Refuser Les Universaux. Une Histoire Fo
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FOUCAULT,
LA SEXUALITÉ,
L’ANTIQUITÉ
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FOUCAULT,
LA SEXUALITÉ,
L’ANTIQUITÉ
SOUS LA DIRECTION DE
ÉDITIONS KIMÉ
2, impasse des Peintres
PARIS IIe
Foucault_Mise en page 1 02/01/16 12:13 Page6
Couverture :
infographie : Shan Deraze
ISBN 978-2-84174-739-9
http://www.editionskime.fr
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Sandra Boehringer
Université de Strasbourg
« Faire passer l’histoire au fil d’une pensée qui refuse les universaux »2,
tel est l’objectif clairement énoncé par Michel Foucault à la fin des années
1970. La sexualité, montre Foucault dans son Histoire de la sexualité, est
une expérience historique singulière et extrêmement récente. Si l’étude
des cultures antiques est primordiale dans une analyse portant sur les pro-
cessus par lesquels l’individu est amené à se reconnaître comme sujet de
son désir et de sa propre existence, c’est à condition de mener une enquête
qui ne présuppose ni continuité ni invariabilité des notions et des objets.
En France, à l’heure où les débats s’enflamment sur la dimension « natu-
relle » du genre et sur les questions d’une sexualité (hétérosexuelle) « nor-
male » et « première », on n’ose imaginer les réactions que susciterait
aujourd’hui la publication des trois volumes de l’Histoire de la sexualité,
qui démontrent que les « identités » sont le fruit d’une culture qui en a in-
venté les contours et la nécessité, et que l’« ordre naturel » est une fiction
discursive. Replacer dans l’histoire des catégories communément perçues
comme naturelles et étudier à cette fin les cultures grecque et romaine –
celles qui offrent, depuis des siècles, pléthore d’arguments d’autorité
qu’utilisent à l’envi des conservateurs attachés aux (prétendues) origines
de nos « civilisations » occidentales3 – serait probablement perçu comme
une provocation supplémentaire. C’est précisément en raison de l’actualité
de la pensée de Foucault, qui continue aujourd’hui encore à subvertir les
modes et le prêt-à-penser, que des intellectuels appartenant à des
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que ces études sont les rares à aborder la question de la sexualité antique,
elles n’apparaissent pas dans les ouvrages consultés par Foucault pour
L’Usage des plaisirs et Le Souci de soi. De façon générale, les interpréta-
tions des relations pédérastiques en termes de rite de passage – qu’elles
soient produites par des ethnologues faisant des séjours dans des sociétés
éloignées ou qu’elles soient le fruit de réflexions d’éminents hellénistes –
ne sont pas pertinentes pour sa réflexion14. C’est paradoxalement la socio-
logie contemporaine qui a influencé une approche, par Foucault, des so-
ciétés antiques.
En sociologie, en effet, les questions sexuelles, abordées de façon plus
dense à partir des années 1960 aux États-Unis, se formulent dans la pers-
pective générale d’une approche des sociétés que l’on nomme aujourd’hui
« constructionniste »15. Dans le contexte des idées développées par l’École
de Chicago, les chercheurs analysent la construction sociale et culturelle
des rôles sexuels et leur hiérarchisation. La sociologue britannique Mary
McIntosh, formée à l’université de Californie à Berkeley, explore ainsi des
hypothèses proches de celles qu’allait développer Foucault : elle est parmi
les premiers à avoir explicitement historicisé la catégorie « homosexua-
lité », dans son article « Le rôle homosexuel »16, consacré aux époques
moderne et contemporaine. À partir des années 1970 se développent ainsi
des études de terrain dans les divers milieux où s’exprimaient des formes
de sexualité différentes et les enquêtes menées par Gayle Rubin, consa-
crées non pas aux pratiques pour elles-mêmes mais aux formes de socia-
bilité qu’elles produisent, illustrent la richesse de ce champ17.
