Veldwachter 2010
Veldwachter 2010
Veldwachter 2010
Nadège Veldwachter
MLN, Volume 125, Number 4, September 2010 (French Issue), pp. 941-960
(Article)
Access provided by Western Sydney University (12 Jan 2019 20:51 GMT)
Charles-Robert Ageron
entre mythe républicain et mythe
impérial : Une histoire des
mentalités manquée
❦
Nadège Veldwachter
1
L’on s’inspire ici largement des recherches de Cécile Vidal, « La Nouvelle Histoire
atlantique en France : Ignorance, réticence et reconnaissance tardive », Nuevo Mundo
MLN 125 (2010): 941–960 © 2011 by The Johns Hopkins University Press
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Mundos Nuevos, Coloquios, 2008, [En línea], Puesto en línea el 24 septembre 2008.
URL : http://nuevomundo.revues.org/index42513.html.
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2
Charles-Robert Ageron, « L’Exposition coloniale de 1931, mythe républicain ou
mythe impérial ? », Pierre Nora (sous la direction de), Les Lieux de mémoire, tome I «
La République», (Paris : Gallimard, 1984) 561–91.
3
Pierre Nora cité dans Henri Moniot, « Faire du Nora sous les tropiques ? », Histoire
d’Afrique les enjeux de la mémoire, Jean-Pierre Chrétien, Jean-Louis Triaud, eds. (Paris :
Karthala, 1999) 20.
4
L’article d’Ageron est cité plus ou moins longuement dans l’éventail d’ouvrages
suivants: Catherine Hodeir, Michel Pierre, L’Exposition coloniale (Bruxelles : Complexe,
1991); Zoos humains, ouvrage collectif sous la direction de Nicolas Blancel, Pascal
Blanchard, Gilles Boetsch, Éric Deroo, Sandrine Lemaire; Olivier Razac, L’Écran et le
zoo : spectacle et domestication, des expositions coloniales à Loft Story (Paris : Denoël, 2002);
Girardet Raoul, L’Idée coloniale en France, rééd. (Paris : Hachette coll. « Pluriel », 1986);
Sylviane Leprun, Le Théâtre des colonies: Scénographie, acteurs et discours de l’imaginaire dans
les expositions 1855–1937 (Paris : L’Harmattan, 1986); Collectif, Catalogue de l’exposition
Images et colonies, musée de l’Histoire contemporaine (Paris : BDIC-ACHAC, 1993);
Denise Bouche, Histoire de la colonisation française (Paris : Fayard, 1991); Nicolas Bancel
et Pascal Blanchard, De l’indigène à l’immigré (Paris : Gallimard, coll. « Découvertes »,
1998); Herman Lebovics, La « Vraie France ». Les enjeux de l’identité culturelle, 1900–1945
(Paris : Belin, 1996).
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Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Françoise Vergès, La République coloniale, Essai sur
5
Cf. Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, « Ces zoos humains de la
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traverse ses ouvrages précédents; consulter en particulier France coloniale ou parti colonial
(Paris : PUF, 1978).
Une histoire culturelle au sens où Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli la
8
définissent dans leur ouvrage:
« l’histoire culturelle étudie la diffusion, dans l’espace
social, et la transmission, dans le temps, de ce qui est chargé de sens, aussi bien donc
les grands courants intellectuels que les perceptions individuelles ou collectives re-
levant de registres moins élaborés. Mais elle analyse aussi, autant que faire se peut,
l’articulation entre ces idéologies ou ces idées et ces représentations collectives plus
diffuses et donc, à leur croisée, l’infrastructurel. […] Cette histoire permet seule de
penser dans leur intégralité les processus de circulation des faits non matériels dans
une société et de placer cette analyse dans sa perspective nécessairement cinétique
mais aussi anthropologique . . .” Jean-Pierre Rioux, Jean-François Sirinelli, La Culture
de masse en France de la Belle Epoque à aujourd’hui (Paris : Fayard, 2002) 11.
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.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?analyse_id=415.
10
Annie Rey-Goldzeiguer, « Réflexions sur l’image et la perception du Maghreb et de
Maghrébins dans la France du XIXe et du XXe siècles », Images et colonies, Nature, discours
et influence de l’iconographie coloniale liée à la propagande coloniale et à la représentation des
Africains et de l’Afrique en France, de 1920 aux Indépendances, P. Blanchard et A. Chatelier,
eds. (Paris : Syros-ACHAC, 1993) 39.
11
Exemples tirés de l’étude de Robert Aldrich, Vestiges of Colonial Empire in France,
Monuments, Museums and Colonial Memories (New York: Palgrave Macmillan, 2005).
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Bien que cette dernière remarque mérite d’être sévèrement critiquée, on ne peut
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paradoxe républicain », Zoos humains au temps des exhibitions humaines, sous la direction
de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Eric Deroo, Sandrine Lemaire
(Paris : La Découverte, 2004) 399–417.
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Pierre Bourdieu cité dans, « Rethinking the State. Genesis and Structure of the
18
Bureaucratic Field » dans Georges Steinmetz (dir.), State/Culture. State Formation after
the Cultural Turn, (Ithaca: Cornell University Press, 1999) 53.
