A. Généralités.: Equations Différentielles

Télécharger au format doc, pdf ou txt
Télécharger au format doc, pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 58

Equations différentielles

______________

A. Généralités.
1. Equations différentielles d’ordre 1.
2. Systèmes différentiels d’ordre 1.
3. Equations et systèmes d’ordre n.
4. Problèmes.

B. Equations différentielles linéaires.


1. Equations scalaires d’ordre 1.
2. Théorème de Cauchy linéaire.
3. Systèmes différentiels d’ordre 1.
4. Equations différentielles linéaires d’ordre 2.

C. Equations et systèmes linéaires à coefficients constants.


1. Systèmes différentiels d’ordre 1 à coefficients constants.
2. Systèmes différentiels d’ordre 1 homogènes dans le plan.
3. Equations différentielles d’ordre n à coefficients constants.

D. Théorèmes généraux.
1. Problème de Cauchy, théorème de Cauchy-Lipschitz.
2. Démonstrations.
3. Premiers exemples.
4. Exemples d’études qualitatives.
5. Etude d’un système différentiel : le modèle prédateurs-proies.
6. Systèmes conservatifs ; le pendule simple.
2
7. L’équation différentielle y’ = y – x. (§ inachevé)

E. Equations différentielles élémentaires.


1. Equations aux différentielles totales.
2. Equations à variables séparées.
3. Equations homogènes.
4. Equations incomplètes.
5. Equations de Bernoulli et de Riccati.
6. Equations de Lagrange et de Clairaut.

F. Applications géométriques des équations différentielles.


1. Equation différentielle d’une famille de courbes.
2. Trajectoires orthogonales et isogonales.
Pierre-Jean Hormière
________________

1
« Le physicien devra prendre scrupule qu’il est le bras droit d’un
souverain très temporaire, obtus et probablement criminel. »
René Char, Le souhait et le constat

« Une science est dite utile si son développement tend à accentuer


les inégalités dans la distribution des richesses, ou bien favorise plus
directement la destruction de la vie humaine. »
Godfrey Harold Hardy (1915)

« Les mathématiques font partie de la physique. La physique est


une science expérimentale, une des sciences naturelles. Les mathéma-
tiques, ce sont la partie de la physique où les expériences ne coûtent
pas cher. »
Vladimir I. Arnold

Introduction

Dans son récent Cours d’analyse paru chez Springer, Roger Godement ne traite pas des équations
différentielles. Il est vrai qu’il s’adresse aux lecteurs « que les mathématiques intéressent en elles-
mêmes ou comme langage des sciences, et non en tant que moyen de parvenir ou que langage de
technologies contestables », et qu’il ne se conforme pas aux programmes imposés par les com-
missions ministérielles et les « administrateurs d’un pensionnat militaire grand standing, l’Ecole
polytechnique ». Humble répétiteur de taupe, je n’ai pas la même liberté d’action que cet esprit libre
et iconoclaste, cet imprécateur au cœur fidèle, mais c’est peu dire que je l’approuve lorsqu’il rappelle
que la science n’est pas politiquement neutre, et surtout pas les équations différentielles. Quant à
l’Ecole polytechnique, elle ne coupera ses liens avec le complexe militaro-industriel qu’après
l’extinction du système solaire…
Bien difficile de commencer ce chapitre sans citer deux passages célèbres de Laplace :
« L’État présent du système de la nature est évidemment une suite de ce qu’il était au moment
précédent, et, si nous concevons une intelligence qui, pour un instant donné, embrasse tous les
rapports des êtres de cet Univers, elle pourra déterminer pour un temps quelconque pris dans le
passé ou dans l’avenir la position respective, les mouvements, et généralement les affections de tous
ces êtres. » 1
« Nous devons donc envisager l’état présent de l’Univers comme l’effet de son état antérieur, et
comme cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les
forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs
elle était assez vaste pour soumettre ses données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les
mouvements des plus grands corps de l’Univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain
pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux.» 2
Bref, il était admis au 18ème siècle que les équations différentielles avec conditions initiales avaient
des solutions uniques : elles avaient pour origine des problèmes physiques. Or monothéistes et
mécanistes s’entendaient sur un point : le monde est un, et le cours des choses ne saurait hésiter à
tout instant entre deux voies. Les Bernoulli, Riccati, Euler, Clairaut, d’Alembert, Lagrange ont
multiplié les méthodes de résolution. Il revint à Cauchy, au début du 19 ème siècle, de s’attaquer à la
démonstration de l’existence et l’unicité des solutions, autrement dit de transformer en une question
mathématique ce qui était auparavant une certitude philosophique, ouvrant la voie aux « théorèmes
de Cauchy » : Cauchy-Lipschitz, Cauchy-Arzelà, Cauchy-Kovalevskaïa…

1
Recherches sur les suites récurro-récurrentes et sur leurs usages dans la théorie des hasards, Œuvres, t.VIII.
2
Essai philosophique sur les probabilités, 1814.

2
A. Généralités

1. Equations différentielles d’ordre 1.

1.1. Définitions.
Soient E un espace de Banach réel, I un intervalle de R. Si y est une fonction dérivable de I dans E,
sa dérivée y’ sera considérée comme une fonction de I dans E (en somme, on identifie E et L(R, E)).
Soient V une partie de REE, et F : (t, , )V  F(t, , )E une fonction données.
Résoudre l’équation différentielle F(t, , ) = 0 (1)
c’est trouver un intervalle non trivial I de R et une fonction dérivable tI  (t)E vérifiant :
i) (tI) (t, (t), (t))V ii) (tI) F(t, (t), (t)) = 0
Dans de nombreux cas, l’équation (1) se présente sous forme, dite normale : = f(t, ) (2)
f : (t, )U  f(t, )E étant une fonction définie sur une partie U de RE.
Résoudre l’équation (2), c’est trouver une fonction dérivable tI  (t)E vérifiant :
i) (tI) (t, (t))U ii) (tI) (t) = f(t, (t))
Remarquons déjà que la plupart des théorèmes sur les équations différentielles supposent l’équation
sous forme normale. Sous les hypothèses du théorème des fonctions implicites, la forme (1) se
ramène localement) à la forme (2).

1.2. Interprétation géométrique des équations scalaires d’ordre 1.


2
Supposons E = R ; U est une partie de R , f : (x, y)U  f(x, y)R.
Résoudre l’équation différentielle y’ = f(x, y) c’est trouver une fonction x  y(x) définie sur un
intervalle non trivial I inclus dans la projection de U sur Ox, et dont les tangentes ont une pente bien
définie en chaque point où elles passent.
Associons à tout point M(x, y)U le vecteur = (1, f(x, y)). On définit un champ de vecteurs
sur U, ou encore un champ d’éléments de contact M  (M, R. ). Un élément de contact est
un couple formé d’un point M et d’une droite vectorielle. Les solutions de y’ = f(x, y) sont les
courbes qui, en chaque point M où elle passent, sont tangentes à l’élément de contact (M, R. ).
Appelons isoclines de y’ = f(x, y) les courbes de niveau Ik : f(x, y) = k tracées dans U ; ce sont
aussi les lignes de niveau du champ de vecteurs . L’isocline I0 est le lieu des points à tangente
horizontale des courbes intégrales. Elle sépare les régions I+ = {(x, y) ; f(x, y)  0} et I = {(x, y) ;
f(x, y)  0} où les fonctions y(x) sont croissantes, resp. décroissantes.
Si l’on trace le réseau des isoclines de l’équation, ou du moins un réseau suffisamment dense
d’isoclines, et en chaque point de ces isoclines un vecteur lié (M, ), on voit apparaître une
sorte de limaille de fer, dessinant des tourbillons, des chevelures, qui donne une idée qualitative de la
forme des courbes intégrales, courbes que l’on peut presque tracer à main levée.
Exercice : Résoudre graphiquement les équations
2 2 2 2
y’ = x + y , y’  y + cos x = 0 , y’ = 1 + |y| , y’ = |y  x| , y’ = x + y , y’ = x + y  1.
[Indication : on pourra utiliser les commandes dfieldplot du package plots, et DEplot du package
DEtools de Maple.]

1.3. Courbes intégrales.


Reprenons les équations différentielles scalaires F(x, y, y’) = 0 (1) ou y’ = f(x, y) (2).
Si x  y(x) est une solution de l’une ou l’autre de ces équations, l’arc paramétré x  (x, y(x)) est
appelé courbe intégrale de l’équation. Des considérations pratiques conduisent à généraliser cette

3
définition, et à appeler courbe intégrale de (1) ou (2) tout arc paramétré t  (x(t), y(t)) vérifiant
respectivement :

(t) F(x(t), y(t), ) = 0 ou = f(x(t), y(t)).

Ces dernières sont incluses dans l’ensemble des solutions de = f(x(t), y(t)). .
Les courbes intégrales stricto sensu x  (x, y(x)) sont les courbes cartésiennes dont le graphe est
inclus dans le support des courbes intégrales t  (x(t), y(t)).

2. Systèmes différentiels d’ordre 1.


2p+1
Définition 1 : Soient V un ouvert de R , F1, …, Fp p fonctions V  R.
Une solution du système différentiel d’ordre 1 :
 F1(x, y1, … , yp, y’1, … , y’p) = 0
. . . . . . . . . . . . . . (1)
 Fp(x, y1, … , yp, y’1, … , y’p) = 0
consiste en la donnée d’un intervalle non trivial I de R, et de p fonctions dérivables j : I  R telles
que (xI) (x, 1(x), … , p(x), ’1(x), … , ’p(x))  V
(j) Fj(x, 1(x), … , p(x), ’1(x), … , ’p(x)) = 0
Dans de nombreux cas, le système (1) se présente sous la forme dite « résolue » ou « normale »
 y’1 = f1(x, y1, …, yp)
. . . . . . . . . (2)
 y’p = fp(x, y1, …, yp)
p+1
les fj étant des fonctions U  R, U ouvert de R .
Proposition 1 : La résolution de (1) équivaut à la résolution d’une équation différentielle d’ordre 1
p
vectorielle F(x, Y, Y’) = 0 , où F : V  R est définie par :
F(x, u1, … , up, v’1, … , v’p) = (F1(x, u1, … , up, v’1, … , v’p), … , Fp(x, u1, … , up, v’1, … , v’p)).
De même, (2) équivaut à une équation différentielle Y’ = f(x, Y) vectorielle.
Définition 2 : Les systèmes (1) et (2) sont dits autonomes si les fonctions Fj, resp. fj, sont
indépendantes de x.
Dans ce cas, si les j : I  R sont solutions de (1), les x  j(x + a) sont aussi solutions:
Proposition 2 : La résolution d’un système différentiel non autonome équivaut à celle d’un système
différentiel autonome.
Preuve : L’astuce consiste à considérer x comme fonction et non comme variable.
Résoudre l’équation différentielle y’(x) = f(x, y(x)) équivaut à résoudre le système différentiel
x’(t) = 1 , y’(t) = f(x(t), y(t)).
Par exemple, le système (2) équivaut à
z’ = 1 , z(0) = 0 , y’1 = f1(z, y1, …, yp) , … , y’p = fp(z, y1, …, yp).
Remarque : Cette proposition a un intérêt théorique, car elle montre qu’on ne restreint pas la généra-
lité en se limitant aux équations de la forme Y’ = F(Y). Mais elle a peu d’intérêt pratique : souvent la
variable est le temps, un système autonome y’ = f(y) a des propriétés plus simples qu’un système non
autonome.

Exemple : système différentiels autonomes dans le plan.

4
Supposons qu’un ensemble de souffleries établisse sur un portion du plan (la situation serait la
même dans l’espace), un système de courants d’air constant dans le temps, donc parvenu après un
certain temps à un régime stationnaire, et que l’on puisse connaître en chaque point la direction et la
force du vent (i.e. son vecteur vitesse). Si une plume est lâchée en un point, elle sera entraînée par les
courants d’air et suivra une trajectoire bien déterminée qui en chaque point sera tangente au vecteur
vitesse du vent au point où elle passe. Que peut-on dire des trajectoires de cette plume ?
2
En termes mathématiques, on associe à chaque point M(x, y) de l’ouvert U du plan R un vecteur
= (f(x, y), g(x, y)), et on cherche deux fonctions dérivables t  x(t) et t  y(t) définies sur un
intervalle non trivial I et vérifiant :
tI (x(t), y(t))U x’(t) = f(x(t), y(t)) et y’(t) = g(x(t), y(t)).
2
ou encore une fonction dérivable tI  = (x(t), y(t))R vérifiant :
tI U et = F( ) , où F(x, y) = (f(x, y), g(x, y)).
Le plan xOy est appelé plan des phases. Chaque solution
t  (x(t), y(t)) définit un arc paramétré appelé trajectoire
de phase, ou courbe intégrale du champ de vecteurs M 
. Le diagramme formé de toutes les trajectoires de
phases est appelé diagramme des phases. Le point (x, y)
est appelé état du système, ou point figuratif. Le
diagramme des phases décrit l’évolution des états du
système pour des états initiaux arbitraires. Les trajectoires
de phases sont tracées dans un espace à trois dimensions (t,
x, y), dont l’ensemble est appelé flot du système. Les
images des trajectoires de phases sont des courbes tracées
2
dans l’ouvert U de R , appelées orbites du système.
Ci-contre : le champ de vecteurs (1 + x² + y² , x)
(commande dfieldplot de Maple)

Pour étudier leurs propriétés géométriques, on pourra tracer les isoclines Ik : = k (k ),

ainsi que les régions I+ et I. On pourra aussi chercher si le système n’admet pas une intégrale
première, ou hamiltonien, c’est-à-dire une fonction H : U  R telle que t  H(x(t), y(t)) soit
constante sur chaque orbite. Les images des trajectoires seront alors tracées sur les courbes de niveau
de la fonction H. Mais il faudra ensuite équiper ces courbes de leurs lois horaires, c’est-à-dire
étudier dans quel sens elles sont parcourues, à quelle vitesse et durant quel laps de temps. Nous
reviendrons sur ces idées plus tard.
Par exemple, les deux systèmes différentiels :
(S) x’ = y , y’ =  x
2
(S’) x’ = xy , y’ =  x
ont les mêmes propriétés géométriques : leurs
courbes intégrales sont tracées sur des cercles de
centre O. Mais ces cercles ne sont pas du tout
parcourus dans le même sens dans les deux cas,
comme le montrent les figures ci-contre.

3. Equations et systèmes d’ordre n.


n+1
Définition : Soient E un Banach réel, V un ouvert de RE , F une fonction V  E.
(n)
On appelle équation différentielle d’ordre n une équation de la forme F(x, y, y’, …, y ) = 0 (1).

5
On appelle solution de (1) une fonction  : I  E, n fois dérivable sur l’intervalle non trivial I,
(n) (n)
vérifiant : xI (x, (x), ’(x), …,  (x))V et F(x, (x), ’(x), …,  (x)) = 0.
(n) (n1)
L’équation est dite sous forme résolue ou normale si elle s’écrit : y = f(x, y, y’, …, y ) (2).
Proposition 1 : La résolution d’une équation différentielle d’ordre n équivaut à la résolution d’un
système différentiel d’ordre 1 à n équations.
Preuve : Il est clair que la résolution de (1) équivaut à celle du système différentiel d’ordre 1
 y’(x) = y1(x)
 y’1(x) = y2(x)
. . . . . . . .
 y’n2(x) = yn1(x)
 F(x, y(x), y1(x), …, yn1(x), y’n1(x)) = 0.
où l’on cherche n fonctions inconnues y(x), y1(x), … , yn1(x).

Exemple 1 : L’équation y’’ + a y’ + b y = f(x) équivaut au système autonome du premier ordre :


y’ = y1 , y’1 =  a y1 – b y + f(x)
2
Exemple 2 : L’équation y’’’ – 3.y’’ + x.y’ – y + x = 0 est équivalente au système non autonome du
2
premier ordre y’ = y1 , y’1 = y2 , y’2 = 3 y2 – x y1  x

Exemple 3 : L’équation x.y’’ + 2.y’ + = 0 équivaut au système : y’ = y1 , y’1 =  y1  .

En combinant les résultats des § 2 et 3, on voit que la résolution d’un système différentiel d’ordre n
se ramène à celle d’un système différentiel d’ordre 1, puis à celle d’une équation différentielle
vectorielle. Par exemple, en dynamique du point, l’accélération du point M est fonction de l’instant t,
de la position et de la vitesse : (t) = F(t, M(t), ) se traduit par :
 x’’(t) = f(t, x(t), y(t), z(t), x’(t), y’(t), z’(t))
 y’’(t) = g(t, x(t), y(t), z(t), x’(t), y’(t), z’(t))
 z’’(t) = h(t, x(t), y(t), z(t), x’(t), y’(t), z’(t))
Ce système du second ordre équivaut au système du premier ordre :
 x’(t) = u(t)
 y’(t) = v(t)
 z’(t) = w(t)
 u’(t) = f(t, x(t), y(t), z(t), u(t), v(t), w(t))
 v’(t) = g(t, x(t), y(t), z(t), u(t), v(t), w(t))
 w’(t) = h(t, x(t), y(t), z(t), u(t), v(t), w(t))
lequel se réduit à une équation vectorielle du premier ordre :
Y’(t) = F(t, Y(t)) , où Y(t) = (x(t), y(t), z(t), u(t), v(t), w(t)), et F est facile à définir.

4. Problèmes.

La théorie des équations différentielles est vaste. Voici quelques-uns des problèmes qu’elle soulève :
1) Etant donnée une équation différentielle, peut-on la résoudre élémentairement, c’est-à-dire
trouver ses solutions au moyen de calculs de primitives ?
2) Si tel n’est pas le cas, peut-on néanmoins étudier ses solutions au moyen de méthodes
qualitatives ou quantitatives ? En particulier, quel est le comportement des solutions quand la
variable (le temps, souvent), tend vers l’infini ? Peut-on approcher numériquement les solutions ?
3) Souvent la solution cherchée vérifie des conditions qui peuvent être de deux types :

6
 conditions initiales: résoudre y’’(x) + a(x).y’(x) + b(x).y(x) = f(x) , où y(0) et y’(0) sont donnés.
 conditions aux limites : y’’(x) + a(x).y’(x) + b(x).y(x) = f(x) , où y(0) et y(L) sont donnés.
4) Linéarisation et perturbation : Si l’on modifie l’équation, ou les conditions initiales, obtient-on
des solutions voisines de celles de l’équation de départ ? Ces questions se posent lorsqu’on linéarise
au voisinage de l’équilibre, comme dans l’étude du pendule simple.

B. Equations différentielles linéaires

1. Equations scalaires d’ordre 1.

1.1. Problème.
Soient I un intervalle de R, A, B et C trois fonctions continues de I dans K = R ou C.
On veut intégrer l’équation différentielle linéaire A(x).y’ + B(x).y = C(x) (1)
Soit J un sous-intervalle de I sur lequel la fonction A ne s’annule pas.
Alors (1) s’écrit sous forme normale y’ = a(x).y + b(x) (2)
où a(x) = et b(x) = . L’équation homogène associée est y’ = a(x).y (3)
Nous allons montrer comment intégrer (3), puis (2). Enfin, nous reviendrons à (1).

1.2. Résolution de l’équation homogène y’ = a(x).y .


Méthode du logarithme. Supposons a : J  R continue.
1) Cherchons les solutions de (3) qui ne s’annulent en aucun point de J.
(3) s’écrit = a(x) , i.e. (ln |y(x)|)’ = a(x).

Ainsi, ln|y(x)| = +K , où est une primitive de a(x).


K K
Finalement |y(x)| = e .exp , y(x) =  e .exp ,
et y(x) = C.exp (CR*).
K
Remarque : y étant de signe constant sur J, le  e est sans ambiguïté : c’est + ou c’est .
Réciproquement, de telles fonctions sont solutions de (3) et ne s’annulent pas sur J.
2) Montrons que si y est solution de (3) et s’annule en un point de J, alors y est la solution nulle.
Soit en effet y1 une solution ne s’annulant pas sur I, par exemple exp .

Alors y’ = a.y et y’1 = a.y1 impliquent y1.y’  y’1.y = 0 , donc = 0, = 0, y =

.y1. Si y(x0) = 0, alors  = 0 et y(x)  0. cqfd.


Méthode de l’exponentielle. Supposons a : J  K continue.
y’(x) – a(x).y(x) = 0  [y’(x) – a(x).y(x)].exp  =0  [y(x).exp  ]
= 0.
Cette condition équivaut à y(x).exp  = cte , donc y(x) = .exp .
1
Proposition 1 : Soit aC (J, K). Les solutions de l’équation homogène y’ = a(x).y forment une
1
droite vectorielle de C (J, K). Ce sont les .exp , où est une primitive de
a(x).