David Halperin, dans Saint Foucault, fait cette analyse : « Sa fréquen-
tation croissante, à la même époque, des cultures sexuelles, politiques et
sociales, en plein bourgeonnement, des communautés gays et lesbiennes
aux États-Unis, détermine de manière significative sa lecture des textes
anciens et lui offre un cadre d’analyse pour ses investigations de plus en
plus poussées sur l’éthique du “souci de soi” »18. Après 1976, en effet,
Foucault quitte le champ des archives et des discours produits « dans les
institutions religieuses, dans les règlements pédagogiques, dans les pra-
tiques médicales, dans les structures familiales »19 qu’explorait La Volonté
de savoir, pour s’atteler à une nouvelle question, qui dépasse celle de la
sexualité. Il s’appuie désormais sur des textes médicaux, moraux et philo-
sophiques pour comprendre comment, dans la Grèce du début de l’époque
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Entrer dans le champ des études classiques n’est pas forcément un saut
dans l’étranger lorsque l’on a une formation de philosophe. Pourtant, l’en-
quête que se propose de mener Foucault requiert une connaissance de do-
cuments fort différents du corpus habituel des auteurs étudiés en
philosophie et nécessite l’analyse de textes, parfois peu accessibles, sou-
vent peu commentés, peu ou pas traduits en français. Il est très important
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qu’il ait tenu un rôle « passif » (terme que Dover utilise comme étant équi-
valent d’« être pénétré »66) dans la pratique elle-même. Dans ce discours,
en effet, Eschine, l’accusateur, fait l’éloge de sa propre expérience des
amours masculines qu’il a vécues de façon convenable67. Là, c’est l’inca-
pacité de Timarque à assumer des charges publiques que sa pratique
sexuelle révèle et non son « homosexualité », et c’est son infraction à la
règle qui interdit à tout prostitué d’assumer des fonctions au service de la
cité qu’Eschine pointe, comme le souligne Foucault lui-même68. Dans son
ouvrage, Dover développe également une étude des scènes érotiques sur
la céramique grecque et une analyse du lexique érotique de la comédie at-
tique. Il montre comment se caractérisent les rôles sociaux d’éraste et
d’éromène (amant et aimé) : une relation « conforme à la norme », c’est-
à-dire dissymétrique, entre deux hommes est respectée et valorisée. L’im-
portance de scènes de cour et de scènes érotiques entre hommes qui
circulent dans les contextes de banquets révèlent l’intérêt des citoyens
grecs pour cette forme de relation et la valorisation de certains codes ; elle
souligne également le plaisir pris à peindre, contempler, parler et chanter
sur ce type de relations aucunement considérées, en tant que telles, comme
hors la loi, contre nature ou signe d’une dégénérescence particulière.
Pourtant, l’importance de Dover, si elle est visible, n’est pas directe.
Ainsi, l’étude du vocabulaire de Platon et d’Aristote, développée par
Dover en « Questions annexes »69, retient l’attention de Foucault pour ses
développements autour de « la problématisation morale des plaisirs », mais
ce qui constitue les éléments d’un moment de la démonstration de l’un
n’est pas considéré selon un même degré d’importance par l’autre. Cela
n’est pas anodin : si l’ouvrage de Dover Greek Homosexuality eut un effet
important sur l’enquête menée par Foucault, ce n’est, en réalité, pas tant
sur le contenu (car Foucault étudie, pour une grande part, un corpus très
différent) que sur la forme et la perspective de la réflexion du philosophe.
L’étape qui permet à Foucault de passer de La Volonté de savoir aux deux
tomes consacrés à l’Antiquité est rendue possible, d’une certaine manière,
par un autre que lui : l’ouvrage de Dover, par la rigueur, la solidité des ana-
lyses de documents et la dimension descriptive du projet, apporte, en par-
tie, l’équivalent du « travail d’archives » que Foucault avait accompli pour
La Volonté de savoir ; il constitue une étape implicite de l’Histoire de la
sexualité et permet cette transition, qui a paru elliptique pour beaucoup,
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NOTES
1
Le sous-titre de cet article est un clin d’œil amical à Damien Boquet, Blaise Dufal et Pauline
Labey, qui ont dirigé le récent ouvrage Les Historiens et Michel Foucault. Une histoire au pré-
sent (BOQUET ET ALII 2013).