Daniel Rivet, « Le Fait colonial et nous : histoire d’un éloignement », Vingtième
19
d’Algérie : 1954–1962 (Paris : Gallimard, 2001) et Sylvie Thénault, Une drôle de justice :
Les Magistrats dans la Guerre d’Algérie (Paris : La Découverte, 2001) ; Daniel Lefeuvre,
Chère Algérie : La France et sa colonie 1930–1962 (Paris: Flammarion, 2005) se concentrent
sur l’histoire Algérienne. Voir aussi, Nicolas Bancel, Olivier Barlet, Sylvie Chalaye, Éric
Deroo, Culture coloniale : La France conquise par son empire 1870–1931 (France: ACHAC,
Autrement, 2002); Gilles Manceron, Marianne et ses colonies (Paris : La Découverte,
2003) et Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Françoise Vergès, La République coloniale
(Paris : Albin Michel, 2003).
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Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel, « La Formation d’une culture
21
coloniale en France, du temps des colonies à celui des « guerres de mémoires », Culture
coloniale en France, De la révolution française à nos jours, sous la direction de Pascal Blan-
chard, Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel (Paris: CNRS Editions, 2008) 16.
« La Formation d’une culture coloniale en France, du temps des colonies à celui
22
des « guerres de mémoires » 22. Voir également, « Le Bain colonial aux sources de la
culture coloniale populaire (1918–1931) ». Culture coloniale en France : De la Révolution
française à nos jours, 48–57.
Voir définition à l’adresse suivante : http://www.cnrtl.fr/definition/bains
23
Autres, De l’Exposition coloniale aux Arts premiers (Paris : Flammarion, 2007) 419.
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1994 ainsi que « L’Union nationale : la « rencontre » des droites et des gauches autour
de l’Exposition coloniale (1931) », dans Culture coloniale en France, 269–87.
26
La République coloniale, Essai sur une utopie, 111.
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Cette prise de position n’est pas sans conséquence, car elle introduit
un entendement de la politique française d’hier et d’aujourd’hui sous
de nouveaux auspices. Pour une large part, l’origine de la « guerre
des mémoires » qui oppose les historiens de persuasions divergentes
quant à la place de l’histoire coloniale dans la mémoire nationale, est
en grande partie à attribuer à cette scission factice entre deux Frances,
l’une républicaine et universaliste, l’autre impériale et arbitraire. Ce
que se doit de transmettre l’historien c’est bien la reconnaissance d’un
environnement où Empire et République se nourrissent l’un l’autre en
lieu de la désunion proposée par Ageron. « République et colonies se
parlent, se rejoignent, se soutiennent […], s’empruntent des termes,
des notions, des lois28 ». Loin de dire que ces relations se sont faites
sans affrontements, leurs zones de contact sont restées témoins des
continuités et connivences qui informent le présent post-colonial.
Un ensemble de dispositifs juridiques, politiques et militaires vont
concourir à configurer une véritable « culture coloniale » où la pro-
pagande d’Etat sera l’un des piliers à la mobilisation idéologique
en soubassement des valeurs républicaines29. En effet, la vague de
conquêtes sous la IIIe République vise principalement à asseoir dura-
blement le pouvoir d’un parti républicain en permanence menacé
par un retour de la monarchie. Ainsi, sous l’auspice de l’entreprise
coloniale la IIIe République tente de répondre à un besoin de cohé-
sion, d’unité nationale, en créant des valeurs civilisatrices susceptibles
de transcender toutes fractures intérieures. On ne manquera pas de
souligner au passage la contradiction interne d’une pensée instaurant
d’un côté un propos universaliste et humaniste alors que de l’autre,
différentes formes de « racialisme » rendent ces mêmes concepts inat-
teignables pour certains. L’ouvrage The Black Jacobins de C. L. R. James
fut d’ailleurs acclamé par la critique en ce que l’argument repousse
l’idée qu’il ait pu y avoir corrélation entre républicanisme et l’abolition
de l’esclavage30. Pour sa part, Laurent Dubreuil décrit la réalité de la
possession coloniale et (post)-coloniale, comme étant à la fois maté-
rielle, en ce qu’elle a prise sur les espaces et les corps, et spirituelle
27
Nationalisme et colonialisme 182.
28
La République coloniale, Essai sur une utopie, 47.
29
« L’Union nationale: la « rencontre » des droites et des gauches autour de
l’Exposition coloniale (1931) ».
James, C.L.R., The Black Jacobins, 3rd ed. (London: Allison and Busby Limited, 1980).
30
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2008).
« L’Union nationale » 275.
32
Exhibitionary Order », The Visual Culture Reader, ed. Nicholas Mirzoeff (New York :
Routledge, 2007) 495–505.
Suzanne Citron, « L’Impossible révision de l’histoire de France (1968–2006) »,
37
Culture coloniale en France, De la révolution française à nos jours, Pascal Blanchard, Sandrine
Lemaire, Nicolas Bancel, sous la direction de, (Paris: CNRS Editions, 2008) 513–36.
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Gayatri Spivak citée dans Irit Rogoff, « Studying Visual Culture », The Visual Culture
38
studies dans le débat français. Ed. Marie-Claude Smouts (Paris : Sciences Po, 2007)
293–98.
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