7
Il y a une seule solution y de (3) telle que y(x0) = y0, c’est y(x) = y0.exp .

Remarque : Comparaison des deux méthodes.


1) La méthode du logarithme est naturelle, et rigoureuse si l’on observe que le léger problème de
rigueur qu’elle pose peut être facilement surmonté. Il n’y a donc aucune raison de la rejeter dans le
purgatoire des « méthodes de physiciens ». Si vous l’utilisez, dites :
« Cherchons les solutions ne s’annulant pas sur J… », et concluez en disant que « la méthode de
variation des constantes (ou le théorème de Cauchy) assure qu’il ne manque que la solution nulle. »
2) La méthode de l’exponentielle est parfaite, mais dogmatique. Elle a l’avantage d’être valable
dans C, ou un evn.

1.3. Résolution de l’équation y’(x) = a(x).y + b(x).


Cherchons y(x) sous la forme y(x) = C(x).exp , ce qui revient à faire un changement de
fonction inconnue ; changement légitime, l’exponentielle ne s’annulant jamais. Il vient :
y’(x) = [C’(x) + C(x).a(x)].exp = C’(x).exp + a(x).y(x),
donc y’(x) = a(x).y(x) + b(x)  C’(x).exp = b(x).
Remarque : Le schéma de calcul est le suivant : y  y’ a(x).y
o=Do E E
(x) (x) (x)
où E est l’opérateur de multiplication par e y.e  (y’ a(x).y).e
 l’opérateur différentiel y  y’  a(x).y, et D l’opérateur de dérivation usuelle.
 et D sont conjugués via E.
L’équation (y) = 0 se ramène à D(z) = 0, l’équation (y) = b(x) se ramène à D(z) = c(x).
Théorème 2 : Soient a, bC1(J, K). Les solutions de l’équation homogène y’ = a(x).y + b(x)
1
forment une droite affine de C (J, K). Elles s’écrivent en effet [ + (x)].exp ,
où (x) = est une primitive de a(x), et (x) = .
Il y a une unique solution y de (2) définie dans J et telle que y(x0) = y0, à savoir :
y(x) = [y0 + ].exp (x) , où (x) = .

Remarque : La résolution de l’équation homogène nécessite une quadrature (c’est-à-dire un calcul de


primitive), celle de l’équation « avec second membre » en nécessite deux. Il peut arriver que a(x) ou
b(x).exp (x) ne s’intègrent pas élémentairement ; on laissera la solution sous forme intégrale, et on
l’étudiera par des méthodes qualitatives.
Exemple : Equations à coefficients constants.
x
L’équation y’ – .y = 0 a pour solutions y(x) = C.e , l’équation y’ – .y = b(x) a pour solutions :
y(x) = [y0 + ].exp{(x  x0)} = y0.exp{(x  x0)} +
x
Lorsque b(x) = P(x).e , où P est un polynôme. Alors l’équation y’ – .y = b(x) a une solution
x
particulière de la forme y(x) = Q(x).e , où deg Q = deg P si   , deg Q = deg P + 1 si  = .
Cela peut s’établir, soit directement, à l’aide de la formule intégrale ci-dessus, soit indirectement, en
x
étudiant comment agit l’opérateur différentiel y  y’ – .y sur les fonctions de la forme P(x).e .
Application à la chute d’un corps.

8
Un corps de masse m tombe en chute libre. Il est soumis à la force de gravitation m et subit une
force de freinage proportionnelle à sa vitesse – k. . D’où m. = m – k. , i.e. m. ’ = m – k. . Si
v(0) = 0, on a v(t) = [1  exp( )]. La vitesse-limite est .

1.4. Propriétés géométriques des courbes intégrales.


Considérons l’équation (2). Il découle du théorème de Cauchy que, par tout point de la bande JK
passe une et une seule courbe intégrale, et que les courbes intégrales y = y(x) ne se rencontrent pas.
Soit x0J. La tangente en M(x0, y) a pour équation Y – y = [a(x0).y + b(x0)].(X – x0)
 Si a(x0)  0, toutes les tangentes aux points M(x0, y) sont concourantes ;
 Si a(x0) = 0, les tangentes sont parallèles, de pente b(x0).
Dans les deux cas, les tangentes font partie d’un faisceau de droites.

1.5. Retour à l’équation (1).


Après avoir cherché le domaine de définition commun aux fonctions A, B et C, on intègrera (1) sur
les intervalles où A, B et C sont définies et où A ne s’annule pas. En les points où A s’annule, on
étudiera comment se raccordent les solutions. Seule une étude concrète, au cas par cas, permet de
préciser ce qui se passe. Une méthode alternative consiste à chercher les solutions développables en
série entière au voisinage des points où A s’annule.
Exemple : Résoudre l’équation x.y’ = a.y (aR).
Intégrons séparément (E) sur R*+ et R*.

Cherchons les solutions ne s’annulant pas. On obtient = , ln |y(x)| = a.ln |x| + cte,
a a
d’où : y(x) = .x sur R*+ et y(x) = .(x) sur R*.
1 1
Les solutions forment des droites vectorielles de C (R*+, R) et de C (R*, R) resp.
Que se passe-t-il en 0 ? Cela dépend des valeurs de a.
 Si a < 0, les solutions sont non bornées au V(0), sauf si  =  = 0.
La seule solution définie sur R est 0.
 Si a = 0, les solutions sont constantes.
 Si 0 < a < 1, les solutions sont toutes continues en 0, la seule solution dérivable en 0 est y  0
 Si a = 1, les solutions sont toutes continues en 0, mais les seules solutions dérivables en 0
1
correspondent à  = . Elles forment une droite vectorielle dans C (R, R).
 Si a > 1, les solutions sont dérivables en 0 quels que soient  et . Elles forment un plan vectoriel
1
dans C (R, R).

Exercices : Résoudre les équations différentielles suivantes. Pour chacune, étudier le raccord.
2
x.(x  1).y’ + y = x .(2x – 1) x.(1  x).y’ + y = x
2
x .y’ + y = 0 ln(x).y’  y = 0
y’.cos x + y.sin x = 1 , resp. cos x , x + 1 , .
2 2
(1  x ).y’ + x.y = a.y (aR) (1  x ).y’  x.y = 1
2
(x  1).y’ – x.y + = 0. Existe-t-il des courbes intégrales algébriques ?

x.(2  x).y’ + (1  x).y = 1 2x.y’ + y = . Solutions dse(0) ? Graphes.


2x.(x  1).y’ + (2x  1).y + 1 = 0. Solutions dse(0) ?

9
.y’  x.y = x. .
2
|x|.y’ + (x  1).y = x , |x|.y’ + (x  1).y = x
Exercice : Soient a et b continues 2périodiques R  R. Etudier l’existence de solutions 2-
périodiques de l’équation différentielle y’(x) = a(x).y(x) + b(x).
Exemple : solutions périodiques de y’ + y = cos x ; y’ + (sin x).y = 1 ;
Exercice : Lemme de Gronwall. Soit u : I = [0, T)  R une fonction continue vérifiant :
a0 k>0 tI u(t)  a.t + k. .

Montrer que tI u(t)  a. .

En particulier si  k > 0 tI 0  u(t)  k. , alors u est la fonction nulle.

2. Equations linéaires générales ; théorème de Cauchy linéaire.

1.1. Le cadre.
Soient I un intervalle de R, E un espace de Banach sur R ou C, L(E) l’algèbre des

endomorphismes continus de E muni de la norme subordonnée |||L||| = supx0 .


Par analogie avec les matrices, on notera L.x, plutôt que L(x), l’image par L du vecteur x.
Soient A : tI  A(t)L(E) et B : tI  B(t)E deux applications continues.
On cherche les fonctions vectorielles Y : tI  Y(t)E vérifiant l’équation différentielle linéaire :
(tI) Y’(t) = A(t).Y(t) + B(t) (1)
On appelle équation homogène associée l’équation :
(tI) Y’(t) = A(t).Y(t) (2)

1.2. Résultats élémentaires.


Proposition 1 : Les solutions de l’équation homogène (2) forment un sous-espace vectoriel de
1 1
l’espace C (I, E), celles de l’équation (1) forment un sous-espace affine de C (I, E).
En d’autres termes, la solution générale de l’équation (1) est la somme d’une solution particulière et
de la solution générale de l’équation homogène associée.
Proposition 2 (« principe de superposition »). Soient Bk : I  Bk(t)E des applications données
(1kn). Si Yk est une solution particulière de l’équation Y’ = A(t).Y + B k(t), alors Y =
est solution particulière de l’équation Y’ = A(t).Y + B(t), où B(t) = .

1.3. Théorème de Cauchy linéaire.


Théorème 3 : Sous les hypothèses précédentes, pour tout couple (t 0, y0)IE, l’équation différen-
tielle linéaire (1) Y’ = A(t).Y + B(t) a une solution unique, définie sur tout I, et vérifiant Y(t0) = y0.
Il s’agit donc d’un théorème d’existence et d’unicité globales de la solution sur tout l’intervalle I, à
la différence du théorème de Cauchy-Lipschitz général.
Corollaire : Sous les hypothèses précédentes, pour tout couple (t 0, y0)IE, l’équation différentielle
linéaire homogène (2) : Y’ = A(t).Y admet une solution unique, définie sur tout I, et vérifiant Y(t 0) =
1
y0. Les solutions de cette équation forment un sous-espace vectoriel H de C (I, E) isomorphe à E.

Preuve du corollaire : Pour tout t0I, l’application Y H  Y(t0)E est linéaire bijective.

10
1.4. Démonstration par la méthode des approximations successives de Cauchy-Picard.
1) Transformation de l’équation différentielle en équation intégrale.
Lemme 1 : Pour que Y soit une solution de (1) telle que Y(t 0) = y0, il faut et il suffit que Y : I  E
soit continue et vérifie : (tI) Y(t) = y0 + (3)
1
Preuve : Si Y : I  E est continue et vérifie (3), alors Y(t 0) = y0 et Y est de classe C , et vérifie
1
(tI) Y’ = A(t).Y + B(t). Si Y est solution de (1) telle que Y(t0) = y0, Y est de classe C , et :

Y(t) = y0 + = y0 + .

L’intérêt de cette étape peut se justifier par le principe suivant : l’intégration est une opération
beaucoup plus souple que la dérivation.
2) Méthode des approximations successives.
Nous supposerons I compact jusqu’en 5). En vertu du lemme 1, la solution cherchée est un point fixe
0 0
de l’opérateur fonctionnel T : C (I, E)  C (I, E), qui, à une fonction Y associe la fonction T(Y)
définie sur I par : T(Y)(t) = y0 + (4)
Définissons la suite de fonctions Yn : I  E par :
Y0(t) = y0 et Yn+1(t) = y0 + (5)
On va montrer que cette suite de fonctions converge uniformément sur I vers une fonction vérifiant
(3). Puis on montrera l’unicité et on étendra ce résultat au cas où I est non compact.
3) Majorations préliminaires.
La fonction A est continue de I dans L(E), donc bornée :  > 0 tI |||A(t)|||   (6)
2
Donc (x, y)E uI ||A(u).(x  y)||   ||x  y||.
La fonction B de I dans E est bornée :  > 0 tI ||B(t)||   (7)

Lemme 2 : (n) (tI) ||Yn+1(t)  Yn(t)||  ( ||y0|| + ) .

Preuve par récurrence sur n, laissée au lecteur.


4) Existence d’une solution.

Si I = [a, b], alors (n) (tI) ||Yn+1(t)  Yn(t)||  ( ||y0|| + ) .

Il découle de ceci que la série de fonctions est normalement convergente sur I.


Comme E est complet, la suite des fonctions (Y n) converge uniformément sur I vers une fonction
continue Y.
Il est alors facile de montrer, par convergence uniforme et passage à la limite sous l’intégrale, que Y
vérifie (3), donc (1).
5) Unicité de la solution.
Supposons que Y1 et Y2 vérifient (3). Alors Z = Y1 – Y2 vérifient Z(t) = .
Z est continue sur I, donc bornée : M > 0 tI ||Z(t)||  M.

Lemme 3 : (n) (tI) ||Z(t)||  M. .

Preuve par récurrence sur n. Par passage à la limite, on en déduit Z (t) = 0.


6) Cas où I n’est pas compact.

11
Si I n’est pas compact, ce qui précède montre que sur tout segment J inclus dans I et contenant t 0, il
existe une seule solution YJ de (1) définie dans J et telle que YJ(t0) = Y0.
Si J1 et J2 sont deux tels segments, le théorème d’unicité appliqué à J 1J2 montre que YJ1 et YJ2
coïncident sur J1J2 . Par suite, si J est un segment contenant à la fois t 0 et t, YJ(t) ne dépend que de
de t, et pas de J. Notons-le Y(t). Il est clair que Y est solution de (1) sur I, qu’une telle solution est
unique et vérifie Y(t0) = Y0. cqfd.
0 0
Remarque 1 : Si I est compact, l’opérateur fonctionnel T : C (I, E)  C (I, E) n’est pas contractant,
mais je pense qu’un de ses itérés l’est. Et si I n’est pas compact, je pense qu’on doit pouvoir trouver
une distance pour laquelle il l’est. Préciser cela serait assez facile. En tout cas, nous sommes dans le
cadre intellectuel du théorème de point fixe, sans être tout à fait sous ses hypothèses.
Remarque 2 : Il existe d’autres démonstrations du théorème de Cauchy linéaire :
1) On peut déduire ce théorème du théorème de Cauchy-Lipschitz général : cf. § D.4.
2) On peut résoudre l’équation homogène Y’ = A(t).Y par la méthode des produits intégraux de
Volterra (1887) [cf. Avez, Cours de calcul différentiel, Masson].
Exercice : Soient A : tR  A(t)L(E) et B : tR  B(t)E deux applications continues T-
périodiques, Y une solution de l’équation différentielle linéaire Y’(t) = A(t).Y(t) + B(t).
Montrer que Y est T-périodique si et seulement si Y(T) = Y(0).

3. Systèmes différentiels d’ordre 1.

3.1. Problème.
Soient aij : tI  aij(t)K = R ou C (1  i, j  n) et bi : tI  bi(t)K (1  i  n) des fonctions
continues sur l’intervalle I. On veut résoudre le système différentiel :
 y’1(t) = a11(t).y1(t) + … + a1n(t).yn(t) + b1(t)
 . . . . . . . . . . . . . . . (1)
 y’n(t) = an1(t).y1(t) + … + ann(t).yn(t) + bn(t)
où les fonctions inconnues y1, … , yn sont à valeurs dans K.
n
Introduisons l’espace E = K et les fonctions vectorielles et matricielles :

Y(t) = A(t) = b(t) =

Le système précédent s’écrit : Y’(t) = A(t).Y(t) + b(t) (2)


et le système homogène associé : Y’(t) = A(t).Y(t) (3)

3.2. Equation homogène Y’ = A(t).Y.


1
Proposition 1 : L’ensemble H des solutions de (3) est un sous-espace de dimension n de C (I, E).

Définition : On appelle système fondamental de solutions de (3) toute base (Y1 , … , Yn) de H .

Proposition 2 : Soit (Y1 , … , Yn) un n-uplet de solutions de (3). Les propriétés suivantes sont
équivalentes :
i) (Y1 , … , Yn) est une base de H ;
n
ii) Pour tout tI, (Y1(t), … , Yn(t)) est une base de E = K ;
n
iii) Il existe t0I tel que (Y1(t0), …, Yn(t0)) soit une base de E = K .
Remarque : On sait donc tout de la structure de l’espace H, mais attention ! il n’y a pas de méthode
générale par quadratures pour trouver un système fondamental de solutions de (3). Cela peut se

12
démontrer au moyen d’une branche de l’analyse appelée « algèbre différentielle », fondée par
Liouville vers 1846, et approfondie depuis par Lie, Ostrowski, etc. Elle consiste à associer à chaque
équation différentielle linéaire un groupe de transformations analogue au groupe de Galois d’une
équation algébrique. De même qu’une équation algébrique est résoluble par radicaux si et seulement
si son groupe de Galois possède une certaine propriété, une équation différentielle linéaire sera
résoluble par quadratures si et seulement si son groupe de transformations possède certaines
propriétés.

3.3. Méthode de variation des constantes.


Revenons à l’équation « avec second membre » (2), et supposons que l’on dispose d’un système
fondamental (Y1 , … , Yn) de solutions de (3).
Je dis qu’on peut chercher la solution générale de (2) sous la forme :
Y(t) = C1(t).Y1(t) + … + Cn(t).Yn(t) ,
1
où C1(t), … , Cn(t) sont des fonctions de classe C .

En effet, notant Yj(t) = et W(t) = la matrice, inversible pour

tout t, dont les colonnes sont les Y j(t), alors Y(t) = W(t).C(t) , où C(t) = ; donc C(t) =

1
W(t) .Y(t).
On a W’(t) = A(t).W(t), donc :
Y’(t) = W’(t).C(t) + W(t).C’(t) = A(t).W(t).C(t) + W(t).C’(t) = A(t).Y(t) + W(t).C’(t),
1
de sorte que Y’(t) = A(t).Y(t) + B(t)  W(t).C’(t) = B(t)  C’(t) = W(t) .B(t).
On trouve donc C(t) au moyen de n quadratures, et on revient à Y(t).

3.4. Méthodes particulières.


S’il n’y a pas de méthode générale pour intégrer le système Y’ = A(t).Y, il y a des cas où l’on peut
le résoudre :
 Lorsque la matrice A(t) est constante : cf. § C.
 Lorsqu’un changement de fonctions inconnues permet de se ramener à un système à coefficients
constants.
Exemple 1 : Le système x’(t) = a(t).x(t) + b(t).y(t) + c(t)
y’(t) = b(t).x(t) + a(t).y(t) + d(t)
où a, b, c, d, x et y sont à valeurs réelles ou complexes, peut se résoudre grâce à l’introduction des
fonctions inconnues u(t) = x(t) + y(t), et v(t) = x(t)  y(t).
Exemple 2 : Le système x’(t) = a(t).x(t)  b(t).y(t) + c(t)
y’(t) = b(t).x(t) + a(t).y(t) + d(t)
où a, b, c, d, x et y sont à valeurs réelles, peut se résoudre en introduisant la fonction inconnue z(t) =
x(t) + i.y(t). Si les fonctions sont à valeurs complexes, on introduira les deux fonctions inconnues
z(t) = x(t) + i.y(t) et w(t) = x(t) – i.y(t).
 Lorsque les matrices A(t) sont simultanément diagonalisables (ce qui équivaut à : diagonalisables
et 2 à 2 commutantes). Les deux exemples précédents rentrent dans ce cadre.
Plus généralement, lorsque les A(t) sont simultanément trigonalisables.

13
 Lorsqu’on connaît une solution non nulle de (3), il y a moyen de chercher les autres, par un
procédé d’abaissement de l’ordre que l’on trouvera dans les livres spécialisés, et qui est exposé dans
le § suivant.
 On démontre que si les fonctions aij et bj sont développables en série entière sur ]R, R[ , il en est
de même que toutes les solutions de Y’ = A(t).Y + b(t) qui sont définies sur cet intervalle. 3

Exercice : Résoudre les systèmes différentiels suivants, et tracer leurs courbes intégrales :
x’ = a(t).x + b(t).y x’ = t.x + y x’ = (ch t) .x + (sh t).y
y’ = b(t).x + a(t).y y’ = x + t.y y’ = (sh t). x + (ch t).y
x’ = a(t).x  b(t).y x’ = t.x – y x’ = (cos t).x  (sin t).y
y’ = b(t).x + a(t).y y’ = x + t.y y’ = (sin t).x + (cos t).y
2 2 2
(t + 1).x’ = t.x + y + 2.t – 1 2.(1 + t ).x’ = t.x  y
2 2
(t + 1).y’ =  x + t.y + 3.t 2.(1 + t ).y’ = x  t.y
Exercice : Résoudre les systèmes différentiels suivants :

Y’ = A(t).Y , où A(t) = , A(t) =

4. Equations différentielles linéaires d’ordre 2.

4.1. Le problème.
Soient A, B, C et D des fonctions continues I  K = R ou C.
On se propose d’étudier l’équation A(x).y’’ + B(x).y’ + C(x).y = D(x) (1)
Si on se place dans un sous-intervalle J de I dans lequel A ne s’annule pas, l’équation (1) se met sous
la forme normale y’’ + a(x).y’ + b(x).y = c(x) (2)

Posant Y(x) = , cette équation s’écrit, conformément aux principes généraux :

Y’(x) = .Y(x) + (3)

C’est un système linéaire de la forme Y’(x) = A(x).Y(x) + B(x).


