Les Méthodes de Datation - L'archéométrie
Les Méthodes de Datation - L'archéométrie
Les Méthodes de Datation - L'archéométrie
Ce qui suit est un résumé qui ne prétend pas épuiser le sujet mais en montrer la diversité et la complexité.
L'archéométrie est une mesure scientifique de datation d'un objet qui fut (ou fit partie d') un être vivant ou
d'un matériau inanimé.
Il existe de nombreuses méthodes de datations adaptées à chaque groupe de cas particuliers et chaque
méthode à sa plage d'incertitude (erreur absolue ou relative).
Plus la datation est proche de la date de mesure (5 000 ans), plus elle est précise ; plus elle est éloignée
(centaines de milliers, millions, milliards d'années), plus l'erreur est importante.
Il est important de savoir que la datation n'est assurée (diminution de la marge d'erreur) que si elle est
confirmée par d'autres méthodes. De plus, la datation n'est pas seulement liée à la méthode mais aussi par
les conditions du laps de temps qui nous sépare de l'origine de l'objet : variations de températures,
rayonnement cosmique, tectonique des plaques, rayonnement solaire ionisant, diffusion atmosphérique
importante de radionucléides (essais de bombes atomiques, centrales nucléaires avec coeur en fusion,
etc...)
La datation relative indique seulement si l'âge d'un objet est antérieur ou postérieur à un autre.
La datation absolue indique une datation chiffrée ± l'erreur exprimée en années (mille, millions milliards).
Seule cette dernière sera abordée ici.
Les méthodes de datations se basent sur plusieurs techniques scientifiques telles que :
- La radioactivité
- La spectrométrie de masse
- La thermoluminescence (TL)
- Potassium/Argon (K/Ar)
- Uranium/Thorium (U/Th)
- Rubidium/strontium (Rb/Sr)
- Uranium/Plomb (U/Pb)
- L'archéomagnétisme
- Le paléomagnétisme
- La dendrochronologie
- Résonance de spin électronique
- La diffractométrie de rayon X
- etc...
Généralités
Un élément radioactif, qualifié d’éléments père (P), est constitué par un atome instable. Il se désintègre
spontanément, donnant naissance à un autre élément, l’élément fils (F), radiogénique. La proportion
d’atomes radioactifs qui se désintègrent par unité de temps est une constante immuable, donc une horloge
potentielle appelée constante radioactive (λ exprimé en Nbr désint/an).
La désintégration de l’isotope père suit la loi suivante, appelée loi de désintégration radioactive qui suit
une courbe exponentielle de la forme :
Np0
Npt = -------
eλt
avec :
➢ Npt: nombre d’atomes de l’isotope père radioactif au temps t
➢ Np0 : nombre d’atomes de l’isotope radioactif à l’instant initial t0
➢ λ : constante de désintégration de l’isotope étudié
➢ t : temps écoulé depuis la fermeture du système (depuis la formation de l’échantillon), c’est-à-dire le
temps qui nous intéresse pour dater une roche ou les restes d'un êtres vivant.
➢ e : la constante exponentielle. e ≈ 2,7183... (les machine à calculer ont cette valeur en mémoire)
Mais l'intérêt est de connaître la datation, c'est-à-dire « t ». Les matheux feront la démonstration.
ln ( Np0 / Npt )
t = ------------------
λ
λ s’appelle l’activité : c’est le nombre de désintégrations par unité de temps. L’unité de mesure
internationale de l’activité est le becquerel (Bq), qui correspond à une désintégration par seconde. Une
autre unité est utilisée, le curie (Ci).
1 Ci = 3,7 x 1010 désintégrations par seconde = 37 gigabecquerels.
Donc 1 Bq = 31 536 000 désint/an = 31,54 106 désint/an
et 1 Ci = 37 * 106 * 31,54 106 = 1,17 1015 désint/an
Le Carbone 14 (C14)
Le C14 est un élément radioactif présent dans le CO2 qui est assimilé par les plantes par le principe de la
photosynthèse, et en conséquence par le monde animal par le jeu de la chaîne alimentaire.
Homme, animaux (dans leurs os), mollusques (dans leur coquille), plantes (dans leurs cellules végétales)
fixent le C14 en proportions égales grâce à des échanges permanents de C14 avec l’atmosphère.
A la mort des ces organismes (= « fait marquant »), les échanges en C14 s’arrêtent et la quantité de C14
diminue progressivement de moitié tous les 5568 ± 30 ans (= « demi-vie » ou « période » du C14).
On va alors calculer le temps écoulé depuis la mort de l’organisme qui est marqué par l’arrêt de l’échange
en C14 et par sa décroissance.