2
Note du 7 janvier 1979 : « Non pas passer les universaux à la râpe de l’histoire mais faire
passer l’histoire au fil d’une pensée qui refuse les universaux. Quelle histoire alors ? »
(FOUCAULT [1979] 1994, p. 56).
3
Pour une critique de la notion de « civilisation » et pour une démarche visant à activer le
questionnement sur le présent à partir de l’étude de l’Antiquité, voir DUPONT 2013 et les Actes
à paraître de la journée d’étude « L’Antiquité gréco-romaine et la “civilisation”. Pour en finir
avec les inventions » (7 novembre 2015), dans le cadre du séminaire intitulé « Antiquité, ter-
ritoire des écarts. Ce que l’Antiquité fait à la modernité », dirigé à l’EHESS par Sandra
Boehringer, Carole Boidin, Claude Calame, Florence Dupont et Pierre Vesperini depuis 2013.
4
FOUCAULT [1984] 2009, p. 3.
5
L’enquête se concentrera ici sur le contexte du milieu scientifique des études classiques, et
plus particulièrement sur le domaine des chercheurs travaillant sur l’Antiquité gréco-romaine
dite païenne. En effet, contrairement aux philosophes ou aux chercheurs travaillant sur le pre-
mier christianisme et la patristique, le milieu des antiquisants français fut particulièrement lent
à accueillir et discuter les travaux de Foucault, dont l’influence actuelle, en France, est due
pour une grande part aux travaux des chercheurs états-uniens.
6
Cette présentation du contexte politique et social ne prétend bien évidemment pas à l’exhaus-
tivité : il s’agit de mettre en perspective, de façon synthétique, la pensée de Foucault dans cette
actualité.
7
FOUCAULT [1977b] 1994, p. 373.
8
L’ouvrage porte le titre suivant : La Vie sexuelle des sauvages du nord-ouest de la Mélanésie.
Description ethnographique des démarches amoureuses, du mariage et de la vie de famille
des indigènes des Îles Trobriand (Nouvelle-Guinée) (MALINOWSKI [1930] 1970).
9
MEAD [1928/1935] 1969.
10
BETHE 1907.
11
BREMMER 1980.
12
PATZER 1982.
13
Pour un panorama de l’usage, chez les spécialistes de la Grèce, du rite de passage en lien
avec l’homoérotisme antique, voir BOEHRINGER 2014. Pour une analyse critique des arguments
de Harald Patzer, voir HALPERIN [1990] 2000, p. 82-93.
14
Le rare ouvrage anthropologique que cite Foucault est celui de Van Gulick, qui porte sur la
Chine ancienne (1971), mais il s’y réfère non dans le contexte d’un développement sur les re-
lations sexuelles entre hommes, mais dans celui d’une réflexion sur la peur de la perte de l’éner-
gie dans la relation sexuelle en général (FOUCAULT 1984a, p. 154).
15
Sur les prémices du « tournant constructionniste », voir BROQUA 2011.
16
MCINTOSH [1968] 2011.
17
RUBIN [1975-2002] 2010.
18
HALPERIN [1995] 2000, p. 81.
19
FOUCAULT [1977a] 1994, p. 137.
20
Je m’appuie ici sur l’analyse de David Halperin, qui fut l’auteur d’un des premiers comptes
rendus positifs produits par les spécialistes de l’Antiquité aux États-Unis et qui marqua la
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22
FOUCAULT 1984a, p. 19.
23
Parmi ceux-ci figure le spécialiste de l’Antiquité Pierre Hadot (auquel Foucault ne se réfère
qu’à une seule reprise dans L’Usage des plaisirs) et ses Exercices spirituels (HADOT 1981),
mais son influence sur la pensée de Foucault excède largement le champ de l’Antiquité et de
la sexualité. Voir LORENZINI 2015.
24 Sur l’apport de la linguistique et de la pragmatique pour l’étude de l’Antiquité, voir l’ouvrage
collectif développant les méthodes de l’ethnopoétique CALAME ET ALII 2010, ainsi que l’article
de Claude Calame dans cet ouvrage.
