Limmigration Faut Il Avoir Peur de L'avenir (Gérard-A Jaeger)
Limmigration Faut Il Avoir Peur de L'avenir (Gérard-A Jaeger)
Limmigration Faut Il Avoir Peur de L'avenir (Gérard-A Jaeger)
Jaeger
UN ÉTAT DES LIEUX ÀREPENSER
Images « choc», initiatives de l'Union Européenne, programmes radicaux
de candidats ... La mobilité des migrants vers l'Europe, le sort de la plupart
d'entre eux, dans sa violence, font aujourd'hui la « Une». Bousculant
l'opinion publique, interpellant citoyens et politiciens dans leurs convic-
tions et contradictions, forçant l'engagement des gouvernants de façon
durable pour les collectivités concernées, l'immigration génère plus que
jamais fantasmes, amalgames et simplifications, suscitant inquiétude
voire rejet xénophobe. Pour éclairer l'actualité et nourrir un débat de
société, Gérard A. Jaeger propose un essai sous forme de décryptage,
à rebours des idées reçues, état des lieux du phénomène et mise en
perspective historique des ressorts, enjeux et problématiques d'une
réalité complexe :
.c
·ê'
;,..
o.
8 Gérard A. Jaeger est hist orien et philosophe, spécialiste des grands
bouleversements des sociétés. Il est l'auteur d'une soixantaine
d'ouvrages, dont Il était unefois le Titanic. La plupart d'entre eux
font référence et portent sur les rapports entre la réalité des faits et
la rumeur qui en est la caisse de résonance.
www.editions-eyrolles.com
S tudio Eyrolles © Èditions Eyrolles
[IMMIGRATION
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Groupe Eyrolles
61, bd Saint-Germain
75240 Paris Cedex 05
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u En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire
intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque sup-
port que ce soit, sans autorisation de l'éditeur ou du Centre fran-
çais d'exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins,
75006 Paris.
[IMMIGRATION
Un état des lieux à repenser
(J)
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EYROLLES
•
Copyright© 2015 Eyrolles.
Sommaire
•
Ch ap1tre 1• partir:
• un reve
. . ••• un p1ege
... .............................. 37
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0
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Copyright© 2015 Eyrolles.
Avant-propos
De la mobilité historique
à la restriction de circuler
~
e>- tués en tribus, les peuples liés par des intérêts
w
L(')
.-i
0
conm1uns de développen1.ent se sont-ils persuadés
N
@ que le salut de l'hun1anité allait se résoudre ainsi.
.µ
.c
Ol
ï:
Malheureusement, il n'en fut rien .
>-
0.
0
u Au nom de la mobilité, la saine nécessité de voyager
a conduit à s'emparer du monde afin d'en exploiter
les territoires conquis. L'histoire a fait de ces dépla-
cements des exploits fondateurs et fixé des civili-
(J)
sations. Alexandre alla jusqu'au delta de l'inclus.
Q)
2
>,
Pythéas au-delà des colonnes d'Hercule avant de
w
Q)
Cl.
remonter vers le nord. Ce sont là des explorateurs
::::!
2
(!)
dont on vénère la curiosité pour le n1onde et qui,
@
pense-t-on, cherchaient à le con1prendre. Mais si
10 L'immigration
UN MONDE EN GESTATION
~
des traditions qui allaient être encore n1aintes fois
e>- bouleversées. Le monde civilisé se forn1ait au gré de
w
L(')
.-i la barbarie, qui était un art de vivre venu d'autres
0
N
@ espaces, ignorés ou fantasmés, que l'on assinruait
.µ
.c
Ol volontiers pour autant qu'il restât tolérant et qu'il
ï:
>-
0.
0
n'eût pas pour projet de s'in1poser en faisant table
u
rase des acquis forgés par le passé.
Tous les peuples étaient dans la nécessité de se
déplacer sans cesse, voire de déferler au-delà de
leurs frontières improbables. Sans cet instinct
qui les poussait vers de nouveaux horizons, ils se
seraient éteints, victin1es de leur renoncen1ent.
Pour survivre, ils continuèrent à parcourir la terre à
laquelle ils appartenaient et dont ils partageaient la
Avant-propos 11
2
>,
équilibre finit par se produire. Jusqu'à ce que les
w
Q)
Cl..
Wisigoths, les Huns et les Burgondes fassent à leur
::::!
2
(!)
tour irruption sur ce territoire, qui allait devoir se
@
fédérer s'il voulait survivre et se développer.
12 L'immigration
2
>,
maîtrise des techniques de navigation, la puissance
w
Q)
Cl..
militaire et l'expansion de leurs con1ptoirs conm1er-
::::!
2
(!)
ciaux. Aussi, avec les traités de Tordesillas et de
@
Saragosse, le Nouveau Monde leur appartenait.
14 L'immigration
1
LA PRISE DE POUVOIR DE L IDENmÉ
À la suite des deux Guerres n1ondiales, le droit
des États à contrôler leurs frontières et l'entrée des
étrangers devint un devoir et renforça l'idée de
souveraineté. L'idée de n1obilité et les libertés de
déplacen1ent avaient été dénaturées par la prenùère
moitié du xxe siècle. Car jusque-là, les juristes
européens n'étaient que peu favorables au fait que
les États eussent un droit régalien sur l'interdiction
d'un territoire national aux étrangers.
La prenùère ligne de défense frontalière à l'entrée
(J)
~
e>- des personnes indésirables fut alors constituée par
w
L(')
le passeport et le visa, qui aura pour but de rassurer
.-i
0
N
le pays d'accueil sur la possibilité de les refouler.
@
.µ
Les documents d'identité sont ainsi devenus la
.c
Ol
ï:
>-
condition nécessaire, n1ais non suffisante, de fran-
0.
0
u chir légalement les frontières internationales. Toute
la problématique de l'imnùgration repose sur cette
réglementation aujourd'hui généralisée, car elle a
donné naissance à une nouvelle sorte de n1obilité
(J)
clandestine, contre laquelle la France, l'Europe et
Q)
~
Il faut aller désorn1.ais vers un droit d'émigrer qui ait
e>- pour écho celui d'in1.IDigrer. Car il n'y a pas de sortie
w
L(')
.-i
d'un territoire sans in1.aginer un accès à de nouvelles
0
N
@
terres. S'inspirant de la recon1.mandation de Voltaire à
.µ
.c
Ol
Frédéric II de Prusse, il faut donner à tous l'envie de
ï:
>-
0. rester chez soi, et aux étrangers d'y venir !
0
u
(J)
De la n1.ême façon, l'ancien secrétaire général des
Q)
2
>,
Nations Unies KofiAnnan en appelait-il au dialogue
w
Q)
Cl.
entre les nations pour un avenir constructif. Dans
::::!
2
(!)
le quotidien Le J\1onde du 9 juin 2006, il écrivait :
<< Depuis qu'il y a des frontières, les hommes les
@
18 L'immigration
~
e>- Or si l'opinion des pays d'accueil est de plus en
w
L(')
plus réticente face à la pression des in1nùgrants,
.-i
0
N
c'est parce que les populations autochtones ont été
@
.µ
.c
fragilisées : par la peur de la légende noire d'une
Ol
ï:
>-
ünmigration subversive, dont les propagandistes
0.
0
u manipulent les statistiques relayées par certains
médias. Car d'une n1anière générale, il est rare que
l'on soit personnellen1ent et directen1ent confronté
à la run1eur qui prédit le pire. Mais si nos certitudes
(J)
ne sont pas fondées, elles sont le fruit d'un fantas1ne
Q)
2
>,
qui sert de catalyseur à notre vulnérabilité intel-
w
Q)
Cl..
lectuelle. Ce sont elles qu'il faut con1battre. Ne pas
::::!
2
(!)
se tron1per de cible et ne pas faire du migrant un
@
bouc-émissaire.
20 L'immigration
(J)
~
e>-
w
L(')
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0
N
@
.µ
.c
Ol
ï:
>-
0.
0
u
Prologue
Les indices
d'une société autiste
UN DÉSÉQUILIBRE RÉCURRENT
2
>,
sociales ainsi qu'à leur développement, qu'elle en est
w
Q)
Cl..
la respiration dén1ographique, sociale, écononlique.
::::!
2
(!)
