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L2 Mathématiques 2020-2021

2MA236 - Équations différentielles ordinaires

Responsables du module : Ramona Anton et Valeria Banica


Table des matières

1 Introduction et motivation 3
1.1 Définitions, historique et premiers exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2 Exemples de bilans entre t et t + dt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.3 Difficultés et enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

2 Théorie générale pour les équations différentielles 11


2.1 Rappels sur les équations différentielles linéaires d’ordre un . . . . . . . . . 11
2.2 Théorème de Cauchy-Lipschitz et conséquences . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.2.1 Existence et unicité locale des solutions . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.2.2 Solutions maximales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.2.3 Dichotomie existence globale/explosion . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.3 Quelques résultats plus avancés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.4 Tracé des trajectoires de solutions d’équations différentielles . . . . . . . . . 29
2.4.1 Un peu de vocabulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.4.2 Contraintes sur les solutions scalaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

3 Systèmes d’équations différentielles linéaires et portraits de phases 35


3.1 Équation différentielle linéaire d’ordre 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
3.2 Systèmes d’équations d’ordre un à coefficients constants . . . . . . . . . . . 38
3.2.1 Rappels sur l’exponentielle d’une matrice . . . . . . . . . . . . . . . 39
3.2.2 Le cas homogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
3.2.3 Le cas non homogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
3.2.4 Lien entre les deux méthodes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
3.3 Tracé des trajectoires de solutions d’équations différentielles linéaires à co-
efficients constants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
3.3.1 Mécanique du point, portrait de phase . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
3.3.2 Quelques cas simples importants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
3.3.3 Cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
3.3.4 Que lit-on sur les portraits de phase ? Quelques notions de stabilité
des équations différentielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

4 Analyse numérique 65
4.1 Notion de solution approchée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
4.2 Schémas d’Euler pour les équations linéaires d’ordre un . . . . . . . . . . . . 67
4.3 Schémas d’Euler pour des systèmes d’équations différentielles linéaires . . . 69
4.4 Perte de périodicité dans les schémas d’Euler . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

Appendices

1
2 TABLE DES MATIÈRES

5 Deux types particuliers d’équations différentielles 79


5.1 Recollements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
5.2 Équations à variables séparées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

6 Exemples d’études avec portraits de phase d’équations non-linéaires 89


6.1 Le système de Lotka-Volterra . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
6.2 Le pendule simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

7 Calculs d’exponentielle de matrice 101


7.1 Quelques exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
7.2 Cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
Chapitre 1

Introduction et motivation

1.1 Définitions, historique et premiers exemples


Définition 1.1.1. Une équation différentielle ordinaire est une équation reliant une
variable réelle t, une fonction inconnue x dépendant de la variable t et à valeurs dans Rm
(dans ce cours on prendra m = 1 - EDO scalaires ou m = 2 - EDO vectorielles), ainsi que
ses dérivées jusqu’à un ordre n 1, c’est à dire x0 (t), x00 (t), · · · , x(n) (t). Le plus souvent,
ces équations sont écrites sous la forme

x(n) (t) = f (t, x(t), x0 (t), · · · , x(n 1)


(t)), (1.1)

où la fonction f : R ⇥ Rm ⇥ · · · ⇥ Rm ! Rm est donnée. Autrement dit, la dérivée n-ième de


x au point t est fonction de t et des valeurs des dérivées de x d’ordre strictement inférieur
en ce même point t. L’entier n est appelé ordre de l’équation.
Ces équations peuvent être munies de certaines conditions initiales (ce qui correspond
à interpréter la variable t comme variable temps), ou de conditions au bord (ce qui
correspond à interpréter la variable t comme variable espace) : par exemple, les valeurs des
dérivées de x jusqu’à l’ordre n 1 sont prescrites en un point particulier t0 :

x(t0 ) = x0 , x0 (t0 ) = x1 , · · · , x(n 1)


(t0 ) = xn 1.

Plusieurs types de questions peuvent se poser :


— On peut chercher, pour x0 , · · · , xn 1 donnés, à déterminer l’ensemble des solutions
de l’équation (1.1) ;
— On peut essayer de calculer explicitement ces solutions ;
— On peut chercher à comprendre le comportement qualitatif des solutions de (1.1) :
ces solutions sont-elles définies sur tout R ou sur un sous-intervalle ? Sont-elles pé-
riodiques ? Explosent-elles ? (c’est-à-dire : tendent-elles vers ±1 au bord de leur
intervalle de définition ?)
— Si on ne sait pas calculer explicitement les solutions, on peut essayer d’approcher à
l’aide de l’ordinateur les solutions (attention, les fonctions ainsi obtenues ne sont pas
elles-mêmes des solutions).
On reviendra sur ces différentes notions au cours du chapitre.

Un peu d’histoire...
Le calcul différentiel naît à la fin du XVIIe siècle, à la suite des travaux de Leibniz et
Newton (1671). Assez naturellement, la question de résoudre des équations différentielles

3
4 CHAPITRE 1. INTRODUCTION ET MOTIVATION

se pose. À cette époque, les modèle étudiés viennent principalement de la mécanique (en
particulier de la mécanique céleste) et de la géométrie. Des exemples multiples d’équations
différentielles sont fournis par le principe fondamental de la dynamique, ou deuxième loi
de Newton, qui s’écrit
F = mx00 (t),
où x est le centre de masse d’un système, m sa masse, et F la résultante des forces s’ap-
pliquant sur le système. Notons que cette dernière équation est une équation différentielle
pourvu que F puisse s’écrire comme une fonction de la position x(t) et de la vitesse x0 (t).
À cette époque, deux méthodes de “résolution” étaient utilisées : soit on intégrait di-
rectement l’équation différentielle, c’est-à-dire qu’on disposait d’une formule explicite pour
la solution (méthode appelée résolution par quadratures), soit on en calculait un dévelop-
pement en série entière. Un siècle plus tard, en 1769, Euler entreprend la classification de
toutes les équations différentielles pour lesquelles on dispose de formules explicites.
Au XIXe siècle, Liouville démontre que certaines équations ne peuvent être résolues
analytiquement : la solution existe, mais ne peut être exprimée comme une combinaison
de fonctions usuelles. C’est le cas par exemple de l’équation de type Riccati
x0 (t) = t + x2 (t).
Dès lors, il apparaît crucial de disposer d’autres outils que le calcul explicite. Deux voies
(complémentaires) sont possibles :
— l’analyse théorique, dont le but est de montrer l’existence et l’unicité des solutions
d’équations différentielles à l’aide d’outils généraux ;
— l’analyse numérique, dont le but est de calculer des solutions approchées (functions
approchant des solutions), avec la meilleure précision possible.
Vers 1870 Fuchs, puis Poincaré, cherchent ainsi à déduire de l’examen a priori de l’équation,
les propriétés des solutions.
Parallèlement aux progrès mathématiques dans ce domaine, l’utilisation des équations
différentielles se développe dans toutes les disciplines : la chimie (cinétique des réactions
chimiques), les sciences du vivant (épidémies, modèles de populations)...

Quelques exemples connus


B Circuit RLC en série :

Soit i(t) l’intensité qui circule dans le circuit. D’après la loi des mailles, on a
E(t) = uR (t) + uL (t) + uC (t).
Par ailleurs, on a les relations suivantes pour les tensions électriques uL , uC , uR :
1.1. DÉFINITIONS, HISTORIQUE ET PREMIERS EXEMPLES 5

— D’après la loi d’Ohm, uR (t) = Ri(t) ;


— La tension aux bornes de la bobine est uL (t) = L dt
di
.
dQ(t)
— La charge aux bornes du condensateur est Q(t) = CuC (t), et donc i(t) = dt =
C dudtC ;
On obtient donc finalement

RCu0C (t) + LCu00C (t) + uC (t) = E(t).

L’équation ci-dessus est une équation linéaire d’ordre deux, à coefficients constants. On
verra au deuxième chapitre comment résoudre ce type d’équation.

Remarque 1.1.2. Dans ce cours, on notera systématiquement la dérivée d’une fonction


x comme x0 , et jamais comme ẋ, par souci d’homogénéité.

B Pendule simple :

L
~g

✓(t)

Le pendule, de masse m, est soumis à deux forces :


— Son poids m~g ;
— La tension du fil, orientée selon l’axe du fil.
Ainsi si on projette le principe fondamental de la dynamique suivant la normale au fil,
on obtient, puisque le mouvement est circulaire de rayon L :

mL✓00 = mg sin ✓,

soit
g
✓00 +sin ✓ = 0. (1.2)
L
Remarquons que cette équation est non linéaire : si ✓1 , ✓2 sont deux solutions de (1.2),
en général ✓1 + ✓2 n’est pas solution. De façon générale, il est impossible de connaître ex-
plicitement les solutions d’équations non linéaires, mais on verra au deuxième chapitre que
l’on pourra dire des choses sur leur comportement qualitatif (et on tracera les trajectoires
(✓, ✓0 ) dans l’Appendice 6.2). On calcule souvent des solutions exactes d’une équation ap-
prochée de (1.2) 1 pour de petites oscillations en linéarisant le sinus autour de zéro : en
effet, sin ✓ ⇠ ✓ pour ✓ ⌧ 1. Pour la version linéarisée de l’équation, qui n’est valable que
pour les petites oscillations, on obtient l’équation de l’oscillateur harmonique ou pendule
élastique :
g
✓00 + ✓ = 0. (1.3)
L
p
Les solutions sont des combinaisons linéaires de sin(!0 t) et de cos(!0 t), où !0 = g/L.
1. Ce qui n’est pas la même chose que de calculer des solutions approchées de l’équation exacte !
6 CHAPITRE 1. INTRODUCTION ET MOTIVATION

1.2 Exemples de bilans entre t et t + dt


B Équation logistique : Modèles de Malthus (1798) et de Verhulst (1836) :
On considère une population d’individus dont l’effectif au cours du temps est représenté
par une fonction à valeurs réelles N : R+ ! R+ .
Dans un premier temps on suppose que le taux instantané de naissances (resp. de
décès) dans la population est constant et égal à b (resp. d). On considère la variation de
la population entre t et t + dt. On a

N (t + dt) N (t) = nombre de naissances - nombre de décès entre t et t + dt,

et donc
N (t + dt) N (t) = bN (t)dt dN (t)dt.

On arrive donc à l’équation différentielle

dN
= rN (t), (1.4)
dt

où r = b d.
Les solutions de cette équation sont de la forme N0 ert (on rappellera au deuxième
chapitre comment résoudre ce type d’équation.). En particulier :
— Si b > d (r > 0), autrement dit s’il y a plus de naissances que de décès, la population
croît exponentiellement ;
— Si b > d (r < 0), la population s’éteint avec une vitesse exponentielle ;
— Si b = d (r = 0), on a une situation d’équilibre : la population est constante.
Le défaut principal de ce modèle est qu’il est peu réaliste qu’une population croisse
indéfiniment à vitesse exponentielle. En effet, il faut tenir compte des ressources dont
dispose cette population, qui vont rapidement s’épuiser si la population croît. Pour pallier
ce problème, on peut modifier l’équation de Malthus (1.4) en ajoutant un terme quadratique
proposé par Verhulst, censé réguler la population en fonction de sa taille :
✓ ◆
dN N (t)
= rN (t) 1 . (1.5)
dt K

Ainsi, lorsque N (t) > K, N 0 (t) < 0 : la population diminue lorsqu’elle dépasse la taille
critique K.
Le paramètre K est appelé “charge utile de l’environnement”. Il est fonction de la
capacité du milieu en nourriture.

Lemme 1.2.1. L’unique solution de l’équation (1.5) avec pour donnée initiale N (0) = N0
est
K
N (t) = N0 .
N0 + (K N0 )e rt

Démonstration. Posons
K
N̄ (t) = N0 rt
.
N0 + (K N0 )e
1.2. EXEMPLES DE BILANS ENTRE T ET T + DT 7

On vérifie que l’on a bien N̄ (0) = N (0) = N0 . Par ailleurs,


K
N̄ 0 (t) = N0 (K N0 )( r)e rt
(N0 + (K N0 )e rt )2
(K N0 )e rt
= rN̄ (t)
N0 + (K N0 )e rt
✓ ◆
N0
= rN̄ (t) 1
N0 + (K N0 )e rt
✓ ◆
N̄ (t)
= rN̄ (t) 1 .
K
Donc N̄ est solution de l’équation (1.5).
On verra au chapitre 2 un théorème d’unicité pour les solutions de l’équation (1.5). On
en déduit que N (t) = N̄ (t).

On vérifie aisément sur la formule que N (t) ! K quand t ! 1 quelle que soit la valeur
de N0 .
Regardons l’allure des solutions de (1.5) en fonction de la donnée initiale : en prenant
comme paramètres r = K = 1, on a le tracé de solutions suivant :

0 t
Pour aller plus loin dans l’effet de l’environnement dans le cas de prédateurs, on peut in-
clure comme inconnue la population de prédateurs et considérer le système proie-prédateur
de Lotka-Volterra comme suit.
On considère une population de proies N (t), et une population de prédateurs P (t). les
hypothèses de modélisation sont les suivantes :
— Les proies sont supposées avoir une source illimitée de nourriture et se reproduire
exponentiellement si elles ne sont soumises à aucune prédation ;
— Le taux de prédation p sur les proies est supposé proportionnel à la fréquence de
rencontre entre les prédateurs et les proies. Cette fréquence de rencontre est elle-
même proportionnelle au produit du nombre de prédateurs par le nombre de proies ;
— En l’absence de proies, la population de prédateurs s’éteint exponentiellement ;
— Le taux d’accroissement a d’accroissement de la population des prédateurs due à la
prédation est proportionnelle au taux de prédation.
En effectuant un bilan entre t et t + dt on obtient le système d’équations non-linéaire
suivant : 8
> dN = rN N (t) pN (t)P (t),
>
>
< dt
(1.6)
>
> dP
>
: = rP P (t) + aN (t)P (t).
dt
8 CHAPITRE 1. INTRODUCTION ET MOTIVATION

Nous allons tracer les solutions dans l’Appendice 6.1, dans certains cas. À noter qu’un
tracé de solution (N (t), P (t)) sera une courbe du plan, pas nécessairement de la forme d’un
graphe comme lors de solutions des équations à valeurs réelles. Une telle représentation
graphique des solutions s’appelle un portrait de phase.

B Cinétique chimique :
Considérons une réaction chimique sur trois espèces :
k k k
Y3 !3 Y2 !2 Y1 !1 Y2 ,

où ki sont les coefficients stoechiométriqes. Notons ci la concentration de l’espèce Yi .


Entre t et t + dt, on a donc le bilan suivant :

c3 (t + dt) c3 (t) = k3 c3 (t)dt,


c2 (t + dt) c2 (t) = (k3 c3 (t) k2 c2 (t) + k1 c1 (t))dt,
c1 (t + dt) c1 (t) = (k2 c2 (t) k1 c1 (t))dt.

On est conduit au système d’équations différentielles

c03 (t) = k3 c3 (t),


c02 (t) = k3 c3 (t) k2 c2 (t) + k1 c1 (t),
c01 (t) = k2 c2 (t) k1 c1 (t).

Ce système est un système d’équations linéaires à coefficients constants d’ordre 1. On


verra au deuxième chapitre comment obtenir une solution explicite pour un système d’EDO
d’ordre 1.

B Modélisation d’une épidémie :


https ://images.math.cnrs.fr/Modelisation-d-une-epidemie-partie-1.html
https ://images.math.cnrs.fr/Modelisation-d-une-epidemie-partie-2.html

1.3 Difficultés et enjeux


Comme on l’a déjà expliqué plusieurs fois, il est souvent difficile, voire impossible,
d’obtenir des formules explicites pour les solutions d’une équation différentielle. En fait,
les seuls cas pour lesquels on sait systématiquement donner une formule pour les solutions
sont les équations linéaires à coefficients constants de n’importe quel ordre, ainsi que les
équations linéaires d’ordre un. On connaît également des formules pour quelques équations
non-linéaires remarquables (comme par exemple l’équation logistique (1.5), ou l’équation
de Ricatti), mais ces cas sont l’exception plutôt que la règle.
Dès lors se pose la question de savoir comment calculer (à l’aide d’un ordinateur) les
solutions d’équations différentielles. Comme on l’a vu, ces équations interviennent dans
de nombreux domaines, allant de la physique et de la chimie aux sciences humaines, et
comprendre comment calculer précisément les solutions est donc un enjeu crucial. L’idée clé
est que l’on ne calcule quasiment jamais, numériquement, de solution exacte des équations,
mais plutôt des solutions approchées (ou des suites de solutions approchées).
Une suite de solutions approchées est une suite (xn )n2N de fonctions définies sur R (ou
sur le même intervalle I de R que la solution x de l’équation (1.1)), et telle que, pour tout
t 2 R,
xn (t) ! x(t) quand n ! 1.
1.3. DIFFICULTÉS ET ENJEUX 9

Ces fonctions doivent être calculables explicitement et relativement facilement. En re-


vanche, on n’exige pas qu’elles soient des solutions de l’équation (1.1), et en général, elles
ne le sont pas.
Un autre enjeu est de démontrer des comportements qualitatifs sans nécessairement
savoir calculer la solution x de (1.1). Autrement dit, on cherchera à démontrer, sur la
solution x de (1.1) dont on connait l’existence et l’unicité grâce à un théorème abstrait,
des propriétés du type 2 :
— x est périodique ;
— x est croissante/décroissante ;
— l’intervalle de définition de x est R (on dit dans ce cas que la solution est globale) ;
— il existe un temps T ⇤ 2 R tel que x(t) ! 1 quand t ! T ⇤ (explosion) ;
— dans le cas où la solution est globale, x(t) tend vers une constante quand t ! 1.

2. attention, certaines de ces propriétés sont incompatibles !


10 CHAPITRE 1. INTRODUCTION ET MOTIVATION
Chapitre 2

Théorie générale pour les équations


différentielles

Nous allons commencer ce chapitre par rappeler la façon dont on sait résoudre les
équation différentielles linéaires d’ordre un. Ensuite nous allons nous attaquer à la question
de la résolution d’une équation différentielle d’ordre un quelconque. Nous allons d’abord
démontrer des résultats d’existence de solutions, sans avoir recours à une formule explicite.
Ensuite nous allons étudier le comportement qualitatifs des solutions obtenues.

2.1 Rappels sur les équations différentielles linéaires d’ordre


un
Soit I un intervalle de R, et soit a, b : I ! R deux fonctions continues. On considère
l’équation non-homogène
x0 (t) = a(t)x(t) + b(t), (2.1)
w
ainsi que sa version linéaire homogène
aged
' " do -
u

x0 (t) = a(t)x(t). -0 se = (2.2)


Le terme “homogène” reflète ici le fait que la fonction nulle soit solution : on parle également
d’équation sans second membre. En effet on écrit souvent (2.1) sous la forme
x0 (t) a(t)x(t) = b(t).

Résolution de l’équation homogène (2.2)


Théorème 2.1.1. Soit t0 2 I, et soit x0 2 R quelconque.
L’équation homogène (2.2) munie de la condition initiale x(t0 ) = x0 admet une unique
solution 1 , donnée par R t
a(t0 )dt0
x(t) = x0 e t0 .
En particulier toute solution de (2.2) est de la forme
Rt Rt
a(t0 )dt0 a(t0 )dt0
x(t) = Ce t0 = C̃e t1 , C, C̃, t1 2 R.

p
1. L’unicité n’est pas valable pour toutes des équations différentielles : par exemple x0 (t) = 2 x(t) avec
x(0) = 0 admet deux solutions, celle nulle x1 (t) = 0, 8t 2 R, et aussi x2 (t) = 0 si t < 0 et x2 (t) = t2 pour
t 0.

11
12CHAPITRE 2. THÉORIE GÉNÉRALE POUR LES ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

Démonstration. — Existence : Posons


Rt
a(t0 )dt0
f (t) = x0 e t0 .

On vérifie immédiatement que f (t0 ) = x0 e0 = x0 .


Montrons maintenant que f est bien solution de l’équation (2.2). On a
Rt
a(t0 )dt0
f 0 (t) = x0 a(t)e t0 = a(t)f (t).

Donc f est solution de (2.2).


— Unicité : soit x une solution quelconque de (2.2). On remarque que x est nécessaire-
ment de classe C 1 . On pose
Rt
a(t0 )dt0
C(t) = x(t)e t0

Alors la fonction C est de classe C 1 et


Rt Rt
a(t0 )dt0 a(t0 )dt0
C 0 (t) = x0 (t)e t0 x(t)a(t)e t0 = 0.

Donc la fonction C est constante sur l’intervalle I et vaut C(t0 ) = x(t0 ) = x0 . Donc
Rt Rt
a(t0 )dt0 a(t0 )dt0
x(t) = C(t)e t0 = x0 e t0 .

Exemple 2.1.2. — On prend I = R, a(t) = r 2 R pour tout t 2 R. Alors les solutions


de l’équation (2.2) sont données par

x(t) = Cer(t t0 )
.

— On prend I = R⇤+ , a(t) = k/t pour k 2 R⇤. Alors les solutions de l’équation (2.2)
sont données par
✓ ◆k
k ln tt t
x(t) = Ce 0 = C .
t0

On déduit en particulier du Théorème 2.1.1 que si x0 = 0, alors l’unique solution de


(2.2) est identiquement nulle. On obtient alors le Corollaire suivant :

Corollaire 2.1.3. Soit t0 2 I, et soit x0 2 R. Alors l’équation (2.1) munie de la condition


initiale x(t0 ) = x0 admet au plus une solution.

Démonstration. Soient x et y deux solutions de (2.1) telles que x(t0 ) = y(t0 ) = x0 . Alors on
vérifie immédiatement que z := x y est solution de (2.2) avec z(t0 ) = 0. Par conséquent
z = 0.

On cherche à présent à montrer l’existence des solutions de l’équation équation non-


homogène (2.1), ainsi qu’une méthode pour calculer les solutions.
2.1. RAPPELS SUR LES ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES D’ORDRE UN13

Résolution de l’équation non-homogène (2.1) par la méthode de variation


de la constante
L’idée pour résoudre l’équation non-homogène (2.1),est d’utiliser le calcul fait dans le
cas homogène pour changer de fonction inconnue et enlever ainsi le terme d’ordre zéro
(c’est-à-dire a(t)x(t)) dans l’équation. Plus précisément, supposons que x est une solution
de (2.1) et posons
Rt
a(t0 )dt0
C(t) = x(t)e t0 ,
ce qui revient à dire Rt
a(t0 )dt0
x(t) = C(t)e t0 .
On a alors Rt
a(t0 )dt0
x0 (t) = C 0 (t) + a(t)C(t) e t0 ,
et comme d’autre part
Rt
a(t0 )dt0
x0 (t) = a(t)x(t) + b(x) = a(t)C(t)e t0 + b(t),

on en déduit que Rt
0 a(t0 )dt0
C (t) = e t0 b(t).
Si on impose une condition initiale x(t0 ) = x0 , on a alors C(t0 ) = x0 et en intégrant on
obtient Z t Rs
a(t0 )dt0
C(t) = x0 + b(s)e t0 ds.
t0

On est donc conduits au théorème suivant :

Théorème 2.1.4. Soit t0 2 I, x0 2 R. Alors l’unique solution de (2.1) telle que x(t0 ) = x0
est donnée par ✓ ◆ R
Z t Rs t
a(t0 )dt0 a(t0 )dt0
x(t) = x0 + e t 0 b(s) ds e t0
t0
Rt Z t Rt
a(t0 )dt0 a(t0 )dt0
= x0 e t0 + e s b(s) ds.
t0

Remarque 2.1.5. On remarque que la solution de (2.1) est somme d’une solution de
l’équation homogène (2.2) avec donnée initiale x0 à t0 et d’une solution de l’équation non-
homogène (2.1) avec donnée initiale nulle à t0 . Cette dernière est une "superposition" de
solutions de l’équation homogène. Ce principe, qui consiste à exprimer les solution d’une
équation non-homogène en fonction des solutions de l’équation homogène associée remonte
à Euler et Lagrange, et dans le cas des équations aux dérivées partielles porte le nom de
principe de Duhamel.

Démonstration. En reprenant le calcul ci-dessus, on vérifie facilement que x est solution


de (2.1). L’unicité est assurée grâce au Corollaire 2.1.3.

On vient donc de montrer l’existence des solutions de (2.1), et de proposer une méthode
pour calculer ces solutions. Cette méthode marche aussi en prenant une autre primitive et
donnée initiale dans la définition de C(t),
Rt
a(t0 )dt0
C(t) = x(t)e t1 , C(t1 ) = C,
14CHAPITRE 2. THÉORIE GÉNÉRALE POUR LES ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

le choix de t1 pouvant simplifier les calculs intermédiaires de la fonction C(t) ; ensuite ce


n’est qu’à la fin que l’on choisit C de façon à ce que la condition initiale en t0 pour x(t)
soit vérifiée.

Exemple 2.1.6. On prend I = R⇤+ , et on considère l’équation


x(t)
x0 (t) = t2 .
t
D’après la méthode de variation de la constante, on pose
Rt 1 0
x(t) = C(t)e 1 t0 dt = tC(t),

et donc C est solution de


t2
C 0 (t) = = t,
t
t2
d’où C(t) = 2 + C. On obtient finalement

t3
x(t) = + Ct.
2
Il faut ensuite choisir la constante C de façon à ce que la condition initiale en t0 > 0 soit
vérifiée.

Résolution de l’équation non-homogène (2.1) à l’aide d’une solution par-


ticulière
Dans les cas où le calcul explicite précédent n’est pas concluant, on dispose d’une autre
méthode pour calculer les solutions de l’équation (2.1), qui est résumée dans le théorème
suivant :
Théorème 2.1.7. Soit t0 2 I, x0 , x1 2 R. Soit xp : I ! R de classe C 1 telle que xp est
une solution de l’équation (2.1) et xp (t0 ) = x1 .
Alors l’unique solution de (2.1) telle que x(t0 ) = x0 est donnée par
Rt
a(t0 )dt0
x(t) = xp (t) + (x0 x1 )e t0 .

En particulier toute solution de (2.1) est de la forme


Rt
a(t0 )dt0
x(t) = xp (t) + Ce t0 , C 2 R.

Démonstration. L’unicité est assurée grâce


R
au Corollaire 2.1.3. Il s’agit donc de montrer
t
a(t0 )dt0
que la fonction f (t) = xp (t) + (x0 x1 )e t0 est bien solution de l’équation. On a

f (t0 ) = xp (t0 ) + (x0 x1 ) = x1 + x0 x1 = x0 .

Par ailleurs,
Rt
0 a(t0 )dt0
f (t) = x0p (t) + (x0 x1 )a(t)e t0

Rt
a(t0 )dt0
= a(t)xp (t) + b(t) + (x0 x1 )a(t)e t0

= a(t)f (t) + b(t).

Donc f est solution de (2.1) avec donnée initiale f (t0 ) = x0 .


2.2. THÉORÈME DE CAUCHY-LIPSCHITZ ET CONSÉQUENCES 15

Exemple 2.1.8. On revient sur l’exemple précédent : I = R⇤+ , et on considère l’équation

x(t)
x0 (t) = t2 .
t
3
On remarque que xp (t) = t2 est une solution particulière. Sachant que les solutions de
l’équation homogène sont de la forme Ct, nous obtenons la forme générale des solutions :

t3
x(t) = + Ct.
2
Il faut ensuite choisir la constante C de façon à ce que la condition initiale en t0 > 0 soit
vérifiée. On remarque que l’on peut aussi résoudre l’équation sur I = R⇤ . Pour les notions
de recollements de solutions voir l’Appendice 5.1.
Exemple 2.1.9. On prend I = R, et on considère l’équation

x0 (t) + tx(t) = t2 + 1.

On vérifie qu’une solution particulière de cette équation est xp (t) = t. La solution générale
de l’équation est donc donnée par
t2 /2
x(t) = t + Ce ,

où la constante C est choisie de telle sorte que la condition initiale soit vérifiée.

On peut aussi résoudre cette équation avec la méthode de variation de la constante,


2 2
comme suit. On pose x(t) = C(t)e t /2 et on obtient C 0 (t) = et /2 (t2 + 1) donc
Z t
2 2 2
C(t) = C + es /2 (s2 + 1)ds = C + [ses /2 ]t0 = C + tet /2 .
0

2.2 Théorème de Cauchy-Lipschitz et conséquences


2.2.1 Existence et unicité locale des solutions
On commence par un théorème d’existence et d’unicité assez puissant pour les équa-
tions différentielles d’ordre un en dimension quelconque (toutes les équations différentielles
linéaires peuvent se ramener à ce cas).
Pour préciser les idées, on définit tout d’abord ce qu’est la solution d’une équation
différentielle munie d’une donnée initiale.
Définition 2.2.1. • Soit I un intervalle ouvert de R, U un ouvert de Rm , et soit t0 2 I,
X0 2 U . Soit f : I ⇥ U ! Rm .
On considère l’équation différentielle avec donnée initiale
(
X 0 (t) = f (t, X(t)), t 2 I,
(2.3)
X(t0 ) = X0 .

Une solution de (2.3) est une fonction X définie sur un intervalle IX contenant t0 ,
à valeurs dans U ⇢ Rm , vérifiant l’équation sur IX et la condition initiale.
• Le système (2.3) est aussi appelé problème de Cauchy (équation différentielle ET
donnée initiale). Résoudre le problème de Cauchy consiste à trouver l’ensemble des solutions
de (2.3) ainsi que l’intervalle sur lequel elles sont définies.
16CHAPITRE 2. THÉORIE GÉNÉRALE POUR LES ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

Exemple 2.2.2. — Une ODE scalaire :


(
x0 (t) = t + x2 (t),
x(0) = 2.

