstruite de la ressource en eau sur un périmètre cohérent d’un point de vue hydrologique ou
hydrogéologique » (Instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 – voir partie 6).
1.2. L’adaptation au changement climatique de l’agriculture dans le Massif central
En France métropolitaine, les projections scientifiques évoquent +1,3 à + 5.3°C en été à la fin du siècle, selon
les modèles considérés, ainsi que des évènements météorologiques extrêmes plus intenses et réguliers
(canicules, sécheresses, précipitations intenses…). Les tensions sur la ressource en eau disponible seront
donc amenées à augmenter.
Dans le domaine agricole, avec « une augmentation de l’évapotranspiration » estimée de 10 à 30 %, « la
demande en eau pourrait croître pour irriguer certaines parcelles qui ne le sont pas aujourd’hui et sécuriser
les revenus » (SDAGE Rhône‐Méditerranée, 2015). Or, le Ministère de la Transition écologique estime « un
manque de 2 milliards de m3 d’eau en 2050 en France si la demande reste stable » (Observatoire national sur
les effets du réchauffement climatique, 2020).
Face à ces constats et afin de favoriser l’adaptation au changement climatique de l’agriculture dans le Massif
central, le projet « Adaptations des Pratiques Culturales au Changement Climatique (AP3C) » (2015‐2019)
vise à « obtenir des informations localisées permettant une analyse fine des impacts du changement
climatique sur le territoire ».
Les résultats de ce projet présentent des projections climatiques, agronomiques et des bilans hydriques réels
à l’horizon 2050 sur une centaine de stations réparties sur 11 départements du Massif central. La
présentation détaillée du projet ainsi que les résultats diffusés sont disponibles sur une page dédiée :
https://www.sidam‐massifcentral.fr/developpement/ap3c/
1
Attention à bien distinguer les notions de « prélèvement » et de « consommation ». Les prélèvements peuvent être
restitués en tout ou partie au milieu naturel. Lorsque l’eau prélevée n’est pas restituée, il s’agit d’une consommation.
C’est le cas pour l’eau agricole, mais aussi pour l’eau de consommation humaine ou pour celle qui s’évapore dans les
cheminées de centrales nucléaires par exemple.
10
1.2.1. Synthèse des résultats
Afin de récolter des données plus précises sur le territoire de l’étude, les résumés des projections
agronomiques, climatiques et des bilans hydriques réels sur les stations du Cantal et de la Haute‐Loire ont
été récupérés auprès du porteur du projet (SIDAM). L’ensemble des documents est disponible en annexe 3.
La partie ci‐dessous présente une synthèse des tendances observées pour 4 stations situées à proximité ou
sur le bassin versant de l’Alagnon : Coltines (15), Marcenat (15), Saint‐Flour (15) et Fontannes (43) (les cartes
de localisation des stations sont disponibles dans les documents fournis en annexe 3).
1.2.2. Résultats climatiques
PRÉCIPITATIONS TEMPÉRATURES
Nombres de jours « très
Cumul mensuel de Nombre de jours avec Températures chauds » avec
STATIONS
précipitations (en mm) précipitations > 10 mm mensuelles moyennes température maximale ≥
30 °C
Plus faible de Plus faibles de
Augmentation sur Légère augmentation
novembre à mai, plus novembre à mai, plus
l’ensemble des mois de mai à septembre
important de juin à importants de juin à
Moyenne annuelle en Nombre annuel en
MARCENAT (15) octobre octobre
augmentation d’environ légère augmentation
Cumul annuel stable Nombre annuel stable
1 °C (3,9 °C en 2020 ; (2,8 j en 2020 ; 3,5 j en
(1166 mm en 2020 ; (39 jours en 2020 et
4,8 °C en 2050) 2050)
1162 mm en 2050) 2050)
Légère baisse de juin à
Plus faible d’octobre à
Plus faible d’octobre à septembre,
février, plus important Légère augmentation
janvier, plus important augmentation sur le
de mai à septembre de mai à septembre
de mai à septembre reste de l’année
COLTINES (15) Augmentation du Nombre annuel en
Nombre annuel stable Moyenne annuelle en
cumul annuel (670 mm légère augmentation (8 j
(20 jours en 2020 ; 21 augmentation d’environ
en 2020 ; 710 mm en en 2020 ; 11 j en 2050)
jours en 2050) 1 °C (2,5 °C en 2020 ;
2050)
3,5 °C en 2050)
Stable de janvier à
Stable de janvier à
mai ; légère
mai ; légère Légère augmentation
augmentation de juin à
augmentation de juin à de janvier à mai, et de Pas d’évolution
septembre ; légère baisse
septembre ; légère baisse septembre à décembre significative
de novembre à
ST FLOUR (15) de novembre à Moyenne annuelle en Nombre annuel
décembre
décembre augmentation d’environ globalement stable (8 j en
Légère augmentation
Nombre annuel stable 1 °C (4,5 °C en 2020 ; 2020 ; 8,5 j en 2050)
du cumul annuel
(23 jours en 2020 ; 24 5,4 °C en 2050)
(769 mm en 2020 ;
jours en 2050)
788 mm en 2050)
Augmentation de juin
Globalement stable,
à septembre, légère Légère augmentation
légère augmentation de Légère augmentation
baisse de novembre à d’octobre à avril
juin à septembre d’avril à juin
janvier Moyenne annuelle en
FONTANNES (43) Nombre annuel Nombre annuel en
Légère augmentation augmentation d’environ
globalement stable (6 légère augmentation (32 j
du cumul annuel 1 °C (5,9 °C en 2020 ;
jours en 2020 ; 7 jours en en 2020 ; 37 j en 2050)
(568 mm en 2020 ; 6,9 °C en 2050)
2050)
595 mm en 2050)
Tableau 3 : Synthèse de 4 données climatiques sur les stations étudiées, pour la période 2020‐2050
Ces résultats montrent une augmentation du cumul annuel des précipitations sur 3 des 4 stations étudiées.
Des tendances à la baisse sont observées sur les mois d’automne et d’hiver, tandis que les augmentations
sont concentrées au printemps et en été. L’évolution du nombre de jours avec des précipitations supérieures
à 10 mm est également stable sur l’ensemble des stations, avec de légères augmentations en période estivale
et diminutions en période hivernale.
Pour l’augmentation des températures annuelles moyennes, celles‐ci sont situées autour de 1 °C à
l’horizon 2050. Le nombre de jours « très chauds » est quant à lui stable ou en légère augmentation suivant
les stations.
11
Plus d’éléments concernant les évolutions climatiques dans le Massif central sont fournis dans le document
suivant.
1.2.3. Synthèse des résultats bilans hydriques réels (BHR)
Pour l’ensemble des 4 stations, les résultats montrent une baisse des écoulements‐débordement du sol à
l’horizon 2050. Ceci indique donc une tendance à la diminution des débits des cours d’eau, mais aussi des
capacités de remplissage des retenues.
Plus de détails sur les résultats issus des bilans hydriques réels sont disponibles dans les résumés disponibles
en annexe 3.
1.2.4. Synthèse des résultats agronomiques
L’analyse des 30 Indicateurs Agroclimatiques (IAC) ne permet pas de faire ressortir de tendances claires sur
l’évolution de la ressource en eau. En revanche, leur utilisation peut permettre d’accompagner les
agriculteurs du territoire dans l’adaptation de leurs pratiques face aux effets du changement climatique.
L’ensemble des indicateurs et résultats disponibles sont donnés dans l’annexe 3.
Plus de précisions concernant les impacts agronomiques en cours sur le Massif central sont également
disponibles dans le document suivant.
2. Les retenues : de quoi parle‐t‐on ?
2.1. Quelques définitions
La sémantique autour du mot « retenue » est large et complexe. Il peut être substitué par les différents
acteurs du territoire par « retenue de substitution », « lac de retenue », « réserves de substitution »,
« barrage », « bassine », etc. Cette diversité résulte des nombreux usages des retenues et de la variabilité des
dimensions et de fonctionnement.
La définition de « retenue d’eau » qu’elle soit collinaire ou sur cours d’eau est reprise et étayée dans plusieurs
ouvrages. Il convient de différencier l’ouvrage (digue, seuil ou barrage) de la fonction (retenue et stockage
d’eau, écrêtement de crue, etc.). La présente note concerne l’ensemble des ouvrages dont la fonction
principale est de stocker l’eau. Cette note utilisera donc le terme généraliste de « retenue ». Au besoin, il
pourra être précisé.
Voici plusieurs définitions précisant le terme :
Retenues (définition générale) : « toutes les installations ou ouvrages permettant de stocker de l’eau
(réserve, stockage d’eau, plan d’eau, étang, retenues collinaires, retenues de substitution) quel que
soit leur mode d’alimentation (par un cours d’eau, une nappe, par une résurgence karstique ou par
ruissellement) et quelle que soit leur finalité (agricole, soutien à l’étiage, usage AEP, maintien de la
sécurité des personnes, autres usages économiques) ». [D’après : Guide juridique construction de
retenues, Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, 2011]
Retenue collinaire : réserve artificielle d’eau construite à flanc de colline dans le but de stocker de
l’eau de ruissellement durant la période hivernale et la restituer dans une activité ayant des besoins
en eau en période estivale. Suivant la perméabilité des terrains et le risque de fuite d’eau, le fond
peut être rendu étanche par un voile artificiel ou une couche d’argile.
L’Agence de l’Eau RMC reprend une autre source (inconnue) pour envisager la retenue collinaire
comme un type particulier de retenue de stockage : « Une retenue collinaire est hors cours d’eau. Il
s’agit d’un ouvrage permettant de stocker de l’eau et dont le remplissage se fait soit en période de
pluies par ruissellement des eaux, soit par alimentation gravitaire depuis le cours d’eau, avec souvent
seul un débit minimum pour assurer la continuité hydrique du cours d’eau. Ce terme n’est pas employé
lorsque le remplissage est actif depuis un cours d’eau ou une nappe. » (Agence de l’Eau RMC, 2020).
Par ailleurs, les retenues collinaires ont « une capacité (volume en eau en limite de déversoir) allant
12
jusqu’à 1 million de m3. À partir de cette valeur et au‐delà, il s’agira de grands barrages » (Agence de
l’eau RMC, 2005).
Pour l’Agence de l’Eau Loire‐Bretagne, « sont définies comme retenues collinaires, les réserves
alimentées "par les seules eaux de ruissellement, lors des précipitations ou par pompage dans le
milieu en période d’excédent de la ressource en eau" et "ne doivent pas être traversées par un cours
d’eau permanent (ou non permanent s’il y a des frayères intéressantes)" (SCE & GREBE, 2000) » (L.
Roger, Irstea, 2013).
