Saussure Cours de Linguistiaue Generqle
Saussure Cours de Linguistiaue Generqle
Saussure Cours de Linguistiaue Generqle
Plan du cours Ce premier cours porte sur lintroduction la linguistique gnrale. Nous allons dabord prsenter trs brivement lhistoire de lapparition de la linguistique avant daborder lensemble des notions lmentaires de la linguistique, introduites par Saussure. Lexpos se poursuivra par ltude des diffrents niveaux dorganisation de la langue et des units de chaque niveau, pour se terminer par la prsentation de la procdure didentification de ces units par le test de commutation.
2. Thorie de Saussure
Saussure a introduit diffrentes notions lmentaires, dont voici les principales : 1. Langage / langue / parole 2. Linguistique synchronique et diachronique 3. Travaux descriptifs et prescriptifs 4. Systme de signes 5. Signe, signifiant, signifi 6. Arbitraire du signe 7. Valeur 8. Identit 9. Rapports syntagmatiques et paradigmatiques
D
La synchronie peut tre reprsente comme une relation entre deux points appartenant une mme poque (la ligne A-B dans la figure). Ltude synchronique sintresse la comprhension de la langue, telle quelle se prsente un moment donn, cest--dire un tat de langue. Ltude diachronique se consacre au passage dune poque lautre, pour ltude dun fait particulier (le passage de C D dans le schma). Par exemple, pour le verbe aimer , du point de vue diachronique on peut tudier lvolution historique de sa forme ou de son sens. On peut galement faire une tude synchronique en tudiant toutes les constructions possibles avec ce verbe ou tous les sens quil peut avoir, dans le franais dune poque donne, aujourdhui ou encore au XVme sicle.
= signi = signiant
Le signe linguistique est donc une entit psychique deux faces, insparables lune de lautre. Aucun des deux termes ne peut exister sans lautre. Comme la notion de signe ne sapplique pas seulement au code linguistique oral mais tout systme de signes, Saussure utilise les termes de signifiant pour image acoustique et de signifi pour concept.
2.8. Valeur
Un signe linguistique a galement une valeur. Saussure prend, pour mieux illustrer cette notion, comme exemple le jeu d'checs. Le cavalier, dans sa matrialit, hors des conditions du jeu, ne reprsente rien. Il ne peut devenir lment rel et concret quune fois insr dans les autres pices et les conditions de jeu. Il y est revtu de sa valeur. Le signe, situ dans le systme quest la langue, a donc lui aussi une valeur. Sa valeur est le sens dfini par ses positions relatives par rapport aux autres signes.
4 Yayoi NAKAMURA-DELLOYE, 15 octobre 2007
Par exemple, le contenu conceptuel associ au signe chaise est constitu non seulement de son signifi, mais aussi du fait quil nest ni sige , ni fauteuil . La valeur est ainsi dfinie ngativement et oppositivement. fauteuil chaise sige
signi signiant
2.9. Identit
Saussure introduit galement la notion didentit. Dans les deux phrases : Cette question est complexe. Cest une phrase complexe. on reconnat lidentit des deux squences de sons ou de lettres complexe . Ils peuvent tre prononcs diffremment avec des intonations diffrentes ou ils peuvent tre crits dans des contextes compltement diffrents avec des nuances diffrentes. Mais il est possible de les interprter comme le mme mot. Lidentit des lments est dtermine par leurs diffrences avec les autres lments de la langue. Malgr les diffrentes nuances que ces emplois peuvent prendre, on les considre comme le mme mot complexe , dans la mesure o ils sont diffrents des autres signes (comme difficile ou compliqu ). Lidentification est la reconnaissance dun seul et mme lment travers ses multiples emplois dans des contextes et des situations diffrents.
ct de ces rapports syntagmatiques, internes la chane parle, il existe dautres rapports, que Saussure appelle rapports paradigmatiques. Il sagit de rapports qui se crent entre les signes hors de la chane du discours. Ces rapports paradigmatiques donnent lieu la formation de groupes de signes sur la base de relations de types divers. Par exemple, dans la phrase : Pierre travaille dans lenseignement. enseignement est en relation syntagmatique avec les autres units comme Pierre ou travaille , mais hors de cette chane linaire, le terme enseignement voque diffrentes units comme enseigner qui a la mme racine, apprentissage qui a un sens plus ou moins proche, ou encore changement qui a le mme suffixe -ment , etc.
