L'utilisation de La Stabilométrie Dans L'établissement Du Diagnostic Kinésithérapique en Gériatrie
L'utilisation de La Stabilométrie Dans L'établissement Du Diagnostic Kinésithérapique en Gériatrie
L'utilisation de La Stabilométrie Dans L'établissement Du Diagnostic Kinésithérapique en Gériatrie
de la REEDUCATION et READAPTATION
des PAYS DE LA LOIRE
54, rue de la Baugerie
44230 SAINT SEBASTIEN SUR LOIRE
Eric BECKER
Promotion 2008/2011
L'hôpital BELLIER se trouve dans le centre ville de NANTES. Il est rattaché au Centre
Hospitalier Universitaire de NANTES. Il est spécialisé dans la prise en charge des personnes
âgées.
Il propose :
des consultations externes.
un service d’hôpital de jour avec :
- cinq places de médecine ;
- cinq places de soins de suite et réadaptation ;
- 25 places de psycho-gériatrie.
d'une unité de médecine polyvalente gériatrique de 36 lits.
d'une unité de soins de suite et réadaptation gériatriques de 64 lits.
Le stage s’est déroulé dans l’unité de soins de suite et de réadaptation. Deux masseurs-
kinésithérapeutes travaillent à plein temps dans le service. La plateforme de stabilométrie se
trouve dans le service d’hôpital de jour.
RESUME
L’établissement du diagnostic kinésithérapique est une phase capitale du processus de
rééducation. Il doit s’appuyer sur des bilans spécifiques ou non. Un bilan diagnostic est réalisé
pour la prise en charge de Mme R hospitalisée en service de moyen séjour gériatrique. Afin
d’évaluer au mieux les déficiences de Mme R, un bilan clinique et un bilan stabilométrique
sont réalisés. L’examen clinique montre une réduction considérable de l’autonomie par la
présence de troubles de l’équilibre importants. La stabilométrie apporte une analyse plus
précise des troubles de l’équilibre. Seulement, des biais existent dans la réalisation de
l’évaluation de Mme R. L’interprétation des résultats qui s’en suit n’est donc pas fiable.
D’après l’analyse de ce cas, il en ressort que la stabilométrie n’est pas appropriée dans
l’établissement du diagnostic kinésithérapique.
MOTS CLES :
- Stabilométrie
- Gériatrie
- Equilibre
SOMMAIRE
1 Introduction ......................................................................................................................... 1
2 Problématique ..................................................................................................................... 2
6 Discussion ......................................................................................................................... 18
7 Conclusion ........................................................................................................................ 24
1 INTRODUCTION
La chute du sujet âgé est devenue une des principales préoccupations des services de gériatrie.
C’est un événement qui arrive fréquemment. En effet, une personne sur trois de plus de 65 ans
et une personne sur deux de plus de 85 ans chutent au cours d’une année.
La chute est la première cause de mort accidentelle chez la personne âgée, elle est la cause de
8500 décès chaque année. Le nombre de chutes et le temps passé au sol sont deux facteurs
augmentant le risque de décès dans l’année. Cependant les chutes n’entraînent que dans 10%
des cas une lésion traumatique de l’appareil locomoteur (1). En revanche un traumatisme
psychologique ainsi qu’un ralentissement psychomoteur peuvent apparaître après la chute. Ce
choc émotionnel peut aboutir à une régression importante avec une désadaptation physique
conduisant à une réduction de l’autonomie. L’amenuisement des aptitudes physiques se
traduit par un trouble de la posture et de la marche. Par ailleurs, le vieillissement des grandes
fonctions et du système postural entraine une fragilité plus importante chez certaines
personnes âgées.
L’association de cette vulnérabilité latente et de la chute peut déclencher l’apparition d’un
syndrome post-chute. Il amène une réduction spontanée de l’activité ainsi qu’une diminution
des capacités fonctionnelles. Il s’en suit une augmentation importante de la dépendance du
sujet âgé.
1
La CIF se fonde sur trois niveaux de classification :
- Les déficits de structures organiques et des fonctions anatomiques ;
- La limitation d’activité de la vie quotidienne ;
- La restriction de participation à la vie sociale.
Lors de ce bilan diagnostic, il est difficile pour le thérapeute d’évaluer toutes les déficiences
du sujet de manière exhaustive.
Afin d’effectuer un bilan initial plus pertinent, certains outils existent pour trier et analyser les
données constatées sur le patient. Les outils d’évaluations appartiennent à la même catégorie
que le diagnostic kinésithérapique. En effet ils découlent de la CIDIH (Classification
Internationale des Déficiences, Incapacités et Handicaps), ancêtre de la CIF.
Ils font suite aux publications de l’OMS (Organisation Mondial de la Santé) qui décrivent le
besoin d’évaluer la conséquence des maladies sur le patient. F. BETOUX et P. CAMELS
détaillent les trois niveaux d’évaluation nécessaires à chaque bilan effectué par le
kinésithérapeute (3):
- L’évaluation du pronostic ;
- L’évaluation discriminative des besoins ;
- L’évaluation descriptive du devenir.
2 PROBLEMATIQUE
Ces outils peuvent prendre diverses formes pour guider le thérapeute dans son évaluation.
En gériatrie notamment, il existe de nombreux bilans fonctionnels aidant à dépister et coter les
troubles de l’équilibre. Certains d’entre eux font consensus pour l’évaluation des pertes
d’aptitudes fonctionnelles et des risques de chutes (4).