Limites chronologiques : après 6 « périodes » radioactives (33 000 ans), il n'y a plus de radiocarbone dans
la matière. L’échantillon ne peux plus être daté par cette méthode.
La datation au C14 se base sur la formule précédente avec λ = 1,2449 10-4 désint/an (= ln (2) / 5568 )
Exemple 1 :
On relève des restes humains dont la radioactivité est de Npt = 1600 Bq.
Or la radioactivité actuelle d'un être humain est d'environ Np0 = 8600 Bq.
Donc Np0 / Npt = 5,375
Notes :
1) La méthode de datation par le C14 n’est réellement valable que pour les restes de corps vivants.
2) Une méthode plus précise a été mise au point en 2020 qui est la datation par le rapport isotopique
R = C14/C12 = 10-12 et qui tient compte aussi de la variation de température pendant la période
estimée. La limite de précision passe alors de 33 000 ans à 50 000 ans ± 5 ans, ce qui est
remarquable.
Exemple 2 :
On prélève 10 g de granit ayant une radioactivité de Npt = 0,01 Bq.
Or, sa radioactivité normale est d'environ Np0 = 1 Bq/g soit 10 Bq
Il y a principalement dans les roches de l'Uranium 234 (U234) – [ cette affirmation doit être confirmée par
d'autre mesures ] – qui, lors de la désintégration se transforme en Thorium 230 (Th230) – voir le tableau
ci- avant qui donne une demi-vie T = 245 000 ans.
Le choix de la méthode dépend de l'endroit où l'on trouve la roche. Les archéologues pourront confirmer
ou pas l'hypothèse d'une roche très âgée mais le calcul devra de toute façon être confirmé par d'autres
méthodes pour être validée.
La spectrométrie de masse
Principe
Le gaz carbonique de l’atmosphère contient une petite proportion de C14, élément radioactif naturel, c’est-
à-dire qui a la propriété de se désintégrer spontanément en donnant un ou plusieurs autres éléments eux-
mêmes stables ou radioactifs. Dans la haute atmosphère l’action de neutrons, créés par les rayons
cosmiques, sur l’azote (N14) de l’air produit le C14. Ce nouvel atome s’oxyde rapidement en gaz
carbonique (C14O2) et se mêle à celui de l’air des couches les plus basses de l’atmosphère et à celui des
eaux continentales et océaniques. Il s’intègre alors au cycle naturel du carbone et est absorbé ainsi par
tous les êtres vivants (animaux et végétaux). Sa production dans l’atmosphère se fait de façon continue
mais sans accumulation : il se désintègre spontanément pour redonner un atome d’azote. La production
de C14 et sa disparition par désintégration s’équilibrent autour d’une faible teneur en C14 conférant une
radioactivité naturelle au gaz carbonique de l’atmosphère. Tant que les organismes restent en échange
avec ce gaz carbonique, ils présentent cette teneur en C14. À leur mort, la fixation du radiocarbone cesse
et sa concentration dans les matières organiques mortes diminue avec le temps. Il est alors possible, en
mesurant le taux résiduel de C14 d’une matière carbonée, de déterminer le temps écoulé depuis sa mort.
Tableau 2
Méthode de datation par résonance de spin électronique (ESR = Electronic Spin Resonance)
La compréhension de cette méthode de datation demande des connaissances concernant le spin de
l’électron.
La résonance de spin électronique (ESR), également appelée résonance paramagnétique électronique
(RPE), est une méthode classique d’analyse de la structure de la matière, couramment employée en
physique du solide, en chimie moléculaire, en biologie et en cristallographie.
C’est aujourd’hui devenu un outil géochronologique important, qui permet en particulier de fournir des
points de repère chronologiques sur les séquences continentales pléistocènes, principalement à travers la
datation de dents de mammifères fossiles
Le Pléistocène s'étend de 2,6 millions d'années à 12 000 ans avant le présent. Le Pléistocène est marqué
par les cycles glaciaires. Sa fin correspond plus ou moins à celle du Paléolithique.
Le pléistocène est subdivisé en trois « sous-époques géologiques » :
Le pléistocène inférieur : 2,6 millions d’années à 780 000 ans avant le présent
Le pléistocène moyen : 780 000 à 126 000 ans avant le présent
Le pléistocène supérieur : 126 000 à 12 000 ans avant le présent).
Les mammouths de grande taille se sont dispersés de l’Afrique vers l’Eurasie, puis vers l’Amérique du
Nord au début du pléistocène inférieur. Ils se sont éteint suite à une hausse brutale de la température à la
fin du pléistocène inférieur. La méthode du C14 n’est donc pas applicable à ce cas.