Nous voilà donc ramenés au § 3. Nous pourrions en rester là, mais l’importance des équations
linéaires du second ordre nous oblige à traduire les résultats du § 3 dans ce cadre.
Rappelons deux résultats-clés, le premier simple, le second découlant du théorème de Cauchy :
Proposition 1 : La solution générale de (2) est la somme d’une solution particulière et de la solution
générale de l’équation homogène associée y’’ + a(x).y’ + b(x).y = 0 (4)
Théorème 2 (Cauchy) : Pour tout triplet (x0, y0, y’0)JKK, il existe une unique solution de (2)
telle que y(x0) = y0 et y’(x0 ) = y’0 .

3
Cela relève de la théorie des systèmes différentiels holomorphes (hors programme).

14
4.2. Etude de l’équation homogène.
2
Proposition 3 : L’ensemble H des solutions de (4) est un plan vectoriel inclus dans C (J, K).

Preuve : Soit x0J. Considérons l’application (x0) : yH  (y(x0), y’(x0))KK.


Elle est linéaire, et bijective en vertu du théorème 1 ; c’est donc un isomorphisme.
Corollaire : Soient y1 et y2 deux solutions de (4). Les propriétés suivantes sont équivalentes :
i) (y1, y2) est une base de H ;

ii) Pour tout x0J, 0;

iii) Il existe x0J tel que 0.

Un tel couple s’appelle un système fondamental de solutions de (4).


1
Définition : Si y1 et y2 sont deux fonctions de classe C : J  K, on appelle wronskien4 de y1 et y2

la fonction : W(x) = .

Proposition 4 : Soient y1 et y2 deux solutions de (4). Leur wronskien vérifie :


W(x) = W(x0).exp  (formule de Liouville) .

Il résulte de ce résultat, mais aussi du corollaire de la prop. 2, qu’on a l’alternative suivante :


 soit le wronskien de y1 et y2 est identiquement nul, et alors y1 et y2 sont liées ;
 soit leur wronskien n’est jamais nul dans J, et alors (y 1, y2) est un système fondamental de
solutions de (4).
Remarque : Cette alternative ne vaut que pour les couples (y 1, y2) de solutions d’une équation (4),
1
pas pour tous les couples de fonctions de classe C .
2 2 3 3
Ainsi, pour y1(x) = x + 1, y2(x) = x , W(x) = 1  x . Autre exemple : y1(x) = x , y2(x) = |x| .

Ainsi, grâce au théorème de Cauchy linéaire, on sait tout de la structure des solutions de (4).
Malheureusement, il n’y a pas de méthode générale et élémentaire d’intégration de (4). Et l’on peut
démontrer qu’il en est ainsi, comme nous l’avons déjà noté en § 3. Autrement dit, on ne sait pas
obtenir concrètement un système fondamental de solutions de (4).
Voici des cas où l’on peut cependant le faire :
 Si (4) est une équation à coefficients constants ; cf. § C.
 Si un changement de fonction inconnue permet de se ramener à une équation à coefficients
constants ;
 Si un changement de variable permet de se ramener à une équation à coefficients constants ; c’est
le cas des équations d’Euler, qui sera examiné en 4.5. ;
 Si l’opérateur différentiel y  y’’ + a(x).y’(x) + b(x).y est composé de deux opérateurs
différentiels de la forme y  y’  (x).y.
 Enfin, on peut parfois trouver des solutions particulières de (4) de forme simple : polynômes,
exponentielles, séries entières ou trigonométriques.

4
Hoëné Wronski (1776-1853), officier de l’armée russe, étudia les mathématiques et la philosophie en
Allemagne avant de se fixer en France. Cet esprit mystique et millénariste eut une illumination le 15 août
1803, qui lui permit de concevoir l’ « absolu ». Il dédia à Alexandre 1er son Introduction à la philosophie des
mathématiques (1811). Il a inspiré à Balzac le personnage central de La Recherche de l’absolu.

15
4.3. Résolution de (2) et (4) lorsqu’on connaît une solution de (4).
Si l’on connaît une solution y1 de (4) ne s’annulant pas, on peut obtenir toutes les solutions de (4) en
les cherchant sous la forme y(x) = y1(x).z(x).
Il vient b(x) y = y1.z
a(x) y’ = y’1.z + y1.z’
1 y’’ = y’’1.z + 2.y’1.z’ + y1.z’’
_________________________________
D’où c(x) = (a.y1 + 2.y’1).z’ + y1.z’’
C’est une équation linéaire d’ordre 1 en u = z’ : y1.u’ + (a.y1 + 2.y’1).u’ = c(x)
Elle s’intègre au moyen de 2 quadratures si c = 0, de 3 quadratures sinon.
On retrouve au passage le plan vectoriel des solutions de l’équation homogène. Au fond, dans ce cas,
on vérifie le théorème de Cauchy.
Remarque : Si y1 s’annule en certains points de J, on pourra encore poser y = y 1.z dans les sous-
intervalles de J où ne s’annule pas, le théorème de Cauchy affirmant que les solutions se raccordent
2
dans J de façon à former un plan affine inclus dans C (J, K). C’est ainsi que l’on trouve les fonctions
de Legendre et de Tchebychev de seconde espèce.

4.4. Résolution de (2) lorsqu’on connaît un système fondamental de solutions de (4).


Si l’on connaît un système fondamental (y1, y2) de solutions de (4), on peut résoudre l’équation (2)
par la méthode de variation des constantes. Elle consiste à chercher sa solution y(x) sous la forme :
(5) y(x) = C1(x).y1(x) + C2(x).y2(x)
(6) y’(x) = C1(x).y’1(x) + C2(x).y’2(x)

Matriciellement, cela revient à poser = .

changement de fonctions inconnues légitime car le wronskien n’est jamais nul.


Dérivons (5) et retranchons (6). Il vient : C’1.y1 + C’2.y2 = 0
Dérivons (6) et calculons y’’ + a(x).y’ + b(x).y = c(x). Il vient : C’1.y’1 + C’2.y’2 = c(x)

On obtient un système de Cramer en C’ 1 et C’2, que l’on résout ; puis on calcule C1 et C2 en deux
quadratures. Comme C1 et C2 sont définies à constantes près, on retrouve le plan affine des solutions.
Exemples : la méthode précédente permet d’établir que :
2
 l’équation y’’   .y = f(x) ( > 0) a pour solutions :
y(x) = + A.ch(x) + B.sh(x)
2
 l’équation y’’ +  .y = f(x) ( > 0) a pour solutions :
y(x) = + A.cos(x) + B.sin(x)

 l’équation y’’ = f(x) a pour solutions y(x) = + A.x + B.

4.6. Remarques finales.


On démontre que si les fonctions a, b et c sont développables en série entière dans l’intervalle ]R,
R[, il en est de même de toutes les solutions de l’équation (2) qui sont définies sur cet intervalle.
Si l’on veut revenir à l’équation (1), il faudra étudier les raccords aux points où A s’annule.

16
Cela peut aussi se faire en étudiant les solutions de (1) qui sont développables en série entière au
voisinage des points où A s’annule (équations du type de Fuchs, équations de Bessel, équations
hypergéométriques, etc.). Enfin, tout ce qui précède s’étend sans difficulté aux équations linéaires
d’ordre n.

Exercices

Exercice 1 : Intégrer les équations différentielles suivantes :

y’’ + y = y’’ + y = tan x y’’ + y = | tan x |

2
y’’ + y = cos x y’’ + y = y’’ + y =

y’’ + 6.y’ + 9.y = y’’ + 3.y’ + 2.y = (x  1). .

y’’  y = , y(0) = y’(0) = 0 y’’’ + 3.y’’ + 3.y’ + y = .

Exercice 2 : Intégrer les équations différentielles suivantes, en tenant compte des indications
données. Si aucune indication n’est donnée, c’est qu’il y a une solution particulière très simple.
(x + 1).y’’  y’  x.y = 0 , resp f(x) .
2
x .(ln x).y’’ + y = 0 .
(1 + x).y’’  2.y’ + (1  x).y = x.exp(x) .
2
x .(ln x  1).y’’  x.y’ + y = 0 , resp.  .
2
(x + x).y’’  2.x.y’ + 2.y = 0 ; solutions bornées au V(0), au V(1) ?
2
(x  1).y’’  6.y = 0 (Sol. part. polynomiale)
3
x .y’’ + x.y’  y = exp .

4.x.(1  x).y’’  2.y’  y = 0 (Solution part : y1 = ).


mx
(x  1).y’’ + (4.x  5).y’ + (4.x  6).y = x.exp(2x) (Sol. part. de la forme e ).
Exercice 3 : Résoudre les équations suivantes, en se ramenant, au moyen d’un changement de
variable convenable, à des équations à coefficients constants :
2 2 2 2 2
(1 + x ) .y’’ + 2x(1 + x ).y’ + m .y = 0 y’’  y’.cotan x + y.sin x = 0
2
y’’ + y’.tan x  y.cos x = 0 4 x y’’ + 2 y’ + a y = 0
2 2 2
(1 + x ).y’’ + x.y’ + a.y = 0 x .ln x.y’’ + x.ln x.(ln x +1).y’ – a.y = 0
y’’ + y’ + a.exp(2x).y = 0 puis y’’ + y’ + a.exp(2x).y = 3.ch x + sh x .
Exercice 4 : Equations d’Euler. On nomme ainsi une équation de la forme
2
(E) x .y’’ + a.x.y’ + b.y = 0 ou f(x) , où a et b sont des constantes.
t
1) Montrer que le chgt de variable x =  e ramène cette équation à une équation à coefficients
constants. En pratique, cela revient à chercher des solutions particulières de l’équation homogène

sous la forme x , où C.
2) Applications : a) Résoudre les équations :
2 2 2
x .y’’ + x.y’ + y = 0 , x .y’’ + 3.xy’ + y = ln(x + 1) , x .y’’ + x.y’ + 6.y = ln(x + 1)

b) Trouver les fonctions f dérivables de R*+ dans R telles que x > 0 f’(x) = f( ) .

17
1 2
c) Trouver les applications f  C (R*+, R) telles que x > 0 f’(x) = x .f( ).

Exercice 5 : Soient a et b deux fonctions continues sur I, b ne s’annulant pas. CNS pour qu’il existe
un changement de variable transformant l’équation en une équation à coefficients constants.
Exercice 6 : Résoudre 2x.y’’ + y’ – 2.y = 0 sachant qu’il existe un intervalle sur lequel cette équation
admet deux solutions dont le produit vaut 1
Exercice 7 : Intégrer les équations suivantes au moyen du changement de fonction inconnue indiqué :
x.y’’ + 2.y’ + x.y = 0 , resp. 1 , sin x (poser z = x.y)
2 2 x 2
x .y’’ + 4.x.y + (2  x ).y = 0, resp. 1 , e (poser z = x .y)
x.y’’ + (x  2).y’  2.y = 0 (poser z = y + y’)
y’’ + (1  ).y = 0 (poser z = y’ + )

Exercice 8 : On considère l’équation y’’ + a(x).y’(x) + b(x).y = 0. Relation entre a et b pour qu’il
2 2
existe deux solutions linéairement indépendantes u et v telles que u + v soit constant.
3
Application : intégrer y’’.cos x + y’.sin x + y.cos x = 0.
Exercice 9 : Intégrer y’’ + x.y’ + y = 0 par séries entières. Reconnaître les solutions.
2 2
Exercice 10 : On considère l’équation différentielle x .y’’ + 4.x.y + (2  x ).y = 1.
1) Montrer qu’elle admet une seule solution dse ; rayon de convergence et somme.
2) Intégrer l’équation. |Voir aussi exercice 7.]
2
Exercice 11 : Soient m > 0, f une fonction de classe C telle que (x > 0) f’’(x) + m.f(x)  0.
Montrer que (x > 0) f(x) + f(x + )  0.

Exercice 12 : Fonctions hypergéométriques.


On considère l’équation différentielle, où cR{0, 1, 2, 3, … } :
(E) x.(1  x).y’’(x) + [ c – (a + b  1).x ].y’(x) – a.b.y(x) = 0 .
1) Trouver les solutions développables en série entière en 0 ; rayon de convergence en 0.
Montrer que ce sont des polynômes si a ou b  {0, 1, 2, 3, … }.
2) On note (x)0 = 1, (x)n = x(x + 1)…(x + n 1) (symbole de Pochhammer ou des factorielles

montantes), et F(a, b , c ; x) = 1 +

Montrer que F(a, b, c ; x) = .F(a + 1, b + 1, c + 1 ; x)

3) Exemples : Etablir les identités suivantes :


a
F(1, b, b ; x) = F(a, b, b, x) = (1  x)

2
x.F(1, 1, 2 ; x) = ln(1 + x) x.F( , , ; x ) = Arcsin x

2 2
x.F( , 1, ; x ) = Arctan x x.F( , 1, ;x )=

18
C. Equations et systèmes linéaires à coefficients constants.

Cette partie est un cas particulier de la précédente. Elle se situe au confluent des résultats
précédents et des méthodes algébriques développées dans les chapitres consacrés à la réduction des
endomorphismes et aux exponentielles de matrices ; ces méthodes algébriques permettent de
retrouver tous les résultats de B dans ce cas particulier.

1. Systèmes différentiels d’ordre 1 à coefficients constants.

1.1. Le problème.
Soient aij (1  i, j  n) et bi (1  i  n) des constantes réelles ou complexes.
On se propose de résoudre le système différentiel :
 y’1(t) = a11.y1(t) + … + a1n.yn(t) + b1(t)
 . . . . . . . . . . . . . (1)
 y’n(t) = an1.y1(t) + … + ann.yn(t) + bn(t)
où les fonctions inconnues y1, … , yn sont à valeurs dans K = R ou C.
n
Introduisons l’espace E = K et les vecteurs et matrices :

Y(t) = A= b(t) =

Le système précédent s’écrit : Y’(t) = A.Y(t) + b(t) (2)


et le système homogène associé : Y’(t) = A.Y(t) (3)

1.2. Résolution par réduction de A.


1
a) Lorsque A est diagonalisable dans Mn(C), PGln(C) P .A.P = diag(1, 2, …, n) = D.
1 1 1
L’équation (3) s’écrit Y’ = P.D. P .Y , c’est-à-dire P .Y’ = D.P .Y.
Si l’on pose Y = P.U, c’est-à-dire si l’on se place dans le repère propre, il vient U’ = D.U, système
formé de n équations scalaires d’ordre 1 : ui(t) = ai.exp(i.t), etc.
1 1 1 1
L’équation (2) s’écrit Y’ = P.D. P .Y + b(t) , c’est-à-dire P .Y’ = D.P .Y + P .b(t).
1
Si l’on pose Y = P.U, il vient U’ = D.U + c(t) , où c(t) = P .b(t).
D’où n équations scalaires d’ordre 1 indépendantes.
1
b) Dans le cas général, A est trigonalisable : PGln(C) P .A.P = T , trigonale supérieure.
1 1 1
L’équation (3) s’écrit Y’ = P.T. P .Y , c’est-à-dire P .Y’ = T.P .Y.
Si l’on pose Y = P.U, il vient U’ = T.U, système que l’on peut résoudre par remontée.
1 1 1 1
L’équation (2) s’écrit Y’ = P.T. P .Y + b(t) , c’est-à-dire P .Y’ = T.P .Y + P .b(t).
1
Si l’on pose Y = P.U, il vient U’ = T.U + c(t) , où c(t) = P .b(t), système que l’on peut aussi
résoudre par remontée.

19
Exercice : Résoudre Y’ = A.Y , puis Y’ = A.Y + b(x), lorsque A =

En déduire une méthode générale de résolution de (3) et (2) par réduction de Jordan.

1.3. Présentation abstraite : exponentielles de matrices.


Les exponentielles de matrices permettent de présenter élégamment les calculs précédents.
Proposition : Le système différentiel linéaire homogène à coefficients constants :
Y'(t) = A.Y(t) , où AÎMn(C) (1)
a pour solution générale : Y(t) = exp(t.A).Y(0) ("tÎR) (2)
ou encore : Y(t) = exp((t  t0).A).Y(t0) ("tÎR) (3)
Preuve : Cela se montre par variation des constantes, i.e. en cherchant Y(t) sous la forme :
Y(t) = exp(t.A).C(t) ,
Cela revient à faire un changement de fonction inconnue, légitime car l’exponentielle est inversible.
On a : Y’(t) = A.exp(t.A).C(t) + exp(t.A).C’(t) = A.Y(t) + exp(t.A).C’(t).
Comme l’exponentielle est inversible, (1)  exp(t.A).C’(t) = 0  C’(t) = 0  C(t) = cste.
La variation des constantes permet également de résoudre :
Y'(t) = A.Y(t) + b(t) (4)
où b est une fonction continue I ® C (I intervalle de R).
Posons Y(t) = exp(t.A).C(t). On a Y’(t) = A.exp(t.A).C(t) + exp(t.A).C’(t) = A.Y(t) + exp(t.A).C’(t).
Alors (4)  exp(t.A).C’(t) = b(t)  C’(t) = exp(t.A).b(t)  C(t) = ,
formule que l’on peut préciser si l’on introduit une condition initiale. Il vient alors :

Y(t) = exp((t  t0).A).[Y(t0) + ].


Les exponentielles de matrices fournissent donc une expression analytique exacte des solutions de
(1) et (4). Cette expression est intéressante sur le plan théorique, mais non indispensable : on peut
résoudre un système différentiel sans recourir aux exponentielles de matrices, par réduction directe
de A.

Avec Maple, pour calculer exp(A), taper :


with(linalg) ; ouvre le package d’algèbre linéaire
A := matrix(n, n, […]) ; entre la matrice
exponential (A) ; affiche l’exponentielle de A
exponential(A, t) ; affiche l’exponentielle de t.A

Exercice : Soient A, B, CÎMn(C). Montrer qu’il existe une et une seule fonction t ® M(t) de classe
1
C de R dans Mn(C) telle que ("tÎR) M’(t) = A.M(t) - M(t).B et M(0) = C (S)
Montrer que ("tÎR) M(t) = exp(tA).C.exp(-tB).

2. Systèmes différentiels d’ordre 1 homogènes dans le plan.

Le grand spécialiste américain des systèmes dynamiques George Birkhoff (1884-1944) avait
coutume de dire à ses étudiants : « Si l’on a compris les équations linéaires, on a presque tout
compris sur les équations différentielles ; si l’on a compris les équations linéaires de degré 2, on a

20
presque tout compris sur les équations différentielles linéaires ; enfin, on a presque tout compris sur
les équations différentielles linéaires de degré 2 si l’on a compris celles à coefficients constants. »

2.1. Généralités.

Soit A= M2(R). On se propose d’étudier en détail les solutions du système différentiel :

Y’ = A.Y, où Y = , c’est-à-dire les arcs paramétrés Y(t) = exp(t.A).Y(0).

Les courbes intégrales sont invariantes par homothéties de centre O. Les isoclines sont des droites
passant par O.
Exercice : Dessiner les régions > 0 et <0.

2.2. Les 14 formes d’orbites.


Théorème : A est semblable dans M2(R) à l’une des matrices :
2
(, )R , (, )RR* , (R) .

Preuve : On peut en effet distinguer trois cas :


 A est diagonalisable dans M2(R) ;
 A est diagonalisable dans M2(C), mais non dans M2(R). Elle a alors deux valeurs propres com-
plexes non réelles   i.. Soit Z un vecteur propre associé à  + i., écrivons Z = X + i.Y (parties
réelle et imaginaire). En identifiant, il vient A.X = .X  .Y , A.Y = .X + .X.
1
La matrice P = [X, Y] est inversible, car équivalente à [Z, ], et P .A.P = .

 A n’est pas diagonalisable dans M2(C). Elle a alors une seule valeur propre , qui est réelle, car
égale à tr(A)/2. Et A est trigonalisable dans M2(R).
Plaçons-nous désormais dans le repère uOv où A est sous forme réduite. Nous avons à résoudre et
discuter : u’ = .u u’ = .u  .v u’ = .u + v
v’ = .v v’ = .u + .v v’ = .v
2
1er cas : A semblable à (, )R . On peut supposer   .

Alors u(t) = u(0).exp(.t) , v(t) = v(0).exp(.t).

0 <  <  : nœud instable


 < 0 <  : col ou selle  <  < 0 : nœud stable

21
0 =  <  : droite instable  <  = 0 : droite stable.

0 <  =  : source  =  < 0 : puits 0 =  =  : repos total

2ème cas : A semblable à (, )RR* .

Posons z = u + i.v. Il vient z’(t) = (  i.).z(t) , donc z(t) = z(0).exp((  i.).t).


Passons en polaires : z(t) = r(t).exp(i.(t)) , où r(t) = r(0).exp(t) , et (t) = (0)  .t.

Du coup r(t) = r(0).exp( ).