Il existe également d’autres outils d’évaluation plus généraux, non spécifiques à la gériatrie,
aidant le thérapeute dans l’établissement de son diagnostic kinésithérapique.
Ce mémoire présente l’analyse comparative des différents éléments permettant d’établir le
bilan diagnostic kinésithérapique d’une personne âgée. Cette analyse repose sur la prise en
charge d’une patiente, Mme R, dans le service de moyen séjour gériatrique de l’Hôpital
BELLIER.
Le bilan de cette patiente présente deux volets : un examen clinique et un examen réalisé sur
plateforme de stabilométrie.
L’examen stabilométrique complémentaire est réalisé en vue d’apprécier de manière plus
précise les déficiences de la patiente.
2
Cette analyse quantifiée apporte des mesures informatiques sur le maintien de la posture. Ces
informations recueillies ne sont pas observables même lors d’un examen clinique approfondi.
Cependant il est nécessaire d’être familiarisé avec l’outil pour réaliser et analyser l’examen
dans les meilleures conditions. Par ailleurs, Mme R présente un syndrome post-chute avéré,
une démence légère et un syndrome de glissement récent. Ces troubles posturaux, cognitifs et
attentionnels mis en évidence par l’examen clinique, rendent l’évaluation stabilométrique
complexe.
3 BILAN CLINIQUE
Mme R, âgée de 86 ans, vit seule dans un appartement de plain-pied, dans un immeuble avec
ascenseur. Elle est autonome pour la toilette. Elle bénéficie d’une livraison des repas à
domicile ainsi que d’une aide-ménagère trois fois par semaine.
Avant son hospitalisation, Mme R déambulait seule avec une canne simple dans son
appartement. Dehors, elle marchait accompagnée de quelqu’un avec un périmètre de marche
d’environ 2 kilomètres.
3.2 ANAMNESE
Mme R est admise le 13 juillet 2010 à l’hôpital BELLIER pour un sepsis du genou gauche à
la suite de la pose d’une prothèse en juin 2010. Ce sepsis a été traité par un lavage et une
synovectomie.
La patiente présente une polyarthrite rhumatoïde n’ayant pas de retentissement fonctionnel.
Elle a subi une triple angioplastie sur coronaropathie en 2001.
3
Mme R a déjà été admise en septembre 2008 pour une chute ayant entraîné une fracture de la
branche ischio-pubienne, entrainant une désadaptation psychomotrice Une consultation en
neurologie en mai 2009 confirme la présence d’un syndrome post-chute modéré. Il y a une
légère rétropulsion ainsi qu’une abolition des réactions parachutes. Son score au MMS (Mini
Mental Score) est de 25 /30 ce qui indique la présence d’une démence légère.
Au début du mois de juillet 2010 la patiente est autonome pour sa toilette et marche entre les
barres parallèles en salle de kinésithérapie. Cette nouvelle hospitalisation déclenche une
régression. Durant le mois de juillet son état général se dégrade. Mme R est très déprimée et
exprime le souhait de vouloir mourir. Elle est sujette à des malaises fréquents autant en salle
de rééducation que lors des activités de la vie quotidienne. L’équipe médicale décide de
mettre en place un traitement antidépresseur. Son état général s’améliore et la rééducation
peut reprendre un cours normal au début du mois de septembre.
A cette date, Mme R effectue ses déplacements en fauteuil roulant pour venir en salle de
kinésithérapie. C’est donc en fauteuil que Mme R arrive lors de l’examen clinique début
septembre.
L’examen clinique de Mme R commence par l’évaluation des fonctions supérieures. Compte
tenu de ses antécédents, le résultat de cette évaluation influence la suite du bilan et de la prise
en charge. Mme R comprend bien et répond correctement aux ordres simples. L’exécution des
ordres complexes est ralentie, mais elle réalise le test des trois papiers correctement. Ce test
est couramment utilisé en neurologie. Le thérapeute propose à la patiente trois papiers de
taille différente et lui donne une consigne différente à réaliser pour chaque morceau de papier.
Cet exercice est compliqué par la présence chez la patiente de troubles attentionnels
importants qui nécessitent de la stimuler en permanence.
Tout au long de l’examen clinique, Mme R montre des signes de troubles de la mémoire
immédiate, ce qui est cohérent avec la démence légère évaluée avec le MMS figurant dans le
dossier.
L’examen de la douleur qui est réalisé au cours de la séance doit donc être analysé avec
réserve. Mme R se plaint de douleurs cotées à 60 au niveau du genou gauche sur l’EVA
(Echelle Visuelle Analogique).
4
Ces douleurs apparaissent la nuit et laissent penser à des douleurs de type inflammatoire.
Cependant, lors de la lecture du dossier, il n’y a pas de transmission indiquant que Mme R se
plaint de douleur la réveillant la nuit.
L’examen cutané trophique et circulatoire révèle la présence d’un œdème sur les deux
membres inférieurs au niveau des genoux, des mollets et des chevilles. La périmétrie est
sensiblement la même des deux côtés. Cependant le signe du glaçon, positif à gauche mais pas
à droite, indique la présence d’une hydarthrose du genou gauche. L’absence de rougeur ou de
chaleur infirme la présence d’un syndrome inflammatoire majeur. La périmétrie de la cuisse
mesurée10 cm au-dessus à 10 cm de la base de la rotule montre une amyotrophie du
quadriceps gauche avec 36 cm à gauche contre 40 à droite.
L’examen des signes de la phlébite est négatif.
La cicatrice du genou gauche est bien refermée et non adhérente.
