Tableau EVA

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L’évaluation

1 Son rôle
« Évaluer » c’est étymologiquement « donner de la valeur ». Évaluer
n’est donc pas
« juger » mais donner du sens. Ce ne sont pas les élèves qui sont
évalués mais leur production, leur compétence à un moment donné
selon des critères précis appelés « critères de réussite ». Ceux-ci sont
doublés d’indicateurs précis qui réduisent la subjectivité de
l’évaluateur. Ex : « Je suis malade » est un critère pour ne pas aller
travailler mais à partir de quelle température est-on « malade » ?
Certaines personnes s’estiment malades à 37°8, d’autres pas avant 39°.
La température est donc un critère, l’indicateur sera le chiffre précis
de 38° pour se considérer malade.
Les critères de réussite contraignent à l’explicitation et à
l’anticipation AVEC les élèves. Il s’agit ensuite de mettre en relation
« référent » (critères/indicateurs) et « référé » (le travail produit).
L’évaluation permettra ensuite à l’enseignant de décider des besoins
des élèves et d’envisager une pédagogie différenciée voire
individualisée.
L’évaluation ne doit pas faire obstacle au désir ni au plaisir
d’apprendre. Évaluer est une démarche nécessaire, positive qui offre
l’opportunité de réponses aux besoins identifiés. Évaluer permet donc
de mesurer le degré d’acquisition pour chaque élève des différentes
compétences travaillées. L’enseignant peut ainsi adapter ses stratégies
d’enseignement. Chaque objectif d’apprentissage est évalué selon quatre
degrés d’acquisition (dépassé/atteint/partiellement atteint/non atteint).
2
Les types d’évaluation
Plusieurs types d’évaluations sont à distinguer, les principales sont :
– L’évaluation diagnostique : avant ou au début d’une séquence ou
d’une séance.
– L’évaluation formative/L’évaluation formatrice : au cours de
l’apprentissage.
– L’évaluation sommative : en fin d’apprentissage pour connaître
la « somme » des connaissances et compétences acquises.
– Une évaluation sommative plus approfondie est appelée
évaluation certificative. Elle ouvre sur une certification sous
forme d’un diplôme donnant à voir, socialement, le degré
d’expertise.
EXERCICES : Donnez-vous des repères en connaissances didactiques
1. Choisissez la bonne réponse

L’évaluation
permet :
– de juger d’un
travail.
– de juger un élève.
– de donner de la
« valeur » à un
travail.

2. Pouvez-vous nommer les principaux types d’évaluation ? Donnez


leur rôle et leur importance dans la séance ou la séquence.
3. Qu’appelle-t-on critères de réussite ? Pourquoi sont-ils
importants lors d’un apprentissage ?
4. Qu’entend-on par « le déclaratif » et le « procédural » dans un
apprentissage ?
A. La lecture en cycle 2
Une étude menée par Roland Goigoux e n F r a n c e dans 130
classes de CP de septembre 2013 à juin 2015 a éclairé les nombreuses
recherches dans le domaine de l’apprentissage de la lecture et mesuré
l’efficacité de certaines démarches dans le lire-écrire. Lire est une
activité complexe pour un élève.
– Lire, c’est déchiffrer (oraliser des signes) et ainsi reconnaître la
signification de mots.
– Lire, c’est comprendre des textes adaptés à son âge.
– Lire, c’est écrire de façon autonome des mots.
Lire et écrire se complètent et sont en constante interaction, préparés
par la pratique de l’oral depuis le cycle 1. Apprendre à lire demande
donc du temps et l’entraînement va améliorer progressivement les
performances de l’apprenti lecteur. Des paramètres langagiers, culturels
ou personnels peuvent influencer ce temps de l’apprentissage.

1 Le sens de la lecture
Pour lire, il faut avoir un projet de lecteur, une intention et bien
souvent celui-ci influence la réussite du jeune lecteur. La primaire
accompagne l’élève dans la construction de son projet et dans le sens de
l’acte de lire. Il ne suffit pas de déchiffrer pour être lecteur. Des
connaissances sur la langue et le lexique sont indispensables. Avoir
recours aux inférences est essentiel. Le facteur émotion peut aussi jouer
un rôle dans cet apprentissage.
– Que lit-on ? Pour qui ? Quand lit-on ? Où lit-on ? Les
réponses à ces questions amènent l’élève à identifier les écrits
fonctionnels et à donner sens à l’acte de lire. L’envie de lire une
histoire seul à un petit frère ou une petite sœur est souvent
première chez le jeune apprenti. D’ailleurs, la place donnée à
la lecture à la maison est aussi fondatrice des pratiques futures.
Malgré tout ce qui peut être mis en œuvre pour gommer ces
différences et nourrir la culture de chacun, on constate à l’issue
du CP que des niveaux très hétérogènes entre élèves demeurent.
– Ce travail autour du sens de la lecture se prolonge à l’entrée au
CP et c’est une « mise en appétit » essentielle qui va induire
l’engagement dans l’apprentis- sage du « Pourquoi ? ». Un élève
qui n’a pas de réponse à la question « Pourquoi tu veux apprendre
à lire ? » aura plus de difficulté à devenir un lecteur autonome.
Dès la maternelle, l’enfant fait ses premières expériences de la
lecture et appréhende le fonctionnement de l’écrit pour disposer
d’un capital « mots ». Néanmoins, il faut reconnaître les inégalités
des élèves à l’entrée en CP.
2
Les stades d’apprentissage de la
lecture (Rappel)
Il faut distinguer 3 stades dans l’apprentissage de la lecture :
a. Le stade logographique : l’élève en maternelle reconnaît un
certain nombre de mots qu’il identifie rapidement et
globalement. Le mot est alors une image à laquelle il donne
sens en reconnaissant sa silhouette. Les prénoms de la classe,
les enseignes de magasin, les marques sont identifiées
spontanément. Ces mots s’ancrent dans le quotidien de l’enfant
qui les reconnaît comme une image et donne l’illusion de les
lire. En entrant en CP, l’élève peut être encore quelques
semaines un lecteur de mot-image.
b. Le stade alphabétique : l’élève assemble les phonèmes et les
graphèmes pour former des syllabes puis des mots. Plus il établit
des liens entre l’oral et l’écrit, plus il parvient à identifier des mots
de plus en plus complexes puis des phrases simples. Ce travail de
conscience phonologique est très important en CP.
c. Le stade orthographique : l’élève va progressivement ancrer
des mots dans sa mémoire. Il identifie efficacement des
syllabes, des mots outils et un certain nombre de mots repères
qu’il reconnaît rapidement. Ce stade est normalement atteint à
l’issue du cycle 2. L’élève ne passe plus par le décodage pour lire,
il passe de la lecture par voie indirecte (déchiffrage) à une
lecture par voie directe (lecture immédiate). C’est en gagnant en
rapidité de lecture que l’apprenti lecteur devient un lecteur
expert.