Dans le repère uOv, les supports sont des cercles si  = 0 , des spirales logarithmiques sinon.
Rappelons toutefois qu’en général ce repère n’est pas orthonormé, de sorte que les cercles sont en
réalité des ellipses, et les spirales logarithmiques sont déformées.

 > 0 : foyer instable  = 0 : centre  < 0 : foyer stable


Remarque : le signe de  sert à distinguer sens trigonométrique et sens des aiguilles d’une montre.

3ème cas : A semblable à (R) .

On trouve u(t) = [u(0) + t.v(0)].exp(.t) v(t) = v(0).exp(.t)

22
 > 0 : point de repos instable  = 0 : l’autoroute  < 0 : point de repos stable

2.3. Diagramme de bifurcation dans le plan trace-déterminant.


On peut visualiser la discussion précédente en se
plaçant dans le plan (T, D), où T = tr A = a + d, et
2
D = det A = ad – bc,  = T  4.D.
 Le quart de plan T < 0, D > 0 correspond au cas
où le point O est asymptotiquement stable, i.e.
toutes les trajectoires M(t) tendent vers O quand t
 +.
 Le quart de plan T > 0, D > 0 correspond au cas
où le point O est asymptotiquement instable, i.e. ||
(t)|| tend vers + avec t. On peut aussi dire que
M(t) tend vers O quand t  .
 Le demi-plan D < 0 correspond au cas où O est
point-col.
Le changement A  A conserve D et change T en T. Les courbes intégrales ont mêmes formes
géométriques, mais le sens des temps est inversé. Stabilité à gauche et instabilité à droite. C’est
l’effet-miroir.
La parabole d’équation  = 0 coupe en deux chacun des deux quarts de plan supérieurs. Elle sépare
valeurs propres réelles et imaginaires :
 Dans la région  < 0, A a deux valeurs propres complexes : foyers, stables ou instables, et
centres.
 Dans la région  > 0, A a deux valeurs propres réelles distinctes : on obtient essentiellement les
nœuds stables ou instables, et les cols. A quoi il faut ajouter les droites stables ou instables,
correspondant au cas où D = 0.
 Sur la parabole  = 0, A a une seule valeur propre, mais elle n’est pas toujours diagonalisable.
 La demi-parabole  = 0, T < 0 correspond aux puits ou aux nœuds impropres instables ;
 La demi-parabole  = 0, T > 0 correspond aux sources et aux nœuds impropres stables ;
 Le point O( D = T = 0) correspond au repos total ou à l’autoroute.
On voit sur la figure que les 14 cas ne sont pas équiprobables : les cas génériques, c’est-à-dire les
plus fréquemment recontrés, sont au nombre de 5 : foyers et nœuds, stables et instables, et cols.
De plus, une famille continue de systèmes dynamiques ne peut évoluer, par exemple, d’un foyer
stable à un foyer instable sans passer par un système à centre. Ces changements qualitatifs de
comportement s’appellent des bifurcations.

Exercices

Exercice 1 : Résoudre les systèmes différentiels suivants (la variable est t).
Pour chacun d’eux, indiquer la forme géométrique des courbes intégrales, la stabilité, etc. :
x’ = 5.x – y x’ = x – 2.y x’ = –2.x + 2.y x’ = 3.x + 8.y x’ = x  5.y
y’ = 2.x + y y’ = 3.x – 4.y y’ = –2.x + 3.y y’ = – x – 3.y y’ = 2.x – y
x’ = x + y x’ =  x – y x’ = 2.x + y x’ = x + y x’ = 1,2.x + 1,2.y
y’ = 2.x + y y’ = x – y y’ = –x + 4.y y’ = – 4.x – 3.y y’ = 2.x + 2.y
Exercice 2 : Ecrire une procédure Maple prenant en argument une matrice AM2(R) et affichant la
nature et les solutions du système Y’ = A.Y.

23
Exercice 3 : Exemples de bifurcations.
Résoudre les systèmes différentiels suivants, et étudier leur évolution lorsque le paramètre varie :
x’ = 2.x + p.y x’ = y + .y x’ = x + a.y
y’ = x + (2 + ).y y’ = x + .y y’ = a.x + y

Exercice 4 : Résoudre les systèmes différentiels suivants :


t
x’ = x + y + sin t x’ = – 5.x + 2.y + e x’ = 2.x  y
2t
y’ = – x + 3.y y’ = x – 6.y + t y’ = 5.x + 4.y + e
Exercice 5 : Résoudre les systèmes différentiels suivants (la variable est t) :
 x’ = 2.x + 2.y  3.z  x’ = 2.x + y + 3.z  x’ = 3.x  y + z
 y’ = 6.x + 4.y  z  y’ = x + 2.y + 3.z  y’ =  x + 5.y  z
 z’ = 4.x  6.y + 4.z  z’ = y + z  z’ = x  y + 3.z
 x’ =  2.x + 2.y + 2.z  x’ = x  y  x’ = x + y +1
 y’ = 10.x + 6.y + 8.z  y’ = y  z  y’ = x + 2.y + z + t
 z’ = 3.x  y  2.z  z’ = z  x  z’ = y + z + t²
Exercice 6 : 1) Intégrer les systèmes  x’ =  r.y + q.z
x’ =  a.y  y’ = r.x  p.z
y’ = a.x  z’ = q.x + p.y
2) Soit AMn(R). Montrer l’équivalence des propriétés suivantes :
a) A est antisymétrique ;
b) Les courbes intégrales des systèmes Y’ = A.Y sont tracées sur des sphères de centre 0.
Préciser la géométrie des courbes intégrales à l’aide du théorème spectral des matrices anti-
symétriques (chap. Espaces euclidiens, §4)
Exercice 7 : Esquisser une typologie des orbites des systèmes différentiels réels d’ordre 3 : Y’ = A.Y
lorsque la matrice A est diagonalisable dans M3(R), puis dans M3(C).
Exercice 8 : Résoudre les systèmes différentiels suivants (la variable est t) :
x’’ = 7.x  3.y x’’ = 5.x + y  4.z
y’’ = 3.x + y y’’ = 3.x + 3.y  4.z
z’’ = x  y + 2.z
x’’ = 3.x  4.y’
y’’ = 3.y + 4.x’. Tracer la solution correspondant à x(0) = 2, x’(0) = y(0) = y’(0) = 0.
x’’ = x’ + y’  y
y’’ = x’ + y’  x

3. Equations différentielles d’ordre n à coefficients constants.

3.1. Equations homogènes.


Considérons l’équation différentielle linéaire homogène d’ordre n à coefficients constants :
(n) (n1)
y + a1.y + ... + an1.y' + an.y = 0 (1)
¥ ¥
Ses solutions appartiennent à C (R, C), et forment un sous-espace vectoriel H de C (R, C).
H est en réalité un noyau, le noyau de l’opérateur différentiel :
(n) (n1)
T : y  y + a1.y + ... + an1.y' + an.y .
Cet opérateur est un polynôme de l’opérateur de dérivation D :
n n1
T = P(D) = D + a1.D + ... + an1.D + an.I .

24
Factorisons P(X) dans C[X], sous la forme P(X) =
kj
Le théorème de décomposition des noyaux donne aussitôt H = Ker P(D) =  Ker(D  j) .
k
Tout revient donc à déterminer Ker(D - l.I) .
k lx
Proposition 1 : Ker (D - l.I) = {y(x) = P(x).e ; PÎCk1[X]}, pour k ³ 1.
l.x
Preuve : On peut toujours chercher y(x) sous la forme y(x) = f(x).e .
l.x k (k) l.x
On a aussitôt (D - l.I).y(x) = f’(x).e , donc (D - l.I) .y = f (x).e .
k (k)
Par suite (D - l.I) .y  f = 0 , d’où le résultat.
Théorème 2 : Les solutions de (1) sont les fonctions de la forme :

y(x) = , où deg Pj  kj  1.
h
Elles forment un C-ev de dimension n, dont une base est (x . ) (1  j  r, 0  h  kj  1).
Proposition 3 : On suppose les ai réels. Les solutions réelles de (1) forment un R-ev de dimension n.
Preuve : Ce résultat peut sembler paradoxal, mais il ne l’est pas : les solutions complexes de (1)
forment un C-ev de dim n, donc un R-ev de dim 2n, mais il est logique que les solutions réelles de
(1) en forment un R-sev de dim n.

Plus précisément, factorisons P dans R[X] : P(X) =

où les j sont les racines réelles, h = h + i.h. Alors une C-base de H est formée
t
 des x . (1  j  p, 0  t  kj  1)
t t
 des x . cos(h.x) et x . sin(h.x) (1  h  r, 0  t  lh  1).
Ces fonctions sont à valeurs réelles. Et une fonction fH est à valeurs réelles ssi elle est combinaison
linéaire réelle de ces fonctions.
Remarque : méthode de d’Alembert.
k
Pour résoudre l’équation (D - l.I) .y = 0 , d’Alembert procède par passage à la limite.
L’équation (D - l.I) o (D - (l + t).I) o … o (D - (l + (k  1).t.I).y = 0
.x (+t).x (+(k1)t).x
admet pour système fondamental de solutions : e ,e ,…,e ,
.x .x
donc aussi : e , .e ,( )2.e.x , ... , ( )k1.e.x .
.x .x 2 .x k1 .x
Quand t tend vers 0, on obtient comme système fondamental e , x.e , x .e , ..., x .e .
Ce raisonnement heuristique manque de rigueur, mais on peut le rendre rigoureux en appliquant un
théorème de Poincaré sur les équations dépendant analytiquement d’un paramètre t.

3.2. Equation avec second membre.


(n) (n1)
L’équation y + a1.y + ... + an1.y' + an.y = f(x) (2)
s’écrit P(D).y = f(x) . On peut alors la résoudre par deux méthodes :
 soit en cascade, car P(D) est composé d’opérateurs de la forme D  .I ;
 soit par variation des constantes, puisqu’on dispose d’un système fondamental de solutions de
l’équation homogène.
Exemples :
2
 l’équation y’’   .y = f(x) ( > 0) a pour solutions :
y(x) = + A.ch(x) + B.sh(x)

25
2
 l’équation y’’ +  .y = f(x) ( > 0) a pour solutions :
y(x) = + A.cos(x) + B.sin(x)

 l’équation y’’ = f(x) a pour solutions y(x) = + A.x + B

Exercice : Une formule explicite.


n n1 p
Soit P(X) = X + a1.X + ... + an1.X + an =  C[X] , f  C (I, C) .
Montrer qu’une solution particulière de l’équation P(D).y = f(x) est donnée par :

y(x) =

où = est la décomposition en éléments simples de .

3.3. Exponentielles-polynômes.
Définition : On appelle exponentielle-polynôme une fonction f : R ® C de la forme :
f(x) = å Pj(x).exp(aj.x) , où Pj est un polynôme.
2 x 3 3
Exemples : (x + x + 1).cos x.ch(2x) , e .sin(3x).ch(4x) , x .cos x.sh(2x) , etc.

Proposition 1 : Les exponentielles-polynômes forment un sous-espace vectoriel E de C (R, C).
x
Cet espace est somme directe des E = {e .P(x) ; PC[X]} , (C).
h .x
Les fonctions x .e (hN, C) forment une C-base de cet espace.
Les exponentielles-polynômes forment une algèbre stable par dérivation et primitivation.
fE ssi f est solution d’une équation différentielle linéaire homogène à coefficients constants..
Preuve facile.
(n) (n1)
Comment résoudre y + a1.y + ... + an1.y' + an.y = f(x) (2)
lorsque f est une exponentielle-polynôme ?
x
Par superposition on se ramène au cas où f(x) = e .Q(x), et alors :

n n1
Proposition 2 : Soit P(X) = X + a1.X + ... + an1.X + an =  C[X]
x
L’équation différentielle P(D).y = e .Q(x) admet une solution particulière de la forme :
x
y(x) = e .R(x) , où deg R = deg Q si  n’est pas racine de P ;
x
y(x) = e .R(x) , où deg R = deg Q + kj si  = j .
x x
Preuve : L’idée est que (D  .I).(e .Q(x)) = e .[(  ).Q(x) + Q’(x)].
Autrement dit, chaque opérateur différentiel D  .I laisse stable E ; par composition, P(D) aussi.
x x
Plus précisément : (D  .I).(e .Q(x)) = e .T(Q) , où T(Q) = (  ).Q(x) + Q’(x).
T est un endomorphisme de C[X] qui est :
 bijectif si   , car il conserve le degré ;
 surjectif non injectif si  = , car il abaisse le degré de 1.
Par composition,
x x
 si  n’est pas racine de P, P(D).(e .Q(x)) = e .S(Q), où S est un isomorphisme de C[X] qui
conserve le degré ;

26
x x
 si  = j, P(D).(e .Q(x)) = e .S(Q), où S est un endomorphisme surjectif de C[X] qui abaisse le
degré de kj. On conclut aussitôt.

Exercices

Exercice 1 : Intégrer les équations différentielles :


‘’’ ‘’ ‘’’ ‘’’
y  2.y  3.y’ = 0 y + 2.y’’ + y’ = 0 y + 4.y’’ + 13.y’ = 0
(4) (4) ‘’
y y=0 y  2.y + y = 0
Exercice 2 : Intégrer les équations différentielles :
(5) (4) (3) ‘’ ‘
y  2.y + 2.y  4.y + y  2.y = 0
(6) (5) (4) (3) (2)
y  y + y  2.y + y  y’ + y = 0
(7) (6) (5) (4) (3)
y  y + y  2y + y  .y’’ + y’ = 0.
+
Quelles sont les solutions bornées sur R ? de limite nulle en +  ?
(n) (n1) n1 n
Exercice 3 : Intégrer l’équation différentielle y + .a.y +… + .a .y’ + .a .y = 0 .
Exercice 4 : Intégrer les équations différentielles suivantes :
3x x
y’’  5.y’ + 6.y = ch(2x) y’’  6.y’ + 9.y = x.e + e
3x x 2x
y’’  3.y’ + 2.y = x.e + e + 1 y’’  4.y’ + 5.y = 1 + 8.cos x + e
y’’ + y = 2.sin x.sin(2x) y’’ + 4.y’ + 3.y = x
x 2 x
y’’  7.y’ + 6.y = (x  2).e y’’  2.y’ + y = (x + 1).e
2 x
y’’’ + 3.y’’ + 3.y’ + y = (a.x + b.x + c).e
3 x
y’’ + y = cos x y’’  2.y’ + 10.y = e .sin(3x)
Exercice 5 : Exemples de problèmes aux limites. Résoudre et discuter les équations différentielles :
y’’ + y = 0 , y(x0) = y0 , y(x1) = y1
y’’ + .y = 0 , y(0) = 0 , y(L) = 0 (L > 0)
y’’ + .y = 0 , y(0) = 0 , y’(L) = 0
y’’ + .y = 0 , y(0) = 0 , y’(L) + .y(L) = 0
[On voit qu’un problème aux limites est fort différent d’un problème aux conditions initiales.]
1
Exercice 6 : 1) Soit fC (R, C). Montrer que limx+ f’(x) + f(x) = 0 implique limx+ f(x) = 0.
1
2) Soient C tel que Re  < 0, et fC (R, C). Montrer que :
limx+ f’(x)   f(x) = 0 implique limx+ f(x) = 0.
2
3) Soit fC (R, C). Montrer que limx+ f’’(x) + f’(x) + f(x) = 0 implique limx+ f(x) = 0.
(n) (n1)
4) Soit H l’ensemble des solutions de y + a1.y + ... + an1.y' + an.y = 0 .
n n1
Si le polynôme P(X) = X + a1.X + ... + an1.X + an a toutes ses racines de partie réelle < 0,
montrer que yH limx+ y(x) = 0. Réciproque ?
Exercice 7 : Trouver les fonctions f dérivables de R dans R, telles que xR f’(x) = f(1  x) .
x
Exercice 8 : Trouver les fonctions f dérivables de R dans R, telles que xR f’(x) + f(x) = x.e .
2 x
Exercice 9 : Trouver les fonctions fC (R, R) telles que xR f’’(x) + f(x) = x.e .

Exercice 10 : Trouver les solutions périodiques de y’’ – y = |sin | , y’’ + y = cos x .


(4) ‘’
Exercice 11 : Résoudre l’équation différentielle : y + 5.y + 4.y = |sin 2x| .

27
On cherchera une solution -périodique sous forme de série trigonométrique.

3.4. Applications en physique : systèmes à un degré de liberté.


En physique, on rencontre les équations différentielles
2 2
+ 2h. + k .x = 0 et + 2h. + k .x = f(t)
dans l’étude des faibles oscillations d’un système à 1 degré de liberté autour de sa position
d’équilibre :
 Le terme 2h vient de la résistance du milieu ou du frottement et h est le coefficient de résistance
2
 Le terme k .x vient de la force propre du système qui tend à ramener celui-ci à sa position
2
d’équilibre : k est coefficient d’élasticité.
 Le second membre f(t) provient de la force extérieure agissant sur le système.
Exemple 1 : les ressorts.
Un ressort oscille autour de la position d’équilibre dans laquelle le poids du corps et la réaction du
ressort s’équilibrent exactement. Les forces suivantes agissent sur le corps :
 La réaction du ressort tend à ramener celui-ci dans sa position d’équilibre ; on la considère
proportionnelle à l’éloignement x du corps de sa position d’équilibre.
 La force de résistance du milieu, proportionnelle à la vitesse et de direction opposée.
La loi = m. s’écrit ici m. =  B.  C.x , d’où + b. + c.x = 0 .

Exemple 2 : pendule linéarisé avec frottement.


L’équation du mouvement d’un pendule simple de longueur L dans un milieu de résistance
proportionnelle à la vitesse est mL. =  mg.sin  b. ,
où  est l’angle du pendule avec la position d’équilibre verticale.
Pour les petites oscillations, on remplace sin  par son équivalent , et l’on obtient :
m.L. = b. + mg. = 0.
On remplacera 0 par f(t) si une force extérieure agit sur le pendule.
Exemple 3 : circuits électriques.
Un condensateur de capacité C se décharge à travers un circuit de résistance h et de coefficient de
self-induction L. Supposons qu’il y ait dans le circuit une source de courant ayant une force
électromotrice E, considérée comme positive si elle agit dans le sens contraire à l’intensité i. Si v est
la tension aux bornes du condensateur, v  E = R.i + L. , i =  C. .

LC. + RC. +v=E , + . + = .

est analogue au terme provenant de la résistance, au terme provenant de la force de

réaction, et au terme venant de la force extérieure.

28
D. Théorèmes généraux

1. Problème de Cauchy, théorème de Cauchy-Lipschitz.

1.1. Problème de Cauchy.


Soient E un espace de Banach réel, U un ouvert de RE,
f : (x, y)U  f(x, y)E une application continue.
Résoudre l’équation différentielle (1) y’ = f(x, y) avec la condition initiale y(x 0) = y0, où (x0, y0)U,
c’est trouver un couple (J, ), où J est un intervalle de R contenant x0 et de longueur  0, et  est une
fonction dérivable de J dans E vérifiant :
(1) xJ (x, (x))U (2) xJ f(x, (x)) = ’(x) (3) (x0) = y0 .
Remarque : Si l’on a affaire à une équation du second ordre y’’ = f(x, y, y’), il faudra se donner deux
conditions initiales y(x0) = y0 et y’(x0) = y’0, puisque l’équation équivaut au système du premier
ordre : y’ = y1 , y’1 = f(x, y, y1). Tout cela est conforme aux idées vues en A.

1.2. Théorème de Cauchy-Lipschitz 5.


Définition : L’application f(x, y)U  f(x, y)E est dite :
lipschitzienne en y si k > 0 (x, y1)U (x, y2)U ||f(x, y1)  f(x, y2)||  k.||y1  y2|| ;
localement lipschitzienne en y si, pour tout (x0, y0)U, il existe un voisinage V de (x0, y0) dans U
et un réel k > 0 tels que (x, y1)V (x, y2)V ||f(x, y1)  f(x, y2)||  k.||y1  y2|| .
Exemples et contre-exemples :
1) Le résultat suivant fournit une vaste classe de fonctions localement lipschitziennes :
Proposition : Si f est continue et admet en tout point (x, y)U une dérivée partielle f’y(x, y)L(E)
continue, alors f est localement lipschitzienne en y.
2) Cependant, cet exemple n’est pas le seul : les fonctions f(x, y) = |y| , g(x, y) = |y  x| , h(x, y) =
2.|y|.cos x n’ont pas de dérivée partielle en y mais sont lipschitziennes.
3) En revanche, f(x, y) = n’est pas lipschitzienne en 0.
Théorème de Cauchy-Lipschitz : Soient E un espace de Banach réel, U un ouvert de RE, et
f : (x, y)U  f(x, y)E une application continue, et localement lipschitzienne en y, (x 0, y0)U.
Existence locale : Il existe un intervalle J de R contenant x0 dans son intérieur, et une fonction 
dérivable de J dans E vérifiant :
(1) xJ (x, (x))U (2) xJ f(x, (x)) = ’(x) (3) (x0) = y0 .
Unicité globale : Si J est un intervalle contenant x 0 et si 1 et 2 sont deux solutions de y’ = f(x, y)
définies dans J et telles que 1(x0) = 2(x0) , alors 1 = 2 .
Ce théorème, dont la démonstration est hors programme, sera démontré au § 2.