L’examen de la semelle plantaire est normal. Le test des barorécepteurs plantaires ne révèle
pas d’hypoesthésie de la semelle plantaire.
Mme R ne présente pas d’attitude vicieuse en position allongée. Les amplitudes de hanches
sont normales. Les amplitudes de genoux sont de :
- 0° en extension ;
- 130° en flexion à droite ;
- 120° en flexion à gauche.
120° correspond à l’amplitude maximale atteinte après la pose d’une prothèse de genou. Le
sepsis au niveau du genou gauche n’a donc pas entrainé de fibrose capsulo-ligamentaire.
En revanche les chevilles présentent des raideurs en flexion dorsale, avec 0° genoux tendus et
10° genoux fléchis, soit une hypoextensibilité des deux triceps.
L’examen de la force musculaire met en évidence une diminution globale de la force des
membres inférieurs de Mme R. Cet examen est réalisé grâce au testing international (5).
Les cotations sont les mêmes à gauche et à droite pour la plupart des muscles :
- 4 pour les tibiaux antérieurs ;
- 3 pour les psoas ;
- 4 pour les ischio-jambiers et les grands fessiers.
5
En revanche les cotations diffèrent à gauche et à droite pour les muscles suivants :
- Les quadriceps et triceps sont cotés à 4 à gauche et à 4+ à droite ;
- Les moyens fessiers sont plus faibles avec 3+ à gauche et 4 à droite.
Il y a donc un déficit de la chaine antigravitaire du côté gauche. Mais Mme R arrive à décoller
le membre inférieur gauche genou en extension et est capable d’effectuer le pont pelvien bi-
podal pendant 10s.
L’examen des capacités fonctionnelles de Mme R démarre par la réalisation du TMM (Test
Moteur Minimum) (6). Il permet d’évaluer les patients très âgés et ceux présentant des déficits
cognitifs. Les items, développés dans le TMM évaluent les capacités motrices et posturales
simples, correspondant à l’autonomie du patient nécessaire en chambre. Les items sont cotés
soit à 0 (action non réalisée) soit à 1 (action réalisée). Le score final est donné sur 20.
Le TMM de Mme R est de 14/20. Elle présente une rétropulsion en position assise et en
position debout. La station uni-podale lui est impossible. Lors de la marche, Mme R a un
flessum de genou et n’est pas capable de réaliser un demi-tour harmonieux. Les autres actions
posturo-motrices sont réalisées mais de manière adaptative et lente. L’analyse de ce test seul
ne permet pas d’apprécier de manière précise les déficits fonctionnels de Mme R. Il est
nécessaire d’effectuer d’autres tests afin de mettre en lien les déficits de structures de la
patiente avec ses incapacités fonctionnelles.
Le deuxième test présent sur la fiche de bilan et faisant également partie de l’arbre décisionnel
de la HAS est le TUG (Time Up and go Test). Il provient d’un test créé en 1986 par
MATHIAS et al (4). A cette époque les tests étaient exclusivement réalisés en laboratoire et ne
correspondaient pas à la réalité observée sur le terrain.
6
Le premier test décrit est le Get Up and go Test : le patient doit se lever d’une chaise,
marcher trois mètres devant lui, faire demi-tour et revenir s’asseoir sur la même chaise. Le
clinicien qui évalue le test doit coter sur une échelle de 1 à 5 si le patient présente un risque de
chute. La cotation 1 correspond à un risque de chute nul, la cotation 5 à un risque important.
Le TUG est donc une variante du Get Up and go test, décrite par D. POSDSIADLO et S.
RICHARDSON (7). Les conditions de réalisation sont les mêmes mais ici le clinicien
chronomètre juste le temps que met le patient à réaliser le test. Plus le score est important,
plus il reflète la dépendance du sujet dans ses activités de la vie quotidienne.
Le résultat situe le patient dans une fourchette de temps qui détermine le risque potentiel de
chute. Durant le test, le patient peut de conserver son aide technique durant le test. Il a
également le droit de réaliser une première fois avant d’effectuer l’épreuve chronométrée.
Le test de Mme R s’est déroulé dans des conditions similaires à celles décrites dans les études.
Un plot avec un bâton est placé devant elle pour marquer l’endroit où faire demi-tour. Elle
réussit à effectuer le test sans l’aide du kinésithérapeute et sans recevoir d’explication durant
celui-ci. Elle réalise l’évaluation en plus de 30 secondes avec un rollator deux roues deux
patins. Mme R présente donc une dépendance très importante.
Selon les critères de l’INPES (Institut National de Prévention et d’Education à la Santé) et de
la SFDRMG (Société Française de Documentation et de Recherche en Médecine Générale),
les valeurs normales seuils sont respectivement de 20 secondes et 14 secondes (8).
D’après certains auteurs le TUG qui évalue la dépendance du sujet serait aussi un outil
prédictif des risques de chutes. Ainsi selon A. SHUMWAY-COOK et al. (9)Mme R présente
un risque de chute important étant donné que son score au TUG est supérieur à 14s.
Le troisième test utilisé pour évaluer le potentiel de Mme R est le Test de TINETTI.
L’épreuve ou test de TINETTI a été décrit pour la première fois par M. TINETTI en 1986
(10). Aujourd’hui il est un des tests références pour l’évaluation du sujet âgé.
Il est utilisé en court ou long séjour gériatrique comme en centre d’évaluation gériatrique. Le
principe de l’épreuve de TINETTI est d’évaluer l’équilibre statique et dynamique du patient.
