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THÈSE DE DOCTORAT

de l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres 


PSL Research University

Préparée à l’Université Paris-Dauphine

Contenu de marque : nature de la pratique et tensions


associées à la formation d'une stratégie marketing hybride

École Doctorale de Dauphine — ED 543


COMPOSITION DU JURY :
Spécialité Sciences de gestion
Pr Pierre VOLLE
Université Paris Dauphine
Directeur de thèse

Pr Nathalie FLECK
Université du Maine
Rapporteure

Pr Jean-François TRINQUECOSTE
IAE de Bordeaux
Rapporteur

Caroline MARTI de MONTETY


CELSA Université Paris Sorbonne
Membre du jury
Soutenue le 19.04.2017 Pr Denis DARPY
par Sandra Fourny Arrivé Université Paris Dauphine
Président du jury

Dirigée par Pr Pierre Volle


Université Paris-Dauphine
Centre de recherche DRM ERMES (UMR CNRS 7088)
École doctorale de Gestion

Contenu de marque :
nature de la pratique
et tensions associées à la formation d’une stratégie marketing hybride.

Thèse pour l’obtention du titre de docteur en sciences de Gestion (Section CNU 06)
Présentée et soutenue publiquement le 19 avril 2017 par
Sandra FOURNY ARRIVÉ

JURY DE THÈSE :
- Pr. Pierre VOLLE, Université Paris Dauphine, Directeur de thèse
- Pr. Nathalie FLECK, Université du Maine, Rapporteur
- Pr. Jean-François TRINQUECOSTE, IAE de Bordeaux, Rapporteur
- Pr. Denis DARPY, Université Paris Dauphine, Président du jury
- Pr. Caroline MARTI, CELSA. Paris-Sorbonne, Membre de jury
L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette
thèse : ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.
« Trois idéaux ont éclairé ma route
et m’ont souvent redonné le courage d’affronter la vie avec optimisme :
la bonté, la beauté et la vérité. »

Albert Einstein
REMERCIEMENTS

J’aimerais avant tout exprimer ici la satisfaction que j’ai éprouvée à construire mon projet de thèse,
semaine après semaine, année après année, malgré quelques doutes et quelques imprévus. Ce fut une
aventure extrêmement enrichissante intellectuellement, professionnellement et personnellement.
Au-delà de la thèse, mon choix de reconversion à la recherche et à l’enseignement est rapidement
devenu une évidence. Merci à chacun de vous d’avoir rendu les choses si évidentes.

Je remercie tout d’abord mon directeur de thèse, le Professeur Pierre Volle.


Merci Pierre pour votre confiance dans mon projet, merci pour votre disponibilité, merci pour la
liberté et pour le temps que vous m’avez laissés. Je vous remercie encore pour tous ces échanges que
nous avons eus, toujours riches et stimulants pour aller de l’avant. Merci pour votre enthousiasme.
Merci d’avoir donné les ‘ailes de la stratégie’ à mon sujet qui n’en a été que plus passionnant. Ça a été
pour moi une chance de vous avoir pour directeur de thèse.

Je remercie également les membres de mon jury de thèse : le Professeur Denis Darpy, avec qui j’ai eu
l’occasion d’échanger sur mes travaux dès les premiers séminaires doctoraux à l’université Paris-
Dauphine, et le Professeur Jean-François Trinquecoste de l’IAE de Bordeaux pour son regard d’expert
sur la stratégie. Je les remercie tous deux pour leur bienveillance et pour leurs conseils avisés lors de
ma pré-soutenance. Je remercie le Professeur Nathalie Fleck, que j’ai eu l’occasion de rencontrer lors
de la conférence EMAC à Oslo, d’avoir également accepté d’évaluer mon travail. Je remercie enfin
Caroline Marti de Montety du Celsa, dont j’ai consulté avec beaucoup d’intérêt les travaux sur les
magazines de marques dès les premiers jours de préparation de mon doctorat ...

J’ai eu la chance de pouvoir réaliser ma thèse au sein de l’université Paris Dauphine et je tiens à
remercier l’ensemble des professeurs en sciences de gestion pour la qualité de leur enseignement.
L’année de Master fut exigeante et stimulante, extrêmement constructive dans l’avancement de mon
projet. Merci encore aux professeurs Denis Guiot, Denis Darpy, Bernard Pras, Emmanuelle Le
Nagard, Paul Valentin Ngobo, et Pierre Desmet pour leur présence au cours de nos séminaires
doctoraux. Leurs retours constructifs et souvent challenging sur nos travaux nous sont essentiels et
précieux pour avancer plus loin.

Je remercie ensuite l’ensemble des managers sans qui ce travail de recherche n’aurait pas abouti.
Je remercie ainsi chacun des vingt experts interrogés lors de ma première étude, pour le temps et pour
les échanges riches et passionnants qu’ils m’ont accordés. Un très grand merci ensuite à Stéphane
Duret, à François Bitouzet et à Lionel Milesi de m’avoir ouvert les portes de la maison Louis Vuitton
et de l’entreprise voyages-sncf.com afin que je puisse réaliser mes deux études de cas. Je leur suis
reconnaissante de l’intérêt qu’ils ont porté à mes travaux depuis notre première rencontre.

Je remercie chaleureusement l’ensemble de l’équipe Ermès de m’avoir accueillie et de m’avoir offert


un poste d’A.T .E.R. pendant deux années consécutives. Ce fut une riche et belle expérience
d’enseignement. Merci tout spécialement à Eva de m’avoir confié son cours de communication
publicitaire ; un grand merci à Florence et à Béatrice également de m’avoir accueillie dans l’équipe de
l’UE05. Béa, ta présence bienveillante auprès de l’ensemble des doctorants est une pépite, merci pour
tout ! Valérie, merci pour tous nos échanges sur la recherche et sur nos vies. Il y en aura d’autres !
Je remercie bien sûr tous les doctorants avec qui j’ai pu partager l’aventure de la thèse. Plusieurs
générations se sont succédées … Merci aux anciens pour le partage d’expérience : Emilie, Hélène,
Alice, Romain, Gwarlann, Julien, Camille, Eloïse, Marjolaine, Maggie, Eric et Vivien. Maggie : merci
pour ton accueil de la première heure. Merci à mes compagnons de route : Florence, Janine, Thibaut,
Julia, Ziyed, Audrey, Claire, Eliel, David, Adèle, Yassine et Mahaut. Un merci tout spécial à Florence
pour les nombreux moments passés ensemble, merci d’avoir été mon éclaireur dans cette aventure.
Bonne route enfin aux jeunes pousses : Jie, Amélie, Sarah, Camille, Marie, Alban et Ophélie. Amélie,
Jie, merci pour les bons moments passés ensemble à Oslo et à Paris.

Je remercie vivement toute l’équipe de l’IPAG pour son formidable accueil. Merci tout
particulièrement à Guillaume Bigot, à Frédéric Teulon et à Isabelle Aimé de m’avoir offert un poste
d’enseignant-chercheur et d’avoir aménagé des conditions optimales pour terminer ma thèse.
Andria, je suis heureuse que nous ayons terminé nos parcours de thèse côte à côte.

Je tiens à remercier ensuite mon père et ma sœur, dont la présence à mes côtés a été décisive dans mon
choix de reconversion. Depuis leurs débuts, ils partagent avec moi leur enthousiasme pour leur métier
d’enseignant et de maître de conférences, et m’ont inspirée.
Je remercie ma sœur pour ses conseils avisés, pour sa bienveillance et surtout pour toutes nos longues
conversations qui m’ont permis de lever des doutes, étape après étape.
Je remercie mes parents pour leur soutien incroyable dans mon projet, pour l’affection qu’ils me
portent et pour les valeurs qu’ils m’ont transmises.

Je remercie ma belle-famille. : Anny, Patrick, Marion, Pauline, Juliette, Héloïse and co … Merci à
tous d’être là ! Anny et Patrick, merci pour votre soutien dans tous nos projets !

Merci à tous nos amis de longue date : Gilles et Hélène, Laurent et Stéphanie, Jérome et Céline,
Sébastien, Céline et Franck, Sébastien, Angélina et Claire. Merci à Anne-Sophie et Olivier, à Mareva
et Thierry, merci à nos voisins de la rue des Bruyères. Merci à tous d’avoir pris si souvent des
nouvelles de ma thèse.
Un immense merci à Hélène et à Stéphanie qui m’ont ouvert l’accès aux marques Louis Vuitton et
voyages-scf.com. Merci à Solène et Franck d’avoir établi le contact avec Mc Donald’s et Danone.
Merci à Solenn pour son aide précieuse. Merci à Sébastien pour le rendez-vous L’Oréal.

And last, but not least … A Guillaume, mon mari : merci de m’avoir suivie dans cette aventure au
long cours … Merci de mettre du pétillant, de la fantaisie, du bonheur dans notre vie.
Merci à mes trois enfants d’être aussi épatants !
*
«Go placidly amid the noise and haste, and remember what peace there may be in silence.
Keep interested in your own career, however humble,
it is a real possession in the changing fortunes of time.
Take kindly the counsel of the years, gracefully surrendering the things of youth.
You are a child of the universe, no less than the trees and the stars, you have the right to be here.
With all its sham, drudgery and broken dreams, it is still a beautiful world.
Be careful. Strive to be happy. »1

1
Ces lignes sont extraites du texte Deside ata , t ou da s l église St Paul à Baltimore et daté de 1692.
Il a t e is (à moi ai si u à l e se le de a promotion d Aude ia par Jacques Hermant, professeur en
st at gie d e t ep ise, o eu lai age su os st at gies pe so elles à e i …
SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE (01)

PREMIÈRE PARTIE : FONDEMENTS THÉORIQUES ET CONTEXTE DE LA RECHERCHE (13)

Chapitre I. Contexte digital : Fondamentaux et enjeux pour l’organisation (15)


I.1. Emergence du digital : quels enjeux pour l’organisation ?
I.1.1. L’incontournable digital, intégré à la stratégie de l’organisation
I.1.2. Marketing digital
I.1.3. Stratégie marketing digitale
I.1.4. Les défis du digital pour l’organisation
I.2. L’Internet comme média de communication pour les marques (23)
I.2.1. Médias digitaux, définitions et propriétés
I.2.2. Nouveaux médias, propriétés
I.2.3. Médias digitaux et traditionnels, le système P.O.E.M.
I.3. Web 2.0, nouvelles opportunités pour les marques (29)
I.3.1. Le Word of Mouth ou bouche à oreille
I.3.2. L’interactivité ou la nouvelle relation client
I.3.3. Les communautés en ligne
I.3.4. Les données
I.4. Les nouveaux enjeux de la communication digitale (37)
I.4.1. L’approche intégrative
I.4.2. Les trois piliers de la communication digitale : l’engagement, la permission, le contenu
I.4.3. D’une logique de média push vers une logique de média pull

Chapitre II. La marque : Définitions, évolution et enjeux actuels (43)


II.1. La marque au-delà du produit : évolution des approches de la marque (45)
II.1.1. Le concept de marque : définitions
II.1.2. Evolution des approches de la marque forte
II.2. La marque, au-delà de sa posture commerciale (49)
II.2.1. La marque comme une personne et sa relation au consommateur
II.2.2. La marque entre art, culture et production
II.2.3. Storytelling et histoires de marque : une co-construction marque-consommateur
II.3. Stratégie de marque et brand management, quelles priorités (55)
II.3.1. De l’importance de l’identité, de l’image et de la plateforme de marque
II.3.2. Le management de la marque au service du capital de marque
II.3.3. D’un marketing product centric vers un marketing customer centric

Chapitre III. Contenu de marque ou brand content:


une pratique en développement à l’ère du digital (67)
III.1. Nouveau paysage médiatique : des conditions propices au développement des pratiques de
contenu de marque (69)
III.1.1. Scepticisme des consommateurs et course à l’attention des marques
III.1.2. Web 2.0 : un contexte propice au développement des contenus
III.1.3. Intérêt de la pratique pour les managers et pour les académiques
III.2. Nouvelles pratiques de communication digitale et contenu de marque (75)
III.2.1. Emergence de nouveaux formats de communication
III.2.2. Contenu de marque digital, quelles pratiques, quelles définitions ?
III.3. Contenu de marque digital, un nouveau concept (81)
III.3.1. Les quatre facettes du contenu de marque digital
III.3.2. Le contenu de marque et les concepts de storytelling et de publicité
III.3.3. A quel genre de communication le contenu de marque appartient-il ?
**

DEUXIÈME PARTIE, COMPRÉHENSION DES PRATIQUES DE CONTENU DE MARQUE


DANS LE CONTEXTE DIGITAL (Étude empirique n°1) : (109)

Chapitre IV. Problématique de recherche, méthodologie choisie et description (111)


IV.1. Problématique et questions associées
IV.2. Choix de la méthodologie
IV.3. Managers experts interrogés
IV.4. Analyse des données : l’analyse de contenu

Chapitre V : Restitution des résultats : (119)


Éléments de compréhension de la pratique de contenu de marque digital
V.1. Contenu de marque digital : proposition de définition d’un concept (121)
V.1.1. Réflexion théorique sur la définition d’un concept en management
V.1.2. Brand content digital : dénomination et compréhension du concept
V.1.3. Extension du concept : proposition d’une typologie des pratiques
V.1.4. Synthèse, contribution et discussion des résultats
V.2. Pratiques de contenu de marque : antécédents, effets et production de contenus (147)
V.2.1. Antécédents de la pratique de contenu de marque digital
V.2.2. Effets de la pratique : objectifs et résultats attendus
V.2.3. Production de contenus : marque média et autres postures disruptives de la marque
V.2.4. Synthèse, contribution et discussion des résultats
V.3. Stratégie de contenu de marque digital : (163)
une stratégie hybride entre stratégie de marque et stratégie de communication
V.3.1. Une stratégie qui intègre à la fois des réflexions sur la marque et sur la communication
V.3.2. Une stratégie transversale qui concerne à la fois les équipes marketing et communication
V.3.3. Le marketing garant du produit versus la communication garante de l’image
V.3.4. Synthèse, contribution et discussion des résultats
V4. Tensions inhérentes aux stratégies de contenu de marque (171)
V.4.1. La posture non marchande de la marque contre-nature
V.4.2. Schizophrénie des marques prises entre logiques marchandes et non-marchandes
V.4.3. Le contenu de marque digital entre logique financière et logique artistique
V.4.4. Le manque de contrôle de la marque sur la diffusion de ses contenus
V.4.5. L’arbitrage des ressources
V.4.6. Synthèse, contribution et discussion des résultats

***

TROISIÈME PARTIE : PROCESSUS DE FORMATION DES STRATÉGIES DE CONTENU DE


MARQUE ET ANALYSE DES LOGIQUES ANIMANT LES PARTIES PRENANTES À LA
STRATÉGIE (185)

Chapitre VI. Stratégie marketing : Définitions et revue des courants de pensées existants
(Complément aux fondements théoriques de la recherche) (187)
VI.1. Stratégie et décision marketing
VI.1.1. Marketing et stratégie
VI.1.2. Points de vue sur la stratégie et son élaboration
VI.1.3. Focus sur la décision, une étape clé du processus d’élaboration de la stratégie
VI.1.4. Représentation paradoxale de la stratégie entre approche transcendante et approche immanente
VI.2. Les acteurs de l’organisation et la décision (209)
VI.2.1. Le marketing : philosophie ou département de l’organisation
VI.2.2. L’organisation comme lieu de rencontre entre différentes logiques ou mondes de valeurs
VI.2.3. Les stratégies mises en place pour contourner les divergences d’intérêts
VI.3. Stratégie et décision : application à la stratégie de communication de la marque et aux décisions
d’allocation des ressources budgétaires (223)
VI.3.1. De la distinction entre activités aux effets de court-terme et activités aux effets de long-terme
VI.3.2. La décision sur l’allocation des budgets marketing
Chapitre VII. Problématique, méthodologie choisie et protocole de la recherche
(Études empiriques n°1 & n°2) (237)
VII.1. Problématique et questions associées
VII.2. Choix de la méthodologie
VII.3. Protocole de la recherche
VII.4. Analyse des données : l’analyse de contenu

Chapitre VIII. Le cas voyage-sncf.com (245)


VIII.1. Contexte des stratégies étudiées (253)
VIII.1.1. L’organisation de la filiale VSC
VIII.1.2. Organisation marketing-communication et stratégie marketing
VIII.1.3. La stratégie de contenu de marque dans la stratégie marketing
VIII.2. A la conquête de la cible jeune : naissance d’une stratégie de brand content tactique (261)
VIII.2.1. Les acteurs de la stratégie : Konbini et Melty
VIII.2. 2. Genèse, formation et contenu d’une stratégie de brand content tactique émergente
VIII.2 .3. Opérations Melty et Konbini : une stratégie de brand content tactique émergente greffée sur
deux stratégies délibérées
VIII.3. Transformation contrariée d’une stratégie émergente en stratégie délibérée (273)
VIII.3.1. Reconnaissance de la portée stratégique des événements et actions menées
VIII.3.2. Description d’une intention de formation d’une stratégie délibérée
VIII.3 .3. Freins et tensions à la formation d’une stratégie délibérée
VIII.4. Synthèse et discussion des résultats (283)
VIII.4.1. Observation d’une stratégie de brand content tactique
VIII.4.2. Controverse sur la définition de contenu de marque et influence sur la formation de la stratégie
VIII.4 .3. Transformation contrariée de la stratégie de brand content émergente en stratégie délibérée
VIII.4.4. Formation de la stratégie et école de pensées

Chapitre IX. Le cas Louis Vuitton (297)


IX.1. Contexte des stratégies étudiées (307)
IX.1.1. Les valeurs et l’organisation de l’équipe marketing Louis Vuitton
IX.1.2. Stratégie de communication et stratégie de contenu de marque
IX.1.3. L’étude de cas Louis Vuitton ou l’application des trois degrés de stratégies de contenu
IX.2. Stratégies de brand content tactique et thématique (317)
IX.2.1. Stratégie de brand content tactique : une stratégie majoritairement tournée vers la valorisation du
produit
IX.2.2. Stratégie de brand content thématique : une stratégie concentrée sur le thème du voyage et sur la
marque Louis Vuitton
IX.3. Stratégie de brand content étendu (329)
IX.3.1. Contexte et piliers de la stratégie
IX.3.2. Genèse de la stratégie de contenu
IX.3.3. Contenu de la stratégie
IX.3.4. Focus sur les acteurs de la stratégie et sur les décisions stratégiques fondatrices
IX.4. Synthèse et discussion des résultats (341)
IX.4.1. De l’observation de trois stratégies de contenu de marque
IX.4.2. Logiques et acteurs des choix stratégiques de la marque Louis Vuitton
IX.4.3. Focus sur la formation des stratégies
IX.4.4. Focus sur la phase de décisions stratégiques

****

CONCLUSION GÉNÉRALE ET DISCUSSION (359)

BIBLIOGRAPHIE (377)
FIGURES

Figure 1 : Le système P.O.E.M. (27)


Figure 2 : Evolution des approches de la marque forte (48)
Figure 3 : Eléments de définition de l’héritage de marque (Hakala et al., 2011) (52)
Figure 4 : Identité et Image de marque (Kapferer, 1991) (58)
Figure 5 : Approches marketing et financière du capital de marque (62)
Figure 6: Les quatre dimensions du contenu de marque digital (81)
Figure 7 : Les trois stades de la communication de marque (Bô et Guével, 2010) (92)
Figure 8 : Définition d’un concept, figure simplifiée (Dumez, 2011) (122)
Figure 9 : Contenu de marque digital, compréhension du concept (129)
Figure 10 : Les trois degrés de maturité des marques dans leur stratégie de brand content (132)
Figure 11 : 5 étapes de l’approche des organisations du content marketing (Lieb, 2012) (143)
Figure 12 : Hiérarchisation des effets des communications de contenus de marque (150)
Figure 13 : Antécédents et effets des stratégies de contenu de marque digital (153)
Figure 14 : Parties prenantes à l’élaboration des stratégies de contenu de marque digital
et logiques mises en œuvre (178)
Figure 15 : Niveaux corporate, business unit et fonctionnel de la stratégie (190)
Figure 16 : Représentation du processus d’élaboration et de mise en œuvre
de la stratégie marketing (1ère proposition) (192)
Figure 17 : Représentation du processus d’élaboration et de mise en œuvre
de la stratégie marketing (2ème proposition) (201)
Figure 18 : Représentation paradoxale du processus d’élaboration
et de mise en œuvre de la stratégie marketing (207)
Figure 19 : Représentation partielle du groupe SNCF
et place de la filiale voyages-sncf.com (VSC) (249)
Figure 20 : Manifestations de l’émergence des nouvelles technologies
et adaptations suivies par VSC (251)
Figure 21 : Organisation de la filiale VSC (255)
Figure 22 : Mission et rôles des parties prenantes dans la construction
de la stratégie marketing VSC (257)
Figure 23 : Le contenu de marque comme stratégie de ciblage (259)
Figure 24 : Représentation des stratégies délibérée (Konbini et Melty) et émergente (VSC) (270)
Figure 25 : Processus d’émergence de la stratégie de brand content tactique (274)
Figure 26 : Processus de formalisation de la stratégie de brand content tactique (277)
Figure 27 : Formation de la stratégie de conquête de VSC de la cible jeune (282)
Figure 28 : Les deux axes de la stratégie de contenu de la marque VSC (286)
Figure 29 : Composantes de la stratégie réalisée (adaptée d’une proposition de Mintzberg, 1987) (290)
Figure 30 : De la stratégie émergente à la stratégie délibérée (application à la stratégie VSC) (291)
Figure 31 : Mission et rôles des parties prenantes dans la construction
de la stratégie marketing VSC (292)
Figure 32 : Organigramme de l’équipe Métiers Louis Vuitton (308)
Figure 33 : Organigramme (partiel) de l’équipe communication Louis Vuitton (308)
Figure 34 : Orientations stratégiques de la communication de marque Louis Vuitton et
positionnement de la stratégie de contenu de marque (310)
Figure 35 : Représentation des trois stratégies de contenu de la marque Louis Vuitton (315)
Figure 36 : Formation de la stratégie de brand content tactique (321)
Figure 37 : Formation de la stratégie de brand content thématique (327)
Figure 38 : Genèse de la stratégie de contenu de marque étendu
(la collection des livres sur le voyage et le City Guide Louis Vuitton) (337)
Figure 39 : Zoom sur la phase de décisions stratégiques du processus
de formation de la stratégie (1ère proposition) (340)
Figure 40 : Trois mondes en présence dans la formation de la stratégie
de communication de la marque Louis Vuitton, application
de la théorie de la justification (Boltanski et Thévenot, 1991) (347)
Figure 41 : De la stratégie émergente à la stratégie délibérée
(application à la stratégie du City Guide) (351)
Figure 42 : Zoom sur la phase de décisions stratégiques
du processus de formation de la stratégie (2ème proposition) (353)

TABLEAUX

Tableau 1 : Résumé des définitions du contenu de marque, apports et limites de chacune (78)
Tableau 2 : Typologie de contenus de marques (Bô, Guével, 2010)
et exemples de contenus associés (87)
Tableau 3 : Les trois stades de la communication de marque (Bô et Guével, 2010) (92)
Tableau 4 : Récapitulatif des trois genres de la communication (Breton et Proulx, 2012) (99)
Tableau 5 : Détail des interviews conduites (116)
Tableau 6 : Verbatims illustrant les composantes du statut du concept
de contenu de marque digital (125)
Tableau 7 : Verbatims illustrant les composantes de la structure du concept
de contenu de marque digital (126)
Tableau 8 : Verbatims illustrant les fonctions du concept de contenu de marque digital (128)
Tableau 9 : Différences et similtudes entre publicité et brand content (130)
Tableau 10: Extrait du tableau descriptif des 5 étapes d’approche du content marketing (144)
Tableau 11 : Mesures et indicateurs des performances de contenus de marque digitaux (152)
Tableau 12 : Eléments de définition de la stratégie marketing (191)
Tableau 13: Les dix écoles d’élaboration de la stratégie ou dix manières
de voir la stratégie (Minzberg et. al, 2009) (195)
Tableau 14 : Paradoxe et tensions des approches de la stratégie (206)
Tableau 15 : Les six mondes de la Théorie de la Justification et leurs indicateurs de référence (214)
Tableau 16 : Données recueillies dans le cadre de l’étude de cas voyages-sncf.com (241)
Tableau 17 : Données recueillies dans le cadre de l’étude de cas Louis Vuitton (242)
Tableau 18 : Fondements des stratégies des marques Konbini et Melty (265)
Tableau 19 : Caractéristiques de la stratégie de contenu de marque tactique de la marque VSC (285)
Tableau 20 : Verbatims illustrant la controverse sur la définition de brand content (287)
Tableau 21 : Orientation des parties prenantes à la stratégie,
d’après la théorie de la vision du monde (Homburg et Jensen, 2007) (293)
ère
Tableau 22 : Définitions des trois degrés de stratégies de contenu de marque (1 étude empirique) (313)
Tableau 23 : Verbatims illustrant les objectifs formalisés de la stratégie d’édition
des City Guides Louis Vuitton (331)
Tableau 24 : Caractéristiques des trois stratégies de contenu de marque Louis Vuitton (343)
Tableau 25 : Verbatims illustrant les tensions relatives à l’orientation de la stratégie
de communication de la marque Louis Vuitton (345)
Tableau 26 : Orientations et mondes de référence des parties prenantes à la stratégie
de contenu de marque Louis Vuitton, d’après les théories de
la justification (Boltanski et Thévenot, 1991)
et de la vision du monde (Homburg et Jensen, 2007) (348)

IMAGES

Image 1 : Captures d’écrans du film La nuit de Pierre Niney, Yves Saint Laurent (133)
Image 2 : Captures d’écrans du film Back to the start, Chipotle (134)
Image 3 : Captures d’écrans du film Chain Reaction, Red Bull (135)
Images 4& 5 : Représentations (logos) et slogans des marques Konbini et Melty (261)
Image 6 : Photo extraite de l’exposition Volez, Voguez, Voyagez, Grand Palais, Paris,
février 2016 (299)
Image 7 : Photo extraite de l’exposition Volez, Voguez, Voyagez, Grand Palais, Paris,
février 2016 (300)
Image 8 : Carte envoyée dès 1931 à l’ensemble du réseau Citroën et destinée à suivre la
progression de l’expédition à l’aide de petits drapeaux. © Citroën Communication (301)
Image 9 : La toile Monogram de Louis Vuitton (301)
Image 10 : Photographie extraite de la campagne « L’âme du voyage » (302)
Image 11 : Photographies du comité de direction de Louis Vuitton (Nicolas Ghesquière,
Delphine Arnault et Michael Burke) (303)
Images 12&13 : Photographies extraites de la campagne « L’âme du voyage » de Jean Larivière (322)
Images 14&15 : Photographies extraites de la campagne Core Value (323)
Image 16 : Affiche publicitaire de l’exposition au Grand Palais (324)
Images 17&18 : Images représentant les City Guides Louis Vuitton (329)
ANNEXES

Annexe 1 : Grille des méta-thèmes, thèmes et sous-thèmes ayant émergé de l’étude n°1 (403)
Annexe 2 : Exemple de guide d’entretien, deuxième phase empirique,
étude de cas Louis Vuitton (étude n°3) (405)
Annexe 3: Grille des méta-thèmes, thèmes et sous-thèmes ayant émergé
de l’étude de cas VSC (étude n°2) (407)
Annexe 4 : Grille des méta-thèmes, thèmes et sous-thèmes ayant émergé
de l’étude de cas Louis Vuitton (étude n°3) (409)
Annexe 5 : Article paru sur Internet sur l’opération VSC-Konbini (411)
Annexe 6 : Photographies de l’exposition « Volez, Voguez, Voyagez »
Louis Vuitton, Février 2016 (412)
Annexe 7 : Extrait de la brochure de l’exposition « Volez, Voguez, Voyagez »
Louis Vuitton, Février 2016 (413)
INTRODUCTION GÉNÉRALE

1) Introduction au sujet de recherche

« Social media in recent years is a natural evolution of our strategy


and has amplified our engagement »
(Arun Hozack, VP-Marketing Red Bull North America)

La marque de boissons énergisantes Red Bull est un cas d’école, un exemple réussi de stratégie de
contenu de marque souvent cité par les professionnels du marketing et de la communication.
Fondée en 1987 par l’autrichien Dietrich Mateschitz, la marque place rapidement le sponsoring
d’événements sportifs au centre de sa stratégie de communication. A l’ère du digital, ce thème
fédérateur lui permet de produire et de relayer des contenus sur les nombreuses plateformes de réseaux
sociaux sur lesquelles elle est présente et d’animer ainsi ses communautés de fans dans le monde
entier.
Depuis 2007, l’entreprise Red Bull s’est dotée d’une « media house » qui comprend près de 300
collaborateurs : des rédacteurs, des monteurs, des photographes, des cameramen ont été recrutés pour
produire et fournir du contenu aux médias2 sur lesquels la marque est présente. La marque compte, en
plus des plateformes de réseaux sociaux classiques, un magazine appelé The Red Bulletin, tiré à plus
de cinq millions d’exemplaires, ainsi qu’une chaîne de télévision diffusée en Allemagne, en Autriche
et en Suisse. Elle est devenue une marque média à part entière et se donne les moyens de mettre en
œuvre cette stratégie : 30% des revenus de la société seraient en effet consacrés à ses activités
marketing.

Les contenus de marque désignent des « contenus éditoriaux de toute nature, créés par une marque
qui devient une marque-média lorsque ces contenus sont développés » (Baynast et Lendrevie, 2014).
La pratique n’est pas nouvelle : la marque Michelin, avec son guide édité au début du XXème siècle,
est souvent citée comme l’un des précurseurs en France. Le contenu de marque a gagné, avec
l’apparition des médias sociaux, une nouvelle popularité auprès des annonceurs et des publicitaires.
D’autres exemples plus actuels peuvent être cités. La marque Coca-Cola a par exemple réorganisé
l’intégralité de ses contenus digitaux autour de son magazine en ligne Coca-Cola Journey ; la chaîne
de cafés Starbucks concentre sa stratégie de communication sur les plateformes de réseaux sociaux et
multiplie par conséquent ses pratiques de contenu de marque au fil des actualités de ses points de

2
Frédéric Thérin, Les secrets de la machine de guerre Red Bull, Les échos le 9/11/2012
(http://www.lesechos.fr/09/11/2012/LesEchos/21309-048-ECH_les-secrets-de-la-machine-de-guerre-red-bull.htm)

1
ventes. En France, les stratégies suivies par les marques Evian – avec sa série de films axés sur le
slogan « Live young » – et Oasis – avec la saga des P’tits Fruits – ont permis de conforter leur
présence digitale.
Sans nécessairement parvenir au niveau de maturité de ces marques, les pratiques de contenu de
marque se généralisent en réponse à la nécessité de nourrir la présence des marques sur les médias
digitaux et de séduire des internautes de plus en plus exigeants dans leur consommation de contenus.
La croissance explosive des médias sociaux a considérablement modifié l’environnement de
communication des marques (Hewett et al., 2016). Rares sont les marques aujourd’hui qui ne se
questionnent pas sur leur stratégie de contenu. Ainsi, une étude publiée en avril 20163 par le groupe
Accenture révèle que les directeurs marketing français ont le sentiment d'être submergés par la
création de contenu numérique et déplorent une pénurie de compétences, un manque de moyens
technologiques et la persistance de process inadaptés dans leurs entreprises. Accenture suggère alors
de faire de ce sujet une problématique stratégique pour l'ensemble de l'entreprise, de définir une
stratégie claire pour la gestion des contenus.

Notre projet de thèse a par conséquent pour origine le constat selon lequel les pratiques de contenu de
marque se généralisent avec le déploiement des marques sur les médias digitaux. Il trouve ses racines
dans une pratique managériale de plus en plus répandue et pourtant peu étudiée dans la recherche
académique.
Dans un numéro de la revue Journal of Marketing datant de 2014, Yadav et Pavlou soulignent
l’existence de nouvelles opportunités de recherches dans le domaine de la publicité où les nouvelles
tendances managériales et les nouvelles pratiques ont émergé plus vite que la recherche.
Notre recherche permet à sa mesure de comprendre une pratique contemporaine jusque-là peu
explorée.
De la pratique à la stratégie, le saut se fait aisément et les auteurs qui se sont penchés sur le sujet le
confirment : la production de contenus s’est amplifiée pour devenir une véritable stratégie de
communication qui permet le développement du capital de la marque (Flichy, 2010). Notre projet de
thèse vise à étudier la stratégie de contenu de marque dans l’environnement médiatique digital.

C’est sous cet angle précisément, celui de la stratégie, que nous envisageons d’étudier le contenu de
marque digital. Plus concrètement, nous nous intéressons à comprendre comment cette stratégie se
forme dans l’organisation ou dans le département marketing. En quelques questions simples :
comment la stratégie est-elle élaborée, comment est-elle décidée et comment est-elle mise en œuvre ?
Cet angle de vue ou angle d’analyse choisi inscrit notre recherche dans le courant de la formation de la
stratégie (marketing strategy making) et dans celui de la décision stratégique (strategy decision

3
Martial Viudes, e-marketing, mai 2016

2
making). Notre recherche vient compléter la littérature dans la mesure où le leadership marketing et la
prise de décision sont souvent étudiés dans le contexte des transactions commerciales, très rarement
dans le domaine du marketing (Hult, 2011).

Wierenga (2011) souligne dans un numéro de l’International Journal of Research in Marketing que le
sujet de la formation de la décision managériale (managerial decision making) reste un sujet peu
couvert bien qu’il soit d’une importance particulière pour le marketing. La qualité des décisions n’est-
elle en effet pas déterminante dans le succès du management marketing ? « C’est le décisionnaire
marketing qui évalue les alternatives, les incertitudes et décide de la politique ou de la stratégie
marketing à appliquer et des outils marketing à mobiliser. »
En effet, si la recherche en marketing a connu depuis les années soixante une croissance exponentielle
des sujets portant sur le comportement du consommateur, peu de recherches se sont en revanche
concentrées sur les comportements des managers et a fortiori sur des questions relatives à la formation
de la décision marketing (marketing decision making).
Notre recherche présente en ce sens une contribution académique originale. En étudiant la stratégie de
contenu de marque et sa formation, nous proposons une compréhension de la décision stratégique en
marketing, appliquée à une stratégie particulière.

2) Fondements théoriques de la recherche

Notre recherche mobilise trois champs de la littérature en marketing : un premier champ concerne
l’environnement digital et plus précisément le contexte médiatique digital, un second champ porte sur
la littérature sur le management de la marque, un troisième champ de littérature concerne la stratégie
marketing et sa formation.

Contexte digital
Le premier champ de littérature pose le contexte dans lequel se déploie la pratique étudiée.
La notion de digital est dans un premier temps abordée dans son ensemble (i.e., les nouvelles
technologies) afin de souligner son impact et ses enjeux pour l’organisation toute entière.
Nous l’envisageons ensuite comme un nouveau média.
Nous posons un certain nombre de définitions propres à cet environnement médiatique (Internet, world
wide web, web 2.0) pour ensuite souligner ses propriétés.
Dans une vision idéalisée de la communication de marque, médias traditionnels (i.e. TV, radio et
presse) et médias digitaux s’intègrent parfaitement, s’harmonisent au sein d’un système appelé
P.O.E.M (paid, owned and earned media) qui différencie les médias non plus par le biais des supports

3
utilisés mais par le biais de l’espace de communication selon qu’il est payé (paid), possédé (owned)
par la marque, ou encore partagé (earned) par son audience.
De nouvelles opportunités s’offrent aux marques depuis l’émergence du web 2.0 au début des années
2000 : celle de pouvoir mener des campagnes virales grâce à l’efficacité gagnée par le bouche à
oreille, celle de pouvoir interagir avec les consommateurs et de pouvoir animer des communautés,
celle de pouvoir accéder à une grande quantité de données.
De nouveaux enjeux se présentent également : les stratégies de communication doivent être déployées
dans une approche intégrative des différents médias de manière à garder un message consistant en tout
point de contact avec le consommateur. Les marques doivent en outre accepter une certaine perte de
contrôle dans leur relation au consommateur (devenu actif) et dans la maîtrise de leur image.
Trois piliers de la communication digitale se dessinent : il s’agit de l’engagement, de la permission
(obtenir la permission de sa cible pour entrer en contact avec elle) et du contenu (Chaffey et al., 2014).
Les marques doivent enfin passer d’une stratégie de communication push (message envoyé par la
marque sans être sollicité) vers une stratégie de communication pull (communication demandée par le
prospect) pour répondre aux standards du paysage médiatique digital.

La marque et son management


Le deuxième chapitre de notre revue de littérature établit le lien avec des réflexions sur le management
de la marque. Les pratiques de contenu de marque s’inscrivent dans la continuité d’un enrichissement
du rôle ou de la posture de la marque dans notre société de consommation.
Si la marque forte était aux origines du marketing un signe de différenciation des concurrents, elle a
évolué vers une marque promesse de qualité, puis vers une marque symbole de valeurs pour devenir
depuis les années 2000 une marque engagement, celle qui fédère des communautés de fans à l’ère du
digital (Kapferer, 2012).
Nous abordons quelques réflexions qui positionnent la marque au-delà de son statut marchand :
comme une personne en relation avec son consommateur, comme un objet culturel ou encore comme
un conteur d’histoires. Ces réflexions témoignent de la perte (dans une certaine mesure) du rôle
purement transactionnel de la marque. Les pratiques de contenu de marque participent à cette
tendance.
Nous abordons enfin les questions ou axes stratégiques qui nous semblent prioritaires dans les activités
de management de la marque aujourd’hui : la gestion de l’identité et de l’image de la marque puis
celle connexe de la plateforme de marque, la construction du capital de marque et enfin le glissement
(amorcé depuis plusieurs années déjà) d’un marketing centré sur le produit (product centric) vers un
marketing centré sur le client (customer centric).

4
Le contenu de marque
Le troisième chapitre de notre thèse ne constitue pas un champ de recherche à part entière mais se
trouve plutôt au croisement des littératures sur la marque et sur la communication. Nous abordons ici
le cœur de notre sujet : le contenu de marque.
Le climat de scepticisme des consommateurs vis-à-vis des techniques marketing, quelles qu’elles
soient, et le surencombrement publicitaire auquel ces derniers sont exposés entraînent les marques
dans une sorte de course à l’attention. L’économie de l’attention (Kessous et al., 2010) est une
économie dans laquelle l’attention est la ressource rare, celle que l’on doit gagner à tout prix.
Une multitude de nouveaux formats de communication ont alors vu le jour sur les médias sociaux. Ils
portent les noms de placement produit, de divertissement marqué (branded entertainment), de
publicité divertissante (advertainment), de contenu de marque ou de contenu marqué (branded
content), de magazines sponsorisés ou encore de jeux publicitaires (advergames) (De Pelsmacker et
al., 2009). Les travaux portant sur ces pratiques sont peu nombreux et n’en donnent pas de définitions
claires et évidentes. L’amalgame entre une pratique ou l’autre est souvent fait et il n’existe pas de
définition exhaustive des concepts correspondants.
Bien qu’il n’existe pas de définition stricto sensu du concept de contenu de marque dans la littérature,
celle-ci nous permet malgré tout de dégager quatre dimensions propres aux pratiques de contenu de
marque : l’engagement, la dimension artistique, la dimension non-marchande et la dimension utilitaire.
Nous mettons finalement en regard le concept de contenu de marque et les concepts de publicité et de
storytelling auxquels il est souvent comparé.

La stratégie marketing
Le dernier champ de littérature mobilisé est celui de la stratégie marketing (Chapitre VI). Il constitue
le champ majeur de notre recherche dans la mesure où nous nous intéressons à étudier le contenu de
marque en tant que stratégie déployée par la marque.
Ce chapitre a pour visée de définir ce que l’on étudie lorsque l’on étudie la formation de la stratégie
marketing : il contribue à cadrer notre recherche et à poser les questions qui l’orientent par la suite.
Nous définissons la notion de stratégie marketing en nous efforçant de déterminer le niveau de la
stratégie étudiée.
Nous déterminons ensuite un certain nombre de séquences chronologiques représentatives du
processus de formation de la stratégie. Cette vision séquencée de la stratégie peut s’apparenter à une
vision normative (ce que devrait être en théorie la stratégie) et se réfère aux écoles de pensées
normatives (Mintzberg et al., 2009). Elle peut être nuancée par des écoles moins formalisées telles
que des réflexions envisageant le processus de formation de la stratégie comme un processus
visionnaire, émergeant, de négociation, culturel etc…
La thèse de Dameron et Torset (2014) qui postule la coexistence de deux approches de la stratégie
dans l’organisation nous semble louable et sera prise en compte dans la suite de nos travaux. Ainsi

5
nous sommes à la fois partisans d’une approche transcendante ou délibérée qui envisage la stratégie
comme réfléchie ou encore planifiée (vision normative) et d’une une approche immanente ou
émergente pour laquelle la stratégie émerge du quotiden managérial et des initiatives non prévues (la
stratégie est ancrée dans l’action et dans un processus d’adaptation permanente).
Nous définissons également la décision stratégique comme une étape clé du processus de la formation
de la stratégie. Nous envisageons plusieurs théories qui abordent et expliquent la décision sous des
angles différents : ainsi le rôle du manager, son passé managérial, ses capacités cognitives et son
attitude face au risque sont des éléments déterminants de la décision.
Nous abordons la question des acteurs de la stratégie et de la décision et nous posons un certain
nombre de théories explicatives de leurs relations.
Nous abordons aussi les stratégies mises en œuvre par l’organisation et par ses acteurs (les managers)
pour atteindre une certaine harmonisation des décisions stratégiques. Les notions de résistance
(Cooper, 2001 ; Kanter, 1983) ou encore de résolution du conflit (Song, Xie et Dyer, 2000 ; Sethi et
al., 2012) sont ici abordées.
Une dernière partie de ce chapitre est enfin dédiée à la phase de décision d’allocation des ressources
budgétaires dans la stratégie marketing. Cette question centrale dans la vie d’une entreprise a été
largement abordée dans la littérature en marketing. Deux approches explicatives de la décision
d’allocation des ressources budgétaires (budgeting) se détachent : une approche économique qui
considère que la décision se fonde sur des contraintes budgétaires et sur des conditions de marché
bien établies (e.g. Samuelson, 1970), et une approche managériale qui envisage les caractéristiques
managériales des acteurs comme fondamentales dans la décision (e.g. Mintzberg, 1978). Les notions
de sensibilité au risque et de management myope des ressources (Mizik, 2010) sont abordées.

3) Problématiques et questions de recherche associées

L’apparition des médias digitaux a entraîné l’émergence de nouvelles pratiques de communication,


dont le contenu de marque fait partie. Quelques recherches se sont intéressées à ces nouvelles
pratiques ; elles ont majoritairement pour objectif de comprendre les effets qu’elles pouvaient avoir
sur les consommateurs.

Le contenu de marque est une pratique de communication contemporaine de plus en plus répandue. Il
peut être envisagé comme une stratégie de communication particulièrement efficace dans le contexte
digital : il s’inscrit en effet dans les codes du web 2.0 et permet aux marques de nourrir leur présence
sur les plateformes digitales.

6
Le contenu de marque en tant que stratégie de communication de la marque a été peu étudié par le
passé.
Cependant, la littérature, bien que peu abondante, nous permet de souligner quelques spécificités du
contenu de marque par le biais de quatre dimensions (l’engagement, la dimension artistique, la
dimension non-marchande et la dimension utilitaire). Les caractéristiques les plus prégnantes du
contenu de marque sont en disruption avec la posture habituelle de la marque dans ses
communications traditionnelles. En particulier, la finalité non-marchande des stratégies de contenu de
marque semble venir en contradiction avec l’objectif originel de toute action marketing (vendre un
produit) et pose questions sur l’efficacité ou encore sur la légitimité de ces stratégies.

Ces réflexions nous conduisent à proposer la problématique suivante :

Quelle est la nature de la pratique de contenu de marque et la formation d’une telle stratégie
génère-t-elle des tensions parmi les managers qui y participent ?

Afin de répondre à cette problématique, nos travaux se composent de deux phases empiriques.

Première phase empirique

Une première étape de clarification de la pratique, et a fortiori du concept, s’est avérée essentielle et
nécessaire à l’étude du contenu de marque en tant que stratégie. En effet, la littérature peu abondante
ne nous fournit pas une définition claire et exhaustive de la pratique. Cette étape de clarification
permet en outre d’ouvrir sur de nouvelles pistes de recherche visant à comprendre la stratégie et sa
formation.

Cette première étude vise par conséquent à définir le concept et la pratique de contenu de marque et à
en dessiner une première image en tant que stratégie. Elle se compose de vingt interviews menées
auprès d’experts en communication digitale, chez l’annonceur et en agence de communication.

Cette première étude est exploratoire. Elle est orientée par les questions de recherche suivantes :

- Quelles sont les parties prenantes à cette pratique ?


- Quelles sont les motivations à développer cette pratique ?
- Quels sont les effets attendus ?
- Quelle est la place cette pratique dans la stratégie plus globale de la marque ?

7
Outre la clarification du concept et de la pratique, notre étude met en lumière un certain nombre de
contradictions ou de tensions. La stratégie de contenu est en effet identifiée comme une stratégie
hybride dans la mesure où elle est pilotée à la fois par les équipes marketing produit et par les équipes
de communication de la marque. Nous démontrons que deux logiques distinctes semblent animer les
unes et les autres : une logique financière (caractérisée par la posture marchande de la marque et par
des objectifs de ventes) pour les équipes produit, versus une logique artistique (posture non-marchande
et objectifs d’image de marque) pour les équipes communication. Des tensions sont identifiées ; elles
résultent du caractère hybride de la stratégie.

Deuxième phase empirique

Nous nous intéressons dans un second temps à comprendre plus précisément de quelle manière les
logiques animant les stratèges s’articulent et se combinent. Il nous est alors nécessaire de rentrer dans
une stratégie en particulier, d’identifier les différentes séquences de son processus de formation, ainsi
que ses acteurs.
Pour ce faire, nous avons choisi la méthodologie des études de cas.

Ainsi, nous étudions le processus de formation des stratégies de contenu de marque des marques
voyages-sncf.com et Louis Vuitton (ces deux marques ont été retenues à l’issue des vingt entretiens
menés lors de notre première étude). Nous cherchons à identifier les différentes phases du processus
d’élaboration de la stratégie et de sa mise en œuvre. Nous cherchons également à comprendre le rôle
des acteurs participant à la formation de la stratégie et à identifier les tensions survenues entre eux.

Cette deuxième phase empirique est à visée compréhensive.


Trois questions de recherche nous ont guidés dans sa réalisation:

- Comment la stratégie de contenu de marque se forme-t-elle ?


- Quels sont les acteurs parties prenantes à la stratégie, et quelles logiques les animent ?
- Quelles sont les tensions ayant émergé au cours de la formation de la stratégie, et comment
ont-elles été résolues ?

Notre intention est ici de retracer la chronologie des événements fondateurs de la stratégie de contenu
de marque, en considérant que la stratégie peut être délibérée (planifiée) ou émergente (construite dans
l’action).
Nous nous attendons à voir émerger un certain nombre de tensions au cours de ces événements, liées
notamment à la contradiction existant entre la posture non-marchande de la marque (dans ses

8
communications de contenu) et l’aspiration des managers marketing à vendre des produits. Nous nous
intéressons alors à comprendre la résolution de ces tensions.

4) Posture épistémologique de la recherche

L’épistémologie s’intéresse aux trois questions suivantes : Qu’est-ce que la connaissance ?, Comment
est-elle élaborée ?, et Comment justifier le caractère valable d’une connaissance (Gavard-Perret et al.,
2012). Elle traduit la relation entre le chercheur et l’objet.

Le positionnement épistémologique d’un projet de recherche est le garant de sa cohérence (Royer et


Zarlowski, 2003 ; Miles et Huberman, 2003). Il consiste, entre autres, à faire le choix d’un paradigme
épistémologique qui désigne « une constellation de croyances, valeurs, techniques, etc., partagées par
une communauté » (Kuhn, 1962). Ainsi, le paradigme épistémologique dans lequel le chercheur inscrit
sa recherche conditionne ses pratiques de recherche ainsi que les modes de justification des
connaissances obtenues (Gavard-Perret et al., 2012).

Gavard-Perret et ses collègues (2012) recensent six paradigmes épistémologiques couramment


mobilisés dans la recherche en sciences de gestion. Il s’agit du positivisme (logique), du post-
positivisme incluant le réalisme scientifique et le réalisme critique, du constructivisme pragmatique
(ou radical), de l’interprétativisme et du constructivisme concepualisé par Guba et Lincoln.

Notre projet de recherche se positionne dans le paradigme épistémologique constructiviste


pragmatique, pour les raisons que nous allons développer ci-après :
- La première hypothèse fondatrice de ce paradigme postule que chaque humain connaît sa propre
expérience d’un réel (Garvard-Perret et al., 2012). Ainsi, « la connaissance ne reflète pas une
réalité ontologique ‘objective’, mais concerne exclusivement la mise en ordre et l’organisation
d’un monde constitué par notre expérience. » (Glaserfeld, 1988).
- La deuxième hypothèse de ce paradigme propose l’existence d’une interdépendance entre le sujet
et l’objet étudié. Autrement dit, la connaissance que le chercheur produit dépend du chercheur lui-
même, de son histoire et de son projet de recherche (Gavard-Perret et al., 2012).
- La troisième hypothèse enfin postule enfin que « le projet de connaître un certain réel influence la
manière dont on en fait l’expérience, et donc la connaissance que l’on en développe. » (Gavard-
Perret et al., 2012).

Notre recherche ne vise pas en effet à représenter un réel en soi, indépendant des représentations que
nous (en tant que chercheurs) pouvons en avoir, comme cela pourrait être le cas d’une recherche

9
positionnée sur un paradigme épistémologique réaliste. Nous représentons plutôt, lorsque nous
restituons nos résultats, notre propre compréhension du réel étudié. Notre propre expérience et notre
histoire influencent la restitution du réel que nous proposons et la rendent unique. Notre projet de
recherche (ses objectifs, ses fondements théoriques, sa problématique, ses questions de recherche)
influencent enfin notre manière de considérer ou encore de regarder le réel étudié.

La représentation finalement donnée d’un phénomène ou d’un processus ne peut être, dans un
positionnement épistémologique constructiviste pragmatique, l’unique représentation universelle de ce
phénomène. Elle est plutôt une représentation de la situation, autrement dit la représentation du
chercheur qui l’a forgée.

Le recours aux recherches qualitatives (études de cas par exemple) est par ailleurs largement répandu
dans la génération des connaissances des recherches s’inscrivant dans le paradigme constructiviste
pragmatique. Nos travaux de recherche s’appuient de manière exclusive sur des méthodologies
qualitatives de collecte de données (entretiens semi-directifs et éttudes de cas).

Le principe de fiabilité de la recherche consiste à donner au lecteur les détails du cheminement


cognitif du chercheur, en partant du matériau empirique de la recherche (les données collectées) pour
aller progressivement jusqu’aux résultats annoncés, de manière à ce que le lecteur puisse reproduire ce
cheminement s’il le souhaite (Gavard-Perret et al., 2012).

10
Design de la recherche

REVUE DE LITTÉRATURE (Fondements théoriques de la recherche #1)


CHAPITRE I. La marque CHAPITRE II. Contexte digital CHAPITRE III. Contenu de marque
Evolution des approches et Nouveaux médias, propriétés, Contexte de déploiement des nouveaux formats
postures de la marque opportunités et enjeux publicitaires
Définitions du contenu de marque / Rapprochement des
concepts voisins  storytelling et publicité

Le contenu de marque est une pratique peu étudiée et mal définie dans la littérature.
Il o espo d à u e st at gie de o u i atio de plus e plus pa due à l’ e du digital.
Les caractéristiques les plus prégnantes du contenu de marque sont en disruption avec la posture habituelle de la marque
da s ses o u i atio s t aditio elles e d e se i e, e ie e d e, e p u te les odes de l’a t .

Problématique générale : Quelle est la nature de la pratique de contenu de


marque et la formation de cette stratégie génère-t-elle des tensions parmi les
managers parties-prenantes ?

Compréhension des pratiques de contenu de marque dans le contexte digital

CHAPITRE IV & V. ÉTUDE EMPIRIQUE N°1 (étude exploratoire fondée sur des interviews de managers) :
Définition du concept de contenu de marque,
Identification des parties prenantes à la pratique,
Identification des motivations et des effets attendus de la pratique,
Positionnement de la pratique dans la stratégie plus globale de la marque,
Considération du contenu de marque comme stratégie hybride orientée par deux logiques (financière et artistique).

RETOUR À LA LITTÉRATURE (Fondements théoriques de la recherche #2)


CHAPITRE VI. Stratégie marketing
Processus de formation de la stratégie
Décision et acteurs de la décision
Divergence des points de vue et opinions
Négociation, harmonisation de la décision

Description du processus de formation des stratégies de contenu de marque,


Analyse des logiques animant les parties prenantes à la stratégie.

CHAPITRE VII, VIII & IX. ÉTUDES EMPIRIQUES N°2 & 3 (études de cas à visée explicative) :
Etude du processus de formation de la stratégie de contenu de marque digital,
Identification des diff e tes phases du p o essus d la o atio de la st at gie et de sa ise e œu e (vision transcendante),
Identification de l a ti ulatio e t e les a tio s et la st at gie vision immanente),
Compréhension du rôle des acteurs participant à la formation de la stratégie et des éventuelles tensions survenues.

11
12
PREMIÈRE PARTIE :
Fondements théoriques et contexte de la recherche

Cette première partie de notre thèse vise à poser notre sujet et objet de recherche ainsi que les
premiers questionnements qui lui sont associés.

Elle mobilise plusieurs champs de la littérature :


- le champ de la stratégie digitale et plus précisément celui de la communication digitale
(Chapitre I),
- le champ du management de la marque (Chapitre II),
- le contenu de marque digital qui ne constitue pas un champ de littérature à part entière,
mais qui se trouve au croisement de réflexions sur la marque et sur la communication
traditionnelle et digitale (Chapitre III).

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14
Chapitre I. Contexte digital

Chapitre I. Contexte digital :

Fondamentaux et enjeux pour l’organisation

En se focalisant sur les pratiques ou stratégies de contenu de marque digital, notre recherche s’inscrit
dans le contexte digital. L’objectif de ce chapitre est de comprendre les implications du digital dans
son ensemble pour l’organisation (I.1) puis d’appréhender le digital comme un ‘nouveau’ média de
communication pour les marques (I.2 et suivantes). Nous posons quelques définitions de termes que
nous utiliserons fréquemment dans la suite de nos travaux, nous décrivons également les
caractéristiques de ces nouveaux médias (I.2). Nous nous attachons ensuite à dresser une liste des
nouvelles opportunités offertes par le Web 2.0 (I.3) et des nouveaux enjeux de la communication
digitale (I.4).

I.1. Emergence du digital : quels enjeux pour l’organisation ?


I.1.1. L’incontournable digital, intégré à la stratégie de l’organisation
I.1.2. Marketing digital
I.1.3. Stratégie marketing digitale
I.1.4. Les défis du digital pour l’organisation

I.2. L’Internet comme média de communication pour les marques


I.2.1. Médias digitaux, définitions et propriétés
I.2.2. Nouveaux médias, propriétés
I.2.3. Médias digitaux et médias traditionnels intégrés : le système POEM

I.3. Web 2.0, nouvelles opportunités pour les marques


I.3.1. Le Word of Mouth ou bouche à oreille
I.3.2. L’interactivité ou la nouvelle relation client
I.3.3. Les communautés en ligne
I.3.4. Les données

I.4. Les nouveaux enjeux de la communication digitale


I.4.1. L’approche intégrative
I.4.2. Les trois piliers de la communication digitale : l’engagement, la permission, le contenu
I.4.3. D’une logique de média push vers une logique de média pull

15
Chapitre I. Contexte digital

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Chapitre I. Contexte digital

Vingt-cinq ans après l’ouverture du premier site Web en 1991, l’époque digitale actuelle est une ère
post PC, matérialisée par les objets connectés et par les terminaux mobiles. Le marketing
d’aujourd’hui est fortement impacté par la structure du marché digital. Le marketing digital est un
domaine enthousiasmant, en constante évolution, porteur de nouveaux défis et de nouvelles
opportunités. L’agilité technologique des organisations – savoir former ses équipes ou se tourner vers
des prestataires – et la course à l’attention des internautes font partie des défis majeurs que les
marques, managers ou publicitaires doivent relever (Chaffey et al., 2014).

I.1. Emergence du digital : quels enjeux pour l’organisation ?

Nous envisageons ici l’Internet ou le digital d’un point de vue macro, au niveau de l’organisation.
Nous nous intéressons à son intégration dans la stratégie de l’organisation puis dans la stratégie
marketing, et aux enjeux qu’ils représentent.

I.1.1. L’incontournable digital, intégré à la stratégie de l’organisation

L’Internet constitue pour Porter (2001) une nouvelle technologie d’une grande importance. La
question que les organisations doivent se poser ne doit plus porter sur l’adoption ou non de la
technologie Internet (les entreprises n’ont pas le choix si elles veulent rester compétitives) mais plutôt
de la manière dont elles doivent l’adopter. Certains ont affirmé que la technologie Internet rendait les
‘anciennes’ règles obsolètes. De tels partis pris ont pour Porter conduit des compagnies à prendre de
mauvaises décisions, à voir l’attractivité de leur industrie s’éroder et leur avantage compétitif se diluer.
Les nouveaux moyens de conduire une économie, les fondamentaux de la concurrence restent les
mêmes à l’ère du digital. Il ne faut dorénavant plus parler d’industries de l’Internet, de stratégies e-
business, ou encore de nouvelle économie : l’Internet est un outil puissant qui peut être utilisé dans
n’importe quelle industrie et qui peut faire partie de toute stratégie. L’Internet apporte des opportunités
de positionnement stratégique et distinctif de la concurrence. Le conseil fort qui émerge alors est
d’intégrer l’Internet dans sa stratégie. L’intégration de l’Internet à la stratégie toute entière de
l’organisation est en effet essentielle : il s’agit de faire de cette technologie puissante un avantage
compétitif. Les réflexions de l’organisation ne doivent plus porter sur les sujets de l’e-business ou de
l’e-stratégie mais sur le ‘business’ et sur la stratégie dans leur globalité, le digital en faisant partie.

L’intégration de la stratégie digitale dans la stratégie de l’organisation – tout comme dans sa stratégie
marketing – est un véritable enjeu pour l’entreprise. Les entreprises qui considéraient leur activité sur
l’Internet de manière isolée sont de moins en moins nombreuses. Par le passé, la plupart des

17
Chapitre I. Contexte digital

technologies de l’information (IT) étaient destinées à augmenter la productivité ou à diminuer les


coûts opérationnels. Elles étaient considérées comme des outils additionnels. La vision stratégique
postulait alors que la stratégie IT devait être alignée à la stratégie globale de la firme (Henderson et
Venkatraman 1993). Au cours des deux dernières décennies, le rôle de l’IT s’est significativement
transformé. Les technologies de l’information se sont propagées et immiscées aussi bien dans
l’entreprise que dans les foyers, transformant les routines du quotidien autant que les processes
organisationnels. Une nouvelle approche des IT les considère non seulement comme immergées
(immersed) dans l’environnement de l’entreprise mais aussi comme étant en fusion avec celui-ci, de
telle manière que la stratégie IT et celle de l’entreprise sont devenues indissociables (El Sawy 2003). Il
en résulte pour les entreprises la nécessité de développer des stratégies digitales : une approche qui
intègre l’idée d’ancrage de ces nouvelles technologies à la fois dans le processus organisationnel et
dans notre quotidien.

I.1.2. Marketing digital

La notion de marketing digital est apparue récemment. Il fut longtemps désigné par les appellations e-
marketing, web-marketing ou encore marketing numérique. Une définition récente du marketing
digital est donnée par Chaffey et ses collègues (2014) comme «l’atteinte d’objectifs propres au
marketing grâce à l’usage de technologies numériques » (ordinateurs, téléphones mobiles et autres
plates-formes). L’emphase porte sur les objectifs (marketing, commerciaux, organisationnels) plutôt
que sur la technologie, celle-ci n’étant qu’un moyen supplémentaire d’atteindre ces objectifs.
Le marketing digital englobe l’ensemble des pratiques qui consistent à promouvoir les produits et
services en ayant recours aux canaux de distribution digitaux (Smith 2011). Ces pratiques incluent la
publicité en ligne qui consiste à délivrer des messages aux consommateurs. La communication sur les
médias digitaux est en outre considérée comme l’un des axes de développement les plus prometteurs
en marketing dans les décennies à venir (Okazaki, Katsukura, & Nishiyama, 2007).

Connexes à la notion de marketing digital, l’achat et la vente de biens sur Internet sont regroupés sous
la forme d’une même activité appelée e-commerce ou encore commerce électronique. Dans un rapport
datant de 2008, l’OECD (Organization for Economic Cooperation and Development) énonçait que la
crise financière avait été un facteur d’accélération de l’e-commerce dans le monde entier, cette activité
étant considérée par les consommateurs comme un moyen de réduire leurs dépenses (Iafrica, 20094).
Des prévisions à la hausse ont rapidement été annoncées aux Etats-Unis, en Europe puis dans les pays

4
In Smith (2011)

18
Chapitre I. Contexte digital

en développement (Schulman, 20085). En Inde, les prévisions de croissance étaient 51% par an en
2008 ! (Marvist Consulting, 20086).

I.1.3. Stratégie marketing digitale

Les décisions relatives à la stratégie digitale sont des décisions communes à la stratégie d’affaires et à
la stratégie marketing (Chaffey et al., 2014). Elles portent sur des questions de segmentation, de
ciblage, de positionnement et se posent finalement de la même manière. Une emphase particulière est
en revanche mise sur la finesse de la segmentation dans le contexte digital.
La stratégie digitale doit 1) s’aligner sur la stratégie d’affaires (business strategy) 2) préciser les
objectifs (par exemple en nombre de prospects ou en volumes générés) 3) être cohérente avec la cible
4) définir une proposition de valeur attractive et compétitive 4) préciser le mix de communication pour
attirer la cible sur les médias détenus (owned media) 5) accompagner les clients tout au long de leur
parcours (Chaffey et al., 2014).

La définition d’une stratégie de marketing digitale est indispensable pour fournir une orientation
cohérente, intégrée aux activités marketing et soutenant les objectifs globaux de l’entreprise. La
stratégie de marketing digitale comporte de nombreuses similitudes avec la stratégie marketing
traditionnelle (Chaffey et al., 2014) : elle oriente les activités du marketing digital, elle résulte de
l’analyse de l’environnement externe des ressources internes et des capacités de l’entreprise. Les
objectifs de marketing digital viennent soutenir les objectifs commerciaux et marketing. La stratégie
de marketing digital vise à créer un avantage concurrentiel durable, elle est constituée des dimensions
habituelles de toute stratégie marketing (cible, positionnement, mix marketing), elle spécifie enfin la
manière dont les ressources doivent être déployées et dont l’entreprise doit se structurer pour mener la
stratégie.

Si la stratégie digitale est intégrée dans une approche marketing globale, des spécificités propres au
digital demeurent cependant : les technologies sont toujours plus sophistiquées, et des expertises
approfondies sont constamment requises. Le déploiement du marketing digital ou d’une stratégie de
marketing digital est devenu dans ce contexte une question de survie, où les managers ne se posent pas
tant la question du ROI (Return On Investment) mais plutôt celle du Risk Of No Invest. L’intégration
du digital dans l’entreprise s’inscrit dans une démarche de gestion du changement, dans laquelle les
acteurs définissent de nouveaux objectifs, mettent en œuvre de nouvelles stratégies de communication,
acquérant enfin de nouvelles compétences (Chaffey et al., 2014).

5
In Smith (2011)
6
In Smith (2011)

19
Chapitre I. Contexte digital

I.1.4. Les défis du digital pour l’organisation

Plusieurs défis inhérents à l’émergence du digital (Leeflang et al., 2014) peuvent être cités : 1) la
capacité de l’organisation à gérer la santé et la réputation de sa marque, 2) sa capacité à évaluer
l’efficacité du marketing digital, et 3) sa capacité à adapter sa structure aux exigences ou aux
opportunités offertes par l’environnement digital.
1) Le rôle des médias sociaux dans la gestion de la santé de la marque et de sa réputation peut être
considéré comme l’une des tensions majeures auxquelles les organisations sont exposées. Non
seulement les entreprises éprouvent de difficultés pour mesurer l’impact des médias sociaux sur la
marque et mais elles se confrontent également à un potentiel échec à susciter l’engagement de
leurs consommateurs qui peuvent devenir destructeurs (plutôt que créateurs) de valeur dans
l’environnement digital (Verhoef, Beckers et van Doorn, 2013 ; Verhoef, Reinartz et Kraft, 2010).
L’organisation doit accepter un certain manque de contrôle et le risque d’un bouche à oreille
négatif (Leeflang et al., 2014).
2) Le digital a engendré une variété grandissante des métriques disponibles. La question principale
qui se pose alors porte sur l’importance de ces métriques : doit-on toutes les collecter ou bien se
focaliser sur quelques-unes seulement ?, lesquelles ont un impact sur les performances
marketing ?, dans quelle mesure par exemple le nombre de likes a-t-il un impact sur les ventes et
sur les parts de marché de la marque ou de l’entreprise ? (Mintz et Currim, 2013). Le sentiment
que les mesures ou métriques relatives à l’environnement digital ne sont pas traduites en impact
financier pour l’organisation est très répandu. On comprend alors qu’elles soient difficilement
comparables avec les métriques traditionnelles. Srinivasan, Vanhuele et Pauwels (2010) proposent
ainsi l’idée de métriques d’un nouvel ordre, ou de métriques universelles, une sorte de monnaie
commune (common currency) qui permettrait de comparer les scores du digital avec ceux des
médias traditionnels. Une autre solution réside dans la formation des managers à l’utilisation et à
l’interprétation des métriques en ligne.
3) L’émergence du digital (et du marketing digital) modifie l’organisation des entreprises. Des
changements d’ordre structurel sont nécessaires, auxquels les organisations sont plus ou moins
prêtes : “I have not met anybody … who feels they have the organization completely aligned with
where this digital revolution is going, because it is happening so fast and so dramatically.
Marketing is teaching so many parts of the company now. We need to organize it in a way that
starts to break down the traditional silos in business.” (American Express CMO in Hayes, 2011).
On peut alors arriver à un stade où le marketing se répand au-delà de ses frontières fonctionnelles.
Des tensions entre le marketing et les autres départements peuvent survenir, des problèmes de
coordination entre différentes fonctions : entre le marketing et les ventes, entre le marketing et le
département de recherche et développement, entre le marketing et la finance etc. (Homburg &
Jensen, 2007 ; Homburg, Jensen & Krohmer, 2008 ; Leenders & Wierenga, 2008 ; Verhoef &

20
Chapitre I. Contexte digital

Pennings, 2012). Cependant, la fin de l’organisation en silo présente un danger : celui que le
marketing devienne de la responsabilité de tous et que parallèlement plus personne ne se sente
véritablement responsable, que la (les) stratégie(s) marketing manque(nt) de véritable coordination
(Verhoef & Leeflang, 2009).

En synthèse :

- La stratégie digitale de la firme doit être intégrée à la stratégie de l’organisation.


- Le marketing digital rassemble les pratiques marketing réalisées grâce au digital ; il permet
d’atteindre les objectifs marketing (l’emphase est mise sur les objectifs plutôt que sur la
technologie qui n’est qu’un moyen).
- La stratégie de marketing digitale donne une orientation cohérente aux activités de
marketing digital ; elle est intégrée à la stratégie marketing.
- Trois enjeux propres aux activités de marketing digital ont été soulignées : 1) la capacité de
l’organisation à gérer la réputation de sa marque, 2) sa capacité à évaluer l’efficacité de ses
activités, et 3) sa capacité à adapter sa structure aux exigences et aux opportunités du digital.

21
Chapitre I. Contexte digital

22
Chapitre I. Contexte digital

I.2. L’Internet comme média de communication pour les marques

Sultan et Rohm (2004) identifient cinq problématiques étudiées dans les recherches portant sur
l’Internet et ses enjeux: 1) l’Internet comme un média de communication (e.g. Hoffman et Novak,
1996), 2) les marchés du e-business (e.g. Grewal, Comer & Mehta, 2001), 3) les effets de l’usage de
l’Internet sur le développement de la confiance (e.g. Sawhney & Zabin, 2002 ; Sultan et al., 2002), 4)
la structure de l’industrie électronique, les caractéristiques des produits, les avantages des achats en
ligne (e.g. Balasubramanian, Krishnan & Sawhney, 2000 ), 5) les questions relatives aux stratégies
concurrentielles sur Internet (e.g. Varadarajan & Yadav, 2002).

Notre recherche s’inscrit dans le champ de l’Internet comme média de communication.


L’Internet sera, dans cette section, envisagé comme un média que nous définirons et dont nous
décrirons les propriétés.

I.2.1. Médias digitaux, définitions et propriétés

Les médias digitaux incluent tous les médias disponibles sur ordinateur, téléphones mobiles et autres
appareils digitaux. L’internet est une voie proéminente pour le marketing digital. La publicité ou la
communication digitale sont une forme de promotion qui a recours à l’Internet dans l’objectif de
délivrer des messages marketing (Smith, 2011). La publicité en ligne a connu un développement
phénoménal depuis ses débuts en 1994 (Robinson, Wysocka & Hand, 2007). L’Internet est devenu le
média de publicité à la croissance la plus rapide des dix dernières années (Ha, 2008).

Parce que l’amalgame est souvent fait entre les termes Internet, Web, Web 2.0, médias digitaux,
réseaux sociaux, il nous a semblé nécessaire de poser quelques définitions avant d’aborder les sujets
de la communication digitale.

1) Internet

Internet est l’abréviation de INTERnational NETwork, autrement dit réseau international. Il s’agit
d’un réseau télématique international résultant de l’interconnexion des ordinateurs du monde entier
utilisant un protocole commun d’échange de données afin de dialoguer entre eux via les lignes de
télécommunication7.

7
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Internet/125060

23
Chapitre I. Contexte digital

2) World Wide Web

L’amalgame entre l’Internet et le World Wide Web est souvent fait. Le World Wide Web constitue
l’une des grandes inventions dans le domaine de la communication et du langage dans la mesure où ce
nouvel outil permet de s’affranchir de la distance. Il est encore un phénomène en plein développement.

Le World Wide Web est un système hypertexte public qui fonctionne sur Internet ; il ne constitue que
l’une des applications de l’Internet, et se distingue des autres applications telles que le courrier
électronique, la messagerie instantanée ou encore le partage de fichiers entre Internautes8. Le Web
permet de consulter des pages accessibles sur des sites Internet grâce à un navigateur.
Initialement considéré comme un réseau de recherche, le Web est rapidement devenu un espace dans
lequel de nombreux services se sont développés (de la vente en ligne aux réseaux sociaux). De
nouveaux modèles de ventes sont apparus ou se sont modernisés grâce à leur digitalisation ; c’est le
cas par exemple des ventes aux enchères, des ventes privées etc. (Isaac et Volle, 2014).

En 1993 le premier navigateur appelé Mosaïc fut lancé aux Etats-Unis (il s’agissait d’un logiciel qui
permettait d’afficher des pages Web), il fut le premier navigateur ayant permis l’accès du Web au
grand public. Par la suite et rapidement, une partie de ses concepteurs rejoignit Netscape, navigateur
dominant pendant de nombreuses années (Baynast et Lendrevie, 2014).

3) Web 2.0

Le Web 2.0 est une appellation imaginée par Tim O’Reilly en 2005 et constitue une évolution de
l’Internet. Son rôle est de faciliter les interactions entre individus grâce aux technologies de
publication et de partage (Chaffey et al., 2014). La naissance du Web 2.0 marque l’apparition d’une
nouvelle forme d’utilisation du World Wide Web comme une plateforme dont le contenu n’est plus
seulement créé et publié par les individus, mais plutôt constamment modifié par tous les utilisateurs de
manière participative et collaborative. Le Web 2.0 constitue la plateforme permettant aux médias
sociaux d’évoluer (Kaplan et Haenlein, 2010).

Encore appelé web social, la démocratisation du Web 2.0 se manifeste pas le succès rencontré par les
plateformes Facebook ou Twitter. On délimite plusieurs types de plateformes sociales
(Smartinsights.com, 2011 in Chaffey et al., 2014) :
- les réseaux sociaux à usage personnel (Facebook) ou professionnel (Linked In) ;

8
https://fr.wikipedia.org/wiki/World_Wide_Web

24
Chapitre I. Contexte digital

- les médias sociaux : sites d’actualité offrant la possibilité de commenter des contenus (articles,
vidéos …) ;
- les blogs ;
- les communautés de niche sur des sujets précis hébergées par des forums ;
- les plateformes de partage de favoris web (Digg, StumbleUpon, Delicious) ;
- les plateformes de partage de contenus multimédia photos (Instagram, YouTube, Vine) ;
- les plateformes de connaissance collaborative (Wikipédia).
- les services clients 2.0.

On désigne souvent l’ensemble de ces plateformes par les termes réseaux sociaux ou médias sociaux.
Elles représentent un groupe d’applications Internet se basant sur les fondations idéologiques et
technologiques du Web 2.0 et permettant la création et l’échange de Contenu Généré par l’Utilisateur
(Kaplan et Haenlein, 2010).

Les travaux de Boyd et Ellison (2007) définissent les sites de réseaux sociaux comme des services web
permettant aux individus de créer un profil public ou semi-public dans un système délimité, de
constituer une liste d’’utilisateurs avec lesquels ils établissent une connexion, de visualiser et de
parcourir la liste de leurs connexions ainsi que les listes de leurs propres connexions. Facebook est
l’un des sites les plus puissants et les plus reconnus. Les SNWs (Social Networking Websites) étaient
à l’origine considérés comme de véritables terrains de jeux pour les étudiants des universités (Evans,
2006, Read, 2006). La page ou profil de marque est aujourd’hui devenue l’un des atouts marketing ou
publicitaires de Facebook. Elle permet à la marque de communiquer avec ses clients acquis et
potentiels, de construire une relation marque-consommateur et d’offrir du divertissement.

I.2.2. Nouveaux médias, propriétés

Le concept de média digital comprend tout média permettant de publier ou de diffuser une information
sous un format digital (Shapiro et Varian, 1999). Les auteurs de cette définition font la distinction
entre le contenu digital et le média digital diffusé grâce à l’Internet et au téléphone mobile, qui permet
et encourage les interactions entre l’émetteur et le récepteur. Les nouvelles technologies interactives
ouvrent ainsi de réelles opportunités aux annonceurs, telles qu’offrir de nouvelles expériences au
consommateur par le biais de jeux, d’échange de contenu, de feedback instantané, pouvant se traduire
en impact supplémentaire sur son comportement (Taylor, 2009).
Plusieurs caractéristiques permettent de définir les médias digitaux ou nouveaux médias (Gordon
2010; Libai et al. 2010) :

25
Chapitre I. Contexte digital

1) DIGITAL : le caractère digital des nouveaux médias permet à quiconque disposant d’une connexion
Internet de pouvoir être acteur, de pouvoir produire son propre contenu sans passer par l’intermédiaire
des éditeurs,
2) la dimension PRO-ACTIVE des médias digitaux est synonyme de participation active des
consommateurs / internautes,
3) VISIBLE : les activités entreprises sur ces médias sont visibles des autres
4) REAL-TIME et MEMORY : les contenus sont accessibles au moment où ils sont produits
5) UBIQUITOUS : les nouveaux médias peuvent être accessibles à n’importe quel moment et de
n’importe quel endroit
6) NETWORKS : les nouveaux médias sont utilisés par les consommateurs pour faire partie de réseaux
sociaux propices à la création et au partage de contenus, à la communication et à la création de liens
avec entre les internautes / consommateurs. Plus d’un milliard d’individus utilisent aujourd’hui
l’Internet ou le Web, soit 39% de la population mondiale et 65% de la population européenne (source
IAB Europe in Chaffey et al., 2014). Le web, encore appelé cinquième média (après les journaux, les
magazines, la radio et la télévision) est plus rapide, moins coûteux et permet une communication plus
immédiate et plus globale que les médias traditionnels (Ellsworth et Ellsworth, 1997). Il offre aussi
des possibilités plus larges en termes de communication et des opportunités de produire des contenus
publicitaires plus riches.

En 2014, un quart des budgets mondiaux marketing était consacré au digital : 22% en France, 24% aux
Etats-Unis. Cette proportion est en pleine croissance. En France, l’essentiel des budgets est alloué au
référencement payant (58%) et à l’achat de bannières publicitaires (26%) (Chaffey et al., 2014).
L’AFP prévoyait pour 20169 une croissance mondiale de 14,3% des investissements dans les médias
numériques, pour une croissance publicitaire mondiale de 4,7%. Les dépenses accrues en
communication digitale viennent en réponse au développement des vidéos diffusées en ligne et sur
mobile qui sont de belles opportunités pour les annonceurs de placer leurs messages publicitaires.

9
prévisions datant de septembre 2015

26
Chapitre I. Contexte digital

I.2.3. Médias digitaux et médias traditionnels intégrés : le système POEM (Paid Owned et
Earned Media)

10
Figure 1 : Le système P.O.E.M.

Le système Paid Owned Earned Media ou P.O.E. M. tel que présenté sur la figure ci-dessus est
souvent cité par les experts en communication. Il permet de lier entre eux les médias traditionnels et
les médias digitaux et se définit de la manière suivante (Chaffey et al., 2014) :
- Le « paid media » représente les médias achetés par la marque, soit un espace de présence acheté
qui se matérialise par les moteurs de recherche, les bannières de publicités présentes sur le Web ou
encore par les médias traditionnels (presse, radio et TV).
- Le « owned media » comprend les médias détenus par l’entreprise qui en est le propriétaire : il
s’agit des sites Web, des blogs, des newsletters, des applications mobiles mises en œuvre par la
marque – entreprise. Ces espaces sont maîtrisés par la marque et ses représentants. Les comptes
Facebook et Twitter de la marque entrent dans cette catégorie de médias. Il peut tout aussi bien
s’agir de médias hors ligne tels que le packaging, le point de vente, ou encore les brochures éditées
par la marque.
- Enfin le « earned media » ou média gagné se compose des relations presse ou plus largement des
relations publiques, soit des partenaires, des influenceurs et des fans. Il fonctionne sur le principe
du bouche à oreille et du partage. Un contenu initialement diffusé sur du owned media pourra
ensuite se répandre par le biais du earned media ; la marque aura ici atteint son objectif
d’engagement de son audience dans la mesure où celle-ci se partagera le contenu.

10
Source alesiacom.com, octobre 2015

27
Chapitre I. Contexte digital

Pour Thomas Jamet (2013), les trois typologies de médias (paid, owned et earned) constituent leur
nouvelle classification et la traditionnelle démarcation entre médias above the line (qui désignaient les
grands médias traditionnels comme la TV, la radio ou encore la presse) et médias below the line (qui
désignaient toutes les activités de communication hors-média) n’a plus lieu d’être.

En synthèse :
- Le World Wide Web constitue l’une des applications d’Internet. Le Web 2.0 représente un
prolongement des fonctionnalités du Web et permet une interaction à double sens, le partage
des contenus.
- On assiste depuis les débuts du digital à une augmentation continue des investissements des
annonceurs dans les médias digitaux.
- L’intégration des médias digitaux parmi les médias classiques (ou traditionnels) s’illustre
dans le modèle P.OE.M. qui distingue trois catégories d’espaces médiatiques : 1) les espaces
payés, 2) les espaces possédés (par l’annonceur), et 3) les espaces gagnés (grâce au partage
des contenus entre les internautes).

28
Chapitre I. Contexte digital

I.3. Web 2.0, nouvelles opportunités pour les marques

Nous développerons dans cette section quatre opportunités offertes par le Web 2.0 : 1) le bouche à
oreille, WOM ou marketing viral initié par les internautes, 2) la possibilité pour les marketers
d’interagir avec leurs consommateurs et d’entretenir une nouvelle relation, 3) la possibilité d’engager
le consommateur dans une communauté de marque, et 4) la possibilité de récolter des données ou data
sur ces consommateurs et de mieux cibler son offre.

I.3.1. Le Word of Mouth ou bouche à oreille

Le bouche à oreille ou Word of Mouth (WOM) se définit comme la « transmission d’un individu à un
autre, entre pairs, d’informations et de jugements de toute nature à des fins non commerciales. » Le
marketing viral consiste à générer du bouche à oreille sur Internet (Baynast et Lendrevie, 2014). On
désigne par marketing viral les programmes marketing d’influenceurs, les portails de communautés,
ou encore les vidéos virales. Tous contribuent à la construction de la notoriété de la marque.

La Word of Mouth Marketing Association (WOMMA) a été fondée en 2004 dans l’objectif de définir
les standards, d’identifier les best practices et de mettre en place les métriques du marketing viral.
Une étude menée par Sharpe Partners (2006) révélait que plus de 40% des consommateurs étaient
plutôt favorables au partage de contenu de marque avec leurs amis, et que 5% seulement y étaient
réfractaires. Le bouche à oreille constitue pour Keller (2007) le mode de communication le plus
influent. La confiance accordée aux messages émanant des pairs (consommateurs) est plus importante
que celle qu’on accorde aux messages corporate (édités par l’entreprise) (Smith, 2011). Un WOM
positif peut aboutir sur l’essai du produit et sur son achat (Fergusson, 2008).

« Le marketing viral est plus fastidieux à mettre en place qu’une campagne de publicité classique
parce que le phénomène de WOM se produit constamment, que vous soyez actifs ou non. Il s’agit pour
le marketer non pas de penser uniquement à la campagne de marketing viral mise en place dans le
mois, mais plutôt à l’expérience du consommateur avec la marque dans sa globalité. » (Jim Nails,
membre du comité de direction de la WOMMA).

La marque multinationale Procter & Gamble est considérée comme précurseur en matière de
marketing viral. Elle lance en 2001 un programme nommé Tremor dont l’objectif est de faire la
promotion de ses produits destinés aux adolescents en ayant recours aux techniques de bouche à
oreille. L’opération est un succès et le programme Tremor compte aujourd’hui plus de 225 000

29
Chapitre I. Contexte digital

adolescents dans sa base de données. La force du marketing viral repose sur la propension du
consommateur à parler pour la marque, à la recommander.
Hennig-Thurau (2004) met en avant quatre motivations à la contribution des consommateurs au
bouche à oreille : la recherche d’une interaction sociale, le souci de l’autre (consommateur), la mise en
avant de soi, la réponse à des motivations de nature économique.
L’identification des influenceurs fait partie des activités de la gestion de la relation client. Kumar
(2013) incorpore des métriques relatives à l’influence du consommateur dans l’analyse de campagnes
de bouche à oreille (WOM). Il est parvenu à démontrer une progression de 49% de la notoriété de
marque, ainsi que des gains significatifs en termes de ventes et de ROI.

I.3.2. L’interactivité, ou la nouvelle relation client

Hoffman et Novak (1996) font la distinction entre l’interactivité sans intermédiaire (unmediated) – la
communication face à face entre deux individus – et l’interactivité avec intermédiaire (mediated),
facilitée par un outil digital. Steuer (1992) représente l’interactivité médiée ou ‘mediated interactivity’
par l’étendue avec laquelle les utilisateurs peuvent participer à la modification de la forme et du
contenu d’un environnement en temps réel. Dans un environnement digital, elle se symbolise par la
capacité de l’utilisateur à modifier son environnement par le biais de l’ordinateur (Hoffman et Novak,
1996). L’idée qui nous intéresse ici est celle de la participation active de l’individu à la production de
contenu : le consommateur ne reçoit plus passivement l’information, il peut agir sur cette information
et en créer.

On peut parler de disparition, ou tout du moins d’atténuation du rôle passif des consommateurs : ils ne
sont plus uniquement les receveurs (recipients) de contenus générés par la firme mais démontrent au
contraire un certain intérêt à développer et à exercer un contrôle plus grand sur la communication
qu’ils reçoivent et qu’ils génèrent eux-même. Le Web 2.0 est le média de la culture participative
(Jenkins, 2006)11 dans laquelle les usagers sont au centre et qui vient révolutionner les anciens
modèles. Ainsi, les nouveaux médias sont à l’origine de changements majeurs dans la gestion de la
relation client (Hennig-Thureau et al., 2010) : le consommateur est devenu un partenaire actif, aussi
bien envers ses pairs consommateurs, qu’envers les producteurs et les distributeurs de biens.

L’émergence des médias sociaux signe la « fin du mythe de l’annonceur tout-puissant des années
quatre-vingts et quatre-vingt-dix.». John Deighton (1996) fut l’un des premiers auteurs à avoir
identifié les spécificités de l’Internet : le client est à l’initiative du contact, il est en recherche

11
In Breton et Proulx (2012)

30
Chapitre I. Contexte digital

d’information et d’expérience, il en résulte une plus grande intensité de la communication grâce aux
médias digitaux (versus médias traditionnels). Il définit le marketing interactif comme le passage d’un
marketing efficace à une conversation efficace.

Depuis 1993, le World Wide Web offre de nouvelles opportunités à la communication. La différence
fondamentale avec les médias traditionnels réside dans le dialogue rendu possible entre la marque-
entreprise et le consommateur. Facebook, et les autres plateformes de réseaux sociaux (et plus
largement le Web 2.0) se sont rapidement imposées comme des outils extrêmement attrayants pour les
annonceurs, ouvrant sur de nouvelles perspectives de pouvoir converser directement avec leurs
‘supporters’, de pouvoir établir le lien, de manière beaucoup plus significative que ne le permettaient
initialement le Web ou l’E-mail (Yan, 2011). La parole peut être donnée aux internautes, et entendue,
signant la fin de l’hégémonie de la communication unidirectionnelle, descendante et contrôlées
(Kapferer, 2003). Le bouche à oreille est devenu plus facile et plus puissant. «The digital innovations
of the last decade made it effortless, indeed second nature, for audiences to talk back and talk to each
other» (Deighton, Kornfeld, 2009). Si les marketers ont perdu une part de contrôle sur leurs marques,
ils ont en contrepartie gagné la faculté de pouvoir entrer dans les conversations sur la marque
(Deighton et Kornfeld, 2009). La particularité des médias sociaux réside dans le fait que l’échange se
fait désormais à double sens et se base sur des interactions entre les deux parties, l’émetteur d’une part,
le récepteur d’autre part (Lee, 2010). Le dialogue ainsi établi remplace peu à peu le traditionnel
monologue du marketing (Maurya, 2011).

On devine dès lors qu’une simple présence de la marque sur les médias sociaux ne suffira pas à rendre
la conversation efficace, à provoquer l’engagement des consommateurs. La marque doit, s’adapter à la
nouvelle relation. Elle doit commencer par comprendre ce qui anime la passion de ses consommateurs
pour déterminer ensuite la manière d’utiliser les technologies pour renforcer cette relation (Bradford,
2007). Parmi les premiers experts en e-marketing (le terme utilisé à l’époque), Hoffman et Novack
(1997) dénoncèrent un bouleversement du modèle de communication et introduisirent l’idée d’un
« nouveau paradigme d’échange ». L’Internet et le web comportent des caractéristiques uniques, ils
ont une position déterminante et centrale dans les changements que vit la profession du marketing Le
passage d’une communication à sens unique à celui d’une communication à double sens (Blattberg et
al., 1994) fait partie de ce mouvement. L’idée que le digital est à l’origine d’un changement de
paradigme dans la communication des marques revient de façon récurrente dans la littérature (e.g.
Armstrong and Hagel, 1996; Blattberg et al., 1994; Glazer, 1991; 1993; Hoffman and Novak, 1996;
Kierzkowski et al., 1996; Martin, 1996; Pine, 1992; Rayport and Sviokla, 1995; Schwartz, 1997). Les
nouvelles technologies ont bouleversé la vie et les habitudes des individus, elles ont aussi bousculé
celle des marques.

31
Chapitre I. Contexte digital

Le modèle de communication traditionnel one-to-many (la firme communique un contenu standardisé


à un segment de consommateurs) est remplacé par le modèle many-to-many (la firme et les
consommateurs échangent des contenus personnalisés / customisés) (Hoffman et Novak, 1996). Le
bouche à oreille ou Word of Mouth (WOM) digital réprésente l’une des manifestations de ces
changements : la facilité avec laquelle les consommateurs peuvent diffuser de l’information sur
l’entreprise et ses produits a engendré une nouvelle forme d’activisme chez les consommateurs. Les
consommateurs échangent leurs expériences et attendent en retour un intérêt et une réponse de la part
de l’entreprise. Les médias sociaux ont changé les règles pour les publicitaires et pour les marketers :
ils sont orientés vers le récepteur et suscitent par conséquent un processus de communication à double-
sens, fondamentalement opposé à la communication traditionnelle à sens unique, basée sur l’émetteur
(Prindle, 2011). Le concept marketing, qui consiste à placer le consommateur au centre des activités
de la firme, peut s’exprimer plus pleinement dans un environnement de communication dans lequel
une conversation sensée et interactive avec le consommateur devient possible (Hoffman et Novak,
1997).

I.3.3. Les communautés en ligne

Le terme de communauté en ligne englobe un ensemble vaste de forums existants sur l’Internet,
comprenant les sites de réseaux sociaux, les communautés de jeux, les blogs et sites à l’initiative
d’individuels ou d’entreprises, les sites web destinés à partager des centres d’intérêt (Miller et al.,
2009).

Les communautés en ligne présentent les avantages de la facilité d’interaction (entre ses membres) et
par conséquent des coûts d’interaction très faibles. Elles favorisent la création de liens interpersonnels,
de sources d’information et de lien social (Wellman et al, 1996).

La firme peut jouer différents rôles dans la communauté en ligne : 1) l’observation et la collecte
d’informations 2) l’hébergement et le sponsoring de communautés 3) la fourniture de contenus
(musique, information, divertissement) 4) la participation comme membre de la communauté (dans
une relation de pair avec les autres participants).

L’identité sociale constitue souvent l’une des motivations principales d’un individu à la participation à
une communauté en ligne, davantage encore que la recherche d’information (Burnett, 2000 ; Wellman
et Gulia, 1999). Dholakia, Bagozzi et Pearo (2004) reconnaissent la valeur informationnelle et
instrumentale (résoudre un problème) de la participation à la communauté, ils soulignent aussi la
découverte, la recherche de connexions interpersonnelles, la valorisation sociale et le divertissement
comme sources de motivation.

32
Chapitre I. Contexte digital

La participation à la communauté est associée à l’engagement affectif : un attachement émotionnel


positif ou un sentiment d’appartenance à la communauté. Dans le contexte offline, l’engagement
affectif se développe par le biais d’échanges et de relations sociales qui favorisent la confiance (Cook
et Wall 1980) et le sentiment d’être traité de manière équitable par la communauté (Eisenberger et al.,
1990).

Armstrong et Hagel (1996) postulent que le succès commercial dans le contexte online sera celui des
entreprises capables de créer des communautés électroniques pour répondre aux besoins commerciaux
et sociaux de leurs consommateurs. Ils identifient quatre catégories de communautés : 1) les
communautés de transaction (facilitation de l’achat et de la vente), 2) les communautés d’intérêts
(partage d’une passion commune), 3) les communautés de fiction (fantasy) qui créent des histoires, des
environnements ou encore des personnages nouveaux et 4) les communautés de relation centrées sur
des expériences de vie (les forums sur certains types de pathologies par exemple).

Les communautés de marques ont fait l’objet de nombreuses recherches depuis le début des années
2000, mettant en évidence qu’elles peuvent attirer de nouveaux utilisateurs, renforcer la fidélité à la
marque ou encore permettre de mieux comprendre les consommateurs et ainsi les utilisations
potentielles du produit (Jaffe, 2005 ; Kahney, 2004 ; Muniz et Schau, 2007 ; O’Guinn et Muniz, 2005).
Dans le cas précis des communautés virtuelles de marques, la mise en place de la relation est
essentielle en ce sens où les organisations doivent s’efforcer d’adopter une approche spécifique à ces
communautés si elles veulent en extraire de la valeur (Culnan et al., 2010). Les initiatives efficaces sur
les médias sociaux sont celles qui ciblent des consommateurs appartenant à des communautés de taille
suffisante, qui s’identifient à la communauté et qui y restent fidèles. Plus le consommateur est engagé
envers la communauté, plus il est prêt à contribuer. L’organisation doit se doter de l’infrastructure
nécessaire au suivi de la communauté, reconnaître sa contribution (en particulier sur les forums de
soutien et de développement de produits), favoriser sa participation et la réputation de ses membres,
promouvoir un environnement favorable à la participation. Une communauté de marque fructueuse est
une communauté qui compte un grand nombre de membres actifs, qui renouvellent constamment leur
intérêt pour la marque, en participant à des activités pour la marque (McLaughlin C., Davenport L,
2010).

I.3.4. Les données

La gestion des données clients recueillies sur le Web (aussi appelées Big Data) fait partie des grands
défis du marketing digital (Leeflang et al., 2014). L’enjeu est alors pour l’organisation de pouvoir
collecter les données, de les stocker puis de les traiter, de les rendre visibles et de les partager

33
Chapitre I. Contexte digital

(Snijders, Matzat & Reips, 2012). Ces données sont une opportunité de suivre le consommateur dans
son parcours client (customer journey) (Leeflang et al., 2014). Les données abondantes (big data)
peuvent aussi être considérées comme une source d’innovations dans la mesure où elles permettront
d’améliorer les services et produits de l’entreprise (sur la base des données recueillies sur les
consommateurs) (McAfee & Brynjolfsson, 2012).

La puissance du Web réside dans l’instantanéité des données collectées et dans la capacité ainsi
procurée à la marque à anticiper les réactions de ses consommateurs (Maurya, 2011). Les marketers
sont en mesure de capter des informations sur les consommateurs (insights) beaucoup plus rapidement
qu’ils ne le faisaient auparavant, par le biais des études de marché traditionnelles. Le gain de proximité
avec le consommateur contribue aussi largement à la collecte d’informations pertinentes pour la
marque. Les médias sociaux sont un outil puissant qui permet d’explorer les vies et les opinions des
consommateurs (Barwise, Meehan, 2010). « Les marketers ont accès à une information qui n’est pas
altérée ni filtrée, qui vient directement du consommateur » (Maurya, 2011). « Les activités online sont
un moyen de connaître (et donc de satisfaire) les désirs et besoins des consommateurs avec un degré
de proximité que l’on n’a plus connu depuis l’époque du porte à porte.» 12

Une bonne maîtrise de la donnée ou des données relatives au client permettra entre autre
l’individualisation des messages qui lui seront destinés (Chaffey et al., 2014). Les marketers ont enfin
les moyens grâce à la donnée de mesurer directement l’efficacité de leurs campagnes publicitaires
digitales. Les nouvelles technologies permettent la collecte de données en temps réel, aussi bien que la
mesure des actions de l’audience directement imputables à la publicité, qui ne se basent plus sur une
performance estimée, comme c’est le cas des panels traditionnels, mais sur une performance effective
(Truong et al., 2010). L’avantage pour les annonceurs est finalement de pouvoir obtenir un état quasi-
instantané de leur retour sur investissement, et cette nouvelle capacité constituera, lorsque la
performance sera atteinte, un atout considérable pour générer la confiance du top management dans les
activités entreprises et encourager ensuite les investissements futurs dans de nouvelles activités en
ligne.

La facilité avec laquelle les échanges et les activités des consommateurs peuvent être collectés puis
analysés représente de nouvelles opportunités pour la marque, telles qu’une meilleure connaissance de
ses consommateurs, ou de l’efficacité de ses actions marketing. Les réseaux sociaux constituent une
source riche de données et d’insights, qui permet à l’organisation d’anticiper et de répondre plus
précisément aux besoins de ses consommateurs (Jaffe, 2005 ; Mc Laughlin et Davenport, 2010).
L’adoption des médias sociaux est en soi une expression moderne de l’orientation client : en
permettant l’accès à des données issues directement de l’audience, elle procure à l’organisation un

12
E t ait de l a ti le «The futu e of i te a ti e a keti g» Deighto , , Ha a d, Busi ess ‘e ie

34
Chapitre I. Contexte digital

avantage compétitif évident (Slater et Narver, 1995). L’organisation accède à de nouvelles


informations qui lui permettent de garder son avance sur la concurrence (Yan, 2011).

En synthèse :

- Les possibilités de partage de contenus offertes par les médias sociaux leur confèrent des
vertus d’interactivité dans laquelle le client peut être actif et à l’initiative du contact établi
avec un pair ou avec l’organisation.
- L’organisation perd en contrepartie un peu de son contrôle sur ces échanges et sur les
contenus générés.
- Des communautés en ligne se sont formées, et constituent de nouvelles opportunités de
conversation pour les marques avec leurs consommateurs.
- Le bouche à oreille (ou word of mouth) est devenu dans ce contexte un mode de
communication très influent.
- Bon nombre de praticiens et académiques parlent de nouveau paradigme de la
communication où la communication interactive avec le consommateur devient possible et
sensée.
- Les données consommateurs disponibles sur les plateformes digitales procurent davantage
de transparence et d’instantanéité dans la restitution des résultats des opérations menées ;
elles nécessitent aussi de nouvelles compétences pour pouvoir être exploitées pleinement.

35
Chapitre I. Contexte digital

36
Chapitre I. Contexte digital

I.4. Les nouveaux enjeux de la communication digitale

Trois enjeux majeurs se dessinent pour les marques qui evisagent de conduire une stratégie de
communication digitale. Il s’agit d’adopter une approche intégrative des médias offline et online, de
maîtriser les trois pilliers de la communication digitale (l’engagement, la permission et le contenu) et
enfin de passer d’une logique de média push vers une logique de média pull.

I.4.1. L’approche intégrative

Le cabinet de conseil PricewaterhouseCoopers (2009) évaluait l’investissement en média digital aux


Etats-Unis à soixante milliards de Dollars en 2009, et estimait ce chiffre à plus de quatre-vingt-dix
milliards pour 2013. Les médias digitaux représentent un format de communication particulièrement
prometteur pour les prochaines décennies, alors même que l’attention des publicitaires se détournerait
des médias classiques (Okazaki, 2006). Le média TV est pourtant loin d’être obsolète et atteint des
scores d’audience que ne permet pas encore le digital (Sharp et Wind, 2009). Quoi qu’il en soit, bon
nombre d’experts et de praticiens s’accordent sur le fait que les campagnes de communication peuvent
encore augmenter leur audience et susciter davantage d’engagement de la part du consommateur, par
la combinaison des médias traditionnels et des nouveaux médias. Les médias traditionnels doivent être
pris en compte pour leur capacité à construire la notoriété d’une marque, alors que les médias digitaux
peuvent permettre d’attirer une audience plus restreinte mais aussi plus réactive et plus homogène en
termes de centre d’intérêts et de comportement (Truong, McColl, Kitchen, 2010).

