La Fuite Des Cerveaux en Tunisie
La Fuite Des Cerveaux en Tunisie
La Fuite Des Cerveaux en Tunisie
Débat sur
La fuite des cerveaux en Tunisie : Etat des lieux et réflexions prospectives
Restitution par Mohamed Ennabli
Un dixième de la population tunisienne environ est établi à l’étranger, en Europe en majorité et dans
les pays arabes, mais aussi partout ailleurs dans le monde.
Prépondérant jusqu’aux années 80, les ouvriers n’y représentent plus, depuis, que la moitié des
effectifs, alors que la migration des compétences ne fait que croitre régulièrement.
Le pays était censé leur offrir l’opportunité de contribuer à l’œuvre du renouveau en ouvrant devant
eux de plus larges perspectives et en les encourageant à aller davantage de l’avant.
Il lui revenait de valoriser ces ressources humaines comprises comme capital potentiel à développer
comme facteur stratégique à même de procurer un avantage concurrentiel pour la rentabilité de
l’entreprise.
L’Etat a-t-il failli à cet impératif et à sa mission en faveur de ses élites ?
Gagnerait-il, malgré tout, un quelconque avantage, par une politique clairvoyante d’encadrement de
ces hauts cadres expatriés, au service du développement ?
C’est pour évoquer cette problématique que le Forum Ibn Khaldoun pour le Développement a
organisé un débat introduit et mené par le Professeur émérite Jameleddine Chichti, ancien Conseiller
des affaires économiques et sociales auprès de la Présidence de la République, le 1er mars 2022.
1 La problématique.
Le « Brain Drain » concerne tout Tunisien quittant le pays après avoir eu un niveau d’éducation
supérieure : Médecins, ingénieurs, professeurs, chercheurs, enseignants, mais aussi gestionnaires et
cadres d’administration.
Faudrait-il considérer cette migration :
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D’une façon générale l’immigration dans le monde n’a cessé d’augmenter entre 1990 et 2020,
passant de 150 à plus de 280 millions en 30 ans, en fonction de la richesse des destinations, les pays
à hauts revenus accueillant le plus grand nombre de compétences étrangères, du fait de la rapide
évolution du nombre de leurs retraités de plus de 65 ans.
La pandémie Covid 19 n’a pas été sans conséquences sur la migration des compétences dans la
mesure où une semaine de confinement se traduit par une perte de 1% du PIB et de 35000 emplois.
Si bien que, fin 2020, la Tunisie comptait 1 million de chômeurs (dont 450000 post pandémie) et
avait enregistré une baisse de 34% du nombre de visas Schengen délivrés entre 2019 et 2020.
Le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur s’en est ressenti, passant de 29,2% en
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2011 à 30,1% en 2021, malgré la mise à disposition de certaines procédures de migration assouplies
et d’avantages exclusifs aux cadres arrivant dans l’espace européen à partir de 2016 dans les
domaines de l’enseignement, de la santé et de l’ingénierie.
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4 Conclusions
A court terme
Quelques directives d’action peuvent être tirées pour l’avenir afin d’améliorer la situation
des compétences tunisiennes (jeunes cadres et cadres expérimentés) tentées par l’exode :
- Concernant la détérioration des services : Aider ces cadres à se procurer leur
propre moyen de transport sans avoir recours au crédit financier et leur offrir des assurances
maladie.
- Concernant l’inflation des prix : Lutter contre la hausse des prix en écourtant les
circuits de distribution et ajuster périodiquement les salaires à l’évolution de la situation.
5 Discussion
Durant le débat qui a suivi, les questions évoquées ont concerné :
- La perte financière que constitue, pour le pays, le départ intempestif, sans retour, de compétences
formées à grands frais durant de longes années.
Une juste compensation des dépenses d’études consenties, durant une dizaine d’années environ,
devrait, en principe, revenir au pays formateur.
- La possibilité, pour la Tunisie, de former professionnellement, en fonction de la demande des pays
d’Europe, différentes catégories de candidats migrants réguliers, dans différents secteurs d’activité, à
différents niveaux d’études, dans des domaines tels que la kiné, la gériatrie, les soins aux personnes,
la restauration…
- Le danger qu’a constitué, pour les jeunes cadres, l’après 2011 : Manque de prise en charge de leurs
besoins spécifiques et absence d’encadrement les amenant à ne plus aimer suffisamment leur pays
auquel leur attachement faiblit au point de désespérer de l’avenir qui les attend.
- Le fait qu’après 2011 la question de la mobilité a été séparé du cadre de l’ALECA provoquant un
rush des compétences en faveur de l’Europe (comme celui des Allemands en faveur du Royaume Uni
avec le mur de Berlin).
Le Canada est une destination appréciée par les étudiants tunisiens car ils pouvaient y rester à la fin
de leurs études.
- Le fait que de plus en plus des compétences migrent aujourd’hui afin de pouvoir assurer l’éducation
et l’avenir de leurs enfants dans leur pays d’accueil.
- Le problème de l’islam politique, toléré par une partie des gouvernants, qui ne rassure guère les
compétences quant à leur avenir. Leur migration répond, certes, à un besoin des pays d’accueil, mais
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elle peut aller jusqu’à leur naturalisation, rassurante pour l’avenir des enfants.
La certitude de ne pas couper avec le progrès dans la haute technologie est aussi considérée comme
une opportunité positive à ne pas laisser passer.
- La faible employabilité des jeunes diplômés qui pose problème par le manque de savoir-faire
professionnel dans leur cursus d’ingénieur et les empêche d’être directement opérationnels au sein
de l’entreprise. Ce qui les pousse à acquérir un complément de formation à l’étranger et à s’y
installer.
- La demande tacite de l’étranger qui est en réalité à l’origine de la fuite des cerveaux, laquelle ne fait
qu’y répondre dans la mesure où chacun y trouve en définitive son compte, en fonction de la
conjoncture du moment. Acte volontaire donnant suite à une demande latente, cela ne correspond
pas, à proprement parler, à une fuite.
Elle exprime souvent l’incapacité ou la réticence de l’entreprise tunisienne, généralement sous-
encadrée dans le cadre fermé d’une économie de rente, à recruter de hauts cadres techniques pour
progresser et innover.
6 Recommandations
Afin de tirer le meilleur parti des nombreuses compétences qu’elle forme, à grand frais, au
service de sa population, la Tunisie gagnerait à promouvoir une politique ambitieuse visant
la haute technologie et une stratégie de développement visant le haut de gamme, en faisant
confiance aux jeunes diplômés éduqués, prédisposés à apprendre des autres et à emboiter
le pas des pays avancés.
Afin de limiter l’exode des cadres formés tentés par l’expatriation, le Gouvernement se doit
de créer un écosystème technologique basé sur les enjeux sociétaux majeurs de demain et
de soutenir la croissance par des projets à haute valeur ajoutée dans les secteurs prioritaires
et filières technologiques présentant un avantage comparatif pour le pays.
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Mots clés ; Fuites des cerveaux en Tunisie, Exode des compétences, Migration des cadres,
Migration des médecins sénieurs
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