Il existe de nombreuses formes dans la manière d’effectuer le test de TINNETI. Cependant,
ils ont tous comme support des items sur l’équilibre et la marche notés individuellement. Le
total des items donne un score global qui situe le patient par rapport à une norme.
7
L’article original de M. TINETTI décrit 13 items pour l’évaluation de l’équilibre statique et 9
pour celle de l’équilibre dynamique, cotés chacun de manière individuelle :
L’AFREK propose une version différente du TINETTI. Il a les mêmes items mais ne se cote
pas de la même manière :
Une personne saine ne présentant pas de trouble de l’équilibre a donc un score de 0 sur 35. Un
score de 35 correspond à la situation la plus défavorable.
Le test utilisé par la patiente est celui proposé par l’AFREK. Le résultat du Test de Mme R
donne un score de 22/35 (ANNEXE 2). Il y a donc chez Mme R une altération importante de
l’équilibre.
L’analyse du score total de TINETTI n’a jamais été reliée à une étude évaluant un risque de
chute. Il est nécessaire de le décomposer par items pour apprécier les capacités fonctionnelles
de Mme R et analyser les situations à risques.
La position assise sans accoudoir est tenue de manière adaptative. Spontanément la patiente
est légèrement rétro-pulsée. Elle n’a pas conscience de sa rétropulsion mais arrive à corriger
sa posture à la demande. De plus, elle ne présente pas d’appréhension du vide lors de
l’antériorisation du centre de gravité. Le passage debout est lent et difficile ceci est dû à une
8
perte des automatismes et notamment d’un manque d’antépulsion de son tronc. De même, elle
met un moment avant de trouver son équilibre une fois debout.
La station debout est tenue mais nécessite beaucoup d’attention. Mme R est déséquilibrée par
la rétropulsion déjà présente en position assise. La position bi-podale pieds nus majore cette
rétropulsion par rapport à sa posture avec un chaussage adapté. Elle objective la présence
d’une hypoextensibilité tricipitale. Malgré la compensation talonnière, Mme R ressent le
besoin de projeter son tronc vers l’avant afin de pallier la traction de ses triceps vers l’arrière.
Cette position amène une dépense énergétique importante et donc une fatigue précoce.
La patiente arrive également à ramasser un objet devant elle. Les déséquilibres intrinsèques ne
sont pas source de chute chez la patiente mais elle doit rester très vigilante lors de ces
déstabilisations.
La patiente ne tient pas l’équilibre les yeux fermés pieds joints pendant plus de 10 secondes.
Ses systèmes vestibulaire et proprioceptif ne sont pas suffisamment pertinents. Mme R a
besoin de ses afférences visuelles pour s’équilibrer.
La station uni-podale est impossible malgré un transfert d’appui présent. Ce n’est pas la force
mais l’équilibre de Mme R qui est insuffisant pour permettre la station uni-podale.
Le passage debout à assis n’est pas réalisé de manière sûre. Mme R ne contrôle pas son
mouvement. Son buste part en arrière de façon brutale. Il n’y a pas de frein à la flexion des
genoux et des hanches. Mais lorsque la même épreuve lui est demandée en donnant des
consignes de frein au mouvement, celui-ci est réalisé correctement. Comme pour la mise
debout, la perte des automatismes entraine une situation à risque lors de l’assise.
9
De même lorsque la patiente ne porte pas toute son attention sur la marche, elle fait des
embardées à droite ou à gauche avec une impossibilité de se rattraper seule. Lors de ces
embardées, seules les réactions parachutes des membres supérieurs se mettent en place. Ses
réactions sont efficaces uniquement dans des situations offrant la possibilité de se rattraper
avec les membres supérieurs (murs, meubles, barres de couloir…). La marche dans les grands
espaces est dangereuse pour la patiente. La stabilité de la trajectoire n’est pas sûre. Il y a des
risques importants de chute, avec une absence de déclenchement de la stratégie de pas.
Lorsque la marche est évaluée avec son déambulateur, Mme R ne fait plus d’embardées sur le
côté. Mais elle est toujours entrainée vers l’avant pendant la marche. Elle présente toujours
des risques importants de chutes antérieures. Son périmètre de marche avec son rollator est de
200m sans pause et sur terrain plat.
Mme R ne présente pas d’appréhension lors de la mise au sol mais se trouve dans l’incapacité
de se relever seule.
Pour évaluer l’autonomie, trois échelles sont utilisées pour bilanter Mme R :
- la mesure d’indépendance fonctionnelle ou score de MIF ;
- l’indice de BARTHEL ;
- le score IALD (Independance in activities of daily living).
Les échelles MIF et BARTHEL, donnent respectivement un score de 94/126 et de 70/100.
L’analyse de ces deux scores reflète une dépendance légère. En revanche le score IALD, de
6/14, indique que Mme R est dépendante d’une tierce personne pour faire ses courses, son
ménage, sa lessive, ses finances, la gestion de son traitement médicamenteux et ses
déplacements domestiques. Mme R est donc assez dépendante pour les activités de la vie
quotidienne. Elle ne serait pas capable d’être autonome sans une aide importante à domicile.
4 DIAGNOSTIC KINESITHERAPIQUE
Mme R, 86 ans, est entrée à l’hôpital BELLIER le 13 juillet 2010 pour un sepsis du genou
gauche à la suite de la pose d’une prothèse de genou. Elle a déjà été hospitalisée pour une
fracture de la branche ischio-pubienne gauche suite à une chute. Elle présente en 2009 un
syndrome post chute modéré, avec une démence légère. Durant son hospitalisation son état
général s’est dégradé, avec un syndrome de glissement majeur.