Le travail de sélection des médias et des supports de communication est une étape importante pour les
médias digitaux, plus encore que pour les médias traditionnels : elle nécessite une vision à plus long-
terme des investissements ainsi que la mise en œuvre d’activités continues ou permanentes (Chaffey et
al., 2014). L’intégration entre les canaux, qu’ils soient digitaux ou non, est un prérequis essentiel de la
stratégie de communication digitale (Chaffey et al., 2014). Les médias sociaux ne peuvent pas être
considérés comme une simple alternative mais plutôt comme un média complémentaire aux médias de
masse, comme faisant partie du dispositif global de communication dans une logique d’approche
intégrative. Le dispositif médias doit être en ligne avec la stratégie de la marque et cohérent avec son
audience (Lee, 2010). Une simple présence de la marque sur les réseaux sociaux pourra difficilement
constituer une stratégie efficace, ni véritablement générer de la valeur pour la marque. C’est le constat
qu’ont pu faire les entreprises qui se sont lancées sur Twitter et Facebook « de manière incontrôlée »
et qui se retrouvent aujourd’hui avec « des fanpages Facebook ou des pages Twitter vides ».13

13
Propos recueillis par Damien Grosset, « Social Heroes », Marketing Magazine 2011

37
Chapitre I. Contexte digital

L’approche intégrative des médias sociaux s’avère d’autant plus pertinente qu’elle est déjà assimilée
par le consommateur au quotidien, dans son comportement de consommation des médias. « Le
consommateur … vit dans un monde multi-médias : il regarde la télévision en surfant sur Internet, il
écoute la radio en lisant le journal, il parcourt un magazine en téléchargeant de la musique … Ce
dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’une nouvelle approche du média-planning qui tienne
compte des facultés croissantes du consommateur à faire plusieurs tâches en même temps, … et à
consommer simultanément plusieurs médias. » (Schultz, 1993). Berman et al. (2007) soulignent la
nécessité chez les managers de mieux comprendre les nouveaux comportements de consommation,
ainsi que du déploiement de synergies entre les médias traditionnels et nouveaux médias.

L’approche intégrative est enfin abordée dans la littérature en marketing, et plus précisément dans les
recherches relatives aux médias, par le biais du concept de Communication Marketing Intégrée (IMC)
qui se définit comme un concept du planning de la communication marketing. Son postulat fondateur
est que la valeur ajoutée (d’un plan média, d’une communication) est obtenue à la fois grâce à la
variété des médias mobilisés et grâce à leur combinaison efficace notamment en termes de cohérence
et d’impact (Schultz, 1993), ou encore que l’effet combiné de l’utilisation de plusieurs canaux de
communication dépasse la somme des effets individuels de chacun des canaux utilisés (Naik et
Raman, 2003). Ce résultat est identifié comme un effet direct de la synergie des médias (Belch et
Belch, 1998). Cependant, malgré son caractère primordial, le rôle de la synergie dans le média-
planning n’est pas toujours bien compris par les praticiens (Mantrala, 2002).

I.4.2. Les trois piliers de la communication digitale : l’engagement, la permission et le contenu

Chaffey et al. (2014) associent la communication digitale à trois concepts piliers :


1) L’engagement : il constituait déjà, dès les années 80 et 90, l’un des objectifs majeurs de toute
campagne de communication traditionnelle qui visait à persuader l’audience (communication
persuasive) pour en faire évoluer l’attitude. Aujourd’hui, la communication digitale s’efforce de faire
en sorte que les internautes s’engagent, c’est-à-dire qu’ils réagissent positivement aux messages
diffusés soit en appréciant un contenu (like), soit en le partageant (share) ou encore en le commentant
2) La permission : alors que la communication traditionnelle se compose de messages dits ‘intrusifs’
parce qu’ils viennent interrompre le consommateur dans son programme, la communication
digitale entre en théorie dans une logique non interruptive. Cette théorie rejoint la théorie énoncée par
Seth Godin (1999) qui décrit le marketing de la permission comme résultant du consentement explicite
du spectateur à recevoir les messages de l’annonceur. La relation est alors donnant-donnant dans la
mesure où l’internaute peut accepter en contrepartie de fournir ses données personnelles. Le marketing
de la permission consiste à mériter l’attention de l’audience.

38
Chapitre I. Contexte digital

3) Les contenus générés par les organisations constituent le troisième pilier de la communication
digitale : ils sont informationnels, ludiques ou pratiques. Ils sont essentiels à la communication digitale
dans la mesure où ils peuvent permettre d’obtenir la permission de l’audience et de l’engager.

I.4.3. D’une logique de média push vers une logique de média pull

A l’origine, la stratégie pull d’un producteur désignait une «stratégie d’attraction des acheteurs pour
les inciter à acheter tel ou tel produit ». Cette stratégie se fondait sur des investissements publicitaires
importants et consistait à inciter le consommateur à acheter la marque (Lendrevie et Lindon, 1997).
La stratégie push désignait une « stratégie de stimulation des distributeurs pour les inciter à pousser
la vente de tel ou tel produit ». Elle se concrétisait par exemple par des pratiques telles que la
promotion des ventes pour inciter à acheter, la distribution d’échantillon pour faire connaître le
produit ; l’objectif était de stimuler la distribution pour qu’elle promeuve le produit (Lendrevie et
Lindon, 1997).

La distinction entre techniques push et pull s’applique également aujourd’hui à la communication.


La communication push désigne une communication ou des messages envoyés par la marque ou par
l’entreprise « sans avoir été sollicités par les destinataires » (Lendrevie et Lindon, 1997).
La communication pull désigne au contraire « une communication demandée par un prospect ou un
client » (Lendrevie et Lindon, 1997).

Alors que la communication push est envoyée à la cible sans que celle-ci l’ait sollicitée, la
communication pull est au contraire diffusée par l’entreprise ou par la marque à la demande de sa cible
(Baynast et Lendrevie, 2014).

On parle très souvent de communication push et pull dans l’environnement des médias digitaux : la
communication push désigne ici celle des médias traditionnels, elle part de l’organisation et se dirige
vers le consommateur ; la communication pull est celle des médias digitaux : le client entame
activement le dialogue (Shah et Halligan, 2009).
Les canaux traditionnels sont dominés par la logique de communication push, alors que le modèle
dominant est un modèle pull pour les canaux de communication digitaux Chaffey et al., 2014). Le
schéma de pensée est orienté sur la mise en avant du produit dans les canaux de communication
traditionnels, alors qu’il est orienté client pour les canaux digitaux (Kiani, 1998).

Les médias traditionnels sont souvent qualifiés de « médias push », caractérisés par un sens
unidirectionnel de la communication, on parle aussi de communication descendante, alors que les

39
Chapitre I. Contexte digital

médias digitaux sont appelés des « médias pull ». Internet est considéré comme un média pull dans la
mesure où les consommateurs choisissent le contenu qu’ils veulent voir (Smith, 2011). Internet est
adapté à la communication pull et a permis son expansion (Baynast et Lendrevie, 2014). Devant
l’inefficacité des vieux modèles de publicité push, les marketers sont entrés dans un processus de
recherche de techniques de pull, l’objectif étant d’attirer les consommateurs sur leur site web et dans
une relation (Smith, 2011). Shah et Halligan (2009) introduisent la notion de marketing entrant
permettant de réduire le gaspillage publicitaire, grâce à une communication plus en phase avec les
besoins de l’audience.

Les médias digitaux ont permis de glisser d’une ère caractérisée par le monologue des marques ou des
annonceurs vers celle du dialogue. Cette vertu fondamentale (instaurer le dialogue) des nouveaux
médias prend différentes formes selon les auteurs : Peters (1998) la décrit comme un élément distinctif
fondamental des médias digitaux, Deighton (1996) introduit l’idée du développement d’une relation
sur le long-terme, et Godin (1999) celle du marketing de la permission. Wamsley (2007) dépasse la
notion de dialogue et propose plutôt celle d’un trilogue : les marques et les médias digitaux relient les
consommateurs entre eux.

En synthèse :

- Les médias traditionnels restent essentiels dans la construction de la notoriété d’une marque.
Leur combinaison avec les nouveaux médias permet de susciter un engagement plus fort du
consommateur.
- L’approche intégrative est essentielle et permettra de générer davantage de valeur.
- On reconnaît trois piliers à la communication digitale : 1) l’engagement, 2) la permission ou
communication non interruptive, et 3) le contenu produit pour donner envie au
consommateur d’entrer en contact avec la marque pour l’engager.
- Les techniques de communication pull (qui consistent par exemple à attirer le consommateur
sur son site Internet) se sont largement développées sur les médias digitaux ; la
communication s’établit en théorie à l’initiative du consommateur.

40
Chapitre I. Contexte digital

Conclusion du Chapitre I.

Les organisations ne se posent plus la question d’intégrer ou non les nouvelles technologies mais
plutôt celle de la meilleure manière de les intégrer dans leur activité, dans leur stratégie. Les
questions relatives au digital doivent être en théorie transversales à l’ensemble de la stratégie de
l’organisation.

A l’échelle de l’équipe marketing, on parle encore cependant de stratégie marketing digitale,


signe que le digital est considéré à part de la stratégie marketing et que son intégration reste
encore un enjeu pour les managers.

Notre recherche appréhende le digital (Internet, Web et Web 2.0) comme un ensemble de
‘nouvelles’ technologies ayant permis la création de ‘nouveaux’ médias ou de nouveaux modes
d’expression pour les marques. Ces médias ont ouvert de nouvelles opportunités pour les
marques. Parmi les plus marquantes, nous citerons leur impact sur la relation client, plus
qualitative et plus personnalisée, et sur la communication plus ciblée.

Les enjeux de ce nouveau paysage médiatique restent nombreux : il s’agit pour les managers
d’appréhender les médias digitaux dans une approche intégrative avec les médias traditionnels,
d’assimiler les techniques de communication pull et de mettre la priorité sur le contenu de leur
communication pour finalement permettre l’engagement de leur audience.

41
42
Chapitre II. La marque

Chapitre II. La marque :


Définitions, évolution et enjeux actuels

Nous nous attachons dans ce chapitre à comprendre les évolutions de la marque, à mettre en évidence
la manière dont la marque a peu à peu dépassé la notion de produit pour étendre ses actions bien au-
delà. Cet éclairage sur l’évolution du statut de la marque nous permet de contextualiser les pratiques
de contenu de marque qui seront abordées au chapitre suivant dans la mesure où le contenu de marque
s’inscrit logiquement dans l’évolution de la marque.
Nous décrivons dans une première section de ce chapitre l’évolution des définitions et approches de la
marque (II.1). Nous évoquons ensuite différents courants de pensée qui ont mis en lumière la marque
sous des angles dépassant sa posture commerciale à savoir un statut de personne entretenant une
relation avec le consommateur, un statut culturel et enfin un statut de conteur d’histoires (II.2). Nous
terminons enfin ce troisième chapitre par une présentation des enjeux et des priorités de la gestion de
la marque aujourd’hui (II.3).

II.1. La marque au-delà du produit : évolution des approches de la marque


II.1.1. Le concept de marque : définitions
II.1.2. Evolutions des approches de la marque forte

II.2. La marque, au-delà de sa posture commerciale


II.2.1. La marque comme une personne et sa relation au consommateur
II.2.2. La marque entre art, culture et production
II.2.3. Storytelling et histoires de marque : une co-construction marque-consommateur

II.3. Stratégie de marque et gestion de la marque, quelles priorités ?


II.3.1 De l’importance de l’identité, de l’image et de la plateforme de marque
II.3.2. Le management de la marque au service du capital de marque
II.3.3. D’un marketing “product centric” vers un marketing “customer centric”

43
Chapitre II. La marque

44
Chapitre II. La marque

II.1. La marque au-delà du produit : évolution des approches de la marque

La marque a depuis longtemps dépassé le territoire du produit. Cette première section donne à voir de
quelle manière la notion de marque s’est enrichie, de quelles façons la marque a évolué pour s’adapter
à son environnement.

II.1.1. Le concept de marque : définitions

« Historiquement la marque n’est pas un moyen d’indiquer, en aval, à l’acheteur, l’utilisation ou les
caractéristiques du produit qu’elle désigne ; elle est au contraire, en amont, essentiellement une
indication de provenance, la signature de l’artisan, sa « marque », et le moyen de distinguer ce
produit des produits concurrents. Elle garantit à l’acheteur l’engagement de constance de qualité que
prend le producteur et matérialise, en quelque sorte, la signature du contrat, passé entre le fabricant
et l’utilisateur. » Marcel Botton14

L’étymologie du mot « marque » peut dans un premier temps nous permettre de mieux comprendre ses
origines. La racine germanique « markt » désigne les notions de frontière ou de limite. Le terme anglo-
saxon brand provient pour sa part du vieil islandais « brandr » qui signifie brûler (certains éleveurs de
bétail continuent de marquer leurs animaux pour les reconnaître et les différencier des autres
troupeaux). On peut donc distinguer dans chacune de ces racines deux fonctions propres à la marque :
reconnaître facilement les produits qui lui sont associés et délimiter le territoire de la marque ou son
portefeuille de produits.

Le concept ou la notion de marque apparaît dans l’Egypte ancienne. La fonction principale de la


marque est alors de permettre d’identifier les produits (les poteries notamment). Cette fonction évolue
ensuite dans l’Europe médiévale où la marque devient un gage de qualité et de protection des
producteurs (Farquhar, 1989).
La notion de nom de marque est plus récente (XVIème siècle) et permet d’introduire l’idée que la
marque renforce les associations du nom de marque liées aux produits, la mémorisation et la
différenciation des produits sont alors facilitées (Farquhar, 1990).

L’utilisation des marques à grande échelle date de la fin du XIXème et du début du XXème siècle : la
révolution industrielle, les progrès en termes de production et de communication ouvrent la voie au
marketing de masse des biens de consommation courante (Clifton, 2009).

14
In Watin-Augouard (2001)

45
Chapitre II. La marque

Une définition récente donnée par l’AMA (American Marketing Association) envisage la marque
comme « un nom, un terme, un signe, un symbole, un dessin ou toute combinaison de ces éléments
servant à identifier les biens ou services d’un vendeur ou d’un groupe de vendeurs et à les différencier
des concurrents » (Kotler et Dubois, 1997 ; Keller, 2003).

D’un point de vue juridique, la marque se définit aujourd’hui comme un nom ou comme un signe qui
authentifie la source des produits et les différencie de ceux de la concurrence ; elle permet ainsi
d’éviter la copie, l’imitation ou encore la contrefaçon.

D’un point de vue académique, les définitions de la marque sont nombreuses. Un paradigme venu des
Etats-Unis devient rapidement dominant dans les travaux académiques. Initié par Aaker et Keller, il
envisage la marque comme un ensemble d’associations cognitives (ou mentales) venant ajouter de la
valeur à la valeur ou aux valeurs créées par le produit lui-même.

La marque peut également se définir par ses fonctions. Kapferer et Laurent (1992) identifient par
exemple six fonctions propres à la marque : 1) une fonction de praticité, 2) une fonction de garantie
(de la qualité des produits), 3) une fonction de personnalisation (la marque peut ici être considérée
comme un moyen de s’affirmer), 4) une fonction ludique (symbole du plaisir que l’on pourra tirer de
ses achats), 5) une fonction de spécificité (les attributs uniques d’un produit) et 6) une fonction
distinctive (ou de différenciation d’une marque de ses concurrents).
Keller et Lehmann (2006) s’interrogent également sur les fonctions des marques, la plus élémentaire
étant la fonction de marqueur de la provenance d’un bien. Pour le consommateur, les marques
simplifient le choix d’un produit et peuvent être prometteuses d’un certain niveau de qualité. Elles
réduisent ainsi le risque et engendrent la confiance du consommateur. Les marques sont fondées sur le
produit fabriqué, sur les activités marketing mises en œuvre pour promouvoir ce produit et sur
l’utilisation qu’en fera le consommateur. Elles reflètent en ce sens l’expérience complète que le
consommateur aura avec le produit.

II.1.2. Evolutions des approches de la marque forte

Il est intéressant d’observer l’évolution de la définition de la marque forte avec le temps, chaque
définition étant le reflet d’une vision de la marque à un moment donné. De signe de provenance du
produit, la marque forte passe au statut de fédératrice de valeurs puis de communauté de fans.

Les premières définitions de la marque sont axées sur l’aspect légal de la marque et sur l’importance
de la provenance du produit : la marque est à l’origine un signe de propriété et de différenciation par

46
Chapitre II. La marque

rapport à la concurrence. « Une marque est un nom qui permet de se distinguer, ou des symboles
permettant d’identifier des produits d’un fournisseur par rapport à ses concurrents » (Aaker, 1991).
La marque devient ensuite un signe de qualité supérieure par rapport aux concurrents et symbolise
ainsi la différenciation par la qualité.

Plus tard, les connaissances en psychologie du consommateur prennent une importance significative et
participent à la construction de la marque forte. Les marketers s’efforcent de mieux connaître leurs
consommateurs et de mieux répondre à leurs besoins. Le nom ou la marque sont alors reliés à un
bénéfice consommateur. Les premières publicités pour les lessives sont construites sur ce modèle : un
spot de 30 secondes véhicule une idée pour un produit ou pour une marque.

Plus tard encore, dans les années 90, la marque est conceptualisée comme un ensemble d’associations
mentales venant s’ajouter au produit. Les travaux de McClure (2004) illustrent le fait que l’image de
marque influence la préférence pour un produit. En réalisant un test à l’aveugle sur les marques de
sodas Coca-Cola et Pepsi auprès d’un échantillon d’individus, les chercheurs démontrent que la
préférence à la marque diffère selon que cette marque est connue ou cachée. Ainsi, les messages
culturels diffusés par la marque puis assimilés par le consommateur peuvent venir influencer sa
perception du goût du produit. Le consommateur est plus attaché aux marques – à ses valeurs - qu’aux
produits (Semprini ,1995), « le produit en tant qu’objet perd de son importance par rapport aux
discours et à la mise en avant de valeurs immatérielles » de la marque.

La réflexion sur la marque forte met aujourd’hui l’emphase sur la fidélité du consommateur et sur
l’achat répété. Une marque qui ne génère pas de la fidélité n’est pas une marque forte (Kapferer,
2012). Les dernières définitions de la marque insistent sur l’existence d’une communauté. « No fans,
no brands ! » : les marques qui ne rassemblent pas des milliers ou des millions de fans s’interrogent
sur leur viabilité (Kapferer, 2012). La marque forte est celle qui fédère une communauté de fans.
L’apparition des médias sociaux modifie la perception et l’évaluation de la marque forte.

« Internet est donc une véritable toile tendue par les marques pour capter ce désir d’engagement du
public, sans même parler de consommation. Chaque marque exulte de voir son nombre d’amis
atteindre les millions sur Facebook. C’est la mesure de sa capacité à engager, car elle-même s’est
engagée. La marque en tant que simple promesse-produit n’est plus. Il lui faut un projet qui la projette
hors du produit, dans la sphère des idéaux, ceux qui tirent chacun de nous. (…) Les marques fortes
doivent être des championnes d’un idéal, que la réussite commerciale et le niveau d’engagement du
public cautionnent. » (Kapferer, 2003)

47
Chapitre II. La marque

Figure 2 : Evolution des approches de la marque forte

Marque Marque promesse, Marque Marque


propriété, proposition de valeur valeurs, culture engagement
différence

Années 50-70 Années 2000

En synthèse :
- Nous retiendrons que la notion de marque est dans un premier temps apparue dans
l’objectif d’indiquer la provenance d’un produit, de délimiter le territoire de la marque et
de la différencier de ses concurrents.
- Le poids des marques dans nos économies s’est amplifié à partir des années 80.
- Le rôle de la marque dans nos société se complexifie et la marque remplit aujourd’hui une
grande palette de fonctions : elle permet toujours bien sûr au consommateur de se repérer
par rapport aux produits concurrents, elle apporte des bénéfices au consommateur et
véhicule aussi des valeurs et une forme de culture de l’organisation ou du pays dont elle est
issue.
- Le concept de marque dépasse aujourd’hui largement la notion de produit : d’une marque
forte signe de la provenance des produits et de leur qualité, la marque a glissé vers un statut
de marque qui engage.
- Le digital et les médias sociaux ont marqué leur empreinte sur la notion de marque forte
dans la mesure où à l’ère du digital, la marque qui engage est aussi celle qui fédère une
communauté de fans.

48
Chapitre II. La marque

II.2. La marque, au-delà de sa posture commerciale

Nous présentons dans cette deuxième section trois courants de réflexions envisageant la marque dans
une perspective autre que purement transactionnelle : la marque comme élément central d’une relation
avec le consommateur, la marque comme agent ou produit culturel et la marque comme conteur
d’histoire. Ces trois approches permettent de contextualiser notre sujet de recherche qui appréhende la
marque comme un média éditeur de contenus.

II.2.1. La marque comme une personne et sa relation au consommateur

Nous ne faisons pas simplement qu’acheter des marques, nous établissons une relation avec elles
(Gordon, 2006). Les termes relatifs à la relation à la marque sont apparus dans les années 90.
Blackston (199215) fut le premier à comparer la relation du consommateur à la marque à celle pouvant
exister entre les individus.

Le concept de personnalité de la marque (brand personality) est un concept très proche de l’identité de
marque. Aaker (1997) s’est par exemple penché sur la personnalité attribuée aux marques américaines,
identifiant alors cinq traits ou éléments déterminants de leur personnalité: 1) la sincérité 2) l’excitation
(excitement) 3) la compétence 4) la sophistication 5) l’irrégularité (ruggedeness).

Dans la continuité de travaux relatifs à la personnification de la marque, les travaux fondateurs de


Suzanne Fournier (1998) doivent être cités. Ils portent sur la nature des relations marque-
consommateur, faisant un parallèle avec les relations entre deux individus et donc assimilant la marque
à l’un des individus de la relation. Fournier propose ainsi une série de métaphores qui permettent de
dresser une typologie de relations du consommateur à sa marque : (1) le mariage arrangé (arranged
marriages), (2) la relation amicale (casual friends / buddies), (3) le mariage de convenance (marriages
of convenience), (4) la relation engagée (committed partnerships), (5) la relation du meilleur ami (best
friend-ships), (6) l’amitié compartimentée (compartmentalized friendships), (7) la relation de parenté
(kindships), (8) l’évitement ( rebounds /avoidance-driven relationships), (9) l’amitié d’enfance
(childhood friendships), (10) la séduction (courtships), (11) la dépendance (dependencies), (12) la
liaison passagère (flings), (13) l’inamitié (enmities), (14) la liaison secrète (secret affairs), et (15) la
relation d’esclavage (enslavements).

15
In Heath (2011)

49
Chapitre II. La marque

D’autres études longitudinales ont également été menées sur une période de deux mois pour suivre
l’évolution d’une relation à la marque (Aaker et al., 2000). Aggarwal (2004) identifie deux types de
relations : une première catégorie de relations appelée relation d’échange dans laquelle la réciprocité
(du don à l’autre) est attendue, une deuxième catégorie de relations « communales » dans laquelle les
bénéfices sont donnés pour montrer de l’intérêt au besoin de l’autre.

Ainsi, les marques, à l’origine inanimées, se sont humanisées et ce phénomène s’est amplifié par le
biais des conversations qu’elles entretiennent avec les consommateurs sur les réseaux sociaux.
L’humanisation des marques génère des attitudes consommateurs plus favorables et contribue à la
performance des marques (Puzakova, Hyokjin, and Rocereto 2013).

Pour Jean-Noël Kapferer (2005), les marques constituent des systèmes vivants et ouverts en
interaction continue avec leurs cibles. Depuis l’existence de l’Internet (coïncidant avec l’apparition
d’un nouveau paradigme de la relation client), les marques gagnent leur énergie et leur sens grâce au
contact avec le client. L’Internet, dans cette optique relationnelle, a bouleversé les marques qui
deviennent interactives dans un contact permanent et personnalisé.

II.2.2. La marque entre art, culture et production

Gilmore et Pine (2002) affirment que le marketing est passé d’une logique de promotion des produits
et services, pour se center davantage sur l’expérience subjective des sens, des émotions et de la
cognition. Une telle littérature fait écho à des travaux antérieurs menés en sociologie qui postulent que
l’ère post-moderne se caractérise par l’esthétisation de la production, ce que Featherstone appelle
« l’esthétisation du quotidien » (Featherstone 1991, p. 65).

D’après Featherstone (1991), et Lash et Urry (1994), l’esthétisation de la production s’est produite
alors que les pratiques des medias culturels (l’art, le design, la littérature, la musique, la radio,
l’industrie du film) ont progressivement participé à l’organisation du marketing, de la publicité, du
design, du packaging, de la présentation des produits, à tel point que les individus ont tendance à
comprendre et à attribuer de la valeur aux marques en fonction de l’expérience qu’ils ont avec sa
médiation (Leiss et al., 1986; Lury, 1996; Borghini et al., 2010).

La distinction entre commerce, culture et art tend à s’estomper. Beaucoup de musées et d’expositions
sont désormais consacrés aux marques. Les artistes prennent les produits de grande consommation
comme modèles : certains parlent d’artification des marques (Heinich, Shapiro, 2012).

50
Chapitre II. La marque

Les marques elles-mêmes ou plutôt les marketers utilisent le terme de culture de marque, qui leur
procure une épaisseur émotionnelle. La culture de marque se crée avec le temps : un produit
fraîchement lancé sur le marché ne possède pas encore de culture. Une marque connue comme Apple
représente en revanche plus qu’un logo, plus qu’un nom ou qu’un produit. Des marqueurs se sont
accumulés au fil des expériences du consommateur, par le biais des publicités, des films, des
événements que la marque aura sponsorisés, par le biais aussi de conversations avec ses amis. Au fil
du temps, des idées sur le produit, sur la marque se sont accumulés, « remplissant » la signification de
la marque. On peut alors dire que la culture de marque s’est formée (Holt, 2003).

« La force des marques ne dépend pas seulement de leurs chiffres de vente, elle s’appuie de plus en
plus sur leur poids culturel, c’est-à-dire sur leur capacité à saisir, réarticuler ou construire un
environnement culturel qui est le prolongement de leurs produits. Certaines marques offrent le miroir
grossissant d’une culture ambiante qui est un élément de leur pouvoir de séduction.» (Guével et al.,
2013) L’émergence de la dimension culturelle de la marque s’inscrit dans une prise de conscience
collective que la production de sens devient aussi importante que la production de biens. Le
consommateur cherche de plus en plus à mettre du sens dans ce qu’il achète. Les marques sont ainsi
des systèmes culturels où s’articulent des contenus créatifs et le contenu de marque est un moyen
d’expression de la culture de marque. Le travail de production de contenus permet à la marque
d’exprimer son patrimoine historique, technique, ses mythes fondateurs et donc sa culture.

Quatre auteurs ou acteurs de la culture de marque ont été identifiés (Holt, 2003) : 1) les compagnies
par le biais des activités marketing, les managers qui fabriquent ou façonnent la marque en activant les
éléments du marketing mix, 2) la culture populaire, dans la mesure où les produits font partie du
monde environnant, 3) les consommateurs : ils participent à la création de la culture des marques en
les consommant, ils créent des histoires de consommation, et 4) les influenceurs. Bien sûr les histoires
générées par ces quatre catégories d’auteurs interagissent et se mélangent. La nature collective de ces
associations favorisera une communication de la marque (branding) d’autant plus puissante.

II.2.3. Storytelling et histoires de marque : une co-construction marque-consommateur

Les managers aspirent à construire des marques fortes, avec une présence forte et structurée dans la
mémoire du consommateur, notamment en éditant des histoires convaincantes (Keller, 1993 ;
Srivastava, Shervani, Fahey, 1998). Les histoires générées par la marque-entreprise visent à renforcer
la relation au consommateur, en proposant un thème de conversation entre la marque et le
consommateur et entre les consommateurs entre eux.

51
Chapitre II. La marque

Des histoires générées par la marque sont par exemple celles de la marque Dove par le biais de son
programme Real Beauty sur l’estime de soi – la marque a par exemple développé des ateliers dans les
écoles, ainsi que des vidéos courtes visant à éduquer la population féminine sur l’estime de soi –, ou
encore celles de la marque Ben & Jerry’s qui raconte ses origines et son engagement pour une
production responsable.

La notion d’histoire de marque se rapproche du concept d’héritage de marque (brand heritage) ; elle
en est même un prérequis (Hakala et al., 2011). Par histoire, on peut comprendre l’histoire de
l’entreprise ou de la marque.
Le mot héritage est souvent utilisé pour désigner quelque chose qui se transmet d’une génération à une
autre. En tant que concept, il peut être assimilé à des valeurs historiques acquises dans le passé
(Nuryanti, 1996). L’héritage de la marque peut être considéré comme un composite de l’histoire, de la
cohérence et de la continuité des valeurs de l’entreprise de la marque elle-même et des symboles
qu’elle utilise (Hakala et al., 2011).

Figure 3 : l e ts de d fi itio de l’h itage de a ue Hakala et al.,

Use of symbols Image of quality


Visible

Enhanced trust
Product Brand heritage Customer loyalty
brands Stronger reputation
Stronger brand equity
Consistency
Continuity
Invisible

Core values
History

Time

L’héritage de la marque permettra aux managers de la marque de se différencier des concurrents, de


créer une image de marque unique (Keller et Lehmann, 2006), et donc de renforcer le capital de
marque.

Les histoires de marque contribuent à la construction de la notoriété de la marque, de sa


compréhension, de l’empathie du consommateur, de sa reconnaissance et de son souvenir et surtout
elles permettent de donner du sens à la marque (Singh et Sonnenburg, 2012).

52
Chapitre II. La marque

La littérature sur la marque souligne que l’authenticité de l’histoire de marque renforce son pouvoir de
persuasion (Chiu, Hsieh, and Kuo 2012). Une histoire de marque est considérée comme authentique
lorsqu’elle apparaît être l’histoire d’origine (originelle) ou portant sur des faits réels (Grayson and
Martinec 2004).

La marque ne se réduit plus à son produit mais se compose désormais de l’histoire qu’elle nous
raconte. Internet est un superbe média qui lui permet de véhiculer ses histoires (Kapferer, 2003).
C’est aussi un média grâce auquel les individus contribuent à la création d’histoires sur la marque. Les
histoires de marques générées par les consommateurs via les medias sociaux sont plus impactantes que
les histoires diffusées sur les médias classiques parce qu’elles empruntent les réseaux sociaux, parce
qu’elles sont digitales, visibles, omniprésentes, disponibles en temps réel et dynamiques (Hennig-
Thureau et al., 2010). Elles s’inscrivent en revanche dans une sorte de perte de contrôle des managers
sur la marque. Plutôt que de rester passifs, ceux-ci ont intérêt à intégrer les histoires générées par les
consommateurs dans leur propre histoire de marque. La question est alors de savoir comment
combiner les histoires de marques générées par l’entreprise d’une part et par le consommateur d’autre
part.

La vision traditionnelle du brand management envisageait la marque comme un actif possédé et


contrôlé par l’entreprise, qui se construisait dans l’esprit du consommateur par le biais d’activités
marketing parfaitement coordonnées. La marque était dans cette perspective un construit cognitif, une
structure de connaissances pertinentes et l’identité de la marque restait st sous le contrôle « total » du
manager de la marque (Keller, 1993). L’identité de marque se compose de bénéfices et d’attitudes
communiqués au consommateur par le biais des activités marketing ; l’histoire de marque racontée
dans la publicité en fait partie (Aaker and Joachimsthaler 2000). On supposait dans cette vision
traditionnelle que l’identité serait comprise, reçue de la même manière par chacun des individus de la
cible, et donc que l’image de marque serait congruente avec son identité. Cette logique de pensée
comportait l’avantage de donner aux managers une trajectoire claire et l’illusion de contrôle. Il n’est
par conséquent pas surprenant qu’elle ait été dominante dans la pratique du brand management sur les
quelques décennies passées (Holt, 2004).

D’autres théoriciens de la culture du consommateur, dans une perspective post-moderne, ont


développé une autre alternative de la notion de branding qui remet fondamentalement en question la
nature des marques et le contrôle sur leur management. Plutôt que de considérer la marque comme une
somme de connaissances contrôlées et d’envisager le consommateur comme absorbant ces
connaissances de façon passive, ces théories comprennent la marque comme un réceptacle (repository)
de significations mis à la disposition du consommateur et pouvant ensuite « vivre sa propre vie »
(Allen, Fournier et Miller, 2008). Toutes les parties prenantes de la vie de la marque, y compris les

53
Chapitre II. La marque

consommateurs, sont des producteurs actifs de ces significations. Cette vision donne un rôle
particulièrement important à la culture comme source originelle de catégories de significations
utilisées par les individus pour donner du sens au monde qui les entoure (Arnould et Thompson,
2005). Ces significations culturelles sont ensuite transposées aux marques par le biais de leurs
histoires et contribuent ainsi à donner un rôle à la marque dans le monde environnant (Holt, 2003).
Les acteurs du système de production culturelle en général (écrivains, artistes, producteurs /
réalisateurs de films, designers) donnent du sens, des significations aux marques en les utilisant en tant
que ressources dans les histoires qu’ils produisent (McCracken, 1986).

La construction des marques peut finalement se comprendre comme un processus collectif, co-créatif
(co-creational) incluant une multitude d’auteurs contribuant chacun à l’histoire de marque : entreprise,
acteurs de la culture populaire, consommateurs individuels et communautés de consommateurs (Holt,
2003). Les managers de la marque ne produisent finalement qu’une partie de son histoire et disposent
d’un contrôle nettement moins évident que ne pouvait le laisser entendre la littérature conventionnelle
sur la gestion de la marque.

Les questions fondamentales relatives à l’environnement des médias sociaux sont celles du glissement
du rôle de l’entreprise à celui du consommateur dans le processus de production d’histoires de
marques, du fort niveau d’interactivité entre les marques et les consommateurs, et enfin de la difficulté
à coordonner la multitude de canaux et d’histoires de marques existants (Gensler et al., 2013).
Fournier et Avery (2011) utilisent le terme d’ « open-source branding » pour désigner la nature
participative et multiple de la production d’histoires, impliquant des « comportements participatifs,
collaboratifs et socialement liés, où les consommateurs sont les créateurs et les diffuseurs de branded
content ».

En synthèse :
- Plusieurs courants de la littérature en marketing ont positionné la marque en-dehors de sa
posture commerciale, en la personnifiant et en instaurant l’idée de relation avec le
consommateur – telle une relation entre amis ou encore entre époux –, en soulignant par
ailleurs l’effacement des frontières entre art, culture et commerce.
- La marque est aussi un conteur d’histoires.
- Les histoires de marque sont racontées dans l’objectif de renforcer la relation avec le
consommateur ; la production des histoires, comme la culture de marque, sont des
processus collectifs auxquels participent les consommateurs.
- L’Internet a exacerbé la faculté des marques à produire des histoires.

54
Chapitre II. La marque

II.3. Stratégie de marque et brand management, quelles priorités ?

Le sujet du management de la marque est devenu de plus en plus prégnant dans la littérature de ces
dernières années. Helm et Jones (2010) identifient six challenges à relever par les marketers dans la
gestion de la marque. Nous retiendrons parmi eux les suivants : 1) des environnements plus incertains
et plus compétitifs : dans ce contexte, certains ont considéré leur marque comme un élément clé
permettant d’établir une relation avec le consommateur ; l’attention se concentre alors sur la qualité de
l’expérience consommateur en tant que source potentielle de valeur, 2) un consommateur de plus en
plus puissant, 3) un nombre croissant de points de contact de distribution et de communication, 4) les
risques inhérents à l’utilisation des médias sociaux.

Conjointement aux enjeux énumérés ci-dessus, nous développons dans cette section les priorités
suivantes dans le management de la marque : la gestion de l’identité, de l’image et la plateforme de
marque, la pratique d’un marketing centré sur le client – consommateur (customer centric) plutôt que
centré sur le produit, et la nécessité de développer la valeur de marque ou le capital de marque (brand
equity).

II.3.1 De l’importance de l’identité, de l’image et de la plateforme de marque

1) L’identité de marque

Les réflexions relatives à l’identité de la marque font partie de la stratégie marketing : « La stratégie
marketing exige également d’analyser avec soin les spécificités et l’identité de la marque» ; la
stratégie de marque vise à donner une identité au produit qu’elle porte (Kotler et alii., 2009).

Le concept d’identité de marque est récent. Dans son premier ouvrage sur la notion de « brand
equity », Aaker (1991) ne mentionne pas encore ce concept. Keller le mentionnera brièvement, un peu
plus tard en 1998.

Aaker (1993) propose dans ses travaux le système d’identité de la marque selon douze dimensions
qu’il regroupe en quatre catégories 1) la marque produit, notion qui désigne le territoire et les attributs
du produit, son rapport qualité prix, ses usages, ses utilisateurs, et ses origines, 2) la marque
organisation et les attributs de l’organisation, 3) la marque personne définie par sa personnalité et ses
relations aux autres, et 4) la marque symbole représentée par des images visuelles et des symboles.

55
Chapitre II. La marque

Le modèle du prisme d’identité de la marque (Kapferer, 1998) organise aussi différentes dimensions
de l’identité de la marque : 1) des dimensions intrinsèques à la marque telles que sa personnalité (ses
traits de caractères), sa culture (son système de valeurs), sa mentalisation (l’idéal auquel aspire le
consommateur en achetant le produit) et 2) des dimensions extrinsèques, c’est-à-dire ce qui est montré
au consommateur comme son physique (logo, couleurs, formes), sa relation ou les liens que la marque
cherche à créer avec son consommateur et son reflet ou l’image de l’acheteur ou de l’utilisateur auquel
la marque s’adresse.

Le parallèle entre l’identité de marque et l’identité d’un individu nous éclaire sur la signification de la
notion. Ainsi, avoir une identité peut signifier être son soi réel, poursuivre son objectif personnel qui
est à la fois différent des autres et résistant au changement (Kapferer, 2012). L’identité de marque peut
ainsi être définie par le biais des questions suivantes : 1) quels sont les visions et l’objectif particuliers
de la marque ?, 2) qu’est-ce qui la rend différente ?, 3) à quel besoin répond la marque ?, 4) quelle est
sa mission, 5) quelles sont ses valeurs ?, 6) quel est son terrain de compétence ? quelle est sa
légitimité ?, et 7) quels sont les signes qui la distinguent ?

Dans la pratique, un grand nombre d’entreprises ont matérialisé la notion d’identité de marque par le
biais de la création d’outils appelés par exemple ‘brand key’ (pour le groupe Unilever) ou encore
‘footprint’ (pour le groupe Johnson & Johnson). Ces outils s’apparentent à la plateforme de marque,
l’un des outils fondamentaux du management des marques, qui permet de préciser ce que l’on veut
que la marque représente dans le futur (Kapferer, 2003). Ce document se généralise dans les années 90
et peut faire office de loi dans l’entreprise lorsque la marque y occupe une place significative. Il est en
tout cas l’une des sources de la cohérence de la marque.

Deux piliers constituent la plateforme de la marque : son identité et son positionnement (Kapferer,
2003). L’identité demeure stable, alors que le positionnement de la marque peut évoluer.
L’identité de la marque Evian est par exemple depuis toujours symbolisée par la pureté ; le
positionnement choisi fut tantôt celui de l’eau qui soigne (1880), puis celui de l’équilibre (dans les
années 80) et enfin celui de l’eau source de jeunesse (à partir de la fin des années 90) (Watin-
Augouard, 2006).
Le positionnement se définit par la différence, les bénéfices, ou encore les éléments identitaires mis en
avant par la marque en regard de ses concurrents (Kapferer, 2003). Le positionnement de la marque
permet encore de déterminer les associations (clés) à la marque dans l’esprit du consommateur qui
différencient la marque et contribuent à établir sa supériorité (Keller et al., 2002).

56
Chapitre II. La marque

Les concepts d’identité de marque et de son positionnement sont extrêmement liés. « L’identité de la
marque est la manière dont l’entreprise souhaite identifier et positionner sa marque et ses produits. »
(Kotler et alii, 2009).

Kapferer (1998) estime que peu de marques savent qui elles sont au fond et où réside leur unicité, leur
identité. Il constate la nécessité de se différencier pour les marques par le biais d’une identité forte au
regard de « l’état de surconsommation dans lequel nous vivons » et du « marketing de la
ressemblance ». L’enjeu de définir ou de bien connaître son identité est par conséquent fondamental
dans le contexte actuel.

2) L’image de marque

Une fois l’identité de marque délimitée et définie par l’entreprise, elle est diffusée par le biais (entre
autres) de la communication, puis réceptionnée par le consommateur. C’est ce qu’on appelle l’image
de marque (Aaker, 1993 ; Kapferer, 1991, 1994, 2004). « L’image est la manière dont le public la
perçoit. (…) L’image de la marque est l’ensemble des perceptions et des croyances des
consommateurs à propos de la marque, telles qu’elles apparaissent dans les associations mentales
stockées en mémoire. » (Kotler et al., 2009).

Peu de modèles explicatifs de l’image de marque ont été développés dans la littérature. Les modèles de
Keller (1993) représentent l’image de marque comme des associations perçues par le consommateur et
les distinguent selon trois types ou niveaux d’abstraction 1) les attributs relatifs au produit et les
attributs non relatifs au produit, 2) les bénéfices, et 3) les attitudes. Levy (1999) définit les
intangibles de la marque (brand intangibles) comme les aspects relatifs à l’image de la marque autres
que les attributs et bénéfices physiques, tangibles et concrets. Ce terme recouvre une palette large
d’associations à la marque telles que l’imaginaire réel et aspirationnel du consommateur, l’imaginaire
d’achat et de consommation, ou encore l’histoire, l’héritage et l’expérience (Keller, 2001).

L’image crée de la valeur pour l’entreprise de quatre manières (Aaker, 1997) : elle aide le
consommateur à traiter l’information qu’il reçoit, elle contribue à la synthèse d’un ensemble de
caractéristiques et facilite l’acte de d’achat ; elle différencie la marque de ses marques concurrentes ;
elle donne des raisons d’acheter (attributs produit mis en avant par l’image de marque) ; enfin elle
développe des attitudes positives. L’image porteuse de valeurs est un élément fondamental du capital
de marque.

57
Chapitre II. La marque

Afin de différencier l’identité et l’image de la marque, nous retiendrons l’idée que l’image de marque
s’assimile à un concept de réception alors que l’identité est un concept d’émission (Kapferer, 1991,
2004).
L’image de marque est un concept de réception dans la mesure où elle est déterminée par la façon dont
le public se représente la marque, par la manière dont les personnes décodent les signes émis par la
marque par le biais de ses produits ou de sa communication.
L’identité constitue un concept d’émission : elle résulte de l’analyse des signaux envoyés directement
par l’organisation et ne prend pas en compte le consommateur.
Sur le plan managérial, l’image de marque est précédée par son identité. « La marque doit savoir ce
qu’elle veut représenter » (Veg, 2003). Le concept d’image est lié aux perceptions des
consommateurs. Celui d’identité de marque est lié aux signaux envoyés par la marque.

Figure 4 : Identité et Image de marque (Kapferer, 1991)


EMISSION MOYENS RECEPTION

Identité de marque Signes émis Image de marque

Bruit
Concurrence

Entre identité et image de marque, des parasites nuisant à l’efficacité de la communication peuvent
exister (concurrence, communiqué de presse mal réalisé, différences culturelles des consommateurs
…). La bonne gestion de la marque doit permettre une complémentarité entre son identité et son
image.

3) La plateforme de marque

La marque forte est porteuse de valeurs fortes ; elle vend une vision, une culture qui attirent, qui
fidélisent, qui la différencient. Ainsi, les managers se doivent de définir une plateforme cohérente de
sens et de valeurs stratégiques de leur marque avant d’entreprendre une présence sur les médias
sociaux. La définition de cette plateforme sera garante de la performance du dispositif de
communication et de visibilité de la marque (Kapferer, 2011).

Rapprochons la notion de plateforme de marque de la vision de Lewi (2003) sur les valeurs qui
composent la marque : 1) le produit, 2) les origines, les racines, le patrimoine rattachés à la
vraisemblance de la marque, et 3) l’engagement, le contrat, la promesse reliés à la partie crédible de la
marque, une classification qui ouvre sur la distinction entre valeurs culturelles concrètes de la marque

58
Chapitre II. La marque

qui touchent au produit et valeurs abstraites qui touchent davantage à la mission de la marque, à son
héritage.

Plusieurs académiques soulignent la nécessité pour les marques de s’assurer de la pertinence et de la


robustesse de leurs fondamentaux avant d’investir les plateformes de réseaux sociaux (Barwise et
Meehan, 2010).
Parmi ces fondamentaux figure la promesse de marque. La marque doit être capable d’honorer sa
promesse quel que soit le point de contact avec le consommateur. La promesse de marque correspond
pour Kotler et ses collègues (2009) à la vision qu’ont les responsables marketing sur ce que la marque
doit être et sur ce qu’elle doit faire pour ses consommateurs. Elle revêt une importance d’autant plus
grande que la société de consommation est devenue mature et que la consommation elle-même fait
l’objet d’un questionnement profond de la part du consommateur (est-ce que la consommation rend
heureux ? pouvons-nous consommer autrement ?).
Dans ce contexte on ne peut pas attendre du consommateur de s’engager pour la marque si elle-même
ne s’engage pas pour lui. Kapferer (2003) ne parle plus de promesse de marque mais de « croisade de
marque ». La croisade de la marque Ikéa est ainsi par exemple celle du bien commun : tout le monde
doit pouvoir accéder au beau sans exclusion, Ikéa s’efforce de rendre le beau accessible au plus grand
nombre.

La notion de plateforme de marque est donc fortement liée à celle de promesse de marque. Kapferer
(2012) souligne l’importance de la promesse de la marque, qu’il définit comme « la cohérence entre
le dit et le vécu », et ce particulièrement à l’ère des réseaux sociaux où les individus communiquent
massivement entre eux leurs expériences de consommation.

II.3.2. Le management de la marque au service du capital de marque

Jusqu’au début des années 80, la marque est considérée comme un attribut du produit (Changeur,
2002). Le concept de capital de marque (brand equity) (Czellar, 1997) est introduit à la suite des
travaux de Srinivasan (1979) qui démontrent que le consommateur dissocie la marque du produit. Le
concept de capital de marque résulte donc de la prise de conscience de la valeur de la marque pour le
consommateur. « Le capital marque est la valeur apportée par la marque aux produits et services
qu’elle couvre. ». Cette valeur dépend de la perception du consommateur, de son attitude mais aussi
du prix, des parts de marché, de la rentabilité de la marque (Kotler et ali., 2009).

Dans son ouvrage consacré au sujet, Keller (2004) présente le brand management stratégique comme
une discipline ou activité entièrement dédiée au capital de marque : « building, measuring, and

59
Chapitre II. La marque

managing brand equity ». Le concept de capital de marque constitue le sujet principal de l’ouvrage.
Keller souligne l’importance du rôle de la marque dans la stratégie marketing. Le capital de marque
est considéré comme le résultat des effets ou actions marketing de la marque. Dans un sens plus
pratique, le capital de marque représente la valeur ajoutée donnée à un produit, résultant des
investissements passés dans les activités marketing de la marque. Le management stratégique de la
marque comprend l’élaboration et la mise en œuvre de programmes et activités marketing afin de
construire, de mesurer et de gérer le capital de marque.

La stratégie de marque est dans cette perspective au service du capital de marque.


Le processus de management stratégique comprend l’élaboration et la mise en œuvre des programmes
et activités marketing destinées à construire, à mesurer et à gérer ou contrôler le capital de marque.
Keller propose quatre étapes du processus de management de la marque : 1) identifier et établir le
positionnement et les valeurs de la marque, 2) planifier et mettre en œuvre les programmes marketing
de la marque, 3) mesurer et interpréter les performances de la marque, et 4) construire et développer le
capital de marque.

La construction du capital de marque suppose que la marque soit suffisamment connue et qu’elle
favorise des associations fortes, favorables et uniques chez les consommateurs. Ce processus de
construction dépend de trois facteurs : 1) les choix faits en amonts des signes de reconnaissances ou
des éléments relatifs à l’identité de la marque, 2) les activités marketing et les programmes de soutien
à la marque et la manière dont la marque y est intégrée / associée, et 3) d’autres associations indirectes
ou secondaires faites à la marque (son pays d’origine, son réseau de distribution par exemple).

Des débats existent sur la question de la mesure de la marque : comment mesurer la force d’une
marque ?, quels indicateurs mobiliser pour mesurer ce qu’on appelle le capital de marque ?
Deux paradigmes distincts coexistent dans la littérature et fournissent des éléments de réponses à ces
questions. L’un se positionne du point de vue du consommateur (customer based brand equity), l’autre
du point de vue de l’organisation (firm based brand equity).
Alors que la perspective consommateur se focalise davantage sur la conceptualisation et la mesure de
la valeur de la marque sur les consommateurs individuels (Leone et al., 2006), l’approche financière
se concentre sur la valeur de la marque pour l’entreprise (Simon et Sullivan, 1993 ; Feldwick, 1996),

L’approche marketing du capital de marque (selon la perspective du consommateur)

Selon la perspective du consommateur (Keller et Lehmann, 2006), le capital de marque se définit


comme une part de l’attraction (ou de la répulsion) à un produit particulier fabriqué par une entreprise

60
Chapitre II. La marque

spécifique. Cette attraction est générée par une part non-objective de l’offre produit (et non par les
attributs intrinsèques au produits). En d’autres termes, alors que la marque est à l’origine synonyme du
produit qui la représente, elle développe au cours du temps une série d’attachements et d’associations
qui existent bien au-delà du produit à travers la publicité, les actions marketing, l’expérience vécue du
produit.

Les travaux de Aaker (1991) et Keller (1993) ont fortement influencé les réflexions s’inscrivant dans
une perspective marketing (encore appelée perspective consommateur) sur la valeur de la marque.
Aaker (1991) identifie cinq critères constituant la valeur d’une marque : la fidélité à la marque, sa
notoriété, la qualité perçue, les associations à la marque, et les autres actifs (les brevets, les réseaux de
distribution par exemple). Keller (1993) propose que la valeur de la marque est liée à sa connaissance,
en ce sens où la marque connue procure au produit une valeur supplémentaire. Par connaissance de la
marque, il inclut la notoriété et l’image de la marque, cette dernière se référant à toutes les
associations, idées et croyances véhiculées par la marque et mémorisées par l’individu. Dans une autre
définition encore, Keller (1998) propose : « une marque est une somme d’associations mentales,
déployées par le consommateur, qui vient s’ajouter à la valeur perçue du produit ou du service ». Ces
associations sont supposées être uniques, fortes et positives.

Les travaux plus récents de Yoo et Donthu (2001) font une revue des différents travaux destinés à
définir le concept de capital de marque. Ils soulignent les quatre dimensions les plus récurrentes parmi
les définitions académiques proposées : 1) la fidélité à la marque (ou la tendance à être loyal), 2) la
notoriété de la marque (ou la capacité pour le consommateur à la reconnaître et à l’attribuer à une
catégorie de produit), 3) la qualité perçue (ou l’évaluation subjective de la qualité), et 4) les
associations à la marque (ce qui reste en mémoire et ce qui est lié à la marque).

L’approche financière du capital de marque (selon la perspective de l’entreprise)

Selon la perspective de l’entreprise (Keller et Lehmann, 2006) le capital de marque est la valeur
additionnelle ou le « cash flow » supplémentaire générés par l’entreprise grâce à la marque qui
n’existerait pas si le produit ne portait pas le nom de cette marque. L’approche financière de la marque
envisage celle-ci comme un actif de l’entreprise (tout comme l’outil industriel) pouvant faire l’objet de
ventes et de rachats.

Plusieurs travaux de recherche se sont penchés sur cette forme de valeur (Aaker et Jacobson, 1994,
2001 ; Pahud de Mortanges et Van Riel, 2003). Ils ont pu démontrer entre autres que la performance
d’une marque représente un impact significatif sur la valeur de l’entreprise. « Ces résultats viennent

61
Chapitre II. La marque

confirmer l’affirmation selon laquelle le but du marketing n’est pas seulement de créer de la valeur
pour ses clients, mais que cela doit aboutir à la création de valeur pour ses propriétaires (i.e les
actionnaires). » (Pahud de Mortanges et Van Riel, 2003).

De plus en plus, la recherche en marketing s’intéresse à l’impact d’une marque forte sur la valeur
boursière d’une entreprise. Le capital de marque mesure la force d’une marque sur le marché (Jobber,
2010). Aaker et Joachimsthaler (2000) définissent le capital de marque comme « un ensemble
d’éléments d’actif ou de passif liés à la marque, à son nom et à ses symboles, qui augmentent ou
diminuent la valeur d’un produit ou d’un service pour l’entreprise et / ou pour ses clients ». Il s’agit
finalement de la valeur apportée par la marque à l’entreprise.

Dans la pratique, les cabinets de conseil s’attachent à évaluer la marque, afin de la faire ensuite figurer
parmi les actifs de l’entreprise. La méthode Interbrand est l’une des plus connues.

Les méthodes d’évaluation des marques sont finalement le résultat d’une combinaison entre
l’approche marketing et l’approche financière. Les deux cohabitent et se complètent l’une et l’autre
dans la mesure où une marque à forte valeur pour le consommateur enrichira nécessairement
l’entreprise (Changeur, 2002).

Kapferer (2012) confirme l’idée de complémentarité des approches marketing et financière de la


marque et positionne la première (customer based equity) comme le préambule de la seconde
(financial equity). L’approche financière isole le « cash flow » additionnel généré par la marque,
résultat de la volonté des consommateurs à acheter une marque plutôt qu’une autre. Les fondements ou
causes de la préférence pour la marque sont les croyances et les liens créés avec la marque au fil du
temps, grâce aux activités marketing. Les marques ont par conséquent une valeur financière parce
qu’elles ont su créer de la valeur pour le consommateur, pour le distributeur, pour le leader d’opinion
etc. Ces valeurs (ou assets) sont la notoriété, les croyances, la supériorité, l’exclusivité de certains
bénéfices gagnés grâce à la marque, ou encore les liens émotionnels créés.

Figure 5 : Approches marketing et financière du capital de marque

Capital de marque Capital de marque financier :


Activités Marketing
consommateur : Valeur additionnelle, cash
(communication,
Notoriété flow supplémentaire créés
publicité sur le lieu de
Fidélité grâce à la marque
vente, commercialisation
Associations
etc.)
Qualité perçue

62
Chapitre II. La marque

II.3.3. D’un marketing “product centric” vers un marketing “customer centric”

Barwise et Meehan (2010) mettent en avant le glissement d’un marketing centré sur le produit
(product centric) vers un marketing centré sur le consommateur (consumer centric) favorisé par
l’apparition du digital qui permet de capter des données beaucoup plus rapidement qu’auparavant. Les
médias sociaux peuvent être perçus comme un outil puissant qui permet par exemple d’explorer les
vies et les opinions des consommateurs.

Kapferer (2012) évoque aussi ce glissement comme une révolution qui a secoué la théorie et la
pratique du marketing, comme un mouvement d’une perspective transactionnelle vers une perspective
plus relationnelle. De nouvelles questions, de nouveaux outils, de nouveaux modes de pensée
émergent. La vision traditionnelle d’un marketing (product-centric) axé sur la compréhension du
comportement du consommateur visant à influencer ses choix, en lui proposant le produit qui réponde
à ses attentes, fait place à une emphase portée sur la construction d’une relation durable et à une
approche de marketing relationnel. Les courants de recherche sont ainsi passés de la prédiction des
choix à l’analyse de la relation (Fournier, 1998) ou les différents types d’interactions des entreprises
avec leurs clients au-delà de la vente d’un produit ou d’un service (Rapp et Collins, 199416 ; Peppers et
Rogers, 199317).

Cette transition du marketing (Flambard, 2002) s’accompagne d’un discours de marque vers un
échange de la marque avec son audience, résultat d’une association entre mutations environnementales
et sociétales. Le consommateur est devenu plus rationnel, plus sensible au prix et moins fidèle. Il est
aussi devenu un consommateur plus expert, et plus affectif.
Les nouveaux modèles de marques passent par l’implication du client. La création de la valeur passe
par le client, la marque doit créer un courant d’implication durable en se connectant à la vie réelle des
consommateurs (Kapferer, 2005).

16
In Kapferer (2012)
17
In Kapferer (2012)

63
Chapitre II. La marque

En synthèse :
- Une bonne gestion de la marque doit permettre une complémentarité entre image de marque
et identité de marque.
- Les réflexions sur l’identité de la marque font partie de la stratégie de marque et peuvent
être matérialisées par des outils comme la plateforme de marque dont le rôle est de garantir
une cohérence dans les activités menées par la marque.
- La plateforme de marque est garante d’une certaine consistance de la marque dans ses
activités ; elle est par conséquent un outil très utile à l’ère du digital où les modes de
communication possibles se sont multipliés et avec, le risque pour la marque d’une dilution
son image.
- De plus en plus, on observe depuis un certain nombre d’années un glissement de la pratique
du marketing, d’un marketing transactionnel autrefois centré sur le produit vers un
marketing plus relationnel qui tend à placer le client au cœur de ses priorités (l’attention
portée à l’expérience client sur un lieu de vente en est un exemple). Ce glissement se trouve
favorisé par l’environnement digital.
- Le client est au centre des attentions, l’interaction des marques et de leurs clients va bien au-
delà de la simple vente de produit, on cherche à se connecter à la vie réelle du client.
- Le capital de marque devrait occuper une place centrale dans le processus de management
de la marque : toutes les activités devraient alors être dédiées à sa construction.

64
Chapitre II. La marque

Conclusion du Chapitre II.

Les marques à l’origine créées pour signifier au consommateur l’origine, et donc la qualité des
produits, ont largement dépassé leur vocation. Elles sont devenues dans les années quatre-vingt-
dix de véritables emblèmes culturels, à l’instar de la marque Coca-Cola devenue le symbole de
‘l’american way of life’ et des valeurs américaines

Les marques nous racontent aujourd’hui des histoires. Elles endossent leur rôle de conteur et
s’inscrivent ainsi dans une pratique du marketing centrée sur le consommateur (customer
centric) favorisée par l’ère digital et dans laquelle la relation client prime. La marque forte est
aujourd’hui celle qui fédère une communauté, celle qui enregistre le plus grand nombre de fans.
La portée collective ou collaborative de la construction des histoires de marque – ou de la
culture de marque – participe à la force de la relation client.

Si le digital exacerbe l’approche cutsomer centric, il induit aussi une certaine perte de contrôle de
la marque, notamment sur son image. Des outils tels que la plateforme de marque ont dans ce
contexte toute leur utilité : ils pourront dans une certaine mesure permettre de la constance dans
les activités entreprises par la marque.

La construction du capital de marque – soit la construction de la notoriété, de la fidélité, des


associations à la marque ou de la qualité perçue dans une perspective consommateur, ou encore
la construction de la valeur additionnelle ou du cash-flow supplémentaire dans une perspective
financière – reste finalement la priorité du brand management et donc des activités de la marque.

65
66
Chapitre III. Contenu de marque

Chapitre III. Contenu de marque ou brand content:


Une pratique en développement à l’ère du digital

Nous entrons dans ce troisième chapitre dans le cœur de notre sujet : l’étude des pratiques ou
stratégies de contenu de marque dans le contexte digital. L’objectif de ce chapitre est de comprendre
ce que le contenu de marque recouvre (quelle forme de communication est-ce ?) afin de pouvoir
l’étudier, et plus tard poser les questionnements qu’il soulève.
Le contenu de marque désigne tout contenu édité par la marque ; il n’est en soi pas une pratique de
communication nouvelle et nous évoquons dans ce chapitre ce qui a motivé son déploiement depuis
l’apparition des premières plateformes de médias sociaux (III.1 et III.2).
Nous étudions ensuite la question de l’émergence d’un nouveau concept : comment le définir (d’après
la littérature existante) et comment le différencier de ses concepts proches (la publicité et le
storytelling) ? (III.3)

III.1. Nouveau paysage médiatique : des conditions propices au développement des pratiques
de contenu de marque
III.1.1. Scepticisme des consommateurs et course à l’attention des marques
III.1.2. Web 2.0 : un contexte propice au développement des contenus
III.1.3. Intérêt de la pratique pour les managers et pour les académiques

III.2. Nouvelles pratiques de communication digitale et contenu de marque


III.2.1. Emergence de nouveaux formats de communication
III.2.2. Contenu de marque digital, quelles pratiques, quelles définitions ?

III.3. Contenu de marque digital, un nouveau concept ?


III.3.1. Les quatre facettes ou dimensions du contenu de marque digital
III.3.2. Le contenu de marque et les concepts de storytelling et de publicité
III.3.3. A quel genre de communication le contenu de marque appartient-il ?

67
Chapitre III. Contenu de marque

68
Chapitre III. Contenu de marque

III.1 Nouveau paysage médiatique : des conditions propices au développement des


pratiques de contenu de marque

Deux éléments contextuels caractéristiques sont souvent cités dans la littérature parce qu’ils ont
particulièrement motivé la production de contenu de marque : il s’agit du scepticisme des
consommateurs vis-à-vis de la publicité et du déploiement du web 2.0.

III.1.1. Scepticisme des consommateurs et course à l’attention des marques

Dans dans les années cinquante, l’invention de la télévision bouleversa le monde de la publicité. Pour
la première fois, les publicitaires devenaient capables de communiquer et de divertir en même temps
(Heath, 2011). Il devint vite évident que les compagnies qui auraient recours à ce nouveau média pour
faire la promotion de leurs produits capteraient de nouvelles parts de marché. Mais l’idée que la
télévision soit un média suscitant un niveau fort d’attention ou d’implication de son audience fut
rapidement remise en cause. Dans les années quatre-vingt-dix, on constatait déjà que deux-tiers des
téléspectateurs avaient une seconde activité en regardant la télévision (Clancey, 1995)18 ou encore que
la moitié d’entre eux déclaraient ne pas aimer la publicité à la télévision (Mittal, 1994) 19. La trivialité
des contenus publicitaires télévisés fut par ailleurs rapidement dénoncée (Krugman, 1965)20.
On peut constater dans cette rapide rétrospective que l’attention et le scepticisme des individus par
rapport aux spots publicitaires et aux messages transmis sont depuis longtemps des obstacles auxquels
les publicitaires se confrontent.

L’appréciation des effets de la publicité à la télévision est aujourd’hui mitigée. Si chaque produit mis
sur le marché, ou presque, semblait être dans les années cinquante doté d’attributs et de bénéfices
uniques, pratiquement n’importe quelle innovation peut aujourd’hui être copiée en un temps record.
Les années soixante-dix ont été celles des marques puissantes parvenant à toucher 80% des foyers
grâce au spot TV de 30 secondes, diffusé sur les trois chaînes nationales uniques, ce qui n’est plus le
cas aujourd’hui (Kotler et al., 2009). Ainsi, Heath (2011) remet en question l’avenir de la publicité à la
télévision, centrée sur le produit.

L’esprit des consommateurs est de plus en plus saturé par les messages marketing (Creamer, 2007) et
leur attitude vis-à-vis du marketing est au plus bas. La résistance du consommateur à l’idée même du
marketing et aux approches qui y sont associées, n’a jamais cessé de croître (Johansson, 2004 ;
Kozinets et Handelman, 2004). Les consommateurs sont de plus en plus aptes à résister aux pratiques

18
In Heath (2011)
19
In Heath (2011)
20
In Heath (2011)

69
Chapitre III. Contenu de marque

marketing, leur expertise des marques qu’ils consomment étant de plus en plus précise. Selon Brown
(2003) 21, ils posséderaient un ‘marketing reflex’, une sorte de système d’alarme qui se déclenche et
neutralise toute tentative de communication à visée commerciale.

Le scepticisme des consommateurs reste aussi fort dans le contexte médiatique digital. De nombreuses
recherches se sont attachées à démontrer que les consommateurs avaient développé des attitudes
négatives par rapport au marketing digital qu’ils considèrent comme intrusif (Li, Edwards, & Lee,
2002; McCoy, Everard, Polak, & Galletta, 2007; Ranchhod, 2007). Les marques évoluent dans un
contexte de défiance, où près d’un tiers des publicités digitales ne sont pas vues. De nouveaux produits
et services permettent par ailleurs au consommateur de gagner le contrôle sur son exposition à la
publicité (Kaikati et Kaikati, 2004 ; Lord, 2006 ; Yankelovich Partners, 2005) et les stratégies
d’évitement publicitaires sont de plus en plus fréquentes (Chaffey et al., 2014).

Chatterjee (2008) dénonce une inquiétude croissante sur l’attitude négative des consommateurs quant
à la publicité digitale considérée comme intrusive. Les publicités ‘pop-up’ viennent interrompre les
activités des internautes (Li et al, 2002), provoquant un impact négatif sur le processus de réception et
d’assimilation de l’information (McCoy et al, 2007). L’impact est finalement négatif sur la brand
equity toute entière (Smith, 2011).

Le contexte médiatique se caractérise par une fragmentation, une dispersion des audiences (Jaffe,
2005) et par une hyper-sollicitation de l’attention (Bô et Guével, 2010). Deux phénomènes expliquent
le déclin des médias de masse : la fragmentation des audiences entre les chaînes disponibles et la
technologie qui permet aux consommateurs de refuser la publicité (TV ou Internet) (Kotler et al.,
2009). La fragmentation des medias et des audiences et l’évitement publicitaire rendent la
communication traditionnelle de plus en plus difficile dans la mesure où elle vise à atteindre et à
convaincre les consommateurs. Jaffe (2005) émet l’idée d’une érosion des audiences : le spectateur a
davantage de choix en termes de contenu et a surtout la possibilité de visionner les contenus au bon
moment, quand il le souhaite. Les communications à finalités commerciales ont par conséquent
recours à de nouveaux formats permettant de passer les barrières perceptuelles et pouvant être
potentiellement plus convaincants que les médias traditionnels (De Pelsmacker et Neijens, 2009). Ces
évolutions conduisent les responsables marketing à revoir leurs pratiques. (Kaplan et al., 2003).

Kim (2008) propose qu’un nouveau schéma publicitaire devient nécessaire dans un environnement
incertain où les formats de communication sont de plus en plus sophistiqués et où le consommateur
demeure sceptique vis-à-vis de la publicité. Une étude récente menée dans 14 pays par Microsoft et
MTV a pu mettre en évidence le fait que de façon globale, les jeunes consommateurs se plaignent

21
In Badot et Cova (2008)

70
Chapitre III. Contenu de marque

d’une présence trop importante de la publicité dans leur quotidien. Ainsi, si 83% des 14-24 ans
rejettent la publicité traditionnelle, qu’ils considèrent comme intrusive et répétitive, un certain nombre
d’entre eux acceptent cependant une forme de publicité adaptée à leurs besoins, conçue pour leur
communauté et source de valeur. Ces mêmes consommateurs sont prêts à partager ce type de contenu
avec leurs pairs, s’ils peuvent potentiellement leur apporter de la valeur.

La densification des médias disponibles, depuis l’apparition de l’Internet et des médias sociaux, a
multiplié considérablement les modes d’expression de la marque, diluant simultanément l’attention
des audiences désormais surexposées aux messages publicitaires de toutes sortes. L’attention du public
est dans ce contexte devenue « une ressource rare » : les auteurs Kessous et al. (2010) introduisent
l’idée d’une « nouvelle économie de l’attention », dans laquelle l’un des enjeux des marques est de
gagner cette attention. Dès lors, les publicitaires et annonceurs sont à la recherche d’idées et de
formats nouveaux de communication. Les pratiques de contenu de marque se multiplient dans cette
perspective depuis quelques années.

III.1.2. Web 2.0 : un contexte propice au développement des contenus

Le contenu de marque désigne des contenus éditoriaux qui sont directement produits par les marques ;
ces contenus peuvent prendre la forme d’articles, de « consumer magazines », de jeux, d’expositions,
de vidéos, de films, de séries, de clips, de guides, ou encore de sites web (Bô, 2009). La marque
Michelin fut précurseur en France des pratiques de contenu de marque. En éditant dès 1900 son
premier guide, elle visait à rendre le voyage de ses clients le plus agréable possible en leur prodiguant
des informations sur les services disponibles sur leur trajet en voiture (où trouver un hôtel, où réparer
sa voiture en cas de panne etc.).
Jamet (2013) souligne que « la pratique (de brand content ou contenu de marque) est aussi vieille que
le marketing », la démarche éditoriale des marques existe en effet depuis longtemps. D’autres
exemples peuvent être cités : les soap-operas produits par les marques de lessives américaines dans les
années cinquante. Ainsi, les nouvelles pratiques de brand content digital restituent la discipline dans le
temps.

La pratique n’est pas nouvelle mais suscite un nouvel enthousiasme chez les publicitaires depuis le
déploiement des médias digitaux et sociaux. On peut alors se questionner sur les raisons qui expliquent
l’engouement pour les formats de brand content digital depuis l’apparition des médias sociaux.
Trois sources de motivation peuvent ici être citées :

1) Les pratiques de contenu de marque s’inscrivent tout d’abord dans une approche non intrusive du
consommateur ou de l’audience. Godin (1999) nous explique que le marketing était auparavant de

71
Chapitre III. Contenu de marque

nature intrusive en ce sens que les marques achetaient de l’espace et parlaient aux consommateurs en
les interrompant dans leur programme. Avec le web 2.0, l’intrusion s’atténue : les consommateurs
choisissent où ils veulent aller, ce qu’ils veulent lire, ce qui correspond à leurs intérêts dans la vie.
Ainsi, le brand content est devenu nécessaire pour établir un contact avec les internautes.

2) Les pratiques de contenu de marque permettent de nourrir la présence des marques sur les médias
digitaux. L’apparition du Web 2.0 a déclenché la propagation, la multiplication des communications
de brand content (Kapferer, 2012) : les marques ont dû en effet se substituer au média afin de pouvoir
nourrir leur présence digitale de contenus de façon continue.

3) Le contenu de marque ou brand content digital permet aussi de nourrir la communauté de la


marque (Fernando, 2007) : la nécessité d’interagir avec les consommateurs et les audiences d’une
façon véritablement sociale est ce qui oriente aujourd’hui la communication. Le média social est le
média de prédilection du brand content (Kapferer, 2012) : c’est là que les individus se rencontrent,
non pas dans une foule d’anonymes, mais dans une communauté choisie.

Le contenu de marque fait partie des stratégies de communication qui répondent aux nouvelles attentes
des consommateurs, en en particulier à la génération des digital natives hyper-connectée (Van den
Berg, Behrer, 2011). Le déploiement des pratiques de contenu de marque s’inscrit dans une époque où
le schéma classique publicitaire n’est plus adapté au nouveau contexte du web 2.0 (Mallet et al.,
2013).

En complément de ce qui précède, on peut citer parmi les raisons de l’essor des formats de contenu de
marque (Bô, 2012) :
- la recherche de la création de cohérence dans un univers média riche et fragmenté,
- l’effort de contournement des médias classiques (jugés plus parasitaires),
- la recherche de pertinence des contenus dans l’objectif de toucher l’intelligence du
consommateur,
- et enfin la dynamique d’animation des communautés de marques qui consiste à développer une
plus grand proximité avec son audience (Bô, 2012).

Le déploiement des contenus de marque fait ainsi écho à la nécessité de trouver de nouveaux moyens
de communiquer, d’attirer l’attention des publics (Bô et Guével, 2010). Le nouveau paysage
médiatique, les nouvelles technologies interactives, le nouveau rapport entre les marques et les
consommateurs sont propices au développement des pratiques de contenu de marque (Jamet, 2013).

72
Chapitre III. Contenu de marque

En synthèse :
- Les marques évoluent depuis plusieurs décennies dans un contexte de scepticisme des
consommateurs vis-à-vis de la publicité et des techniques marketing traditionnelles d’une
manière générale.
- Les médias digitaux ont amplifié ce phénomène – parce qu’ils se sont imposés comme de
nouveaux médias de communication – et le consommateur désormais surexposé de contenus
entreprend des stratégies pour éviter tout contact avec la marque.
- Dans ce contexte, les publicitaires revoient leurs pratiques : ils sont à la recherche de
nouveaux formats de communication. Le contenu de marque en tant que pratique de
communication se répand.
- Le consommateur peut être prêt à accepter, à partager même, des communications ou des
contenus qui répondent à ses besoins, et qui sont pour lui porteurs de valeur.
- Le contenu de marque est assimilé à une communication non intrusive et s’inscrit de fait
pleinement dans la philosophie du web 2.0.
- Il permet de nourrir la présence des marques sur la toile, et leurs communautés.
- Il est enfin un nouveau moyen d’entrer en contact avec le consommateur, d’attirer son
attention.

III.1.3. Intérêt de la pratique pour les managers et pour les académiques

L’intérêt des professionnels pour les formats de contenu de marque grandit au fur et à mesure des
années. Le publicitaire Thomas Jamet (2013) considère le brand content comme une « nouvelle
discipline consacrée par la plupart des agences et des groupes de communication » et son
développement intensif comme une manifestation de l’intérêt que le marché de la communication
porte aux nouveaux enjeux et au besoin de créer de nouvelles façons de communiquer. « Le brand
content fait bel et bien partie des tendances du moment ». Il ne peut pas se résumer selon lui à une
simple tactique de communication, à un exercice créatif ou encore à une manière de prendre la parole.
Il représente davantage et correspond à un nouveau métier. Kapferer (2012) désigne même le contenu
de marque comme l’un des concepts fondamentaux d’un brand management moderne qui doit donner
les moyens à la marque d’être visible sur la toile.

La production de contenus s’est amplifiée avec le temps, démocratisée même pour devenir une
véritable stratégie de communication (stratégie de contenu) qui s’impose pour développer le capital de

73
Chapitre III. Contenu de marque

marque (brand equity) et le renforcer sur ses principales facettes, à savoir la notoriété de la marque,
son image, et l’attachement à la marque (Flichy, 2010).

Depuis 2009, l’AACC (Association des Agences-Conseil en Communication) a nommé une délégation
des contenus éditoriaux et l’on a vu apparaître depuis quelques années déjà une nouvelle fonction de
brand content manager dans les équipes marketing des marques grand-public (la marque agro-
alimentaire Michel & Augustin par exemple).

Les académiques se sont intéressés au sujet dans une certaine mesure mais les travaux portant sur le
contenu de marque (brand content) restent rares dans le champ de la littérature en marketing. On
trouve davantage de recherches s’intéressant à des pratiques proches du contenu de marque (telles que
l’advertainment, le brand journalism, le branded content …). Ces pratiques sont présentées comme
des moyens efficaces de développer la notoriété des marques, de stimuler le trafic sur les plateformes
digitales ou sur les sites de marques, de construire une relation forte avec les utilisateurs Facebook, de
les engager avec la page ou le profil de la marque (Edwards, 2003 ; Moore et Rideout, 2007 ; Winkler
et Buckner, 2006). Ces recherches portent dans leur grande majorité sur les effets des nouvelles
pratiques sur les consommateurs.

74
Chapitre III. Contenu de marque

III.2. Nouvelles pratiques de communication digitale et contenu de marque

Avec la popularité croissante du web 2.0, auprès des consommateurs comme des managers, un grand
nombre de nouveaux formats de communication sont apparus. Ils ont tous la même ambition : attirer
l’attention, divertir les publics. Nous verrons dans cette partie que les définitions de ces formats et la
réalité qu’ils recouvrent restent encore difficile à établir.

III.2.1. Emergence de nouveaux formats de communication

Le divertissement des audiences est devenu l’un des objectifs des marques qui communiquent pour
attirer l’attention du plus grand nombre. En témoigne ici l’exemple de la marque Coca-Cola : “In the
last few years some of the world's leading brand advertisers, such as Procter & Gamble and Coca-
Cola have called on agency and media owners to think differently about how brands might connect
with consumers in the future. Steven Heyer, Coca-Cola's president and chief operating officer, said in
2003 that he was moving away from advertising spots and traditional product placement towards
"ideas that bring entertainment value to our brands, and ideas that integrate our brands into
entertainment”” (Aitchison 2004).

Des recherches ont démontré que le divertissement constituait l’une des raisons principale de
l’utilisation de l’Internet chez les individus (e.g. Perse et Dunn, 1998, Hwang et Lombard, 2006), et
plus particulièrement chez les jeunes adultes. Les activités de divertissement de marque peuvent par
exemple permettre aux marketers de toucher les plus jeunes, tout en leur délivrant des messages non
intrusifs. Ainsi, les frontières entre amusement et communication marketing s’érodent depuis plusieurs
années (Donaton, 2004, Eagle, 2007, Grigorovici, Constantin, 2004, Livingstone, 2004, Shrum, 2004,
Steel, 2007, Winkler, Buckner, 2006).
Beaucoup de nouveaux formats de communication ont été développés par les annonceurs et par les
publicitaires dans le but de divertir l’audience, et donc d’attirer son attention. Ainsi, des pratiques de
native advertising, de content marketing, de brand jounalism, d’inbound marketing ou encore de
social content (entre autres) sont apparues, sans que l’on sache vraiment ce que chacune de ces
dénominations recouvre dans la réalité.

De Pelsmacker et ses collègues (2009) dressent par exemple une liste de formats hybrides de
communication ayant émergé avec l’apparition du digital. On compte parmi eux le placement produit,
le divertissement marqué (branded entertainment), la publicité divertissante (advertainment), le
contenu de marque ou le contenu marqué (branded content), les magazines sponsorisés ou encore les
jeux publicitaires (advergames).

75
Chapitre III. Contenu de marque

La littérature anglo-saxonne aborde certaines de ces nouvelles pratiques (e.g. Horrigan, 2009 ;
Atkinson, 2008 ; Hudson et Hudson, 2006 ; Zhang et al., 2010 ; Youn et Larson. 2002). Cependant,
les définitions de chacune sont confuses, et l’amalgame est souvent fait entre les différents formats. Il
en résulte une impression de flou dans la définition de ces formes de communication et dans
l’identification précise de ce qu’elles désignent.

Parmi les techniques de communication répandue sur les médias digitaux, le branded entertainement
constitue la technique la plus étudiée. Elle est considérée comme une technique de communication
bien établie (Hudson & Hudson, 2006) particulièrement répandue sur Internet (Grigorovici et
Constantin, 2004, Hudson et Hudson, 2006). Le concept a été étudié dans les contextes de médias du
cinéma, de la TV, des jeux vidéos (Gupta et Gould, 2007, Russel, 2002). Peu de recherches se sont
centrées en revanche sur l’étude du divertissement de marque sur le média Internet. La différence entre
branded entertainment et brand content reste parfois ténue : par exemple, Urbach et ses collèges
(2004) apparentent les courts-métrages diffusés par la marque BMW comme des formats de branded
entertainement dans lesquels l’automobile se présente comme une attraction et non comme une
distraction publicitaire (Urbach et al. 2004).

La confusion entre ces nouveaux genres de communication et le contenu de marque reste prégnante.
Daniel Bô (2012) a beaucoup écrit sur le sujet du brand content et fait une distinction entre la notion
de brand content en France et à l’international. Le brand content couvrirait en France toutes les
formes d’expression du contenu de marque, alors que deux pôles se distingueraient à l’international 1)
un pôle informatif regroupant les pratiques de content marketing, de brand journalism, ou encore de
communication éditoriale et 2) un pôle entertainment comprenant les pratiques de branded
entertainment et d’advertainment. La notion de brand content fédèrerait selon lui les différentes
pratiques, dans une vision plus universelle où la marque serait auteur et éditeur.
Cette précision épaissit selon nous un peu davantage le flou qui règne sur les définitions des pratiques
émergentes, plus qu’elle ne les clarifie …

III.2.2. Contenu de marque digital, quelles pratiques, quelles définitions ?

Si l’on se cantonne au contenu de marque à proprement parler, les formats de contenus sont de plus en
plus variés. Il en résulte une certaine difficulté à reconnaître ce qui est du contenu de marque (ou
brand content) de ce qui n’en est pas.

76
Chapitre III. Contenu de marque

L’étude du cas de la marque SNCF réalisée par Mallet et ses collègues (2013) illustre l’existence de
cette grande variété de formats.
Les auteurs font ainsi l’inventaire des pratiques de contenus de marque déployées par la marque SNCF
et y incluent :
- trois magazines de marque TGV mag, New London et Metropolitan,
- des opérations événementielles telle que l’exposition « l’art entre en gare » présentée au Grand
Palais et retraçant l’histoire de la marque à travers l’art,
- des contenus expérientiels inattendus comme des animations dans le train réalisées par de jeunes
artistes (musique, magie, humour), des ‘happenings’ personnalisés « Bienvenue – Au revoir » où
Fabien célibataire est interpellé par dix jeunes filles « folles de lui » à son arrivée en gare
(l’événement est ensuite relayé en vidéo sur Internet),
- des opérations de marketing viral telles que des jeu-concours organisés sur un mini-site
« destination Tauquiot.com », où des noms de villes célèbres sont détournés et où des lots sont à
gagner par le biais d’un système de votes,
- une web radio disponible sur smartphone via une application dédiée,
- une Web série humoristique intitulée « voyages d’affaires ».

L’exhaustivité de la liste confirme la difficulté éprouvée à délimiter ce que recouvre le contenu de


marque. Quelles pratiques englobe-t-il ?

On trouve dans la littérature quelques définitions succinctes de la notion de contenu de marque : le


contenu de marque désigne des contenus éditoriaux directement produits par les marques (Bô, 2009).
L’anglicisme brand content désigne « des contenus produits par une marque, à des fins de
communication, comme des fictions, des séries, des jeux, des films, des événements et permettant à la
marque de s’engager sur un terrain d’expression qui lui serait propre : la musique, le sport, le cinéma
… » (Jamet, 2013). Baynast et Lendrevie (2014) complètent cette définition : le contenu de marque se
définit comme des « contenus éditoriaux de toute nature créés par une marque qui devient une
marque-média lorsque ces contenus sont développés. ».

Le contenu de marque est aussi parfois défini par ses fonctions ou par ses effets : « Le brand content
désigne le fait qu’une marque crée ou édite du contenu. Celui-ci peut être informatif, culturel,
pratique, ludique ou divertissant. » (Bô, 2012). Kapferer (2012) identifie ainsi trois types de
contenus : 1) les contenus divertissants (par exemple des courts métrages) 2) les contenus pratiques-
utiles (par exemple des tutoriels de marques) et 3) les contenus informatifs-apprenants (des contenus à
visée plus pédagogique : l’un des sites Internet du groupe Total dédié aux sources d’énergie est un bon
exemple).

77
Chapitre III. Contenu de marque

Loukouman (2012) distingue encore les contenus selon leur format : 1) un format rédactionnel dans
lequel on trouve des news, des brèves, des conseils et informations donnés par la marque et 2) un
format multimédia qui se compose essentiellement d’images, de photos, de vidéos.

La définition de la notion de contenu de marque disponible la plateforme collaborative Wikipédia est


une autre illustration de la confusion faite entre les différents formats de communication que nous
avons décrite plus haut : « Le contenu de marque (branded content) ou programme de marque
(funded programming) est un genre créatif à part entière, différent de la publicité. (…) Contrairement
à la publicité, le contenu de marque est caractérisé par son autonomie éditoriale (storytelling) et par
l’absence d’argumentaire ou de slogan commercial formulé au sein du programme ou en association
systématique avec sa visualisation.»22

Chacune de ces définitions donne à voir une facette différente du contenu de marque. Nous présentons
dans le tableau suivant les apports de ces définitions :

Tableau 1 : Résumé des définitions du contenu de marque, apports et limites de chacune

Définitions Apports Limites

Mallet et al. (2013) Définition par des exemples concrets de Absence de mise en avant des
pratiques >> les manifestations du contenu caractéristiques communes de ces
de marque. p ati ues, u est-ce qui permet de
les identifier comme du contenu de
marque ?
Jamet (2013) D fi itio pa l i te tio de la a ue ui Quelle frontière entre le contenu de
s e gage su u te ai d e p essio pour marque et les autres formes de
entrer en contact avec son audience. communication ?
Bô (2009) Appartenance à la marque, le contenu est
produit par la marque (rejet des contenus
produits par les consommateurs ou
Internautes).
Baynast et Lendrevie Ouverture aux contenus éditoriaux de toute Définition de la notion de contenu
(2014) nature, proposition de la notion de marque éditorial ?
média.
Kapferer (2012), Bô Définition du contenu de marque par ses Quelles différences avec les effets de
(2012) effets. la publicité (par exemple) ?
Loukouman (2012) Définition donnée par type de format Définition restrictive, existe-t-il
(éditorial ou multimédia) >> représentation d aut es fo ats ?
des formes que peut prendre le contenu de
marque.

22
http://fr.wikipedia.org/wiki/Contenu_de_marque

78
Chapitre III. Contenu de marque

En synthèse :
- La recherche de divertissement est une motivation forte pour les individus à fréquenter le
web 2.0. ; une multitude de nouveaux formats de communication digitale se sont développés
dans l’objectif de divertir.
- Les définitions de ces nouveaux formats manquent d’exhaustivité et se chevauchent même
les unes avec les autres.
- En ce qui concerne le contenu de marque, il peut être confondu avec d’autres formats de
communication et sa définition reste, à proprement parler, ambigüe.

79
Chapitre III. Contenu de marque

80
Chapitre III. Contenu de marque

III.3. Contenu de marque digital, un nouveau concept ?

En étudiant le sujet du contenu de marque, nous avons constaté d’une part qu’il existait peu de travaux
sur le sujet aussi bien dans la littérature française que dans la littérature anglo-saxonne, et d’autre part
qu’il n’existait pas de définition exhaustive de la pratique, et qu’une certaine confusion était faite avec
les autres formats de communication déployés sur le web 2.0.

A partir de la littérature existante, nous nous sommes efforcés de trouver des caractéristiques
récurrentes du contenu de marque digital. Ainsi quatre dimensions ou facettes se sont détachées
(l’engagement, la dimension non-marchande, la dimension utilitaire et la dimension artistique).
Toujours dans un effort de définition du concept, nous avons ensuite cherché à différencier le contenu
de marque de deux concepts qui lui sont très proches : la publicité et le storytelling.
Enfin, nous nous sommes questionnés sur le genre de communication rattaché aux pratiques de
contenu de marque.

III.3.1. Les quatre facettes ou dimensions du contenu de marque digital

Quatre dimensions propres au contenu de marque émergent de la littérature : 1) la dimension


d’engagement, 2) la dimension de non-marchand, 3) la dimension d’utilité ou servicielle et 4) la
dimension de l’art.

Figure 6: les quatre dimensions du contenu de marque digital

Non-
Engagement Marchand
Contenu de
marque
digital
Art
(Public, Utilité
Emotion,
Création)

81
Chapitre III. Contenu de marque

1) La dimension d’engagement

Nous l’avons vu dans le chapitre II de notre thèse, l’engagement est un concept pilier dans
l’environnement digital. Il se rattache à la notion de earned media, dans la mesure où celui-ci se
compose de blogueurs, d’influenceurs, de fans de la marque qui partagent avec les autres internautes
les contenus qu’ils apprécient, et donc qui s’engagent pour la marque. L’engagement est dans le même
ordre d’idée l’un des points communs entre les membres d’une communauté de marque.
L’engagement est également, et depuis longtemps (avant l’apparition des médias digitaux), l’un des
objectifs recherchés des communications de marques en général. Il constitue selon Chaffey et al.
(2014) l’un des trois piliers fondamentaux de la communication digitale. Plus généralement dans la
littérature sur la marque, la confiance, l’engagement et l’attachement émotionnel à la marque sont les
trois composants généralement discutés dans le champ de la recherche sur la relation à la marque (e.g.
Fournier, 1998, Hennig-Thurau et Klee, 1997, Morgan et Hunt 1994, Park et McInnis 2006).

Le brand content est destiné à engager et le concept ou la notion d’engagement revient de façon
récurrente dans la littérature sur le contenu de marque digital. L’engagement est décrit comme l’un des
objectifs des communications de contenu de marque digital, il en est l’un des plus importants. « Pour
une marque, réussir à passer cinq minutes avec un consommateur via un contenu qui l’intéresse, le
fait rire, et qu’il partagera avec son réseau acquiert une valeur croissante. L’intérêt suscité ainsi est
sans doute la meilleure manière de définir l’engagement.» (Jamet, 2013).
Un autre témoignage d’Avi Savar23, créateur et directeur de création de Big Fuel24 décrit le brand
content comme la création d’un nouveau format original, où l’important est de savoir si on réussit à
engager son audience avec le contenu proposé. Avi Savar souligne l’importance de raconter de belles
histoires (certes) mais le plus important c’est bien d’engager le consommateur.
Vincent Balusseau25, ancien expert publicitaire en communication digitale, aujourd’hui enseignant
chercheur à Audencia, considère quant à lui l’engagement comme la mesure de référence des
nouveaux formats de communication digitales : « Dans le discours actuel, l’ancien c’est la couverture
et la répétition : l’impression publicitaire. Le moderne, c’est l’engagement : le clic, le like, le share, le
RT, le comment, le pin, le téléchargement d’une appli, etc. »
Le contenu de marque, davantage que la publicité, engage le consommateur à se lier à la marque parce
qu’il ne parle pas des produits mais d’un domaine d’intérêt commun entre la marque et ses publics
(Kapferer, 2012).

23
In Jamet (2013)
24
Agence social média localisée à New-York et spécialisée dans le contenu de marque
25
In Jamet (2013)

82
Chapitre III. Contenu de marque

Il existe de multiples définitions du concept d’engagement. Le travail du publicitaire consiste à


procurer au consommateur des expériences gratifiantes, à l’immerger dans ces expériences. Le
consommateur engagé sera dans un état mental plus ou moins intense de connexion avec le dispositif
publicitaire. Un niveau fort d’engagement aura des effets positifs mesurables par le biais des
indicateurs classiques d’efficacité publicitaire (Rangeley et Mollen, 2012). Ces effets peuvent par
exemple prendre la forme d’une attitude positive envers la marque, d’une propension à recommander
le dispositif de communication, d’une intention d’achat du produit, ou encore d’une connexion durable
avec la marque (Wise et al., 2009 ; Flores, 2012).

L’engagement des consommateurs peut être aujourd’hui considéré comme l’un des objectifs
prioritaires de la marque, ou encore comme « le nerf de la guerre », selon Vincent Balusseau. En
construisant une relation qui se base sur la confiance et l’engagement, les entreprises deviennent
capables de différencier leur offre et de susciter la fidélité à la marque (Donath, 1994).

Notons que le média TV peut permettre de créer des marques fortes grâce à l’émotion (Plummer,
2008) et donc d’engager. Les deux types de médias, digitaux et TV ou plus largement traditionnels, se
complètent donc dans la construction de l’engagement et a fortiori de la marque forte, d’où la
nécessité d’une bonne articulation de l’ensemble de la communication dans une logique de
communication marketing intégrée.

2) La dimension « non-marchande »

La recherche d’une relation qui dépasse la transaction …

En parcourant l’histoire des marques et de la publicité, on constate que la relation entre le


consommateur et la marque a rapidement dépassé le simple acte d’achat, en ce sens où la marque est
désormais engagée dans une quête de relation durable et construite avec ses consommateurs.
Le contenu de marque s’inscrit dans ce type de relation : « à partir du moment où les marques ont
dépassé le fait de séduire pour uniquement pousser à l’achat, le contenu de marque s’est développé et
enrichi» (Bordeau, 2012).
Ainsi, on constate que, dès la fin des années quatre-vingts, le consommateur cherche à donner du sens
à ses achats (il ne se contente plus seulement d’acheter mais cherche à donner une signification à son
acte d’achat). Les entreprises perçoivent ce nouveau besoin et s’efforcent alors de créer une relation
autre que commerciale avec leurs consommateurs. Cette époque marque les débuts du numéro vert,
auquel succédera l’apparition des premiers magazines de marques à la fin des années quatre-vingt-dix.
On voit aussi apparaître les premiers spots sortant des standards publicitaires classiques où «la

83
Chapitre III. Contenu de marque

publicité se libérait des contraintes commerciales pour offrir un spectacle aux consommateurs » : un
don leur était fait et en retour la marque suscitait la sympathie et l’adhésion de ses publics (Bordeau,
2012).

La notion d’utilité recherchée, de valeur pour le consommateur, ou encore de finalité recherchée du


contenu de marque émerge dans toutes les définitions du contenu de marque proposées par Daniel Bô :
le contenu de marque apporte de la valeur (« ce qui le caractérise ») au consommateur. Ce peut-être
un service, une information, un divertissement. Cette notion est très proche de la dimension non-
marchande du contenu de marque. Le contenu de marque est intéressant en soi : il suscite de l’intérêt
indépendamment de l’achat du produit. « C’est un don adressé à une personne, qui dépasse la fonction
commerciale et vise une implication dans une expérience enrichissante » (Daniel Bô26).

A la différence du contenu de marque, la publicité classique s’oriente vers une toute autre logique :
elle se focalise sur un élément du produit ou de la marque, se constitue de messages courts, répétés
pour favoriser leur mémorisation, et s’adresse aux acheteurs potentiels. Le contenu de marque se
différencie par l’absence d’argumentaire ou de slogan commercial (Bô et Guével, 2010). La posture
non-marchande de la marque constitue ainsi l’un des éléments de différenciation du contenu de
marque.

Dès lors, le statut de la marque se modifie et évolue : du statut de consommation, la marque devient
« civilisante, sociale, culturelle » (Bô et al., 2014). Le territoire d’expression de la marque s’étend, elle
ne parle plus seulement de ses propres produits (l’enjeu principal étant de capter l’attention) mais
s’exprime sur des sujets d’intérêts communs avec sa cible. La marque se positionne par le biais du
brand content dans une « stratégie de générosité en apparence désintéressée». Cette stratégie, depuis
longtemps plébiscitées par les marques de luxe, s’ouvre désormais par le biais des communications de
contenu à d’autres marques grand-public (Bô et Guével, 2010).

La marque « met fin à l’isolement du produit » (Mallet et al., 2013) en ce sens où le but recherché
n’est plus (seulement) de vendre le produit. « Avec le brand content, une marque tient l’opportunité de
passer pour autre chose qu’un simple marchand » (Bô, 2009). La relation avec le consommateur est
plus riche, la marque entre dans une posture de détachement (Mallet et al., 2013).

Les frontières entre marchand et non-marchand s’effacent. Le contenu de marque est considéré comme
l’une des manifestations du décloisonnement entre culture commerciale, culture populaire et culture
institutionnelle. Les trois plans s’entremêlent désormais : les spots publicitaires deviennent des courts-

26
In Jamet, 2013

84
Chapitre III. Contenu de marque

métrages, les lieux de vente des lieux de consommation culturelle, la marque-objet s’expose dans les
musées … Les repères des consommateurs sont en quelque sorte brouillés dans un effacement du
clivage entre les sphères marchandes et non marchandes du produit pour se déplacer sur le terrain de
l’expérientiel (Holbrook et Hirschman, 1982).

… pour davantage de légitimité

Quelques auteures en sciences de l’information et de la communication abordent les nouveaux formats


de communication des marques de façon critique (De Montety, 2012 ; Patrin-Leclère, 2011 ;
Berthelot-Guiet, 2011) et relèvent l’émergence de cette même relation non-marchande recherchée par
les marques.
Ainsi, de Montety (2012) inscrit les nouveaux formats de communication dans une relation plus
symétrique de la marque avec ses consommateurs, dans laquelle « le consommateur est appréhendé
comme partenaire de l’échange». L’apparente symétrie de la conversation n’est cependant pas
considérée comme naturelle mais plutôt comme la manifestation d’une recherche de connivence par la
marque afin de redorer l’image de pratiques commerciales dénigrées par les consommateurs.
Patrin-Leclère (2011) assimile ainsi le marketing conversationnel à « la trace d’un maquillage destiné
à revaloriser symboliquement des pratiques à visée marchande ». De Montety décrit encore la
conversation comme le symbole d’une communication « débarrassée de la stratégie, lavée de l’idée
d’instrumentation et d’instrumentalisation professionnelle, épurée du soupçon de manipulation ». Les
marques mettent en avant leur caractère « apparemment désintéressé », sortant « de la banalisation du
marketing très vite repérée par le consommateur » et regagnent de fait leur légitimité auprès de ce
dernier (De Montety, 2012).
Le contexte de renouveau publicitaire dans lequel la marque est avide de « formats dépublicitarisés »
la pousse à se promouvoir « en proposant moins des discours explicitement commerciaux que des
divertissements » (De Montety, Patrin-Leclère, 2011). La conversation est ici considérée comme « le
nouvel avatar d’une publicité devenue inavouable » (Berthelot-Guiet, 2011) qui permet de légitimer la
communication de la marque dans un contexte où le marketing n’est pas toujours bien perçu, ou
encore dans un environnement social peu favorable au marketing.
Ainsi, de même que les consommateurs réfractaires aux discours commerciaux adoptent des stratégies
d’évitement publicitaires, les marques choisissent d’adopter des formes de communication leur
permettant de gommer au maximum des traces publicitaires dans leur prise de parole. Elles déploient
de fait des stratégies « d’évitement des formes publicitaires habituelles et la recherche de
redénomination voire de redéfinition de l’activité de communication. ». Les formats nouveaux de
communication propres au contenu de marque s’inscrivent dans cette tendance.

85
Chapitre III. Contenu de marque

La posture non-marchande de la marque dans ses communications de brand content peut finalement
sembler contre-intuitive, opposée même à l’objectif de toute marque et de toute communication : à
savoir vendre des produits, augmenter son chiffre d’affaires ou encore gagner des parts de marché sur
ses concurrents. Le contenu de marque s’inscrit pourtant dans une finalité non marchande, au moins
sur le court-terme. Michael Aïdan, Directeur Monde pour la marque Evian, décrit l’approche de
contenu de sa marque (le film Roller Babies27) comme « une façon de faire qui n’appartient pas
clairement à de la publicité » en ce sens qu’ « il n’y a pas de message à propos de la marque dans ce
film ». « C’est du brand content qui va là encore nourrir l’histoire de la marque (…) Alors bien sûr, à
échéance lointaine, on rend de toute façon une marque plus attirante, on va forcément vendre plus si
on crée un contenu de marque puissant ou du storytelling, mais ça n’a pas vocation à être un retour
mesurable immédiat ». 28

3) La dimension utilitaire

La dimension utilitaire du contenu de marque fait partie de sa définition : « le contenu de marque


désigne le fait qu’une marque crée ou édite du contenu, celui-ci pouvant être informatif, culturel,
pratique, ludique ou divertissant. » (Bô, 2012). Les travaux de Jeanne Bordeau (2012), issus des
sciences de la communication et du langage, s’accordent avec cette définition en affirmant que le
contenu de marque permet de créer des histoires d’un genre nouveau, dans un langage créatif, ludique
ou pédagogique et marque un retour en force de l’échange conversationnel.