Dans le cas de ce problème de Cauchy m = 1 et f (t, y) = t+y 2 . Si on considère comme


équation x0 (t) = x2 (t) = f (t, x(t)) alors il s’agit d’une équation autonome dans le
sens que f (t, y) = y 2 ne dépend pas de t séparément et on peut écrire directement
x0 (t) = f (x(t)) avec f (y) = y 2 .
— Système de Lotka-Volterra : les équations de Lotka-Volterra s’écrivent
(
N 0 (t) = aN (t) bN (t)P (t),
0
P (t) = cN (t)P (t) dP (t).
✓ ◆
N
Dans ce cas, m = 2, X = , et X 0 (t) = f (X(t)) avec
P

✓R ◆ ! ✓ R2 ◆
2

f: x ax bxy .
7!
y cxy dy

C’est un système autonome : le champ de vecteurs f ne dépend pas de t.


— Pendule simple : on rappelle que l’équation régissant l’évolution du pendule simple
s’écrit
✓00 (t) + !02 sin ✓(t) = 0,

que l’on munit des conditions initiales

✓(0) = ✓0 , ✓0 (0) = v0 .
✓ ◆

On met ce système sous forme vectorielle en posant X = . On vérifie alors que
✓0
l’équation du pendule simple peut se mettre sous la forme (2.3) en posant X 0 (t) =
f (X(t)) avec
✓R ◆ ! ✓ R2 ◆
2

f: x y ,
7! 2
y !0 sin x
✓ ◆

et X0 = 0 . Il s’agit de nouveau d’un système autonome.
v0

Remarque 2.2.3. Dans la définition ci-dessus, on ne suppose pas que t0 appartient à l’in-
térieur de IX (ni que l’intervalle IX est ouvert) : ça peut être une extrémité de l’intervalle.

Proposition 2.2.4 (Forme intégrale des solutions). Une fonction continue X : IX ! U


est solution du problème de Cauchy (2.3) si et seulement si
Z t
X(t) = X0 + f (t0 , X(t0 ))dt0 . (2.4)
t0
2.2. THÉORÈME DE CAUCHY-LIPSCHITZ ET CONSÉQUENCES 17

Démonstration. Si X : IX ! U est solution du problème de Cauchy (2.3) alors


Z t
Y (t) := X0 + f (t0 , X(t0 ))dt0
t0

satisfait
Y 0 (t) = f (t, X(t)) = X 0 (t),
donc Y (t) X(t) est une constante. D’autre part Y (t0 ) = X0 = X(t0 ), donc Y et X
coïncident sur IX .
Réciproquement, si X satisfait (2.4) alors X 0 (t) = f (t, X(t)) et aussi X(t0 ) = X0 , donc
X est bien solution du problème de Cauchy (2.3).

Exemple 2.2.5. Considérons le problème de Cauchy suivant


(
x0 (t) = tx(t), t 2 R,
(2.5)
x(0) = 1.

t2
Nous savons déjà trouver la solution explicitement, il s’agit de e 2 . Nous allons la retrouver
d’une autre façon, en ayant en tête la proposition précédente sur la forme intégrale des
solutions.
Pour toute fonction continue x : R ! R définissons une nouvelle fonction T x : R ! R
par Z t
(T x)(t) := 1 + t0 x(t0 )dt0 .
0

Posons x0 la fonction constante donnée par la donné initiale : x0 (t) = 1 pour tout t 2 R.
Ensuite, pour tout n 2 N⇤ , on définit la fonction xn := T xn 1 , c’est-à-dire
Z t
xn (t) = 1 + t0 xn 1 (t0 )dt0 .
0

Nous pouvons calculer explicitement :


Z t
t2
1
x (t) = 1 + t0 dt0 = 1 + ,
0 2
Z t ✓ ◆2
t02 t2 1 t2
2
x (t) = 1 + t (1 + )dt0 = 1 + +
0
,
0 2 2 2 2
et par récurrence on trouve pour tout n 2 N
Z t n
X1 ✓ ◆k n
X ✓ ◆k
n 0 1 t02 0 1 t2
x (t) = 1 + t dt = .
0 k! 2 k! 2
k=0 k=0

Il s’ensuit donc que la suite de fonctions xn vérifie


t2
lim xn (t) = e 2 ,
n!1

donc on a retrouvé la solution du problème de Cauchy par itération de la fonction constante


donnée par la donné initiale à travers T . C’est cette approche que nous allons utiliser
pour démontrer le résultat suivant dans le cas d’équations pas nécessairement résolubles
explicitement.
18CHAPITRE 2. THÉORIE GÉNÉRALE POUR LES ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

Théorème 2.2.6 (Théorème de Cauchy-Lipschitz 2 - existence locale). Soit I un intervalle


ouvert de R, U un ouvert de Rm , et soit t0 2 I, X0 2 U . Soit f : I ⇥ U ! Rm une fonction
C 1 (c’est-à-dire que les dérivées partielles de b par rapport à toutes les variables existent et
sont continues.)
Alors il existe ⌧ > 0 tel que (2.3) admet une solution X de classe C 1 sur l’intervalle
[t0 ⌧, t0 + ⌧ ].
Aussi, on a la propriété d’unicité suivante : si Y est une autre solution de (2.3) définie
sur un intervalle IY , X et Y coïncident sur IY \ [t0 ⌧, t0 + ⌧ ]. Plus généralement, si Y
et Ỹ sont deux solutions de (2.3) définies sur les intervalle IY et IỸ respectivement, alors
elles coïncident sur IY \ IỸ .

Remarque 2.2.7. Ce résultat assure que certaines équations différentielles (système de


Lotka-Volterra, pendule simple...) admettent des solutions pour toute donnée initiale, au
moins localement en temps (c’est-à-dire sur un petit intervalle autour de t0 ). On verra
plus tard des conditions pour que les solutions d’équations différentielles soient globales,
c’est-à-dire définies pour tout temps.

Remarque 2.2.8. La condition f 2 C 1 peut être légèrement relaxée : il suffit que la fonction
f soit lipschitzienne sur tout compact. Mais en général, on peut pas faire “mieux” (dans
le sens : “on ne peut pas supposer moins”) que le caractère Lipschitz, comme le montre
l’exemple suivant.
On considère l’équation p
x0 (t) = 2 x(t), t 2 R,
(2.6)
x(0) = 0.
On vérifie facilement que la fonction constante égale à zéro est solution de l’équation. On
va montrer qu’il existe une infinité d’autres solutions : pour T > 0, on pose

0 si t < T,
xT (t) =
(t T )2 si t T.

On vérifie facilement que xT est également solution de l’équation différentielle (2.6) pour
p
tout T > 0. Il n’y a donc pas unicité. Ce défaut d’unicité vient de ce que la fonction x 7! x
n’est pas lipschitzienne au voisinage de zéro.

Démonstration. Comme expliqué dans l’Exemple 2.2.5, nous allons chercher la solution du
problème de Cauchy par itérations de la fonction constante donnée par la donné initiale.
Construction par itération d’une suite de fonctions :
Posons X 0 la fonction constante donnée par la donné initiale : X 0 (t) = X0 pour tout t 2 I.
Ensuite, pour tout n 2 N⇤ , on définit par itérations succésives la suite de fonctions
Z t
X n (t) = X0 + f (t0 , X n 1 (t0 ))dt0 ,
t0

sur un intervalle de temps [t0 ⌧, t0 + ⌧ ] qui se prête à ce type d’itérations, et qu’on définit
comme suit.
Choix de l’intervalle de définition :
Comme I est un intervalle ouvert de R, U est un ouvert de Rm , et (t0 , X0 ) 2 I ⇥ U , il existe
des nombres positifs a et b tels que [t0 a, t0 + a] ⇥ B(X0 , b) ⇢ I ⇥ U . Par exemple lorsque
m = 1 ce cylindre fermé de Rm+1 se réduit au pavé [t0 a, t0 + a] ⇥ [X0 b, X0 + b] du plan
2. Les théorèmes de Cauchy-Lipschitz sont aussi connues sous le nom de Picard-Lindelöf, et elles datent
de 1850-1900.
2.2. THÉORÈME DE CAUCHY-LIPSCHITZ ET CONSÉQUENCES 19

R2 . S’agissant d’un ensemble compact et f étant continue, son image est aussi compacte.
Soit M > 0 un majorant de kf k sur [t0 a, t0 + a] ⇥ B(X0 , b). Nous définissons alors

b
⌧ = min{a, }.
M
Estimations sur la suite de fonctions :
D’abord on montre par récurrence que pour tout n 2 N nous avons

X n (t) 2 B(X0 , b), 8t 2 [t0 ⌧, t0 + ⌧ ].

Ceci est clair pour n = 0, et si on le sait pour n on l’a pour n + 1 car


Z t Z t
0 n 0 0
kX n+1
(t) X0 k = k f (t , X (t ))dt k  | kf (t0 , X n (t0 ))kdt0 |  M |t t0 |  M ⌧  b.
t0 t0

En particulier, (t0 , X n (t0 )) se trouve toujours dans le compact [t0 a, t0 + a] ⇥ B(X0 , b)


pour t0 2 [t0 ⌧, t0 + ⌧ ]. Comme f est de classe C 1 , elle est différentiable et nous pouvons
appliquer le théorème des accroissements finis pour obtenir

kf (t, X) f (t, Y )k  KkX Y k, 8(t, X), (t, Y ) 2 [t0 a, t0 + a] ⇥ B(X0 , b),

et en particulier pour tout n 2 N⇤

kf (t, X n (t)) f (t, X n 1


(t))k  KkX n (t) Xn 1
(t)k, 8t 2 [t0 ⌧, t0 + ⌧ ].

Nous allons maintenant démontrer par récurrence que l’on a pour tout n 2 N⇤

M K n |t t0 |n
kX n (t) Xn 1
(t)k  , 8t 2 [t0 ⌧, t0 + ⌧ ].
K n!
Le premier cas n = 1 revient à avoir

kX 1 (t) X 0 (t)k  M |t t0 |,

ce que l’on a déjà obtenu ci-dessus. En supposant le cas n on obtient le cas n + 1 :


Z t Z t
kX n+1 (t) X n (t)k = k (f (t0 , X n (t0 )) f (t0 , X n 1 (t0 )))dt0 k  | KkX n (t) X n 1 (t)kdt0 |
t0 t0
Z t
M K n |t t0 |n 0 M K n+1 |t t0 |n+1 M (K⌧ )n+1
| K dt |   .
t0 K n! K (n + 1)! K (n + 1)!
Définition de la fonction limite : P
De la majoration ci-dessus il s’ensuit que (X n X n 1) est une série de fonctions continues
normalement convergente. En posant
1
X
X = X0 + (X n Xn 1
),
n=1

on obtient donc une fonction X : [t0 ⌧, t0 + ⌧ ] ! Rm continue, telle que


N
X
0
X(t) = lim (X (t) + (X n (t) Xn 1
(t))) = lim X N (t).
N !1 N !1
n=1
20CHAPITRE 2. THÉORIE GÉNÉRALE POUR LES ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

Par ailleurs, il s’ensuit que

X(t) 2 B(X0 , b) ⇢ U, 8t 2 [t0 ⌧, t0 + ⌧ ].

Vérification du problème de Cauchy :


Pour montrer que X est bien solution du problème de Cauchy (2.3) nous pourrions utiliser
encore une fois des résultats sur les séries de fonctions, mais pour varier nous allons utiliser
un argument de compacité. Nous avons pour tout t 2 [t0 ⌧, t0 + ⌧ ]
Z t
N
X(t) = lim X (t) = X0 + lim f (t0 , X N 1 (t0 ))dt0
N !1 N !1 t0

Z t Z t
0 0 0
= X0 + f (t , X(t ))dt + lim (f (t0 , X N 1
(t0 )) f (t0 , X(t0 )))dt0 .
t0 N !1 t0

Il nous reste donc à montrer que le dernier terme vaut zéro. Comme X(t0 ), X N 1 (t0 ) 2
B(X0 , b) ⇢ U, 8t0 2 [t0 ⌧, t0 + ⌧ ] nous avons pour tout t 2 [t0 ⌧, t0 + ⌧ ]
Z t Z t
0 N 1 0 0 0 0
k (f (t , X (t )) f (t , X(t )))dt k  | KkX N 1 (t0 ) X(t0 )kdt0 |
t0 t0

 K⌧ sup kX N 1
(t0 ) X(t0 )k,
t0 2[t 0 ⌧,t0 +⌧ ]

et on conclut en utilisant

lim sup kX N 1
(t0 ) X(t0 )k = 0.
N !1 t0 2[t0 ⌧,t0 +⌧ ]

j!1
Ce résultat est vrai car sinon il existerait un ✏ > 0, une suite Nj ! 1 et une suite
tj 2 [t0 ⌧, t0 + ⌧ ] tels que kX Nj (tj ) X(tj )k ✏. Grâce au théorème de Bolzano-
Weiestrass, il existerait une sous-suite de {tjk }k2N convergente vers un t 2 [t0 ⌧, t0 + ⌧ ].
En utilisant aussi la continuité des fonctions X N et X on obtiendrait que pour k assez
grand

✏  kX Njk (tjk ) X(tjk )k  kX Njk (tjk ) X Njk (t)k + kX Njk (t) X(t)k + kX(t) X(tjk )k,

ce qui menerait à une contradiction car la limite lorsque k tend vers l’infini des termes de
droite vaut zéro.
Unicité : Nous allons démontrer directement le résultat d’unicité pour Y et Ỹ deux
solutions de (2.3) définies sur les intervalles IY et IỸ respectivement. Si IY \ IỸ = {t0 } la
conclusion découle du fait que Y et Ỹ ont la même donnée initiale. On se place donc dans
le cas où IY \ IỸ contient un intervalle centré en t0 (le cas où IY \ IỸ contient un intervalle
de type [t0 , [ ou ]↵, t0 ] se traite pareil)).
Nous commençons par montrer qu’elles coïncident localement autour de t0 . Pour t 2
IY \ IỸ nous avons, en utilisant la forme intégrale des solutions,
Z t
Y (t) Ỹ (t) = (f (t0 , Y (t0 )) f (t0 , Ỹ (t0 ))dt0 .
t0

Les fonctions Y et Ỹ étant continues, il existe 0 < ⌧ < min{a, 2K 1


} tel que [t0 , t0 + ] ⇢
IY \ IỸ et tel que
Y (t0 ), Ỹ (t0 ) 2 B(X0 , b), 8t0 2 [t0 , t0 + ]
2.2. THÉORÈME DE CAUCHY-LIPSCHITZ ET CONSÉQUENCES 21

Il s’ensuit que pour tout t 2 [t0 , t0 + ]


Z t
kY (t) Ỹ (t)k  | KkY (t0 ) Ỹ (t0 )kdt0 |,
t0

et en particulier
1
sup kY (t) Ỹ (t)k  K sup kY (t) Ỹ (t)k  sup kY (t) Ỹ (t)k,
t2[t0 ,t0 + ] t2[t0 ,t0 + ] 2 t2[t0 ,t0 + ]

donc Y et Ỹ coïncident sur [t0 , t0 + ].


Nous allons maintenant démontrer que Y et Ỹ coïncident sur t 2 IY \ IỸ . On raisonne
par l’absurde et on suppose qu’il existe t1 2 IY \ IỸ tel que Y (t1 ) 6= Ỹ (t1 ). Sans perte
de généralité, on peut supposer que t1 > t0 . En particulier [t0 , t1 ] ⇢ IY \ IỸ . Aussi, cela
implique que l’ensemble
A = {t 2 IY \ IỸ , t > t0 , Y (t) 6= Ỹ (t)},
n’est pas vide et minoré par t0 , donc t+ = inf A est un élément de R. D’après ce qui
précède, on obtient aussi t0 < t0 +  t+  t1 . Pour t dans l’intervalle non-vide [t0 , t+ [
on a Y (t) = Ỹ (t), donc en passant à la limite quand t ! t+ , on obtient par continuité
Y (t+ ) = Ỹ (t+ ). Ceci implique t+ < t1 . On pose Y+ = Y (t+ ), et on considère le problème
de Cauchy au point t+ , avec la donnée initiale Y+ , dont Y et Ỹ sont solutions. Le résultat
d’unicité locale démontré ci-dessus nous assure que Y et Ỹ coïncident sur un petit intervalle
[t+ + , t+ + + ]\IY \IỸ avec + > 0. En prenant r+ = min{ t1 2t+ , + } on a t+ < t+ +r+ <
t1 et on en déduit que Y (t) = Ỹ (t) pour tout t 2 [t0 , t+ + r+ ]. Par conséquent,
t+ = inf A t+ + r + ,
ce qui est une contradiction car r+ > 0. Donc Y (t) = Ỹ (t) pour tout t 2 IY \ IỸ .

2.2.2 Solutions maximales


On va à présent définir la notion de solution maximale d’une équation différentielle.
Pour cela, on introduit une relation d’ordre sur les solutions de l’équation différentielle
(2.3) :
Définition 2.2.9. Soit X, Y deux solutions de (2.3), définies respectivement sur des in-
tervalles I et J contenant t0 . On dit que Y est une extension de X et l’on note X Y
si et seulement si I ⇢ J et X(t) = Y (t) pour tout t 2 I.
Soit Xmax une solution de (2.3). On dit que Xmax est une solution maximale de
(2.3) si pour toute solution X de (2.3),
Xmax X ) X = Xmax
Remarque 2.2.10. On vérifie facilement que est une relation d’ordre (pas total) sur les
solutions de (2.3), et que les solutions maximales sont précisément les éléments maximaux
pour cette relation d’ordre.
Théorème 2.2.11 (Théorème de Cauchy-Lipschitz - solutions maximales). Soit I un in-
tervalle ouvert de R, U un ouvert de Rm , et soit t0 2 I, X0 2 U .
Soit f : I ⇥ U ! Rm une fonction C 1 .
Alors il existe une solution maximale Xmax de l’équation (2.3), définie sur un intervalle
ouvert Imax ⇢ I. Cette solution maximale est l’élément maximum (plus grand élément) pour
la relation d’ordre . Par conséquent, elle est unique.
22CHAPITRE 2. THÉORIE GÉNÉRALE POUR LES ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

Démonstration. On note S l’ensemble des solutions de (2.3). D’après le théorème de Cauchy-


Lipschitz, l’ensemble S est non vide. On définit alors l’ensemble
[
Imax = IX ,
X2S

où IX est l’intervalle de définition d’une solution X de (2.3). On va montrer que Imax est
un intervalle, et que l’on peut définir une solution Xmax de (2.3) sur Imax . Il restera alors
à démontrer que cette solution est une solution maximale.
Première étape : Imax est un intervalle.
Il suffit de montrer que pour tout t1 , t2 2 Imax , on a [t1 , t2 ] ⇢ Imax 3 . Soit t1 , t2 quel-
conques dans Imax . Il existe X1 , X2 solutions de (2.3) tels que t1 2 IX1 , t2 2 IX2 . Or IX1 ,
IX2 sont des intervalles, et t0 2 IX pour tout X 2 S. On en déduit que

[t0 , t1 ] ⇢ IX1 , [t0 , t2 ] ⇢ IX2 ,

et par conséquent
[t0 , t1 ] [ [t0 , t2 ] ⇢ IX1 [ IX2 ⇢ Imax .
Or [t1 , t2 ] ⇢ [t0 , t1 ] [ [t0 , t2 ]. (Cette propriété se montre facilement en distinguant le cas où
t0 2 [t1 , t2 ] et le cas où t0 2 / [t1 , t2 ].) Donc [t1 , t2 ] ⇢ Imax .
Deuxième étape : Définition de Xmax . On définit donc Xmax de la façon suivante : soit
t 2 Imax quelconque. Soit X une solution de (2.3) telle que t 2 IX . On pose

Xmax (t) = X(t).

La définition de Xmax ne dépend pas du choix de la solution X telle que t 2 IX . Effective-


ment, si Y 2 S telle que t 2 IY , alors d’après l’unicité du théorème de Cauchy-Lipschitz

X(t0 ) = Y (t0 ) 8t0 2 IX \ IY ,

et en particulier X(t) = Y (t). Donc Xmax est définie de façon univoque.


Troisième étape : Imax est un intervalle ouvert et Xmax est solution de (2.3).
On va montrer que pour tout t̃ 2 Imax quelconque il existe un voisinage de t̃ inclut dans
Imax sur lequel Xmax vérifie l’équation. Comme de plus on a Xmax (t0 ) = x0 par définition
de Xmax (toujours en utilisant le théorème de Cauchy-Lipschitz), on en déduit aussi que
Xmax est bien solution de (2.3).
Si t̃ = t0 on a la propriété ci-dessus grâce au théorème de Cauchy-Lipschitz.
Si t̃ 6= t0 on note Xt̃ = Xmax (t̃). Par définition de Imax , Xmax , il existe une solution X
de (2.3) telle que t̃ 2 IX et X = Xmax sur IX . En particulier [t0 , t̃] ⇢ IX et X(t̃) = Xt̃ .
D’autre part, d’après le théorème de Cauchy-Lipschitz (2.2.6), il existe ⌧˜ > 0 tel que le
problème de Cauchy
X 0 (t) = f (t, X(t)), X(t̃) = Xt̃
possède une unique solution X̃CL sur [t̃ ⌧˜, t̃ + ⌧˜]. Ainsi, on a nécessairement X = X̃CL
sur IX \ [t̃ ⌧˜, t̃ + ⌧˜], et en particulier sur [t0 , t̃] \ [t̃ ⌧˜, t̃ + ⌧˜]. On définit à présent, sur
[t0 , t̃] [ [t̃ ⌧˜, t̃ + ⌧˜],

X(t) si t 2 [t0 , t̃],
X̃(t) =
X̃CL (t) si t 2 [t̃ ⌧˜, t̃ + ⌧˜].
3. Les intervalles sont ici définis au sens large : si a b, l’intervalle [a, b] est égal à l’intervalle [b, a]
2.2. THÉORÈME DE CAUCHY-LIPSCHITZ ET CONSÉQUENCES 23

On vérifie aisément, à l’aide de ce qui précède, que la fonction X̃ est bien définie et qu’elle
est solution de (2.3). Donc X̃ 2 S. En particulier,

[t̃ ⌧˜, t̃ + ⌧˜] ⇢ [t0 , t̃] [ [t̃ ⌧˜, t̃ + ⌧˜] ⇢ Imax . (2.7)

Aussi, on obtient Xmax (t) = X̃(t) pour tout t 2 [t̃ ⌧˜, t̃ + ⌧˜], et donc Xmax est solution de
l’équation
X 0 (t) = f (t, X(t))
sur l’intervalle [t̃ ⌧˜, t̃ + ⌧˜]. On a donc bien obtenu l’existence d’un voisinage de t̃ inclut
dans Imax sur lequel Xmax vérifie l’équation.
Quatrième étape : Xmax est une solution maximale, et c’est l’unique solution maximale.
On observe que si X 2 S, alors IX ⇢ Imax par définition de Imax , et X = Xmax sur
IX par définition de Xmax . Par conséquent, X Xmax pour tout X 2 S. Donc Xmax est
le plus grand élément de S pour la relation d’ordre . Si Y 2 S est aussi une solution
maximale, alors puisque c’est une solution on a Y Xmax , et puisqu’elle est maximale,
par définition on obtient Y = Xmax . Donc Xmax est l’unique solution maximale.

2.2.3 Dichotomie existence globale/explosion


On s’intéresse à présent à des solutions maximales uniquement, et à leur intervalle
d’existence. On va montrer qu’il y a deux cas de figure possible : soit les solutions sont
globales, c’est-à -dire qu’elles sont définies sur R tout entier, soit elles explosent quand elles
approchent du bord de leur intervalle de définition.
On commence pour cela par un lemme très utile :

Lemme 2.2.12. On suppose que les hypothèses du Théorème 2.2.6 sont vérifiées avec
I = R, U = Rm , et on considère une solution maximale Xmax de (2.3), définie sur un
intervalle Imax =]a, b[. On suppose que Xmax est bornée sur un voisinage à gauche de b.
Alors
b = +1.

Démonstration. Raisonnons par l’absurde : supposons que b < 1. Nous allons montrer
dans un premier temps que Xmax admet une limite à gauche en b.
Soit V un voisinage de b sur lequel Xmax est bornée. Il existe donc un intervalle compact
V̄ contenant V . Notons aussi R = supt2V kXmax (t)k < 1. On pose alors

C0 = sup kf (t, Z)k.


t2V̄ ,kZkR

Comme f est de classe C 1 et V̄ est compact, il s’ensuit que C0 est fini. Puisque Xmax est
solution de (2.3), on en déduit que
0
kXmax (t)k  C0 8t 2 V.

D’après l’inégalité des accroissements finis, pour tout t, t0 2 V , on a

kXmax (t) Xmax (t0 )k  C0 |t t0 |.

On en déduit que si (tn )n2N est une suite quelconque de ]a, b[ tendant vers b, alors la suite
(Xmax (tn ))n2N est de Cauchy dans Rm , donc elle est convergente. De surcroît cette limite
24CHAPITRE 2. THÉORIE GÉNÉRALE POUR LES ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

ne dépend pas de la suite (tn )n2N choisie : en effet, si (t̃n )n2N est une autre suite de ]a, b[
tendant vers b, on pose, pour n 2 N,

tk si n = 2k, k 2 N,
⌧n =
t̃k si n = 2k + 1, k 2 N.

On voit alors que (⌧n )n2N est également une suite de ]a, b[ tendant vers b. Par consé-
quent (X(⌧n ))n2N est une suite convergente, et toutes les suites extraites de (X(⌧n ))n2N
convergent vers la même limite. Donc

lim Xmax (tk ) = lim Xmax (t̃k ).


k!1 k!1

Soit Xb 2 Rm la limite commune de toutes les suites (Xmax (tn ))n2N vérifiant les hypothèses
précédentes. On voit aisément que

lim Xmax (t) = Xb .


t!b

Aussi, en utilisant le théorème des accroissements finis et l’équation de Xmax sur [b h, b]


pour h & 0 on obtient que Xmax 0 (b) = f (b, Xmax (b)) donc Xmax est solution du problème
de Cauchy (2.3) sur ]a, b] ce qui est en contradiction avec le fait fait que Xmax soit solution
maximale.

On déduit de ce lemme le résultat suivant :

Proposition 2.2.13 (Dichotomie existence globale/explosion). On suppose que les hypo-


thèses du Théorème 2.2.6 sont vérifiées avec I = R, U = Rm , et on considère une solution
maximale Xmax de (2.3), définie sur un intervalle Imax =]a, b[.
Alors l’une et l’une seulement des deux propriétés suivantes est vérifiée :
(i) soit b = +1 ;
(ii) soit b < 1 et il existe une suite (tn )n2N de Imax telle que limn!1 tn = b et telle que

lim kXmax (tn )k = 1.


n!1

Démonstration. L’une et l’une seulement des deux propriétés suivantes est vérifiée : soit
b = +1, soit b < +1. Pour conclure il suffit de montrer que b < +1 implique l’existence
d’une suite (tn )n2N de Imax telle que limn!1 tn = b et telle que limn!1 kXmax (tn )k = 1.
On suppose donc que b < +1.
Si Xmax est bornée au voisinage de b alors le lemme précédent nous assure que b = +1,
contradiction. Nous sommes donc dans la situation où Xmax n’est pas bornée au voisinage
de b. On remarque que le fait que Xmax n’est pas bornée au voisinage de b s’écrit

¬ (9M > 0, 9V voisinage de b 8t 2 V \]a, b[, kX(t)k < M )

() 8M > 0, 8V voisinage de b, 9t 2 V \]a, b[, kX(t)k M.


En prenant M = n et V = [b n1 , b + n1 ] on obtient une suite tn 2 [b n1 , b + n1 ]\]a, b[ telle
que kX(tn )k n. En particulier, (tn )n2N est une suite de ]a, b[ telle que limn!1 tn = b et
et telle que limn!1 kXmax (tn )k = 1.
2.2. THÉORÈME DE CAUCHY-LIPSCHITZ ET CONSÉQUENCES 25

Exemple 2.2.14. On considère l’équation différentielle

x0 (t) = x2 (t), x(0) = 1.

C’est un problème de Cauchy de la forme (2.3) avec m = 1, t0 = 0, x0 = 1 et autonome


avec f (y) = y 2 . Comme f est une fonction C 1 sur R, on peut appliquer le théorème de
Cauchy-Lipschitz et obtenir une solution maximale xmax du problème de Cauchy ci-dessus,
définie sur un intervalle ouvert Imax contenant 0.
On remarque que la fonction constante égale à zéro sur R est solution de x0 (t) = x2 (t).
Par conséquent, la solution maximale xmax ne s’annule pas sur son intervalle de définition
Imax (ce qui implique d’ailleurs que xmax (t) > 0 pour tout t 2 Imax ). Effectivement, s’il
existait t1 2 Imax tel que xmax (t1 ) = 0 alors d’après l’unicité du théorème de Cauchy-
Lipschitz appliqué au problème de Cauchy avec donnée initiale égale à 0 en t1 on obtiendrait
que xmax coïncide avec la fonction nulle sur Imax \ R, donc en particulier en t0 , ce qui
n’est pas le cas puisque xmax (0) = 1.
Pour tout t 2 Imax , on a donc
x0max
(t) = 1,
x2max
et en intégrant entre 0 et t
1
1 =t 8t 2 Imax ,
xmax (t)

ce qui nous donne déjà l’information 1 2


/ Imax et on a
1
xmax (t) = 8t 2 Imax .
1 t
Comme Imax est un intervalle ouvert ]a, b[ contenant 0 mais pas 1 donc 1  a < 0 et
0 < b  1. D’autre part, comme la fonction 1 1 t est bornée au voisinage de tout point de
] 1, 1[ on conclut par la proposition précédente que a = 1 et que b = 1, donc

Imax =] 1, 1[.