Je
retiens
Lire est un acte complexe, un apprentissage à long terme. Le jeune lecteur mesure progressivement ce qu’il
doit faire pour apprendre et ainsi entrer dans un apprentissage efficace. L’enseignant doit veiller à maintenir
le plaisir d’apprendre pendant tout le temps nécessaire pour devenir un lecteur autonome.
3 Les méthodes de lecture
Quelle méthode choisir ? Cette question préoccupe de nombreux
enseignants et a souvent pris la forme d’une querelle. Mais la
synthèse du rapport de recherche sous la direction de Roland Goigoux
apporte des informations précises facilitant le choix d’une méthode.
On peut considérer qu’il existe 3 grandes approches :

– La méthode « syllabique » : priorité au décodage, on va de


l’unité la plus petite à l’unité la plus longue :
lettres/syllabes/mots/phrases/textes. C’est une méthode qui
sécurise et propose des textes déchiffrables.
– La méthode « globale » : priorité au sens, on part du texte pour
décomposer en unités plus petites. On fait appel à l’intuition et
l’anticipation. L’élève cherche, devine, travaille sur des textes
liés à la vie de la classe.
– La méthode « interactive » : on tient compte du décodage et de
l’accès au sens. On retient que la compréhension est la finalité du
lire. Il s’agit d’entrer dans le système écrit (le code) et la culture
écrite (pratique de l’écrit).
4
Lecture et plaisir
« Plus la lecture sera automatisée, plus l’enfant pourra concentrer
son attention sur la compréhension de ce qu’il lit et devenir ainsi un
lecteur autonome, qui lit autant pour apprendre que pour son propre
plaisir. » Stanislas Dehaene1
Les choix pédagogiques de l’enseignant influencent l’engagement
des élèves dans l’apprentissage. Un élève acteur va apprendre plus
efficacement. Maintenir l’implication et l’attention d’un groupe classe
est complexe mais quelques principes élémentaires peuvent aider à
construire cette pédagogie qui crée un cadre favorable à l’apprentissage.
a. ACCUEILLIR : chaque jour l’apprenti lecteur a besoin d’être
accueilli dans un univers qui donne envie d’apprendre à lire.
Une bibliothèque de classe doit être un espace privilégié et
familier dans lequel les livres sont rangés par catégorie (genres,
auteurs, collections…). L’affichage sur les murs est soigné et
invite l’élève à s’y référer pour évoluer dans son travail
quotidien.
b. RASSURER : donner envie de lire est essentiel mais ne suffit pas.
Cet apprentis- sage demande une attention bien plus importante.
L’élève doit comprendre qu’il réussira à apprendre à lire mais que
le temps de chacun pour cet apprentissage est différent. Il doit
s’engager dans ce parcours avec confiance. L’enseignant valorise
les réussites, accompagne les erreurs et les phases de
découragement et porte sur ce jeune apprenti lecteur un regard
bienveillant qui sécurise.
c. RITUALISER : l’apprentissage de la lecture repose sur une
articulation bien orchestrée de multiples activités. La répétition
quotidienne de gammes de lecture, de joggings d’écriture,
d’exercices divers constitue un cadre sécurisant et encourageant.
Cette ritualisation d’activités qui s’enrichissent progressivement
favorise l’entrainement et ainsi permet au jeune lecteur de faire
régulièrement l’expérience de la réussite. S’il se trompe, l’enfant
sait que le lendemain, il pourra refaire un exercice similaire. Il est
alors mis en confiance.
d. DOSER : les activités menées en classe pour apprendre à lire sont
ritualisées, variées et motivantes. Néanmoins, il est important de
doser ce travail quotidien afin de proposer à chacun un parcours
adapté. Maintenir l’implication de l’élève c’est lui donner des
tâches réalisables. Une quantité trop importante d’exercices peut
décourager et une pauvreté d’entraînements peut procurer de
l’ennui chez certains en grand appétit de lecture.
e. IMPLIQUER : le contexte dans lequel l’élève apprend est
déterminant pour sa réus- site. Ce jeune lecteur doit comprendre
qu’il évolue et apprend dans un groupe et que c’est ensemble
qu’ils vont relever certains défis et s’engager dans des projets.
Écrire ensemble une histoire, participer à un concours d’écriture, à
un rallye lecture, mettre en lien les arts et la littérature, investir le
quotidien et l’actualité, autant de projets transdisciplinaires
peuvent créer du lien et maintenir le sens de l’apprentissage.
Tous les projets que l’enseignant propose à ses élèves vont donc
maintenir l’engagement, l’implication et la motivation. Le projet
individuel est nourri par un projet collectif. Le sens de
l’apprentissage favorise le plaisir d’apprendre. « Sur les trois
années du cycle, des projets ambitieux qui s’inscrivent dans la
durée peuvent associer la lecture, l’expression orale et/ou écrite,
les pratiques artistiques et/ou d’autres enseignements » comme le
soulignent les textes officiels.
f. EXIGER : apprendre à lire impose un cadre rigoureux et des
exigences sont nécessaires pour engager l’élève. Les exigences
de l’enseignant permettent de mobiliser tout le potentiel de
l’apprenant qui doit explorer toutes ses stratégies pour réussir.
Certaines phrases comme « Je sais que tu peux le faire/cherche
encore, je peux t’aider mais ce que je te demande est réalisable
seul. » impose à l’élève d’investir tous ses acquis pour répondre
à la demande et réussir.
g. SURPRENDRE : en effet, ritualiser sécurise mais il ne s’agit
pas de lasser l’élève. Amener la surprise dans un cadre
sécurisant constitue le dosage subtil que l’enseignant doit mettre
en œuvre. La diversification des tâches est essentielle pour
maintenir l’attention et l’intérêt.
h. VALORISER : donner de la valeur aux productions réalisées par
les élèves c’est encourager. Le livre créé peut être imprimé et lu
à une autre classe. Un musée de classe peut mettre en valeur un
travail d’arts et de littérature. Créer un « stop motion » à partir des
productions écrites de la classe donne sens au travail d’écriture et
ouvre vers d’autres possibles.

Je
retiens
Apprendre avec plaisir, c’est s’engager vers la réussite. L’enseignant orchestre une composition subtile,
rigoureuse et exigeante pour maintenir l’attention et l’implication de ses jeunes apprentis lecteurs.