Daniel Bô et Matthieu Guével (2010) identifient trois formes d’utilité du contenu de marque pour
l’individu : 1) l’utilité pédagogique, en permettant à son public d’apprendre quelque chose dans un
domaine précis souvent proche de l’univers de la marque (la marque Total a par exemple édité un site
Internet dédié aux différentes sources d’énergie existantes) , 2) le service, les conseils pratiques
donnés aux utilisateurs (les magazines édités par la marque Leroy Merlin, le carnet Pampers destiné
aux jeunes parents), 3) le divertissement (les courts-métrages diffusés sur Youtube par les marques
Evian, Oasis, Dior).
On retrouve cette typologie chez Kapferer (2012), à savoir : un brand content divertissant, un brand
content pratico-utile et un brand content informatif-découverte (discovery).

27
https://www.bing.com/videos/search?q=youtube+rollers+babies&view=detail&mid=15C5577667A294496DD
115C5577667A294496DD1&
28
In Bordeau, 2012

86
Chapitre III. Contenu de marque

Tableau 2 : Typologie de contenus de marques (Bô, Guével, 2010) et exemples de contenus associés
Informatif Pédagogique Pratique (rendre service) Culturel, distrayant (divertir)
Pampers et Babyboom le carnet de Magazines de marques (Leroy Court-métrages (Lady Dior, BMW),
bébé Merlin) clips Live Young Evian
Guide Michelin Site web Bourjois, tutoriel produit Web TV
Total et son site web Planète Web séries (American Express)
Energies
Application et fun page (Oasis)

L’idée ou la logique qui motivent le développement des contenus de marques est bien de créer une
communication qui ait de la valeur non seulement pour la marque mais aussi pour un public. On peut
mentionner ici les notions de brand utility ou encore de communication utile. Le contenu de marque se
veut être une publicité utile (Mallet et al., 2013) grâce à laquelle la marque gagne sa légitimité soit en
distrayant le consommateur, soit en lui apportant des informations utiles, soit en l’instruisant.
La marque est mise au second plan ; ce qui compte avant tout c’est l’expérience, la valeur apportée au
consommateur. Cette pratique renouvèle ainsi l’attractivité des messages : en apportent un bénéfice au
consommateur, elle peut lui rendre service. Les messages semblent plus crédibles et moins intrusifs
(Mallet et al., 2013).

4) La dimension artistique

Plusieurs similitudes avec le registre de l’art émergent lorsqu’on parcourt la littérature sur le contenu
de marque : la référence au public (plutôt qu’au consommateur ou à l’acheteur), la place de la création
et le recours à l’émotion.

La référence au public
La marque s’adresse tout d’abord à l’individu comme ‘public’ et non comme ‘acheteur’ (Bô et
Guével, 2010). Elle s’adresse à l’individu, par le biais de ses contenus de marque, en le considérant
comme un parent, un citoyen, un amateur d’art ou de sport et essaie de l’intéresser sur des sujets
d’intérêts communs. Les consommateurs sont devenus des publics (Jamet, 2013) : un ensemble
d’individus à qui on raconte une histoire. Ainsi la cible est une audience et pour aller plus loin encore,
le directeur marketing est un directeur des programmes qui organise la programmation de ses contenus
en tenant compte de ce qui intéresse son public.

La place de la création
La création ou la créativité prennent alors une place importante dans le processus de production de
contenu de marque : « ’activité est beaucoup moins régie par la transaction. C’est d’abord l’idée qui

87
Chapitre III. Contenu de marque

compte, et ensuite suit la transaction. Innovation est le mot de l’année ! »29. Olivier Altmann (co-
président de Publicis Conseil 30) considère le contenu de marque comme un véritable terrain de jeu
pour les créatifs, un format de communication qui leur permet de « retrouver le plaisir d’avoir des
idées audacieuses», créatives, « moins formatées » dans la perspective d’offrir à l’audience des
contenus divertissants, intéressants, enrichissants. C’est ainsi le moyen de retrouver sa « vocation » car
« c’est après tout notre vocation, notre passion et peut-être même d’ailleurs la raison principale qui
nous a donné envie de faire ce métier ». Le brand content est ainsi finalement plus proche de l’univers
artistique que ne l’est la création publicitaire traditionnelle (Jamet, 2013).

Le recours à l’émotion
La recherche d’émotions provoquées chez le public est aussi l’un des éléments caractérisant le brand
content ou contenu de marque. Les publicités traditionnelles ont depuis longtemps recours aux
émotions pour provoquer des effets sur les consommateurs. Des recherches ont pu mettre en avant le
rôle des émotions dans la construction de marques fortes (Heath, Brandt et Nairn, 2006) 31, ou encore
l’existence d’une relation significative entre le pouvoir émotionnel de la publicité et l’attitude
favorable à la marque. Heath (2011) avance l’idée que « ce n’est pas le message rationnel qui
construit la relation à la marque, mais plutôt la créativité émotionnelle.» Une publicité ne peut pas
construire des valeurs fortes de la marque sur le marché si elle ne suscite pas un attrait émotif pour la
marque. Pour s’assurer un retour sur investissement sur le long terme, la télévision doit utiliser
l’émotion pour bavarder avec le consommateur. La publicité émotionnelle sera la plus efficace pour la
construction de marques fortes.
Aujourd’hui, les organisations s’efforcent de développer des relations émotionnelles avec leurs
consommateurs dans un environnement où les marges se réduisent et où le produit n’est plus considéré
comme une simple commodité (Mc Ewen, 2005). Les managers cherchent alors à créer et à renforcer
ces liens émotionnels en raison de leurs effets sur l’attitude du consommateur, tels que le ré-achat ou
la recommandation de la marque (Fullerton, 2003). Kover (1995)32 déclarait que le contenu émotif
augmentait l’attention. Le niveau d’engagement émotionnel visé par les communications de contenu
est plus fort que celui des communications traditionnelles (Mallet et al., 2013). La création d’un lien
émotionnel est bénéfique à la fois pour le consommateur et pour la marque. Lorsqu’il évoque le brand
content, Olivier Altmann 33 décrit un échange qui se fait entre une marque qui réussit à construire une
relation émotionnelle avec son public et un consommateur qui a le sentiment d’être diverti sans sentir
la pesanteur d’une pression.

29
In Atkinson, C., Testing the Boundaries of Branded Entertainment, Advertising Age, 2008
30
John Shea, ex VP-integrated marketing and brand partnerships at MTV Networks Music and Logo Group, in
(Jamet, 2013)
31
In Heath (2011)
32
In Heath (2011)
33
In Jamet, 2013

88
Chapitre III. Contenu de marque

La valorisation de l’art dans la sphère de consommation


La tendance à la valorisation de l’art est aujourd’hui assez prégnante dans la communication et dans la
stratégie des marques au sens large. Miller (2012) met ainsi en avant le paradoxe auquel les agences
spécialisées en communication digitale sont confrontées en prônant la valorisation de l’art dans le but
de trouver de nouvelles voies de communication, si possible monétisables. Un conflit semble alors
émerger entre d’une part des logiques marchandes et de l’autre, des logiques propres au domaine de
l’art.
Lipovetsky et Serroy (2013) s’attachent à décrire une nouvelle forme de capitalisme dans lequel les
dimensions de l’esthétique et de l’émotion sont passées au centre des stratégies de marques, avec pour
objectif la séduction du consommateur. Ils évoquent alors un « capitalisme artiste » qui transforme la
relation de l’économie à l’art, en ce sens où la dimension esthétique devient un élément phare de la
croissance des entreprises. Les opérations illustrant concrètement cette dimension esthétique sont par
exemple la mise en scène, le spectacle, la séduction, l’émotion. Le contenu de marque en fait partie.
Le capitalisme artiste s’inscrit comme un nouveau mode de fonctionnement, permettant de tirer profit
des dimensions de l’esthétisme et de l’émotion à de pures fins de résultats, tels que la conquête de
nouveaux clients et donc de nouveaux marchés. Cette approche s’inscrit bel et bien dans une économie
moderne de la performance et porte en elle un paradoxe, une confrontation entre des logiques
marchandes, d’une part et des logiques artistiques ou esthétiques, d’autre part. Ainsi plus la recherche
de profit sera grande et plus l’exploitation des dimensions créatives, émotionnelles, intuitives sera
forte.
L’art fait partie des stratégies de marques pour mieux capter le consommateur, pour augmenter le
profit de la marque. « L’art est devenu un instrument de légitimation des marques et des entreprises du
capitalisme. »

89
Chapitre III. Contenu de marque

En synthèse :
- Si la définition stricto sensu du contenu de marque reste difficile à établir, quatre dimensions
du concept émergent cependant de la littérature :
1) l’engagement du consommateur est considéré comme l’un des piliers de la
communication digitale,
2) la vocation non marchande du contenu de marque : l’attention n’est pas
portée sur le produit mais plutôt sur l’expérience vécue par le consommateur,
3) la vocation utilitaire (intimement liée à la vocation non-marchande) : la
marque cherche à se rendre utile en instruisant ou en divertissant son audience,
4) l’artistique par la mise en avant du public, la place de la création dans la
production des contenus et le recours à l’émotion.
- L’émergence de la dimension non-marchande peut paraître surprenante car antinomique
avec la vocation de toute communication marketing : vendre un produit. Elle peut être
assimilée à une recherche de légitimité de la marque, à la volonté de rendre plus acceptables
ses actions auprès des consommateurs.
- La dimension artistique s’inscrit pour sa part dans un courant de valorisation de l’art dans
la sphère de la consommation en général, comme une source de nouvelles voies de
communication.
- Les quatre dimensions exposées ci-dessus ne nous semblent pas exhaustives au stade de la
revue de littérature. Il reste par ailleurs difficile à dire si elles sont nécessaires et suffisantes
à la définition du brand content. Il semble cependant que les caractères non-marchand et
utilitaire des contenus de marque ressortent de façon plus prégnante dans la littérature.

III.3.2. Le contenu de marque et les concepts de storytelling et de publicité

Le contenu de marque est souvent comparé, voire confondu, avec le storytelling et la publicité. Nous
avons voulu clarifier ce point en cherchant au fil de nos lectures des éléments de différenciation de ces
deux formes d’expression très proches.

1) Contenu de marque versus publicité

La publicité apparaît dans l’Antiquité en même temps que le commerce intense pratiqué par les
peuples riverains de la Méditerranée. Plus tard au Moyen-Âge, les crieurs divulguent le contenu des
ordonnances royales ainsi que des annonces commerçantes. Dans le dictionnaire historique de la

90
Chapitre III. Contenu de marque

langue française (éd. Le Robert), le mot publicité apparaît à la fin du XVIIème siècle et se définit
comme l’« action de porter à la connaissance du public ». Il faut ensuite attendre le XIXème pour que
les conditions d’expansion de la publicité soient réunies : les productions des premiers biens de
consommation courante et d’équipement en série, l’apparition des premières marques commerciales,
l’apparition des moyens modernes de presse, d’affichage, d’impression, etc. La publicité se définit
alors comme « le fait d’exercer une action sur le public à des fins commerciales » (Dictionnaire
historique de la langue française, Le Robert). La définition que nous donne aujourd’hui le Petit Robert
est la suivante : « l’nsemble des moyens de communication destinés à faire connaître un bien, un
produit ou un service, et à inciter le public à l’acquérir, par un moyen de communication de masse ».
Lendrevie, Baynast et Emprin (2008) considèrent la publicité comme l’un des ressorts majeurs de
l’économie moderne qui permet d’animer l’activité des produits et des marques auprès d’un public
large et à des fins marchandes ; la publicité vise à déclencher l’acte d’achat.

L’intention de vendre apparaît dans ces définitions, et dans l’idée que l’on se fait de la publicité
traditionnelle, comme un élément fondamental. On reconnaît plus tard, à la fin des années quatre-
vingt-dix, que : 1) la publicité TV influence le consommateur par le biais d’un message suffisamment
persuasif et 2) que les éléments affectifs (comme la créativité) déterminent le degré d’attention pour la
publicité et donc dans son efficacité (Heath, 2011). Une double finalité de la publicité émerge alors :
provoquer de l’émotion d’une part, et vendre d’autre part.

Dans son article de recherche destiné à révéler les « secrets du succès des spots publicitaires diffusés à
la télévision », Heath (2011) avance l’idée que l’avenir de la publicité ne réside pas tant dans la
capacité à persuader le téléspectateur de la supériorité de sa marque mais plutôt dans la capacité des
publicitaires à insinuer des idées d’ordre émotionnel dans l’esprit des consommateurs, à utiliser la
créativité pour lier ces idées à la marque. De plus en plus, la publicité a recourt à l’émotion. Davantage
que la publicité classique, le contenu de marque détient cette capacité à construire un lien émotionnel
fort avec son public, parce qu’il se caractérise par exemple par des formats plus longs (des courts-
métrages par exemple) ou encore parce qu’il peut prendre la forme de rendez-vous ou d’épisodes
répétés dans le temps (les web séries). Il serait donc l’aboutissement, une forme d’évolution logique de
la publicité dans le contexte médiatique actuel.

Dans son premier ouvrage sur le contenu de marque, Daniel Bô (2010) présente justement le contenu
de marque comme une évolution de la publicité. Il identifie trois stades de communication de marque
et positionne le contenu éditorial de marque comme le stade le plus abouti, le plus mature :

91
Chapitre III. Contenu de marque

Figure 7: Les trois stades de la communication de marque (Bô et Guével, 2010)

IDENTIFICATION VALORISATION EDITION

Nom, logo, Publicité, promotion, Contenu éditorial de


Positionnement fidélisation marque

- Maturité de la marque dans sa stratégie de communication +

Tableau 3 : Les trois stades de la communication de marque (Bô et Guével, 2010)


Stade Objectif Description Levier
Premier stade Identification L o je tif de la a ue est d t e Nom, logo,
identifiée et distinguée de ses positionnement
concurrents

Deuxième stade Valorisation L o je tif de la a ue est d t e Publicité, promotion,


considérée, appréciée et fidélisation
recommandée

Troisième stade Edition L o je tif de la a ue est de e u Contenu éditorial de


engagement fort, une relation unique marque (divertir,
qui dépasse le simple achat de produit informer, rendre service)

Pour Daniel Bô, « la publicité est une forme de contenu de marque, conditionnée par des contraintes
techniques et historiques ». On ne peut pas parler d’opposition mais plutôt d’inclusion (Bô et al ,
2014). Les auteurs proposent cependant quelques éléments de distinction entre brand content et
publicité :
- La publicité traditionnelle est focalisée, cantonnée à un seul produit : elle est argumentative alors
que le contenu est plus large, plus profond, plus rayonnant et véhicule l’univers culturel de la
marque
- La publicité entre dans une logique commerciale, son objectif est de vendre alors que le brand
content entre dans une logique de don : son but est d’informer, d’amuser, d’aider ; l’individu est
considéré comme un être humain plus que comme un consommateur
- La publicité classique est contrainte par les canaux de communication. Ce n’est pas le cas du
brand content qui est plus libre de voyager ; la marque éditrice peut même créer ses propres
canaux.

D’autres oppositions apparaissent encore. La publicité classique est soumise à des contraintes de fond
liées à sa fonction et à son objectif de persuasion quasi-immédiat. Elle se focalise sur un élément du

92
Chapitre III. Contenu de marque

produit ou de la marque, par le biais de messages courts conçus pour être répétés et mémorisés dans
l’objectif de vendre (Bô, 2012). Elle est aussi soumise à des contraintes de forme, telles que l’achat
d’espaces. Les valeurs prônées par la communication traditionnelles sont celles du GRP (répétition et
nombre de contacts), celles du contenu de marque sont la qualité de l’expérience et le niveau
d’engagement de l’audience (Bô, Guével, 2010).

Mais ce qui semble différencier de la manière la plus évidente le contenu de marque de la publicité
classique c’est l’absence de référence commerciale au produit. Le contenu de marque se caractérise en
effet par l’absence d’argumentaire ou de slogan commercial et s’assimile de fait à un genre créatif à
part entière (Bô, Guével, 2010). Il constitue une pratique marketing qui se centre sur le consommateur,
et non plus sur le produit comme le ferait la publicité classique. La marque est en quelque sorte
relativisée, l’objectif est de créer une communication qui ait avant tout de la valeur pour le public. La
marque ne cherche pas à parler d’elle-même mais plutôt à s’exprimer sur un domaine d’intérêts
communs, partagés avec son public (Kapferer, 2012). Elle propose ainsi une communication plus
crédible, moins intrusive que les spots publicitaires classiques (Mallet, Rouen-Mallet, Ezan, 2013).
Thomas Jamet (2013) décrit finalement le brand content comme un moyen de communication isolé de
la publicité classique et résume : « Le brand content, c’est finalement ce que devrait être de la bonne
publicité » ; le consommateur a le sentiment d’être diverti sans sentir la pesanteur de la pression
commerciale.

Les frontières entre publicité et contenu de marque restent floues et s’estompent de plus en plus. De
nombreuses publicités empruntent le style ou l’approche du contenu de marque en ne mettant pas en
scène le produit, en racontant plutôt une histoire, en proposant un spectacle au consommateur, en
cherchant à produire des émotions chez le spectateur. On peut notamment citer le film l’Odyssée de
Cartier, d’une durée de trois minutes trente, diffusé sur les réseaux sociaux (YouTube) et sur les
chaînes de TV aux heures de grande écoute. C’est probablement parce que ce film a été diffusé en TV
qu’il est davantage assimilé à de la publicité, bien qu’il partage beaucoup de caractéristiques avec le
contenu de marque.

2) Contenu de marque versus storytelling

Le storytelling était l’art du troubadour, du chanteur populaire avant que l’écrit ne se généralise. Il
symbolise aujourd’hui une discipline qui se développe en management, dans les domaines de la
stratégie, du marketing, de la communication. L’objectif est de raconter une histoire séduisante à des
salariés, « pour parler à la tête, il faut d’abord toucher le cœur », passer par l’émotion pour atteindre
la raison (Salmon, 2008). Le storytelling est une « structure narrative utilisée par les marketeurs, ou
les politiques, visant à modeler l’opinion et les esprits dans le but d’attiser l’attention en utilisant des

93
Chapitre III. Contenu de marque

ressorts actanciels proches de ceux des contes et des légendes » (Jamet, 2013). Le storytelling est
enfin une pratique largement utilisée dans la communication des marques. Les histoires sont des
moyens d’organiser la diversité des signes de la marque. Elles ont le pouvoir, mieux qu’un discours,
de dire la vérité des valeurs de la marque mais ceux qui les écoutent ne sont pas dupes de leur statut
par rapport à la réalité (Colonna, 2008 ; Salmon, 2008).

La marque Guiness représente un exemple réussi de storytelling où les managers marketing ont préféré
raconter des histoires plutôt que de donner des informations purement factuelles (Simmons, 2006) :
«Je crois au pouvoir du storytelling, en ce sens où il peut illuminer les stratégies marketing, leur
donner du sens, tant et si bien qu’elles seront reçues aussi bien émotionnellement
qu’intellectuellement». Certains experts affirment que le modèle de la publicité traditionnelle est
fatigué ; ils soutiennent ainsi l’idée que les responsables marketing doivent devenir des conteurs afin
de toucher la subjectivité du récepteur (Godin, 2011).

Les marques ont souvent été en recherche d’identification aux valeurs héroïques de l’humanité,
«conquérantes du mieux-être et des espaces mentaux de nos sociétés», elles tentent de bricoler le réel
ou tout du moins de faire rêver (Lewi, 2009). Dans sa réflexion sur la mythologie des marques,
Georges Lewi (2009) s’appuie sur des exemples de marques célèbres (Apple, Coca-Cola, Pepsi,
Mercédes) pour identifier trois phases dans la vie d’une marque pour « devenir une grande marque »
autrement dit une marque mythique. Il distingue ainsi 1) le temps de l’héroïsme durant lequel la
marque s’efforcera de repousser ses propres frontières ( L’Oréal repousse les limites du temps avec ses
soins anti-âge), 2) le temps de la sagesse (Mercédes adopte une posture de « sagesse stratégique et
marketing » en proposant en 1997 au marché la Classe A, un modèle répondant à la nouvelle donne
économique de l’époque, adapté à une cible jeune et urbaine), 3) et enfin le temps du mythe dans
lequel la marque se met en récit.
Il identifie alors trois critères propres au mythe de marque qui le différencie du simple récit : a) le
mythe est universel et s’adresse à des lecteurs du monde entier, b) le mythe est un récit tendu vers une
finalité, porté par une intention, une démonstration idéologique souvent représentée par la signature de
la marque (baseline), c) le mythe permet à la marque de raconter quelque chose, il propose un récit
structuré répondant à des règles (présence d’un lecteur-auditeur, contrat narratif …).

Un certain nombre de similitudes existent entre storytelling et contenu de marque. Jamet (2013) fait
l’amalgame entre les deux notions en présentant le contenu de marque comme un moyen de raconter
des histoires plus longues , moins focalisées sur une promesse publicitaire mais davantage sur les
valeurs de la marque, comme une opportunité pour la marque d’inscrire sa communication dans une
logique de récit, ou encore de storytelling. Bordeau (2012) reconnaît pour sa part que la frontière entre
contenu de marque et storytelling reste difficile à tracer, elle exprime cependant un avis tranché sur

94
Chapitre III. Contenu de marque

leurs différences en affirmant que le storytelling peut apparaître dans le contenu de marque en ce sens
où ce dernier peut utiliser certaines techniques du récit et de la construction d’une histoire, mais qu’« il
n’en possède que très rarement le souffle ». On peut entendre dans ses propos que le storytelling ou
mythe de la marque sera plus puissant, plus développé, plus pérenne aussi peut-être que le contenu de
marque. Kapferer (2012) différencie clairement le contenu de marque du storytelling, qu’il qualifie de
technique ou tactique ‘narcissique’ pour inventer des anecdotes et légendes autour de la marque C’est
précisément sur cette idée que nous souhaitons rebondir.

Parmi les experts en culture de marque, Jean Watin Augouard34 positionne le contenu de marque dans
une perte de narcissisme de la marque. Cette idée nous semble particulièrement intéressante et va de
pair avec la nouvelle relation que la marque s’efforce de tisser avec ses consommateurs, à l’attention
qu’elle essaie de gagner. La marque se présente grâce au contenu de marque comme un miroir de la
société et n’est de fait plus narcissique, ni intrusive, ni excessive. Elle ne parle plus d’elle-même, mais
du monde dans lequel ses consommateurs vivent : elle raconte quelque chose de la société. Alors que
le storytelling peut se résumer à la construction d’histoires en regardant l’entreprise de l’intérieur pour
en révéler ses mythes fondateurs, le brand content apparaît davantage comme un « miroir de la société
susceptible de nourrir un territoire de marque » (Bordeau, 2012).

Stéphane Hugon35 est docteur en sociologie et chercheur au centre d’études sur l’actuel et le quotidien;
il décrit le phénomène ambiant de sociologie de la narration, témoignant du fait que les individus ne
se reconnaissent plus forcément dans les grands mythes. Cette idée va de pair avec l’idée de remise en
cause de la parole publique, de sa légitimité, exacerbée par la prise de position des consommateurs sur
les réseaux sociaux. Ainsi, la communication est devenue horizontale, la parole descendante ne suffit
plus pour légitimer son contenu (on accorde davantage de vérité aux sources proches de soi) : « à la
verticalité du père semble succéder l’horizontalité des frères » (Maffesoli, 2012). L’environnement
économique actuel se caractérise par un certain cynisme du consommateur et par sa perte de confiance
dans les institutions, une situation que Moxham (2008) décrit comme « le déclin de l’économie de la
confiance ».
Pour Hugon, si la modernité s’accommodait de grands discours surplombants, la post modernité est
pour sa part davantage imprégnée par le processus de construction et d’élaboration de l’histoire : peu
importe l’histoire, ce qui compte c’est que la narration soit collective. Il s’agit de s’appuyer sur des
archétypes populaires, des processus de construction partagés. On observe de nouveaux types de
narrations, le contenu de marque en fait partie. Hugon décrit ainsi un éclatement des grands mythes de
marques en « petites histoires », pas nécessairement tournées vers une cohérence globale, mais
chacune porteuse de sens. Surtout, il nous semble que l’idée de Hugon de l’« aménagement d’une

34
Jean Watin-Aujouard (conseil en culture de marque) in (Bordeau , 2012)
35
In (Jamet, 2013)

95
Chapitre III. Contenu de marque

place vivable pour le consommateur au sein d’une proposition narrative de la marque », d’une
histoire pas trop précise mais suffisamment suggestive pour s’identifier (c’est l’individu qui en achève
le sens) marque la différence profonde entre contenu de marque et storytelling. La production du
mythe ne dépend plus de la marque elle seule : les « éléments fondateurs » de la marque doivent «
coaguler » avec les éléments propres à « l’’inconscient d’un marché », à l’imaginaire du public. Cette
alchimie doit ensuite être communiquée, verbalisée par les consommateurs eux-mêmes. Il s’agit
d’inventer des contenus que le consommateur puisse s’approprier, des contenus susceptibles aussi de
nourrir des conversations sur les réseaux sociaux (Mallet, Rouen-Mallet, Ezan, 2013). L’important
n’est plus seulement de raconter de belles histoires mais de savoir si on réussit à engager son audience
avec les histoires qu’on lui raconte (Savar, 2013).36 Le consommateur est désormais placé au cœur du
processus. Le contenu de marque s’inscrit comme une sorte de storytelling post-moderne, plus en
phase avec l’horizontalité de la communication propre à l’ère de l’Internet et des médias sociaux.

Tout comme le brand content, la notion de storytelling est revenue au centre des préoccupations des
marketers dans un contexte où les marques sont de plus en plus matures en termes de stratégie de
communication, en ce sens où elles ont déjà engagé un grand nombre d’actions et sont à la recherche
de nouveaux leviers pour entrer en contact avec leur audience (Loukouman, 2012). Le brand content
permet d’aller plus loin que le discours produit, en racontant des histoires et en proposant du contenu
utile, divertissant, amusant, et porteur de sens.

36
Avi Savar est créateur et directeur de création de Big Fuel agence social média localisée à NYC, spécialisée
dans contenu de marque (clients Pepsico, T- o ile, Ge e al Moto s … . I (Jamet, 2013).

96
Chapitre III. Contenu de marque

En synthèse :
- Nous avons comparé le contenu de marque avec deux concepts qui lui sont très proches – la
publicité et le storytelling – dans l’objectif de cerner encore davantage le concept de contenu
de marque.
- Le point de divergence entre publicité et contenu de marque semble être à première vue la
vocation commerciale pour l’une versus la finalité non-marchande pour l’autre. Cette
opposition n’est en réalité pas si évidente dans la mesure où l’intention de vendre des
publicités traditionnelles s’estompe de plus en plus.
- L’opposition entre storytelling et contenu de marque peut se faire assez aisément. Le
premier se situe dans une posture narcissique de l’organisation qui raconte son histoire de
l’intérieur dans un mode de communication descendant qui ne correspond plus vraiment à
l’idéal de la communication actuelle (l’interactivité). Le deuxième (le contenu de marque) se
positionne davantage dans la perspective d’un regard tourné vers l’extérieur, tel un miroir
de notre société où l’individu a toute sa place ; le consommateur est au cœur du processus.
- Daniel Bô (2010) envisage le contenu de marque comme une forme plus mature de publicité :
cette thèse nous semble intéressante à prendre en compte.

III.3.3. A quel genre de communication le contenu de marque appartient-il ?

Les chercheurs en Sciences de l’Information et de la Communication (SIC) se sont penchés sur les
différents genres de communication et cette réflexion peut participer à la définition du contenu de
marque en identifiant le(s) genre(s) de communication au(x)quel(s) il se rattache.

Breton et Proulx (2012) identifient trois genres de communication, aussi considérés comme trois
paradigmes piliers de la discipline : la communication informative (science de l’information
documentaire, journalisme, nouvelles technologies) la communication argumentative (linguistique et
sciences humaines) et la communication expressive (travaux linguistiques et littéraires).
Plus précisément, la communication informative s’apparente à la description objective d’un fait, d’un
événement ou d’une opinion dont on a pu être le témoin. Ces descriptions ont pour idéal d’être les plus
fidèles possibles au réel (dans un oubli de la subjectivité de leur auteur). Ce genre de communication
constitue le fondement du travail journalistique.
La communication argumentative a pour objectif de convaincre l’auditoire de partager l’opinion de
l’orateur, celui-ci proposant une « bonne raison » ou encore un argument pour appuyer son opinion. A
la différence de l’énoncé informatif qui dira tout d’une situation, l’énoncé argumentatif est une
sélection d’un aspect amplifié par l’orateur. La principale différence est ici une « différence de

97
Chapitre III. Contenu de marque

cadrage » dans la mesure où l’on part du postulat que chaque individu dispose d’un regard sur le réel
qui lui est propre et que de cette différence de point de vue émerge l’argumentation comme genre de
communication. La communication argumentative rencontre une pratique intensive chez les praticiens
politiques, avocats ainsi que chez les professionnels de la communication et les vendeurs. Nous
pourrons rattacher les pratiques de publicité classiques, au genre de communication argumentative
dans la mesure où la publicité traditionnelle vise à donner au consommateur les bonnes raisons
d’acheter un produit.
La communication expressive se définit comme un moyen d’exprimer une sensibilité, « une manière
singulière de voir le monde, souvent chargée d’émotions » et renvoie en général à la poésie, à la
littérature, à l’art dramatique, à l’image ... Alors que le genre informatif présente un caractère
universel, le genre expressif est au contraire propre à l’individu, « à ce qu’il y a de plus
irréductiblement singulier en chacun de nous, à ce qu’il y a aussi de plus authentique ». La
communication expressive peut être vue comme un savoir faire parler de soi, un savoir révéler ce qu’il
y a de plus intérieur. Breton et Proulx (2012) rattachent à ce genre d’expression les professions
artistiques, littéraires mais également publicitaires : « un message doit aussi être agréable à regarder
et obéir de ce fait à certains canons esthétiques ».

98
Chapitre III. Contenu de marque

Tableau 4 : Récapitulatif des trois genres de la communication (Breton et Proulx, 2012)


Genre de la Expressive Argumentative Informative
communication
Nature de la parole mise Etat ressenti, vision Opinion Fait, événement
en forme imaginative
Période de Antiquité tardive VIème-Vème siècles De Thucydide à la théorie
différenciation grecs de l i fo atio

Rapport au réel Imaginé Interprété Perçu

Techniques de mise en Récit, création de fiction Mise en argument Modélisation du réel


forme
37
Lexique Débordant celui du Surprenant le récepteur Egal ou inférieur à celui
récepteur du récepteur

Valeur Authenticité, intériorité Honnêteté, empathie Universalité, neutralité


partagée, imagination
Rappo t à l’auditoi e Partage et Adoption du point de vue Auditoire universel
compréhension de l o ateu

Nature de la description Subjective Orientée Objective

Rappo t à l’ otio Emotion extériorisée Emotion contrôlée Emotion refoulée

Métiers Publicitaire, chroniqueur Chroniqueur, publicitaire, Reporter, spécialiste-


spécialiste de la multimédia,
communication documentaliste

Dérive Mensonge, harcèlement Manipulation Désinformation

Mat i e de … … la litt atu e, la … la th ologie, la … l i fo ati ue, les


peinture, le cinéma, les politique sciences descriptives
arts plastiques

Si les auteurs reconnaissent que cette typologie revêt un caractère purement théorique devant la
richesse et la complexité de la communication, ils préconisent cependant son utilisation dans
l’exercice d’analyse d’une séquence de communication, l’idée étant pour le chercheur de dégager les
grandes dominantes de communication empruntées par la séquence étudiée.

Nous trouvons dans cette typologie, et plus précisément dans la description faite de la communication
expressive, des caractéristiques qui nous semblent pertinentes pour la définition du contenu de

37
Lexique : ensemble i d te i s des l e ts sig ifia ts sta les ots, lo utio s … d u e la gue, o sid
abstraitement comme une des composantes formant le code de cette langue - ensemble des mots employés
pa uel u u .

99
Chapitre III. Contenu de marque

marque. On retrouve en effet un grand nombre de similitudes avec la communication de contenu


centrée non plus sur l’argumentation purement commerciale mais plutôt sur la révélation de la
symbolique profonde et sensible de la marque (Bordeau, 2012). La communication expressive est
assimilée à la mise en scène d’une émotion que l’on veut faire partager, elle émane aussi d’une volonté
de transmettre une fiction, une invention, quelque chose qui n’est pas réel (Breton et Proulx, 2012).

D’un côté la communication argumentative aura pour objectif de faire adopter à l’auditoire le point de
vue de l’orateur, de l’autre la communication expressive aspirera à faire comprendre à l’auditoire ce
que l’orateur (et pour ce qui nous concerne la marque) ressent, ce qu’il veut transmettre et faire
partager (Breton et Proulx, 2012).

Lendrevie et ses collègues (2008) décrivent également plusieurs types de publicités : la publicité
fonctionnelle, la publicité suggestive et la publicité intégratrice.
La publicité fonctionnelle est persuasive et informative. Elle est persuasive en ce sens qu’elle cherche
à argumenter et à convaincre le consommateur avec des faits, des démonstrations, des preuves. Elle
cherche davantage à convaincre par le raisonnement qu’à emporter l’adhésion du consommateur par
un élan affectif ou émotionnel. Elle est centrée sur les fonctions du produit mais se veut cependant
créative.
La publicité suggestive comporte les modèles de publicité les plus adaptés aux comportements
complexes. Elle s’inscrit dans les progrès réalisés sur la compréhension de la psychologie du
consommateur, du rôle clé du récepteur. La publicité suggestive est celle qui se fonde sur une
approche psychologique ; c’est une publicité de la connotation. Elle n’énonce pas, elle suggère. Elle ne
cherche pas à informer mais à motiver. Elle ne fait pas appel à la raison mais aux sens. Elle ouvre une
nouvelle voie à la créativité. Ses discours sont indirects et elle a recours aux symboles et aux figures
telles que les métaphores. Cette forme de publicité convient aux produits à contexte psychologique
très riche, à des produits impliquants pour le consommateur. Les risques du choix d’une telle forme de
publicité sont celui d’aboutir à une publicité trop peu spécifiques au produit, qui s’écarte exagérément
du produit et se différencie très peu de la concurrence. Beaucoup de publicités pour les parfums se
ressemblent par exemple : pour une même catégorie de produits et pour une même cible, les
motivations fondamentales sont les mêmes, les codes employés restent identiques d’une marque à
l’autre.
Une troisième forme de publicité est décrite : la publicité dite intégratrice, pour signifier son effort
d’intégration du consommateur à un groupe, à un style de vie, à une société. On peut rapprocher cette
forme de publicité à la théorie sociale qui explique que la consommation est à rechercher dans la
signification des objets (Baudrillard, 1998). Les produits ont un statut, ce sont des biens qui se
montrent et se consomment en public (mode, automobile, loisir etc.). On donne une personnalité au
produit grâce à la publicité.

100
Chapitre III. Contenu de marque

D’autres auteurs enfin différencient la publicité argumentative et la publicité narrative : la publicité


peut prendre soit la forme d’un argumentaire, qui nous donne des informations sur les attributs du
produit de manière logique, soit une forme narrative qui raconte davantage une histoire (Boller et
Olson, 1991). La publicité argumentative diffère de la publicité narrative en ce sens qu’elle ne
comporte ni intrigue, ni personnage (Deighton, Romer, Mc Queen, 1989).
La plupart des informations de consommation que nous acquérons nous sont transmises sous forme de
publicité narrative (Escalas, 1998). La narration dans la publicité peut présenter les bénéfices
intangibles d’un produit d’une manière riche de sens (Mattila 2000, Padgett et Allen 1997) et ainsi
transporter le consommateur (Escalas 2004, Green et Brock 2000) et le capter (hook) (Escalas, Moore
et Britton, 2004). Dans la mesure où le consommateur se sentira capté (hooked), il ressentira et
exprimera des attitudes plus positives envers la publicité (Escalas, Moore et Britton, 2004). On
retrouve ici la double finalité recherchée énoncée plus haut : provoquer de l’émotion chez le
consommateur pour le faire acheter.

Nous concluons ce paragraphe sur une dernière réflexion visant à définir la publicité à l’heure du
digital. Campbell et ses collègues (2014) insistent sur le fait que cette définition devient de plus en
plus difficile à établir tant les contenus en lien avec la marque se sont diversifiés et multipliés. Une
marque peut aujourd’hui communiquer avec des millions de consommateurs à moindre coût. 35
millions de personnes sont fans de la marque Starbuck’s ; lorsque la marque poste une image sur sa
page Facebook, cette forme de communication peut-elle être assimilée à une publicité au sens
traditionnelle du terme ? Une grande confusion sur les définitions-mêmes de ces nouveaux formats de
communication persiste, aussi bien chez les praticiens que chez les académiques. La question suivante
se pose alors : “For instance, without agreement on terminology, how can we collectively conduct
research and develop better strategies to implement?”. Les auteurs mettent finalement en évidence la
nécessité d’établir une typologie qui pourrait être utile aux travaux de recherche portant sur la publicité
en ligne et les contenus liés à la marque.

101
Chapitre III. Contenu de marque

En synthèse :
- Le contenu de marque s’apparente en de nombreux points au genre de communication
expressif si l’on considère les dimensions qui le caractérisent. Par son statut de
communication non-marchande, il n’expose pas d’arguments visant à vendre le produit (au
contraire de la publicité argumentative), il s’inscrit dans une relation de partage et de
compréhension du consommateur en s’efforçant de lui apporter une utilité, il véhicule très
souvent des émotions de manière extériorisée.
- La publicité traditionnelle fut un temps majoritairement rattachée au genre argumentatif,
donnant de bonnes raisons au consommateur d’acheter un produit. Ses discours sont
devenus de plus en plus indirects et suggestifs (plus qu’argumentatifs). Elle devient de en
plus en narrative et se rattache tout comme le contenu de marque au genre expressif pour
susciter l’émotion.
- A l’ère du digital, la publicité est de plus en plus difficile à définir et donc à identifier.

102
Chapitre III. Contenu de marque

Conclusion du Chapitre III.

L’attention des audiences est depuis très longtemps le leitmotiv des publicitaires pour produire
des messages efficaces. Avec le web 2.0, la recherche de divertissement de ces audiences s’est
accentuée.

Les publicitaires de plus en plus imaginatifs ont alors développé une multitude de nouveaux
formats de communication. De nouveaux mots ou de nouvelles pratiques ont fait leur apparition
(advertainment, branded content, native advertising …) sans que l’on sache très bien ce qu’ils
désignent en réalité.

Le contenu de marque digital fait partie de ces nouvelles pratiques, et reste comme elles difficile
à cerner précisément tant le concept désigne une grande variété de pratiques (magazine de
marque, marketing viral, micro-événements relayés sur les plateformes de réseaux sociaux, web
radio …).

La littérature aborde de manière récurrente quatre dimensions du concept : les dimensions non-
marchande et utilitaire, la dimension de l’engagement et la dimension de l’art. Elle nous apporte
dans une certaine mesure des éléments de différenciation de ses concepts les plus proches : le
storytelling et la publicité.

Le contenu de marque n’est pas une forme de communication argumentative en ce sens qu’il ne
cherche pas à vendre quelque chose, ni à s’imposer ou à interrompre le consommateur dans ses
activités. Il s’invite plutôt et s’inscrit dans les techniques de pull marketing. Il se fond dans la
philosophie web 2.0 dans une relation d’interactivité et de partage et place le consommateur au
centre de sa communication.

La posture, en apparence désintéressée, que prend la marque dans ses contenu de marque doit
cependant être relativisée. Les auteurs critiques l’assimileront à un « maquillage » qui vise à
revaloriser des pratiques marchandes. Car en effet, si le retour sur investissement de telles
pratiques n’est pas mesurable immédiatement, l’intention est bel et bien de rendre la marque
plus attirante.

103
Chapitre III. Contenu de marque

104
Fin de la première partie : synthèse et objectif de la recherche

Les pratiques de contenu de marque

Les pratiques de contenu de marque se sont répandues depuis quelques années. Ce phénomène
s’explique majoritairement par le développement et la popularité du web 2.0, ainsi que par un climat
de scepticisme des consommateurs vis-à-vis des techniques marketing et de course à l’attention
(entreprise par les publicitaires) des audiences surexposées aux contenus et publicités. Ainsi les
marques s’adaptent-elles aux exigences et aux nouvelles opportunités apportées par le digital.

Les investissements en communication digitale ont augmenté, et avec eux une multitude de nouveaux
formats de communication se sont développés, avec l’intention pour la plupart d’attirer l’attention puis
de divertir les audiences. Le contenu marque vient nourrir la présence des marques sur ces
plateformes, en même temps que les communautés formées. Les nouveaux formats de communication,
tout comme les formes du contenu de marque sont extrêmement variés, ce qui rend la pratique difficile
à identifier. L’amalgame entre le contenu de marque et les autres formats de communication digitale
est en outre très souvent fait dans la littérature.

Bien que la littérature sur les pratiques de contenu de marque reste peu abondante, quatre dimensions
caractéristiques du concept émergent : l’engagement, la dimension non-marchande, la dimension
artistique et l’utilité (voir figure 6).

Le contenu de marque a pour objectif d’engager sa cible ou son audience – la marque forte de l’ère
digitale est une marque qui engage –, davantage encore que la communication classique. Il comporte
quelques similitudes avec le registre de l’art : il s’adresse à un public, véhicule souvent des émotions
et donne une place centrale à la création. Il coïncide avec une posture non-marchande de la marque :
l’intention primaire n’est pas de vendre le produit, mais bien de proposer plutôt une communication
utile. Les dimensions artistique et non-marchande doivent cependant être relativisées, dans la mesure
où elles correspondent à une posture de la marque qui cherche à se rendre légitime auprès de son
audience (devenue de plus en plus sceptique).

Le contenu de marque est considéré comme l’un des trois concepts piliers de la communication
digitale, au même titre que l’engament et la permission (Chaffey et al., 2014). Ces trois concepts sont
par ailleurs étroitement liés : l’engagement constitue l’une des dimensions du concept de contenu de

105
marque et la permission l’une de ses caractéristiques fondamentales dans la mesure où le contenu de
marque peut être considéré comme une communication non intrusive pour son audience.

De plus en plus dans l’économie actuelle, la marque dépasse sa vocation commerciale dans la relation
qu’elle entretient avec ses consommateurs. Elle est personnifiée et les réflexions portant sur son
identité (tel un individu) font partie de sa stratégie. Elle crée des histoires dans l’objectif de renforcer
la relation, le contenu de marque fait partie des histoires racontées par la marque.

Le consommateur est devenu pour la marque un partenaire actif (Hennig-Thureau et al., 2010). Il peut
accepter ou non d’établir le contact avec elle et les techniques de communication pull se multiplient
pour l’attirer sur les plateformes ou sur les sites de marques. Lorsque l’échange se met en place, le
dialogue vient remplacer le monologue des marques propre aux médias traditionnels, révolu à l’ère du
digital (Maurya, 2011). Le consommateur est au centre des stratégies de marque. D’une approche
autrefois transactionnelle qui se centrait sur le produit, les stratégies évoluent vers une perspective plus
relationnelle (Kapferer, 2012).

La question du contenu s’inscrit alors parmi les préoccupations majeures des managers en marketing
confrontés à des publics de plus en plus sélectifs et de moins en moins réceptifs aux discours
marketing classiques. Les marques doivent renouveler leurs modes d’expression, faire preuve
d’inventivité pour pouvoir capter l’attention. Du statut de simple pratique, le contenu de marque est
passé à celui de stratégie. Il est pour Kapferer (2012) l’un des nouveaux concepts fondamentaux du
brand management et constitue l’objet d’étude principal de notre thèse.

Objectif et objet de notre recherche

Le contenu de marque est une pratique de communication contemporaine de plus en plus répandue. Il
semble pouvoir être envisagé comme une stratégie de communication efficace dans le contexte
digital : il s’inscrit en effet dans les codes du web 2.0, il permet aux marques de nourrir leur présence
sur les plateformes digitales, il contribue enfin à la construction de la marque forte en engageant ses
consommateurs.

La vocation utilitaire des communications de contenu de marque, l’aspiration de la marque (et de ses
managers) à adopter une posture non-marchande et ses emprunts au registre de l’art s’éloignent
cependant de la finalité originelle de toute activité marketing : vendre un produit.
Le contenu de marque en tant que stratégie de communication, et plus largement en tant que stratégie
marketing contemporaine de plus en plus répandue, présente en ce sens un intérêt certain à être étudié :

106
il soulève un certain nombre de paradoxes ou encore de tensions en regard de pratiques marketing plus
courantes et plus rôdées.

Notre projet de recherche vise à étudier les pratiques de contenu de marque digital en deux temps :
- Une première phase empirique à visée exploratoire est envisagée : elle se compose d’une
vingtaine d’interviews de managers et nous permet de préciser l’objet de la recherche (en
proposant une définition du contenu de marque digital) et d’ouvrir sur de nouvelles pistes de
recherche.
- Une deuxième phase empirique à visée explicative suivra et consistera à étudier le contenu de
marque en tant que stratégie de communication par le biais de deux études de cas.

La partie suivante présente le déroulement et les résultats de notre première phase empirique.

107
108
DEUXIÈME PARTIE :
Compréhension des pratiques de contenu de marque dans le contexte digital

(Étude empirique n°1)

Cette deuxième partie constitue le premier pan de la phase empirique de notre recherche qui
vise à clarifier et à comprendre la pratique de contenu de marque.
Elle se compose d’une étude exploratoire basée sur la réalisation de 20 entretiens qualitatifs
menés auprès de managers experts en communication digitale, exerçant leur activité pour des
entreprises et pour des agences de publicité.

Nous présentons dans un premier temps la problématique de recherche et la méthodologie


déployée pour y répondre (Chapitre IV).
Nous présentons ensuite les résultats de notre étude (Chapitre V).

109
110
Chapitre IV. Etude empirique n°1

Chapitre IV. Étude empirique n°1 :


Problématique de recherche, méthodologie choisie et description

« Je me rappelle quand avant je travaillais en agence, … c’était la fin des années 2000 et on avait
une espèce de grand séminaire sur les contenus, parce que tout le monde disait « les contenus, les
contenus, les contenus ! » … Et je me rappelle il y avait des publicitaires, des créas qui disaient « ah
mais moi, mais ma pub, c’est un contenu aussi, c’est un contenu ! » … Oui. En fait tout est contenu et
… voilà. Donc à un moment il faut un peu restreindre la définition. »
(GC, voyage-sncf.com)

IV.1. Problématique et questions associées

L’apparition des médias digitaux a entraîné l’émergence de nombreuses nouvelles pratiques de


communication dont le contenu de marque fait partie. Quelques recherches se sont intéressées à ces
pratiques dans l’objectif de comprendre les effets qu’elles pouvaient avoir sur les consommateurs.
Elles n’ont encore jamais fait, à notre connaissance, l’objet d’études en tant que stratégie de
communication.

Tout comme les formats nouveaux de communication avec lesquels il est souvent confondu, la
définition précise du contenu de marque est difficile à établir tant la pratique est diversifiée. La
littérature sur le contenu de marque n’offre pas de définition exhaustive, ni cadrée. Cette littérature,
bien que peu abondante, nous a cependant permis de souligner quelques spécificités du contenu de
marque par le biais de quatre dimensions (l’engagement, la dimension artistique, la dimension non-
marchande et la dimension utilitaire).

La littérature comporte cependant plusieurs faiblesses :


1) la notion de contenu de marque fédère dans les travaux existants un ensemble vaste de pratiques, ce
qui rend ses contours difficiles à identifier ;
2) les définitions données ne sont pas exhaustives et mettent souvent en lumière l’un des aspects
particuliers du contenu de marque (la posture de la marque, l’absence de référence au produit, l’utilité
du contenu de marque par exemple), aucune d’entre elles ne propose de perspective globale du
concept ;
3) enfin, les définitions ou éléments de définitions proposés ne se fondent pas sur des recherches
empiriques.

111
Chapitre IV. Etude empirique n°1

Une opportunité de définition du concept de contenu de marque émerge par conséquent de la


littérature existante. Une étape de clarification de la pratique, et a fortiori du concept, nous apparaît
essentielle et nécessaire à l’étude du contenu de marque en tant que stratégie.

Certaines des dimensions du contenu de marque mises en exergue à l’issue de notre revue de
littérature (les dimensions non-marchande, utilitaire et artistique) soulèvent par ailleurs un certain
nombre de questionnements (sur leur efficacité et sur leur légitimité par exemple) qui nous conduisent
à poser la problématique suivante :

Quelle est la nature de la pratique de contenu de marque et la formation de cette


stratégie génère-t-elle des tensions parmi les managers parties-prenantes ?

La première étude empirique est exploratoire : elle vise à clarifier le concept de contenu de marque et
à obtenir une première image du contenu de marque digital en tant que pratique ou stratégie.

Nos questions de recherche sont les suivantes :

- Quelles sont les parties prenantes à cette pratique ?


- Quelles sont les motivations à développer cette pratique ?
- Quels sont les effets attendus ?
- Quelle est la place cette pratique dans la stratégie plus globale de la marque ?

IV.2. Choix de la méthodologie

1) L’entretien semi-directif

Nous avons choisi la méthodologie des entretiens semi-directifs de manière à laisser s’exprimer les
managers experts sur les pratiques de contenu de marque digital, ou encore pour permettre aux
répondants d’exprimer leur perception et leur propre compréhension du sujet (Mc Cracken, 1988).
Un guide d’entretien a été élaboré de manière à proposer aux répondants les thèmes que nous
souhaitions aborder. Les conversations sont cependant restées assez libres et la conduite des entretiens
flexible, suivant la logique de réflexion du répondant. Les thèmes n’ont pas nécessairement été
abordés dans le même ordre, d’un entretien à l’autre.

112
Chapitre IV. Etude empirique n°1

Au total vingt entretiens ont été menés sur la période du 23 juin 2014 au 15 octobre 2015. A
l’exception de deux entretiens (Unilever et Heineken), les entretiens ont été menés in situ, et
enregistrés avec l’accord préalable de notre répondant. Les entretiens avec Unilever et Heineken ont
été menés par téléphone, et enregistrés simultanément.
La durée des entretiens s’est échelonnée entre 27 minutes et 1 heure et 6 minutes ; la durée moyenne
des 20 entretiens menés est de 48 minutes. Les vingt entretiens ont été enregistrés (16h30
d’enregistrement) et retranscrits intégralement (217 pages) afin de procéder à l’analyse de contenu.
Au cours de chaque entretien, une prise de note manuelle a été faite de façon systématique. Ces notes
peuvent nous permettre de garder une trace de l’entretien en cas de perte de l’enregistrement, ou
encore de clarifier un mot ou verbatim de l’enregistrement qui manquerait de clarté.

Nous avons atteint à l’issue de cette première phase d’interviews un point de saturation des données
(Strauss et Corbin, 1998) : nous avons en effet observé que les informations recueillies devenaient
redondantes.

2) Le guide d’entretien

La première interview a été donnée le 24 juin 2014 au social media manager du groupe Danone Eaux
France. Le guide d’entretien comportait alors trois thèmes principaux : 1) un premier thème portant sur
l’histoire de la marque dont l’objectif était de comprendre les étapes importantes de la vie de la
marque en termes de stratégie de marque et de communication 2) le deuxième thème traitait de la
communication digitale de la marque ; le sous-thème du brand content digital s’insérait dans cette
partie de l’entretien 3) le dernier thème portait davantage sur la stratégie de communication digitale,
ses acteurs et la coordination entre ces acteurs.
Constatant que le guide comportait des thèmes qui n’étaient pas assez clairement délimités
(notamment les thèmes deux et trois) et que la place donnée au contenu de marque digital n’était pas
assez prégnante, celui-ci a par la suite été recentré dans un objectif de compréhension et de définition
des pratiques de contenu de marque digital. Nous avons également constaté après quelques entretiens
donnés que le sujet des impacts du digital sur l’organisation marketing et sur la marque émergeait de
façon naturelle et quasi-systématique. Nous avons veillé à intégrer ce sujet dans le premier thème de
notre guide relatif à l’histoire de la marque et de sa communication.

Trois thèmes ont finalement été retenus dans le guide d’entretien définitif : 1) un premier thème porte
sur l’histoire de la marque avec une emphase sur les grands temps forts de la communication de la
marque et une mention sur l’émergence du digital et son impact sur la communication 2) un deuxième
thème nous a permis de placer le contenu de marque digital au centre de l’entretien avec des questions

113
Chapitre IV. Etude empirique n°1

relatives à la définition du contenu de marque digital et à sa place dans la stratégie de la marque 3) le


troisième thème avait pour ambition de comprendre l’activité de production des contenus et son
déroulement.

Voici un exemple de guide d’entretien administré dans un second temps :

Guide entretien – Groupe EDF


9 avril 2015

1. LE GROUPE EDF ET L’ARRIVÉE DU DIGITAL


Quels sont les g a ds te ps fo ts da s l histoi e de la o u i atio de la a ue EDF ?
Qu est- e ue l a i e du digital a ha g pou la a ue ? Pouvez- ous di e ue la ultu e digitale s est
p opag e da s l e t ep ise, da s les uipes a keti g ?
Quelle place prend la communication digitale ? A-t-elle évolué ?

2. LE CONTENU DE MARQUE DIGITAL


Comment définissez-vous le contenu de marque digital ?
Quelle définition par rapport à de la publicité classique ? Importance du contenu versus publicité pour la
marque ? Co e t s a ti ulent les deux ?
Quel contenu développé par la marque EDF est pour vous un exemple réussi ?
Quelle place prend selon vous le contenu de marque dans la stratégie de votre marque ?
Co e t s i s e pou ous la o u i atio digitale da s la stratégie globale de la marque ?
Quelles sont les attentes / les objectifs de résultats pour les communications de contenu ? Comment mesurez-
ous l effi a it de os o u i atio s de contenu ?

3. LA PRODUCTION DE CONTENUS ET L’ORGANISATION


Quelles sont les équipes qui travaillent sur la production de contenu de marque ? Comment sont-elles
organisées ? En interne et en externe.
Quels o t t les a teu s de l la o atio de es o te us ? Quel a été le rôle de chacun ? Co e t s est
articulée la collaboration entre chacun ? Quelles sont les différentes étapes dans la création du contenu ?
Le p o essus de atio d u o te u est-il diff e t de elui d u e o u i atio lassi ue ?
Diriez-vous que la production de contenus a changé les métiers de la communication ? En quoi ?
Des arbitrages sont-ils essai es pou l o te tio de udgets essai es au d eloppe e t de st at gies de
contenu ? Décision / choix versus publicité classique ? La question se pose-t-elle ?

114
Chapitre IV. Etude empirique n°1

IV.3. Managers experts interrogés

Notre terrain d’étude se focalise sur les pratiques de contenu de marque digital. Nous avons rencontré
des acteurs marketing à l’origine de la production de contenu.
Les répondants que nous avons interrogés sont issus de nos réseaux de connaissances personnelles et
profesionnelles (de moi-même et de mon directeur de thèse).
Nous avons choisi d’interroger :
- des managers experts en communication digitale travaillant chez l’annonceur et pour le compte de
marques visibles en termes de communication digitale. Les marques interrogées ont été les
marques Danone Eaux France, Oasis, Heineken, Louis Vuitton, The Body Shop, Michel &
Augustin, voyages-sncf.com, Coca-Cola, Unilever, La Poste, et EDF,
- des managers conseils et publicitaires en agences de communications : les agences DDB, Mac
Cann, Moxie, BETC, Lemon Think, Langage Commun, Ogilvy One.

Ce choix a été motivé par la volonté d’obtenir les témoignages aussi bien de managers ayant une
vision opérationnelle et une approche quotidienne de leur marque, que de managers-conseils ayant une
vision plus globale et plus panoramique des stratégies de communication digitale. L’ensemble de notre
échantillon se compose de managers seniors dans leur domaine avec pour la plupart plus de dix années
d’expérience.

115
Chapitre IV. Etude empirique n°1

Tableau 5 : Détail des interviews conduites

Date Personne Groupe Fonction Du e de l’i te ie


rencontrée
23/06/2014 DQ Danone Eaux Social media manager 52min
France
15/07/2014 DD Michel & Augustin Brand content manager 30min
23/10/14 BT The Body Shop Head of external 55 min
communication
28/10/2014 BC Orangina Directrice des stratégies 43 min
Schweppes médias
19/11/2014 MG Agence Mc Cann Planner stratégique 1h06min
Paris
27/11/2014 FC Agence Mc Cann Directeur général adjoint en 54min
Paris charge des stratégies
28/11/2014 GC Agence Moxie, Directeur général adjoint 52 min
groupe Zénith
Optimédia
16/12/2014 GC Voyages-sncf.com Directeur de la communication 34 min
et des marques
09/01/2015 UH The Coca-Cola Responsable marketing digital 58 min
Company
16/01/2015 TI Agence BETC Head of engagement planning 53 min
30/01/2015 BFE Unilever Media & CRM Director 37 min
02/03/2015 TE Louis Vuitton Directeur communication 27 min
digitale
06/03/2015 UT Heineken France Responsable communication 1h05min
digitale
12/03/2015 OM Lemon Think CEO, conseil en stratégie 48 min
digitale
23/03/2015 BC Groupe La Poste Directeur commercial 52 min
multicanal particuliers
09/04/2015 QD Groupe EDF Directeur adjoint, Direction 1h04min
Editoriale & Direction de la
Communication
17/04/2015 KH Agence Langage Fondateur, conseil industrie du 55 min
Commun luxe
20/04/2015 EU Agence Ogilvy Directrice clientèle 58 min
15/10/2015 DC Agence DDB Directeur conseil 42 min
15/10/2015 GE Agence DDB Directeur commercial 43 min

116
Chapitre IV. Etude empirique n°1

IV.4. Analyse des données : l’analyse de contenu

Au total, vingt entretiens ont été intégralement retranscrits et analysés. Neuf entretiens ont été menés
dans des agences de communication et onze entretiens ont été menés chez des annonceurs.

Une lecture flottante de chacun des entretiens nous a permis de relever dans un premier temps les
thèmes et les sous-thèmes récurrents dans nos échanges. Cette lecture a été, comme le préconisent
Miles et Huberman (2003), un moyen efficace d’opérer une première condensation des données, de
fixer nos premières impressions et nos premières réflexions.

Suite à la lecture folottante, une méthode de lecture et d’analyse verticale de chacun des entretiens
retranscrits, puis de lecture et d’analyse horizontale dans un second temps, a été mise en œuvre. Elle
nous a permis de procéder à l’analyse thématique des contenus (Bardin, 1998).

Concernant le codage des entretiens, nous avons naturellement adopté une approche « à tendance »
empiriquement enracinée (pratiquée par Glaser et Strauss). Tout en ayant présent à l’esprit notre
problématique, nos questions de recherche et nos thèmes abordés lors de l’entretien, nous n’avons pas
opté pour le pré-codage systématique. Cette méthode qui consiste à établir une liste de départ des
codes issue du cadre conceptuel, des questions de recherche, des hypothèses et des variables clés ne
nous est en effet pas apparue comme naturelle lorsque que nous avons commencé notre travail
d’analyse des contenus.
« Un chercheur plus inductif peut s’opposer à la pré-codification des données tant qu’il ne les a pas
collectées, étudié la façon dont elles fonctionnent ou s’intègrent dans le contexte et déterminé le
nombre de variétés qu’elles présentent.» (Miles et Huberman, 2003).
A l’exception de la définition du concept de contenu de marque, pour laquelle nous avons élaboré
quasiment a priori notre grille d’analyse (sur la base de réflexions sur la notion de concept), la grille
des thèmes émergents a pour le reste de l’étude été conçue a posteriori, ou tout du moins en même
temps que le processus de codage.

L’exercice de codage de nos contenus a consisté à leur découpage en segments de texte, chaque
segment comprenant un aspect potentiellement important dans la compréhension du phénomène étudié
(Miles et Huberman, 2003).
Plus précisément, le codage de chaque entretien a consisté à découper le contenu retranscrit en unités
d’analyse, chaque unité étant constituée d’un extrait de discours du répondant (verbatim).
Les unités d’analyse ont ensuite été regroupées en catégories ou thèmes, chaque thème regroupant des
unités de signification proche (Grawitz, 1996). Ces thèmes ont ensuite été regroupés en méta-thèmes.

117
Chapitre IV. Etude empirique n°1

Ainsi, nous avons dressé une liste des thèmes émregents pour chacun des entretiens (analyse
verticale). Nous avons ensuite, dans une analyse horizontale des entretiens, dressé la liste des thèmes
ayant émergé sur l’ensemble de notre étude. Cette démarche émergente fait écho à un raisonnement
inductif qui caractérise nos travaux. La construction des catagories ou thèmes s’est faite au cours du
processus de codage des données (Allard-Poési, 2003), et non pas a priori.
La grille des thèmes ayant émergé est donnée en annexe (Annexe 1).

Ainsi, tout en étant conscients des objectifs de notre étude (questions de recherche) et des lentilles
conceptuelles que nous y apposerions potentiellement (cadre théorique), nous avions en tête une idée
plus ou moins précise des thèmes à analyser, « tout en nous autorisant à être ouvert et à apprendre des
choses que nous ne connaissions pas ou que nous ne nous attendions pas à trouver» (Miles et
Huberman, 2003).

Notre analyse se structure finalement autour des cinq thèmes suivants :


1) Un premier thème porte sur la définition du contenu de marque en tant que format de
communication : les éléments recueillis nous permettent de proposer une définition du
concept.
2) Le deuxième thème porte sur les pratiques de contenu de marque, sur ce qui les
caractérise, ce qui les motive et ce qu’on en attend.
3) Le troisième thème positionne la stratégie de contenu de marque comme une stratégie
hybride entre stratégie de marque et stratégie de communication, il évoque les
implications de ce positionnement.
4) Le quatrième thème aborde les tensions inhérentes aux stratégies de contenu de marque.

118
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Chapitre V : Restitution des résultats :


Premiers éléments de compréhension de la pratique de contenu de marque digital

Les données recueillies à l’issue de cette première phase de recherche empirique ont permis de
proposer une définition du concept de contenu de marque digital à la lumière d’une réflexion théorique
sur le concept de concept (V.1). Nous présentons dans une deuxième section les antécédents et les
effets des pratiques de contenu de marque, ainsi que leurs caractéristiques (V.2). Nous positionnons
ensuite la stratégie de contenu de marque entre la stratégie de marque et la stratégie de
communication et nous l’assimilons de fait à une stratégie hybride génératrice de tensions entre ses
parties prenantes (V.3 et V.4). En conclusion de chaque partie, les résultats sont discutés en regard de
la littérature présentée en première partie.

V.1. Contenu de marque digital : proposition de définition du concept


V.1.1. Réflexions théoriques sur la définition d’un concept en management
V.1.2. Brand content digital : dénomination et compréhension du concept
V.1.3. Extension du concept : proposition d’une typologie des pratiques
V.1.4. Synthèse, contribution et discussion des résultats

V.2. Pratiques de contenu de marque : antécédents, effets et production de contenus


V.2.1. Antécédents de la pratique de contenu de marque digital
V.2.2. Effets de la pratique : objectifs attendus et résultats mesurés
V.2.3. Production de contenus : marque média et autres postures disruptives de la marque
V.2.4. Synthèse, contribution et discussion des résultats

V.3. Stratégie de contenu de marque digital : une stratégie hybride entre stratégie de marque et
stratégie de communication
V.3.1. Une stratégie qui intègre à la fois des réflexions sur la marque et sur la communication
V.3.2. Une stratégie transversale qui concerne à la fois les équipes marketing et communication
V.3.3. Le marketing garant du produit versus la communication garante de l’image
V.3.4. Synthèse, contribution et discussion des résultats

V.4. Tensions inhérentes aux stratégies de contenu de marque


V.4.1. La posture non marchande de la marque contre-nature
V.4.2. Schizophrénie des marques prises entre logiques marchande et non-marchande
V.4.3. Le contenu de marque digital entre logique financière et logique artistique
V.4.4. Le manque de contrôle de la marque sur la diffusion de ses contenus
V.4.5. L’arbitrage des ressources
V.4.6. Synthèse, contribution et discussion des résultats

119
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

120
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

V.1. Contenu de marque digital : proposition de définition du concept

« Les concepts nous conduisent à faire des recherches. Ils sont l’expression de notre intérêt et le
dirigent. » « Les phénomènes ne sont pas cachés, c’est le concept qui est caché. »
Wittgenstein

Avant de comprendre les pratiques ou stratégies de contenu de marque digital, il est nécessaire de
clarifier le concept de contenu de marque. Il n’existe en effet pas de définition exhaustive de la
pratique et encore moins du concept dans la littérature, ce qui rend les choses difficiles lorsqu’il s’agit
de savoir si telle ou telle pratique peut être considérée comme « du contenu de marque digital ».

Lorsqu’on interroge les experts en communication digitale sur ce que désigne précisément le brand
content digital, ils reconnaissent de prime abord que la dénomination s’apparente à une sorte de
« fourre-tout » qui rassemble des pratiques très variées. Ils ont dans un premier temps (en début
d’entretien) beaucoup de difficultés à délimiter la notion.
« Tout peut être du contenu. » (Annonceur1) « moi contenu de marque pour moi c’est brand content
et brand content pour moi c’est tout le « fourre-tout » brandé qu’on va pouvoir trouver sur le digital,
que ça … que ce soit un post Facebook, un post Twitter, une vidéo virale (…) pour moi c’est toute la
manière dont le monde du marketing essaie de coloniser l’Internet. » (Agence3) « si on considère que
des productions non commerciales sont du contenu de marque, on peut aller très, très loin. (...) Vous
voyez il y a beaucoup de manifestations de marques qui peuvent si on a une définition extensive
relever du contenu de marque. » (Agence7) « c’est difficile de résumer parce que justement, c’est un
terme qui est un peu trop englobant en fait » (Annonceur9).

« La conceptualisation est un processus de réflexion abstraite faisant appel à la représentation


mentale d’une idée » (MacInnis, 2011). Les construits sont des concepts définis de façon précise au
travers d’une ou de plusieurs dimensions. Notre travail de conceptualisation a ici pour objectif
d’identifier le contenu de marque, autrement dit de « voir que quelque chose existe », de présenter « un
construit qui aurait déjà dû être appréhendé ou étudié sérieusement ». Ce travail de conceptualisation
nous permet par la suite d’ouvrir vers d’autres pistes de recherche dans le cadre de notre thèse et au-
delà.

V.1.1. Réflexion théorique sur la définition d’un concept en management

Dans un article datant de 2011, Dumez propose une réflexion sur la notion de concept.

121
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Il s’inspire de la représentation donnée par Ogden et Richards (1923) qui proposent la figure du
triangle pour comprendre la signification et le fonctionnement du concept en management.
Les trois sommets du triangle représentent : 1) la dénomination du concept ou le nom qui lui est donné
2) la compréhension que l’on peut en avoir et 3) son extension (les cas empiriques auxquels s’applique
le concept).

Figure 8 : D fi itio d’u o ept, figu e si plifi e Du ez,

1) La dénomination du concept

2) La compréhension du concept L e te sio du o ept

Gerring (1999) appuie également cette idée que la formation d’un concept se réfère traditionnellement
à trois aspects du concept : (a) les événements ou les phénomènes à définir (l’extension, la dénotation,
ou definiendum) (b) les propriétés ou attributs qui le caractérisent (l’intention, la connotation, la
définition ou definiens) et le nom, l’étiquette (label) qui englobe à la fois (a) et (b).
La formation d’un concept résulte d’une opération triangulaire ; les bons concepts atteignent
l’équilibre entre (a) (b) et (c).

L’approche à partir du triangle est la plus simple. On peut parler de concept à partir du moment où il
existe une interaction dynamique entre les trois dimensions : la dénomination est accompagnée d’une
définition et d’un renvoi à une classe de faits empiriques.

La définition du concept est une exploration compréhensive du phénomène qui vise à répondre aux
questions suivantes : Quelles sont les dimensions importantes du concept, pourquoi ? Comment se
situe-t-il par rapport au champ sémantique existant ? Comment change-t-il ce champ sémantique ?
Quelle classe de phénomènes empiriques ce concept éclaire-t-il ? Quels phénomènes n’éclaire-t-il
pas ? (Dumez, 2011). L’intérêt du concept réside dans son potentiel à guider l’intérêt du chercheur
vers des faits jusque-là non explorés et à faire surgir de nouveaux problèmes.

122
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Dans un autre article questionnant la communauté des chercheurs en marketing sur la nécessité de bien
définir ses concepts, Teas et Palan (1997) proposent un autre cadre théorique à la définition d’un
concept. Ce cadre se compose de différentes rubriques ou domaines (realms) apportant chacun un
éclairage sur un aspect du concept étudié :
- Le domaine linguistique dans lequel on trouve la notion de définition nominale du concept : la
définition nominale permet de faire le lien entre le definiendum (les mots utilisés pour nommer le
concept) et le definiens (les mots permettant de le définir). La définition donnée par Baynast et
Lendrevie (2014) - les contenus de marque désignent des « contenus éditoriaux de toute nature
créés par une marque qui devient une marque-média lorsque ces contenus sont développés » -
constitue par exemple une définition nominale du concept.
- Le domaine conceptuel : il s’agit du domaine de la pensée, une unité de pensée étant un concept
(Bunge, 1967).
- Le domaine physique représente le domaine des objets : les choses, les faits, les propriétés, les
événements (Bagozzi, 1980 ; Bunge, 1967 ; Zaltman, Pinson et Angelmar, 1973). Il s’agit des
définitions opérationnelles des concepts, qui permettent de faire le lien entre les concepts et le
monde physique.

Les auteurs (Teas et Palan, 1997) mettent dans un second temps l’accent sur l’existence de liens entre
les différents domaines cités :
- La désignation permet de nommer le concept : elle établit par conséquent le lien entre domaine
conceptuel et domaine linguistique ;
- L’intention désigne une liste de propriétés que possède le concept (Bagozzi, 1980 ; Bunge, 1967 ;
Zaltman, Pinson et Angelmar, 1973), elle permet de faire le lien entre plusieurs concepts ;
- La dénotation représente la classe des objets ou les événements comportant les propriétés du
concept (Zaltman, Pinson et Angelmar, 1973), elle établit un lien entre domaines conceptuel et
physique ;
- L’extension représente la liste de tous les objets (appartenant au domaine physique) auxquels le
concept s’applique (Bagozzi, 1980 ; Kahane, 1973), elle établit elle aussi le lien entre domaines
conceptuel et physique.

La proposition de Teas et Palan (1997) rejoint finalement celle de Dumez (2011) dans ses grandes
lignes et nous retiendrons dans le cadre de notre démonstration qu’un concept peut être défini par :
- Sa dénomination (qui peut se rapprocher de sa désignation) : quels sont les mots utilisés pour
nommer la pratique (definiendum) et quels sont les termes qui permettent de la définir
(definiens) ;
- Sa compréhension ou son intention : quelles sont les propriétés du concept ;

123
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

- Son extension (qui peut se rapprocher de sa dénotation) : quels sont les objets ou encore les cas
empiriques qui comportent les propriétés du concept.

Partant de la représentation triangulaire du concept, nous proposons de conceptualiser la pratique de


contenu de marque digital par sa dénomination, par sa compréhension puis par son extension. Nous
nous efforçons ensuite, pour compléter cette image, de restituer les différences existant entre le
contenu de marque et la publicité traditionnelle, le concept qui lui est le plus ressemblant.

V.1.2. Brand content digital : dénomination et compréhension du concept

1) La dénomination du concept : le nom donné à la pratique

Le nom donné à notre objet d’étude est le contenu de marque. Il s’agit du nom donné à la pratique
étudiée par les acteurs rencontrés. Il est utilisé de façon courante et est indifféremment remplacé par
son équivalent anglo-saxon : brand content.
Le mot contenu se réfère aux contenus médias ou contenus éditoriaux ; ces contenus peuvent prendre
(nous le verrons par la suite) différentes formes. Le mot marque désigne la provenance de ces
contenus : ils sont édités directement par la marque.
Si le definiendum de la pratique ou encore du concept fait l’unanimité (il est toujours nommé de la
même manière), la notion de definiens de notre concept est en revanche, et comme nous avons pu le
voir au cours de notre revue de littérature, beaucoup plus floue.

2) La compréhension du concept

Le concept peut se définir par ses rôles ou par ses fonctions. Il s’agit ici de rechercher les
caractéristiques ou encore les propriétés du concept – nous choisissons de décrire son statut38, sa
structure et ses fonctions – pour les étudier en se demandant par exemple lesquelles ont de
l’importance, lesquelles peuvent se combiner (Dumez, 2011 ; Ogden et Richards, 1923).

Nous définissons le concept de contenu de marque digital en nous attachant à décrire a) son statut en
répondant à la question : quel statut la communication véhiculée sous la forme de contenus de marque
prend-elle ?, b) sa structure : quelle est la structure des contenus de marque, quels éléments
structurants ont-ils en commun ? c) ses fonctions : quels sont les effets des communications de
contenu ?

38
Le statut d sig e i i l tat, ou e o e la position des communications de contenu de marque.

124
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

a) Définition du concept de contenu de marque digital : son statut

Tableau 6 : Verbatims illustrant les composantes du statut du concept de contenu de marque digital
STATUT Social oui ’est u e a pag e e t e e t créative mais pas seulement,
’est u e a pag e ... ui est i tellige te da s sa o p he sio
sociologique de la cible (Agence3 / C’est o e t d jà je o çois
e fait u o te u ui est apa le de sus ite de l’i te a tio et
o e t j’o ga ise ette interaction (Agence4) / Ca doit pouvoir
initier des conversations (Annonceur3)
Extraordinaire … et es s ui so t is e s e da s des spots e t ao di ai es,
et ’est ai e t pe s e ta t ue tel Annonceur10) / Donc ces
vidéos extrêmement impressionnantes, qui vont être des vidéos
cultes pour tous les ados … ui so t des o te us i a ua les,
qui sont des contenus cultes (Agence3) / il sera tellement
exceptionnel que tout le monde va se le partager (Agence5)
Non-Marchand ce sont des productions qui ne sont pas orientées vers un objectif
o e ial … ui ’o t pas pou e t e de g a it la p oduction
économique de la marque (Agence3) / ’est uel ue hose ui peut
i t esse les ge s, sa s t e t op e a tile et … ui les tou he su
une dimension qui est un peu différente que du business pure
(Agence2)

Trois items caractérisant le statut du contenu de marque digital ont émergé des entretiens menés.

Le contenu de marque se définit par son statut social, en ce sens qu’il s’imprègne des préoccupations
de son audience, des sujets d’actualité mais aussi qu’il aspire à être partagé, à initier des conversations
entre les individus.

Il se caractérise aussi par son statut de communication extraordinaire : les annonceurs autant que les
publicitaires cherchent très souvent à surprendre leur public pour capter leur attention. La
communication extraordinaire semble par ailleurs être reconnue comme un registre standard de
communication sur les médias sociaux.
« Il faut que ça ait une valeur de spectacle, une valeur d’entertainment et c’est pensé comme un
contenu parce que on sait que quand on met notre nouveau film sur YouTube on est dans l’arène du
contenu et de l’entertainement et du spectacle, ou de l’humour ou du rire » (Annonceur10).

Le contenu de marque est conçu de manière à ce qu’il soit détaché d’une intention commerciale
visible, à ce qu’il n’en porte pas les traces . Il prend le statut de communication non-marchande.
« L’intention (de vendre) ne sera peut-être pas absente mais en tant qu’énonciateur son discours n’en
portera pas la trace » (Agence7).

125
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

b) Définition du concept de contenu de marque digital : sa structure

Tableau 7 : Verbatims illustrant les composantes de la structure du concept de contenu de marque digital
STRUCTURE Ligne éditoriale ’est le statut d’auteu de la a ue ui peut e ge , ’est-
à-di e ua d elle de ie t u e so te d’i sta e, de p odu tio
de o te u o e ça, il faut u’elle ait u poi t de ue
d’auteu alo s ui est li au o te u, à la to alit , au st le, à
l’esth ti ue, u poi t de ue dito ial Agence7)
Centré sur la création L’esse tiel du udget est is su la atio plutôt ue su la
médiatisation (Annonceur10) / mais bien sûr le contenu de
marque digital accroît les exigences de créativité des agences
(Agence3)/ ’est l’id e ui doit d i e u peu e u’o e fait
et pas l’i e se … o se dit pas o a fai e du a d o te t.
On se dit quelle idée on va trouver pour le faire (Agence2)
Protéiforme il est totale e t p ot ifo e pa e u’il a changer de forme
physique en fonction du média (Annonceur1)/ si je devais lui
do e u e d fi itio , si ple, e se ait l’e se le des te tes,
images, sons et vidéos à travers lesquels une marque est
présente notamment en dehors des espaces publicitaires
(Agence4)
Liquide si un contenu est suffisamment malin, intéressant, il peut
aussi être partagé et du coup faire circuler notre marque dans
des endroits où elle ’a pas l’ha itude de i ule , juste e t
sans publicité (Annonceur3) / Sur Internet on a cette faculté à
a oi e u’o appelle du li uid o te t ui est u o te u ui
se disperse, qui se dilue, qui est viralisable et donc qui se
diffuse à une vitesse beaucoup plus élevée et sur un nombre
de personnes beaucoup plus élevé également (Annonceur5)
Instantané ici on crée du contenu pour raconter en temps réel notre
aventure (Annonceur2) / on rebondit énormément sur
l’a tualit Annonceur1) / et tout va plus vite, et tout est plus
éphémère aussi (Agence5)
Continu ua d o a i e à le fai e ’est la diff e e pou oi u’il a
e t e u e a ti atio o e shot et e ue j’appelle ai e t le
contenu de marque qui va être une animation en fil rouge
tout au lo g de l’a e pou la a ue Annonceur10 / ’est
pas un truc que je fais une fois par an ou deux fois par an et
ap s o se epa le da s si ois. C’est uel ue hose ui est
relativement continu (Annonceur9)

Le contenu de marque se caractérise très fortement par la posture d’auteur que va prendre la marque
dans ce mode d’expression, ainsi que par une ligne éditoriale définie que la marque suivra tout au long
du processus de communication, une histoire qu’elle raconte en continu sur chacun des médias choisis.

Cette ligne éditoriale détermine, dans les cas de contenus de marque les plus aboutis, la structure des
prises de parole de la marque. L’exemple de la marque Red Bull est très souvent cité comme une

126
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

stratégie de contenus aboutie et exemplaire : la marque s’est positionnée sur le thème des sports
extrêmes et décline l’ensemble de ses contenus autour de cette thématique en accord avec ses propres
valeurs depuis ses origines : « Red Bull donne des ailes ».

L’idée créative occupe également une place centrale dans les communications de contenu : toujours
dans cette quête d’attention et de production spectaculaire qui se remarque dans un paysage
médiatique digital encombré, les annonceurs et les créatifs publicitaires ont à cœur de trouver la bonne
idée créative qui fera que leur contenu sera partagé.

Le contenu de marque est protéiforme : il peut prendre la forme d’images, de textes, de sons etc.
L’environnement digital favorise son transport et le rend « liquide » : il est facilement partageable
entre ses publics.

Il se caractérise enfin à la fois par son instantanéité – la marque raconte une histoire en temps réel, elle
rebondit sur l’actualité et doit produire beaucoup de contenus pour parler de façon régulière – et par sa
continuité dans le temps – elle raconte une histoire suivie dans le temps.

127
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

c) Définition du concept de contenu de marque digital : ses fonctions

Tableau 8 : Verbatims illustrant les fonctions du concept de contenu de marque digital


FONCTIONS Emotion oi je di ais ue l’ otio el, ça (le contenu de marque), ça
fait eau oup plus appel à l’ otio el Annonceur2) / on va
voi plus d’espa e d’e p essio , o a pou oi fai e des hoses
différentes et on va aller sur un registre qui pour moi qui est
un peu émotionnel (Annonceur5) / Donc avec des articles, des
vidéos, on a des bénéfices émotionnels (Agence9)
Engagement o ’a ait pas d’o je tif de e ute e t, pas d’o je tif de e
ge e, ai e t du … du pu e gage e t Annonceur10) / il
faut u’o aille … u’o se su passe à ha ue fois, u’o aille
au-delà … pou t ou e uel ue hose ui a e gage os
consos (Agence9)
Attention o ’est pas da s u ut de p o otio , puis ue e se ait de la
pu li it , ais da s u ut d’atte tio . Do l’id e ’est ue
es o te us so t e s s gag e l’atte tio , l’i t t de os
publics et de nos cibles (Annonceur3)
Image, univers de marque de plus e plus o oit ue les o te us digitau so t … si e
’est la ause e tout as fo t pa tie des fa teu s ui
o t i ue t à ette a lio atio d’i age. Annonceur5) / on
va aller chercher la personne, la faire plonger dans un univers
(...) Mais oilà, l’id e ’est d’e po te la pe so e da s to
univers, dans ta mentalité (Annonceur2)
Proximité Donc la pub ne devient plus cet outil de manipulation, avec
ses images subliminales, elle devient quelque chose qui crée
une reconnaissance, un partage ou une proximité (Agence3) /
Donc on avait un enjeu de recréer de la proximité,
ota e t aup s de ot e œu de i le les 5- 5 et ’est là
que le contenu de marque arrive (Annonceur1)
Service, utilité ça va lui appo te u e utilit uelle u’elle soit, ça va être du
di e tisse e t, ue e soit … ue e soit u e po se à u e
question (Agence3) / Le contenu de marque a une utilité pour
le consommateur. Il arrive au bon moment (Annonceur11)

Davantage encore que la publicité, le contenu de marque s’efforce de susciter l’émotion chez ses
spectateurs. L’importance donnée à la créativité, le caractère extraordinaire recherché des productions
réalisées sont au service de la création de cette émotion.

Le contenu de marque digital vise également à provoquer l’attention puis l’engagement des
audiences : faire en sorte que le contenu soit remarqué puis partagé pour être vu par le plus grand
nombre.

Les contenus diffusés sont aussi un levier pour la marque de renforcer son image, de créer davantage
de proximité avec sa cible en s’imprégnant de ses codes, en communiquant sur ses centres d’intérêts.

128
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Le contenu de marque revêt enfin une fonction dite ‘servicielle’ : il a pour vocation de rendre service à
son public, soit en le divertissant, soit en répondant à ses questions soit en l’éduquant, ou encore en le
cultivant.

En résumé, la figure suivante représente la compréhension du concept définie plus haut :

Figure 9 : Contenu de marque digital, compréhension du concept

3) Contenu de marque et publicité : quelles différences ?

Nous avons au cours de nos entretiens invité nos répondants à positionner le contenu de marque par
rapport à la publicité, à lui donner un statut en regard de la communication traditionnelle.
Alors que certains discours les considèrent comme complémentaires l’un de l’autre, d’autres les
opposent au contraire.

129
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Tableau 9 : Différences et interactions entre publicité et brand content


PUBLICITÉ BRAND CONTENT
“ ad esse au o so ateu “ ad esse à l i di idu
Production discursive de la marque à vocation Productions signifiantes initiées par la marque dans
commerciale un but non commercial
Ne a o te ie , si e est le p oduit A recours aux techniques de storyttelling
“ i pose “ i ite
Exploite le patrimoine de la marque Enrichit le patrimoine de la marque, sa valeur
Comporte un objectif de vente court-terme “ i s it da s u le de e te lo g

INTERACTIONS PUBLICITÉ ET BRAND CONTENT

- Les deu fo ats s intègrent dans une logique de communication intégrée (IMC) :
continuit de l histoi e d u fo at à l aut e, les deux sont pensés ensemble

- Les frontières sont de plus en plus fines : la ultu e du sto telli g s e pa e de la pu li it ,


la pu li it utilise les le ie s du o te u de a ue et o l i e se

- Le contenu de marque facilite, améliore les performances de la publicité

Quelques oppositions entre le contenu de marque et la publicité sont exprimées de manière assez
tranchée :
- La publicité s’adresse au consommateur et produit des discours avec l’intention de lui vendre le
produit, le contenu de marque s’adresse à l’individu et la marque s’efforce de produire des
contenus qui aient du sens :
« Si on parle de contenu de marque et qu’on fait la distinction entre discours publicitaire et
contenu de marque, on considèrera que d’un côté il y a les discours ou les productions discursives
de marques à vocation commerciale plus ou moins directe, (…) Et de l’autre côté, le contenu de
marque sera les productions signifiantes même, … encadrées ou initiées par la marque dans un
but non commercial » (Agence7).
- La publicité ne raconte pas d’histoire, le contenu de marque s’inspire des techniques de
storytelling (nous noterons que cette opposition est à nuancer dans la mesure où de plus en plus,
les publicités ont recours aux techniques de storytelling) :
« C’est le côté je dirais storytelling en fait. Et pour moi le brand content peut-être que c’est aussi
ça. Versus si je fais une différence avec une publicité classique, ou ça peut encore nous arriver
d’avoir à faire des choses où finalement on raconte à peu près rien si ce n’est une fille un sac, et
là du coup je dirais moins brand content . » (Annonceur6)
- La publicité s’impose quand le brand content s’invite :
« ce qui m’inspire dans la manière de penser le brand content, (…) c’est de le faire dans
l’invitation plutôt que dans l’interruption » (Agence3)

130
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

- La publicité exploite le patrimoine de marque alors que le contenu de marque vient l’enrichir :
« en étant un peu dur, on n’enrichit pas le patrimoine de la marque quand on fait des trucs comme
ça mais plutôt on le presse et on s’en sert. Alors que le brand content normalement enrichit la
valeur de la marque. C’est dans ce sens-là que je ferais une différence. » (Annonceur6)
- La publicité comporte un objectif de vente court-terme alors que le storytelling s’inscrit dans un
cycle de vente beaucoup plus long :
« La différence pour moi elle réside là, c’est que la publicité doit vendre, a un objectif de vente
assez court. Le contenu de marque lui est sur un cycle de vente plus long. » (Agence1)

D’autres discours viennent nuancer cette dualité publicité contenu de marque et insistent notamment
sur le fait que les deux formes d’expression sont complémentaires et conçues comme un tout. Le
message émane finalement de la même marque dans une logique de communication intégrée.
« C’est complémentaire et les deux doivent être pensés ensemble. » (Agence4)

Aussi le contenu de marque vient faciliter les performances de la publicité :


« En tout cas moi je le vois dans la plupart des cas comme un outil qui prépare le travail de la
publicité, et lui facilite en fait le job et en améliore les performances » (Agence4)

Enfin, l’idée que la publicité s’inspire de plus en plus des codes et des logiques du brand content nous
semble intéressante :
« L’élément complémentaire qui est intéressant c’est que maintenant cette culture de storytelling en
fait et de dialogue, elle crée un retour des pubs télé qui sont plus intéressantes. » (Annonceur9)

V.1.3. Extension du concept : proposition d’une typologie des pratiques

Cette troisième composante de la définition de notre concept permet d’englober les cas empiriques ou
encore les objets physiques auxquels s’applique ou ne s’applique pas le concept. La question qui est
posée ici est : « à quels types de cas empiriques s’applique le concept, jusqu’où doit aller cette
application et où doit-elle s’arrêter?». Il n’y a pas de concept sans repérage d’un domaine empirique de
validité (Dumez, 2011).

S’il semble difficile de dresser une liste complète et totale des objets couverts par notre concept
tellement la pratique peut prendre de formes différentes, nous avons néanmoins relevé l’existence
de différents degrés de maturité des marques dans leurs pratiques de contenu de marque. Ainsi, toutes
les marques n’en sont pas au même stade de maturité sur la pratique qu’elles ont de brand content
digital.

131
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

« Je dirais ça c’est pas chez toutes les marques parce que tout le monde n’est pas au même niveau de
maturité (...) Mais sur les stratégies de contenu oui certains sont très matures et s’interrogent et puis
d’autres pas, et d’autres pour qui c’est quand même toujours un peu une déclinaison de la com
traditionnelle encore. » (Agence5) « J’ai quand même le sentiment que il y a une maturité
extrêmement différente entre les entreprises sur le sujet du contenu de marque, indépendamment du
monde digital. » (Annonceur8).

A partir des interviews données, nous proposons une typologie des pratiques de contenu de marque qui
nous permettra de comprendre les différents niveaux de maturités identifiés. Notre typologie se
compose de trois niveaux de maturité des marques par rapport à leur réflexion sur le contenu de
marque : 1) le niveau de stratégie de brand content tactique39, 2) le niveau de stratégie de brand
content thématique et 3) le niveau le plus élevé de stratégie de brand content étendue.

Figure 10 : Les trois degrés de maturité des marques dans leur stratégie de brand content

Brand content tactique Brand content thématique Brand content étendu


G alis e à l e se le de la
Opérations / Thématique forte communication digitale
communications ponctuelles Moyens financiers élevés dédiés Marque Média
à la production de contenus

Faible Forte
Niveau de maturité, importance donnée au brand content dans la
stratégie de communication digitale de la marque

39
Nous hoisisso s le te e ta ti ue sou e t e plo da s les age es de pu li it pa e u il d sig e u e
a œu e plus ou t-te iste u u e st at gie ; le brand content est ici testé de manière à détermi e s il
est une pratique efficace (ou non) en regard des objectifs qui ont été fixés.

132
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

1) Brand content tactique

40
Image 1 : aptu es d’ a s du film La nuit de Pierre Niney , Yves Saint Laurent

Cette étape constitue le premier degré de maturité de la marque dans sa stratégie ou dans sa réflexion
sur le brand content digital. A ce stade, le brand content digital est développé de manière
opportuniste, lorsqu’une occasion se présente, souvent dans une optique de tester un format de contenu
produit. Les opérations de brand content tactique peuvent être reproduites plusieurs fois dans l’année
mais sans véritable fil conducteur.

«On a fait la nuit de l’homme pour Yves Saint Laurent. (...) c’est diffusé en télé, c’est diffusé sur le
web, c’est très très cohérent avec la marque, c’est des très beaux films, c’est des très belles histoires
mais derrière, (...) mais ce contenu n’irrigue pas toute la stratégie de com de Saint Laurent. C’est une
opération, elle vit déjà sur deux médias ce qui est déjà bien, mais c’est pas le tout. » (Agence4).

40
https://www.youtube.com/watch?v=bZAmXqCrcMI

133
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

2) Brand content thématique

41
Image 2 : aptu es d’ a s du film Back to the start, Chipotle

A ce niveau, la marque a amorcé une réflexion ou une approche plus poussée du brand content qui
prend une place considérable dans son dispositif de communication. Le contenu de marque est ici le
pilier de la stratégie de communication de la marque, « son carburant », « son ADN ».

Un thème fédérateur ou encore une ligne éditoriale peut être identifiée, elle est le moteur de la
communication faite par le biais des contenus de marque. On observe dans cette catégorie un
effacement des frontières entre contenu de marque et publicité : une thématique cohérente nourrit
l’ensemble des contenus.

La différence entre publicité et contenu de marque devient ténue (la marque Evian a par exemple
adapté son contenu ‘Baby Rollers’ pour le diffuser en TV), les deux pratiques se complétant l’une et
l’autre. Une « connexion thématique » existe entre les deux. La publicité se différencie cependant par
l’achat de son espace de diffusion. La marque entre dans sa stratégie dans une logique quasi-
cinématographique et attribue des moyens financiers importants à la production des contenus et au
développement de l’idée créative. Les exemples de cette stratégie sont par exemple les marques
Evian, Oasis, et Chipotle.

« Il y a le cas qui a gagné pas mal de prix pour ses approches très très intégrées de contenu c’est la
chaîne de restauration US Chipotle. Eux savent quand même très très bien utiliser le contenu de
marque parce que ils l’utilisent… En fait ils ont une thématique de contenu, ils ont une approche de
contenu et ils s’en servent, elle est cohérente sur tous leurs supports de com (…) sur tous leurs
messages. » (Agence4)

41
https://www.youtube.com/watch?v=aMfSGt6rHos

134
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

3) Brand content étendu

42
Image 3 : captures d’ a s du film Chain Reaction, Red Bull

Le troisième et dernier niveau de notre typologie correspond à un niveau de maturité où la marque


prend le statut de marque média. La stratégie de communication est ici entièrement articulée autour de
la production de contenus de marque. La marque réorganise ses moyens marketing autour de la
production de contenus, elle mobilise ses équipes marketing et communication dans une logique de
média c’est-à-dire avec des journalistes et des producteurs. Les compétences et les capacités marketing
sont concentrées sur l’élaboration d’une stratégie de contenu pleine et entière.

Le meilleur et l’un des uniques exemples de cette stratégie est celui de la marque Red Bull.

« Et puis après il y a Red Bull qui pour le coup a forcé la logique et s’est quasiment organisé comme
un média (…) Et puis derrière tout ce qui est intéressant dans Red Bull c’est l’organisation qui est
mise en place derrière, (...) il y a des journalistes, il y a de la production incessante de contenus et ils
se sont organisés comme un média avec une conférence de rédaction, une salle de rédaction, des
journalistes, des producteurs qui jouent ce jeu-là en fait. C’est une vraie réorganisation, une
réallocation en tout cas des moyens marketing en fait. (…) Typiquement pour moi chez Red Bull par
exemple ça a tenu à une vraie vision effectivement de l’équipe dirigeante et une ambition de se dire on
va réorganiser l’ensemble de nos moyens marketing autour de la production de contenu. Avec
l’ambition de devenir une marque média et l’ambition, elle s’accompagne d’une ambition financière.
C’est-à-dire que pas l’ensemble, mais quasiment 70% de mes moyens marketing vont être consacrés à
ça donc effectivement j’y mets l’ambition financière derrière » (Agence8).

42
https://www.youtube.com/watch?v=wmBvgs-qqPY

135
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

136
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

V.1.4. Synthèse, contribution et discussion des résultats

1) Identification de la pratique et définition du concept de contenu de marque digital

Cette première partie d’analyse de nos résultats nous permet de clarifier la pratique et le concept de
contenu de marque digital. Elle contribue de façon significative à la littérature sur le contenu de
marque en apportant une définition étendue du concept (jusqu’ici inexistante) qui se fonde en outre sur
des données empiriques. La définition que nous proposons du contenu de marque digital dépasse
finalement les quatre dimensions identifiées dans la littérature. Elle propose au total quinze
dimensions et les organise ensuite autour de trois pôles : le statut du concept, sa structure, et ses
fonctions.

Figure 9 : Contenu de marque digital, compréhension du concept

Nous retiendrons que le contenu de marque digital prend le statut d’une communication
extraordinaire, sociale et non-marchande dans son intention. Il se structure autour d’une ligne
éditoriale (la marque devient média) et d’une idée créative forte. La variété des formes qu’il
peut prendre le rend liquide. Si ses effets sont dans l’ensemble similaires à ceux d’une
communication classique, la valeur servicielle que les contenus aspirent à créer les différencie
cependant et leurs effets sur les ventes restent indirects.

137
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

a) Discussion du statut des contenus de marques


Le statut du concept permet de qualifier les pratiques de contenu de marque, de les différencier des
communications plus traditionnelles et donc de les identifier.
- Le caractère extraordinaire des contenus fait écho à la quête d’attention dans laquelle se sont
lancées les marques (Kessous et al., 2010 ; Bô et Guével, 2010) : on produit des contenus
extraordinaires autrement dit hors du commun pour gagner l’attention de ses publics et pour se
faire entendre. Il coïncide avec notre époque dans laquelle la publicité est devenue un « spectacle
rendu nécessaire par l’obligation de se faire remarquer dans un environnement publicitairement
envahi » (De Montety, 2005). Il coïncide aussi avec les nouveaux standards de la communication
qui cherche à divertir ses audiences dans l’univers digital où le divertissement est l’une des
motivations premières des Internautes à se connecter (Perse et Dunn, 1998 ; Hwang et Lombard,
2006).
- Le caractère social des communications de contenu confirme la littérature sur le contenu de
marque et le storytelling : le contenu s’inscrit dans une logique moins narcissique que le
storytelling (Kapferer, 2012), on produit des histoires qui donnent une place à l’individu (Hugon,
in Jamet, 2013), des histoire qui engagent l’audience (Savar, in Jamet, 2013) et qui nourrissent les
conversations sur les réseaux sociaux (Mallet et al., 2013). Le caractère social des communications
de contenu vient également s’inscrire dans la logique du earned media (propre aux médias du
digital) qui se caractérise par le partage des contenus entre les internautes (Chaffey et al., 2014).
- Le caractère non-marchand des communications de contenu est un axe fort de différenciation des
contenus de marque et de la publicité traditionnelle : l’intention de ne pas orienter la
communication de contenu vers un objectif commercial est prégnante dans les discours des
managers. La stratégie de contenu de marque s’inscrit dans une stratégie relationnelle de
l’entreprise qui consiste ici à quitter le champ du marchand pour se démarquer des concurrents, et
s’extraire de l’indifférence des cibles (De Montety, 2005).

Le caractère extraordinaire, non-marchand et même social des contenus de marque doit bien sûr être
relativisé. Nous rappelons ici que le contexte publicitaire actuel et le scepticisme des audiences a
rendu la marque « avide de formats dépublicitarisés » ((De Montety, Patrin-Leclère, 2011) ; les
marques se montrent désintéressées pour pouvoir mieux se faire accepter. On voit poindre ici un
potentiel et quasi-inévitable casse-tête pour les stratèges pour lesquels « la gageure est de faire oublier
le produit tout en faisant mémoriser la marque – et bien souvent ce qui reste, c’est le spectacle et non
la marque. » (Poivre-Le Lohé, 2014).
La notion de « capitalisme artiste » dans lequel la dimension esthétique est un levier de croissance
pour les entreprises (Lipovetsky et Serroy, 2013) est ici pleinement illustrée. Cette approche s’inscrit
dans une économie moderne de la performance et porte en elle un paradoxe : une confrontation entre
des logiques marchandes d’une part, et des logiques artistiques ou esthétiques d’autre part.