25 L’homosexualité est dépénalisée (à savoir que sont également dépénalisées les relations in-
29 Sur les prémices des travaux sur la sexualité antique (des ouvrages auxquels ne se réfère pas
Foucault), voir l’historiographie faite par Halperin, Winkler et Zeitlin dans l’introduction à
l’ouvrage pionnier Before Sexuality. The Construction of Erotic Experience in the Ancient
Greek World (HALPERIN, WINKLER et ZEITLIN 1990). Sur le monde romain, voir la longue note
de Boswell qui recense les travaux existants sur l’homosexualité à Rome et leurs limites : « Au-
cune ne peut être recommandée sans de strictes réserves concernant les jugements portés sur
la condition des homosexuels » (BOSWELL [1980] 1985, p. 92, n. 3).
30 Dans la bibliographie de cet article, je signale par un astérisque les ouvrages portant sur
l’Antiquité que Foucault a fait figurer dans la bibliographie de L’Usage des plaisirs et du Souci
de soi, ou qu’il cite dans son cours de 1981, Subjectivité et vérité.
31 Je développe ici une analyse que je n’ai pu qu’esquisser dans BOEHRINGER 2013.
32 BOSWELL [1980] 1985, p. 92, n. 3, pour les dictionnaires anglophones. En français, voir par
description. L’étude de certains aspects de la culture grecque reste généralement réservée aux
rares étudiants choisissant de faire un master de sciences de l’Antiquité.
34 Ainsi, le latiniste H.J. Izaac, traducteur français des Épigrammes de Martial aux éditions Les
Belles Lettres en 1930 (une édition toujours en usage), a une compréhension assez particulière
d’un terme qui décrit les pratiques de la tribade Philaenis, qui, selon Martial, « besogne onze
jeunes filles en un seul jour » et qui « non fellat ». Izaac choisit de traduire avec l’aide de des
crochets : « Elle [ne s’adresse pas à l’homme] », trahissant par là une étrange conception des
relations entre les sexes.
35 Ce fut le cas, par exemple, pour la revue de l’association homosexuelle suisse, Der Kreis,
fondée en 1931.
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36 BUFFIÈRE 1980 ; l’ouvrage est à nouveau accessible dans une réédition « de luxe » aux édi-
39 Ibid., p. 17.
42 Ibid., p. 44.
44 Sur Boswell et son influence, voir, entre autres, ERIBON 2003. Sur l’opposition « construc-
46 FOUCAULT [1981] 2014, p. 256-257. Peu de temps après sa sortie, Foucault souligne « l’ori-
49 Ibid., p. 397, n. 1.
50 Sur la méthode de Foucault et sa proximité théorique avec celle de Paul Veyne, voir VEYNE
2001.
51 FOUCAULT 1984a, p. 14. Voir aussi FOUCAULT [1978] 1994, p. 559, où le philosophe développe
53 En France, très peu de travaux ont approfondi ou renouvelé l’approche de Paul Veyne. Pour
une approche critique de l’interprétation littérale par Paul Veyne des rôles « actif »/« passif »
en termes de pénétration, et pour une « anthropologie des corps érotisés » à Rome, voir DUPONT
et ÉLOI 2001.
54 VEYNE 2001, p. 22 ; voir également p. 24.
56 Ibid., p. 39.
58 Sur l’importance de la notion de désir chez Foucault, voir l’article de Daniele Lorenzini dans
cet ouvrage.
59 DOVER [1978] 1982.
60 Foucault fait onze références aux travaux de Kenneth Dover (DOVER 1973, 1974 et [1978]
64 BETHE 1907.
66 Sur l’importance de ne pas considérer comme évidente ou allant de soi l’équivalence entre
actif/passif, dominant/dominé, pénétrant/pénétré, voir l’article d’Olivier Renaut dans cet ou-
vrage, et son étude de la paiderastia chez Platon (RENAUT 2015).
67
Eschine, Contre Timarque, 135-137.
68
FOUCAULT 1984a, p. 240, n. 2.
69 DOVER [1978] 1982, p. 189-208. De même, sur Éros, Foucault mentionne l’article de Luc
Brisson, qui offre un long développement sur Hésiode et Platon, dans le Dictionnaire des my-
thologies dirigé par Yves Bonnefoy (BRISSON 1981).