1. Stanislas Dehaene, Apprendre à lire. Des sciences cognitives à la


salle de classe, Odile Jacob, 2014.
5
Vers un lecteur efficace
Déchiffrer sans erreur et rapidement favorise la compréhension,
l’élève libère des ressources cognitives qu’il investit pour donner sens au
texte avec une plus grande aisance. Le cycle 2 va entraîner ce jeune
lecteur à une lecture de plus en plus efficace en proposant des activités
de lecture à voix haute régulièrement. L’élève devra comprendre ce
qu’il lit avec autant de facilité que ce qu’il entend. Des exercices de
fluence (vers 50 mots par minute en CP, 70 mots en CE1 et 90 en CE2),
des mises en voix de textes en théâtralisant, des lectures de supports de
genres différentes vont favoriser cette capacité à produire une lecture
expressive.
Les textes proposés vont donc s’enrichir et il s’agira de susciter la
curiosité de l’élève et de nourrir quotidiennement son univers lexical. Un
travail exigeant autour de la ponctuation est important en cycle 2.
L’identification aisée des différents signes va favoriser la mise en voix et
de ce fait la compréhension. Tout au long du cycle 2, l’élève construit
son autonomie de lecteur et comme le précisent les textes, « les
lectures personnelles ou lectures de plaisir sont encouragées sur le
temps scolaire. »
B. La lecture en cycle 3
1
Comprendre un texte en cycle 3
La lecture est un outil primordial dans la réussite scolaire. Pour
exemple, il faut savoir que 50 % des difficultés en mathématiques
découlent des difficultés de lecture.
Les textes demandent que les enseignants constituent un solide capital
« lecture » aux enfants avec la fréquentation régulière des textes au sein
d’une large bibliographie (albums, contes, poésies, romans, récits
illustrés, théâtre). Il est recommandé de viser la lecture d’un livre par
semaine en fin de primaire. Il s’agit de leur construire un réseau de
références, un fonds commun d’évidence à partir de la littérature de
jeunesse et des textes patrimoniaux. Mais que signifie « comprendre un
texte en cycle 3 » ?

Deux traitements d’un texte


« Comprendre [un texte] nécessite la mise en œuvre d’un ensemble de
processus cognitifs qui ont besoin d’être entraînés » disent les textes
officiels. L’enfant, en cycle 3 n’est pas encore un lecteur expert. Il ne
peut pas traiter seul certaines complexités. Il a besoin d’être accompagné
pour travailler sur ses images mentales, revenir fréquemment sur ce
qui a été vu et anticiper sans cesse, avoir une « pensée dynamique ».
Il convient de donner du sens et de développer son regard critique en
s’appuyant sur ces deux traitements d’un texte :
– Le calcul syntaxique : il s’agit du processus qui affecte un rôle
au mot dans la phrase. En effet, le mot seul n’a pas grand
intérêt. Il prend son sens dans une phrase. Il nécessite donc la
connaissance de 6 types d’indices :
• L’ordre des mots.
• La classe grammaticale des mots.
• La connaissance des mots fonctionnels. Ex : les connecteurs.
• Les indices morphologiques : construction des mots (préfixes,
racines, suffixes).
• Le sens du mot : connaissances sémantiques.
• La ponctuation.

– Le traitement syntaxique : La suite de mots prend une forme


symbolique qui correspond à une idée. La notion de
propositions grammaticales est importante et la phrase peut
comporter plusieurs propositions. Ex : « Le chat entre dans la
cuisine, il cherche sa gamelle, la trouve et lape le lait que lui a
versé sa maîtresse. » = 5 propositions d’actions, dans la même
phrase, à partir des 5 verbes relevé

Trois niveaux de lecture :


– 1er niveau : La microstructure. Il s’agit de la suite des
propositions littérales et linéaires du texte. Ci-dessus, la phrase
explicite proposée.
– 2e niveau : La macrostructure. Le cerveau – pour ne pas être
encombré – hiérarchise les propositions (sorte
d’organigramme). Il effectue un résumé mental construit par le
lecteur au-delà du contenu littéral. Ex : « Le chat entre dans la
cuisine  il lape le lait ». Mal préparé, mal accompagné, le
cerveau peut faire un contresens : « Le chat cherche sa
maîtresse et lape la cuisine ». On comprend qu’un enfant qui
décode lentement ne peut hiérarchiser correctement les pro-
positions d’actions puisqu’il les oublie au fil de la lecture. Des
exercices proposant des microstructures à modifier en
macrostructures (et inversement) sont à travailler en classe.
Exemple : Voici une phrase « La souris, repue, rentre dans son trou
» (macroproposition) à développer (microproposition = proposition
développée dans le détail) = « La souris a faim. Elle sort de son trou.
Elle cherche à manger, trouve un morceau de fromage, elle le grignote
et rentre dans son trou ».
Certains enfants ne parviennent pas seuls à cet exercice, il faut les
accompagner en passant par un dessin (image mentale sollicitée).
L’exercice est à renouveler fréquemment.
– 3e niveau : Le modèle de situation. Tout texte s’inscrit dans
un « contexte » préalablement construit dans la tête de l’enfant,
selon ses expériences personnelles vécues ou rencontrées dans
des histoires écoutées, des livres, des jeux. Ex : Comment se
représenter une scène dans un restaurant si l’enfant n’y va jamais
? Par contre, l’enfant qui a un chat comprend bien la phrase
ci-dessus (représentation concrète de la situation).
2 Les inférences
Elles permettent de combler les trous sémantiques, de « lire entre les
lignes ». Elles sont la plus grosse source de difficultés des élèves. « Les
inférences sont des interprétations qui ne sont pas littéralement
accessibles, des mises en relation qui ne sont pas explicites. C’est le
lecteur qui les introduit dans l’interprétation des mises en relations. »
écrit Michel Fayol. 1 Abdelhamid Khomsi ajoute « Produire des
inférences reste quelque chose d’extrêmement difficile au Cycle III,
alors que c’est, nous semble-t-il, la meilleure préparation possible à
l’entrée au collège. » 2
Exemple : Voici une phase qui comprend des « non-dits » ou « inférences
» à retrouver :
« Jean roulait trop vite, les médecins sont réservés sur l’évolution
de la situation ».
Cette phrase demande une représentation et une extrapolation de la
situation :

– Jean conduisait une voiture (ou une moto) (« roulait »).


– Jean a eu un accident (trop vite).
– L’accident était grave, il a été transporté à l’hôpital
(plusieurs médecins à son chevet).
– Jean est dans un état grave (la situation).
– Jean risque de mourir (« médecins “réservés” sur l’évolution »)
= polysémie du terme « réservé ».