138
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

b) Discussion de la structure
La structure du concept nous permet de mettre en lumière les fondations des pratiques de contenu de
marque, les caractéristiques propres à la structure des formats de contenu de marque.
Ces dimensions (mise à part la création) n’ont pas été mises en évidence de manière explicite dans la
littérature. Elles permettent cependant d’établir un lien entre notre recherche empirique et les travaux
académiques décrit dans la première partie de notre thèse :
- La ligne éditoriale renvoie aux notions de marque média et de contenu éditorial de marque que
nous retrouvons par exemple dans la définition de Baynast et Lendrevie (2014) : le contenu de
marque désigne « des contenus éditoriaux de toute nature créés par une marque qui devient une
marque média ». La ligne éditoriale désigne le point de vue, le parti pris de la marque qui structure
ses prises de parole.
- Les structures liquide et protéiforme des contenus viennent faire écho à la littérature relative à la
communication et à l’environnement digital : elles favorisent le voyage des contenus sur des
plateformes extrêmement multiples et variées (Chaffey et al., 2014). Ces éléments de structure
sont spécifiques au contenu de marque digital (versus non digital) et lui permettent de s’intégrer
dans le paysage médiatique digital.
- Le caractère instantané des contenus signifie que les contenus sont produits en temps réel et cet
élément de structure coïncide parfaitement avec les caractères d’instantanéité (real-time) et de
mémoire (memory) des médias digitaux – les contenus sont accessibles au moment où ils sont
produits – (Gordon, 2010 ; Libai et al., 2010).
- Le caractère continu des contenus de marque s’inscrit dans la recherche d’une nouvelle relation
entreprise par les marques et favorisée par les nouvelles technologies (Bradford, 2007) : la marque
peut entrer en contact de façon répétée avec son audience. Cette dimension fait écho à la littérature
qui concerne la relation marque-consommateur dans le contexte digital.

c) Discussion des fonctions


Les fonctions du contenu de marque sont somme toute assez similaires aux fonctions de la publicité
classique.
- Nous noterons que la fonction d’engagement de l’audience doit être considérée comme l’une des
fonctions majeures du concept dans la mesure où elle s’assimile à l’un des piliers de la
communication digitale (Chaffey et al., 2014). Nous confirmons la littérature qui place
l’engagement comme l’un des objectifs recherchés du brand content (Jamet, 2013).
- La dimension d’utilité est également évoquée parmi les fonctions de la pratique ; ce point
confirme la littérature qui détermine trois formes d’utilités pour le consommateur du contenu : la
pédagogie, le service et le divertissement (Bô et Guével, 2010 ; Kapferer, 2012).
La discussion sur les fonctions du contenu de marque sera détaillée plus largement dans la section
suivante (V.2.4.), lorsque nous abordons les effets des pratiques de contenu de marque.

139
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

2) Différenciation des pratiques de contenu de marque des pratiques publicitaires


traditionnelles

Des différences entre le contenu de marque et la publicité ont été exprimées de manière tranchée par
les répondants. Cette opposition entre les deux formats de communication (publicité traditionnelle
versus contenu de marque) vient confirmer la littérature sur certains points, elle apporte également de
nouveaux éclairages :

Tableau 9 : Différences et interactions entre publicité et brand content

PUBLICITÉ BRAND CONTENT


“ ad esse au o so ateu “ ad esse à l i di idu
Production discursive de la marque à vocation Productions signifiantes initiées par la marque dans
commerciale un but non commercial
Ne a o te ie , si e est le p oduit A recours aux techniques de storyttelling
“ i pose “ i ite
Exploite le patrimoine de la marque Enrichit le patrimoine de la marque, sa valeur
Comporte un objectif de vente court-terme “ i s it da s u le de e te lo g

INTERACTIONS PUBLICITÉ ET BRAND CONTENT

- Les deux formats s intègrent dans une logique de communication intégrée (IMC) :
o ti uit de l histoi e d u fo at à l aut e, les deux sont pensés ensemble

- Les frontières sont de plus en plus fines : la ultu e du sto telli g s e pa e de la pu li it ,


la publicit utilise les le ie s du o te u de a ue et o l i e se

- Le contenu de marque facilite, améliore les performances de la publicité

- La publicité s’adresse au consommateur, le brand content à l’individu :


Ce point fait écho aux définitions que l’on trouve de la publicité qui mettent en avant, depuis ses
origines, sa visée commerciale. La publicité s’inscrit dans une logique commerciale quand le
brand content entre dans une logique de don (Bô et al., 2014) : l’individu est alors plus considéré
comme un être humain ou encore un citoyen que comme un consommateur.
- La publicité est une production discursive à vocation commerciale, le brand content est une
production signifiante :
Cette affirmation vient renforcer l’idée que la publicité classique s’inscrit dans un genre de
communication argumentatif (Breton et Proulx, 2012) ou encore persuasif (Baynast et Lendrevie,
2008) – on essaie de convaincre l’auditoire – quand le contenu de marque se rattache au genre

140
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

expressif (Breton et Proulx, 2012). Nous pouvons comprendre par le terme signifiant que la
marque fait un récit porteur de sens à son auditoire.
- La publicité raconte le produit, le brand content raconte une histoire :
Cette idée confirme celle de Bô (2014) qui distingue la publicité traditionnelle qui se cantonne au
produit alors que le contenu de marque véhicule l’univers culturel de la marque. La marque ne
cherche pas à parler d’elle-même ou de son produit mais plutôt à s’exprimer sur des domaines
d’intérêt communs avec son public (Kapferer, 2012).

- La publicité s’impose, le brand content s’invite :


On retrouve ici les logiques propres aux médias : les médias payants d’une part (paid media) dans
lesquels la publicité traditionnelle s’inscrit et où la marque paie de l’espace publicitaire pour
interrompre son audience, les médias dits « earned medias » ensuite où c’est le partage, la viralité
ou encore le bouche-à-oreille qui permet aux contenus de voyager, de s’inviter chez les
internautes.
- La publicité exploite le patrimoine de marque, le brand content l’enrichit :
Cette notion nous semble intéressante et n’a pas été exprimée en tant que telle dans la littérature.
Elle permet d’ancrer le contenu de marque dans l’histoire de la marque qui permet de donner du
sens à la marque (Singh et Sonnenburg, 2012).
- La publicité comporte un objectif de vente sur le court-terme, le brand content s’inscrit dans le
long-terme :
Cette idée vient confirmer une intuition que nous avions exprimée ; il sera intéressant cependant
de préciser ce que l’on entend par le long-terme en se penchant notamment sur la question des
objectifs ou effets attendus de la pratique et des métriques s’y référant (VI.2.2).

L’opposition entre publicité traditionnelle et contenu de marque doit enfin être nuancée.
Les deux formats de communication s’inscrivent dans une stratégie de communication intégrée : ils
font par conséquent partie d’un tout ; ce point sera abordé plus en détails lorsque nous présenterons les
antécédents des pratiques de contenu de marque (V.2.1).
L’idée que la publicité s’inspire de plus en plus des codes du brand content rejoint les réflexions qui
envisagent le contenu de marque comme de la « bonne publicité » (Jamet, 2013). Elle confirme aussi
la thèse de Daniel Bô (2010) qui positionne l’édition (de contenu éditorial de marque) comme la
troisième phase de maturité des marques dans leur stratégie de communication, après la phase
d’identification (par le logo, par le nom et par le positionnement) puis la phase de valorisation (par la
publicité, la promotion et des actions de fidélité).

141
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Figure 7: Les trois stades de la communication de marque (Bô et Guével, 2010)

IDENTIFICATION VALORISATION EDITION

Nom, logo, Publicité, promotion, Contenu éditorial de


Positionnement fidélisation marque

- Maturité de la marque dans sa stratégie de communication +

« Mais en même temps on voit une évolution, et de plus en plus les publicités vont plus loin dans le
discours de marque et elles s’imprègnent aussi de cette nouvelle culture digitale. Beaucoup plus
partagée, beaucoup plus communautaire, beaucoup plus créative et beaucoup moins la pub classique
avec voilà mon nouveau produit, voilà ses bénéfices etcetera. On est moins primaires je trouve dans le
discours publicitaire et il est en train de s’imprégner de cette culture globale. » (Agence5).

3) Typologie des pratiques de contenu de marque

La typologie de stratégies de contenu de marque que nous proposons permet de qualifier les
différentes pratiques de contenu de marque d’après le niveau de maturité de la réflexion sur la stratégie
suivie. Elle permet d’identifier trois niveaux de maturité en donnant pour chacun des exemples de
pratiques ou de stratégies adoptées. Elle se fonde sur le panel constitué des marques interrogées
directement chez l’annonceur, ainsi que des marques citées en exemple par les publicitaires rencontrés.
Cet élément de résultat contribue à la littérature sur les pratiques de contenu de marque dans la mesure
où il n’existe pas à notre connaissance de classification des stratégies de contenu de marque en
fonction de leur degré de maturité dans la recherche académique.

Cet essai de typologie peut cependant être rapproché du livre blanc édité par le groupe de conseil en
technologies Altimer (Lieb, 2012)43 qui propose une modélisation des stades de maturité des
organisations dans leur approche des contenus. Nous précisions ici que le terme marketing du contenu
(content marketing) est utilisé et défini dans le livre blanc de manière très large : il ne s’agit pas
précisément de brand content mais de l’ensemble des contenus diffusés sur Internet, le contenu de
marque en faisant parti.

Sur la base de 56 entretiens qualitatifs menés auprès de managers, Lieb propose cinq étapes de
l’évolution des organisations impliquées dans une recherche d’efficacité de leurs contenus : 1) le stand

43
http://fr.slideshare.net/Altimeter/content-the-new-marketing-equation

142
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

stage qui se caractérise par une attitude d’observation de l’organisation 2) le stretch stage où
l’expérimentation est l’approche dominante de l’organisation 3) le walk stage dans lequel des
stratégies et processes se mettent en place 4) le jog stage caractérisé par l’adoption d’une culture du
contenu dans l’organisation et 5) le run stage dans lequel le contenu devient monétisable.

Figure 11 : 5 tapes de l’approche des organisations du content marketing (Lieb, 2012)

143
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Tableau 10 : E t ait du ta leau des iptif des 5 tapes d’app o he du o te t a keti g


1. STAND STAGE Curiosity and Starter stage. Not realized yet the potential and value of
consideration content marketing. Social media activity is not regular and
not valued in organization. Focus is made on push
marketing activities (e-mail, direct mail and advertising).

2. STRETCH STAGE Advocacy and Value of content marketing is realized. Start to build a
Taking the first steps experimentation strategy and necessary support to create and publish
while scanning the content. Executive sponsor is necessary.
horizon
3. WALK STAGE Strategy and Co te t eation and production get a solid strategic
Ambition and forward processes foundation o ga izatio all . Co te t is dist i uted a oss a
momentum variety of channels and platforms. Formalized processes.
Strategy is more fully refined and tweaked. Governance
team to shape content processes. Potential sources of
content identified and unified across organization. Content
optimized for digital and social distribution. Efforts on
repeatable and sustainable content. Efforts to connect
content development with rest of communication teams.

4. JOG STAGE A culture of Goal for most companies. O ga izatio ’s st ateg is lea ,
Sustainable, meaningful content communicated through the whole company. Focus is on
and scalable content expanding content team and allow to create experiential
initiatives and engaging content. Processes to create content are fully
developed and strategic. Usable across multiple platforms.
Content must have a life of its own, decoupled from the
brand, product, or service . Age elatio ships a e ofte
deepened compared to campaign development
relationships. Importance of earned media. Example given
Nestlé.

5. RUN STAGE Monetizable Most aspirational phase. Organization is a media company.


Inspired and content High quality content. Production and creation: a full
Inspirational standalone business unit. Content opportunities relate to a
brand experience more than dedicated to products and
services. Example given Red Bull.

Cette typologie confirme notre proposition ; le parallèle entre les deux se fait facilement :
1) Le stand stage se caractérise par une faible attention portée par l’organisation aux réflexions
portant sur le contenu : nous considérons cette étape comme antérieure à la stratégie de brand
content tactique.
2) Le stretch stage est une étape d’expérimentation : le contenu est valorisé dans l’entreprise mais
son déploiement nécessite encore le soutien d’ambassadeurs. Cette étape peut se rapprocher d’une
stratégie de brand content tactique, caractérisée elle aussi par des expérimentations de production
de contenus ponctuelles.

144
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

3) Le walk stage se caractérise par des fondations stratégiques qui commencent à être solides ; les
sources potentielles de contenus sont identifiées. Cette étape se rapproche de notre stade de
stratégie thématique : on organise le contenu de marque autour d’une ou de plusieurs thématiques.
Le contenu est connecté au reste de la communication.
4) Le jog stage se situera de notre point de vue entre la stratégie de brand content thématique et la
stratégie de brand content étendue ; il se réfère à la maturité des équipes sur la stratégie de contenu
de marque et des processus.
5) Le run stage coïncide avec le stade de stratégie de brand content étendue. Une équipe conséquente
est dédiée à la production et à la création des contenus.

Figure 10 : Les trois degrés de maturité des marques dans leur stratégie de brand content

Brand content tactique Brand content thématique Brand content étendu


G alis e à l e se le de la
Opérations / Thématique forte communication digitale
communications ponctuelles Moyens financiers élevés dédiés Marque Média
à la production de contenus

STRETCH > WALK >> JOG >>> RUN >>>>

Faible Forte
Niveau de maturité, importance donnée au brand content dans la
stratégie de communication digitale de la marque

Cette typologie (Lieb, 2012) comporte l’avantage d’être précise sur l’organisation mise en place pour
mettre en œuvre la stratégie de contenu, et sur le degré de priorité qui lui est accordé à l’intérieur de
l’organisation. Notre proposition n’offre pas ce degré de précision dans la mesure où les interviews
menées n’avaient pas pour objet de définir précisément la typologie qui constitue un thème émergeant
de notre étude empirique (non anticipé).

Une opportunité de recherche se présente ici : elle consisterait à étoffer notre proposition de typologie
par le biais d’études de cas approfondies qui permettraient de valider ou d’invalider les propositions
émanant du livre blanc. L’objectif serait alors de mettre en relation le niveau de stratégie de contenu
de marque telle qu’elle est visible de l’extérieur (par le biais d’observations de communications de
contenu) avec une compréhension intérieure de l’organisation marketing des équipes en charge de la
production des contenus.

145
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

146
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

V.2. Pratiques de contenu de marque : antécédents, effets et production de contenus

Nous présentons dans cette section les antécédents et les effets de la pratique de contenu de marque
digital : ce qui la motive ou ce qui la précède et ce qu’on en attend. Nous présentons ensuite ce qui
distingue les pratiques de contenu de marque des pratiques de communication traditionnelles par le
prisme de l’analyse de la posture de la marque.

V.2.1. Antécédents de la pratique de contenu de marque digital

Il s’agit ici de comprendre ce qui a précédé la stratégie de contenu de marque digital, et ce qui l’a
motivée. Cinq antécédents à la stratégie se sont dégagés : 1) le contexte de scepticisme des
consommateurs, 2) l’environnement digital et 3) les actions des concurrents, 4) la visibilité
internationale de la marque et 5) des motivations financières.

1) Le contexte de scepticisme des consommateurs

La multiplication des contenus produits par les marques fait écho au surencombrement publicitaire (les
marques doivent se faire remarquer) et à la maturité du consommateur devenu sceptique vis-à-vis des
techniques publicitaires et marketing (ils évitent la publicité à tout prix). Certains parlent de « lutte »
des marques pour se faire aimer.
« On est dans une ère d’hyper-propositions où il y a trop de contenus qui circulent, trop de
propositions de toute nature et où les individus sont très éduqués et sont en permanence dans des
logiques de comparaison ou dans des recherches de comparabilité et d’arbitrage et donc d’esprit
critique. » (Agence7) / « les gens se questionnent de plus en plus autour de ‘Est-ce que cette marque
est vraiment utile dans ma vie?’ » (Agence8) / « Parce que toutes ces manifestations de marques qui
existent aujourd’hui, qu’on appelle contenus, qu’on appelle expériences, qu’on appelle événements,
(...) pour lesquelles on cherche des dénominations pourraient exister sans la notion de contenu de
marque. Pour moi ça va quand même de pair avec la lutte pour la vie des marques. » (Agence7)

2) L’environnement digital

L’environnement digital dans lequel la marque souhaite être présente est la motivation la plus forte et
nécessite une production intense de contenus.
« Oui ça a été un booster de contenu évidemment parce que déjà c’est tentaculaire donc il faut
pouvoir nourrir tous ces réseaux-là» (Annonceur1). « Le digital peut pousser en fait et les agences et
les marques à faire des trucs tout le temps différents » (Annonceur4), « je pense que c’est l’arrivée du
digital qui a largement poussé la marque à se préoccuper de la problématique parce qu’avant on était

147
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

en presse uniquement. Donc quand vous êtes en presse c’est assez limité de toute façon hein, le côté
storytelling qu’il y a. (...) Je pense qu’il y avait moins, enfin que cette problématique-là était moins
criante » (Annonceur6).

3) Les actions des concurrents (et le souhait de les imiter)

La production de contenu peut être dans une certaine mesure motivée par une simple imitation du
concurrent, dans une sorte de crainte de perdre de l’avance ou de prendre du retard si on ne fait pas
comme lui.
« Elles réagissent aux évolutions de la société au sens large et puis elles réagissent aux évolutions du
marché. Parce que leur … leur mode de réaction c’est le mimétisme (...) si les autres le font, il faut
que je le fasse aussi. » (Agence7).

L’exemple de la marque Burberry précurseur dans sa stratégie digitale par rapport à ses concurrents est
ici cité : dès le début des années 2000, les managers de la marque ont placé le digital au centre de leur
stratégie marketing, prenant ainsi une longueur d’avance sur leurs concurrents et devenant un modèle
sur le marché du luxe.
« Bon certaines ont pris des risques au départ et en fait dans le luxe tout le monde se regarde et
finalement dès qu’une marque y va, surtout une marque qui a beaucoup de légitimité, les autres y
vont. (...) Si on regarde des marques comme Burberry, (…) qui s’est positionnée stratégiquement dans
l’univers du digital, qui a pris une longueur d’avance sur les autres … eh bien c’est devenu un
modèle. » (Agence5).

4) La visibilité internationale de la marque

La visibilité internationale offerte par le déploiement de contenus digitaux peut aussi être l’une des
motivations de la stratégie.
« Et en plus avec le digital qui permet aussi de faire des choses beaucoup plus global, on a des global
partnerships que sont Facebook et Google qui eux-mêmes sont extrêmement globaux donc ça donne
des puissances de frappe qui sont quand même hyper intéressantes » « On reste sur de portefeuilles
réduits de façon justement à globaliser de plus en plus et à essayer de trouver des économies d’échelle
en faisant des choses qui résonnent auprès de le plus possible de consommateurs dans le monde »
(Annonceur4).

148
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

5) Des motivations financières

Les coûts moins importants des productions de contenu de marque (par rapport à la publicité
classique) constituent pour certains un atout considérable.
«C’était aussi finalement une contrainte budgétaire qui a fait naître les Bébés Rollers parce que à un
moment, ils avaient tellement pas les moyens de rivaliser avec des Pepsi, avec des Coca (…) que il
fallait faire une utilisation plus intelligente de l’argent en fait (…) c’était de se dire comment je vais
faire un usage plus malin et plus créatif de mon budget face à des mastodontes et des poids lourds »
(Agence8).

Le cas de Michel et Augustin peut aussi être cité : la marque a dès sa création centré sa stratégie de
communication sur le déploiement de contenus de marques digitaux parce que la production de
contenus – faite en interne – était moins onéreuse qu’un spot publicitaire TV développé par une
agence de publicité.
« Parce qu’au début, pour être différenciant et pour surtout rentrer dans nos coûts, enfin dans notre
budget, on n’avait pas le choix. Notre premier pas ça devait être le pack, on n’avait pas, on n’avait
pas assez d’argent pour faire de la pub. Et puis aussi parce qu’on a activé des leviers assez atypiques
et c’est ça aussi qui fait notre, notre ADN aujourd’hui. C’est de s’être fait connaître sans faire de pub.
D’ailleurs on n’avait pas de budget publicitaire nous. ».

V.2.2. Effets de la pratique : objectifs attendus et résultats mesurés

Nous présentons dans cette sous-section les effets attendus des stratégies de contenu de marque digital
que nous comparons aux résultats mesurés.

1) Effets attendus des pratiques de contenu de marque digital

Les effets recherchés du contenu de marque digital sont similaires aux fonctions du concept décrites
précédemment, à savoir :
a) la création d’une émotion chez le spectateur,
b) son attention,
c) son engagement,
d) la construction de l’image de la marque
e) et d’une plus grande proximité entre la marque et le consommateur
f) un service rendu au consommateur grâce au contenu offert.

149
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Les effets des communications de contenu de marque peuvent être comparés aux effets de la
communication traditionnelle sur le consommateur. Le premier modèle représentatif des effets de la
communication fut formulé par Lewis en 1898 (Baynast et Lendrevie, 2014). Ce modèle appelé AIDA
décrivait les différentes étapes suivies par un vendeur dans son argumentation de vente : A pour
attention, I pour intérêt, D pour désir et A pour achat.
On considéra plus tard que l'objectif primaire de la communication consistait à modifier l'état du
destinataire (Pagès, 1993)44: soit son état cognitif (le savoir), soit son état affectif, soit ses dispositions
à l'action et son action elle-même.
De nombreux autres modèles ont alors été proposés sur une séquence de trois étapes :
- le stade cognitif qui correspond à l’acquisition et au traitement de l’information, à la notoriété de
la marque, à la connaissance d’un produit
- le stade affectif qui concerne les motivations, les attitudes, les images de marque et les préférences
à la marque ou pour le produit
- le stade conatif ou comportemental qui regroupe les actions des individus (intention d’achat, achat
et ré-achat).

Les fonctions ou effets des contenus de marque sur le consommateur peuvent être hiérarchisés en
suivant ces trois étapes :

Figure 12 : Hiérarchisation des effets des communications de contenus de marque

1. STADE COGNITIF ▪ ATTENTION

▪ ÉMOTIONS
2. STADE AFFECTIF ▪ IMAGE DE MARQUE
▪ PROXIMITÉ

3. STADE COGNITIF ▪ ENGAGEMENT

Les effets de la stratégie de contenu de marque digital divergent des effets des stratégies publicitaires
traditionnelles sur ce point : l’effet principal attendu sur le comportement du consommateur n’est pas

44
Pagès, R. (1993). Communication–Les processus de la communication. Encyclopaedia Universalis, 196-199.

150
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

explicitement l’achat des produits de la marque, mais plutôt l’engagement pour la marque. Cet
engagement peut par exemple prendre la forme du partage des contenus avec ses pairs.

La fonction servicielle (la marque rend un service à son public) marque aussi une différence avec les
stratégies de publicité classiques : comme nous l’avons exprimé précédemment, les pratiques de brand
content entrent dans une logique de don (Bô et al., 2014) dans la mesure où l’objectif est d’informer,
d’amuser, de rendre service.

2) De la difficulté de mesurer les résultats

La plupart des répondants ont exprimé une impression de manque de cadrage, de manque de
normalisation de la mesure des résultats de leurs actions de contenus de marque digital.
«On est toujours dans l’expérience. Toujours. Ça c’est vrai que pour l’instant ce ne sont pas des
choses qui sont mesurées d’une manière cadrée et institutionnalisée par le groupe. (…) en tout cas ce
sont des choses qui pour l’instant ne sont pas encore extrêmement cadrées en termes de mesures. (…)
C’est encore difficile d’établir le ROI pour des investissements digitaux. (…) On manque un ptit peu
par rapport à ça d’un, d’un outil global au niveau groupe sur lequel on pourrait s’appuyer.»
(Annonceur10).

Une certaine contradiction émerge par ailleurs dans les discours,


- entre d’une part la certitude que grâce au digital, on mesure tout : « Et le contenu de marque
online, son efficacité et son incidence elle est complètement traquable » (Agence4), « Donc il y a
un tas de KPIs finalement qui nous permettent d’être beaucoup plus riches, et beaucoup plus
insightful … de recueillir beaucoup plus de … d’informations sur ce qu’on vient de faire
(Annonceur5)
- et d’autre part la reconnaissance que l’appréciation de la réussite d’une campagne peut parfois se
faire de manière subjective faute de preuves de réussite ou de résultats tangibles : « C’est
extrêmement difficile à quantifier, et je pense que l’intuition dans l’idée, dans l’appréciation de
l’idée, et le ressenti dans les résultats, tout ça, enfin, le digital encore aujourd’hui s’apprécie
subjectivement et quand on a affaire à des gens qui n’ont pas la culture, c’est extrêmement
compliqué. » (Agence3).

3) Finalement que mesure-t-on ?

Sans avoir procédé à un relevé systématique des mesures faites pour chacune des marques et des
agences de publicité rencontrées, la question des performances mesurées et des indicateurs utilisés à
cet effet a été abordée dans la majorité des entretiens.

151
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Le tableau suivant nous permet d’illustrer la variété des mesures effectuées ainsi que l’idée que pour
quasiment chaque organisation, il existe un système de mesures et d’indicateurs propres.
Nous avons par ailleurs pour chaque indicateur opéré un rapprochement avec la brand equity mesurée,
de la perspective du consommateur – fidélité, notoriété, qualité perçue, associations et image (Yoo et
Donthu, 2001) – et de la perspective financière – valeur financière, cash-flow additionnels créés
(Keller et Lehman, 2006) –.

Trois catégories des métriques ont été finalement identifiées pour mesurer la performance de la
stratégie de contenu de marque digital :
- Des métriques propres à la mesure de la brand equity consommateur : la notoriété, l’image de
marque et les associations à la marque
- Des métriques de mesure de la brand equity financière : les ventes générées par la pratique
- Des métriques de mesure de la qualité des contenu : le nombre de vues, le temps passé, le partage
des contenus, etc.

Tableau 11 : Mesures et indicateurs des performances de contenus de marque digitaux


Marque, Performances mesurées / Indicateurs, outils Catégorie de métrique
agence Objectifs
Annonceur2 “u s d u e op atio Baromètre de notoriété BE Consommateur
magasin relayée par du avant / après
contenu de marque digital Augmentation des ventes BE Financière
Augmentation du nombre de
followers/ fans
Tau d e gage e t Qualité du contenu
Annonceur1 ROI Modèle économétrique BE Financière
mesurant les ventes
additionnelles
Annonceur3 Appréciation / Qualité du Taux de clics, temps passé Qualité du contenu
contenu par page, taux de rebond
(sortie de la page)
Annonceur9 Social currency Facilité du contenu à Qualité du contenu
voyager et à être partagé
Appropriation, attribution à Nombre de commentaires Qualité du contenu
la marque Reconnaissance de la
BE Consommateur
marque
Annonceur5 Exposition au contenu Nombre de vues Qualité du contenu
Temps passé devant la vidéo
Audience Profil des personnes ayant
Brand love vu la vidéo
BE Consommateur
Appréciation de la marque
Annonceur8 Engagement Nombre de personnes
Image fédérées
Ba o t es d i age BE Consommateur

152
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Agence9 Visibilité BE Consommateur


Engagement
Agence7 ROE : return on engagement Tau d e gage e t : Qualité du contenu
combinaison des taux de
like, taux de partage, taux de
diffusion, taux de
commentaires
Agence4 ROI Business Fidélité à la marque, BE Consommateur et
préférence à la marque Financière
Notoriété, préférence, achat
Agence1 ROI BE Financière et
Amour pour la marque Consommateur

En conclusion de cette deuxième partie, un schéma synthétique nous permet d’organiser les
antécédents et les effets attendus des stratégies de contenu de marque digital :

Figure 13 : Antécédents et effets des stratégies de contenu de marque digital

ANTÉCÉDENTS EFFETS ATTENDUS

- Contexte de scepticisme des - Emotion


consommateurs - Attention
- Environnement digital Stratégie de contenu - Engagement
- Actions des concurrents de marque digital - Image de marque
V.II.II.
(mimétisme) - Proximité
- Visibilité internationale de la - Service
marque
- Contraintes financières
Performances mesurées : qualité
des contenus, brand equity
consommateur et financière

153
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

V.2.3. Production de contenus : marque média et autres postures disruptives de la marque

Les stratégies de contenu marque se différencient des stratégies de communication classiques par la
place qu’occupe la marque dans les communications, par les postures qu’elle prend dans les contenus
produits.

1) Marque média

La marque endosse dans la stratégie de brand content le statut de marque média : elle édite ses propres
contenus. La production de contenu se fera alors sur le principe d’une logique journalistique, parfois
cinématographique. Elle nécessitera de nouveaux partenariats.

a) Logique journalistique

Nous avons souligné dans la définition de notre concept la place centrale de la ligne éditoriale dans la
structure des contenus de marque. La marque assume dans la production de contenus le rôle d’auteur,
elle donne son point de vue éditorial sur un sujet par le biais des contenus qu’elle produit.
« C’est le statut d’auteur de la marque qui peut émerger, c’est-à-dire quand elle devient une sorte de
… d’instance, de production de contenu comme ça, il faut qu’’elle ait un point de vue d’auteur alors
qui est lié au contenu, à la tonalité, au style, à l’esthétique, un point de vue éditorial. (...) Il y a
vraiment un point de vue. Oui c’est un point de vue d’auteur ou un point de vue éditorial, je crois. »
(Agence7)

Au-delà d’assumer un rôle d’auteur et devant la quantité nécessaire de production de contenus, les
équipes travaillant pour la marque sont amenées à s’organiser (et à se réorganiser même) comme les
équipes d’une rédaction de journal, au service de la production de contenu, aussi bien chez
l’annonceur qu’en agence.
« Donc on a une rédaction d’une dizaine de journalistes, on produit douze articles par jour. »
(Annonceur1) / « il y a un rédacteur en chef qu’ils ont débauché d’un grand canard américain, je sais
plus Vogue ou quelque chose, mais qui a vraiment un rôle central dans le site et avec un rythme de
production qui est de une édition par semaine » (Agence8) / « Il y a une équipe éditoriale qui travaille
comme un journal, donc c’est eux qui écrivent les choses, qui les filment. Et donc ils ont un
programme de publication sur toute l’année. » (Annonceur3)

154
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

b) Logique cinématographique

Lorsqu’il s’agit de contenus vidéos, la marque peut aller plus loin dans sa posture d’auteur et adopter
une vraie logique cinématographique dans la production de contenus.

Deux exemples illustrant la logique cinématographique correspondent à deux marques plutôt fortes
productrices de contenus.

C’est le cas du groupe Orangina-Schweppes (pour les marques Oasis et Schweppes):


« Sur Oasis ça a été la montée en puissance des Ptits Fruits et la volonté de se rapprocher en termes
d’exécution des films d’animation à la Pixar ».

C’est aussi le cas de la marque Evian :


« Quand on leur explique qu’Evian à un moment est passé à une logique presque cinématographique,
c’est-à-dire (…) on va mettre énormément d’argent dans la production des contenus. (...) on fait le
choix quasiment comme l’industrie du cinéma de mettre énormément de moyens dans la production et
d’en mettre moins dans la promotion … dans la médiatisation je veux dire ».

c) Nouveaux partenariats

Dans sa quête de créativité et de production de contenus nouveaux, la marque et ses marketers sont
amenés à s’entourer de nouveaux partenaires.
Voici une liste non exhaustive de ces partenaires :
- Partenariat avec un chef cuisinier (Thierry Marx) pour la marque Badoit :
«Une fois qu’on a défini précisément le positionnement de la marque autour du repas et de la
manière dont on allait exprimer ce positionnement sur le digital s’est posée la question de la
création de contenu spécifique. Pour ça on s’est appuyé essentiellement sur notre partenariat
avec Thierry Marx »

- Partenariat avec des producteurs, avec des artistes (des DJ, des chanteurs, des groupes de
musique), avec des médias (Les Inrocks, Grazia, NRJ) pour la marque Schweppes :
« En fait il peut y avoir vraiment une pléthore de partenaires, tout dépend des problématiques. ».

- Partenariats avec des blogueurs, des influenceurs pour les marques Lacoste et Coca-Cola, soit pour
créer les contenus, soit pour les diffuser :
« On a identifié un « Viner » puisque c’est comme ça que ça s’appelle, qui s’appelle Zacking, qui
est … un jeune homme qui fait des vidéos où il fait quasiment des tours de magie en fait, qui joue

155
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

beaucoup avec son environnement, avec la ville, avec des voitures, avec les murs etcetera (...) on
s’est associés avec lui en fait pour produire du contenu autour du nouveau site e-commerce de
Lacoste. » / « on a lancé la vidéo Coca-Cola Zéro James Bond et eux ont utilisé leur propre
réseau d’influencers, de blogueurs, de journalistes, et ça c’est à mon avis très clairement 80% du
succès de cette vidéo qui reste à ce jour la vidéo la plus vue au monde de Coca-Cola, douze
millions de vues à peu près »

2) Autres postures disruptives de la marque

L’adjectif disruptif provient du verbe latin disrumpere qui signifie rompre45. Nous choisissons
précisément cet adjectif dans la mesure où l’attitude ou la posture adoptée par la marque dans ses
communications de contenu vient rompre les habitudes, où les stratégies de contenu de marque
viennent perturber l’ordre établi, les codes des stratégies de communication traditionnelle.

Ainsi la marque a) évite tout discours sur le produit, b) cherche à s’inviter et non pas à interrompre son
consommateur, c) s’efforce de se rendre utile, de rendre service.

a) Eviter de parler du produit

Si le statut non-marchand du concept contenu de marque digital a été évoqué précédemment, nous
souhaitons insister ici sur les efforts déployés par la marque et ses équipes (agence et annonceur) pour
éviter la mise en avant (tout du moins commerciale) du produit.
Ce point est souvent un prérequis pour atteindre une communication de contenu efficace, dans les
normes ou en conformité avec les standards des productions de contenus.
« En créant cet univers qui est dé-corrélé du produit, ils arrivent à avoir une marque et un univers qui
est une locomotive fantastique du produit et jamais jamais jamais plus ils ne parlent de produit, (...)
… ils sont purement dans de l’entertainment avec une marque extrêmement forte qui porte ses
produits. (Agence3) / « au lieu d’avoir un film publicitaire qui va décrire les valeurs de la voiture, ses
bénéfices, eh bien vous avez l’expérience qui est vécue dans l’univers de marque, ses valeurs etcetera,
où on déconnecte complètement par rapport à l’objet. » (Agence5) / « Dès qu’on est sur des
publicités produit, je trouve qu’on s’éloigne du contenu de marque qui lui n’a pas une vocation à
vendre en immédiat. » (Agence1) / « Le produit est très souvent un handicap pour rencontrer l’intérêt
de ses audiences » (Agence3).

45
www.larousse.fr

156
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

b) S’inviter chez le spectateur plutôt que l’interrompre

L’attitude non intrusive de la marque dans ses communications de contenu rejoint la théorie du
marketing de la permission définie par Seith Godin (1999) et propre à l’environnement digital ; la
marque s’invite pour mieux gagner l’attention de son audience.

« Oui je pense que j’aimerais définir le contenu digital de marque comme ce qui recueille l’attention
de manière naturelle (…) J’ai plus affaire à une marque qui a acheté mon temps, qui m’a interrompu,
j’ai affaire à une marque qui a compris comment rentrer en contact avec moi. (…) Et après la
manière dont ça peut se faire intelligemment je pense c’est quand on rencontre ces … quand on
s’invite à l’attention des publics plutôt que de se payer l’attention des publics » (Agence3). / « Le
Brand Content pour moi c’est quelque chose qu’on va aller consommer sur Internet presque sans s’en
rendre compte et le challenge pour la marque c’est d’aller se glisser dans ce flux de navigation de
manière très naturelle et pas du tout forcée puisqu’on sait qu’en forçant le passage on n’y arrive pas,
on rebute, on connait hein . (...) Et voilà tout le challenge du brand content va être de se glisser dans
ces moments-là et de faire en sorte de … d’être consommé finalement dans les meilleures
dispositions » (Annonceur5).

c) Se rendre utile

La posture de la marque rejoint ici la fonction utilité de la pratique ou du concept telle que décrite plus
haut. La volonté de la marque à se rendre utile dans ses communications de contenu revient de façon
récurrente dans les différentes interviews menées.
‘Se rendre utile’ peut être pris au sens large : apporter quelque chose au consommateur, que ce soit du
divertissement, un enseignement, des conseils pratiques, de l’émerveillement etc.

«(…) pour rester dans le quotidien des gens et pour les accompagner il faut démontrer pour une
marque toute la valeur d’utilité et de service qu’on peut apporter » (Agence8) / « toute mon initiative
de contenu de marque portait sur réussir à donner une identité de contenu de marque à notre marque
dans son activité BtoB lui permettant de s’installer comme légitimement comme un acteur offreur de
solutions relation client. La motivation elle était vraiment là. (...) chercher à apporter un bénéfice
direct aux cibles que l’on souhaite toucher. Moi je trouve que le côté bénéfice direct dans cette
approche de contenu de marque il me semble être assez fondamental » (Annonceur8).

157
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

158
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

V.2.4. Synthèse, contribution et discussion des résultats

1) Les antécédents et effets de la pratique de contenu de marque digital

Il n’existe aucun modèle dans la littérature permettant de visualiser les effets et les antécédents des
pratiques de contenu de marque digital. Cette représentation permet de clarifier encore davantage la
définition de la pratique et donc de la stratégie.

Figure 13 : Antécédents et effets des stratégies de contenu de marque digital

ANTÉCÉDENTS EFFETS ATTENDUS

- Contexte de scepticisme des - Emotion


consommateurs - Attention
- Environnement digital Stratégie de contenu - Engagement
- Actions des concurrents de marque digital - Image de marque
V.II.II.
(mimétisme) - Proximité
- Visibilité internationale de la - Service
marque
- Contraintes financières
Performances mesurées : qualité
des contenus, brand equity
consommateur et financière

Notre recherche permet de mettre en évidence les antécédents suivants : le contexte de scepticisme
des consommateurs, l’environnement digital, les actions des concurrents (mimétisme), la visibilité
internationale de la marque et les contraintes financières de l’organisation.
Elle permet également de mettre en évidence les effets suivants : l’émotion, l’attention, l’engagement,
l’image de marque, la proximité et le service.

a) Les antécédents de la stratégie

En ce qui concerne les antécédents de la stratégie, nos résultats confirment la revue de littérature qui
met l’emphase sur les deux éléments de contexte suivants :
- le contexte de scepticisme des consommateurs vis-à-vis des marques, leur résistance vis-à-vis du
marketing en général (Johansson, 2004 ; Kozinets et Handelmann, 2004), leur attitude par rapport
au marketing digital qu’ils considèrent comme intrusif (Li et al., 2002 ; McCoy et al., 2007 ;
Ranchhold, 2007)
- le développement du web 2.0 : les pratiques de contenu de marque permettent de nourrir la
présence des marques sur les médias digitaux (Kapferer, 2012) et les communautés de marques
(Fernando, 2007 ; Bô, 2012).

159
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Notre recherche révèle trois sources de motivation supplémentaires : l’objectif de visibilité


internationale des marques, la contrainte budgétaire et une certaine tendance au mimétisme des
marques (je produis des contenus parce que mon concurrent le fait). Ces trois sources de motivation
n’ont jamais été abordées dans la littérature.

b) Les effets de la stratégie

En ce qui concerne les effets attendus de la stratégie de contenu de marque, ceux-ci sont assez
similaires aux effets de la communication classique.
Les modèles classiques classent les effets de la communication selon trois étapes : 1) le stade cognitif
(acquisition et traitement de l’information, notoriété de la marque, connaissance d’un produit, 2) le
stade affectif (motivations, attitudes, image de marque et préférence à la marque) et 3) le stade conatif
ou comportemental (achat, et ré-achat).
Il est à noter que l’impact attendu des pratiques de contenu de marque sur les ventes n’est pas
mentionné de façon explicite par les managers ; ce qui différencie la pratique des pratiques plus
classiques de communication. Cet état de fait vient faire écho à la littérature sur le contenu de marque
que l’on positionne comme une pratique non-marchande (Bô et Guével, 2010).

L’impact sur les ventes, s’il n’est pas exprimé par les managers de manière explicite comme effet
attendu de la pratique, est cependant mesuré grâce à des métriques classiques. Les métriques
mobilisées pour mesurer la performance des communications de contenu sont en effet des métriques
qui se rattachent à la fois à la brand equity consommateur et la brand equity financière. Cette idée
rejoint les travaux de Keller (2004) qui considère le management de la marque comme une activité
dédiée au capital de marque : la brand equity est le résultat des actions marketing de la marque.

Nous noterons enfin que les verbatims exprimant le sentiment de pouvoir à la fois tout et rien mesurer
sur le digital illustre l’opportunité que représente la multitude de données (big data) disponibles sur le
digital. Cette idée fait écho à la littérature sur l’environnement digital et plus précisément sur les
enjeux qu’il représente.
La quantité d’informations recueillies sur le consommateur-internaute est devenue colossale grâce aux
nouvelles technologies, l’enjeu alors est de pouvoir collecter les données, les stocker puis les traiter,
les rendre visible et les partager (Snijders, Matzat & Reips, 2012). Cela nécessite des compétences qui
n’existent pas nécessairement dans l’entreprise. L’acquisition de compétences analytiques représente
un challenge pour l’entreprise. L’ampleur des données collectées nécessite un focus plus important sur
le développement des compétences analytiques et sur l’utilisation des données dans la décision
marketing (Leeflang et al., 2014).

160
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

La quantité et la variété des métriques disponibles posent enfin la question de leur importance : la
question est de savoir s’il faut toutes les utiliser, ou si certaines seulement ont de l’importance (Mintz
et Currim, 2013).

2) Les caractéristiques de la production de contenus

Cette rubrique de nos résultats contribue à la définition des pratiques de contenu de marque en
envisageant le rôle, le statut ou encore la posture de la marque (et de ses managers) dans l’activité de
production des contenus.

a) La marque média

Nous explorons dans un premier temps la posture de la marque en tant que média.
La notion de marque média est une notion à laquelle plusieurs auteurs se réfèrent dans la littérature sur
le contenu de marque (Kapferer, 2005 ; Bô et Guével, 2010 ; Baynast et Lendrevie, 2014 ; Mallet et
al., 2013) sans nécessairement la développer.

Nos résultats permettent de mettre en lumière quelques aspects de cette notion.

La production de contenus s’inscrit dans une logique journalistique. La marque endosse le statut
d’auteur et ce point conforte l’élément de structure des contenus mis en évidence plus haut : la ligne
éditoriale. La logique journalistique comporte des impacts sur l’organisation marketing : elle implique
de s’organiser comme une équipe éditoriale.

La logique qui anime les producteurs de contenu est parfois comparable à une logique
cinématographique : on produit les contenus comme on produirait un film, on s’inspire de productions
existantes en allouant de gros budgets à la production des contenus.

Le statut de marque média comporte enfin des impacts sur l’organisation des équipes marketing qui
s’entourent de nouveaux partenaires et donc de nouvelles compétences. Ce point fait écho à plusieurs
réflexions sur la digitalisation des marques et sur les pratiques de brand content.
La multiplication des interlocuteurs des équipes marketing et communication fait écho à un besoin de
compétences accru motivé par la digitalisation de la marque. Kierzkowski et ses collègues (1996)
soulignent par exemple que les entreprises s’entourent de nouveaux partenaires dans le contexte digital
afin de développer de nouvelles compétences. L’un des défis fondamentaux pour les marketers réside
dans leur capacité à manager l’interdépendance entre les parties prenantes au marketing digital, le reste
de l’organisation et les partenaires extérieurs.

161
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Olivier Altmann46 isole les pratiques de contenus de marque des autres pratiques plus classiques de
communication (comme la publicité par exemple). Ces pratiques (de brand content) nécessitent une
nouvelle organisation dans les agences et ne peuvent être considérées comme elles le sont souvent
comme des pratiques anecdotiques. « Il faut que la plupart des moyens de la marque soient alignés sur
la stratégie de contenu ».

b) Autres postures disruptives

Les autres postures disruptives de la marque sont qualifiées ainsi parce que qu’elles sont assez
inhabituelles en regard des communications traditionnelles : la marque évite de parler de son produit,
elle s’invite auprès du consommateur et cherche à se rendre utile par le biais de sa communication de
contenu.

Elles sont des éléments caractéristiques des stratégies de contenu de marque et les différencient des
pratiques de communication traditionnelles.

Elles viennent conforter certains éléments de résultats déjà évoqués :


- La marque évite de parler de son produit et contribue ainsi à la construction du statut non-
marchand de ses contenus
- La marque s’invite et n’interrompt pas son audience en lui imposant ses contenus : elle rentre dans
une stratégie de communication pull – une communication demandée ou voulue par le prospect
(Baynast et Lendrevie, 2014) – caractéristique des stratégies de communication déployées sur les
médias digitaux.
- La marque cherche à se rendre utile : ce point confirme la fonction de service ou d’utilité du
concept de brand content. Elle s’efforce ainsi de regagner un peu de légitimité auprès de son
audience.

46
In Jamet, 2013

162
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

V.3. Stratégie de contenu de marque digital : une stratégie hybride entre stratégie de
marque et stratégie de communication

Nous mettons en évidence dans cette troisième section le caractère hybride de la stratégie de contenu
de marque dans la mesure où elle se situe à la croisée des réflexions stratégiques sur la marque et sur
la communication. Les acteurs impliqués dans l’élaboration de la stratégie sont à la fois des managers
occupant des fonctions dédiées au marketing produit (à l’intérieur de l’organisation, i.e. chez
l’annonceur), et des managers de la communication (chez l’annonceur et en agence de publicité). Nous
évoquons ensuite les deux cultures ou logiques qui les animent.

V.3.1. Une stratégie qui intègre à la fois des réflexions sur la marque et sur la communication

La stratégie de contenu comporte à la fois des réflexions de l’ordre de la stratégie de la marque et de


l’ordre de la stratégie de communication de la marque.

1) Le respect de la plateforme de marque

Les réflexions sur l’identité de la marque, sur son positionnement sont essentielles au déploiement de
la stratégie de contenu.
« La marque doit baser son contenu sur un ADN identifié. (…) Mais il faut d’abord faire un travail de
: « d’accord, mais qui vous êtes ? où-est-ce que vous voulez aller ? ». (...) Ce travail-là est
indispensable. Sinon le brand content, le contenu de marque sera construit sur du sable. » (Agence1).

Ces réflexions se matérialisent notamment par le biais de la plateforme de marque qui constitue la
référence sur laquelle pourra s’appuyer la stratégie de contenu.
« La plateforme de marque c’est la stratégie de communication de la marque en fait, c’est
l’expression de la marque, c’est son socle, c’est son cadre pour définir si les prises de parole vont être
en phase avec sa plateforme, c’est son ADN. (…) c’est le cadre en fait, c’est la bible » (Annonceur1).

Le contenu de marque doit finalement s’insérer dans une cohérence stratégique avec la marque.
« Mais on a une obsession chez BETC de l’ordre aussi et de se dire que … dans un monde où
justement tous les contenus changent tout le temps on a besoin de suivre une ligne directrice très
importante. Donc on peut jouer avec … on peut jouer autour mais il faut toujours garder un peu son
chemin quoi. (...) si ça ne sert pas un propos de marque stratégique, pour moi ça a pas trop de sens. »
(Agence8).

163
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

La notion de marque forte a aussi émergé chez la plupart des répondants et cet élément de résultats
doit être mis en parallèle avec le fait que nous ayons choisi d’interroger des marques particulièrement
visibles et actives sur les médias digitaux.
Cette culture de la marque forte est imprégnée dans l’ensemble de l’organisation, elle est souvent
diffusée sous l’influence d’un fondateur ou d’un patron charismatique.

« Ensuite la valeur de notre entreprise, ce sont nos marques en fait. Donc la direction marketing a un
rôle très fort et notre ancien président Hugues Piétrini était l’ancien Directeur Marketing et c’est pas
anodin. » (marque Oasis) / « Freddy Heineken qui était vraiment lui le visionnaire de la famille et puis
c’est le premier qui a arrêté entre guillemets de vendre de la bière et qui a commencé à vendre une
marque. La marque Heineken, c’est lui le premier grand marketer de la famille. On lui connaît une
citation qui était « Je ne vends pas de la bière mais de la convivialité et de la chaleur humaine ».
Donc c’est lui qui le premier a vu qu’au-delà de son produit, ben il vendait aussi des émotions et des
bons moments on va dire. (...) Et c’est lui qui en a fait finalement une marque globale, reconnaissable
un peu partout dans le monde. » (marque Heinneken) / « ce qui fait la force de Coca-Cola, (…), c’est
que … c’est une culture organisationnelle qui vit des valeurs de sa marque principale. C’est-à-dire
Hapiness et l’attitude positive, c’est un vrai truc en interne. Les gens sont beaucoup dans
effectivement trouver des solutions, qu’est-ce qu’on peut faire pur faire que le monde soit meilleur,
qu’est-ce qu’on peut améliorer pour nous évidemment, enfin pour nous pour les autres. (…) C’est une
entreprise qui vit beaucoup de la construction de ses marques et ça ça change beaucoup de choses
dans le fait d’être volontaire par le digital. » (marque Coca-Cola).

2) La communication intégrée

Le souci d’une communication de contenu parfaitement intégrée à la communication globale de la


marque est très prégnant et se pose en amont de l’élaboration des contenus, l’objectif étant de créer
une cohérence entre les différents messages, les différents contenus quel que soit le mode d’expression
de la marque.
« On essaye vraiment de pas saucissonner le consommateur et de toujours réfléchir au parcours client
global. (…) tout point de contact peut devenir un contenu en fait. Il suffit de l’envisager comme tel.
(…) toute prise de parole elle est connectée à une autre en fait. C’est beaucoup moins en one shot. »
(Annonceur1), « C’est-à-dire que en fait il faut raconter une histoire à travers les différents écrans et
adapter l’histoire en fait à chacune des consommations écran du consommateur (…) C’est la
consistancy dans le temps et la consistancy entre les touch points. » (Annonceur4), « Alors c’est une
stratégie de distribution globale et pas juste digitale, sur un modèle (…) OESP, O pour Owned, S
pour Shared, E pour Earned, P pour Paid. (…) Et la science de Coca-Cola quand je parlais
distribution c’est d’arriver à synchroniser ce modèle OESP sur toute une campagne de

164
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

communication pour faire sortir des messages intégrés (...) tout allant dans le même sens,
construisons quelque chose dans le temps, ayant une cohérence, ayant une répétition et globalement
créant de la synergie ».

V.3.2. Une stratégie transversale qui concerne à la fois les équipes marketing et communication

« On est vite aussi dans des enjeux de territoires. Clairement quand on est sur du contenu de marque.
Moi j’étais positionné sur cette initiative au marketing, mais je peux vous dire que la communication
qui était à côté elle me regardait en disant « Non mais attendez ! On est en train de donner des
budgets au marketing pour faire du contenu de marque mais … (…) c’est un sujet de
communication !!! » » (Annonceur8)

Ce verbatim illustre de façon simple le fait que la stratégie concerne à la fois les managers
responsables du marketing de la marque – la stratégie comporte des réflexions sur la plateforme de la
marque, son identité, ses valeurs, ses objectifs – et les managers responsables de la communication
dans la mesure où le contenu de marque s’apparente à un format de communication. La répartition des
rôles quant à l’élaboration de la stratégie est plus ou moins évidente et définie en fonction des
organisations.

Les équipes s’efforcent de façon générale à aborder les projets de développement de contenus de
marque dans un mode collaboratif entre les équipes marketing et communication ; elles se confrontent
parfois à une organisation ‘silotée’ des fonctions où chacun effectue les tâches inscrites dans son
périmètre ou territoire.
« Il y a un postulat de départ qui est de ne pas fonctionner dans une logique de territoire. Si on
commence par fonctionner dans une logique de territoire, d’emblée c’est compliqué je pense. (…) je
vois pas tellement d’autres approches que de mettre de la transversalité entre ces directions
(marketing et communication) structurantes dans la relation avec le client (...)la taylorisation des
rôles (…) C’est ça qui je trouve est ultra-nuisible à nos organisations (...) Et on n’est pas dans un
mode collaboratif, c’est-à-dire que chacun récupère les choses dans un ordre chronologique
etcetera.(...) ce sont tellement des sujets convergents que je trouve que finalement quelque part en
étant plutôt dans la co-construction interne en mettant ces expertises au même endroit pour trouver
des solutions, me semble plus riche et plus porteur » (Annonceur8).

Le manager qui s’exprime ici propose de réfléchir la relation client (à laquelle les actions de contenu
de marque contribuent) comme un tout et plutôt que d’aborder cette relation de manière fragmentée ;
une meilleure collaboration entre les équipes est nécessaire.

165
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

La collaboration est d’autant plus légitime que les équipes de communication détiennent une expertise
de la communication digitale que les équipes marketing n’ont pas (encore).
Cette idée a été bien exprimée pour un responsable de communication digitale qui déplore d’une
manière de ne pas être impliqué en amont des projets de contenu de marque :
« Sauf que si nous on avait été associés dès le départ de ce projet, bien sûrement qu’on aurait pu
anticiper certaines choses et dire par exemple que la vidéo elle est trop longue, que il y a certaines
scènes qui sont pas intéressantes et du coup cette connaissance et cette expertise de comment les
consommateurs consomment du web finalement (...) Moi ce que j’aimerais, alors ce que je pousse de
plus en plus, c’est que le travail de la communication débute un peu plus tôt, (…) On n’est pas dans le
même contexte, on doit pas dire la même chose, les gens attendent pas la même chose d’un spot télé et
d’une pub et ça ce sont des expertises qu’on a nous, en tout cas que j’ai moi sur le digital ehm … et
donc voilà je pousse pour intervenir un peu plus en amont. » (Annonceur5).

V.3.3. Le marketing garant du produit versus la communication garante de l’image

Les équipes marketing produit et communication sont dans la majorité des cas rencontrés les équipes
directement impliquées dans l’élaboration des stratégies de contenu de marque.

Alors que les équipes marketing ont une vision ‘business’ ou commerciale de leur marque, les équipes
de communication sont davantage concernées par l’image de la marque.
« Alors le marketing chez nous c’est le produit. On le dissocie complètement de tout ce qu’on fait en
communication(…) Mais concrètement le marketing nous c’est le mix produit, sur toutes les recettes
qu’on peut lancer à l’année, sachant qu’on en lance beaucoup. Ensuite, vous avez la communication
qui elle gère tout ce qui est contenu de marque, storytelling, tous nos leviers (…) A la com nous on
prononce jamais le mot marketing. » (Annonceur2) / « Il y a une partie de l’équipe qui s’occupe
vraiment du business et qui est très dans les chiffres et qui est très proche des services commerciaux
finalement. Et une partie qui s’occupe on va dire plus de l’image et de l’innovation et qui va elle
s’intéresser un peu plus à tous ces scores d’image de marque » (Annonceur5).

Les équipes de communication recherchent davantage à raconter des histoires autour de la marque via
des techniques de storytelling alors que les équipes marketing-produit chercheront davantage à mettre
en avant leurs produits. Nous dirons que les équipes marketing sont ancrées dans une culture produit,
alors que les équipes de communication sont ancrées dans une culture du storytelling. Le compromis
reste parfois difficile à trouver.
« Quand on a des marketers plus que des communicants, c’est vrai que si on arrive à leur montrer que
ça va avoir un impact sur les ventes derrière, je pense qu’on a gagné une grande partie de la

166
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

bataille. » (Agence9), « Ben en général plus on veut aller vers du vrai storytelling, plus c’est
compliqué. Donc voilà si on se dit qu’on ne cherche pas à raconter une histoire mais à faire de la
mise en page ou de la mise en lumière de produit, et ben en général on tombe beaucoup plus vite
d’accord » (Annonceur6).

167
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

168
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

V.3.4. Synthèse, contribution et discussion des résultats

1) La stratégie de contenu de marque envisagée comme stratégie hybride entre la stratégie de


marque et la stratégie de communication

Cette troisième section nous apporte quelques connaissances sur le contenu de la stratégie de contenu
de marque digitale : la stratégie de contenu est une stratégie hybride qui se positionne entre la
stratégie de marque et la stratégie de communication.

La stratégie de contenu de marque comporte d’une part des réflexions sur l’identité de la marque et sur
la plateforme de marque ; elle comporte d’autre part des réflexions propres à l’intégration des formats
de contenu de marque dans l’ensemble du dispositif de communication de la marque.
Ces deux axes de réflexions font partie des enjeux actuels du management de la marque. Ils font écho
respectivement à la littérature sur la marque et à la littérature sur la communication digitale.

La question de l’identité de la marque envisagée comme antérieure à l’élaboration de la stratégie de


contenu rejoint la pensée de Kapferer (1998) qui soulève l’enjeu fondamental pour les marques de bien
connaître leur identité dans le contexte actuel de « surconsommation » et de « marketing de la
ressemblance ». L’identité de marque constitue l’un des piliers de la plateforme de la marque
(Kapferer, 2003). La plateforme de marque doit être définie avant d’entreprendre une stratégie de
présence sur les médias sociaux (Kapferer, 2011) : les managers doivent s’assurer de la robustesse et
de la pertinence des fondamentaux de la marque (Barwise et Meehan, 2010).
Notre recherche confirme l’importante des réflexions sur l’identité et sur la plateforme de marque dans
le contexte digital et les applique aux stratégies de contenu de marque.

La question de la communication intégrée concerne l’intégration des canaux entre eux : les médias
digitaux sont des médias complémentaires aux médias classiques. Cette réflexion doit orienter les
stratégies de communication digitale (Chaffey et al., 2014). Notre recherche la place au centre de la
stratégie de contenu de marque digital.

2) Les acteurs parties prenantes à la stratégie de contenu de marque

Notre première étude empirique permet de mettre en évidence que la stratégie de contenu de marque
concerne à la fois les équipes marketing en charge des produits, et les équipes en charge de la
communication de la marque.

169
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Les verbatims qui illustrent la participation conjointe des fonctions du marketing et de la


communication aux stratégies de contenu de marque font par ailleurs état d’une forme d’organisation
en silo des deux fonctions. Ce point fait écho à la littérature relative au cloisonnement des fonctions
organisationnelles ; on pense notamment aux travaux portant sur les relations entre les départements
marketing et commercial (Dewsnap et Jobber, 2000 ; Strahle et al., 1996 ; Cespedes, 1994). Bien sûr la
configuration silotée des départements ou fonctions marketing et communication d’une organisation
ne peut et ne doit pas être généralisée ; elle constitue néanmoins le point de départ d’une réflexion
intéressante pour comprendre l’élaboration de la stratégie de contenu de marque. Ce type
d’organisation peut générer des conflits dans la mesure où chaque entité analyse les problématiques et
les objectifs de son propre point de vue.

Une réflexion collaborative et transversale est nécessaire entre les deux départements concernés ; elle
n’est pas toujours facile à atteindre. Cette idée rejoint l’idée de Daniel Bô (2010) qui propose que les
stratégies de contenu de marque induisent un mode de travail plus collaboratif dans la mesure où les
relations entre les parties prenantes aux projets sont plus floues, et où la chaîne d’actions ou
d’événements est plus éclatée que dans le processus de communication classique.

3) Présence ou confrontation de deux logiques ou cultures

Des différences culturelles semblent enfin se dessiner entre communication et marketing produit : la
culture produit et ‘business’ caractérise les équipes marketing produit, alors qu’une culture du
storytelling semble davantage inspirer les équipes de communication.

Ces différences culturelles évoquées font écho aux théories explicatives de la diversité des opinions
dans une situation de rencontre et de collaboration entre des individus. Nous pensons en particulier à
la théorie de la vision du monde (Lawrence et Lorsch, 1969 ; Homburg et Jensen, 2007) qui repose
sur l’idée qu’il existe des différences d’orientation cognitive et émotionnelle entre les managers issus
de départements distincts de l’organisation. Cette théorie a par exemple trouvé une application dans
l’élaboration d’une stratégie de développement d’un nouveau produit : elle a alors permis de mettre en
lumière les divergences d’intérêts ou encore d’orientation des équipes marketing et commerciale. Elle
semble pouvoir trouver dans le cas de l’élaboration des stratégies de contenu de marque une autre
application. Il pourra alors être intéressant d’analyser plus en profondeur, par le biais d’une étude de
cas approfondie par exemple, l’orientation et les compétences des équipes parties prenantes à la
stratégie pour comprendre les divergences émergentes et leurs effets sur la décision.

170
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

V.4. Tensions inhérentes aux stratégies de contenu de marque

Les stratégies de contenu de marque sont soumises à un certain nombre de tensions.


Nous prenons pour illustration du terme tension – ce que nous entendons par l’utilisation de ce mot, ce
que nous désignons – la définition économique du mot «pression, à la limite du seuil de rupture
d’équilibre »47 ou encore sa définition mécanique «contrainte qui agit dans un corps en équilibre».48

Ces tensions sont les conséquences d’un parti pris fort de la marque (et de ses managers) qui adoptent
une posture non marchande dans leur prise de parole (V.4.1) : cette posture s’avère être contre-nature
et suscite un tiraillement des communicants que l’on pousse à produire des contenus toujours plus
spectaculaires tout en servant les intérêts financiers de l’entreprise (V.4.2.).
Deux logiques se confrontent alors dans l’élaboration des stratégies de contenu : la logique artistique
d’une part, la logique financière d’autre part (V.4.3).
Nous abordons enfin dans cette partie les tensions relatives à l’arbitrage des budgets (V.4.4).

V.4.1. La posture non marchande de la marque contre-nature

Nous avons mis en évidence à plusieurs reprises le caractère non-marchand des communications de
contenu qui correspond au fait que l’intention première de la marque n’est pas de mettre en avant ou
de vendre son produit, ni de communiquer des arguments de nature commerciale sur son produit mais
plutôt de divertir le consommateur, de l’éduquer ou de lui rendre service.

La posture non-marchande de la marque est ici abordée comme une pratique non naturelle, dans la
mesure où la raison d’exister de toute marque est bel et bien de désigner un produit et donc de faciliter
sa vente.
« Oui c’est une activité non naturelle. Non naturelle parce que … elle a un caractère de
désintéressement (...) c’est des contenus qui sont gratuits … Mais c’est des productions qui ne sont
pas orientées vers un objectif commercial. Et donc (...) qui n’ont pas pour centre de gravité la
production économique de la marque. » (Agence7) / « c’est vrai que souvent on parle de contenu de
marque en disant la présence de marque doit être subtile, voire inexistante etcetera … moi j’ai
beaucoup de doutes là-dessus parce que à un moment on est … il faut aussi que ça serve la marque.
C’est une autre manière de le penser, de le construire mais euh … mais il faut aussi que ça serve la
marque. » (Agence8).

47
Le petit rober, dictionnaire de la langue française, édition 2003
4848
http://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/tension

171
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Bien que la finalité mercantile des communications de contenu soit absente des discours (de la marque
et des managers, dans un premier temps), les acteurs insistent sur l’idée que le contenu de marque
digital doit servir les objectifs « business » de la marque.
« On est un challenger, on n’a pas les moyens de jeter l’argent par les fenêtres donc on doit soutenir
notre business et les objectifs de marques. (…) parce qu’on a quand même un enjeu d’optimisation de
notre budget à chaque moment. (…) Après on est … enfin il faut rester pragmatique c’est-à-dire que
on vend avant tout des soft drinks, on vend pas du contenu de marque donc il faut remplir nos
objectifs » (Annonceur1)/ « oui c’est une campagne extrêmement créative mais pas seulement, c’est
une campagne qui est stratégique, qui est extrêmement bénéfique pour le business de l’annonceur (…)
oui la marque est là pour vendre, la marque ne dépensera jamais un euro qui ne produit pas un euro
… bien heureusement pour eux » « notre activité c’est la créativité au service de la grosse armada de
marketing et la créativité pour la créativité c’est pas de la com, c’est pas de la pub, c’est de l’art. »
(Agence3) / « C’est clair que nous, sur la nutrition vraiment enfin tout ce qu’on fait doit venir servir
la vente au final. Maintenant je pense qu’il y a des marques qui sont moins dans cette problématique-
là. Donc après ça dépend quel est le comité décisionnel. » (Agence9).

Le caractère désintéressé des contenus de marque se positionne dans un cadre de référence au temps
long, alors que les activités courantes de la marque s’inscrivent dans des durées plus courtes. La
mesure des performances du contenu de marque et les métriques mobilisées semblent inappropriées.
«Le contenu de marque devrait peut-être être évalué sur d’autres critères qui sont beaucoup plus la
durée, faire bouger les lignes sur le statut de la marque peut-être sur son rôle socio-économique ou
socio-culturel, ça peut pas se mesurer avec les mêmes indicateurs, je pense. Donc il faudrait quelque
part plus se désintéresser quand on veut évaluer la performance du contenu de marque alors qu’au
fond les annonceurs ils ont un besoin de retour sur investissement beaucoup plus immédiat
aujourd’hui. » (Agence7).

V.4.2. Schizophrénie des marques prises entre logiques marchande et non-marchande

La marque et ses équipes sont finalement tiraillées entre deux objectifs : le premier est de faire aimer
leur marque, de la rendre légitime, d’attirer l’attention de leur audience par exemple grâce à des
productions extrêmement créatives, le deuxième est de vendre des produits.
« Et les marques elles sont un peu en ce moment schizophrènes entre j’ai l’ambition et le rêve d’être
un grand producteur de contenu et en même temps j’ai des bouteilles ou des sandwiches ou des plats
ou je ne sais quoi à vendre » (Agence8).

172
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Cette schizophrénie fait l’objet de tensions – on peut entendre ici la notion de conflits – entre les
équipes parties prenantes aux projets de production de contenus. Elle s’exprime dans l’exemple
suivant par des tensions entre l’équipe CRM et communication (en charge des contenus) et l’équipe
marketing-produit.
« Effectivement à la fin on a eu une divergence entre la marque qui a dit « ben moi j’ai payé cette
opération mais on me voit que à la troisième minute de l’épisode !!!» Et donc il y avait effectivement
un mini-conflit (...) l’agence était alignée avec le CRM et le digital, c’était que l’objectif c’était pas
d’en faire une publicité pour petits pots mais c’était de se placer à un moment qui fait sens
contextualisé, sans en faire trop, (…). Donc ça arrive qu’il y ait des distensions, ça arrive que le CRM
le digital et la marque ne soient pas d’accord. » (Agence9).

Les tensions émergent entre une équipe orientée produit dédiée aux intérêts commerciaux de sa
marque, qui souhaite donner de l’importance au produit, et une équipe communication dédiée à
l’image de marque, qui s’efforce d’éviter un discours trop commercial.

Pour apaiser ces tensions, les équipes communication et marketing-marque peuvent effectuer une sorte
de va et vient entre la diffusion de contenus de marque et la diffusion de communications plus
traditionnelles et plus lucratives, en fonction des contraintes de résultats.
«Il y a des moments où il y a des enjeux très très très forts sur le volume d’affaires, donc là on a des
approches très ROIstes où on sait que chaque opération doit rapporter tant. Donc évidemment dans
ce genre de cas, les contenus de marque sont un peu mis en sourdine. Et puis il y a des moments où on
peut travailler plutôt à moyen terme, plutôt sur la fidélisation, ou plutôt sur la marque, sur sa
substance, et là on vient sur les contenus de marque. » (Annonceur3).

V.4.3. Le contenu de marque digital entre logique financière et logique artistique

L’idée proposée qui suit peut permettre de résumer (de façon schématique) la rencontre de deux
logiques dans la création de contenus de marque :
« la ligne de partage je crois c’est la valorisation de la création : c’est la ligne de partage entre le
monde des annonceurs et le monde des agences. Donc les annonceurs, leur objectif, (…) leur univers
de valeur c’est le business, donc c’est la croissance de leur marque, de leur entreprise sur des
indicateurs économiques, enfin économiques … ou de visibilité, des indicateurs d’efficacité de
communication. Alors que le monde des agences, par essence, il fonctionne sur une valorisation de la
créativité et de la création, et c’est vrai pour toutes les productions des agences et je pense que le
contenu de marque c’est juste un nouvel avatar. Donc les mêmes tensions vont se produire, se
reproduire. L’annonceur il voudra très rapidement paramétrer son contenu de marque en fonction de

173
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

ses objectifs sur sa cible etcetera etcetera et l’agence elle voudra préserver la valeur créative, l’intérêt
créatif du contenu de marque » (Agence7).

Le contenu de marque est en quelque sorte une nouvelle manifestation de la rencontre ou de la


confrontation de deux logiques : la logique de création qui anime les équipes de communication et les
agences de publicité et la logique financière qui caractérise davantage les équipes marketing-produit.

« Mais c’est une opposition classique dans les métiers du marketing et de la communication entre
ceux qui ont une vision très, très ventes d’un outil de communication ou d’un outil marketing et ceux
qui ont une vision très corporate image du même outil. » (Agence1).

V.4.4. Le manque de contrôle de la marque sur la diffusion de ses contenus

L’ère du digital se caractérise entre autre par une participation active du consommateur-internaute qui
ne reçoit plus simplement les contenus proposés mais exerce une influence, un certain contrôle sur
ceux-ci. La perte de contrôle de la marque se manifeste ici non pas par le biais du contenu produit à
proprement parler – le contenu de marque est édité par la marque – mais plutôt par le biais de sa
diffusion. Le contenu se diffuse sur le principe du bouche à oreille, selon le bon vouloir de son
audience ; la diffusion ou plutôt la propagation du contenu échappe de façon quasi-totale à la marque
(et à ses managers) :
« La fonction de diffusion va se substituer progressivement par une fonction de propagation qui va
prendre le pas et qui s’appuie sur les conversations qui naissent sur Internet. Et on continuera de faire
un ptit peu de plan média, mais pour déclencher la fonction de propagation / Ce modèle-là (modèle de
diffusion) est complètement attaqué par la fonction propagation. La fonction propagation devient plus
puissante que la fonction diffusion. Donc vous avez des petits acteurs qui font pas d’achat d’espace,
qui font pas d’investissements médias, et qui peuvent avoir un contenu qu’ils arrivent à propager et
qui va supplanter … autrement dit c’est pas celui qui est le plus puissant financièrement qui émerge
forcément. Et l’histoire du buzz c’est ça : il y a quelqu’un qui peut faire le buzz sans faire
d’investissement médias et puis vous couper complètement l’herbe sous le pied. » (Annonceur 7).

La perte de contrôle de la marque sur la circulation de ses messages ou contenus vient rompre l’ordre
établi avant l’ère digitale :
« Ce qui a été une grande difficulté pour les agences de pub qui ont construit leur modèle sur le
modèle de communication transmissif et de construction, enfin de production de discours dans un
univers maîtrisé, complètement maîtrisé. Or le digital il dit exactement l’inverse. Il dit l’espace de
discours explose, les interactions sont imprévisibles, on sait quand elles commencent on ne sait pas

174
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

quand elles finissent, elles évoluent, c’est-à-dire qu’elles sont dynamiques dans le temps et dans
l’espace et elles sont multi-énonciateurs. Et dans un univers d’interaction digitale, la marque n’est
plus en position de souveraineté ! » (Agence 3).

Le non-contrôle de la marque sur la propagation de ses contenus a pour effet un manque de maîtrise
des résultats ou autrement dit de la performance des contenus diffusés. Il en résulte des tensions entre
la volonté des managers de développer des contenus – stratégie risquée – et la volonté de renouveler
les pratiques connues et moins risquées :
« … le contenu digital d’un point de vue organisationnel c’est un vecteur de tensions (...) Et en fait il
y a cette espèce d’énorme tension entre « j’aimerais faire le truc » et « en fait je ne suis pas prêt à
changer fondamentalement ce que j’ai sur la table ». Donc soit tu as moins 30% de promo et tu ne fais
pas une vidéo virale et tu fais bien ce que tu sais faire habituellement. Soit tu jettes ta promo … (pour
faire du contenu). » (Annonceur 9).

V.4.5. L’arbitrage des ressources

Dans des périodes tendues, où la direction générale attend des résultats de la part de la marque sur le
court-terme, les budgets seront placés en priorité sur les médias ROIstes (et donc traditionnels), des
médias qui permettent de générer des résultats sur les ventes rapidement, au détriment des médias
digitaux, et de la stratégie de contenu de marque.
« C’est certain que le réflexe de toute direction générale c’est de couper ce qui à leurs yeux ne génère
pas immédiatement du chiffre d’affaires (…) c’est très difficile de lier une opération de brand content
à une vente, par contre lier l’envoi d’un bon de réduction sur un catalogue à une vente c’est évident.
Donc la direction générale ou la direction marketing va dire ben moi je coupe» (Agence4), « quand
on n’a pas les moyens ben on va se concentrer sur ce qu’on appelle un main media donc qui va être si
possible le média qui a (…) le meilleur rapport qualité prix mais en tout cas le meilleur reach au coût
le plus intéressant sur la cible. Et donc rester la plupart du temps d’ailleurs sur un média télé, qui
reste encore la façon la plus efficace rapide et simple aussi d’ailleurs de toucher la cible à meilleur
coût. » (Annonceur4), « Donc oui, on m’a déjà arbitré en me disant ben voilà le brand content c’est
peut- être un peu moins prioritaire que certains autres leviers. Parce qu’effectivement le brand
content c’est pas quelque chose où dans le mois suivant on va pouvoir voir un effet sur les volumes. »
(Annonceur5) / « Mon initiative qui était une véritable initiative de contenu de marque, elle a été dé-
priorisée. Bon elle a été dé-priorisée à un moment où je peux vous dire que les coupes budgétaires
éteint sacrément sévères » (Annonceur8).

175
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

Les managers déplorent en règle générale une insuffisance des budgets alloués aux contenus de
marque et à la communication digitale.
« Dans une entreprise, l’essentiel du budget c’est le marketing direct et la publicité. (…) Mais
l’essentiel des ressources et des budgets bouge peu. Donc en réalité le mouvement se fait peut-être de
1 ou 2% des ressources (du média classique vers le digital). Alors si on voulait faire une
transformation d’ampleur de ces métiers-là, il faudrait sur des rythmes annuels déplacer 10-15-20-
30% des budgets. » (Annonceur7).

Enfin les pratiques de contenu de marque sont considérées encore comme des pratiques à risques,
particulièrement par des managers qui n’ont pas la ‘culture digitale’ ou qui n’en comprennent pas
encore bien les règles.
«Un marketing manager, il a un budget de un million d’euros, il va pas miser 200 000 sans avoir la
certitude, sans avoir la réassurance que ça va marcher. Et prouver à quelqu’un qui comprend pas le
digital, que une idée digitale va marcher, c’est compliqué. » (Agence3) / « Dove bien sûr. Et Old
Spicemen. (…) Ce sont deux marques en fin de course complète et ils ont pris un maximum de risques
et ça a payé » (Annonceur9), «Je pense que … quand je repense à ta question je pense que c’est une
histoire de prise de risques aussi pour les marques. Et que quand tout est rose et que tout va bien, bah
c’est plus facile que quand ça va pas forcément si bien que ça quoi. » (Agence9).

Les managers donnent parfois la priorité à la communication marketing traditionnelle – la publicité –


parce qu’elle est facilement mesurable et génératrice de résultats sur une période courte ; elle est
considérée comme un investissement sans risque.
« Donc dans ce cas-là, on retire quelques dizaines de millions d’euros, qu’on met aujourd’hui en
publicité sans risque parce qu’on sait qu’en mettant telle puissance média on obtient telle puissance
GRP, pour prendre des risques sur de la création de contenu et de programmes interactifs avec des
internautes » (Annonceur7), « et je pense que c’est aussi pour ça que la télé continue à être malgré
tout assez utilisée, c’est qu’on sait que c’est un modèle où on est capables de mesurer avec des
mesures qui ne sont pas plus fiables que ce qu’on est capables de faire en digital mais qui sont plus
établies, et ça fait des années qu’on se base là-dessus. » (Annonceur10).

176
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

V.4.6. Synthèse, contribution et discussion des résultats

1) Identification de deux logiques

Les résultats présentés dans les deuxième et troisième sections (V.2. et V.3.) nous ont permis de
proposer les premières caractéristiques de la stratégie de contenu de marque digital et d’identifier les
acteurs parties prenantes à son élaboration.

Les stratégies de contenu de marque concernent à la fois les équipes marketing-produit et les équipes
communication. Nous les avons qualifiées de stratégies hybrides.
Cette quatrième section vient confirmer la présence de deux logiques (identifiées comme différences
culturelles dans la troisième section de ce chapitre) qui animent les équipes marketing et
communication.
En conséquence de son état d’hybridité, le contenu de marque se trouve pris entre deux logiques,
cultures ou modes de pensées :
- Une logique qui favorise la visée commerciale de la communication et la mise en avant du
produit ; la marque y occupe une posture marchande et les managers se réfèrent à des périodes de
temps cout. Nous lui donnerons le nom de logique financière. Elle semble davantage animer les
équipes marketing produit.
- Une logique qui favorise l’image de la marque et la culture du storytelling. La marque s’efforce
dans cette vision de se rendre légitime dans une stratégie de générosité. La créativité y est mise en
avant : on attire l’attention pour se faire accepter de l’audience. Les managers se réfèrent à des
périodes de temps long. Cette logique que nous qualifierons d’artistique est plutôt celle qui oriente
les équipes de communication.

La confrontation de ces deux logiques est source de tensions (ou conflits) entre les équipes marketing-
produit et communication qui s’efforcent de trouver des compromis entre donner davantage de place
au produit ou à la création dans la communication produite, favoriser les pratiques de communication
plus rentables sur le court-terme (la publicité par exemple) ou prendre le risque de mettre la priorité
sur les communications de contenu de marque.

Ces éléments de résultats confortent la potentielle utilité de la théorie de la vision du monde pour
mieux comprendre l’élaboration de la stratégie (Lawrence et Lorsch, 1969 ; Homburg et Jensen,
2007) : elle postule l’existence de différences d’orientation cognitive et émotionnelle entre les
managers issus de départements distincts de l’organisation.

177
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

2) Directions stratégiques orientées produits et orientées clients

Le parallèle peut-être fait entre les perspectives financières et artistiques et les directions stratégiques
de type product-centric et customer-centric décrites dans la littérature (chapitre III).
La logique financière met en effet la priorité sur le produit dans l’objectif de réaliser une transaction
avec sa cible sur le court-terme.
La logique créative met davantage l’emphase sur la création dans l’objectif de faire vivre une
expérience riche avec son public et d’entretenir avec lui une relation sur le long-terme : l’individu est
dans ce cas replacé au centre des attentions des communicants.

L’approche customer-centric est l’une des manifestations des évolutions que connaît la fonction
marketing : la fonction évolue et continuera d’évoluer au 21ème siècle vers le customer centric
marketing (Sheth et al., 2000). « Les marques redécouvrent ce qu’est le marketing du client final.
Alors qu’elles s’étaient engagées davantage sur le marketing produit ces dernières années. »
Pour Bô et Guével (2010), les stratégies de brand content changent le sujet central de la
communication en ce sens que la marque est relativisée : on passe ainsi d’une logique « brand
centric » à une logique « consumer centric ».

3) Représentation des acteurs parties prenantes à la stratégie / pratique et des logiques qui les
animent

Nous proposons ici une représentation des logiques animant les parties prenantes aux pratiques de
contenu de marque :
Figure 14 : Parties prenantes à l’ la o atio des st at gies de o te u de a ue digital et logiques mises en
œuv e
EQUIPE MARKETING-PRODUIT EQUIPE COMMUNICATION
Logique financière Logique artistique

Posture de la marque : Posture de la marque :


marchande. non-marchande.
Culture du produit. Culture du storytelling.
Objectif de ventes. Stratégie de contenu O je tif d i age.
Temps de référence de marque digital Temps de référence
court. long.

DIRECTION PROUCT CENTRIC DIRECTION CUSTOMER CENTRIC

178
Chapitre V. Résultats (étude n°1)

4) Les décisions d’allocation des budgets

Les budgets alloués au déploiement des stratégies de contenu de marque sont jugés insuffisants et les
coupes budgétaires les concernent directement dans les périodes difficiles. Ce constat fait écho à la
théorie du management myope des ressources. Les communications de contenu sont sujettes à des
décisions de management myope des ressources (Mizik, 2010) : on privilégie les activités génératrices
de bénéfices observables sur le court-terme.

Chaffey et ses collègues (2014) font état des différents défis à relever par l’entreprise dans la stratégie
digitale. Nous retiendrons parmi eux la levée de budgets suffisants ou la capacité des managers à
convaincre les dirigeants d’allouer les budgets nécessaires au déploiement de la stratégie digitale.
Nous retiendrons également que l’organisation doit faire face à un apprentissage organisationnel
aujourd’hui jugé déficient. « Il s’agit essentiellement de convaincre du bien-fondé des investissements
digitaux, dans un contexte de prudence budgétaire mais aussi de tensions internes entre les équipes
digitales et les autres équipes ».

Le développement des pratiques de contenu de marque semble déplacer le débat promotion versus
publicité qui caractérisait les années 90 sur un débat plus actuel qui oppose la publicité traditionnelle
et le contenu de marque digital, et plus généralement les formats de communications moins
mercantiles et plus divertissants (qui se développent considérablement dans l’environnement
médiatique digital), mais aussi perçus comme plus risqués.
Le dilemme de l’organisation est celui de devoir choisir entre le financement d’activités centrées sur le
consommateur, plus adaptées à l’environnement digital mais générant des résultats sur le plus long-
terme (et plus difficilement mesurables) et le financement d’activités centrées sur le produit, plus
intrusives et donc moins adaptées aux exigences du consommateur mais génératrices de résultats plus
immédiats. Les stratégies de contenu de marque induisent un nouveau mode de décisions qui se
caractérise par une plus grande prise de risques, par un soutien fort nécessaire de la direction générale
et par une implication forte des équipes internes (Bô, 2010).

179
180
Fin de la deuxième partie : synthèse et conclusion

La clarification du concept de contenu de marque (ou brand content) s’est avérée être une étape
nécessaire à notre recherche : elle s’intègre dans une approche exploratoire visant à mieux cerner
l’objet ou encore la pratique étudiés, elle permet en outre de mettre en évidence les aspects qu’il
s’avère intéressant d’étudier de manière plus approfondie dans la suite de nos travaux.
Nous retiendrons que le contenu de marque prend le statut d’une communication extraordinaire,
sociale et non-marchande ; il s’inscrit dans une tendance actuelle à la valorisation de l’art (Miller,
2012) ou encore au capitalisme artistique (Lipovetsky et Serroy, 2013) ; il est un moyen pour la
marque de dépasser sa fonction commerciale.
Nous avons par ailleurs pu mettre en évidence les éléments structurant du contenu de marque ainsi que
ses fonctions.

La définition proposée nous permet dans une certaine mesure de marquer des différences entre le
contenu de marque et la publicité traditionnelle, avec laquelle il est souvent comparé. Une opposition
trop abrupte ne doit cependant pas être généralisée et nous retiendrons la thèse de Bô et Guével (2010)
– confirmée par notre étude – qui positionne les pratiques de brand content dans la continuité des
stratégies de communication classiques, comme une étape plus mature des réflexions stratégiques de
communication des marques dans un environnement de scepticisme des consommateurs et
d’encombrement publicitaire. Le contenu de marque répond en tous points aux standards de la
communication digitale (i.e. stratégie de communication pull, focus sur l’attention et l’histoire que
l’on raconte, divertissement, etc.).

Notre définition aboutit finalement à un essai de typologie des stratégies de contenu de marque
articulée sur trois niveaux : un niveau de stratégie de contenu de marque tactique où l’organisation
commence à peine à porter de l’intérêt aux pratiques de contenu de marque, un niveau de stratégie de
contenu de marque thématique où la réflexion devient plus approfondie et un niveau de stratégie de
contenu de marque étendue où la stratégie est bien installée et se généralise à la stratégie de
communication de la marque. Ce travail pourra être poursuivi par le biais d’observations de
communications de contenus et d’études de cas qui permettraient de préciser et d’illustrer la typologie
proposée.

Nous mettons en évidence dans un second temps les antécédents et les effets des pratiques de brand
content ; nous confirmons ici la littérature existante (notamment sur les antécédents de la pratique) et

181
nous apportons des éclairages supplémentaires. Nous proposons un modèle combinant les antécédents
et les effets de la pratique, jusqu’ici inexistant dans la littérature.
Les effets attendus des pratiques de brand content sont assez semblables aux effets attendus de la
publicité classique ; une emphase particulière est cependant donnée à l’engagement attendu des
audiences, au service rendu par la marque et donc au gain de proximité avec l’audience. Nous
soulignons de plus que l’effet attendu des pratiques de brand content sur les résultats des ventes n’est
pas exprimé par les managers dans leurs discours, mais qu’il est cependant mesuré. La pratique de
contenu de marque s’inscrit dans les activités de la marque qui sont dédiées à la construction du
capital de la marque (Keller, 2004) et les métriques utilisées pour mesurer ses performances sont à la
fois issues de l’approche financière et de l’approche consommateur. La mesure de l’impact financier
(i.e. quel est le résultat sur les ventes ?) reste plus délicate et et cette difficulté à mesurer l’impact
financier est une conséquence de la posture non-marchande adoptée par la marque dans ses
communications de contenu.

Notre recherche soulève un certain nombre de caractéristiques propres à la production de contenu en


mettant en lumière la notion de marque média souvent présente dans la littérature (Kapferer, 2005 ; Bô
et Guével, 2010 ; Baynast et Lendrevie, 2014 ; Mallet et al., 2013) et en précisant ce qu’elle
représente : la production des contenus se fait dans une logique journalistique, parfois
cinématographique, et induit de nombreux partenariats avec des acteurs externes à l’entreprise.
D’autres postures adoptées par la marque viennent différencier la communication de contenu des
communications classiques : la marque évite de parler du produit, elle s’invite et cherche à se rendre
utile. Ainsi, le dépassement de la posture commerciale de la marque évoqué dans la littérature
(chapitre III) se poursuit dans les pratiques de contenu de marque. Cette posture est nécessairement
contre-nature, disruptive et source de tensions : on parle de marques devenues « schizophrènes »,
tiraillées entre le désir de plaire (à leur audience) et celui de vendre.

Nous envisageons dans une troisième partie la stratégie de contenu de marque digital comme une
stratégie hybride en ce sens qu’elle concerne plusieurs équipes ou départements de l’organisation
(notre première étude démontre l’implication des départements marketing-produit et communication) .
Elle est de fait au croisement de différents enjeux : certaines des parties prenantes de la stratégie ont
des intérêts de long-terme (en ligne avec la construction d’une marque forte), alors que d’autres
privilégient pour l’organisation des intérêts de court-terme (les volumes et le chiffre d’affaires).

Notre première étude empirique a par conséquent permis d’apporter quelques éléments de réponses à
notre problématique :

182
Quelle est la nature de la pratique de contenu de marque et la formation de cette stratégie
génère-t-elle des tensions parmi les managers parties-prenantes ?

Notre première étude a permis de démontrer que la stratégie de contenu de marque est au croisement
de différentes logiques, ou encore de différents enjeux.

Une deuxième étape vise à comprendre le processus de formation de la stratégie, les logiques mises en
oeuvre entre les acteurs de la stratégie et les potentielles tensions survenues au cours du processus par
le biais de deux études de cas.

Un retour préalable à la littérature est envisagé : il nous permet de poser les fondements théoriques à
l’étude de la formation d’une stratégie.

183
184
TROISIÈME PARTIE :

Processus de formation des stratégies de contenu de marque


et analyse des logiques animant les parties prenantes à la stratégie

Cette troisième partie se compose de quatre chapitres.

Un retour à la littérature s’est dans un premier temps avéré nécessaire avant d’entreprendre
notre deuxième phase d’études empiriques (Chapitre VI). Ce chapitre vise en effet à poser les
fondamentaux inhérents à l’étude d’une stratégie en se posant la question : qu’étudie-t-on
précisément lorsque l’on étudie la stratégie ?
Il aborde des principes théoriques potentiellement utiles pour la suite de nos recherches.

Nous introduisons ensuite deux études de cas réalisées dans notre deuxième phase empirique, et
nous présentons (Chapitre VII) :
- les nouvelles questions de recherche ayant émergé à l’issue de notre première phase
empirique,
- notre choix de méthodologie d’étude de cas,
- le protocole de recherche suivi pour les deux études de cas menées.

Nous présentons ensuite successivement les résultats des deux études menées (Chapitres VIII &
IX) :
- l’étude de cas réalisée pour la marque voyages-sncf.com (étude empirique n°2),
- et l’étude de cas réalisée pour la marque Louis Vuitton (étude empirique n°3).
Pour chacune des études, nous exposons les résultats puis nous les discutons.

185
Chapitre VI. Stratégie marketing

186
Chapitre IV. Stratégie marketing

Chapitre VI. Stratégie marketing :


Définitions des concepts fondamentaux et revue des courants de pensées existants

Notre projet de thèse vise à étudier l’élaboration d’une stratégie de contenu de marque digital. Nous
abordons dans ce chapitre le champ principal de notre recherche – la stratégie marketing – en
définissant dans une première section les étapes qui constituent son processus de formation et en
présentant dans cette même section les différents points de vue ou courants de recherche sur ce
processus d’élaboration dans l’organisation (VI.1). Nous relevons ensuite deux questions centrales
dans l’étude de l’élaboration d’une stratégie marketing : la première question se réfère au rôle des
acteurs de l’élaboration de la stratégie et des divergences d’intérêts pouvant exister entre eux ; nous
présentons alors différentes approches permettant de comprendre le conflit et la recherche de
compromis (VI.2). La deuxième question concerne les décisions d’allocations budgétaires marketing,
elle englobe notamment les problématiques de choix auxquelles se confrontent les managers, entre le
financement d’activités générant des revenus sur le court-terme (comme la promotion des ventes) et le
financement d’activités rentables sur le long-terme (telles que la publicité) (VI.3). Ce sixième chapitre
nous permet de poser les fondements théoriques de notre recherche.

VI.1. Stratégie et décision marketing


VI.1.1. Marketing et stratégie
VI.1.2. Points de vue sur la stratégie et son élaboration
VI.1.3. Focus sur la décision, une étape clé du processus d’élaboration de la stratégie
VI.1.4. Représentation paradoxale de la stratégie entre approche transcendante et approche immanente

VI.2. Les acteurs de l’organisation et la décision


VI.2.1. Le marketing : philosophie ou département de l’organisation
VI.2.2. L’organisation comme lieu de rencontre entre différentes logiques ou mondes de valeurs
VI.2.3. Les stratégies mises en place pour contourner les divergences d’intérêts

VI.3. Stratégie et décision : application à la stratégie de communication de la marque et aux


décisions d’allocation des ressources budgétaires
VI.3.1. De la distinction entre activités aux effets de court-terme et activités aux effets de long-terme
VI.3.2. La décision sur l’allocation des budgets marketing

187
Chapitre VI. Stratégie marketing

188
Chapitre VI. Stratégie marketing

VI.1. Stratégie et décision marketing

Cette première section nous permet de définir la stratégie, de détailler ce qui est étudié lorsque l’on
s’intéresse à la compréhension d’une stratégie (son processus d’élaboration et son contenu), de
proposer un aperçu des différentes réflexions sur la stratégie et son élaboration et de mettre enfin
l’accent sur une étape clé dans la formation de la stratégie : la décision stratégique.

VI.1.1. Marketing et stratégie

Nous définissons ici la stratégie et ses différents niveaux dans l’organisation. Nous décrivons aussi les
étapes qui constituent son processus d’élaboration.

1) Définition générale et niveaux de la stratégie

L’AMA (American Marketing Association) définit le marketing de la façon suivante : “Marketing is


the activity, set of institutions, and processes for creating, communicating, delivering, and exchanging
offerings that have value for customers, clients, partners, and society at large.”
Pour Kotler (1997), le marketing ne peut être envisagé comme un système figé de concepts et
d’axiomes, mais constitue au contraire l’un des champs les plus dynamiques en management. Les
nombreux éléments contextuels peuvent avoir un impact significatif sur la nature et sur le périmètre de
la discipline marketing : l’influence du digital sur l’éducation marketing, sur sa pratique et sur la
recherche qui lui est associée est par exemple significative (Sheth et Sisodia, 2000).

Webster (1992) intègre la stratégie marketing dans la définition du marketing en proposant trois
dimensions distinctes du marketing : il envisage 1) le marketing comme culture, 2) le marketing
comme stratégie et nous situe de fait au niveau de la Business Unit ; on se concentre alors sur des
problématiques de segmentation, de ciblage, de positionnement afin de déterminer la manière d’opérer
sur le marché choisi et 3) le marketing comme tactiques : on se situe ici au niveau opérationnel : les
managers se concentrent sur les aspects des 4Ps (prix, produit, communication, distribution) et les
éléments du marketing mix.

La stratégie peut être envisagée à plusieurs niveaux (Varadarajan et al., 2002): 1) au niveau de la firme
(corporate), 2) au niveau des activités de la firme (business) et 3) au niveau de la fonction
(functional). 1) La stratégie corporate relève du choix de l’entreprise des activités (businesses) dans
lesquelles elle souhaite être présente. 2) La business ou competitive strategy se réfère à la manière
dont une activité (business) opère de manière à être compétitive sur le marché. 3) Au niveau de la

189
Chapitre VI. Stratégie marketing

fonction, la stratégie marketing se réfère à la manière dont l’entreprise déploie les ressources
marketing dont elle dispose pour atteindre l’avantage concurrentiel sur le marché.

Le processus de gestion des marques est un élément fondamental des politiques ou stratégies
marketing : il se constitue d’un ensemble de leviers d’actions permettant de maximiser la valeur
générée par les marques. La stratégie de marque constitue l’une des priorités actuelles des politiques
marketing. Elle peut permettre à l’entreprise d’adopter des stratégies de prix élevés, de fidéliser le
client ou de se différencier des concurrents. La marque est un élément clé de la stratégie d’une
entreprise dans la mesure où elle contribue à sa valorisation financière (Kotler et alii., 2009).

Nous retiendrons finalement qu’il existe trois niveaux de stratégies dans l’organisation : la stratégie de
la firme qui consiste à déterminer les activités sur lesquelles l’organisation se positionne, la stratégie
qui oriente les activités de la firme pour être compétitive et la stratégie fonctionnelle marketing qui
détermine l’allocation et le déploiement des ressources marketing. La stratégie marketing englobe la
stratégie de la marque. Notre projet de recherche concerne le troisième niveau – le niveau de la
fonction marketing : il s’agit d’étudier la stratégie de contenu de marque digital qui s’inscrit dans la
stratégie de communication et par conséquent dans la stratégie marketing de la firme.

Figure 15 : Niveaux corporate, business unit et fonctionnel de la stratégie

Niveau CORPORATE Stratégie de la firme

Stratégie de
Niveau de la BU chaque activité de la firme

Stratégie
Niveau de la marketing
FONCTION

Dans bon nombre de définitions, la stratégie a pour finalité de gagner un avantage compétitif. Ainsi,
Porter (1996) postule que l’essence de la stratégie se trouve dans des activités ou dans la décision
d’une entreprise de mettre en place des activités (précisément le choix des activités) et/ou de mettre en
place des activités différemment des concurrents. Day et ses collègues (1990) notent que la stratégie
marketing met l’emphase sur les activités et sur les décisions marketing ayant un lien avec ou
permettant de construire un avantage compétitif pérenne. La stratégie marketing vise à contribuer à
produire un avantage concurrentiel commercial, pour générer un chiffre d’affaires et une rentabilité
convenables (Trinquecoste, 1999).

190
Chapitre VI. Stratégie marketing

2) Conceptualisation de la stratégie marketing

Il s’agit ici de répondre à la question : qu’étudie-t-on lorsque l’on étudie la stratégie marketing ?
S’agissant des réflexions quant à la définition ou à la conceptualisation de la stratégie marketing,
certaines se limitent au contenu de la stratégie – qu’est-ce que c’est ? – d’autres englobent le contenu
et l’objectif – qu’est-ce que c’est et dans quel but ? – d’autres encore englobent le contenu, l’objectif
et le process – qu’est-ce que c’est, dans quel but et comment y arrive-t-on ? –.

Le tableau suivant nous permet de considérer différentes définitions de la stratégie marketing, pour les
mettre en regard les unes avec les autres et souligner les éléments fondamentaux à chaque définition
proposée :

Tableau 12 : Eléments de définition de la stratégie marketing


DEFINITION ELEMENTS FONDAMENTAUX DE LA
DEFINITION
Ma keti g st ateg is a set of i teg ated de isio s a d Set of decisions & actions
actions by which a business expects to achieve its marketing Marketing objectives
objectives and meet the value requirements of its usto e s. Value to consumers
(Slater et Olson, 2001)
Ma keti g st ateg is o e ed ith de isio s elati g to Decisions
market segmentation and targeting, and the development of Market segmentation, targeting, positioning
a positioning strategy based on product, price, promotion and 4P
dist i utio de isio s (Slater et Olson 2001)
Ma keti g a ti ities a d de isio s elated to uildi g a d Activities & decisions
ai tai i g a sustai a le o petiti e ad a tage Da et al. Competitive advantage
1990)

The p i a fo us of a keti g st ateg is the effe ti e Resources & activities


allocation and coordination of marketing resources and Allocation and coordination
a ti ities to ealize the fi ’s o je ti es ithi a spe ifi Objectives
product- a ket. Walker et al.2006)
Ma keti g st ateg efe s to a o ga izatio ’s i teg ated Integrated pattern of decisions
pattern of decisions that specify its crucial choices concerning Crucial choices
products, markets, marketing activities and marketing Products, markets, resources
resources in the creation, communication and/or delivery of Product creation, communication & delivery
products that offer value to customers in exchanges with the Value to consumer
organization and thereby enables the organization to achieve Organization objectives
spe ifi o je ti es. Varadarajan, 2010)

A la lumière des définitions qui nous sont proposées, l’étude de la stratégie marketing d’une entreprise
pourra donc consister à prendre en considération : 1) les décisions et l’articulation des décisions prises
entre elles – nous noterons ici l’importance donnée aux choix cruciaux (crucial choices) ou décisions

191
Chapitre VI. Stratégie marketing

stratégiques (versus tactiques) que nous définirons plus tard – 2) les objets des décisions prises : nous
inclurons ici ce qui se réfère à la segmentation , au positionnement, au ciblage, aux éléments des 4P 3)
les actions pouvant être représentées par la création ou le développement de produits, les activités de
communication et de distribution des produits 4) les ressources et leur allocation 5) les objectifs à
atteindre et 6) la valeur produite pour le consommateur.