Les étapes
majeures du
peuplement de la
planète par les
groupes Homo
Sapiens
D’Afrique
(- 315 000 ans)
vers l’Amérique
du nord
(-14 000 ans)
La spectrométrie ESR
La détection par spectrométrie ESR des électrons piégés sous l’effet de la radioactivité dans un
échantillon est basée sur le comportement de ces derniers lorsqu’ils sont placés dans un fort champ
magnétique.
Les calculs dépassent le cadre de cet exposé général.
1
I = I∞ * [ 1 - --------------- ] (5)
eμ * (Dart + D)
I est l'intensité du signal ESR (en unités arbitraires) d'un échantillon irradié artificiellement à la dose
Dart (Gy = Gray : voir la note ci-après),
I∞ l'intensité de saturation (u.a.),
μ le coefficient de sensibilité de l'échantillon
D la paléodose (Gy).
Note :
Un gray (Gy) délivré à l'ensemble du corps (dose corps-entier) correspond à une dose absorbée très
élevée : une telle irradiation, délivrée en une seule fois, est le seuil d'apparition du syndrome d'irradiation
aiguë, aussi appelé mal des rayons. On l'utilise donc pour exprimer des doses élevées, par exemple
en radiothérapie. Dans le cas d'un cancer, la dose typique est de 40 à 80 Gy.
Pour d'autres applications, cette unité est trop élevée, et on préfère utiliser ses sous-multiples :
le nanogray (nGy) = 10-9 Gy, plus adapté aux très faibles doses, dans les calculs d'exposition
environnementale exprimée en nGy/h (nano Gray par heure).
Principe :
Lorsque l’on chauffe un quartz (par exemple), la quantité de lumière émise par thermoluminescence est
proportionnelle au nombre d’électrons libérés (au départ piégés dans les impuretés du quartz), lui-même
proportionnel au nombre de pièges initialement occupés, lui-même proportionnel au temps écoulé depuis
le fait marquant.
« Le fait marquant » est le vidage par la chauffe de tous les pièges auparavant occupés par des électrons
Les matériaux concernés : céramiques, fours, briques, silex chauffés, roches volcaniques.…
Domaine chronologique d’application :
De 50 000 à 200 000 ans, donc compris entre la limite supérieure du C14 et la limite inférieure du
Potassium-Argon.
Principe :
On utilise au moins deux minéraux d’une même roche et on prend en compte un autre isotope le
strontium 86 (isotope stable).
On mesure les rapports isotopiques Sr87/Sr86 et Rb87/Sr86 dans chaque minéral.
On construit un graphique représentant les rapports isotopiques Sr87/Sr86 des divers minéraux en
fonction de leur rapport Rb87/Sr86. Les points représentatifs se disposent suivant une droite d’équation :
y =a*x +b
Sr87/Sr86 = a * Rb87/Sr86 +b
qui représente la tangente de l’angle que fait la droite avec l’axe des x
Par calculs, on détermine que a vaut a = eλt – 1 d’où
ln ( a + 1 )
t = -------------
λ
Connaissant la constante de désintégration λ, on peut trouver l’âge t. Cette pente est d’autant plus forte
que le temps écoulé depuis la formation de la roche est grand. Donc plus a est important et plus la roche
est âgée.
Exemple
Supposons que les mesures donnent : a=∆y/∆x
a = ∆ (Sr87 / Sr86) / ∆ (Rb87 / Sr86) = 2
et pour la demi-vie (Sr-Rb) T½ = 48,8 109 années = 48,8 milliards d’années
donc λ = (ln 2) / T½
et λ = 1,42038 10-11
ln ( Ar40/K40 + 1 )
t = ----------------------
λ
ln [9,5 * (Ar40/K40) + 1]
t = --------------------------------
λ
Remarque : Le coefficient 0 ,105 provient du fait que le K40 se désintègre en réalité en deux éléments
fils, l’argon 40 et le calcium 40. Ce coefficient représente la fraction du K40 se désintégrant en argon.
La principale difficulté de cette méthode provient du fait que Ar40 est l’isotope de l’argon le plus
abondant dans l’atmosphère. Si au moment d’une éruption volcanique, une petite quantité d’argon
atmosphérique est incorporée dans les projections de lave, l’âge calculé à partir de des cendres
volcaniques sera supérieur à son âge réel. Aussi réalise-t-on, dans ce cas, plusieurs mesures sur des
échantillons différents afin de s’assurer, par leur concordance, de l’absence de contamination de la lave
par le Ar40 atmosphérique.
Lors de la formation d'une roche magmatique, du rubidium et du strontium sont intégrés dans les réseaux
cristallins de certains minéraux (micas, feldspaths). Chacun de ces éléments se présente sous plusieurs
formes isotopiques : Rb85 et Rb87 d'une part, Sr88, Sr87, Sr86 et Sr84 d'autre part.