Phonologique
son / phonme
Morphologique
morphme
Syntaxique
Pragmatique
sens communicatif
3.1. La phonologie
Les donnes des tudes linguistiques sont avant tout des suites de sons ou des plus petites units linguistiques appeles phonmes : cest le niveau de reprsentation linguistique dit phonologique. La phontique et la phonologie Ltude des sons dans leur ralit physique est lobjet de la phontique. La phonologie est ltude des sons sous langle de leur pertinence linguistique, cest--dire quon ne sintresse quaux phnomnes de sons qui contribuent effectivement la signification linguistique. La phonologie tudie le systme phonologique des langues. Phonme Les lments qui constituent le systme phonologique sont des units appeles phonmes. Cest la plus petite unit linguistique, non porteuse de signification. Mais cest une unit abstraite, distinctive et oppositive, cest--dire susceptible de produire
7 Yayoi NAKAMURA-DELLOYE, 15 octobre 2007
Contenus
Smantique
sens grammatical
Formes de lexpression
un changement de sens. Cette abstraction se fonde sur le fait que tous les sons utiliss ne sont pas perus comme diffrents. Pertinence des oppositions Par exemple, le franais utilise deux types de son o : [o] et [] dans par exemple les mots peau et col . Mais leur diffrence acoustique nest pas exploite pour produire des diffrences de signification. Ils constituent donc, du point de vue de la langue, une seul unit, un phonme /o/1. [o] [] /o/
En revanche, la diffrence entre [p] et [b] permet de crer des mots diffrents comme pain et bain , ou peau et beau . On dit alors que leur opposition est pertinente. Ils constituent donc bien deux phonmes distincts /p/ et /b/. Les oppositions pertinentes varient dune langue lautre.
3.2. La morphologie
Les phonmes composent ensuite des units appeles morphmes. Il sagit de la plus petite unit munie de sens et elle constitue les mots. Cest le niveau de reprsentation morphologique. La morphologie tudie la structure interne des mots. Morphmes Le mot est compos dune ou plusieurs units appeles morphmes qui sont les plus petites units linguistiques munies la fois dune forme et dun sens. Par exemple, dans le mot inacceptables , on peut identifier quatre lments dots la fois dune forme et dun contenu : in able s (inconnu, invisible) (capable, aimable) (marque du pluriel) accept (accepter, acception) = base ou racine
Les morphmes se rpartissent en deux grandes classes : morphmes lexicaux et morphmes grammaticaux. Les morphmes lexicaux ont une certaine autonomie. Les morphmes grammaticaux, quon appelle affixes, ne peuvent pas apparatre isols comme in , able et s de inacceptables . Processus de formation des mots Il existe deux types de processus de formation des mots : laffixation et la composition. Laffixation consiste combiner une racine qui est un morphme lexical et diffrents affixes. Le mot inacceptables est form par laffixation avec une racine accept et des affixes in , able et s . Il existe deux types daffixation : la flexion et la
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Conventionnellement, on note les sons entre [] et les phonmes entre //. Yayoi NAKAMURA-DELLOYE, 15 octobre 2007 8
drivation. La flexion est un processus de variation de formes dun mot. Les affixes de flexion sont destins marquer les diffrents traits grammaticaux exigs par la catgorie de la racine (marques de genre, de nombre, de personne, etc.). La drivation est, quant elle, un processus de mots non composs. Les affixations de drivation ont pour effet de modifier le contenu (e.g. inefficace) ou lappartenance catgorielle de la racine (e.g. heureusement). La composition est le processus qui combine plusieurs units susceptibles dtre employes seules, comme machine crire , chaise longue ou fibre optique . Double articulation Toutes les chanes parles sont donc segmentes dabord en morphmes, plus petites units munies de sens, puis en phonmes, plus petites units linguistiques. Cette structure de la langue, organise en deux niveaux, est appele la double articulation. Cest cette double articulation qui permet la production dun nombre infini dnoncs divers.
3.3. La syntaxe
Les mots constituent ensuite des groupes et des phrases : cest le niveau syntaxique. La syntaxe tudie lorganisation des groupes de mots dans la phrase. Cest le domaine auquel nous nous intressons, et sur lequel nous reviendrons plus tard.