– Certaines inférences sont totalement nécessaires pour comprendre,


ce sont des reprises référentielles. Ex. « Maman prépare un
gâteau mais cette bonne cuisinière n’est pas contente de sa tarte.
» Certains enfants ne verront pas que « maman/ cette bonne
cuisinière » et « gâteau/tarte » sont des reprises référentielles et verront
deux dames et deux pâtisseries.
– D’autres inférences seront élaboratives (ou optionnelles). Elles ne
sont pas nécessaires mais enrichissent un texte. Ex : « Le lion, roi
de la savane, avance majestueusement. »
– Il existe encore des inférences logiques (ou pragmatiques) : elles
sont indiscutables ou probables. Ex : « Laure veut absolument un
dessert. Deux lui sont proposés : une glace et un fruit. Laure
n’aime pas les glaces, que va-t-elle choisir ? »
– Enfin, les inférences rétrogrades (ou antérogrades). Elles relient
l’information en cours de lecture avec la partie du texte déjà vue ou
avec la mémoire à long terme (une période historique, une
référence culturelle). Ex : « Cette femme risquait de perdre la vie
comme la reine Marie-Antoinette ». « Cette femme » rappelle un
personnage du texte vu précédemment, « la reine Marie-Antoinette
» a eu un destin particulier à connaître pour comprendre la phrase.

1. La lecture au Cycle III : difficultés, prévention, remédiation.


(Exploitation de l’évaluation nationale en CE2 : la lecture – actes du
séminaire national – Paris – les 9 et 10 octobre 2000), Michel Fayol
(Membre de l’observatoire national de la lecture).
2. ECS (Évaluation des compétences scolaires) Cycle 3, Abdelhamid
Khomsi, ministère de l’Éducation nationale, 2018.
3 S’approprier un texte : une
activité plurielle
Comprendre est un phénomène complexe qui demande d’activer la
mémoire à long terme des informations organisées en réseaux et de la
production d’inférences. C’est un entraînement qui commence avant
même le CP. Le « décodage » ne suffit pas mais plus la lecture est
rapide, plus le contenu interagit avec la base de connaissances du lecteur.
Un sens n’est pas donné, il se « construit ». Toutes les interprétations ne
sont pas possibles.
Le lecteur expert est capable de franchir ces différentes étapes et niveaux de
com- préhension mais avec l’aide de l’enseignant-médiateur qui accompagne le
processus durant tout le cycle 3, préparé par les cycles 1 et 2.

Une compréhension littérale


Les informations données par l’auteur sont explicites. L’élève les repère
grâce aux questions qui le guident. Il déploie des stratégies pour identifier les
mots, le lexique (aspect instrumental), comprendre le texte (aspect compréhensif),
inclure le texte dans ses expériences personnelles (aspect culturel).

Une compréhension inférentielle ou


interprétative
Des informations implicites à comprendre par déduction.

Une compréhension critique


Le lecteur, à la lumière de ses connaissances, évalue le texte et porte un
jugement.
Il commence à développer son esprit critique.

La compréhension créative
Le niveau de compréhension permet au lecteur diverses significations qui
pourront rejoindre sa vie personnelle et sa formation culturelle. Il se « nourrit » alors
intellectuel- lement de ses lectures tout en respectant l’œuvre de l’auteur.

4 Construire une
programmation des
lectures en Cycle 3
Les enseignants doivent avoir à cœur de connaître personnellement
les œuvres du patrimoine, la littérature de jeunesse et de renforcer sans
cesse leur culture générale en restant ouverts aux nouveautés.
La programmation des lectures successives doit être une décision du
conseil de cycle pour avoir une progression logique et justifiée. Il est
nécessaire d’établir des résonances, de faire des liens avec les lectures
précédentes, les thèmes rencontrés mais aussi en faisant des liens avec
les autres œuvres d’art : peinture, musique, photos, architecture, arts du
spectacle, du cirque, etc.
Il s’agit de créer une certaine logique en balayant tous les genres
littéraires (et en s’appuyant sur les autres formes artistiques)
autour :
– d’un personnage à travers le temps. Ex : L’enfant malin,
l’enfant rebelle, l’enfant malheureux (La Petite Marchande
d’allumettes, Cosette dans Les Misérables, etc.)
– d’un bestiaire. Ex : le loup (Le Petit Chaperon rouge (conte),
Pierre et le Loup de Prokofiev (musique), La Bête du
Gévaudan (légende historique), Romulus et Remus nourris par la
louve dans l’histoire de Rome (légende), der Naturen bloemen de
Jacob van Maerlant (gravure manuscrite flamande du Moyen
Âge), les loups-garous, etc.)
– du merveilleux : Alice au pays des merveilles, Gulliver, les
Contes de fées.
– des pays.
– etc.

Les élèves seront alors d’autant plus sensibles aux rapprochements culturels
qu’ils en verront les multiples formes à travers les époques.

C. La littérature de
jeunesse
1
Quelle place pour la littérature de
jeunesse ?
Son rôle
La littérature de jeunesse est difficile à définir comme genre tant
son contenu est multiple. Un livre pop-up, un livre objet, un imagier,
un album sans texte, un flipbook, un documentaire, une bande
dessinée, un roman, une nouvelle, un conte, un recueil de fables, une
pièce de théâtre trouvent place dans l’univers jeunesse. Si on définit
cette littérature comme une littérature de jeunesse c’est qu’on
l’identifie en référence à son public. « La variété des lecteurs se réalise
dans la variété des livres proposés.1 » Néanmoins, c’est une véritable
littérature et elle est fondamentale à l’école. Il est important de
mettre en valeur cette littérature et d’en faire un outil privilégié pour
travailler de nombreuses compétences des programmes.

Le regard de l’enseignant
La mise en place de projets est simplifiée en prenant appui sur ces
repères. Néanmoins, l’enseignant se doit de porter un regard critique sur
les choix faits et d’en valider la pertinence auprès de ses élèves. Il s’agit
alors, pour le professeur des écoles, de proposer multiples lectures qui
permettront à chacun de comprendre, d’analyser et construire son propre
parcours. Le professeur va articuler les textes de façon à permettre à
chacun de trouver matière à se projeter, à interpréter, à donner un sens à
ce qui résiste dans le support proposé.

1. La littérature de jeunesse, Nathalie Prince, Armand Colin, 2015.


La littérature de jeunesse est donc fondamentale dans le quotidien de
l’enfant. En découvrant des histoires, il lit, relit et entre en relation avec le
texte et les illustrations s’il y en a. La rencontre assidue avec le livre est
essentielle dans le parcours scolaire. Elle nous renvoie que l’enfant est
aussi à l’école pour apprendre à penser.