Retenues de substitution : « Ouvrages artificiels permettant de substituer des volumes prélevés à
l’étiage par des volumes prélevés en période de hautes eaux. Les retenues de substitution permettent
de stocker l’eau par des prélèvements anticipés ne mettant pas en péril les équilibres hydrologiques,
elles viennent en remplacement de prélèvements existants : c’est la notion de substitution. Certains
SDAGE donnent une définition plus restrictive de la notion de retenues de substitution, en particulier
en considérant qu’elles ne peuvent être situées qu’en dehors des cours d’eau. Dans chaque bassin, il
convient donc de se référer à la définition précisée par le SDAGE. » [D’après : Guide juridique
construction de retenues, Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du
Logement, 2011]
Pour L. Roger (Irstea, 2013), les retenues de substitution sont uniquement dédiées au soutien
d’irrigation pour les agriculteurs, tandis que les retenues collinaires peuvent être utilisées en tant
que ressource pour l’agriculture, mais aussi d’agrément pour la pêche, l’abreuvage ou
d’aménagement du paysage.
L’ensemble de ces ouvrages est généralement constitué d’un barrage ou d’un seuil, voire d’une ou plusieurs
digues pour certaines retenues de substitution.
Le terme « barrage » mérite d’être défini : communément, il s’agit de l’ouvrage d’art construit en travers du
lit du cours d’eau qui assure la retenue des eaux en vue d’en assurer un usage ultérieur. Sur le plan
règlementaire, le barrage est une catégorie d’ouvrages hydrauliques dont définition est fournie par
l’article R.214‐112 du code de l’environnement et la nomenclature IOTA (rubrique 3.2.5.0 du code de
l’environnement), en fonction de la hauteur de l’ouvrage et du volume d’eau stocké.
Selon la définition du Ministère de l’Écologie, « ce sont des ouvrages destinés à retenir temporairement une
quantité d’eau plus ou moins grande pour différents usages (production d’énergie hydroélectrique ;
alimentation en eau potable ; irrigation ; régulation des débits de cours d’eau ; activités touristiques…). De
fait, ils sont construits, le plus souvent, en travers d’un cours d’eau. Certains barrages sont toutefois construits
en dehors du lit majeur d’un cours d’eau et alimentés en dérivant une partie du débit de cours d’eau proches ;
c’est le cas des retenues collinaires (…) ». Ainsi, certaines retenues collinaires peuvent rentrer dans cette
catégorie, mais sans caractère systématique.
Notons enfin quelques définitions supplémentaires pour éviter les confusions :
Un lac est un plan d’eau situé dans une dépression naturelle où la durée de séjour des eaux et la
profondeur sont suffisantes pour créer une stratification thermique et où s’établit, du printemps à
l’automne, une stratification thermique stable. Il est en général d’une superficie supérieure à 200 ha
et d’une profondeur moyenne de 5 m.
Une retenue est un plan d’eau artificiel à vocation spécifique : hydroélectricité, soutien d’étiage,
irrigation, alimentation en eau potable. Généralement, ces plans d’eau sont caractérisés par une
profondeur irrégulière, un niveau variable (marnage) et une masse d’eau homogène.
Un étang est un plan d’eau d’origine naturelle ou artificielle, de faible profondeur, sans stratification
thermique stable. Il est alimenté essentiellement par son bassin pluvial. Sa surface est comprise entre
0.5 et 200 ha et sa profondeur est en général inférieure à 5 m.
13
Une mare est une petite étendue d’eau stagnante qui peut être temporaire. Elle est de superficie
inférieure à un étang et de faible profondeur : moins de 5000 m² de surface et moins de 2 m de
profondeur en général.
Une gravière est un plan d’eau d’origine artificielle créé par extraction de granulats et alimenté
essentiellement par la nappe phréatique (NB : l’ESCo de 2017 considère que les gravières ne sont pas
considérées comme étant des retenues d’eau).
2.2. Typologie des retenues d’eau
La diversité des retenues d’eau s’exprime au niveau de leurs usages, leurs modes d’alimentation et de
restitution de l’eau, leur positionnement dans le bassin versant, leur lien avec le cours d’eau, leur taille et
leur forme. Les travaux d’expertise scientifique collective (ESCo) menés par l’Office français de la Biodiversité
et l’INRAE entre 2014 et 2017 en proposent une typologie.
5 grands types de retenues sont distinguées en fonction de leur position par rapport au cours d’eau et de
leur mode d’alimentation (figure 1) : (1) pompage en nappe, (2) pompage dans la rivière, (3) retenue
collinaire alimentée par ruissellement (déconnectée du réseau hydrographique), (4) retenue en dérivation
du cours d’eau, (5) retenue en barrage sur le cours d’eau.
Figure 1 : Emplacement des retenues selon leur type d’alimentation (Source : F. Peyriguer (Irstea) d’après O. Douez (BRGM)).
Mais compte tenu de la variété des situations rencontrées sur le terrain, susceptibles d’entrainer des impacts
différents (autres modes d’alimentation, modalités de restitution de l’eau de la retenue, ainsi que ses
périodes d’alimentation ou de restitution d’eau au milieu), 23 types de retenues sont classées selon plusieurs
critères (figure 2 ci‐après) :
Leur implantation sur le bassin,
Leur type d’alimentation et d’exutoire,
L’existence ou non d’une restitution au cours d’eau.
14
Quelques repères chiffrés : les
retenues en France et dans le
monde
À l’échelle mondiale, le nombre
de réservoirs d’eau est estimé à
plus de 16 millions, pour un
volume stocké de 8 000 km3. Ce
qui représente la moitié du
stockage d’eau dans les sols et
1/6e des débits allant à la mer
(Source : F. Habets, 2020).
En France, 13 000 barrages sont
recensés, en dehors des
retenues collinaires. Les petites
retenues, incluant ces
dernières, sont estimées au
nombre de 125 000. Il est
courant d’avoir plus de
5 réservoirs par km², pour des
volumes stockés de plus de
10 000 m3/ km² (F. Habets).
Figure 2 : Typologie des retenues (Source : Les Rencontres n° 50, AFB, 11/2017)
15
3. Des retenues d’eau : pour quels usages ?
La recherche bibliographique n’a pas permis d’identifier d’études ou de documents spécifiquement dédiés à un
état des lieux des usages des retenues d’eau. Les éléments présentés ci‐après sont issus de plusieurs documents.
D’une manière générale, les retenues sont principalement utilisées pour un usage de production
hydroélectrique (l’écrasante majorité des volumes stockés se trouvant dans les grands barrages) et pour un
usage agricole. Les autres usages ne seront pas traités dans le détail dans la présente note, compte tenu de
la faiblesse des volumes concernés. Il est à noter que la question de l’usage renvoie aux modalités de
remplissage de la retenue et à la destination finale de l’eau stockée.
Figure 3 : Les différents usages, prélèvements, transferts et rejets sur un bassin versant théorique (© ARRA²)
3.1. Hydroélectricité :
Principale source de prélèvement en France et dans le monde, cet usage est prédominant dans le massif
alpin, dans le Sud‐Est de la France, et dans une moindre mesure dans les Pyrénées. Il s’agit de la première
source d’électricité renouvelable en France et la deuxième source d’électricité française. Elle couvre environ
10 % de l’électricité consommée (France Hydroélectricité). Les grands barrages alpins et les barrages éclusées
(sur le Rhône notamment) assurent l’essentiel de la production. De nombreuses petites et moyenne retenues
sont néanmoins utilisées pour une petite production hydroélectrique.
Les retenues concernées sont alimentées par les rivières, soit par pompage, soit par alimentation gravitaire.
Qu’il s’agisse de retenues en dérivation (types T4), en lit mineur (types T5) ou par pompage (types T2), les
eaux stockées sont systématiquement restituées au milieu lors des turbinages.
16
3.2. Agricole :
« 80 % des prélèvements en eau par l’agriculture sont destinés à l’irrigation, même si celle‐ci n’est pratiquée
que sur 5 % de la surface agricole utilisée nationale. Les autres principaux usages, en partie réalisés à partir
du réseau public d’eau potable, sont l’abreuvement des animaux et le nettoyage des bâtiments et du matériel.
En 2013, les volumes d’eau destinés aux usages agricoles s’élèvent à 2,7 milliards de m3, soit 1 700 m3/ha
irrigués. Depuis 2000, les prélèvements sont stables. » (Datalab CGEDD, 2018). Il ne s’agit pas ici directement
de retenues d’eau, car les prélèvements dédiés à l’irrigation sont parfois directement effectués dans la nappe
phréatique ou dans le cours d’eau. Aucune donnée chiffrée n’a été trouvée sur les volumes utilisés par
l’agriculture par l’intermédiaire uniquement de retenues. Néanmoins, il est raisonnable de considérer qu’il
s’agit là d’une part majoritaire des volumes utilisés.
Dans le Cantal et plus globalement sur l’amont du bassin de l’Allier, les surfaces agricoles utilisées irriguées
sont très faibles (entre 0 et 1 % pour le Cantal, de 1 à 5 % pour le Puy‐de‐Dôme et l’Allier entre 2000 et 2010
– Datalab CGEDD, 2018, p. 30). L’essentiel des surfaces irriguées se trouve sur l’aval du bassin de la Loire.
L’irrigation en agriculture sert à augmenter les rendements et à sécuriser les productions en période estivale.
Elle permet aux exploitants de faire face à des périodes de sécheresse. Elle est utilisée principalement pour
des cultures gourmandes en eau : « le maïs, la pomme de terre, le soja, les cultures fruitières et les légumes
sont les cultures qui ont le plus besoin d’être irriguées. Le maïs grain est la culture où l’apport moyen est le
plus élevé, environ 154 mm d’eau contre 57 mm pour un blé tendre (source : enquête Agreste, pratiques
culturales – 2011) » (Datalab CGEDD, 2018). Elle est utilisée également pour la production de fourrage dédié
à l’alimentation du bétail. Des pénuries importantes de fourrage en période de sécheresse printanière ou
estivale sont d’ailleurs observées.
La particularité de l’usage agricole de l’eau tient au fait que l’eau utilisée par les plantes ou les animaux
est rendue indisponible pour autrui, donc pour un autre usage. Elle « n’est pas remise en circulation, ni
restituée au bassin versant ; elle reste stockée par les végétaux ou est évapotranspirée dans l’atmosphère,
sans pouvoir être disponible pour le milieu naturel » (B. Grimonprez, 2019). C’est ce qui explique la différence
importante entre proportion des prélèvements en eau par l’agriculture par rapport aux autres usages (8,5 %
en 2016, hors hydroélectricité) et sa consommation nette (près de 70 % de l’eau consommée en moyenne
sur l’année, mais jusqu’à 79 % au plus fort de la saison sèche).