Plus généralement, pour une donnée initiale x(0) = x0 on trouve de la même façon que
8 1 1
> x1 t , Imax =] 1, x0 [, si x0 > 0,
>
< 0
xmax (t) = 0, Imax = R, si x0 = 0,
>
> 1
: 1 ,I
t max
=] x10 , 1[, si x0 > 0,
x0

En représentant dans le même repère plusieurs telles solutions, voir dessin ci-dessous, nous
remarquons deux choses : par tout point du plan passe une solution (grâce à l’existence du
théorème de Cauchy-Lipschitz), et les solutions ne se croisent pas (grâce à l’unicité du

théorème de Cauchy-Lipschitz).
26CHAPITRE 2. THÉORIE GÉNÉRALE POUR LES ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

2.3 Quelques résultats plus avancés


Dans le cas des équations autonomes, le théorème de Cauchy-Lipschitz a plusieurs
conséquences frappantes. Un premier exemple est une propriété de périodicité en temps,
qui sera utilisée plus tard dans les exemples du pendule simple et du système de Lotka-
Volterra.
Proposition 2.3.1. Soit f 2 C 1 (Rm , Rm ), t0 2 R, X0 2 Rm . On considère le problème de
Cauchydifférentielle
X 0 (t) = f (X(t)),
(2.8)
X(t0 ) = X0 .
Soit X la solution maximale de (2.8), et soit Imax son intervalle (ouvert) de définition.
On suppose qu’il existe T 2 R⇤ tel que t0 + T 2 Imax et tel que

X(t0 + T ) = X0 .

Alors Imax = R et X est périodique de période |T |.


Démonstration. Notons Imax =]a, b[. On définit

X̃(t) = X(t + T ), 8t 2]a T, b T [.

Alors X̃ est une fonction C 1 , X̃(t0 ) = X(t0 + T ) = X0 , et

X̃ 0 (t) = X 0 (t + T ) = f (X(t + T )) = f (X̃(t)).

Donc X̃ est solution de (2.8). Comme X est la solution maximale, on en déduit que

]a T, b T [⇢]a, b[,
X̃(t) = X(t) 8t 2]a T, b T [.

Pour fixer les idées, à ce stade, supposons T > 0 (le raisonnement est strictement
analogue si T < 0). D’après la première propriété nécessairement inf Imax = 1 et I est
de la forme ] 1, b[. On déduit de la deuxième propriété que

X(t) = X(t + T ) 8t 2] 1, b T [,

ce qui s’écrit encore


X(t T ) = X(t) 8t 2] 1, b[.
En vertu du lemme 2.2.12, on voit que nécessairement b = +1. En effet, si on a b < +1,
alors 9tn 2] 1, b[, limn!1 tn = b et telle que limn!1 kX(tn )k = 1. Mais d’autre part,

lim X(tn ) = lim X(tn T ) = X(b T ) 2 Rm ,


n!1 n!1
constradiction.
Donc Imax = R et X est T -périodique.

Comme conséquence immédiate de l’unicité du théorème de Cauchy-Lipschitz local on


obtient la propriété suivante de non-croisement. Si f : I ⇥ Rm ! Rm est de classe C 1 et si
X, X̃ sont des solutions de l’équation

X 0 (t) = f (t, X(t)),


2.3. QUELQUES RÉSULTATS PLUS AVANCÉS 27

˜ telles qu’il existe t1 2 I \ I˜ pour lequel X(t1 ) = X̃(t1 ) alors


d’intervalles de définition I, I,
X(t) = X̃(t) pour tout t 2 I \ I. ˜
Pour des solutions à valeurs réelles, l’unicité des solutions a une autre conséquence
remarquable : le fait que les solutions sont ordonnées.

Proposition 2.3.2 (Solutions ordonnées). Soit f : I ⇥ R ! R de classe C 1 . On considère


deux solutions x, x̃ de l’équation

x0 (t) = f (t, x(t)),


˜ On suppose qu’il existe t0 2 I \ I˜ tel que
d’intervalles de définition I, I.

x(t0 ) < x̃(t0 ).

Alors
x(t) < x̃(t) ˜
8t 2 I \ I.

Démonstration. Raisonnons par l’absurde et supposons qu’il existe t1 2 I \ I˜ tel que

x(t1 ) x̃(t1 ).

De deux choses l’une : soit x(t1 ) = x̃(t1 ), soit x(t1 ) > x̃(t1 ), et dans ce cas il existe
t2 2]t0 , t1 [ tel que x(t2 ) = x̃(t2 ), grâce au théorème des valeurs intermédiaires appliqué
à la fonction x(t) x̃(t). Dans tous les cas, on obtient l’existence de t2 2 I \ I˜ tel que
x(t2 ) = x̃(t2 ) =: x0 . Il s’ensuit que x et x̃ sont deux solutions du problème de Cauchy avec
donnée initiale x0 à t2 , donc par l’unicité du théorème de Cauchy-Lipschitz local on obtient
que x(t) = x̃(t) pour tout t 2 I \ I. ˜ Or par définition t0 2 I \ I.
˜ Donc x(t0 ) = x̃(t0 ) ce qui
contredit l’hypothèse.

On va à présent donner quelques conditions pour que les solutions de l’équation (2.3)
soient globales, c’est-à dire définies sur R. Pour cela, il convient de considérer des champs
de vecteurs b tels que b est défini sur R ⇥ U , avec U ouvert de Rm (autrement l’équation
n’a pas de sens !). Remarquons que l’on sait déjà que si une solution est bornée, alors elle
est globale (cf. Lemme 2.2.12). Ce lemme se généralise de la façon suivante :

Lemme 2.3.3. Soit f : R ⇥ Rm ! Rm une fonction de classe C 1 , t0 2 R, et X0 2 Rm . On


considère la solution maximale Xmax de l’équation (2.3), définie sur un intervalle Imax .
On suppose qu’il existe une fonction h : R ! R+ , continue, telle que

kXmax (t)k  h(t) 8t 2 Imax .

Alors Imax = R.

Démonstration. On raisonne par l’absurde et on suppose que sup Imax 2 R. On pose

K = [t0 , sup Imax ].

K est un intervalle compact et un voisinage à gauche de sup Imax . Comme h est continue
sur R, h est bornée sur K.
En utilisant l’hypothèse du lemme, on en déduit que Xmax est bornée sur K. D’après
le lemme 2.2.12, sup Imax = +1 : absurde.
De même, on montre que inf Imax = 1.
28CHAPITRE 2. THÉORIE GÉNÉRALE POUR LES ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

On va ensuite utiliser des propriétés structurelles de l’équation (ou plus spécifiquement,


du champ de vecteurs f ) qui assurent que l’on a une solution globale. Pour cela on utilise
le résultat suivant :
Lemme 2.3.4. [Lemme de Gronwall - forme différentielle] Soit I un intervalle de R,
', : I ! R des fonctions telles que ' est de classe C 1 et est continue. On suppose qu’il
existe une constante C telle que
'0 (t)  (t)(C + '(t)) 8t 2 I.
Alors pour tout t t0 dans I, on a
Rt ⇣ Rt ⌘
'(t)  '(t0 )e t0 (s)ds
+ C e t0 (s)ds
1 .

Démonstration. On remarque que pour tout t 2 I, on a


'0 (t) (t)'(t)  C (t).
Rt
On multiplie cette inégalité par e t0 (s)ds (on remarque que cette quantité est toujours
positive). On obtient alors
d ⇣ Rt ⌘ d ⇣ Rt ⌘
'(t)e t0 (s)ds  C e t0 (s)ds 8t 2 I. (2.9)
dt dt
On intègre cette inégalité entre t0 et t :
Rt ⇣ Rt ⌘
'(t)e t0 (s)ds
'(t0 )  C e t0 (s)ds
+1 .
⇣R ⌘
t
En multipliant de nouveau par exp t0 (s)ds , on obtient l’estimation annoncée. 4

Corollaire 2.3.5. Soit I un intervalle de R, ', : I ! R des fonctions telles que ' est
de classe C 1 et est continue. On suppose qu’il existe une constante C telle que
|'0 (t)|  (t)(C + '(t)) 8t 2 I.
Alors pour tout t, t0 dans I, on a
R max{t,t0 } ✓ R max{t,t0 } ◆
0 min{t,t0 }
(s)ds min{t,t0 }
(s)ds
'(t)  '(t )e +C e 1 .

Démonstration. Pour t t0 l’inégalité voulue est exactement celle de Gronwall. Pour t  t0


on applique aussi Gronwall aux fonctions ', avec la constante C car on a
'0 (t)  (t)(C + '(t)) = (t)( C '(t)) 8t 2 I.
On obtient ainsi, pour t0 t
R t0
✓ R 0 ◆
t
'(t0 )  '(t)e t ( (s))ds
C et ( (s))ds
1 ,

R t0
ce qui nous donne, en multipliant par e t (s)ds
, l’inégalité de l’énoncé.

Rt ⇣ Rt ⌘
4. On peut aussi remarquer que la fonction x(t) = '(t0 )e t0
(s)ds
+ C e t0 (s)ds
1 vérifie x0 (t) =
Rt
(t)(C + x(t)) avec x(t0 ) = '(t0 ). Comme (' x)0  (' x) on a que la fonction ('(t) x(t))e t0
(s)ds

est décroissante et vaut 0 en t0 , donc on conclut que '(t)  x(t) pour tout t t0 .
2.4. TRACÉ DES TRAJECTOIRES DE SOLUTIONS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES29

On arrive finalement au résultat suivant, dont les hypothèses ne portent que sur la
forme de l’équation :

Théorème 2.3.6 (Théorème de Cauchy-Lipschitz global). Soit f : R ⇥ Rm ! Rm de


classe C 1 . On suppose qu’il existe une fonction continue : R ! R+ telle que

kf (t, X)k  (t)(1 + kXk) 8(t, X) 2 R ⇥ Rm .

Soit t0 2 R, X0 2 Rm , et soit Xmax la solution maximale de l’équation (2.3), définie


sur un intervalle Imax . Alors Imax = R.

Démonstration. Quitte à modifier la fonction en la multipliant par une constante, on


peut toujours supposer que k · k est la norme euclidienne. On pose alors

'(t) = kXmax (t)k2 .

La fonction ' est de classe C 1 sur Imax , et pour tout t 2 Imax , on a, en utilisant l’équation
puis l’inégalité de Cauchy-Schwarz

'0 (t) = 2hXmax(t) , Xmax (t)i = 2hf (t, Xmax (t)), Xmax (t)i (2.10)
p
|'0 (t)|  2 (t)(1 + kXmax (t)k)kXmax (t)k = 2 (t)( '(t) + '(t)). (2.11)

En utilisant l’inégalité
1 a2
a + 8a 2 R,
2 2
p
avec a = '(t) on obtient finalement, pour tout t 2 Imax ,
✓ ◆ ✓ ◆
0 1 3 1
' (t)  2 (t) + '(t) = 3 (t) + '(t) .
2 2 3

En utilisant le Corollaire 2.3.5 du Lemme de Gronwall, on déduit


p
kXmax (t)k = '(t)  g(t) 8t 2 Imax ,

avec
✓ R max{t0 ,t} ✓ R max{t0 ,t} ◆◆ 1
3 (s)ds 1 3 (s)ds 2
g(t) = '(t0 )e min{t0 ,t} + e min{t0 ,t} 1 .
3
Comme g est continue sur R, en utilisant le Lemme 2.3.3, on en déduit que Imax = R.

2.4 Tracé des trajectoires de solutions d’équations différen-


tielles
2.4.1 Un peu de vocabulaire
Définition 2.4.1. On dit qu’une équation différentielle est autonome lorsqu’elle peut
s’écrire sous la forme
x(n) (t) = f (x(t), x0 (t), · · · , x(n 1) (t)),
avec f : Rm ⇥ · · · ⇥ Rm ! Rm . Autrement dit, la fonction f intervenant dans l’équation
différentielle ne dépend pas explicitement du temps.
30CHAPITRE 2. THÉORIE GÉNÉRALE POUR LES ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

Exemple 2.4.2. Donner ici des exemples dans lesquels on identifie la fonction f : cas
autonomes et non autonomes.
Remarquons qu’on peut transformer une EDO non-autonome

X 0 (t) = f (t, X(t)),

en une EDO autonome, en considérant comme inconnue Y (t) = (t, X(t)) 2 Rm+1 qui
satisfait l’équation
Y 0 (t) = g(Y (t)),
avec g définie sur Rm+1 par
g(Z) = (1, f (Z)).
Définition 2.4.3. Un champ de vecteurs de régularité C k est une application f : Rm !
Rm de classe C k , définie par ses m composantes
0 1 0 1
x1 f1 (x1 , · · · xm )
f : @ ... A 7! @ ..
B C B C
. A.
xm fm (x1 , · · · xm )

Si m = 2 (et éventuellement si m = 3), on peut représenter un champ de vecteurs


en traçant, en un nombre fini mais élevé de points (x1 , x2 ) (ou (x1 , x2 , x3 )), le vecteur de
coordonnées (f1 (x1 , x2 ), f2 (x1 , x2 )).
Par ailleurs, si m = 2, on peut aussi s’intéresser à l’équation différentielle autonome

X 0 (t) = f (X(t)).

Soit X0 2 R2 tel que f (X0 ) = (0, 0). On vérifie alors que X(t) = X0 est une solution
globale de l’équation. Son tracé dans le plan est juste le point X0 .
Soit X0 2 R2 tel que f (X0 ) 6= (0, 0). Soit X une solution de l’équation différentielle
précédente telle que X(t0 ) = X0 pour un certain t0 2 R. Il découle que le vecteur f (X0 ) est
un vecteur tangent à la courbe paramétrée C = {(x, y) 2 R2 , 9t 2 R, (x, y) = X(t)}. Ainsi
la représentation du champ de vecteurs F évoquée ci-dessus donne une idée de l’allure des
courbes représentant les solutions de l’équation différentielle : on trace les courbes en se
laissant guider par le champ de vecteurs.
Définition 2.4.4. Les solutions de l’équation différentielle X 0 (t) = f (X(t)) sont appelées
courbes intégrales du champ de vecteurs f .
Nous allons voir au chapitre suivant que nous pouvons tracer facilement dans le plan
les trajectoires des solutions d’équations linéaires à coefficients constants d’ordre 1, vecto-
rielles avec m = 2. Ceci est grâce au fait que nous saurons résoudre explicitement l’équation.

Dans le cas général une telle précision n’est pas attendue, mais nous pouvons, selon
les cas, avoir une idée de l’allure du tracé de solutions. Dans la suite nous allons nous
restreindre au cas d’équations différentielles scalaires.

2.4.2 Contraintes sur les solutions scalaires


Dans ce dernier sous-chapitre nous donnons quelques pistes pour comprendre l’allure
du tracé de solutions d’équations différentielles scalaires

x0 (t) = f (t, x(t)).


2.4. TRACÉ DES TRAJECTOIRES DE SOLUTIONS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES31

a) Étude du champ de directions.


Dans le cas d’équations différentielles scalaires les valeurs de la fonction f vont définir le
champ de directions de l’équation. Plus précisément, la valeur f (t0 , x0 ) va être la pente
de la tangente à t0 au graphe de la solution du problème de Cauchy avec donnée initiale
x(t0 ) = x0 . Ainsi, en dessinant en plusieurs points du plan (t, y) des traits de pente f (t, y)
nous allons avoir une idée de l’allure du tracé des solutions de l’équation x0 (t) = f (t, x(t)) :
on trace les courbes en se laissant guider par le champ de directions.
Par exemple, si f (t0 , x0 ) > 0 alors la solution x de l’équation, telle que x(t0 ) = x0 , est
strictement croissante localement en t0 . Il est utile donc des savoir quelles sont les endroits
du plan où f prend des valeurs strictement positives, et celles où f prend des valeurs
strictement négatives. Pour trouver ces zones il convient de déterminer les endroits où f
s’annule.
Dans ce même esprit, il est utile de comprendre quels sont les endroits où le champs de
directions a la même pente :
Définition 2.4.5. Soit a 2 R. On appelle isocline de la pente a de l’équation x0 (t) =
f (t, x(t)) l’ensemble des points (t, y) tels que f (t, y) = a.

Exemples : dessiner des tracés de solutions des ODE suivantes : x0 (t) = x(t), x0 (t) =
2x2 (t), x0 (t)
= t(2t2 x(t)).

b) Recherches de symétries.
— Si f (t, y) = f (t, y) alors si x(t) est solution avec x(t0 ) = x0 , x̃(t) = x(t) est aussi
une solution de l’équation satisfaisant x̃(t0 ) = x0 . Il s’ensuit qu’il suffit de tracer
les solutions seulement dans le demi-plan supérieur, et faire après une symétrie par
rapport à l’axe des abscises (comme c’est le cas pour x0 (t) = x(t)).
— Si f ( t, y) = f (t, y) alors si x(t) est solution avec x(t0 ) = x0 , x̃(t) = x( t) est
aussi une solution de l’équation satisfaisant x̃( t0 ) = x0 . Il s’ensuit qu’il suffit de
tracer les solutions seulement dans le demi-plan d’abscisses positives t 0, et faire
après une symétrie par rapport à l’axe des ordonnés (comme c’est le cas pour x0 (t) =
t(2t2 x(t))).
— Si f ( t, y) = f (t, y) alors si x(t) est solution avec x(t0 ) = x0 , x̃(t) = x( t) est
aussi une solution de l’équation satisfaisant x̃( t0 ) = x0 . Il s’ensuit qu’il suffit de
tracer les solutions seulement dans un demi-plan délimité par une droite passant par
l’origine, et faire après une symétrie par rapport à l’origine (comme c’est le cas pour
x0 (t) = 2x2 (t)).

c) Sur-solutions et sous-solutions, pièges à solutions scalaires.

Définition 2.4.6. On appelle sur-solution ou barrière supérieure de l’équation


x0 (t) = f (t, x(t))
toute fonction u : I ! U ⇢ R de classe C 1 telle que
u0 (t) f (t, u(t)), 8t 2 I.
De même, on appelle sous-solution ou barrière inférieure de l’équation toute fonction
v : I ! U ⇢ R de classe C 1 telle que
v 0 (t)  f (t, v(t)), 8t 2 I.
32CHAPITRE 2. THÉORIE GÉNÉRALE POUR LES ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

Par exemple si f est la fonction nulle, toute fonction u croissante est une exemple de
barrière strictement supérieure et toute fonction v décroissante est une exemple de barrière
strictement inférieure. Par exemple dessiner u(t) = t, v(t) = t, (t0 , x0 ) = (2, 1), x(t) = 1.

Une façon naturelle de trouver des sur-solutions est de trouver une fonction f˜ telle que
f (t, y) f (t, y) et telle qu’on sache résoudre explicitement l’équation u0 (t) = f˜(t, u(t)) (et
˜
similairement pour les sous-solutions).

Nous allons montrer maintenant que toute solution qui se trouve sous une sur-solution
à t0 ne pourra jamais la dépasser pour t > t0 , et similairement pour les sous-solutions. Par
ailleurs notons que le Lemme 2.3.4 de Gronwall en est une conséquence.

Proposition 2.4.7. Soit I un intervalle ouvert de R, U un ouvert de R, et soit (t0 , x0 ) 2


I ⇥ U . Soit f : I ⇥ U ! Rm une fonction C 1 , et soit x une solution sur ]↵, [ du problème
de Cauchy avec donnée initiale x(t0 ) = x0 . Nous avons les contraintes suivantes :
Si u :]↵, [! U est une sur-solution et x(t0 )  u(t0 ) alors x(t)  u(t), 8t 2 [t0 , [.
Si v :]↵, [! U est une sous-solution et x(t0 ) v(t0 ) alors x(t) v(t), 8t 2 [t0 , [.
En particulier, si x est piégée à t0 entre une sous-solution et une sur-solution, elle reste
piégée pour tout t 2 [t0 , [.

Démonstration. On considère l’ensemble non-vide

A = {t 2 [t0 , [, x(t0 )  u(t0 ), 8t0 2 [t0 , t]},

et on note
t+ = sup A.
On veut montrer que t+ = . On suppose par absurde que t+ < . En particulier ceci
implique que t+ < +1. D’après la définition de la borne supérieure, il existe une suite qui
n!1
l’approche à travers l’ensemble : 9tn 2 A, tn ! t+ . Ceci implique x(tn )  u(tn ) et par
continuité x(t+ )  u(t+ ). Si on avait x(t+ ) < u(t+ ) alors par continuité cette propriété
resterait vraie dans un voisinage de t+ ce qui contredirait le fait que t+ = sup A. On obtient
donc que
x(t+ ) = u(t+ ).
Ceci implique en utilisant l’hypothèse :

u0 (t+ ) f (t+ , u(t+ )) = f (t+ , x(t+ )) = x0 (t+ ) =) (u x)0 (t+ ) 0.

Si (u x)0 (t+ ) > 0, ce qui est le cas si u0 (t+ ) > f (t+ , u(t+ )), par continuité on obtient
que (u x)0 est strictement positive dans un voisinage de t+ , donc localement croissante,
donc en particulier (u x)(t) > (u x)(t+ ) = 0 sur un voisinage à droite de t+ , en
contradiction avec le fait que t+ = sup A. Ainsi, nous obtenons t+ = donc la conclusion
de la proposition dans le cas de toute sur-solution stricte, c’est-à-dire u0 (t) > f (t, u(t)), 8t 2
]↵, [. La preuve est similaire pour le cas des sous-solutions strictes en considérant la borne
supérieure de l’ensemble {t 2 [t0 , [, v(t0 )  x(t0 ), 8t0 2 [t0 , t]}. Nous allons nous appuyer
sur ce résultat pour déduire le cas général.
Il nous reste à traiter le cas (u x)0 (t+ ) = 0. Pour tout ✏ 2]0, 1] on considère le problème
de Cauchy (
x0✏ (t) = f (t, x✏ (t)) ✏,
(2.12)
x✏ (t+ ) = x(t+ ).
2.4. TRACÉ DES TRAJECTOIRES DE SOLUTIONS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES33

La fonction f✏ (t, y) = f (t, y) ✏ étant encore de classe C 1 , nous pouvons appliquer le


théorème de Cauchy-Lipschitz pour obtenir l’existence d’une solution x✏ . En ce qui concerne
son temps d’existence, on remarque que si M est un majorant de kf k sur [t+ a, t+ +
a] ⇥ B(x(t+ ), b) alors M + 1 est un majorant de kf✏ k sur [t+ a, t+ + a] ⇥ B(x(t+ ), b). En
vue du choix du temps d’existence de la solution dans la démonstration du théorème de
Cauchy-Lipschitz, nous obtenons un ⌧ > 0 tel que

(t, x✏ (t)) 2 [t+ a, t+ + a] ⇥ B(x(t+ ), b), 8t 2 [t+ , t+ + ⌧ ], 8✏ 2]0, 1].

Il s’ensuit que 8t 2 [t+ , t+ + ⌧ ], 8✏ 2]0, 1]


Z t
|x(t) x✏ (t)| = f (s, x(s)) f (s, x✏ (s)) + ✏ds
t+
Z t
 K|x(s) x✏ (s)|ds + ✏⌧  K⌧ sup |x(s) x✏ (s)| + ✏⌧.
t+ s2[t+ ,t+ +⌧ ]

En prenant ⌧ < 1
K on a
✏⌧
sup |x(s) x✏ (s)|  , 8✏ 2]0, 1],
s2[t+ ,t+ +⌧ ] 1 K⌧

donc
✏⌧
x(t)  x✏ (t) + , 8t 2 [t+ , t+ + ⌧ ], 8✏ 2]0, 1].
1 K⌧
D’autre part u est une sur-solution stricte de l’équation du problème de Cauchy (2.12),
avec u(t+ ) = x(t+ ) = x✏ (t+ ), donc

x✏ (t)  u(t), 8t 2 [t+ , t+ + ⌧ ], 8✏ 2]0, 1].

On obtient donc finalement


✏⌧
x(t)  u(t) + , 8t 2 [t+ , t+ + ⌧ ], 8✏ 2]0, 1].
1 K⌧
Comme ceci est vrai pour tout ✏ 2]0, 1], en faisant ✏ tendre vers zéro on obtient

x(t)  u(t), 8t 2 [t+ , t+ + ⌧ ].

Ceci est en contradiction avec la définition de t+ , donc t+ = et

x(t)  u(t), 8t 2 [t+ , [.

La preuve que toute solution qui se trouve au-dessus d’une sous-solution à t0 ne pourra
jamais la croiser pour t > t0 est similaire.
34CHAPITRE 2. THÉORIE GÉNÉRALE POUR LES ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES
Chapitre 3

Systèmes d’équations différentielles


linéaires et portraits de phases

Un système d’équations différentielles linéaire est une équation du type

X (n) (t) = A0 (t)X(t) + A1 (t)X 0 (t) + · · · + An 1 (t)X


(n 1)
(t),

où X : R ! Rm est l’inconnue, et A0 , · · · An 1 : R ! Mm (R) sont données.


Nous commençons ce chapitre par un rappel sur la résolution des cas m = 1 et n =
2 (équation scalaire d’ordre 2). Ensuite on se concentrera sur le cas plus général m =
2 et n = 1 (équations à valeurs vectorielle R2 d’ordre 1, c’est-à-dire systèmes de deux
équations scalaires d’ordre 1), en gardant en tête que les cas m, n quelconques se traitent
de façon analogue. On expliquera en particulier comment calculer à l’aide de la notion
d’exponentielle de matrice les solutions dans le cas où A0 , · · · An 1 ne dépendent pas de t,
et on présentera dans ce cas simple les tracés des solutions.

3.1 Équation différentielle linéaire d’ordre 2


On considère dans ce paragraphe des équations de la forme

x00 (t) + a(t)x0 (t) + b(t)x(t) = h(t), (3.1)

où a, b, h : R ! R sont des fonctions de classe C 1 .

Passage à un système d’équations d’ordre un


On considère à présent une solution x : R ! R de l’équation (3.1). On pose, pour
t 2 R, ✓ ◆
x(t)
X(t) = 2 R2 .
x0 (t)
On vérifie alors que
✓ ◆ ✓ ◆✓ ◆ ✓ ◆
0 x0 (t) 0 1 x(t) 0
X (t) = = + .
x00 (t) b(t) a(t) x0 (t) h(t)

Posons ✓ ◆ ✓ ◆
0 1 0
A(t) = , F (t) = .
b(t) a(t) h(t)

35
36CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

La matrice A et le vecteur F sont des données du problème. La fonction X : R ! R2 est


solution de
X 0 (t) = A(t)X(t) + F (t). (3.2)
On s’est donc ramené d’une équation différentielle scalaire (c’est-à -dire dont l’inconnue
est à valeurs réelles) d’ordre 2 à un système de deux équations différentielles d’ordre un.
Réciproquement, soit X une solution de (3.2). On note (x1 , x2 ) les coordonnées de X.
On a alors ✓ 0 ◆ ✓ ◆✓ ◆ ✓ ◆
x1 (t) 0 1 x1 (t) 0
= + .
x02 (t) b(t) a(t) x2 (t) h(t)
En particulier, x01 (t) = x2 (t) et

x02 (t) = b(t)x1 (t) a(t)x2 (t) + h(t).

Donc x1 est solution de (3.1). On a donc démontré le résultat suivant :


✓ ◆
x(t)
Proposition 3.1.1. Soit x : R ! R une fonction de classe C2. Soit X : t 2 R 7! 2
x0 (t)
R2 . Alors
x est solution de (3.1) , X est solution de (3.2).

Remarque 3.1.2. De façon générale, et avec la même méthode, on peut montrer qu’une
équation différentielle scalaire linéaire d’ordre n se ramène à un système linéaire de n
équations différentielles d’ordre un, et qu’un système linéaire de m équations d’ordre n se
ramène à un système linéaire de m ⇥ n équations différentielles d’ordre un.
Cette méthode permet, dans le cas linéaire, de restreindre l’étude au cas des systèmes
d’ordre un. Aussi, dans la suite de cette partie, on étudiera uniquement des systèmes de
deux équations linéaires d’ordre un (cas m = 2, n = 1).

Le résultat suivant découle du théorème de Cauchy-Lipschitz :

Théorème 3.1.3. Soit t0 2 R, et soit x0 , x1 2 R. Alors il existe une unique solution de


(3.1) telle que
x(t0 ) = x0 , x0 (t0 ) = x1 . (3.3)
Cette solution est définie sur R.

Dans la quasi-totalité de ce chapitre, on se concentre sur le cas où les fonctions a et b


de (3.1) sont constantes.