70 FOUCAULT [1978] 1994, p. 570.
71 FOUCAULT 1984a, p. 384. Il ajoute : « Il ne s’agissait pas de fournir un modèle de comporte-
ment à tout le monde. C’était un choix personnel qui concernait une petite élite. »
72 Ibid., p. 19.
74 Ibid., p. 207-248.
75 Voir par exemple l’importance des métiers ou de la fortune personnelle chez Artémidore
les Erôtes, IV, 10), voir HALPERIN [1992] 1994, p. 31 sq. (taste) et BOEHRINGER 2007b.
77 C’est cet aspect de la réflexion de Foucault qui a le plus suscité l’intérêt des historiens et des
en 1892, une « passion sexuelle morbide pour le sexe opposé » (p. 25), voir KATZ [1995] 2001.
80 Voir BOEHRINGER et BRISSON 2003.
81 FOUCAULT [1981] 2014, p. 88-89. Ce fil, cependant, ne sera pas tiré davantage dans les deux
seule mention de Sappho dans son cours de 1980-1981 (FOUCAULT [1981] 2014, p. 197) et ne
consacre que quelques lignes (assez sommaires) au commentaire de l’Interprétation des rêves
d’Artémidore (I, 80) qui évoque un songe où deux femmes ont une relation sexuelle (ibid.,
p. 37-38). À une question portant sur les femmes, lors d’un entretien en 1982 (FOUCAULT
[1982a] 1994, p. 291-292), il répond qu’il reste des choses à découvrir dans ce champ, mais
les volumes de 1984 ne poussent pas l’enquête plus avant. Sur l’importance d’intégrer les re-
lations érotiques entre femmes pour mener une enquête sur les aphrodisia antiques et la gé-
néalogie du « sujet de désir », voir l’argumentaire de HALPERIN [1997] 1998 et la recherche de
BOEHRINGER 2007a. L’ouvrage consulté par Foucault, sur la question des femmes en général,
est celui de POMEROY 1975.
84 Sur la réception de L’Usage des plaisirs et du Souci de soi, en particulier dans le milieu des
antiquisants, voir l’introduction collective dans PALTRINIERI 2014, p. 24-35 et les comptes ren-
dus réunis et traduits dans ce volume.
85 Les guillemets renvoient à une forme d’autodéfinition que produit le groupe d’historiens
que rencontre Foucault, lors d’une table ronde autour de Surveiller et punir. Lors de cet
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échange, Foucault donne l’exemple de la sexualité comme moyen de faire « l’histoire de l’ob-
jectivation de ces éléments que les historiens considèrent comme donnés objectivement » et
répète l’objet de sa démarche, que certains historiens critiquent en se référant aux méthodes
historiques : il s’agit, explique-t-il, de faire « l’objectivation des objectivités […]. C’est cette
sorte de cercle que je voudrais parcourir. Une “embrouille” en somme dont il n’est pas com-
mode de sortir : voilà sans doute ce qui gêne et irrite » (FOUCAULT [1980b] 1994, p. 34). Je re-
mercie Daniele Lorenzini de m’avoir signalé ces débats.
86 Ainsi, ces deux ouvrages ne suscitèrent aucune réaction ni réflexion particulière chez Jean-
Pierre Vernant, lui qui pourtant développa, en son temps, une approche nouvelle de la Grèce
antique et de l’individu.
87 Les ouvrages de 1984 n’ont fait l’objet que de très rares comptes rendus dans le champ des
études classiques en France (cf. S. Boehringer et alii, dans PALTRINIERI 2014, p. 24 sq.). Signa-
lons celui de MATHIEU 1986, assez confidentiel, et celui de ROUSSELLE 1987, dans les Annales,
mais ni le premier – qui relève les inexactitudes –, ni la seconde – qui rappelle combien ce tra-
vail, intéressant certes, n’est pas un travail d’historien – n’identifient véritablement l’impor-
tance du projet théorique de Foucault et ses potentiels effets sur l’histoire ancienne. Enfin la
très active – à cette époque – Revue des études grecques n’en fait jamais ni mention ni recen-
sion, et si un court développement, très positif, consacré au travail de Foucault apparaît dans
la revue française Métis. Anthropologie des mondes grecs anciens, fondée en 1986 par des
membres du Centre Louis Gernet, c’est dans le cadre d’un article général écrit par une états-
unienne (ARTHUR-KATZ 1989, p. 155-179). Sur le climat homophobe encore assez présent dans
le champ des études classiques (et contre Foucault en particulier), voir BOEHRINGER 2013,
p. 29, n. 36 : la réception de Foucault est, elle aussi, une histoire au présent.