L’argumentaire des syndicats agricoles (ici la Coordination Rurale2) pour développer le stockage de l’eau
repose principalement sur la comparaison des volumes prélevés par l’agriculture en France (environ
5 milliards de m3 par an) avec le volume de la ressource en eau à l’échelle métropolitaine (175 milliards de m3
en moyenne annuelle, soit la somme des débits des rivières – Source inconnue) et le volume global des
nappes phréatiques (2 000 milliards de m3 – Source : BRGM, 2005). En somme, il est estimé par les syndicats
agricoles que la consommation agricole pour l’irrigation issue de prélèvements en rivière est de 2,8 % du
volume d’eau disponible en moyenne annuelle (5/175 milliards de m3) et que celle issue de prélèvement dans
les nappes est de 0,07 % du stock disponible (1,55/2 000 milliards de m3).
Cependant, « le niveau relativement faible peut faire croire qu’aucune économie d’eau n’est nécessaire, la
ressource paraissant sous‐utilisée (comparativement à l’Espagne par exemple qui utilise 19 % de sa ressource
en irrigation). Ces données générales ne sont cependant pas totalement probantes. Elles masquent de
2
Seul argumentaire écrit et en libre accès trouvé lors des recherches bibliographiques : accessible ici. Néanmoins, la
coordination rurale n’est pas le seul syndicat à militer en faveur des retenues. Selon le rapport parlementaire sur la
gestion des conflits des usages de l’eau en situation de pénurie (2020), « une majorité d’agriculteurs irrigants,
notamment représentés par Irrigants de France, les Jeunes agriculteurs (JA) ou la Fédération nationale des syndicats
d’exploitants agricoles (FNSEA), s’est exprimée en faveur des retenues d’eau de substitution, considérant que ces
aménagements leur permettront d’assurer le rendement de leurs cultures et la sécurité d’un revenu en période de
tension ».
17
grandes disparités tant spatiales que temporelles. En réalité, la pression est la plus forte là et quand il y a le
moins d’eau disponible. L’écosystème malade n’est pas imaginaire. » (B. Grimonprez, 2019).
Tous les types de retenues cités précédemment sont concernés par cet usage agricole, indépendamment de
leur taille. On parlera de retenue de substitution lorsque celle‐ci est exclusivement dédiée à l’irrigation et
qu’elle permet de capter en hiver les volumes d’eau jusque‐là prélevés en période d’étiage. L’objectif est de
préserver les équilibres hydrologiques, biologiques et morphologiques des milieux récepteurs.
3.3. D’autres usages plus diffus :
Les retenues d’eau peuvent avoir d’autres usages selon les contextes locaux et les enjeux du territoire. Parmi
ceux‐ci, quatre usages sont relativement répandus dans le monde comme en France.
3.3.1. Alimentation en eau potable :
Cet usage se retrouve notamment dans la partie Sud de la France et les zones méditerranéennes, par exemple
l’alimentation de la Métropole Aix Marseille en eau potable qui dépend intégralement des eaux de la Durance
et des canaux de dérivation.
3.3.2. Réservoir incendie :
Cet usage est également répandu dans la partie Sud de la France et les zones méditerranéennes, avec
l’utilisation de grands barrages réservoirs permettant d’alimenter les réseaux de défense contre les incendies
de forêt. Le reste du pays n’est que très peu concerné par cet usage.
3.3.3. Soutien aux étiages :
Cet usage est très répandu, notamment dans la partie Sud de la France et les zones méditerranéennes à
l’exemple du barrage de Serre‐Ponçon sur la Durance qui a permis de supprimer les périodes d’assecs
estivaux de cet affluent du Rhône. Sur le bassin ligérien, les barrages de Naussac (exclusivement dédié à cet
usage) et de Villerest (associé à l’écrêtement des crues, avec un usage hydroélectrique secondaire) en sont
les principaux exemples. Autre exemple, celui des trois lacs de la Forêt d’Orient qui ont pour vocation de
soutenir les débits de la Seine afin d’assurer la navigation jusqu’à la mer.
3.3.4. Lutte contre les inondations :
L’exemple des trois lacs de la Forêt d’Orient sur le bassin de la Seine est typique de cet usage. Ces retenues
ont été créées pour protéger la capitale des inondations les plus importantes. D’autres exemples de barrages
retenues de tailles plus ou moins importantes ont également cette vocation en France, mais il s’agit rarement
de l’usage principal.
Parmi les autres usages des retenues qui ne seront pas détaillés dans cette note, citons :
Loisirs (navigation, baignade, halieutisme, etc.) : ces usages sont le plus souvent associés aux lacs
de grands barrages (Serre‐Ponçon, Naussac, Verdon, etc.), mais peuvent aussi concerner des
petites et moyennes retenues, notamment avec l’activité de pêche.
Nivoculture : cet aspect ne sera pas développé dans la présente note. Il s’agit d’un usage très
répandu en zone de montagne concernée par l’activité touristique hivernale.
Aquaculture : cet usage ne sera pas non plus traité ici.
Agrément, paysager : nombreuses anciennes retenues agricoles qui ont été conservées par leur
propriétaire pour simple agrément.
Sans usage : certaines retenues sont abandonnées et n’ont plus aucun usage.
3.4. Des retenues multi‐usages et des conflits
Une retenue peut être utile à plusieurs usages, soit en même temps, soit de manière décalée dans le temps
ou dans l’espace. Ce partage des volumes stockés entraine ainsi régulièrement des conflits d’usages.
18
Sans aller jusqu’au contentieux, l’exemple du grand barrage de Naussac sur l’Allier illustre les emboitements
d’échelles spatiales et temporelles des conflits d’usages. À l’origine, ce barrage a été créé pour participer au
soutien d'étiage de l'Allier (usages eau potable et irrigation, notamment) et de la Loire. Conjointement avec
Villerest, il permet d'assurer les usages sur la Loire, à l’aval de la confluence, notamment un bon
refroidissement des centrales nucléaires situées plus en aval. En créant cette vaste étendue d’eau, le village
de Naussac a été noyé et des populations ont été expropriées pour assurer l'ensemble de ces besoins, à la
fois proches et lointains.
Aujourd’hui, le lac a également un usage touristique et de loisirs qui a nécessité des arbitrages locaux entre
les besoins en soutien d’étiage de l’Allier et de la Loire qui font baisser le niveau du lac et les besoins locaux
liés aux loisirs qui nécessitent un niveau d’eau satisfaisant, tant dans le lac qu’en aval, dans les gorges de
l’Allier pour assurer les activités touristiques (eau vive par exemple). La retenue de Naussac reste cependant
gérée indépendamment des enjeux touristiques en saison d'étiage, priorité étant donnée au soutien des
débits à l’aval.
Le rapport parlementaire sur la gestion des conflits d’usages en situation de pénurie d’eau (2020) note que
« s’agissant (…) des retenues de substitution multi‐usages, des désaccords existent quant à leur utilisation,
certains acteurs souhaitant les déstocker pendant l’été (notamment les irrigants, les pêcheurs, les
gestionnaires de canaux, etc.) et d’autres limiter leur déstockage (hydroélectriciens, acteurs du tourisme sur
les lacs, services de lutte contre les incendies, etc.) ». Ces désaccords amènent régulièrement à des
contentieux.
Les exemples récents de Caussade ou de Sivens peuvent être cités comme exemples de contentieux et de
conflits d’usages liés à l’utilisation et la captation des ressources en eau par un seul type d’acteurs :
d’une part, les eaux captées par les retenues d’eau sont rendues indisponibles pour les autres usages
à l’aval du bassin versant (AEP, agriculture, soutien d’étiage, etc.),
d’autre part, la création même de la retenue modifie l’usage du sol sur une zone conséquente et
détruit des milieux et habitats naturels favorables à la biodiversité.
3.5. La modification des usages par la création de retenues
La création de retenues d’eau sur un bassin versant peut avoir pour conséquences de modifier ou de faire
évoluer de manière sensible les usages et l’occupation du sol au niveau du territoire. Peu d’éléments ont été
identifiés dans les recherches bibliographiques. Celles‐ci mériteraient d’être approfondies notamment sur
l’aspect « occupation du sol ». Néanmoins, des approches et éléments intéressants se retrouvent dans les
travaux et publications de Florence Habets du CNRS et dans des rapports institutionnels.
Il ressort notamment qu’en augmentant les réserves d’eau disponibles et les volumes stockés, il est
fréquemment observé une augmentation des surfaces irriguées ou de la consommation en eau potable. Une
plus grande disponibilité en eau n’incite pas à des gains de rendement de cette eau.
Ainsi, dans le domaine agricole, il semble que les économies d’eau réelles soient très fortement inférieures
aux volumes substitués ou transférés entre bassins versants. « Plutôt que de développer des stratégies de
réduction des consommations, on induit une dépendance accrue aux infrastructures d’approvisionnement en
eau : ce qui renforce la vulnérabilité et les dégâts économiques en cas de pénurie d’eau » (F. Habets, 2019).
La sous‐partie « Impacts sur le bilan hydrique (5.1.2) » fournit davantage de détails sur les conséquences
socio‐économiques des retenues et la mise en place d’un cercle vicieux amenant artificiellement à une
intensification des phénomènes de sécheresse. Le tout est explicité par Florence Habets dans un article
publié dans « The Conversation » en 2019.
19
4. Réglementation applicable aux projets de création d’ouvrages
4.1. La création de retenues d’eau : quelle réglementation ?
L’ensemble des points de la réglementation vis‐à‐vis de la création de retenues ne sera pas repris. En effet,
le Ministère de l’Écologie a édité en 2013 un « Guide juridique des constructions de retenues » jugé à la fois
complet et synthétique. Il reprend dans un premier temps les seuils de la nomenclature loi sur l’eau, rappelle
les procédures à suivre, détaille ensuite le contenu des dossiers et les modalités de leur instruction, puis
renvoie et détaille les autres procédures pouvant s’appliquer à un projet de retenue. Le document complet
est fourni en annexe 2 de la présente note. Il s’agit ici d’en présenter quelques grands points saillants et
d’apporter quelques précisions et interprétations.
Les projets de retenues sont soumis aux principes de gestion de la ressource en eau fixés par les SDAGE, dont
les prescriptions peuvent être adaptées au niveau des sous‐bassins par les SAGE. Celles‐ci ont un caractère
règlementaire au niveau local et peuvent être opposées aux pétitionnaires. Il y a donc une obligation de
compatibilité avec le SDAGE et, s’il en existe un, avec les dispositions du PAGD du SAGE et de conformité au
règlement du SAGE.
Benoit Grimonprez, professeur à l’Université de Bourgogne et chercheur en droit rural et de l’environnement
(2019) explique par ailleurs que « (…) la réalisation d’ouvrages de stockage d’eau doit être autorisée par les
représentants de l’État qui contrôlent sa légitimité autant que son innocuité pour l’environnement. En raison
de leurs divers impacts potentiels, les projets relèvent d’une pluralité de régimes de police administrative :
nomenclature « Eau », zones Natura 2000, espèces protégées, défrichement, permis d’urbanisme, archéologie
préventive... ». Il précise également que le « régime d’autorisation environnementale unique a (..) été créé
par l’ordonnance n° 2017‐80 du 26 janvier 2017 (C. env., art. L. 181‐1 et s.) qui simplifie, en partie seulement,
les démarches » présentées dans le « Guide juridique des constructions de retenues » précédemment cité
(annexe 2).
