HDR Guillaud Vol 2
HDR Guillaud Vol 2
HDR Guillaud Vol 2
Hubert Guillaud
Volume 2
Articles
présentés dans le cadre de l’Habilitation à Diriger les Recherches
Mai 2007
UNIVERSITE PIERRE MENDÈS FRANCE DE GRENOBLE
Hubert Guillaud
Volume 2
Articles
Présentés dans le cadre de l’Habilitation à Diriger les Recherches
Mai 2007
Hubert Guillaud
Articles
Présentés dans le cadre de l’Habilitation à Diriger les Recherches
Guillaud 1996 : GUILLAUD, Hubert - Architectures en terre de France : repères de l'histoire, patrimoine traditionnel
et modernité, in Mediterrânao, Arquitectura de Terra, n° 8/9 Semestral, Revistas de Estudios Pluridisciplinares sobre as
Sociedades Mediterrânicas, Instituto Mediterrânico, Universidade Nova De Lisboa, Portugal, deuxième semestre 1996,
309 p., pp. 193-236.
..................................................................................................................................................................................Page 7
Guillaud 1998 : GUILLAUD, Hubert - Une grande figure du patrimoine régional Rhône-Alpes : François Cointeraux
(1740-1830) pionnier de la construction moderne en pisé, in Les carnets de l’architecture de terre, éditions CRATerre-
EAG, monographie n°3, Villefontaine, France, janvier 1998, 47 p.
................................................................................................................................................................................Page 23
Guillaud 2001 : GUILLAUD, Hubert - Introduction à l’architecture de terre dans le monde, in Zerhouni et Guillaud
2001 : Architecture de terre au Maroc, éditions ACR International, Courbevoie-Paris, premier trimestre (avril) 2001,
312 p. pp. 18-63.
................................................................................................................................................................................Page 49
Guillaud 2003 : GUILLAUD, Hubert - An approach to the evolution of earthen building cultures in Orient and
Mediterranean Regions: what future for such an exceptional legacy? In revue scientifique japonaise (archéologie) AL
RAFIDAN, volume XXIV, 102 p., éd. The Institute for Cultural Studies of Ancient Iraq, Kokushikan University, Tokyo
et Letterpress Co. Ltd, Hiroshima, Japon, 2003, 102 p., pp. 41-70 et 12 planches d’illustrations photographiques
commentées.
................................................................................................................................................................................Page 73
Guillaud 2004 : GUILLAUD, Hubert – Des architectures de terre en Europe ; Histoire et patrimoine, modernité,
actualité et prospective, éd. CRATerre-ENSAG. Article de synthèse écrit dans le cadre d’un projet d’édition d’un
ouvrage intitulé « Habiter la Terre », éditions du fonds belge Mercator.
..............................................................................................................................................................................Page 117
Guillaud 1997 : GUILLAUD, Hubert - Terminologie des matériaux de construction en terre, des modes d’utilisation et
des techniques, et leur mise en situation historique, in Pour une histoire des architectures de terre, mémoire de CEAA-
Terre, Ecole d’Architecture de Grenoble, juin 1997, 518 p., pp. 165-238.
..............................................................................................................................................................................Page 133
Guillaud 2001 : GUILLAUD, Hubert - Construire en blocs découpés et mottes de gazon, in Actes des Echanges
transdisciplinaires sur les architectures et les constructions en terre crue, 1 – Terre modelée, découpée ou coffrée,
matériaux et modes de mise en œuvre, 17-18 novembre 2001, Ecole d’Architecture de Languedoc Roussillon à
Montpellier, 17-18 novembre 2001, éd. de l’Espérou, Montpellier, France, 460 p., pp. 185-211.