88 Voir la critique au vitriol de Martha Nussbaum (NUSSBAUM 1985) suivie de la réponse argu-
mentée à Nussbaum par l’helléniste David Konstan (KONSTAN 1985) ; voir le compte rendu à
la fois critique et enthousiaste de l’historien des sciences et helléniste G.E.R. Lloyd (LLOYD
1986) ; voir surtout celui, décisif, de HALPERIN [1986] 2000. Pour certains aspects de cette ré-
ception (dont la critique féministe), voir l’analyse et la bibliographie de ORMAND 2014.
89 HALPERIN [1990] 2000.
91 Il n’est pas possible ici de mentionner les publications nombreuses et importantes qui virent
le jour autour de ces thématiques dans les années 1990, tant dans le champ de l’histoire de la
Grèce que dans celui de l’histoire de Rome. Pour une réflexion sur l’état des lieux actuel de la
recherche en histoire de la sexualité et du genre dans l’Antiquité (avec une comparaison trans-
nationale des recherches sur la sexualité), voir BOEHRINGER 2012 ; MASTERSON, RABINOWITZ
et ROBSON 2015, p. 1-12 ; BOEHRINGER et SEBILLOTTE 2015 ; BLONDELL et ORMAND 2015, p. 1-
22.
92 Voir, de façon non exhaustive, les ouvrages de synthèse : SKINNER 2005, YOUNGER 2005,
ORMAND 2009, GOLDEN et TOOHEY 2011 ; les anthologies et recueils republiant les articles de
référence sur la question : MCCLURE 2002, HUBBARD 2003, GOLDEN et TOOHEY 2003, LEAR et
CANTARELLA 2008 (ouvrage de réflexion mais également précieux catalogue d’images),
JOHNSON et RYAN 2005, BOEHRINGER et TIN 2010 et le très dense Companion dirigé par
HUBBARD 2014.
93 Voir, entre autres, pour les années 2000, R ABINOWITZ et A UANGER 2002, N USSBAUM et
SIHVOLA 2002, BOEHRINGER 2007a, ORMAND 2009, LEAR 2014, BLONDELL et ORMAND 2015.
94 FOUCAULT [1980a] 1994, p. 19, lors d’une table ronde en 1978, en référence à la critique
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BIBLIOGRAPHIE
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1981, éd. F. Gros, Paris, EHESS-Gallimard-Seuil.
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INTRODUCTION
UNE HISTOIRE DE L’HISTOIRE DE LA SEXUALITÉ
PARTIE 1
AVANT LA SEXUALITÉ
Sandra BOEHRINGER
« Refuser les universaux. Une histoire foucaldienne de la
sexualité antique, une histoire au présent » 33
Kirk ORMAND
« Peut-on parler de perversion dans l’Antiquité ?
Foucault et l’invention du raisonnement psychiatrique » 63
PARTIE 2
C’EST À QUEL SUJET ?
Jean ALLOUCH
« La scène sexuelle est à un seul personnage » 89
Claude CALAME
« Sujet de désir et sujet de discours foucaldiens.
La sexualité face aux relations érotiques de Grecques et Grecs » 99
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PARTIE 3
QUESTION(S) DE DÉSIR
Olivier RENAUT
« Sexualité antique et principe d’activité.
Les paradoxes foucaldiens sur la pédérastie » 121
Daniele LORENZINI
« Le désir comme “transcendantal historique”
de l’histoire de la sexualité » 137
PARTIE 4
REPENSER LES CORPS ET LES NORMES
Arianna SFORZINI
« Corps de plaisir, corps de désir. La théorie augustinienne
du mariage relue par Michel Foucault » 153
Thamy AYOUCH
« De l’herméneutique au stratégique.
Sexuations, sexualités, normes et psychanalyse » 167