Résolution dans le cas des coefficients constants


On considère tout d’abord des équations de la forme

x00 (t) + ax0 (t) + bx(t) = 0, (3.4)

où a, b 2 R. L’enjeu est donc ici de trouver une expression explicite pour la solution de
(3.4) munie de la condition (3.3) : en effet, si on arrive à trouver une solution particulière
de (3.4) vérifiant les bonnes conditions initiales en t = t0 , le théorème ci-dessus assure que
cette solution particulière est en réalité l’unique solution.
L’idée est de chercher des solutions comme des combinaisons linéaires de exp( t).
3.1. ÉQUATION DIFFÉRENTIELLE LINÉAIRE D’ORDRE 2 37

Théorème 3.1.4. Soit a, b, x0 , x1 2 R. On note x la solution de l’équation (3.4) munie


des conditions initiales (3.3).
Soit := a2 4b. On considère l’équation suivante, appelée équation caractéristique de
(3.4) :
2
+ a + b = 0. (3.5)
— Premier cas : 6= 0 : on note 1 , 2 les deux racines distinctes de l’équation (3.5).
Si les racines sont réelles alors il existe A1 , A2 2 R tels que
1t 2t
x(t) = A1 e + A2 e .

Si les racines sont complexes, alors il existe A1 , A2 2 C tels que


1t 2t
x(t) = A1 e + A2 e ,

et si on note 1 =↵+i , 2 =↵ i , alors il existe C1 , C2 2 R tels que

x(t) = et↵ (C1 cos( t) + C2 sin( t)).

— Deuxième cas : = 0 : soit 0 l’unique racine réelle de (3.5) (il s’agit d’une racine
double). Alors il existe A, B 2 R tels que
0t
x(t) = (At + B)e .

Démonstration. Première étape : les fonctions de la forme A1 e 1t + A2 e 2t (si 6= 0) ou


(At + B)e 0 t (si = 0) sont solutions de (3.4).
On pose
h(t) = A1 e 1 t + A2 e 2 t si 6= 0,
et
0t
h(t) = (At + B)e si = 0.
La fonction h ainsi définie est de classe C 1 . Dans le premier cas ( 6= 0), on vérifie que

h00 (t) + ah0 (t) + bh(t)


⇣ ⌘ ⇣ ⌘ ⇣ ⌘
= A1 21 e 1 t + A2 22 e 2 t + a A1 1e
1t
+ A2 2e
2t
+ b A1 e 1t
+ A2 e 2t

1t 2 2t 2
= A1 e 1 +a 1 + b + A2 e 2 +a 2 +b
= 0

puisque 1 , 2 sont solutions de l’équation caractéristique.


Dans le second cas ( = 0),

h0 (t) = ( 0 At + 0B + A)e 0t
,
h00 (t) = ( 2
0 At + 2
0B +2 0 A)e
0t
,

et donc en utilisant le fait que 0 = a/2,

h00 (t) + ah0 (t) + bh(t)


⇥ ⇤
= e 0 t 20 At + 20 B + 2 0 A + a( 0 At + 0 B + A) + b(At + B)
⇥ ⇤
= e 0 t At( 20 + a 0 + b) + B( 20 + a 0 + b) + A(2 0 + a)
= 0.
38CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

Deuxième étape : on peut choisir les coefficients A1 , A2 (cas 6= 0) ou A, B (cas = 0)


pour que les conditions initiales soient vérifiées.
Il s’agit de montrer que les systèmes linéaires
1 t0 2 t0
A1 e + A2 e = x0 ,
(3.6)
1 t0 2 t0
A1 1e + A2 2e = x1

dans le cas 6= 0, ou
0 t0
(At0 + B)e = x0 ,
(3.7)
0 t0
( 0 At0 + 0B + A)e = x1
dans le cas 6= 0 admettent une unique solution dans C2 .
Le déterminant du système (3.6) est ( 2 1 )e
( 1 + 2 )t0 , qui est donc non nul puisque

1 6= 2 . Celui du système (3.7) (qui a pour inconnues A et B) est e


2 0 t0 , qui est également

non nul. Chacun des deux systèmes ci-dessus admet une unique solution dans C2 .
À ce stade, on a montré que l’on peut choisir des coefficients A1 , A2 , A, B de telle sorte
que h soit une solution de (3.4) munie de la condition initiale (3.3). Il reste à montrer que
la fonction h est à valeurs réelles.
Troisième étape : les coefficients A1 , A2 , A, B définis ci-dessus sont tels que la solution
trouvée est à valeurs réelles.
Tout d’abord, si > 0 (resp. si = 0), les racines 1 , 2 sont réelles (resp. 0 2 R),
donc la solution de (3.6) (resp. de (3.7)) est dans R2 . Dans ces cas il est donc clair que
h(t) 2 R pour tout t.
Il reste à examiner le cas < 0. Dans ce cas les deux racines 1 , 2 appartiennent
à C \ R et sont des nombres complexes conjugués. En prenant le conjugué du système (3.6)
et en utilisant le fait que
¯ 1 = 2 , e 1 t0 = e 2 t0 ,

on en déduit que (Ā2 , Ā1 ) est solution du même système que (A1 , A2 ). Par unicité des
solutions du système (3.6), on obtient A2 = Ā1 , et donc
⇣ ⌘
h(t) = A1 e 1 t + A2 e 2 t = 2< A1 e 1 t .

En particulier on peut réécrire h(t) en utilisant la notation 1 =↵+i :

h(t) = et↵ (C1 cos( t) + C2 sin( t)),

avec C1 , C2 2 R.
Quatrième étape : conclusion.
Ainsi h : R ! R est une solution réelle de (3.4) qui vérifie (3.3). D’après le théorème
3.1.3, x = h.

3.2 Systèmes d’équations d’ordre un à coefficients constants


Les paragraphes qui viennent sont dédiés à l’étude de systèmes d’équations différen-
tielles du type
X 0 (t) = AX(t) + B(t),
avec X : R ! R2 , A 2 M2 (R), B : R ! R2 .
On parle de système à coefficients constants pour souligner le fait que la matrice A
ne dépend pas de t. Si B = 0, le système est dit homogène, et son étude fait l’objet du
3.2. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS D’ORDRE UN À COEFFICIENTS CONSTANTS 39

paragraphe suivant. Si B 6= 0, le système est non-homogène, et son étude fera l’objet du


paragraphe 3.2.3.
On rappelle que si a 2 R, les solutions de l’équation

y 0 (t) = ay(t)

sont de la forme y(t) = y0 eat . L’idée pour résoudre des systèmes d’équations est d’utiliser
la généralisation aux matrices de M2 (R) de la définition de l’exponentielle d’un nombre
réel x 2 R comme série absolument convergente :
xn
ex = ⌃+1
n=0 .
n!

3.2.1 Rappels sur l’exponentielle d’une matrice


Théorème 3.2.1 (Exponentielle de matrice). Soit A 2 M2 (C). Pour n 2 N, on définit
n
X Ak
Mn = 2 M2 (C).
k!
k=0

On note, pour n 2 N, ✓ ◆
a n bn
Mn = .
c n dn
Alors les suites (an )n2N , (bn )n2N , (cn )n2N , (dn )n2N sont convergentes. On note ā, b̄, c̄, d¯
leurs limites respectives. On définit l’exponentielle de la matrice A, et on note exp(A)
ou eA , la matrice définie par ✓ ◆
ā b̄
eA = .
c̄ d¯

Remarque 3.2.2. Ce théorème, ainsi que l’ensemble des résultats qui suivent concernant
l’exponentielle de matrice, peuvent se généraliser pour des matrices de dimension quel-
conque (et donc à des équations différentielles à coefficients constants d’ordre arbitraire-
ment grand).
Proposition 3.2.3 (Propriétés de l’exponentielle de matrice). Soit A 2 M2 (C), et soit
, µ 2 C. On note 02 2 M2 (R) la matrice nulle, I2 la matrice identité. Nous avons les
propriétés suivantes :
a) e02 = I2 ,
b) AeA = eA A,
c) e A eµA = e( +µ)A = eµA e A,

d) eA e A = I2 ,
tA
e) e = t (eA ).
Remarque 3.2.4. Attention, en général on n’a pas

eA eB = eA+B .

Cette propriété n’est vraie que si les matrices A et B commutent, c’est-à-dire si AB = BA.
Voici un contre-exemple :
✓ ◆ ✓ ◆
0 1 0 0
A= , B= .
0 0 1 0
40CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

On vérifie alors aisément que A2 = B 2 = 0. Par suite Ak = B k = 0 pour tout k 2. On


obtient donc
eA = I2 + A, eB = I2 + B.
D’autre part ✓ ◆ ✓ ◆
1 0 0 0
AB = , BA = .
0 0 0 1
On en déduit ◆ ✓
A B 2 1
e e = I2 + A + B + AB = ,
1 1
✓ ◆
B A 1 1
e e = I2 + A + B + BA = .
1 2
On a donc déjà eA eB 6= eB eA , ce qui implique que l’égalité eA eB = eA+B ne peut être
vraie.

Calculs d’exponentielle de matrice (pour plus de détails sur ces rappels consul-
ter §7)
Pour une matrice quelconque de M2 (C), nous avons deux possibilités :

Type ✓ Formule◆ Exponentielle


✓ ◆
1 0 e 1 0
Matrice diagonalisable P P 1 P P 1

✓0 ✓0 e ◆
2
2

e e
Matrice trigonalisable (mais P P 1 P P 1
0 0 e
pas diagonalisable)

Dans ce cours nous allons devoir souvent calculer des exponentielles de matrices réelles
A 2 M2 (R). Pour les exponentielles de matrices réelles on a les formules suivantes :

Type ✓ Formule
◆ Exponentielle
✓ ◆
1 0 e 1 0
Matrice diagonalisable P P 1 , P 2 GLn (R) P P 1
0 2 0 e 2
avec valeurs propres
1 , 2 2 R distinctes ou
confondues ✓ ◆ ✓ ◆
↵ cos( ) sin( )
Matrice diagonalisable P P 1, P 2 GLn (R) P e↵ P 1
↵ sin( ) cos( )
avec valeurs propres
non-réelles ↵ ± i , 6= 0 ✓ ◆ ✓ ◆
1
Matrice non- P P 1, P 2 GLn (R), 2 R⇤ Pe P 1
0 0 1
diagonalisable avec
une valeur propre
double 2 R

Dans la pratique, si on veut calculer l’exponentielle d’une matrice réelle A 2 M2 (R),


d’abord on trouve ses valeurs propres, les deux racines 1 et 2 de l’équation det(A I2 ) =
0. On note les sous-espaces de vecteurs propres correspondants Ej = ker(A j I2 ), j 2
{1, 2}. On distingue plusieurs cas, comme suit.
Si 1 , 2 2 R et sont distinctes (matrice diagonalisable) : On choisit v1 2 E1 , v2 2 E2
deux vecteurs propres non-nuls réels, on pose P 2 M2 (R) la matrice ayant v1 en première
3.2. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS D’ORDRE UN À COEFFICIENTS CONSTANTS 41

✓ ◆
1 0
colonne et v2 en deuxième colonne, et on a la diagonalisation A = P P 1 et par
0 2
conséquent ✓ ◆
A e 1 0 1
e =P P .
0 e 2
Si 1 = ↵ + i et 2 = ↵ i avec 6= 0 (matrice diagonalisable) : On choisit
v1 2 E1 , v2 2 E2 deux vecteurs propres non-nuls complexes, on pose R 2 M2 (C) la
matrice ayant v1 ✓
en première colonne
◆ et v2 en deuxième colonne, et on a la diagonalisation
↵+i 0
complexe A = R R 1 . Ensuite on utilise le fait que
0 ↵ i
✓ ◆ ✓ ◆✓ ◆✓ ◆
↵+i 0 i 1 ↵ 1 1 1
= .
0 ↵ i i 1 ↵ i i 2i
✓ ◆ ✓ ◆
↵ i 1
On obtient A = P P 1 avec P = R et donc
↵ i 1
✓ ◆
A ↵ cos( ) sin( )
e = Pe P 1.
sin( ) cos( )

Si 1 = 2 = 2 R et dim E = 2 (matrice diagonalisable) : On choisit v1 , v2 2 E


deux vecteurs propres non-nuls réels linéairement indépendants, on pose P 2 M2 (R) la
matrice✓ayant◆v1 en première colonne et v2 en deuxième colonne, et on a la diagonalisation
0
A=P P 1 et par conséquent
0
✓ ◆
A e 0
e =P P 1.
0 e

Si 1 = 2 = 2 R et dim E = 1 (matrice non-diagonalisable) : On choisit v1 2 E un


vecteur propre non-nul réel, v2 2 R2 \ E et on détermine 2 R⇤ tel que Av2 = v1 + v2 .
On pose P 2 M2 (R) la matrice ✓ ayant ◆
v1 en première colonne et v2 en deuxième colonne,
et on a la trigonalisation A = P P 1 et par conséquent
0
✓ ◆
A 1 1
e = Pe P .
0 1

3.2.2 Le cas homogène


En utilisant les propriétés précédentes, nous arrivons finalement au résultat qui va
permettre de trouver les solutions de X 0 (t) = AX(t).

Lemme 3.2.5. Soit A 2 M2 (R). Alors l’application

t 2 R 7! etA

est de classe C 1 1 , et
detA
= AetA 8t 2 R.
dt

1. Cela signifie que toutes les applications t 2 R 7! (etA )ij , pour 1  i, j  2, sont de classe C 1 .
42CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

Démonstration. Soit t 2 R, h 2 R \ 0. On écrit, à l’aide de la proposition précédente,

e(t+h)A etA ehA I2


= etA .
h h
Or
Pn (hA)j Pn+1 (hA)j n
ehA I2 limn!1 j=1 j! limn!1 j=1 j! j=k+1 X hk Ak+1
= = = lim ,
h h h n!1 (k + 1)!
k=0

et donc ✓ ◆
n
X
ehA I2 hk ↵k+1 k+1
= A + lim ,
h n!1 (k + 1)! k+1 k+1
k=1
en reprenant les notations de la preuve du Théorème 3.2.1. D’après le théorème 3.2.1, on a
n
X n
X n
X1
hk |h|k j=k+1 (|h|C0 )j
↵k+1  C k+1 = |h|C02
(k + 1)! (k + 1)! 0 (j + 2)!
k=1 k=1 j=0
n
X1 (|h|C0 )j
 |h|C02
j!
j=0
2
 |h|C0 exp(|h|C0 ).

La même inégalité est vraie si on remplace ↵k par k , k , k . Si on suppose de surcroît que


h appartient à un voisinage de zéro, par exemple |h|  1, on obtient finalement

e(t+h)A etA
= etA (A + f (h)),
h
où f (h) est une application qui tend vers la matrice nulle lorsque h tend vers zéro. On en
déduit que l’application
t 7! etA
est dérivable sur R (donc continue), et que sa dérivée t 7! AetA est également continue.
L’application considérée est donc de classe C 1 .

Nous arrivons donc finalement au résultat suivant :


Théorème 3.2.6. Soit A 2 M2 (R), t0 2 R et X0 2 R2 .
Le système différentiel muni de condition initiale :

X 0 (t) = AX(t) 8t 2 R, X(t0 ) = X0 (3.8)

admet une unique solution, donnée par

X(t) = e(t t0 )A
X0 , 8t 2 R.

Démonstration. Le point remarquable ici est que nous allons montrer l’unicité des solutions
sans avoir recours au chapitre 2.
— Existence : on vérifie que la fonction X̃ définie par

X̃(t) = e(t t0 )A
X0 8t 2 R

est solution de (3.8). Cela découle immédiatement de la Proposition 3.2.3 (a) et (c),
qui nous permet d’écrire X(t) = etA (e t0 A X0 ), et du Lemme 3.2.5.
3.2. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS D’ORDRE UN À COEFFICIENTS CONSTANTS 43

— Unicité : soit X une solution de (3.8). On pose


tA
C(t) = e X(t).
Alors C est dérivable et
dC(t)
= Ae tA
X(t) + e tA
X 0 (t) = e tA
AX(t) + e tA
AX(t),
dt
puisque A et e tA commutent et que X 0 (t) = AX(t). On obtient donc C 0 (t) = 0
pour tout t 2 R, donc C est une fonction constante : C(t) = C(t0 ) = e t0 A X0 . En
revenant à la définition de C, cela implique
tA t0 A
e X(t) = e X0 8t 2 R.
On applique etA aux deux membres de l’équation et on obtient
X(t) = e(t t0 )A
X0 .

Remarque 3.2.7. Attention : pour un système linéaire à coefficients dépendant du temps,


c’est-à-dire dans le cas d’une équation du type
X 0 (t) = A(t)X(t),
avec X : R 7! R2 , A : R 7! M2 (R), il est en général FAUX de dire
Rt
A(s)ds
X(t) = e t0 X0 .
Cette égalité n’est vraie que si les matrices A(s) et A(t) commutent pour tout s, t 2 R.

3.2.3 Le cas non homogène


Lorsque le second membre n’est pas homogène, l’idée est la même que pour les équations
différentielles scalaires du premier ordre (cas m = n = 1). On peut utiliser la méthode de
variation des constantes pour démontrer l’existence de solutions, et éventuellement les
calculer. On peut aussi utiliser une solution particulière de l’équation non-homogène, si on
arrive à en trouver une.

Méthode de variation des constantes


Soit X la solution de l’équation
X 0 (t) = AX(t) + B(t) 8t 2 R,
X(t0 ) = X0 .
On définit, pour tout t 2 R,
tA
C(t) = e X(t),
qui vérifie une équation de type plus simple, n’impliquant pas de terme C(t) :
C 0 (t) = Ae tA
X(t) + e tA
X 0 (t) = e tA
B(t).
Il “suffit” donc de trouver une primitive de e tA B(t) pour connaître explicitement C(t).
On obtient alors X par la formule
X(t) = etA C(t).
44CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

Remarque 3.2.8. La présentation est faite ici pour des matrices carrées de taille 2, mais
se généralise à des matrices carrées de taille quelconques, et donc à des systèmes linéaires
à coefficients constants de m équations et d’ordre n avec n, m quelconques.
On a donc la proposition suivante :
Proposition 3.2.9. Soit A 2 M2 (R), I un intervalle de R, B : I ! R2 une application
continue. Soit t0 2 I, X0 2 R2 .
Alors le système différentiel
X 0 (t) = AX(t) + B(t), t 2 I,
(3.9)
X(t0 ) = X0

admet une unique solution de classe C 1 ,


Z t
(t t0 )A
X(t) = e X0 + e(t s)A
B(s)ds.
t0
Rt
Démonstration. Existence. On vérifie que l’application t ! e(t t0 )A X0 + t0 e(t s)A B(s)ds
est solution du problème de Cauchy (3.9).
Unicité. Comme dans le cas des équations scalaires, si X1 , X2 sont deux solutions de classe
C 1 , alors Y = X1 X2 est solution du système homogène et Y (t0 ) = 0. Donc Y = 0.

Utilisation d’une solution particulière


Soit X̃ une solution particulière de

X̃ 0 (t) = AX̃(t) + B(t),

et soit X1 = X̃(t0 ).
Soit X l’unique solution de (3.9). Alors Y = X X̄ est solution de l’équation homogène

Y 0 (t) = AY (t), Y (t0 ) = X0 X1 .

Par conséquent, Y (t) = e(t t0 )A (X


0 X1 ). On en déduit que

X(t) = X̃(t) + e(t t0 )A


(X0 X1 ).

Autrement dit, la solution générale de (3.9) est la somme d’une solution particulière et de
la solution générale du système différentiel homogène associé.
Application. Cette méthode est aussi utile dans le cas des équations différentielles
linéaires d’ordre deux à coefficients constants. En effet, soit a, b 2 R et soit f : R ! R
continue. On considère l’équation différentielle

u00 (t) + au0 (t) + bu(t) = f (t). (3.10)

On rappelle que cette équation peut être mise sous la forme d’un système d’ordre un en
posant ✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆
u(t) 0 1 0
X(t) = , A= , B(t) = .
u0 (t) b a f (t)
✓ ◆
u(t0 )
Alors u est solution de (3.10) si et seulement si X est solution de (3.9), avec X0 = .
u0 (t0 )
On peut donc appliquer ce qui précède pour trouver des solutions de (3.10). En particulier :
3.2. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS D’ORDRE UN À COEFFICIENTS CONSTANTS 45

— On peut toujours mettre (3.10) sous la forme d’un système du type (3.9), et appliquer
la méthode de variation des constantes. Néanmoins, les calculs peuvent rapidement
s’avérer fastidieux.
— Supposons que l’on
✓ arrive ◆ à identifier une solution particulière ũ de (3.10). En par-
ũ(t)
ticulier X̃(t) = est une solution particulière du système différentiel et nous
ũ0 (t)
avons vu que la solution générale de (3.9) est la somme de X̃ et de la solution générale
du système différentiel homogène associé, qui est facile à resoudre explicitement. On
en déduit la solution générale de (3.10) comme somme de ũ et de la solution générale
de l’équation différentielle homogène

v 00 (t) + av 0 (t) + bv(t) = 0,

c’est-à-dire u(t) = ũ(t) + v(t).


Si on parvient à identifier une solution particulière, cette deuxième méthode est
à privilégier car les calculs sont nettement plus faciles.

Remarque 3.2.10. Dans la pratique, pour chercher une solution particulière de (3.10),
on pourra chercher une fonction ũ “du même type” que f , c’est-à-dire :
— Si f est un polynôme, on cherche ũ comme un polynôme ;
— Si f est une fonction trigonométrique (f (t) = A cos(!t) + B sin(!t)), avec A, B, ! 2
R, on cherche ũ sous la forme

ũ(t) = A0 cos(!t) + B 0 sin(!t);

— Si f est une exponentielle, on cherche u comme une exponentielle, etc.


— Plus généralement pour le cas f = <(Ae t ) avec A, ! 2 C, qui inclut les cas tri-
gonométriques et exponentielle réelle, on cherche d’abord les solutions complexes de
l’équation avec membre non-homogène Ae!t sous la forme :
ze!t si ! n’est pas racine de l’équation caractéristique 2 + a + b = 0,
zte!t si ! est racine simple de l’équation caractéristique,
zt2 e!t si ! est racine double de l’équation caractéristique, avec z 2 C. Ensuite on
retrouve les solutions réelles cherchées initialement en prenant la partie réelle des
solutions complexes.

3.2.4 Lien entre les deux méthodes


Pour calculer les solutions des équations linéaires à coefficients constants du type

x00 (t) + ax0 (t) + bx(t) = 0, x(0) = x0 , x0 (0) = x1 (3.11)

on a donc vu deux méthodes différentes :


1. Première méthode donnée par le Théorème 3.1.4 : recherche de solutions comme des
combinaisons linéaires d’exponentielles en résolvant sur C l’équation caractéristique
2 + a + b = 0. On note
1 , 2 ses racines.

(i) Si 1, 2 2 R distinctes, la solution est de la forme

1t 2t
x(t) = A1 e + A2 e , avec A1 , A2 2 R.
46CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

(ii) Si les racines sont non-réelles 1 =↵+i , 2 =↵ i , 6= 0, alors la solution


est de la forme

x(t) = et↵ (C1 cos( t) + C2 sin( t)), avec C1 , C2 2 R.

(iii) Si il y a une racine double 1 = 2 = , alors la solution est de la forme

x(t) = (A1 t + A2 )e t , avec A1 , A2 2 R.

2. Deuxième méthode donnée par le Théorème 3.2.6 : on se ramène à l’étude d’un


système d’équations d’ordre 1 en posant
✓ ◆ ✓ ◆
x(t) 0 1
X(t) = , A= .
x0 (t) b a

On a alors
X(t) = etA X0 ,


x0
où X0 = .
x1
En vue des Théorèmes 3.1.4 et 3.2.6 on sait que les deux formules donnent le même
résultat, mais on va aussi le vérifier explicitement pour mieux comprendre le lien entre les
deux méthodes. Tout d’abord, remarquons que le polynôme caractéristique de la matrice
A est
A( ) = ( a ) + b = 2 + a + b.
Autrement dit, les racines de l’équation caractéristique de l’équation différentielle (3.11)
sont exactement les valeurs propres de A. Notons comme au dessus 1 , 2 les racines com-
plexes distinctes ou confondues de A .
On va vérifier que la formule donnée par la deuxième méthode donne bien le même
résultat que la première méthode, en utilisant les formules du tableau précédent.
(i) Si 1, 2 2 R distinctes il existe P 2 GL2 (R) tel que
✓ ◆
1 0
A=P P 1,
0 2

et on a ✓ ◆
e 1t 0 1
X(t) = P 2t
P X0 .
0 e
Notons ✓ ◆ ✓ ◆
1 y1 a1 a2
P X0 = , P = .
y2 a3 a4
On en déduit que
1t 2t
x(t) = a1 e y1 + a 2 e y2 ,
et on retrouve le résultat de la première méthode.
(ii) Si les racines sont non-réelles 1 = ↵+i , 2 =↵ i , 6= 0 il existe P 2 GL2 (R)
tel que ✓ ◆
↵ 1
A=P P ,

et on a ✓ ◆
cos( t) sin( t)
X(t) = P e↵t P 1
X0 .
sin( t) cos( t)
3.3. TRACÉ DES TRAJECTOIRES DE SOLUTIONS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRE

On en déduit que
x(t) = a1 e↵t cos( t)y1 a2 e t sin( t)y2 ,
et on retrouve le résultat de la première méthode.
(iii) Si il y a une racine double 1 = 2 = alors la matrice ✓
A n’est◆ pas diagonali-
0
sable (si elle l’était il existerait P 2 GL2 (R) tel que A = P P 1 = I2 en
0
✓ ◆
0 1
contradiction avec A = ) , donc il existe P 2 GL2 (R), 2 R⇤ tel que
b a
✓ ◆
1
A=P P ,
0

de sorte que ✓ ◆
t 1 t 1
X(t) = P e P X0 .
0 1
Avec les mêmes notations que ci-dessus, on obtient

x(t) = e t [(a1 y1 + a2 y2 ) + a1 y2 t] ,

et ici encore on retrouve la formule de la première méthode.

3.3 Tracé des trajectoires de solutions d’équations différen-


tielles linéaires à coefficients constants
3.3.1 Mécanique du point, portrait de phase
La mécanique du point est l’étude du mouvement des points matériels (ou des solides
pouvant être décrits comme des points matériels). Le point de départ est le principe fonda-
mental de la dynamique : le produit de la masse par l’accélération (c’est-à -dire la dérivée
seconde de la position) est égal à la somme totale des forces s’exerçant sur le solide :

F = mx00 (t).

Supposons que le mouvement se fasse sur une droite et qu’il ne dépende que d’un para-
mètre : autrement dit, x(t) 2 R, et que la force F puisse s’écrire comme une fonction de la
position et de la vitesse : F = '(x(t), x0 (t)). On peut alors réécrire le principe fondamental
de la dynamique sous la forme
✓ ◆ ✓ ◆
d x(t) x0 (t) 0
= 1 0 (t)) = f (x(t), x (t)), (3.12)
dt x0 (t) m '(x(t), x

où ✓ ◆
v
f (x, v) = 1 .
m '(x, v)

On obtient donc un système différentiel du premier ordre dans R2 . On peut tracer les
courbes représentatives des solutions dans le plan cartésien comme des courbes paramé-
trées, en mettant x(t) en abscisse et v = x0 (t) en ordonnée. Une telle représentation gra-
phique s’appelle un portrait de phase. À chaque paire de conditions initiales (x0 , v0 )
correspond en général une courbe paramétrée (sous réserve qu’on ait existence et unicité
des solutions de l’équation différentielle (3.12) pour chaque donnée initiale).
48CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

Exemple 3.3.1 (L’oscillateur harmonique, ou pendule elastique). L’équation du pendule


élastique est donné par la loi de Newton

mx00 (t) = Kx(t),

où K > 0 est la constante de raideur du ressort et x(t) est l’élongationqdu ressort par
rapport à la position d’équlibre qu’a le pendule au repos. En notant ! = Km on obtient
l’équation différentielle
x00 (t) + !02 x(t) = 0, (3.13)
que l’on munit des conditions initiales

x(0) = x0 , x0 (0) = v0 .

On sait alors que la forme générale des solutions de (3.13) est

x(t) = A cos(!0 t) + B sin(!0 t),

où A et B sont déterminés par les conditions initiales. Plus précisément, on a

x(0) = x0 = A,

et comme
x0 (t) = !0 A sin(!0 t) + !0 B cos(!0 t),
on en déduit que
x0 (0) = v0 = !0 B.
Pour tracer le portrait de phase associé à l’équation (3.13), il faut donc, pour chaque
couple (x0 , v0 ) 2 R2 , étudier la courbe paramétrée Cx0 ,v0 d’équation cartésienne
v0
x(t) = x0 cos(!0 t) + sin(!0 t),
!0 t 2 R.
y(t) = v0 cos(!0 t) !0 x0 sin(!0 t),

Si
p !0 = 1, on reconnaît facilement l’équation d’un cercle de centre zéro et de rayon
x20 + v02 . Plus généralement, si !0 est quelconque, on vérifie facilement que

y(t)2 v02
x(t)2 + = x 2
0 + ,
!02 !02

donc la courbe Cx0 ,v0 est une ellipse. On peut trouver son grand axe et son petit axe en
mettant l’équation sous la forme canonique

x(t)2 y(t)2
+ 2 = 1,
a2 b
où s
q
v02
a= x20 + , b = !0 a = !02 x20 + v02 .
!02
En particulier, si !0 > 1, on a b > a, et par conséquent le grand axe de l’ellipse est suivant
(Oy). Si !0 < 1, alors b < a, et le grand axe de l’ellipse est suivant (Ox).
3.3. TRACÉ DES TRAJECTOIRES DE SOLUTIONS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRE

Par exemple dans le cas !0 = 2, x0 = 2, v0 = 0, c’est-à-dire départ du ressort com-


primé à hauteur 2 par rapport à la position d’équilibre et sans vitesse initiale, on a

x(t) = 2 cos(2t), x0 (t) = 4 sin(2t).