..............................................................................................................................................................................Page 165
Page 1
Hubert Guillaud
Guillaud 2004 : GUILLAUD, Hubert – Evolution de la culture constructive et architecturale du pisé, in Actes des
Echanges transdisciplinaires sur les constructions en terre crue, II – les techniques monolithiques, pisé et bauge, 28-29
mai 2005, Grands Atelier de l’Isle d’Abeau à Villefontaine, Editions de l’Espérou, Montpellier, 2007, pp. 188 – 220,
32 p.
..............................................................................................................................................................................Page 189
Guillaud 1993 : GUILLAUD, Hubert - La pathologie d’humidité et structurale des constructions en terre : une
approche méthodologique de l’entretien et de la restauration utile aux autres constructions en matériaux tendres, in
Atti del convegno internazionale : Le pietre da costruzione : il tufo calcareo e la pietra leccese, Consiglio Nazionale
delle Recherche – Progetto Finalizzato Edilizia, CNR e Istituto per la Residenza e le Infrastrutture Sociali, IRIS, Bari,
Italie, 26-28 mai 1992, avril 1004, 888 p., pp. 33-69.
..............................................................................................................................................................................Page 225
Guillaud 2001 et 2003 : GUILLAUD, Hubert.- Conservation des architectures de terre. Revue critique de la littérature
scientifique (2ème version), The Getty Conservation Institute, Collection « Recherche en Conservation », Los Angeles,
USA, 1999 et nouvelle version définitive restructurée en mars 2001, 234 p. L’article que nous proposons, écrit à
l’occasion de la conférence internationale Terra 2003 (Yazd, Iran) présente une synthèse de cette recherche.
..............................................................................................................................................................................Page 259
Guillaud 2005 : GUILLAUD, Hubert – Concevoir, restaurer et réhabiliter une architecture de terre. Construire en
terre en milieu sismique. Article extrait de l’Encyclopédie du bâtiment : Cahier n° 17 : Construire en terre; chap. 2 –
Recommandations de conception architecturale, éditions Weka, Paris, juin 2005, 73 p.
..............................................................................................................................................................................Page 289
Page 2
Hubert Guillaud
Guillaud 1996 : GUILLAUD, Hubert - Architectures en terre de France : repères de l'histoire, patrimoine traditionnel
et modernité, in Mediterrânao, Arquitectura de Terra, n° 8/9 Semestral, Revistas de Estudios Pluridisciplinares sobre as
Sociedades Mediterrânicas, Instituto Mediterrânico, Universidade Nova De Lisboa, Portugal, deuxième semestre 1996,
309 p., pp. 193-236.
Cet article rédigé sur demande d’une revue universitaire portugaise propose une présentation du patrimoine
architectural en terre français dans une perspective historique traduisant l’existence d’une culture constructive
millénaire (de l’Antiquité aux époques gallo-romaines, au Moyen Age), élaborée à partir d’une documentation
archéologique, et d’un corpus d’ouvrages, de recherches et d’études sur les architectures vernaculaires régionales du
territoire national. A partir d’une définition des caractères régionaux entre le Moyen Age et les époques modernes,
l’article décrit les caractères des architectures rurales en terre de France et propose une classification typologique
rapportée aux modes d’exploitation et d’aménagement du territoire tels qu’ils ont été analysés par la Géographie
humaine (Sorre, Demangeon), par des recherches d’inventaire (Corpus des architectures rurales) ou d’autres
recherches ethnologiques (Cuisenier). Une présentation des différentes techniques de construction traditionnellement
utilisées valorise les cultures du torchis, de la bauge, de la brique crue et du pisé. In fine, l’article ouvre les
perspectives d’une architecture de terre en cours de réactualisation.
Guillaud 1998 : GUILLAUD, Hubert - Une grande figure du patrimoine régional Rhône-Alpes : François Cointeraux
(1740-1830) pionnier de la construction moderne en pisé, in Les carnets de l’architecture de terre, éditions CRATerre-
EAG, monographie n°3, Villefontaine, France, janvier 1998, 47 p.