Notons par ailleurs que des arrêtés ministériels portant prescriptions générales encadrent également la
création et le fonctionnement des retenues.
L’essentiel de la réglementation relative aux retenues est regroupé dans le Code de l’Environnement (CE),
notamment dans le cadre de la loi sur l’eau, mais également dans d’autres réglementations, telles que le
Code civil ou le Code de l’urbanisme.
En application du CE, la création d’un plan d’eau peut nécessiter une déclaration ou une demande
d’autorisation administrative. « Dans les deux cas, le pétitionnaire doit fournir aux services de l’État un
document d’incidences (C. env., art. R. 181‐14). Pour les ouvrages relevant du régime d’autorisation, cela
prend la forme d’une étude d’impact, soit systématique, soit après un examen au cas par cas. L’évaluation
des conséquences notables du projet est un point essentiel de sa légalité et souvent de sa fragilité. L’analyse
doit porter sur les incidences, positives comme négatives, directes et indirectes, temporaires et permanentes
de la construction sur la ressource en eau et le milieu aquatique » (B. Grimonprez, 2019).
Ainsi, ces ouvrages sont soumis à la « nomenclature Loi sur l’eau » (voir les rubriques
IOTA « 1 ‐ Prélèvements », « 3 ‐ Impacts sur le milieu aquatique ou sur la sécurité publique » listées dans la
nomenclature ‐ Article R.214‐1 du code de l’environnement). « La création d’une retenue pourra relever de
plusieurs rubriques selon le mode d’alimentation de la future retenue, son emplacement, ses caractéristiques
géométriques (hauteur et volume). (…) Dans ce cas, si l’opération se trouve soumise selon les rubriques
concernées à la fois au régime de l’autorisation et à celui de la déclaration, le régime de l’autorisation prévaut
en raison du caractère cumulatif des effets sur la ressource et les milieux aquatiques » (Guide juridique des
constructions de retenues, 2013, Ministère de l’Écologie).
Le code de l’environnement exige par ailleurs que soit évalué l’impact cumulé de tous les ouvrages
programmés sur un même territoire (art. R.122‐5). « Les études d’incidences ou d’impacts doivent faire
20
apparaître les mesures que le maître de l’ouvrage prévoit pour éviter les effets négatifs notables du projet sur
l’environnement ou la santé humaine, réduire ceux jugés imparables, et compenser, lorsque cela est possible,
les dommages résiduels (C. env., art. R. 122‐5, II, 8° et R. 181‐14) » (B. Grimonprez, 2019).
Les documents d’incidences déposés par les pétitionnaires sont instruits selon les critères suivants :
compatibilité avec les SDAGE et SAGE,
prise en compte des impacts cumulés des ouvrages,
évaluation suffisante des incidences Natura 2000,
prise en compte de la présence de zones humides,
prise en compte des enjeux de protection des espèces animales et végétales et de leurs habitats,
prise en compte des enjeux associés aux cours d’eau,
pertinence et caractère suffisant des mesures de corrections ou de compensations.
Le « Guide juridique des constructions de retenues » édité par le Ministère de l’Écologie fournit plus de détails
et une vision globale de la procédure d’instruction des dossiers de retenues, des critères retenus et des autres
procédures pouvant s’appliquer à un projet3 :
Le régime d’autorisation propre à Natura 2000
Autorisation complémentaire « santé publique » pour « les IOTA situés dans le périmètre de
protection d’une source d’eau minérale naturelle déclarée d’intérêt général et qui comportent des
opérations de sondage ou de travail souterrain »,
Déclaration préalable de travaux et permis d’aménagement, au titre du code de l’urbanisme,
Archéologie préventive, dans des cas précis et pour les projets situés dans des zones répertoriées
dans les cartes archéologiques nationales,
Autorisation de défrichement, au titre notamment du code forestier, du code de l’environnement et
du code de l’urbanisme.
5. Impacts des retenues sur les ressources en eau et les milieux
aquatiques : du local au global
Les ouvrages de référence concernant l’évaluation des impacts des retenues sur l’environnement sont issus du
travail d’expertise scientifique collective (ESCo) mené par l’OFB et INRAE entre 2014 et 2017, regroupant une
quinzaine d’experts qui ont « passé en revue un millier d’articles scientifiques et rapports internationaux pour
dresser un état des lieux des connaissances disponibles ». Ce groupe de travail a produit plusieurs rapports au
cours de la période, allant du rapport scientifique complet (341 pages) au rapport opérationnel (120 pages), en
passant par un rapport synthétique (114 pages) et exécutif (8 pages). L’aboutissement de ce travail est le guide
« Comprendre pour agir n° 28 ‐ Impact cumulé des retenues d’eau sur le milieu aquatique » de 2017. Il s’agit ici
de faire ressortir les principaux points de cette étude en s’appuyant notamment sur le rapport de synthèse
(2016), ainsi que sur l’étude préalable menée en 2013 par L. Roger d’INRAE (ex‐Irstea). Les données chiffrées
ne seront que rarement reprises dans cette note. Plus de détails sont en effet disponibles dans les rapports de
l’ESCo.
L’expertise menée a confirmé la réalité des effets des retenues sur les écosystèmes aquatiques, mais aussi
leur complexité, leur diversité et la variabilité de leur intensité. L’étude des effets d’une retenue isolée « a
permis de faire le point sur la compréhension des processus en jeu, de révéler de multiples interactions entre
ces processus et d’identifier de nombreux facteurs d’influence », avant de s’intéresser au cumul de ces impacts
à l’échelle d’une succession de retenues.
3
Guide juridique des constructions de retenues : https://www.ecologie.gouv.fr/ouvrages‐hydrauliques‐barrages‐et‐
digues
21
L’ESCo a « mis en évidence la faiblesse des connaissances sur l’effet environnemental cumulé des retenues ».
Très peu d’études abordent leur influence cumulée sur l’ensemble des caractéristiques fonctionnelles,
malgré l’importance des interactions entre elles. La rareté du sujet des effets cumulés dans la littérature
scientifique a amené les experts à élargir le champ de recherche à d’autres types de plans d’eau ou de milieux
sur lesquels le cumul est davantage étudié. Cela
représente une limite importante dans ces
travaux. Néanmoins, ceux‐ci ont le mérite d’avoir
énormément fait progresser la réflexion sur le
point de la méthodologie et de faire ressortir les
points essentiels pour analyser les impacts
cumulés : « la répartition des retenues au sein du
bassin versant, la connectivité hydrologique et
écologique entre les retenues, les zones du bassin
versant et les différents tronçons du réseau
hydrographique concernés ». En ressortent des
propositions méthodologiques et opérationnelles
pertinentes pour les acteurs des territoires, dont
notamment un tableau d’analyse recensant
l’intégralité des impacts potentiels que peut
induire chaque type de retenue et une liste des Figure 4 : impacts cumulés des retenues sur un bassin versant
données utiles à l’analyse (fournis en annexe). Les (AFB, 2017)
travaux de recherche continuent en s’appuyant sur plusieurs bassins versants « atelier » aux caractéristiques
contrastées dans le cadre de l’appel à projets ICRA.
Deux compartiments sont considérés pour appréhender l’effet d’une retenue isolée : le nouveau milieu
aquatique créé par la retenue et le cours d’eau (aval et amont). Les effets qu’elle induit sont très dépendants
du contexte et influencés notamment par la conjonction des trois composantes suivantes, qui sont
étroitement liées :
les flux entrants dans la retenue, déterminés par le bassin versant d’alimentation de la retenue,
les caractéristiques propres de la retenue : taille, morphologie, volume et dynamique de
prélèvement,
le mode de restitution de l’eau à l’aval, le cas échéant : fonctionnement par débordement,
profondeur de la prise d’eau, maintien ou non d’un débit réservé.
L’expertise sur les effets cumulés « a mis en évidence la nécessité de prendre en compte les temps longs dans
l’analyse », certains processus étant « en effet susceptibles de s’exprimer sur plusieurs dizaines d’années »
(morphologie des cours d’eau, mobilité d’éléments chimiques stockés comme le phosphore, les ETM ou les
pesticides, évolution des populations des organismes liés au milieu aquatique). « De plus, la présence des
retenues affecte la temporalité de l’hydrosystème : les flux transférés dans le système (eau, nitrate,
différentes formes du phosphore, sédiments grossiers) évoluent non seulement en termes de cumul (à l’échelle
annuelle par exemple), mais aussi en termes de dynamique temporelle. (…) Cette évolution peut parfois se
traduire par un effet de décalage dans le temps, par un amortissement de la variabilité temporelle, ou au
contraire son accentuation ». Enfin, il est préconisé dans cette étude « de mener une démarche à deux
échelles emboitées, permettant de considérer avec plus d’attention certaines zones du bassin, plus sensibles
ou a priori sujettes à une pression plus forte, tout en ayant une vision d’ensemble du fonctionnement du
bassin » par l’intermédiaire d’une étude préalable à l’échelle d’un SAGE par exemple.
22
5.1. Impacts quantitatifs
5.1.1. Impacts sur l’hydrologie
Les effets des retenues sur l’hydrologie et les débits des cours d’eau sont les mieux connus avec de
nombreuses études à l’échelle internationale et en France, dont celle d’Ecosphère & Hydrosphère (2001,
reprise par L. Roger, 2013) ou les rapports scientifiques de l’ESCo (2016).
De manière générale, ils sont liés à plusieurs facteurs :
l’intensité des pertes par infiltration ou par évaporation et des prélèvements qui influencent les
volumes disponibles en aval :
o Les pertes par infiltration dépendent de la nature du sol et de sa capacité à être saturé ou
non en eau. Un sol argileux ou composé au moins partiellement de limons connaitra moins
de pertes.
o L’évaporation est quant à elle proportionnelle à la température de l’air et à la surface du plan
d’eau. Elle est donc plus forte en période estivale et sur de grandes superficies. L’impact
hydrologique de ces pertes est significatif si elles constituent une proportion significative du
débit d’étiage du cours d’eau.
o Les prélèvements constituent eux une perte nette pour le cours d’eau et la nappe
d’accompagnement proportionnelle à leur volume.
la capacité de stockage, qui implique a minima un déphasage entre les flux d’entrée (en période
automnale et hivernale en général) et de sortie (en période estivale) de la retenue,
la localisation de la retenue au sein du bassin versant et par rapport au réseau hydrographique de
surface : qu’elle soit située sur l’amont ou sur l’aval du bassin versant et qu’elle soit directement
connectée ou non aux cours d’eau, la retenue n’aura pas les mêmes effets. L’impact attendu dépend
donc directement du type de retenue (voir la typologie de l’ESCo),
le mode de gestion : les volumes et le calendrier des prélèvements, les débits réservés au cours
d’eau, la déconnexion de remplissage, par exemple, influent fortement sur l’hydrologie.