La trajectoire est ⇡ périodique, il n’y a pas de points stationnaires, le vecteur tangent

T (t) = (x0 (t), x00 (t)) = (4 sin(2t), 8 cos(2t)),

vaut
⇡ ⇡ 3⇡
T (0) = (0, 8), T ( ) = (4, 0), T ( ) = (0, 8), T( ) = (0, 8),
4 2 4
donc on a des tangentes verticales à t = 0 et t = ⇡2 et des tangentes horizontales à t = ⇡4
et t = 3⇡
4 . Le tracé de la solution (x(t), x (t)) est le suivant, avec en rouge la direction des
0

tangentes :
y


t= 4 (0, 4)

t = 0,

t=⇡ t= 2
x
( 2, 0) (2, 0)

3⇡ (0, 4)
t= 4

En particulier on peut lire sur le portrait de phase que de t = 0 jusqu’à t = ⇡4 la


décompression du ressort fait que x(t) s’approche la position d’équilibre, et sa vitesse croît.
Passé le point d’équilibre à t = ⇡4 la résistance du ressort fait que la vitesse decroît jusqu’à
s’annuler à t = ⇡2 , temps auquel le ressort se retrouve allongé à distance 2 par rapport à la
position d’équilibre. Ensuite jusqu’à t = ⇡ on retrouve le même type de mouvement, dirigé
vers le haut.

À la fin du poly on verra le portrait de phases du pendule simple, ainsi que celui de
Lotka-Voterra.
L’objet de ce chapitre est de tracer les courbes paramétrées définies par {(x(t), x0 (t)), t 2
R}, où x est solution de l’équation scalaire d’ordre 2 à coefficients constants

x00 (t) + ax0 (t) + bx(t) = 0, x(0) = x0 , x0 (0) = x1 ,


50CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

et plus généralement tracer les courbes paramétrées définies par {(x(t), y(t)), t 2 R}, où
X(t) = (x(t), y(t)) est solution du système d’équations d’ordre 1 à coefficients constants

X(0 t) = AX(t), X(0) = (x0 , y0 ).

Il s’agit donc de tracer des courbes paramétrées définies par


✓ ◆
x(t)
= eAt X0 , t 2 R,
y(t)
✓ ◆
x0
avec A 2 M2 (R) et X0 = 2 R2 .
y0

3.3.2 Quelques cas simples importants


Avant de comprendre le cas général, on commence par des cas simples : matrice diago-
nale, un cas “modèle” correspondant à une matrice diagonalisable dans C mais pas dans
R, et enfin le cas d’une matrice non-diagonalisable de type triangulaire supérieure. On
donnera également un lemme permettant de comprendre le lien entre :
— d’une part la similitude de deux matrices A et à ;
— d’autre part le tracé des courbes paramétrées associées à X(t) = etA X0 et à Y (t) =
età Y0 .
✓ ◆
x(t)
(a) Tracé de la courbe paramétrée d’équation = etA X0 , avec A diago-
y(t)
nale :
On a ✓ ◆
1 0
A= ,
0 2

avec 1, 2 2 R. On étudie donc la courbe paramétrée CA,X0 définie par



x(t) = x0 e 1 t ,
t 2 R.
y(t) = y0 e 2 t ,

Le domaine d’étude est R, et pour X0 2 R2 fixé, les courbes n’ont pas de symétrie évi-
dente. Cependant on peut remarquer que la courbe relative à la condition initiale ( x0 , y0 )
(resp. (x0 , y0 )) se déduit de celle relative à la condition initiale (x0 , y0 ) par une symétrie
par rapport à l’axe des ordonnées (resp. par rapport à l’axe des abscisses). On peut donc
se contenter d’étudier le cas où x0 0, y0 0 et en déduire les autres cas par symétrie.
On traite d’abord le cas x0 = 0 (resp. y0 = 0). On a alors x(t) = e 1 t x0 = 0 pour tout
t 2 R (resp. y(t) = e 2 t y0 = 0 pour tout t). Si 2 = 0 (resp. 1 = 0) la trajectoire est le
point (0, y0 ) (resp. (x0 , 0)). Sinon on voit facilement que la trajectoire est le demi-axe des
ordonnées positives si y0 > 0 (resp. le demi-axe des abscisses positives si x0 > 0), et le
point (0, 0) si y0 = 0 (resp. x0 = 0).
On se concentre donc à présent sur le cas où x0 > 0, y0 > 0. Si 1 = 0 et 2 = 0
la trajectoire est le point (x0 , y0 ). Si 1 = 0 et 2 6= 0 la trajectoire est la demi-droite
d’équation x = x0 , y > 0. On se place dans le dernier cas restant, 1 6= 0. On remarque
alors que x(R) = R⇤+ . On fait alors le changement de paramétrage

1 s
x(t) = s () t = log ,
1 x0
3.3. TRACÉ DES TRAJECTOIRES DE SOLUTIONS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRE

ce qui implique
2(
1
log s
) y0 2
y(t) = y0 e 1 x0 = 2
s 1 .
1
x0
La courbe CA,X0 est donc la courbe C0 du graphe de la fonction
y0 2
h(s) = 2
s 1 ,
1
x0
pour s 2 R⇤+ . En vue du changement de paramétrage fait ci-dessus, si 1 > 0 le sens de
parcours de la courbe CA,X0 lorsque t varie de 1 à +1 est le même que celui de C0
lorsque s varie de 0+ à +1, et si 1 < 0 c’est le sens opposé. L’allure de la courbe C0
dépend de la valeur de 21 :
2
(i) Si 2 / 1 < 0, la fonction s 2 R⇤+ 7! s 1 est strictement décroissante, tend vers +1
en 0+ et vers 0 en +1. En particulier la courbe C0 admet en s = 0+ une asymptote
à l’axe des ordonnées, et en s = +1 une asymptote à l’axe des abscisses.
(ii) Si 2/ 1 = 0, la courbe C0 est la demi-droite d’équation y = y0 , s > 0.
2
(iii) Si 2 / 1 2]0, 1[, la fonction s 2 R⇤+ 7! s 1 est strictement croissante, tend vers 0
en 0+ et vers +1 en +1. De plus la courbe C0 admet une tangente verticale au
voisinage du point (0, 0) et une branche parabolique dans la direction de l’axe des
abscisses quand s ! +1.
y0
(iv) Si 2/ 1 = 1, la courbe C0 est la demi-droite d’équation y = x0 s, s > 0.
2
(v) Si 2 / 1 > 1, la fonction s 2 R⇤+ 7! s 1 est strictement croissante, tend vers 0 en
0+ et vers +1 en +1. De plus la courbe C0 admet une tangente horizontale au
voisinage du point (0, 0) et une branche parabolique dans la direction de l’axe des
ordonnées quand s ! +1.
L’allure des courbes est donc la suivante (avec ici x0 = y0 = 1) :
h(s)

1 =0 2/ 1 >1

2/ 1 =1

2/ 1 2]0, 1[

2 =0
2/ 1 <0
s
✓ ◆
x(t)
(b) Tracé de la courbe paramétrée d’équation = etA X0 , avec A =
y(t)
✓ ◆

, ↵ 2 R, 2 R⇤ :

52CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

Il s’agit d’une matrice réelles ayant deux valeurs propres complexes conjuguées ↵ ± i ,
dont on a déjà vu la forme de l’exponentielle :

✓ ◆ ✓ ◆✓ ◆
x(t) ↵t cos( t) sin( t) x0
=e ,
y(t) sin( t) cos( t) y0

donc

x(t) = e↵t (cos( t)x0 sin( t)y0 ),
y(t) = e↵t (cos( t)y0 + sin( t)x0 ),

Nous allons privilégier un passage en coordonnées polaires. Si (x0 , y0 ) = (0, 0) et la tra-


jectoire est réduite à un point. Sinon notons (r0 , ✓0 ) 2 R⇤+ ⇥ [0, 2⇡[ l’unique couple tel
que

x0 = r0 cos ✓0 , y0 = r0 sin ✓0 .

Alors


x(t) = r0 e↵t (cos( t) cos(✓0 ) sin( t) sin(✓0 )) = r0 e↵t cos( t + ✓0 ),
y(t) = r0 e↵t (cos( t) sin(✓0 ) + sin( t) cos(✓0 )) = r0 e↵t sin( t + ✓0 ).

On remarque immédiatement que si ↵ = 0, la courbe est le cercle de rayon r0 . On suppose


donc dans toute la suite que ↵ 6= 0.
Nous allons tracer l’allure de la courbe CA,X0 pour ✓0 = 0 et ↵, > 0 car le cas ✓0 6= 0
s’obtient en faisant une rotation d’angle ✓0 , le cas < 0 s’obtient en faisant une symétrie
par rapport à l’axe (0x), et le cas ↵ < 0 s’obtient, en changeant la paramétrisation en
s = t, en changeant le sens de parcours de la courbe et en faisant une symétrie par
rapport à l’axe (0x).
En faisant le changement de paramétrage s = t on obtient que CA,X0 est la courbe

↵ ↵
s s
{(r0 e cos(s), r0 e sin(s)), s 2 R},

d’équation polaire

s
r(s) = r0 e .


s
On a r0 (s) = r0 e > 0, donc r(s) croît de lim r(s) = 0 à lim r(s) = +1. On obtient
s! 1 s!+1
une spirale qui s’enroule autour de l’origine quand t ! 1 et qui part vers l’infini quand
t ! +1.
3.3. TRACÉ DES TRAJECTOIRES DE SOLUTIONS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRE

t = +1

t= 1
x

✓ ◆
x(t)
(c) Tracé de la courbe paramétrée d’équation = etA X0 , avec A non-
y(t)
diagonalisable triangulaire supérieure :
On prend à présent A de la forme
✓ ◆
A= ,
0
avec , 2 R, = 6 0. On étudie donc la courbe paramétrée CA,X0 définie par
✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆✓ ◆ ✓ ◆
x(t) tA x0 t 1 t x0 (x0 + ty0 )e t
=e =e = .
y(t) y0 0 1 y0 y0 e t
Si = 0, on a donc g(t) = y0 pour tout t. On vérifie facilement que dans ce cas CA,X0 est la
droite d’équation y = y0 si y0 6= 0 et elle est réduite au point (x0 , y0 ) si y0 = 0. De même
si y0 = 0, x0 > 0 (resp. x0 < 0) CA,X0 est la demi-droite d’équation y = 0, x > 0 (resp.
x < 0). Enfin si y0 = x0 = 0 la trajectoire est réduite au point (0, 0).
On suppose donc à présent 6= 0, y0 6= 0. Comme les fonctions x(t) et y(t) n’ont pas
de symétrie évidente, on passe à l’analyse de leurs variations.
Les fonctions x(t) et y(t) sont dérivables sur R et on a
x0 (t) = e t ( x0 + y0 t + y0 ),
y 0 (t) = y0 e t .
Ainsi y 0 (t) ne s’annule pas sur R et a le signe de y0 . La fonction x0 (t) s’annule en un
unique point t0 défini par
x0 + y0 1 x0
t0 = = .
y0 y0
On a plusieurs cas de figure possibles suivant les signes de , y0 , y0 . Notons néanmoins
que :
54CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

— On a toujours x(t) ! 0, y(t) ! 0 quand t ! 1 (c.à.d. t ! sgn( )1), et de plus


y(t)/x(t) ! 0 quand t ! sgn( )1 : il y a une tangente horizontale au voisinage
du point (0, 0).

— On a toujours y(t) ! sgn( y0 )1, x(t) ! sgn( y0 )1 quand t ! +1 (c.à.d. t !


sgn( )1). De plus y(t)/x(t) ! 0 quand t ! sgn( )1 : il y a une branche parabolique
dans la direction (0x).

— y(t) garde un signe constant (celui de y0 ).

— Il y a une tangente verticale au point de paramètre t0 , qui a pour coordonnées


exp( t0 )( y0 , y0 ).

— La courbe croise l’axe des ordonnées en un unique point, qui a pour paramètre t1 =
x0 /(↵y0 ). Notons que t1 = t0 + 1 . Le point de paramètre t1 est donc “le plus proche
de la branche infinie”.

L’allure de la courbe est donc toujours la même, modulo des symétries par rapport aux
axes (Ox) et (Oy). Plus précisément :

— Le signe de y0 détermine le demi-plan dans lequel la courbe est incluse (y > 0 ou


y < 0) ;

— Le signe de y0 (ou de y0 ) détermine la position du point de tangente verticale par


rapport à l’axe des ordonnées ;

— Le signe de détermine le sens dans lequel la courbe est parcourue (de 0 vers +1
ou le contraire).

On trace donc ci-dessous un exemple dans le cas , , y0 > 0. Les autres cas sont laissés
au lecteur et se traitent de façon rigoureusement analogue.
Dans ce cas le tableau de variations est

t 1 t0 +1

x0 (t) 0 0 +

0 +1
x(t)
e t 0 y0

y(t) +1
0

y 0 (t) 0 + +

On obtient une courbe qui a l’allure suivante :


3.3. TRACÉ DES TRAJECTOIRES DE SOLUTIONS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRE

t = +1

t = t1

t = t0
x
t= 1

Nous résumons dans le tableau suivant les tracé type obtenues pour les trajectoires des
solutions de X 0 (t) = AX(t), et rapellons que le sens de parcours des trajectoires est inversé
lorsque l’on change le signe de 1 , ↵, , , .
56CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

Type Sous-type Trajectoires

Matrice (diagonalisable valeurs propres distinctes de si 21 < 1 ; une


avec valeurs propres dis- même signe, 1 > 0 rotation de ⇡
2 de ce type de tracé si
tinctes ou confondues 2
>1
1
1 , 2 2 R),

✓ ◆
1 0
de forme valeurs propres de signes op-
0 2
posés, 1 > 0

valeur propre double, 1 >0

2 = 0, 1 >0

2 =0= 1

Matrice (diagonali- ↵>0 si > 0 ; une


sable avec valeurs symétrisé de ce type de tracé par
propres non-réelles rapport à l’axe Ox si < 0
↵ ± i , 6= 0),

✓ ◆

de forme ↵ = 0, >0

Matrice (non- valeur propre double >0 si > 0 ; une


diagonalisable), symétrisé de ce type de tracé par
rapport à l’axe Oy si < 0

✓ ◆
de forme valeur propre double =0
0
3.3. TRACÉ DES TRAJECTOIRES DE SOLUTIONS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRE

Enfin, voici quelques remarques :


-✓ en vue◆de la formule explicite des solutions, les trajectoires du système
✓ avec◆ matrice
2 0 1 0
, 1 , 2 2 R, s’obtiennent de celles du système avec matrice par une
0 1 0 2
symétrie par rapport à la droite y = x. ✓ Ceci◆s’explique aussi par le fait que la matrice
0 1
de passage entre ces deux matrices est , donc comme on le vera dans le prochain
1 0
lemme, la trajectoire de la première en repère canonique Oxy est celle de deuxième en
repère inversé, ✓ ◆
1 0
- lorsque la matrice du système est avec 1 , 2 2 R distincts, la direction des
0 2
vecteurs propres de la valeur propre 1 est celle de l’axe des abscisses, et la direction des
vecteurs propres de la valeur propre 2 est celle de l’axe des ordonnées,
- les trajectoires issues d’un vecteur propre réel v d’une valeur propre restent sur la
direction du vecteur propre car

1
X 1
X
(tA)k (t )k
etA v = v= v = et v;
k! k!
k=0 k=0

en effet, et v est bien une solution car (et v)0 = et v = et Av = Aet v.


Si = 0 la solution est constante X(t) = v, et sa trajectoire de est réduite symbolisé sur le
portrait de phase par une petite croix. Aussi, comme tout vecteur colinéaire à v est aussi
vecteur propre de la même valeur propre , on retrouve sur le portrait de phase une droite
entière de points représentant des solution constantes.
Si 6= 0 alors la trajectoire et lorsque t varie de 1 à +1 est la demi-droite reliant
l’origine (sans la contenir) et l’infini dans de direction v. Comme v est aussi un vecteur
propre de la même valeur propre , on retrouve sur le portrait de phase les deux demi-
droites données par la direction de v,
- les directions des vecteurs propres sont donc des directions spéciales, le long desquelles
on retrouve sur les portraits de phases ou des droites de points générant des solutions
constantes, ou des trajectoires de type demi-droites. De plus, ces directions nous dictent
l’allure de tout le portrait de phases. Par exemple, dans le premier cas du tableau, on
a l’origine comme trajectoire de la solution constante symbolisé sur le portrait de phase
par une petite croix, les trajectoires demi-droites au long des axes 0x et 0y, et tous les
autres trajectoires courbes, confinées dans les quarts de plan déterminés par les axes 0x
et 0y (directions des vecteurs propres de 1 et 2 respectivement), et construites comme
suit : départ à côté de l’origine dans une direction tangente à l’axe 0y et ensuite branche
parabolique à l’infini en direction de l’axe 0x, et enfin le sens des trajectoires est donné
par le signe commun des valeurs propres - à travers les trajectoires on s’écarte de l’origine
lorsque les valeurs propres sont strictement positives, et on s’approche de l’origine lorsque
les valeurs propres sont strictement négatives,
- deux trajectoires non-confondues ne peuvent pas se croiser, car on a unicité des solutions,
- toujours grâce à l’unicité des solutions, la trajectoires issue de X0 coïncide avec celle
issues de X(t0 ) quel que soit t0 2 R.

3.3.3 Cas général


Les cas étudiés ci-dessus permettent en fait de comprendre le tracé des solutions dans
le cas général d’une matrice A 2 M2 (R). On va déduire du paragraphe précédent l’allure
58CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

de la courbe paramétrée CA,X0 définie par


✓ ◆
x(t)
X(t) = = etA X0 , t 2 R,
y(t)
✓ ◆
x0
avec X0 = 2 R2 et A 2 M2 (R) quelconque. Il existe donc P 2 GL2 (R) tel que
y0
1
A = P ÃP ,

avec ✓ ◆
1 0
— Ã = si A est diagonalisable avec valeurs propres 1 , 2 2 R distinctes ou
0 2
confondues,
✓ ◆

— Ã = si A est diagonalisable avec valeurs propres non-réelles ↵ ± i , 6= 0,

✓ ◆
— Ã = si A est non-diagonalisable avec une valeur propre double 2 R.
0
Nous avons donc que la courbe CA,X0 est définie dans le repère canonique (Oxy) par les
points de coordonnées ✓ ◆
x(t)
= P (età P 1 X0 ), t 2 R.
y(t)
Nous allons utiliser le résultat suivant :

Lemme 3.3.2. Soit X : I ! R2 , Y : I ! R2 deux applications telles qu’il existe P 2


GL2 (R) telle que
X(t) = P Y (t) 8t 2 I.
On note X = (x1 , x2 ), Y = (y1 , y2 ), v1 , v2 les vecteurs colonnes de la matrice P , RP =
(O, v1 , v2 ) le repère dont les vecteurs de base sont v1 et v2 . Soit C la courbe paramétrée
définie dans le repère canonique (Oxy) par {(x1 (t), x2 (t)), t 2 I}.
Alors la courbe C est définie dans le repère RP par {(y1 (t), y2 (t)), t 2 I}.

Démonstration. C’est une conséquence de la formule habituelle de changement de coordon-


nées : soit M (t) le point de C de paramètre t. Ce point a pour coordonnées (x1 (t), x2 (t)).
Par hypothèse, on a
✓ ◆
y1 (t)
X(t) = P Y (t) = (v1 v2 ) = y1 (t)v1 + y2 (t)v2 .
y2 (t)

On lit donc immédiatement sur la formule ci-dessus que les coordonnées de M (t) dans le
repère RP sont y1 (t) et y2 (t).

En vue du Lemme on obtient que la courbe CA,X0 est définie dans le repère RP par les
points de coordonnées
età (P 1 X0 ), t 2 R
Notons aussi que le point de coordonnées P 1 X0 dans RP a pour coordonnées X0 dans
le repère (Oxy).
On trace donc la courbe dans le repère RP en utilisant l’analyse faite au paragraphe
précédent. Il faut cependant garder en tête qu’en général, le repère RP n’est pas ortho-
normé, ni même orthogonal. La courbe a donc une allure déformée par ce changement de
3.3. TRACÉ DES TRAJECTOIRES DE SOLUTIONS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRE

repère : la direction des abscisses (resp. ordonnées) devient la direction de v1 , le premier


vecteur colonne de la matrice de passage P (resp. la direction de v2 , le deuxième vecteur
colonne de la matrice de passage P ). Par ailleurs nous remarquons que si (1, 0) (resp. (0, 1))
est vecteur propre de Ã, alors v1 (resp. v2 est vecteur propre de A.
On trace ci-dessous un exemple de trajectoire de solution pour une matrice A diagona-
lisable avec valeurs propres réelles, lorsque 2 / 1 < 0, 1 > 0 :
y

t = +1

t= 1

v1

v2

Rapellons aussi que si 1 < 0 le sens de parcours de la courbe est inversé.

3.3.4 Que lit-on sur les portraits de phase ? Quelques notions de stabilité
des équations différentielles
Les portraits de phase peuvent être utilisés pour comprendre les notions de stabilité.
On s’intéresse à la partie des trajectoires des solutions pour laquelle t ! +1. De façon
générale, les notions de stabilité s’intéressent au comportement d’un système au voisinage
d’un point d’équilibre. Ici, comme le système est linéaire, les points d’équilibre X0 sont
caractérisés par la propriété X0 2 ker A (en effet, si X0 est un point d’équilibre, on a
X(t) = X0 pour tout t, donc X 0 (t) = 0 = AX0 ).
Ici A 2 M2 (R), donc ker A est de dimension 0 (si 0 n’est pas valeur propre de A et
dans ce cas ker A = {0R2 }), 1 (si 0 est valeur propre simple de A, ou si 0 est valeur propre
double de A mais A n’est pas diagonalisable), ou 2 (si 0 est valeur propre double de A et
A est diagonalisable, donc si A est la matrice nulle).
On écarte le cas où A est la matrice nulle, qui n’a pas beaucoup d’intérêt (dans ce cas,
les trajectoires sont toutes réduites à des points). On distingue au moins deux notions de
stabilité :
— Stabilité orbitale, ou stabilité au sens de Lyapunov :

Définition 3.3.3. On dit que X0 2 ker A est un point d’équilibre stable au sens de
Lyapunov si la propriété suivante est vérifiée :

8✏ > 0, 9 > 0, 8Y0 2 R2 , kY0 X0 k  ) sup ketA Y0 X0 k  ✏.


t 0
60CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

Autrement dit, un point d’équilibre est stable au sens de Lyapunov si la propriété


suivante est vérifiée : si on part d’une position initiale proche de la position d’équilibre,
alors on reste proche de cette position d’équilibre pour tout t 0 (attention ici à la
“direction” du temps : on ne repart pas en arrière, c’est-à-dire qu’on ne considère pas
la portion de trajectoire qui correspond à t < 0).
— Stabilité asymptotique :

Définition 3.3.4. On dit que X0 2 ker A est un point d’équilibre asymptotiquement


stable si la propriété suivante est vérifiée :

9✏0 > 0, 8Y0 2 R2 , kY0 X0 k  ✏0 ) lim ketA Y0 X0 k = 0.


t!+1

Autrement dit, un point d’équilibre est asymptotiquement stable si la propriété sui-


vante est vérifiée : si on part d’une position initiale suffisamment proche de la position
d’équilibre, alors on converge en temps grand vers la position d’équilibre.
Interprétations graphiques, à comprendre sur le tableau page 56 :
— La stabilité orbitale signifie que les courbes du portrait de phase, si elles passent près
de la position d’équilibre à un instant donné, restent ensuite toujours près de cette
position d’équilibre. Intuitivement, cela veut dire qu’on ne s’éloigne pas trop de la
position d’équilibre.
— La stabilité asymptotique signifie que toutes les courbes du portrait de phase qui
passent près de la position d’équilibre convergent en temps grand vers cette position
d’équilibre. Cela veut dire que l’on se rapproche de la position d’équilibre en temps
grand.
Ainsi pour étudier la stabilité, il suffit d’examiner les trois cas décrits en “préliminaires”,
puisque le passage au cas général correspond simplement à une déformation des courbes
par changement des axes de coordonnées.
Examinons à présent quelques cas décrits plus haut, en distinguant suivant la forme
de la matrice A
✓ ◆
1 0
1. Si A = , avec 1 , 2 2 R :
0 2

— Tout d’abord, si 1 6= 0 et 2 6= 0, seul (0, 0) est point d’équilibre. On n’étudie


donc la stabilité qu’autour du point (0, 0). À partir des formules

1t
x=e x0 ,
2t
y=e y0 ,

on vérifie facilement que le point (0, 0) est orbitalement ou asymptotiquement


stable si et seulement si 1 < 0, 2 < 0 (par conséquent 2 / 1 > 0). Sur
le portrait de phase page 51, cela correspond aux courbes jaune, violette et
rouge, parcourues dans le sens “infini vers zéro”. La courbe bleue, qui correspond
à 2 / 1 < 0, est écartée : on vérifie bien que sur cette courbe, quel que soit le
sens de parcours, on finit par s’éloigner infiniment de l’origine.
— Il reste à examiner le cas 1 = 0, 2 6= 0 (le cas 2 = 0 se traite de façon
similaire.) Dans ce cas les positions d’équilibre sont de la forme (↵, 0), avec
↵ 2 R. Autrement dit l’ensemble des états d’équilibre est l’axe des abscisses
tout entier.
3.3. TRACÉ DES TRAJECTOIRES DE SOLUTIONS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRE

D’un autre côé, les trajectoires du portrait de phase sont des demi-droites verti-
cales (en rose sur le dessin page 51). Le signe de 2 détermine le sens de parcours
de ces demi-droites. Si 2 > 0, on a

2t
e y0 ! sgn(y0 )1 quand t ! 1,

et donc il n’y a pas de stabilité orbitale, ni de stabilité asymptotique.


On se concentre donc maintenant sur le cas 2 < 0. Dans ce cas les demi-
droites sont parcourues dans le sens “haut vers bas” si y0 > 0, “bas vers haut”
si y0 < 0. Autrement dit, si on part d’un point (x0 , y0 ), on converge vers la
position d’équilibre (x0 , 0).
On voit alors que les points d’équilibre sont tous orbitalement stables, mais pas
asymptotiquement stables : en effet, si (x0 , y0 ) est dans un voisinage de (↵, 0) la
trajectoire va rester dans un voisinage de (↵, 0). En revanche, si x0 6= ↵, aussi
près soit-il de ↵, la trajectoire ne converge jamais vers (↵, 0), et on n’a donc pas
de stabilité asymptotique.
✓ ◆

2. Si A = , avec ↵, 2 R, 6= 0 :

Seul (0, 0) est état d’équilibre.
Si ↵ = 0, les trajectoires sont des courbes fermées. On a donc stabilité orbitale, mais
pas stabilité asymptotique.
Si ↵ 6= 0, les trajectoires sont des spirales qui s’entourent autour de l’origine, et le
signe de ↵ détermine le sens de parcours de la spirale. On retrouve une fois de plus
qu’on a stabilité orbitale et asymptotique si ↵ < 0, et ni stabilité orbitale ni stabilité
asymptotique si ↵ > 0.
✓ ◆
3. Si A = , avec , 2 R, 6= 0 :
0
Si 6= 0, le portrait de phase a l’allure dessinée page 54. Le signe de détermine le
sens de parcours de la courbe. On voit immédiatement qu’on a stabilité asymptotique
(resp. stabilité orbitale) si et seulement si < 0.
Examinons maintenant le cas = 0. Dans ce cas les états d’équilibre sont de la forme
(r, 0) avec r 2 R. Par ailleurs

✓ ◆
y
e X0 = X0 + t 0 .
tA
0

Ainsi si y0 6= 0, ketA X0 k ! 1 quand t ! 1. On ne peut donc pas avoir de stabilité


asymptotique ni de stabilité orbitale.

On résume ces propriétés de stabilité des points d’équilibre, qui se transmettent aussi
aux matrices semblables, dans le tableau suivant :
62CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS

A diagonalisable, 1 <0 1 =0 1 >0


avec valeurs propres dis- 2 <0 Stabilité orbi-
tinctes ou confondues tale et asymp-
1, 2 2 R totique
2 =0 Stabilité orbitale mais pas asymptotique
2 >0 Pas de stabilité orbitale, ni asymptotique
A diagonalisable, ↵<0 ↵=0 ↵>0
avec valeurs propres Stabilité orbi- Stab. orbi- Pas de stabi-
↵ ± i , 6= 0 tale et asymp- tale, mais pas lité orbitale, ni
totique asymptotique asymptotique
A non diagonalisable, <0 =0 >0
donc avec valeur propre Stabilité orbi- Pas de stabilité orbitale, ni asymptotique
double 2 R tale et asymp-
totique
Notons que si toutes les valeurs propres de A ont des parties réelles strictement né-
gatives, alors les point d’équilibre sont asymptotiquement et orbitalement stables. Aussi,
si l’une des valeurs propres de A a une partie réelle strictement positive, alors les points
d’équilibre ne sont pas stables (ni asymptotiquement, ni orbitalement). Enfin, dans tous les
cas de stabilité asymptotique on a aussi la stabilité orbitale. En général pour des équations
plus compliquées la stabilité asymptotique n’implique automatiquement qu’une notion de
stabilité orbitale plus faible que celle ci-dessus.