10
Les fonctions supérieures de Mme R sont altérées avec un MMS à 24/30. Elle a une lenteur de
compréhension et d’exécution des ordres complexes. Elle ne présente pas d’appréhension du
vide en position assise ou debout. Elle montre également des troubles attentionnels importants
ayant un impact direct sur ses capacités fonctionnelles.
Mme R se déplace en fauteuil, est autonome dans les transferts lit-fauteuil et assis couché.
Elle présente des troubles de la station assise, avec une rétropulsion provoquée par les
séquelles de son syndrome post-chute. Cette rétropulsion entrave les transferts assis-debout, la
patiente n’anté-pulse pas suffisamment son tronc pour se mettre debout normalement. Elle
présente une perte de repère de la verticale subjective.
L’équilibre de Mme R en position debout est maintenu grâce à certaines compensations. La
rétropulsion séquellaire et l’hypoextensibilité de ses triceps provoquent chez Mme R un
déséquilibre important vers l’arrière. Ce déséquilibre est corrigé grâce à l’antéposition de son
tronc et d’un chaussage adapté. En position debout Mme R fait appel préférentiellement à son
entrée visuelle et néglige son système proprioceptif et vestibulaire.
La marche sans aide technique est précaire avec des embardées fréquentes. L’absence des
réactions parachutes des membres inférieurs ne permet pas à Mme R de réagir aux ruptures
d’équilibre qu’elle subit. Ce trouble est en partie compensé par un déambulateur.
L’antépulsion du tronc qui entraine un déséquilibre vers l’avant lors de la marche n’est pas
contrebalancée, ni par le déambulateur ni par l’action des triceps. Mme R conserve toujours
un risque de chute important vers l’avant. Ce risque de chute est confirmé par les scores
réalisés au test de TINETTI et au TUG qui attestent de la présence d’une marche lente et non
physiologique.
Cette désadaptation posturo-cognitivo-motrice entraine une limitation dans les activités de la
vie quotidienne. Mme R est très dépendante d’une tierce personne pour les soins quotidiens.
Le retour à domicile et la reprise de ses activités quotidiennes sont impossibles pour le
moment.
L’hôpital BELLIER a ouvert depuis peu un hôpital de jour gériatrique. Ce service possède du
matériel spécifique pour l’évaluation et la rééducation des patients, et en particulier une
plateforme de stabilométrie.
11
Ce type de matériel est de plus en plus utilisé dans les centres hospitaliers et les centres de
rééducation tant pour la rééducation que pour l’évaluation. L’analyse de la posture est fondée
sur l’idée que le centre de gravité de l’homme est en perpétuelle oscillation. L’équilibre
correspond donc à la correction des déplacements du centre de gravité.
Cette régulation continuelle ne permet pas à l’homme de maintenir son centre de gravité en
équilibre parfait. Lors de la station debout le centre de gravité oscille d’avant en arrière et de
gauche à droite. Le principe de base de la stabilométrie est de mesurer la longueur de ces
oscillations ainsi que leurs fréquences. Ces mesures sont réalisées grâce à une plateforme de
force qui analyse la répartition des pressions sous la semelle plantaire. Le centre de pression
est fortement lié au centre de gravité. Cette interaction entre les deux est assimilable à un balai
qui tient en équilibre sur un doigt. Il faut déplacer continuellement le doigt pour stabiliser le
12
haut du balai. Le centre de pression se déplace plus vite et plus loin que le centre de gravité
pour le maintenir en équilibre.
L’ordinateur relié à la plateforme mesure la position du centre de pression à un instant donné.
Les mesures obtenues indiquent la stratégie du sujet pour maintenir son centre de gravité en
position moyenne (13) (Annexe 3).
L’ordinateur analyse ensuite les données. Il les compare aux normes déterminées en 1985 par
l’AFP (Association Française de Posturologie). Ces valeurs normales sont définies dans la
« Norme 85 ».
La plateforme de force qui est à l’hôpital BELLIER respecte donc les normes définies par
l’AFP. L’examen de Mme R se déroule dans le service d’hospitalisation de jour qui a une
salle spécifique réservée à la stabilométrie. Cette épreuve stabilométrique s’effectue avec
l’aide d’un masseur-kinésithérapeute (M-K) formé pour l’utilisation de ce type de matériel.
Mme R connait le M-K réalisant le test. Cela calme un peu l’angoisse de se retrouver dans un
environnement qu’elle ne connait pas.
L’évaluation sur la plateforme est expliquée à la patiente : elle doit monter sur la plateforme,
positionner ses pieds de manière centrée et ne plus bouger. Elle a un appui antérieur sur une
rampe pour ne pas chuter. Durant le test elle a pour consigne de rester en équilibre sur la
plateforme pendant une minute sans bouger les pieds et sans se tenir avec les mains.
L’examen dure une minute mais l’enregistrement des oscillations dure 51,2 secondes. Ce
temps correspond à la durée la plus fiable d’examen (13).
Le test doit être réalisé à plusieurs reprises avec Mme R. La consigne de rester immobile et de
ne pas s’agripper est difficile pour elle. Elle ressent le besoin de se rattraper avec les membres
supérieurs. Afin d’éviter toute compensation des membres supérieurs, la rampe de soutien
antérieure est éloignée de Mme R pour l’obliger à développer ses autres stratégies
d’équilibration. Le M-K reste en parade derrière la patiente pour éviter la chute. Mme R n’est
pas capable de tenir la position suffisamment longtemps en étant pieds nus. Les
enregistrements servant ici de support d’analyse sont donc réalisés avec ses chaussures
compensées. Durant le test Mme R doit être stimulée de manière importante pour lui
permettre de tenir debout toute la durée de l’enregistrement.