À l’échelle du bassin versant, « l’impact des plans d’eau en barrage (en série) ou en dérivation est maximum
sur les apports en eau du bassin versant. En effet, les plans d’eau en série interceptent la totalité des apports
en eau. Il s’agit d’une véritable disparition d’un tronçon du cours d’eau. (…) Les plans d’eau situés sur une
source ou alimentés par les eaux de ruissellement (correspondants à la définition restreinte des retenues
collinaires à usage agricole) ont une alimentation non maîtrisée et interceptent la totalité des eaux pluviales
ainsi que des sources pour les premiers. L’interception des eaux pluviales entraine plusieurs effets :
L’épuisement des nappes d’accompagnement et donc la hausse des étiages,
La diminution de l’impact bénéfique des pluies estivales qui participent au regonflement des rivières,
La diminution des débits d’étiage due à l’impact cumulé des ouvrages en tête de bassin.
L’interception des sources en amont conduit pour sa part à l’assèchement des cours d’eau en aval. » (L. Roger,
2013 d’après Ecosphère & Hydrosphère, 2001).
Les différentes études analysées à l’échelle internationale par l’ESCo font ressortir une réduction importante
du débit annuel des cours d’eau (de 7 à 35 %), ainsi qu’une diminution saisonnière avec des débits d’étiage
et de crue réduits, tout comme la variabilité annuelle des débits. Ces impacts sont encore plus marqués au
cours des années sèches (jusqu’à 50 % de réduction des débits). À l’échelle mondiale, ces réductions ont un
impact sur les estuaires et les océans qui se fait sentir sur plusieurs décennies.
En conclusion sur les impacts hydrologiques des retenues, L. Roger (2013) les synthétise de la manière
suivante : « Globalement, une diminution du débit est observée à l’aval des plans d’eau en fonctionnement
normal. On observe une diminution des volumes de crue et une sévérité des étiages renforcée. L’impact des
23
plans d’eau placés en série et en dérivation est maximal par la déconnexion qu’ils provoquent. L’interception
des eaux de pluie induit l’épuisement des nappes d’accompagnement. Les vidanges et les lâchures entrainent
des hausses brutales du débit et un bouleversement du régime hydrologique du cours d’eau. L’évaporation
provoque un surplus de pertes hydriques par rapport à un couvert végétal et une perte nette au niveau de la
nappe d’accompagnement. L’impact hydrologique de l’évaporation va dépendre de sa proportion vis‐à‐vis du
débit d’étiage. Plus celui‐ci est faible et plus les pertes en eau seront marquées ».
Quelques estimations chiffrées et éléments de compréhension :
Selon la FRAPNA (2007), sur un plan d’eau, « l’absence de courant favorise le réchauffement des eaux. Il en
résulte un accroissement de l’évaporation. Pour le sud‐est de la France, l’évaporation est évaluée en moyenne
à 0,55 litre (l) par seconde (s) et par hectare (ha), pendant les 3 mois d’été. Ainsi, pour 12 heures
d’ensoleillement pour un plan d’eau d’1 hectare sur 3 mois : 0,55 l x 3 600 s x 12 h x 90 j = 2 138 400 l évaporés,
ce qui donc correspond à 2 138 m3 d’eau volatilisés en pure perte ». Attention, s’il s’agit potentiellement d’un
maximum, il doit néanmoins être nuancé par les conditions météorologiques.
Néanmoins, ces chiffres sont cohérents avec les estimations fournies par le CNRS pour les milieux tempérés
de 2 à 3 mm d’évaporation par jour, correspondant à 2 à 3 litres par m² de plan d’eau : 10 000 m² x 3 l x 90 j
= 2 700 000 l évaporés, soit 2 700 m3 sur une période comparable.
Concrètement, cela se traduit par des pertes très importantes de ressource en eau pour les milieux et les
usages. Par exemple, des recherches menées récemment aux États‐Unis montrent que les pertes par
évaporation sur les lacs de l’Ouest américain varient de 20 % à 60 % des flux entrants (Friedrich et al.,
American Meteorological Society, 2018).
5.1.2. Impacts sur le bilan hydrique (pertes, restitutions, évaporation, infiltration, etc.)
Les travaux de recherche menés notamment par Florence Habets (CNRS) font ressortir des tendances
importantes à prendre en compte dans une analyse locale, notamment sur l’impact des retenues sur les
épisodes de sécheresses. Il reste néanmoins probablement à approfondir ces recherches sur l’impact des
retenues sur le cycle de l’eau en général pour établir des bilans hydriques complets intégrants évaporation
(plan d’eau), évapotranspiration (végétation naturelle et végétation cultivée), l’effet du taux d’humidité dans
l’atmosphère sur les températures et la sécheresse, etc.
Le terme de sécheresse désigne un déficit en eau par rapport à une moyenne climatique. Trois types peuvent
être distingués. Ils peuvent se produire en même temps mais possèdent chacun leur propre dynamique :
La sécheresse météorologique liée à un déficit de précipitation,
La sécheresse agronomique ou agricole liée à un déficit d’eau dans les sols,
La sécheresse hydrologique liée à un déficit d’eau en rivière.
Selon F. Habets, la tendance en France depuis 60 ans est à l’augmentation de l’évapotranspiration et à
l’augmentation de l’extension des sécheresses agricoles. Il ne semble par contre pas y avoir de tendance
nette sur les précipitations annuelles, donc sur les sécheresses météorologiques.
La notion de sécheresse « anthropique » a été développée par Van Loon et al. (2016) en comparant les
courbes de débits observés avec celles des débits naturels simulés. Leur étude fait ressortir l’existence
d’épisodes secs « dus aux prélèvements et à la gestion par des réservoirs, indépendamment des conditions
climatiques » (voir figure ci‐dessous). Les exemples emblématiques en sont l’assèchement de la Mer d’Aral
et celui du Lac Tchad.
24
Figure 5 : Notion de sécheresse anthropique (Van Loon et al., 2016, selon F. Habets, 2020)
Wada et al. (2013) font quant à eux ressortir une intensification des sécheresses entre 1960 et 2010 à l’échelle
du globe (+ 27 %) et en Europe (+ 20 %). Ils montrent par exemple que les prélèvements humains ont intensifié
la sécheresse de 2003 de 40 à 300 % sur l’Europe entière et notamment dans le pourtour méditerranéen.
Florence Habets s’appuie par ailleurs sur de nombreux articles scientifiques internationaux pour montrer que :
les réservoirs d’eau peuvent aider à atténuer l’intensité de certaines sécheresses ; c’est le cas les
barrages hydroélectriques et de soutien d’étiage.
les sécheresses les plus longues (durée supérieure à 18 mois ) et/ou les plus sévères sont accentuées
par les réservoirs, avec plusieurs exemples internationaux aux États‐Unis (Lake Oroville notamment
entre 2011 et 2014), au Chili, en Espagne ou encore en Australie.
« En Espagne, l’analyse des sécheresses entre 1945 et 2005 a mis en évidence que les épisodes secs les plus
sévères et les plus longs avaient lieu sur les bassins les plus régulés par la présence de barrages. Cela conduit
en outre à un renforcement des sécheresses à
l’aval des bassins ». Concernant « cette notion
de sécheresse induite par l’homme (…), il ne
s’agit pas que d’une fatalité, liée à un besoin en
eau, mais d’un cercle vicieux : un déficit en eau
– c’est‐à‐dire un usage de l’eau supérieur à la
ressource – conduit à des dégâts socio‐
économiques et génère une pression pour créer
de nouveaux stocks d’eau : on augmente alors
les réservoirs et les volumes stockés. Mais ce
gain de réserves est en fait compensé par une
augmentation des usages » (F. Habets, The
Conversation, 2019). Ce constat est illustré par
la figure ci‐contre : en bleu, le cycle offre‐
demande, en marron, l’influence des pressions
socio‐économiques, et en rose, la croissance de
la dépendance et de la vulnérabilité liée à la Figure 6 : Illustration de la manière dont l’approvisionnement en
confiance dans l’approvisionnement et au eau peut aggraver le manque d’eau (Di Baldassarre et al., 2018,
déficit d’adaptation. selon F. Habets, 2019)
25
Les réservoirs contribuent ainsi à amplifier les sécheresses hydrologiques. Selon Wada et al., « la
consommation d’eau humaine est aujourd’hui une composante majeure de l’intensification des sécheresses
hydrologiques » (Wada et al., 2013). Les retenues ne pourront que partiellement réduire les risques de
sécheresses agronomiques (Wan et al., 2018), notamment du fait de leur faible efficacité lors des sécheresses
longues (pluriannuelles) du fait de la réduction des capacités de remplissage (Habets et al., 2014). Notons
enfin que cette « dépendance à la disponibilité de l’eau est un facteur de vulnérabilité et non pas de
résilience » (Di Baldassarre et al., 2018).
5.2. Impacts qualitatifs
5.2.1. Impacts hydromorphologiques
L’effet des retenues sur le transport sédimentaire et l’hydromorphologie des cours d’eau est essentiellement
abordé dans la littérature scientifique pour les grands ouvrages, le plus souvent isolés, sur des lits majeurs. L’ESCo
a fait ressortir un déficit de connaissances sur l’effet cumulé compte tenu de la grande difficulté à modéliser les
phénomènes de piégeage cumulés de sédiments et de la diversité de facteurs à prendre en compte.
Les impacts connus des retenues d’eau placées en travers des cours d’eau sont une rupture de la continuité
sédimentaire par le piégeage des sédiments par dépôt au fond de la retenue, ce qui provoque généralement en
aval une diminution de la largeur de la bande active et de la migration des chenaux des cours d’eau, ainsi qu’une
incision du fond du lit. Ces modifications de la morphologie des cours d’eau en aval sont complexes et sont
fonction de la capacité d’ajustement du cours d’eau, voire du mode de gestion des retenues (vidanges, lâchés).
Ces modifications du paysage alluvial peuvent avoir des conséquences importantes sur le plan écologique
notamment, mais aussi sur le plan de la sécurité des biens liée aux phénomènes érosifs (ouvrages d’art,
berges, etc.).
5.2.2. Impacts physico‐chimiques (T°, O2, NPK, ETM, Phyto)
La littérature est relativement conséquente sur ce sujet, mais elle porte « le plus souvent sur des barrages en
cours d’eau, de volume important. Les petites retenues, et a fortiori les retenues collinaires, ne sont que très
peu abordées dans la littérature » (ESCo, 2016). Les processus en jeu dans les lacs naturels et dans les
retenues artificielles sont pour partie similaires, mais présentent des différences qui interdisent une
transposition totale. L’ESCo a pris la précaution d’analyser ces effets en tenant compte de ces différences.