L'isotope 87Rb, radioactif, se désintègre en donnant 87Sr : (T = 48,8 milliards d'années et λ = 1,42.10-11 .
Or on ne connaît pas la quantité initiale de ces éléments dans les minéraux de la roche à la fermeture du
système, que ce soit celle de P ou celle de F qui n'est pas nulle au départ.
On dispose ainsi d'une équation à deux inconnues : la quantité Sr087 initial et le temps t de désintégration
du Rb87 en Sr87 qu'il faut résoudre.
Pour cela, il faut comprendre que deux minéraux (ou deux roches) cristallisant à partir d'un même magma
intégreront dans leur réseau cristallin du strontium avec un rapport isotopique Sr87 / Sr86 identique à
celui du magma d'origine. On dit que ces échantillons sont cogénétiques.
Sachant que Sr87 est stable et que Sr86 n'est ni radioactif ni radiogénique, la quantité de cet isotope ne
varie pas au cours du temps dans un système clos et Sr86 = Sr086. Si on divise toute l'équation par le
nombre de l'isotope Sr86, l'équation devient donc :
( Sr87 / Sr86 ) mesuré = ( Sr087 / Sr86 ) initial + ( Rb87 / Sr86 ) mesuré * (eλt - 1)
Cette équation exprime une fonction sous la forme : y = a * x + b où les inconnues recherchées sont :
(a) - Effectuer les mesures (par spectrométrie de masse), des rapports Sr87 / Sr86 et Rb87 / Sr86 sur
plusieurs échantillons d'un granite par exemple qui correspond à un système clos.
(b) - Construire une graphe et reporter les mesures Sr87 / Sr86 sur l'axe des ordonnées (y) et Rb87 / Sr86
sur l'axe des (x).
(c) – Ces mesures se répartissent sur une droite dite isochrone. L'intersection de cette droite avec l'axe des
ordonnées donne la valeur B du {Sr087 / Sr86} initial.
(d) – Connaissant B et la constante de désintégration λ, on peut déduire t (de l’équation précédente) qui
devient :
L’ archéomagnétisme
Cette méthode est fondée sur le Champ Magnétique Terrestre (CMT). Ce champ est caractérisé par sa
direction, son inclinaison et son intensité. Ces trois grandeurs ont varié au cours du temps de manière
imprévisible et sont connues en France pour les 21 derniers siècles.
Principe :
L'archéomagnétisme permet de retrouver les caractéristiques du CMT à partir de l'analyse d'objets
archéologiques qui en ont gardé l’empreinte.
Exemple : lors de la cuisson de l'argile, l'orientation des oxydes de fer présent dans l'argile (hématite et
magnétite), s'aligne sur celle du champ magnétique terrestre local du moment et conserve cette orientation
lors du refroidissement qui succède = l'aimantation thermorémanente.
Matériaux concernés : matériaux contenant des oxydes de fer et qui ont été chauffés : fours de potiers, de
verriers, de bronziers, les fours à chaux, briques, tuiles, céramiques, …
Le paléomagnétisme
Méthode fondée sur l’utilisation du champ magnétique terrestre (CMT).
Principes : exploite les variations dans le temps du CMT mais dans ce cas, ce sont les variations de
grandes ampleurs qui sont exploitées. On étudie les inversions du champ magnétique et non pas les
variations régionales.
Matériaux concernés : les coulées de lave, basaltes, et les sédiments océaniques profonds.
Le fait marquant :
➢ pour la lave ou le basalte : fossilisation du CMT sous forme d’une aimantation thermorémanente au
moment du refroidissement de la roche.
➢ pour le sédiment océanique : fossilisation du CMT lors du dépôts des sédiments, les grains
magnétiques s’orientent suivant le CMT.
La méthode Samarium-Néodyme
Introduction
Le développement de la méthode Sm-Nd est une conséquence directe de la recherche cosmochimique
et notamment de l’étude des météorites et des échantillons lunaires. C'est donc une méthode
relativement récente. Les progrès qu'elle a permis d'accomplir dans le domaine de la cosmochimie et
son application aux roches terrestres en font un outil de recherche particulièrement efficace.
La période T du 147Sm est de 1,06 x 1011 ans, ce qui correspond a une constante de désintégration
λ = 6,54 x 10-12 . Cette constante de désintégration est très faible, aussi la méthode Sm-Nd est-elle
plus appropriée a la mesure d'ages anciens, c'est-a-dire supérieurs a un milliard d’années qu'à celle
d'ages récents. La limite inférieure d'utilisation de la méthode est voisine de 100 Ma.