Si l'Occident se déclare aujourd'hui dans l'in1possi-
@ bilité d'assimiler les flux nligratoires, c'est en raison
22 L'immigration
UN DOGMATISME À LA FRANÇAISE
~
C'est au cours des années 1970 qu'eut lieu la grande
e>- fracture sociale entre les Français et leurs inlmigrés.
w
L(')
.-i Tandis que les prenliers regroupen1ents fanliliaux
0
N
@
surprirent une opinion publique mal préparée, qui se
.µ
.c
Ol
sentait fragilisée dans ses fondan1entaux, l'illusion de
ï:
>-
0. la n1enace dont elle fut saisie lui servit de repoussoir
0
u
fantasmé. Quelques intellectuels brandirent aussitôt le
syndron1e de l'agression, dont la conséquence à tern1e
devait être la substitution de la civilisation française
par celle des nouveaux barbares venus du tiers-monde.
En 1973, dans un ouvrage intitulé Le Camp des saints1,
Jean Raspail écrivait sans craindre la controverse :
« C'est l'Occident, en son entier, qui se découvre
(J)
LES DANGERS DU CLIVAGE INTELLECTUEL
~
e>-
w Car depuis un demi-siècle, les responsables se
L(')
.-i
0
N
contentent de gérer la fatalité, d'observer sans agir,
@
.µ
tantôt s'indignant, tantôt se voilant la face. Rarement
.c
Ol
ï: en cherchant à consensualiser le débat.
>-
0.
0
u Le problèn1e est que ces voix doivent être enten-
dues conm1e des signaux, et non comme des suppôts
de l'Antéchrist. Se moquer de leurs peurs est une
conception non constructive du débat, et conduit à
(J)
Q)
schén1atiser une question déjà suffisanm1ent clivée.
2
>,
Ce qui devait arriver se produisit donc en dépit du
w
Q)
Cl..
décryptage de la situation : une lente contraction des
::::!
2
(!)
opinions, en raison notamment de la contradiction
@
des choix politiques. Dix ans plus tard, on se retrouva
24 L'immigration
~
e>-
w
L(')
.-i IL FAUT VAINCRE LA PEUR DU LENDEMAIN
0
N
@
.µ
.c
Ce repli sur soi, cette perte de contact avec la réalité
Ol
ï:
>- dont la France est captive, ne doivent pas pour autant
0.
0
u lui être imputés sans réserve. Toutes les responsabi-
lités ne lui incombent pas unilatéralen1ent, notam-
ment en raison de la n1.ondialisation. Car si le regard
doit changer, il faut qu'il se transforn1e globale-
(J)
ment. Les forn1es sauvages des n1igrations actuelles
Q)
1. Dunod, 1987.
Prologue 29
2
>,
sur l'abolition des discrinlinations raciales, puis
w
Q)
Cl.
par la Convention internationale de 1965 qui en
::::!
2
(!)
consolida les actes. Les États men1bres suivirent
@
en légiférant régulièren1ent en la matière. Mais les
32 L'immigration
~
falloir travailler, en respectant les sensibilités des
e>- citoyens amenés à s'entendre sur cette question
w
L(')
.-i d'avenir urgente. Toute fausse certitude est à bannir
0
N
@ absolument, car ce qu'il faut faire prévaloir consiste
.µ
.c
Ol
à montrer qu'un autre plan peut avoir sa chance .
ï:
>-
0.
0
À condition qu'il se construise à partir d'une
u
réflexion plurielle, civile et politique.
(J)
Q)
2
>,
w
Q)
Cl.
::::!
2
(!)
@
Copyright© 2015 Eyrolles.
Première partie
(J)
~
e>-
w
L(')
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0
N
@
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Ol
ï:
>-
0.
0
u
Copyright© 2015 Eyrolles.
Chapitre 1
L'IMAGERIE DU TIERS-MONDE
2
>,
colonies commençait à se manifester. Pour ces popu-
w
Q)
Cl..
lations longtemps maintenues dans la frustration de
::::!
2
(!)
l'inégalité, les n1étropoles au confort de vie attractif
@
étaient devenues le centre de leurs préoccupations.
38 Première partie. Cap sur l'Occident
~
Sud, si souvent réclamé, tellement attendu, toujours
e>- en n1arche, n'a jan1ais été en état d'aboutir. Si c'est
w
L(')
M un leurre, il faut le dire et prendre des mesures radi-
0
N
@
cales pour éviter le pire, qui est l'espérance brisée de
.µ
.c
Ol
populations entières mises en den1eure de fédérer
ï:
>-
0. leurs forces pour arriver à leurs fins. Tant que les
0
u
responsables politiques prodiguaient de belles
pron1esses, ils se dispensaient d'agir et pouvaient
attendre. Mais le temps des illusions s'achève et la
situation devient ingérable. Parce que la charité mal
pensée de l'Occident n'a plus cours, les mensonges
vains n'ont plus de portée sur des gens qui ont
décidé de venir se servir au lieu d'attendre une
PARTIR OU SUCCOMBER
2
>,
du voyage et des souffrances qui lui sont inhérentes,
w
Q)
Cl..
physiques et n1.orales, et pour toute récon1.pense,
::::!
2
(!)
tandis qu'ils penseront avoir conquis le droit de
@
vivre décen1.n1.ent, ils seront confrontés au mépris
40 Première partie. Cap sur l'Occident
2
>,
mination qui soulève des n1ontagnes. Ils sont la
w
Q)
Cl..
partie la plus dynamique de la société, celle à qui
::::!
2
(!)
le pays de naissance n'a pas su donner sa chance et
@
méprisé les valeurs.
42 Première partie. Cap sur l'Occident
~
e>- espèrent. Et voilà ce qui nous effraie tant.Au prétexte
w
L(')
qu'ils auraient des objectifs secrets et pernicieux, et
.-i
0
N
qu'il faudrait nous protéger contre nous-n1ên1es .
@
.µ
.c
Ol
Néann1oins, l'eldorado qu'ils ont inscrit dans leur
ï:
>-
0.
destinée est raren1ent à la hauteur de leurs espé-
0
u rances. Et le désenchanten1ent est de plus en plus
rapide. Pour autant, si cette triste réalité les déçoit,
les retours volontaires au pays natal sont rares. Une
fois en Europe, chacun finit par s'habituer à cette
(F)
Q)
vie chaotique à laquelle il ne s'attendait pas. Vache
2
>,
à lait de ses créanciers, voire des passeurs qui auront
w
Q)
Cl.. financé tout ou partie du voyage, l'immigré se voit
::::!
2
(!)
@
1. Tu ne traverseras pas le détroit, op. cit.
46 Première partie. Cap sur l'Occident
L'HONNEUR D'ABORD
~
sans s'être enrichi là où tout devait concourir à son
e>- succès. C'est valable pour les Africains de la zone
w
L(')
M
0
subsaharienne, nuis égalen1ent pour les inmugrés du
N
@ Maghreb. Un Tunisien raconte, il s'appelle Karim :
.µ
.c
Ol « On se retrouve avec une deuxièn1e génération pour
ï:
>-
0.
0
qui le bled n'est pas le pays natal n1ais pour qui la
u
France n'est pas le pays choisi [... ] » Et de préciser,
interrogé par la journaliste italienne Ada Giusti2 , que
la plupart de ceux qui sont retournés chez eux ont
vécu des rejets sinillaires. << Pour l'écrasante nujorité
de ces iinmigrés, dit-elle, le retour et l' établissen1ent
(F)
~
pire trimestre du printen1ps arabe de 2011. )> Soit
e>- plus de 110 000 personnes. Ce qui représente plus
w
L(')
M de 400 000 arrivées dans l'année concernée. Une
0
N
@ progression de 21 %. Et l'année 2015 bat déjà tous
.µ
.c
Ol les records d'exils .
ï:
>-
0.
0
u S'il est donc impératif d'agir sur le long terme pour
enrayer le processus en anïont et en aval des flux, il
est urgent de prendre en con1pte le problèn1e qui
se présente dans l'inm1édiat. Pour que les pays d'ac-
cueil ne soient pas obligés d'organiser une riposte,
mais un accon1moden1ent. Parce que les migrants
continueront de partir, et très peu de s'en retourner
chez eux en dépit du soin que nous prenons à
dresser des obstacles devant leur objectif.