Selon L. Roger (2013), « les plans d’eau ont des impacts globalement négatifs sur les caractéristiques physico‐
chimiques : ils tendent à augmenter la température en aval ainsi que les phénomènes d’eutrophisation et à
diminuer les teneurs en oxygène. Ils ont un rôle double sur les teneurs en MES : exportateurs ou décanteurs. Si,
prises une à une, les variations peuvent être légères (comme dans le cas du pH) et ne pas être significatives, c’est
le cumul de chacune qui provoque une augmentation des effets négatifs des plans d’eau sur les cours d’eau ».
Les conditions lentiques qui s’établissent au sein de la retenue entrainent notamment :
« La sédimentation des particules solides, minérales ou organiques contenues dans l’eau d’alimentation ».
Phosphore, pesticides et autres polluants se déposent avec eux et « sont stockés dans la retenue à plus
ou moins long terme. (…) les transformations biogéochimiques (…) peuvent entrainer leur mobilisation
sous forme gazeuse ou dissoute dans la colonne d’eau » sous forme de méthane entre autres.
Un réchauffement estival des couches de surface avec une « stratification thermique de la colonne
d’eau, dans les retenues profondes (…). Dans les retenues peu profondes (…) la température de l’eau
stockée dans la retenue et non renouvelée a tendance à augmenter, ce qui diminue la solubilité de
l’oxygène dans l’eau ». Des conditions réductrices apparaissent alors. De plus, « l’anoxie favorise la
dénitrification » (transformation du nitrate en gaz inerte ou à effet de serre). De nombreux autres
processus problématiques peuvent également se mettre en place.
26
Un développement de la production primaire de matière organique du type phytoplancton et
végétation au printemps et en été. Dans certaines conditions, cela peut conduire à un début
d’eutrophisation du plan d’eau et potentiellement à un emballement rapide du processus.
Figure 7 : Schéma récapitulatif des « principaux effets potentiels d’une retenue sur le devenir de C, N, P à l’intérieur de la retenue.
Les couleurs utilisées distinguent les compartiments, flux et processus concernant la phase dissoute dans la colonne d’eau (en bleu),
la phase solide sédimentaire (en marron), la phase gazeuse (en rouge) et la biomasse (en vert). Ces effets potentiels sont associés
aux conditions lentiques et n’intègrent pas les effets lors de changement de régime hydraulique (crue, brassage lié au vent, curage,
vidange…) » (ESCo, AFB, 2016).
Un faible renouvellement de l’eau dans la retenue peut favoriser les transformations biogéochimiques,
parfois néfastes. À l’opposé, le brassage de la colonne d’eau (lié au flux entrant ou au vent) ainsi que le
marnage peuvent entrainer la remise en mouvement et en suspension de polluants jusqu’ici sédimentés.
« Un déterminant important de l’évolution de plusieurs des variables physico‐chimiques évoquées ci‐dessus
(…), est le temps de résidence de l’eau dans la retenue. (…) Tous ces effets qui se manifestent dans la retenue
ont aussi des conséquences sur la qualité de l’eau dans le réseau hydrographique aval », dans le cas où la
retenue est connectée à un cours d’eau et en fonction « de l’importance relative des flux sortants par rapport
aux flux dans le cours d’eau. (…) Pour certaines variables (température, oxygène dissous), l’effet de la retenue
peut s’annuler au‐delà d’une certaine distance dans le cours d’eau » (grâce aux turbulences). Pour les autres
variables comme les polluants, la distance des impacts est fonction de leur dilution, donc des flux.
Sur la thermie : « Les plans d’eau (essentiellement ceux en série et moyennement ceux en dérivation),
exercent une élévation de la température sur les cours d’eau en aval en période estivale et peuvent créer un
27
refroidissement en été lors des lâchures par moine ou en hiver (surtout dans le cas d’étang avec une forte
stratification thermique). De manière générale, l’impact thermique des plans d’eau ne va pas au‐delà du
kilomètre, sauf dans les cas de lâchure des barrages‐réservoirs qui peuvent impacter sur plusieurs dizaines de
kilomètres. »
Sur les MES : « Les plans d’eau alimentés par les cours d’eau peuvent être à la fois producteurs et décanteurs
de MES. Cela varie selon les teneurs amont : si celles‐ci sont > 50 mg/L, le plan d’eau sera décanteur ; si les
teneurs sont < 20 mg/L, le plan d’eau sera exportateur. Les plans d’eau alimentés par les eaux de source,
augmenteront généralement leur charge en MES et leur turbidité. Les phénomènes de crues et de vidanges
augmentent les déversements de MES en aval. »
Sur la teneur en oxygène : les effets sont assez difficiles à apprécier « compte tenu des variations assez
fréquentes d’oxygène. Cependant, on observe une tendance à la diminution des teneurs en oxygène en aval
des plans d’eau » (L. Roger, 2013). Selon la FRAPNA (2007) : « la concentration en oxygène est fonction de la
température de l’eau : à 15 °C la saturation en oxygène se situe à environ 10 mg/litre, elle n’est plus que de
8 mg/litre à 25 °C. Cette valeur peut‐être encore plus basse si la restitution des eaux de la retenue est faite
par prise de fond ».
5.2.3. Impacts biologiques
Les effets précédemment cités de la présence de retenues sur un bassin versant influencent les
communautés végétales et animales « du fait de modifications environnementales, de la connectivité et des
processus de dispersion des organismes ». L’ESCo (2016) recense l’ensemble des impacts constatés (non
repris intégralement ici), mais admet qu’il « n’existe pas d’approche permettant d’anticiper les effets
cumulatifs des retenues sur le compartiment biologique de manière globale ».
Selon l’ESCo, « du point de vue biotique (…) la retenue représente un nouveau milieu, susceptible d’abriter un
nouveau cortège d’espèces, distinct de celui du cours d’eau et qui pourra alors coloniser le réseau
hydrographique et interagir avec les espèces en place. Si les retenues peuvent constituer des habitats
favorables à certaines espèces patrimoniales, elles peuvent se révéler en revanche particulièrement
favorables à l’implantation de très nombreuses espèces à problème, notamment des espèces exotiques
présentant un caractère invasif. (…)
Par ailleurs, en générant un obstacle parfois infranchissable, et donc en réduisant ou empêchant les échanges
d’individus entre sous‐populations, une retenue implantée sur le cours d’eau est susceptible de générer des
impacts écologiques bien en amont de son emprise physique. Ces impacts incluent notamment la perte de
diversité génétique (dérive génétique) et le déclin à long terme conduisant le cas échéant à l’extinction des
populations isolées ». Il est à retenir que les principaux effets des retenues sur le compartiment biologique
concernent les populations d’invertébrés benthiques et les populations piscicoles, dans la retenue, mais aussi
sur le cours d’eau en aval et en amont par le cloisonnement de tronçons de cours d’eau et la modification
des conditions biotiques et abiotiques.
28
Selon la Frapna (2007), « la restitution de l’eau de la retenue au cours d’eau en aval modifie les propriétés de
ses écosystèmes aquatiques (type de végétation, développement d’algues…), en impactant notamment la
faune piscicole (changement de salmonidés vers les cyprinidés) et sur des espèces à valeur patrimoniale
(disparition des écrevisses à pattes blanches…). »
5.3. Impacts économiques
L’analyse se situe ici dans un champ très dépendant de choix politiques, ainsi que des contextes locaux et des
enjeux présents sur les territoires. Cela touche notamment à la question des financements publics par les
Agences de l’Eau et i.e. au bon usage de l’argent public à une échelle nationale. Il parait donc inutile ici de
rentrer dans cette analyse, particulièrement complexe et qui dépasse le simple cadre des projets.
Notons tout de même que le recueil documentaire n’a pas permis d’identifier une bibliographie dense sur ce
sujet. Au contraire, il semble que celle‐ci soit relativement limitée, soit à des rapports parlementaires, soit à
des études locales. L’analyse économique des projets de retenues et de leurs impacts socio‐économiques à
travers une analyse coûts/bénéfices semble jusqu’à aujourd’hui rarement menée sur les projets de retenues
et peut parfois être taxée de subjective lorsqu’elle existe.
Le rapport « Bisch » (2018) résume bien les doutes existants sur l’intérêt économique réel des projets de
retenues d’eau en évoquant les projets enquêtés : « La faiblesse de l’approche économique (aucun projet n’a
donné lieu, comme le demande l’instruction, à une analyse coût/bénéfice et encore moins à celle de la
récupération des coûts) ne permet pas de démontrer la pertinence des équipements les plus importants
figurant dans des projets de territoire (retenues, systèmes de transfert d’eau et d’irrigation). Même si une
telle approche économique n’est pas facile à établir de façon robuste, son absence fait douter à la fois de
l’intérêt propre du projet, de son opportunité au regard des impacts environnementaux et surtout ne permet
pas de mobiliser le tour de table financier (État, collectivités, mobilisation des fonds européens et encore
moins opérateurs privés). »
Pour faire suite à ce rapport « Bisch », l’INRAE (ex‐Irstea) et le CIRAD ont publié en 2019 un guide pour réaliser
une « analyse économique et financière des Projets de Territoire pour la Gestion de l’Eau (PTGE) à
composante agricole ». Celui‐ci pose les grands principes méthodologiques d’une telle analyse et devrait
constituer une référence pour cette approche.
6. Des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) : une préconisation pour
l’avenir pour limiter les conflits d’usages
Avant de conclure, il convient de présenter les grandes lignes fixées par le Gouvernement relativement aux
projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE). Dans son instruction du 7 mai 2019, il encourage ces
dispositifs, précise les outils d’accompagnement existants et propose les leviers à mobiliser dans ces
programmes d’actions.
Quelques points importants sont à retenir de cette instruction :
Un PTGE est une approche globale et coconstruite de la ressource en eau,
Il engage l’ensemble des usagers d’un territoire dans l’atteinte, « dans la durée », d’un équilibre
quantitatif de la ressource en eau,
Cet équilibre doit respecter les fonctionnalités des écosystèmes aquatiques et anticiper le
changement climatique,
Le PTGE intègre l’enjeu de préservation de la qualité des eaux,
La sobriété des usages et l’innovation sont encouragées à travers « un volet de recherche de sobriété
et d’optimisation des différents usages de l’eau : économies d’eau, maîtrise des consommations,
diagnostics, amélioration de l’efficience de l’eau et modernisation des réseaux ».
29
L’annexe 4 de cette instruction notamment fait ressortir des pistes d’actions concrètes et donne une position
claire sur le sujet des retenues d’eau visant un usage agricole : celles‐ci ne sont pas exclues et peuvent
constituer une solution, à la condition qu’elles s’incluent dans une démarche globale de territoire pour
satisfaire tous les usages en respect des fonctionnalités des écosystèmes aquatiques. « Le stockage d’eau ou
le transfert (…) n’est donc pas systématique ».