2 « Écouter lire »
Du cycle 1 au cycle 3, la culture du livre est présente et
l’enseignant lit des histoires. Le choix des ouvrages est réfléchi et il
construit des compétences de lecteurs chez les élèves. L’élève
s’engage dans l’écoute et accède à l’histoire en fonction de qui il est
et de ses connaissances. Il est donc important de choisir des histoires qui
vont résonner chez l’enfant. « Le livre ne peut prendre racine que sur
le terreau de la mémoire culturelle spécifique de chaque enfant1. »
En fonction de l’âge de l’enfant, l’enseignant va choisir des modalités
de présentation de l’histoire adaptée : lire sans support visuel à
présenter, lire en montrant des illustrations, raconter, mimer, mettre
en scène avec des marionnettes ou avec un théâtre d’ombres. Les
modalités choisies de présentation d’une œuvre doivent être explicites
pour l’élève qui va mesurer la différence entre « lire et raconter », «
lire et mettre en scène » ou « bien lire et résumer ». Quand
l’enseignant lit une histoire, il met donc tout en œuvre pour donner vie
aux personnages et rendre le texte expressif. Sa lecture est un facilitateur
de compréhension. Néanmoins, le texte peut résister à une
compréhension immédiate et l’élève est ainsi en devoir de surmonter
cette difficulté. Il est alors confronté à la même situation que dans une
résolution de problèmes, il faut trouver les éléments qui permettent de
dialoguer avec ce texte. Le maître n’est plus le garant de la validation
des réponses, il est l’animateur des échanges dans le groupe ; il
suscite les réactions pour que chaque élève participe à l’interprétation
du texte.
Il est aussi important de veiller à ne pas tomber dans une
instrumentalisation des textes. Il n’est pas nécessaire de valider la
compréhension de chaque histoire par chacun. Et si l’enseignant lisait
un texte pour simplement offrir une lecture à ses élèves qui se
saisiraient de la musique des mots, de l’univers suggéré pour rêver,
imaginer, ressentir quelques émotions et avoir tout simplement du
plaisir ?
Pour construire avec cohérence un parcours littéraire, l’enseignant
devra faire des choix et privilégier une approche en réseaux.

Je
retiens
L’univers d’un texte littéraire doit être accessible aux élèves. La programmation des différents textes
littéraires s’inscrit sur un cycle et non sur une année. La notion de parcours est à privilégier. Quel que soit le
cycle, la lecture à voix haute par l’enseignant est importante. La littérature de jeunesse mène à de
nombreuses activités langagières.

1. Lire la littérature à l’école. Pourquoi et comment conduire cet apprentissage spécifique de la GS au CM,
Catherine Tauveron, Hatier, 2002.
3
Les réseaux littéraires
L’enseignant choisit ses œuvres en fonction de leur univers et de
leur pouvoir de résistance à une compréhension immédiate. Il va veiller
à la variété des genres mais aussi prendre en compte les références
possibles à des personnages mythiques ou archétypaux. Il va construire
le parcours littéraire de ses élèves et faciliter la mise en relation des
différents ouvrages. On parle alors de mise en réseaux des œuvres. On
peut distinguer différents types de réseaux littéraires et cette lecture en
réseau va nourrir la construction d’une culture commune dans une
classe. On parle aussi parfois de « constellations » ; l’idée étant de
mettre les textes en relation afin qu’ils dialoguent entre eux et
suscitent chez l’élève des comparaisons.
La compréhension ou l’interprétation d’une œuvre va reposer sur
l’apport culturel de l’élève. Un élève de Cycle 2 qui découvre l’univers
de Geoffroy de Pennart accède à une compréhension des œuvres. Si ce
réseau autour de cet auteur est de nouveau proposé en fin de cycle 3 il
est fort probable que les élèves rient davantage car ils auront une culture
bien plus riche et les clins d’œil de l’auteur ne les laisseront pas
indifférents. La mise en réseau peut se gérer avant, pendant ou après
l’étude d’une œuvre choisie pour une exploitation plus approfondie.
La mise en réseau va permettre de développer un comportement de
lecteur qui cherche dans sa mémoire les éléments indispensables à une
interprétation ou une compréhension plus subtile de l’œuvre.
Mettre en réseau des textes c’est proposer aux élèves cet effet de
surprise quand ils perçoivent cette résonance qui s’opère. L’école
construit des références culturelles communes afin de développer le
plaisir de lire. L’enseignant veille à proposer un nourrissage littéraire
régulier, il choisit les œuvres pour leur singularité et pour l’effet qu’elles
vont produire sur son public élève. Il différencie les genres et les
approches et montre qu’il a autant de plaisir que ses élèves à se nourrir
des ouvrages de jeunesse et de mystères. La lecture est partage et il met
en place des situations de langage pour installer la culture commune de
la classe. Il existe différents types de réseaux :
Un réseau autour d’un auteur
S’engager dans l’univers d’un auteur permet à l’élève de
mesurer l’évolution de son travail, de ses idées en lien parfois avec sa
vie ou l’actualité. En s’imprégnant de l’univers de Rascal, l’élève peut
comprendre l’articulation de l’humour noir de l’auteur. L’univers décalé
de Claude Ponti prend sens au fil des lectures. Le jeune lecteur s’habitue
progressivement aux mots créés par l’auteur et cet univers très
imaginaire devient progressivement familier. Pour accéder au sens des
textes, il faudra se nourrir de contes, de mythes et ainsi enrichir son
parcours.

Un réseau autour d’un personnage


Explorer un personnage stéréotypé, c’est aller à sa rencontre dans
des œuvres différentes et en comparer les différentes facettes en
fonction des auteurs. Des caractéristiques physiques, morales seront
dégagées.
Les loups de Geoffroy de Pennart, de Philippe Corentin peuvent être
mis en relation avec ceux de Mario Ramos, de Grégoire de Solotareff ou
bien être comparés au loup vert et ridicule de René Gouichoux. Les
élèves pourront ainsi bousculer leur représentation initiale de ce
personnage connu au travers des contes traditionnels comme une figure
terrifiante. Dresser des portraits de loups va les amener à s’engager dans
de multiples lectures qui vont nourrir leur culture.
Un réseau autour d’un illustrateur
Dans un album illustré, l’image est narrative, elle apporte du sens au
texte et l’élève peut aller à la rencontre des illustrations et les mettre en
relation en fonction de différents critères :
– La technique utilisée : dessins aquarellés chez Tony Ross, Quentin
Blake, Claude Ponti, la peinture chez Nadja, Grégoire Solotareff
ou le dessin vectoriel chez Emilie Vast, la photographie de
compositions chez Christian Voltz, le découpage et déchi- rage de
papiers, cartons chez Martine Bourre, etc.
– La place de l’illustration par rapport au texte : elle est unique
ou surprend à chaque page, elle est discrète ou s’impose par
rapport au texte, elle complète le texte, apporte seule des
informations ou bien est redondante. L’illustration prend souvent
en charge la présentation des personnages et le décor alors que
le texte va apporter les informations sur l’action.
– Auteur et illustrateur : une seule personne ou bien deux personnes
différentes qui vont malgré tout faire que l’image et le texte soient
tissés ensemble.