5
Rudolf LIPSCHITZ (près de Königsberg 1832 - Bonn 1903). Après des études à l’Université de Königsberg,
puis de Berlin, comme élève de Dirichlet, il passa son doctorat en 1853 à Berlin, et enseigna aux Universités
de Berlin (1857-62), Breslau (1862-64) et Bonn, où il resta jusqu’à sa mort. On lui doit la notion de fonction
lipschitzienne, qui lui permet d’affaiblir les hypothèses du théorème d’existence et d’unicité de Cauchy-
Lipschitz. En géométrie riemanienne, il cherche des invariants des surfaces par changement de coordonnées ;
pour cela il ébauche la notion de différentiation covariante, ouvrant la voie à Ricci-Curbastro.

29
1.3. Solutions maximales.
Contrairement au cas linéaire, il n’y a pas existence globale : même si l’ensemble de définition de f
est de la forme IV, où I est un intervalle de R, V un ouvert de E, l’équation différentielle y’ = f(x, y)
n’admet pas nécessairement de solution définie sur tout I, et cela, même pour des fonctions f très
simples : nous en verrons des exemples dans le §2.
S’il n’y a pas de solutions globales, en revanche nous allons voir qu’il y a, pour chaque couple (x 0,
y0)U de conditions initiales, une solution maximale. Notons en effet E l’ensemble de tous les
couples (J, ), où J est un intervalle de R contenant x0 et  : J  E une solution de y’ = f(x, y)
vérifiant (x0) = y0.
Proposition : Sous les hypothèses du théorème de Cauchy-Lipschitz, il y a un plus grand intervalle I
contenant x0 dans son intérieur, et une solution  : I  E de y’ = f(x, y) vérifiant (x0) = y0.

Définition : Cette solution, unique, est dite solution maximale correspondant au couple (x0, y0).
Par définition, on ne peut la prolonger à un intervalle contenant strictement I.
Qu’est-ce qui empêche de prolonger  au-delà de I ?
 Ce peut être le domaine de définition de f ; ceci se produisait déjà dans le cas linéaire ;
 Mais cela peut se produire même si f est partout définie :  peut avoir des asymptotes.

1.4. Théorème de Cauchy-Peano-Arzelà.


Si f est continue sans être localement lipschitzienne, on a un résultat plus faible : l’existence d’au
moins une solution locale.
Théorème de Cauchy-Peano-Arzelà : Soit E un R-espace normé de dimension finie, U un ouvert
de RE, et f : (x, y)U  f(x, y)E une application continue. Pour tout couple (x 0, y0)U, il existe
1
un intervalle ouvert J contenant x0, et une fonction  de classe C de J dans E vérifiant :
(1) xJ (x, (x))U (2) xJ f(x, (x)) = ’(x) (3) (x0) = y0 .
Ce théorème hors programme s’établit par des méthodes très différentes de celui de Cauchy-
Lipschitz.

2. Démonstrations du théorème de Cauchy-Lipschitz.

Cauchy a indiqué deux démonstrations très différentes du théorème de Cauchy-Lipschitz 6,


démonstrations qui ont été approfondies par la suite. L’une, géométrique, repose sur la méthode de la
tangente d’Euler ; l’autre, fonctionnelle, sur la méthode des approximations successives. Il est
remarquable que ces deux méthodes permettent d’établir le même théorème, et non deux théorèmes
distincts.
2.1. Construction du tonneau de sécurité.
f étant localement lipschitzinne, il existe un voisinage V de (t 0, y0) dans U, que l’on peut supposer
ouvert (car U est ouvert), et k > 0 tels que :
(t, y1)V (t, y2)V || f(t, y1)  f(t, y2) ||  k.||y1  y2|| .
f étant continue au point (t0, y0) est bornée au voisinage de ce point :
a > 0 b > 0 M  0 |t  t0|  a et ||y  y0||  b  (t, y)VU et || f(t, y) ||  M
Posons r = inf (a , ) , J = [t0 – r, t0 + r] et C = {(t, y)RE ; |t  t0|  r et ||y  y0||  b}
C est appelé cylindre ou tonneau de sécurité. Il vérifie : C  V  U.

6
et même trois, mais la troisième, intégration par séries entières, concerne une version analytique du théorème,
nécessitant des hypothèses différentes. Elle est le point de départ des systèmes différentiels holomorphes, sujet
non abordé ici.

30
2.2. La méthode des approximations successives (Cauchy, Liouville, Picard).
Formons la suite de fonctions vectorielles suivantes :
Y0(t) = y0 , Yn+1(t) = y0 + .
Les fonctions Yn(t) sont toutes définies et continues dans J, leurs graphes étant inclus dans C.
On montrera cela par récurrence sur n.
La suite de fonctions (Yn(t)) est uniformément convergente dans J.
Soit Un(t) = Yn+1(t)  Yn(t), et montrons que la série converge normalement dans J.

Montrer d’abord que ||U0(t)||  M.|t  t0| et ||Un(t)||  k.| |.


En déduire que (n) (tJ) ||Un(t)||  M. , et conclure.

La fonction limite Y est solution dans J du problème de Cauchy.


Y est continue sur J comme limite uniforme de fonctions continues.
C étant fermée, le graphe de Y est inclus dans C.
On a tJ ||f(t, Yn(t))  f(t, Y(t))||  k.||Yn(t)  Y(t)|| ,
donc les fonctions f(t, Yn(t)) tendent uniformément vers f(t, Y(t)) dans J, et :
Y(t) = y0 + . On conclut aussitôt.

2.3. Lemmes de Gronwall.


Ces lemmes joueront un grand rôle dans la suite ; nous en donnerons deux versions, l’une continue,
l’autre discrète
Lemme 1 : Soit u : I = [0, T)  R une fonction continue vérifiant :
a0 k > 0 tI u(t)  a.t + k (1)
kt
Alors tI u(t)  (e – 1)

En particulier si k > 0 tI 0  u(t)  k , alors u est la fonction nulle.

Indication de preuves.
kt
1ère méthode : introduire la fonction w(t) = v(t).e , où v(t) =
n
2ème méthode : montrer la majoration u(t)  a.t + a. + … + a. + k

Lemme 2 :

2.4. La méthode de la tangente (Euler, Cauchy, Lipschitz).


Reprenons le tonneau de sécurité construit en 2.1. Nous allons construire, par la méthode d’Euler,
1
pour tout  > 0, une fonction  : J  E, continue, et de classe C par morceaux (et en fait continue
affine par morceaux), de graphe inclus dans C, vérifiant (t0) = y0 et :
 ||’(t)  f(t, (t))||   en chaque point où elle est dérivable,
 ||’g(t)  f(t, (t))||   et ||’d(t)  f(t, (t))||   en chaque point où ’ est discontinue.
Une telle fonction sera appelée solution -approchée de l’équation dans J.

31
Supposons que l’on sache construire de telles fonctions construites.
Soit (n) une suite à valeurs > 0 tendant vers 0. Notons n une fonction n-approchée.

Lemme : tJ (n, p) ||n(t)  p(t)||  (n + p). .

Preuve : ||’n(t)  ’p(t)||  n + p + || f(t, n(t))  f(t, p(t)) ||  n + p + k.|| n(t))  p(t) || .
Conclure par Gronwall.
Il résulte de ce lemme que la suite (n(t)) est uniformément de Cauchy sur J, donc, E étant complet,
elle converge vers une fonction continue (t). C étant fermé, le graphe de  est inclus dans C.
En intégrant les inégalités ||’n(t)  f(t, n(t))||  n , etc., il vient :
Il vient ||n(t)  y0  ||  n.|t – t0| .
Par passage à la limite (à justifier) : (t) = y0 + .

2.5. Démonstration de l’unicité globale.


Soient y1 et y2 deux solutions de y’ = f(t, y) définies sur le même intervalle I et vérifiant :
y1(t0) = y2(t0) = y0 .
Soit F = {tI ; y1(t) = y2(t)}. Nous allons montrer que F est un ouvert-et-fermé non vide de I.
Comme I est connexe, on en déduira F = I.
F   par hypothèse ; comme y1 et y2 sont continues, F est un fermé relatif de U.
Montrons que F est ouvert dans I, i.e. tF  > 0 ]t  , t + [  I  F.
f étant localement lipschitzienne, il existe  et  > 0 tels que :
[ |t  t0|  , ||x  y0||  , ||y  y0||   ]  (t, x)U , (t, y)U et ||f(t, y)  f(t, x)||  k.||x  y||.
y1 et y2 étant continues,  > 0 t[t0  , t0 + ]I  ||y1(t)  y0||   et ||y2(t)  y0||  .
D’où ||y1(t)  y2(t)|| = || ||  k.| |.
Il reste à utiliser le lemme de Gronwall.

2.6. Un exemple simple.


L’équation y’ = y, y(0) = 1 est de toutes la plus simple.
 La méthode des approximations successives conduit à former la suite de fonctions :
y0(x) = 1 , yn+1(x) = 1 + .

Un récurrence donne yn(x) = 1 + +…+ : nous voilà en terrain connu !


+
 La méthode de la tangente d’Euler sur R conduit au schéma :
Si 0  t  h , uh(t) = 1 + t uh(h) = 1 + h .
2 2
Si h  t  2h , = 1 + h , donc uh(t) = t.(1 + h) + 1  h , uh(2h) = (1 + h)

n n
Si nh  t  (n+1)h , = (1 + h) , donc uh(t) = t.(1 + h) + (1 + h).(1  nh) ,
n+1
et en particulier uh((n+1).h) = (1 + h) .

Exercice : Quelle est la limite simple des fonctions uh(t) quand h  0+ ?


Exercice : Un contre-exemple. On définit la fonction f sur [0, 1]R par :
f(x, y) = 0 si x = 0 , f(x, y) = 2x si 0 < x < 1 et y < 0 ,

32
2 2
f(x, y) = 2x  si 0 < x < 1 et 0  y  x , f(x, y) = 2x si 0 < x  1 et x < y.
Montrer que f est continue. Que donne la méthode des approximations successives appliquée à y’ =
f(x, y), y(0) = 0 ?

3. Premiers exemples.
2
Exemple 1 : l’équation différentielle y’ = 1 + y .
1) Il s’agit d’une équation différentielle d’ordre 1, qui obéit au
théorème de Cauchy-Lipschitz.
Elle est autonome, en ce sens que f ne dépend pas de x. il en
résulte que si x  y(x) est une solution, x  y(x + h) l’est aussi :
le réseau des courbes intégrales est invariant par translations
horizontales.
De plus, c’est à la fois une équation à variables séparées et une
équation de Riccati.
2) Mais on peut intégrer cette équation élémentairement car :
2
y’ = 1 + y  = 1  Arctan y(x) = x + C

 y(x) = tan(x + C) et <x< .


2
Soit (x0, y0)R . Alors C = Arctan y0 – x0 . La solution maximale correspondante est (I, y), où

I=] + x0 – Arctan y0 , + x0 – Arctan y0 [ et y(x) = tan(x – x0 + Arctan y0)

3) Il est impossible de prolonger y au-delà de cet intervalle, car y(x) a des asymptotes au bornes
de I. La solution maximale correspondant à (0, 0) est x] , [  tan x. La solution maximale

correspondant à (x0, y0) est la translatée de cette branche de la tangente passant par ce point.
4) A noter que cette étude illustre le théorème de Cauchy-Lipschitz, mais ne l’utilise pas.

2
Exemple 2 : l’équation différentielle y’ = y .
1) Même situation que dans l’exemple précédent. Mais la résolution va être plus ardue, car
2
l’équivalence y’ = y  = 1 n’a lieu que sur les intervalles où y ne s’annule pas.

2) Cherchons la solution maximale telle que y(x0) = y0.


2
 Si y0 = 0, on dispose d’une solution de y’ = y telle que
y(x0) = 0 : la fonction nulle. En vertu du théorème de
Cauchy-Lipschitz (unicité globale), c’est la seule.
 Si y0  0, la solution maximale ne s’annule en aucun point
de l’intervalle, pour la même raison.
2
Alors y’ = y  =1  =x+C ,

où C =   x0 . Donc y(x) = .

En résumé :

33
 Si y0 > 0, la solution maximale est y(x) = ; elle est définie sur ] , + x0 [

 Si y0 < 0, la solution maximale est y(x) = ; elle est définie sur ] + x0 , + [

 Si y0 = 0, la solution maximale est 0, définie sur R.


En conclusion, la solution maximale est 0 ou la translatée de la branche de y = passant par (x0,

y0). Comme dans l’exemple précédent, l’asymptote interdit tout prolongement au-delà de
l’intervalle maximal.
3) Le théorème de Cauchy-Lipschitz a joué un rôle décisif dans la discussion précédente.
On peut cependant éviter de recourir à ce théorème au prix de détours techniques.
2
Supposons y0 > 0. Soit I l’intervalle maximal ; y’ = y , donc y est croissante dans I.

On a y(x) > 0 au V(x0), donc y(x) = , et cela reste vrai dans tout sous-intervalle ouvert

de I contenant x0 dans lequel y(x) est > 0.


 Pour x  x0 , on a y(x)  y(x0) > 0 dans I , donc I contient [x0, +[.
 Pour x  x0 dans I, on ne peut avoir y(x)  0. Sinon, soit x1 = inf{xI ; y(x) > 0}.

On aurait y(x1) = 0 (pourquoi ?), et y(x) > 0 si x]x1, x0], donc y(x) = dans ]x1, x0],

contredisant y(x1) = 0. Idem si y0 < 0. Il en résulte que y0 = 0  y(x) = 0.

Exercice 1 : Soit yC(I, R) telle que (I) y(x) = . Montrer que y  0 [ Indication : y
est bornée sur tout segment ; penser au lemme de Gronwall ]. Retrouver les résultats précédents.
2 2
Exercice 2 : Résoudre le système différentiel =x y , = 2xy, où x et y sont réelles.

Exercice 3 : Soit AMn(C). Trouver la solution maximale t  M(t)Mn(C) de l’équation différen-


2
tielle M’(t) = M(t) , M’(0) = A. A quelle condition est-elle définie sur R ?
2
Exemple 3 : l’équation différentielle y’ =  2xy .
1) Généralités. C’est une équadiff d’ordre 1, obéissant au
2
théorème de Cauchy-Lipschitz, car f(x, y) =  2xy est
continue, et localement lipschitzienne en y. C’est à la fois
une équation à variables séparées et une équation de Riccati.
De plus, si x  y(x) est solution x  y(x) aussi.
2) Solution maximale correspondant au couple y(x0) = y0.
 Si y0 = 0, on dispose d’une solution telle que y(x 0) = 0 : la
fonction nulle. En vertu du théorème de Cauchy-Lipschitz
(unicité globale), c’est la seule.
 Si y0  0, la solution maximale ne s’annule en aucun point
de l’intervalle, pour la même raison.
2 2 2
Alors y’ = 2xy  = 2x  = x + C , où C =  x0 . Donc y(x) = .

34
2
 Si C > 0, i.e. y0 < 0 < 1/x0 , la solution est définie sur R
2 2
 Si C = 0, i.e. y0 = 1/x0 , on trouve y = 1/x ; l’intervalle maximal est R*+ si x0 > 0, R* si x0 < 0.
 Si C < 0, l’intervalle maximal est ],  [, ] , [, ou ] , +[, selon que
2 2 2
1/x0 < y0 et x0 < 0 , y0 < 0 ou 1/x0 < y0 et x0 > 0.

Exemple 4 : l’équation différentielle y’ = |y  x|.


1) Généralités. Cette équation obéit au théorème de Cauchy-
Lipschitz, car la fonction f(x, y) = |y  x| est continue et
lipschitzienne en y. Notons que les solutions y sont des
fonctions croissantes.
Si x  y(x) est solution x   y(x) aussi, ainsi que x y(x 
k) + k : le flot est symétrique par rapport à O, et invariant par
translations parallèles à y = x.
x
2) Sur tout intervalle où y(x)  x , on a y(x) = x + 1 + a.e ;
x
Sur tout intervalle où y(x)  x , on a y(x) = x  1 + b.e .
3) Discussion :
 Si y0 > 1 + x0 , posons a = (y0 – x0 – 1). > 0.
x
Alors y(x) = x + 1 + a.e est solution maximale ; elle reste telle
que y(x)  x.
 Si y0 = 1 + x0 , on a a = 0. Alors y(x) = x + 1 est solution
maximale ; elle reste telle que y(x)  x.
 Si x0 < y0 < 1 + x0 , posons a = (y0 – x0 – 1) < 0. Alors
x
y(x) = x + 1 + a.e reste  x sur une demi-droite ], x1], où x1
= ln(a) ; en x1, y(x1) = x1 et y’(x1) = 0, qu’il faut raccorder à y(x) = x  1 + b.exp(x), où y(x1) =
x1, et b = exp(x1) = 1/a.
 Si y0 = x0 , les solutions se raccordent ainsi : y(x) = x + 1 – exp(x  x0) si x  x0
y(x) = x  1 + exp(x0  x) si x  x0
 Les cas y0 < x0 sont symétriques.
La chevelure des courbes intégrales fait apparaître deux « séparatrices » : les droites y = x  1.
Avec Maple
with(DEtools) ; with(plots) ;
de : = diff(y(x), x) = abs(y(x) – x);
DEplot(de, y(x), x = -2..2, {[0, 0], [0, 0.5], [0, -0.5], [0, 1], [0, -1], [0, 1.1], [0, -1.1]}, stepsize = 0.1,
scaling = constrained) ;

Exemple 5 : l’équation différentielle y’’ = |y| , y(0) = 0 , y’(0) = 1.


1) Généralités.
Changeons de notations et notons ce système :
x’’ = |x| , x(0) = 0 , x’(0) = 1 , t étant la variable.
C’est une équation du second ordre, qui est équivalente au
système du premier ordre x’ = y , y’ = |x|.
Ici, f(t, x, y) = (y, |x|) est continue localement lipschi-
tzienne en Y = (x, y).
Le théorème de Cauchy-Lipschitz s’applique. Il y a une
solution maximale, définie sur I.

35
Le système est autonome : si t  x(t) est solution, t  x(t + a) est aussi solution.
En fait, c’est une équation de Newton, qui sera étudiée dans le §6.
Enfin, les solutions sont convexes.
2) Sur les intervalles où x(t)  0, x(t) = a.cht + b.sht
Sur les intervalles où x(t)  0, x(t) = c.cost + d.sint
3) Recherche de la solution maximale.
 Au V(0), x(t)  t, donc
x(t)  0 dans [0, ] ; x(0) = 0, x’(0) = 1 impose x(t) = sh t.
x(t)  0 dans [, 0] ; x(0) = 0, x’(0) = 1 impose x(t) = sin t.
 Mais alors, considérons la fonction x(t) = sh t si t  0 , x(t) = sin t si   t  0.
Cette fonction vérifie l’équation différentielle sur [, +[.
En vertu de l’unicité, il n’y en a pas d’autre.
 En , x() = 0 et x’() = 1. On peut réappliquer le théorème de Cauchy-Lipschitz avec ces
conditions initiales. x(t)  (t + ) au V() donc x(t) > 0 au V(0).
x(t) est donc de la forme a.ch t + b.sh t, et, après calculs, x(t) =  sh(t + ) au V(0).
 La fonction x(t) = sh t si t  0 , x(t) = sin t si   t  0, x(t) =  sh(t + ) si t  
est solution de l’équation différentielle. Par unicité, il n’y en a pas d’autre.
Exercice : Résoudre et discuter l’équation y’’ = |y| , y(0) = 1 , y’(0) = a.

Exemple 6 : les équations y’ = |y| et y’ = .