Partir : un rêve ... un piège 51
(J)
Q)
2
>,
w
Q)
Cl..
::::!
2
(!)
@
1. Cité par lefigarofr du 4 septembre 2015.
Copyright© 2015 Eyrolles.
Chapitre 2
L'engrenage de la souffrance
LA LONGUE ROUTE
Pour autant, durant les prenuères sen1aines de leur
périple terrestre, les migrants sont encore des voya-
geurs qui se sentent capables de tout supporter. Le
froid, la chaleur, les privations et l'extrême précarité
de leur quotidien, parce qu'ils sont nourris d' es-
(J)
~
seur plasma ou un véhicule tout-terrain japonais,
e>-
w
L(')
alors qu'ils gagnent 50 euros par mois. Ce sadisme,
M
0
N
parfois gratuit lorsqu'il ne cherche n1.ême pas à faire
@
.µ
pression sur les victin1.es, fait partie des pratiques
.c
Ol
ï:
>-
devenues usuelles et renforce le caractère tren1.pé
0.
0
u des nugrants.
Le courage et l'énergie dont ils font preuve devant
l'adversité méritent le respect. Serge Daniel2,
reporter à l' Agence France Presse, peut en tén1.oi-
gner. Lors d'un transport auquel il participait pour
les besoins d'une enquête, des gens rencontrés au
1. Ibid.
2. Les Routes clandestines, Hachette, 2008.
L'engrenage de la souffrance 61
~
renoncer. Ces gens qui ont tellen1ent souffert n'ont
e>-
w
L(')
plus rien à perdre, ils se disent qu'ils ont déjà tout
.-i
0
N
enduré, qu'ils sont à mên1e de surn1onter l'indicible.
@
.µ
Les tén1oins interrogés à leur arrivée le confient à
.c
Ol
ï:
>-
demi-mot. Ils nous font con1prendre ce que nous
0.
0
u ne pouvons pas imaginer : leur force et leur déter-
mination que rien ne peut arrêter, ni frontière ni
pirates, pas n1ême les autorités de la forteresse euro-
péenne. De toute n1anière, ils passeront. C'est ainsi
(F)
qu'ils redoublent de certitudes en s'entassant sur des
Q)
La forteresse européenne
L'HUMILIATION DU DÉSHÉRITÉ
~
personnes pendant un an lors de 558 interventions.
e>- Mais ce n'était qu'une nùssion ponctuelle, qui s'est
w
L(')
M
arrêtée tandis qu'il y avait urgence à la pérenniser.
0
N
@
S'il y eut 738 passeurs arrêtés durant cette période,
.µ
.c
Ol
et 6 navires arraisonnés, on dénombra 213 7 noyés
ï:
>-
0.
0
et disparus, selon le nùnistère italien de l'Intérieur2 .
u
Le 31 octobre 2014, l'Europe décidait finalement
d'investir 2, 9 nùllions cl' euros chaque n1ois dans la
n1.obilisation de six navires et trois aéronefs, nùs à
disposition par huit pays 111en1bres, dont la France.
Il s'agit de l'opération Triton, sous con1mande-
n1ent de l' Agence de surveillance européenne
1. « La
question de Schengen se posera s'il n'y a pas d'accord sur
les rnigrants », in lemondefr du 31 août 2015.
2. « Schengen n'est pas tabou>>, in lefigarofr du 2 eptembre 2015.
3. « Crise des migrants : le plan de Sarkozy », in lefigarofr du
9 septembre 2015.
La forteresse européenne 67
L'ÎLE DE LA HONTE
(J)
~
e>- Pour quitter Lan1pedusa et se rendre dans l'espace
w
L(') Schengen, les niigrants doivent obtenir un visa que
M
0
N les autorités délivrent avec de plus en plus de parci-
@
.µ
.c monie, notan1ment aux requérants écononiiques .
Ol
ï:
>-
0.
Passe encore dans l'opinion que la guerre jette sur
0
u les routes des réfugiés menacés par les bombes, n1ais
que l'on s'exile pour améliorer son quotidien ne
laisse pas de soulever l'indignation. Le dran1e des
conflits qui s'enlisent est qu'il oppose à tort les
mauvais et les bons imn1igrés, ceux de la honte
et ceux de la pitié. Il en résulte que l'on clive sa
conscience pour faire accepter des solutions qui
n'en sont pas, car dans le n1alheur des migrants il
n'y a pas de différence entre une n1ort lente et une
La forteresse européenne 69
~
déjà soulevé la question sans aucun résultat. Sans
e>- que l'opinion ne s'émeuve au-delà de la compas-
w
L(')
.-i
0
sion périodique dont elle était le témoin désengagé.
N
@ Mais depuis 2010 environ, la situation s'est rapi-
.µ
.c
Ol den1ent dégradée avec les flux successifs venus du
ï:
>-
0.
0
nord de la Méditerranée.
u
(J)
Q)
Considérés conm1e des crinlinels, les réfugiés débar-
2
>,
quant sur Lan1pedusa furent parqués derrière des
w
Q)
Cl..
::::!
grilles surn1ontées de barbelés. Des gens inquiets,
2
(!)
@
1. Bilai sur la route des clandestins, op. cit.
70 Première partie. Cap sur l'Occident
~
auraient pas pris conscience que l'Europe n'a aucune
e>- envie de les recevoir. Et pour le leur faire comprendre,
w
L(')
M
l'autorité cherche à se faire détester. N otanm1.ent en
0
N
@
les plongeant dans une inhumanité crasse propice à la
.µ
.c
Ol
révolte. Ce qui pern1.et de justifier la répression. Dans
ï:
>-
0. cet esprit, l'insalubrité de l'accueil pern1.et tous les
0
u débordements. À Lampedusa, l'infection des latrines,
sans portes ni évacuation, les douches d'eau salée et
les dortoirs sans matelas ont conduit à des revendi-
cations étouffées sans tén1oin. Peu de temps avant,
la droite xénophobe, qui s'était rendue sur place,
avait menti sur la réalité de la situation. Et quand il
s'agissait de la visite d'une délégation européenne ou
1. .Ibid.
La forteresse européenne 71
~
n1ais aussi parce que la durée de rétention au centre
e>- d'identification et cl' expulsion était jugée excessive.
w
L(')
.-i Il s'y trouvait en effet des gens qui attendaient une
0
N
@ décision des autorités depuis dix-huit n1ois. Tous
.µ
.c
Ol les requérants ayant été dispersés sur les différents
ï:
>-
0.
0
sites de la péninsule, on se passionna pour cl' autres
u
drames. Bruxelles n1enaça Rome de sanctions, ce
qui fut une n1anière pour l'Europe de sauver la face.
Lan1pedusa, pour autant, continue cl' être convoitée
(F)
par les n1igrants, qui savent désormais qu'ils n'y
Q)
LE CASSE-TÊTE DE CALAIS
~
un énorn1e problème sur le continent, où continuent
e>-
w
L(')
d'arriver les candidats que le blocus entasse sur les
M
0
N
plages du nord de la France. Une nouvelle fois, ils
@
.µ
vont devoir tenter l'impossible au risque de leur
.c
Ol
ï:
>-
vie, car la traversée de la Manche prend aujourd'hui
0.
0
u des allures de diaspora, tandis que tout autour de la
ville de Calais s'organise une friche humaine qu'il
est extrêmement con1pliqué de canaliser. Prise au
dépourvu, la France, au gré des courants politiques en
exercice, se contente de les parquer, puis elle déman-
tèle les ca.111ps qu'elle leur avait ouverts ten1poraire-
ment en attendant une solution européenne qui ne
vient pas. Le 2 août 2015, les ministres britannique et
français de l'Intérieur ont signé un accord stipulant
La forteresse européenne 73
(J)
Q)
LES PRÉTÉRITÉS DE LA TERRE
2
>,
w
Q)
Cl..
Quand on engendre la promiscuité, qu'on ne
::::!
2
(!)
s'étonne pas ensuite qu'elle génère de la violence.
@
Entre populations que tout oppose et que l'on met
74 Première partie. Cap sur l'Occident
2
>,
arrestation pour les dissuader de revenir à Calais, ils
w
Q)
Cl..
sont alors relâchés. Mais en dépit de ces vexations
::::!