Un réseau autour d’un genre ou d’une


technique d’écriture :
On peut s’intéresser aux livres présentant différents points de vue
comme chez Anthony Browne Histoire à quatre voix ou bien dans
Verte de Marie Desplechin. Mais, l’enseignant peut aussi faire le
choix de proposer une entrée dans la littérature via les genres.
L’intérêt sera alors de dégager les critères spécifiques à chaque genre
littéraire. On attend ensuite de l’élève qu’il sache reconnaître un
conte, une bande dessinée, un recueil de poèmes, un roman ou bien un
récit illustré et autres supports spontanément en identifiant les éléments
caractéristiques qui lui permettent d’établir un classement.
Un réseau autour de textes faisant écho à
d’autres textes :
Travailler l’intertextualité c’est repérer les références implicites ou
explicites à des textes issus du patrimoine littéraire de chacun. Les
contes traditionnels, les fables constituent le socle de multiples
références. On mesure alors l’importance d’imprégner les élèves dès le
cycle 1 de cette culture autour des contes si l’on veut qu’ils accèdent
rapidement à l’implicite des textes issus de la littérature de jeunesse.
Comment rire en cycle 2 des œuvres d’Emile Bravo si l’on ne saisit pas
les multiples clins d’œil de l’auteur.1 Peut-on savourer l’univers d’Yvan
Pommaux sans une connaissance de contes et mythes incontournables à
l’école primaire ?
Notons que l’on peut aussi trouver dans de nombreuses œuvres des
références à des univers non littéraires qui nécessitent une ouverture
culturelle particulière autour de la peinture, de la musique, de la
chanson ou bien du cinéma. L’élève ne manquera pas d’identifier les
références picturales chez Yvan Pommaux ou bien chez Geoffroy de Pennart.
L’enseignant veille alors à initier ces élèves à cette chasse aux
références culturelles et à stimuler de ce fait leur curiosité.

1. Boucle d’Or et les sept ours nains, Emile Bravo, Seuil jeunesse, 2004.
Un réseau autour de textes étant des
réécritures de textes sources.
Nombreux auteurs ont puisé dans les contes traditionnels matière à
la réécriture. L’hypertextualité consiste à récrire en adaptant, parodiant
ou transformant de manière à ce que le lecteur identifie l’œuvre
d’origine. Ces réseaux suscitent souvent le rire chez un lecteur averti.
Une Cendrillon du xxie siècle dans Cendrillon dépoussiérée de
Suzanne Rominger renvoie à une réflexion sur la condition de
certaines personnes ridiculisées et invite le jeune lecteur à mettre en
relation cette pièce de théâtre avec le conte de Charles Perrault. Le
Petit Chaperon Rouge a aussi suscité de nombreuses réécritures comme
celle de Rascal. Mais on peut également se laisser surprendre par la
version de la plasticienne Warja Lavater qui récrit le conte sous une
forme picturale et un support en accordéon de 4 mètres.

4 Les différents types de débats


Lire c’est comprendre et de nombreux textes induisent une
compréhension immédiate, le lecteur peut dégager le schéma actanciel du
texte et l’enseignant en valide les différents éléments. En racontant et en
lisant très tôt des histoires aux enfants, la compréhension des lois de base
d’un récit est favorisée. Mais certains textes vont amener le jeune lecteur
à une part d’énigmes et ainsi les avis de chacun dans la classe
s’entrecroisent, l’enseignant ne peut pas apporter une réponse mais
seulement écouter, inviter à l’argumentation et guider vers la réponse la
plus ajustée avec la culture mise en place.

Le débat d’interprétation
L’œuvre est découverte, les idées de chacun s’entrechoquent dans la
classe. Les avis divergent et l’enseignant prend alors un statut
d’animateur. Il fait circuler la parole et reformule les idées pertinentes
qui vont faire avancer la réflexion dans le groupe. Les interactions entre
les élèves vont alors permettre la construction progressive du sens du
texte. Cette interprétation reposant sur la culture de chacun, il faudra
admettre que le texte peut avoir une répercussion différente en cycle 2 et
en cycle 3. Ce qui est essentiel dans cette démarche c’est que l’élève se
confronte à la pensée de l’autre et ainsi construise sa propre pensée. Ce
conflit d’interprétations va amener l’élève à questionner son savoir mais
aussi sa capacité à se nourrir des hypothèses des autres pour faire
avancer sa propre interprétation. Le choix du texte est crucial si l’on veut
qu’il soit un support privilégié d’échanges. L’enseignant se doit
néanmoins d’orienter les élèves en cas de contresens.

Le débat citoyen
Un album peut être un support pour l’animation d’un débat citoyen
sur certaines thématiques comme la différence, la tolérance ou bien le
handicap. Le livre est alors prétexte au débat et les attendus de la
séance ne sont plus littéraires.

Le débat philosophique

Ce type de débat peut aussi prendre appui sur une œuvre littéraire et
poser une réflexion sur « Qu’auriez-vous fait si vous aviez été le héros
de cette histoire ? » La démarche est de montrer qu’il n’y a pas qu’une
unique façon de penser. Une œuvre comme Le sens de la vie d’Oscar
Brénifier et Jacques Desprès1 est un support privilégié pour le débat
philosophique.
La discussion littéraire
À l’heure où les temps de « café lecture » se multiplient, il est
important de proposer aux enfants cet espace pour « parler livres ». «
Qu’est-ce qui fait que tu trouves ce livre intéressant ? » « Pourquoi
conseillerais-tu la lecture de cette histoire ? » « Qui peut être intéressé
par cette histoire dans la classe ? » Autant de questions qui vont nourrir
ces moments de partages et de plaisir autour du livre. Gardons le fil
conducteur du travail en littérature qui est le plaisir. Pourquoi ne pas
créer un « petit salon littéraire » dans la classe dans lequel on peut
déposer des livres « coups de cœur » et emprunter ceux des autres afin
de découvrir un peu de l’autre via ses lectures favorites. Lire, c’est donc
bousculer ses émotions et l’enseignant s’autorisera aussi à partager ce
plaisir de lire. De nombreux établissements mettent d’ailleurs en place le
« quart d’heure de lecture pour tous » afin d’engager dans cette
démarche de lecture plaisir. « Lire un album est bien plus qu’un simple
divertissement. C’est à chaque fois pour le lecteur une expérience
unique et nouvelle, une occasion de s’engager pleinement dans sa
propre pensée, son affectivité et sa sensibilité.2 »