1) Généralités. Ces deux équations illustrent de manière très pédagogique le théorème de Cauchy-
Lipschitz. Ce sont deux équations à variables séparées et autonomes, en ce sens que si x  y(x) est
solution, x  y(x + a) aussi.
De plus f(x, y) = |y| est continue et lipschitzienne en y dans RR.
f(x, y) = est continue et lipschitzienne en y dans RR*+.
2) Intégrer la première équation est facile.
 Sur les intervalles où y(x)  0, on a y(x) = a.exp(x) , a  0
 Sur les intervalles où y(x)  0, on a y(x) = b.exp(x) , b  0
Par chaque point (x0, y0) passe une et une seule courbe intégrale
y(x) = y0.exp(x – x0) si y0 > 0 ; y(x) = 0 si y0 = 0 ; y(x) = y0.exp(x0 – x) si y0 < 0.
3) Intégrer la deuxième équation est plus délicat.
 Sur les intervalles où y(x) > 0, on a y(x) = ( )2 et x  a

 Sur les intervalles où y(x) < 0, on a y(x) =  ( )2 et x  a.

4) Supposons par exemple y(0) = 0. Comme y est croissante, il y a quatre cas :

36
 xI]0, +[ y(x) > 0. Alors y(x) = pour xI]0, +[.

 x1I]0, +[ y(x1) = 0. Alors y(x) = 0 pour x[0, x1].


 xI], 0[ y(x) < 0. Alors y(x) =  pour xI], 0[.

 x2I], 0[ y(x2) = 0. Alors y(x) = 0 pour x[x2, 0].


Ce n’est pas tout ! Notons x1I]0, +[ y(x1) = 0. Alors y(x) = 0 pour x[0, x1].

Si x1 = +, y(x) = 0 pour x  0. Si x1 < +, alors y(x) = ( )2 pour x  x1.


Idem de l’autre côté. Ainsi, à tout moment, la fonction y peut changer de parcours ! Le déterminisme
laplacien en prend un fameux coup !

4. Exemples d’études qualitatives.

Les équations étudiées dans le § précédent s’intègrent toutes élémentairement. Le rôle des
théorèmes généraux d’existence est donc limité. Les équations que nous allons maintenant étudier ne
s’intègrent pas toutes élémentairement. Néanmoins, on peut préciser l’intervalle maximal au seul vu
de la fonction f, grâce à diverses techniques importantes à connaître.

Exemple 1 : Si la fonction f : (x, y)IE  f(x, y)E continue, localement lipschitzienne en y,


est bornée, alors les solutions maximales de y’ = f(x, y) sont définies sur I.
En effet, notons I = (a, b). Soit (x 0, y0)IE et y(x) la solution maximale correspondante, définie
dans l’intervalle J = (c, d). Supposons par absurde d < b ; cela implique d < +.
1
La fonction y est de classe C dans J et |y’(x)| = |f(x, y)|  M, donc y est M-lipschitzienne. Elle est a
fortiori uniformément continue sur J, et le critère de Cauchy montre que y aurait une limite quand x
 d0 (cf. chap. Espaces métriques, § D 4).
1
y’(x)  f(d, y(d0)) et y est prolongeable en une fonction C sur (c, d].
En ré-appliquant le théorème de Cauchy-Lipschitz au couple (d, y(d)), on pourrait prolonger y à
droite de d, contredisant la maximalité de J. Donc d = b. De même, a = c.
Exercice 1 : Montrer que les solutions maximales des équations différentielles :
y’ = sin(x + y) , y’ = sin(x.y) , y’ = sont définies sur R.

2 2
Exercice 2 : Montrer que les solutions maximales de y’ = y .sin y sont bornées et définies sur R
Exercice 3 : Soit F : yE  F(y)E une fonction continue localement lipschitzienne (en y) et
bornée. Montrer que les solutions maximales de y’’ = F(y) sont définies sur R.
2
Application à l’équation du pendule simple : montrer que les solutions (t) de mL .’’ + mgL.sin  =
0 sont définies sur R.

Exemple 2 : Retrouvons le théorème de Cauchy linéaire comme cas particulier du théorème de


Cauchy-Lipschitz.
Reprenons les notations du § B. 2. : Y’ = A(t).Y + b(t) , où A : I  L(E) et b : I  E sont continues.
La fonction f(t, y) = A(t).y + b(t) est continue et localement lipschitzienne en y.
2
En effet sur [t0  r , t0 + r]E || f(t, y)  f(t, z) ||  |||A(t)|||.|| y  z||  K.||y  z|| ,
avec K = sup { |||A(t)||| ; t[t0  r, t0 + r] }.
Notons I = (a, b). Soit (t0, y0)IE et y(x) la solution maximale correspondante, définie dans
l’intervalle J = (c, d). Supposons par absurde d < b ; cela implique d < +.
Si dJ, y est continue en d, y’ aussi, donc réappliquant le TCL à (d, y(d)), on pourrait prolonger y
au-delà de d ; impossible.

37
Si dJ, soit K = sup {|||A(t)||| ; t0  t  d}, L = sup {||b(t)|| ; t0  t  d},
y(t) = y0 +  ||y(t) – y0||  = L.(t – t0) + K.

Le lemme de Gronwall donne ||y(t) – y0||  .exp(K(t  t0)) .

y est bornée sur [t0, d], et par suite y’ aussi. On conclut par l’argument du 1) : impossible aussi.

Dans les problèmes, on trouvera des exemples d’équations différentielles ne s’intégrant pas
élémentairement, mais dont on peut étudier les courbes intégrales par des méthodes « qualitatives ».

5. Etude d’un système différentiel : le modèle prédateurs-proies.

« Cinq cent mille mangeurs, et trente millions de mangés » ;


le voilà, l’ordre social, en France.
Henri Guillemin
Oui, mais, comme dans les Fables de La Fontaine, nous nous limiterons ici, prudemment, aux
animaux… On peut utiliser les méthodes qualitatives pour étudier les dynamiques de populations
animales, renvoyant à l’excellent livre de Murray pour des approfondissements.
2
5.1. L’équation logistique x’ = A.x – B.x .

Considérons d’abord une population animale isolée, de taille x0 à l’instant initial t = 0, et x(t) à
l’instant t.
1) Le modèle de Quételet.7
Si rien ne vient inhiber la croissance de cette population, c’est-à-dire si ses ressources sont
inépuisables, son taux de croissance (différence des taux de fécondité et de mortalité) est
proportionnel à la taille de la population : x’ = A.x (1)
At
Cela conduit aussitôt à x(t) = x0.e (2)
Cette loi d’évolution exponentielle peut être valide aux étapes initiales de la croissance mais ne peut
rester valable pendant une période de temps infinie.
2) Le modèle de Verhulst.8
Il consiste à adjoindre au modèle précédent un facteur inhibant proportionnel à –x². La population
s’ « autoconcurrence », car, lorsqu’elle est trop nombreuse, les maladies se propagent plus vite, etc. 9
2
L’accroissement négatif est proportionnel au nombre de rencontres entre individus, donc au carré x .
2
L’équation différentielle obtenue devient x’ = A.x – B.x
que l’on peut écrire x’ = a.x.(1  ) (3)
On reconnaît une équation autonome, obéissant au théorème de Cauchy-Lipschitz.
Comme elle est autonome, si t  x(t) est solution, t  x(t + h) aussi.
Les fonctions x(t) = 0 et x(t) = k sont solutions évidentes.
En vertu du TCL, si x0  0 et k, alors pour tout t, x(t)  0 et k, ce qu’on supposera.
L’équation est à la fois à variables séparées et de Bernoulli. (cf. E.2 et E.5)
at
Elle s’écrit = + . Posant u = , il vient u’ + a.u = , d’où u = + C’.e

7
Le belge Adolphe Quételet (1796-1874) a mis les mathématiques au service des sciences sociales.
8
Pierre Verhulst (1804-1849), disciple de Quételet.
9
Ce modèle est conforme à certains observations : à une certaine époque, les martres ont été chassées systéma-
tiquement ; on s’est alors aperçu que les écureuils se sont mis, non à proliférer, mais à disparaître. La prédation
joue donc aussi un rôle positif.

38
Finalement x(t) = , avec C = .

Si C = 0, on retrouve x = k ; si C = , on retrouve x = 0.

 Si x0 < 0, l’intervalle maximal est ]  , [.


 Si 0 < x0 < k, l’intervalle maximal est R ; limt+ x(t) = k.

 Si x0 > k, l’intervalle maximal est ] , + [ ; on a de même limt+ x(t) = k.

Commentons ces résultats, le cas x0 < 0 étant physiquement exclu :


 Quand x0 est grand (x0 > k), la population tend en décroissant vers k ; dès le début,
l’autoconcurrence l’emporte sur l’accroissement naturel.
 Quand 0 < x0 < k, la population tend en croissant vers k ; sa croissance s’infléchit pour :
x= , t= .ln C .

Le modèle de Verhulst
3) Le modèle logistique.
Notons pour finir que lorsqu’on discrétise le modèle de Verhulst par la méthode d’Euler, on tombe
sur x((n+1)h)  x(nh) = ah.x(nh).(1  ), système dynamique discret de grand intérêt, qui
débouche sur la bifurcation et la constante de Feigenbaum, etc.

5.2. Le modèle prédateurs-proies de Lotka-Volterra.


Un lac contient deux espèces de poissons : l’espèce A est herbivore et l’on suppose qu’il y a assez
de plantes pour la nourrir, l’espèce B est carnivore et subsiste exclusivement en mangeant A.
Soit x(t) la population des proies A, et y(t) celle des prédateurs B, à l’instant t.
 Supposons que les individus de A ont une vie relativement longue et se multiplient rapidement si
laissés seuls. Alors, en un temps t il y a un accroissement a.x.t, a > 0, et un accroissement négatif
c.x.y.t, c > 0, dû au fait que les A sont mangés par les B (le nombre des mangés est proportionnel
au nombre des rencontres des individus des deux espèces, donc au produit xy).
En résumé : x = a.x.t  c.x.y.t .
 Supposons qu’en l’absence totale de A, le taux de mortalité de B surpasse le taux de naissances.
L’accroissement naturel de B est négatif, de la forme b.y.t, b > 0, mais il est compensé par le
nombre de rencontres entre A et B, lequel induit un accroissement du type d.x.y.t, d > 0.

39
En résumé : y =  b.y.t + d.x.y.t .
On est donc conduit au système différentiel suivant, où a, b, c et d sont > 0 :
(1) x’ = a.x  c.x.y , y’ =  b.y + d.x.y .
Ce système différentiel a été proposé et étudié simultanément par Lotka 10 et Volterra11 vers 1935.

5.3. Etude du système.


(1) est un système différentiel d’ordre 1, autonome, obéissant au théorème de Cauchy-Lipschitz.

Positions d’équilibre et linéarisation.


Il y a deux points d’équilibre O(0, 0) et A( , ), correspondant à des trajectoires constantes :

x(t) = y(t) = 0 et x(t) = , y(t) = .

Linéarisons au voisinage de chacun de ces points d’équilibre, c’est-à-dire formons le système voisin
en négligeant les termes du second ordre.
t t
Linéarisons en O ; posons x =  , y =  ; il vient ’   , ’   , d’où  = a.e ,  = b.e :
O est un point col du système linéarisé.

Linéarisons en A ; posons x = +,y= +  ; il vient ’   , ’   , d’où  ‘’  ab.. 


= A.cos( .t) + B.sin( .t)

=A .sin ( t)  B .cos( .t) A est centre du système linéarisé.

Attention à ne pas tirer de conclusions hâtives de ces résultats !


 Il est légitime de penser que O restera point col du système originel : un théorème d’Hartman
(1963) affirme qu’il en est bien ainsi.
 En revanche, rien ne dit que les trajectoires voisines de A sont des courbes fermées ; un système
voisin d’un système à centre peut avoir pour trajectoires des spirales logarithmiques convergentes ou
divergentes.12

Séparatrices, et régionnements.
t
 x’ = x, y = 0 est solution du système, i.e. x = a.e , y = 0. En l’absence de prédateurs, les proies se
reproduisent selon le loi exponentielle de Quételet.
t
 x = 0, y’ = y est solution du système, i.e. x = 0, y = b.e . En l’absence de proies, les prédateurs
disparaissent à vitesse exponentielle.
En vertu du théorème de Cauchy-Lipschitz, les trajectoires ne se recoupent pas. Si x 0 et y0 sont > 0,
ce que nous supposerons dans la suite, il en sera de même dans tout l’intervalle maximal. Le quart de
2
plan ]0, +[ est donc un domaine de stabilité du système différentiel.
L’isocline horizontale est la droite verticale x = , l’isocline verticale la droite horizontale y = .

10
Alfred Lotka (1880-1949), bio-démographe américain d’origine autrichienne.
11
Vito Volterra (1860-1940), grand mathématicien italien, a fait des travaux d’analyse fonctionnelle. Il a
exposé ce modèle dans son libre Théorie mathématique de la lutte pour la vie (1926).
12
Ce distinguo illustre les remarques de René Thom sur l’hyperbole stable donc féminine, l’ellipse instable
donc masculine. Ajoutons que les théorèmes de linéarisation de Hartman etc., qui reposent sur des idées
heuristiques anciennes, n’ont été démontrés qu’à une date récente.

40
On peut régionner le quart de plan x > 0, y > 0, selon le signe de
= = . On « voit » que M(t) = (x(t),
y(t)) tourne autour de A dans le sens trigonométrique. Nous
allons maintenant montrer qu’il reste sur une courbe fermée.

Intégrales premières.

On a : = , i.e. a.  c.y’ =  b. + d.x’.


Donc : a.ln y(t)  c.y(t) =  b.ln x(t) + d.x(t) + Cte.
Introduisons la fonction H(x, y) = d.x  b.ln x + c.y – a.ln y.
Elle est constante au cours du mouvement. Autrement dit une courbe intégrale est incluse dans une
courbe de niveau de la fonction H. H(x(t), y(t)) = Cte est appelée intégrale première du système, et
la fonction H est appelée hamiltonien ou énergie du système. Or on peut démontrer que :
2
i) La fonction H est strictement convexe et coercive sur ]0, +[ , minimum en A( , ).
ii) Les courbes de niveau H(x, y) = C (C > m = min H), sont des courbes fermées simples de classe
1
C entourant le point A.
2
iii) Les domaines H(x, y)  C (C > m), sont des parties convexes compactes de ]0, +[ , contenant
le point A dans leur intérieur.
Exercice : 1) Tracer avec Maple la surface d’équation z = H(x, y), et ses lignes de niveau.
[avec la commande implicitplot du package Plots.]
2) Etudier les variations de la fonction t  t – ln t, et démontrer les résultats précédents.
Remarque : La fonction W de Lambert fournit une autre approche de cette question.

Loi horaire du mouvement.


La géométrie des trajectoires étant déterminée, reste à munir les courbes de leurs lois horaires.
Soit (t0 = 0, x0, y0) un système de conditions initiales (x0 > 0, y0 >0).
Nous allons montrer que l’intervalle maximal est I = R, que le mouvement t  M(t) = (x(t), y(t)) est
périodique de période T, et de point moyen A : = . (Loi de Volterra).

1) Les trajectoires étant bornées, M(t) est fonction bornée de t, donc est également borné. Le

mouvement t  M(t) est donc lipschitzien, donc uniformément continu. En vertu d’un argument déjà
vu en D.1.4., l’intervalle I est R.
2) Supposons M(0)  A. Alors (t) M(t)  A.
1
La fonction t  est de classe C et obéit au théorème de relèvement : = r(t).
1
, où r et  sont des fonctions de classe C , avec r(t) = || || > 0.
En évaluant de deux façons, en polaires et en cartésiennes, le produit mixte [ , ], il
vient :
2
r. = (x  ).  .(y – ) , d’où = .

41
La fonction K(x, y) = est continue sur R²  {A}, donc minorée sur le

compact K = {(x, y) ; H(x, y) = H(x0, y0)} par une constante m > 0. De sorte que la vitesse angulaire
vérifie > m (t). Il en résulte que t  (t) est un difféomorphisme croissant.

Donc si : = r(0). , il va exister un premier instant T tel que (T) = (0) + 2.
Les courbes que t  M(t) et t  M(t + T) sont solutions du même système différentiel et coïncident
à l’instant 0. Par le théorème de Cauchy-Lipschitz, elles sont égales, et le mouvement est périodique.

3) La formule = . s’obtient en intégrant = a – c.y et = d.x – b sur une


période.

5. 4. Commentaires.
Sous les hypothèses du modèle de Lotka-Volterra, les deux populations x(t) et y(t) décrivent un cycle en
quatre phases :
 Lorsque l’espèce A est abondante, et l’espèce B peu abondante, celle-ci trouve à se nourrir à bon compte et
prolifère. Au début, les deux populations augmentent.
 Lorsque B est trop nombreuse, les proies commencent à diminuer, mais restent suffisamment nombreuses
pour que les prédateurs continuent d’augmenter.
 Lorsque les proies se raréfient, les prédateurs commencent à mourir de faim. Mais les proies continuent de
se raréfier, car les prédateurs sont encore nombreux. Dans cette phase, les deux populations diminuent.
 Enfin, lorsque les prédateurs sont très rares, les proies peuvent commencer à se reproduire. Au début
cependant, elles restent peu nombreuses, et les prédateurs continuent à dépérir.
Si l’on pêche des requins et des sardines, on soustrait des populations de proies et de prédateurs, ce qui
revient à remplacer le système originel x’ = a.x  c.x.y , y’ =  b.y + d.x.y
par le système x’ = (a  ).x  c.x.y , y’ =  (b + ’).y + d.x.y.
Le nouveau point d’équilibre est alors A’( , ). Il est situé en bas et à droite de A.
D’où ce résultat paradoxal : la pèche augmente le nombre de poissons comestibles !

5. 5. Remarques finales.
Le modèle de Lotka-Volterra peut être amélioré, ou modifié, de plusieurs façons :
1) On peut introduire un facteur d’autoconcurrence des populations avec elles-mêmes, c’est-à-dire un
système du type : x’ = a.x  c.x.y  .x² , y’ =  b.y + d.x.y  ’.y² .
2) On peut supposer qu’en l’absence de proies, les prédateurs arrivent à survivre grâce à des ressources
alimentaires alternatives : x’ = a.x  c.x.y , y’ = b.y + d.x.y.
3) On peut introduire une troisième espèce (l’herbe pour les poissons herbivores), afin d’étudier les
interactions entre trois espèces animales ou végétales.

42
4) On peut mettre en concurrence deux espèces prédatrices, pour voir si l’une va supplanter l’autre, ou si
elles vont coexister : léopards et guépards, grandes entreprises capitalistes, bosniaques pris en tenaille entre
serbes et croates, polonais entre nazis et staliniens, taupins pris en tenaille entre l’option SI et l’option info, etc.
Dans quelle mesure le modèle théorique de Lotka-Volterra est-il corroboré par les observations expéri-
mentales ? Depuis un siècle, des mesures de populations animales ont été effectuées, et des recherches se
poursuivent actuellement sur leurs fluctuations, non dénuées d’applications (sauterelles d’Afrique, etc.).
Durant la période 1845-1935 des graphiques d’évolution de quantités de lynx et de lièvres polaires ont été
réalisés par la Compagnie de la baie d’Hudson, au Canada. Les fluctuations observées semblent conformes au
modède de Lotka-Volterra. Autre exemple : Umberto d’Ancona, responsable du bureau de pêche de Trieste,
avait remarqué que durant la Première guerre mondiale, période où la pêche était très réduite, la proportion des
requins et autres prédateurs impropres à la consommation, avait augmenté jusqu’à 36% des poissons pêchés,
avant de diminuer et de retrouver son niveau d’avant guerre (11%). C’est pour expliquer ces fluctuations que
Volterra avait élaboré son modèle. Cela corrobore la remarque faite précédemment selon laquelle la pêche
augmente le nombre de sardines.
Tout cela soulève des questions difficiles : Qu’est-ce qu’un modèle mathématique ? Dans quelle mesure
explique-t-il les phénomènes observés ? Dans quelle mesure les observations conduisent-elles à préférer un
modèle à un autre ? Enfin, si les lynx et lièvres, les requins et sardines, se plient assez bien au modèle de
Lotka-Volterra, d’autres espèces animales ont des fluctuations plus mystérieuses : ainsi les lemmings de Scan-
dinavie, qui ont donné naissance à la légende célèbre des rats de Hamelin. De récentes recherches ont montré
que le suicide périodique des lemmings était une fable, et que les effectifs de ces mustélidés étaient simplement
régulés par leurs quatre prédateurs naturels : renards polaires, hermines, chouettes harfang et labbes à longue
queue (cf. Le Monde, 7 novembre 2003, p. 25).