2
(!)
permanentes, ils s'accrochent à leur ultin1e espoir,
@
qui est de traverser la Manche. Même s'ils savent
76 Première partie. Cap sur l'Occident
(J)
~
e>- LE CAS DE (EUTA ET DE MELILLA
w
L(')
.-i
0
En 2015, la région de Calais continue donc de gérer
N
@ le problèn1e dans l'urgence. Les élections régio-
.µ
.c
Ol
ï:
nales à venir feront certes figure de test mais, quels
>-
0.
0 que soient les résultats et les décisions des élus des
u
régions sensibles, il faudra bien que l'Europe cesse
de balbutier et que des solutions globales soient
adoptées unanin1ement. Pour faire cesser la gestion
souverainiste qui prévaut actuellen1ent et qui n' ap-
porte aucun résultat.
L' exen1ple des enclaves espagnoles de Ceuta et de
Melilla, en terre nord-africaine, met le doigt sur
ce qui s'y passe dans l'indifférence générale. Hors
La forteresse européenne 77
2
>,
w
Q)
Cl..
::::!
2
(!)
@
1. Op. cit.
Copyright© 2015 Eyrolles.
Deuxième partie
~
e>-
w
L(')
.-i
0
N
@
.µ
.c
Ol
ï:
>-
0.
0
u
Copyright© 2015 Eyrolles.
Chapitre 4
Histoire infondée
d'un accueil exemplaire
~
politique d'opposition, à son absence de concilia-
e>- tion sociale et à son système centralisateur hérité
w
L(')
.-i de la Révolution, puis enclavé dans les institutions
0
N
@
de lave République. La critique ne date pas d'au-
.µ
.c
Ol
jourd'hui, et la plupart des responsables en sont
ï:
>-
0. conscients, n1.ais s'ils n1.anifestent leur in1.patience
0
u
d'un changen1ent, ce n'est jan1.ais qu'en paroles.
Ainsi, la France se retrouve-t-elle depuis cent ans
à faire une politique d'arrière-garde, coln1.atant les
brèches, collant des sparadraps sur des plaies ouvertes
(F)
Q) en se den1.andant comment elle a pu laisser filer le
2
>,
w problèn1.e entre ses doigts.
Q)
Cl.
::::!
2
(!)
Il est donc légitin1.e d'attendre d'elle un nouveau
@
discours sur l'in1.n1igration, qui dépasse les clivages
82 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
~
demandant aux chefs d'entreprise de << faire porter
e>- [l] es licencien1ents sur les étrangers ». La crise de
w
L(')
M
0
1929 étant passée par là, une loi fut votée le 10 août
N
@ 1932 pour fixer le nombre de travailleurs étrangers
.µ
.c
Ol
susceptibles d'être en1bauchés. Mais les quotas ne
ï:
>-
0. résoudront pas les problèmes induits. L'historienne
0
u
Claudine Pierre 1 explique qu'en plus de la surveil-
lance des frontières et d'un durcissen1ent des peines
d'expulsion, des tracasseries administratives furent
nlises en place pour freiner l'entrée des travailleurs
en France. On pensait ainsi que la question serait
close.
APRÈS LA LIBÉRATION
~
e>-
w
L(')
.-i
0
LE DIKTAT ÉCONOMIQUE
N
@
.µ
.c Au cours des années 1950, la population étran-
Ol
ï:
>-
0.
gère s'accrût d' 1,5 nullion de personnes. Ce flux
0
u se poursuivra pendant plus d'une décennie, et les
protagonistes de cet état de fait succomberont au
non-dit porteur du virus nugratoire. C'était une
maladie en forme d'acceptation qui incubait lente-
(J)
Q)
n1ent. D'un côté des entrepreneurs avides de bras,
2
>,
de l'autre des homn1es épris d'une vie n1eilleure.
w
Q)
Cl.. C'est dans ce consensus malsain que s'est opéré le
::::!
2
(!)
@
1. Tn Enquête sur l' Histoire, 1996.
88 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
1. Gallimard, 1981.
Histoire infondée d'un accueil exempla ire 89
LE TOURNANT DE L'HISTOIRE
~
d' << entassement >> et de « parcage ».
e>-
w
L(')
.-i
0
N
@ LA MONTÉE XÉNOPHOBE
.µ
.c
Ol
ï:
>-
0.
Et pourtant, alors que l'on pensait à un sursaut
0
u moral, il se perdit dans les méandres de la conscience
collective.Au non1 de la modernité, de l'abondance
et du plein en1ploi, les Français, con1me leurs voisins
occidentaux, laissèrent le temps faire son œuvre. Si
(J)
la situation était explosive en raison notan1ment des
Q)
2
>,
conflits dans le n1onde arabe, elle restait cantonnée
w
Q)
Cl..
dans le chaudron des cités, les barres d'in1n1eubles
::::!
2
(!)
surpeuplées où la France blanche, légitime, ne se
@
conm1ettait pas.
92 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
1. Plon, 1987.
Histoire infondée d'un accueil exemplaire 93
(J)
Pour les opposants au projet, toucher à la loi
~
e>- de 1945 n'était pas envisageable sauf à renier la
w
L(')
France éternelle des droits de l'hon1me. À leurs
.-i
0
N
yeux, c'était une atteinte aux fonden1ents histo-
@
.µ
.c
riques de la République. « Le recours à une telle
Ol
ï:
>-
loi, s' en1porta l' écrivain Tahar Ben Jelloun dans les
0.
0
u colonnes du journal Le Monde des 27 et 28 n1ai,
n'est que la légalisation d'une politique d'ex-
clusion et d'expulsion [ ... ] >> Et tant d'autres d'y
aller de leur couplet sur la nature généreuse de la
(J)
France, dont le racisn1e épidernuque n'était ja1nais
Q)
(J)
~
e>-
w
L(')
.-i
0
N
@
.µ
.c
Ol
ï:
>-
0.
0
u
Chapitre 5
Le serpent de mer
des mythes républicains
2
>,
perception de son rôle dans la nation. Dans cet
w
Q)
Cl..
in1.mense brassage que nous vivons depuis le début
::::!
2
(!)
du XXIe siècle, il est utile de mettre en perspec-
@
tive ces notions d'identité, de laïcité, qui veulent
100 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
LA NOTION DE PARTAGE
2
>,
prendre possession d'une aire de vie qu'il a faite
w
Q)
Cl.
sienne, et qu'il s'en est décrété propriétaire. Jean-
::::!
2
(!)
Jacques Rousseau fulminait déjà contre l'origine de
@
cette inégalité, contre l'arbitraire des honm1es qui
104 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
~
tion qu'à se fossiliser. Or c'est ainsi, déjà, que l'on
e>- parle de la vieille Europe, n1alingre, blafarde et souf-
w
L(')
.-i freteuse, qui ne raisonne qu'en termes de n1enaces,
0
N
@ de dangers et de peur de la dilution. Pour autant, la
.µ
.c
Ol majorité de ses représentants n'ont pas hésité, lors
ï:
>-
0.
0
de la rédaction du préambule de sa Constitution, à
u
biffer la n1ention de son héritage chrétien, fonde-
ment historique de son enracinen1ent. Ce n'était
pas pour progresser que le législateur européen s'en
est pris à la tradition, n1ais pour substituer un folk-
(J)
Q)
lore laïc à une tradition religieuse.
2
>,
w
Q)
Cl..
Ce qui effraie les tenants d'une identité figée, c'est
::::!
2
(!)
aussi le métissage dont on paie la mauvaise réputation,
@
la run1eur d'une hybridation stérile, déconcertante,
106 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
(J)
Q)
2
>, UN NOUVEAU CONTRAT SOCIAL
w
Q)
Cl.
::::!
2
(!)
À l'inverse, si la recherche identitaire des imnugrés
@
a évolué depuis les premiers flux des années 1950,
108 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
~
e>-
w
L(')
M
LA MYSTIFICATION DE L'INVASION
0
N
@
.µ
.c
La France n'est pas vraiment touchée par de grandes
Ol
ï:
>- mobilisations d'hostilité, n1ais celles-ci peuvent
0.