La stratégie marketing correspond au contenu et aux finalités des activités. La mise en œuvre concerne
le qui, où, quand et comment. Elle est le prolongement tactique de la stratégie. Les deux notions –
stratégie et mise en œuvre – sont intimement liées (Kotler et al., 2009).

ère
Figure 16 : Représentation du processus de formation de la stratégie marketing (1 proposition)

ÉLABORATION

DÉCISIONS STRATÉGIQUES

- Segmentation
- Positionnement
- Ciblage

- Allocations des ressources


- Objectifs visés
VALEUR
Produite pour le client
- Décisions relatives aux 4P

MISE EN OEUVRE

ACTIONS >>> 4P

- Création, développement produit


- Communication
- Distribution

La notion d’allocations des ressources est centrale dans nombre de conceptualisations. Hofer et
Schendel (1980) définissent la stratégie comme un modèle (ou ensemble) de déploiements effectifs et
planifiés des ressources, et d’interactions environnementales qui indique comment l’organisation veut
atteindre ses objectifs. Barney (1996) définit la stratégie comme un modèle d’allocation de ressources
permettant à la firme d’améliorer ou de maintenir sa performance.

192
Chapitre VI. Stratégie marketing

En synthèse :
- Différentes étapes constituent la formation de la stratégie.
- L’élaboration de la stratégie et sa mise œuvre sont intimement liées ; l’étape de mise en
œuvre des décisions (appelée ACTIONS) sera considérée comme une étape du processus de
formationde la stratégie.
- L’allocation des ressources est centrale dans le processus ; elle se rattache à l’étape des
décisions stratégiques.
- Trois étapes ont finalement été identifiés dans le processus de formation de la
stratégie marketing : 1) une étape de décisions qui consiste à faire des choix stratégiques
(crucial choices), 2) une deuxième étape de mise en œuvre ou d’actions qui consiste à
appliquer les décisions prises et 3) une troisième étape ou résultat des deux étapes
précédentes concerne la création de valeur pour le client et donc pour l’entreprise.

VI.1.2. Points de vue sur la stratégie et son élaboration

Plusieurs écoles de pensées se sont intéressés à la stratégie et à son élaboration, qu’elles envisagent
chacune sous un angle de vue particulier. Henry Mintzberg (Mintzberg et al., 2009) propose un
panorama exhaustif de ces courants de recherche, nous en présentons ici une synthèse.
Nous abordons ensuite le glissement de la réflexion sur le contenu de la stratégie vers une réflexion
sur son processus d’élaboration.

1) Les écoles de pensées sur l’élaboration de la stratégie (Mintzberg et al., 2009)

Beaucoup de voies existent pour comprendre le processus et expliquer les résultats de la stratégie.
L’ouvrage de Mintzberg, Ahlstrand et Lampel (2009) constitue une référence pour comprendre les
différents courants de recherche portant sur la stratégie et sur son élaboration.
Les auteurs proposent dix écoles de pensées, représentatives des travaux existants : 1) l’école de la
conception où l’élaboration de la stratégie est envisagée comme un processus de conception, 2) l’école
de la planification où l’élaboration de la stratégie est envisagée comme un processus formel 3) l’école
du positionnement où l’élaboration de la stratégie est envisagée comme un processus d’analyse, 4)
l’école entrepreneuriale où l’élaboration de la stratégie est envisagée comme un processus visionnaire,
5) l’école cognitive où l’élaboration de la stratégie est envisagée comme un processus intellectuel, 6)
l’école de l’apprentissage où l’élaboration de la stratégie est envisagée comme un processus émergent,
7) l’école du pouvoir où l’élaboration de la stratégie est envisagée comme un processus de
négociation, 8) l’école culturelle où l’élaboration de la stratégie est envisagée comme un processus

193
Chapitre VI. Stratégie marketing

collectif et collaboratif, 9) l’école environnementale où l’élaboration de la stratégie est envisagée


comme un processus de réaction et 10) l’école de la configuration où l’élaboration de la stratégie est
envisagée comme un processus de transformation.

Plusieurs regroupements permettent de différencier les dix écoles (Mintzberg et al., 2009) :
1) Un premier groupe se constitue des écoles 1, 2 et 3 : elles sont appelées « écoles normatives » dans
la mesure où elles ont vocation à décrire la façon dont il faudrait (en théorie) concevoir la
stratégie.
2) Les écoles 4, 5, 6, 7, 8 et 9 ont pour point commun de donner des descriptions de véritables
processus d’élaboration (et non de comportements idéaux comme c’est le cas dans le premier
groupe).
3) Les écoles 6, 7, 8 et 9 représentent par ailleurs des tentatives d’étendre le processus de la stratégie
au-delà de l’individu, de prendre en compte d’autres forces et d’autres acteurs.

L’influence d’une école ou d’une autre dans les réflexions portant sur la stratégie a évolué dans le
temps. Si les écoles normatives furent dans un premier temps dominantes (écoles de la conception et
de la planification dans les années 70 puis école du positionnement dans les années 80), elles sont
aujourd’hui moins populaires. Depuis les années 90, le champ est assez éclectique : les autres écoles
ont gagné en importance. On observe depuis quelques temps une attention marquée – chez les
universitaires aussi bien que chez les praticiens – pour l’école du pouvoir afin de comprendre le rôle
des conseils d’administration, ou encore la dynamique des équipes dirigeantes. Deux autres écoles se
sont significativement développées : il s’agit de l’école de la configuration et de l’école de
l’apprentissage. Les thèmes abordés sont par exemple ceux des stades du développement stratégique,
ou de la transformation stratégique. (Mintzberg et al., 2009).

Nous présentons dans les pages suivantes un tableau de synthèse des dix écoles proposées qui mettra
en évidence la vision de la stratégie offerte par chacune des écoles, les auteurs phares des courants de
pensées, leurs idées fortes. Les auteurs se sont finalement prêtés au jeu de représenter chacune des
écoles par une espèce animale ; nous avons reporté dans notre synthèse chacune de ces figures
métaphoriques dans l’objectif de représenter de façon symbolique et donc de mieux comprendre
chacune des écoles définies.

194
Chapitre VI. Stratégie marketing

Tableau 13 : Les di oles d’ la o atio de la st at gie ou di a i es de voi la st at gie Mi z e g et. al, 2009)

ÉCOLE VISION DE LA STRATÉGIE AUTEURS PHARES IDÉES FORTES FIGURE MÉTAPHORIQUE

1. École de la Elaboration de la stratégie comme Selznick, Chandler, Poi t de ue le plus i flue t : l a al se “WOT. L a aig e : « figure
conception processus de conception. La Learned, Andrews, Prise en compte des éléments internes et solitaire concevant
st at gie o ie t e e s l alig e e t Christensen, Porter e te es de l e t ep ise. “t at gie aît is e pa méticuleusement sa
de l e t ep ise et de so un seul et unique individu. A un moment donné toile, assez forte pour
environnement. (pas de considération évolutive). Distinction exploiter ses
entre la formulation de la stratégie (la pensée) compétences singulières
et so appli atio l a tio . et s’adapte au ieu »

2. École de la Elaboration de la stratégie en tant Ansoff, Steiner Fondements du management stratégique. La L ureuil :
planification que processus formel stratégie est considérée comme le sultat d u « rassemblant et
processus maîtrisé de planification formelle, rangeant ses ressources
décomposé en étapes (définition des objectifs, en prévision des
audit interne et externe, évaluation du ROI, du prochains mois »
is ue et de la aleu , o tisatio … . En
principe la responsabilité du processus revient
au PDG, dans la pratique les équipes de
planificateur assument son exécution.

3. École du Elaboration de la stratégie en tant Porter, Schoeffler, Importance accordée à la stratégie en elle- Le buffle : « paraissant
positionnement ue p o essus d a al se Buzzel même plutôt que sur la manière dont elle est indifférent, vautré avec
formulée, focus sur le contenu de la stratégie. volupté dans une
Seul un certain nombre de stratégies position choisie »
(positionnement) sont souhaitables dans un
secteur donné pour atteindre des bénéfices
supérieurs aux concurrents. Le dirigeant est le
stratège ui fait le hoi d u e st at gie pa i
un nombre de possibilités limitées. Outil phare :
la matrice BCG.

195
Chapitre VI. Stratégie marketing

4. École Elaboration de la stratégie en tant Kets de Vries, Ecole descriptive qui vise à comprendre le Le loup « solitaire »
entrepreneuriale que processus visionnaire Gartner, Collins, d oule e t de l la o atio de la st at gie. Le
Moore, Stevenson, di igea t est l a hite te de la stratégie (intérêt
Gumpert, Busenitz, pou sa tou u e d esp it, pou les a is es
Barney, Palich, de sa pensée). Concept fondamental : la vision
Bagby, Mintzberg, fai e uel ue hose d u i ue de l e t ep ise .
Bennis La st at gie e iste da s l esp it du leade , so
p o essus d la o atio est e a i dans son
expérience et dans son intuition, le leader en
fait la promotion avec détermination.

5. École cognitive Elaboration de la stratégie en tant Tripsas, Gavetti, Co p e d e l la o atio de la st at gie La chouette « perchée en
que processus intellectuel  Reger, Huff , Bogner comme un processus mental, en faisant appel à haut d’u a e , se
psychologie cognitive pour Thomas, Lyle la psychologie cognitive. créant un monde
p t e da s l esp it du st atège fantastique pour elle-
seule »
6. École de Elaboration de la stratégie en tant Lapierre, Lindblom, Apprentissage avec le temps. Environnement Les singes, joueurs et
l’app e tissage que processus émergent (latent)  Wrapp, Quinn complexe et imprévisible. Idée que les bien dans leur peau,
stratégie vue comme processus stratégies se forment au fur et à mesure que les « réagissant chaque fois
progressif, au rythme de managers dégagent des données de la u’u o g ea
l adaptatio de l e t ep ise ou de situation. Processus collectif. Le dirigeant gère trouvé quelque chose »
son apprentissage l app e tissage. Question centrale : comment
la stratégie se forme-t-elle da s l e t ep ise ?
Qui est l a hite te de la st at gie ? Où la
stratégie naît-elle da s l e t ep ise ? Le
processus est-il volontaire et conscient ? …)
Idée forte de la stratégie émergente :
o p e d e pa l a tio  une action isolée
aura des retombées, le processus est continu
jus u à e ue l e t ep ise se asse le su u
modèle qui deviendra sa stratégie.

7. École du pouvoir Elaboration de la stratégie en tant Mc-Milan, Sarazin, Elaboration de la stratégie comme processus Le lion
que processus de négociation Pettigrew, Bower, d i flue e, odel e pa le pou oi et la
(entre groupes opposés intra- Doz, Bolman, Deal politique. Distinction entre micro-pouvoir (à
e t ep ises ou e t e l e t ep ise et l i t ieu de l e t ep ise et a o-pouvoir (le

196
Chapitre VI. Stratégie marketing

le i o e e t e t ieu pou oi de l e t ep ise . Id e fo te de i o-


pouvoir : toute stratégie est un processus
politique (négociations, compromis entre les
individus). Compréhension du rôle des
individus.

8. École culturelle Elaboration de la stratégie vue Pettigrew, Johnson, L la o atio de la st at gie est u p o essus Le paon : « la seule chose
comme processus collectif et Goffee, Jones, d i te a tio so iale, as su des o a es et ui l’i t esse, ’est sa
collaboratif / Elaboration de la Feldman, Barney, des convictions partagées par les membres de eaut … à la a i e
stratégie enracinée dans la culture Firsirotu, Rieger l e t ep ise. La ultu e e e e u e i flue e su d’u e ultu e, ja ais il
de l e t ep ise le st le d isio el de l e t ep ise, ses ne change »
apa it s d a al ses et do so p o essus
d la o atio de la st at gie. Id e fo te de
résistance au changement  les convictions
partagées encouragent la stabilité, découragent
au contraire les changements stratégiques.

9. École Elaboration de la stratégie en tant L e i o e e t ep se te l e se le des L aut u he « ne veut


environnementale que processus de réaction, les fo es e t ieu es à l e t ep ise. L la o atio capter le regard de
origines de la stratégie se trouvent de la stratégie est un processus réflexe : personne dans son
dans le contexte extérieur de l e t ep ise agit à so environnement. environnement, sinon le
l e t ep ise  compréhension des Courant dérivé de la théorie de la contingence. sien propre »
pressio s e e es su l e t ep ise

10. École de la Elaboration de la stratégie en tant Co figu atio s o e de l tat de Le caméléon : « ils ont
configuration que processus de transformation. l e t ep ise et de so o te te à u o e t l’ai de changer sans
Ecole qui combine toutes les do . L e t ep ise passe pa diff e ts tats a t, passa t d’u e
autres : ses partisans tentent de ou configurations ; la stratégie permet de configuration à une
rassembler les différents passe d u tat à u aut e. Il e iste des autre, mais on doit se
composants des autres écoles  périodes de stabilité interrompues par des de a de s’ils e este t
stades distincts de la croissance de périodes de transformation. Le processus pas au fond toujours les
l e t ep ise ou de atu it  d la o atio de la st at gie peut p e d e mêmes »
élaboration de la stratégie vue toutes les formes proposées par les différentes
o e le passage d u tat à u e écoles de pensée, chaque formule doit
autre. po d e à l po ue et au contexte appropriés.

197
Chapitre VI. Stratégie marketing

Les auteurs assimilent les dix écoles de pensées à un portefeuille des méthodes possibles en
management stratégique, mais surtout comme les différentes dimensions d’un processus unique :
l’élaboration de la stratégie. Nous le prendrons comme tel – un panorama des dimensions possibles de
l’élaboration de la stratégie – et nous ferons des choix de considérer l’entreprise sous tel ou tel point
de vue le moment venu.

Nous noterons enfin que Mintzberg et ses collègues font état de huit problèmes ou problématiques
relatifs à la stratégie (contenu ou processus) qui peuvent être abordés sous l’angle de vue de telle ou
telle école :
1) Le problème de la complexité : quel est le bon niveau de complexité pour une stratégie ? Il s’agit
alors d’envisager tous les défis potentiels ou au contraire de ne garder que quelques idées qui feront
exemple.
2) Le problème de l’intégration : quel est le niveau d’intégration souhaitable ? Le plan permet
d’intégrer formellement ; la vision intègre mentalement.
3) Le problème du générique : existe-t-il une bonne stratégie unique, originale ? Le nombre de
stratégies est-il infini ou existe-t-il un ensemble générique dans lequel les entreprises peuvent choisir ?
L’école du positionnement préconise des stratégies génériques, a priori clairement définies ; l’école
entrepreneuriale et culturelle postulent que la stratégie est unique et correspond à la vision d’une
personne ou d’une culture d’entreprise.
4) Le problème du contrôle : pour être efficace, le processus d’élaboration de la stratégie doit-il être
délibéré ou émergent ? Les trois premières écoles normatives soutiennent la thèse de la stratégie
délibérée, ainsi que dans une certaine mesure l’école entrepreneuriale. L’école de l’apprentissage
revendique plutôt l’émergent.
5) Le problème du collectif : qui est le stratège ? L’élaboration de la stratégie est-elle un processus
personnel, technique, physiologique, collectif … ?
6) Le problème du changement : comment les stratèges réconcilient-ils les forces conflictuelles
poussant les unes au changement, les autres à la stabilité ? Comment maintiennent-ils l’ordre,
l’efficacité dans des situations de reconfiguration, d’adaptation, de riposte … ? Pour l’école de la
planification, l’entreprise peut connaître simultanément la stabilité et le changement versus les écoles
environnementale et culturelle pour lesquelles la stratégie ne change que rarement ou jamais.
7) Le problème du choix : quelle est l’étendue du choix stratégique ?
8) Le problème de la pensée : quelle quantité de pensée stratégique souhaitons-nous ? Qu’est-ce que la
pensée stratégique ? Quelles sont ses formes – ou styles stratégiques – les plus efficaces ? Comment la
pensée et l’action s’harmonisent-elles le mieux ?

198
Chapitre VI. Stratégie marketing

Mintzberg (et al.) ne tranche pas sur une ambiguïté : « Les différentes écoles étudiées décrivent-elles
des processus différents d’une entreprise à l’autre ou bien des parties différentes d’un même
processus ? Est-ce qu’il s’agit d’une espèce animale unique ou bien de plusieurs espèces ? Le stratège
doit-il choisir parmi les éléments proposer ou bien doit-il les combiner entre eux ? » La réponse est
oui dans les deux cas.

2) La stratégie : du contenu au processus

Le courant de recherche initié par Mintzberg et Waters (1985) dans les années 80 marque une rupture
avec le courant traditionnel qui s’interrogeait jusque-là sur le contenu de la stratégie. Pour la première
fois, on s’intéresse à la stratégie comme un processus de management (et non plus uniquement
comme un contenu) en s’efforçant de répondre à la question « Comment la stratégie est-elle
élaborée ? ».
Dans l’extension des travaux de Mintzberg et Walters (1985) la formation de la stratégie est définie
comme la collusion (dans le temps) d’intentions managériales délibérées (qui prennent la forme de
choix stratégiques), de la mise en œuvre des efforts nécessaires et de développements non-anticipés
qui tous ensemble débouchent sur des allocations de ressources, des choix de positions pour atteindre
les résultats voulus (performance). Le terme « formation de la stratégie » peut être choisi, plutôt que
« processus stratégique » : il permet de mettre l’accent à la fois sur la stratégie réalisée et sur le
processus ayant permis sa réalisation. Le processus est alors considéré comme une séquence
d’événements en développement (developmental event sequuence) (Langley, 1999 ; Miles et
Hubermann, 1994 ; Poole et al., 2000) débouchant sur un résultat. Les recherches portant sur la
formation de la stratégie consisteront à re-construire la chronologie des événements (Sminia, 2009)
dans l’objectif de répondre à la question « Pourquoi ? » ou autrement dit « Qu’est-ce qui a conduit à
quoi ? ». On s’efforcera alors de comprendre l’enchaînement des événements. Les recherches sur la
stratégie impliquent la réalisation d’études de cas approfondies sur une organisation avec l’objectif de
décrire la stratégie comme un modèle dans un courant (stream) d’actions sur une période de temps
long (Mintzberg et Waters, 1985).

199
Chapitre VI. Stratégie marketing

En synthèse :

- La stratégie a longtemps été étudiée pour son contenu, puis plus récemment pour son
processus d’élaboration.
- Les sept écoles de pensées autres que normatives nous semblent à ce stade plus intéressantes
pour notre recherche, dans la mesure où elles visent une compréhension du processus
d’élaboration de la stratégie.
- Le chercheur qui étudie ce processus doit alors se poser les questions suivantes : « Qu’est-ce
qui a conduit à cette stratégie ? Quels sont les événements qui ont constitué cette stratégie ?».
La méthodologie des études de cas est alors préconisée.
- Le terme ‘formation de la stratégie’ (strategy making) est approprié à notre recherche : il
désigne à la fois le processus d’élaboration de la stratégie et sa mise en œuvre.

VI.1.3. Focus sur la décision, une étape clé du processus de formation de la stratégie

L’étape de décisions stratégiques revêt un intérêt particulier qui justifie que nous nous attardions sur sa
définition.

1) La décision stratégique

Dans leur définition du concept de Marketing Strategy Making (MSM), Menon et ses collègues (1999)
mettent l’emphase sur l’étape de décision du processus, et sur ce qui se passe en amont de la décision
ou des choix stratégiques. Plus précisément, différentes étapes du processus de formation de la
stratégie sont décrites, telles que :
- Une analyse SWOT dans le périmètre de la stratégie marketing (Kohli et Jaworski, 1990)
- Une analyse des différentes stratégies possibles (Eisenhardt, 1989 ; Fredrickson, 1983)
- La considération des ressources et des capacités marketing (Bharadwaj et al., 1993; Day,
1994)
- L’intégration des équipes chargées d’appliquer la stratégie
- Le consensus et l’adhésion à la stratégie choisie (Wooldridge et Floyd, 1989).

Dans le même ordre d’idées, Mintzberg et al. (1976) désignent trois phases qui se situent de notre
point de vue dans l’étape de décision du processus de formation de la stratégie :

200
Chapitre VI. Stratégie marketing

1) La phase d’identification consiste à reconnaître le problème ou l’opportunité (par exemple une


croissance ou une baisse de revenu) et à en faire le diagnostic.
2) La phase de développement consiste à la création d’actions alternatives : les solutions peuvent être
recherchées parmi les expériences basées sur la passé ou au contraire consister à proposer quelque
chose de totalement nouveau (out of the box thinking).
3) La phase de sélection consiste à faire un choix entre les différentes alternatives.

Les réflexions issues de ces différents travaux nous permettent d’étoffer la représentation de la
stratégie proposée plus haut, en précisant l’étape relative à la décision :

Figure 17 : Représentation du processus de formation de la stratégie marketing (2ème proposition)

DIAGNOSTIC de l opportunité, du
problème

DEVELOPPEMENT d alte ati es


ÉLABORATION
SELECTION
DÉCISIONS STRATÉGIQUES

- Segmentation
- Positionnement
- Ciblage

- Allocations des ressources


- Objectifs visés
VALEUR
- Décisions relatives aux 4P Produite pour le client
Intégration des
équipes, recherche
MISE EN OEUVRE
de consensus
ACTIONS >>> 4P

- Création, développement produit


- Communication
- Distribution

2) Toute décision est-elle véritablement stratégique ?

Plusieurs travaux se questionnent sur la portée stratégique des décisions prises dans l’entreprise.
Dans un contexte restreint, tel que le lancement d’un nouveau produit par exemple, Crawford et Di
Benedetto (2008) distinguent les décisions d’ordre stratégique – quelles directions prendre, à qui et
comment vendre – des décisions tactiques relatives aux éléments du marketing mix. Varadarajan

201
Chapitre VI. Stratégie marketing

(2010) s’interroge alors sur le bien-fondé de cette distinction dans la mesure où certaines décisions
seront stratégiques ou pas, en fonction de la situation, de l’organisation etc. Mintzberg (1987) relève
aussi l’existence de cette dichotomie stratégique versus tactique (ou moins stratégique). Il précise alors
que le choix de tel ou tel adjectif afin de définir telle ou telle problématique relève davantage du
contexte ou de la situation et que la considération de ladite problématique comme étant stratégique
peut se faire avant ou après l’action « The point is that these sorts of distinctions can be arbitrary and
misleading, that labels should not be used to imply that some issues are inevitably more important
than others. ... Thus there is good reason to drop the word ‘tactics’ altogether and simply refer to
issues as more or less ‘strategic,’ in other words, more or less ‘important’ in some context, whether as
intended before acting or as realized after it.»
Les décisions marketing stratégiques représentent les décisions d’une organisation marketing ayant un
impact sur ses performances de long terme (Varadarajan, 2010). On retrouve ici une notion proche de
valeur créée ou de l’avantage compétitif cités plus haut. Dans certaines conditions, des décisions
triviales telles que l’arbitrage des budgets publicitaires peuvent être considérées comme stratégiques
dans la mesure où elles ont impact direct sur la trésorerie disponible de la firme.

De nouvelles approches de la décision consistent à identifier les décisions critiques, piliers pour le
succès des produits et services de l’entreprise pour en améliorer l’efficacité du processus (Joshi et
Giménez, 2014). Trois catégories de décisions marketing cross organisationnelles peuvent être citées :
1) Les décisions relatives à la stratégie et à la planification de la stratégie (strategy and
planning decisions): ce sont des décisions relatives à l’alignement entre les objectifs marketing ou
encore à l’alignement des priorités marketing et commerciales par exemple. Elles répondent à des
questions telles que « Sur quel segment client le soutien marketing doit-il se concentrer ? » « Quel est
l’arbitrage optimal des budgets entre les canaux de communication ? » 2) Les décisions d’exécution
(execution decisions) : le développement des canaux marketing et des technologies digitales
augmentent la complexité de création et de communication des messages. Ces décisions concerneront
par exemple des questions relatives au mix idéal entre canaux traditionnels et canaux digitaux. 3) Des
décisions relatives aux opérations (operations and infrastructure decisions) : elles se réfèrent aux
capacités nécessaires et couvrent par exemple des questions telles que « Quelles activités garder « in-
house », lesquelles automatiser et lesquelles externaliser ? ».

3) Quelques théories éclairantes sur la décision stratégique

Hult (2011) identifie trente et une théories des organisations pertinentes pour comprendre
l’organisation marketing. Ces théories sont reconnues pour contribuer de manière significative à
l’étude des organisations marketing (Workman et al., 1998) ainsi qu’au phénomène de marketing
stratégique (Varadarajan, 2010). Parmi ces théories, huit d’entre elles concernent le leadership et la

202
Chapitre VI. Stratégie marketing

formation de la décision (decision making) (Hult, 2011). Cinq de ces théories nous semblent
particulièrement pertinentes pour la compréhension de la décision stratégique : la théorie des échelons
supérieurs (upper echelons theory) et la théorie du choix stratégique (strategic choice theory), la
théorie de la rationalité limitée (bounded rationality), la théorie du prospect (prospect theory) et la
théorie des options réelles (real options theory).

Hult (2011) considère que les implications les plus évidentes sur la compréhension de la formation de
la décision sont issues de la théorie des échelons supérieurs. Cette théorie se fonde sur le principe que
les résultats de l’organisation sont influencés par le vécu de ses managers d’échelon supérieur
(Hambrick et Mason, 1984). Les décisions prises sont influencées par les pratiques réussies et par le
passé managérial des managers de haut niveau. Plus largement, cette théorie reconnaît que la majorité
des résultats de la firme sont fonctions des décisions prises par les managers d’échelon supérieur :
leurs choix concernant la structure de l’organisation et les stratégies marketing.

La théorie du choix stratégique (Child, 1997) est très proche de la théorie des échelons supérieurs. Elle
propose que les choix stratégiques des managers jouent un rôle déterminant dans les chances de succès
ou les risques d’échecs d’une organisation sur un marché. L’analyse du choix stratégique tient
compte : des relations entre managers marketing et leurs choix, des dynamiques du marché, des
relations entre les managers et le marché. Le choix stratégique est considéré comme un processus
politique qui met l’agence et la structure en tension dans un contexte, qui considère les relations entre
l’agence et la structure dans un environnement dynamique. Le choix stratégique représente le choix de
perspectives compétitives dans une approche non déterministe et évolutive. La décision s’inscrit ici
dans l’apprentissage organisationnel dans le contexte des organisations comme systèmes socio-
politiques.

La théorie de la rationalité limitée (Simon, 1945, 1957) envisage le contexte dans lequel la décision est
prise. Elle postule que la rationalité des marketers est limitée par l’information qu’ils peuvent obtenir,
leurs capacités cognitives et le temps dont ils disposent. On reconnaît que le manager est incapable
d’analyser toute l’information disponible et développe par conséquent des techniques, des habitudes
et des procédures qui facilitent la décision. Le comportement rationnel des managers et les limites de
la rationalité sont à la base de la formation de la stratégie marketing.

La théorie du prospect et la théorie des options réelles envisagent l’implication du risque dans la
décision. La théorie du prospect (Kahneman et Tversky, 1979) stipule que les leaders marketing
évaluent les alternatives en fonction du risque. Les décisions sont prises en fonction du risque qu’elles
représentent. Les individus évaluent les gains et les pertes potentielles de la décision.

203
Chapitre VI. Stratégie marketing

Un postulat que mobilise aussi la théorie des options réelles (Myers, 1977). Cette théorie diffère de la
théorie du prospect dans la mesure où elle considère la valeur totale du projet, où le coût est constitué
par l’investissement requis et par le temps nécessaire de maturité (la période pendant laquelle le
manager peut différer l’investissement avant qu’il n’expire). Il ne s’agit de considérer uniquement les
aspects financiers du projet mais plutôt l’investissement total du projet.

VI.1.4. Représentation paradoxale de la stratégie : entre approche transcendante et approche


immanente

Dameron et Torset (2014) analysent les discours des managers stratèges s’exprimant sur la stratégie et
sur sa formation. Ils observent que, lorsqu’ils définissent la stratégie, les stratèges oscillent entre deux
perspectives : une vision transcendante49 de la stratégie (transcendent view) et une vision immanente50
(immanent view). Cette perspective donnée d’un paradoxe entre deux conceptions de la stratégie
s’inscrit dans la continuité de travaux antérieurs sur l’approche émergente versus délibérée de la
formation de la stratégie (Mintzberg et McHugh, 1985), sur les niveaux micro versus macro de
l’activité stratégique (Langley, 1999), sur la formation inductive versus déductive de la stratégie
(Regnér, 2003), ou encore sur la perspective collective versus individuelle de l’activité stratégique
(Chakravarthy et White, 2002).

L’approche transcendante de la stratégie se fonde sur des outils analytiques, sur des compétences et
sur des intentions délibérées. Elle correspond à l’analyse SWOT, à la littérature managériale initiée par
des auteurs tels que Peters, Sun Tsu, ou encore Kotler (Dameron et Torset, 2014). Elle considère la
stratégie dans un périmètre large et accorde une place importante à la notion de vision mais aussi à
l’analyse sur le long-terme, comme on peut le retrouver dans les travaux de Porter ou d’Ansoff.

L’approche immanente est pour sa part considérée comme enracinée dans les activités du quotidien,
dans la spéculation, dans les opportunités qui se présentent au stratège ou à l’organisation, et dans
l’émergence d’un ordre non intentionnel (unintended) (Chia et Holt, 2006). La vision immanente
considère la stratégie comme la composition d’un flot d’expériences vécues dans les activités du
quotidien. Cette vision de la stratégie est en cohérence avec le champ de la strategy as practice : elle
ne fait pas de distinction entre la formulation de la stratégie et sa mise en œuvre. Le processus est
considéré comme continu (ongoing): le stratège adapte en permanence ses choix. La stratégie peut être
comparée à une sorte d’activité hasardeuse et complexe qui dépend d’un grand nombre d’évolutions
qui ne sont pas anticipées. Le lien entre tactiques et stratégie est ici très fort : la stratégie peut être dans

49
Transcendant : élevé, supérieur, éminent
50
Immanent : inhérent, qui existe, qui réside dans le sujet agissant

204
Chapitre VI. Stratégie marketing

certains cas écrite après l’action ; la stratégie est alors considérée comme une tactique réussie et sera
qualifiée de stratégie réussie rétrospectivement. L’une des réflexions de Trinquecoste (1999) rejoint
ce point de vue : « La conscience d’une stratégie pourrait ne pas exister a priori, mais l’analyse a
posteriori de la décision et de l’action permettrait de qualifier de stratégiques des choix ayant, sans
qu’on l’ait envisagé au moment de la décision ou de la mise en œuvre, affecté durablement la
compétitivité de l’entreprise et consécutivement, sa performance. ». Cette perspective est congruente
avec les travaux de Mintzberg, Cyert et March ; elle met en lumière le processus continu de la
stratégie, difficile à anticiper et dans un état d’adaptation permanente.

L’approche transcendante définit la stratégie comme un processus structuré, dans lequel la décision
précède l’action. L’approche immanente considère la stratégie construite sur des activités spéculatives
qui seront rationnalisées rétrospectivement.
Dameron et Torset (2014) mettent en regard pour chacune des deux approches quatre couples de
tensions : 1) la tension sociale (être seul stratège décisionnaire versus partager, collaborer avec ses
pairs), 2) la tension liée aux contraintes endogènes versus exogènes, 3) la tension cognitive (place
donnée à l’analyse versus à l’intuition) et 4) la tension temporelle (le temps accordé à la décision
versus celui de l’action). Chacune de ces tensions est détaillée dans le tableau qui suit.

205
Chapitre VI. Stratégie marketing

Tableau 14 : Paradoxe et tensions des approches de la stratégie

Approche transcendante de la Approche immanente de la stratégie


stratégie

1) Tension sociale Solitude ressentie par le stratège Aspect interactif décrit comme
dans le processus de formation de la dimension essentielle dans le processus
stratégie (strategy making). Défense de formation de la stratégie. Partage
de ses choix devant les acteurs et d id es et de p ati ues e t e les
a tio ai es de l o ga isatio . stratèges.

2) Tension entre vision Vision exogène de la stratégie dans Vision endogène : met en valeur les
endogène versus exogène laquelle les concurrents, les clients et routines et les valeurs internes de
de l’e i o e e t le marché ont une position l o ga isatio , so histoi e et les
dominante. Considère la stratégie pouvoirs internes dans la formation de
comme résultat des contraintes la stratégie.
externes.

3) Tension cognitive Perspective rationnelle et I po ta e do e à l’i tuitio .


analytique. L a al se e ou e des Approche de la stratégie fondée sur le
outils analytiques, des modèles raisonnement analogique, sur
financiers, des processus formalisés. l expérience et sur l i tuitio .
Les outils analytiques sont mobilisés Importance donnée au réseau social, à
pour contrôler et prendre les bonnes l app e tissage et à l ou e tu e
décisions. Les indicateurs quantitatifs d esp it.
tels que le CA, les marges, la
profitabilité sont essentiels à la
réflexion stratégique.

4) Tension temporelle Réflexion (thinking) : activités Action (acting) : pratique au quotidien,


cognitives, sociales, analytiques de tests et expérimentations grâce
l i de tifi atio du p o l e au auxquelles les stratégies sont créées et
déploiement de la stratégie. Temps ises e œu e.
pendant lequel les stratèges Action, urgence, expérimentation.
pe se t, d li e t et s oute t,
discutent et go ie t …
Temps social nécessaire avant
l a tio .

Les stratèges choisissent d’adopter l’une ou l’autre des perspectives ou de les combiner dans leur
activité de formation de la stratégie. Leur rôle consiste à gérer le paradoxe51 résultant des tensions

51
La notion de paradoxe peut se définir ainsi : « contradictory yet interrelated elements that exist
simultaneously and persist over time» ; il se caractérise par des tensions prises en compte simultanément. Il se
différencie du dilemme qui vise à la résolution par la séparation des tensions, ou encore de la dialectique qui
consiste à faire la synthèse des tensions (Poole et Van de Ven, 1989 ; Smith et Lewis, 2011).

206
Chapitre VI. Stratégie marketing

existantes. Le fait ou l’acte de faire de la stratégie (strategizing) est alors conceptualisé comme l’art
d’équilibrer les quatre tensions.

La proposition de Dameron et Torset (2014) nous permet de comprendre la formation de la stratégie à


la fois :
- comme un processus formel et réfléchi dans lequel le stratège se donne le temps de cette
réflexion et mobilise les outils et analyses qui lui sont nécessaires ; il porte la responsabilité de
la décision,
- comme un processus continu et en cours dans lequel la stratégie se construit dans l’action ; la
formulation de la stratégie et sa mise en œuvre ne sont dans ce cas pas distinctes.

Cette vision paradoxale du processus d’élaboration de la stratégie nous permet de compléter la


représentation que nous nous en faisions jusqu’ici, largement inspirée de l’approche transcendante (cf.
figure 3).

Figure 18 : Représentation paradoxale du processus de formation de la stratégie marketing

DIAGNOSTIC, ANALYSE

DÉCISIONS
DÉCISIONS STRATÉGIQUES STRATÉGIQUES

ACTIONS
ACTIONS, MISE EN OEUVRE

Approche transcendante TENSIONS Approche immanente

207
Chapitre VI. Stratégie marketing

En synthèse :
- La phase de décision est une phase cruciale dans le processus d’élaboration de la
stratégie et peut être précédée d’une étape de diagnostic de la situation. Cette vision de la
stratégie qui partage son processus de formation en étapes distinctes et identifiées se
rapproche d’une vision transcendante du processus de formation de la stratégie.
- Une décision peut être considérée comme stratégique lorsqu’elle concerne un choix
décisif pour la firme, ou plus précisément lorsqu’elle aura un impact sur sa performance
de long-terme. Nous retiendrons que l’arbitrage sur les budgets publicitaire constitue, en
ce sens, une décision stratégique.
- La phase de décision présume la recherche de consensus entre les individus.
- Plusieurs théories des organisations permettent d’envisager la décision sous des
perspectives différentes : ainsi le rôle du manager, son passé managérial, ses capacités
cognitives, son attitude face au risque sont des éléments déterminants de la décision.
- Une perspective immanente de la stratégie n’isole pas les étapes d’élaboration de la
stratégie et de sa mise en œuvre et s’inscrit ainsi dans le courant de pensées de la strategy
as practice.
- Nous retiendrons finalement la thèse de Dameron et Torset (2014) qui proposent que les
deux approches de la stratégie – transcendante et immanente – coexistent dans
l’organisation ; le rôle du stratège est alors de gérer ce paradoxe.

208
Chapitre VI. Stratégie marketing

VI.2. Les acteurs de l’organisation et la décision

Nous nous intéressons dans cette deuxième section au rôle des acteurs dans le processus de formation
de la stratégie. Il nous semble tout d’abord important de positionner le marketing – en tant que
philosophie puis en tant que fonction – dans l’organisation. Nous soulignons ensuite que la diversité
des acteurs œuvrant pour l’organisation soulève la question de pluralité des logiques qui animent ces
acteurs et des stratégies mises en place pour que la diversité des logiques ne soit pas un frein à la
performance de l’entreprise.

VI.2.1. Le marketing : philosophie ou département de l’organisation

Nous présentons ici une première vision idéale et moderne envisageant le marketing comme une sorte
de philosophie diffuse dans l’organisation ; une autre vision probablement plus réaliste décrit un
cloisonnement des départements, une organisation encore silotée et génératrice de conflits.

1) La philosophie marketing diffuse dans l’organisation

Selon l’optique marketing, tous les services doivent « penser client » c’est-à-dire satisfaire ses besoins
et ses attentes. Le rôle du marketing est alors double : il consiste à coordonner les activités marketing
internes et à collaborer avec les autres services pour développer une sensibilité client commune
(Kotler et al., 2009). « Pour parvenir à l’excellence, les responsables marketing doivent évoluer : ils
doivent privilégier un marketing plus holiste et moins cantonné à un département ; renforcer leur
influence dans l’organisation afin de participer aux choix stratégiques (…) construire les marques à
travers un engagement de performance et pas seulement à travers des réductions de prix ; intégrer le
numérique à l’ensemble des pratiques … » Ainsi, Kotler et ses collègues préconisent pour les années à
venir le déclin des départements marketing cloisonnés au profits d’un marketing diffusé dans
l’entreprise toute entière.

L’idée d’un marketing qui dépasse les frontières de la fonction (boundary spanning) (Hult, 2011),
d’une organisation marketing généralisée est récurrente dans la littérature. La notion de marketing ne
peut dans cette optique être restreinte à un département ou à une fonction unique (Workman et al.,
1998). Keith (1960) introduit déjà cette idée en parlant de ‘marketing company’, soit du glissement
d’une entreprise intégrant le concept / la fonction de marketing à une entreprise marketing dans sa
globalité. La notion de marketing n’est pas rattachée à un département ou à une fonction (Walker et
Ruekert, 1987) mais plutôt fondée sur un ensemble d’activités (Day, 1994). L’emphase portée sur les

209
Chapitre VI. Stratégie marketing

activités marketing plutôt que sur la fonction permet au marketing de s’infiltrer dans l’ensemble de
l’organisation (Homburg et Pflesser, 2000). Moorman et Rust (1999) suggèrent que les organisations
s’émancipent de la fonction marketing pour devenir des organisations « marketing process » soit des
organisations qui diffusent et répandent les activités marketing parmi des non-spécialistes (Workman
et al, 1998).

La diffusion du marketing à l’ensemble de l’organisation peut être favorisée par la rapidité accrue avec
laquelle l’information circule dans l’organisation – grâce aux nouvelles technologies. Les frontières
entre la fonction marketing et les autres fonctions deviennent floues (Glazer, 1991). Au-delà du
marketing, dans un environnement où le volume et la vitesse de diffusion de l’information se sont
accélérés, plusieurs auteurs questionnent le besoin d’évoluer d’une organisation moins hiérarchique,
moins centralisée, vers une organisation plus plate et plus décentralisée, où le pouvoir de décision est
donné à des individus plus proches des consommateurs et plus à même de connaître leurs besoins
(Capon et Glazer, 1987 ; Drucker, 1988 ; Mintzberg, 1979). L’environnement actuel demande un
partage du processus de décision (shared processing) qui représenterait un gain en efficacité par
rapport au modèle de structure ancienne. Cela signifierait la présence de groupes de décisions cross-
fonctionnels ou interdépartementaux (Glazer, 1991).

"Marketing" has always been simultaneously a way of thinking or philosophy of problem-solving and
a set of activities associated with a specific function (the "marketing department"). Both as a
philosophy and as a function, marketing competes with other philosophies and other functions. If the
changing information environment succeeds in transforming business activity along the lines
suggested here, marketing as philosophy would appear to have triumphed even as its activities have
become too important to be left to the marketing function.” (Glazer, 1991)

Les entreprises les plus en avance créent des organisations marketing d’un nouveau genre : moins
silotées, plus interactives, plus collaboratives ; elles améliorent ainsi la valeur et l’efficacité du
marketing tout entier (Joshi et Giménez, 2014).

2) Le cloisonnement des fonctions

La vision d’un esprit ou d’une philosophie marketing diffus dans l’ensemble de l’organisation peut
pour certains paraître utopique, éloignée des situations réelles. La plupart des marketers peuvent être
entravés dans des contraintes structurelles et dans des capacités limitées. Les priorités stratégiques
peuvent avoir du mal à s’affranchir des frontières imposées par l’organisation. Un exemple souvent

210
Chapitre VI. Stratégie marketing

cité est celui du désaccord qui peut exister entre les départements marketing et commercial d’une
même entreprise (Joshi et Giménez, 2014).

Si le sujet des interfaces entre le département marketing et d’autres départements de l’organisation a


été étudié – interfaces entre marketing et recherche et développement (Gupta et al., 1986 ; Ruckert et
Walker, 1987), interfaces entre marketing et production (Griffin et Hauser, 1992 ; Kahn et Mentzer,
1998) –, relativement peu de travaux se sont en revanche consacrés aux relations entre les
départements marketing et commercial (Homburg et Jensen, 2007).
Un certain nombre de travaux ont établi que les fonctions de marketing et commerciale sont très
souvent réparties dans deux départements bien distincts de l’entreprise (e.g. Panigyrakis et
Veloutsou,1999 ; Piercy, 1986) et les premiers travaux qualitatifs (Dewsnap et Jobber 2000) ont pu
mettre en évidence que les relations entre les deux entités sont souvent de nature conflictuelle. Les
frictions peuvent être attribuées à des divergences d’objectifs (Strahle et al., 1996) : le marketing se
caractérise pour être orienté long-terme et produit, alors que le commercial est orienté court-terme et
client (Cespedes, 1994).

Dans une configuration organisationnelle en silos, chaque service analyse les problématiques et les
objectifs de son propre point de vue, ce qui pourra être source de conflits. Le devoir de l’entreprise est
dans ce cas de promouvoir une orientation équilibrée des décisions et des activités par exemple par le
biais de l’organisation de séminaires, ou de la mise en place d’équipes plurifonctionnelles (Shapiro,
1977).

VI.2.2. L’organisation comme lieu de rencontre entre différentes logiques ou mondes de valeurs

Deux perspectives proches peuvent nous permettre de comprendre la diversité des opinions au sein
d’une même organisation : il s’agit de la théorie des logiques institutionnelles et de la théorie de la
justification. Il existe de nombreuses similitudes entre ces deux théories dans leur approche du
processus de légitimité. Ainsi le parallèle peut être fait entre les ordres de grandeur et les logiques
institutionnelles en ce sens que ces deux concepts reflètent le degré de légitimité de certaines règles et
valeurs de société qui guident la conduite appropriée (Thorton et Ocasio 2008). Une troisième
perspective, celle de la vision du monde, permet de mettre en lumière l’existence de différences de
visions ou d’orientations d’un département à l’autre.

211
Chapitre VI. Stratégie marketing

1) La perspective des logiques institutionnelles

Les logiques institutionnelles sont un ensemble de pratiques, de valeurs et de croyances qui


façonnent la connaissance (cognition) et les attitudes (behavior) (Thornton, Ocasio, and Lounsbury,
2012). Chaque logique fournit des principes d’organisation correspondant à un domaine particulier de
la vie sociale. Différentes logiques peuvent se combiner, se chevaucher ; les acteurs sont confrontés à
et déploient différentes logiques (Friedland & Alford, 1991). Sept ordres institutionnels et logiques
associées ont été identifiés : la famille, la communauté, la religion, l’état, le marché, la profession et la
corporation (Thornton et al., 2012). Les logiques mises en œuvre dans les organisations et entre les
individus sont dérivées de ces logiques sociétales.

Les logiques peuvent se manifester de manière différente, en fonction de facteurs divers tels que le
contexte géographique, historique, culturel (Greenwood et al., 2010), la dépendance de l’organisation
à des fournisseurs de ressources clés (Jones et al., 2012) ou encore les expériences et identités des
acteurs individuels (Lok, 2010). Une seule et même organisation englobe plusieurs logiques ; elles est
par ailleurs confrontée à des environnements régis par différentes logiques institutionnelles et reflète
par conséquent cette variété de logiques dans sa structure et dans ses pratiques (Greenwood et
al.,2010, Kraatz & Block, 2008). Dans certains cas les logiques multiples co-existent dans
l’organisation et exercent une influence sur la mission centrale et sur la stratégie de l’organisation
(Pache & Santos, 2013) ; dans d’autres cas, une seule logique peut être dominante et d’autres
logiques plus mineures et périphériques peuvent alors co-exister (Jones et al., 2012). La prévalence de
telle ou telle logique varie en fonction du temps et du contexte (Thorton et al, 2012). Les logiques
institutionnelles procurent un large éventail de justifications sur lesquelles s’appuient les managers
pour soutenir des pratiques ou des comportements (Friedland et Alford, 1991).
Les avis quant à la possible coexistence de ces logiques et à leur efficacité sur le bien-être de
l’entreprise divergent. Alors que certains auteurs associent les logiques multiples à la contestation et
au conflit (Battilana & Dorado, 2010; Zilber, 2002), d’autres parlent de co-existence (McPherson &
Sauder, 2013) ou encore de combinaison de logiques (logic blending) (Binder, 2007). La présence de
logiques multiples dans l’entreprise peut freiner sa performance (Tracey, Phillips, & Jarvis, 2011), ou
au contraire rendre la firme plus innovante, plus rentable et plus endurante (Jay, 2012; Kraatz &
Block, 2008).

2) La perspective de la justification (Boltanski et Thévenot, 1991)

« A chaque instant, nous cherchons à rendre compréhensibles nos conduites, afin d’assurer à quelque
niveau que ce soit – le groupe, l’entreprise, la collectivité – la coexistence avec autrui par l’accord :
tels sont le rôle et la nature de la justification. »

212
Chapitre VI. Stratégie marketing

La théorie de la justification, autrement appelée théorie des économies de la grandeur, considère les
personnes et leurs prétentions à la justice. Elle tente de comprendre les principes, équivalences et
valeurs (les grandeurs) auxquels les acteurs se réfèrent lorsqu’ils veulent manifester leur désaccord.
Les acteurs ne sont plus réduits à des agents dominés par des forces extérieures mais comme des
personnes maîtres de leur conduite et de leur coexistence dans le monde.

Le modèle théorique des économies de la grandeur a été développé par Boltanski et Thévenot (1991)
dans l’objectif de mieux comprendre les capacités mises en œuvre par les acteurs lorsqu’ils doivent
justifier de leurs actions. Il peut constituer une nouvelle approche pour cerner le fonctionnement
d’une organisation, plus précisément pour mieux comprendre les modalités de coopération des acteurs
d’une entreprise en dépit de leurs intérêts divergents. Les organisations sont alors considérées comme
des composites comportant des dispositifs relevant de différents mondes (Boltanski et Thévenot,
1991). La théorie place la production des accords et la réalisation des coordinations entre personnes au
cœur de sa problématique. Les auteurs s’inspirent des diverses philosophies politiques pour dégager
les principes des équilibres de la Cité qui stipulent que les relations entre les personnes s’appuient sur
des « systèmes d’équivalences partagées » que l’on peut assimiler à des grandeurs communes,
autrement dit à des repères. Ces systèmes d’équivalences ou repères se déploient dans des mondes que
les auteurs identifient au nombre de six : 1) le monde de l’inspiration, 2) le monde domestique, 3) le
monde de l’opinion, 4) le monde civique, 5) le monde marchand et 6) le monde industriel. Chacun des
mondes décrits ne revêt qu’une existence théorique, toute situation donnant lieu à la rencontre entre
ces mondes dans la mesure où l’entreprise constitue un lieu de cohabitation entre plusieurs de ces
mondes. L’enjeu pour comprendre une situation, pour envisager les coordinations nécessaires est alors
d’identifier les mondes en présence dans cette situation. Chacun des six mondes se caractérise par un
certain nombre d’indicateurs. Le tableau ci-dessous permet de synthétiser les mondes considérés par la
théorie et leurs indicateurs.

213
Chapitre VI. Stratégie marketing

Monde Marchand Mo de de l’Inspiration Monde Industriel Monde de Monde Civique Monde Domestique
l’Opinion
Principe Concurrence Se soustrait à la Objet technique et L opi io des Prééminence des Relations personnelles,
supérieur mesure, jaillit de méthode autres collectifs hiérarchie, tradition
commun l i spi atio scientifique,
efficacité,
performance
Etat de grandeur Désirable, valeur Spontané, insolite, Performant, Réputé, connu Représentatif, officiel Bienveillant, avisé
échappe à la raison fonctionnel
Dignité Intérêt Amour, passion, Travail Désir de Liberté Aisance, bon sens
création considération
Répertoire des Concurrents, clients Enfants, artistes Professionnels Vedettes Collectivités Supérieurs, inférieurs,
sujets … ascendants
Répertoire des Richesse Esprit, corps Les moyens Noms, marques, Formes légales Préséance, cadeaux
objets messages
Formule Opportunisme Risque Investissement, Renonce au Renonce au Devoir
d’i estisse e t progrès secret particulier, solidarité
(prix à payer)
Rapport de Possession Singularité Maîtrise Identification Adhésion, délégation Subordination,
grandeur honneur
Relations ‘elatio s d affai es, Rêver, imaginer Fonctionner Persuasion Rassemblement pour Eduquer, reproduire
naturelles intéressées une action collective
Figure Marché Imaginaire Système Audience République Famille, milieu
harmonieuse
Epreuve modèle Affaire, marché Aventure intérieure Test Présentation de Manifestation pour Cérémonie familiale
conclu l e e t une juste cause
Mode Prix Eclair de génie Effectif, correct Jugement de Verdict du scrutin Appréciation
d’e p essio du l opi io
jugement
Forme de Argent, bénéfice Ce titude de l i tuitio Mesure Succès, être Texte de loi Exemple
l’ ide e connu
Etat de petit Perdant Routinier Inefficace Banal, inconnu Divisé, isolé Sans gêne, vulgaire

Tableau 15 : Les six mondes de la Théorie de la Justification et leurs indicateurs de référence

214
Chapitre VI. Stratégie marketing

Les indicateurs pour délimiter chacun des six mondes sont les suivants :

- Le principe supérieur commun : c’est autour de ce principe que se scelle l’accord entre les
personnes, c’est en référence à ce principe que les personnes évoluant dans un même monde vont
établir des équivalences leur permettant de se mettre d’accord, d’appartenir au même monde. Si
les personnes d’une même situation font référence à des principes supérieurs divergents – ce qui
importe pour les uns n’importe pas forcément pour les autres –, alors ils ne font pas partie du
même monde.

- L’état de grandeur désigne les caractéristiques reconnues comme qualifiantes de ce qui est grand
dans un monde donné. Par exemple, dans le monde de l’inspiration, l’insolite, le spontané,
l’improvisé sont valorisés et confèrent l’état de « grand » à celui qui fera l’objet de ces qualités.

- Les répertoires sont les sujets (les éléments humains d’un monde) et les objets (les éléments non
humains). Le client, le concurrent, le marché, l’affaire, le prix sont les sujets-objets du monde
marchand, autrement dit ses protagonistes.

- La formule d’investissement représente le prix à payer pour accéder à l’état de grand, en quelque
sorte la prise de risque nécessaire. Il faudra par exemple se plier aux rites de la publication pour
obtenir l’état de grandeur du renom académique.

- La figure harmonieuse est un arrêt sur image du monde envisagé : la famille autour du père pour le
monde domestique. On verra dans cette figure symbolique, émergence d’une relation ‘naturelle’,
attendue de tous.

- L’épreuve modèle désigne la situation qui engage des sujets / objets dans une relation complexe.
Une controverse, un conflit peuvent apparaître. Pour exemple, si deux voyageurs se voient
attribués la même place dans un wagon de TGV, la confrontation des billets respectifs ne permet
pas de contredire l’affectation d’une même place à deux voyageurs différents ; nous sommes alors
dans une situation assimilée à une épreuve. L’épreuve modèle est une épreuve représentative du
monde de référence, par la cohérence des sujets et des objets qu’elle mobilise. L’épreuve modèle
du monde industriel sera par exemple celle d’un test opéré sur une machine impliquant des
ingénieurs, des techniciens et des opérateurs. Le lancement d’un nouveau produit qui mettra à
l’épreuve les vendeurs, les managers marketing, les techniciens autour des valeurs du marché
constituera l’épreuve modèle du monde marchand.

215
Chapitre VI. Stratégie marketing

- Le mode d’expression du jugement est l’indicateur par lequel s’expriment les personnes
lorsqu’elles donnent un avis sur ce qui se passe dans leur monde. Le prix permet de juger l’objet
dans le monde marchand.

3) La perspective de la vision du monde (thought-world perpsective)

La théorie de la « vision du monde » trouve ses fondements dans le concept d’orientation ou de


différenciation initié par Lawrence and Lorsch (1969). Le concept de différenciation repose sur l’idée
qu’il existe différentes orientations cognitives et émotionnelles chez les managers d’un département à
l’autre de l’organisation. Ces différences se manifestent dans leur manière de travailler et dans leur
processus mental ; ce sont des différences d’attitudes et de comportements.

Le concept de « vision du monde » est plus récent et a par exemple fait l’objet de recherches sur
l’élaboration de la stratégie et sur le développement de produits (e.g. Dougherty 1992; Franckwick et
al. 1994; Griffin and Hauser 1996). Ce concept comporte deux catégories de dimensions (Homburg et
Jensen, 2007) : a) des dimensions liées à l’orientation des managers, et b) des dimensions liées à leurs
compétences.

a) L’orientation représente les objectifs, le temps de référence et les objets qui orientent les activités
du département considéré (par exemple marketing ou commercial). L’orientation régule les
informations prioritaires, elle permet de départager les arguments en conflit.
Si l’on considère l’orientation temporelle, des différences existent entre le département des ventes
et le département marketing : il est reconnu que le premier est orienté court-terme, alors que
l’autre oriente davantage ses réflexions sur le long-terme. La sensibilité au temps affecte les
jugements notamment sur l’allocation des ressources (Homburg et Jensen, 2007).
L’orientation des objectifs diffère également entre les deux départements (Cespedes, 1995 ;
Lorge, 1999) : le marketing se concentre sur le produit alors que les ventes mettent la priorité sur
le client. Des conflits peuvent par exemple émerger dans une discussion sur la suppression d’un
produit qui n’est plus rentable dans le portefeuille d’activités (vision marketing) mais qui peut être
considéré comme un produit supplémentaire stratégique dans la relation client (vision
commerciale).
L’orientation client (ou produit) du département commercial (ou marketing) détermine la mesure
avec laquelle les activités seront guidées par les stratégies, les plans et les performances de
relation client ( ou du produit).

216
Chapitre VI. Stratégie marketing

b) Les compétences représentent l’ensemble des capacités techniques d’un département. On distingue
les compétences « dures » (les connaissances, l’expertise sur un domaine) des compétences
« molles » ou compétences sociales (la capacité à gérer les conflits et à gagner la confiance). Alors
que l’expertise sur des sujets peut gêner la communication entre deux départements, les
compétences sociales facilitent le développement des relations entre départements ou fonctions
(Hutt 1995; Lucas and Bush 1988; Maltz and Kohli 2000).

L’impact de la confrontation des différentes visions du monde – propres à chaque département – sur
l’organisation est contrasté et les travaux de Homburg et Jensen (2007) illustrent le fait que les
divergences peuvent avoir à la fois des effets positifs et des effets négatifs sur l’organisation.
« Diversity offers both a great opportunity for organizations as well as an enormous challenge.»
(Millikan and Martins, 1996)

Les différences de perspectives ou de « visions du monde » d’un département à l’autre peuvent venir
gêner la coopération parce qu’elles nourrissent le conflit : les orientations et donc les priorités
divergent, la recherche de compromis peut paralyser l’organisation et lui faire manquer des
opportunités (Homburg et Jensen, 2007).

D’autres versions plaident en faveur de la diversité dans la mesure où celle-ci peut favoriser la qualité
de la décision et de la performance : la prise en compte d’une plus grande variété d’arguments et
d’alternatives permet d’augmenter la qualité de la décision (Eisenhardt and Schoonhoven 1990) et
donc la performance de la firme ; la diversité des compétences favorise la créativité et l’apprentissage
(Fiol 1994; Jehn et al.1999).

VI.2.3. Les stratégies mises en place pour contourner les divergences d’intérêts

La diversité des points de vue des managers peut endommager la qualité des décisions prises et
nécessitera la recherche de compromis entre les individus. Dans ce contexte, des tactiques seront mises
en œuvre par l’organisation pour harmoniser la décision, des stratégies ou micro-politiques seront
entreprises par les individus.

217
Chapitre VI. Stratégie marketing

1) Au niveau de l’organisation : la recherche d’une homogénéisation de la décision

Il peut exister une certaine dichotomie dans la décision marketing entre la recherche de constance,
d’une approche commune (Brown, 2005) et l’importance de laisser de la flexibilité aux managers pour
adapter leurs décisions aux circonstances spécifiques (Brown, 2005).
Deux perspectives peuvent être envisagées pour plus d’homogénéité dans la décision. Une première
approche qualifiée de « mécanique » qui procure aux managers des procédures standard (Homburg et
Fürst, 2005). Elle peut être tout à fait convenable pour des tâches structurées – comme les tâches qui
se réfèrent au support standardisé des retours ou questions des consommateurs suite à l’achat d’un
produit par exemple – elle est en revanche trop peu flexible car trop restreinte pour les tâches
marketing plus générales (positionnement produit par exemple) (Challagala et al., 2014). Une
approche plus « organique » consistera à inculquer des valeurs et des normes aux employés par
l’intermédiaire de la formation de groupes de travail, ou par le partage d’information, de manière à
guider les décisions ; cette approche présente davantage de flexibilité mais cadre cependant les
décisions (Homburg et Pflesser, 2000).

Une troisième approche est proposée par Challagalla, Murtha et Jaworski (2014) : il s’agit du concept
de doctrine marketing qui se réfère à des principes uniques et propres à la firme, issus de ses
expériences passées, et qui opère une influence sur les choix stratégiques de la firme. La doctrine
marketing procure une approche homogène de la décision à la firme : elle peut être considérée comme
une sorte de ligne de conduite pour ses décisionnaires et permet d’atteindre une certaine stabilité dans
la décision tout en laissant de la flexibilité aux acteurs dans l’exécution. Le concept trouve ses racines
dans des domaines tels que l’armée ou la religion et commence à être adopté dans quelques firmes
leaders dans leur domaine. Plus concrètement, des principes se focalisant sur les choix les plus
critiques de l’entreprise sont énoncés de manière à simplifier et à accélérer la décision, ils sont issus
de l’expérience de la firme ce qui les rend uniques et difficilement imitables (Nonaka, Toyama et
Byosière, 2001). La doctrine doit être une référence à l’échelle de l’entreprise pour être utile.

L’orientation marché de la firme, sa culture, ses valeurs ou encore ses routines – qui consistent à
proposer et à appliquer des solutions « prêtes à l’emploi » à un problème reconnu (Cohen et
Bacdayan, 1994) – sont d’autres éléments qui guident la décision marketing de l’entreprise (Homburg
et Fürst, 2005 ; Jaworski et Kohli, 1993).

218
Chapitre VI. Stratégie marketing

2) Au niveau de l’individu : les comportements politiques dans l’organisation

Les comportements politiques sont particulièrement prégnants lorsqu’une équipe doit se battre pour
obtenir les fonds nécessaires et l’approbation de ses projets (Frost, Egri, 1991 ; Kanter, 1983). Si nous
prenons l’exemple très concret du développement d’un nouveau produit (Sethi et al., 2012), ce
dernier peut avoir des effets disruptifs sur les ressources et sur les opérations existantes, ainsi que sur
le contrôle des managers seniors. Le nouveau produit peut par exemple reléguer au second plan des
technologies jusqu’ici centrales dans l’activité de l’organisation. Des comportements
politiques peuvent alors se mettre en place, en réponse à une potentielle menace à l’ordre et au
pouvoir établis jusque-là (Buchanan et Badham, 2003 ; Frost et Egri, 1991).

Une résistance se manifeste en général dans la phase initiale du projet – lors par exemple des comités
de revue ou de validation du projet – (Cooper, 2001 ; Kanter, 1983) : le recours aux tactiques de
micro-politiques des équipes projets se fera donc à ce stade. Lorsque l’équipe projet sent une
résistance au développement de son projet, elle mettra en œuvre des actions visant l’approbation et le
bon déroulement du développement. La littérature sur les micro-politiques vise à expliquer les
comportements des équipes en situation d’opposition et de conflit (Fairholm, 1993 ; Pfeffer, 1992). On
trouve au cœur des travaux sur les politiques organisationnelles le postulat que les nouvelles idées et le
changement s’accompagnent d’incertitude et d’ambiguïté et souvent de conflits entre les parties
affectées par ces nouvelles idées et / ou par ce changement (Fairholm, 1993 ; Frost et Egri, 1991).
Etant donné que les individus ont une préférence pour l’ordre et le prévisible, ils ont tendance à
s’opposer aux nouvelles idées et au changement.

Une vision simplifiée reconnaît deux méthodes de résolution du conflit (Song, Xie et Dyer, 2000) : 1)
la collaboration et 2) l’évitement.
1) Dans la méthode dite de collaboration, les membres d’un projet affrontent les conflits en
explorant ouvertement les points de divergence, et en recherchant de manière collaborative des
solutions dans le meilleur intérêt de la stratégie créée ; il se crée alors une dépendance commune
entre les membres du projet.
2) Dans l’évitement du conflit, les membres du projet évitent, ignorent ou lissent la situation de
conflit par des comportements visant à minimiser l’explicité des conflits. Les interactions
productives entre les membres sont réduites ce qui conduit à limiter la collecte et l’exploitation
d’une information précise et qualitative : l’évitement du conflit inhibe toute communication
ouverte ou échange d’information.

219
Chapitre VI. Stratégie marketing

Dans une perspective plus élaborée, Sethi et ses collègues (2012) identifient quatre stratégies de
politiques organisationnelles pour obtenir l’adhésion à un projet (les recherches portent sur un
lancement de nouveau produit) :
1) La stratégie de coalition vise à obtenir le soutien parmi les managers et collègues de la Business
Unit. Les managers construisent des coalitions afin de gagner des ressources propices à leurs
nouvelles idées (Kanter, 1983). Ils s’efforcent de persuader les membres extérieurs à l’équipe pour
soutenir l’équipe et le projet, obtenir des ressources et se protéger des pressions extérieures
(Ancona et Caldwell, 1992). Parce que le nouveau produit peut générer de nouveaux revenus, de
nouvelles technologies ou de nouveaux processes, les alliés peuvent attendre en retour certains
bénéfices de cette nouveauté (Burgelman 1983; Kanter 1983).
2) La stratégie de cadrage (framing) consiste à présenter le produit de telle manière qu’il reste proche
des produits et des stratégies déjà existants. Cette stratégie répond à un besoin de configurer le
nouveau produit de manière à ce qu’il soit assez proche de l’existant et ainsi mieux accepté
(Dougherty et Heller, 1994). La différence perçue entre la nouveauté et l’existant est dans ce cas
réduite. L’une des conséquences positives de ce type de stratégie sera par exemple l’obtention
d’une vision favorable du projet et l’allocation des ressources nécessaires de la part du top
management (Dutton et Duncan, 1987 ; Dutton et Jackson, 1987). La confiance accordée aux
projets proches de l’existant est en effet meilleure car on anticipe une utilisation plus efficace des
ressources de la firme que dans le cas d’un projet disruptif (Cooper, 1998, 2001).
3) La stratégie de compromis consiste pour l’équipe qui est à l’origine du projet à modifier le produit,
à accepter un certain nombre de concessions pour obtenir l’approbation de la hiérarchie et des
autres équipes. Certains paramètres du produit peuvent par exemple être modifiés pour le rendre
acceptable (Pfeffer, 1992).
4) La stratégie du secret (hiding) consiste à développer le produit / projet en secret. Elle s‘illustre par
une forte tendance de l’équipe à cacher le projet jusqu’à ce qu’elle ait quelque chose de positif à
montrer (Burgelman, 1983). En d’autres termes, l’équipe en charge du projet garde toute la liberté
de développer le produit – sans interférences du comité de revue – et de tester ses performances.
Ce n’est qu’une fois que les performances seront à la hauteur des attentes formulées initialement,
que le produit sera présenter au comité de revue du projet.

220
Chapitre VI. Stratégie marketing

En synthèse :

- Certaines entreprises aspirent à ce que le marketing dépasse les frontières de la fonction à


proprement parler, à ce que la philosophie ou la culture marketing se diffuse à l’ensemble
des équipes … nous pouvons cependant nous poser la question de l’étendue de ce modèle et
de la persistance des organisations en silos.
- L’entreprise reste quoi qu’il en soit un lieu de rencontre entre différents individus et donc
entre différentes logiques qui les animent.
- Trois théories nous intéressent : la théorie des logiques institutionnelles, la théorie de la
justification et la théorie de la vision du monde, parce qu’elles proposent de comprendre la
coexistence de logiques ou de visions différentes au sein d’une même organisation.
- Le consensus entre les managers parties prenantes à la décision pourra être facilité par
l’organisation elle-même qui peut mettre en place un certain nombre de principes afin de
guider les décisions, pour finalement les rendre plus homogènes.
- Des jeux de micro-politiques pourront aussi se déployer, à l’initiative des individus, dans
l’objectif d’obtenir la validation d’un projet (par des équipes externes) et donc de faciliter la
décision.

221
Chapitre VI. Stratégie marketing

222
Chapitre VI. Stratégie marketing

VI.3. Stratégie et décision : application à la stratégie de communication de la marque et


aux décisions d’allocation des ressources budgétaires

La décision relative à l’allocation des ressources est fondamentale dans la formation de la stratégie
marketing, dans la mesure où elle consiste à décider quelles activités seront soutenues financièrement.
La question du choix de soutenir les activités à revenu immédiat ou les activités rémunératrices sur le
long-terme doit être soulevée. La recherche s’est intéressée pendant de nombreuses années à la
comparaison entre la promotion des ventes et la publicité : nous revenons dans un premier temps sur le
rôle de chacune de ces activités. Nous abordons ensuite la décision d’allocation des budgets en tant
que telle : nous nous intéressons aux approches économique et managériale de cette question, puis
nous discutons de la place du risque dans la décision et de la théorie de « myopic management ».

VI.3.1. De la distinction entre activités aux effets de court-terme et activités aux effets de long-
terme

L’une des missions fondamentales du manager marketing est de développer les stratégies qui
favoriseront la croissance de la valeur de la marque (Keller, 2007). Les éléments du marketing mix
sont déterminants dans la construction de cette valeur (Yoo et al., 2000), l’un des challenges consiste
alors à déterminer le budget marketing optimum qui suscite un impact fort à la fois sur le marché cible
(Soberman, 2009) et sur la marque (Ataman et al., 2010).

Deux activités marketing doivent être considérées parce qu’elles enregistrent des dépenses
significatives en marketing (Buil et al., 2012) : il s’agit de la publicité et de la promotion des ventes.
Malgré leur importance reconnue, leur contribution à la valeur de la marque reste encore floue et les
académiques ont à plusieurs reprises souligné la nécessité de clarification sur ce sujet (Netemeyer et
al., 2004 ; Chu et Keh, 2006).

Le débat relatif à l’allocation du budget entre les activités de promotion et de publicité met en avant la
différence existant entre les activités de construction de la marque sur le long-terme (publicité) et les
activités de motivation des ventes sur le court-terme (promotion) au sein du mix de communication
marketing de la marque (Zenor et al., 1998). La question de l’allocation des budgets est
particulièrement pertinente dans l’environnement actuel où la tendance est au maintien ou à la
réduction (et non à la croissance) des budgets marketing (flat) et où, par conséquent, l’augmentation
de la dépense pour une activité se produit au détriment d’une autre (Low et Mohr, 2000).

223
Chapitre VI. Stratégie marketing

1) La publicité

La publicité reste l’une des activités marketing les plus visibles. Ses effets dépendent à la fois du
montant investi et du type de message communiqué (Martinez et al., 2009).
De forts investissements publicitaires favoriseront des taux de reconnaissance et de mémorisation de la
marque corrects. La relation entre la qualité perçue et les dépenses marketing a été justifiée par
différentes études (Milgrom et Roberts, 1986 ; Kirmani et Wright, 1989 ; Aaker et Jacobson, 1994 ;
Archibald et al., 1983). La publicité crée de la notoriété de marque, suscite des associations à la
marque fortes, favorables et uniques dans l’esprit du consommateur et provoque des jugements et des
sentiments positifs envers la marque (Keller, 2007). La répétition des campagnes de publicité
augmente la probabilité d’attention portée par le consommateur à la marque, tout en simplifiant son
choix de produit (Hauser et Wernerfeldt, 1990). La publicité est enfin liée à la fidélité à la marque :
elle renforce la notoriété de la marque et l’opinion que se fait le consommateur de la marque (Shimp,
1997).

Le contenu et la qualité du message publicitaire importe beaucoup pour atteindre les résultats attendus.
En particulier, l’un des points fondamentaux qui permettra de caractériser une stratégie publicitaire est
sa stratégie créative (Kapferer, 2004 ; Keller, 2007). Par une publicité originale et innovante, les
organisations peuvent mieux capter l’attention de leurs consommateurs. A terme, l’attention des
consommateurs peut se traduire en notoriété, en qualité perçue et contribuer à former des associations
fortes, favorables et uniques (Lavidge et Steiner, 1961 ; Aaker, 1991 ; Kirmani et Zeithaml, 1993 ;
Villarejo, 2002). La littérature sur la valeur de marque (BE) reconnaît que le degré avec lequel le
consommateur percevra la publicité comme créative, originale et différente des marques concurrentes
représente un facteur de succès importante de la publicité (Kapferer, 2004 ; Keller, 2007).

Beaucoup de managers considèrent la publicité comme un poste de dépenses élevé, alors que d’autres
activités peuvent avoir un impact plus direct sur la valeur de marque (brand equity).
La publicité constitue le vecteur grâce auquel les innovations et les développements de produits sont
révélés au grand-public (Gerard, 2004). La tendance actuelle est à la justification économique de la
publicité (Srivastava, Tasadduq et Liam, 1998). L’un des problèmes majeurs auxquels sont confrontés
les managers marketing est l’identification d’une relation claire entre les activités de publicité et
l’augmentation de la profitabilité des ventes de l’entreprise. De précédentes recherches ont ainsi
démontré que la réponse du marché aux activités de publicité restait difficile à analyser (Vakratsas &
Ambler, 1999). Les managers aimeraient à la fois augmenter la profitabilité grâce à la publicité et être
capables de déterminer la contribution apportée par la publicité (Ambler, 2003). L’insuffisance de
preuves quant à l’apport de la publicité dans la création de profitabilité conduit à une baisse de

224
Chapitre VI. Stratégie marketing

considération (diminishing status), à une baisse de pouvoir et de légitimité des managers marketing
dans l’organisation aux yeux du top-management (Webster, Malter & Ganesan, 2005).

La difficulté de déterminer précisément l’impact de la publicité sur les résultats des ventes s’explique
par le fait que la publicité constitue en soi un processus complexe et que la performance de la publicité
dépend entre autres des réactions du consommateur (Ekhlassi et Toulouei, 2010). L’isolement des
différentes activités marketing et la mesure de leur impact sur la productivité marketing reste encore
très complexe à réaliser (Bonoma et Clark, 1988). En effet, le consommateur achètera son produit pour
des raisons diverses : la publicité, la satisfaction à la première utilisation du produit, la perception du
produit, le packaging, le prix, la promotion sont autant d’éléments qui affectent son comportement
(Rothschild et Gaidis, 1981). En outre, si l’un des effets les plus évidents de la publicité est son impact
sur la notoriété, cette mesure de la notoriété reste précisément difficile à opérer (Duncan, 2005).
L’impact des campagnes publicitaires (notamment sur les ventes) restent difficilement quantifiables
en comparaison aux résultats des actions de promotion des ventes. Ainsi l’allocation du budget
publicitaire se fonde sur l’anticipation de la qualité du message créatif de la publicité envisagée, ce qui
conduit dans la plupart des entreprises à une décision assez subjective (Low et Mohr, 1999).

2) La promotion des ventes

La promotion des ventes consiste à recourir, sur une période souvent courte, à un certain nombre
d’outils qui motivent et provoquent chez le consommateur un achat plus rapide et plus important (en
termes de quantité) (Gupta, 1988 ; Boddewyn, 1989 ; Neslin, 2002). Ces outils de promotion peuvent
être des coupons de réduction, des primes à l’achat, des échantillons donnés gratuitement, des
réductions faites sur les prix, etc.

Dans son célèbre ouvrage dédié à la progression des marques dans nos économies, Naomie Klein
(2001) décrit le ‘vendredi Marlboro’ : le vendredi 2 avril 1993, la marque de cigarette décide pour la
première fois de son histoire de réduire ses prix de 20% de manière à concurrencer de plein front les
marques qui attaquent son marché. Des milliards de dollars avaient jusque-là été dépensés en publicité
dans le but de construire la marque ; Klein assimile ce choix stratégique (de réduction des prix) à une
perte manifeste de branding52 et pose alors la question d’un potentiel effondrement du capital de la

52
Le e e to a d se f e à toutes les a ti it s ui ise t à odele les pe eptio s de la a ue du
consommateur (Holt, 2003). Le branding se réfère aussi à l id e de o st u tio de la a ue su le lo g-
terme : le a di g pe ett a diffi ile e t d attei d e des o je tifs de ventes de court-terme, à l i e se des

225
Chapitre VI. Stratégie marketing

marque (autrement dit de sa brand equity). Réduire le prix de sa marque c’est en quelque sorte
reconnaître que le nom d’une marque ne suffit plus à soutenir sa position de leader.
Dans la suite de la stratégie adoptée par Marlboro, le début des années 90 fut marqué par un recours
des marketers de produits grand public aux promotions (cadeaux, concours, présentoirs …), aux
réductions de prix généralisées des produits. On privilégiait alors l’affectation des ressources aux
réductions de prix plutôt qu’aux budgets publicitaires. On enregistra en 1991 une diminution des
dépenses publicitaires mondiales de 5,5% pour les cent plus grandes marques. Si la répartition des
budgets promotions / publicité étaient aux Etats-Unis de 20% des budgets alloués en promotions
versus 80% pour la publicité en 1983, le rapport de grandeur s’inverse dans les années 90 avec 75%
des budgets alloués à la promotion versus 25% à la publicité ! Mais les marques qui sortirent le plus
vite de la crise furent finalement celles qui avaient misé sur le marketing, plutôt que sur le prix : Nike,
Apple, The Body Shop, Disney, Levi’s, Calvin Klein, Starbucks. Le branding leur était devenu
stratégique (Klein, 2001)

Des recherches portant sur les promotions des ventes ont principalement démontré qu’elles
permettaient d’augmenter les ventes et les parts de marché de la marque faisant l’objet de la promotion
(Gupta, 1988). Cependant, une utilisation trop fréquente des promotions des ventes sur une période
trop étendue peut conduire à des attitudes moins favorables du consommateur envers la marque (Low
et Mohr, 2000). L’utilisation fréquente des promotions (par le prix) a également un impact négatif sur
les dimensions de qualité perçue et d’association à la marque parce qu’elles portent l’attention des
consommateurs sur le prix et non sur la marque (Yoo et al., 2000). Elles instaurent par ailleurs une
image de qualité instable lorsqu’elles sont fréquemment répétées (Winer, 1986). Les promotions des
ventes jouent un rôle tactique en stimulant les ventes sur le court-terme, mais elles ont l’effet inverse
sur le long-terme (Berk et al., 2010). Il a par ailleurs été démontré que les actions de promotion des
ventes augmentaient la sensibilité des consommateurs au prix, alors que la publicité au contraire
réduisait la sensibilité au prix (Mela et al., 1997).

Les promotions des ventes ne semblent donc pas favoriser la création de valeur de marque dans le
temps, alors qu’elles contribuent à l’augmentation du revenu de l’organisation sur le court-terme.
Les affaires commerciales en général et en particulier les réductions de prix ont été considérées
comme facteurs affaiblissant la valeur de marque malgré les bénéfices court-terme qu’elles procurent
aux consommateurs (Yoo et Donthu, 2000). Elles constituent alors une barrière à la construction d’une
marque forte, d’autant plus qu’elles sont facilement copiables par la concurrence (Aaker, 1991).

stratégies de non- a di g d sig es pa e e ple pa des a ti it s telles u u e du tio des prix, des
promotions) ont des conséquences néfastes sur le branding.

226
Chapitre VI. Stratégie marketing

En synthèse :
- La construction de la marque sur le long-terme, ou encore la valorisation du capital marque
(ou de la brand equity) sont, en théorie, les objectifs prioritaires du manager marketing qui
doit orienter ses choix stratégiques.
- En réalité, les managers sont confrontés entre le choix de soutenir des activités qui seront
profitables à l’entreprise sur le court-terme, et des activités dont on récoltera les fruits
ultérieurement.
- La promotion des ventes et la publicité constituent deux exemples d’activités représentatives
des deux cas cités plus haut (créatrice de revenus sur le court-terme versus créatrice de
valeur sur le long-terme) ; elles ont été largement étudiées dans la littérature marketing.
- La publicité est reconnue pour avoir des répercussions positives sur la valeur créée pour le
consommateur (notoriété, fidélité, association positive à la marque …) ; son impact
immédiat sur les résultats de la firme est plus difficile à démontrer.
- La promotion des ventes peut au contraire générer des ventes sur le court-terme mais elle ne
sera pas nécessairement profitable à la marque et à sa valeur sur le long-terme.

VI.3.2. La décision sur l’allocation des budgets marketing

Deux approches ont permis d’expliquer le processus de décisions d’allocations des budgets
marketing : l’approche économique est une rapproche rationnelle qui considère que les managers
mobilisent des métriques économiques pour prendre leur décision, l’approche managériale envisage
les caractéristiques des décisionnaires. La sensibilité des managers au risque et son influence sur les
décisions a été étudiée, nous en présenterons quelques réflexions. Nous aborderons enfin la théorie du
myopic managment qui nous semble particulièrement pertinente pour expliquer des décisions
budgétaires illogiques.

1) L’approche économique et l’approche managériale

On peut distinguer deux approches théoriques dans l’étude des décisions d’allocation des ressources.

La première est une vision économique classique qui considère que les managers optimisent
l’allocation de leurs ressources d’après des contraintes budgétaires établies et des conditions de
marché incontrôlables telles que la concurrence, la part de marché et les indicateurs de ventes en

227
Chapitre VI. Stratégie marketing

général (Samuelson, 1970). Ce courant de recherche a permis de produire un certain nombre de


techniques et de modèles robustes focalisant sur les résultats des décisions.
Les premières recherches ayant contribué à la définition de la contribution des activités de
communications dans la productivité ont par exemple mis en relation la publicité et les promotions des
ventes avec des mesures de performances financières, telles que le profit (e.g. Mueller, 1990) ou
encore le Retour sur Investissement (ROI). Les recherches ont fait ressortir le fait que les taux de
croissance des marchés et les parts de marchés pouvaient permettre de prédire les répartitions des
dépenses entre publicité et promotions (Balasubramanian and Kumar, 1990). Plusieurs ont eu recours
à des mesures de la valeur de marque afin d’analyser les effets court terme et long terme des actions et
des stratégies marketing (Leeflang et al., 2009 ; Ataman et al., 2010 ; Srinivasan et al., 2010).
Les recherches sur les décisions et allocations de budget marketing se sont longtemps concentrées sur
les techniques budgétaires, sur les facteurs influençant les ratios ventes-promotion ou ventes-publicité
(Ailawadi, Farris et Parry, 1994 ; Stewart, 1996) ou encore les facteurs influençant l’allocation des
budgets promotion et publicité (Robinson et Luck, 1964 ; Strang, 1980).

La seconde approche porte davantage sur les caractéristiques managériales des acteurs de la décision.
Elle tient compte du fait que les managers ont recours à leur jugement personnel et sont influencés par
les réalités de la vie organisationnelle dans leur prise de décision (Mintzberg, 1978). Cette approche
nous permet de mieux appréhender le monde réel.
On s’est aperçu, grâce à ce courant de pensée, que l’expérience managériale entrait aussi en ligne
de compte dans la décision : même si les modèles quantitatifs sont utiles, les managers se fient souvent
à des intuitions issues de leur propre expérience et ajustent ainsi les informations que les modèles leur
fournissent (Low et Mohr, 1999). Les managers se fient souvent à leur expérience passée et à leur
intuition personnelle dans leurs décisions managériales (Fraser et Hite, 1988). Simon (1987) propose
par exemple que les managers expérimentés prennent leurs décisions en s’appuyant davantage sur leur
jugement ou intuition, alors que les expérimentés se fieront à des analyses minutieuses et détaillées.

Les travaux de Low et Mohr (1999) permettent d’énoncer un certain nombre de conditions favorables
à une bonne allocation des budgets publicitaires : 1) la prise de risque inhérente au choix de faire de la
publicité (plutôt que de la promotion) est bien tolérée dans l’entreprise, 2) l’allocation des fonds se
base sur des objectifs futurs (et non sur un historique de ce qui a déjà été fait), 3) le processus de
décision inclut des managers expérimentés, plus habitués à manipuler les informations issues d’études
de marché en faisant preuve d’intuition et 5) la valeur de la marque (brand equity) reste un objectif
prioritaire pour l’organisation.

228
Chapitre VI. Stratégie marketing

2) La notion de risque

La sensibilité des managers au risque est souvent mentionnée dans la littérature sur les décisions
relatives aux budgets publicitaires. La prise de risques peut être associée à une plus grande créativité
dans les décisions. Le degré avec lequel la prise de risque est encouragée ou tolérée dans une
organisation exerce une influence forte sur les arbitrages budgétaires entre publicité et promotion des
ventes (e.g. West et Bekhion, 1997). Si l’entreprise veut bénéficier d’idées et d’approches créatives,
elle doit offrir à ses décisionnaires l’opportunité d’appendre du marché (de la pratique) et la liberté de
pouvoir faire des erreurs (Low et Mohr, 1999). Ainsi, comme l’affirme Amabile (1983) pénaliser les
individus pour des idées créatives qui ne fonctionnent pas forcément est le meilleur moyen d’étouffer
toute créativité. Au contraire, l’acceptation du risque et de l’ambiguïté inhérents à la décision de faire
de la publicité favorisera très probablement une plus grande créativité dans les plans marketing.

West et Prendergast (2009) s’intéressent au concept de risque et à son impact sur le degré de
sophistication de l’allocation des budgets (budgeting). Partant du constat que les managers présentent
des diversités en termes de préférence au risque, ils s’appuient sur la ‘prospect theory’ (Kahneman et
Tversky, 1979 ; Novremsky et Kahneman, 2005) qui postule que la plupart des individus sont en
position de recherche du risque lorsqu’ils restent en-dessous de leur niveau d’aspiration. Ainsi les
individus se fixent un niveau de performance et sont susceptibles de rechercher le risque tant qu’ils se
situent en-dessous de cette cible. L’idée motrice de cette théorie est que la prise de risque peut offrir
l’opportunité d’atteindre la cible rapidement. Les travaux de West et Prendergast (2009) ont démontré
que la prospect theory ne s’appliquait pas à l’activité de fixation du budget (budgeting ) simplement
parce que la culture organisationnelle est très souvent sur-représentative d’une culture d’aversion au
risque. Confronté à la probabilité de sous-performance, les marketers ne prendront pas de risque dans
la mesure où l’entreprise ne les y autorisera pas. Ils vont plutôt considérer avec précaution leur
stratégie, et s’ils en viennent à prendre un risque, celui-ci sera mesuré, souvent entrepris par un
marketer expérimenté et de manière raisonnée.
Ainsi les parties prenantes aux décisions d’allocation des budgets s’inscrivent dans les normes
culturelles de l’organisation, elles composent avec les personnalités existantes, s’efforcent d’accéder
aux données leur permettant de soutenir leurs actions, de se conformer aux pratiques et politiques de
l’entreprise.

3) La théorie du myopic management

Les managers attendent de leurs dépenses publicitaires (ainsi que des dépenses en Recherche &
Développement) des bénéfices de long-terme. En situation de pression quant à la réalisation nécessaire

229
Chapitre VI. Stratégie marketing

de bénéfices sur le court-terme, et devant l’incertitude quant aux bénéfices pouvant être générés par les
dépenses publicitaires (et R&D), les managers ont de fortes chances de ne plus être motivés par ce
type de dépenses dans la mesure où ils s’attendent à ce que les bénéfices réalisés ne soient pas
observables immédiatement, mais plutôt dans le futur, et où les coûts seront quant à eux imputés dans
l’immédiat. C’est qu’on appelle le « myopic management », autrement dit une gestion myope des
ressources disponibles (Mizik, 2010).

Ce phénomène est exacerbé par la fait que les investisseurs se préoccupent souvent davantage des
bénéfices instantanés afin d’évaluer la valeur d’une firme, ce qui encourage d’autant plus les managers
à manipuler des indices de performance de court-terme, souvent au détriment de la valeur réelle de
l’entreprise (Jacobson et Aaker, 1993).

La prise en compte exclusive de mesures relatives à la performance financière de l’entreprise sera


source de décisions managériales myopes (Mizik, 2010 ; Mizik et Jacobson, 2007). Les managers
expérimentés ont une forte propension à se focaliser sur la performance court-terme et de fait à
manipuler les indicateurs de façon myope (Mizik et Jacobson, 2007).

En résumé, une variété de facteurs – tels que l’asymétrie d’information, la pression aux bénéfices
court-terme, de mauvaises conditions économiques ou encore un mauvais état de santé de l’entreprise,
peuvent induire les managers dans un comportement de gestion myope des ressources, ainsi qu’à des
coupures de budgets d’investissement en R&D et en publicité dans l’objectif d’augmenter les
bénéfices de l’entreprise et le cours de son action sur le court-terme, même si sur le long-terme de
telles actions y seront néfastes (Currim et al., 2012).

230
Chapitre VI. Stratégie marketing

En synthèse :

- La décision relative à l’allocation des budgets marketing est une étape fondamentale de
l’élaboration de la stratégie : elle déterminera lesquelles des activités envisagées seront
soutenues en priorité par l’organisation.
- Cette catégorie de décisions a longtemps été étudiée par le biais de considérations
économiques (les managers tentent d’évaluer ce que l’activité peut leur rapporter avant de
s’engager) ; plus récemment, des considérations managériales (le jugement personnel du
manager, son expérience …), ont été prises en compte.
- Le degré d’aversion au risque peut expliquer certains choix stratégiques – le choix de
soutenir la publicité qui n’aura de retombées financières qu’à long-terme comporte un
risque financier pour l’entreprise . Le degré d’aversion au risque sera davantage considéré
au niveau de l’organisation plutôt qu’à titre individuel.
- La théorie du « myopic management » des ressources (Mizik, 2010) permet de comprendre
des choix stratégiques paraissant illogiques ou non rationnels au premier abord : dans une
situation de pression à la performance (par les investisseurs ou par les actionnaires d’une
société par exemple), les managers peuvent être amenés à privilégier des activités favorables
à l’entreprise ou à la marque sur le court-terme, mais qui ne le sont pas nécessairement sur
le long-terme.

231
Chapitre VI. Stratégie marketing

232
Chapitre VI. Stratégie marketing

Synthèse et conclusion du chapitre VI.

Nous nous intéressons dans notre recherche aux stratégies de contenu de marque digital.
Nous avons dans un premier temps au cours de ce chapitre cherché à comprendre en quoi consistait
l’étude d’une stratégie d’une manière générale.

Nous avons mis en évidence qu’il existait plusieurs niveaux de stratégies au sein de l’entreprise, plus
précisément trois niveaux sont considérés : 1) le niveau corporate où la stratégie concerne l’ensemble
du groupe et les choix des activités du groupe, 2) le niveau de la business unit où la stratégie concerne
chacune des activités choisies, et 3) le niveau fonctionnel dans lequel s’inscrit la stratégie marketing et
la stratégie de communication d’une marque.
C’est à ce niveau d’analyse – le niveau fonctionnel – que se situe la pratique que nous avons entrepris
d’étudier, et par conséquent notre travail de thèse.

D’une manière générale, la stratégie a été longuement étudiée. Les recherches se sont d’abord
concentrées sur son contenu, puis rapidement sur son processus d’élaboration. La formation de la
stratégie peut finalement être considérée comme une séquence d’événements ; les travaux portant sur
l’étude de ce processus visent à reproduire une chronologie des événements en s’efforçant de répondre
à la question « Qu’est-ce qui conduit à quoi ? ».
La méthodologie d’études de cas approfondies est alors particulièrement recommandée.

Nous précisons que le terme formation de la stratégie est le terme le plus approprié pour désigner notre
objet d’étude dans la mesure où il désigne à la fois la stratégie réalisée (sa mise en œuvre) et le
processus ayant permis sa réalisation (son élaboration).

La stratégie peut être envisagée sous deux angles de vue (Dameron et Torset, 2014).
Une première approche transcendante permet de séquencer l’élaboration et la mise en œuvre de la
stratégie. Elle se rapproche des écoles normatives (Mintzberg et al., 2009) dans la mesure où elle
permet d’identifier facilement les différentes étapes de la formation de la stratégie, où elle mobilise par
exemple des outils de diagnostic tel que le SWOT, ou encore où elle donne une place importante à
l’analyse. Elle propose une représentation de la stratégie telle qu’elle devrait être en théorie, elle donne
à voir la façon dont il faudrait la concevoir.
Une deuxième approche qualifiée d’immanente accorde davantage de place à l’intuition et à
l’apprentissage dans la formation de la stratégie. Elle rejoint pour nous les écoles autres que
normatives (telles que décrites par Mintzberg). L’école visionnaire envisage par exemple la stratégie

233
Chapitre VI. Stratégie marketing

comme une vision (tout comme l’approche immanente), l’école de l’apprentissage considère la
stratégie comme émergente et progressive, en perpétuelle adaptation à son environnement (ce que
souligne également l’approche immanente), etc.
Les deux approches co-existent finalement dans l’organisation et le travail du stratège consiste, selon
Dameron et Torset (2014), à gérer les tensions inhérentes à ce paradoxe.

Figure 18 : Représentation paradoxale du processus de fromation de la stratégie marketing

DIAGNOSTIC, ANALYSE

DÉCISIONS
DÉCISIONS STRATÉGIQUES STRATÉGIQUES

ACTIONS
ACTIONS, MISE EN OEUVRE

Approche transcendante TENSIONS Approche immanente

La décision constitue une étape ou un élément fondamental(e) de la stratégie ; plusieurs théories ont
été mises en évidence dans ce chapitre parce qu’elles permettent de comprendre le rôle des acteurs
dans la décision, la manière dont ils décident et ce qui détermine leurs choix.

L’organisation a été ensuite considérée comme le réceptacle de plusieurs logiques qui entreront
nécessairement en concurrence dans décision. La firme peut alors mettre en place des principes qui
guideront les décisions afin qu’elles restent relativement homogènes. Des stratégies micro-politiques
peuvent aussi être déployées par les individus qui défendront leurs propres intérêts.

La discussion sur la décision d’allocation des ressources financières est fondamentale en marketing.
Elle est aussi particulièrement pertinente dans le contexte économique actuel où les budgets marketing
restent stables d’une manière générale. Les managers marketing se trouvent devant un dilemme : celui
de devoir choisir entre des activités génératrices de chiffre d’affaires sur le court-terme et des activités
permettant de construire leur marque sur le long-terme. Les coupes de budget et la pression aux
résultats de court-terme peuvent engendrer des comportements de management myope des ressources

234
Chapitre VI. Stratégie marketing

(Mizik, 2010) qui consistent à privilégier les activités créatrices de valeur sur le court-terme dans le
but par exemple de satisfaire les investisseurs ou les actionnaires de la firme. La capacité du manager
ou de la firme à absorber le risque entre également en compte dans les décisions d’allocations des
ressources.

235
236
Chapitre VII. Problématique et méthodologie (études empiriques n°2 et n°3)

Chapitre VII. Études empiriques n°2 et n°3 :

Problématique, méthodologie choisie et protocole de la recherche

VII.1. Problématique et questions associées

Notre première recherche empirique a permis de préciser l’objet de notre recherche en le


conceptualisant.
Elle nous a permis d’identifier quelques éléments de contenu de la stratégie, ainsi que ses parties
prenantes les plus représentatives.
Elle nous a également permis de positionner la stratégie de contenu de marque en identifiant un certain
nombre de tensions perturbatrices dans l’élaboration de la stratégie et dans sa mise en œuvre.
Nous avons enfin mis en lumière les antécédents de la stratégie (ce qui la motive), ainsi que ses effets
(ce qu’on en attend).

Le fait que la stratégie de contenu soit à la fois pilotée par les équipes marketing-produit et par les
équipes de communication de la marque semble être un point intéressant en ce sens que celles-ci sont
orientées par des logiques différentes dans leurs choix stratégiques. Nous nous intéressons dans notre
deuxième phase empirique à comprendre de quelles manières ces logiques s’articulent et se combinent
en étudiant le processus de formation de la stratégie de contenu de marque digital par le biais de deux
études de cas.

Rappelons que notre problématique de recherche est la suivante :

Quelle est la nature de la pratique de contenu de marque et la formation de cette


stratégie génère-t-elle des tensions parmi les managers parties-prenantes ?

Nous nous intéressons dans cette deuxième phase de recherche à comprendre comment la stratégie de
contenu de marque digital est élaborée et appliquée.
En d’autres termes, nous cherchons :
- à expliquer les différentes phases du processus de formation de la stratégie,
- à identifier les acteurs parties prenantes de la stratégie,
- à comprendre les éventuelles tensions survenues dans le processus de formation de la stratégie et à
comprendre leur éventuelle résolution.

237
Chapitre VII. Problématique et méthodologie (études empiriques n°2 et n°3)

En conséquence, trois questions de recherche orientent notre travail :

- Comment la stratégie de contenu de marque se forme-t-elle?


- Quels sont les acteurs, les parties prenantes à la stratégie, quelles logiques les animent ?
- Quelles sont les tensions ayant émergé au cours de la formation de la stratégie et
comment ont-elles été résolues ?

VII.2. Choix de la méthodologie

Nous avons choisi la méthodologie des études de cas.


Cette méthode de recherche permet en effet d’étudier des événements d’actualité (présents et réels, et
non passés), elle est particulièrement mobilisée dans l’étude des processus organisationnels et
managériaux (Yin et Davis, 2007 ; Yin, 2013).

L’étude de cas permet l’examen d’événements contemporains, elle permet de comprendre en


profondeur un phénomène de la « vie réelle ». Cette compréhension profonde implique également la
compréhension du contexte du phénomène (Yin, 2013).

L’étude de cas est orientée par des questions de type « Comment ? » et « Pourquoi ? » (Yin, 2013).
Elle vise à comprendre une décision ou plusieurs décisions et plus précisément les raisons pour
lesquelles ces décisions ont été prises, comment elles ont été prises et avec quels résultats.
« The essence of a case study, the central tendency among all types of case study, is that it tries to
illuminate a decision or set of decisions : why there were taken, how they were implemented, and with
what results. » (Schramm, 1971)

Les études de cas que nous avons réalisées ont par conséquent une visée compréhensive (et leur
présentation est construite comme telle) : l’analyse de cas s’est faite en construisant l’explication du
cas (Yin, 2013). Notre objectif fut ici moins d’explorer (comme ce fut le cas dans notre première
étude) que de comprendre le phénomène considéré, de préciser pourquoi et comment le phénomène se
déroule. La compréhension du cas se construit au fur et à mesure de l’analyse, de façon graduelle.

238
Chapitre VII. Problématique et méthodologie (études empiriques n°2 et n°3)

VII.3. Protocole de la recherche

1) Accords sur la réalisation de l’étude et sur l’objet étudié

Notre première recherche empirique (à visée exploratoire) nous a permis d’entrer en contact avec une
vingtaine de managers. Nous avions alors l’intention de mener une interview sur le court-terme et nous
gardions également pour objectif une potentielle étude de cas pouvant être réalisée sur le moyen-
terme.
Nous avons par conséquent, au cours de cette première vague d’interviews, porté une attention
particulière à l’intérêt que présentait la marque rencontrée pour la réalisation d’une étude de cas.

Finalement, trois demandes d’accord pour la réalisation d’études de cas ont été explicitement
formulées auprès de nos contacts à l’issue de notre première phase empirique. L’une d’elle seulement
a été refusée pour cause de confidentialité et nous avons obtenu l’accord de poursuivre une étude de
cas pour les marques voyages-sncf.com et Louis Vuitton.

Nous avions retenu les marques voyages-sncf.com et Louis Vuitton pour des raisons différentes :
- La marque voyages-sncf.com est une marque jeune. Créée en 2008 (ses managers considèrent
encore l’entreprise comme une start-up), elle est née « à cause de » et avec le digital et
présente une capacité très forte d’adaptation aux nouvelles technologies. Sa stratégie de
contenu de marque nous est apparue (au cours de notre premier entretien) comme étant
relativement embryonnaire, autrement dit en construction. Son étude présentait de fait un
intérêt certain pour notre thèse.
- La marque Louis Vuitton est une marque mature, installée et connue avec un imaginaire très
fort auprès du grand-public. Les marques de luxe pratiquent depuis longtemps le brand
content et le premier entretien (première étude empirique) nous a permis d’entrevoir plusieurs
axes de développement du contenu de marque (tantôt au service du produit ou d’événements
commerciaux, tantôt au service de la marque). L’intérêt renouvelé des managers de la marque
pour la production de contenu depuis l’apparition des médias digitaux, exprimé au cours de ce
premier entretien, a également retenu notre attention.