13
Pendant l’enregistrement, la position
moyenne (X moyen et Y moyen) du centre de
pression par rapport à l’axe antéropostérieur
et l’axe médio-latéral se trouve dans les
valeurs normales définies par l’AFP. Malgré
tout, la répartition des appuis de Mme R est
plutôt sur le membre inférieur droit (23,1kg à
gauche et 30,7kg à droite) et les oscillations
du centre de pression se situent plutôt en
avant du centre de pression théorique de la
patiente. La longueur ainsi que la surface des
déplacements sont bien au-delà des valeurs
Figure 1: Répartition des appuis de
normalisées. Mme R yeux ouverts.
Ceci est confirmé par le déséquilibre de Mme
R dans les plans frontaux et sagittaux.
Dans le plan frontal le stabilogramme indique une amplitude d’oscillation bien supérieure à la
moyenne avec une fréquence d’oscillation très faible.
Dans le plan sagittal la longueur de déplacement est très importante avec une fréquence
d’oscillation importante.
La comparaison entre la longueur de déplacement et la surface parcourue (LFS) est inférieure
à la moyenne. Mme R dépense donc une énergie inférieure à la moyenne pour ses stratégies
d’équilibration.
La VFY correspond à la relation qui existe entre la vitesse de déplacement du centre de
gravité et le déplacement moyen en Y (13). La VFY de Mme R est très supérieur à la
moyenne.
Le deuxième test, effectué les yeux fermés, doit être réalisé plusieurs fois pour réussir à
enregistrer une épreuve sans que Mme R n’ouvre les yeux. Comme lors du premier test, elle
doit être stimulée fortement pour tenir l’équilibre.
14
Les résultats obtenus les yeux
ouverts sont tous majorés lorsque la
patiente effectue l’examen les yeux
fermés. En effet, son centre de
gravité se déporte un peu plus vers
l’avant et vers la droite.
La plupart des valeurs mesurées montrent que Mme R se situe dans les patients « anormaux »,
puisqu’elle ne rentre pas dans les fourchettes de normalité de la « Norme 85 ».
Les résultats des tests réalisés yeux ouverts et yeux fermés traduisent une instabilité dans le
plan antéro-postérieur avec des oscillations majeures en avant et en arrière du centre de
pression. Cette analyse est corrélée à une augmentation importante de la VFY donnant la
preuve d’une hypotonie tricipitale (14). La position moyenne du centre de pression de Mme
R, selon l’axe antéro-postérieur, est en avant de la position théorique de celui-ci.
La patiente a un appui préférentiel sur le membre inférieur droit donc un manque d’appui sur
le membre opéré. L’instabilité dans le plan frontal est analysée par l’ordinateur comme une
sous utilisation des boucles intermédiaires soit un déficit de perception sensorielle.
15
La surface et la longueur de déplacement attestent d’un manque d’adaptation posturale
important. Ce déficit d’équilibre peut être une anomalie dans la perception et l’intégration
sensitive, ou un problème des muscles régulateurs de la posture. Or le coefficient de
ROMBERG est normal. Il n’y a donc pas de sous-utilisation des systèmes proprioceptif et
vestibulaire. En revanche la LFS de Mme R est considérablement diminuée par rapport à la
valeur seuil. La patiente dépense peu d’énergie en comparaison des déplacements importants
de son centre de pression. Cela semble indiquer que le déficit du maintien de la posture est
davantage lié à une faiblesse des muscles effecteurs que de son système afférent (13).
L’analyse comparative des deux examens, clinique et stabilométrique, montre des points de
concordance mais aussi de discordance.
L’analyse des oscillations du centre de pression antéro-postérieur est en accord avec les
troubles observés dans le bilan diagnostic. L’examen stabilométrique atteste des oscillations
importantes et du déséquilibre.
En effet, les oscillations du centre de pression visibles sur le stabilogramme n’étaient pas
observables de façon si marquée dans l’observation clinique. Cela provient du fait que
l’appareil analyse les oscillations du centre de pression, alors que l’examinateur observe le
maintien du centre de gravité. La plateforme de stabilométrie révèle la faible efficacité des
systèmes d’adaptation posturale dans le plan sagittal.
Cette instabilité antéro-postérieure est confirmée par l’hypotonie des triceps relevée par la
plateforme de force. Cette faiblesse des muscles postérieurs de la jambe avait déjà été
observée dans l’examen clinique mais uniquement pendant la marche. Selon l’enregistrement,
cette faiblesse est néfaste également pour l’équilibre statique.
Pour ces deux mesures, oscillation et VFY, examen clinique et stabilométrique vont dans le
même sens avec une amélioration de la précision des résultats grâce à la plateforme de force.
En revanche les autres résultats stabilométriques ne sont pas en accord avec les résultats
trouvés en situation d’évaluation clinique sur trois points:
- La position moyenne du centre de pression se situe en avant de son emplacement
théorique. A l’examen clinique, l’observation de la patiente montre qu’elle se
trouve en rétropulsion. Au contraire le stabilogramme indique que Mme R est
déséquilibrée vers l’avant.
16
Or sans son chaussage la patiente ne peut rester sur la plateforme sans chuter vers
l’arrière. Les semelles compensées ramènent son centre de pression de manière
importante vers l’avant.