0
u à tout mon1ent se cristalliser sur un fait divers et
basculer dans la chienlit. En Allen1agne, l' in1pulsion
populaire spontanée de l'hiver 2014, appelée Pediga
(acronyn1e de Patriotes européens contre l'islanu-
sation de l'Occident), s'est rapiden1ent répandue
dans les grandes villes du pays après avoir pris nais-
sance dans les anciens lancier de l'Est. Elle avait pour
cible la progression générale de la culture n1usul-
mane. Ce n'était qu'un mouven1ent d'autodéfense
Le serpent de mer des mythes républicains 111
L'ORNIÈRE DE L'OBSCURANTISME
2
>,
ligne bleue des Vosges, décidèrent que les étrangers
w
Q)
Cl.
nés sur le sol français acquerraient auton1atique-
::::!
2
(!)
nîent la nationalité française à leur majorité légale.
@
Pour être tout à fait juste, il ne faut pas oublier une
114 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
~
péenne, du terreau culturel grâce auquel nous avions
e>- répandu nos idées à travers le monde, et en particu-
w
L(')
.-i
lier l'idée de dén1ocratie et ce fan1eux n1ot n1agique
0
N
@
de République que la France croit avoir breveté.
.µ
.c
Ol
Nous étions persuadés que notre développen1ent
ï:
>-
0. - les Trente Glorieuses - nous pern1ettait d'envisager
0
u l'avenir avec sérénité. D'ailleurs, nous n'envisagions
n1ême pas l'avenir. » L'idéal français, dont l'arrogance
n'a nulheureusen1ent plus de circonstances atté-
nuantes, sa laïcité en bandoulière ne l'a pas préservé
(F)
Q)
des difficultés subies par les autres pays d'Europe et
2
>,
d'Occident. Bien au contraire, il se trouve qu'il a
w
Q)
Cl..
::::!
provoqué une cécité qui den1ande à être analysée.
2
(!)
@
1. Allary Éditions, 2014.
116 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
~
faire un ennemi qu'il n'était pas. La laïcité ne doit
e>- pas se n1uer en religion républicaine, car la liberté
w
L(')
M revendiquée par l'Autre n'est pas une provocation.
0
N
@
.µ
.c
Ol
ï:
>-
0.
0
u
Chapitre 6
Quelle intégration
souhaite-t-on ?
LE MODÈLE SUISSE
~
L' exen1ple de la Suisse, que l'on évoque si raren1ent
e>-
w
L(')
sur l'échiquier européen, n'est pas dénué de bon
.-i
0
N
sens. À tout le 111.oins son calendrier cl' accueil qui,
@
.µ
fédéralisn1e oblige, est essentiellen1ent à la charge
.c
Ol
ï:
>-
des cantons. Ainsi de l'État de Fribourg, qui fait
0.
0
u école en la n1atière depuis de non1breuses années
par sa forn1.ule dite « cl' encouragement à l'inté-
gration ». Car l'imnugré dont on rêve n'est plus
celui que l'on cache et qui se tait, mais un parte-
naire à part entière de la vie sociale. Ce programme
réside en trois points principaux, qui consistent
en une information concrète sur le lieu de migra-
tion, dans laquelle on inclut l'écoute des besoins
particuliers et des conseils pour une protection
Quelle intégration souhaite-t-on? 119
~
e>- du positionnement et de l' apaisen1ent ?
w
L(')
M
Depuis toujours, le nligrant se voit critiquer son
0
N
@
n1anque d'intégration conu11e un couplet récur-
.µ
.c
Ol
rent. Ainsi, Nadine Morano, députée européenne
ï:
>-
0.
française, lançait-elle en conférence de presse cette
0
u sentence à propos des in1nligrés, rapportée par le
quotidien suisse Le Matin du 28 avril 2015 : << Il faut
leur faire con1prendre que dans l'Hexagone ce ne
sera pas la fête [... ] ! }> Difficile de faire plus n1al son
devoir politique. Après les barbelés, les convois et
les camps, certains refrains politiques laissent peu de
place à une intégration raisonnée.
~
des pays d'Europe occidentale, pour ne prendre que
e>- cet exen1ple, auraient toute possibilité d'accueillir
w
L(')
.-i
beaucoup plus d'immigrés qu'ils ne le proposent,
0
N
@
s'abstenant de le faire pour des raisons politiques
.µ
.c
Ol
et de condanmation publique. On constate en effet
ï:
>-
0.
qu'en cas de force n1ajeure (comn1e durant l'été
0
u 2015) ou environnementale, qui pousse à l'exil des
centaines de milliers de personnes, il est possible de
leur ouvrir les portes de l'Europe. Ce qui prouve
que des solutions existent et que la volonté seule fait
(F)
Q)
défaut en raison de difficultés pratiques et de l'impo-
2
>,
pularité que cela induit. Certaines voix demandent
w
Q)
Cl..
::::!
avec insistance que l'État lutte efficacen1ent contre
2
(!)
@
1. Entretien réalisé le 28 avril 2015.
122 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
~
il devient un élén1ent constituant. >> Cette définition
e>- fut adoptée officiellen1ent en 1999.
w
L(')
.-i
0
N
L'intégration est un processus et non pas un état,
@
.µ
or à ce titre il faut lui reconnaître des variables et
.c
Ol
ï: ne pas stiginatiser quiconque se positionnerait en
>-
0.
0
u
équilibre sur la frontière de l'ordre national.
LE NATIONALEMENT CORRECT
(J)
Q) Le modèle d'intégration tel que la France l'a
2
>, naguère défini n'est plus efficient. Pour autant, on
w
Q)
Cl.
::::!
2 1. Cf Corinne Balleix, La Politique migratoire de l'Union euro-
(!)
@
péenne, La Documentation française, 2013.
124 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
~
pour l'avenir. Or en France, l'idée de l'hon1.n1e
e>- universel continue d'altérer l' œuvre d'intégra-
w
L(')
M
tion et la notion de République égalitaire confine
0
N
@
l'inu1ugré dans l'obligation de s'inmuscer dans le
.µ
.c
Ol
nationalen1ent correct, qui est une représentativité
ï:
>-
0.
idéalisée de la société. La différence dans l'égalité
0
u est acceptable à condition qu'un dénon1inateur
conm1un réunisse l'accueillant et l'in1n1igré sur
les questions de cohabitation. Dans une confiance
mutuelle préalable. La journaliste italienne Ada
Giusti 1 insiste sur le fait que dans le n1odèle français
la ressemblance et l'égalité vont de pair, et que par
conséquent l'étranger ne peut être considéré con1.me
~
notanm1ent, et de la vague cl' attentats djihadistes
e>- qui déferle - entre autres - sur la France. On instille
w
L(')
.-i même l'idée, désormais, que parmi les nugrants qui
0
N
@ débarquent en Europe se trouveraient des terro-
.µ
.c
Ol ristes envoyés pour déstabiliser l'Occident. La vigi-
ï:
>-
0.
0
lance est de nuse, n1ais elle ne doit pas devenir le
u
prétexte à une radicalisation de l'accueil.
La question de l'intégration induit celle du comn1u-
nautarisn1e. Pour beaucoup, le regroupen1ent des
(F)
imn1igrés par affinités ethniques et culturelles est un
Q)
(J)
~
POUR UN AGRÉMENT soaAL
e>-
w
L(')
M
Conm1e dans les pays anglo-saxons, la Suisse fédé-
0
N rale offre aux inmugrés la possibilité de garder un
@
.µ
.c contact étroit avec leur con1munauté d'origine, ce
Ol
ï:
>-
0.
qui se traduit par un plus grand respect du pays
0
u d'accueil. Un exemple anecdotique en rend con1pte
lors des rencontres sportives où tous les étrangers
pavoisent leurs fenêtres aux couleurs de leur pays,
n1ais en y associant systématiquen1ent le drapeau de
la Confédération. Il en est de n1ên1e dans les jardins
privatifs, où l'on arbore les couleurs locales et natio-
nales, et souvent celles de ses origines cantonales,
(J)
~
e>- VERS UNE SOCIÉTÉ COMPLEXE ET COMPLICE
w
L(')
.-i
0
N
@
À l'inverse, ce n'est pas d'apartheid dont il s'agit
.µ
.c lorsqu'on parle de comn1unautarisn1e, n1ais de sas
Ol
ï:
>-
0.
de décon1pression ou de cordon on1bilical qui, au
0
u fur et à n1esure de la cohabitation avec les autoch-
tones, conduit l'in1migré à s'en détacher. Sans
renier ce qu'il est et restera fondan1entalement :
un pourvoyeur de con1paraisons, le médiateur
(J)
Q)
d'une société certes complexe, n1ais con1plice. Et
2
>,
conm1e en France on est rétif à certains n1ots, peut-
w
Q)
Cl.. être faudrait-il parler de « regroupement ethnique
::::!