Ce qui est profr et entendu dans la communication, nous lappelons nonc . Nous entendons par l un vnement unique, non rptable, qui peut prendre des formes diverses. Sa signification est sensible la situation et au contexte o il est produit ou entendu. Chaque fois quon parle, quon crit ou quon pense, cest sous la forme dnoncs. Ces noncs sont chaque fois uniques non seulement dans leur forme et dans leur contenu, mais dans leur caractre dvnement historique. On peut sans doute les reproduire [...] mais on ne peut les rpter. Ces noncs ont une signification complte, entre autre parce quils sont pris dans une situation et dans un contexte qui les clairent. [...] dans ces noncs, on va reprer du rptable, savoir certaines formes associes des significations, et cest ce rptable que nous appelons phrase . La phrase est rptable, parce quon peut utiliser la mme phrase pour plusieurs noncs, c'est--dire plusieurs profrations ; ainsi il pleut prononc le 5 janvier 1995 Fort de France, et le 10 novembre 1995 Paris, constitue autant dnoncs distincts, et cest une seule phrase.
la
m t p
er
Le rapprochement de ces trois segments permet de dgager une variation en troisime son, et [m], [t] et [p] sont commutatifs. Ce sont donc des units distinctives, des phonmes. Morphmes Dans le cas de lidentification des morphmes, trois critres doivent tre vrifis : 1. lunit doit tre commutative ; 2. significative, et ; 3. discrte, cest--dire tre la plus petite. Dans le cas du dernier exemple, [m], [t] et [p] sont commutatifs, mais ils ne sont pas significatifs, donc on ne peut pas les considrer comme des morphmes. Prenons maintenant un exemple : /l bato/ /le bato/ Les phonmes // et /e/ sont non seulement commutatifs mais aussi significatifs en considrant // comme la marque du singulier, et /e/ comme la marque du pluriel. / / et / e / sont donc des morphmes, units distinctives munies de sens. Quels morphmes pourrait-on identifier dans les exemples suivants ? /le bato/ /se bato/ Les phonmes /l/ et /s/ sont non seulement commutatifs mais aussi significatifs en considrant /l/ comme la marque du dfini, et /s/ comme la marque du dmonstratif. /l/ et /s/ sont donc des morphmes. Prenons un autre exemple et cette fois avec des formes crites : march e (1, 3 pers, singulier) march es (2 pers, singulier) march ons (1pers, pluriel) march ez (2 pers, pluriel) march ent (3 pers, pluriel) On peut reconnatre le morphme racine march et les affixes e , es , ons , ez , ent , qui sont chacun munis de signification (entre parenthses). Segmentation des corpus dans des langues inconnues Essayons maintenant de segmenter les corpus de langues que nous ne connaissons pas.
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Corpus Swahili Considrons dabord un petit corpus en swahili. Essayons de segmenter les noncs. (Source : Fuchs & Le Goffic (1992) Les linguistiques contemporaines. Hachette : p. 56) 1. atanipenda 2. ananipenda 3. anakupenda 4. anawapenda 5. alikupenda 6. ninakupenda A. Le rapprochement des noncs 2, 3, 4 permet de faire lhypothse que la troisime syllabe reprsente une unit isolable o peut se trouver un membre d'une classe ni , ku et wa . ana ni ku wa B. Le rapprochement des noncs 1 et 2 permet de dgager une variation en deuxime consonne ou en deuxime syllabe. Il est impossible de dcider uniquement avec des donnes aussi limites. a t n C. Par ailleurs, le rapprochement des noncs 3 et 5 nous signale la variation en deuxime syllabe. a na li D. L'analyse C donne des arguments en faveur de l'hypothse, faite B, de la variation syllabique. Cela donne lieu une variation en deuxime syllabe ta-na-li a ta na li ni ku wa penda kupenda a nipenda penda
E. Enfin, le rapprochement des noncs 3 et 6 permet de dgager une variation en syllabe initiale. a ta ni na li ni ku wa penda
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Mais pour dterminer les morphmes, ces hypothses doivent tre confirmes par lanalyse dun corpus plus grand avec la prise en compte galement du sens de chaque unit identifie. Corpus Japonais : Considrons maintenons un corpus en japonais. Essayons de le segmenter, didentifier les plus petites units munies de signification. Faisons une hypothse sur les mots franais correspondant chaque unit japonaise qui aura t identifie. 1. watasiwaeigawomimasu 2. watasiwaterebiwokaimasita 3. watasiwaterebiwomimasita 4. chichiwaeigawomimasita 5. chichiwaoperawomimasita Mon pre a regard lopra. Mon pre a regard le film. Jai regard la tl. Jai achet une tl. Je regarde le film.
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