Nous précisons ici que chacune des deux marques étudiées au cours de cette deuxième phase
empirique a fait l’objet d’une interview au cours de notre première étude empirique. Cette première
interview (pour les deux marques concernées) a fait l’objet d’un double codage : un premier codage
visant à cerner la pratique (première étude exploratoire) puis un deuxième codage visant à décrire et à
analyser les éléments propres à la formation de la stratégie (étude de cas à visée compréhensive).

239
Chapitre VII. Problématique et méthodologie (études empiriques n°2 et n°3)

Pour chacune des deux marques étudiées, avant la réalisation du cas :


- nous avons présenté les résultats de notre première recherche empirique à notre contact,
- nous avons présenté notre projet de réalisation d’une étude de cas et ses implications pour
l’entreprise,
- nous nous sommes entendus sur une liste de personnes à rencontrer et sur une liste de
matériaux à consulter,
- nous avons identifié les événements ou initiatives, autrement dit les pratiques qu’il serait
intéressant d’étudier.

Nous voudrions ici revenir un instant sur ce dernier point : l’identification précise des événements ou
des pratiques à étudier.
Nous avons en effet constaté au cours de nos échanges que le mot « stratégie » recouvrait le plus
souvent et de façon exclusive dans l’imaginaire de nos répondants, la notion de stratégie délibérée, en
ce sens qu’on y associait la plupart du temps quelque chose de l’ordre de la réflexion ou encore de la
planification, plus que de l’ordre de l’action. Nous avons alors envisagé avec eux que la stratégie se
construisait (aussi) dans la pratique.
Le choix d’étudier une ou plusieurs pratiques concrètes (actuelles ou passées, et non futures ou à l’état
de projet) nous permettait en outre de retracer la chronologie de la formation de la stratégie dans son
ensemble (du début à la fin) et de lever les réticences relatives à la confidentialité des informations
données (qui sont moindre lorsque la stratégie a été mise en œuvre).

2) Sources de données mobilisées

Six sources de collecte de données sont préconisées pour la réalisation de l’étude de cas (Yin, 2013), il
s’agit :
1) De la documentation telle que des correspondances (lettres, e-mails), des documents personnels
(des notes), des comptes rendus de réunions, des communiqués, des articles parus dans les médias
de masse etc. ;
2) Des enregistrements archivés : des fichiers informatiques par exemple concernant le portefeuille
de clients, les budgets, des graphes, des cartes … ;
3) Des interviews : il s’agit de la source de données la plus centrale de l’étude ;
4) Des observations directes, réalisées par exemple en assistant à des réunions ou lors des visites sur
le site à l’occasion de l’interview ;
5) Des observations participantes qui supposent la participation du chercheur à l’événement ;
6) Des artefacts physiques ou culturels.
Nous présentons les détails des sources mobilisées dans le cadre de nos études dans les deux tableaux
suivants :

240
Chapitre VII. Problématique et méthodologie (études empiriques n°2 et n°3)

Etude de cas voyages-sncf.com (VSC)


Source Date Objet Durée Matériau
Interviews Entretien en face à face avec le Directeur 16/12/2014 Première étude empirique 34 min Enregistrement retranscrit
d’experts de la communication (VSC) (exploratoire) intégralement
Entretien téléphonique avec le Directeur de 15/01/2016 Présentation étude de cas et _
la communication (VSC) obtention d u accord Prise de notes
Entretien en face à face avec le 28/01/2016 Etude de cas (stratégie de 52 min Enregistrement retranscrit
Responsable marque, publicité et média brand content) intégralement
(VSC)
Entretien téléphonique avec le Responsable 05/02/2016 Etude de cas (stratégie de 28 min Enregistrement retranscrit
marque, publicité et média (VSC) brand content) intégralement
Entretien en face à face avec le Producteur 22/03/2016 Etude de cas (stratégie de 52 min Enregistrement retranscrit
(Konbini) brand content) intégralement
E t etie e fa e à fa e a e l Event 25/03/2016 Etude de cas (stratégie de 48 min Enregistrement retranscrit
director (Melty) brand content) intégralement
Communiqués Interne Consulté le Etude de cas (contexte : _ Document écrit
27/11/2016 priorités stratégiques de la
filiale)
www.sncf.com Consultés en Etude de cas (contexte : _ Sites Internet du groupe
www.open.voyages-sncf.com novembre 2016 histoire du groupe et de la
filiale VSC)
www.konbini.com/fr Consultés en Etude de cas (formation de la _ Sites Internet des partenaires de la
www.melty.fr mars et en stratégie de brand content) stratégie
novembre 2016
Artefacts ou G eeti gs f o le Ha e Consultés en Etude de cas (contenu de la
objets https://www.youtube.com/watch?v=R6Zjla mars 2016 stratégie de BC) _ Films réalisés
culturels YwFzQ
G eeti gs fo Cle o t Fe a d
https://www.youtube.com/watch?v=1-
pUJudQUcE

Tableau 16 : Données re ueillies da s le ad e de l’ tude de as vo ages-sncf.com

241
Chapitre VII. Problématique et méthodologie (études empiriques n°2 et n°3)

Etude de cas Louis Vuitton


Source Date Objet Durée Matériau
Interviews Entretien en face à face avec le Directeur 02/03/2015 Première étude empirique 1h4min Enregistrement retranscrit
d’e pe ts de la communication digitale (exploratoire) intégralement
Entretien en face à face avec le Directeur 11/02/2016 Présentation étude de cas et 1h Prise de notes
de la communication digitale obtention d u accord
Entretien en face à face avec le Directeur 15/03/2016 Etude de cas (stratégie de 1h3min Enregistrement retranscrit
de la communication digitale brand content) intégralement
Entretien en face à face avec le Digital 07/04/2016 Etude de cas (stratégie de 49min Enregistrement retranscrit
content manager brand content) intégralement
Entretien en face à face avec le Digital 18/03/2016 Etude de cas (stratégie de 1h Enregistrement retranscrit
relations manager brand content) intégralement
Entretien en face à face avec le Directeur 05/04/2016 Etude de cas (stratégie de 1h21min Enregistrement retranscrit
éditorial brand content) intégralement
Communiqués Rapport annuel du groupe LVMH, année Consulté en Etude de cas (contexte : _ Prise de notes
2015 octobre 2016 priorités stratégiques du groupe
et de la maison LV)
Ouvrage édité par la marque : « L â e du Consulté en Etude de cas (contexte : histoire _ Prise de notes
voyage », Editions Flammarion (2015) septembre 2016 de la marque)
Article de presse paru dans Les Echos Consulté en Etude de cas (contexte : histoire _ Prise de notes
(01/04/2003) septembre 2016 du groupe)
« Luxe : pourquoi la France est-elle
championne du monde ? », reportage Visionné en Etude de cas (contexte : histoire _ Prise de notes
diffus da s l issio Capital septembre 2016 du groupe)
(01/05/2016)
Observation E positio Volez, Voguez, Vo agez au Visite en février Etude de cas (contenu de la _ Prise de notes et photographies
Grand Palais 2016 stratégie de BC)
www.louisvuitton.com Consulté durant Etude de cas (contenu de la Site Internet de la marque
la e stratégie de BC)
Artefacts City Guide Louis Vuitton Paris (2015) Consulté en Etude de cas (contenu de la _ Guide de voyage
culturels octobre 2016 stratégie de BC)
Never ending story Avril 2016 Etude de cas (contenu de la Film réalisé
http://fr.louisvuitton.com/fra- stratégie de BC)
fr/articles/never-ending-story-le-film Etude de cas (contenu de la
Application de la visite du musée février 2016 stratégie de BC) Application
Tableau 17 : Do es e ueillies da s le ad e de l’ tude de as Louis Vuitton

242
Chapitre VII. Problématique et méthodologie (études empiriques n°2 et n°3)

Les entretiens qui ont été menés auprès des experts rencontrés ont été des entretiens semi-directifs,
comportant des questions de mise en contexte de la pratique, les grandes questions de recherche et
quelques sous-questions. Nous les avons menés avec le souci de rester flexibles plutôt que
d’entreprendre une investigation trop structurée (Rubin et Rubin, 1995), intervenant le moins possible
de manière à laisser émerger les événements relatifs à la formation de la stratégie.
Nous avons en somme demandé aux répondants de nous « raconter » la stratégie.
Un exemple de guide d’entretien est donné en annexe (Annexe 2).

VII.4. Analyse des données : l’analyse de contenu

Les entretiens retranscrits représentent la matière la plus importante et la plus conséquente de notre
analyse. Ils ont été analysés de la même manière que lors de notre première étude empirique.
Les autres matériaux consultés (rapport d’activité, site Internet de groupe, communiqué interne) nous
ont permis de positionner les stratégies étudiées dans un contexte, de les imbriquer dans des stratégies
ou axes stratégiques plus larges et par conséquent de mieux les comprendre.
Les observations et artefacts culturels nous ont donné à voir des manifestations concrètes des
stratégies déployées.

Nos retranscriptions (60 pages pour la marque VSC et 70 pages pour Louis Vuitton) ont dans un
premier temps fait l’objet d’une lecture flottante. Chaque entretien a été résumé à l’issue de cette
première lecture de manière à garder à l’esprit une vision globale de notre cas, de manière aussi à voir
émerger les thèmes et les sous-thèmes récurrents. Cette lecture a permis de fixer nos premières
impressions et réflexions (Miles et Huberman, 2003),

Comme ce fut le cas pour notre première étude, le codage des entretiens s’est fait plutôt de façon
inductive, tout en gardant à l’esprit nos objectifs de recherche, à savoir la compréhension de la
formation de la stratégie, l’identification de ses acteurs et la compréhension des éventuelles tensions
survenues dans ce processus de formation et de leur résolution.

Les entretiens ont été codés de façon verticale dans un premier temps (entretien par entretien), puis de
façon horizontale, afin de procéder à l’analyse thématique des contenus (Bardin, 1998).
Tout comme ce fut le cas pour notre première étude empirique, l’unité d’analyse choisie est un extrait
(verbatim) du discours du répondant, significatif pour la compréhension du phénomène étudié.
Les unités d’analyse identifiées sont regroupées en catégories ou thèmes ; chaque thème représentant
des unités de signification proche (Grawitz, 1996). Les thèmes ayant émergé ont été dans un second
temps regroupés en méta-thèmes.

243
Chapitre VII. Problématique et méthodologie (études empiriques n°2 et n°3)

La construction des catagories ou thèmes s’est faite au cours du processus de codage des données
(Allard-Poési, 2003), et non pas a priori.
La grille des thèmes ayant émergé est donnée en annexe (Annexes 3 et 4).

Trois thèmes majeurs ont émergés pour la marque VSC :


1) Le contexte de la stratégie étudiée (avec une vision globale sur la stratégie marketing et
stratégie de contenu de marque).
2) La formation de la stratégie de conquête de la cible jeune.
3) L’amorce d’une transformation de la stratégie émergente en stratégie délibérée.

Quatre méta-thèmes ont émergé pour la marque Louis Vuitton :


1) Le contexte des stratégies étudiées.
2) La formation de la stratégie de contenu de marque tactique.
3) La formation de la stratégie de contenu de marque thématique.
4) La formation de la stratégie de contenu de marque étendu.

244
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Chapitre VIII.

Le cas voyage-sncf.com

Et finalement on se dit : plutôt que de s’efforcer de faire venir les jeunes sur notre site, sur nos
environnements, nos applications, etc…allons à leur rencontre sur des endroits où ils sont déjà et où
ils consomment déjà du contenu, du média. Et donc effectivement ces carrefours d’audiences (…)
pour leur donner du contenu qui les intéresse, s’associer à des événements qu’ils apprécient.
(LM)

Nous présentons dans ce huitième chapitre les résultats de notre étude empirique sur la marque
voyages-sncf.com (VSC). Nous nous efforçons de comprendre, dans cette première étude de cas, la
formation de sa stratégie de contenu de marque (digital) en répondant aux questions suivantes :
- Comment la stratégie s’est-elle formée ?
- Quelles sont les parties-prenantes à la stratégie ?
- Quelles sont les éventuelles tensions ayant émergé au cours de la formation de la stratégie ?

Une partie introductive nous permet de donner quelques dates et événements fondamentaux de
l’histoire du groupe SNCF mais surtout de comprendre la complexité de son organisation et la place
occupée par la filiale voyages-sncf.com dans le groupe. Nous nous attachons ensuite à décrire le
contexte des stratégies étudiées, à savoir l’organisation de VSC et des départements marketing-
communication ainsi que le lien existant entre stratégie marketing et stratégie de contenu de marque
(VIII.1). Nous expliquons ensuite la stratégie de contenu qui a émergé des pratiques – ses acteurs, sa
formation, son contenu – (VIII.2) et nous démontrons dans une troisième partie (VIII.3) comment
cette stratégie émergente peine à accomplir sa transformation vers une stratégie délibérée, ce malgré
une intention évidente des managers et en raison d’un certain nombre de tensions. Nous synthétisons
et discutons enfin nos résultats dans une dernière partie (VIII.4).

245
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

VIII.1. Contexte des stratégies étudiées


VIII.1.1. L’organisation de la filiale VSC
VIII.1.2. Organisation marketing-communication et stratégie marketing
VIII.1.3. La stratégie de contenu de marque dans la stratégie marketing

VIII.2. A la conquête de la cible jeune : naissance d’une stratégie de brand content tactique
VIII.2.1. Les acteurs de la stratégie : Konbini et Melty
VIII.2.2. Genèse, formation et contenu d’une stratégie de brand content tactique émergente
VIII.2.3. Opérations Melty et Konbini : une stratégie de brand content tactique émergente greffée sur
deux stratégies délibérées

VIII.3. Transformation contrariée d’une stratégie émergente en stratégie délibérée


VIII.3.1. Reconnaissance de la portée stratégique des événements et actions menées
VIII.3.2. Description d’une intention de formation d’une stratégie délibérée
VIII.3.3. Freins et tensions à la formation d’une stratégie délibérée

VIII.4. Synthèse et discussion des résultats


VIII.4.1. Observation d’une stratégie de brand content tactique
VIII.4.2. Controverse sur la définition de contenu de marque et influence sur la formation de la
stratégie
VIII.4.3. Transformation contrariée de la stratégie de brand content émergente en stratégie délibérée
VIII.4.4. Formation de la stratégie et école de pensées

246
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Introduction au cas voyages-sncf.com

Cette introduction est l’occasion de citer quelques événements de l’histoire du groupe SNCF, et
surtout de situer la filiale voyages-sncf.com (sur laquelle porte notre étude de cas) dans l’organisation
complexe du groupe. Nous décrivons aussi l’activité, les priorités stratégiques et les valeurs de la
filiale.

1) Les événements importants de l’histoire du groupe SNCF53

La première ligne de chemin de fer est créée en France en 1827. Elle est exclusivement dédiée au
transport du charbon entre les mines de St Etienne et les rives de la Loire. Le train se compose alors de
trois wagonnets dont la descente s’effectue sur des rails par gravité et dont la remontée est effectuée
par des chevaux. Il faut attendre 1837 pour voir apparaître la première ligne entièrement dédiée aux
voyageurs ; elle assure la liaison entre Paris et Saint Germain en Laye.
Le milieu du XIXème siècle est ensuite marqué par la construction de gares monumentales (Gare de
l’Est, Gare de Lyon etc.) et par le développement des lignes ferrovières.

En 1937, soit 110 ans après la construction de la première ligne ferroviaire, les compagnies
ferroviaires sont dans l’ensemble toutes déficitaires et leur nationalisation semble être une solution
viable. Le 31 août 1937, une convention approuvée par un décret-loi prévoit la création de la Société
Nationale des Chemins de Fer français. Elle sera appliquée officiellement le 1er janvier 1938 et
donnera suite à la fusion des cinq grandes compagnies ferroviaires françaises.
L’après-guerre (1946) est marquée par le premier plan de modernisation et d’électrification de la
SNCF : le transport ferroviaire est alors considéré comme prioritaire pour le développement
économique du pays.

L’année 1967 symbolise l’entrée de la SNCF dans le service commercial à grande vitesse : le train
Capitole assure alors la liaison Paris-Toulouse à 160km/h. Une série de records de vitesse suivront :
- En 1981, le TGV bat le record du monde de vitesse en atteignant 380 km/h. A la suite de ce
record, les voyageurs de la ligne Paris-Lyon atteindront leur destination à la vitesse de 260km/h.
- En 1990, le TGV Atlantique atteint le nouveau record mondial de 515,3km/h ; cet événement vient
confirmer la maîtrise de la SNCF de la grande vitesse.

53
Source http://www.sncf.com/fr/portrait-du-groupe/histoire-sncf

247
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Les années quatre-vingt-dix et deux mille connaissent de grands projets d’extension des lignes
françaises et européennes : le tunnel sous la Manche est inauguré en 1994 et le premier train Paris-
Londres est mis en service le 14 novembre 1994. Plus tard encore, le TGV Méditerranée est lancé en
2001, et la nouvelle ligne Rhin-Rhône en 2011.
Le 25 janvier 2013, le TGV totalisait deux milliards de voyageurs depuis sa création.

2) L’organisation du groupe SNCF aujourd’hui et la place de la filiale voyages-sncf.com dans le


groupe54

L’organisation du groupe SNCF est une organisation complexe ; le groupe se compose de trois EPIC
(Etablissement Public Industriel et Commercial) et de cinq métiers.

L’EPIC SNCF prend en charge le pilotage global du groupe ; l’EPIC SNCF Réseau gère, exploite et
développe le réseau ferré français ; l’activité de l’EPIC SNCF Mobilités se concentre sur le transport
de voyageurs et de marchandises.

Les cinq métiers du groupe SNCF sont les suivants :


a) SNCF Réseau dont les activités sont liées à l’infrastructure ferroviaire du réseau ferré national
(accès, gestion, maintenance, développement) ; ce métier fait partie de l’EPIC SNCF Réseau.
b) SNCF Voyageurs qui comprend le Transilien, le TER, Intercités, les voyages SNCF TGV et cars
longues distances, les gares et les connexions ; ce métier fait partie de l’EPIC SNCF Mobilités.
c) Keolis : transport public de voyageurs en France et dans le monde (bus, cars, métros, tramways
…) ; ce métier est intégré dans l’EPIC SNCF Mobilités.
d) SNCF Logistics qui comprend plusieurs filiales dont l’activité est liée à la logistique ; ce métier est
issu de l’EPIC SNCF Mobilités.
e) SNCF Immobilier qui gère le patrimoine foncier et immobilier du groupe ; ce métier appartient à
l’EPIC SNCF.

La filiale voyages-sncf.com fait partie du métier SNCF Voyageurs.


« SNCF Voyageurs simplifie le déplacement des voyageurs en proposant toutes les solutions de
mobilité partagée, grâce aux activités Transilien, TER, Intercités, Voyages SNCF et enfin Gares &
Connexions. »

54
Source http://www.sncf.com/fr/portrait-du-groupe/un-groupe-de-service

248
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

55
Figure 19 : Représentation partielle du groupe SNCF et place de la filiale voyages-sncf.com (VSC)

EPIC SNCF

EPIC SNCF RESEAU EPIC SNCF MOBILITES

SNCF Voyageurs SNCF Logistics KEOLIS

Voyages Transilien Intercités

VSC TGV Direction Europe Direction Stratégie Financière

3) La filiale voyages-sncf.com : son activité, ses priorités stratégiques et ses valeurs56

Activités de la filiale VSC

Voyages-sncf.com (appelée aussi VSC par ses managers) est une filiale du groupe SNCF ; elle est
dirigée par Franck Gervais depuis décembre 2014 et regroupe 1000 collaborateurs dont 650 en Europe.
C’est encore une jeune entreprise.
Créée en l’an 2000, VSC naît avec et à cause du digital – comme une adaptation nécessaire du groupe
aux nouvelles technologies – et se compare à sa création à une start-up57 :
« … la création de voyages-sncf.com en 2000 a vraiment été le fruit de la prise de conscience de
SNCF que le digital allait profondément changer les choses, le web surtout, et qu’il fallait avoir une
réponse adéquate pour faire face à ce qui allait se passer. Donc l’idée a été de créer une filiale (…) et
de miser en mode start up, c’est vraiment comme ça que ça s’est passé, sur un site qui allait être une
sorte de … de xème boutique SNCF mais qui aurait la spécificité d’être en ligne. » (GC)

55
Source : estitutio d u e dis ussio a e u a age du g oupe “NCF, o e e 2016
56
Sources : http://open.voyages-sncf.com/groupe, analyse de contenu des entretiens menés et document
interne
57
Start-up : jeune entreprise de haute technologie à fort potentiel de croissance, soutenue par le capital-risque
ou les stock-options (définition donnée par le Petit Robert, Le Robert – VUEF, 2003).

249
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

La filiale VSC se présente aujourd’hui comme le leader du e-commerce français, avec 82 Millions de
billets vendus en 2015, dont 12 Millions à des voyageurs internationaux.
« … et donc maintenant ça fait quasiment quinze ans que nous sommes là. Au début c’était une toute
petite structure, aujourd’hui on est quasiment mille, on est à l’international et on fait quatre milliards
d’Euros de volume d’affaires, ce qui fait de nous le premier e-commerçant français. » (GC)

L’activité principale de VSC est la distribution de billets de train (SNCF, Eurostar, Thalys, TGV …),
de billets d’avion, de billets de bus, de séjours touristiques, la location de voiture et la réservation de
chambres d’hôtels : « Nous sommes … des vendeurs de billets de train, mais aussi de billets d’avion,
de bus, on vend des hôtels, on vend des séjours … Bref tout ce que vous pouvez mettre autour du train
pour faire le voyage. Ça c’est notre vocation vers nos clients. » (GC)

L’activité de la filiale ne consiste pas à créer les offres, cette activité est réservée à d’autres filiales du
groupe, mais bien à les distribuer : « Nous ne créons pas d’offre. Les entités qui créent les offres ce
sont les transporteurs donc c’est SNCF avec les différentes marques que vous connaissez (TGV,
Intercités, OUIGO, IDTGV) et les transporteurs internationaux. » (MN)

Priorités stratégiques

Le Directeur Général de la filiale Franck Gervais envisage deux axes stratégiques majeurs pour VSC :
1) un axe mettant la priorité sur l’expérience client et 2) un axe visant à promouvoir la destination
France. En lien avec l’expérience client, une nouvelle proposition de valeur était annoncée pour 2016 :
appelée « Smart Tourism », elle consiste à offrir un voyage plus simple à organiser et à vivre.
« Notre ambition pour 2016 et les années qui suivent, c’est de proposer à nos clients une expérience
unique, personnalisée, fluide et sûre. Notre proposition de valeur, c’est le Smart Tourisme. » (Franck
Gervais, Directeur Général)

Un document interne énonçant la liste des objectifs de VSC pour l’année 2015 met en avant un autre
projet considéré comme « majeur » : le programme DIGITAL FUSION vise à refondre les sites
sncf.com et voyages-sncf.com dans l’objectif de rendre le parcours d’achat plus aisé. Ce programme
s’inscrit dans une prise de conscience du groupe de l’intérêt de la marque unique et forte, de la priorité
du digital, de la présence de la concurrence et du phénomène de trouble de l’expérience client
conséquent à la coexistence de 750 sites Internet et d’une centaine d’applications mobile au sein de la
« galaxie digitale SNCF ».

250
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Sur le plan international, son goût pour la conquête de nouveaux marchés a permis à l’entreprise de
s’étendre dans une centaine de pays. Elle annonce en 2016 l’ouverture d’un bureau à Shanghai et le
rachat d’un acteur local en Australie et en Nouvelle-Zélande.

L’innovation est également un pan majeur de sa stratégie : l’intégration des révolutions technologiques
fait partie du programme d’innovation du groupe dont 60% de l’audience est présente sur le mobile.
Ce souci de l’intégration des innovations technologiques majeures aux activités de VSC est
parfaitement illustré dans le verbatim suivant : « Il y a eu la première bascule importante qui a été
celle du haut débit, donc au milieu des années deux mille, qui a vraiment fait basculer le service dans
quelque chose de nouveau, de plus rapide, plus facile, plus ergonomique et du coup plus populaire. Il
y a eu la montée en puissance des acteurs type Yahoo Google Facebook, avec notamment beaucoup
d’attention portée à Google parce que Google est quelque part un robinet à clients, c’est-à-dire que
c’est souvent le premier endroit où les gens vont pour taper quelque chose avant de venir chez nous.
(…) On a eu au début des années deux mille dix, deux mille onze la bascule vers le mobile. Mobile et
tablette, (…) qui a été quelque chose sur lequel on était vraiment précurseurs et qui aujourd’hui
assure … à peu près cinquante pour cent de notre audience est faite sur mobile et sur tablette. (…).
Aujourd’hui on est … il y a quelque chose qu’on est en train de voir venir qui est tout ce qui concerne
la personnalisation, ce genre de choses, dans le marketing. Et le dernier point, le big data, qui est un
p’tit peu tarte à la crème et qui est en même quelque chose qu’on regarde aujourd’hui de vraiment
très près, (…) mais on en fait depuis quelques années, (…). Voilà, maintenant il y a un mot qui est
dessus, mais c’est quelque chose voilà que nous on continue d’expérimenter, et on pense que c’est
quelque chose d’important. » (GC)

Le groupe déclare par ailleurs avoir adopté des méthodes dites « agiles » en organisant un certain
nombre de ses équipes internes en start-ups ; une quinzaine d’équipes appelées « Feature Teams » ont
ainsi été créées, elles sont associées aux approches big data et aspirent à être réactives et productives.

Figure 20 : Manifestatio s de l’ e ge e des ouvelles te h ologies et adaptatio s suivies pa VSC

HAUT DEBIT >>> GOOGLE >>> MOBILE >>> BIG DATA

Gain en rapidité, facilité, Flux de visites accru Développement de Connaissance client


ergonomie >> Acquisition de l’usage des appa eils >> Personnalisation
>> Popularité du service clients mobiles
>> 5 % de l’audie e

251
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Valeurs de l’entreprise VSC

Les valeurs affichées de la filiale VSC sont finalement les suivantes :


- Audace : des équipes agiles, créatives qui testent et apprennent en réussissant et aussi en échouant.
- Client : il est au centre de l’organisation et de ses réflexions.
- Team Player : les équipes sont globalement engagées pour la qualité des services.
- Simply : la simplicité caractérise le comportement des collaborateurs VSC.

En synthèse :
- L’entreprise voyages-sncf.com (VSC) est une entreprise jeune qui fait partie du groupe
SNCF, lui-même constitué de multiples entités et organisé de façon complexe.
- Elle compte aujourd’hui plus de 1000 employés et se considère comme l’acteur le plus
important du e-commerce en France.
- Malgré la taille de l’entreprise, le fonctionnement de VSC est encore comparable à celui
d’une start-up ; l’entreprise se trouve au centre des mutations technologiques digitales
auxquelles elle s’adapte par une organisation dite « agile » qui consiste à constituer de petites
équipes internes réactives (comparées en interne à des start-ups).
- Le client est placé au cœur de sa stratégie: cette priorité s’illustre par la recherche de
simplification à la fois du parcours client et de l’expérience client dans les stratégies menées.

252
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

VIII.1. Contexte des stratégies étudiées

Cette première partie est l’occasion de poser le contexte des stratégies qui vont être par la suite
étudiées. Il est intéressant dans un premier de temps de comprendre l’organisation de la filiale VSC.
Une attention particulière est portée dans un second temps aux parties-prenantes de la stratégie
marketing de la filiale. Nous introduisons ensuite le sujet de la stratégie de contenu de marque en
précisant les liens existant entre stratégie marketing et de stratégie de contenu.

VIII.1.1. L’organisation de la filiale VSC

En termes de taille, l’entreprise VSC se considère encore comme une petite structure : « Ici, on est 600
en France, 1000 au total dans le monde. On est une toute petite structure. » (MN)

Les équipes de VSC dans son ensemble sont conscientes des évolutions du marché et de l’émergence
de nouveaux concurrents ; elles essaient de s’y adapter : « Je pense que l’entreprise se
professionnalise – non pas qu’elle n’était pas professionnelle avant – je pense qu’elle en ressaisit bien
l’organisation, enfin elle suit les évolutions du marché et ça, c’est intéressant. (MN) / « on va dire
que notre concurrent principal, qui est vraiment sur le même périmètre, c’est CAPITAINE TRAIN,
CAPTAIN TRAIN maintenant. Après, on pourrait considérer BLA BLA CAR comme un concurrent, la
réalité des faits c’est que typiquement c’est pour nous plus un concurrent de TGV par exemple » (MN)
/ « après on sait que les choses vont changer cette année, probablement qu’il y a de nouveaux
concurrents qui vont arriver ; on en entend parler beaucoup dans les médias donc ça ne tardera pas à
arriver. THE TRAIN LINE par exemple sur le marché du UK » (MN).

L’entreprise VSC est organisée de façon matricielle avec :


- des Business Units géographiques : France, Europe et Overseas ;
- des directions transversales : VSC Technology, Direction Marketing, Direction des Partenariats et
Produits, Direction de la Communication, Direction RH, Directions Finances et Légale.

Les Business Units (BU) sont responsables des marchés ; la Direction Marketing est responsable du
trafic sur le site VSC et de l’expérience client ; la Direction des Partenariats et des Produits est au
service des BU, elle crée les produits commercialisés ensuite par les BU.
« Donc nous voyages-sncf.com, on est organisé de façon matricielle. Nous avons des business units
qui sont géographiques, donc il y a une business unit France, il y a une business unit Europe qui gère
toute l’Europe sauf la France, une business unit overseas pour le reste du monde (...). Voilà. Donc ça
c’est les business units, elles gèrent les marchés. Et ensuite il y a des directions transversales, il y en a
trois : il y a la direction que l’on appelle VSC T pour VSC Technology qui est notre outil

253
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

technologique digital, c’est 250 personnes, c’est une sorte de SSII interne. Voilà. Parce que tout est
internalisé chez nous, en termes de production du site, à part quelques missions très marginales. Nous
avons ensuite une direction du marketing et de la user experience, qui est là pour garantir l’arrivée
des clients en termes d’audience et de trafic et garantir l’excellence de leur expérience sur le site.
Donc ils travaillent beaucoup sur l’ergonomie, c’est eux qui travaillent justement sur le SEM, le SEO,
les stratégies d’acquisition. Et nous avons une direction des partenariats et des produits. C’est un peu
une sorte de laboratoire des produits qui vont être mis demain au service des business units. Et puis
après nous avons les fonctions classiques : direction de la communication, direction des RH, finances,
légal et voilà.» (GC)

Son activité de diffusion des offres s’organise autour de trois pôles : 1) la Business Unit France dont le
rôle est de définir les offres proposées, de les rendre lisibles ; 2) la direction marketing ; 3) et la
direction communication.
« Comme on est distributeur, on a l’organisation d’un distributeur, c’est-à-dire que le cœur du
réacteur c’est trois pôles, c’est le pôle de la Business Unit France qui eux ont la relation avec le
marketing des offres transporteurs ; donc eux sont sur quelles offres relayer, à quel moment et de
quelle manière … , on va dire de manière un peu macro. Cette entité est dirigée par Jérôme Lafont. Et
ensuite il y a la Direction marketing dirigée par Béatrice Tourvieille et après en synthèse il y a la
Direction de la communication qui est dirigée par François Bitouzet. » (MN)
« Eux (la BU France) font tout ce travail d’échanges avec les transporteurs et du coup, d’intégration
des promos, des plans d’actions. Nous aimons bien dire que nous somme un intégrateur des offres de
voyages, c’est-à-dire que l’on fait tout ce travail de rendre lisible quelque chose qui par essence ne
l’est pas forcément. (...) Nous sommes une vitrine de toute l’offre de voyages qui est disponible. »
(MN).

Si l’on s’intéresse plus particulièrement aux équipes marketing et communication, celles-ci sont
également très jeunes (mise en place de nouveaux dirigeants récente) et de taille assez réduite :
« On est leader du e-commerce en France mais malgré tout on est très très peu staffé. Aujourd’hui,
l’organigramme c’est : Franck Gervais qui est le Directeur Général, en dessous de lui il y a François
et en dessous de François, il y a Lionel et en dessous de Lionel, il y a soit un stagiaire qui a fini son
contrat il n’y a pas très longtemps soit un CDD que j’ai réussi à recruter mais cela a été un peu
fastidieux. (GC)
« Franck est arrivé il y a un an, il a recruté sa nouvelle directrice marketing donc ça a pris quelques
mois, la direction marketing a remis en ordre de bataille sa direction donc elle a recruté
beaucoup…on a senti qu’il y avait vraiment une modification de l’organisation depuis qu’elle est

254
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

arrivée. Je pense que maintenant, la direction marketing est structurée, elle ne va plus beaucoup
évoluer. » (MN)

Figure 21 : Organisation de la filiale VSC

Franck Gervais, Président Directeur Général

BU FRANCE BU EUROPE BU OVERSEAS

Direction Marketing Direction des Partenariats et Direction Direction RH et


VSC Technology
User Experience des Produits Communication Légale

Notre étude de cas se focalise sur l’équipe Communication, celle-ci étant à l’initiative de la stratégie
de brand content digital étudiée.
L’équipe de Communication est organisée de façon assez classique :
« A la communication enfin, on a deux services : un qui vous intéresse moins probablement, c’est la
communication interne qui est rattachée à François et la communication externe dans laquelle je
travaille. Dans le service communication externe, on regroupe les réseaux sociaux, la publicité et les
médias (donc mon poste à moi est la marque) et ensuite on a également les RP et la e-réputation. »
(MN)

Les équipes marketing et communication exercent d’une façon générale leurs activités dans une
logique d’apprentissage, ou autrement dit de test and learn : « Et au sein de SNCF on a un peu un rôle
de laboratoire justement du marketing digital. Et donc on a intégré toutes les logiques de SEO, SEM,
le retargeting, les contenus de marque, tout ce qui est arrivé au fur et à mesure du temps dans ce
monde du digital. » (GC)

VIII.1.2. Organisation marketing-communication et stratégie marketing

D’un point de vue général, la mission du département marketing est de générer du trafic sur les sites
de réservation de la marque. Ce département est également en charge du marketing relationnel avec le
client.
« Chez voyages-sncf.com, le marketing c’est quoi ? Contrairement à la téléphonie mobile où par
exemple les marques créent le forfait, les offres, donc le produit, ici le marketing est un marketing de
distribution. Ça veut dire que cela rassemble les métiers de génération de trafics (SEM, SEO,
affiliations, partenariats, etc.) donc comment je fais venir des gens sur le site. Egalement, ce que l’on
255
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

appelle ici le MR (marketing relationnel), en réalité c’est le CRM donc tout ce qui est newsletters
majoritairement et les notifications qu’on envoie sur notre application mobile. Ensuite, on a toute une
partie BIG DATA qui contient les études et la segmentation etc. » (MN)

L’équipe marketing détient également l’expertise de la connaissance client : « Typiquement, quand


c’est une offre qui s’adresse aux jeunes et que l’on sait qu’ils nous quittent, eux savent dire quels sont
les jeunes qui nous ont quittés, pour aller où, quel est leur profil, et du coup il y a toutes ces
mécaniques de targeting, de look a like, de custom audience, de partage des bases de données, enfin
de mise en commun de données pour aller recruter nos clients sur le web, enfin toutes ces nouvelles
technologies. » (MN)

Le rôle de la communication tient davantage à la présentation de l’offre : « On package aussi, on a un


rôle de distributeur au même titre qu’Auchan va créer les 25 jours Auchan, il va aller voir Ferrero,
Danone,…va mettre en lumière tous ces produits. Nous faisons ce travail-là aussi de thématiser les
offres pour donner envie, pour apporter de la valeur ajoutée. » (MN)

Bien que l’organisation entre les départements Marketing et Communication semble être une
organisation en silos, en ce sens que les deux équipes fonctionnenent idépendemment (« la com’ ne
dépend pas du marketing. Il y a des entreprises dans lesquelles c’est le cas mais pas chez nous »
(MN)), le travail entre les deux équipes reste dans l’ensemble collaboratif : « C’est un travail que l’on
fait en commun avec la BU et la Communication. » (MN), « Il n’empêche que l’on se parle beaucoup,
tout ce que l’on crée est cohérent, qu’on essaie de briefer nos agences en même temps. » (MN).

La formation de la stratégie marketing se répartit entre les trois entités : la BU, le marketing et la
communication (« C’est un peu une tripartite BU, marketing et communication. » (MN)).

Plus précisément, la Business Unit est plus directive dans la formation de la stratégie pour ses axes ou
priorités « business », auquel cas la Communication et le Marketing sont au service de la Business
Unit. La Communication est en revanche leader sur les problématiques concernant plus directement la
marque, la stratégie de brand content en faisant partie.
« Aujourd’hui il y a un peu un lead qui est mené par la BU France qui nous dit « à tel moment on va
procéder à l’ouverture des ventes pour les vacances d’été par exemple », en l’occurrence c’est dans
quelques jours. Donc il va y avoir tel et tel prix, les priorités c’est de communiquer sur l’anticipation
pour payer moins cher ses billets. Ça va concerner tel et tel « OD », c’est-à-dire origine-destination,
quels trajets en fait. Et ça ils le racontent au marketing et à la communication et après le marketing et
la communication travaillent étroitement pour créer le dispositif de communication et le dispositif

256
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

médias qui permettra de faire venir les gens sur le site et les acheter. (...) . Ça, c’est pour les enjeux
prioritairement business. » (MN)
« Si on parle après des enjeux un peu plus « marque », on fait en sorte que lorsqu’on raconte des
choses sur le business, l’on raconte aussi des choses sur la marque. On voit qu’on est plus fort
lorsqu’on raconte les deux et que les deux se nourrissent. Mais on peut avoir en parallèle des
problématiques purement « marque » et dans ce cas c’est plutôt un lead côté communication. C’est un
peu la manière dont on a abordé la problématique de brand content et de l’opération qu’on a menée
avec Konbini. » (MN)

D’une manière générale, la réflexion stratégique est partagée en ce sens qu’elle n’émane pas
exclusivement de la direction générale mais qu’elle est plutôt co-construite par les managers
d’échelons supérieurs et les managers plus opérationnels :
« C’est un service qui est hyper intéressant parce que François et Franck ont des discussions qui
arrivent très rapidement à mon niveau et qui permettent de nourrir un peu la strat’, de pouvoir
échanger sur des sujets pas que opérationnels mais aussi où est-ce que l’on souhaite amener la
marque, pour quelles raisons, etc. » (MN)

Figure 22 : Mission et rôles des parties prenantes dans la construction de la stratégie marketing VSC

BU France DIRECTION
DIRECTION MARKETING
Gestion du marché France, COMMUNICATION
Connaissance Client, CRM
ouverture des offres Communication des offres
Génération de trafic
(produits, prix) Problématiques de marques

Lead sur les ventes Lead sur la connaissance client Lead sur la marque

CO-CONSTRUCTION DE LA
STRATEGIE MARKETING

VIII.1.3. La stratégie de contenu de marque dans la stratégie marketing

Il n’existe pas d’endroit ou d’entité unique au sein de laquelle la stratégie de contenu de marque de la
marque VSC est pilotée ; celle-ci est plutôt le résultat de différentes initiatives émanant de diverses
équipes :

257
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

« Alors tout ça est un peu … c’est … ça vit ensemble. Il n’y a pas quelque part un endroit où on dit les
contenus de marque sont pilotés d’ici. En fait les contenus de marque ils sont activés en fonction des
besoins des différentes business units ou des directions. » (MN)

Alors que la Direction des Produits et Partenariats semble mener une stratégie plus formalisée sur
l’ensemble d’une année (« Par exemple toute la partie « où partir ? », ça c’est dans la direction des
partenariats et des produits. Il y a une équipe éditoriale qui travaille comme un journal, donc c’est
eux qui écrivent les choses, qui les filment. Et donc ils ont un programme de publication sur toute
l’année. » (MN)), les autres équipes Marketing et Communication suivent davantage le cours des
événements pour produire le contenu adapté : « Le marketing peut avoir des opérations spéciales, un
peu type publi-rédac ou native ad etcetera, et nous la communication on a notre propre politique de
contenu quand on va faire des opérations spéciales, quand on va travailler avec des journalistes, avec
des influencers, ou simplement des disciples un peu privilégiés type les jeunes ou ce genre de choses. »
(MN).

Comme cela a pu être exprimé dans le cadre de la stratégie marketing en général, la mise en œuvre des
stratégies de contenu de marque décidées se fait ici aussi de façon très collaborative : « … et ensuite
par contre tout le monde travaille ensemble. Par exemple on avait fait une opération avec des
blogueuses où elles ont écrit des choses, des mini-guides avec un regard féminin sur les destinations,
on l’a fait en partenariat avec les équipes éditoriales de « où partir ? » qui ont aidé sur la partie
rédactionnelle, et le marketing a aidé sur la partie bien optimiser pour le SEO. Et de la même façon
« où partir ? » quand ils travaillent, les équipes marketing les aident pour les SEO et nous on les aide
sur l’expression de la marque. Donc vous voyez c’est soit on est leads et les autres du coup travaillent
pour nous, soit on est prestataires internes en fonction de … voilà, c’est ça. Mais on est des petites
équipes donc ça se passe … ça se passe … si on était dans une structure de 250 000 personnes ce
serait peut-être différent, mais là voilà ça se passe un peu de cette façon. » (MN).

La stratégie de contenu de marque n’est dans son ensemble pas à proprement parler formalisée ; elle
s’inscrit cependant dans une logique ou stratégie de ciblage dans la mesure où le contenu sera produit
pour atteindre telle ou telle cible en particulier : « On ne réfléchit pas nécessairement stratégie brand
content. On a une approche qui est un peu par cibles. On a identifié les cibles prioritaires qui sont les
jeunes, les familles et les seniors. Effectivement, parmi les solutions pour les adresser, il y a
effectivement le contenu. Est-ce que l’on peut parler de stratégie ? Disons que le brand content fait
partie de la stratégie pour toucher nos cibles, mais à ce stade, c’est un peu tôt pour nous pour parler
de stratégie brand content. On est pourtant leader du e-commerce en France et on a plein d’initiatives
dans tous les sens mais je pense qu’à ce stade c’est encore un peu juste pour pouvoir parler de
stratégie brand content. » (MN).

258
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Figure 23 : Le contenu de marque comme stratégie de ciblage

STRATEGIE
MARKETING >>> CIBLAGE >>> CONTENU DE MARQUE

La priorité ou l’accent donné aux contenus de marque sera plus ou moins fort en fonction des priorités
de la marque VSC : les activités « ROIstes » resteront privilégiées lorsque les objectifs fixés
concerneront les volumes de ventes :
« En fait ça dépend des enjeux business. C’est-à-dire que en fonction de la façon dont le business est
tendu ou pas, c’est comme un bateau. C’est-à-dire que il y a des moments où il y a des enjeux très très
très forts sur le volume d’affaires, donc là on a des approches très ROIstes où on sait que chaque
opération doit rapporter tant. Donc évidemment dans ce genre de cas, les contenus de marque sont un
peu mis en sourdine. Et puis il y a des moments où on peut travailler plutôt à moyen terme, plutôt sur
la fidélisation, ou plutôt sur la marque, sur sa substance, et là on vient sur les contenus de marque.»
(GC)

Un socle de contenu (et donc une stratégie) se crée cependant de façon continue ; il sera plus ou moins
alimenté en fonction des priorités stratégiques de la marque : « Mais en fait, je voudrais pas que ça
donne l’impression que on arrête on recommence, on arrête on recommence, on a plutôt un socle de
base de … sur lequel on travaille, qu’on enrichit tout au long de l’année, et ensuite en fonction de
l’estimation du business, on va en rajouter mais en fait on a toujours une approche autour des
contenus de marque en continu. On fait pas du STOP and GO en fait, voilà. » (GC)

259
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

En synthèse :
- L’entreprise voyages-sncf.com est une entreprise jeune en ce sens que les équipes (marketing
et communication) ont été récemment renouvelées ; la nomination récente de nouveaux
cadres dirigeants est considérée comme une « professionnalisation » accrue que nous
interpréterons comme une réponse ou réaction aux nouveaux enjeux du marché et
notamment à l’émergence de nouveaux acteurs.
- Les directions marketing et communication sont des directions organisées en silos (chacune
fonctionne indépendamment de l’autre) ; elles travaillent cependant de manière
collaborative aussi bien dans la mise en œuvre de la stratégie marketing que de celle de la
stratégie de contenu.
- Trois parties-prenantes à la stratégie marketing d’une manière générale ont été identifiées :
la Business Unit est garante des volumes d’affaires, la Direction Marketing est garante de la
connaissance du marché-client et du ciblage (sa mission est la génération de trafic), la
Direction de la Communication est garante de la communication des offres et de la
construction de la marque.
- Il n’existe pour l’instant pas de stratégie de contenu de marque formalisée à proprement
parler ; des initiatives émanent cependant de diverses équipes (Directions des produits et
partenariats, marketing et communication) ; notre étude de cas consiste à étudier
précisément l’une de ces initiatives.
- Le contenu de marque est une tactique qui s’inscrit dans la stratégie de ciblage : le contenu
sera produit pour séduire telle ou telle cible.
- La stratégie de contenu sera plus ou moins activée en fonction des priorités stratégiques plus
générales de l’entreprise : elle sera mise en sourdine dans des périodes où l’objectif
d’augmentation des volumes de ventes sera donné comme prioritaire.

260
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

VIII.2. A la conquête de la cible jeune : naissance d’une stratégie de brand content


tactique

Nous nous intéressons ici et de façon exclusive aux initiatives de brand content conduites par l’équipe
communication de la marque VSC. Cette deuxième partie vise à décrire la stratégie de brand content
tactique déployée par VSC et par ses partenaires pour séduire la cible jeune.
Nous présentons d’abord les acteurs partenaires externes de la stratégie (leur cible, leur
positionnement et leurs offres). Nous retraçons ensuite la genèse de la formation de la stratégie, ses
objectifs et son contenu. Nous expliquons en quoi la stratégie formée est une stratégie émergente.

VIII. 2 .1. Les acteurs de la stratégie : Konbini et Melty

Dans l’objectif de mieux cibler et de séduire la cible jeune (15-25 ans et plus largement 15-30 ans),
VSC conduit une stratégie de contenu de marque que nous qualifierons de tactique, en ce sens qu’elle
s’assimile à une tactique qui lui permet d’atteindre sa cible. Outre la marque VSC, deux acteurs
majeurs ou marques médias populaires auprès de la cible jeune ont contribué à la formation de cette
stratégie : il s’agit de Konbini et de Melty que nous nous décrivons dans la partie qui suit.

« … on sait que c’est intéressant d’un point de vue pure marque en fait de s’associer à ces gens-là
(Melty et Konbini) parce qu’ils ont de l’audience qui nous intéresse, en l’occurrence les jeunes, et
parce qu’ils sont en capacité de produire des choses de super bonne qualité et parce que l’association
de marques entre eux et nous, elle est intéressante. » (MN).

Images 4 et 5 : Représentations (logos) et slogans des marques Konbini et Melty

« Konbini, c'est le site qui vous parle créativité et pop culture tous les jours sur
Facebook, Twitter ou sur Konbini.com. Parce que tout est plus cool quand c'est
pop ... »58

« melty.fr, est un site d'actualité français axé sur les tendances jeunes. Des peoples au
cinéma en passant par le sport, les séries ou encore les jeux-vidéo, ... »59

58
Source konbini.fr
59
Source melty.fr

261
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Melty et Konbini sont deux start-ups, des entreprises jeunes créées toutes deux en 2008.
Elles s’assimilent à des marques médias, productrices ou éditrices de contenus de marque digitaux sur
des sites Internet et sur les réseaux sociaux. Elles conduisent toutes deux des stratégies de brand
content auprès des cibles jeunes. Ces stratégies sont composées d’un positionnement, d’un ciblage et
d’une offre de produits facilement identifiables.

1) Cibles des marques Konbini et Melty

Les deux marques s’adressent à des cibles jeunes : « Mais en tous les cas, ce ne sont que des jeunes de
moins de 30 ans puisque c’est la cible MELTY » (TT).
On parle de « communauté Konbini ».
On évoque aussi la marque Konbini comme le miroir d’une génération : « On estime que derrière la
communauté KONBINI, ce sont de vrais gens, des gens qui sont engagés, des gens qui
soutiennent…qui ont envie de se marrer. On est un peu le miroir d’une génération. (…) 18-25. Avec
des trentenaires comme moi qui connaissent KONBINI depuis le début. (…) Ils sont très social
médias, ils sont sur Snapchat, sur Instagram, sur Twitter, sur Facebook. Ils interagissent. » (FC)

Les deux marques bénéficient finalement d’une expertise de la cible jeune (et cette expertise présente
un intérêt certain pour les annonceurs), d’une audience fidèle qui vient lire ou consommer leurs
contenus:
« L’avantage qu’ont ces marques médias, que ce soit KONBINI ou MELTY par rapport à nos agences
de pub, c’est qu’ils ont l’audience (ce que n’ont pas nos agences de pub) c’est-à-dire qu’ils ont des
gens qui viennent régulièrement consulter leurs contenus et ce qui nous intéresse c’est l’audience,
c’est la connaissance qu’ils ont de ces cibles-là puisque forcément ils produisent toute la journée du
contenu pour ces cibles et donc ils savent ce qui plaît, ce qui ne plaît pas. Ils ont une vraie expertise
de la cible. » (MN).

2) Positionnements des deux marques

La ligne éditoriale et le positionnement de Konbini sont bien définis : la marque média met en avant la
culture populaire.
« C’est le média qui défend la pop culture. / on défend les pop cultures, on défend l’accessibilité, on
parle de sujets finalement assez grand public mais on en parle de façon très simple, on donne souvent
notre point de vue. Voilà, on a envie de rendre accessible toute la culture pop de façon assez massive
(….) enfin, voilà, en gros c’est un média qui défend, qui soutient la culture pop. » (FC)

262
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Le positionnement de Melty semble pour sa part moins clairement défini, plus opportuniste : l’activité
de la marque consiste à créer des concepts adaptés aux goûts des jeunes cibles en matière de contenu
digital, le tout pouvant être considéré comme de l’entertainment :
« Mais il y a des nouvelles idées qui se créent chaque jour et chez MELTY, c’est assez sympa parce
qu’on travaille sur plein, plein, plein d’opé différentes. On a une cellule – on appelle cela un hub ici –
qui est complètement dédié à cela. » (TT)

La mission de la marque Melty est de permettre aux marques clientes de prendre le statut de marque
auteur ou de marque média par le biais des opérations ou des contenus proposés et, de fait, de se
rendre légitimes auprès des cibles jeunes :
« Parce que l’idée, c’est de créer du contenu pour la marque, et que la marque ne soit plus perçue
comme un annonceur mais comme un créateur de contenus et presque un média. / C’est de positionner
la marque en tant que créateur de contenus et de création de valeurs auprès des jeunes. / On travaille
beaucoup là-dessus, sur ce type d’événement comme voyages-sncf parce que là, on a créé vraiment un
événement qui est pour les jeunes, c’est pour eux. Les partenaires font partie du contenu mais de
manière assez intelligente, sinon c’est tout de suite mal perçu. » (TT)

3) Offres de produits des deux marques

L’offre de Konbini s’articule autour de quatre propositions (FC) :


- La première est une offre de publicité digitale classique « « La première étant le Display – c’est-à-
dire qu’un client peut nous acheter des bannières un peu comme sur tous les sites Internet. »
- La seconde est une offre de contenu adapté aux besoins de la marque cliente : « En numéro 2, tu
peux travailler avec nous selon un modèle qu’on appelle chez nous le « Native Advertising » c’est-
à-dire qu’en effet un client vient nous voir avec une problématique : il veut lancer un produit,
…une marque veut faire parler d’un lieu, une marque veut faire parler d’un film. C’est en gros
une marque qui arrive avec une problématique de diffusion de communication et nous on va
traiter cette demande au regard de ce qu’on sait faire chez KONBINI, à savoir avec un regard
pop, créatif, fédérateur, cool, viral (…) L’idée c’est de créer du contenu sous forme en général
d’articles ou de micro-vidéos. Ca c’est l’offre de Native Advertising.»
- La troisième consiste à proposer une offre, des mini-sites de contenu créés en association avec des
marques : « Le 3ème point dont je peux te parler c’est ce qu’on appelle les « Verticales », les
petits frères de KONBINI. Donc c’est des choses qu’on fait avec NETFLIX et avec COCA COLA.
(…) Happyness FC et Biiinge. Happyness FC qui est dédiée à l’actualité du foot : c’est un site
qu’on a « ouvert » en partenariat avec COCA COLA. Et Biiinge qui traite de l’actualité des
séries, site sur lequel NETFLIX est assez présent puisqu’en effet, il y a une partie des articles qui
est « sponsorisée » par NETFLIX »

263
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

- La dernière proposition est une activité d’agence de publicité classique, soit un travail de réflexion
stratégique et publicitaire : « Et dernier truc, « l’agence en marque blanche », c’est le 4ème point.
On gère SOSH, là on va commencer à bosser pour HEINEKEN. En gros, c’est nous qui faisons les
films publicitaires, c’est nous qui gérons le social média, (…) avec des honoraires de réflexion
stratégique, la conception et la réalisation des films publicitaires, toute la charte graphique (…)
Là, pour le coup, KONBINI n’apparaît pas. (...) l’activité c’est une activité d’accompagnement
sur le long terme de clients dans leur réflexion publicitaire. »

La force et le socle de cette offre résident dans le positionnement éditorial de la marque Konbini grâce
auquel elle est reconnue par ses clients : « En fait les gens viennent nous voir parce qu’ils connaissent
notre ton, ils sont conscients de la puissance de KONBINI et de la fidélité de son audience. Nous ce
qui est bien, c’est que le média est une espèce de garde-fou par rapport au contenu que l’on pourrait
délivrer. (…) vu qu’on est un média et qu’on a un ton, vu que les opérations vont être poussées sur
notre média, on ne peut pas forcément se permettre de délivrer un contenu qui ne nous ressemble pas.
Ce serait illégitime, ce ne serait pas audacieux, ce serait même une grosse erreur vis-à-vis de notre
audience donc, en fait, j’ai l’impression que les clients viennent aussi nous voir pour ça. » (FC)

Tout comme son positionnement, l’offre de Melty semble moins clairement définie ; la priorité est
toutefois donnée à la créativité et à la variété des propositions de contenus : « On a MELTY
Advertising qui s’occupe du média à la base mais donc des opérations spéciales et qui travaille main
dans la main avec MELTY Storm qui est notre équipe créative. Et puis nous maintenant, chez MELTY
Entertainment et MELTY Live Event – parce que du coup on intègre de l’entertainment et de
l’événement aux opérations spéciales. Ou alors, on propose aux annonceurs de s’associer à nos
événements, au concept qu’on a créé chez MELTY Entertainment où on programme – ce qui est le
nom pour dire web series en fait mais ce sont des web series sur le digital, uniquement sur le web.
Voilà donc, il y a plein de formats possibles et du coup, on essaie de proposer plein de choses
différentes aux annonceurs et de les intégrer de manière différente. » (TT)

L’offre de contenu émane en règle générale de la marque média (Konbini ou Melty) qui la propose
ensuite à un annonceur ; elle peut aussi dans certains cas être élaborée en réponse à une demande de la
part de l’annonceur (processus classique de brief publicitaire) :
« On associe la marque à un projet éditorial hyper cool, hyper impliquant et hyper séduisant pour une
audience jeune. Pour nous, c’est entre le brand content et le sponsoring par une marque d’un contenu
éditorial qui parfois est peut-être un peu loin de leur brand … » (FC)
« On a deux façons de fonctionner. En fait, soit on a un brief de l’annonceur qui est assez précis et qui
a une période de communication par exemple où on ne va pas forcément avoir un programme ou un
événement à proposer ou alors, c’est quelque chose de vraiment un peu plus complexe et là, on

264
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

demande des propositions sur mesure. (…) Voyage-sncf, pour ce projet-là, en revanche ça a été
l’inverse. C’est –à-dire que nous, chez MELTY Live Event, en fait, on est plutôt sur la stratégie inverse
c’est-à-dire que nous on crée des concepts et ensuite on cherche des partenaires. L’événement en lui-
même, ça reste quand même le nôtre et c’est quand même la patte MELTY qu’ils viennent chercher
aussi. » (TT)

L’intérêt pour l’annonceur est d’acheter un concept de contenu de marque clé en main, de s’associer à
une marque média légitime auprès de sa cible et possédant une ligne éditoriale bien définie.

Les stratégies conduites par les marques médias Konbini et Melty sont finalement assez clairement
définies, avec une cible, un positionnement et une offre de produits. Nous les qualifierons de
stratégies délibérées dans la mesure où elles sont formalisées, planifiées.

Tableau 18 : Fondements des stratégies des marques Konbini et Melty


KONBINI MELTY
Cible 15-25 (30 ans par extension) Moins de 30 ans
Positionnement Pop culture Entertainment
Produits (contenus) - Publicité classique (digitale) - Co epts d e te tai e t
- Native-advertising (contenu de marque
- Productions vidéos
créé par Konbini en association avec la
marque) - Sites Internet
- Mini-sites créés en partenariat avec les
- Web series
marques
- Conseil, réflexion sur la stratégie - Conseil, exploration du marché
pu li itai e d u e a ue

VIII. 2 .2. Genèse, formation et contenu d’une stratégie de brand content tactique émergente

Nous nous concentrons dans cette partie sur la compréhension de la formation de la stratégie : quel
événement en est à l’origine, comment s’est-elle formée au fil du temps, qui en sont les acteurs, quels
sont ses objectifs et quel est son contenu ?

1) Image de marque, concurrence et ciblage à l’origine de la stratégie

On trouve à l’origine de la stratégie menée un premier constat (plus ou moins formel et formalisé) :
l’image de la marque voyages-sncf.com connaît des faiblesses et doit par conséquent être renforcée.
« En fait, on s’est basé sur le baromètre image/notoriété. Tous les ans, on a un baromètre qui tourne
et qui nous donne des indicateurs sur la notoriété, tous les indicateurs classiques : l’image, la

265
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

préférence, la familiarité, etc. Quand moi je suis arrivé, ce baromètre était assez catastrophique, il y a
en fait un an. » (MN).

Un deuxième constat fait par les managers est celui de l’émergence d’une concurrence nouvelle et de
plus en plus forte, notamment avec l’apparition de nouveaux modes alternatifs de voyage, qui
s’accompagne d’une perte progressive du monopole de la marque sur le marché :
« … et surtout il y avait un événement que l’on voyait poindre et on le sentait fortement : c’était
l’émergence des nouveaux acteurs du digital et notamment un concurrent « modal », c’est-à-dire qui
est sur un autre mode de transport que celui que l’on commercialise en priorité et c’était en
l’occurrence Bla Bla Car avec le covoiturage. / Moi le sentiment que j’ai eu c’est que je pense que
voyages-sncf.com est une marque qui est leader mais qui a historiquement été beaucoup en monopole
puisque quand on voulait acheter un billet sur internet, il n’y avait pas non plus beaucoup de
possibilités. Maintenant il y en a et la concurrence c’est toujours intéressant et ça apporte de
nouveaux challenges. » (MN).

Cette nouvelle concurrence vient séduire très directement la cible jeune (« Bla Bla Car n’est pas que
mais principalement sur les jeunes ;(…), avec Bla Bla Car qui arrive avec beaucoup d’aura sur les
jeunes, avec un nouveau business model donc forcément toutes les valeurs d’innovation, d’audace,
etc. » (MN)) sur laquelle la marque VSC enregistre justement et par conséquent de faibles scores en
termes de recommandation et d’image : « on sentait qu’on avait besoin en tous les cas d’un
baromètre, qu’on voyait poindre des faiblesses sur la cible « jeunes » par rapport à l’historique (…)
Et en l’occurrence, on était en déficit par rapport à la cible (jeune) ... Voilà, 2 items à travailler : la
recommandation et l’image. » (MN).

2) Associations des marques Melty et Konbini

Dans le contexte que nous venons de décrire, les managers de la marque VSC ont été à la fois
approchés par la marque Konbini et se sont rapprochés de façon plus proactive de la marque Melty qui
leur ont toutes deux proposé des opérations ou concepts clés en main :
« François a été démarché à la base par KONBINI avec une opé clef en mains contrairement à ce que
l’on fait parfois. (…) KONBINI a dû naturellement se rendre compte que l’on devait probablement
souffrir sur la cible « jeunes », que du coup comme toutes les marques on avait besoin d’aller re-
progresser sur la cible « jeunes », donc ils sont venus avec une proposition d’opération qu’ils ont
proposée à François. (MN).
« Le concept a été créé en amont du partenariat avec voyages-sncf puisque le concept était
complètement monté quand on leur a proposé. (…) Donc on l’a proposé à voyages-sncf puisqu’ils

266
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

sont venus vers nous un mois avant l’événement avec un brief qui correspondait totalement à cette
opé. Donc, on leur a proposé dans ce cadre-là. » (TT)

Une troisième entité ou marque s’est associée dans le cadre du projet Konbini : il s’agit de la marque
Intercités. Marque créée en 2006 par le groupe SNCF afin de valoriser les trains de moyenne distance
en France, elle désigne aujourd’hui les « trains classiques » sncf circulant de jour comme de nuit.60 Ce
partenariat avec la marque Intercités se justifie par un besoin de financement du projet (que VSC ne
peut assumer seule) et également par un besoin de gain en notoriété d’Intercités.
« Avec cette production là on trouvait cela probablement très intéressant malgré tout, ça sortait un
peu des budgets que l’on avait potentiellement à allouer à ce type d’opération. Après, je ne sais pas
comment Intercités est arrivée dans le deal. Je pense que, probablement que François a du se dire «
essayons de partager les budgets avec une autre marque pour que finalement on fasse une sorte de
trio gagnant : KONBINI, voyages-sncf.com et X. En l’occurrence, naturellement, le X a été Intercités.
En fait ça aurait pu être TGV mais je pense qu’Intercités souffre aussi d’abord d’un déficit de
notoriété, notamment parce qu’historiquement, on avait plein de marques dans le groupe SNCF ... (...)
La proposition a été partagée avec Intercités qui était relativement emballée. » (MN).

3) Objectifs de la stratégie

Le premier objectif très clairement exprimé est pour la marque voyages-sncf un regain de légitimité
auprès de la cible jeune, notamment vis-à-vis des nouveaux concurrents de la marque : « Donc besoin
d’aller reparler aux jeunes, de leur dire à quel point le train c’est sympa parce que malgré tout quand
on se retrouve à cinq dans une voiture ou que l’on doit prendre une demi-valise parce qu’il n’y a pas
trop de place dans le coffre ou parce qu’on doit faire la conversation pendant cinq heures avec une
personne ou alors pas de conversation parce qu’une personne ne parle pas, ce ne sont pas les mêmes
conditions de voyage que le train. Donc, on avait besoin d’aller redire que le train c’est cool, que l’on
peut faire des trucs, découvrir des choses sympas avec le train. »

Plus précisément, cet objectif se décline en deux axes : améliorer l’image de la marque et promouvoir
des destinations en perte de volumes, notamment du réseau Intercités.
« En gros, 2 objectifs sur l’opération Konbini : booster l’image de voyages-sncf.com (donc revenir et
s’associer avec une marque forte sur les jeunes pour travailler sur l’image) et également lui demander
de promouvoir les destinations, en l’occurrence on a choisi des villes qui sont volontairement pas
sexy, pour montrer que l’on peut y faire des choses sympathiques et on peut donner envie d’aller dans
ces villes.(…) Intercités et voyages-sncf.com, nous c’était de l’image et de la recommandation. » (MN)

60
Source : Wikipédia 16/12/2016

267
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

« il y avait aussi une volonté pour nous, une contrainte de départ qui était d’essayer de valoriser
certaines villes du réseau Intercités. Donc c’était certaines villes de Bretagne, quelques villes de
Normandie, il y avait Limoges, Clermont-Ferrand, tu vois des villes de territoires un peu centraux. Et
donc, à la base du projet c’était « essayons de revisiter des tartes à la crème touristiques de façon
hyper qualitative » ». (FC)

A l’objectif d’image s’ajoute celui de l’attribution de l’événement à la marque : « Voilà, et après de


manière plus qualitative c’était la perception de la marque justement au sein de l’opération, comment
elle a été perçue auprès des jeunes, est-ce qu’elle a été perçue comme un producteur de l’événement
ou plutôt comme un annonceur et…tu sais le fait de se souvenir, le fait que tu retiennes que ce soit
Voyages-sncf qui ait créé cet événement… » (TT)

4) Contenus produits

Différents types de contenus ont été produits par la marque média Konbini visant à promouvoir des
destinations auprès de la cible jeune :
- Quatre vidéos mettant en avant les villes du Havre et de Clermont Ferrand ont été produites:
« c’était quatre vidéos puisqu’il y avait une vidéo pour chaque ville donc Clermont-Ferrand et Le
Havre qui étaient les vidéos un peu stars, et on avait un making-off pour chacune de ces vidéos-là
qui faisaient du contenu supplémentaire à diffuser donc une autre occasion de prendre la parole
autour de la destination.»
- Cinq articles ont été rédigés, permettant de mettre en avant d’autres destinations ; ces articles ont
été produits à l’issue d’interviews menées auprès de collectifs de jeunes artistes influenceurs et
apportant leur propre regard ou point de vue sur leur ville : « On s’était mis d’accord sur cinq
articles qui étaient basés sur la même idée (…) où KONBINI allait rencontrer des collectifs – c’est
principalement musical, artistique – qui étaient des influenceurs dans leur région, en tous les cas
des acteurs très locaux. Ils ont rédigé cinq articles dans cinq destinations, départements/régions
(Rhône-Alpes, Aquitaine, PACA, Pays de la Loire et Bretagne). Dans ces régions-là, ils sont allés
chercher le petit collectif qui fait de la musique et qui est hyper branché. A Nantes par exemple,
ils les ont interviewés, photographiés, ils ont créé du contenu. Ils ont rédigé tout un article sur ces
artistes-là pour le compte de notre marque. Ce qui était intéressant, c’est qu’à l’origine, c’était de
l’héberger sur konbini.fr et d’associer notre marque à ces collectifs et à KONBINI. On avait
nommé ce projet « Greetings from », … »

La marque Melty a pour sa part mis en place un « programme », autrement dit une tournée nationale
de youtubers célèbres auprès de la cible jeune ; les contenus produits autour de cette tournée racontent
le quotidien de chacun des événements par le biais de sites dédiés et de vidéos principalement.

268
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

« …, c’est entre le programme et l’événement, parce que c’est d’abord un programme dans le sens où
on part avec trois ou quatre youtubeurs dans le Sud. On filme, on fait des vidéos, on crée du contenu
pendant 10 jours. (...) Ensuite, il y a les jeux-concours parce que l’on faisait gagner sur toutes les
dates justement des meet and greet, c’est à dire des rencontres en petits groupes entre deux fans et les
youtubeurs. Chaque jour, on déterminait des gagnants à qui on offrait des billets de train pour
pouvoir venir les rencontrer. Là, c’était entièrement dédié Voyages-sncf parce que c’est Voyages-sncf
qui offre justement la possibilité de faire ça. » / « Donc le format programme, tu as des épisodes
quotidiens, des capsules vidéo…On avait quatre capsules vidéos par jour plus un épisode quotidien et
ensuite, tu as tout le contenu qui est créé par nos rédacteurs donc tous les articles qui sont postés sur
ce content corner. » / « C’est des épisodes très courts, enfin, les capsules vidéo sont très courtes. C’est
des moments clés de la journée où il se passe quelque chose ou alors qui est marrant ou juste ça peut
être leur quotidien mais c’est ce que les jeunes ont envie de voir. » (TT)

VIII. 2 .3. Opérations Melty et Konbini : une stratégie de brand content tactique émergente
greffée sur deux stratégies délibérées

Cette troisième partie permet de synthétiser notre réflexion et de présenter la stratégie de partenariat
menée par les marques VSC et Intercités avec les marques médias Konbini et Melty comme :
- Une stratégie de brand content digital tactique dans la mesure où elle s’assimile à une tactique
pour atteindre une cible spécifique : la cible jeune ;
- Une stratégie émergente dans la mesure où elle n’a pas été planifiée en amont par les managers de
la marque VSC mais où elle a plutôt émergé sur la base d’opportunités de partenariats qui se sont
présentées aux managers ;
- Une stratégie greffée sur des stratégies délibérées dans la mesure où les marques médias Konbini
et Melty poursuivent de manière parallèle des stratégies de conquête des cibles jeunes sur les
médias sociaux et digitaux pour pouvoir s’associer ensuite à des annonceurs et les faire bénéficier
de l’audience gagnée.

269
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Figure 24 : Représentation des stratégies délibérée (Konbini et Melty) et émergente (VSC)

Faiblesse sur la Manque de


cible jeune notoriété - Cible
detsinations) - Positionnement
- Politique produits
Pression de la
concurrence

Image de marque
PARTENARIAT VSC & Intercités:
déficiente co-financement Perte de volumes sur
certaines destinations

PARTENARIAT : co-branding des contenus

Contenu de la
stratégie : STRATÉGIE DE CONTENU DE STRATÉGIES DE CONTENU
- promotion des MARQUE TACTIQUE DE MARQUE
destinations oubliées
- programme de (émergente) (délibérées)
rencontre avec des
youtubeurs célèbres

La marque voyages-sncf.com a entrepris des initiatives ou productions de contenu de marque en


réponse à un contexte qui lui était peu favorable : l’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché, de
faibles résultats de vente sur la cible jeune et de faibles scores d’image sur cette même cible.
Parallèlement, les marques médias Konbini et Melty mènent depuis plusieurs années des stratégies de
contenu de marque efficaces et reconnues auprès de la cible jeune (15-30 ans). Ces stratégies sont
clairement identifiées par un ciblage, un positionnement et une politique produits claires.
La marque VSC s’associe aux marques médias Melty et Konbini afin de bénéficier de l’attention de la
cible jeune. La marque sœur de VSC (Intercités) s’associe à l’opération menée par Konbini et y
apporte ainsi une contribution financière supplémentaire.
La stratégie qui résulte de ces initiatives est émergente dans la mesure où elle n’a jamais été planifiée
(elle est le fruit d’opportunités qui se sont présentées à la marque VSC) et où la portée stratégique des
actions menées sera reconnue a posterori.

270
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

En synthèse :

- Dans un contexte de pression de plus en plus forte de la concurrence, et devant le constat des
faiblesses des marques VSC & Intercités sur la cible jeune en termes de volumes de ventes et
d’image, les managers du département communication ont été particulièrement sensibles
aux propositions de partenariats des marques médias Konbini et Melty.
- Les marques Konbini et Melty sont des marques médias menant toutes deux des stratégies
de communication délibérées auprès des jeunes adultes : leurs positionnement, ciblage et
offres de produits sont déterminés en amont des actions menées et cohérents.
- La stratégie conduite par VSC est une stratégie émergente en ce sens qu’elle est le résultat
d’événements ou encore d’opportunités qui se sont présentées à la marque. Elle n’a pas été
définie au préalable, elle est cependant greffée sur les stratégies délibérées des marques
Konbini et Melty.
- La portée stratégique des actions menées sera reconnue a posteriori (point que nous
développerons dans la partie qui suit).
- Cette stratégie comporte des objectifs cohérents avec les éléments de contexte cités plus haut
à savoir la recherche d’une légitimité de la marque auprès des jeunes, une amélioration de
l’image de marque auprès de cette cible, un travail de promotion des destinations oubliées, et
enfin une attribution des contenus produits à la marque.

271
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

272
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

VIII.3. Transformation contrariée d’une stratégie émergente en stratégie délibérée

Nous nous intéressons dans cette troisième partie au processus de transformation de la stratégie ayant
émergé en stratégie plus délibérée.

Ce processus se compose d’une phase de reconnaissance de la portée stratégique des initiatives


menées et d’une intention exprimée ou encore formalisée de transformation de la stratégie. Nous
démontrons enfin de quelle manière la transformation est entravée par un certain nombre de tensions
(absence de définition homogène parmi les équipes de la pratique de contenu de marque, manque de
coordinations des initiatives menées, manque d’allocation de budgets, manque d’objectifs et de
résultats mesurés).

VIII.3.1. Reconnaissance de la portée stratégique des événements et actions menées

Les contenus produits avec Konbini et Melty s’inscrivent dans un courant de tests menés par les
dirigeants de la marque VSC, comme des essais de bonnes pratiques pour atteindre la cible jeune. La
portée stratégique de ces pratiques ou événements – qui peuvent constituer une stratégie pour toucher
la cible jeune et par conséquent développer les ventes – est reconnue a posteriori :
« On se pose des questions. On n’a pas fait que ça. L’année dernière, on a fait pas mal de tests. C’est
la première année où j’étais là et j’ai poussé pour que l’on teste beaucoup de choses. On a fait une
opération dans les facs aussi, on a fait l’opération avec MELTY, l’opération avec KONBINI. Donc sur
la cible « jeunes » on a fait quand même trois grosses opés. Ça nous a permis de couvrir aussi tous les
segments d’âge (MELTY plus jeune, KONBINI un peu plus âgé puisque ça va jusqu’à 34 ans en
termes de cœur de cible, les facs, c’est plutôt 18-23). Donc on a couvert tous les segments. Ca je le
post rationnalise ; on ne s’est pas dit à la base on fait trois parce que…du coup, ça nous permet de
couvrir tout le monde. (..) on apprend aussi mais je pense qu’il y a des rebonds à faire entre nos
différents relais. (...) ... tout cela reste à écrire. » (MN).

La prise de conscience d’une nécessaire récurrence ou répétition des actions menées en phase test, ou
du lancement de nouvelles actions aux objectifs similaires, sur les périodes à venir est prégnante dans
le discours des managers :
« Aussi, c’était deux vidéos, cinq articles, je pense que c’est quelque chose qui doit se travailler en fil
rouge. Nous on l’a mené plus en termes de test, on est content de ce que l’on a produit, ça prend du
temps et c’est quand même beaucoup de budget mais malgré tout c’est quand même aussi la

273
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

récurrence qui ferait que… ça pourrait être le rendez-vous « Greetings from » et revenir deux fois,
trois fois dans l’année… » (MN).
« Moi, ce que je sais, c’est que c’est quelque chose qu’ils ont vraiment envie de développer parce
qu’on est toujours en contact avec eux et qu’on essaie de trouver des nouveaux concepts. On ne va pas
forcément repartir justement sur le Summer Meetup, on ne va pas refaire la même chose et parce
qu’ils ont envie aussi de vieillir un peu leur cible. (…) on a plein d’autres programmes ou
d’événements avec une cible un petit peu plus âgée parce que MELTY, c’est aussi 18-30 ans. On peut
leur proposer plein d’autres choses et ils sont super intéressés donc c’est quelque chose qu’ils ont
vraiment vraiment envie de développer. (…) Je pense que leur stratégie à venir, ça va être de se
positionner sur des opé comme ça. » (TT)

La stratégie envisagée garde à ce stade une portée tactique, en ce sens qu’elle accompagne les activités
de la marque tout au long de l’année (aucune stratégie de contenu de marque thématique ou étendu
n’est envisagée à ce stade):
« Une ligne directrice sur toute l’année ? Je n’en n’ai pas connaissance en tous les cas. Pour le
moment, on n’a pas eu un brief clair dans ce sens. Peut-être, c’est plus des temps forts, ça correspond
à ce que nous on appelle des « moment that matters », ce qu’on appelait avant dans le métier des
marronniers. Là, c’est les vacances scolaires d’été, ça peut être Noël, ça peut être les soldes, etc… je
dis n’importe quoi hein…en tous cas, c’est plus des opés qui vont correspondre à leurs périodes de
communication parce que voyages-sncf c’est des temps forts sur les vacances scolaires etc. J’imagine
que ça doit plus être dans ce sens-là. C’est vrai qu’on n’a pas eu un brief clair là-dessus sur une ligne
directrice ou un thème qui leur tient à cœur. » (TT)

Figure 25 : P o essus d’ e ge e de la st at gie de a d o te t ta ti ue

Reconnaissance de la Volonté de
Initiatives de brand
portée stratégique des reconduction,
content tactique
initiatives généralisation

VIII. 3.2. Description d’une intention de formation d’une stratégie délibérée

Parallèlement aux partenariats conduits par le département communication (avec les marques Melty et
Konbini), le département marketing a entrepris un diagnostic formalisé visant à définir les segments
puis les cibles prioritaires de la marque, les moyens et les messages pour aller toucher ces cibles. A
l’issue de ce diagnostic, l’équipe marketing recommandera l’élaboration d’une stratégie de contenu de
marque pour adresser ses cibles prioritaires – les familles et les jeunes –.

274
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Nous qualifierons la stratégie recommandée de stratégie délibérée dans la mesure où elle pourra être
formulée, ou encore planifiée et où elle fait suite à un diagnostic.
« C’est assez marrant – ou pas – c’est qu’il y a eu tout un travail qui a été fait cette année par le
marketing qui eux ont la connaissance client, la DATA, etc. et les études… . (…) il y a tout un travail
qui a été fait par le marketing de segmentation de la base et l’identification de cibles prioritaires.
Donc basiquement … (…) forcément il y a des cibles prioritaires qui étaient les jeunes et donc
naturellement ils nous ont dit « il faut faire du brand content, il faut faire du brand content, il faut
faire du brand content ! ». (MN) / « c’est que l’équipe marketing qui a toute la connaissance clients,
les études, etc. donc tout son scope, a défini ce que l’on appelle le plan marketing ; donc quelles sont
les cibles prioritaires, et quels sont les moyens pour aller toucher ces cibles prioritaires, et quels
messages, quels items de considération on doit toucher en particulier. Quand ils ont fait tout ce
travail-là, ils sont arrivés à la conclusion qu’il fallait effectivement faire du contenu pour aller séduire
les familles, pour leur raconter que finalement ce n’est pas si compliqué que cela de voyager en train
ou les jeunes en disant finalement que le train c’est fun et voilà. » (MN)

A la suite de cette première réflexion, une réunion – appelée « kick-off meeting61 » – est organisée par
l’équipe marketing.
Elle réunit une quinzaine de personnes, dont plusieurs directeurs de la filiale, et vise à formaliser ou
tout du moins à acter la décision de conduire une stratégie de brand content de plus grande ampleur.
Cette décision fait suite à la réflexion menée sur les cibles prioritaires et aux partenariats avec les
marques Konbini et Melty, reconnus a posteriori comme leviers pour adresser les cibles prioritaires:
« Donc nous avons fait un premier kick-off sur le plan marketing. On nous a dit de faire du brand
content, et en fait il y avait autour de la table on va dire une quinzaine de personnes dont une partie
des directeurs, dont les personnes qui recommandaient sur le brand content. » (MN) / « Quelque part,
ça a réaccosté un peu a posteriori ce que l’on a fait par exemple avec KONBINI l’année dernière. Ces
initiatives-là de plan marketing c’est arrivé en fin d’année (en fin d’année on travaille le plan
marketing pour l’année suivante). Et donc ce sont ces réflexions-là du marketing sont arrivées à la
conclusion qu’il fallait faire du brand content. (...) On a eu un kick-off. Il y a eu le début d’une
initiative d’un vrai projet brand content. » (MN).

Le contenu de marque ou brand content est par conséquent une tactique reconnue pour adresser les
cibles prioritaires de la marque VSC. Sa portée stratégique devient consciente à l’esprit des managers :
le brand content devient un élément important de la stratégie marketing-communication de la marque

61
To ki k off sig ifie e f a çais o e e ,d a e , do e le oup d e oi.

275
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

VSC. Le brand content n’est cependant pas développé dans le cadre d’une stratégie pleine et
indépendante mais il est un axe majeur d’une stratégie plus large.
« C’est globalement, les cibles prioritaires de l’entreprise c’est…j’aurai envie de dire en réalité c’est
à peu près toute la France…les jeunes, les familles, les pros, les seniors. Il y a à peu près tout le
monde. C’est la segmentation classique et ce n’est pas spécialement confidentiel dans la mesure où je
pense qu’à peu près toutes les entreprises ciblent ces gens-là. Après c’est plutôt comment on les
adresse et avec quels types de messages et avec quels moyens. Effectivement, le brand content fait
partie des moyens pour adresser ces cibles. On n’a pas encore basculé dans « c’est quoi la stratégie
de brand content », on est plutôt dans « c’est quoi la stratégie marketing pour adresser les cibles » et
dans cette stratégie-là, il y a du brand content. On n’a pas encore complètement fait la bascule. Je ne
sais pas s’il faut réellement une stratégie de brand content. Parce que le brand content ça s’inscrit
globalement dans un plan com plus large ; effectivement il y a un stream de contenu mais il y a aussi
un stream de génération de trafic, il y a aussi un stream sur le relais des offres, etc. » (MN).

On note à l’issue des opérations réalisées, et parallèlement aux réflexions menées, une volonté des
managers à généraliser les pratiques de brand content, à étendre la stratégie de brand content comme
le pivot de la stratégie de communication de la marque sur la cible jeune. L’objectif serait d’aller à la
rencontre de la cible sur les lieux qu’elle aime fréquenter, de la séduire sans intention de vendre pour
ensuite lui communiquer des messages plus commerciaux dans un second temps.
« Il y a une stratégie, enfin une stratégie …. Il y a une volonté d’aller vers plus de contenu. Mais une
définition qu’on ne maîtrise pas trop, pas vraiment. Une stratégie qui n’est pas encore complètement
écrite. Quand je dis que l’année dernière on a testé des choses et ben typiquement on a testé parce que
la stratégie elle n’était pas écrite … donc voilà donc maintenant on rationnalise aussi. Tout le monde
dans l’entreprise veut créer du contenu parce que ben le marketing a dit qu’il fallait faire du brand
content.»
« Je pense qu’il y a un souhait à ce que ça se généralise pour toutes les raisons que je vous ai données
avant. Je pense que pendant des années la pub s’est obstinée (pas spécialement chez nous mais au
global) à se dire j’adresse tout le monde, je pousse les messages commerciaux et les gens vont
m’adorer et vont venir acheter chez moi. En réalité, on se rend compte que c’est de plus en plus dur.
Et finalement on se dit : plutôt que de s’efforcer de faire venir les jeunes sur notre site, sur nos
environnements, nos applications, etc…allons à leur rencontre sur des endroits où ils sont déjà et où
ils consomment déjà du contenu, du média. Et donc effectivement ces carrefours d’audiences -
MELTY, KONBINI et les autres…il n’y a pas qu’eux évidemment - pour leur donner du contenu qui
les intéresse, s’associer à des événements qu’ils apprécient. Et du coup, le jour où on aura quelque
chose à leur raconter d’intéressant d’un point de vue plus business ils seront plus à même de venir
l’acheter chez nous parce qu’ils se rappelleront de nous, ils se rappelleront qu’on a été partenaire de
tel ou tel événement ou qu’on leur a apporté tel ou tel bénéfice. Du coup, ils auront moins

276
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

d’appréhension, moins d’avis négatif en la marque. Quelque part, c’est une manière de les
reconquérir et surtout d’aller les chercher là où ils sont plutôt que de s’efforcer - avec un succès assez
faible - de les faire venir chez nous en leur racontant quelque chose qui ne les intéresse pas
réellement. » (MN).
« Maintenant, la stratégie elle est pas complètement complètement écrite. On y … on y travaille
sérieusement. » (MN).

Figure 26 : Processus de formalisation de la stratégie de brand content tactique

Rationalisation des tests menés >>


Diagnostic sur la le Brand Content est identifié
Cibles prioritaires
marque, sur ses clients comme moyen de communication
efficace

BC envisagé comme axe de la


stratégie marketing -
communication de la marque

En synthèse :
- La stratégie de brand content tactique (à l’initiative de l’équipe de communication) a émergé
dans un contexte ou dans une logique d’apprentissage (test and learn) encouragés par les
managers de la filiale.
- La portée stratégique des initiatives de production de contenus de marque est reconnue a
posteriori par les managers qui expriment une volonté forte de reconduire ces initiatives.
- Parallèlement à l’émergence de la stratégie, des initiatives de formalisation sont apparues
dans l’entreprise :
 L’équipe marketing confirme les cibles prioritaires pour la marque (la cible jeune en
fait partie) à l’issue de l’analyse des données dont elle dispose.
 Cette même équipe organise une réunion de lancement (kick-off) et donne la priorité
sur la production de contenus, stratégie reconnue efficace pour adresser les cibles
prioritaires.
- Le brand content est désormais considéré comme un axe majeur de la stratégie marketing et
communication de la marque.
- Le brand content apparaît être un levier stratégique incontournable, plus adapté au
consommateur actuel. Il permet à la marque de séduire sa cible sans intention de vendre
dans un premier temps pour ensuite promouvoir ses offres commerciales plus facilement et
de manière moins intrusive.

277
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

VIII.3.3. Freins et tensions à la formation d’une stratégie délibérée

Malgré l’intention des managers d’étendre la stratégie de contenu de marque émergeant, plusieurs
freins ou tensions à sa transformation en stratégie délibérée sont survenus.
Il s’agit : 1) de l’absence d’un consensus sur une définition claire et homogène de la notion de brand
content au sein des équipes, 2) du manque de coordination entre les différentes initiatives de brand
content dans l’entreprise, 3) de contraintes budgétaires jugées importantes et 4) d’objectifs et de
résultats attendus ou mesurés mal définis.

1) Absence d’une définition homogène du contenu de marque dans l’entreprise

Un manque de consensus sur la définition profonde du contenu de marque s’est imposé comme une
première tension venant contrarier la formalisation de la stratégie de contenu de marque :
« Et en fait une des premières questions que moi j’ai posée c’est « c’est quoi pour vous le brand
content ? ». Et en fait c’était assez marrant de voir que personne n’avait vraiment la même définition
du brand content. Donc il y a un vrai sujet je pense. (...) Donc du coup, finalement cette réunion a
finalement un peu tourné en rond quelque part … » (MN).

Deux définitions ont en effet été données au sein des équipes:


- Une première définition du contenu de marque le focalise sur les produits ou les offres
commerciales de VSC : « … parce que brand content pour certains c’était par exemple produire
du contenu sur nos offres. Donc par exemple raconter les cartes commerciales ou les cartes
jeunes, cartes enfant plus etcetera en vidéo. Ça pour moi ça c’est du contenu. Mais c’est du
contenu qui peut être sur notre site, comme c’est du contenu qui peut être exporté ailleurs et
partagé ailleurs. » (MN).
- Une deuxième définition du brand content le positionne comme un contenu aspirationnel, focalisé
cette fois-ci non pas sur le produit mais sur la marque : « Et après il y a du contenu produit par
une autre entité qu’on va co-brander, qu’on va brander à notre marque mais qui va être plus du
contenu aspirationnel, qui va avoir pour vocation de donner envie de mais qui sera pas … qui
sera pas du contenu produit en tant que tel. » (MN).

De ce manque de consensus résulte finalement une prise de conscience de la coexistence de deux types
de contenus de marque parmi les contenus produits – un contenu au service du produit et un contenu
au service de la marque – et surtout d’un manque de cohérence entre ces différentes initiatives :
« Euh … mais voilà. Il y a toute cette histoire de contenu. Il y a une espère de course au contenu mais
on n’est pas tous alignés sur ce qu’on appelle du brand content et … et donc voilà. / Pendant le kick-
off, on s’est rendu compte que tout le monde n’avait pas exactement la même définition de ce qu’est le

278
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

brand content. La conclusion qu’on a eue c’est qu’aujourd’hui il y a du content mais déjà il n’est pas
forcément cohérent partout, pas forcément suffisant. » (MN).

2) Manque de coordination entre les initiatives de brand content

Le manque de cohérence entre les contenus produits est très fortement lié, voire indissociable d’une
absence de coordination dans la mesure où il n’existe pas une personne ou une équipe qui veillerait sur
la cohérence des contenus produits. Il n’existe pas non plus de vision, de direction ou de stratégie
clairement formulée pour orienter l’ensemble de la production des contenus.
« En fait, il y a différentes initiatives dans l’entreprise de production de contenus. Déjà, il y a un sujet
de coordination parce que forcément comme on est une marque en ligne, chacun sur ses périmètres
est amené à produire du contenu, soit rédactionnel, vidéo, etc. Donc il y a un sujet de coordination de
toutes ces initiatives. Aujourd’hui on a des gens qui réalisent du contenu, ou qui produisent du
contenu sur les destinations, par exemple, que faire à Marseille ? que faire à Lille ? etc. Eux
produisent du contenu rédactionnel donc sous forme de brand content mais ils produisent aussi
potentiellement des vidéos sur ces sujets-là. Par exemple, les gens qui s’occupent des réseaux sociaux
produisent aussi du contenu de leur côté, moi sur la pub. Il y a un sujet effectivement de coordination
de ces différentes initiatives. C’est pour cela qu’à ce stade, on ne peut pas véritablement parler de
stratégie brand content. Typiquement, quand on parle de KONBINI, ça fait partie du brand content
mais effectivement tout n’est pas complètement 100% aligné sur tous les métiers. (...) Clairement,
c’est vraiment le début des initiatives pour donner du sens à tout cela. » (MN).
« Il y a un sujet de cohérence dans le ton, il y a un sujet de cohérence graphique et un sujet de
cohérence stratégique » / « Concrètement, je pense que l’on n’a pas réellement de stratégie de brand
content et c’est probablement cette couche-là qui manque actuellement pour redonner de la cohérence
à toutes les initiatives. » (MN).

3) Contraintes budgétaires

Le problème du coût financier des initiatives de brand content se pose dans la mesure où selon nous
ces initiatives ne sont pas prévues, où la stratégie de contenu de marque n’est pas encore planifiée ou
délibérée :
« Mais finalement on se rend compte que c’est de l’argent. Parce que produire du contenu ça coûte
un peu d’argent. » / « On ne parle pas de petits budgets ; le brand content, c’est tout de suite souvent
des infographies, de la vidéo…donc c’est à la fois un investissement financier, à la fois un
investissement de temps. » (MN).

279
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Le problème se pose également dans la mesure où il est difficile de savoir à qui imputer les coûts du
contenu de marque, la responsabilité, la mise en œuvre et la coordination de la stratégie n’ayant pas été
définies par ailleurs :
« Il se heurte déjà à un sujet financier quelque part : on a tous nos propres budgets et finalement c’est
quelque chose qui vient se rajouter en plus et c’est un peu un sujet d’identification de qui doit en être
responsable et de qui doit le prendre en charge opérationnellement et qui doit le financer. (…) La
conclusion a été que dans le brand content, il y a brand et donc du coup ça revient dans l’équipe de
François et donc à la marque donc chez moi. » (MN).

4) Manque d’objectifs et de résultats définis (formalisés de façon délibérée)

Pour passer au statut de stratégie délibérée, la stratégie de contenu de marque ayant émergé manque
d’objectifs clairement définis puis énoncés : « Et puis produire du contenu pour quel objectif,
pourquoi, pourquoi, finalement personne ne sait trop dire pourquoi ils veulent créer du contenu.
Voilà. Donc on va dire qu’on est … je ne dis pas qu’on est aux balbutiements mais en tout cas on n’a
pas encore craqué complètement le sujet. » (MN).

Les managers dénoncent enfin un manque de systématisation de la mesure des résultats ou des
retombées des initiatives de contenu de marque. Nous pouvons alors supposer que cette lacune
constitue un frein au développement ou au déploiement de la stratégie dans la mesure où elle vient
atténuer les potentiels succès (ou échecs) des actions menées et par conséquent la nécessité de
développer une stratégie plus formalisée pour la construction de la marque.
« On a fait ces deux opérations l’année dernière. Ça nous a appris que c’est faisable, c’est sympa,
etc…ce que l’on n’a pas complètement, c’est la mesure. Il y a quand même un vrai sujet de mesure sur
le brand content. (...) En l’occurrence sur MELTY, MELTY nous avait dès le départ proposé de faire
un post test sur les exposés, les non-exposés à l’opération. (...) On l’a fait que sur MELTY,
malheureusement on ne l’a pas fait sur KONBINI. Et sur MELTY ça nous a appris pas mal de
choses. » (MN).

280
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

En synthèse :
- La reconnaissance de la portée stratégique des initiatives menées par l’équipe de
communication et une intention de formaliser la stratégie de contenu de marque émergente
ont été observées dans notre étude empirique.
- Cette intention de transformation de la stratégie se heurte cependant à quatre tensions :
 Un manque de consensus sur la définition même du contenu de marque ou brand
content émerge (le contenu doit-il être focalisé sur le produit ou sur la marque ?) ;
 Un manque de coordination des initiatives menées rend difficile la formulation d’une
stratégie harmonisée et délibérée ;
 Les dépenses inhérentes aux initiatives menées n’ont pas été prévues et restent
difficilement imputables à l’un ou l’autre des départements dans la mesure où la
nomination d’un responsable ou garant de la mise en œuvre de la stratégie n’a pas
été faite ;
 Enfin les objectifs et résultats mesurés des actions menées sont encore mal définis.

281
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)
Stratégie Brand Content de
MELTY sur la cible jeune
(Délibérée)
DÉPARTEMENT MARKETING
Plan annuel >> segmentation
Stratégie Brand Content de >> cibles prioritaires
KONBINI sur la cible jeune
(Délibérée)

DÉCISION >> BRAND

PARTENARIAT
CONTENT pour adresser les
cibles

CONTEXTE: DÉPARTEMENT Initiatives de brand content


Reconnaissance de la portée
- Faiblesse sur image de marque COMMUNICATION tactique sur la cible jeune
stratégique des initiatives
- Faiblesse sur cible jeune (Stratégie émergente)
- Concurrence de plus en plus forte

MARKETING & COMMUNICATION


KICK-OFF MEETING

VOLONTÉ DE MENER UNE


STRATÉGIE DÉLIBÉRÉE
>>> TENSIONS*

*TENSIONS :
- Manque de consensus sur la définition de brand content
- Ma ue de oo di atio >> pas d a teu ga a t de la st at gie
- Ma ue d allo atio de essou es
- Ma ue d o je tifs et de sultats esu s

Figure 27 : Formation de la stratégie de conquête de VSC de la cible jeune

282
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

VIII.4. Synthèse et discussion des résultats

Nous présentons dans cette dernière partie une synthèse de nos résultats ; elle est discutée en regard
des réflexions et théories présentées dans notre revue de littérature.
Ainsi, quatre points nous semblent particulièrement intéressants à discuter :
- l’observation et la définition de la stratégie de brand content tactique,
- la controverse apparue sur la définition de brand content au sein de la filiale VSC et sur sa
résolution,
- le processus de transformation d’une stratégie émergente en stratégie délibérée et des tensions
venues contrarier ce processus,
- le parallèle existant entre l’étude de la formation de la stratégie de la marque VSC et les écoles de
pensées environnementale et de l’apprentissage, selon la classification de Mintzberg (2009).

VIII.4.1. Observation d’une stratégie de brand content tactique

1) Identification de la stratégie de brand content tactique

A l’issue de notre première étude empirique, dont l’un des objectifs consistait à clarifier la définition
du contenu de marque, nous avions identifié trois degrés de stratégies de brand content et nous avions
pour chacune d’elles donné une définition succincte.

Voici la définition donnée pour le premier niveau de stratégie de brand content, à savoir la stratégie de
brand content tactique :
« Cette étape constitue le premier degré de maturité de la marque dans sa stratégie ou dans sa
réflexion sur le brand content digital. A ce stade, le brand content digital est développé de manière
opportuniste, lorsqu’une occasion se présente, souvent dans une optique de tester un format de
contenu produit. Les opérations de brand content tactique peuvent être reproduites plusieurs fois dans
l’année mais sans véritable fil conducteur. »

Le cas de la marque voyages-sncf.com vient confirmer cette définition : les initiatives de production
de contenu de marque pour la cible jeune se sont faites de façon opportuniste – les marques médias
Konbini et Melty ont proposé à VSC une communication clé en main – et dans un contexte de test de
bonnes pratiques, l’objectif étant de capter la cible. Les managers envisagent par ailleurs de reconduire
ces actions, sans avoir véritablement défini de plan ou de lien entre ces actions.

283
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Nous avions par ailleurs rapproché notre typologie des travaux de Lieb (2012) portant sur le content
marketing. Rappelons que l’auteur envisage non pas trois mais cinq étapes correspondant à différents
degrés de maturité de la stratégie :

Figure 10 : Les trois degrés de maturité des marques dans leur stratégie de brand content

Brand content tactique Brand content thématique Brand content étendu


G alis e à l e se le de la
Opérations / Thématique forte communication digitale
communications ponctuelles Moyens financiers élevés dédiés Marque Média
à la production de contenus

STRETCH > WALK >> JOG >>> RUN >>>>

Faible Forte
Niveau de maturité, importance donnée au brand content dans la
stratégie de communication digitale de la marque

Les trois premières étapes nous intéressent dans le cas étudié :


- Le stand stage se caractérise par une faible attention portée par l’organisation aux réflexions
portant sur le contenu : nous considérons cette étape comme antérieure à la stratégie de brand
content tactique.
- Le stretch stage est une étape d’expérimentation : le contenu est valorisé dans l’entreprise mais
son déploiement nécessite encore le soutien d’ambassadeurs (ou de champions). Cette étape peut
se rapprocher d’une stratégie de brand content tactique, caractérisée elle aussi par des
expérimentations de production de contenus ponctuelles.
- Le walk stage se caractérise par des fondations stratégiques qui commencent à être solides ; les
sources potentielles de contenus sont identifiées.

Il semble évident que la marque VSC se situe à l’étape numéro 2 : le stretch stage est une étape
d’expérimentation. Rappelons par ailleurs que d’une façon plus générale, les équipes marketing et
communication de VSC exercent encore une grande partie de leurs activités dans une logique de test
(elles ont un rôle de « laboratoire du marketing digital »), cette logique vient faire écho à la portée
encore expérimentale des initiatives de contenu de marque.
Par ailleurs et malgré une forte volonté des managers, la stratégie encore émergente peine à passer à
l’étape numéro 3 en raison des tensions que nous avons exposées précédemment ; l’absence d’un
ambassadeur ou d’un champion de la stratégie, c’est-à-dire d’une équipe ou d’un manager garant de sa
mise en œuvre, en fait partie.