5 Le carnet de lecteur
Nombreux sont les enseignants qui proposent à leurs élèves de garder
trace de leur parcours littéraire en complétant un carnet de lecteur (un
portfolio dit-on parfois). Sa forme peut être variée, il doit simplement
permette l’expression libre du lecteur. Ce carnet prend un caractère
esthétique, il doit donner envie à son créateur de le feuilleter pour en
apprécier son évolution et ses contenus. Il doit faire aimer la lecture.
Chacun y collectera des émotions, des impressions sur les textes,
recopiera un passage, décrira des personnages, reproduira des
illustrations ou exprimera son opinion sur l’œuvre. Les exploitations
sont multiples et doivent laisser place à toutes les idées créatrices des
élèves.
1. Le sens de la vie, Oscar Brénifier et Jacques Desprès, Nathan, 2009.
2. Ces livres qui font grandir les enfants, Joëlle Turin, Didier Jeunesse, 2012.
D. La didactique de
l’orthographe
1 L’étymologie et l’histoire
Étymologiquement, le terme vient de « ortho » et « graphein » qui
signifient « droit » et « écrire » en grec. L’orthographe veut donc dire «
l’art d’écrire droit ». « Droit » devient ici polysémique avec une idée de
ligne suivie tant graphiquement que syntaxiquement. Le dictionnaire
Bordas donne sa définition du mot : « l’art d’écrire les mots sans fautes,
c’est-à-dire de leur donner, d’une part, la forme graphique qui figure
dans les dictionnaires et, d’autre part, les marques des valeurs
grammaticales (genre, nombre, personne…) qu’ils doivent avoir dans
les phrases où ils sont employés. »

Il faut savoir que l’orthographe, jusqu’au xix e siècle n’a pas de


forme fixe et certaines graphies sont considérées comme acceptables.
La loi Guizot (28 juin 1833) inscrit l’orthographe et la grammaire
dans les programmes de « l’Instruction publique ». À cette époque, en
effet, beaucoup d’instituteurs ignorent l’orthographe. Celle-ci relevant
alors de « l’éducation » (ne parle-t-on pas de « manquement à
l’orthographe » ?) plus qu’à « l’instruction », est donnée par les
surveillants. Elle est un « code social » au même titre que les règles
de politesse. Elle deviendra matière d’enseignement, à part entière, à
partir de 1870 et surtout avec l’école laïque, gratuite et obligatoire de
Jules Ferry, en 1879.
« La faute d’orthographe » longtemps appelée ainsi, avec un
arrière-goût judéo-chrétien, est gravement punie. Aujourd’hui, la «
faute » est devenue « erreur » et son statut a évolué : elle appartient
à l’étape nécessaire « d’essais-erreurs » avant la maîtrise.
2 Le facteur temps pour l’orthographe
On sait aujourd’hui que l’orthographe a besoin de temps pour être
maîtrisée et que 5 ans d’école primaire ne suffisent pas pour son
acquisition. La structure même du cerveau fait obstacle avant 10-12
ans. Mais pourquoi ?

La myélinisation
La myéline est une substance graisseuse qui gaine les fibres
nerveuses dès la naissance et pendant toute la formation du système
nerveux central. Celui-ci régule les fonctions essentielles du corps :
motricité, équilibre, perception, intellect, émotion, etc. La myéline
favorise la propagation de l’influx nerveux, elle est conductrice des
informations. La myélinisation commence au stade prénatal et se
poursuit jusqu’à l’adolescence et même plus tard mais en ralentissant. Il
faut donc du temps pour que la conduction de toutes les informations
soit en place.

La latéralisation et la spatialisation
Pour bien maîtriser l’orthographe, il faut avoir bien intégré les
notions de latéralisation et de spatialisation : prendre sa place, se
déplacer avec fluidité, comprendre l’espace et l’environnement, avoir
une propre représentation corporelle, sont des points essentiels. Il
s’agit d’intégrer progressivement les limites, les directions, les «
avant/après » les « devant/derrière » les « sur/sous/à côté ». Ces notions
sont fondamentales pour « écrire droit ». Un mauvais rapport à l’espace
ne favorise pas l’apprentissage d’un code normé qui exige des accords
avec « avant, après », des mots placés « à côté », « dessus » mais «
écrits avant ». Autant de subtilités à comprendre en même temps que
des règles à apprendre.
3 Les sous-systèmes
Spectacle la convivialité sur l’orthographe
https://www.youtube.com/watch?v=5YO7Vg1ByA8

L’orthographe est une suite de petits problèmes à résoudre qui


demande une construction dans le temps. Il ne suffit pas d’appliquer des
règles apprises (et que l’on peut réciter par cœur) ni de raisonner sur des
matériaux appris. L’orthographe est un ensemble complexe de
sous-systèmes dont chacun a des règles de fonctionnement internes. Ces
sous-systèmes sont dépendants les uns des autres et s’appuient sur :
– Un système graphophonétique lié à ce que l’enfant entend,
comprend et écrit. 130 graphèmes (le graphème est la plus petite
unité de l’écrit) pour 36 phonèmes (sons). Ex : le son ou phonème
[s] ne possède pas moins de 11 graphèmes ou plus petite unité de
l’écrit : s – ss – c – ç – sc – x – t – st – tz – sth – ls
– La forme graphique qui, elle-même, est doublée d’une maîtrise
moteur du geste (motricité).
– Un système idéographique lié à l’esprit de l’enfant et à sa
capacité à déco- der le Signifiant (le mot) à partir du Signifié
(le sens). Un morphème est la plus petite unité de sens. Ce
morphème peut être lexical ex : dans « petit » le
« t » final (morphème lexical) permettra d’écrire « petite ». Il peut
être grammatical. Ex : dans « petits » le « s » final (morphème
grammatical) permet de signifier un pluriel.
Que décode l’enfant lors d’une dictée de mots ?
– Soit, il entend le mot (phonétique), pense à un signe (graphie plus
ou moins maitrisée) puis éventuellement envisage une idée (idéo)
= le processus très aléatoire n’est pas stabilisé. Les erreurs sont
alors fréquentes.
Soit, il entend un mot (phonétique), fait le lien avec une idée
(idéo) puis avec le signe (graphie) = le processus est compris
mais, pour autant, reste aléatoire car il dépend de l’encodage
premier. L’apprentissage est en cours mais incomplet.
– Soit, il entend un mot (phonétique), comprend le signifiant (idéo)
et le traduit en signifié exact lié à un bon encodage premier
(graphie) = l’orthographe lexicale est alors maîtrisée.
4 L’orthographe grammaticale
Elle demande une certaine maturité cérébrale pour appliquer,
rapidement, la chaîne linéaire des mots, leurs accords au singulier et au
pluriel, la subtilité des conjugaisons, les règles de grammaire (parfois
arbitraires) et les nombreuses exceptions.