2
(!)
@
1. Plaidoyer pour l'immigration, éditions Les Points sur les i, 2004.
128 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
1. Op. cit.
Quelle intégration souhaite-t-on? 129
2
>,
ten1ent den1ander à l'Autre plus qu'on exige de
w
Q)
Cl..
soi-mên1e. Mais cela n'entre pas dans l' entenden1ent
::::!
2
(!)
du législateur, ni dans celui de l'opinion publique
<< heureuse » qui, pour paraphraser Georges Brassens,
@
130 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
~
e>- quences sur la fracture sociale, la France, n1ais pas
w
L(')
seulement, sen1ble avoir fait une erreur de diagnostic.
M
0
N
L'accueil, le travail, l'école, l'urbanisn1e, la culture
@
.µ
qui se posent encore en modèles républicains sous
.c
Ol
ï:
>-
la bannière de la laïcité, ne sont pas suffisants pour
0.
0
u absorber le problèn1e, le gérer, et si possible le régler.
Ils sont n1ên1e de plus en plus récusés au vu de ce qui
se passe ailleurs sur le continent européen. Ce qu'il
faut, c'est innover, reconsidérer ces modèles et les
dépoussiérer au regard du XXIe siècle. Pendant que
d'autres États se contentent de refouler le n1alheur
du n1onde aux confins de leurs frontières, par des
barbelés comme en Hongrie, ou à grande échelle
con1n1e en Australie, partisane de la politique du
Quelle intégration souhaite-t-on? 131
1
CASSER L'ENGRENAGE DE L ÉCHEC
(F)
~
La transforn1ation qui est en marche ne s'arrêtera pas
e>- aux frontières derrière lesquelles se seront enfern1és
w
L(')
.-i les Occidentaux, affichant ainsi leur faiblesse. Et
0
N
@
surtout leur impréparation face à cet inéluctable
.µ
.c
Ol
changen1ent. Durant la Seconde Guerre n1ondiale,
ï:
>-
0. la France a dressé la ligne Maginot pour endiguer le
0
u
déferlement nulitaire de son ennenu le plus radical.
Une vaine tactique face à la stratégie d'un nouveau
siècle en n1arche. Pendant ce ten1ps, la Suisse avait
prévu de se replier dans ce qu'elle avait appelé le
(F) << réduit national », inviolable dans l'esprit de son
Q)
2
>,
état-major. Il se trouve qu'elle n'a pas eu besoin d'y
w
Q)
Cl.. recourir, mais le symbole qu'il représente aux yeux
::::!
2
(!)
@
1. .Immigration : le dift mondial, op. cit.
132 Deuxième partie. Des gens d'ailleurs au milieu de nous
~ tion et de l'intégration.
e>-
w
L(')
.-i
0
N
@
.µ
.c
Ol
ï:
>-
0.
0
u
(J)
Q)
2
>,
w
Q)
Cl..
::::!
2
(!)
@
Copyright© 2015 Eyrolles.
Troisième partie
Le contentieux
occidental
(J)
~
e>-
w
L(')
.-i
0
N
@
.µ
.c
Ol
ï:
>-
0.
0
u
Copyright© 2015 Eyrolles.
Chapitre 7
LA CICATRICE COLONIALE
2
>,
n'offre pas les gages d'une réflexion d'avenir sur
w
Q)
Cl..
les questions n1igratoires. Ce qui est don1mage, car
::::!
2
(!)
elle pourrait y accueillir un dialogue constructif
@
en dehors des partis pris.
138 Troisième partie. Le contentieux occidental
UN AVENIR COMPROMIS
~
de ce qui avait été prévu par la Constitution fran-
e>- çaise de 1946, laquelle prévoyait avec les peuples
w
L(')
M
cl' outre-111.er << une union fondée sur l'égalité des
0
N
@
droits et des devoirs ». On justifiait ses ressentin1ents
.µ
.c
Ol
à l'endroit de l'in1111.igré maghrébin en insistant
ï:
>-
0.
0
sur le fait qu'il n'était plus français. Ressurgit alors
u
cette vieille habitude qui ren1onte aux années 1925,
durant lesquelles on ne se privait pas de critiquer
la manière de vivre des inmugrés : une hygiène
déplorable, une qualification professionnelle déri-
soire, un con1porten1ent social jugé potentiellen1ent
crinunel.
(J)
~
e>-
w
L(')
.-i
0
N
@
.µ
.c
Ol
ï:
>-
0.
0
u
Chapitre 8
La présence incontournable
de l'islam
2
>,
sualiser la question.Tuer dans l' œufles velléités poli-
w
Q)
Cl..
tiques arbitrairement autoritaires, et mettre un coup
::::!
2
(!)
de frein - par la force s'il [e faut - aux tentatives de
@
déstabilisation des nations déinocratiques, qui sont
152 Troisième partie. Le contentieux occidental
~
la migration est forte et plus le risque terroriste est
e>- grand. Confortés par le désordre qui règne en Libye
w
L(')
.-i
0
depuis la disparition du colonel Kadhafi, ils estin1ent
N
@ que ce pays aux n1ains des fondamentalistes est non
.µ
.c
Ol seulement un foyer cl' anarchie, n1ais un pourvoyeur
ï:
>-
0.
0
de migrants douteux envoyés en Europe pour en
u
déstabiliser l'organisation politique et sociale.
Historiquement, l'antagonisme entre l'Orient et
l'Occident ren1onte aux Croisades. Il s'est ensuite
développé durant les guerres barbaresques pour
resurgir avec la colonisation. Depuis un denu-
siècle, cette opposition continue cl' envenin1er le
paysage hexagonal en rejetant les fondan1entaux des
Lun1ières que sont la liberté et l'égalité, la rationalité,
La présence incontournable de l'islam 153
(F)
Quand on a accepté d'accueillir sur son sol des
~
e>- populations culturellement différentes, on ne doit
w
L(') pas ignorer ce qu'elles apportent dans leurs bagages,
.-i
0
N en plus de leur force de travail. Un hon1n1e, fût-il
@
.µ
.c inmugré, est une entité que l'on ne dépèce pas au
Ol
ï:
>-
0.
gré des besoins, pas plus qu'on ne l'écarte le jour
0
u où il nous embarrasse. Le grand historien Fernand
Braudel, spécialiste de la Méditerranée, disait à propos
de l'islan1 qu'il n'est pas seulen1ent une religion mais
une civilisation. Pour les n1usuln1ans, leur culture
(F)
et leur foi sont une entité charnelle et spirituelle
Q)
2
>,
dont ils ne peuvent se dessaisir, et les préceptes qui la
w
Q)
Cl.
constituent rendent difficile la con1préhension de la
::::!
2
(!)
modernité telle qu'elle se pratique en Occident. En
@
outre, comn1e la plupart d'entre eux, nés dans leur
154 Troisième partie. Le contentieux occidental
2
>,
en déséquilibre entre leur culture instinctive et sa
w
Q)
Cl..
remise en question dans l'organisation de leur vie
::::!
2
(!)
de tous les jours. Intin1e1nent in1briqués, le public
@
et le privé ont la difficile obligation de se construire
156 Troisième partie. Le contentieux occidenta l
~
e>- On dit aussi que les immigrés n1.usuln1.ans sont des
w
L(')
courroies de transnussion avec leurs pays d'origine
M
0
N
et que l'on doit y être attentif. Cela n'est pas prouvé.
@
.µ
Ni les fatwas lancées par des iman1.s intolérants, ni les
.c
Ol
ï:
>-
guerres du Proche et du Moyen-Orient n1.ettant en
0.
0
u cause les peuples musulmans, ni n1.ên1.e les agressions
et attentats ethniques n'ont conduit les migrants et
les Français de confession islamique à prendre la rue
à tén1.oin d'une quelconque adhésion transcommu-
nautaire. Mên1.e l'attaque n1.eurtrière contre les jour-
nalistes de Charlie Hebdo, qui a pourtant mobilisé une
partie du monde contre la barbarie des terroristes,
n'a pas vu de n1.usuln1.ans s'aligner en France sur les
positions monstrueuses des tueurs.