Les projets de stockage ou de transfert d’eau devraient donc à terme être encadrés par la mise en place de
démarches PTGE qui visent à :
« réaliser un diagnostic des ressources disponibles et des besoins actuels et futurs des divers usages,
mettre en œuvre des actions d’économie d’eau pour tous les usages,
accompagner les agriculteurs dans la mise en œuvre de la transition agroécologique,
conduire les collectivités locales à désartificialiser les sols pour augmenter l’infiltration des eaux
pluviales, et à considérer plus largement les solutions fondées sur la nature,
assurer un partage équitable et durable de la ressource en servant en priorité les exigences de la santé,
de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population,
mobiliser la ressource en période de hautes eaux, notamment par des ouvrages de stockage ou de
transfert, quand c’est utile et durable » (Communiqué de presse du Gouvernement, mai 2019).
Cette démarche doit être mise en place sur les territoires au regard des enjeux quantitatifs : territoires en
déficit quantitatif au sens du SDAGE en vigueur, territoires en tension, territoires faisant l’objet d’un projet
de stockage ou de transfert d’eau relevant d’une autorisation environnementale.
L’instruction gouvernementale précise également que les PTGE doivent être construit en cohérence avec le
SAGE, lorsqu’un SAGE existe sur le périmètre, et avec les objectifs du SDAGE. En l’absence de SAGE, il est
encouragé que la démarche PTGE soit la première de son élaboration.
Cet outil est appelé par le Gouvernement à devenir la norme dans les années à venir. Néanmoins, le juriste
Benoit Grimonprez (2019) estime que ce « nouveau texte ne dissipe malheureusement pas la confusion »
introduite par le texte de référence précédent (instruction du 4 juin 2015, abrogé par celle du 7 mai 2019)
concernant la portée juridique et règlementaire de ces préconisations gouvernementales : « Il s’agit
simplement de directives données aux corps de l’administration qui, théoriquement, ne modifient pas le droit
en vigueur » et leur « articulation avec le « droit dur », celui de la police de l’eau notamment, n’est absolument
pas explicitée ». Il estime ainsi que les PTGE n’ont pas de « réel statut » car non‐inscrits dans la loi, « aux côtés
ou en remplacement des instruments existants ».
30
Conclusion
La gestion quantitative de la ressource en eau et l’adaptation des territoires face au changement climatique
constituent de véritables enjeux de société pour les décennies à venir. La question des retenues collinaires
et, plus largement, des retenues d’eau en général se situe au centre des débats et soulève d’importantes
problématiques, tant environnementales que politiques et sociétales. Dans ce contexte de changement
climatique « où la ressource en eau est appelée à devenir de plus en plus rare en été, la construction de
retenues pour l’irrigation des cultures, et notamment de retenues de substitution, peut apparaître comme la
panacée aux manques récurrents d’eau dans certaines régions françaises » (MEDDTL, 2012).
Les retenues sont notamment plébiscitées par une partie de la profession agricole qui les considère comme
des solutions viables pour la préservation de l’activité agricole face au changement climatique en cours.
D’autres acteurs alertent quant à eux sur les risques importants liés à l’existence de retenues sur les bassins
versants et s’inquiètent de la multiplication de projets sur l’ensemble du territoire national.
Le présent travail de synthèse bibliographique fait ressortir l’extrême complexité du sujet et la grande
difficulté qu’ont les scientifiques, les gestionnaires et les décideurs à tirer des conclusions définitives sur
l’intérêt réel des projets de création de retenues et leur innocuité pour l’environnement. Le débat est intense
et certains acteurs ont parfois tendance à tirer des conclusions hâtives sur le sujet. Or, au vu des éléments
d’analyse existants, il semble aujourd’hui inepte d’asséner des « vérités » sur ce sujet dans un sens comme
dans l’autre, même lorsque celles‐ci semblent pourtant relever du « bon sens ».
Citons notamment le rapport « Bisch » : « La pertinence environnementale des projets, avec la notion de
substitution (prélever l’excédent d’eau l’hiver pour la réutiliser l’été) (…), fait débat entre acteurs et soulève
des questions alors que la mesure des effets locaux du changement climatique reste une question encore en
chantier chez les experts » (CGEDD, CGAAER, 2018).
De plus, les données scientifiques restent encore aujourd’hui partielles et demandent d’importants
approfondissements dans les années à venir pour mieux connaitre et évaluer les effets des retenues, ainsi
que leur ampleur (c’est tout l’objet du projet ICRA porté par l’OFB). La tendance globale tend néanmoins à
démontrer que les retenues représentent un risque non négligeable pour la préservation de la ressource en
eau et des usages qui en dépendent, compte tenu de l’importance de leurs impacts. À ce titre, elles ne sont
que rarement les solutions adéquates et à privilégier pour assurer la résilience de nos territoires face au
changement climatique.
Si l’ensemble des effets constatés précédemment ne sont pas systématiques et sont fortement dépendants
des caractéristiques de la retenue elle‐même, ainsi que de facteurs externes (climat, nature du sol,
fonctionnement hydrologique, occupation du sol, mesures de gestion, etc.), leurs impacts paraissent
potentiellement importants, tant sur les milieux que sur la disponibilité réelle de la ressource en eau sur le
long terme. Évaporation, évapotranspiration, réduction des débits morphogènes, eutrophisation,
modification des caractéristiques physicochimiques et de la thermie, perturbation des équilibres
écosystémiques et des habitats, assèchement durable des sols à l’aval du bassin versant, etc. sont autant
d’effets néfastes régulièrement constatés lorsqu’il s’agit d’évaluer individuellement les impacts d’une
retenue d’eau.
Ces effets individuels sont par ailleurs cumulables, tant sur le plan spatial que temporel.
Il convient donc d’analyser tout nouveau projet avec prudence et de conserver une vision globale à l’échelle
du bassin versant et de ses sous‐bassins. L’analyse du local ne peut ainsi se départir d’une analyse du global.
Une retenue peut en effet avoir un impact relativement faible de manière individuelle, tandis que le cumul
des impacts de l’ensemble des retenues d’un bassin versant peut se révéler particulièrement délétère pour
tout ou partie du territoire et in extenso participer aux déséquilibres globaux à l’échelle nationale,
continentale puis mondiale.
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De surcroît, les effets immédiats d’une retenue peuvent se révéler infimes, tandis qu’à moyen ou long terme,
leur cumul et leur conjonction avec des facteurs externes (climat, pratiques culturales, pollutions, mesures
de gestion, etc.) sont susceptibles d’amplifier massivement leurs impacts et finir par être néfastes à certaines
composantes du territoire (milieux, usages, etc.).
Les retenues d’eau, notamment celles à usage agricole, sont également au centre de conflits d’usage de la
ressource à l’échelle des territoires. Rappelons que l’activité agricole représente l’essentiel de la
consommation d’eau (70 %), car les volumes prélevés ne sont pas restitués au milieu et sont ainsi rendus
indisponibles pour les autres usagers de l’eau. Il est ici aussi important de considérer les échelles spatiales
(solidarité amont‐aval, modification de l’usage des sols, etc.) et temporelles (stockage hivernal pour
restitution estivale, dissociation des besoins en eau pour les différents usages dans le temps, etc.).
Par ailleurs, il ressort de l’analyse bibliographique que le stockage de l’eau induit généralement davantage
de consommation de la ressource et n’incite pas à des gains de rendement de cette eau. L’avis du conseil
scientifique du bassin Seine Normandie sur l’évolution des sécheresses et des risques associés dans les
prochaines décennies constate deux grands types de réponses mises en avant pour lutter contre les pénuries
d’eau et les sécheresses : « une gestion par l’offre, qui consiste à rendre disponible et à mobiliser des
ressources supplémentaires pour faire face aux besoins et une gestion par la demande, qui consiste à diminuer
la consommation d’eau. (…) les scientifiques invitent à privilégier cette dernière et le justifient au regard des
effets d’une politique de l’offre qui génère un besoin toujours accru en eau, car le recours à l’eau des retenues
n’encourage pas le développement de techniques et systèmes sobres en eau. » (CGEDD, MTES, 2019).
Ainsi, les projets de stockage proposés par le monde agricole ne diminuent pas la dépendance de l’activité à
la disponibilité de la ressource. Par conséquent, ils ne diminuent pas la vulnérabilité de l’usage face au
changement climatique et, in extenso, n’améliorent pas ses capacités de résilience. Le risque d’une « mal
adaptation » au changement climatique peut alors être évoqué.
Cette notion est définie par la Région Auvergne Rhône‐Alpes comme « un changement opéré dans les
systèmes naturels ou humains qui font face au changement climatique et qui conduit (de manière non
intentionnelle) à augmenter la vulnérabilité au lieu de la réduire. Par exemple : (…) un transfert incontrôlé de
vulnérabilité d’un système à un autre, ou d’une période à une autre (ex : transferts de prélèvements d’eau
d’un bassin à un autre ou stockage non optimisé transférant les stress hydriques d’une saison à l’autre) » (AMI
« stratégies d’adaptation et résilience des territoires », Région AuRA, 2019).
La qualité de l’adaptation de nos territoires au changement climatique dépend étroitement de choix
politiques en faveur de stratégies « sans regret », qui doivent permettre de réduire la vulnérabilité de la
société aux changements en cours et aux pressions qui en découlent et qui conservent des avantages, quel
que soit le niveau effectif du changement climatique.
Ces décisions doivent être éclairées sur le plan scientifique, mais aussi prendre en compte l’ensemble des
enjeux et usages en cours et à venir sur nos territoires. Il est pour cela fondamental de fixer collectivement
un cadre aux différents usages de l’eau par l’intermédiaire des outils à disposition des collectivités locales
tels que les SAGE et les Projets de Territoire pour la Gestion de l’Eau (PTGE).
Ces outils règlementaires et/ou contractuels s’appuient à la fois sur des études fines d’évaluation des
ressources quantitatives disponibles, des besoins des milieux naturels pour assurer un bon fonctionnement,
même à l’étiage, des besoins réels des secteurs consommateurs en eau et de leur mode de prélèvement/rejet
de la ressource (agricole, alimentation eau potable, industrie et récréatif). Elles sont un préalable à la
définition d’une stratégie globale de gestion de la ressource en eau à l’échelle du bassin versant en
concertation avec l’ensemble des acteurs locaux. Dans ce cadre, si la solution du stockage des eaux n’est pas
à écarter totalement, elle doit être étudiée avec attention et faire l’objet d’une analyse très fine et objective.
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La question doit également être mise en regard avec d’autres types de solutions telles que les économies
d’eau au travers des différents usages (agriculture, industrie, eau potable).