Remarque 3.3.5. Cette méthode est souvent utilisée en pratique pour déterminer la sta-
bilité d’un état d’équilibre, même en dehors du cadre linéaire. En effet, supposons que X
soit solution de l’équation autonome

X 0 (t) = b(X(t)),

et supposons qu’il existe Xeq 2 R2 tel que b(Xeq ) = 0. On part d’une position initiale dans
un voisinage de Xeq . Alors tant que X(t) est proche de Xeq , on a

b(X(t)) ⇡ Db(Xeq )(X(t) Xeq ),

où Db est la matrice jacobienne !


@b1 @b1
@x1 @x2 .
@b2 @b2
@x1 @x2

En notant A = Db(Xeq ), Y (t) = X(t) Xeq , on en déduit que tant que X(t) est dans un
voisinage de Xeq , et donc tant que Y (t) est petit, l’évolution est pilotée par l’équation

Y 0 (t) = AY (t).

En examinant les valeurs propres de la matrice A, on peut savoir si on a un espoir que le


point d’équilibre Xeq soit stable. On peut démontrer (mais c’est difficile !) que si toutes les
valeurs propres de A ont des parties réelles strictement négatives, alors Xeq est un point
d’équilibre asymptotiquement stable pour le système non linéaire de départ. Si l’une des
valeurs propres de A a une partie réelle strictement positive, alors le point d’équilibre n’est
pas stable (ni asymptotiquement, ni orbitalement). Dans les autres cas (valeurs propres
avec parties réelles négatives ou nulles, mais pas toutes strictement négatives), on ne peut
pas conclure en général.
3.3. TRACÉ DES TRAJECTOIRES DE SOLUTIONS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRE

Le raisonnement mené ci-dessus s’appelle une linéarisation de l’équation près du point


d’équilibre. Il peut se généraliser à des cas plus complexes (étude d’équations aux dérivées
partielles, qui peuvent s’apparenter à des systèmes d’équations différentielles en dimension
infinie...) Le résultat cité précédemment, qui fait le lien entre les valeurs propres de Db(Xeq )
et la stabilité du point d’équilibre correspondant, justifie a posteriori que l’on étudie les
systèmes linéaires à coefficients constants de façon aussi approfondie.
64CHAPITRE 3. SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES ET PORTRAITS DE PHAS
Chapitre 4

Analyse numérique

Nous avons vu des formules donnant explicitement les solutions des équations scalaires
linéaires d’ordre un et de celles vectorielles linéaires d’ordre un à coefficients constants.
Néanmoins, comme on l’a souligné dans le premier chapitre, de telles formules n’existent
pas toujours. On peut donc adopter un point de vue légèrement différent : comment faire
pour calculer, avec une précision arbitrairement grande, des valeurs approchées des valeurs
prises par les solutions d’équations différentielles ?

4.1 Notion de solution approchée


Dans toute la suite, on utilisera la notion suivante (valable pour des fonctions à valeurs
vectorielles, et pas seulement scalaires) :

Définition 4.1.1. Soit I un intervalle de R, et soit X : I ! Rm la solution d’une équation


différentielle.
Une suite de solutions approchées est une suite de fonctions (X [p] )p2N , avec X [p] :
I ! Rm pour tout p, et telle qu’on a la convergence uniforme

lim sup kX [p] (t) X(t)k = 0.


p!1 t2I

La démarche générale des schémas numériques qui seront vus dans ce cours est la
suivante. On suppose que l’intervalle I est de la forme I = [t0 , t1 ]. On commence par dis-
crétiser l’intervalle : on découpe l’intervalle I en p sous-intervalles, et on ne va finalement
s’intéresser qu’aux valeurs prises par la fonction X aux bornes de ces sous-intervalles.
Pour p 2 N, p 1, on pose

t1 t0
hp = , tk,p = t0 + khp pour 0  k  p. (4.1)
p

On remarque que l’on a t0,p = t0 , tp,p = t1 . Les points tk,p sont appelés points de
discrétisation.
Pour p fixé l’idée est de définir la fonction X [p] en tant que fonction affine par mor-
ceaux, en prescrivant les valeurs prises en tk,p pour k 2 {0, · · · , p} et en étendant ensuite
de façon affine sur l’ensemble de l’intervalle [t0 , t1 ]. Il suffit donc de connaître X [p] (t0,p ),
X [p] (t1,p ), · · · X [p] (tp,p ) pour connaître la fonction X [p] sur l’ensemble de l’intervalle [t0 , t1 ].
Par ailleurs, les valeurs de X [p] (t0,p ), X [p] (t1,p ), · · · X [p] (tp,p ) seront calculées par récurrence
sur k 2 {0, · · · , p} :

65
66 CHAPITRE 4. ANALYSE NUMÉRIQUE

— on prend en général
X [p] (t0,p ) = X(t0 ),
la quantité X(t0 ) étant donnée par la condition initiale prescrite avec l’équation
différentielle étudiée ;
— X [p] (tk+1,p ) est calculé en fonction de X [p] (tk,p ). La formule reliant X [p] (tk+1,p ) et
X [p] (tk,p ) détermine l’algorithme utilisé.
Définition 4.1.2. Un schéma numérique est la donnée d’une relation de récurrence
permettant de définir la suite (X [p] (tk,p ))0kp .
Récapitulons :
1. X [p] (t0 ) est donné par la condition initiale de l’équation différentielle ;
2. X [p] (tk+1,p ) et X [p] (tk,p ) sont reliés par une formule de récurrence ;
3. pour t 2]tk,p , tk+1,p [, on prend
t tk,p
X [p] (t) = X [p] (tk,p ) + (X [p] (tk+1,p ) X [p] (tk,p ))
hp

Il y a plusieurs choses à vérifier :


— La première étape est de vérifier que la fonction X [p] est bien définie pour tout p.
Compte tenu de la définition de X [p] ci-dessus, cela revient à montrer que la formule
de récurrence reliant X [p] (tk+1,p ) et X [p] (tk,p ) permet bien de déterminer X [p] (tk+1,p )
de façon unique.
— Ensuite il faut vérifier que la suite (X [p] )p 1 forme bien une suite de solutions ap-
prochées de X, c’est-à-dire qu’elle vérifie la notion de convergence de la Définition
(4.1.1). Sachant que

kX [p] (t) X(t)k  kX [p] (t) X [p] (tk,p )k + kX [p] (tk,p ) X(tk,p )k + kX(tk,p ) X(t)k,

on peut par exemple commencer par montrer la convergence

lim supkX [p] (tk,p ) X(tk,p )k = 0,


p!1 k

puis montrer que


⇣ ⌘
lim sup sup kX(tk,p ) X(t)k + kX [p] (tk,p ) X [p] (t)k = 0.
p!1 k t2[t ,t
k,p k+1,p ]

La première des deux conditions ci-dessus est basée que sur les valeurs de X [p] aux
points de discrétisation tk,p . La seconde condition examine ce qui se passe entre tk,p et
tk+1,p , pour la fonction X et pour la fonction X [p] . L’idée est que comme l’intervalle
[tk,p , tk+1,p ] a une longueur hp , avec limp!1 hp ! 0, si les fonctions X et X [p] sont
régulières (par exemple si leur dérivée sur l’intervalle ]tk,p , tk+1,p [ est uniformément
bornée), la seconde condition sera réalisée grâce au théorème des accroissements finis.
Dans la pratique, dans l’étude des équations différentielles et pour les schémas qui
y sont associés, la dernière condition est vérifiée de façon quasi-automatique. Par
exemple, pour une équation du type

X 0 (t) = f (t, X(t)),

il suffit que la fonction f soit bornée.


4.2. SCHÉMAS D’EULER POUR LES ÉQUATIONS LINÉAIRES D’ORDRE UN 67

Le schéma numérique en tant que tel ne s’intéresse donc qu’aux nombres X [p] (tk,p ),
[p]
pour 0  k  p. Pour alléger un peu les notations, on peux noter ces nombres Xk .
Remarque 4.1.3. La suite de fonctions (X [p] )p2N est une approximation de la solution
exacte X. Attention donc au fait que les fonctions X [p] ne sont pas des solutions
[p]
exactes de l’équation. Aussi, la suite (Xk )0kp est une approximation de la suite
[p]
(X(tk,p ))0kp , attention donc à ne pas confondre Xk et X(tk,p ).
Nous allons nous concentrer dans ce chapitre sur les équations linéaires d’ordre un.

4.2 Schémas d’Euler pour les équations linéaires d’ordre un


On considère maintenant l’équation (2.1) munie de la donnée initiale x(t0 ) = xini ,
pour laquelle on cherche à définir un (ou des) schéma(s) numérique(s). Pour cela, on écrit
l’équation en t = tk,p , pour 0  k  p :

x0 (tk,p ) = a(tk,p )x(tk,p ) + b(tk,p ).

Il y a deux idées principales pour construire les schémas numériques qui seront vus dans
le cadre de ce cours :
— On remplace x0 (tk,p ) par un taux d’accroissement de la fonction x entre deux instants
voisins de tk,p . Par exemple, on peut écrire

x(tk+1,p ) x(tk,p )
x0 (tk,p ) ' (4.2)
hp
ou encore
x(tk,p ) x(tk 1,p )
x0 (tk,p ) ' . (4.3)
hp
[p]
— On remplace chaque occurrence de x(tk,p ) par xk .
Les deux choix (4.2) et (4.3) donnent lieu à deux relations de récurrence différentes sur
[p]
la suite (xk )0kp :
1. Choix (4.2) : schéma d’Euler explicite :
On obtient la relation de récurrence
[p] [p]
xk+1 xk [p]
= a(tk,p )xk + b(tk,p ),
hp
ce qui donne, pour 0  k  p 1,
[p] [p]
xk+1 = (1 + hp a(tk,p ))xk + hp b(tk,p ). (4.4)

L’initialisation de la récurrence est faite en prenant


[p]
x0 = xini .

2. Choix (4.3) : schéma d’Euler implicite :


On obtient l’équation de récurrence
[p] [p]
xk xk 1 [p]
= a(tk,p )xk + b(tk,p ),
hp
68 CHAPITRE 4. ANALYSE NUMÉRIQUE

ce qui s’écrit encore


[p] [p]
(1 hp a(tk,p ))xk = xk 1 + hp b(tk,p ).
[p]
Cette équation est dite implicite car la formule ne donne pas directement xk en
[p]
fonction de xk 1 : il faut d’abord diviser par (1 hp a(tk,p )). Mais ici, si a est une
fonction continue, elle reste bornée sur l’intervalle [t0 , t1 ] : on pose

M = sup |a(t)|.
t2[t0 ,t1 ]

Alors si p est suffisamment grand, M hp  1/2 et


1
1 hp a(tk,p ) > 0 8k 2 {0, · · · p}.
2
Par conséquent, en écrivant l’équation de récurrence au rang k + 1, on obtient,
[p] 1 [p] 1
xk+1 = (1 hp a(tk+1,p )) xk + hp (1 hp a(tk+1,p )) b(tk+1,p ). (4.5)

Examinons à présent le cas homogène à coefficients constants, c’est-à-dire b(t) = 0


et a(t) = a0 pour tout t 2 [t0 , t1 ]. Nous allons comparer les fonctions obtenues par les
schémas numériques d’Euler avec la solution exacte de l’équation afin de voir si on obtient
bien une suite de solutions approchées dans le sens de la Définition (4.1.1). Les formules
des paragraphes précédents donnent dans ce cas

x(t) = xini ea0 (t t0 )


.

La relation de récurrence du schéma d’Euler explicite (4.4) devient quant à elle


[p] [p]
xk+1 = (1 + hp a0 )xk .
[p]
la suite (xk )0kp est donc une suite géométrique de raison 1 + hp a0 . On a donc
[p]
xk = (1 + hp a0 )k xini 8k 2 {0, · · · , p}.

Comme a est une fonction continue, nous avons vu que pour avoir la convergence de la
Définition (4.1.1) satisfaite il suffit de vérifier que
[p]
lim sup |x(tk,p ) xk | = 0. (4.6)
p!1 0kp

Compte tenu des formules ci-dessus, on a, pour tout k 2 {0, · · · , p},


⇣ ⌘
[p]
x(tk,p ) xk = ea0 (tk,p t0 ) (1 + hp a0 )k xini
⇣ ⌘
= ea0 khp ek ln(1+hp a0 ) xini .

Or
h2p a20
hp a 0  ln(1 + hp a0 )  hp a0
2
Par conséquent,
h2p k
a20  k ln(1 + hp a0 ) a0 khp  0,
2
4.3. SCHÉMAS D’EULER POUR DES SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES6

et on en déduit que
h2
pk
[p] a20
x(tk,p ) xk  |xini | ea0 khp 1 e 2 .

Comme 0  hp k  t1 t0 on obtient donc une majoration uniforme en k :


hp (t1 t0 )
[p] a20
sup x(tk,p ) xk  |xini |e|a0 |(t1 t0 )
1 e 2 .
0kp
p!1
Le membre de droite tend vers zéro quand p ! 0 car hp ! 0. On a donc bien (4.6). La
convergence pour le schéma d’Euler implicite se démontre de façon analogue.

4.3 Schémas d’Euler pour des systèmes d’équations différen-


tielles linéaires
On considère une équation différentielle du type
X 0 (t) = A(t)X(t) + B(t),
avec A : I ! M2 (R), B : I ! R2 , et X : I ! R2 , où I = [a, b] est un intervalle de R. On
munit cette équation différentielle d’une condition initiale
X(a) = Xini ,
et on cherche à calculer des solutions approchées de l’équation différentielle. Comme ex-
pliqué au paragraphe précédent, on choisit des points de discrétisation définis par (4.1).
Pour définir le schéma numérique, on commence par considérer l’équation différentielle aux
points de discrétisation :
X 0 (tk,p ) = A(tk,p )X(tk,p ) + B(tk,p ).
Dans ce cadre vectoriel, le schéma d’Euler explicite devient
Xk+1 Xk
= A(tk,p )Xk + B(tk,p ),
hp
ce qui donne, pour 0  k  p 1,
Xk+1 = (I2 + hp A(tk,p ))Xk + hp B(tk,p ). (4.7)
L’initialisation de la récurrence est faite en prenant
X0 = Xini .
Le schéma d’Euler implicite devient
Xk Xk 1
= A(tk,p )Xk + B(tk,p ),
hp
ce qui s’écrit encore
(I2 hp A(tk,p ))Xk = Xk 1 + hp B(tk,p ).
Cette équation est dite implicite car la formule ne donne pas directement Xk en fonction
de Xk 1 : il faut d’abord inverser la matrice I2 hp A(tk,p ) (après avoir montré que cette
matrice est bien inversible !). En écrivant l’équation de récurrence au rang k +1, on obtient,
si I2 hp A(tk+1,p ) est inversible,
1 1
Xk+1 = (I2 hp A(tk+1,p )) Xk + hp (I2 hp A(tk+1,p )) B(tk+1,p ). (4.8)
70 CHAPITRE 4. ANALYSE NUMÉRIQUE

Lemme 4.3.1. Pour tout t 2 I, on écrit


✓ ◆
a(t) b(t)
A(t) =
c(t) d(t).
On suppose qu’il existe une constante C0 > 0 telle que
sup max (|a(t)|, |b(t)|, |c(t)|, |d(t)|)  C0 .
t2I

Alors il existe p0 2 N tel que pour tout p p0 , pour tout t 2 I, la matrice I2 hp A(t) est
inversible.
L’hypothèse
9C0 > 0, sup max (|a(t)|, |b(t)|, |c(t)|, |d(t)|)  C0
t2I

est vérifiée dès que A est continue, puisque l’intervalle I est ici compact. Par conséquent,
pour tout p p0 , le schéma d’Euler implicite donné par l’équation de récurrence (4.5) est
bien défini.

Démonstration. Pour tout t 2 I, p 2 N⇤ , la matrice I2 hp A(t) s’écrit


✓ ◆
1 hp a(t) hp b(t)
I2 hp A(t) = .
hp c(t) 1 hp d(t)
On a donc
det(I2 hp A(t)) = (1 hp a(t)) (1 hp d(t)) h2p b(t)c(t)
= 1 hp (a(t) + d(t)) + h2p (a(t)d(t) b(t)c(t)).
Ainsi, pour tout t 2 I,
|det(I2 hp A(t)) 1|  2hp C0 + 2h2p C02 .
On rappelle que hp = (b a)/p, de sorte que le membre de droite de l’inégalité ci-dessus
tend vers zéro lorsque p tend vers l’infini. Soit p0 2 N tel que
1
p p0 ) 2hp C0 + 2h2p C02  .
2
On en déduit que si p p0 , alors pour tout t 2 I,
1 3
 det(I2 hp A(t))  .
2 2
En particulier det(I2 hp A(t)) 6= 0 pour tout t 2 I et pour tout p p0 , et la matrice
(I2 hp A(t) est donc inversible.

Remarque 4.3.2. On peut aussi faire d’autres choix que (4.2) et (4.3). Par exemple, on
peut aussi écrire
X(tk+1,p ) X(tk 1,p )
X 0 (tk,p ) ' .
2hp
Le lecteur pourra s’entraîner à écrire la relation de récurrence correspondante sur (Xk )0kp
et vérifier qu’il s’agit d’une suite récurrente d’ordre deux. On se concentre dans ce cours
uniquement sur les schémas (4.4) et (4.5), mais il faut bien garder en tête qu’il en existe
une multitude d’autres.
4.3. SCHÉMAS D’EULER POUR DES SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES7

Les schémas d’Euler qui ont été définis précédent peuvent évidemment être généralisés
à un cadre non linéaire pour une équation de la forme

X 0 (t) = f (t, X(t)).

On définit ainsi le schéma d’Euler explicite par la formule de récurrence

Xk+1 = Xk + hf (tk , Xk ),

et le schéma d’Euler implicite par la formule (implicite !)

Xk+1 = Xk + hf (tk+1 , Xk+1 ).

L’analyse générale du caractère bien défini de ces schémas et de leur convergence sort du
cadre de ce cours.
On a montré précédemment que les schémas d’Euler étaient convergents dans le cas
d’une équation linéaire homogène d’ordre un à coefficients constants. Cette preuve peut se
généraliser au cas vectoriel, comme on va le voir. Supposons que

A(t) = A0 et B(t) = 0 8t 2 I.

1. Schéma d’Euler explicite : la relation de récurrence (4.7) devient

Xk+1 = (I2 + hp A0 )Xk 8k 2 {0, · · · , p 1}.

On en déduit que
Xk = (I2 + hp A0 )k Xini

pour tout k 2 {0, · · · , p}. On va utiliser le résultat suivant :

Lemme 4.3.3. Soit R > 0. Il existe une constante CR telle que la propriété suivante
est vérifiée :
Pour toute matrice A = (ai,j )1i,j2 2 M2 (R) telle que

max |ai,j |  R,
1i,j2

et pour tout h dans un voisinage de zéro (dépendant de R), il existe une matrice
Ã(h) = (ã(h)i,j )1i,j2 , telle que

max |ã(h)i,j |  CR h2
1i,j2

et telle que
I2 + hA = exp(hA + Ã(h)).

De surcroît, les matrices A et Ã(h) commutent pour tout h dans un voisinage de zéro.
Par conséquent, pour tout k 2 N, pour tout h > 0,

(I2 + hA)k = exp(khA + k Ã(h)).


72 CHAPITRE 4. ANALYSE NUMÉRIQUE

Démonstration. 1 Si A est diagonalisable, alors il existe 1, 2 2 C, P 2 M2 (C)


inversible tels que ✓ ◆
1 0
A=P P 1.
0 2

Pour j 2 {1, 2} on définit la fonction ˜ j (h) par la relation

1+h j = exp (ln (1 + h j )) = exp(h j + ˜ j (h)).

On a ˜ j (h) = O(h2 ). On calcule ensuite


✓ ◆ ✓ ◆
1+h 1 0 1 exp(h 1+ ˜ 1 (h)) 0 1
I2 +hA = P P =P P
0 1+h 2 0 exp(h 2 + ˜ 2 (h))
✓ ✓ ◆ ◆
h 1 + ˜ 1 (h) 0
= exp P ˜ 2 (h) P 1 = exp(hA + Ã(h)),
0 h 2 +
où ✓ ◆
˜ 1 (h) 0 1
AÃ(h) = P ˜ 2 (h) P .
0
Les matrices A et Ã(h) commutent :
✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆✓ ◆
1 0 1
˜ 1 (h) 0 1 1 0 ˜ 1 (h) 0 1
AÃ(h) = P P P ˜ 2 (h) P = P 0 ˜ 2 (h) P
0 2 0 2 0
✓ ◆✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆
˜ 1 (h) 0 1 0 1
˜ 1 (h) 0 1 1 0
=P ˜ 2 (h) P =P ˜ P P P 1 = Ã(h)A.
0 0 2 0 2 (h) 0 2

Si A n’est pas diagonalisable, alors il existe 2 R, 2 R⇤ , P 2 M2 (R) inversible


tels que ✓ ◆
1 0
A=P P 1.
0 2

On définit comme avant une fonction ˜ (h) par la relation

1 + h = exp (ln (1 + h )) = exp(h + ˜ (h)),

et une fonction ˜ (h) par la relation, pour h assez petit,

h2
(1 + h )(h + ˜ (h)) = h () ˜ (h) = .
1+h
On a ˜ (h) = O(h2 ) et ˜ (h) = O(h2 ). On calcule ensuite
✓ ◆ ✓ ◆
1+h h 1 + h (1 + h )(h + ˜ (h))
I2 + hA = P P 1=P P 1
0 1+h 0 1+h
1. On peut aussi
Pdémontrer le nlemme en faisant une analogie avec 1 + x = e
x+x̃
pour X réel petit et
x̃ = ln(1+x) x = n 2 ( 1)n 1 xn! . On considére l’application matricielle définie pour h dans un voisinage
P n
de zéro par M (h) = n 1 ( 1)n 1 (hA) n
. Pour h assez petit on a khAk < 1 et donc M (h) est bien définie.
P P
On calcule @h M (h) = n 1 ( 1) n 1 n 1 n
h A = A k 0 ( 1)k (hA)k . Puisque khAk < 1 on déduit que
(I + hA)@h M (h) = A = @h (I + hA). Ceci implique, en multipliant par e M (h) , que @h ((I + hA)e M (h) ) = 0
donc on a (I + hA)e M (h) = (I + 0 · A)e M (0) = I. On conclut donc que I + hA = eM (h) = ehA+Ã(h) ,
P n
où Ã(h) = n 2 ( 1)n 1 (hA) n
. Nous avons la majoration kÃ(h)k  Ch2 et Ã(h) commute avec A car les
sommes partielles de la définition de Ã(h) commutent avec A.
4.3. SCHÉMAS D’EULER POUR DES SYSTÈMES D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES7

✓ ◆
˜ 1 h + ˜ (h)
= P exp(h + (h)) P 1
0 1
✓ ✓ ◆ ◆
h + ˜ (h) h + ˜ (h) 1
= exp P P = exp(hA + Ã(h)),
0 h + ˜ (h)
où ✓ ◆
˜ (h) ˜ (h) 1
Ã(h) = P ˜ (h) P .
0
On montre que A et Ã(h) commutent similairement au cas diagonalisable.
On déduit du Lemme 4.3.3 la convergence du schéma d’Euler explicite. En effet,
Xk = (I2 + hp A0 )k Xini = exp(khp A0 + k Ã0 (hp ))Xini .
D’autre part la solution exacte aux temps de discrétisation est
X(tk,p ) = exp((tk,p a)A0 )Xini = exp(khp A0 )Xini .
On a alors, comme A0 et Ã0 (hp ) commutent,
kXk X(tk,p )k  k exp(k Ã0 (hp )) I2 kk exp(khp A0 )Xini k
 k exp(k Ã0 (hp )) I2 kk exp(khp A0 )kkXini k.
On majore pour p assez grand
X (k Ã0 (hp ))n X ( h12p Ã0 (hp ))n
k exp(k Ã0 (hp )) I2 k = k k kh2p
n! n!
n 1 n 1

b a 1 C1
 (1 + k exp( 2
Ã0 (hp ))k  ,
p hp p
et
X (khp A0 )n X ((b a)kA0 k)n
k exp(khp A0 ) =   C2 ,
n! n!
n 0 n 0

où les constantes ne dépendent ni de k ni de p. Il s’ensuit que


C
sup kXk X(tk,p )k  .
0kp p
Par conséquent, le schéma d’Euler explicite est convergent.
2. Schéma d’Euler implicite : le raisonnement est similaire. On prend p suffisamment
grand pour que la matrice I2 hp A0 soit inversible. On a alors
k
Xk = (I2 h p A0 ) Xini
où B k = (B 1 )k pour B 2 GL2 (R), k 2 N.
En utilisant de nouveau le lemme 4.3.3, on a, pour tout h dans un voisinage de zéro,
I2 hA0 = exp( hA0 + Ã0 ( h)),
et donc
⇣ ⌘ 1
1
(I2 hA0 ) = exp( hA0 + Ã0 ( h)) = exp( ( hA0 +Ã0 ( h)) = exp(hA0 Ã0 ( h)).
La preuve de la convergence du schéma est ensuite identique à celle du schéma
d’Euler explicite, en remplaçant Ã0 (h) par Ã0 ( h).
On en déduit que le schéma d’Euler implicite est également convergent.
74 CHAPITRE 4. ANALYSE NUMÉRIQUE

4.4 Perte de périodicité dans les schémas d’Euler


On se place dans le même cas qu’au paragraphe précédent, avec
✓ ◆
iµ 0
A0 = P P 1
0 iµ

pour µ 2 R⇤ et P 2 GL2 (C). On a vu que dans ce cas,


✓ ◆
exp(iµ(t a)) 0 1
X(t) = P P Xini
0 exp( iµ(t a))

Les trajectoires sont donc périodiques de période 2⇡/µ, de forme ellipsoidale.


On peut maintenant voir ce qu’il en est pour les schémas d’Euler : prenons b = a + 2⇡µ .
A-t-on Xp = Xini ?
La réponse est non : en effet, pour tout k 2 {0, · · · , p}, on a (dans le cas du schéma
d’Euler explicite)
✓ ◆
(1 + ihp µ)k 0
Xk = (I2 + hp A0 )k Xini = P P 1
Xini .
0 (1 ihp µ)k

Il s’agit donc de déterminer si on a


✓ ◆
(1 + ihp µ)p 0
= I2
0 (1 ihp µ)p

donc si
(1 + ihp µ)p = 1.
Or
|(1 + ihp µ)p | = |1 + ihp µ|p = (1 + h2p µ2 )p/2 > 1.
Les trajectoires du schéma d’Euler explicite ne sont donc pas périodiques. Elles forment
des spirales qui s’éloignent de l’origine.
On peut également s’en convaincre en prenant un exemple explicite de matrice A0 , par
exemple ✓ ◆
0 µ
A0 = .
µ 0
On vérifie alors que les trajectoires {X(t),
✓ ◆ t 2 R} sont des cercles centrés en l’origine. Pour
xk
le schéma d’Euler, en posant Xk = , on obtient, puisque Xk+1 = (I2 + hp A0 )Xk
yk

xk+1 = xk hp µyk ,
yk+1 = yk + hp µxk ,

de sorte que

kXk+1 k2 = x2k+1 + yk+1


2
= (1 + h2p µ2 )(x2k + yk2 ) = (1 + h2p µ2 )kXk k2 :

la distance à l’origine augmente à chaque itération, on ne reste pas sur le cercle centré en
zéro et passant par Xini .
4.4. PERTE DE PÉRIODICITÉ DANS LES SCHÉMAS D’EULER 75

Pour le schéma d’Euler implicite, le phénomène est similaire mais inversé : la distance
à l’origine diminue à chaque itération. En reprenant les calculs de la seconde méthode,
on a par exemple
✓ ◆
1 1 1 hp µ
Xk+1 = (I2 hp A0 ) Xk = ,
1 + h2p µ2 hp µ 1

et donc
1
kXk+1 k2 = kXk k2 .
1 + h2p µ2
76 CHAPITRE 4. ANALYSE NUMÉRIQUE
Appendices

77
Chapitre 5

Deux types particuliers d’équations


différentielles

5.1 Recollements
Toutes les équations différentielles étudiées jusqu’ici étaient de la forme

X 0 (t) = f (t, X(t)).

C’est le cadre pour lequel on dispose de théorèmes d’existence et d’unicité généraux.