La présence incontournable de l'islam 157
UN TRAVAIL DE COHABITATION
~
et négocier un modus vivendi. Et puis il y a celui
e>- dont il faut prévenir la radicalité, surveiller les
w
L(')
.-i
con1porten1ents et le prosélytisme de type salafiste,
0
N
@
et combattre avec la plus extrên1e rigueur lorsqu'il
.µ
.c
Ol
affiche une hostilité ouverte et menaçante à l'en-
ï:
>-
0. droit de sa terre d'accueil.
0
u
(F)
Après ... c'est une question de degré dans l'obser-
~
e>- vance de l'islam. Un jeune Marocain, que cite dans
w
L(')
.-i
son livre le journaliste Alain Griotteray1 , déclare :
0
N « Pour n1oi, né en France et y ayant grandi, observer
@
.µ
.c les prescriptions coraniques, c'est peut-être aussi,
Ol
ï:
>-
0.
et mên1e surtout, une façon d'affirn1er n1on iden-
0
u tité dans une société tellen1ent éloignée de celle
où j'aurais dû normalen1ent vivre [ ... ].Un n1oyen
d'assumer n1a différence, n1on appartenance à une
communauté et, si je puis dire, de payer la part qui
(F)
Q)
échoit à tout musuln1an vis-à-vis de cette conm1u-
2
>,
nauté. }> Il ne s'agit pas ici de radicalisme, et la nuance
w
Q)
Cl.
::::!
dans les propos doit être nlise en exergue. Mesuré,
2
(!)
@
1. Les Immigrés, op. cit.
160 Troisième partie. Le contentieux occidental
~
le terrorisn1e relève avant tout d'une in1portation
e>- de la haine. De fait, tous les bassins de prolifération
w
L(')
M doivent être éradiqués et c'est ce que tentent de
0
N
@ faire les services de renseignements occidentaux. La
.µ
.c
Ol décapitation des réseaux radicaux est une priorité
ï:
>-
0.
0
qui n'échappe à personne, pour la sécurité et la paix
u
sociale de l' ensen1ble du n1onde. La problén1atique
est géopolitique.
Ce qui pose un autre problèn1e, plus insidieux,
c'est l'endoctrinement de l'intérieur. Or s'il
est rendu possible, c'est parce que dans certains
milieux baignent des adeptes de la terreur isla-
mique. Et ceux-ci sont raren1ent des immigrés
étrangers, mais presque toujours des nationaux
La présence incontournable de l'islam 161
~
faut agir.
e>-
w
L(')
.-i
0
N
@
ÉTOUFFER LA VIOLENCE DANS L' ŒUF
.µ
.c
Ol
ï:
>-
0.
C'est contre les factieux qu'il faut agir, non plus
0
u désamorcer la grenade déjà dégoupillée n1.ais
désarn1.er - au sens propre et figuré - ceux qui
gèrent à distance les velléités des terroristes en
herbe : c'est-à-dire principalen1.ent en Afrique, où
(J)
le groupe autoproclan1.é État islanùque se répand
Q)
2
>,
dans le chaos de la guerre, comn1.e en Syrie ou
w
Q)
Cl..
dans les pays sans gouvernement con1.n1.e la Libye
::::!
2
(!)
vouée à l'anarchie. Voire plus récen1.ment en Syrie.
@
Les partisans d' Al-Qaida, d' Aqn1.i, de Daesh et leurs
162 Troisième partie. Le contentieux occidental
LE VERTIGE DU COMBATTANT
LA NÉBULEUSE ISLAMIQUE
(J)
~
e>- En 2004, un certain Abou Moussab Al-Souri, pseu-
w
L(') donyme de Setn1ariam N azar, publiait un traité de
M
0
N deux nùlle cinq cents pages auquel le grand public
@
.µ
.c
n'a pas eu accès. Ce projet de déstabilisation de
Ol
ï:
>-
0.
l'Occident, dénoncé par le site d'inforn1ation atlan-
0
u tico.fr du 23 décen1bre 2014, est né des fantasn1es
d'un idéologue syrien jadis au service d' Al-Qaida
canal historique, dont l'objectif est d'organiser le
désordre social, de cliver la société entre chrétiens et
musulmans avant de provoquer un affronten1ent à
grande échelle. Cette subversion n'est pas nouvelle,
mais si rien n'est fait, le ten1ps contribuant à son
enracinen1.ent, elle pourrait devenir une Cinquième
Colonne que nous n'aurions pas voulu voir venir.
La présence incontournable de l'islam 165
(J)
Q)
La difficile expérience des associations médicales
2
>,
occidentales dans les États islamiques est syn1pto-
w
Q)
Cl. matique de cette volonté d'indépendance vis-à-vis
::::!
2
(!)
@
1. Mémoires croisées, op. cit.
166 Troisième partie. Le contentieux occidental
1. .Ibid.
La présence incontournable de l'islam 167
~
plus qu'ils sont raren1.ent des religieux sincères
e>- épris de spiritualité, n1ais les suppôts d'une idéo-
w
L(')
.-i
logie de revanche. Un jeune n1.usuh11.an, issu de la
0
N
@
société européenne, récemment embrigadé dans
.µ
.c
Ol
une croisade << pour la vérité » et fraîchen1.ent arrivé
ï:
>-
0.
0
en Syrie pour con1.battre le régime, ne possédait-il
u
pas dans ses bagages un exen1.plaire de L) Islam pour
les nuls ? Cette anecdote en dit suffisan1ment sur
les convictions de certains « con1.battants », pour
nourrir l'espoir d'un redressement de la situation
(F)
Q) dans laquelle nous nous trouvons. Elle en dit long
2
>, sur une dérive citoyenne plus qu'idéologique, ni.ais
w
Q)
Cl..
::::!
2 1. Ibid.
(!)
@
2. ln sept.info du 6 mars 2015.
168 Troisième partie. Le contentieux occidental
(J)
~
e>-
w
L(')
.-i
0
N
@
.µ
.c
Ol
ï:
>-
0.
0
u
1. Pourquoi j'ai cessé d'être islamiste, Éditions Les Points sur les i,
2015.
Chapitre 9
La fausse idée
du trop-plein migratoire
~
e>- C'est dire si le XXIe siècle fourmille de préjugés
w
L(')
.-i
et de peurs irrationnelles. Des trous noirs engen-
0
N drés par la désinforn1ation, qui conduisent à un
@
.µ
.c retournen1ent des conceptions de l'accueil. Faute
Ol
ï:
>-
0.
d'in1aginer des lenden1ains nouveaux, les opinions
0
u publiques occidentales se cherchent des boucs
émissaires afin de se dédouaner de leur absence
d'imagination. Elles préfèrent se plaindre et mettre
les autorités en demeure de faire le sale travail, ce
(J)
Q)
que dans les sondages elles ne reconnaissent pas
2
>,
toujours. Elles se raidissent par ailleurs contre toute
w
Q)
Cl..
::::!
velléité de changen1ent qui pourrait les toucher
2
(!)
@
1. Plaidoyer pour l'immigration, op. cit.
170 Troisième partie. Le contentieux occidental
LE PARTI DE LA SUSPICION
~ bienvenus.
e>-
w
L(')
.-i
Malheureusement pour eux, les requérants d'au-
0
N jourd'hui ne sont plus que de pauvres hères venus
@
.µ
.c de nulle part, de pays ni.al considérés, dans leur
Ol
ï:
>-
0.
histoire et leur gestion, pour des affaires dont la
0
u géopolitique occidentale est éminen1n1ent respon-
sable, mais ne veut pas se reconnaître coupable.
(J)
Q)
LE DEVOIR DE PAROLE
2
>,
w
Q)
Cl..
Peut-être que les futurs déplacés environnen1.en-
::::!