284
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

2) Caractéristiques de la stratégie

Tableau 19 : Caractéristiques de la stratégie de contenu de marque tactique de la marque VSC


Objectifs Orientation Stratégie Lien avec la Référence au
émergente / stratégie + large temps
délibérée
Stratégie de Séduire la Produit Emergente, greffée Axe de la stratégie Court-terme
contenu cible jeune Marque sur les stratégies marketing-
tactique Client délibérées (Konbini communication
et Melty)

Les objectifs de la stratégie mise en œuvre ont étéformulés a posteriori ou tout du moins pendant
l’action et non pas en amont de celle-ci. Un objectif majeur ou primaire peut être énoncé : il s’agit
pour VSC de (re)gagner des parts de marché sur la cible jeune. Deux objectifs secondaires ou dérivés
sont également exprimés : les contenus développés devaient d’une part servir l’image de la marque
(contenu aspirationnel) et également promouvoir auprès de la cible les destinations en perte de
volumes de ventes (contenu promotionnel orienté produit).
Les contenus développés ont une orientation triple, tout du moins dans l’intention : ils servent à la fois
le produit et la marque, ils sont produits également avec l’intention de séduire la cible jeune potentielle
cliente de la marque.
La stratégie émerge des initiatives de production de contenus ; elle n’est pas délibérée (ou encore
planifiée) mais elle se greffe cependant dans le cas étudié sur les stratégies planifiées ou délibérées des
marques médias partenaires de VSC (Melty et Konbini).
Rappelons aussi que le brand content est dans le cas étudié un axe de la stratégie marketing et
communication de la marque. Il ne fait pas l’objet d’une stratégie pleine, entière et indépendante mais
il est un levier efficace pour atteindre la cible jeune. Les initiatives à l’origine de la stratégie
émergente sont des initiatives de court-terme, non répétées dans le temps, malgré une intention
certaine des managers de les renouveler.

3) Redéfinition de l’action de communication

Nous retiendrons que le contenu de marque peut être ici considéré comme une tactique visant à séduire
la cible jeune sans intention marchande, pour potentiellement l’approcher de manière plus
traditionnelle dans un second temps par le biais d’une communication plus commerciale.
On rejoint ici l’idée centrale d’un courant de recherche en sciences de l’information et de la
communication (De Montety, 2012 ; Patrin-Leclère, 2011 ; Berthelot-Guiet, 2011) : la marque est,
dans le contexte publicitaire actuel, avide de « formats dépublicitarisés » et propose ainsi davantage
des divertissements que des discours commerciaux. Les marques choisissent des formes d’expression
débarrassées de toute intention commerciale, ce afin de (re)gagner l’estime de consommateurs devenus

285
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

sceptiques dans un contexte où le marketing et ses techniques n’ont pas toujours bonne presse, dans un
contexte aussi de surencombrement publicitaire. Ainsi, les marques développent des stratégies
« d’évitement des formes publicitaires habituelles », elles ont amorcé une « recherche de
redénomination, voire de redéfinition de l’activité de communication. »

VIII.4.2. Controverse sur la définition de contenu de marque et influence sur la formation de la


stratégie

Le manque de consensus sur une définition unique du contenu de marque au sein des équipes
constitue, comme nous l’avons vu, un frein au déploiement de la stratégie.

Deux définitions du brand content coexistent en effet dans les équipes parties prenantes à la stratégie
marketing: une première définition met l’emphase sur le produit, une deuxième la porte sur la marque.
Ainsi, le contenu de marque ou la stratégie de contenu de marque comportent chez VSC deux axes :
- un axe produit, dans lequel la mise en avant des offres commerciales est priorisée,
- et un axe marque, plus aspirationnel, qui vise avant tout à séduire le consommateur par un contenu
qui l’intéresse, autrement dit qui correspond à ses centres d’intérêt.

Figure 28 : Les deux axes de la stratégie de contenu de la marque VSC

PRODUIT
STRATEGIE DE
MARQUE
BRAND CONTENT

La coexistence des deux définitions du brand content constitue une tension à la bonne mise en œuvre
de la stratégie. Nous nous attachons ici à mettre en évidence cette tension par le biais du cadre
théorique des économies de la grandeur ou théorie de la justification (Boltanski et Thévenot, 1991).
On trouve au cœur de la problématique de cette théorie la production des accords, ou encore la
réalisation de coordinations entre des personnes. La théorie vise à comprendre les modalités de
construction des accords entre plusieurs personnes dans une situation donnée. Les auteurs proposent
que la possibilité de relations entre des personnes s’appuie sur des « systèmes d’équivalences
partagées », comme des grandeurs communes qui servent de repères guidant les relations dans une
situation. Ces grandeurs se déploient dans des mondes qu’on identifie au nombre de six (le monde
industriel, le monde marchand, le monde de l’inspiration, le monde domestique, le monde civique et le
monde de l’opinion), chacun d’eux comportant ses propres convictions, ses propres valeurs.

286
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Les mondes en présence sont bien identifiés dans les définitions que donnent les acteurs de la notion
de brand content : le monde marchand d’une part se porte davantage sur la valorisation du produit, le
monde de l’inspiration d’autre part se concentre à révéler l’univers de la marque.

Rappelons une nouvelle fois que la controverse entre deux mondes peut se résoudre de trois manières :
- la clarification dans un monde : un monde prend le dessus sur l’autre ;
- l’arrangement : un accord est trouvé, une entente sur un point particulier ;
- le compromis constitue un accord plus durable, il est sorte d’association entre des objets issus des
mondes considérés ; ce peuvent être des objets émanant des mondes en présence ou des objets
innovants (inventés) associant les deux logiques en présence.

Le tableau qui suit permet de révéler la controverse existant sur la notion de brand content, de mettre
en lumière (grâce au cadre théorique choisi) les valeurs et indicateurs de référence des mondes en
présence et de présenter enfin la résolution de la controverse par sa clarification dans l’un des deux
mondes en opposition :

287
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Valeurs prioritaires Indicateurs de référence Monde de référence


Identification « Et e fait u e des p e i es uestio s ue oi j ai pos est
de la « est uoi pou ous le a d o te t ? ». Et e fait était assez
controverse : a a t de oi ue pe so e a ait ai e t la e d fi itio
manque de du brand content. Donc il y a un vrai sujet je pense. (...) Euh … ais
consensus sur voilà. Il y a toute cette histoire de contenu. Il y a une espèce de
la définition ou se au o te u ais o est pas tous alig s su e u o
du BC appelle du a d o te t et … et do oilà. / Pe da t le ki k-off,
o s est e du o pte ue tout le o de a ait pas e a te e t la
e d fi itio de e u est le a d o te t. »
Définition du « Donc du coup, finalement cette réunion a finalement un peu Produit Richesse Monde marchand
BC axée sur le tourné en rond quelque part parce que brand content pour Offres commerciales Marché
produit e tai s ’ tait pa e e ple p odui e du o te u su os off es.
Donc par exemple raconter les cartes commerciales ou les cartes
jeunes, cartes enfa t plus et ete a e id o. Ça pou oi ça est
du o te u. Mais est du o te u ui peut t e su ot e site,
o e est du o te u ui peut t e e po té ailleurs et partagé
ailleurs. »
Définition du « Et ap s il a du o te u p oduit pa u e aut e e tit u o a Image de marque Rêve Mo de de l i spi atio
BC axée sur la co-brander, u’o a a de à ot e a ue mais qui va être plus Univers de marque Imaginaire
marque du contenu aspirationnel, qui va avoir pour vocation de donner Création
envie de ais ui se a pas … qui sera pas du contenu produit en
tant que tel. »
Résolution de « La o lusio u o a eue est u aujou d hui il a du o te t Produit Intérêt Monde marchand
la controverse ais d jà il est pas forcément cohérent partout, pas forcément Désirable Richesse
suffisant. » / Et e fait aujou d hui la aie p o l ati ue u o
s est fi e est … e fait aujou d hui o ’a pas assez de o te u
sur notre site et do e u o a o lu est d jà essayons de
créer du contenu pour notre site ui soit s pa, ui soit … ui
donne envie etcetera, qui raconte nos produits. Et d jà est u
peu le premier pilier et ce pilier-là on ne l a pas ai e t. “i e
contenu-là on arrive à le produire et que en plus il est exportable
ailleurs pourquoi pas. Et puis après il y a le sujet du contenu plus
plus et pou oi est da s l esp it de e u o a p oduit a e
Konbini, qui est encore un autre type de contenu. »

Tableau 20 : Verbatims illustrant la controverse sur la définition de brand content


288
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

La clarification de la controverse se fait finalement dans un des mondes en présence : le monde


marchand. En effet, la priorité est donnée à la cohérence des contenus ‘commerciaux’ produits, soit
des contenus produits en interne mettant l’emphase sur les offres commerciales de la marque. Le
développement de contenus de marque plus aspirationnel n’est pas considéré comme prioritaire par les
managers protagonistes de la controverse.

Nous pouvons noter à ce propos que les contenus commerciaux sont produits par les équipes internes
de la filiale VSC, alors que les contenus plus aspirationnels sont jusqu’à présent produits par des
marques médias externes. Nous posons alors la question suivante : la marque VSC se sent-elle
légitime à produire des contenus aspirationnels ?

Figure 28 : Les deux axes de la stratégie de contenu de la marque VSC

CONTENU FOCUS PRODUIT


STRATEGIE DE
CONTENU FOCUS MARQUE
BRAND CONTENT

Influence du Influence du
monde marchand, monde de
objectif de mise l i spi atio ,
en avant du objectif intéresser
produit la cible
Contenu élaboré en Contenu élaboré en
interne externe

VIII.4.3. Transformation contrariée de la stratégie de brand content émergente en stratégie


délibérée

Nous souhaitons ici discuter de la transformation inachevée de la stratégie de contenu de marque ayant
émergé en stratégie plus délibérée.
Revenons sur les travaux de Dameron et Torset (2014) et sur la définition qui est proposée : la
stratégie immanente (autrement dit émergente) est considérée comme enracinée dans les activités du
quotidien et dans les opportunités qui se présentent (Chia et Holt, 2006). La stratégie est en quelque
sorte la composition d’un flot d’expériences vécues dans les activités du quotidien. La stratégie peut
être comparée à une activité hasardeuse et complexe qui dépend d’un grand nombre d’évolutions qui
ne sont pas anticipées. Le lien entre tactiques et stratégie est ici très fort : la stratégie peut être dans
certains cas écrite après l’action ; la stratégie est alors considérée comme une tactique réussie et sera
qualifiée de stratégie rétrospectivement.

289
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Cette définition représente bien la stratégie de brand content ayant émergé des partenariats entre VSC
et les marques Konbini et Melty : les initiatives ou tactiques de brand content menées pour adresser la
cible jeune ont été reconnues comme des tactiques réussies a posteriori, tout comme leur portée
stratégique pour la marque a été reconnue rétrospectivement.

Parallèlement à l’approche immanente, l’approche transcendante définit pour sa part la stratégie


comme un processus structuré, dans lequel la décision précède l’action.
A l’opposé, l’approche immanente considère la stratégie construite sur des activités spéculatives qui
seront rationnalisées rétrospectivement.

La littérature nous donne une vision binaire des deux types de stratégies considérées, que la réflexion
de Mintzberg (1987) nous permet de nuancer. A la question « La stratégie doit-elle toujours être
prévue ? », l’auteur répond qu’il s’agit en réalité d’une sorte de compromis, d’une adaptation aux
événements inattendus. La stratégie finalement formée est un mix entre stratégie immanente ou
émergente et transcendante ou délibérée. Ainsi peu de stratégies sont entièrement délibérées tout
comme peu de stratégies sont entièrement émergentes. Il s’agit plutôt de considérer que toute stratégie
réelle conjugue en réalité les deux approches.

Une figure simplifiée des travaux de Mintzberg permet en quelques sortes de lier stratégie délibérée et
émergente dans un ensemble cohérent :
Figure 29 : Co posa tes de la st at gie alis e adapt e d’u e p opositio de Mi tz e g,

Composition de la stratégie réalisée


adaptatio d’u e p opositio de Mi tz e g

Stratégie réalisée
Stratégie émergente

Si elle réunit les stratégies émergentes et délibérées au sein de la stratégie finalement réalisée, la
représentation de Mintzberg ne crée cependant pas de lien entre stratégie émergente et stratégie
délibérée.

290
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

En nous attachant à comprendre la chronologie des événements propres à la formation de la stratégie,


notre étude de cas nous permet de proposer différentes étapes de transformation de la stratégie
émergente à une stratégie plus délibérée :
- les tactiques d’approches de la cible jeune ont été des opportunités qui se sont présentées à la
marque VSC dans un contexte de test de bonnes pratiques,
- leur portée stratégique, autrement dit leur efficacité à atteindre l’objectif (toucher les jeunes) a été
reconnue a posteriori, elle a été « post-rationalisée »,
- les managers de la marque ont alors formulé l’idée que cette tactique ou stratégie pourrait être
efficace si elle se répétait dans le temps,
- ils ont organisé une réunion visant à lancer une stratégie plus formelle et par conséquent plus
délibérée,
- la formulation d’une stratégie délibérée s’est trouvée finalement contrariée par l’apparition de
plusieurs tensions.

Ainsi, il semble d’après ce cas, qu’une stratégie puisse cheminer au cours de son processus de
formation selon trois phases : 1) une première phase d’émergence totale composée d’initiatives ou
d’opportunités stratégiques, 2) une seconde phase de structuration de la stratégie émergente (post-
rationalisation de la portée stratégiques des initiatives menées), et 3) une phase de ‘délibération’ de la
stratégie : elle est ici amorcée mais incomplète en raison des tensions survenues.

Nous détaillons dans le schéma ci-dessous chacune des trois phases :

Figure 30 : De la stratégie émergente à la stratégie délibérée (application à la stratégie VSC)

(1) ACTIONS / ÉVÉNEMENTS / TACTIQUES Partenariats avec les marques médias Konbini et Melty >>
STRATÉGIQUES ÉMERGENTS association de contenus aspirationnels à la marque VSC

(2) STRUCTURATION DE LA Reconnaissance de la portée stratégique des tactiques


STRATÉGIE ÉMERGENTE pou ad esse la i le jeu e, ise e pla e d’u ki k-
off meeting, volonté de renouveler les partenariats

(3) DÉLIBÉRATION DE LA STRATÉGIE ou


INCORPORATION DE LA STRATÉGIE
Phase incomplète >> manque de consensus sur la
ÉMERGENTE DANS LA STRATÉGIE
définition de brand content (marque ou produit),
DÉLIBÉRÉE
a ue de oo di atio , a ue d’allo atio des
essou es, a ue d’o je tifs et de sultats
mesurés

291
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

Les communications de contenu de marque de VSC sont bien reconnues comme un axe de la stratégie
marketing-communication de la marque. Elles sont incorporées dans une stratégie délibérée mais elles
ne font pas encore l’objet d’une stratégie pleine, entière, indépendante et délibérée.
Quatre sources de tensions ont été identifiées comme étant des freins à la transformation de la stratégie
émergente. Trois d’entre elles sont ici discutées :

1) Manque de consensus sur la définition de brand content

Nous avons détaillé dans la partie précédente la controverse existant sur la définition du contenu de
marque ; elle est le signe de tensions existant entre les priorités et objectifs des différentes parties-
prenantes à la stratégie.

2) Manque de coordination de la stratégie

Nous avons par ailleurs mis en évidence dans la présentation de nos résultats la collaboration de trois
entités de la filiale VSC dans la construction de la stratégie marketing :

Figure 31 : Mission et rôles des parties prenantes dans la construction de la stratégie marketing VSC

BU France DIRECTION
Gestion du marché France, DIRECTION MARKETING COMMUNICATION
ouverture des offres Connaissance Client, CRM Communication des offres
(produits, prix) Problématiques de marques

Lead sur les ventes Lead sur la connaissance client Lead sur la marque

CO-CONSTRUCTION DE LA
STRATEGIE MARKETING

Le manque de coordination d’une stratégie de contenu de marque globale (« En fait, il y a différentes


initiatives dans l’entreprise de production de contenus. » (MN)), qui peut et doit être nuancé par un
effort de collaboration des équipes entre elles (« et ensuite par contre tout le monde travaille
ensemble. » (MN)) témoigne d’une certaine organisation en silos et d’une certaine divergence des
objectifs prioritaires de chaque entité ou département.

292
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

La théorie de la vision du monde (Homburg et Jensen, 2007) trouve ses fondements dans le concept
d’orientation ou de différenciation initié par Lawrence and Lorsch (1969) et postule l’existence de
différentes orientations cognitives et émotionnelles chez les managers issus de départements différents
de l’organisation. Ces différences se manifestent dans leur manière de travailler et dans leur processus
mental ; ce sont des différences d’attitudes et de comportements.

Nous considérons ici les dimensions liées à l’orientation des managers, à savoir les objectifs, le temps
de références et les objets qui orientent les activités d’un département. La théorie mobilisée nous
permet alors de mettre en évidence les divergences entre les départements parties prenantes à la
stratégie de contenu de marque :

Tableau 21 : O ie tatio des pa ties p e a tes à la st at gie, d’ap s la th o ie de la visio du o de


(Homburg et Jensen, 2007)

Equipes parties- Objectif prioritaire Objet de référence Temps de référence


prenantes à la stratégie
Business Unit Croissance du marché Offre de voyages >> Court
Produit
Marketing Connaissance client Données clients Long
Communication Communiquer, atteindre Marque Long
sa cible

Alors que la Business Unit a pour objectif prioritaire la croissance de son marché, celui du Marketing
semble être la connaissance client, celui de la Communication est d’atteindre sa cible, de la séduire en
parlant davantage de la marque que du produit. Les objets de référence considérés sont alors
respectivement pour chacun des départements : le produit (l’offre de voyages proposée), le client et la
marque. Les références au temps varient selon les équipes : la Business Unit est orienté sur un temps
court, alors que le Marketing et la Communication ont une logique de temps plus long.

Homburg et Jensen (2007) postulent que les divergences de visions du monde d’un département à
l’autre peuvent constituer une gêne dans la coopération de ces départements dans la mesure où leurs
orientations et donc leurs priorités ne sont pas identiques. La recherche d’un compromis peut alors
paralyser l’organisation et lui faire manquer des opportunités. Le postulat des deux auteurs coïncide
parfaitement avec la situation étudiée : le compromis trouvé aux divergences des trois départements
concernés par la stratégie de contenu de marque (ou la clarification de la controverse) porte sur la
priorité donnée au développement de contenus plus commerciaux (plutôt qu’aspirationnels). Ce
compromis se présente en effet comme un frein au développement d’une stratégie de contenu de
marque de plus grande envergure, plus délibérée.

293
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

La stratégie du compromis mise en avant dans le cadre de la résolution de divergences ou encore de


conflits (Sethi et al., 2012) est ici également illustrée: elle consiste pour l’équipe qui est à l’origine du
projet à modifier le produit (dans le cas d’un lancement produit) et dans le cas qui nous concerne à
modifier la nature du contenu produit – centré sur le produit et non sur la marque – de façon à obtenir
l’approbation de la hiérarchie et des autres équipes. En acceptant de mettre la priorité sur la production
de contenus de marque plutôt commerciaux qu’aspirationnels à l’issue de la réunion de « kick-off »,
l’équipe de communication modifie sa proposition de départ.

3) L’allocation des ressources

Outre le fait que la stratégie de brand content souffre d’un manque d’allocation de ressources, elle
souffre également d’un management « myope » des ressources et c’est plus précisément de ce point
qu’il nous semble intéressant de discuter.
La théorie du myopic management (Mizik, 2010) postule en effet que sous la pression d’une recherche
de bénéfices sur le court-terme, les dépenses sur des actions ayant des retombées sur le long-terme
(telle que la publicité) ne seront pas privilégiées. Les managers ont de fortes chances de ne pas être
motivés par ce type de dépenses dans la mesure où ils s’attendent à ce que les bénéfices réalisés ne
soient pas observables immédiatement, ou tout du moins sur le court-terme.

Ainsi, tel que l’a exprimé le directeur de la communication de la marque VSC, les budgets alloués aux
initiatives de contenu de marque sont moindres dans les périodes de forte pression sur les résultats des
ventes de la marque : « C’est-à-dire que il y a des moments où il y a des enjeux très très très forts sur
le volume d’affaires, donc là on a des approches très ROIstes où on sait que chaque opération doit
rapporter tant. Donc évidemment dans ce genre de cas, les contenus de marque sont un peu mis en
sourdine. Et puis il y a des moments où on peut travailler plutôt à moyen terme, plutôt sur la
fidélisation, ou plutôt sur la marque, sur sa substance, et là on vient sur les contenus de marque.»
(GC)

La gestion myope des ressources ne favorise pas l’allocation de ressources conséquentes et nécessaires
au déploiement d’une stratégie de contenu de marque plus délibérée.

VIII.4. Formation de la stratégie et école de pensées

L’école environnementale telle que décrite par Mintzberg (2009) propose que la stratégie se forme en
réaction au contexte de l’organisation. Les origines de la stratégie se trouvent dans le contexte

294
Chapitre VIII. Etude n°2 (voyages-sncf.com)

extérieur de l’entreprise. L’élaboration de la stratégie est dans ce cas un processus réflexe : l’entreprise
réagit au contexte ou encore à l’environnement.
Ce point de vue sur l’origine de la formation de la stratégie s’applique dans le cas étudié, dans la
mesure où la marque VSC a amorcé une stratégie de brand content en réaction à une concurrence
devenue de plus en plus forte sur la cible jeune et en conséquence à la détérioration de son image
auprès de cette cible. Le contexte est bien ici à l’origine de la formation de la stratégie. C’est aussi très
probablement la raison pour laquelle la stratégie est émergente ou encore immanente (on réagit par des
initiatives isolées, par des tactiques) et non pas délibérée ou transcendante (rien n’est planifié).

L’école de l’apprentissage offre ici aussi une compréhension adaptée de la formation de la stratégie :
l’élaboration de la stratégie est un processus émergent. Une action isolée aura des retombées et le
processus sera continu jusqu’à ce que l’entreprise se rassemble sur un modèle qui deviendra sa
stratégie.
Comme le propose Weick62, l’entreprise apprend de son propre comportement et convertit la stratégie
émergente passée en stratégie délibérée future. Ainsi des stratégies nouvelles et créatives alimentent la
planification.
Nous avons pu mettre en évidence un processus de transformation de la stratégie émergente en
stratégie délibérée, processus incomplet dans le cas de la marque VSC en raison de tensions survenues
entre les acteurs de l’organisation et au cours du processus.

62
In Mintzberg et al., 2009

295
296
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Chapitre IX.

Le cas Louis Vuitton

« Tout le monde dit Vuitton c’est la masse, la massification du luxe …Là aussi c’est pour dire non !
Il était important, … c’est fondamental que le produit le prouve ou le démontre … » (TE)

Ce neuvième chapitre est dédié à la présentation et à la discussion des résultats de notre deuxième
étude de cas qui vise à comprendre la formation de la stratégie de contenu de marque de la marque, ou
de la maison Louis Vuitton par le biais de trois questions principales :
- Comment la stratégie s’est-elle formée, ou encore quels événements majeurs ont contribué à sa
formation ?
- Quelles sont les parties-prenantes à sa formation, quels sont les acteurs de la stratégie, quel est le
rôle de chacun ?
- Quelles sont les éventuelles tensions ayant surgit au cours de la formation de la stratégie, et
comment ont-elles été résolues ?

Une partie introductive présente l’histoire de la maison Louis Vuitton, avec entre autres quelques
événements fondateurs de la formation d’une stratégie de contenu ; nous décrivons dans cette partie la
maison telle qu’elle est aujourd’hui en nous intéressant particulièrement à ses priorités stratégiques.
La première partie de ce chapitre (IX.1) est ensuite dédiée au contexte des stratégies étudiées. Nous
nous intéressons aux valeurs et à l’organisation de l’équipe marketing. Nous présentons ensuite les
liens existant entre la stratégie de communication et la stratégie de contenu de marque. Nous
introduisons enfin dans cette partie la coexistence de trois stratégies de contenu de marque déployées
par les équipes marketing-communication : une stratégie de brand content tactique, une stratégie de
brand content thématique et une stratégie de brand content étendu. Nous développons dans une
deuxième partie (IX.2) les définitions et descriptions du processus de formation des stratégies de
brand content tactique et thématique. Nous développons la stratégie de brand content étendu dans
notre troisième partie (IX.3) en nous intéressant à ses éléments fondateurs, à sa genèse, à son contenu
et à ses acteurs. La quatrième partie de ce chapitre (IX.4) nous permet enfin de synthétiser puis de
discuter nos résultats. Nous résumons alors les trois stratégies de contenu de marque en spécifiant
notamment leurs différences, leurs objectifs, leurs orientations. Nous discutons les logiques animant
les acteurs de la stratégie et la présence d’une controverse dans les choix stratégiques. Nous détaillons
les enseignements émergents de notre étude de cas sur la formation de la stratégie ; nous discutons
enfin la phase de décisions stratégiques.

297
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

IX.1. Contexte des stratégies étudiées


IX.1.1. Les valeurs et l’organisation de l’équipe marketing Louis Vuitton
IX.1.2. Stratégie de communication et stratégie de contenu de marque
IX.1.3. L’étude de cas Louis Vuitton ou l’application des trois de degrés de stratégies de contenu

IX.2. Stratégies de brand content tactique et thématique


IX.2.1. Stratégie de brand content tactique : une stratégie majoritairement tournée vers la valorisation
du produit
IX.2.2. Stratégie de brand content thématique : une stratégie concentrée sur le thème du voyage et sur
la marque Louis Vuitton

IX.3. Stratégie de brand content étendu


IX.3.1. Contexte et piliers de la stratégie
IX.3.2. Genèse de la stratégie de contenu
IX.3.3. Contenu de la stratégie
IX.3.4. Focus sur les acteurs de la stratégie et sur les décisions stratégiques fondatrices

IX.4. Synthèse et discussion des résultats


IX.4.1. De l’observation de trois stratégies de contenu de marque
IX.4.2. Logiques et acteurs des choix stratégiques de la marque Louis Vuitton
IX.4.3. Focus sur la formation des stratégies
IX.4.4. Focus sur la phase de décisions stratégiques

298
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Introduction au cas Louis Vuitton

Cette introduction au cas Louis Vuitton nous est apparue nécessaire en ce sens qu’elle permet de citer
quelques événements importants de la marque et qu’elle donne un éclairage utile pour comprendre la
genèse des stratégies marketing-communication de la marque. Nous abordons ici quelques événements
importants de l’histoire de la marque, nous décrivons ensuite brièvement la maison Louis Vuitton
aujourd’hui, en nous focalisant sur ses priorités stratégiques.

1) Les événements importants de l’histoire de la maison Louis Vuitton 63

L’histoire de la marque Louis Vuitton commence en 1854, date à laquelle son créateur Louis Vuitton
s’installe rue Neuve-des-Capucines à Paris en son nom propre pour y fabriquer des malles.
Louis Vuitton débute son activité en tant qu’ « emballeur » et « emballe avec sûreté les objets les plus
fragiles » en se spécialisant rapidement pour les emballages de mode. Il connaît un succès immédiat
en proposant une première série de malles plates en bois de peuplier et tendues de toile de chanvre.
Le logo de la marque sera créé un peu plus tard par Georges Vuitton, fils de Louis, en 1896 ; la
marque est alors déjà reconnue pour son savoir-faire.

Très vite, la maison expose ses produits dans le cadre des expositions universelles, dont Louis avait
saisi l’intérêt comme autant d’occasions de montrer le savoir-faire de la maison, de déposer de
nouveaux brevets, d’accroître la notoriété de la marque ou encore de lier des relations commerciales.
En 1859, Louis Vuitton délocalise ses ateliers à Asnières et se développe rapidement passant de vingt
à trente employés puis à une centaine à la fin du XIXème siècle.
Chacun des fils de la famille Vuitton fera un passage obligé par les ateliers d’Asnières pour apprendre
le métier et pour pouvoir diriger ensuite les magasins, de plus en plus nombreux.

Image 6 : Photo e t aite de l’e positio Volez, Voguez, Vo agez,


Grand Palais, Paris, février 2016

63
Sources : Les Echos 01/04/20 , L â e du o age ditio s Fla a io

299
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Le XIXème siècle connaît des progrès inouïs dans les domaines des transports maritimes et
ferroviaires. Ce seront autant de défis pour la maison Louis Vuitton qui s’efforce d’inventer des
bagages adaptés : « Le luxe tient désormais autant à la finition du moindre détail et à la qualité des
matériaux qu’à cette rigoureuse économie de l’espace. »
Louis Vuitton invente le bagage de luxe, « les premiers wardrobes, mixte de malle et d’armoire dont
les deux parties sont aménagées entre penderies et casiers où ranger chapeaux et accessoires. »
Son travail minutieux lui permet de perfectionner la malle plate, ancêtre du bagage moderne.

Image 7 : Photo e t aite de l’e positio Volez, Voguez, Vo agez,


Grand Palais, Paris, février 2016

La marque ouvre un magasin en plein centre de Londres en 1885 puis plus tard sur les Champs
Elysées en 1914. : « Après deux années de travaux, le Vuitton Building devient la vitrine, à tous les
sens de l’expression, de la marque ».
Désireux d’ouvrir la maison sur le monde, Georges Vuitton est à l’initiative de la création du magasin
de Londres. Ilveille par ailleurs comme son père à l’innovation et à l’amélioration constante des
produits et dépose en 1890 le brevet d’un élément essentiel de l’univers Vuitton : la serrure à cinq
gorges incrochetable et individualisée (elle permet à un même client d’ouvrir ses bagages grâce à une
clé unique). Il encourage parallèlement la production de nouveaux modèles (porte-habits rigide, malle
pique-nique etc.). Ainsi, la marque évolue avec les innovations et aux progrès de son époque en
matière de voyage en proposant des malles adaptées.

Gaston-Louis, petit-fils de Louis, dirige la maison au côté de son père jusqu’en 1936 ; il assure ensuite
seul la survie de l’entreprise pendant les années de guerre et d’occupation.

300
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Image 8 : Ca te e o e d s 9 à l’e se le du seau Cit oë


et desti e à sui e la p og essio de l’e p ditio à l’aide de petits d apeaux. © Citroën Communication

Curieux et sensible à tout ce qui a trait au voyage ainsi qu’aux créations contemporaines de son
époque, Gaston Louis Vuitton publie en 1920 un ouvrage intitulé « Voyage autour de ma malle ».
La marque Louis Vuitton s’associe à cette même époque à plusieurs événements liés au voyage : en
1907 au Paris Pékin, premier raid automobile de l’histoire, puis au New-York Paris l’année suivante.
La maison équipe par la suite, à la demande de M. Citroën, la Croisière noire (1924-1925) qui a pour
ambition de traverser le continent africain du sud de l’Algérie à Madagascar et dont les enjeux sont à
la fois scientifiques, économiques et politiques. Cinq ans plus tard en 1931, un nouveau raid Citroën
propose de parcourir le continent asiatique en couvrant la mythique route de la soie, entre Beyrouth et
Pékin (la Croisière jaune) : « Pour répondre à des conditions et des contrastes climatiques plus
terribles encore que ceux de la Croisière noire, la maison Vuitton utilise des matériaux inhabituels
pour assurer aux coffres, coques et châssis, une résistance suffisante à ces écarts extrêmes. »

A partir de 1959, un nouveau procédé d’enduction des toiles de lin ou de coton rendra possible la
fabrication de bagages souples dans le matériau emblématique de la maison : la toile Monogram
(initialement créée en 1896). Ce nouveau procédé permettra ainsi la conception et l’essor de toute la
gamme souple Louis Vuitton.

Image 9 : La toile Monogram de Louis Vuitton

Le premier volet de l’histoire de la maison se referme avec la disparition de Gaston Louis en 1970.
Malgré un certain succès commercial, la portée de la marque reste limitée : elle ne compte en effet
plus que deux magasins exclusifs (à Nice et à Paris) et soixante-dix employés en France.

301
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Les actionnaires nomment alors Henry Racamier, l’un des gendres de la famille marié à Odile Vuitton.
Henry Racamier est alors âgé de 65 ans et dirigeant de sa propre affaire de négoce d’acier qu’il vient
juste de revendre. Henry Racamier va métamorphoser l’entreprise familiale. Il ouvre en une dizaine
d’années plus de cent points de vente en son nom propre, et s’étend en Asie puis aux Etats-Unis. En
choisissant de vendre ses productions dans ses propres magasins, le nouveau patron garde le contrôle
d’un bout à l’autre de la chaîne (de la production à la distribution) et adopte alors une stratégie
décisive dans le succès de la maison.
En parallèle, l’entreprise familiale muscle sa stratégie marketing : Henry Racamier s’entoure de son
gendre publicitaire Jean-François Bentz pour doter la marque d’une image puissante. Une campagne
publicitaire intitulée « L’âme du voyage » est alors confiée au photographe Jean Larivière et marquera
l’histoire de la marque.

Image 10 : Photographie extraite de la campagne « L’â e du o age »

L’entreprise réalise en 1989 un chiffre d’affaires de 690 Millions d’Euros, soit 60 fois plus élevé qu’à
l’arrivée d’Henry Racamier ; elle est alors cotée en bourse depuis 1984. La marque n’est depuis ses
débuts représentée que par une ligne ou catégorie unique de produits (le bagage) ce qui constitue pour
Racamier sa principale faiblesse. Il décide alors de se lancer sur la voie de la diversification en
achetant la Veuve Clicquot et sa filiale Givenchy en 1987, en prenant une participation de 15% dans la
marque Guerlain quelques mois plus tard et en fusionnant avec le groupe Moët-Hennessy en 1987.
Assez rapidement une mésentente s’installe entre Henry Racamier et Alain Chevalier, patron de Moët
Hennessy, sur les projets futurs du groupe et notamment sur l’entrée de Guinness au capital. Le krach
boursier d’octobre 1987 fait chuter le cours de bourse de LVMH qui devient fragile. Racamier cherche
alors un allié pour contrer la montée en puissance de Guinness : il le trouvera en la personne de
Bernard Arnault qui prendra rapidement le contrôle du groupe. Bernard Arnault désignera par la suite
Yves Carcelle, ancien polytechnicien de 42 ans, pour diriger la maison Vuitton, dont « l’action et la
personnalité laisseront une empreinte profonde sur le développement de la maison ».

302
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

La marque entre en 1997 dans l’univers de la mode, « un pas supplémentaire et décisif dans la
construction de l’identité de la maison », sous l’impulsion du directeur artistique Marc Jacobs. La
mode conduit naturellement à l’intégration d’activités liées à la parure : horlogerie, joaillerie,
accessoires, souliers … « Autant de cartes réunies pour favoriser l’établissement de Louis Vuitton là
où on ne l’attend pas, logique pionnière qui a toujours fait sa marque de fabrique ».

Faisant face à une certaine banalisation de ses produits et à la contrefaçon, notamment sur le marché
chinois, la marque entreprend depuis peu un renforcement de positionnement très haut de gamme ou
positionnement sur « l’utra-luxe ». Elle est accompagnée depuis 2014 dans cette mission par son
nouveau directeur artistique Nicolas Ghesquière, ainsi que par Michael Burke nommé Président
Directeur Général, et Delphine Arnault nommée Directrice Générale Adjointe de la maison.

Image 11 : Photographies du comité de direction de Louis Vuitton (Nicolas Ghesquière, Delphine Arnault et
Michael Burke)

La maison Louis Vuitton annonçait récemment dans un communiqué de presse l’arrivée de Nicolas
Ghesquière : « Il insufflera la modernité de sa vision créative aux collections et saura s’appuyer sur
les valeurs de raffinement, de savoir-faire et d’extrême qualité qui sont au cœur de la maison depuis
1854. »

2) La maison Louis Vuitton aujourd’hui64

On trouve dans le rapport annuel du groupe LVMH les leviers stratégique suivants : la diversification
de la clientèle, une attention croissante portée à la qualité et à la créativité des produits, une attention
spéciale donnée à la démarche citoyenne des marques et à l’explosion du digital.
Le management déclare apporter son appui sur les fondements de solidité financière, d’esprit familial
et entrepreneurial et sur la volonté de création de valeur sur le long-terme.
Enfin les investissements du groupe se concentrent sur l’innovation, sur la conquête de nouveaux
territoires, sur l’extension de ses capacités de fabrication, sur la rénovation et sur l’ouverture de
magasins. Nous noterons qu’une attention particulière est portée sur le digital : les contenus sont mis à

64
Rapport annuel du groupe LVMH, année 2015

303
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

jour en temps réel, le site vise à guider l’internaute du fonctionnel vers l’émotionnel et à « découvrir
ce que l’on ne cherche pas », à découvrir aussi le quotidien des femmes et des hommes au cœur de la
réussite du groupe.

Concernant la stratégie de la maison Louis Vuitton, les axes cités sont les suivants :
- Pour les produits :
 La recherche d’une continuité dans une dynamique créative et dans le rayonnement de
l’univers de la maison,
 Un positionnement entre savoir-faire traditionnel et esprit d’avant-garde,
 Et pour le métier de la maroquinerie : un équilibre entre icônes de toujours
(Monogram) et lancements récents (modèles Capucines et nouvelle Petite Malle).
- Pour la communication :
 Des campagnes régulières,
 Des événements forts,
 Des lieux emblématiques en résonnance avec un produit ou une ouverture de
magasins.
- Pour la distribution :
 Le développement qualitatif du réseau de magasins.

Les notions d’histoire et d’héritage sont mentionnées dans le livret relatif à la maison Louis Vuitton
(du rapport annuel) : « Un lieu, une ville, un bâtiment, un objet : la mémoire d’une maison peut
s’incarner de mille manières, mais toutes rappellent l’importance de protéger, restaurer et partager
cet héritage, en hommage aux talents des générations passées, comme au bénéfice des talents de
demain : parce que c’est dans ce patrimoine historique que se puise l’inspiration pour de nouvelles
créations. »
On y rappelle aussi que le département des commandes spéciales fut à l’origine des pièces les plus
impressionnantes et incongrues de la maison, telle la malle-lit pour l’explorateur Pierre Savorgnan de
Brazza ou encore la malle pour iPad pour Karl Lagerfeld.
Les archives de la maison représentent enfin 23 000 objets et 165 000 documents et sont hébergées
dans la Galerie d’Asnières, lieu historique de la marque.

304
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

En synthèse :
- La Maison Louis Vuitton porte en elle depuis ses débuts et aujourd’hui encore des
valeurs fortes d’innovation ; le voyage et ses progrès ont inspiré ses créations
jusqu’au milieu du XXème siècle.
- La marque pratique dès le début du XXème siècle des activités aujourd’hui
apparentées au contenu de marque, autour du thème du voyage qui lui est cher : la
publication d’un ouvrage autour du voyage (1920) et l’accompagnement de plusieurs
expéditions d’explorateurs initiées par la marque Citroën (1907, 1924 et 1931) en
sont des exemples représentatifs.
- Parallèlement au développement mondial de la marque, le voyage reste dans les
années qautre-vingts au cœur de sa communication.
- L’extension de la marque se fait ensuite rapidement par le biais d’une stratégie de
diversification intensive, marquée par l’entrée de la maison Vuitton dans l’univers de
la mode à la fin des années quatre-vingt-dix.
- Depuis 2014, la maison affirme un re-positionnement sur « l’ultra-luxe » (en réponse
à une image perçue de massification voire de banalisation de ses produits
conséquente à son développement géographique à l’extension de ses gammes) et
nomme une nouvelle équipe de direction.
- La marque poursuit aujourd’hui son développement, reflet d’une stratégie
marketing oscillant entre l’expression de son héritage et la construction de son
avenir. Elle éprouve le besoin de raconter son histoire et d’asseoir ses valeurs pour
justifier son identité.

305
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

306
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

IX.1. Contexte des stratégies étudiées

Cette première partie a pour intention de poser le contexte de notre étude. Nous y abordons
l’organisation de l’équipe marketing-communication au sens large, ainsi que les valeurs qui la
mobilise. Nous expliquons ensuite les liens serrés existant entre les stratégie de communication et
stratégie de contenu de la marque. Nous introduisons enfin l’observation des trois formes de stratégies
de contenu dans notre étude de cas, à savoir les stratégies de contenu de marque tactique, thématique
et étendu.

IX.1.1. Les valeurs et l’organisation de l’équipe marketing Louis Vuitton

L’organisation marketing reste portée toute entière vers les valeurs d’innovation de la marque, telles
que citées plus haut. Celles-ci se traduisent même plus récemment par la volonté de la marque de
développer les dimensions digitales de sa stratégie marketing :
«La marque elle est censée être … avoir dans ses valeurs extrêmement fortes la valeur d’innovation.
(...) Qui a … fait que la maison est encore là aujourd’hui à mon avis, donc depuis l’invention de toile
enduite, toile monogramme pour éviter la contrefaçon à l’époque, aux malles plates etcetera etcetera.
(...) Donc ça veut dire que cette volonté d’innovation, cette volonté aussi de conquête, d’aller en avant
et de conquérir sans cesse de nouveaux territoires, qu’ils soient physiques ou pas, c’est illustré ou le
digital illustre complètement ce point-là. » (TE)

Ces valeurs coexistent au sein du marketing et de la maison avec des valeurs d’héritage et de
valorisation du patrimoine de la marque : « Je pense qu’une des valeurs qu’on essaie de véhiculer et
qu’on véhicule, (…) c’est vraiment l’héritage d’un savoir-faire assez fort qui justifie effectivement les
prix, tout simplement, … le savoir-faire, le soin avec lequel on fabrique les sacs etc. » (BQ)
« On a, je vous disais, un patrimoine très riche qui remonte à 1854, un fond d’archives assez unique
en son genre et que peu de marques ont su préserver jusqu’à aujourd’hui. Nous, c’est notre chance,
très tôt la famille Vuitton a eu la conscience de ce que devait être un patrimoine d’entreprise et a donc
conservé ses collections et ses archives jusqu’à aujourd’hui et les a enrichies même » (KH)

A l’instar de cette citation extraite d’un communiqué de presse du directeur artistique de la marque
récemment nommé : « Nous allons ensemble construire le futur de la marque tout en préservant son
héritage prestigieux» (Nicolas Ghesquière), des volontés de construction du futur de la maison et de la
marque Louis Vuitton et du respect de son passé coexistent et animent les équipes marketing.

307
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

L’équipe marketing au sens large se compose :


- des équipes métiers d’une part qui sont en charge des développements produits (marketing produit) ;
elles sont organisées en fonction des différents métiers de la maison : maroquinerie, prêt à porter,
montres et joaillerie, souliers et accessoires ;
- des équipes de communication qui se composent d’une équipe patrimoine et édition, d’une équipe
événements, d’une équipe relations presse, d’une équipe médias, d’une équipe publicité et d’une
équipe digitale.
Cette organisation est assez ‘silotée’ dans la mesure où « il n’y a pas de département marketing (…)
(mais) des équipes communications et des équipes métiers qui sont en charge du développement des
produits » (TE) ; le rôle du département communication reste cependant qualifié de transversal.

Figure 32 : Organig a e de l’ uipe M tie s Louis Vuitton

Figure 33 : O ga ig a e pa tiel de l’ uipe o u i atio Louis Vuitton

308
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

IX.1.2. Stratégie de communication et stratégie de contenu de marque

La stratégie de communication de la marque Louis Vuitton au sens large semble se faire en deux
temps avec d’une part des actions tactiques et plus court-terme, et d’autre part des actions ancrées sur
le long-terme :
« Oui, parce qu’on va dire qu’aujourd’hui il peut y avoir des grands points de passages obligés. Et du
coup, ça se fait conjointement. Après il y avoir des choses de moindre ampleur qui vont être plus
tactiques, j’ai envie de dire de communication plus tactique où là, ça peut venir du métier parce que
c’est un lancement de produits qui est un peu plus tactique et qui ne demandera pas forcément
l’orchestration de tous les moyens de communication mais seulement de certains canaux de
communication. » / « Pour moi, il y a des deux. Je dirais que le plan de communication de la marque
est fait, … il marche sur ses deux jambes. Il y a des choses qui vont être très ponctuelles, court-
termistes, tactiques ... et il y a d’autres choses qui sont plus long terme, dans la continuité des
messages qui sont un peu plus forts. » (TE)

Cette double orientation de la stratégie de communication globale de la marque peut être mise en
parallèle avec ses trois axes qui sont : 1) la marque, 2) le produit et 3) les événements commerciaux
éphémères liés aux produits (ex : Noël, Saint Valentin) ou les événements liés à la marque tels que les
expositions par exemple. Si la communication sur la marque se rapproche nettement d’une vision sur
le long-terme dans une logique d’enrichissement de son patrimoine (« Cela vous permet de mieux
découvrir, comprendre, appréhender l'histoire de la marque, de son savoir-faire, pourquoi Louis
Vuitton est une marque de luxe ... (...) C'est vraiment enrichir et permettre de valoriser la marque, ses
différentes facettes, activités » (TE)), la communication sur les produits s’inscrit pour sa part dans une
logique beaucoup plus court-termiste (« pour accompagner un lancement produit » ou un événement
(TE)).

L’orientation stratégique de la marque Louis Vuitton en termes de communication a évolué d’une


communication axée sur la marque par le passé vers une communication aujourd’hui davantage axée
sur le produit : « On a plutôt mis ça en stand by, aujourd’hui on vient sur ce qu’on appelle les
campagnes travel donc il y a plus de produits que dans les core value où c’était plus la personnalité
emblématique qui s’associait à la marque qui était porteuse de messages », « Les campagnes
marques, on en n’a plus vraiment », « C'est plus produit » (TE).

La frontière entre brand content et communication traditionnelle ou classique est ténue, voire
inexistante :
« Est-ce que la publicité classique c'est pas du brand content ? (…) en tout cas je me bats pour dire
que tout doit être pensé ensemble avec la même logique pour que ce soit plus clair pour le client et

309
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

plus impactant (...) Tout de suite on va se dire alors ça c'est Vuitton sans que vous ayez besoin de
l'écrire partout et c'est pour ça que pour moi tout est brand content ! » (TE)
« nous avons aussi pour objectif de produire, de créer du contenu éditorial à forte valeur ajoutée, non
pas par opposition mais en complément du contenu publicitaire que je distingue clairement,
sciemment, ce qui n’est pas toujours dans les consciences de nos dirigeants et des managers de la
communication bien distinct. » (KH)
Le contenu de marque est pour sa part considéré comme étant à la fois au service de la marque et au
service du produit : « Ca dépend de ce que vous mettez derrière … si c'est ... si derrière on met tout ce
qui est fait en termes de content, comme c'est au service de la marque, on pourrait considérer que tout
ça c'est du brand content sans vouloir jouer sur les mots. Donc on va dire que de façon historique, il y
a tout ce qui est travail sur la marque et les deux jambes c’est un peu la marque et le produit. Et c’est
relativement, j’ai envie de dire, historique. » (TE)
Le passage de la marque d’une orientation communication-marque vers une orientation
communication-produit reste cependant perçue comme une place moindre donnée au brand content
dans la stratégie de communication (que l’on suppose par conséquent un peu plus associé, et ce de
façon historique, à la marque qu’au produit) :
« Je pense qu’à une époque pas si lointaine que ça, où on était beaucoup plus que maintenant dans
une stratégie de brand content. (...) Oui, je pense que la stratégie de communication, elle a été
beaucoup plus axée là-dessus, on produisait un énorme contenu, on en produit de moins en moins
… (…) Et donc, autour de ces campagnes, il y avait énormément de brand content c’était toute une
histoire en fait, on racontait l’histoire de la personnalité, pourquoi elle collaborait avec Louis Vuitton
etc. Et du coup, sur le site, on avait vraiment des mini-films là-dessus et ça racontait l’histoire de la
marque en même temps. Voilà pourquoi, à mon sentiment, je disais qu’avant on faisait plus de brand
content plus que maintenant. » (BQ)

Figure 34 : Orientations stratégiques de la communication de marque Louis Vuitton et positionnement de la


stratégie de contenu de marque

STRATÉGIE DE COMMUNICATION

PRODUITS MARQUE
STRATEGIE DE
BRAND CONTENT

Vision court-terme Vision long-terme

Le contenu de marque existe dans la stratégie de la maison Louis Vuitton depuis ses origines : le petit
fils de Louis Vuitton éditait dès le début du XXème siècle un ouvrage consacré à la malle et au

310
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

voyage, un autre descendant Gaston Vuitton fut à l’origine d’un journal édité par la marque : « Gaston
Vuitton était co-fondateur du comité des Champs Elysées et dans les comptes rendus dans nos
archives, il a lancé un journal des Champs Elysées. Dans sa définition qui remonte aux années trente
environ, quand il parle de ce journal là, vous vous dîtes, grosso modo, … Vous pourriez dire qu’il est
en train de formaliser une stratégie de contenu de marque, pour valoriser les commerçants des
Champs Elysées et comment, avec un journal justement payant, il y va franco. » (KH).

La stratégie de contenu s’est développée avec le temps et comporte aujourd’hui, nous le verrons par la
suite, différents axes. D’un point de vue global, elle a tendance à se formaliser dans son ensemble :
alors qu’« avant chacun pouvait faire ses propres créations », aujourd’hui une réflexion de fond est
menée sur la création d’une « content factory » (TE) et sur l’internalisation de la production des
contenus.

La stratégie de contenu de la maison Louis Vuitton répond dans sa globalité à deux missions :
- La première consiste à enrichir les contenus produits ou existants, notamment les contenus de
communication traditionnelle : « Lorsqu’il y a une campagne de publicité qui est shootée en
print, nous on est évidemment sur place, notamment pour les interviews avec la personnalité
qui va être dans la campagne de pub ... Ce sont des contenus spécifiques photo et vidéo
« behind the scene » pour créer une histoire autour de la campagne de pub. Ce n’est pas un
film publicitaire, c’est une valeur ajoutée à ce que la campagne peut avoir comme axe de
communication. Le message va être amplifié via la vidéo qu’on va faire aussi bien pour le site
que pour Instagram etc… afin que cela soit impactant et tout de suite parlant pour notre jeune
population » (DQ).
- La deuxième mission consiste à expliquer la marque et son histoire : « Cette stratégie-là, c’est
vraiment d’être visible sur l’ensemble des canaux avec une vision qui va avoir une valeur
ajoutée pour nos clients, qui va expliquer notre marque, expliquer nos collections encore une
fois avec des productions supplémentaires, plus impactantes en essayant d’immerger notre
clientèle au sein de la maison aussi bien en la faisant rêver qu’en la faisant acheter. Est-ce
qu’on peut faire rêver et faire acheter en même temps, on essaie de le faire, (…) il faut
expliquer notre marque, expliquer d’où on vient. » (DQ)

311
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Figure 34 : Orientations stratégiques de la communication de marque Louis Vuitton et positionnement de la


stratégie de contenu de marque

STRATÉGIE DE COMMUNICATION

PRODUITS MARQUE
STRATEGIE DE
BRAND CONTENT

Vision court-terme Vision long-terme

Enrichir les contenus Expliquer la marque


existants

(BRAND CONTENT TACTIQUE) (BRAND CONTENT THÉMATIQUE)

IX.1.3. L’étude de cas Louis Vuitton ou l’application des trois degrés de stratégies de contenu

Les échanges que nous avons eus avec les managers dans le cadre de notre étude de cas nous ont
permis d’identifier trois stratégies de contenu de marque.
Il s’agit :
- d’une stratégie de contenu de marque tactique qui se fait en accompagnement des activités de la
marque, notamment et principalement autour des produits,
- d’une stratégie de contenu de marque thématique qui concerne plus directement la marque et son
patrimoine et qui s’articule autour du thème du voyage,
- et d’une stratégie de contenu de marque étendu : elle correspond à l’édition des guides de voyage
Louis Vuitton, où la marque prend un statut d’éditeur à part entière.

Nous proposons finalement par le biais de ce cas de comprendre le processus de formation des trois
stratégies de contenu identifiés dans notre première étude empirique, à savoir : 1) la stratégie de brand
content tactique, 2) la stratégie de brand content thématique et 3) la stratégie de brand content étendu.

Figure 10 : Les trois degrés de maturité des marques dans leur stratégie de brand content

Brand content tactique Brand content thématique Brand content étendu


G alis e à l e se le de la
Opérations / Thématique forte communication
communications ponctuelles Moyens financiers élevés dédiés Marque Média
à la production de contenus

312
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Une définition a été proposée à l’issue de notre première étude empirique (deuxième partie de notre
thèse), pour chacune des stratégies présentées ci-dessus. Le tableau suivant nous permet de les
rappeler :

ère
Tableau 22 : Définitions des trois degrés de stratégies de contenu de marque (1 étude empirique)
Nom de la stratégie Définition donnée (première étude empirique)
Stratégie de contenu de marque tactique Cette étape constitue le premier degré de maturité de la
marque dans sa stratégie ou dans sa réflexion sur le brand
content digital. A ce stade, le brand content digital est
d elopp de a i e oppo tu iste, lo s u u e o asio se
présente, souvent dans une optique de tester un format de
contenu produit. Les opérations de brand content tactique
peu e t t e ep oduites plusieu s fois da s l a e ais
sans véritable fil conducteur.

Stratégie de contenu de marque thématique A ce niveau, la marque a amorcé une réflexion ou une
approche plus poussée du brand content qui prend une
place considérable dans son dispositif de communication.
Le contenu de marque est ici le pilier de la stratégie de
communication de la marque.
Un thème fédérateur ou encore une ligne éditoriale peut
être identifiée, elle est le moteur de la communication faite
par le biais des contenus de marque. On observe dans cette
catégorie un effacement des frontières entre contenu de
marque et publicité : une thématique cohérente nourrit
l e se le des o te us.

Stratégie de contenu de marque étendu Ce troisième niveau correspond à un niveau de maturité où


la marque prend le statut de marque média.
La stratégie de communication est ici entièrement articulée
autour de la production de contenus de marque. La marque
réorganise ses moyens marketing autour de la production
de contenus, elle mobilise ses équipes marketing et
o u i atio da s u e logi ue de dia est-à-dire avec
des journalistes et des producteurs. Les compétences et les
capacités marketing sont co e t es su l la o atio
d u e st at gie de o te u plei e et e ti e.

Les verbatims suivants permettent de comprendre la variété et les différentes activités de


communication – et par conséquent de brand content – de la marque et des produits :
« … la communication, le plan de communication est drivé à l'origine par le produit » (TE), « Ensuite,
on complète ça des besoins qu’on a de nos messages d’un point de vue un peu moins ‘product
senstive’ mais qui peuvent être autour de l’histoire de la maison, autour du savoir-faire, autour
d’autres valeurs, d’innovations, de personnalisations etc…. » (TE), « Cela se complète des
marronniers commerciaux sur lesquels il faut aussi que vous ayez une présence comme pour la fête
des mères, la fête des pères, Noël etc….les événements qui sont prévus dans la maison. Il y a un peu

313
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

les incontournables des shows ensuite au niveau événements type expositions et ensuite il va y avoir ce
qui est moins product sensitive donc histoire, savoir-faire, service clients, … » (TE)

Plusieurs activités inhérentes au produit ou à la marque ont été identifiées à partir de ces verbatims ;
elles sont très liées avec les différentes stratégies de contenu.
En ce qui concerne le produit, il s’agit des lancements de nouveaux produits ou d’actualités concernant
des produits déjà existants (mise en avant d’un produit par exemple), les défilés qui permettent de
présenter les nouvelles collections et les marronniers commerciaux qui concernent des événements
récurrents (comme la Saint Valentin par exemple).
Les événements se trouvent au croisement des activités qui concernent le produit et la marque, dans la
mesure où ils mettent en avant à la fois les produits et la marque (il peut s’agir d’une exposition sur la
marque).
Les activités dédiées à la marque concernent davantage des communications liées au savoir-faire de la
maison Louis Vuitton, à son histoire, à son patrimoine.
La figure suivante nous permet de visualiser les activités marketing et communication de la maison
Louis Vuitton, selon qu’il s’agit d’activités se référant davantage à la marque ou au produit, et de
positionner les trois stratégies de contenu (tactique, thématique et étendu) dans cet ensemble.

Nous nous attacherons dans les parties suivantes à détailler chacune des trois stratégies, en nous
efforçant de comprendre pour chacune :
- comment la stratégie se forme,
- quelles sont les parties prenantes à la formation de la stratégie
- et quelles sont les potentielles tensions émergeant dans la formation de la stratégie.

314
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

STRATÉGIE MARKETING >>> STRATÉGIE COMMUNICATION & BRAND CONTENT

PRODUITS MARQUE

LANCEMENTS ACTUALITÉS DÉFILÉS MARRONIERS ÉVÉNEMENTS SAVOIR-FAIRE HISTOIRE & PATRIMOINE

1. STRATÉGIE DE CONTENU DE MARQUE tactique = couverture des actualités de la maison

2. STRATÉGIE DE CONTENU DE MARQUE thématique :


« Le Voyage »

ÉDITION

3. STRATÉGIE DE CONTENU DE
MARQUE étendu : la marque
média ou Louis Vuitton éditeur
de guides de voyage

Figure 35 : Représentation des trois stratégies de contenu de la marque Louis Vuitton

315
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

En synthèse :
- L’appétence pour l’innovation et le souci de valorisation du patrimoine de la marque
sont deux moteurs qui animent les équipes marketing dans leurs actions.
- Ces équipes sont constituées d’équipes métiers dédiées aux produits d’une part, et
d’équipes de communication d’autre part ; elles semblent à première vue être
organisées en silos.
- La frontière entre stratégie de contenu et stratégie de communication est ténue, voire
inexistante. La pratique des stratégies de contenu de marque est en effet historique
pour les marques de luxe : elles utilisent les codes du contenu de marque dans leur
communication depuis longtemps.
- La stratégie de communication – et donc de contenu – comporte deux axes : le
produit et la marque. La communication sur le produit s’inscrit dans une vision
court-termiste de l’activité marketing de la maison ; la communication sur la marque
s’inscrit pour sa part dans une vision de long-terme.
- Alors que par le passé, la stratégie de communication et de contenu donnait
l’emphase à la marque (plutôt qu’au produit), elle est aujourd’hui davantage axée
sur le produit.
- La stratégie de contenu de Louis Vuitton au sens large comporte deux missions :
1) Enrichir les contenus existants, correspondant à la communication traditionnelle.
2) Expliquer la marque et son histoire.
- Les équipes y répondent en déployant deux formes de stratégies :
1) Une stratégie de contenu de marque tactique (court-terme) qui accompagne les
activités liées au produit.
2) Une stratégie de contenu de marque thématique qui se nourrit du thème du
voyage grâce auquel la marque Louis Vuitton a pu se développer. Cette stratégie
s’inscrit dans une vision de long-terme de la marque.
- Une troisième stratégie est développée plus à part : il s’agit d’une stratégie de
contenu de marque étendu se référant à l’édition de guides de voyage Louis Vuitton.

316
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

IX.2. Stratégies de brand content tactique et thématique

Nous décrivons dans cette partie les deux premiers niveaux de la stratégie de contenu de marque :
tactique et thématique. Les deux stratégies contribuent à la stratégie globale de contenu de marque et
concernent les équipes communication (au sens large) et marketing de façon transverse.
Alors que la stratégie de contenu de marque tactique accompagne les activités de la marque, et
s’oriente de fait davantage vers la mise en avant des produits, la stratégie de contenu thématique se
concentre sur la communication de l’univers de la marque, sur le thème du voyage.
Nous détaillons pour chacune le processus de formation de la stratégie, les acteurs de la stratégie et
son contenu.

IX.2.1. Stratégie de brand content tactique : une stratégie majoritairement tournée vers la
valorisation du produit

Un processus de formation formalisé …

Les contenus produits dans le cadre de cette stratégie sont le reflet de l’actualité de la maison Louis
Vuitton et concernent davantage les produits de la marque que la marque à proprement parler :
« Donc on doit être au milieu de toute l’actualité de la maison puisque tout doit être retranscrit sur le
site, il est très rare qu’un événement qui se passe dans la maison ou un lancement de produit ne soit
pas retranscrit sur le site via un contenu dédié. » (DQ)
« L’actualité de la maison, elle se forge là-dessus, le temps des campagnes 6 mois après va aussi être
sur ces défilés-là, ça c’est aussi un peu le cœur de notre réflexion et ensuite viennent effectivement se
rajouter et se mettre en place l’exposition sur les événements qui vont avoir lieu » (DQ)
« On connaît aussi un an avant les dates des défilés, car il est vrai que nous avons des marronniers
dans la maison, évidemment les défilés aussi bien pour la femme que l’homme donc 3 pour la femme
et 2 pour l’homme donc 5 défilés en tout. » (DQ)

L’orientation stratégique choisie récemment de la communication de la maison pour les produits plutôt
que pour la marque donne une importance particulière à la stratégie de brand content tactique, axée
davantage elle aussi nous l’avons dit sur le produit. On trouve par conséquent à l’origine de cette
stratégie, tout un lot de décisions stratégiques qui concernent la nomination récente d’un nouveau
comité de direction ainsi que le choix d’affirmer le positionnement des produits sur le très haut de
gamme (« l’ultra-luxe ») :
« … parce que la marque a voulu mettre en valeur pas mal de changements qu'il y avait 1) l’arrivée
d’un nouveau directeur artistique avec Nicolas Ghesquière donc là c’est les campagnes fashion et 2)

317
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

le changement ... pour envoyer un signal fort au marché, aux clients sur la refonte de nos collections
où avec l’arrivée de Delphine Arnault, il y avait la volonté vraiment de se recentrer vraiment sur le
très luxe et très haut de gamme. » (TE)
« Bon Vuitton, tout le monde dit Vuitton c’est la masse, la massification du luxe, là aussi c’est pour
dire non, il était important, c’est fondamental que le produit le prouve ou le démontre ou le mette en
avant.» (TE)

La stratégie de contenu est dans ce cas de figure planifiée car largement orientée vers la stratégie
produit de la maison :
« On travaille déjà en commun, au niveau équipe com, pour la construction du plan de
communication, ce qui donne les grands incontournables de l’année que ce soit d’un point de vue
produit slash collections, lancements produits de collection, ou événements aussi qui est important et
que l’on sait quand même en général à l’avance. » (DQ)
« Nous on va évidemment travailler sur le plan de communication. On a ce qu’on appelle pour chacun
des produits qu’on lance, qui sont un peu on va dire 360 degrés, aussi bien des campagnes de
communication, des lancements de nouveaux produits ou autre, … on a des timelines, des plannings
de diffusion, presse, publicité digitale sur les réseaux sociaux, le site, le magazine, les e-mailings.
Donc on édite ça pour chacun des projets, ... » (DQ)

La planification se fait longtemps à l’avance et semble suivre un processus plutôt bien formalisé :
« Alors cette stratégie de communication est planifiée et à 1, 2, 3 années donc évidemment la réflexion
avance d’autant que nos budgets sont construits un an avant donc il y a lieu de réfléchir à ce qu’il va
se passer l’année suivante. » (DQ). « Il y a effectivement un plan de communication édicté avant le
plan de communication spécifique mais l’ensemble de ce plan de communication est vraiment réfléchi
en transverse désormais. Encore une fois, on connait l’ensemble des marronniers dans la maison et
ensuite, les contenus sont réfléchis d’une manière synchronisée avec la presse, la communication et
les événements, tout ça est fait vraiment en collaboration avec l’ensemble des départements. » « … on
a encore travaillé sur un dernier planning jusqu’à la mi-2017, on a le plan événementiel, le plan de
communication, le plan produits, évidemment les déclinaisons vont être faites de la formation vendeur
aux animations qu’on va retrouver sur le digital à l’ensemble de la communication clients. Il y a
vraiment des plannings qui sont édictés de manière très précise, en même temps très large sur
l’ensemble des métiers de la maison. Tout cela existe et existait un peu moins avant car avant on était
moins gros et les collections étaient moins grandes, moins nombreuses avant, on lançait moins de
produits chez nous. » (DQ)
Le processus de formation de la stratégie est donc dans son ensemble formalisé et cet effort de
formalisation s’est accru avec le temps au fur et à mesure du développement de la maison.

318
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

… ponctué d’événements ou d’actions stratégiques non prévus

On notera toutefois que la stratégie de contenu de marque tactique, que nous pouvons assimiler à une
stratégie transcendante ou délibérée65, se complète de touches ou d’événements stratégiques que nous
qualifierons de plus immanents ou encore d’émergents66.
Un exemple particulier nous permet d’illustrer ce propos : il s’agit du lancement d’une application
appelée Vuitton Pass destinée à fournir les informations relatives à un produit présenté sur une
annonce publicitaire par exemple (figurant sur une page de magazine) grâce à des technologies de
reconnaissance d’images. Cette application est par ailleurs qualifiée de « capsule de contenus de
marque » dans la mesure où elle permet d’encapsuler des contenus dédiés aux produits de la marque
Louis Vuitton (« donner plus d’infos sur l’univers de la campagne et les back-stages du tournage, la
vidéo de la campagne etcetera … donc faire aussi du brand content là-dessus » (BQ)). Elle fait de
notre point de vue partie de la stratégie de brand content dite tactique dans la mesure où elle participe
à la vie, à l’actualité du produit.
L’application Vuitton Pass a été dans un premier temps développée de manière isolée, ne faisant partie
d’aucun plan stratégique : « Maintenant on travaille énormément avec la DSI, donc avec la direction
des services informatiques, je dis maintenant parce qu’au tout début, ça ne faisait pas partie de leur
projet prioritaire et ils ont complètement délaissé ce projet. Ils nous ont laissé faire notre petite sauce
et c’est vrai qu’on ne touchait à aucune base de données internes etc, puisque que c’est une
application qui est ouverte au public, qui n’est pas liée au système de clienteling ici, donc on était un
peu, sans être défaitiste mais, au début c’était, bon vous voulez absolument le faire, faites le mais on
ne vous aide pas » (BQ).
Le succès de l’application lui a donné un caractère stratégique, la stratégie déployée a été reconnue a
posteriori : « je vois maintenant l’importance stratégique que ça a pu prendre, il a fallu batailler et
convaincre la terre entière pour avoir le droit de la développer car ce n’était pas trop dans la
stratégie du moment (…) Et voilà, je crois que de fil en aiguille, on a prouvé qu’il y avait une vraie
utilité, une vraie valeur ajoutée à la fois pour la marque, pour nos clients potentiels ou prospects
d’ailleurs et ça devient finalement assez stratégique maintenant (...) Voilà, ça devient plus un outil de
clienteling aussi. » (BQ), et le caractère stratégique de l’action menée incombe finalement à la qualité
de la valeur créée pour le client.

65
L app o he t a s e da te de la fo atio de la st at gie a e d u e p opositio de Da e o et To set
(2014) énoncée dans notre revue de littérature sur la stratégie marketing : elle correspond à une conception de
la formation de la stratégie comme un processus formel et réfléchi et peut être rapprochée de la stratégie
délibérée (Mintzberg, 1987).
66
L app o he i a e te est gale e t u e p opositio de Da e o et Torset (2014) qui envisage la
formation de la stratégie comme un processus continu et en cours dans lequel la stratégie se construit dans
l a tio , la fo ulatio de la st at gie et sa ise e œu e se o fo de t. Cette isio se app o he de la
stratégie e ge te Mi tz e g, ui est pas e p ess e t p ue.

319
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

L’action reconnue stratégique se trouve ensuite englobée dans un processus plus formel, la
formalisation de la stratégie s’est faite dans ce cas a posteriori : « Maintenant que ça devient
stratégique, c’est à double tranchant, il y a du bon et du mauvais, ils sont de plus en plus impliqués
dans ce projet donc on est beaucoup moins libre, on rentre dans les road-maps officiels etc. », « Donc
quoiqu’il arrive, effectivement ça prend une ampleur qui fait que maintenant on est obligé de rentrer
dans les rouages plus officiels, et ça, je ne sais pas comment fonctionnent d’autres boîtes mais j’ai
l’impression que souvent, les nouveaux supports, les nouveaux devices, les nouveaux modes de
communication, au début partent vraiment dans leur coin, il faut faire ses preuves et puis après se
retrouvent englobés dans autre chose de plus gros .» (BQ)

Les acteurs de la stratégie –formation et mise en œuvre – sont bien identifiés :


- la direction générale joue un rôle nous l’avons vu dans les grandes orientations de la
stratégie tactique
- l’équipe de communication digitale est à l’initiative des contenus digitaux
- les métiers participent à la création des briefs (« on est censé avoir un brief de la part de
l’équipe métiers qui va nous expliquer le pourquoi du comment du produit, le message à
faire passer, la cible normalement ainsi que la genèse du produit, un peu son embryon de
l’histoire» (TE))
- la majorité des équipes de communication (ou quasiment) intervient finalement dans le
processus de formation de la stratégie (« Nos réflexions se portent évidemment sur
l’actualité que l’on va définir ensemble aussi avec l’événement qu’avec la publicité et la
presse » (DQ))

320
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Figure 36 : Formation de la stratégie de brand content tactique

DÉCISIONS STRATÉGIQUES

- No i atio d u ou eau o it de di e tio ACTEURS  Direction générale


- Positionnement sur « l’ult a-luxe »
STRATEGIE PLANNIFIÉE (délibérée ou transcendante)

Forte orientation produits de la stratégie de


CONTENU  actualités relatives aux
communication & brand content produits  lancement de nouveaux
produits, défilés, événements
Stratégie émergente

commerciaux (marronniers)

PLANIFICATION
Plan produits, plan événements, plan ACTEURS  Communication digitale,
communication  BRAND CONTENT Métiers, Publicité, Presse, Evénements

MISE EN ŒUVRE

ÉVÉNEMENTS ou actions
émergentes à portée
stratégique (Vuitton Pass)

321
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

IX.2.2. Stratégie de brand content thématique : une stratégie concentrée sur le thème du voyage
et sur la marque Louis Vuitton

1) Historique

Nous l’avons vu plus haut, la communication de la marque Louis Vuitton s’articule autour de deux
axes : le produit d’une part, et la marque d’autre part. Si le produit semble davantage être mis en avant
qu’il ne l’a été par le passé, la marque a connu de longues périodes où les campagnes de
communication lui étaient entièrement dédiées.
La première campagne de communication sur la marque est lancée peu de temps après l’arrivée de
Racamier à la tête de la maison Louis Vuitton. Cette campagne est réalisée par le photographe Jean
Larivière et s’intitule « L’âme du voyage » ; elle représentera la marque pendant plus de vingt ans et
marquera son histoire.
« Et ensuite, il y a ce qui est la marque, la marque elle a fait des campagnes autour de la marque qui
étaient quand même moins fortement produit depuis très longtemps parce qu’il y avait du Jean La
Rivière avant. » (TE).

Images 12 et 13 : Photographies extraites de la campagne « L’â e du o age » de Jean Larivière

Cette campagne a été suivie de la campagne intitulée « Core Value », mettant en scène des
personnalités célèbres sur le thème du voyage.
« Ça a commencé avec du Jean La Rivière et ensuite le point fort, c’était quand même les campagnes
core value avec ces personnalités prises dans des moments de voyage avec un sac Louis Vuitton,
comme compagnon de voyage. » (TE)

322
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Images 14 et 15 : Photographies extraites de la campagne Core Value

L’objectif de ces campagnes est bien de mettre en avant la marque et le thème du voyage ; le produit y
est présent mais reste très discret et ne constitue pas l’objet principal de la communication (on le
remarque à peine).
« Là il y a du produit mais c’est mineur, pour moi c’est plus campagne de marque » / « … donc il y a
du produit mais c’est un peu plus timeless et c’est plus grands paysages, grands univers. Voilà, tout
ça, c’est core value. » / « Et côté marques, typiquement, pour moi, c’est une communication qui est
censée être un peu plus timeless, moins focus produits donc qui doit un peu plus prendre de la hauteur
par rapport aux collections et aux valeurs à mettre en avant. » / « On a eu quelques communications
de marques, on a fait des communications sur le savoir-faire ou quand on fait une communication sur
un événement de type Grand Palais. On est moins sur du produit, on peut en voir car c’est quand
même notre cœur de métier mais ce n’est pas le but premier de promouvoir un sac quand on fait ça ...
c’est un peu ça le distinguo que je pourrais faire » (TE)

Ces campagnes représentent selon nous les prémices de la stratégie de contenu de marque thématique
axée sur le thème du voyage, un thème cher à la marque Louis Vuitton depuis ses origines.

2) L’exposition au Grand Palais

« Et puisque les malles sont faites pour voyager et l’Histoire pour être racontée, la maison Louis
Vuitton s’est transportée jusqu’au Grand Palais, le temps d’une exposition : « Volez, Voguez, Voyagez
– Louis Vuitton » retrace l’aventure de la Maison, de 1854 à aujourd’hui, à travers les portraits de ses
fondateurs mais aussi de ceux qui inventent aujourd’hui le Louis Vuitton de demain. »67

67
Extrait du rapport annuel du groupe LVMH, année 2015

323
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Image 16 : Affi he pu li itai e de l’e positio au G a d Palais

En étudiant la stratégie de contenu de marque thématique, nous avons concentré notre attention sur
l’ensemble des contenus développés pour l’exposition de la marque au Grand Palais, de manière à
observer un élément concret et précis de la stratégie. L’exposition s’intègre dans un ensemble de
contenus dédiés au thème du voyage. Nous nous sommes attachés à retracer la chronologie de
l’histoire de cette exposition : de l’idée génératrice à la production des contenus s’y référant.

L’objectif des contenus développés et de l’exposition, et par extension de la stratégie de contenu de


marque thématique, est indéniablement de servir la marque en tant que telle :
« En termes de communication, on avait tous l’envie de faire rayonner notre marque, une marque
française, au Grand Palais, à Paris et faire de cet événement quelque chose d’important, de visible et
compréhensible par l’ensemble des pays. » (TE)
« Il faut un message fort. Et voilà, ça reboucle ce que je peux vous dire sur le Grand Palais, je pense
ce sont des initiatives qui selon moi peuvent justement faire office de grands messages forts sur les
valeurs d’une marque. » (BQ)

L’exposition du Grand Palais est née d’une idée de Bernard Arnault, à la tête du groupe LVMH :
« On va dire que l’idée remonte effectivement à plusieurs années, en fait elle vient de M Arnault qui
avait très envie d’avoir un événement qui puisse expliquer au mieux l’histoire extraordinaire de la
maison Louis Vuitton, du début jusqu’à aujourd’hui voire limite, jusqu’à demain.(…) Il y a eu
plusieurs choses qui ont été faites auparavant , (...) il y a eu une exposition qui était aux arts déco,
une autre au musée Carnavalet aussi. (…) Tout ça mettait en général en avant plutôt une facette de la
maison ou une partie de l’histoire de la maison, ce n’était pas suffisamment global et didactique,
satisfaisant aux yeux de M Arnault. » (TE)

324
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

A la suite de l’idée donnée par Bernard Arnault, un grand nombre de décisions ont été prises, afin de
structurer l’événement :
- La sélection des thèmes autour du voyage (quels vont être les thèmes de l’exposition du Grand
Palais ?) se fait dans un premier temps entre Bernard Arnault et Olivier Saillard, commissaire
de l’exposition.
« Donc, 160 ans d’histoire, ça ne se fait pas comme ça, il y a eu tout un process de réflexion
entre eux sur le parcours, donc les thématiques, qu’est-ce qu’on garde et qu’est-ce qu’on met
de côté car on ne peut pas parler de tout, … » « Voir les points qu’on veut mettre en avant qui
sont les grands chapitres ... » (TE)
- Les objectifs et le positionnement marketing de l’exposition sont ensuite décidés entre
Bernard Arnault, Olivier Saillard et Robert Carsène (scénariste de l’exposition).
« ... et puis ensuite, travailler avec un scénographe pour mettre ça en place et tout ce qui va
autour, des produits qu’on va mettre dedans et faire attention à l’équilibre passé, présent,
futur. La maison a une valeur d’innovation forte dans son ADN de la marque, et d’être
suffisamment didactique pour le grand publique, suffisamment luxueux aussi, à hauteur de la
maison. » (TE)
- L’objectif global du projet est très clairement identifié :
« Eh bien c’est donner accès à la richesse de l’histoire de Louis Vuitton parce qu’en fait, peu
de gens la connaisse ou n’en connaîtrons qu’un petit morceau et donc là, c’était vraiment
l’histoire avec un grand H de la maison, pour le grand public. Et puis je dirais re-nourrir
aussi la marque pour que les gens qui se disent : Vuitton égal un sac en toile cirée diffusé en 3
milliards d’exemplaires non, ce n’est pas que ça, c’est une vision peu réductrice. » (TE)
Nous noterons que cet objectif s’intègre dans l’affirmation du positionnement luxe souhaité la
Maison Louis Vuitton.
- La cible est déterminée et diffère de la cible habituelle de la marque en ce sens que
l’événement permet à la marque de toucher un public plus large que sa propre clientèle :
« Ensuite, on s’est dit qu’est-qui peut donner envie, est-ce que notre site est uniquement sur
des aficionados des galeries et de l’art ou est-ce qu’on est sur une clientèle plus large. Et là,
évidemment, on était sur une clientèle plus large. On savait qu’en ayant une exposition qui
aurait pour nom « Louis Vuitton » ça parlerait non seulement à notre clientèle mais aussi aux
gens qui sont curieux et qui connaissent le nom de Louis Vuitton. » (DQ)
- Les contenus sont ensuite planifiés de façon structurée :
« On sait qu’il va y avoir un événement sur les expositions, donc l’ensemble de la
communication autour de ce projet-là va réfléchir un an avant pour savoir quels vont être les
axes de communication, quelles vont être les cibles pour la clientèle et nos axes de
développement et de production sur l’ensemble de la communication. » (TE)

325
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Après la phase de décision suit celle de la mise en œuvre de la stratégie :


- Le mix de communication – dont le contenu de marque fait partie – autour de l’événement est
déployé :
« Que ce soit affichage, support de communication publicitaire et que ce soit aussi digital
brand content pour renforcer ces points et aller un cran plus loin dans l’expérience qu’on
peut proposer à nos clients avec des interviews d’Olivier Saillard qui explique la démarche
qu’il a eu quand il a travaillé sur ce projet, de Robert Carsène le scénographe qui nous
permet de voir d’un point de vue teaser, de voir l’histoire ou la redécouvrir a postériori, qui
nous a conduit aussi à faire le petit film, comme le disait Olivier Saillard, qui était un résumé,
un take away, de l’exposition de Louis Vuitton en 1 minute 30 (Never ending story 68) et après
de faire vivre tout ça aussi avec tout ce qui était personnalités qui sont venues découvrir
l’exposition, et qu’on a aussi interviewées de façon systématique en demandant quel était leur
objet préféré de la visite, voilà. L’application visite, vous l’avez testée aussi, qui était en
complément de visite pour que ce soit le plus inertique possible, voilà un peu l’ensemble »
(TE)
En ce qui concerne les acteurs de la stratégie, sa formation se fait de manière transverse, impliquant à
la fois :
- l’équipe de communication digitale (« On a orienté le discours et on a proposé quels types de
contenus on pouvait avoir autour de l’événement an tant que tel, le vernissage, les équipes
avec lesquelles on voulait travailler.» (DQ))
- l’équipe événements et l’équipe presse (« Le département événements est vraiment au cœur de
cette initiative et va travailler en collaboration, va être le pilier, le pivot de la communication
autour de cet événement et faire en sorte que la presse ait un certain message et que nous on
ait le même, en tout cas travailler en collaboration."» (DQ))

Nous noterons dans l’ensemble du processus de formation de la stratégie une implication forte des
directions (générales et de communication) :
« C’est essentiellement deux personnes ou trois : ça part de Bernard Arnault, notre PDG Michael
Burke et notre directrice marketing Jenny Galimberti. Et ces trois personnes, effectivement ont orienté
complètement l’évolution, là je parle de l’application car on est concerné au premier rang, mais ça
été vrai pour tous les autres outils de com. » (BQ)
« Tout le monde !!! Aussi bien l'animation que l'application qui est passée par Michael Burke, ce qui
n'est pas toujours le cas. » (DQ)

68
http://fr.louisvuitton.com/fra-fr/articles/never-ending-story-le-film

326
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Le schéma suivant permet finalement de représenter la formation de l’événement au Grand Palais, que
nous considérons comme un échantillon de la stratégie de contenu thématique de la marque :

Figure 37 : Formation de la stratégie de brand content th ati ue, l’e positio au G a d Palais

DÉCISIONS STRATÉGIQUES

- Idée génératrice de B. Arnault


- “ le tio des th ati ues de l e positio ACTEURS  Président du groupe,
Co issai e de l e position, Scénariste
- Définition des objectifs, de la cible et du
positio e e t de l e e t

PLANIFICATION DES CONTENUS


ACTEURS  Equipe événements, équipe
de communication digitale, équipe presse

MISE EN ŒUVRE  Contenus développés :


- Supports de communication
traditionnels (affichage)
- Vidéos interviews des personnalités à ACTEURS  Equipe de communication
l initiative des projets digitale, équipe presse, directions
- Film teaser sur l e position (Never générale et marketing
ending story)
- Application de la visite

327
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

328
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

IX.3. Stratégie de brand content étendu

La stratégie de contenu de marque étendu concerne une activité particulière de la maison Louis
Vuitton : l’édition des livres dédiés au thème du voyage. Elle implique une équipe plus restreinte et
plus localisée (en comparaison aux stratégies tactiques et thématiques), entièrement dédiée au
déploiement de la stratégie : l’équipe édition.

De manière à être concrets dans la description de la stratégie, nous nous sommes attachés à étudier un
objet particulier et central de la stratégie de contenu de marque étendu : nous étudions l’activité de la
maison Louis Vuitton liée à l’édition du City Guide Louis Vuitton.
Nous présentons dans une partie introduction la collection des City Guides Louis Vuitton et la gamme
de produits à laquelle elle appartient. Nous détaillons ensuite dans une première partie les contexte et
piliers (objectifs et missions) de la stratégie. Nous nous intéressons ensuite à la genèse de la stratégie,
aux événements historiques et fondateurs dans sa formation. Nous présentons le contenu de la stratégie
et nous nous intéressons enfin à identifier les acteurs de la stratégie, ainsi que la phase de décisions
stratégiques (fondamentale dans la formation de la stratégie).

Introduction à l’étude de la stratégie de brand content étendu : le City Guide Louis Vuitton

Images 17 et 18 : Images représentant les City Guides Louis Vuitton

Le guide de voyage, appelé City Guide, de la marque Louis Vuitton fait aujourd’hui partie d’une
gamme composée de trois collections de guides : 1) la collection des City Guides : elle est considérée
comme la collection phare de la gamme avec un positionnement très littéraire, 2) la collection des
Louis Vuitton Travel Books : une collection récente de carnets de voyage illustrés, et 3) une troisième
collection intitulée Voyager avec qui est une collection de littérature sur le voyage. Une quatrième
collection enfin est en préparation, elle sera exclusivement photographique.

329
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

« Nous avons aujourd’hui trois collections tournées sur les voyages, (...) La plus prestigieuse sur
laquelle on va s’attarder c’est la collection City Guide Vuitton. Ce sont des guides de voyage très
littéraires, très écrits. La deuxième collection que nous avons lancée en 2013 est une collection que
l’on appelle Louis Vuitton Travel Book. C’est une collection de carnets de voyage. On est sur un volet
entièrement illustré, plus artistique, plus international aussi puisque nous n’avons pas la
problématique de la langue sur le dessin. Une troisième collection qui est en sommeil pour le moment,
mais j’espère la relancer bientôt, c’est une collection de littérature de voyages, d’anthologie de textes
de grands auteurs du XXème, qui s’appelle « Voyager avec » et qui était aussi une façon de soutenir,
d’avoir une action de mécénat auprès de la quinzaine littéraire, une revue de critiques littéraires
fondée par Maurice Nadeau qui était sans doute un des plus grands éditeurs de littérature du XXème
siècle et qui était le directeur de cette collection jusqu’à sa mort, il y a deux ans. Et puis je prépare
une quatrième collection qui sortira au mois de novembre et qui sera cette fois photographique, aussi
portée sur le voyage. » (KH)

Dans la préface de son guide dédié à la ville de Paris69, la marque Louis Vuitton inscrit pleinement son
activité d’édition de guides de voyage dans le thème du voyage qui guide la marque et ses avancées en
termes d’innovation depuis ses origines. Ainsi le guide représente-t-il « l’esprit de voyage en
mouvement ».
La marque s’entourent dans la conception de ses guides de journalistes et d’écrivains « venus de tous
horizons », une contribution croisée avec celle de nombreux « artistes, créateurs, gens d’affaires … »
qui tous témoignent « du foisonnement des villes en mouvement et des comportements de leurs
habitants ».

De renouvellement en renouvellement, la collection des City Guides compte aujourd’hui 25 guides


dédiés à 25 villes du monde entier. Une adaptation digitale du guide est disponible sur iPhone et iPad.

IX.3.1. Contexte et piliers de la stratégie

L’équipe édition se rattache à l’équipe patrimoine et édition dont la mission est énoncée de façon très
claire : c’est « une direction qui est le gardien du temple des racines et de la philosophie de la maison
puisque dans cette direction on va retrouver les collections de malles anciennes, d’objets d’inspiration
et aussi des dernières pièces de défilés contemporains qui viennent enrichir le patrimoine, les
archives. » (KH)

69
City Guide Louis Vuitton Paris (2015)

330
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Le statut de marque média est ici pleinement illustré puisque la marque édite elle-même ses propres
contenus (dont le City Guide) :
« Nous avons la chance d’avoir notre propre maison d’édition si je puis dire, Edition Louis Vuitton
donc nous éditons en propre avec une approche non pas one shot non pas comme c’est sur les beaux
livres mais sur la durée, sur le long terme. » (KH)

La maison affiche dans cette activité sa volonté d’être pionnier, de s’inscrire dans l’innovation
notamment par rapport à ses concurrents :
« On a été assez pionnier sur ce sujet-là, quand j’ai commencé à développer ce métier il y a huit ans
maintenant, il y avait encore assez peu de livres sur les marques de mode » / « Nous étions pionniers
et même uniques quand Louis Vuitton lance sa collection de City Guide en 1998. » / « On veut
continuer d’être surprenant, d’être prescripteur, d’être pionnier y compris dans les destinations que
nous traitons. / « On n’est pas là juste pour suivre les chiffres et les tendances mais aussi pour les
lancer et les défricher.» (KH)

Les objectifs actuels de la stratégie menée par l’équipe édition – et donc par extension de contenu de
marque étendu de la marque Louis Vuitton – sont aussi très clairement identifiés et sont au nombre de
quatre :
Tableau 23 : Ve ati s illust a t les o je tifs fo alis s de la st at gie d’ ditio des Cit Guides Louis
Vuitton
OBJECTIF #1 Valoriser le patrimoine existant « Donc clairement, notre vocation est de valoriser et de
de la marque diffuser le patrimoine et les archives de la maison aussi
bien anciennes que contemporaines à travers du contenu
ui p e e la fo e d’u li e ou d’aut es hoses. » (KH)
OBJECTIF #2 Enrichir le patrimoine « nous avons aussi pour objectif de produire, de créer du
contenu éditorial à forte valeur ajoutée, … » (JG) / « le
o te u ui a t e e tueu puis u’e p oduisa t e
nouveau contenu, on enrichit aussi le patrimoine pour
de ai . C’est u e faço aussi d’a oi t ou e e le
vertueux patrimonial ui s’i s it su la du e. » (KH)
OBJECTIF #3 “e i l i age de la a ue « Le e o je tif pou ous, ’ tait lai e e t d’ t e u
e teu d’i ages de a ue le plus t a s e se possi le,
j’essaie de e pas se i u e hapelle plutôt u’u e aut e
dans les entreprises aussi grosses que les nôtres, mais de
bien servir la marque et ça de façon le plus transverse
possible … » (KH)
OBJECTIF #4 Servir la relation client « Et le dernier objectif clairement, il est très orienté vers
le client, il vise à nourrir notre relation client, à éveiller sa
curiosité, à le surprendre aussi à travers une activité et
u o te u o o e ial e tout as, ui ’est pas
pe çu o e tel. Do , lai e e t, ’est u e faço pou
ous d’e i hi ot e elatio lie t le, d’a oi quelque
chose de beaucoup plus profond avec nos clients, moins
intrusif, plus pertinent, plus sincère aussi et plus
durable. » (KH)

331
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

La mission et les objectifs de l’équipe édition dont l’activité consiste à éditer des livres autour du
thème du voyage permet finalement de compléter de manière conséquente et développée la stratégie
de contenu thématique énoncée plus haut, axée sur le thème du voyage, et par extension de nourrir
l’image de marque associée au voyage :
« Après ça nourrit la stratégie de positionnement de la marque autour du voyage. C’est l’imaginaire
le plus naturel quand vous posez la question à nos clients, ils pensent Vuitton égal voyage, Vuitton
égal malles, et c’est évidemment pour nous une façon de nourrir de manière contemporaine l’univers
du voyage. »

IX. 3.2. Genèse de la stratégie de contenu

On trouve à l’origine de la stratégie une opportunité – celle d’apporter son soutien au journal
bimensuel La Quinzaine Littéraire70 en difficultés financières à l’époque – puis une pratique initiée par
l’un des patrons de la maison. Cette pratique ne sera dans un premier temps pas formalisée au sens
d’une stratégie transcendante ou délibérée mais s’inscrira bien cependant dans la continuité des
campagnes de communication axées sur le thème du voyage :
« L’idée est née dans la deuxième moitié des années 90. Déjà, cela n’a pas été la première incursion
dans l’édition de voyage. La toute première a été « Voyager avec » en 1994 et à l’époque le n° 2 de
Louis Vuitton, Jean-Marc Loubier qui était à la fois directeur de la communication et du marketing ,
il avait les deux casquettes, produits et communication, (...) Eh bien il a vent de difficultés financières
que rencontre la Quinzaine Littéraire et se dit pourquoi pas, puisque nous sommes dans les années
90, ça fait déjà pas mal d’années que Louis Vuitton titre ses campagnes de publicité avec de
magnifiques paysages, ses bagages au premier plan, des paysages exotiques au second du grand
photographe Jean Larivière et à chaque fois vous aviez le titre Louis Vuitton « L’Ame du Voyage »,
ça c’est la campagne pub et naturellement, Jean-Marc Loubier se dit qu’un prolongement de cet
imaginaire du voyage peut tout à fait être littéraire et finalement il n’y a pas meilleur imaginaire que
la littérature pour nourrir ce voyage. » / « Et donc ayant vent des difficultés financières que rencontre
la Quinzaine Littéraire, il propose un modèle assez intéressant qui est de dire, bien voilà, on va vous
donner un coup de main, en revanche on veut que ça prenne la forme de quelque chose de concret et
donc, ça prendra la forme d’une collection de voyage. » (KH)

70
Mau i e Nadeau et F a çois E al so t à l i itiati e de la atio du jou al La ui zai e Litt ai e e ;
Anne Sarraute en est la secrétaire de rédaction pendant plus de quarante ans. Le journal propose des
chroniques sur l'actualité des lettres et des sciences humaines. Il compte plus d'un millier de collaborateurs,
des universitaires, des journalistes, des traducteurs et des écrivains qui tous apportent leur contribution
bénévole au p ojet. E jui , La ou elle Qui zai e Litt ai e su de au jou al d o igi e. (Source
Wikipédia, novembre 2016)

332
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Une deuxième pratique (toujours initiée par Jean-Marc Loubier) va venir compléter la première et va
permettre d’enrichir l’expérience et donc la relation du client avec la marque Louis Vuitton par le biais
de l’édition de guides de voyage :
« La deuxième incursion, elle va se faire effectivement avec les guides, avec cette même idée de se
dire que finalement Louis Vuitton accompagne les voyageurs du monde entier et que lorsqu’on
s’adresse à une clientèle cosmopolite qui voyage, qui s’ouvre au monde, à qui l’on vend des voyages,
(...) comment proposer un service complémentaire à nos clients et leur dire, voilà, vous parcourez les
villes du monde que ce soit pour affaire, pour loisir, pour agrément ou que vous habitiez même dans
ces villes, Louis Vuitton va vous faciliter la découverte de ces villes et vous proposer sa vision, ses
adresses. » (KH)
« Pour la petite histoire, il y avait un magazine qui n’existe plus et qui s’appelait City Magazine.
Chaque année, ce magazine qui devait être un mensuel publiait une espèce de best of de l’année qui
était le City Guide Magazine d’une certaine manière. Jean-Marc Loubier qui était lecteur de ce
magazine a eu cette idée de génie de se dire tient, finalement on pourrait peut-être faire le City Guide
Louis Vuitton.» (KH)

La première édition du guide est ainsi publiée en 1998. Elle se renouvelle ensuite au fil du temps sans
qu’une stratégie planifiée soit clairement énoncée :
« Elle paraissait quand elle était prête, donc il n’y avait pas de rituels de régularité de parution,
exclusivement concentrées sur les villes d’Europe et puis en termes de distribution c’était davantage
un cadeau qu’on offrait aux journalistes même s’il était bien sûr possible de l’acheter en magasin. »
(KH)

Ce n’est que dix ans plus tard que l’activité liée aux City Guides fut reconnue comme véritablement
stratégique pour la marque et que par conséquent une stratégie plus structurée et délibérée commençait
à se mettre en place :
- Dans un premier temps par la décision de créer une cellule éditoriale :
« Suite aux discussions qu’on a pu avoir avec Yves Carcelle, le président de l’époque, en 2007-
2008, et le directeur de la communication de l’époque, on avait le sentiment que quelque chose
existait sur lequel on investissait depuis 10 ans, sans trop se poser de questions à vrai dire, et on
se disait est-ce que l’on ne pourrait pas aller plus loin, est-ce que l’on ne pourrait pas
revendiquer davantage et développer plus encore. C’est à ce moment-là que la décision de notre
président a été de créer une cellule éditoriale en 2007 ou 2008, (…) Donc, on a créé cette cellule
éditoriale en 2007, 2008, avec un plan que je viens de vous exposer, c’est à dire voilà nos quatre
missions, voilà les deux axes éditoriaux que l’on veut développer … » (KH)
- Dans un second temps par la décision de renouveler totalement la collection de guides :

333
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

« puis on a vraiment mis le paquet il y a trois ou quatre ans, donc c’était pour la quinzième
édition. Là, pour les 15 ans, on s’est dit il est temps de faire évoluer, le monde a changé, Louis
Vuitton a changé, le marché des guides de voyage (a changé) … Donc on avait cette volonté de se
dire la maison a évolué, le marché du guide a évolué, le monde a changé, renouvelons notre
collection de guides (c’était en 2012, 2013) » (KH)

La digitalisation des guides a par la suite donné un second souffle à la stratégie :


« La nouvelle formule nous a permis aussi je disais qu’on a refait quelque chose de beaucoup plus
structuré, de fait, quand on a pensé cette nouvelle formule, l’idée était aussi de mieux la structurer
pour mieux l’exploiter ensuite dans une organisation de contenu digital. Cela a pris du temps aussi
curieux que cela puisse paraître, (...) j'étais le premier à le dire (...) A l’époque, quand mon
département a été créé quand on a voulu développer les guides digitaux, il n’y avait pas de direction
digitale chez Vuitton. (…) Voilà, la première incursion que j’ai réussi non pas à imposer, mais à
lancer, était vraiment notre première incursion dans le monde du contenu digital et qui a été un cas
d’école absolument fabuleux encore aujourd’hui. ». (KH)
Mais ici encore elle s’est d’abord construite dans l’action et de façon émergente plutôt que de façon
planifiée ou encore délibérée :
« Nous avons fait, au moment du lifting graphique en 2009-2010, une version audio guide des guides
Vuitton et qui était au-delà de l’audio guide traditionnel (…) Donc les premières villes de Chine
qu’on a traitées, elles étaient en audio-guides, pas en version papier. Et nous avons traité Pékin,
Shanghai et Hong-Kong, il y avait les jeux olympiques qui se profilaient là-bas et trois audio guides
Louis Vuitton City Guide, trois promenades d’une heure, très scénarisées, très écrites, accompagnées
de trois stars de cinéma chinois. C’est sans doute le projet le plus passionnant que j’ai fait d’ailleurs.
Cela a été notre première incursion, ça a été un peu la préhistoire car à l’époque il n’avait pas
l’Apple Store, Facebook Vuitton, il n’y avait rien sur Vuitton. En 2009, c’était vraiment ultra culoté
(...) Cela a été la première incursion digitale, ... » (KH)

La reconnaissance de la portée stratégique de l’action d’édition de guides de voyage dédiés à la


découverte de nouvelles villes s’est véritablement faite a posteriori :
« Il y a une conscience d’avoir aujourd’hui quelque chose qui est posé, de légitime, reconnu et donc il
y a un profond respect de ce qui est fait. » / « En 1998, c’était que chez Vuitton, maintenant vous nous
trouverez aussi en librairie, en achat en ligne ce qui change pas mal la donne. » / « Nos filiales
commerciales se sentent très concernées et elles sont même très demandeuses. Celles qui n’ont pas
encore la chance d’avoir de ville dans la collection le souhaitent véritablement donc c’est un vrai
levier d’images, un vrai levier clientèle, un vrai levier institutionnel aussi. » / » Quand on traite une
nouvelle ville (...) c’est aussi une façon pour nous de nouer des relations en l’occurrence on a été
convié par le ministre du tourisme, c’est une semaine de lancement de presse avec la découverte de la

334
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

ville au travers de regard du guide Vuitton. Donc c’est aussi quelque chose de reconnu par les
institutions, par les ministères, par les mairies, par les institutions politiques, culturelles. Je vous
disais que c’est vraiment un vecteur qui peut être très transverse. » (KH)

IX.3.3. Contenu de la stratégie

Le guide de voyage City Guide et les autres contenus édités par la maison Louis Vuitton sont
aujourd’hui considérés comme des produits à part entière, organisés comme nous l’avons vu en
introduction autour d’une gamme de quatre collections : 1) la collection des City Guide, 2) la
collection Louis Vuitton Travel Book, 3) la collection Voyager avec et 4) une quatrième collection
photographique en préparation.