- Le stabilogramme dans le plan frontal montre une asymétrie de 20% dans les
appuis de Mme R. L’appui sur le membre inférieur gauche est moins important.
Cette anomalie de la statique ne se retrouve pas dans l’examen clinique.
- Lors du test de TINETTI, la fermeture des yeux entraine des pertes d’équilibre trop
importantes. Cela semble démontrer que les troubles d’équilibre de Mme R sont un
déficit du système sensoriel.
Or, sur la plateforme de stabilométrie Mme R est capable de tenir plus de 52
secondes les yeux fermés avec le même chaussage. La stimulation de Mme R était
plus importante lors de l’examen stabilométrique. Le chaussage étant le même
dans les deux évaluations, c’est la stimulation verbale du M-K qui améliore la
qualité de son équilibration.
En comparant les deux résultats il apparait des divergences qui influenceront le type de
rééducation entreprise. L’examen stabilométrique apporte de nouveaux éléments sur Mme R
qui modifient les objectifs de la rééducation (figure 3).
17
Figure 3: Différence entre examen clinique et examen stabilométrique.
6 DISCUSSION
Critique de la stabilométrie
18
La compensation talonnière place la patiente trop vers l’avant et crée un déséquilibre que l’on
retrouve lors de la marche.
Par ailleurs il est toujours possible de comparer deux épreuves stabilométriques d’un même
patient dans le temps. Or une seconde évaluation, réalisée dix jours plus tard, a montré des
progrès par rapport à la première, objectivant ainsi les progrès obtenus en rééducation.
Il y a donc un intérêt objectif à avoir utilisé la plateforme de stabilométrie.
Par ailleurs de nombreux biais existent dans l’interprétation de ces résultats. Le premier est
qu’il y a un vieillissement normal du système postural (14). Une étude réalisée par M-V.
HURLEY et al (15) a montré qu’il existe une diminution physiologique des capacités
musculaires et proprioceptives du sujet âgé. L’étude regroupe trois catégories de personnes :
des sujets jeunes, des sujets d’âge moyen et des sujets âgés. L’auteur mesure la capacité de
contraction du quadriceps, la force et la proprioception de celui-ci. L’étude prouve qu’il y a
une diminution de ces trois paramètres de façon significative. Or une diminution de la force,
de la proprioception et de la capacité d’activation aura un retentissement sur la capacité
posturale du sujet. En excluant les autres troubles de Mme R, il y aurait eu de toute façon des
asymétries de la posture lors de l’analyse stabilométrique, car les valeurs de la « norme 85 »
sont calculées chez des sujets jeunes.
L’analyse de la VFY porte également à confusion. Elle est critiquée quant à son niveau réel de
preuve. Pour rappel, la VFY correspond à la corrélation qui existe entre la vitesse du
déplacement du centre de gravité et la position du centre de gravité dans l’axe antéro-
19
postérieur. Grâce à un calcul mathématique complexe, il est possible d’établir la relation entre
la VFY et la tension tricipitale du sujet (13). Cette modélisation s’appuie sur la stratégie de
cheville. L’homme oscille comme un pendule inversé autour de cette articulation, les muscles
du segment jambier étant les ressorts qui permettent de limiter les oscillations au niveau de la
cheville. Le centre de gravité d’un sujet normal est situé en avant de l’axe tibio-tarsien. Les
muscles de la loge postérieure de jambe luttent en permanence pour limiter un déport plus
important vers l’avant du centre de gravité.
Les études montrent que les forces des muscles effecteurs de l’équilibre chez le sujet âgé ont
une décomposition différente (16). Les forces tractent globalement le sujet vers l’arrière en
passant le centre de gravité à l’aplomb voire en arrière de l’axe tibio-tarsien. Le triceps
accentue encore plus le déséquilibre vers l’arrière. Le sujet cherche dès lors à utiliser sa
stratégie de hanche pour se ramener vers l’avant et sollicite beaucoup moins au quotidien ses
muscles de la loge postérieure de jambe (13). La tension du triceps décroît donc de façon
inéluctable. Il y a une augmentation de la VFY qui reflète une diminution physiologique de la
tension du triceps.
La décomposition des forces permettant le maintien de l’équilibre du sujet âgé amène à une
réflexion sur l’antépulsion de Mme R sur la plateforme de force. Il serait logique que Mme R
soit rétroplusée. Or sur l’enregistrement elle se trouve déportée vers l’avant. Il y a une
incohérence avec le fait qu’elle ne puisse pas tenir en équilibre sans son chaussage.
Le passage entre l’équilibre avec chaussage et sans chaussage doit juste permettre de redresser
Mme R. Le problème ne provient pas d’un déport antérieur volontaire mais d’un chaussage
inadapté amenant Mme R trop vers l’avant.
Le chaussage pose également la question des conditions dans lesquelles est réalisé l’examen
stabilométrique. Les normes de l’AFP (13) décrivent un test réalisé pieds nus dans un
environnement avec un éclairage de 2000 lux. Le patient doit avoir une cible à 90cm devant
lui. Si ces conditions ne sont pas respectées le patient devient sa propre référence et ne peut
pas être comparé à la «norme 85». Compte tenu des conditions d’examen de Mme R, les
résultats obtenus ne peuvent pas être comparés à des valeurs seuils. D’autres valeurs que la
VFY, comme la LFS ou le quotient de ROMBERG, ne peuvent plus être prises en référence
pour attester d’un trouble plutôt que d’un autre.