Fluctuations de quantités commerciales de lynx du Canada et de lièvres polaires (en milliers)

6. Systèmes conservatifs à un degré de liberté : équation de Newton x’’ = F(x).

6.1. Généralités.
Définition : On appelle système conservatif à un degré de liberté le système dynamique décrit par
l’équation différentielle de Newton x’’ = F(x) ou = F(x(t)) (1)
où F : I  R est une fonction continue sur l’intervalle I.
Exemple : le pendule simple est régi par m.L.’’ + m.g.sin = 0.
L’équation (1) équivaut au système x’ = y , y’ = F(x) (2)
En mécanique, on utilise le vocabulaire suivant :
I est l’espace de configuration F est le champ de forces, F(x) est la force au point x
x est la position ou translation T= = est l’énergie cinétique

x’ est la vitesse U= est l’énergie potentielle


x’’ est l’accélération E = T + U l’énergie mécanique totale

43
Les solutions de (1) peuvent être visualisées comme fonctions t  x(t), ou comme arcs paramétrés
t  (x(t), y(t)) dont le support sera tracé dans le plan de phases (x, y) = (x, x’). Les courbes support
de ces arcs sont les trajectoires de phase.
Le point (x, y) est dit figuratif : lorsque t varie, il se déplace sur la trajectoire de phase. Lorsque y
> 0, on a x’ > 0, donc x augmente, lorsque y < 0, on a x’ < 0, x diminue. Le déplacement dans la
trajectoire de phase se fait dans le sens des aiguilles d’une montre.

Notons que (1) implique x’.x’’ = x’.F(x) , i.e. [ + U(x)] = 0

Chaque solution de (1) vérifie donc l’équation différentielle d’ordre 1 + U(x) = E (3)
On dit que (3) est une intégrale première de (1).
Principe de conservation de l’énergie. L’énergie totale est constante le long du mouvement.
Géométriquement, cela signifie que les trajectoires de phase sont incluses dans les lignes de niveau
de l’énergie E(x, y) = + U(x).
Réciproquement, soit x : J  R une fonction de classe C² à valeurs dans I vérifiant (3). Alors elle
vérifie x’.x’’ = x’.F(x), et sur tout sous-intervalle de J où x’ ne s’annule pas, x’ est de signe constant
 = 1, et alors x’’ = F(x) , = . , donc t – t0 = . .

Il y a donc deux quadratures : les calculs de U, puis de , et une bijection


réciproque.
Attention, l’intégration de (1) n’équivaut pas à celle de (3) : (1) implique (3), (3) n’implique pas (1).
Par exemple les solutions constantes de (1) sont x = x 0, où F(x0) = 0, tandis que toute fonction
constante est solution de (3) pour un certain E.
Notons pour finir que, si x : J  I est une solution de (1), t  x(t + a) est solution de (1) sur J  a,
t  x(2a  t) est solution de (1) sur l’intervalle symétrique de J par rapport à a.

6.2. Un exemple : le pendule terrestre.


Equation du pendule simple.
Soit S un solide de masse m, mobile sans frottement autour d’un axe horizontal fixe par rapport à
la terre. La projection O du centre d’inertie G de S sur l’axe est donc fixe.
Choissions le repère orthonormé direct (O, , , ), où est colinéaire à
l’axe de rotation, et a pour direction la verticale descendante issue de O. Il
s’agit d’un repère lié à la Terre, supposé galiléen. On suppose tous les
efforts exercés sur S négligeables à l’exception des efforts de liaison et des
forces dues à la pesanteur. Les efforts de liaison ont un moment nul par
rapport à l’axe Ox. L’équation du mouvement est celle du moment
cinétique par rapport à l’axe Ox :
I.’’ =  mgL.sin  ,
I moment d’inertie de S par rapport à Ox , L = OG ,  = ( , ).
2 2
Posant  = ,  > 0 , il vient ’’ =   .sin .

Généralités.
2
Notons désormais x = . L’équation différentielle x’’ =   .sin x, x(0) = x0, x’(0) = x’0 équivaut
au système différentiel autonome x’ = y x(0) = x0

44
2
y’ =   .sin x y(0) = x’0
Ce système obéit au théorème de Cauchy-Lipschitz, et rentre dans le cadre précédemment défini,
2 +
avec F (x) = =  .sin x. Comme F est bornée, l’intervalle maximal des temps est R .
De plus, si t  x(t) est solution, t  x(t + 2n) aussi.
Points d’équilibre et linéarisations.
Les équilibres correspondent à y = 0, sin x = 0 ; ce sont les (n, 0).
Par périodicité, on se limite aux points O = (0, 0) et A = ( , 0).
Linéarisation en O : x =  , y = . On est conduit au système :
2
’   , ’   . , dont la résolution est laissée au lecteur.
On obtient un système à centre, dont les trajectoires sont des ellipses de
centre O, parcourues dans le sens des aiguilles d’une montre.
Linéarisation en A : x =  + , y = . On est conduit au système :
2
’   , ’   . , dont la résolution est laissée au lecteur.
On obtient un point col à trajectoires hyperboliques.
Intégrale première.
2
Soient T = = l’énergie cinétique, U =   .cos x l’énergie potentielle.
L’énergie mécanique totale E = T + U est constante.
Dans le plan des phases, les points figuratifs (x, y) restent sur la courbe de niveau
2 2
H(x, y)    cos x = E , où E =   .cos x0 . En résumé, y =   .

Il y a quatre types de courbes :


2 
a) Si E >  , réunion de deux courbes périodiques de classe C sur R.
2
b) Si E =  , y =   |cos |.
2 2
c) Si  < E <  , réunion de courbes non partout définies sur R, formant des courbes fermées
disjointes entourant les points x = 2n , y = 0.
2
d) Si E =  , réunion de points x = 2n , y = 0.
2
Exercice : Tracer avec Maple la surface d’équation z =   cos x , et visualiser les courbes de
niveau de cette surface.
Lois horaires.
2
1) Supposons d’abord E >  . Cela suppose |x’0| non nulle, et suffisamment grande.

Exercice : On suppose x’0 > 0. Montrer que y = x’ = .  m > 0.


En déduire que t  x(t) est un difféomorphisme croissant, et que le mouvement du pendule est
révolutif autour de O.
2 2
2) Supposons  < E <  . C’est le cas si le pendule est lâché avec vitesse initiale nulle ou une
vitesse initiale insuffisante pour entraîner une révolution complète.
Exercice : Montrer que l’arc t  (x(t), y(t)) est périodique, parcouru dans le sens des aiguilles d’une
montre. On pourra paramétrer le mouvement en polaires au moyen du théorème de relèvement, et
s’inspirer des idées du § 4.2.
3) Traiter les cas limites en exercice.

45
diagramme des phases du pendule terrestre

Remarques : 1) Dans chacun des cas, les lois horaires ne s’expriment pas au moyen de fonctions
élémentaires, mais au moyen des fonctions elliptiques de Legendre-Jacobi. Ces fonctions, connues et
tabulées depuis deux siècles, jouent un très grand rôle dans toutes les branches des mathématiques,
de la physique mathématique (mécanique, astronomie) à la géométrie (grand théorème de Poncelet,
théorème de Mac Cullagh) et à la théorie des nombres (théorème de Fermat-Wiles, programme de
Langlands).
2) Si l’on introduit une force de frottement, on est conduit à un système du type :
2
x’ = y , y’ =   .sin x – 2a.y (a et  > 0).
Ce système n’est plus conservatif, et son étude introduit aux méthodes de stabilité de Liapounov.
3
Exercice 1 : Résoudre le problème de Cauchy x’’ = 2.x , x(0) = x’(0) = 1 .
3
Exercice 2 : Etudier le système différentiel x’ = y , y’ =  x + x .
Exercice 3 : Etudier les équations différentielles x’’ = |x| , x’’ =  |x| .

7. L’équation différentielle y’ = y2  x.

7.1. Généralités.
2 2
 L’équation différentielle (E) y’ = y  x est de la forme y’ = f(x, y) où f(x, y) = y  x.
f est continue, et localement lipschitzienne en y. (E) obéit donc au théorème de Cauchy-Lipschitz.
Les courbes intégrales forment une partition du plan.
 (E) est une équation de Riccati (cf. E, §5.2 ci-après). Si l’on connaît une solution particulière y 0, on
sait trouver toutes les autres.
 Cependant, on peut démontrer que (E) ne peut s’intégrer élémentairement.
 Malgré cela, on peut entièrement étudier les solutions de (E) à l’aide de différents outils :
 Etudes qualitatives : isoclines, monotonie, concavité, majorations intégrales, etc.
 Recherche de solutions développables en série entière.
 Changement de fonctions et de variables, ramenant (E) à une équation différentielle linéaire, et
en fin de compte à des fonctions de Bessel.

7.2. Isoclines, concavité.


2 2
Sur les intervalles où y (x)  x, y est décroissante, sur les intervalles où y (x)  x, y est croissante.
2
L’isocline Ik est la parabole y = x + k ; elle est asymptote à I0.

46
 2
Les solutions de (E) sont de classe C ; leurs solutions vérifient y’’ = 2y.(y  x) – 1.
On en déduit le lieu des points d’inflexion, et un régionnement du plan selon la concavité.
2 2
Notons L1 = {(x, y) ; x = y  , y > 0} et L2 = {(x, y) ; x = y  , y < 0}.

7.3. Portrait de phases.


2
Le package DEtools de Maple permet de visualiser le champ de vecteurs (x, y)  (1, y  x), et les
courbes intégrales de ce champ.
> phaseportrait(de , y(x) , x = -1.5 .. 3 , [[y(0) = -1] , [y(0) = -0.5] , [y(0) = 0] , [y(0) = 0.5] , [y(0) =
0,69] , [y(0) = 0.725] , [y(0) = 0.75] , [y(0) = 1]] , y = -2 ..2 , color = black) ;

On voit apparaître deux types de courbes intégrales :


 les unes sont croissantes, et rencontrent L1.
 les autres sont croissantes puis décroissantes ; elles rencontrent I0, s’infléchissent alors et restent
piégées à l’intérieur de cette parabole.

7.4. Tous les intervalles maximaux sont minorés.


Soit (I, y) une solution maximale définie sur l’intervalle I = (a, b).

47
Je dis que  < a, et que y(x)   quand x  a + 0.
Preuve : Supposons en effet le contraire. y(x) serait définie sur l’intervalle ], 1].
2 2
On aurait alors x  1 y’(x) = y(x)  x  y(x) + 1 , d’où 1  .
Intégrons cette inégalité sur [x, 1] ; il vient 1  x  Arctan y(1)  Arctan y(x)  ,
d’où x   1 . Cela contredit le fait que x peut être aussi petit qu’on veut.

7.5. Etude des solutions qui rencontrent l’isocline I0.


2
Soit (x0, y0) un point de I0 , x0 = y0 . Notons (I, y) la solution maximale correspondante, I = (a, b),
2
avec a < x0 < b, et D = {(x, y) ; x  y } l’intérieur de la parabole I0.
 Sur [x0, b), on a (x, y(x))D ; autrement dit le domaine D est stable.
2
Comme y’(x0) = 0, on a y (x) < x et y’(x) < 0 sur ]x0, x0 + ]
On peut choisir  > 0 assez petit pour que y’’(x) < 0 sur ]x0, x0 + ].
Si y(x) sortait de D, elle rencontrerait I0 une première fois en x1 > x0.
On aurait alors y’(x) < 0 sur ]x0, x1[, donc y(x1) < y(x0).
Comme y’(x1) = 0, on aurait y’(x) > 0 sur ]x1  , x1[. Impossible !
 Je dis que b = +, et que y(x)   quand x  +.
Supposons b < + ; y(x) serait décroissante minorée par  , donc aurait une limite c en b0.
Appliquant le th. de Cauchy-Lipschitz au couple (b, c), on pourrait prolonger y à droite de b,
contredisant la maximalité de b.
Montrons maintenant que y(x)   quand x  +.
2 2
Si l’on avait y(x)  c quand x  +, alors on aurait y’(x) = y (x) – x = – x + c + o(1).
Par le th. d’intégration des relations de comparaison,
2
y(x) = = + c .(x  x0) + o(x)    : contradiction.

 Je dis que y a un unique point d’inflexion dans D, est concave d’abord, convexe ensuite.
Si y n’avait pas de point d’inflexion, elle serait concave décroissante sur [x 0, +[, donc au-dessous
de ses tangentes. Or elle a une tangente de pente < 0 au V(x0 +), donc elle sortirait de D.
y a donc un point d’inflexion en x1, situé sur L2.
Or, il est facile de voir que l’intérieur de la cubique L2 est une domaine de stabilité.

 Je dis que  < a < 0, et que sur ]a, x0[, on a (x, y(x))D.

7.6. Etude des solutions ne rencontrant pas l’isocline I0.


Je dis qu’alors les solutions maximales (I, y) sont telles que :
I = ]a, b[ est borné ; je dis y(x)   quand x  a + 0, et y(x)  + quand x  b0.
Leurs graphes sont situés au-dessus des graphes des solutions du type précédent.
Le premier point a été vu en 7.3. Une solution

7.7. La solution particulière y(0) = 0.


Exercice : On cherche une solution développable en série entière en 0 telle que y(0) = 0, sous la
forme y(x) = . Former une relation de récurrence entre les an. Calculer an pour 0  n  11.
p1
Montrer que an = 0 si n  0 ou 1 (mod 3), que (p) (1) a3p+2 > 0, et que (n) | an |  1.

48
En déduire que le rayon de convergence de cette série entière est  1.

7.8. Lien avec l’équation d’Airy.


On nomme ainsi l’équation différentielle linéaire du second ordre (F) u’’ = x.u.
Proposition : Soit (I, u) une solution de (F) ne s’annulant pas sur I.

Alors y(x) =  est une solution de (E) sur I ; on a u(x) = exp  .

L’application (I, u)  (I, y) établit une surjection de l’ensemble des solutions de (F) ne s’annulant
pas sur I sur l’ensemble des solutions de (E) définies sur I. Cette application n’est pas injective, car u
et u , R*, définissent la même solution.

Références :
M. Artigue, V. Gautheron, Systèmes différentiels (Cédic-Nathan)
ENS Saint Cloud 1983 et Agrégation 1959
Equation d’Airy : ENSI 1991 et mon problème sur le sujet.
___________

E. Equations différentielles élémentaires.

« Comment intégrez-vous, candidat Saint-Exupéry, les équations de Bernoulli ? »


« Euh ... »
Bernoulli... Bernoulli... Et l’on reste là, immobile, sous ce regard, comme un
insecte orné d’une épingle au travers du corps.
Saint-Exupéry, Pilote de guerre, XXI

Sont ici présentées, par familles, les équations différentielles les plus usuelles. On peut les intégrer
élémentairement au moyen de techniques simples ; mais ces techniques posent parfois des problèmes
de rigueur, et, si elles fournissent des solutions, elles ne fournissent pas toujours toutes les solutions.
Si l’on veut obtenir toutes les solutions, il faudra combiner ces techniques avec les hypothèses du
théorème de Cauchy-Lipschitz s’il s’applique, ou étudier les problèmes de raccords s’il ne s’applique
pas.
Enfin, ces équations s’intégrant élémentairement permettent d’étudier celles qui ne s’intègrent pas
élémentairement, et dont on peut étudier les solutions par diverses méthodes, expérimentales (simu-
lations numériques et graphiques), ou qualitatives (linéarisation, perturbations, etc.) déjà entrevues.

1. Equations aux différentielles totales.

1.1. Généralités.
Définition : On appelle équation aux différentielles totales une équation de la forme :
P(x, y).dx + Q(x, y).dy = 0 (1)
2
où P et Q deux fonctions réelles continues sur un ouvert U de R .
Une solution de (1) est une fonction dérivable y : I  R vérifiant :
xI (x, y(x))U et P(x, y(x)) + Q(x, y(x)). =0 (2)
Autrement dit ce sont les solutions de P(x, y) + Q(x, y).y’ = 0 (3)

1.2. Cas où la forme est exacte.


1
Définition 2 : L’équation (1) est dite exacte s’il existe une fonction F : U  R de classe C telle
que : (x, y)U P(x, y) = et Q(x, y) = (4)

49
Elle est donc de la forme .dx + .dy = 0.
On dit que F est une primitive de la forme différentielle  = P(x, y).dx + Q(x, y).dy.
1
La règle de la chaîne montre que si y : I  R est de classe C , alors :
xI (x, y(x))U et F(x, y(x)) = cte.
Autrement dit, les solutions de (4) sont tracées sur les courbes de niveau de la fonction F(x, y). Ce
sont les courbes implicites y = y(x) tracées sur ces courbes de niveau.
Attention, en général (4) n’obéit pas au théorème de Cauchy-Lipschitz. Mais le théorème des
fonctions implicites entraîne un théorème d’existence et d’unicité locales des solutions, que voici :

Proposition : Pour tout couple (x0, y0)U vérifiant  0, il existe un intervalle I de R tel

que x0Int(I) et que (4) admette dans I une solution unique vérifiant y(x0) = y0.
2 2
Exercice 1 : Intégrer l’équation différentielle (y  x ).dx + 2.x.y.dy = 0
Exercice 2 : Soit c > 0. 1) Montrer que la forme différentielle
2 2 2 2 2 2
(x, y) = 4 (x + y  c ).x.dx + 4 (x + y + c ).y.dy
est fermée et exacte. Trouver ses primitives.
2 2 2 2 2 2
2) Intégrer l’équation différentielle 4 (x + y  c ).x.dx + 4 (x + y + c ).y.dy = 0.
Reconnaître géométriquement les courbes intégrales.
2 3 3 2
Exercice 3 : Résoudre l’équation différentielle (2x y  x).dx + (2x y – y).dy = 0.

1.3. Facteurs intégrants.


Dans le cas où l’équation (1) P(x, y).dx + Q(x, y).dy = 0 n’est pas exacte, on peut avec Euler
chercher des facteurs intégrants.
Définition : La fonction  : U  R est appelée facteur intégrant de (1) si la forme différentielle :
(x, y) = (x, y).[P(x, y).dx + Q(x, y).dy] est exacte.
Si  est un facteur intégrant ne s’annulant pas dans U, et si (x, y) = dF(x, y), les solutions de (1)
sont définies implicitement par F(x, y) = cte.
2 2
Exemple : Considérons l’équation différentielle (y  x ).dx  2xy.dy = 0.
2 2
La forme différentielle  = (y  x ).dx  2xy.dy n’est pas fermée, donc pas exacte.

Mais on vérifie que (x, y) = est un facteur intégrant sur R²{(0, 0)}.

= d( ) : d’où les solutions = cte.

2
Exercice 1 : Résoudre (x + y ).dx – 2xy.dy = 0.
[On pourra chercher un facteur intégrant de la forme (x, y) = f(x).
3 2 2 3
Exercice 2 : Résoudre l’équation différentielle (x, y) = (x  3.xy ).dx + (3.x y – y ).dy .
1
Trouver une fonction f : R  R de classe C et non nulle telle que f( ).(x, y) soit exacte.

2 2
Exercice 3 : On considère la forme différentielle (x, y) = (x + y  1).dx – 2xy.dy.
1) Montrer que  n’est fermée sur aucun ouvert non vide de R².

50
2 1
2) Trouver un ouvert non vide U de R , et une fonction non nulle  : I  R de classe C , tels que
2 2 2 2
(x, y) = (x  y ).(x, y) soit exacte dans U. Résoudre (x + y  1).dx – 2xy.dy = 0.
Remarque : Avec Maple, on peut chercher un facteur intégrant grâce à la commande intfactor du
package DEtools.

1.4. Systèmes différentiels à hamiltonien.

1.5. Systèmes différentiels dérivant d’un gradient.

2. Equations à variables séparées.

2.1. Généralités.
Définition : On appelle équation à variables séparées toute équation différentielle de la forme :
b(y).y’ = a(x) ou encore b(y).dy = a(x).dx (1)
où a et b sont deux fonctions continues définies sur des intervalles J et K de R, à valeurs réelles.
Une solution de (1) est une fonction dérivable  : x  (x), définie sur un sous-intervalle I  J, à
valeurs dans K, telle que (xI) b((x)).’(x) = a(x) (2)
Notons A(x) = et B(y) = des primitives de a et b sur J et K.
1
A et B sont des fonctions de classe C , et, si  vérifie (2),
b((x)).’(x)  a(x) = (B((x))  A(x)) = 0 , donc B((x))  A(x) = cte.
Donc y = (x) vérifie B(y)  A(x) = cte (3)
Réciproquement, si la fonction dérivable y = (x) vérifie (3) dans I, alors elle est solution de (1).
Proposition 1 : Les solutions de (1) sont les fonctions dérivables  : x  y = (x) définies sur un
sous-intervalle I de J, et vérifiant (3).
On sera donc amené à étudier les courbes de niveau de la fonction H(x, y) = B(y) – A(x).
Cette étude peut être menée élémentairement, car « en général » B est un difféomorphisme par
morceaux : si l’on note B1, … , Br les difféomorphismes induits, et C1, … , Cr leur réciproques,
B(y) – A(x) = cte  y { Ck(A(x) + cte) ; 1 k  r }.
Cela fournit autant de solutions de (1), qu’il faudra raccorder.
Remarques : 1) Les équations à variables séparées rentrent dans le cadre du § précédent, la forme
différentielle b(y).dy – a(x).dx étant exacte.