Néanmoins, il se peut qu’on rencontre des équations différentielles qui ne puissent être
mises sous cette forme de façon immédiate. L’exemple le plus simple est celui d’une équation
différentielle de la forme
g(t)X 0 (t) = h(t, X(t)),
où la fonction g : R ! R est de classe C 1 , et h : R ⇥ Rm ! Rm est aussi de classe C 1 , mais
f peut s’annuler sur R. Dans ce cas il n’y a pas de théorie générale assurant l’existence ou
l’unicité de solutions. La stratégie est alors la suivante :
— On identifie les points d’annulation de g, et, par suite, les intervalles sur lesquels g
ne s’annule pas ;
— Sur chacun des intervalles sur lequel g ne s’annule pas, on peut appliquer le théo-
rème de Cauchy-Lipschitz. On cherche alors l’ensemble des solutions de l’équation
différentielle sur cet intervalle (pour n’importe quelle valeur de la donnée initiale).
Attention, pour pouvoir appliquer le point suivant, il faut que ces solutions soient
définies (et bornées) dans un voisinage du point auquel on souhaite raccorder ;
— Il faut ensuite raccorder, ou recoller : par exemple, si f s’annule en t0 2 R, et que l’on
a trouvé des solutions sur ] 1, t0 [ et sur ]t0 , +1[, il faut construire une fonction
continue (et même C 1 , si possible) X telle que

X (t) si t < t0 ,
X(t) =
X+ (t) si t > t0 ,

où X et X+ sont des solutions sur ] 1, t0 [ et sur ]t0 , +1[ respectivement.


Suivant l’allure des fonctions X et X+ , parfois il n’y aura aucune solution continue de
l’équation, parfois il y en aura une unique, et parfois une infinité : tous les cas de figure sont
possibles. Il convient également de remarquer que les problèmes de recollement ne sont pas
associés à une condition initiale en général : en quelque sorte, le fait de devoir recoller en
un point joue le rôle de condition initiale. On donne ci-dessous quelques exemples.

79
80CHAPITRE 5. DEUX TYPES PARTICULIERS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

Exemple 1
On considère l’équation
(1 t2 )u0 (t) 2tu(t) = 1.
La fonction t 7! 1 t2 s’annule en 1 et en 1. On résout donc l’équation sur les intervalles
I1 =] 1, 1[, I2 =] 1, 1[, I3 =]1, +1[.
Sur chacun des intervalles Ij , j = {1, 2, 3}, on a
2t 1
u0 (t) u(t) = .
1 t2 1 t2
Les solutions générales de l’équation homogène associée sont de la forme
Rt 2s
... 1 s2 ds C̃
ū(t) = Ce = .
|1 t2 |
Pour trouver la solution générale de l’équation avec second membre, on applique la méthode
de variation de la constante. On cherche des solutions sous la forme
C(t)
u(t) = .
|1 t2 |
Il vient alors
C 0 (t) 1
= ,
|1 t2 | 1 t2
et donc C(t) = t sgn(1 t2 ) + Cj , puisque sgn(1 t2 ) est constant sur les intervalles Ij .
Bilan : sur chacun des intervalles Ij , la solution est de la forme

t sgn(1 t2 ) + C j t sgn(1 t2 ) + Cj
uj (t) = = .
|1 t2 | |(1 t)(1 + t)|
On cherche maintenant à raccorder aux points 1 et 1. Pour cela, il faut que les
fonctions u1 et u2 admettent une limite en 1, et que u2 et u3 admettent une limite en 1.
Or :
— u1 admet une limite finie en 1 si et seulement si C1 = 1;
— u2 admet une limite finie en 1+ si et seulement si C2 = 1 ;
— u2 admet une limite finie en 1 si et seulement si C2 = 1 ;
— u3 admet une limite finie en 1+ si et seulement si C3 = 1.
On voit donc que u2 ne peut pas avoir simultanément des limites finies en 1+ et en 1 .
Le problème n’a donc pas de solution globale, car on ne peut pas recoller sur R entier.
Par contre notons que l’on obtient un recollement continu sur ] 1, 1[ (et similairement
sur ] 1, 1[), qui est, en prenant donc C1 = 1 et C2 = 1, la fonction continue u(t) = 1 1 t .
Cette fonction est aussi de classe C 1 , donc solution de l’équation sur ] 1, 1[.

Exemple 2
On considère une variante de l’équation “explosive” ,

tu0 (t) = u(t)2 , t 2 R.

Comme la fonction t 7! t s’annule en zéro uniquement, on résout cette équation sur


R⇤± .
5.1. RECOLLEMENTS 81

Tout d’abord, sur chacun de ces intervalles, on remarque que la fonction nulle est
solution. On cherche à présent les solutions qui ne sont pas identiquement nulles. Soit u±
une solution de l’équation
1
u0 (t) = u(t)2
t
sur R± ⇤, définie sur un intervalle I± ⇢ R± ⇤, et soit t± 2 I± tel que u(t± ) 6= 0. On pose
a± = u± (t± ). D’après la Proposition 2.3.2, u± ne s’annule pas et garde un signe constant
sur I± . On a donc
u0± (t) 1
2
= 8t 2 I± .
u± (t) t
On en déduit que
1 1 t
= ln ,
a± u± (t) t±
et donc
1
u± (t) = .
1 t
a± ln t±

La fonction u± est donc définie tant que la quantité

1 t
ln
a± t±

reste non nulle et du même signe que a± , autrement dit tant que
✓ ◆
1 t t
a± ln = 1 a± ln > 0.
a± t± t±

Par conséquent, si on veut que u± soit définie au voisinage de zéro, il faut que a± > 0
nécessairement. Dans ce cas l’intervalle de définition de u± est
1 1
I+ =]0, t+ e a+ [, I =]t e a , 0[.

On vérifie de surcroît que les fonctions u± ainsi définies ont toutes pour limite zéro quand
t ! 0± . On peut donc raccorder par continuité quelles que soient les valeurs de t± , a± .
Autrement dit, la fonction u définie par
8
> 1
>
> ⇣ ⌘ si t > 0,
>
< 1 t
a+ ln t+
u(t) = 1
>
> ⇣ ⌘ si t < 0,
>
>
: 1
ln t
a t

avec a+ , a , t+ > 0, t < 0 quelconques, se prolonge par continuité en zéro en posant


u(0) = 0, et est solution de l’équation différentielle sur R⇤+ et sur R⇤ .
Néanmoins le raccord ne sera jamais de classe C 1 : en effet la fonction u± a pour dérivée
1
u0± (t) = ⇣ ⌘2 8t 2 I± ,
t a1± ln t±
t

qui a pour limite ±1 quand t ! 0± . Le raccord n’est donc pas C 1 (on peut montrer qu’il
n’est pas non plus dérivable en zéro).
82CHAPITRE 5. DEUX TYPES PARTICULIERS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

Exemple 3
On considère l’équation
|t|u0 (t) u(t) = t2 .

Comme pour les exemples précédents, on commence par résoudre cette équation sur R⇤ et
sur R⇤+ .
Sur I = R⇤ ou R⇤+ , on a
1
u0 (t) u(t) = |t|.
|t|

La solution générale de l’équation homogène est t 7! C+ t sur R⇤+ , et t 7! Ct sur R⇤ . On


applique ensuite la méthode de variation de la constante : on cherche u+ , u sous la forme

C (t)
u+ (t) = C+ (t)t, u (t) = .
t
On obtient
0
C+ (t) = 1, , C 0 (t) = t2 ,

d’où
t3
C+ (t) = t + c+ , C (t) = +c ,
3
avec c+ , c 2 R. Finalement, les solutions sur R⇤ et R⇤+ sont de la forme

t2 c
u (t) = + , t < 0,
3 t
u+ (t) = t2 + c+ t, t > 0.

Par conséquent, u et u+ ont des limites finies en zéro si et seulement si c = 0. Dans ce


cas, la fonction définie par
8
< t2
u(t) = si t  0,
3
: t2 + c+ t si t > 0,

est continue sur R et solution de l’équation différentielle sur R⇤+ et sur R⇤ pour toutes les
valeurs de c+ 2 R.
Il reste à voir la question de la dérivabilité en zéro. On a

lim u0 (t) = 0,
t!0
lim u0 (t) = c+ .
t!0+

D’après le théorème de la limite de la dérivée, u admet des demi-dérivées à gauche et


à droite en zéro. Elle est dérivable si et seulement si c+ = 0. Dans ce cas, la fonction est
de classe C 1 sur R.
Conclusion : l’unique solution de classe C 1 sur R de l’équation |t|u0 (t) u(t) = t2 est
8
< t2
u(t) = si t  0,
: t2 3 si t > 0,
5.2. ÉQUATIONS À VARIABLES SÉPARÉES 83

5.2 Équations à variables séparées


Le but est de résoudre des équations du type

y 0 (t) = g(y(t))f (t), (5.1)

où f, g : R ! R sont des fonctions de classe C 1 . On munit cette équation d’une donnée


initiale y(t0 ) = y0 .
On va commencer par faire un raisonnement manquant un peu de rigueur, mais qui
donne l’intuition du résultat, puis on démontrera ce résultat rigoureusement à l’aide des
théorèmes des paragraphes précédents.
On remarque immédiatement que si g(y0 ) = 0, alors la fonction constante t 7! y0 est
solution de l’équation (5.1). D’après le théorème de Cauchy-Lipschitz et ses corollaires,
c’est l’unique solution de donnée initiale y(t0 ) = y0 .
On suppose donc à présent que g(y0 ) 6= 0. Alors si y est une solution de (5.1), comme
la fonction g y est continue (puisqu’elle est de classe C 1 ), elle ne s’annule pas sur un
voisinage de t0 . Tant que g y ne s’annule pas, on a

y 0 (t)
= f (t).
g(y(t))

Soit F une primitive de f , et soit H une primitive de 1/g sur un intervalle contenant y0 et
sur lequel g ne s’annule pas. On obtient

H(y(t)) = F (t) + C,

où C est une constante arbitraire. Encore une fois, cette formule reste vraie tant que g y
ne s’annule pas. Si on arrive à inverser la fonction H, on a donc obtenu une formule
permettant d’obtenir y en fonction de t.

Remarque 5.2.1. Ce type d’équation se rencontre souvent en physique. Les physiciens ont
l’habitude d’écrire alors
dy
y 0 (t) = = g(y)f (t),
dt
et par suite
dy
= f (t)dt.
g(y)
Cette identité mène de nouveau à

H(y) = F (t) + C

On dit que l’on “sépare” les variables y et t, d’où le nom attribué à ces équations.

Remarque 5.2.2. Attention, la méthode ci-dessus n’est valable que pour un champ de
vecteur b(t, y) s’écrivant
b(t, y) = g(y)f (t).
Si on a b(t, y) = g(y) + f (t), cette méthode échoue.

On peut justifier les calculs menés ci-dessus de façon rigoureuse, en montrant en parti-
culier que la fonction g y ne s’annule jamais sur l’intervalle (maximal) de définition de y,
et que la fonction H est toujours inversible. On obtient alors le résultat suivant :
84CHAPITRE 5. DEUX TYPES PARTICULIERS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

Proposition 5.2.3. Soit I, U deux intervalles ouverts de R, et soit f : I ! R, g : U ! R


deux fonctions de classe C 1 .
Soit E = {z 2 U, g(z) = 0}.
Soit t0 2 I, y0 2 U .
On considère la solution maximale y du problème de Cauchy

y 0 (t) = f (t)g(y(t)),
y(t0 ) = y0 ,

et on note J ⇢ I l’intervalle ouvert sur lequel elle est définie.


On a alors les propriétés suivantes :
— Si y0 2 E, alors J = I et y(t) = y0 pour tout t 2 I ;
— Si y0 2
/ E : soit [
U0 = O.
Ointervalle,
y0 2O,
O⇢E c

Alors U0 6= ;, U0 est ouvert, et U0 est le plus grand intervalle contenant y0 et inclus


dans E c . Soit H une primitive de 1/g sur U0 , F une primitive de f sur I. On a :
— y(t) 2 U0 pour tout t 2 J ;
— Il existe une constante C telle que

H(y(t)) = F (t) + C 8t 2 J;

— La fonction H est un C 1 difféomorphisme de U0 sur H(U0 ).

Démonstration. On a déjà justifié que si g(y0 ) = 0 (i.e. y0 2 E), alors y(t) = y0 pour tout
t. On s’intéresse donc au cas où y0 2
/ E.
Remarquons que E = g 1 ({0}), et g est continue ; l’ensemble E est donc fermé (au
sens de la “topologie induite” : E = U \ F où F est un fermé de R), et E c est un ouvert.
Par conséquent, il existe > 0 tel que ]y0 , y 0 + [⇢ E c .
On remarque que
— U0 est non vide (puisque ]y0 ,y 0 + [⇢ U0 ) ;
— U0 est un intervalle contenant y0 puisque c’est une union d’intervalles contenant y0 ;
— U0 ⇢ E c ;
— Si O est un intervalle contenant y0 et inclus dans E c , alors O ⇢ U0 par définition de
U0 .
L’ensemble U0 est donc le plus grand intervalle contenant y0 et inclus dans E c . De plus, si
z 2 U0 , d’une part il existe O ⇢ E c intervalle contenant y0 et z, et d’autre part, puisque
z 2 E c , il existe 0 > 0 tel que [z 0 , z + 0 ] ⇢ E c . Alors O [ [z 0 , z + 0 ] est un intervalle

contenant y0 et inclus dans E , donc


c

0
[z , z + 0 ] ⇢ O [ [z 0
, z + 0 ] ⇢ U0 .

Par conséquent U0 est ouvert.


Montrons à présent que y(J) ⇢ U0 : d’après le théorème des valeurs intermédiaires,
y(J) est un intervalle. De plus y(J) contient y0 . Montrons que y(J) ⇢ E c : on raisonne
par l’absurde et on suppose qu’il existe y1 2 E, t1 2 J tel que y(t1 ) = y1 . D’après l’unicité
5.2. ÉQUATIONS À VARIABLES SÉPARÉES 85

pour le problème de Cauchy en t = t1 , on en déduit que y(t) = y1 pour tout t 2 J. En


particulier y0 = y(t0 ) = y1 2 E : absurde. Donc y(J) ⇢ E c .
Par définition de U0 , on en déduit que y(J) ⇢ U0 . Puisque y(J) ⇢ E c , g y ne s’annule
pas sur J et on peut écrire
y 0 (t)
= f (t) 8t 2 J.
g(y(t))
Cette égalité s’écrit encore
dH(y(t))
= f (t).
dt
On en déduit qu’il existe une constante C telle que

H(y(t)) = F (t) + C 8t 2 J.

Enfin, la fonction H est de classe C 1 sur U0 , et sa dérivée 1/g ne s’annule pas sur U0 .
Par conséquent H est un C 1 difféomorphisme de U0 sur H(U0 ).

Remarque 5.2.4. En pratique la constante C est déterminée par la relation

H(y0 ) = F (t0 ) + C.

Exemple 1
On considère l’équation différentielle
1
y 0 (t) = ,
y(t)

avec y(t0 ) = y0 6= 0.
On a ici g : z 2 R⇤ 7! z1 . On prend donc U = R⇤+ si y0 > 0, R⇤ si y0 < 0. On
remarque alors que E = ;, et donc U0 = U . Soit y la solution maximale du problème de
Cauchy, définie sur un intervalle ouvert J contenant t0 . En particulier y(t) 6= 0 sur Imax
donc sgn(y(t)) = sgn(y0 ).
Pour t 2 J, on a
y 0 (t)y(t) = 1,
soit
1 dy(t)2
= 1.
2 dt
On obtient donc
y(t)2 y02 = 2t 2t0 ,
et
8t 2 J, y(t)2 = y02 + 2t 2t0 .
On en déduit avec les arguments habituels que

y02
J = t0 , +1 .
2

Puisque y(t) 2 U pour tout t 2 J, on a


q
y(t) = sgn(y0 ) y02 + 2t 2t0 8t 2 J.
86CHAPITRE 5. DEUX TYPES PARTICULIERS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

Exemple 2
On considère l’équation différentielle

y 0 (t) = y(t) y(t)2 ,

avec y(t0 ) = y0 2 R.
La fonction g : z 2 R 7! z z 2 s’annule en 0 et en 1. Ainsi, si y0 2 {0, 1}, la fonction y
est constante et égale à y0 . On se concentre donc à présent sur les cas où y0 2 / {0, 1}.
On a alors U0 = R⇤ si y0 < 0, U0 =]0, 1[ si y0 2]0, 1[, U0 =]1, 1[ si y0 > 1.
Avec les notations de la Proposition, pour tout t 2 J, on a y(t) 2 U0 , et

y 0 (t)
= 1.
y(t) y(t)2

Pour appliquer la méthode, il faut calculer une primitive de z 7! z 1z 2 sur U0 . Pour cela,
on décompose la fraction en éléments simples : on écrit que pour z 2 R \ {0, 1},
1 1 1 1
= = + ,
z z2 z(1 z) z 1 z

dont une primitive sur chacun des intervalles R⇤ , ]0, 1[, ]1, 1[ est

z
z 7! ln |z| ln |1 z| = ln .
1 z

1. Premier cas : y0 < 0 : une primitive de z 7! 1


z z2
sur R⇤ est
✓ ◆
z 1
z 7! ln = ln 1 .
1 z 1 z
On obtient donc, pour tout t 2 J,
✓ ◆
1
ln 1 = t + C,
1 y(t)
où ✓ ◆
1
C= t0 + ln 1 < t0 .
1 y0
En inversant la fonction du membre de gauche, on obtient finalement

et+C
y(t) = 8t 2 J,
1 et+C
⇣ ⌘
d’où l’on déduit finalement que J =] 1, C[=] 1, t0 ln 1 1
1 y0 [.
2. Deuxième cas : y0 2]0, 1[ : une primitive de z 7! 1
z z2
sur ]0, 1[ est
✓ ◆
z 1
z 7! ln = ln 1 .
1 z 1 z
On obtient donc, pour tout t 2 J,
✓ ◆
1
ln 1 = t + C,
1 y(t)
5.2. ÉQUATIONS À VARIABLES SÉPARÉES 87

où ✓ ◆
y0
C= t0 + ln 2 R.
1 y0
Dans ce cas on obtient
et+C
y(t) = 8t 2 J,
1 + et+C
et donc finalement J = R.
3. Troisième cas : y0 > 1 : une primitive de z 7! 1
z z2
sur ]1, 1[ est
✓ ◆
z 1
z 7! ln = ln 1 + .
z 1 z 1

On en déduit que pour tout t 2 J,


✓ ◆ ✓ ◆
1 1
ln 1 + = t + C, où C = t0 + ln 1 + > t0 .
y(t) 1 y0 1

En inversant une nouvelle fois la formule, on arrive à

et+C
y(t) = 8t 2 J,
et+C 1
⇣ ⌘
et donc J =] C, +1[=]t0 ln 1 + 1
y0 1 , +1[.
88CHAPITRE 5. DEUX TYPES PARTICULIERS D’ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES
Chapitre 6

Exemples d’études avec portraits de


phase d’équations non-linéaires

6.1 Le système de Lotka-Volterra


Les équations de Lotka-Volterra, que l’on désigne aussi sous le terme de "modèle proie-
prédateur", sont un couple d’équations différentielles non-linéaires du premier ordre, et
sont couramment utilisées pour décrire la dynamique de systèmes biologiques dans lesquels
un prédateur et sa proie interagissent. Elles ont été proposées indépendamment par Alfred
James Lotka en 1925 et Vito Volterra en 1926. Le but de Volterra était de trouver un
modèle pour la dynamique des populations de sardines et de requins en mer Adriatique,
afin notamment d’expliquer pourquoi les quantités de sardines pêchées après l’interruption
due à la guerre n’étaient plus aussi importantes que précédemment et pourquoi à la reprise
de la pêche la proportion observée de requins avait augmenté.

Obtention des équations


On considère une population de proies N (t), et une population de prédateurs P (t). les
hypothèses de modélisation sont les suivantes :
— Les proies sont supposées avoir une source illimitée de nourriture et se reproduire
exponentiellement si elles ne sont soumises à aucune prédation ;
— Le taux de prédation sur les proies est supposé proportionnel à la fréquence de
rencontre entre les prédateurs et les proies. Cette fréquence de rencontre est elle-
même proportionnelle au produit du nombre de prédateurs par le nombre de proies ;
— En l’absence de proies, la population de prédateurs s’éteint exponentiellement ;
— La vitesse d’accroissement de la population des prédateurs due à la prédation est
proportionnelle au taux de prédation.
En effectuant un bilan entre t et t + dt comme au premier chapitre, on obtient les
équations suivantes : 8
>
> dN
< dt = aN (t) bN (t)P (t),
>
(6.1)
>
> dP
>
: = cN (t)P (t) dP (t),
dt
où a, b, c, d sont des paramètres positifs.
La fonction
(x, y) 2 R2 7! (ax bxy, cxy dy) 2 R2

89
90CHAPITRE 6. EXEMPLES D’ÉTUDES AVEC PORTRAITS DE PHASE D’ÉQUATIONS NON-LINÉAIRES

est de classe C 1 (donc en particulier C 1 ) car ses composantes sont polynomiales en x, y.


Soit (N0 , P0 ) 2 R2 quelconque. On considère l’équation (6.1) munie des conditions initiales
N (t = 0) = N0 , P (t = 0) = P0 . D’après le théorème de Cauchy-Lipschitz 2.2.6, ce problème
de Cauchy admet une unique solution maximale (N, P ) définie sur un intervalle ouvert I
contenant 0.

Remarque 6.1.1. L’intervalle d’existence I est défini de part et d’autre de zéro. Cepen-
dant, comme ici on s’intéresse à l’évolution d’un système après avoir prescrit une donnée
initiale, on ne considère ici que la famille {N (t), P (t)}t2R+ \I .

Positivité
• Soit N1 2 R quelconque. On observe alors que le couple (N̄ , P̄ ) défini par

N̄ (t) = N1 eat , P̄ (t) = 0 8t 2 R

est solution de (6.1).


De même, pour P1 2 R quelconque, le couple (N , P ) défini par
dt
N (t) = 0, P (t) = P1 e 8t 2 R

est solution de (6.1).


• Soit N0 > 0, P0 > 0. Considérons à présent la solution maximale du système (6.1)
muni de la condition initiale N (t = 0) = N0 , P (t = 0) = P0 . On cherche à montrer
que N (t) > 0 et P (t) > 0 pour tout t 2 I. On raisonne par l’absurde et on sup-
pose par exemple qu’il existe t1 2 I tel que N (t1 ) = 0. On pose P1 = P (t1 )edt1 . On a
alors (N, P )(t1 ) = (N , P )(t1 ), et donc d’après l’unicité du théorème de Cauchy-Lipschitz,
(N, P )(t) = (N , P )(t) pour tout t 2 I. En particulier, N0 = N (0) = N (0) = 0 : absurde.
Par conséquent, N ne s’annule pas sur I. Comme N est une fonction continue et que I est
un intervalle, N garde un signe constant sur I. Donc N (t) > 0 pour tout t 2 I. De même,
P (t) > 0 pour tout t 2 I.

“Énergie” du système
On a la propriété suivante, qui permet de mieux comprendre le comportement des
solutions et de tracer les trajectoires :

Proposition 6.1.2. On définit la fonction

R⇤+ 2 ! R
H : (x, y) 7! by + cx a ln y d ln x.

Alors pour toute solution (N, P ) de (6.1) telle que N (0) = N0 > 0, P (0) = P0 > 0, on a,
pour tout t 2 I
H(N (t), P (t)) = H(N0 , P0 ).

Démonstration. On dérive par rapport à t la quantité H(N (t), P (t)) : cette manipulation
est autorisée puisque (N, P ) est de classe C 1 et que H est C 1 . Notons également que
H(N (t), P (t)) est bien défini d’après ce qui précède puisque (N (t), P (t)) 2 R⇤+ 2 .
6.1. LE SYSTÈME DE LOTKA-VOLTERRA 91

En utilisant l’équation (6.1), on obtient


d dP dN P 0 (t) N 0 (t)
H(N (t), P (t)) = b +c a d
dt dt dt P (t) N (t)
= bcP (t)N (t) bdP (t) + caN (t) bcP (t)N (t) acN (t) + ad da + dbP (t)
= 0.

On en déduit que la quantité H(N (t), P (t)) reste constante le long de chaque trajectoire.

Corollaire 6.1.3. On suppose N0 > 0, P0 > 0. Alors il existe x , x+ , y , y+ tels que


d
0<x   x+ ,
c
a
0 < y   y+
b
et tels que pour tout t 2 I,

x  N (t)  x+ , y  P (t)  y+ .

Par conséquent, I = R.
Démonstration. On définit les fonctions 'b,a , 'c,d par

'b,a : x 2 R⇤+ 7! bx a ln x,
(6.2)
'c,d : x 2 R⇤+ 7! cx d ln x,

de sorte que
H(x, y) = 'b,a (y) + 'c,d (x) 8(x, y) 2 R⇤+ 2 .
Le tableau de variations de 'c,d est
x d
0 c
+1

'0c,d (x) 0 +

+1 +1
'c,d (x)
d(1 ln dc )

Celui de 'b,a est analogue.


On en déduit en particulier que
d
'c,d (x) d(1 ln ) 8x 2 R⇤+ ,
c
a
'b,a (y) a(1 ln ) 8y 2 R⇤+ .
b
Par conséquent, pour tout t 2 I,
a
'c,d (N (t)) = H(N0 , P0 ) 'b,a (P (t))  H(N0 , P0 ) a(1 ln ).
b
Ainsi
a
sup 'c,d (N (t))  H(N0 , P0 ) a(1 ln ),
t2I b
92CHAPITRE 6. EXEMPLES D’ÉTUDES AVEC PORTRAITS DE PHASE D’ÉQUATIONS NON-LINÉAIRES

et de même
d
sup 'b,a (P (t))  H(N0 , P0 ) d(1 ln ).
t2I c
On déduit des tableaux de variations de 'c,d et 'b,a qu’il existe x± , y± tels que

d
0<x   x+ ,
c
a
0 < y   y+
b
et tels que

a d
'c,d (x± ) = H(N0 , P0 ) a(1 ln ), 'b,a (y± ) = H(N0 , P0 ) d(1 ln ). (6.3)
b c
Par conséquent,
N (t) 2 [x , x+ ], P (t) 2 [y , y+ ] 8t 2 I.
Les solutions de (6.1) restent donc bornées sur leur intervalle maximal d’existence. La
Proposition 2.2.13 implique alors que I = R.

Tracé du portrait de phases


Traçons à présent quelques courbes paramétrées

CN0 ,P0 = {(x, y) 2 R2 , 9t 2 R+ , x = N (t), y = P (t)},

où (N, P ) est la solution de (6.1) de donnée initiale (N0 , P0 ).


D’après la proposition 6.1.2, ces courbes paramétrées sont incluses dans des lignes
de niveau de la fonction H, c’est-à -dire des courbes d’équation H(x, y) = constante =
H(N0 , P0 ). Par ailleurs, les fonctions N et P sont définies pour tout t et ne possèdent pas
de symétrie évidente.
Notons DH0 la courbe d’équation

H(x, y) = H0 .

On a CN0 ,P0 ⇢ DH(N0 ,P0 ) . Il faut donc d’une part tracer les courbes DH0 pour différentes
valeurs de H0 , et d’autre part montrer que CN0 ,P0 = DH(N0 ,P0 ) , autrement dit que les
solutions (N (t), P (t)) parcourent toute la courbe DH(N0 ,P0 ) .
B Tracé des courbes DH0 :
Tout d’abord, on observe que si

H0 < inf 'b,a + inf 'c,d ,

la courbe DH0 est vide. Si


⇣ ✓ ◆
a⌘ d
H0 = inf 'b,a + inf 'c,d = a 1 ln +d 1 ln ,
b c

la courbe est réduite au point (a/b, d/c). Dans toute la suite, on étudie donc le cas où

H0 > inf 'b,a + inf 'c,d .