Contextualiser
Il convient, le plus souvent, de partir des erreurs des enfants pour
avancer et leur permettre de comprendre les mécanismes internes de
l’orthographe. C’est en faisant des manipulations qu’ils construisent
progressivement les processus. En partant d’un bref texte, il est possible
de comprendre les représentations mentales des élèves car leurs erreurs
sont des représentations mentales parfois très construites : ils ont
souvent de bonnes raisons pour faire les erreurs qu’ils font !
Dans un premier temps, il s’avère donc nécessaire de « constater »
les erreurs commises pour travailler efficacement sur celles-ci. Partir
d’un texte est ce que l’on appelle « contextualisation » ou mise en
situation. Bien sûr, les élèves ont déjà des connaissances acquises au
préalable et travaillées en classe. Elles sont alors mobilisées pour en voir
l’exacte acquisition.

Décontextualiser
Se contenter de « faire rectifier » une erreur en donnant la bonne
réponse attendue n’est pas un travail d’apprentissage. Après le
constat, commence la réflexion sur la langue, la « métacognition ».
Ce travail est essentiel car il ouvre sur la compréhension des erreurs
et leur rectification. Il demande un questionnement, des hypothèses,
des reformulations, une subvocalisation (répétition intégrée avec
expérimentation) puis une institutionnalisation pour que les élèves
modifient leurs représentations mentales, les fassent évoluer puis les
fixent sur le long terme.
Recontextualiser
Les représentations mentales ayant été efficacement et
durablement travaillées, il est temps de réemployer les apprentissages
dans un autre contexte (une nouvelle dictée qui reprendra les mots, les
règles, les conjugaisons, les accords vus) pour en vérifier la solidité, on
parle alors de « recontextualisation ». Mais pour échapper à la «
courbe de l’oubli » chère à Ebbinghaus1, l’enseignant s’évertuera à
reprendre le plus souvent possible les connaissances précédemment
acquises afin de les réactiver fréquemment. Grâce à ces trois phases de
« contextualisation » « décontextualisation » et « recontextualisation »,
l’élève devient un stratège, il a conscience de ses choix, il n’écrit plus en
improvisant !

Je
Il faut du temps pour apprendre l’orthographe car il s’agit de systèmes complexes. La maturité joue un rôle
retiens
dans cet apprentissage.
Il est nécessaire d’observer une certaine récurrence pour que l’enfant progressivement intègre à la fois le
sens et la graphie d’un mot, la logique d’une règle ou des automatismes.

1. Voir la courbe de l’oubli d’Herman Ebbinghaus sur www.delachpl.com/courbe-oubli


Tableau EVA : Questions pour évaluer les écrits  :
Le groupe EVA (Évaluation de la Vérification des Acquis) est un groupe de recherche et de développement en
didactique du français, fondé par Bernard Py et Claire Blanche-Benveniste en 1985. Le groupe EVA s'intéresse
particulièrement aux problèmes d'acquisition et de vérification des compétences langagières, ainsi qu'à la conception et
à la mise en œuvre d'outils et de méthodes d'évaluation en didactique du français. Les travaux du groupe EVA ont
notamment porté sur l'analyse des erreurs et des difficultés rencontrées par les apprenants de français langue
maternelle ou seconde, ainsi que sur la conception d'outils d'évaluation diagnostique et formatrice pour les enseignants
de français. Les recherches du groupe EVA ont contribué de manière significative à l'avancement des connaissances en
didactique du français et ont eu une influence importante sur la formation des enseignants de français.

NINA CATACH TYPOLOGIE DES ERREURS - Didactique du français : https://www.youtube.com/watch?


v=m0H_pg7OZN4

Unités Texte dans son Relations entre Phrase


Points de ensemble phrases
vue
Pragmatique – L’auteur tient-il compte de la – La fonction de guidage – La construction des phrases est-elle
situation (qui parle ou est censé du lecteur est-elle assurée ? variée, adaptée au type d’écrit ? (Diversité
parler ? à qui ? pour quoi faire ?) (Utilisation d’organisateurs dans le choix des informations mises en
? textuels : d’une part... d’autre tête de phrase...)
– A-t-il choisi un type d’écrit part ; d’abord, ensuite, – Les marques de l’énonciation sont-
adapté (lettre, fiche technique, enfin...) elles interprétables, adaptées ? (Système
conte...) ? – La cohérence thématique du récit ou du discours, utilisation des
– L’écrit produit-il l’effet recherché est-elle satisfaisante ? démonstratifs...)
(informer, faire rire, convaincre...) ? (Progression de
l’information, absence
d’ambiguïté dans les
enchaînements...)

Sématique – L’information est-elle pertinente – La cohérence sémantique – Le lexique est-il adéquat ? (Absence
et cohérente ? est-elle assurée ? (Absence de d’imprécisions ou de confusions portant
– Le choix du type de texte contradiction d’une phrase à sur les mots.)
est-il approprié ? (Narratif, l’autre, substituts nominaux – Les phrases sont-elles
explicatif, descriptif...) appro- priés, explicites...) sémantiquement acceptables ?
– Le vocabulaire dans son – L’articulation entre les (Absence de contradictions,
ensemble et le registre phrases ou les propositions est- d’incohérences...)
de langue sont-ils homo- gènes et elle marquée efficace- ment ?
adaptés à l’écrit produit ? (Choix des connecteurs : mais,
or, si, donc...)

Morpho- syntaxique – Le mode d’organisation – La cohérence syntaxique – La syntaxe de la phrase est-elle


correspond-il au(x) type(s) de est-elle assurée ? (Utilisation grammaticalement acceptable ?
texte(s) choisi(s) ? des articles définis, des – La morphologie ver- bale est-elle
– Compte tenu du type d’écrit et du pronoms de reprise...) maîtrisée ? (Absence d’erreurs de
type de texte, le système des – La cohérence temporelle conjugaison.)
temps est-il pertinent ? homo- est-elle assurée ? – L’orthographe répond- elle aux
gène ? (Par exemple imparfait/passé – La concordance des temps normes ?
simple pour un récit...) et des modes est- elle
– Les valeurs des respectée ?
temps verbaux sont-elles maîtrisées
?
Aspects matériels – Le support est-il bien choisi ? – La segmentation des unités – La ponctuation de la phrase est-elle
(Cahier, fiche, panneau mural...) de discours est-elle maîtrisée ? (Virgules, parenthèses...)
– La typographie est-elle pertinente ? (Organisation en – Les majuscules sont- elles utilisées
adaptée ? (Style et taille des paragraphes, disposition conformément à l’usage ? (En début de
caractères...) typographique avec décalage, phrase, pour les noms propres...)
– L’organisation de sous-titres...)
la page est-elle satisfaisante ? – La ponctuation
(Éventuellement présence de délimitant les unités de
schémas, d’illustrations...) discours est-elle maîtrisée ?
(Points, ponctuation du
dialogue...)

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