20
Compte tenu de tous les biais évoqués précédemment, chez Mme R la stabilométrie ne peut
pas être utilisée comme outil de diagnostic. Un article de P-M. GAGEY (17) sur la place de
stabilométrie confirme qu’elle n’est pas un outil de diagnostic et cela pour deux raisons :
- La stabilométrie évalue de façon globale la capacité musculaire du sujet à ramener
son centre de gravité dans une position moyenne. Elle n’évalue pas les stratégies
toniques posturales utilisées par le sujet pour se maintenir dans une position stable.
- La stabilométrie ne définit pas le sujet « normal » mais compare le patient à une
population de référence considérée comme normale. Or certaines pathologies
n’entrainant pas de troubles posturaux chez certaines personnes seront l’origine
d’un dérèglement postural dans une autre population.
L’évaluation sur plateforme de force n’ayant pas été bénéfique pour l’amélioration du
diagnostic, cela met en exergue l’importance de l’examen clinique.
Il reste l’élément clé de la prise en charge et se doit d’être le plus précis possible. Dans le cas
de Mme R certains éléments sont à améliorer. La réalisation du bilan s’est découpée de façon
séquencée, ce qui augmente son temps de réalisation. Pour Mme R qui présente des troubles
attentionnels, l’allongement des séances de bilans augmente la fatigue et diminue ses
capacités fonctionnelles. De plus le bilan a démarré par l’examen des déficiences analytiques.
Les références parues (18) sur l’évaluation en gériatrie recommandent d’examiner d’abord les
capacités fonctionnelles du sujet pour cibler au mieux ses déficiences. En effet, l’important est
de permettre l’élaboration d’un bilan de l’autonomie pour évaluer son devenir. Pour Mme R,
il aurait été plus judicieux d’utiliser en premier les tests fonctionnels comme le TMM ou le
TUG pour avoir un aperçu des déficiences.
L’arbre décisionnel de la HAS recommande également cette démarche (19). Les scores de
Mme R au TMM et au TUG étaient respectivement de 14/20 et supérieur à 30 secondes. Or de
tels scores impliquent de réaliser non pas un test de TINETTI mais plutôt un examen de la
21
cheville et de la semelle plantaire. Cette démarche aurait mis en évidence le chaussage non
adapté de Mme R grâce au test de L. COQUISART (20).Il aurait montré que la compensation
de Mme R était trop importante. La mise en place d’un chaussage avec une compensation
moins importante serait bénéfique pour l’amélioration des capacités statiques et dynamiques
de Mme R.
22
Bien que l’auteur ne prenne pas son étude comme œuvre de référence à cause de l’existence
de nombreux biais, elle décrit ses résultats comme encourageants pour déterminer un risque
de chute potentiel à partir de l’examen stabilométrique.
Une autre étude réalisée par V. AUFAUVRE et al (24) s’est intéressée à la corrélation entre les
principaux facteurs cliniques et stabilométriques, et le risque de chute. Cette étude compare
deux types de population vivant à domicile : une population de sujets chuteurs et une
population de sujets non chuteurs. Les résultats de cette étude montrent que certains facteurs
cliniques seraient des éléments suffisamment fiables pour évaluer le risque de chute. En
revanche la stabilométrie statique ne permettrait pas de définir concrètement des chiffres
correspondant à un risque de chute.
Et enfin S. BUATOIS (25), dans le cadre de son doctorat, tente de montrer la valeur prédictive
de tests posturographiques réalisés sur des plates-formes : statique, dynamique et dynamisée.
Cette étude s’étale sur 24 mois et s’appuie sur une plateforme de force pour déterminer le
risque de chute selon deux modalités de comparaison :
- en fonction du nombre de chutes ;
- en fonction des causes de la chute, intrinsèques ou extrinsèques.
Les résultats de cette étude ne permettent pas de relier le risque de chute avec l’épreuve
statique et dynamique de stabilométrie. En revanche la plateforme dynamisée ou SOT
(Sensory Organization Test) serait un outil relativement fiable pour évaluer les risques de
chutes. En effet, cet outil permet de réaliser des tests dynamiques en évaluant chaque entrée
sensorielle individuellement, donnant aux autres entrées de fausses sensations de stabilité.
L’épreuve de stabilométrie statique fournit une aide complémentaire au thérapeute, pour
améliorer la précision de ses observations cliniques, travailler sur les troubles ciblés dans le
bilan et apprécier les progrès durant la rééducation.
23
7 CONCLUSION
Le bilan diagnostique kinésithérapique reste une tâche complexe mais représente une phase
essentielle de la prise en charge. En gériatrie, la majeure partie des patients présente un terrain
poly-pathologique et de nombreuses déficiences. L’examen clinique de Mme R a mis en
évidence d’importants troubles posturaux dont l’origine reste difficile à déterminer par le
thérapeute. La plateforme de stabilométrie est présentée comme un outil permettant
d’analyser les troubles de la posture et donc d’amener un diagnostic sur les stratégies
posturales de Mme R. Cependant cet examen sur plateforme de force nécessite d’être réalisé
dans des conditions particulières qu’il était impossible de reproduire avec Mme R. L’analyse
des données recueillies ne peut pas faire foi dans l’affirmation des troubles de la patiente. Elle
présente plus d’inconvénients que d’avantages pour l’établissement du diagnostic
kinésithérapique de Mme R. Dans ce cas précis, la stabilométrie n’a donc pas permis de
réellement compléter le bilan clinique, mais a fourni des éléments permettant d’objectiver les
progrès réalisés par la patiente au cours de sa rééducation.
24
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A NNEXE 1: A BREVIATIONS UTILISEES .
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