2) L’équation (1), qui s’écrit y’ = , n’obéit pas toujours au théorème de Cauchy-Lipschitz.


C’est un point à examiner au cas par cas.
3) Les livres spécialisés contiennent d’autres résultats sur ces équations.

2.2. Exemples d’evs.


1) Les équations où y manque : elles sont du type y’ = f(x), f continue sur J.
Les solutions sont les primitives de f : y(x) = + y0.
C’est l’occasion de remarquer que les calculs de primitives sont des équations différentielles simples.
Les intégrales sont invariantes par translations verticales.
2) Les équations où x manque : elles sont du type y’ = g(y), g continue sur K.

51
Dans ce cas, f(x, y) = g(y), mais rien ne dit que g est localement lipschitzienne.
 Si g ne s’annule pas sur K, elle est de signe constant. L’équation s’écrit = dx, donc

1
x= +  = G(y) + , où G est de classe C et strictement monotone.
Les courbes intégrales se déduisent de l’une d’elles par des translations parallèles à Ox.
 Pour chaque zéro y0 de g, la fonction constante y = y0 est solution de y’ = g(y).
Mais cette solution n’est pas forcément unique, il faudra étudier les raccords possibles.
2
Exercice : Résoudre et discuter les équations différentielles y’ = ay + by + c (a, b, c réels).

Exercice : Résoudre l’équation y’ = (y  a1) … (y  an) (a1 < a2 < … < an).
Exercice : Résoudre y’ = |y| + 1.
a
Exercice : Résoudre et discuter y’ = |y| (a > 0).
Exercice : Résoudre les équations différentielles y’ = + 1 , y’ = + a (a > 0).
Le théorème de Cauchy-Lipschitz s’applique-t-il ? Pourtant, que dire des solutions ?
Exercice : Résoudre les équations et indiquer les solutions maximales :
yx 2
y’ + e = 0 , y’ =  2xy , y’ = x.cos y , y’ = y .cos x , x.y’ = tan y.

Exercice : Résoudre y’.x(x – 1) = y(y – 1) , y’ = .

Exercice : Résoudre y’ = ; lien avec le modèle prédateurs-proies.

Exercice : Un corps de masse m soumis à la gravité tombe dans un milieu qui offre une résistance au
mouvement proportionnelle au carré de la vitesse. Si x est la position verticale à l’instant t,
2
m. = m.g  K. . Intégrer cette équation différentielle ; commenter les résultats.

2.3. Equations se ramenant à des evs.


1) Les équations du type y’ = f(a.x + b.y + c) ne sont pas des evs, mais elles se ramènent à une
evs : en effet, si l’on pose z = a.x + b.y + c , il vient z’ = a + b.f(z).
Exercice : Résoudre les équations différentielles :
y’ = |y  x| , y’ = , y’ = exp(x + y) , y’ = sin(x + y) , y’ = ch(x + y) , y’ = sh(x + y).
2) Les plus importantes sont les équations homogènes, que nous allons étudier maintenant.

3. Equations homogènes.

3.1. Définition, généralités.


Définition : Une équation différentielle d’ordre 1 est dite homogène (résolue ou normale) si elle
peut s’écrire y’ = ( ) , où  : I  R est continue sur l’intervalle I.

Ici donc y’ = f(x, y), où f : (x, y)U  ( )R , U = { (x, y)R*R ;  I }.


U est en général une réunion de secteurs angulaires de sommet O, et les isoclines sont des droites ou
réunions de droites d’origine O.
Proposition 1 : Les courbes intégrales de (1) forment un réseau homothétique de centre O.

52
Preuve : Soit x  y(x) une courbe intégrale. Son image par Hom(O, ) est Y(X) = .y( ), et l’on

vérifie que : Y’(X) = y’( ) = ( ) = ( ).

3.2. Intégration élémentaire de (1).


Pour intégrer élémentairement l’équation y’ = ( ), nous sommes obligés de généraliser la notion
de courbe intégrale, et de considérer comme courbes intégrales les arcs paramétrés t  (x(t), y(t))
vérifiant = ( ). La proposition 1 reste vraie dans ce cadre.

Les solutions x  y(x) sont des courbes intégrales particulières, et ce sont les fonctions x  y(x)
dont le graphe est inclus dans le support des arcs paramétrés t  (x(t), y(t)).
Solutions singulières : on appelle ainsi les droites y = m.x , où m = (m).
Solutions non singulières : on les obtient en prenant comme paramètre t = .

dy = x.dt + t.dx = (t).dx conduit à l’EVS ((t)  t).dx = x.dt , = , ln|x| =


.
D’où x = C.exp , y = C.t. (2)
Précisons : sur les sous-intervalles de I où (t)  t ne s’annule pas, on obtient des solutions non
singulières paramétrées, auxquelles il faudra adjoindre les solutions singulières.
On obtient un réseau homothétique de courbes.
Il restera à étudier comment les solutions non singulières se raccordent aux solutions singulières.
Cependant, si (x, y)  ( ) est continue localement lipschitzienne en y, on peut préciser :

Soit M0 = (x0, y0)U, i.e. x0  0 et y0/x0I.


 Si y0/x0 = m0 vérifie (m0) = m0, la seule solution passant par M 0 est la solution singulière y =
m0.x.
 Sinon, la solution x  y(x) est localement fournie par les formules (2). Elle est bien de la forme x
 y(x) car a un signe déterminée donc est un difféomorphisme local. De plus, si dans l’intégrale

, t tend vers un zéro de (t)  t, l’intégrale impropre diverge, sans quoi la courbe
intégrale se raccorderait à une solution singulière, contredisant Cauchy-Lipschitz.

3.3. Intégration de (1) en polaires.


Une autre méthode de recherche des solutions non singulières consiste à passer en polaires. Elle est
parfois plus simple, et parfois moins, que la précédente.
dx = cos  r.sin.d , dy = sin.dr + r.cos.d impliquent = (tan ),

qui conduit à une evs = .d = ().d.

Finalement r = C.exp .

3.4. Equations homogènes non résolues.

53
On nomme ainsi les équations de la forme ’( , y’) = 0 (3)
Les remarques de 3.1. s’étendent sans peine.
Les solutions singulières sont les y = m.x , où (m, m) = 0.
Pour intégrer élémentairement, on paramétrera la courbe (u, v) = 0.
Supposons (u, v) = 0  (t) u = (t) , v = (t), où  et  sont continues.
Paramétrons les courbes cherchées par t : y = x.(t) implique dy = (t).dx + x.’(t).dt = (t).dx

On est conduit à l’evs = .dt .

D’où x(t) = C.exp et y(t) = C.(t). exp .

Exercice : Résoudre les équations différentielles :


2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2
y.y’  2xy’ + y = 0 x + y = 2xyy’ x .y’ = x + y x .y’ = x  y .

3.5. Equations se ramenant à des équations homogènes.

Considérons une ed du type y’ = f( ).

Si  =  = 0, c’est une équation homogène. Sinon, lorsque ad  bc  0, une translation sur x et y


ramène à ce cas.

4. Equations incomplètes.

Définition : Une équation différentielle d‘ordre 1 est dite :


 incomplète en y si elle est de la forme F(x, y’) = 0 ;
 incomplète en x si elle est de la forme G(y, y’) = 0.
Les équations à variables séparées y’ = f(x) et y’ = g(y) en sont des exemples. Le théorème des
fonctions implicites permet théoriquement de ramener F(x, y’) = 0, resp. G(y, y’) = 0 à chacune de
ces formes.

4.1. Equations F(x, y’) = 0.


 Les courbes intégrales sont globalement invariantes par des translations parallèles à Oy.
1
 Supposons que la courbe F(u, v) = 0 se paramètre u = (t), y = (t),  et  étant de classe C .
Supposons que x = (t) , avec ’(t)  0 sur l’intervalle I.
= (t) , dy = (t).’(t).dt , d’où la paramétrisation : x = (t) , y = + C.
On obtient des courbes intégrales au sens large (voir § A. 1.3). x ne sera pas toujours paramètre
admissible.

4.2. Equations G(y, y’) = 0.


 Les courbes intégrales sont globalement invariantes par des translations parallèles à Ox.
1
 Supposons que la courbe G(u, v) = 0 se paramètre u = (t), y = (t),  et  étant de classe C .
Supposons que x = (t) , avec ’(t)  0 et (t)  0 sur l’intervalle I.

y = (t) , = (t) , dx = .dt , d’où la paramétrisation : x = + C , y = (t) .


On obtient des courbes intégrales au sens large. x ne sera pas toujours paramètre admissible.

54
 Si t0 (t0) = 0, alors y = (t0) est une solution constante de G(y, y’) = 0 : problème de raccords de
solutions.
2 2 2 2
Exercice : Résoudre a .y’  x .(1 + y’ ) = 0.
3 3
Exercice : Résoudre x + y’ – 3.x.y’ = 0.
Exercice : Résoudre l’équation différentielle x = y’.exp y’.

5. Equations de Bernoulli et de Riccati.

Les équations de Bernoulli sont des équations d’ordre 1 qu’un simple changement de fonction
inconnue ramène à une équation linéaire. Les équations de Riccati, très importantes, sont apparentées
aux équations différentielles linéaires du second ordre.

5.1. Equations de Bernoulli.


Définition : On appelle équation de Bernoulli une équation différentielle de la forme

y’ = A(x).y + B(x).y (1)
où A et B : I  R sont des fonctions continues sur l’intervalle I.
Si  = 0 ou 1, c’est une équation linéaire. Si A ou B = 0, c’est une équation à variables séparées.
1
Ecartons ces cas. La méthode générale consiste à introduire la fonction z = y .
L’équation devient = A(x) + B(x).z (2) , qui est linéaire.

Remarques : 1) Selon les valeurs de , on devra supposer y  0, y > 0 ou y de signe quelconque.


2) Prendre garde également que y et z n’ont pas toujours le même ensemble de définition ou de
dérivabilité.
3) Enfin, selon les valeurs de , le théorème de Cauchy-Lipschitz peut s’appliquer ou non.
 Si  > 1, il s’applique partout
 Si 0 <  < 1, y = 0 est toujours solution de (1) mais ce n’est pas toujours la seule qui
1/3
s’annule en un point : penser à y’ = y déjà étudiée.

Exercices : Résoudre les équations différentielles :


2 2x 3 2 4
2y’ = y + y .e ; y’ = xy  x.y ; y’ = y + x.y ; 5y’ – y.sin x + y .sin 2x = 0.

5.2. Equations de Riccati. 13


De nombreux problèmes de géométrie différentielle conduisent à cette classe d’équations.
Définition : On appelle équation de Riccati une équation différentielle du type :
2
a(x).y’ = b(x).y + c(x).y + d(x) (3)
où a, b, c et d sont des fonctions continues I  K = R ou C.
Sur les sous-intervalles J de I où a ne s’annule pas, cette équation se ramène à la forme résolue :

13
Jacopo Francesco RICCATI (Venise 1676 - Trévise 1754). Noble vénitien, il partit à Padoue étudier le
droit, mais s’y lia d’amitié avec Angeli qui l’encouragea à étudier les mathématiques. Sa renommée s’étendit
loin : Pierre le Grand lui proposa de présider l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, mais il déclina
cette offre et d’autres encore, pour rester en Italie. Expert au sénat de Venise, Riccati fit des travaux
d’hydraulique et aida à construire des digues le long des canaux. En mathématiques il étudia les équations
différentielles, et trouva des méthodes d’abaissement de l’ordre et de séparation des variables. Il étudia de
larges classes d’équations différentielles, et trouva des méthodes de résolution, notamment les équations dites
de Riccati (1724), déjà considérées par les Bernoulli. Riccati correspondit avec de nombreux mathématiciens
européens, et eut une grande influence sur Daniel Bernoulli et Euler. Il étudia les pendules cycloïdaux, les lois
de la résistance dans un fluide et la géométrie différentielle.

55
2
y’ = A(x).y + B(x).y + C(x) (4)
où A, B et C sont trois fonctions continues sur J.
2
La fonction f(x, y) = A(x).y + B(x).y + C(x) est continue sur JK et localement lipschitzienne. Le
théorème de Cauchy-Lipschitz s’applique donc toujours.
Malheureusement, on ne sait pas résoudre par quadratures une équation de Riccati générale, et on
peut démontrer qu’il en est ainsi. Mais, comme pour les équations linéaires du second ordre, si l‘on
connaît une solution particulière, on peut achever la résolution par quadratures.
Résolution par quadratures lorsqu’on connaît une solution particulière.
Supposons que l’on dispose d’une solution particulière y0 de (3). Alors par soustraction
2
y’ = A(x).y + B(x).y + C(x)  y’  y’0 = A(x).(y  y0).(y + y0) + B(x).(y  y0).
2
Posons z = y  y0 . Il vient z’ = A(x).z.(z + 2y0) + B(x).z = A(x).z + (2A(x).y0(x) + B(x)).z.
2
C’est une équation de Bernoulli en z, de la forme z’ = A(x).z + D(x).
Posant u = , il vient :  u’ = D(x).u + A(x) .

Les solutions sont de la forme u = u0 + .u1 . Elles se trouvent en deux quadratures.

Donc y = y0 + = .

Les solutions ont une structure homographique, la solution y = y0 se retrouvant pour  = .


Si l’on connaît deux solutions particulières, on évite une quadrature.

Exercice 1 : Intégrer les équations différentielles


2 2 2 x 2x x
x.y’ – y + (2x + 1).y = x + 2x y’ – y + 2.e .y = e + e .
x 2 x 2x 2 2
y’.e + y  2y.e = 1 e y’ + y  2y.sin x + sin x  cos x = 0
Exercice 2 : Lien avec les équations linéaires du second ordre.
2
Considérons l’équation de Riccati : y’(x) = A(x).y + B(x).y + C(x).
On pose y = . Former l’équation différentielle linéaire du second ordre vérifiée par u(x).
Préciser les liens entre les deux équations.

6. Equations de Lagrange et Clairaut 14.

Définition : On appelle équation de Lagrange une équation différentielle à isoclines rectilignes.


Elles s’écrivent y = x.f(y’) + g(y’) (1)
1
où f et g sont supposées de classe C sur un intervalle I de R.
14
Alexis-Claude CLAIRAUT (Paris 1713 - Paris 1765) était le second des 21 enfants de Jean-Baptiste
Clairaut, professeur de mathématiques et membre correspondant de l’Académie de Berlin. Il fit, sous la
conduite de son père, de tels progrès qu’à douze ans il lisait devant l’Académie une note sur les propriétés de
quatre courbes qu’il avait découvertes. Ses Recherches sur les courbes à double courbure (1731) le firent élire
à l’Académie des sciences, bien qu’il n’eût pas l’âge légal. En 1736, il part en expédition en Laponie avec
Maupertuis pour calculer un degré de méridien ; en 1743, il publie son traité Théorie de la figure de la Terre
où il est traité de l’équilibre des fluides, dans lequel se trouve le théorème de Clairaut, reliant la gravité aux
points de la surface d’un ellipsoïde en rotation à la compression et à la force centrifuge à l’équateur. En 1750,
il remporte le prix de l’Académie de Saint-Pétersbourg pour son essai Théorie de la Lune déduite du seul
principe de l’attraction et, en 1759, il calcule le périhélie de la comète de Halley. On lui doit aussi des travaux
sur les solutions singulières des équations différentielles (équations de Clairaut). Contemporain de François
Boucher, Clairaut prisait fort les femmes : Voltaire le surprit un jour en train de donner des cours de
mathématiques fort galants à la marquise du Châtelet. De mauvaises langues, des jaloux sans doute, assurent
que c’est la raison pour laquelle Clairaut est mort jeune…

56
Exemples :
1) Equations homogènes résolubles en y’ = f( ). Elles sont à isoclines rectilignes.
2) Equations de Clairaut : elles sont du type y = x.y’ + g(y’).
Méthode générale d’intégration.
1) Plutôt que de résoudre (1) en y’, on prend y’ = u pour paramètre. Mais ce paramètre n’est
admissible que sur les courbes intégrales où y’’  0.
2) Solutions affines : y = mx + p est solution ssi mx + p = x f(m) + g(m), i.e. m = f(m) et p = g(m).
A chaque racine de l’équation m = f(m) correspond une solution affine de (1).
___________

Exercices divers
2
Exercice : On considère l’équation différentielle (E) y.y’’ – y’ = 1 .

Montrer que y est C . Résoudre (E).

____________

F. Applications géométriques des équations différentielles.

1. Equation différentielle d’une famille de courbes.

Soit ( ) une famille de courbes à p paramètres, d’équation F(x, y, 1, …, p) = 0.


Si l’on élimine ces paramètres entre l’équation de ces courbes et les dérivées successives de cette
équation par rapport à x, on obtient en général une équation différentielle d’ordre p qui admet pour
courbes intégrales toutes les courbes de la famille. Ces courbes fourniront l’intégrale générale de
l’équation différentielle obtenue ; cette équation pourra en outre admettre des intégrales singulières.
Exemple 1 : équation différentielle des cercles.
2 2
Notons F(x, y, a, b, c)  x + y + 2a.x + 2b.y + c = 0 l’équation générale d’un cercle.
2 2
On a (x) F(x, y(x), a, b, c)  x + y + 2a.x + 2b.y + c = 0, donc :
= 2x + 2yy’ + 2a + 2by’ = 0

2
= 2 + 2.y’ + 2.yy’’ + 2b.y’’ = 0

= 4.y’y’’ + 2.y’y’’ + 2.yy’’’ + 2b.y’’’ = 0


2 2
Il vient y’’’(1 + y’ )  3.y’y’’ = 0.
En réalité, cette équation est satisfaite par les cercles et les droites.
Exemple 2 : équation des courbes du second degré (Halphen).
Ici y(x) = ax + b + .
2/3
On calcule y’(x), puis y’’(x), et on voit que T = (y’’) est un trinôme.
3 (4) 2 (5)
En écrivant que T’’’ = 0, il vient 40.(y’’’) – 45.y’’.y’’’.y + 9.(y’’) .y =0.
Les calculs se remontent sans peine.
2 (4)
Les paraboles correspondent à r = 0, donc T’’ = 0 donne 5.(y’’’) – 3.y’’.y =0.

2. Trajectoires orthogonales et isogonales.

57
Définition : Soit (C) une famille de courbes dépendant d’un paramètre. On appelle trajectoire
orthogonale de cette famille une courbe telle qu’en chacun de ses points passe une courbe C  qui lui
soit orthogonale.

Rappelons que si F(x, y, ) = 0 est l’équation de (C ), on obtient l’équation différentielle de cette
famille en éliminant  entre les équations F(x, y, ) = 0 et F’x(x, y, ) = 0.
Notons G(x, y, y’) = 0 l’équation différentielle de la famille (C).
L’équation différentielle de la famille des courbes orthogonales est G(x, y, ) = 0.

En effet, si (y, y’) est un élément de contact de (C ), (y , ) est un élément de contact de ses
trajectoires orthogonales.
Exemple : Trajectoires orthogonales de la famille de cercles de rayon constant dont le centre décrit
une droite fixe.
2 2 2
Ces cercles ont pour équation F(x, y, )  x + y  2x  a = 0.
2 2 2
On dérive en x et on trouve (y.y’) + y = a .

Les trajectoires orthogonales ont pour équation ( )2 + y2 = a2.


2 2 2
C’est une équation où x manque. Posant y’ = tan  , il vient y = a .sin  , y =  a.sin.

x = x0  a.[ln | tan | + cos  ] , y =  a.sin .


On trouve des tractrices.

____________

Bibliographie

L. Pontriaguine : Equations différentielles (Mir)


V. Arnold : Equations différentielles (Mir)
H. Cartan : Cours de calcul différentiel (Hermann)
D. W. Jordan, P. Smith : Non linear ordinary differential equations (Oxford)
M. Artigue, V. Gautheron : Systèmes différentiels, étude graphique (Cédic/Nathan)
J. Hubbard, B. West : Equations différentielles et systèmes dynamiques (Cassini)
Cours de taupe : Lelong-Ferrand Arnaudiès, Arnaudiès Fraysse, etc.
R. Bronson : Equations différentielles (Schaum)
J. D. Murray : Mathematical biology (Springer)
A. Dahan Dalmedico, etc : Chaos et déterminisme (Seuil)
Encyclopedia universalis :
Laplace, Poincaré, Birkhoff, Smale
Equations différentielles (C. Coatmelec)
Systèmes dynamiques différentiables (A. Chenciner)
____________

58

Vous aimerez peut-être aussi