2
(!)
taux, victimes du dérèglen1ent climatique, trouve-
@
ront une place auprès des pays nantis, et que ces
176 Troisième partie. Le contentieux occidental
~
républicaine critiquaient la hiérarchie catholique
e>- pour son manque de clairvoyance dans ses prises
w
L(')
.-i
de position face au réalisn1e du législateur. Le Figaro
0
N
@
Magazine leur en1boîta le pas en traitant les évêques
.µ
.c
Ol
de France d'idéologues. << L'intervention de l'Église
ï:
>-
0. dans les affaires d'immigration, écrivait un lecteur
0
u
dans la tribune libre du Monde du 12 juin, bien
loin de n1ettre en valeur les principes de l'Évangile,
n1ontre que leur application dans certains domaines
conduit à des conséquences absurdes : si on écoutait
(F)
Q) ces prélats pleins de bonnes intentions, on renon-
2
>, cerait pratiquen1ent à la recherche de clandestins,
w
Q)
Cl..
::::!
2 1. In L' Immigration, actrice du développement, ouvrage collectif,
(!)
@
L'Harmattan, 1992.
178 Troisième partie. Le contentieux occidental
(J)
~
e>- UNE PRÉOCCUPATION POUR LE VATICAN
w
L(')
M
0
N
Le pape François n'a pas n1anqué de prendre position
@
.µ
lui aussi, et d'enchérir contre la pensée dominante
.c
Ol
ï:
>-
qui détourne les fidèles de leur devoir de solida-
0.
0
u rité.Aussi, dans son n1essage lors de la 101 e Journée
n1ondiale des migrants, le 3 septen1bre 2014, s'est-il
prononcé pour une Église sans frontière, pour
qu'aucun être humain ne soit considéré con1me
inutile ou encon1brant, n1ais comn1e un homn1e
courageux en den1ande de solidarité. Il en appelait à
la conscience de chaque chrétien, pour une nussion
de partage et de cohabitation entre cultures. Enfin,
le souverain pontife den1andait qu'on se souvienne
La fausse idée du trop-plein migratoire 179
~
entre les autorités civiles et religieuses soulevait
e>- les mên1es questions. Rien apparen1ment n'avait
w
L(')
M
0
changé pour l'étranger en situation d'être expulsé.
N
@ L'Église réforn1ée et les autorités du canton de Vaud
.µ
.c
Ol
ï:
ne s'opposaient pas sur une question de droit, n1ais
>-
0.
0 sur la n1orale d'une histoire qui n'en finit pas de
u
s'éterniser. On pleure sur le destin des migrants qui
traversent la Méditerranée, n1ais on n'hésite pas à les
rejeter lorsqu'ils ont débarqué ...
Les partisans de la manière forte s'en tiennent aux
statistiques. Les chiffres sont certes parlants, n1ais ils
ne disent pas toute la réalité de la tragédie.
1. .Ibid.
La fausse idée du trop-plein migratoire 183
~
scénario est particulière1nent répandu en France,
e>- mais pas seulement. C'est la raison pour laquelle
w
L(')
.-i
0
une internationalisation des décisions semble
N
@ souhaitable, à mettre en place rapiden1ent, à condi-
.µ
.c
Ol tion d'accepter le principe de leur 1nutualisation.
ï:
>-
0.
0
u En n1ai 2015, Jean-Claude Junker, président de la
Conmùssion européenne, a donné l' exe1nple de ce
que serait une répartition équitable des flux entre les
membres de l'Union, ce que la Grande-Bretagne, la
Pologne et la Hongrie ont in1médiaten1ent criti-
quée. Puis l'Allemagne et la France. Jusqu'à ce
que quatre mois plus tard, le 22 septen1bre 2015,
l'Union décide d'une répartition proportionnelle
entre ses n1embres, sous la contrainte de l'actualité.
La fausse idée du trop-plein migratoire 185
~
e>-
w
L(') UNE CONSENSUALITÉ NON PARTISANE
.-i
0
N
@
.µ
.c
La parole doctrinaire conduit toujours à se 111.éfier
Ol
ï:
>- du discours. Et ce rejet dénature le débat dén1.o-
0.
0
u cratique. Les attitudes irréconciliables des politiques
éloignent les opinions médiatrices. Ce qu'il n1anque
cruellement sur l'échiquier politique, c'est un pôle
de solidarité conjuguant toutes les sensibilités. Et
(J)
Q) pourquoi pas toutes les utopies.
2
>,
w
Q)
Racisme et solidarité ont été deux réponses conco-
<<
Cl.
::::!
2
(!)
mitantes des Français vis-à-vis des étrangers tout au
@
long de lave République, souligne l'historien et
186 Troisième partie. Le contentieux occidenta l
(J)
~
solutions sans avenir juste pour apaiser les craintes
e>-
w
L(')
des populations d'accueil, auxquelles on ne pourra
.-i
0
N
payer les intérêts. Le surendetten1.ent politique ne
@
.µ
peut conduire qu'au défaut de paiement. Et nos
.c
Ol
ï: créanciers sont à nos portes.
>-
0.
0
u La bonne politique, c'est celle qui optin1.isera l'im-
pact n1.igratoire : n1.axinuser le déplacen1ent des
populations du Sud vers le Nord, en faire un atout
économique et social plutôt qu'un devoir hun1.ani-
(J)
Q)
taire. Car ce n'est pas en parquant des populations,
2
>,
des hon1.n1es, des femn1.es, des familles qu'on les
w
Q)
Cl.. insérera dans le tissu occidental, qu'on leur offrira
::::!
2
(!)
@
1. Plaidoyer pour l'immigration, op. cit.
192 L'immigration
~
n'est pas simplen1ent une structure, peut-on lire
e>- dans le rapport du Groupe d'inforn1ation et de
w
L(')
.-i sou tien des inu11igrés1, c'est un ensen1ble dyna-
0
N
@
nuque qui regroupe à la fois le fait nugratoire,
.µ
.c
Ol
les régin1es politiques, économiques et sociaux,
ï:
>-
0. la réaction des acteurs, la réaction des gouverne-
0
u n1ents. Au fonden1ent de ce systèn1e, l' autonon1ie
des faits migratoires et des n1igrants eux-n1ên1es
doit être prise en con1pte avant de se focaliser sur la
puissance supposée ou l'impuissance de l'État, qui
sont les deux côtés de la n1ên1e médaille. » Cette
prise en con1pte ne doit pas se perdre en espé-
rances naïves, car faute de prendre à bras-le-corps
2
>,
Pour les imnùgrés déjà présents, la question ne doit
w
Q)
Cl.
pas se poser différemn1ent, sauf s'il est prouvé qu'ils
::::!
2
(!)
sont un ver dans le fruit. Auquel cas, la loi, qui a le
@
devoir de rester fern1e sur cette question, doit être
194 L'immigration
1. Op. cit.
Pour une société du xx1e siècle 195
~
e>- n1ondialisation. Enfin, il est indispensable d' œuvrer
w
L(')
concomitan1ment avec les États sources de migra-
.-i
0
N tions, pour des questions de flux n1ais égalen1ent de
@
.µ
.c
sécurité globale. Un premier espoir s'est fait jour à
Ol
ï:
>- Niamey, lors de la Réunion des pays du Sahel, où le
0.
0
u nunistre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve,
le 14 n1ai 2015, a réclan1é une coopération suivie
contre les filières clandestines. Il faut s'en féli-
citer, car c'est l'un des paris les plus audacieux du
(F)
Q)
programme, qui contredit une tradition postcolo-
2
>,
niale forten1ent ancrée dans les n1entalités des inter-
w
Q)
Cl..
::::!
locuteurs en présence.
2
(!)
@
1. Xénophobies, Grasset- Mollat, 1998.
196 L'immigration
~
d'un développement globalisé. L'institution gene-
e>-
w
L(')
voise préconise en outre sept interventions censées
.-i
0
N
renforcer les capacités des gouvernen1ents dans leur
@
.µ
projet socio-écononuque avec le tiers-monde :
.c
Ol
ï:
>-
Adopter des politiques nugratoires orientées sur le
0.
0
u développement; s'attaquer aux causes profondes de
la nugration écononuque ; pron1ouvoir la croiss-
sance comn1unautaire en ciblant les mesures de
développement de manière stratégique ; n1obi-
liser les con1pétences et les ressources financières
des con1n1unautés africaines ; soutenir les efforts
de reconstruction et de redressen1ent ; favoriser le
retour et la réinsertion économique et sociale des
nationaux résidant à l'étranger; faciliter l'élaboration
Pour une société du xx1e siècle 197