Le produit « le plus installé et le plus légitime » de cette gamme reste le City Guide qui bénéficie d’un
positionnement haut de gamme – luxe :
« … on a souhaité faire de ce guide de voyage un vrai objet de luxe plus proche des codes de la
papeterie, que des codes du guide de voyage, on a vraiment monté en gamme par rapport aux
anciennes versions et la nouvelle formule, clairement, il y avait la volonté aussi d’être encore plus
différent, d’être encore plus luxueux dans l’objet. » / « C’est pour ça que je vous parlais d’objet de
luxe toute à l’heure en termes de perception de l’objet mais j’ai autant d’exigences sur ce que doit être
le luxe du contenu non pas par le choix des adresses que l’on fait et qui doivent être nécessairement
luxueuses mais par la qualité de ce que l’on y met. La qualité du choix, la qualité d’écriture, la qualité
de l’édition, la qualité de la traduction. » (KH)
Ce positionnement s’est complété dans un second temps par un positionnement donnant aussi de
l’importance à l’expérience client :
« On y a ajouté davantage d’expérientiel car aujourd’hui les voyageurs cherchent des adresses bien
sûr, et c’est toujours notre fond avec un carnet d’adresses de 500 lieux par ville en moyenne, ce qui
est énorme en terme de contenu. Mais aussi des encadrés, des itinéraires, des approches plus
expérientielles de la ville. » (KH)

Une réflexion sur la ligne éditoriale a été menée et édictée ; elle oriente désormais le contenu de
chaque guide qui paraît :
« … on a clarifié sa ligne éditoriale pour la rendre plus homogène d’un titre à l’autre, on a revu la
ligne graphique tout en gardant les fondamentaux (...) La ligne éditoriale a été clarifiée c’est à dire
que le squelette d’une ville à l’autre est désormais identique. (...) donc on a une charte éditoriale, une
charte graphique précises. On y a intégré des rubriques qui n’existaient pas avant, qui sont plus dans
l’air du temps, on a personnalisé davantage puisqu’un invité vient accompagner chaque guide et
partage les secrets de sa vie en plus du regard de Louis Vuitton. » (KH)

335
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Les lancements de nouveaux guides et la stratégie de communication qui les accompagne sont
désormais élaborés et planifiés, tout comme pour un nouveau produit ‘standard’ lancé dans la maison :
« Il y a vraiment eu de gros progrès … Chaque lancement fait l’objet d’une communication locale très
importante. Il faut imaginer que quand on lance un guide Tokyo pour la première fois, c’est un
événement national, c’est un événement pour notre filiale. Cela s’accompagne de campagnes de
relations presse, radio, télé, très importantes. L’événementiel sur place est très important, c’est
vraiment quelque chose qui est très porté par nos propres magasins, même si cela n’est évidemment
pas le cœur du business de Vuitton. » / « C’est à la fois une couverture médiatique internationale,
chaque millésime, chaque nouvelle édition fait l’objet d’une couverture internationale c’est à dire que
contrairement aux autres guides traditionnels qui peuvent lancer 1 ou 2 guides tous les 2 mois, nous
au 15 octobre, on lance tout en même temps. Il y a un effet vraiment lancement international dans le
monde entier, et en même temps il y a un effet, on rentre par la petite lorgnette locale, et donc
Chicago, Bangkok, Prague, les villes nouvelles et les nouvelles éditions que l’on peut faire, là, on va
avoir un dispositif de com très important. ». (KH)

Le City Guide bénéficie d’un réseau de distribution diversifié :


« Derrière, j’ai trois canaux de distribution: le canal des magasins Louis Vuitton, le canal des
librairies et j’ai aussi un canal qui n’est pas inintéressant qui est le canal des B to B … » (KH)

Le City Guide est par ailleurs devenu payant et fait par conséquent l’objet d’une politique de prix :
« Je suis le seul département au sein de la direction communication Vuitton à ne pas être qu’un centre
de coût mais aussi à avoir à gérer les rentrées d’argent (...) nous valorisons aussi ce contenu avec un
prix, puisque nos guides, nos carnets de voyage, nos livres que ce soit sous un format papier ou un
format digital sont proposés à la vente. » (KH)

La stratégie marketing (produit et communication) qui oriente l’activité liée au City Guide est par
ailleurs très fortement connectée à la stratégie de distribution de la maison, en ce sens que le City
Guide est devenu un outil de promotion des points de vente présents dans une ville particulière :
« En revanche, stratégie … Premier point : toute ville traitée correspond à un marché. Pour toute ville
traitée, nous avons des magasins Louis Vuitton dans ces villes en question, donc dans l’ensemble des
25 villes. Cela correspond parfois même à une volonté, le choix des villes, et c’est une discussion que
j’ai avec nos filiales, correspond à une volonté de mettre les projecteurs sur une ville plutôt qu’une
autre, ou sur un marché plutôt qu’un autre. Cela peut parfois correspondre aussi à l’ouverture d’un
nouveau magasin, à l’agrandissement, la rénovation d’un magasin, à un événement particulier. Par
exemple quand on a lancé Pékin, il y avait l’ouverture d’un grand magasin à Pékin avec une librairie
donc ça peut répondre à ce genre de chose, ça s’inscrit dans un dispositif plus large. » (KH)

336
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Ainsi la stratégie continue d’internationalisation de la maison Louis Vuitton se répercute sur la


stratégie marketing des City Guides :
« internationalisation de la maison tout de même présente dans 60 pays, c’est à dire que là,
évidemment, moins de villes d’Europe, plus de villes du monde. On a abandonné, d’une certaine
manière, certaines villes européennes pour pouvoir couvrir des grandes villes internationales qui
aussi paradoxal que cela puisse paraître qui n’étaient pas au catalogue … Je pense à Pékin,
Shanghai, Tokyo, Los Angeles. Donc évidemment, aujourd’hui, on a 25 villes du monde au catalogue
sur les cinq continents là où nous avons bien sûr des magasins Vuitton. » (KH)

Les City Guides constituent comme nous l’avons vu un fort levier de promotion des magasins de la
marque ; ils peuvent aussi, de façon moins régulière, être utilisés comme un moyen tactique de
promouvoir ou d’accompagner une activité ou un événement particulier de la maison :
« … on va compléter parfois certaines actions de communication de la maison mais là aussi de façon
saupoudrée. (…), je peux vous parler du défilé Cruise qui aura lieu à RIO fin mai, défilé croisière de
Louis Vuitton, grand événement pour la maison avec des enjeux importants, voyage de presse
internationale, clients etc.. C’est l’occasion pour nous de repousser le City Guide Rio, de basculer en
mode gratuit pendant deux semaines, une courte durée, l’application City Guide Rio et ça vient
nourrir l’imaginaire du voyage, autour d’un événement qui va avoir lieu à Rio et donc sur lequel on
donne les adresses Vuitton, on va isoler et sortir ce contenu pour pouvoir le pousser à ce moment-là. »
/ Ça va être le cas d’un autre exemple concret, Tokyo, (...) La grande exposition Louis Vuitton qui a
eu lieu au Grand Palais il y a quelques mois va à Tokyo fin avril jusqu’à fin juin. Même chose, c’est
l’occasion pour nous dans l’exposition, d’avoir une librairie entièrement consacrée à nos éditions du
voyage avec un focus sur Tokyo très important,(...) donc c’est l’occasion de nourrir le discours de la
marque autour de cette grande exposition à Tokyo avec un contenu éditorial urbain, un service et une
présélection d’adresses que la maison vous propose. » (KH)

Nous noterons enfin un point important, souvent abordé dans notre discussion : la stratégie de contenu
qui oriente l’activité d’édition de guides de voyage est une stratégie de très long terme : « On a fait
énormément de chemin parce qu’on s’est donné le temps. Je pense qu’on ne se serait pas donné le
temps de bien faire, c’est important je pense c’est à dire qu’aujourd’hui on peut capitaliser sur ce City
Guide Vuitton, on peut vraiment l’utiliser car cela fait bientôt 20 ans qu’on a investi sur ce guide. Si
vous aviez une vision à 2 ans, ce n’est pas la peine, autant ne pas le faire (...) mais l’ambition de
l’éditer sur 20 ans vraiment c’est ce qui fait la différence. » / «C’est important d’avoir conscience que
la stratégie de contenu du guide sert la maison sur la durée, sur le long terme. » (KH)

337
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Figure 38 : Genèse de la stratégie de contenu de marque étendu (la collection des livres sur le voyage et le City Guide Louis Vuitton)
Actions  reconnaissance de la
portée stratégique a postériori

Discussion de la Direction,
- Editio d’u e
Id e g at i e de l’u des Reconnaissance de la portée

collection de voyage
dirigeants de la maison (JML) - Editio d’u guide de st at gi ue de l’a tio ,
voyage sur la ville Diagnostic, Test puis
Décisions
Fin des années 90 Rééditions et renouvellement des
ou ages au fil de l’eau ergeant)
Années 2007 - 2008
Actions et structuration  début de
de stratégie délibérée

Nouvelle Renouvellement de la C atio d’u e ellule


Reconnaissance de la Digitalisation du City Guide
collection des guides éditoriale (délibérée)
portée stratégique de (émergeant)
(délibéré)
l’o jet / l’action
Années 2012 - 2013
adaptation aux événements et de la maison
Planification stratégie délibérée avec

Planification de la stratégie - Politique de produit (positionnement,


du City Guide
(délibérée)
Evénements
(émergeant)
lancement de nouveaux produits etc.)
- Politique de distribution
- Politique de communication
- Politique de prix
> Stratégie réalisée

338
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Le schéma ci-dessus nous permet de découper la genèse de la stratégie de contenu étendu en trois
phases bien distinctes :
- Une première phase pendant laquelle la stratégie s’est construite dans l’action, partant d’une
idée génératrice pour suivre ensuite le cours des événements et des activités de la maison, sans
planification ni vision particulière ; la stratégie est émergente.
- Une deuxième phase pendant laquelle la prise de conscience de la portée stratégique des
événements et actions menées s’est développée – notamment au sein de l’équipe de direction –
et pendant laquelle aussi un effort de structuration de la stratégie a été menée ; la stratégie
entre dans un processus de basculement de statut de stratégie émergente vers un statut de
stratégie délibérée.
- Une troisième phase est enfin marquée par un effort prégnant de structuration et de
planification : la stratégie est ici pleinement délibérée.
Ce dernier point peut être nuancé par une certaine flexibilité des équipes dans la détermination
précise de la stratégie qui peut s’adapter à tel ou tel événement : « (le plan stratégique est
discuté) tous les ans en sachant que cela n’est pas non plus formalisé de façon sectaire avec
une réunion par an, c’est-à-dire que c’est aussi tout au long de l’année, au fil des échanges
que l’on peut avoir avec nos marchés. On est à l’écoute. Je suis beaucoup à l’écoute, et après
je propose en fonction de, … Voilà, par exemple Hawaï. On a la chance aussi d’avoir
maintenant les carnets de voyage, on va traiter des destinations qui n’auraient parfois pas
vocation à figurer dans le guide sous la forme de carnet d’artiste. Cela nous permet en plus
d’avoir un catalogue, un fond assez varié. » (KH)

IX.3.4. Focus sur les acteurs de la stratégie et sur les décisions stratégiques fondatrices

1) Acteurs de la stratégie
Les acteurs ayant compté dans la formation de la stratégie de contenu de marque étendu (appliquée
aux City Guides) sont au nombre de quatre : le directeur éditorial, le président de la maison Louis
Vuitton, le directeur de la communication et le directeur du patrimoine avec une forte influence du
président sur la décision :
« … Clairement au Président et au directeur de la com et à mon boss qui est le directeur du
patrimoine, … Donc c’est … à trois personnes mais clairement la décision et l’envie elles reposent sur
le Président qui était Yves Carcelle à qui j’ai exposé très simplement le projet … » (KH).
Nous noterons ici l’importance particulière des acteurs dirigeants de l’entreprise dans le déploiement
de la stratégie :
« Mais ça n’a été possible parce que derrière il y avait une vraie volonté de nos dirigeants d’aller plus
loin. » (KH)

339
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

2) Décisions stratégiques
Nous revenons ici sur la séquence charnière de décisions ayant donné suite à un début de structuration
de la stratégie déployée autour des guides de voyage. Cette séquence-clé dans le processus de
formation de la stratégie se décline 5 sous-séquences :
a) Un état des lieux de la situation réalisé par le directeur éditorial: « C’est-à-dire que ma dir
com m’avait proposé un état des lieux de ce qui existe avec l’intuition qu’on pouvait peut-être
aller plus loin. Donc j’ai fait cet état des lieux, j’ai fait mes propositions. » (KH)
b) Un diagnostic réalisé par le président de la maison Louis Vuitton, tenant compte des résultats
chiffrés et d’autres alternatives : « De façon très pragmatique, le Président a écouté, il a aussi
regardé les chiffres … C’est-à-dire que en regardant, il a jugé que non finalement, on ne
prenait pas tellement de risques. C’est quelque chose qui est très vecteur d’images, qui nous
différencie de nos concurrents, qui nous pose en experts du voyage auprès de nos clients et
qui en plus, pour ainsi dire, si vous comparez ça à des campagnes publicitaires, ne coûte
vraiment pas très cher. » (KH)
c) La décision prise par le président Yves Carcelle d’accorder un pemier renouvellement de la
collection sans engagement budgétaire supplémentaire dans un premier temps : « Donc je
pense qu’assez vite il a dit banco en étant très prudent cependant, car au départ il m’a dit,
voilà, tu disposes du même budget, tu es tout seul, mets en pratique ce que tu proposes. »
(KH)
d) Le test avant de s’engager dans la constitution d’une équipe éditoriale : « Il a fallu faire ses
preuves avant de pouvoir organiser une petite structure qui n’a pas vocation à grossir, c’est
une structure qui a vocation à rester petite car encore une fois, on n’est pas le cœur de
métier.» (KH)
e) La décision de créer une cellule dédiée à l’édition des guides de voyage : « C’est à ce moment-
là que la décision de notre Président a été de créer une cellule éditoriale en 2007 ou 2008 ».
(KH)
ère
Figure 39 : Zoom sur la phase de décisions stratégiques du processus de formation de la stratégie (1
proposition)
a) Etat des lieux de la situation

b) Diagnostic : résultats obtenus et alternatives

c) Décision du président (YC) : accord sur un 1er


renouvellement de la collection de guides

d) Période de test

e) Décision du président : atio d u e ellule


éditoriale

340
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

IX.4. Synthèse et discussion des résultats

Cette quatrième partie constitue la dernière partie de la présentation de notre étude de cas.
Nous y discutons l’observation faite des trois stratégies de contenu de marque (tactique, thématique et
étendu) qui permet d’illustrer la typologie et les définitions proposées à l’issue de notre première étude
empirique.
Nous discutons dans un second temps des logiques animant les acteurs des choix stratégiques et nous
identifions une controverse et sa clarification en nous inspirant du cadre théorique des économies de la
grandeur (Boltanski et Thévenot, 1991). Un croisement de cette première grille de lecture avec la
théorie de la vision du monde (Homburg et Jensen, 2007) permet de dépasser le niveau de la
controverse et de proposer un système de valeurs, d’objectifs, d’objets et de temps de référence
animant les acteurs de la stratégie.
Nous nous concentrons ensuite sur le processus de formation de la stratégie, notamment sur les notions
de stratégies émergente et délibérée et nous mettons en évidence une possible transformation de la
stratégie émergente en stratégie délibérée.
Nous terminons cette partie par une attention portée sur l’étape de décisions stratégiques du processus
de formation.

IX.4.1. De l’observation de trois stratégies de contenu de marque

L’étude de la marque Louis Vuitton et de sa stratégie de contenu nous a permis de comprendre la


formation de trois types de stratégies identifiées lors de notre première étude empirique, et par
conséquent de confirmer à la fois leur existence et leur pertinence.
1) La première stratégie de contenu est une stratégie au sein de laquelle l’utilisation du brand content
est tactique dans la mesure où elle est ponctuelle et permet de compléter d’autres actions de la
marque qui sont davantage axées sur le produit (un lancement, un défilé, un événement
commercial…).
L’objectif majeur de cette stratégie est de nourrir les contenus de communication traditionnels (un
tournage de publicité TV par exemple) en apportant un contenu supplémentaire (des mini-vidéos
sur le tournage).
Cette stratégie s’inscrit dans le court-terme, elle est fortement impactée par la stratégie marketing-
produit et par la stratégie de communication globale. Elle est également très impactée par les
choix stratégiques de la maison (mise en avant des collections du nouveau directeur artistique et
mise en avant des produits ultra-luxe).
Son contenu est très proche par conséquent des contenus des stratégies marketing et
communication et son processus de formation est imbriqué dans les plans marketing et
communication.

341
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

La mise en œuvre de la stratégie se fait conjointement à celles des plans marketing et


communication.
Nous pouvons dire en résumé que la stratégie de brand content tactique ne constitue pas une
stratégie à part entière mais plutôt un pan des stratégies marketing et communication.
Elle est dans ce cas fortement délibérée. Quelques événements non prévus peuvent survenir dans
le processus ; ils peuvent s’avérer stratégiques (ou non) a posteriori. Ils sont émergents et rentrent
dans un processus de formalisation une fois leur portée stratégique reconnue (notamment des
managers dirigeants).

2) La stratégie de contenu de marque thématique est animée comme son nom l’indique par un thème
se référant à l’univers ou encore à l’héritage de la marque. Le thème est dans le cas de la marque
étudiée, Louis Vuitton, celui du voyage.
Cette stratégie s’inscrit dans une continuité logique avec la stratégie de communication de la
marque ; brand content et communication de marque se confondent alors : laquelle de ces deux
stratégies appartient à l’autre ?
La stratégie est ici logiquement structurée avec une phase de décisions, une phase de planification
et une phase de mise en œuvre. Elle est totalement délibérée. La direction générale intervient dans
les grandes décisions.

3) La stratégie de contenu de marque étendu constitue une stratégie à part entière dans la maison
Louis Vuitton. Bien qu’elle soit fortement liée à la stratégie de contenu thématique, avec pour
dénominateur commun le thème du voyage, elle peut fonctionner indépendamment de celle-ci.
Cette stratégie remonte dans le cas Louis Vuitton aux origines de la marque et trouve ses
fondements dans l’initiative de l’un des managers dirigeants de la maison.
Les objectifs de la stratégie sont précis et clairs.
La stratégie a dans le cas étudié été dans un premier temps immanente ou émergente – le fruit
d’une idée ou d’une intuition de l’un des dirigeants de la maison et d’opportunités survenues –
pour devenir ensuite et progressivement délibérée et par conséquent davantage structurée et
planifiée. Quelques événements liés aux activités de la maison peuvent venir nourrir cette
stratégie.
Ici encore, les managers dirigeants interviennent dans les grandes décisions.
Cette stratégie s’inscrit dans le très long terme.

342
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Tableau 24 : Caractéristiques des trois stratégies de contenu de marque Louis Vuitton


Objectifs Orientation Stratégie Lien avec la Référence au
émergente / stratégie + large temps
délibérée
Stratégie de Enrichir les Produit Délibérée avec Dépendante des Court-terme
contenu contenus de événements stratégies produit,
tactique communication émergents marque et globale
traditionnels
Stratégie de Nourrir la Marque Délibérée, Confondue avec la Moyen à long
contenu marque, son structurée stratégie de terme
thématique image, son communication de
univers la marque
Stratégie de Valoriser et Marque Emergente puis Stratégie à part Long terme et
contenu enrichir le Client délibérée entière, utile aux très long terme
étendu patrimoine de la autres stratégies
marque, servir
l i age de la
marque, servir la
relation client

IX.4.2. Logiques et acteurs des choix stratégiques de la marque Louis Vuitton

1) Identification d’une controverse entre deux mondes en présence

« Cette marque a toujours réussi à combiner une extrême modernité et le côté intemporel de ses
produits. » (Bernard Arnault)71

Nous avons présenté en première partie de notre étude le contexte des stratégies de contenu de marque
déployées, ainsi que les deux axes majeurs de la stratégie de communication et de brand content de la
marque Louis Vuitton :

Figure 34 : Orientations stratégiques de la communication de marque Louis Vuitton et positionnement de la


stratégie de contenu de marque :

STRATÉGIE DE COMMUNICATION

PRODUITS MARQUE
STRATEGIE DE
BRAND CONTENT

Vision court-terme Vision long-terme

71
Interview donnée à Capital, 01/05/2016

343
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Cette stratégie a par ailleurs évolué, comme nous l’avons vu, d’une emphase donnée à la marque par le
passé vers une emphase donnée plus récemment au produit (« On a plutôt mis ça en stand by, … »,
« Les campagnes marques, on en n’a plus vraiment », « C'est plus produit » (TE)).
Cette orientation stratégique récente suscite un certain nombre de tensions visibles dans le discours des
managers dans la mesure où différentes valeurs seront considérées à un moment ou à un autre de
l’histoire de la marque Louis Vuitton.

Tout comme ce fut le cas pour la marque voyages-sncf.com étudiée précédemment, le cadre théorique
des économies de la grandeur (Boltanski et Thévenot, 1991) comporte une grille de lecture
intéressante pour analyser la controverse.

Rappelons que trois types de relations peuvent exister selon les auteurs entre les individus, qu’ils
soient issus du même monde ou non :
1) La controverse peut survenir dans un même monde,
2) La juxtaposition peut se produire dans une même situation, sans création de conflit,
3) La dispute peut être conséquente à la confrontation des mondes.

La situation de controverse entre deux mondes nous semble dans le cas étudié particulièrement
pertinente : elle peut donner suite à la clarification dans un monde (un monde prend le dessus sur
l’autre), à l’arrangement (un accord est trouvé, une entente sur un point particulier) et enfin au
compromis qui constitue un accord plus durable, qui est une sorte d’association entre des objets issus
des mondes considérés. Ces objets peuvent émaner des mondes en présence ou bien être des objets
innovants (inventés) associant les deux logiques en présence.

Nous retraçons dans le tableau suivant différentes étapes de la stratégie de communication de la


maison Louis Vuitton et les tensions émergentes :

344
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Valeurs prioritaires Indicateurs de référence Monde de référence


Orientation « Et ensuite, il y a ce qui est la marque, la marque elle a
passée : la fait des campagnes autour de la marque qui étaient quand Artiste Rêve Mo de de l i spi atio
marque même moins fortement produit depuis très longtemps Voyage Imaginaire
pa e u il avait du Jean La Rivière avant. » (TE) « ça a Paysages, univers Création
commencé avec du Jean La Rivière et ensuite le point fort,
tait ua d e les a pag es o e alue a e es
personnalités prises dans des moments de voyage avec
un sac Louis Vuitton, comme compagnon de voyage. » « là
il a du p oduit ais est i eu , pou oi est plus
campagne de marque. » « … est plus grands paysages,
grands univers. Voilà, tout ça, est o e alue. » « Et côté
a ues, t pi ue e t, pou oi, est une
communication qui est censée être un peu plus timeless,
moins focus produits donc qui doit un peu plus prendre de
la hauteur par rapport aux collections et aux valeurs à
mettre en avant. » (TE)
Orientation « Le produit, bien forcément comme on vend des Produit Richesse Monde marchand
voulue : le produits, il y en a toujours et il y en aura toujours … » Marché
produit « Typiquement, pour vous illustrer ça, la femme et toutes
les campagnes fashion des series, series 1, 2, 3, 4 que fait
Nicolas Ghesquière, ’est t s fashio ’est u i ue e t
du sho , les sa s du sho … » (TE)

Tensions « C est u peu le p o l e u o a, o ’a pas i u


dis ou s, i l’aut e, o a les deux et je pense que ça ne
o espo d pas tout à fait à e u atte de t les ge s …
car ils veulent quelque chose de direct, de simple, mais
oilà, est o pli u à fai e passe da s u e aiso ui a
d aut es ha itudes." "Effe ti e e t, est u e aison de
lu e et o e peut pas fai e i po te uoi a e l i age,
ça je le conçois totalement. Maintenant à force de trop Image de marque Imaginaire Mo de de l i spi atio
ise su l’i age o pe d o pl te e t le dis ou s Produit Richesse Monde marchand
produits et au final notre métier, ’est ua d e de
vendre des sacs … » (BQ)

345
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Compromis « et ensuite, on a en parallèle des campagnes qui sont plus


timeless, qui sont les campagnes que vous avez pu voir. Intemporalité
Par exemple, Michelle Williams qui met en avant le sac
Capucine, est u sa ui est, o l esp e, appel à
de e i u e i ô e de la aiso et do là, est u aut e
ood…, do il a ça. », « il aussi e u o appelle les
campagnes travel qui sont un peu à mi-chemin entre la
brand et le produit mais qui sont des campagnes qui
maintiennent assez ténu, le lien entre Vuitton et voyage, Tradition Monde domestique
do es g a ds pa sages … il y a toujours du produit Famille
dedans, est juste ue e so t des produits qui sont
normalement moins saisonniers en comparaison avec ce
ue fait Ni olas ui est du oup t s olle tio s, do est
très saisonnier, donc voilà. » « ce sont des produits qui
sont un peu plus timeless, qui restent plus dans une
ambiance de voyage. » (TE)
« On a certains produits comme city steamer qui défilent
désormais lors de nos défilés et ces produits ont plus Héritage
d’u e e tai e d’a es, ils ont vécu durant des Histoire
d e ies et o t olu a e l’histoi e de ot e lie t le Maison
et est ça ui plait aussi à os lie tes de connaître le
passé de notre aiso ai si ue l’histoi e de os
produits. » (DQ)

Tableau 25 : Ve ati s illust a t les te sio s elatives à l’o ie tatio de la st at gie de ommunication de la marque Louis Vuitton

346
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Ainsi différentes étapes composent la stratégie de communication (et son histoire) de la marque Louis
Vuitton :
- La stratégie de communication de la marque dans un premier temps axée sur le thème du
voyage trouve ses fondements dans le monde de l’inspiration ; les indicateurs de référence
sont en effet le rêve, l’imaginaire et la création.
- La volonté du groupe est, depuis la nomination des nouveaux membres de direction en 2014,
de mettre davantage en avant les produits dans ses communications, de manière à affirmer son
positionnement sur « l’ultra-luxe » et à valoriser les créations du nouveau directeur artistique
de la maison. Cette orientation stratégique s’est traduite par une priorité donnée aux
campagnes axées sur les produits (et à une stratégie de brand content tactique), elle s’intègre
dans un monde marchand où la richesse et le marché sont les indicateurs prédominants.
- Des tensions conséquentes à cette nouvelle orientation stratégique apparaissent : les messages
se brouillent et l’abandon d’une communication autrefois axée sur la marque au profit d’une
communication produit semble être difficile à faire.
- Une sorte de compromis semble finalement avoir été trouvé par les équipes de
communication : il s’agit d’une mise en avant (dans les communications de la marque) de
produits plus intemporels (plutôt qu’éphémères comme le sont les produits des collections
saisonnières) de la maison Louis Vuitton, comme un rappel de l’héritage et de l’histoire de la
marque qui permettra de mieux légitimer ses aspirations marchandes.

La figure du triangle permet finalement de représenter les trois mondes en présence :

Figure 40 : Trois mondes en présence dans la formation de la stratégie de communication de la marque Louis
Vuitton, application de la théorie de la justification (Boltanski et Thévenot, 1991)

Mo de de l’i spi ation Monde marchand


Valorisation de la marque Valorisation du produit

Monde domestique
Valo isatio de l h itage, du
patrimoine

347
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

2) Economies de la grandeur et vision du monde

Avec un peu plus de hauteur encore, on constate que les orientations stratégiques communication et
marketing oscillent entre les trois pôles décrits ci-dessus. Les équipes parties-prenantes à la stratégie
valorisent en effet tantôt le produit (monde marchand), tantôt la marque (monde de l’inspiration),
tantôt l’héritage et l’histoire de la maison (monde domestique).

La théorie de la vision du monde (Homburg et Jensen, 2007) également mobilisée dans notre première
étude étude de cas, combinée à la théorie des économies de la grandeur nous permettent finalement de
visualiser les stratégies étudiées, le positionnement des acteurs partie-prenantes et les logiques qui les
animent.
Nous retenons dans la théorie de la vision du monde les dimensions liées à l’orientation des managers,
à savoir l’objectif poursuivi, l’objet de référence (prioritaire) et le temps de référence.

Tableau 26 : Orientations et mondes de référence des parties prenantes à la stratégie de contenu de marque
Louis Vuitton, d’ap s les th o ies de la justifi atio Bolta ski et Th ve ot, et de la visio du o de
(Homburg et Jensen, 2007)

Monde de référence Marchand Inspiration Domestique


Logiques animant les acteurs et

Valeurs de Richesse, Marché Imaginaire, Rêve Tradition, Famille


référence
Objectif Ventes Construction de la Construction du
stratégies

marque et de son patrimoine de la


image maison
Objet de référence Le produit La marque Le patrimoine,
l histoi e
Temps de référence Temps court (le Temps long Temps très long
temps des
collections)

Equipes de direction
et métiers (influents
sur le BC tactique) **** ** *
Deg d’i flue e su les uipes
partie-prenantes aux stratégies

Equipes de
communication et
événements
** * **** ***
(influents sur le BC
thématique)

Equipes édition et
patrimoine
(influents sur le BC ** * *** ****
étendu)

348
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

L’attribution d’un monde – ou d’une vision du monde – spécifique à une équipe en particulier nous
apparaît comme une approche triviale et non représentative de la situation existante. Les équipes
considérées et parties prenantes à la formation de la stratégie sont en effet animées par des logiques
issues des différents mondes, avec une intensité plus ou moins importante.
De grandes tendances existent néanmoins dans chacune des équipes et donc dans chacun des mondes
envisagés :
- Les équipes métiers sont par définition plus orientées sur la mise en avant de leurs produits ; la
direction générale pousse aussi depuis quelques temps cette priorité donnée au produit
notamment depuis qu’elle a fait le choix d’un renforcement de son positionnement sur
« l’ultra-luxe ». Ces équipes sont aussi plus influentes dans la formation d’une stratégie de
brand content tactique qui accompagne les activités produits. Le rythme est ici soutenu et se
cale sur celui des collections.
- Les équipes de communication ont par le passé largement contribué à la communication de la
marque sur le thème du voyage – brand content thématique – et se sont davantage inscrites
dans un monde de l’inspiration ancré sur la création et l’imaginaire autour du voyage. Elles
contribuent de façon indirecte à l’enrichissement du patrimoine de la maison Louis Vuitton.
Elles subissent depuis quelques temps une forme de pression pour accentuer les efforts de
communication sur le produit.
- Les équipes édition et patrimoine contribuent traditionnellement à la construction du
patrimoine de la maison. En devenant plus formalisée, la stratégie de contenu déployée autour
des City Guides s’est imprégnée d’une logique plus marchande : le City Guide est par exemple
devenu payant et organisé en collections comme le sont les produits de la marque.
Malgré tout, le directeur éditorial insiste sur le fait que cette stratégie n’est pas à l’initiative
des équipes marketing : « et puisque sans toucher à nos fondamentaux … cette collection était
fabuleuse … elle n’a pas du tout été pensée du coup par des gens du marketing (…) parce
que sinon ça n’aurait absolument pas cette forme-là, ça n’aurait pas existé. Ce serait une
collection sous coffret, de guides avec que du texte quasiment pas de photo, ça va à l’encontre
du marché, … Exactement, ça va à l’encontre du marché !!! Donc cette nouvelle formule que
nous avons lancée en 2012, 2013, on a pris le temps de bien la faire, ça prend du temps, ... »,
et ce témoignage démontre que les logiques du monde de l’inspiration (la création) et du
monde domestique (le temps long) exercent leur influence.

349
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

IX.4.3. Focus sur la formation des stratégies

1) Stratégies émergentes et délibérées

Notre étude de cas nous a permis de séquencer les événements relatifs à la formation de la stratégie.
Nous avons ainsi pu retracer une chronologie des événements, des décisions et des efforts de
structuration ayant participé à la formation de la ou des stratégies identifiées.

Nous avons ainsi pu étudier la formation de :


- La stratégie de contenu de marque tactique comme étant majoritairement délibérée (parce que
dépendante des stratégies marketing et communication de la marque et des produits) ; nous avons
par ailleurs noté que cette stratégie pouvait être ponctuée d’événements émergents reconnus
comme stratégiques par la suite.
- La stratégie de contenu de marque thématique comme étant majoritairement délibérée.
- La stratégie de contenu de marque étendu était émergente à ses origines, elle s’est structurée au fur
et à mesure pour devenir délibérée aussi ponctuée d’événements émergents.

Ce dernier point – la stratégie de contenu de marque étendu émergente à l’origine, puis délibérée –
mérite ici notre attention.
En nous attachant à comprendre la chronologie des événements propres à la formation de la stratégie,
notre étude de cas nous permet d’aller plus loin dans la compréhension de l’articulation entre stratégie
émergente et stratégie délibérée :
- Une stratégie peut selon nous être émergente dans un premier temps comme une suite d’actions
menées sans être planifiées, au gré de l’intuition d’un dirigeant ou des opportunités qui se
présentent à l’organisation ; nous avons utilisé les termes d’actions ou d’événements émergents
reconnus a postériori comme stratégiques plutôt que le terme de stratégie émergente,
- Elle peut au fur et à mesure se structurer et faire l’objet de réflexions de la part des dirigeants,
devenir plus formelle,
- Elle peut enfin prendre la forme d’une stratégie totalement délibérée, prévue et planifiée.

Ainsi, une stratégie peut selon nous cheminer au cours de son processus de formation selon trois
phases : 1) une première phase d’émergence totale (action ou événement stratégiques), 2) une seconde
phase de structuration de la stratégie émergente et 3) une dernière phase de ‘délibération’ de la
stratégie ou d’incorporation de la stratégie émergente dans la stratégie délibérée.
La stratégie suivie par la maison Louis Vuitton dans son activité d’édition des City Guides suit ce
processus de bout en bout ; la stratégie (émergente) menée dans le cadre du lancement de l’application
Vuitton Pass suit un processus similaire.

350
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

Figure 41 : De la stratégie émergente à la stratégie délibérée (application à la stratégie du City Guide)

(2) ACTION / ÉVÉNEMENT Editio d’u e olle tio d o age et d’u guide
STRATÉGIQUE ÉMERGENT du la ville, i itiati e d’u di igea t

(2) STRUCTURATION DE LA Reconnaissance de la portée stratégique de


STRATÉGIE ÉMERGENTE l’ e e t, atio d’u e ellule éditoriale,
renouvellement de la collection, digitalisation

(3) DÉLIBÉRATION DE LA STRATÉGIE ou Planification de la stratégie


INCORPORATION DE LA STRATÉGIE (missions, objectifs, politique
ÉMERGENTE DANS LA STRATÉGIE produit, prix, communication,
DÉLIBÉRÉE distribution)

NB : Nous pouvons supposer que ce modèle de formation d’une stratégie est particulièrement répandu
lorsqu’il s’agit d’une activité nouvelle et disruptive, soit non habituelle, de l’organisation (comme ce
fut le cas pour l’édition de guides de voyage pour la maison Louis Vuitton) ou encore dans un
environnement changeant et demandant une forte réactivité des organisations (comme c’est le cas pour
l’environnement digital et le développement de l’application Vuitton Pass).

2) Formation des stratégies et écoles de pensées (Mintzberg et al., 2009)

Nous l’avons vu dans la description des stratégies étudiées de la marque Louis Vuitton, les dirigeants
jouent un rôle majeur dans la formation de chacune des stratégies, qu’elles soient délibérées ou
émergentes.
C’est le cas dans la stratégie de brand content tactique qui fut à l’origine fortement impactée par la
nomination d’un nouveau comité de direction à la tête de la maison Louis Vuitton et par conséquent
inscrite dans une stratégie marketing fortement axée sur la mise en avant du produit. Les décisions
stratégiques prises par les dirigeants à la tête du groupe LVMH ont fortement contribué au
déploiement de la stratégie de brand content tactique.
C’est également le cas dans la stratégie de brand content thématique. Dans le cas particulier de
l’exposition au Grand Palais, la stratégie menée trouve ses racines dans une idée, une intuition de
Bernard Arnault, président du groupe LVMH. La direction générale de la maison Louis Vuitton joue
par la suite un rôle prégnant dans les décisions de validation de la mise en œuvre de la stratégie.
C’est enfin le cas pour la stratégie de brand content étendu (la stratégie des City Guide) qui trouve ses
fondements dans une initiative prise par le directeur marketing et communication de l’époque. Ici
encore, nous avons pu mettre en évidence l’implication forte de la ‘Direction’ dans les décisions ayant
permis la formation de la stratégie.

351
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

La juxtaposition des courants de pensées de l’école entrepreneuriale et de l’école de l’apprentissage


ouvre sur une approche cohérente pour comprendre la formation de la stratégie dans le cas Louis
Vuitton d’une manière générale.
a) L’école entrepreneuriale axe le processus d’élaboration de la stratégie sur le dirigeant de manière
exclusive, la stratégie émane de sa vision. La perspective stratégique est alors un acte individuel,
une construction du dirigeant. Nous retiendrons que le concept fondamental sur lequel repose cette
approche est la vision, soit une représentation intellectuelle de la stratégie créée dans l’esprit du
dirigeant : une inspiration, un guide, une idée directrice.
La stratégie est à la fois délibérée et émergente : délibérée dans ses grandes lignes et son
orientation, émergente dans ses détails pour permettre des adaptations.
L’entrepreneur est le meneur novateur d’une entreprise apprenant à d’autres.
b) L’école de l’apprentissage nuance le rôle exclusif du dirigeant dans l’élaboration de la stratégie.
Elle envisage la formation de la stratégie comme un processus émergeant au fur et à mesure que
les gens agissent individuellement ou collectivement. Le processus de formation de la stratégie
peut y être représenté comme un processus complexe, « embrouillé », plutôt que comme un
processus simple, méthodique et contrôlé (Lindbom, 195972). Elle pose la question « Comment la
stratégie se forme-t-elle ? », plutôt que « Comment la stratégie se formule-t-elle ? » et s’interroge
sur la nature consciente du processus.
Weick73 s’inscrit dans ce courant et postule que « le monde se fait » : il met en évidence que le
comportement d’apprentissage se fait dans l’action et dans la capacité à trouver et à sélectionner
ce qui fonctionne, en donnant du sens à ses actions de manière rétrospective, en ne retenant que les
comportements qui sont désirables. Pour Weick, il est impossible d’apprendre sans agir.
La notion de compréhension émergente est une notion que nous devons retenir dans cette
proposition, comme une combinaison des notions d’émergence et de compréhension : l’entreprise
apprend de son propre comportement et convertit la stratégie émergente passée en stratégie
délibérée future. Ainsi des stratégies nouvelles et créatives alimentent la planification.
La pensée de Weick est en parfaite cohérence avec nos résultats, en ce sens que les stratégies
étudiées (et notamment la stratégie de brand content étendu) peuvent se former dans un
mécanisme de construction de stratégies émergentes ; notre étude de cas permet d’illustrer ce
mécanisme de façon concrète en en détaillant les différentes étapes.
Weick décrit le comportement d’apprentisage ainsi : « d’abord agir (…) et ensuite trouver et
sélectionner ce qui fonctionne bien ». On donne du sens à ses actions de manière rétrospective.

72
In Mintzberg et al., 2009
73
In Mintzberg et al., 2009

352
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

IX.4.4. Focus sur la phase de décisions stratégiques

ère
Figure 38 : Zoom sur la phase de décisions stratégiques du processus de formation de la stratégie (1
proposition)

a) Etat des lieux de la situation

b) Diagnostic : résultats obtenus et alternatives

c) Décision du président (YC) : accord sur un 1er


renouvellement de la collection de guides

d) Période de test

e) Décision du président : atio d u e ellule


éditoriale

Cette étape du processus de formation de la stratégie de contenu de marque étendu (la stratégie
déployée pour le City Guide) fait écho aux travaux de Menon et ses collègues (1999) ainsi que de
Mintzberg et al. (1976) qui identifient dans le processus de formation une étape antérieure à
l’élaboration de la stratégie.
Les trois phases identifiées par Minzberg 1) identification (reconnaissance du problème et diagnostic),
2) développement (solutions recherchées parmi les expériences du passé ou actions nouvelles) et 3)
sélection (choix parmi les alternatives) sont ici représentées et même complétées :

ème
Figure 42 : Zoom sur la phase de décisions stratégiques du processus de formation de la stratégie (2
proposition)

Identification a) Etat des lieux de la situation

Développement b) Diagnostic : résultats obtenus et alternatives

c) Décision du président (YC) : accord sur une solution


#1 (renouvellement de la collection de guides)
Sélection
d) Test de la solution #1

e) Décision du président : accord sur la solution #2


( atio d u e ellule ditoriale)
353
Chapitre IX. Etude n°3 (Louis Vuitton)

La théorie du prospect (Kahneman et Tversky, 1979) est ici validée : les alternatives ont été évaluées
en fonction du risque, les décisions ont été prises relativement au risques encourus.
La théorie des échelons supérieurs (Hult, 2011) s’applique ici également et de manière générale au cas
Louis Vuitton : les décisions prises sont influencées par les pratiques réussies et par le passé
managérial des managers de haut niveau. Ainsi la majorité des résultats de la firme sont influencés par
les décisions prises par les managers d’échelon supérieur.

354
Fin de la troisième partie :
Synthèse et conclusion de la deuxième phase empirique
(Études de cas voyages-sncf.com et Louis Vuitton)

Nous avons étudié les stratégies de contenu des marques voyages-sncf.com (VSC) et Louis Vuitton.
Si ces deux cas nous ont semblé intéressants à étudier parce qu’ils comportaient d’emblée quelques
différences, celles-ci ont pu être confirmées et d’autres ressemblances ou des éléments
complémentaires ont également pu être obervés.

1) Contexte et stratégies déployées

Le cas de la marque VSC se situe dans le contexte d’une entreprise jeune et qui se caractérise à la fois
par une logique d’apprentissage et de réaction à l’environnement changeant (notamment avec
l’apparition de nouveaux concurrents). L’entreprise se veut réactive, ou encore agile, et s’organise par
conséquent en équipes projets de taille réduite.
La maison Louis Vuitton est pour sa part une entreprise ancienne, avec une organisation traditionnelle.
D’une manière générale elle fonctionne sur un mode entrepreneurial et la figure du dirigeant y tient
une place importante.
Nous noterons que pour les deux marques, l’équipe dirigeante a été récemment renouvelée (2014).
Nous n’avons pas obtenu d’information pour la marque VSC sur les éventuelles causes de ce
renouvellement ; peut-être le contexte de pression concurrentielle accrue en est-il l’une des raisons ?
La marque Louis Vuitton s’est pour sa part dotée d’un nouveau comité de direction dans l’objectif
d’affirmer son positionnement sur « l’ultra luxe » et de mettre en avant davantage que par le passé ses
produits.

Nous avons pu observer en combinant ces deux cas l’élaboration et la mise en œuvre de chacune des
stratégies de brand content présentées à l’issue de notre première étude, à savoir : la stratégie de brand
content tactique, la stratégie de brand content thématique et la stratégie de brand content étendu.
La stratégie de brand content tactique consiste pour la marque VSC à conquérir la cible des jeunes
consommateurs (les 15-30 ans) sur lesquels la marque enregistre de faibles scores (image de marque,
ventes). La stratégie de brand content tactique de la marque Louis Vuitton a pour objectif de
compléter les activités courantes de la marque (lancement de produits, défilés, événements saisonniers
…). Pour les deux marques, le brand content tactique constitue un axe d’une stratégie plus large – la
stratégie marketing et de communication – plutôt qu’une stratégie indépendante.

355
La stratégie de brand content thématique n’a pu être observée que dans le cas de la marque Louis
Vuitton. Cette stratégie est « historique » dans la maison en ce sens qu’elle se confond quasiment
depuis les origines de la marque à sa stratégie de communication (on ne parlait pas alors de stratégie
de contenu de marque). Elle est articulée autour d’un thème fédérateur : le thème du voyage. La
présence de cette stratégie confirme l’idée que les marques de luxe ont toujours eu un temps d’avance
sur les autres marques sur l’élaboration et sur la mise en œuvre des stratégies de contenu de marque
(Bô et Guével, 2010).
Enfin, la stratégie de contenu de marque étendu n’a pu être observée que pour la marque Louis
Vuitton. Elle est aujourd’hui une stratégie planifiée et indépendante.

2 ) La formation de la stratégie

Nous nous sommes attachés dans chacun des cas étudiés à décrire le processus de formation de la
stratégie, selon qu’elle est transcendante ou délibérée ou encore immanente autrement dit émergente.
Le processus de formation des stratégies délibérées est en phase avec l’approche normative de la
stratégie. Il comporte une phase de décisions stratégiques, une phase de planification des contenus et
une phase de mise en œuvre (application des actions planifiées).

Figure 37 : Formation de la stratégie de brand content th ati ue, l’e positio au G a d Palais

DÉCISIONS STRATÉGIQUES

- Idée génératrice de B. Arnault


- “ le tio des th ati ues de l e positio
- Définition des objectifs, de la cible et du
positio e e t de l e e t

PLANIFICATION DES CONTENUS

MISE EN ŒUVRE  Contenus développés :


- Supports de communication traditionnels
(affichage)
- Vidéos interviews des personnalités à
l i itiati e des p ojets
- Film teaser sur l e position (Never ending
story)
- Application de la visite

356
Les deux cas étudiés nous ont donné à voir la formation de stratégies émergentes ou encore
immanentes. Pour chacun des cas, la stratégie émergente est entrée dans un processus de
transformation en stratégie délibérée.
Le processus de formation de la stratégie émergente puis délibérée comporte finalement les étapes
suivantes :
- une phase d’actions, initiatives ou encore opportunités non prévues par les stratèges,
- une phase de reconnaissance a posteriori de la portée stratégique de ces actions,
- une phase caractérisée par la volonté des stratèges de répéter les actions menées de façon plus
délibérée et structurée,
- une phase enfin de planification de la stratégie.
Alors que ce processus a été complet et réussi dans le cas de la marque Louis Vuitton, il a été contrarié
dans le cas de la marque VSC.
Les tensions ayant contrarié la transformation complète de la stratégie, dans le cas de la marque VSC,
sont : 1) un manque de consensus sur la définition du contenu de marque, 2) un manque de
coordination et de nommination d’un manager responsable (champion) de la stratégie, 3) un manque
d’allocation des ressources et 4) un manque d’objectifs et de résultats mesurés clairs.

3) Les acteurs de la stratégie

Pour chacun des cas étudiés, trois parties prenantes à la stratégie ont été identifiées ; il s’agit des
équipes métiers, communication et édition pour Louis Vuitton et des équipes Business Unit, marketing
et communication pour VSC. Nous confirmons ici le caractère hybride de la stratégie de contenu de
marque.
L’organisation entre chacun de ces départements est un organisation en silos, même si le travail se fait
dans un climat collaboratif. Il ressort en tout cas des deux études des différences d’orientations (objet,
temps de référence, objectif) entre ces départements que la théorie de la vision du monde (Homburg et
Jensen, 2007) nous a permis de révéler.

Des disputes entre les acteurs de la stratégie ont été mises en lumière. Elles concernent l’orientation de
la stratégie de contenu de marque – mise en avant du produit (monde marchand) ou de la marque
(monde de l’inspiration) – et leur résolution a finalement été expliquée par le biais de la théorie de la
justification (Boltanski et Thévenot, 1991).
Dans le cas de la marque VSC, la discorde a porté sur la définition (et par conséquent sur la finalité)
du contenu de marque. L’équipe marketing considère que la finalité des contenus de marque est de
servir le produit (monde marchand), alors que l’équipe comunication leur attribue le rôle de servir la
marque (monde de l’inspiration). La dispute est finalement résolue dans l’un des mondes en présence,

357
le monde marchand, dans la mesure où la priorité est donnée au développement de contenus orientés
sur la mise en valeur des offres de la marque VSC.
Dans le cas de la marque Louis Vuitton, c’est l’orientation des stratégies de communication et de
contenu de marque qui se trouve controversée. D’une emphase autrefois portée sur la marque (monde
de l’inspiration), la communication passe aujourd’hui à une orientation produit (monde marchand).
Cette nouvelle orientation stratégique est décidée par le comité de direction. Elle est source de tensions
parmi les équipes de communication. La clarifification de la dispute se fait finalement dans un
troisième monde : le monde domestique. La marque met en avant son histoire et son patrimoine pour
affirmer son positionnement luxe .

358
Conclusion générale et discussion

Nous résumons ici dans un prmier temps notre projet de recherche, ses motivations et ses grandes
directions. Nous présentons enuite une synthèse des principaux résultats de notre recherche. Nous
exposons les contributions de la thèse (théoriques, managériales, méthodologiques et pédagogiques).
Nous identifions enfin les limites de nos travaux et les voies de recherche potentielles qui en résultent.

I. Projet initial de la recherche

Notre projet de recherche a pour origine la généralisation des pratiques de contenu de marque (ou de
brand content), depuis l’apparition des médias sociaux. Il trouve ses fondements dans une pratique
managériale de plus en plus répandue. On considère en outre le brand content comme une nouvelle
discipline (Jamet, 2013), ou encore comme l’un des concepts fondamentaux du brand management
moderne (Kapferer, 2012).

Le contenu de marque fait partie des nouvelles tendances managériales qui ont émergé plus vite que la
recherche : il reste en effet très peu étudié dans la recherche académique. On trouve davantage de
travaux s’intéressant à des pratiques proches du contenu de marque (e.g. advertainment, brand
journalism). Ces pratiques aspirent à divertir l’audience dans le contexte des médias digitaux, et sont
majoritairement étudiées pour leurs effets sur le consommateur.

La rareté des travaux existant sur le contenu de marque a constitué pour nous à la fois une opportunité
enthousiasmante : celle d’étudier, de définir et de comprendre une pratique qui n’est pas nouvelle
mais qui gagne un nouvel intérêt à l’ère du digital. L’étude de la pratique s’est en même temps
imposée comme un défi conséquent : il fallait ‘inventer’ ou encore importer le ou les cadres et
fondements théoriques qui permettraient sa réalisation.

Le contenu de marque s’est par ailleurs avéré, très tôt dans notre recherche, être un objet
particulièrement intéressant à appréhender sous l’angle de la stratégie et des jeux des acteurs dans la
formation de cette stratégie. En effet, son caractère amibivalent de communication « non-marchande »
s’incrivant néanmoins dans une démarche marketing et par conséquent nécessairement mercantile (et
donc « marchande ») a très vite attiré notre attention.

359
Nous nous sommes alors intérrogés sur la nature profonde du contenu de marque (est-ce réellement
une pratique non-marchande ?) et sur les conséquences de cette nature sur la formation des stratégies
de contenu de marque (les parties prenantes à la formation de la stratégie aspirent-elles toutes aux
mêmes résultats ?).

Nous avons alors posé la problématique suivante :


Quelle est la nature de la pratique de contenu de marque et la formation de cette stratégie
génère-t-elle des tensions parmi les managers parties-penantes ?

Cette problématique générale s’est ensuite articulée en deux ensembles de questions de recherche.

Un premier ensemble de questions de recherche visait à définir la pratique en identifiant ses acteurs,
ses antécédents et ses effets. Une intention de positionner la pratique dans la stratégie plus globale de
la marque a également orienté nos travaux.
Nous avons alors posé les quatre questions de recherche suivantes :
- Quelles sont les parties prenantes à la pratique ? (acteurs)
- Quelles sont les motivations à développer la pratique ? (antécédents)
- Quels sont les effets attendus ? (conséquences)
- Quelle est la place de cette pratique dans la stratégie plus globale de la marque ?

Un deuxième ensemble de questions de recherche a fait suite à cette première phase empirique. Il
visait à comprendre la formation de la stratégie de contenu de marque, les logiques animant les
stratèges, les tensions émergentes et leur résolution, par le biais des questions suivantes :
- Comment la stratégie de contenu de marque se forme-t-elle ?
- Quels sont les acteurs, les parties prenantes à la stratégie et quelles logiques les
animent ?
- Quelles sont les tensions ayant émergé au cours de la formation de la stratégie et
comment ont-elles été résolues ?

360
II. Principaux résultats de la recherche

Les résultats issus de nos recherches empiriques se regroupent en deux grands ensembles : 1) un
premier ensemble de résultats permet de clarifier la pratique et le concept de brand content, 2) un
deuxième ensemble participe à la compréhension de la formation des stratégies de contenu de marque.

1) Clarification du concept et de la pratique de contenu de marque

 Définition d’un concept


Notre première étude empirique nous a permis de proposer une conceptualisation du contenu de
marque, articulée autour de quinze dimensions (voir figure 9). Cette conceptualisation permet de
mettre en lumière les caractéristiques communes des pratiques de contenu de marque. Elles sont
organisées autour de trois pôles : le statut du concept (extraordinaire, social et non-marchand), sa
structure (e.g. ligne éditoriale, création, contenu liquide, etc.), et ses fonctions (e.g. attention,
engagement image de marque, etc.).
Nous avons, à partir des dimensions identifiées, proposé une définition du concept de contenu de
marque :
« Le contenu de marque digital prend le statut d’une communication extraordinaire, sociale et non-
marchande dans son intention. Il se structure autour d’une ligne éditoriale (la marque devient média)
et d’une idée créative forte. La variété des formes qu’il peut prendre le rend liquide. Si ses effets sont
dans l’ensemble similaires à ceux d’une communication classique, la valeur servicielle que les
contenus aspirent à créer les différencie cependant et leurs effets sur les ventes restent indirects. »
Nous noterons que le caractère digital de la pratique ou du concept étudié s’est estompé au fil de notre
receherche : la définition proposée du contenu de marque digital s’applique finalement au contenu de
marque (non digital).

 Comparaison à son concept le plus proche


Nous avons clarifié la confusion existant sur les notions de contenu de marque et de publicité (voir
tableau 9). Nous avons en effet positionné le contenu de marque comme une pratique s’inscrivant dans
la continuité (et non en opposition) des pratiques de communication traditionnelles, notamment de la
publicité. Nous avons mis en avant les différences et interactions existant entre les deux formats de
communication (le contenu de marque et la publicité).

 Marque média
Nous avons fourni des éléments de définitions de la notion de marque média, en décrivant les logiques
journalistique et cinématographique auxquelles elle se réfère dans sa production de contenus. Nous
avons également décrit les nouveaux partenariats de la marque dans cette activité de production. Nous

361
avons détaillé les postures adoptées par la marque dans sa production de contenus (éviter de parler de
son produit, s’inviter et se rendre utile).

 Typologie de la pratique
Une typologie des pratiques de contenu de marque a été proposée (voir figure 10). Elle nous a permis
de clarifier davantage la pratique en précisant qu’il existait trois niveaux de maturité dans son
déploiement : un brand content tactique ou expérimental, un brand content thématique et un brand
content étdendu.
Cette typologie a par ailleurs pu être confirmée par le biais de nos études de cas. Nous avons en effet
identifié et étudié une stratégie de contenu tactique dans le cas de la marque voyages-sncf.com, ainsi
que les trois niveaux de maturité de stratégies de brand content pour la marque Louis Vuitton : brand
content tactique, thématique et étendu. Pour chacun des types de brand content, nous avons détaillé les
caractéristiques essentielles de la stratégie, à savoir les objectifs de la stratégie, son orientation
(produit, marque ou client), son caractère émergent ou délibéré, son lien avec des stratégies plus larges
et sa référence au temps (voir tableaux 19 et 24).
Nous avons par ailleurs précisé la définition du brand content tactique en l’identifiant comme un axe
d’une stratégie plus large : un axe de la stratégie de communication et de lancement produit pour la
marque Louis Vuitton, un axe de la stratégie de ciblage et de communication pour la marque VSC.
Alors que le brand content tactique est identifié comme un axe d’une stratégie plus large, les stratégies
de brand content thématique et étendu sont pour leur part des stratégies indépendantes.

 Antécédents, effets et caractéristiques de la production de contenu


Nous proposons, dans la restitution de nos résultats, une image qui permet de visualiser à la fois les
antécédents et les effets recherchés de la pratique de contenu de marque (voir figure 13). Elle permet
de comprendre les origines de la pratique, ce qui l’a motivée et ce qu’on en attend. Nous avons
également abordé les résultats et les performances mesurés de la pratique ; ils se réfèrent à la fois à des
métriques de capital de marque consommateur (e.g. image de marque) et financier (e.g. impact sur les
ventes).

 Hybridité de la stratégie de contenu de marque et tensions associées


Nous avons observé au cours de notre première phase empirique que la stratégie de contenu de marque
était une stratégie hybride, en ce sens qu’elle impliquait différentes équipes ou départements de
l’organisation (en l’occurrence l’équipe marketing et l’équipe communication) et qu’elle se trouvait au
croisement de plusieurs enjeux stratégiques (image de marque, construction de la marque forte,
communication intégrée, atteinte des objectifs de ventes …).
Le croisement de ces différentes logiques dans la formation de la stratégie laisse entrevoir à l’issue de
notre première étude l’émergence de tensions, telle que la posture non-marchande de la marque

362
contre-nature, un état de schizophrénie des marques partagées entre les objectifs de vente et de
séduction de leur audience, l’arbitrage des ressources entre les activités à revenu immédiat et les
activités créatrices de valeur sur le long terme, et le manque de contrôle de la marque sur la diffusion
de ses contenus.
Une représentation des acteurs parties penantes à la stratégie est par ailleurs proposée (voir figure 14),
elle met en regard l’équipe marketing d’une part, et l’équipe communication d’autre part. Cette
représentation propose ensuite que l’équipe marketing s’inscrit dans une logique financière
(caractérisée par une posture de marque marchande, une forte culture du produit, des objectifs orientés
sur les ventes et une référence au temps court), alors que l’équipe communication s’inscrit pour sa part
dans une logique artistique (caractérisée par une posture non-marchande, une culture du storytelling,
un objectif de construction de l’image de la marque et une référence au temps long).

2) Compréhension de la formation de la stratégie de contenu de marque

 Processus de formation de la stratégie


Pour chacune des stratégies étudiées, nous nous sommes attachés à retracer la chronologie des
événements fondateurs de la stratégie, l’enchaînement des différentes séquences de son processus de
formation. Nous avons ainsi identifié l’intention, l’idée ou encore l’initiative à l’origine de la stratégie,
les associations entre les partenaires et acteurs de la stratégie, les objectifs de la stratégie, et les
contenus produits.
Nous avons pu observer d’une part des stratégies qui émergent d’un flot d’actions menées et
d’intiatives (non planifiées), et d’autre part des stratégies plus élaborées et planifiées en amont.
Dans les deux cas étudiés, nous avons observé la transformation d’une stratégie au départ émergente
en stratégie délibérée. Ainsi, les étapes nécessaires dans ce processus de transformation ont été mises
en lumière. Il s’agit de la reconnaissance de la portée stratégique des initiatives émergentes, du
renouvellement de ces initiatives (comme une volonté de les intégrer aux routines de l’entreprise) dans
le but de les tester à nouveau, puis de la décision de déployer la stratégie (délibérée cette fois) avec les
moyens adéquats (objectifs, personnes et ressources). Nous avons pour le cas Louis Vuitton détaillé la
phase de décisions stratégiques (voir figures 38 et 41) et nous l’avons identifiée comme une étape
fondamentale dans le processus de transformation de la stratégie émergente en stratégie délibérée.

 Acteurs de la stratégie
Nous avons observé au cours de notre première phase empirique que la stratégie de contenu de marque
était une stratégie hybride, en ce sens qu’elle impliquait différentes équipes ou départements de
l’organisation (en l’occurrence l’équipe marketing et l’équipe communication) et qu’elle se trouvait au
croisement de plusieurs enjeux stratégiques (image de marque, construction de la marque forte,
communication intégrée, atteinte des objectifs de ventes …).

363
Si notre première étude donne une image simpliste et quelque peu manichéenne de l’implication des
deux équipes marketing et communication dans la stratégie, elle a le mérite de porter l’attention sur les
différences existantes entre les parties prenantes et se trouve dans un second temps être nuancée par
les études de cas (études n°2 et n°3).
La pluralité des équipes impliquées dans la stratégie est en effet plus complexe : on compte trois
départements impliqués dans chacun des deux cas (la business unit, le marketing et la communication
pour voyages-sncf.com ; les métiers, la communication et l’équipe éditoriale pour Louis Vuitton).
Notre recherche propose de comprendre les logiques qui animent chacune des parties-prenantes à la
stratégie (tableaux 20 et 25) en détaillant l’objectif poursuivi, l’objet et le temps de référence.

 Tensions ayant émergé dans le processus de formation des stratégies, et résolution de ces
tensions
Un certain nombre de tensions survenues au cours de la formation de la stratégie ont été mises en
évidence et ont été étudiées au cours des deux études de cas.
Il s’agit pour le cas VSC : 1) d’une mésentente sur la définition et sur la finalité du brand content entre
les équipes parties-prenantes à la formation de la stratégie, 2) d’un manque de coordination et de
l’absence d’un champion de la stratégie en interne, 3) d’un manque d’allocation de budgets pour
déployer la stratégie et 4) d’un manque de formulation d’objectifs. Ces quatre tensions sont venues
contrarier la transformation réussie de la stratégie de contenu de marque émergente en stratégie
délibérée.
Pour la marque Louis Vuitton, les tensions relevées ont essentiellement trait à la mésentente des
équipe sur la finalité du brand content. Comme pour la marque VSC, nous avons donné une
compréhension de la résolution de ces mésententes par le biais de la théorie de la justification
(Boltanski et Thévenot, 1991) et de la théorie de la vision du monde (Homburg et Jensen, 2007). Nous
reviendrons plus en détails sur ce point lorsque nous aborderons les apports théoriques de nos travaux.

III. Contributions de la thèse

Nous présentons dans cette troisième partie les contributions théoriques, managériales,
méthodologiques et pédagogiques de nos travaux.

1) Contributions théoriques

 Contributions par rapport à la littérature sur le contexte digital


Notre recherche place le contexte digital (apparition de nouveaux médias digitaux et nouveaux enjeux)
comme un antécédent au déploiement de la pratique de contenu de marque. Les entreprises

364
développent de plus en plus de contenus pour répondre aux enjeux des médias digitaux et pour en
saisir les opportnuités. Nos résultats confortent le lien existant entre le déploiement accéléré de la
pratique au cours des dix dernières années, et l’expansion des médias sociaux.
Notre recherche confirme les travaux de Jenkins (2006) et de Hennig-Thrureau et al. (2010) relatifs au
rôle actif des consommateurs dans la réception de la communication. Nos travaux restituent en effet
les pratiques de contenu de marque dans une culture participative : les contenus sont dans un premier
temps diffusés par la marque puis propagés par les consommateurs lorsqu’ils les considèrent
suffisamment intéressants. La marque perd en contre-partie le contrôle sur le processus de propagation
de ses contenus.
Nos travaux permettent par ailleurs d’illustrer la logique de média pull (une communication demandée
par un prospect ou par un client) qui caractérise les médias digitaux (Baynast et Lendrevie, 2014).
Cette logique s’exprime en effet dans les pratiques de contenu de marque : la marque cherche à
s’inviter auprès du consommateur en produisant des contenus qui l’intéressent.
Nos résultats illustrent également des réflexions menées antérieurement sur la notion de
communication marketing intégrée (e.g. Chaffey et al., 2014 ; Schultz, 1993, Berman et al., 2007). Les
pratiques de contenu de marque que nous avons pu observer (étude n°1) s’inscrivent dans une
préoccupation globale de communication intégrée : les managers à l’intiative des pratiques de contenu
s’efforcent de conserver une cohérence entre les différents messages de la marque.
Notre recherche met en lumière de façon concrète la grande variété de métriques mobilisées par les
managers afin de mesurer les performances des contenus diffusés sur les médias digitaux (étude n°1).
Ces métriques visent à mesurer à la fois la qualité des contenus, leur impact sur le consommateur et
leur impact sur les ventes. Ces résultats s’inscrivent par exemple dans la continuité des réflexions de
Mintz et Currim (2013) sur l’impact que peut avoir l’attrait d’un contenu (like) sur un internaute et sur
son impact effectif sur les ventes de la marque.
Enfin, si notre projet de départ était de comprendre la pratique de contenu de marque digital, il s’est au
fil de notre recherche avéré que la caractère digital ne constituait finalement qu’une dimension de
notre objet de recherche (nous avons étudié à la fois des pratiques de brand content digital et non
digital). Ce constat vient faire écho à la réflexion de Chaffey et al. (2014) qui positionne le digital (les
nouvelles technologies) comme un moyen d’atteindre des objectifs marketing : l’emphase porte sur les
objectifs et non sur la technologie qui n’est qu’un moyen de les atteindre.

 Contributions par rapport à la littérature sur la marque et son management


Nos travaux s’inscrivent dans la continuité des réflexions menées sur la marque forte : elle est
aujourd’hui assimilée à une marque qui engage ou encore qui fédère une communauté de fans
(Kapferer, 2012). Les pratiques de contenu de marque sont un levier d’engagement de leur audience :
nous avons démontré que l’engagement constituait une dimension du concept de contenu de marque,
ou encore un effet attendu de la pratique.

365
La posture adoptée par la marque dans ses productions de contenu vient actualiser les réflexions
relatives au dépassement opéré par la marque vis-à-vis de sa posture initialement commerciale (e.g.
Aaker, 1997 ; Fournier, 1998 Aggarwal, 2004). En effet, par le biais des contenus qu’elle diffuse, la
marque évite de parler de ses produits, elle cherche à s’inviter auprès de son audience (plutôt que de
l’interrompre). Les pratiques de contenu de marque constituent de fait une expression nouvelle du
désintéressement (au moins apparent) de la marque.
La production des contenus de marque participe de plus au phénomène d’artification des marques
(Heinrich, Shapiro, 2012), à la formation de la culture de marque (Holt, 2003) ou encore à la place de
la marque dans le domaine de l’art (e.g. Lehu, 2007). Nos travaux viennent appuyer la réflexion de
Guével et al. (2013) postulant que la force d’une marque tient aussi « à son poids culturel, c’est-à-dire
à sa capacité à saisir, réarticuler ou construire un environement culturel qui est le prolongement de
ses produits ».
La stratégie de contenu de marque intègre des réflexions sur l’identité de la marque et plus
précisément sur la plateforme de la marque (le contenu est-il fidèle à cette identité ou plateforme ?).
Nos travaux confirment l’intérêt des managers pour la cohérence entre les actions menées et la
plateforme de marque particulièrement dans le contexte digital (Kapferer, 2011).
Nous avons par ailleurs démontré, par le biais des mesures de la performance des pratiques de contenu
de marque, que les managers se préoccupaient à la fois de la construction du capital de la marque du
point de vue du consommateur (mesure de la notoriété de la marque et de l’image de la marque) et
dans une perspective purement financière (mesure de l’impact sur les ventes). Nos travaux (étude n°1)
donnent à voir une illustration contemporaine des approches et des préoccupations des managers qui
concernent à la fois le capital marque selon la perspective du consommateur (Aaker, 1991 ; Keller,
1993) et selon la perspective de l’entreprise (Keller et Lehman, 2006).
Enfin, nos travaux ont mis l’emphase sur la présence simultanée de logiques product centric d’une
part, et consumer centric d’autre part, au sein d’une même entreprise qui peut placer tantôt le produit
au cœur de ses actions, tantôt donné une place centrale au client. Ces résultats (étude n°1) viennent
nuancer le postulat trop systématique d’un glissement des pratiques marketing d’une approche
product centric vers une approche consumer centric (Barwise et Meehan, 2010 ; Coviello et al., 2002).
L’emphase portée sur telle ou telle approche pourra dépendre de l’orientation du département, ou
encore de la priorité donnée à un impact rapide sur les ventes de l’entreprise.
Les approches consumer centric et product centric sont aussi relativisées et complexifiées à l’issu des
études n°2 et n°3 : les trois objets de référence des stratégies de contenu sont en effet le produit
(contenu qui met en valeur le produit), la marque ou encore le client (on valorise l’expérience client).

366
 Contributions par rapport à la littérature sur le contenu de marque
L’une des contributions majeures de nos travaux réside dans la clarification de la définition du concept
de contenu de marque.
Nous complétons, par le biais de la définition exhaustive (quinze dimensions) que nous donnons du
contenu de marque, la littérature mettant en lumière quatre dimensions de la pratique : l’engagement
(e.g. Jamet, 2013 ; Kapferer, 2012), la dimension non-marchande (Bordeau, 2012 ; Bô et Guével,
2010 ; Bô, 2009), la dimension utilitaire (Bô et Guével, 2010 ; Kapferer, 2012) et la dimension
artistique (e.g. Bô et Guével, 2010 ; Mallet et al. 2013).
Nous complétons les travaux de Kapferer (2012) et de Bô (2012) qui proposent une typologie du
contenu de marque (selon qu’il est pédagogique, pratique, culturel) de deux manières : 1) nous
mettons en avant les effets et les fonctions de la stratégie (créer de l’émotion, attirer l’attention, créer
de l’engagement, rendre service, se rapprocher du consommateur, développer l’image de la marque),
et 2) nous proposons une typlogie des pratiques selon trois degrés de maturité, que nous illustrons par
des exemples observés.
Nous précisons les réflexions de Bô (2010) et de Jamet (2013) sur le rapprochement de la publicité
classique et du brand content en proposant une liste exhaustive des différences et interactions existant
entre les deux formats de communication (voir tableau 9).
Nous nuançons les réflexions et critiques relatives à la nature non-marchande des contenus de marque
et à la relation marque-consommateur (e.g. Bordeau, 2012 ; Bô et Guével, 2010 ; Bô, 2009 ; De
Montety, 2012 ; Patrin-Leclère, 2011) : nos résultats démontrent en effet que les stratégies menées ont
une orientation à la fois produit (on ne parle pas du produit mais on le met en scène), marque (on
donne à voir l’univers de la marque), client (on privilégie l’expérience client) ou encore patrimoine de
la marque (on met l’emphase sur l’histoire, sur le passé de la marque).
Nous précisons de plus la signification de marque média (Bô et Guével, 2010 ; Baynast et Lendrevie,
2014) en nous attachant à décrire les logiques journalistique et cinématographique dans lesquelles elle
s’inscrit, ainsi que les partenariats (avec des artistes, des producteurs, des blogueurs, des influenceurs,
etc.) dans sa production de contenus.
Nos travaux consistent enfin à comprendre et à restituer la genèse d’une stratégie de contenu de
marque par le biais de deux études de cas. Le travail d’observation de stratégies de contenu de marque
n’a jusqu’ici jamais été entrepris dans la recherche en marketing et la réalisation d’études de cas
constitue également une approche originale.

 Contributions par rapport à la littérature sur la stratégie marketing et sa formation


Le courant de la « strategy as practice » est né en 2001, à l’initiative de quelques chercheurs
européens membres de l’EIASM (European Institute for Advanced Studies in Management). Un
groupe de travail, alors réuni à Bruxelles, arrive à la conclusion d’une nécessaire approche plus
pratique de la formation de la stratégie. En un laps de temps réduit, le mouvement de la « strategy as

367
pratice » s’est instutionnalisé ; on trouve aujourd’hui sur le site www.strategy-as-practice.org la
définition suivante : « Strategy as Practice is a community of scholars interested in the practice of
strategy. . . . What we are agreed on is the importance of a focus on the processes and practices
constituting the everyday activities of organizational life and relating to strategic outcomes, if we are
to move our field forward.». L’utilisation du terme strategizin’ traduit l’intérêt des recherches menées
pour ce que les stratèges font, ou encore pour les activités réalisées lorsqu’ils font de la stratégie
(Hendry, 2000; Jarzabkowski, 2003; Johnson et al., 2003; Whittington, 1996, 2002). Notre projet de
recherche s’inscrit dans le courant de la « strategy as practice » ; il apporte une approche innovante
par l’étude de la formation d’une stratégie marketing (peu exploitée dans la littérature en
management).
Nos recherches apportent une représentation structurée et illustrée (par le biais des études de cas) de la
stratégie marketing (au sens normatif du terme) et des étapes qui composent sa formation. Nous
prolongeons et affinons ainsi les réflexions des auteurs sur la signification de la notion de stratégie
marketing (Slater et Oslon, 2001 ; Day et al., 1990 ; Walker et al., 2006 ; Varadarajan, 2010).
La réalisation des deux études de cas permet en outre de restituer nos réflexions relatives à la
formation des stratégies étudiées dans les écoles de pensées (Mintzberg et al., 2009) : l’école
environnementale et l’école de l’apprentissage pour la marque voyage-sncf.com, l’école
entrepreneuriale et l’école de l’apprentissage pour la marque Louis Vuitton.
Notre recherche vient ensuite compléter les travaux de Dameron et Torset (2014). Les études de cas
offrent en effet une compréhension de la formation des stratégies transcendantes (ou délibérées) et des
stratégies immanentes (ou émergentes). Elles nuancent dans un second temps le paradoxe inhérent à
une considération d’une existence simultanée des deux stratégies en proposant que la stratégie
immanente peut entrer dans un processus de transformation à l’issue duquel elle aura le statut de
stratégie délibérée. Nous considérons, dans cette perspective, la stratégie délibérée comme un
prolongement possible de la stratégie émergente. Nous expliquons les étapes nécessaires au bon
déroulement du processus et nous en révélons les obstacles (manque de définition claire de la finalité
de la stratégie, manque de ressources humaines et financières dédiées, manque de clarté sur les
résultats mesurés des actions menées).

 Contributions par rapport à la littérature sur les acteurs de la stratégie


L’ensemble de nos trois études donne à voir une organisation en silos des départements fonctionnels
impliqués dans la formation de la stratégie de contenu de marque. Ce constat s’inscrit dans la
continuité des travaux relatifs au cloisonement des fonctions marketing et commerciale (e.g.
Panigyrakis et Veloutsou, 1999 ; Piercy, 1986) et permet de dépasser le périmètre de ces deux
fonctions.
Nos travaux mobilisent la théorie de la justification (Boltanski et Thévenot, 1991) dans la résolution
de la controverse existant sur les finalités du brand content. La théorie nous permet de représenter les

368
logiques dans lesquelles s’inscrit la stratégie de contenu de marque. Deux mondes (parmi les six
proposés par Boltanski et Thévenot) sont représentés par les acteurs de la stratégie (monde marchand
et monde de l’inspiration) et deux manières de résoudre la dispute entre les deux mondes en présence
émergent de nos études (études n°2 et 3). Alors que l’une des résolutions se fait dans l’un des mondes
en présence, l’autre résolution se fait dans un troisième monde. La mobilisation de la théorie de la
justification reste rare dans le champ de la stratégie marketing ; elle constitue par conséquent une
originalité de nos travaux.
Nos travaux proposent également une application de la théorie de la vision du monde (Homburg et
Jensen, 2007) dans la description des logiques animant les acteurs impliqués dans la formation des
stratégies étudiées. Les divergences mises en avant lors de précédentes recherches concernent
davantage les équipes marketing et commerciale (e.g. Joshi et Giménez, 2014) ; notre recherche
permet d’appliquer les théories mobilisées à d’autres départements de l’entreprise.
Nous offrons finalement une approche innovante des deux cadres théoriques (de la justification et de
la vison du monde) en les combinant entre elles dans l’analyse du cas Louis Vuitton. La combinaison
des deux théories permet de croiser les valeurs de références inhérentes aux mondes desquels sont
issus les acteurs de la stratégie avec leur orientation en termes d’objectif, d’objet de référence et de
temps de référence. Le croisement des deux théories procure une compréhension plus fine des acteurs
stratèges et constitue en apport original de notre thèse. Nous démontrons en outre qu’un département
dans l’entreprise n’est pas animé par une seule et unique logique (un seul monde ou une seule vision
du monde), mais qu’il est plutôt influencé simultanément par plusieurs logiques. Cette influence sera
plus ou moins forte en fonction de la logique considérée (monde et vision du monde).

 Contributions par rapport à la littérature sur la décision


Les recherches s’intéressant au processus de décision marketing consistent pour le chercheur à
documenter la façon dont les décisions sont prises. Ce type de recherches s’est développé dans une
certaine mesure dans la littérature en marketing. Il concerne majoritairement l’étude de décisions
relatives à la fixation des prix, au lancement de nouveaux produits, à l’allocation des budgets
publicitaires ou encore à la prévision des ventes (Wierenga, 2011). Notre travail complète les études
réalisées et donne à voir la place de la décision dans le processus de formation de la stratégie, ainsi que
ses différents composants (sur quoi porte la décision, quelles sont ses différentes étapes). Nous
soulignons l’importance de la phase de décision dans la formation de la stratégie et nous ré-actualisons
le processus de décision proposé par Mintzberg et al. (1976) en l’illustrant et en le complétant dans le
cadre de l’étude de cas de la marque Louis Vuitton (voir figure 41).
Les décisions relatives à l’allocation des ressources budgétaires sont des décisions cruciales dans le
déploiement d’une stratégie marketing, particulièrement dans le contexte économique actuel de
stagnation des budgets marketing. La théorie du management myope des ressources (Mizik, 2010)
trouve une application dans nos recherches empiriques : la réticence des managers à dédier des

369
budgets suffisants au déploiement de la stratégie de contenu de marque est particulièrement prégnante
dans des périodes de pression aux résultats de court-terme. Notre travail de recherche confirme cette
théorie.

2) Contributions managériales

Notre thèse répond dans sa globalité à une préoccupation actuelle des managers, dans leur pratique de
management de leur marque et de communication. Elle permet de répondre par exemple aux questions
suivantes : comment séduire une audience de plus en plus réticente vis-à-vis des techniques marketing
et comment gérer sa stratégie de contenu de marque de manière efficace.

Plus précisément, notre première étude empirique nous a permis de proposer une conceptualisation du
contenu de marque articulée autour de quinze dimensions. Ces dimensions représentent autant
d’indicateurs utiles aux managers dans leur pratique quotidienne. Ainsi, par exemple, les éléments de
structure du concept permettent aux managers de disposer d’un certain nombre de repères pour
entreprendre la production de contenus : le réflexion sur une ligne éditoriale est par exemple
incontournable dans le processus de production de contenu de marque.

La typologie que nous proposons des pratiques de contenu de marque donne dans un second temps un
repère aux managers sur les différents degrés de maturité des stratégies possibles. Elle pourra par
exemple leur permettre de situer leur propre stratégie de contenu de marque sur une échelle de
maturité, et d’entreprendre les réflexions, décisions et actions nécessaires à son développement (pour
atteindre le niveau supérieur).

La mise en lumière des antécédents et des effets des pratiques de contenu de marque apporte une
clarification supplémentaire et permet d’expliquer l’engouement des managers pour la pratique. La
liste des effets ou fonctions du brand content fournit par ailleurs des indications exhaustives et utiles
aux managers (publicitaires et annonceurs) sur les résultats qu’ils pourront mesurer à l’issue d’une
campagne de diffusion de contenus de marque.

La réalisation de deux études de cas donne à voir aux managers des exemples concrets et détaillés de
stratégies de contenu de marque. Elle permet en effet de comprendre comment la stratégie est initiée,
quel est son contenu, quels sont ses acteurs, et caetera. Ces deux études constituent une veille sur les
pratiques actuelles de contenu de marque, potentiellement utiles à d’autres marques.

Les résultats relatifs à la formation des stratégies délibérées et émergentes apportent enfin aux
praticiens une image précise des processus de formation de ces stratégies. Ils apportent également une

370
preuve qu’une stratégie réussie n’est pas nécessairement une stratégie formalisée au départ, qu’une
stratégie émergente peut devenir délibérée dans la mesure où elle suit un processus de transformation
complet. Nos travaux présentent la liste des étapes de ce processus de transformation, ainsi que les
tensions pouvant venir contrarier cette transformation. La connaissance de ces tensions pourra
permettre aux managers de les anticiper, et par conséquent d’augmenter leurs chances de réussite dans
le déploiement de la stratégie.

3) Contributions méthodologiques

Notre recherche propose un cadre de définition d’un concept.


Le cadre présenté s’appuie sur une combinaison de travaux portant sur la notion de concept en
management et en sciences de gestion (e.g. Ogden et Richards, 1923 ; Dumez, 2011 ; Teas et Palan,
1997). Il propose dans un premier temps d’identifier la dénomination du concept (definiendum et
definiens), puis de clarifier la compréhension du concept selon son statut (quel est le statut du concept
ou de la pratique étudiée, notamment en regard de ses concepts proches), sa structure (quels sont ses
éléments structurants) et ses fonctions (quels sont ses effets). Le cadre que nous proposons permet
enfin de définir l’extension du concept (la liste ou typologie des objets ou pratiques couverts par le
concept). Ce cadre et l’illustration que nous en offrons (étude n°1) pourront potentiellement être utiles
à tout chercheur envisageant de définir un concept.

Les recherches en marketing se sont, depuis les années soixante, majoritairement développées dans le
champ du comportement du consommateur ; peu de recherches portent en revanche sur les
comportements des exécutifs. En nous intéressant aux comportements managériaux, nous répondons à
l’invitation de Wierenga (2011) incitant les chercheurs à quitter la « zone de confort » des études sur le
comportement du consommateur (au terrain plus facile d’accès) pour développer davantage les études
menées auprès de praticiens. Nos travaux permettent en outre d’illustrer l’application de deux
méthodologies proches : la méthode de l’entretien semi-directif et la méthode des cas. Nous
participons en outre à démontrer l’intérêt de mener des études internes à l’organisation au moyen de
l’étude de cas, qui reste encore une méthodologie peu mobilisée dans le champ de la recherche en
marketing (Homburg et al., 2000).

4) Contributions pédagogiques

La littérature académique et pédagogique sur le contenu de marque est peu abondante. Notre recherche
permet de recenser les travaux existants, issus de disciplines diverses (marketing et sciences de
l’information). Il en offre une synthèse qui peut être utile à l’enseignement de la pratique à de futurs
(et actuels) managers.

371
Dans le même ordre d’idées, l’état de l’art réalisé dans le champ de la stratégie marketing permet de
couvrir et de combiner des travaux fondateurs de la discipline (e.g. Mintzberg et al., 2009) avec des
travaux récents et représentatifs d’enjeux managériaux plus actuels (e.g. Dameron et Torset, 2014). Ce
chapitre de thèse pourra constituer un matériau pédagogique utile à l’enseignement du management
stratégique, appliqué au marketing.

Nous avons, par la biais des études de cas réalisées, expliqué la composition et le fonctionnement des
départements marketing et communication de deux entreprises, nous nous sommes attachés à
comprendre la formation de leurs stratégies de contenu de marque, et plus largement des stratégies de
communication et de marketing, qui leur sont liées. Les descriptions que nous dressons finalement des
entreprises Louis Vuitton et voyage-sncf.com constituent une base de travail intéressante en vue de la
composition de deux études de cas pédagogiques à destination de nos étudiants. Les objectifs des cas
développés pourront être par exemple de compendre l’adaptation d’une marque, et de sa stratégie de
communication, aux enjeux des médias digitaux, ou encore d’expliquer et d’illustrer les notions de
stratégie émergente et de stratégie délibérée.

IV. Limites et voies de recherche

 Définition du concept de contenu de marque


Nos travaux proposent quinze dimensions caractéristiques de la pratique et du concept de contenu de
marque. Ces résultats méritent d’être affinés, en précisant notamment lesquelles de ces dimensions
sont nécessaires et suffisantes à la définition du concept, en identifiant en outre celles qui peuvent être
regroupées en un ensemble plus large.
La typologie des pratiques que nous présentons (brand content tactique, brand content thématique,
brand content étendu) mérite par ailleurs d’être illustrée par un plus grand nombre de marques, issues
de secteurs d’activité variés. Une plus grande variété de cas illustrant chaque niveau de la stratégie
viendra notamment renforcer la portée de sa contibution managériale.

 Fonctions et effets des pratiques de contenu de marque


Les effets recherchés par les pratiques de contenu de marque sont, comme nous l’avons vu, dans
l’ensemble très similaires aux effets des publicités classiques. Il conviendrait ici, par le biais d’une
recherche quantitative menée auprès de consommateurs par exemple, de valider la pertinence des
effets relevés à l’issu de notre première étude, ainsi que de préciser sur quels effets le contenu de
marque est plus efficace, en regard de la publicité et d’autres formats de communication.

372
 Compréhension de l’intention de la marque dans ses communications de contenu
Dans le prolongement de nos travaux de thèse, nous envisageons d’affiner notre compréhension des
intentions (et par conséquent des postures) animant la marque dans sa pratique de contenu de marque,
en ayant recours à des méthodes d’analyse sémiotique. Plus précisément, nous souhaiterions procéder
à l’analyse de l’image, à partir d’un corpus de contenus de marque collecté. La démarche actuelle
d’analyse de l’image (Joly, 2009 ; Semprini, 1996 ; Courtès, 1991 ; Tissier-Desbordes, 2004) se fonde
sur les travaux de Barthes (1964). Elle représente un outil d’analyse structurale et a pour objectif de
comprendre le discours implicite d’une annonce publicitaire. Elle consiste à prendre en compte
l’ensemble des objets pertinents à l’objet d’étude : non seulement les mots et la linguistique mais aussi
tous les types de visuels, gestes afin de mettre en évidence leur signification profonde.
Cette nouvelle approche pourra également participer à préciser les ressemblances et dissemblances
entre le contenu de marque et la publicité (par exemple) en s’attachant à comprendre les significations,
et par conséquent les intentions présumées de la marque, pour chacun de ces deux formats de
communication.

 Décision stratégique
Nos travaux apportent des contributions relatives à la décision stratégique par le biais d’une
compréhension des mécanismes de la décision, et des étapes de décision.
Ils ne comportent pas en revanche de compréhension individuelle (au niveau de l’individu) de la prise
de décision, et n’apportent pas d’enseignements quant au rôle de l’individu dans la prise de décision
(comment prend-t-il ses décisions ?).
De la même manière, les comportements politiques individuels (dans des situations de gestion de
conflits par exemple) n’ont pas été révélés. La littérature sur les micro-politiques vise à expliquer les
comportements des équipes en situation d’opposition et de conflit (Fairholm, 1993 ; Pfeffer, 1992).
Des tensions dans la formation de la stratégie ont effectivement pu être identifiées, mais l’étude de
leur résolution à un niveau plus individuel (plus micro) nécessitera de conduire d’autres entretiens
avec les parties prenantes à la stratégie.

 Stratégie de contenu de marque digital et manifestation de la transformation digitale de


l’organisation
Le déploiement du contenu de marque dans une organisation pourra être envisagé comme l’une des
manifestations de la transformation digitale de l’organisation marketing, comme cela a été le cas pour
la marque Red Bull. La transformation digitale se fait dans un mouvement d’apprentissage continu,
aussi bien au niveau de l’organisation en général qu’au niveau de l’individu. Certains managers
endossent alors le rôle d’« évangélisateurs », un rôle pivot dans la transformation de l’organisation.
La transformation digitale implique enfin le développement de nouvelles compétences et une certaine
agilité de l’organisation.

373
Ce thème émergeant de nos travaux n’a pas été présenté lors de la restitution de nos résultats, dans la
mesure où il dépasait le cadre de notre problématique ; il pourra donner suite à d’autres réflexions.
Notre première étude a pu montrer que le travail d’évangélisation se fait par le biais des équipes de
communication (qui détiennent les compétences digitales depuis plus longtemps) auprès des équipes
de marketing-produit.
Ce travail d’évangélisation peut être assimilé à un travail de collaboration entre les équipes au sens
donné par Song et ses collègues (2000) : les membres du projet affrontent les conflits ou les
résistances en recherchant des solutions dans le meilleur intérêt de la stratégie créée ; il se crée alors
une dépendance commune entre les membres du projet.
Il se rapproche aussi très fortement de la stratégie de coalition telle que définie par Sethi et ses
collègues (2012) dans la mesure où la stratégie de coalition vise à obtenir le soutien parmi les
managers de la business unit, afin de gagner des ressources propices à leurs nouvelles idées (Kanter,
1983).

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402
Annexe 1 : Grille des méta-thèmes, thèmes et sous-thèmes ayant émergé de l’étude n°1

Méta-thèmes Thèmes Sous-thèmes Items

Définition du contenu de marque Compréhension du concept Statut du concept Social / Extraordinaire / Non-marchand
Structure du concept Ligne éditoriale / Création / Protéiforme
/ Liquide / Instantané / Continu
Fonctions du concept Emotion / Engagement / Attention /
Image de marque / Proximité / Utilité
Comparaison avec la publicité Différences et interactions
Extension du concept Brand content tactique Définition
Brand content thématique Définition
Brand content étendu Définition
Compréhension des pratiques de Antécédents à la pratique Contexte de scepticisme des
contenu de marque consommateurs
Environnement digital
Concurrence
Visibilité internationale
Contraintes financières
Effets de la pratique Effets attendus Emotion / Engagement / Attention /
Image de marque / Proximité / Utilité
Résultats mesurés
Caractéristiques de la pratique Marque média Logique cinématographique / Logique
journalistique / Nouveaux partenariats
Autres postures disruptives de la Ne pas pa le du p oduit / “ i ite / “e
marque rendre utile
Stratégie de contenu marque >> Réflexions sur la marque et sur la Plateforme de marque
stratégie hybide communication Communication intégrée
Stratégie transversale marketing
communication
Marketing garant du produit versus
o u i atio ga a te de l i age

403
Tensions émergentes de la pratique Posture non-marchande
Schizophrénie des marques >> logiques
marchande et non-marchande
Logiques financière et artistique
Perte de contrôle de la diffusion des
contenus
Arbitrage des ressources

404
Annexe 2 : Exemple de guide d’entretien, deuxième phase empirique,
étude de cas Louis Vuitton (étude n°3)

Première partie : l’organisation marketing

Comment est organisée l’équipe marketing au sens large métiers , communication, autre)?

En résumé, quel est le rôle de chacun, de chaque équipe ?

Comment est organisée votre équipe ? Rôle de chacun ?

Cette organisation a-t-elle évolué au cours du temps ? Pourquoi, qu’est-ce qui a provoqué du
changement ? Comment les équipes étaient-elles structurées par le passé ?

Est-ce que le digital a changé quelque chose dans cette organisation ?

Deuxième partie : la stratégie de brand content digital

Qu’est-ce que la stratégie de brand content digital chez Louis Vuitton ?

Qu’est-ce qu’elle contient ?

Quelles sont les grandes étapes dans son élaboration ?

Comment est-elle décidée ? Par quels acteurs ? Qui en est responsable ? A quel moment ? Qu’est-
ce qui la motive ?

Quelle est la place de la stratégie de BC digital dans le marketing de la marque ? (articulation


avec les activités marketing produit)

Quelle est la place de la stratégie de BC digital dans la communication de la marque ?


(articulation avec les campagnes de communication)

Comment mesurez-vous l’efficacité des communications de contenu versus pub ?

Comment arbitrez-vous les budgets entre contenu de marque digital et autres fomats / formes
de communication ? Quels sont ces autres formats ?

Lors de notre dernier rdv, vous m’avez proposé d’étudier deux cas concrets de BC pour la marque :
l’exposition au Grand Palais et le City Guide.

405
Troisième partie : étude d’un cas concret de communication de BC digital

L’exposition au Grand Palais

Pouvez-vous me raconter l’histoire de ce contenu de l’idée à sa mise en œuvre …

Retraçons les différentes étapes de l’élaboration de l’opération de l’idée ou du besoin à sa


réalisation.

Qu’est ce qui a initié l’idée ? A partir de quel besoin a-t-elle été développée ?

Quels acteurs ont participé à ce projet ? Quel a été le rôle de chacun ?

Quels étaient les objectifs de la création de ce contenu ?

Comment ce contenu s’est-il décliné, articulé avec les autres communications ?

Comment les budgets alloués ont-ils été décidés ? validés ?

Les différents acteurs, équipes parties prenantes au projet avaient-elles les mêmes attentes /
objectifs sur cette opération ? Lesqules ?

L’idée est de comprendre les raisons pour lesquelles cette idée a été proposée, par qui, quelles
ont été les discussions en interne à propos de cette idée, est-ce qu’il y a eu des choix à faire entre
cette idée et une autre, qui l’a réalisée, comment mesurez-vous son impact sur la marque.

Mot de la fin : que retenir de cette opération ?

406
Annexe 3: Grille des méta-thèmes, thèmes et sous-thèmes ayant émergé de l’étude de cas VSC (étude n°2)
Méta-thèmes Thèmes Sous-thèmes Items

Contexte des stratégies L e t ep ise V“C VSC et la naissance du digital


étudiées V“C aujou d hui Premier e-commerçant
Entreprise jeune, esprit start-up
La o atoi e d e p i e tatio
Acivité
Agilité
L o ga isatio at i ielle de V“C Business units puis directions transversale
Rôle de chaque direction
Organisation des Marketing Mission
départements marketing et Expertise de la connaissance client
communication et rôle dans la Communication Communication interne et externe
stratégie marketing Pa kagi g de l off e
La stratégie marketing Rôles des parties-prenantes à la stratégie
marketing (lead de la BU sur les priorités ventes,
lead de la communication sur la marque, lead du
marketing sur la connaissance client)
Le contenu de marque dans la stratégie marketing
Formation de la stratégie Les stratégies des marques Cibles MELTY / KONBINI
émergente de conquête médias Melty et Konbini Positionnements MELTY / KONBINI
de la cible jeune Offres de produits MELTY / KONBINI
Genèse de la stratégie formée Facteurs déclencheurs de la pratique Image de marque, notorité, concurrence
(VSC) Association aux marques médias Melty
et Konbini
Objectifs de la stratégie
Contenu de la stratégie
Transformation Reconnaissance de la portée Tests et essais de bonnes pratiques
contrariée de la stratégie stratégique des actions Volonté de répéter ces essais
émergente en stratégie menées
délibérée Intention des managers à Diagnostic de la situation
rendre la stratégie délibérée Réunion de lancement
Le brand content comme axe de la

407
stratégie de communication
Emergence de tensions et de Manque de définition homogène du Axé sur le produit / versus axé sur la marque
freins à la transformation de brand content
la stratégie Manque de coordination des actions Pas de cohérence entre les contenus produits / Pas
menées de champion de la pratique
Ma ue d allo atio des essou es
Ma ue d o je tifs et de sultats

408
Annexe 4 : Grille des méta-thèmes, thèmes et sous-thèmes ayant émergé de l’étude de cas Louis Vuitton (étude n°3)
Méta-thèmes Thèmes Sous-thèmes Items

Contexte des stratégies étudiées La maison Louis Vuitton Son histoire Evénements fondateurs de
l histoi e de la aiso et de la
marque
“es p io it s st at gi ues aujou d hui
L uipe a keti g Louis Vuitto Ses valeurs
Sa composition
Stratégie de communication et Evolution de la stratégie de
stratégie de contenu de marque communication
Axes de la stratégie de communication
La stratégie de contenu de marque Objectifs de la stratégie de
contenu de marque
Stratégie de brand content tactique Contenu de la stratégie Orientation sur les produits
commercialisés
Formation de la stratégie Des iptio d u e st at gie fo alis e Processus de formation de la
stratégie, Etapes de sa
formation
E e ge e d e e ts i p us Initiatives reconnues comme
dans la stratégie étant stratégiques >>
formalisation
Acteurs de la stratégie Direction générale / Communication
digitale / Métiers / Publicité / Presse /
Evénements
Stratégie de brand content thématique Histoire de la stratégie de
communication de la maison
L e positio au G a d Palais Processus de formation du projet Idée génératrice
Phase de décisions
Mise e œu e

409
Acteurs du projet
Contenus développés
Stratégie de brand content étendu Contexte et piliers de la stratégie Missio de l uipe dito iale
Objectifs de la stratégie
Processus de formation de la stratégie Opportunité, idée génératrice
Reconnaisance de la portée stratégique C atio d u e ellule dito iale
de la collection
Réédition de la collection
Digitalisation
Contenu de la stratégie Produits
Positionnement
Ligne éditoriale
Planification des lancements
Distribution
Politique de prix
Acteurs de la stratégie Directeur éditorial, Président, Directeur
du patrimoine, Directeur de la
communication
Décisions stratégiques

410
Annexe 5 : article paru sur Internet sur l’opération VSC-Konbini

Konbini joue les guides touristiques pour Voyages-


sncf.com et SNCF Intercités
Le 01/12/2015 à 15:22 par Carole Soussan

Konbini présente avec Voyages-sncf.com et SNCF Intercités une série de contenus destinée à
faire découvrir des destinations françaises via les regards de collectifs et artistes passionnés, à
la croisée du guide de voyage et des aventures de sports extrêmes. Nom du projet : Greetings
From. Contenu : une série de cinq articles et deux vidéos révélant les villes du Havre et de
Clermont-Ferrand suivant les déambulations de riders. En parallèle, Konbini vient de lancer le
projet éditorial « Happiness Football Club », une verticale 100% digitale dédiée à l’univers du
football pop en partenariat avec Coca-Cola. Rappelons que Konbini se veut "media de
nouvelle génération" et revendique près de 10 millions de visiteurs par mois dans plus de 30
pays via une approche repensée du journalisme. Réunissant une communauté très active sur
les réseaux sociaux (plus de 1,2 millions fans), Konbini parle aussi de "viralité record de ses
micro-vidéos".

411
Annexe 6 : Photographies de l’exposition
« Volez, Voguez, Voyagez » Louis Vuitton, Février 2016

412
Annexe 7 : Extrait de la brochure de l’exposition « Volez, Voguez, Voyagez » Louis Vuitton, Février 2016

413
414
Résumé Abstract
Le contenu de marque désigne des contenus Brand content refers to editorial contents that
éditoriaux qui sont produits par les marques. Ce are produced by the brand itself. This form of
format de communication va à l’encontre des communication appears to be disruptive
codes habituels : le produit n’est pas mis en compared to traditional advertising as it does
avant et la marque se montre désintéressée never mention the product and thus does not
pour mieux séduire son audience. appear to intend to sell anything to the
Notre recherche vise à comprendre la nature de consumer. The objective is more to seduce the
la pratique (ses motivations, ses effets, ses audience with an interesting and entertaining
acteurs), le processus de formation de la content.
stratégie et les logiques animant ses parties Our research aims at understanding brand
prenantes. content strategies, as well as its actors and
Vingt entretiens individuels (annonceurs et logics.
publicitaires) et deux études de cas Twenty individual interviews with
(voyage-sncf.com et Louis Vuitton) ont été communication experts and two brand case
menés. Nous proposons une conceptualisation studies have been implemented.
du contenu de marque, ainsi qu’une typologie We propose a conceptualization of brand
des pratiques existantes. Nous expliquons le content, as well as a typology of existing
caractère hybride de la stratégie ainsi que sa practices. We explain the formation of the
formation. Nous montrons qu’il existe des strategy and the logics of actors participating to
stratégies de contenu de marque planifiées (ou the formation. We illustrate the fact that strategy
délibérées) et des stratégies émergeant can be formalized (deliberate) or that it can also
d’initiatives non planifiées (émergentes). Nous arise from non-planned initiatives. We finally
relevons les tensions survenues au cours de la present the tensions emerging from the strategy
formation de la stratégie et nous expliquons leur formation.
résolution. Our research contributes to both brand
Nous contribuons ainsi à la fois aux travaux management and strategy as practice
relatifs à la marque et à son management, ainsi literatures.
qu’au champ de la strategy as practice.

Mots Clés Keywords


Contenu de marque, stratégie marketing, Brand content, marketing strategy, strategy
formation de la stratégie, communication de la formation, brand communication.
marque.

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