6.1. LE SYSTÈME DE LOTKA-VOLTERRA 93

On trace alors la courbe DH0 en séparant ses deux branches y 2 [y , a/b] et y 2 [a/b, y+ ],
où y , y+ sont définis par (6.3).
On observe alors que 'c,d (resp. 'b,a ) est une bijection de ]0, d/c] sur [d 1 ln dc , +1[
(resp. de ]0, a/b] sur [a 1 ln ab , +1[), et également de [d/c, +1[ sur [d 1 ln dc , +1[
(resp. de [a/b, +1[ sur [a 1 ln ab , +1[). On définit les bijections réciproques , + de
'b,a restreinte aux intervalles ]0, a/b] et [a/b, +1[. Les fonctions , + sont toutes deux
définies sur [a 1 ln ab , +1[. Si y 2 [y , a/b], on a
(x, y) 2 DH0 , y = (H0 'c,d (x)) ,
et pour y 2 [a/b, y+ ], on a
(x, y) 2 DH0 , y = + (H0 'c,d (x)) .
On est donc ramené à tracer les graphes des fonctions
f± : x 7! ± (H0 'c,d (x))
sur l’intervalle [x , x+ ]. Notons que si x 2 [x , x+ ], par définition de x± , on a
⇣ a⌘
'c,d (x)  H0 a 1 ln
b
et donc les fonctions f+ , f sont bien définies sur [x , x+ ].
La fonction (resp. + ) est décroissante (resp. croissante) sur [a (1 ln a/b) , +1[,
dérivable sur ]a (1 ln a/b) , +1[, et sa dérivée est
0 1
± = .
'b,a ±

Par conséquent les fonctions f+ et f sont dérivables sur ]x , x+ [, de dérivée


1
f±0 (x) = '0c,d (x) .
'b,a f± (x)
On observe que
lim f±0 (x) = ±1, lim f 0 (x) = ⌥1.
x!x x!x+ ±

On en déduit les tableaux de variations suivants :

x x d x+
c

f 0 (x) 0 +
a a
b b
f (x)
y

f+0 (x) + 0
y+
f+ (x)
a a
b b
94CHAPITRE 6. EXEMPLES D’ÉTUDES AVEC PORTRAITS DE PHASE D’ÉQUATIONS NON-LINÉAIRES

La courbe possède donc des tangentes horizontales aux points (d/c, y ) et (d/c, y+ ) et
des tangentes verticales aux points (x , a/b) et (x+ , a/b).
Enfin, on observe que y et x sont décroissants en H0 , tandis que y+ et x+ sont
croissants en H0 . En considérant plusieurs valeurs de H0 , on obtient donc une série de
courbes qui ont l’allure représentée sur la figure 6.1. En particulier, on observe que les
courbes d’équation H(x, y) = H0 sont des courbes fermées.
B Description des trajectoires (N (t), P (t)) pour t 0 :
Remarquons tout d’abord que si (N0 , P0 ) = dc , ab , alors on a

d a
H(N0 , P0 ) = ⇤min⇤ H = d(1 ln ) + a(1 ln ).
R+ ⇥R+ c b

En particulier
H(N (t), P (t)) = ⇤min⇤ H 8t 2 R,
R+ ⇥R+

et donc (N (t), P (t)) = (N0 , P0 ) pour tout t : le point dc , ab est un point d’équilibre du
système, et la courbe CN0 ,P0 est un point.
Dans toute la suite, on suppose donc N0 > 0, P0 > 0, et (N0 , P0 ) 6= dc , ab . On sait
déjà que pour tout t 2 R, (N (t), P (t)) 2 DH0 avec H0 = H(N0 , P0 ). La première question
est de savoir dans quel sens la courbe va être parcourue. Or comme les fonctions N et P
sont définies par une équation différentielle, il est assez facile de déterminer les signes de
N 0 (t) et P 0 (t). On a
a
N 0 (t) > 0 () P (t) < ,
b
0 d
P (t) > 0 () N (t) > .
c
On en déduit immédiatement que la courbe DH0 est parcourue dans le sens trigonométrique.
En particulier, si on repère la position (N (t), P (t)) en fonction de son abscisse curviligne
s(t) sur la courbe DH0 , on voit que s est une fonction croissante du temps (en augmentant
s de la longueur de la courbe à chaque fois que l’on fait un tour complet).
Il y a donc deux possibilités : soit s admet une limite finie en +1, et en ce cas il existe
(N̄ , P̄ ) 2 DH0 tel que
lim (N (t), P (t)) = (N̄ , P̄ ),
t!1

soit limt!1 s(t) = +1, et dans ce cas il existe T > 0 tel que s(T ) = s(0) + L, c’est-à -dire
(N (T ), P (T )) = (N0 , P0 ).
Supposons que (N0 , P0 ) 2 R⇤+ ⇥R⇤+ \ dc , ab . On va à présent montrer que la première
possibilité ne peut pas se produire. Raisonnons par l’absurde et supposons que

lim (N (t), P (t)) = (N̄ , P̄ ),


t!1

Alors nécessairement, on a aussi

lim (N 0 (t), P 0 (t)) = (aN̄ bN̄ P̄ , cN̄ P̄ dP̄ ) = (c1 , c2 ).


t!1

Si (c1 , c2 ) 6= (0, 0), alors on a nécessairement limt!1 |N (t)| = +1 ou limt!1 |P (t)| =


+1 : absurde. Donc c1 = c2 = 0, ce qui implique
⇢ ✓ ◆
d a
(N̄ , P̄ ) 2 (0, 0), , .
c b
6.2. LE PENDULE SIMPLE 95

Or par conservation de l’énergie et continuité de H, on a aussi H(N̄ , P̄ ) = H(N0 , P0 ) >


min H = H dc , ab et H(N̄ , P̄ ) < +1 : on aboutit à une contradiction.
On en déduit que si (N0 , P0 ) 2 R⇤+ ⇥ R⇤+ \ dc , ab , alors il existe T > 0 tel que
(N (T ), P (T )) = (N0 , P0 ). D’après la proposition 2.3.1, les trajectoires sont périodiques de
période T .

Remarque 6.1.4. La propriété importante utilisée ici est que si les trajectoires sont portées
par des courbes fermées, et que la vitesse ne s’annule pas, alors le mouvement est périodique.

Figure 6.1 – Tracé de quelques trajectoires du système de Lotka-Volterra

6.2 Le pendule simple


On considère les solutions de l’équation (1.2)
g
✓00 + sin ✓ = 0. (6.4)
L
p
Pour simplifier les calculs, on prendra dans tout ce paragraphe !0 = g/L = 1. On cherche
à représenter, pour différentes valeurs des paramètres ✓0 , v0 , les courbes paramétrées

C✓0 ,v0 := {(x, y) 2 R2 , 9t 2 R, x = ✓✓0 ,v0 (t), y = ✓✓0 0 ,v0 (t)},


96CHAPITRE 6. EXEMPLES D’ÉTUDES AVEC PORTRAITS DE PHASE D’ÉQUATIONS NON-LINÉAIRES

où ✓✓0 ,v0 est la solution de l’équation (1.2) telle que ✓(0) = ✓0 , ✓0 (0) = v0 .
Dans la suite, pour alléger les notations, on omet les indices ✓0 , v0 ; il faut cependant
bien garder en tête que les trajectoires {✓(t)}t 0 dépendent des données initiales.
B Énergie du système :
En multipliant (6.4) par ✓0 (t), on obtient
✓0 (t)✓00 (t) + ✓0 (t) sin ✓(t) = 0, 8t 2 R,
soit ✓ ◆
d (✓0 (t))2
cos ✓(t) = 0.
dt 2
On en déduit que l’énergie est conservée au cours du mouvement :
(✓0 (t))2 v02
cos ✓(t) = cste = cos ✓0 8t.
2 2
On pose
v02
E0 = cos ✓0 .
2
Notons que E0 cos ✓0 1. La courbe paramétrée C✓0 ,v0 est portée par la courbe
d’équation y 2 /2 cos x = E0 . Chacune de ces courbes est symétrique par rapport à l’axe
des abscisses et par rapport à celui des ordonnées. Il suffit donc de tracer les courbes sur
le domaine x 0, y 0 et d’en déduire l’ensemble de la courbe par symétrie.
Ce cas est en fait un peu plus simple que celui du système de Lotka-Volterra car sur le
domaine x 0, y 0, l’équation de la courbe relative à l’énergie E0 est
p
y = 2(E0 + cos x). (6.5)
On a donc une équation cartésienne explicite pour chaque courbe. On va commencer par
tracer les courbes d’équation (6.5) en distinguant les cas E0 < 1, E0 = 1 et E0 > 1. On
verra ensuite comment comprendre la trajectoire suivie par le pendule sur chacune des
courbes. p
Soit E0 la fonction E0 : x 2 R 7! 2(E0 + cos x).
La fonction E0 est définie sur R si E0 1, et sur [ arccos( E0 ), arccos( E0 )] si
E0 < 1. Elle est paire, continue sur son ensemble de définition et dérivable sur R si E0 > 1,
sur R \ {⇡ + 2k⇡, k 2 Z} si E0 = 1, et sur ] arccos( E0 ), arccos( E0 )[ si E0 < 1. Sur
l’ensemble de dérivabilité de E0 , on a
0 sin x
E0 (x) =p .
2(E0 + cos x)
On a donc deux types de tableaux de variations :
— Premier cas : E0 1 : dans ce cas la fonction E0 est définie sur R et périodique de
période 2⇡, donc il suffit de tracer son tableau de variations sur l’intervalle [ ⇡, ⇡] :

x ⇡ 0 ⇡

0 (x)
E0 0 + 0 0
p
2(E0 + 1)
E0
p p
2(E0 1) 2(E0 1)
6.2. LE PENDULE SIMPLE 97

Si E0 > 1, la courbe admet des tangentes horizontales en x = k⇡, k 2 Z.


Si E0 = 1, la courbe admet une tangente horizontale en x = 2k⇡, k 2 Z. Calculons
la pente de la tangente en x = ⇡ ± : on pose x = ⇡ + h avec |h| ⌧ 1 et h 6= 0. Alors

sin x = sin(⇡ + h) = sin h = h + O(h3 ),


h2
1 + cos x = 1 + cos(⇡ + h) = 1 cos h = + O(h4 ).
2
On en déduit que
0 h
1 (x) ⇠ .
|h|
Ainsi la courbe représentative de 1 admet une tangente à gauche de pente -1 et une
tangente à droite de pente 1 en x = ⇡.
— Deuxième cas : E0 < 1 : on a alors le tableau de variations suivant, où l’on a posé
x0 = arccos( E0 )

x x0 0 x0

0 (x)
E0 + 0
p
2(E0 + 1)
E0

0 0
La courbe admet une tangente horizontale en x = k⇡ et deux tangentes verticales en
x = ± arccos( E0 ).
Les courbes d’équation y 2 /2 cos x = E0 ont donc l’allure suivante :
y

En vert : deux courbes d’équation y 2 /2 cos x = E0 avec E0 < 1. En bleu, la


“séparatrice”, avec E0 = 1. En rouge, deux courbes avec E0 > 1.
98CHAPITRE 6. EXEMPLES D’ÉTUDES AVEC PORTRAITS DE PHASE D’ÉQUATIONS NON-LINÉAIRES

À présent que les courbes des trajectoires sont connues, voyons dans quel sens celles-ci
sont parcourues :
BPremier cas : E0 < 1 :
Ce cas correspond à un pendule qui oscille (car lancé avec une énergie inférieure
à l’énergie nécessaire pour faire un tour complet).
Si E0 < 1, on a
(✓0 (t))2
cos ✓(t) = E0  E0 ,
2
et donc cos ✓(t) E0 pour tout t. Ainsi ✓(t) 2 [ arccos( E0 ), arccos( E0 )] mod 2⇡
pour tout t. Comme par ailleurs la fonction ✓ est continue (car dérivable), et que ✓0 2
[ ⇡, ⇡], on en déduit que ✓(t) 2 p[ arccos( E0 ), arccos( E0 )] pour tout t.
On pose par ailleurs vmax = 2(E0 + 1). Notons qu’on a |✓0 (t)|  vmax pour tout t.
On peut alors mener le même type d’analyse que pour le système de Lotka-Volterra.
De nouveau, pour E0 = 1, on a ✓(t) = 0 pour tout t : la position ✓ = 0 est un point
d’équilibre. Si E0 2] 1, 1[, la courbe d’équation

y2
cos x = E0
2
est une courbe fermée. On peut définir l’abscisse curviligne s le long de la courbe, que l’on
oriente par exemple dans le sens trigonométrique. On montre alors que s est strictement
décroissante en t. En appliquant le même raisonnement que pour le système de Lotka-
Volterra, on en déduit que les trajectoires sont périodiques.
Les courbes du portrait de phase correspondant à une énergie E0 < 1 sont donc par-
courues dans le sens des aiguilles d’une montre. On voit que pour chacune des trajectoires,
le pendule parcourt toute la courbe d’équation y 2 /2 cos x = E0 .
Les points ✓ = ± arccos( E0 ) correspondent aux extrémités des oscillations du pendule.
Les points en lesquels ✓ = 0 et ✓0 = ±vmax , correspondent aux passages du pendule par la
position verticale. Une oscillation complète correspond au parcours de l’intégralité d’une
courbe d’équation y 2 /2 cos x = E0 .

BDeuxième cas : E0 > 1


Dans ce cas ✓0 ne peut pas s’annuler (sinon on aurait cos ✓ = E0 > 1 : impossible).
Comme ✓00 existe et est continue d’après l’équation (1.2), ✓0 est également continue. Donc
✓0 garde un signe constant, celui de v0 . Ainsi
p
✓0 (t) = sgn(v0 ) 2(E0 + cos ✓(t)).

Par conséquent, pour une trajectoire donnée, on reste uniquement sur une branche de la
courbe d’équation y 2 /2 cos x = E0 . La branche de la courbe qui correspond au signe
opposé de v0 n’est jamais visitée (évidemment, elle le sera pour d’autres données initiales !)
De plus ✓ est strictement monotone (croissante si v0 < 0, décroissante sinon). Le pendule
parcourt uniquement une demi-branche de la courbe d’équation y 2 /2 cos x = E0 .
Par ailleurs, on rappelle que les courbes d’équation
p
y = ± 2(E0 + cos x)

sont périodiques de période 2⇡. Supposons que le pendule parte d’un angle ✓0 avec une
vitesse v0 > 0 telle que E0 > 1. Alors ✓ est strictement croissante au cours du temps et on
lit sur le portrait de phase qu’il existe un temps T > 0 tel que

✓(T ) = ✓0 + 2⇡, ✓0 (T ) = v0 .
6.2. LE PENDULE SIMPLE 99

Cela signifie que le pendule a fait un tour complet et est revenu à sa position initiale.
Là encore, le mouvement est périodique, mais le pendule nep s’arrête jamais.
Les points de la courbe de coordonnées x = 2k⇡, y = 2(E0 + 1) correspondent aux
passages p
du pendule par la position verticale en bas, et ceux de coordonnées x = ⇡ +
2k⇡, y = 2(E0 1) aux passages du pendule par la position verticale en haut.

BTroisième cas : E0 = 1
On suppose dans tout ce paragraphe que (✓0 , v0 ) 2
/ {(⇡, 0), ( ⇡, 0)}. En effet, si (✓0 , v0 ) =
(±⇡, 0), alors on a ✓(t) = ±⇡ pour tout t : le point ✓ = ⇡ est une position d’équilibre. On
se concentre donc sur les cas où v02 /2 cos ✓0 = 1 avec v0 6= 0.
Ce dernier cas est un peu particulier : le pendule a tout juste assez d’énergie pour
arriver au sommet. La question est de savoir s’il parcourt l’ensemble de la courbe, c’est
à dire si la bille redescend après être passée par le maximum.
La réponse est non : le pendule ne parcourt qu’une branche de la courbe. En effet, on
peut montrer qu’il met un temps infini à arriver à la position d’équilibre (instable) ✓ = ⇡,
qui correspond au point d’altitude maximal de la bille. Pour voir cela, il y a deux preuves
possibles :
— La première possibilité est de raisonner par l’absurde et de supposer qu’il existe un
temps T > 0 tel que
✓(T ) = ±⇡, ✓0 (T ) = 0.
˜ = constante = ±⇡ est solution de l’équation (1.2),
On vérifie alors aisément que ✓(t)
˜ ˜
avec ✓(T ) = ✓(T ), ✓ (T ) = ✓ (T ). D’après le théorème de Cauchy-Lipschitz, on en
0 0

déduit que ✓˜ = ✓, et donc en particulier ✓(0) = ±⇡ : absurde.


— L’autre possibilité est de calculer à la main le temps mis par le pendule pour parvenir
au sommet. Pour cela, on peut utiliser le fait que ✓0 ne s’annule pas avant d’atteindre
le sommet et donc garde un signe constant sur cet intervalle. Supposons pour fixer
les idées que v0 > 0. Soit T0 2]0, +1] le temps auquel le sommet est atteint. On en
déduit que ✓|[0,T0 [ : [0, T0 [! [✓0 , ⇡[ est une bijection. D’après la formule de changement
de variables, on a donc
Z T0
T0 = dt
0
Z ⇡
d✓
=
✓0
Z✓0⇡
d✓
= p .
✓0 2(1 + cos ✓)

Or pour ✓ = ⇡ h avec h > 0, h ⌧ 1, on a

h2
1 + cos ✓ = 1 + cos(⇡ h) = + O(h4 ),
2
et donc
1 1
p ⇠ ,
2(1 + cos ✓) ⇡ ✓
qui n’est pas intégrable au voisinage de ✓ = ⇡. Donc T0 = 1.
On en déduit que le pendule met un temps infini à atteindre la position d’équilibre
✓ = ±⇡. Par conséquent ✓0 ne s’annule pas sur R et donc ✓ est strictement monotone
(croissante si v0 > 0, décroissante si v0 < 0).
100CHAPITRE 6. EXEMPLES D’ÉTUDES AVEC PORTRAITS DE PHASE D’ÉQUATIONS NON-LINÉAIRE

On obtient ainsi le tableau de variations suivant si v0 > 0 :

t 0 +1

✓0 (t) +


✓(t)
✓0
Si v0 < 0, le tableau de variations est analogue :

t 0 +1

✓0 (t)

✓0
✓(t)
-⇡
Chapitre 7

Calculs d’exponentielle de matrice

7.1 Quelques exemples


Commençons par quelques exemples simples :
a) Matrice diagonale :
✓ ◆ ◆ ✓
1 0 e 1 0
Soit 1 , 2 2 C, et soit A = . Alors = eA
.
0 2 0 e 2
En effet : on montre facilement par récurrence que pour tout k 2 N,
✓ k ◆
k 1 0
A = k .
0 2

On en déduit que
n
X ✓ k ◆ ✓ ◆
1 0 e 1 0
eA = lim 1
k = .
n!1 k! 0 2 0 e 2
k=0

b) Matrice nilpotente :
Soit ✓ ◆
0
N= .
0 0
On vérifie aisément que N 2 = 0. Par suite, N k = 0 pour tout k 2. On obtient donc
n
X ✓ ◆
N 1 k 1
e = lim N = I2 + N = .
n!1 k! 0 1
k=0

c) Matrices semblables :
Soit A, B 2 M2 (C), P 2 GL2 (C) telles que
1
B = P AP .

Alors
eB = P eA P 1
.
En effet, on vérifie facilement (par exemple par récurrence) que si k 2 N,

B k = P Ak P 1
.

101
102 CHAPITRE 7. CALCULS D’EXPONENTIELLE DE MATRICE

On en déduit alors que pour tout n 2 N,


n n
!
X Bk X Ak 1
=P P .
k! k!
k=0 k=0
La propriété s’ensuit.
d) Matrices diagonalisables :
Il découle des propriétés précédentes que l’exponentielle d’une matrice diagonalisable
A se calcule facilement. En effet, si A 2 M2 (C) est diagonalisable, alors il existe
1 , 2 2 C, P 2 GL2 (C) tels que
✓ ◆
1 0
A=P P 1.
0 2

En ce cas, ✓ ◆
A e 1 0 1
e =P P .
0 e 2
e) Un cas particulier de matrice réelle diagonalisable avec valeur propres
non-réelles : On considère la matrice
✓ ◆

A= ,

qui est une matrice réelle diagonalisable avec valeur propres non-réelles ↵ ± i avec
↵, 2 R, 6= 0 1 . En calculant les vecteurs propres associées aux valeurs propres on
conclut que
✓ ◆ ✓ ◆
↵+i 0 1 1 1
A=P P , avec P = .
0 ↵ i i i
D’après l’expression de l’exponentielle pour les matrices semblables
✓ ◆ ✓ ↵+i ◆✓ ◆
A 1 1 e 0 i 1 1
e =
i i 0 e↵ i i 1 2i
✓ ◆✓ ◆✓ ◆
1 1 cos( ) + i sin( ) 0 i 1 1
= e↵
i i 0 cos( ) i sin( ) i 1 2i
✓ ◆
↵ cos( ) sin( )
=e .
sin( ) cos( )
Résumons dans un tableau les propriétés obtenues jusqu’à présent :
Type ✓Formule◆ Exponentielle
✓ ◆
1 0 e 1 0
Matrice diagonale
✓0 2
◆ ✓0 e ◆
2

0 1
Un cas de matrice nilpo-
0 0 0 1
tente ✓ ◆ ✓ ◆
↵ cos( ) sin( )
Un cas de matrice réelle e↵
↵ sin( ) cos( )
diagonalisable avec va-
leur propres non-réelles
Matrices semblables A = P BP 1 eA = P eB P 1

1. On peut aussi calculer exp(A) en remarquant que A = ↵I2 + N . On utilise alors la formule
eM1 eM2 = eM1 +M2 valable si les matrices M1 , M2 commutent, et dont la démonstration est proche
de celle✓ de l’existence de◆l’exponentielle de matrice. On a donc eA = e↵I2 e N = e↵ e N et on calcule
cos( ) sin( )
e N = sachant que les puissances de N sont : N 2k = ( 1)k I2 , N 2k+1 = ( 1)k N .
sin( ) cos( )
7.2. CAS GÉNÉRAL 103

Pour traiter le cas général, on a besoin d’un résultat d’algèbre linéaire supplémentaire,
comme suit.

7.2 Cas général


Théorème 7.2.1 (Décomposition de Dunford). Soit A 2 M2 (C) quelconque. Alors l’une
des deux propriétés suivantes est vérifiée :
1. A est diagonalisable, i.e. il existe 1, 2 2 C, P 2 GL2 (C) tels que
✓ ◆
1 0
A=P P 1.
0 2

2. A n’est pas diagonalisable et dans ce cas A est trigonalisable : il existe 2 C, 2 C⇤ ,


P 2 GL2 (C) tels que ✓ ◆
A=P P 1.
0

Démonstration. On rappelle que les valeurs propres de A sont les racines de son polynôme
caractéristique A (X) = det(A XI2 ) 2 C[X]. De plus, d’après le théorème de d’Alembert-
Gauss, A est scindé et admet donc exactement deux racines complexes distinctes ou
confondues. On distingue donc deux cas :
• Premier cas : A admet deux racines distinctes 1 6= 2 :
En ce cas dim ker(A 1 I2 ) 2 {1, 2}, dim ker(A 2 I2 ) 2 {1, 2}, et comme

dim ker(A 1 I2 ) + dim ker(A 2 I2 )  2,

on en déduit que dim ker(A 1 I2 ) = dim ker(A 2 I2 ) = 1. Pour i 2 {1, 2}, soit vi 2
ker(A I
i 2 ) \ {0}. Comme 1 6
= 2 , v 1 et v 2 sont des vecteurs libres. Ils forment donc une
base de C . Soit P la matrice de passage de la base canonique à la base (v1 , v2 ). On a alors
2

✓ ◆
1 0
A=P P 1.
0 2

On est donc dans le premier cas énoncé dans le théorème.


• Deuxième cas : A admet une seule racine 2 C :
Autrement dit, A (X) = (X )2 .
On a de nouveau dim ker(A I2 ) 2 {1, 2}. Si dim ker(A I2 ) = 2 = dim C2 , alors
A = I2 : on est de nouveau dans le premier cas énoncé dans le théorème, avec P = I2 et
1 = 2 = .
Il reste donc à examiner le cas où dim ker(A I2 ) = 1. Soit v1 2 C2 tel que ker(A
I2 ) = Cv1 . On prend v2 2 C \ ker(A
2 I2 ). Alors les vecteurs v1 et v2 sont non nuls
et non colinéaires. Ils sont donc libres et forment une base de C2 . En particulier il existe
, µ 2 C tels que Av2 = v1 + µv2 .
Soit P la matrice de passage de la base canonique à la base (v1 , v2 ). Comme Av1 = v1 ,
on note Av2 = ↵v1 + µv2 et on a :
✓ ◆
A=P P 1,
0 µ

où , µ 2 C. Le polynôme caractéristique est invariant par similitude, donc

A (X) = (X )2 = (X )(X µ).


104 CHAPITRE 7. CALCULS D’EXPONENTIELLE DE MATRICE

On en déduit que = µ. Aussi 6= 0 car sinon cela impliquerait Av2 = v2 donc


dim ker(A I2 ) = 2. On est donc dans le deuxième cas énoncé dans le théorème.

Maintenant on peut calculer l’exponentielle d’une matrice quelconque A 2 M2 (C) à


l’aide du théorème précédent. Si la matrice A est diagonalisable alors on est dans le premier
cas du thérorème, et l’exponentielle d’une telle matrice a déjà été traité dans les remarques
qui précèdent le théorème. Si la matrice A est non-diagonalisable nous sommes dans le
deuxième cas du théorème et remarquons que
1
A = P ( I2 + N )P ,

que I2 N = N I2 = N et que N k = 02 , 8k 2 2 . Par conséquent, pour tout k 0,


k
X ✓ k k 1

k
( I2 + N ) =k
Ckj j N k j = k
I2 + k k 1
N= k .
0
j=0

On obtient donc, pour tout n 0


n Pn k Pn k 1
!
X Ak k=0 k! k=1 (k 1)! 1
=P Pn k P .
k! 0 k=0 k!
k=0

En passant à la limite quand n ! 1, on arrive finalement à


✓ ◆
A e e
e =P P 1.
0 e

Pour une matrice quelconque de M2 (C), on a donc deux possibilités :

Type ✓ Formule◆ Exponentielle


✓ ◆
1 0 e 1 0
Matrice diagonalisable P P 1 P P 1

✓0 ✓0 e ◆
2
2

e e
Matrice trigonalisable (mais P P 1 P P 1
0 0 e
pas diagonalisable)

En pratique, nous allons devoir souvent calculer des exponentielles de matrices réelles
A 2 M2 (R). Pour calculer son exponentielle, on considère A comme une matrice complexe.
Notons que eA sera malgré tout une matrice réelle, comme on peut le voir sur la formule
n
X
A Ak
e = lim .
n!1 k!
k=0

De plus, si A 2 M2 (R) a pour valeurs propres complexes 1, 2, on a deux possibilités :


1. 1 2 R et 2 2 R ; dans ce cas les vecteurs propres peuvent être choisis réels et A est
diagonalisable ou trigonalisable sur R (autrement dit, dans le théorème 7.2.1, on a
P 2 GL2 (R), 2 R).
2. On peut aussi calculer exp(A) en utilisant alors la formule
✓ exp(M
◆ ✓ 1 ) exp(M
◆ 2 ) = exp(M
✓ 1 + M◆2 ) valable
e 0 1 e e
si les matrices M1 , M2 commutent, et on obtient e = P
A
P 1
=P P 1.
0 e 0 1 0 e
7.2. CAS GÉNÉRAL 105

2. 1 2 C \ R, 2 2 C \ R ; dans ce cas 1 et 2 sont des nombres complexes conjugués


↵ ± i . De plus, comme 1 2 / R, on ne peut pas avoir 1 = 2 (sinon 1 = ¯ 1 ). Donc
les valeurs propres 1 et 2 sont nécessairement distinctes, et A est diagonalisable
sur C. Il existe donc P 2 M2 (C) telle que
✓ ◆
↵+i 0
A=P P 1.
0 ↵ i

On écrit alors
✓ ◆ ✓ ◆
0 i i 0
A = P (↵I2 + )P 1 = ↵I2 + P P 1.
i0 0 i
✓ ◆
i 0
Comme A 2 M2 (R) ceci implique que P P 1 2 M2 (R). D’autre part, cette
0 i
✓ ◆
0 1
matrice a comme valeurs propres ±i, tout comme la matrice réelle . Il s’agit
1 0
donc de deux matrices réelles semblables dans C. Or on a le lemme suivant, que l’on
démontre à la fin de cette section :
Lemme 7.2.2. Soit n 2 N, et soit M, M̃ 2 Mn (R). On suppose que M et M̃ sont
semblables dans C : il existe S 2 GLn (C) tel que M = S M̃ S 1 .
Alors M et M̃ sont semblables dans R : il existe P 2 GLn (R) tel que M = P M̃ P 1 .

Dans le cas présent on déduit donc l’existence de R 2 GL2 (R) telle que
✓ ◆ ✓ ◆
i 0 1 0 1
P P =R R 1.
0 i 1 0

On obtient alors
✓ ◆ ✓ ◆ ✓ ◆
0 1 1 0 1 1 ↵ 1
A = ↵I2 + R R = R(↵I2 + )R =R R ,
1 0 1 0 ↵

donc ✓ ◆
cos( ) sin( ) 1
exp(A) = R exp(↵) R .
sin( ) cos( )
Résumons les formules obtenues pour les exponentielles de matrices réelles :

Type ✓ Formule
◆ Exponentielle
✓ ◆
1 0 e 1 0
Matrice diagonalisable P P 1 , P 2 GLn (R) P P 1
0 2 0 e 2
avec valeurs propres
1 , 2 2 R distinctes ou
confondues ✓ ◆ ✓ ◆
↵ cos( ) sin( )
Matrice diagonalisable P P 1, P 2 GLn (R) P e↵ P 1
↵ sin( ) cos( )
avec valeurs propres
non-réelles ↵ ± i , 6= 0 ✓ ◆ ✓ ◆
1
Matrice non- P P 1, P 2 GLn (R), 2 R⇤ Pe P 1
0 0 1
diagonalisable avec
une valeur propre
double 2 R
106 CHAPITRE 7. CALCULS D’EXPONENTIELLE DE MATRICE

Enfin, voici la preuve du Lemme 7.2.2 : On décompose S en sa partie réelle et sa partie


imaginaire,
S = S1 + iS2 , S1 , S2 2 Mn (R).
En prenant la partie réelle et la partie imaginaire de l’identité M S = S M̃ , on obtient

M S1 = S1 M̃ et M S2 = S2 M̃ .

Attention : en général les matrices S1 et S2 ne sont pas inversibles !


Pour x 2 C, on considère la matrice T (x) = S1 + xS2 et son déterminant p(x) =
det(T (x)). On fait alors les observations suivantes :
— Pour tout x 2 R, T (x) 2 Mn (R) et M T (x) = T (x)M̃ ;
— p est un polynôme,
— Si x = i, on a T (i) = S1 + iS2 = S, et donc p(i) 6= 0.
On déduit des deux dernières propriétés que p n’est pas le polynôme nul. Par conséquent,
p s’annule au plus un nombre fini de fois sur R. Il existe donc x0 2 R tel que p(x0 ) 6= 0.
Ceci implique que la matrice T (x0 ) est inversible et à coefficients réels. En choisissant
P = T (x0 ), on a bien P 2 GLn (R) et M P = P M̃ . Donc M et M̃ sont semblables dans
Mn (R).

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