La conclusion de Benoit Grimonprez (2019) peut alors être reprise ici : « À l’issue de cette réflexion, l’on
comprend que le stockage n’est pas, contrairement à une idée reçue, la solution miracle permettant
l’adaptation de l’agriculture au réchauffement climatique. Il ne s’agit pas, pour autant, de l’exclure
catégoriquement. Si elle a sa place, c’est en tant que composante possible d’une stratégie de gestion de l’eau
plus vaste, à construire collectivement à l’échelle des territoires. La difficulté de la tâche ne peut être niée,
mais elle est la seule voie d’un changement local qui soit à la mesure du changement global ».
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ANNEXE 1 : Retours d’expériences
Afin d’éviter au maximum tout parti pris, le choix est fait de livrer ici les résultats de nos entretiens avec les
6 collectivités locales identifiées dans le cadre de l’enquête en fournissant les fiches « retour d’expériences »
de manière brute, après validation de leur part.
Les 6 fiches sont fournies en annexe. Voici la liste des structures et professionnels interrogés :
1. Syndicat de Rivières Brévenne‐Turdine (SYRIBT – 69) :
« Revalorisation des retenues collinaires dans le cadre de la filière petits fruits rouges » par Camille Garcia,
Chargée de mission gestion quantitative
2. Comité InterSyndical pour l’Assainissement du Lac du Bourget (CISALB – 73) :
« Concertation de territoire pour des projets de création de retenues collinaires » par Cyrille Girel,
Responsable Qualité & Ressource en eau
3. Syndicat Mixte d’Aménagement et d’Entretien Loise‐Thoranche (SMAELT ‐ 42) :
« Protocole test : étude des retenues collinaires à l’échelle du sous‐bassin versant de la Toranche », par Daniel
Roche, Directeur (remplacé par Anne‐Sophie Gaumond depuis) & Althea Pangaud, stagiaire
4. Syndicat d’Aménagement et de Gestion de l’Yzeron, du Ratier et du Charbonnières (SAGYRC ‐ 69) :
« Mettre aux normes, mutualiser et rendre transparentes les 132 retenues du territoire » par Claire Marcel,
Chargée de mission PGRE
5. Syndicat des 3 Rivières (S3R – 07) :
« Appel à Projet ICRA, une opportunité pour aborder la thématique sur le territoire » par Guillaume Dufaud,
Chargé de mission
6. Entente Doux‐Mialan, portée par ARCHE Agglo (07) :
« Le Doux : un bassin versant pilote à l’étude de l’impact cumulé des retenues » par Nelly Château,
Responsable Service Rivières, & Renaud Dumas, Chargé d’étude gestion quantitative
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ANNEXE 2 : Guide juridique – Construction de retenues
Ce guide juridique de construction de retenues d’eau édité par le Ministère de l’Écologie, du Développement
Durable, des Transports et du Logement (MEDDAT) en 2012 constitue la référence en matière de
réglementation sur le sujet.
Certaines modifications à la marge de la réglementation ont été votées depuis son édition. Le fond n’en est
pas modifié pour autant.
Le fichier est fourni à la suite la présente note.
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ANNEXE 3 : Étude AP3C
Les éléments de connaissance vis‐à‐vis du changement climatique dans le Massif Central et l’adaptation des
pratiques culturales sont fournis dans cette annexe.
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Bibliographie et liens utiles
La liste complète et les liens vers les ressources bibliographiques est fournie en annexe dans un tableur Excel.
Réglementation
Chambre d’agriculture de la Loire. Retenue collinaire : document d’information. Février 2018. 12 p.
DDT du Puy‐de‐Dôme, Présentation lors de la Conférence départementale irrigation, 25 mai 2016, 46 p.
EPTB de la Vienne, Eco‐Save. Guide d’identification de la situation juridique des plans d’eau – Document
détaillé, 91 p.
MEDDAT, Guide juridique pour la construction de retenues, Ed. 2013, 50 p.
Préfecture et Conseil Général du Rhône, Chambre d’Agriculture du Rhône, SMHAR, Protocole concernant la
création de retenues d’eau à usage agricole dans le département du Rhône, 2011, 8 p.
Économie
Agence de l’Eau RMC, Référence de coûts pour la construction de retenues collinaires, 2005, 46.p.
FRAPNA, Position de la FRAPNA sur le sujet des retenues collinaires, 2007, 4 p.
Loubier S., Garin P., Hassenforder E., Lejars C. IRSTEA, CIRAD, MUSE, Analyse économique et financière des projets
de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) à composante agricole – Principes méthodologiques, 2019, 129 p.
Impacts locaux d’une retenue d’eau
Agences de l’Eau, Les études des agences de l’eau n° 66 : protection et végétalisation des zones de marnage
des plans d’eau – Guide méthodologique, 1999, 96 p.
Garcia C., SYRIBT, UniLaSalle Terre et sciences, Mémoire de fin d’études : Retenues collinaires et gestion
quantitative de la ressource en eau sur le bassin versant Brévenne‐Turdine, 2018, 76 p.
GRAIE, Les rendez‐vous du Graie – Les retenues collinaires : quel fonctionnement et quels impacts ?,
19 octobre 2006, 76 p.
Habets F., Philippe E., Martin E., David C. H. and Leseur F., Small farm dams : impact on river flows and
sustainability in a context of climate change, 2014. 16 p.
OIEau, OFB, MTES, Actes de la journée technique du jeudi 13 février 2020 ‐ Inondations, sécheresses,
pollutions, perte de biodiversité : quelles mesures pour répondre à ces défis ? Les opportunités de déploiement
des mesures naturelles de rétention d’eau dans les contextes agricole, urbain et forestier, 2020, 6 p.
Roger L., IRSTEA, Agence de l’Eau RMC, Agrosup Dijon et INP ENSAT, Synthèse des connaissances et données
existantes sur les retenues collinaires, 2013, 68 p.
Impacts cumulés des retenues d’eau
Agence Française pour la Biodiversité, MTES, Impact cumulé des retenues d’eau sur le milieu aquatique, Coll.
Comprendre pour agir n° 28, 2017, 203 p.
Agence Française pour la Biodiversité, Comment étudier le cumul des impacts des retenues d’eau sur les
milieux aquatiques ? Proposition d’une démarche et d’éléments de méthodes issus d’une expertise scientifique
collective, 2017, 120 p.
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Agence Française pour la Biodiversité, Impacts cumulés des retenues d’eau : trois séminaires régionaux pour
une première boite à outils – Les Rencontres n° 50, Agence Française pour la Biodiversité, 2017, 6 p.
Cudennec C., Sarraza M., Nasri S., Modélisation robuste de l’impact agrégé de retenues collinaires sur
l’hydrologie de surface, 2003, 15 p.
Demain Deux Berges, Présentations sur les retenues collinaires du colloque du 30 et 31 janvier 2020, 2020
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artificielles sur les milieux. Rapports des phases 1, 2 et 3. 2001.
Friedrich et al., Reservoir evaporation in the western United States : Current Science, Challenges, and Future
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Grandmottet J.‐P., TELEOS, Étangs et petits plans d’eau à vocation piscicole : de la connaissance à la gestion
rationnelle de la ressource halieutique, 27/01/2007, 19 p.
Habets F., Molenat J., et al., The cumulative impacts of small reservoirs on hydrology : a review, 2018, 41 p.
IRSTEA, ONEMA, Rapport préliminaire en vue de l’expertise collective sur l’impact cumulé des retenues, 2015,
125 p.
Van Loon et al., Drought in a human‐modified world : Reframing drought definitions, understanding, and
analysis approaches, University of Victoria, 2016
Wada et al., Human water consumption intensifies hydrological drought worldwide, Environmental Research
Letters, 2013
Gestion quantitative de la ressource
Allain S., Plumeco G., Burger‐Leenhardt D., INRAE, Résoudre les déséquilibres en eau des territoires agricoles :
l’efficacité et l’acceptabilité sociale de quatre scénarios à l’épreuve d’un cas d’étude, Revue Sciences Eaux &
Territoires, Hors‐série n° 56, 2019, 8 p.
Dumoulin V., Hubert L., CGEDD, MTES, Retour d’expérience sur la gestion de la sécheresse 2019 dans le
domaine de l’eau, 2019, 118 p.
France Nature Environnement, Le stockage de l’eau – Le point de vue de France Nature Environnement, 2013, 4 p.
Grimonprez B., Le stockage agricole de l’eau : l’adaptation idéale au changement climatique ?, Revue
Juridique de l’Environnement, 2019
Prud’Homme L., Tuffnell F., Assemblée Nationale, Rapport d’information par la mission d’information sur la
gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau, Rapport n° 3061, 4 juin 2020. 174 p.
Changement climatique
Ministère de la Transition écologique ‐ Impacts du changement climatique sur l’eau et la biodiversité :
https://www.ecologie.gouv.fr/impacts‐du‐changement‐climatique‐eau‐et‐biodiversite
Ministère de la Transition écologique ‐ Impacts du changement climatique sur l’agriculture et la forêt :
https://www.ecologie.gouv.fr/impacts‐du‐changement‐climatique‐agriculture‐et‐foret
Projet « Adaptations des Pratiques Culturales au Changement Climatique » (AP3C), SIDAM, 2015‐2020 :
https://www.sidam‐massifcentral.fr/developpement/ap3c/
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Sites internet
Banque nationale des données concernant les prélèvements en eau (BNPE) :
https://www.bnpe.eaufrance.fr/
INRAE, OFB, MTES, Site internet de l’Expérience scientifique collective (ESCo) sur l’impact cumulé des
retenues d’eau sur le milieu aquatique, 2020 : https://expertise‐impact‐cumule‐retenues.inrae.fr/
Retour d’expériences sur l’évaluation de l’impact cumulé des retenues sur les milieux aquatiques (ICRA ‐
Appel à projets OFB en cours – 2019‐2022) : https://professionnels.ofb.fr/fr/node/556
Etudes locales (non citées dans le document) :
Fédération des Hautes‐Pyrénées pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques, Étude des impacts de
la retenue du Magnoac sur le peuplement piscicole de la Gèze (Hautes‐Pyrénées), 2012, 35 p.
Fédération des Hautes‐Pyrénées pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques, Études des impacts
des retenues collinaires sur le peuplement piscicole des cours d’eau de piémont des Hautes‐Pyrénées. Études
des retenues d’Escaunets sur le Louet et de Sère‐Rustaing sur le Boues, 2012, 46 p.
Gueguen M., ODEM, Contribution à l’évaluation des impacts des retenues collinaires et des plans d’eau
d’irrigation sur les ressources en eau et les milieux aquatiques du Morbihan – Rapport d’étude, 2013, 144 p.
Trintenignac P., Kerleo V., SMIDAP, Impacts des étangs à gestion piscicole sur l’environnement – Étude de
synthèse bibliographique, 2004, 68 p.
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