Cet article approfondit une recherche antérieure dont les premiers éléments était rapportés dans un article précédent
sur l’architecture en terre de France(Guillaud 1996) et propose une monographie sur l’un des grands « héros »
français de l’architecture de terre, François Cointeraux (1740-1830). Une biographie synthétique fournit les
principaux repères des apports de Cointeraux à l’avènement d’une véritable modernité de la construction en terre et à
la constitution d’une base de savoir de nature encyclopédique. Les idées et découvertes, inventions de Cointeraux sont
situées dans le contexte historique de l’époque des Lumières et post-révolutionnaires (Directoire, sociétés savantes,
physiocrates et premiers agrariens). L’article éclaire ensuite le rayonnement international des fameux « Cahiers
d’école d’architecture rurale » traduits en anglais, transférés vers les Amériques et l’Australie, et adaptés en plusieurs
autres langues européennes (allemand, italien, danois, finnois). Cointeraux apparaît comme étant le premier auteur
d’un traité de construction en « nouveau pisé », valorisé par de grands pairs comme Jean-Baptiste Rondelet mais aussi
comme l’un des premiers promoteurs d’une formation spécialisée dont les répercussions sont aujourd’hui patentes.
Guillaud 2001 : GUILLAUD, Hubert - Introduction à l’architecture de terre dans le monde, in ZERHOUNI, Selma et
GUILLAUD, Hubert, 2001 : Architecture de terre au Maroc, éditions ACR International, Courbevoie-Paris, premier
trimestre (avril) 2001, 312 p. pp. 18-63.
Dans cet ouvrage produit avec une collègue architecte marocaine, je propose en première partie un article
d’introduction d’une soixantaine de pages présentant les grands repères historiques de l’évolution des architectures de
terre dans le monde. Cet article valorise le caractère universel des architectures de terre, leurs déclinaisons techniques
et architecturales couvrant des grands sites du patrimoine mondial, archéologiques et historiques, des architectures
monumentales, des ensembles urbains et des grandes traditions vernaculaires rurales. Il traduit aussi la permanence
moderne et récente qui inscrit l’architecture de terre, des trajectoires de cultures constructives, dans la plus large
perspective de l’histoire de l’architecture. L’article valorise des recherches antérieures notamment publiées avec notre
mémoire de CEAA-Terre, en 1997 et depuis lors augmentées de synthèses nouvelles pour des régions récemment
explorées.
Page 3
Hubert Guillaud
Guillaud 2003 : GUILLAUD, Hubert - An approach to the evolution of earthen building cultures in Orient and
Mediterranean Regions: what future for such an exceptional legacy? In revue scientifique japonaise (archéologie) AL
RAFIDAN, volume XXIV, 102 p., éd. The Institute for Cultural Studies of Ancient Iraq, Kokushikan University, Tokyo
et Letterpress Co. Ltd, Hiroshima, Japon, 2003, 102 p., pp. 41-70 et 12 planches d’illustrations photographiques
commentées.
Cet article écrit en anglais et publié à la demande de la Société archéologique du Japon a été édité par l’Institut des
Etudes Culturelles de l’Irak antique de l’Université Kokushikan de Tokyo. Il rend compte d’une communication sur
l’histoire des architectures de terre dans les régions d’Orient et de Méditerranée présentée lors du séminaire
scientifique annuel de cette société scientifique, sur invitation. Pour les régions d’Orient, l’article traduit l’évolution du
village à la ville (des cultures néolithiques à la révolution urbaine entre le 7ème et le 4ème millénaire av. n.è.), et le
développement régional d’une architecture monumentale fondée sur l’élaboration d’un savoir-faire remarquable et
rayonnant de la construction de structures en arcs, voûtes et coupoles de briques crues. L’article valorise notamment
l’excellence des cultures constructives persanes préislamiques et islamiques. Pour les régions méditerranéennes,
l’article traduit l’évidence d’un transfert des technologies et des cultures constructives, à partir des régions d’Orient et
du Levant vers l’Anatolie, les Balkans, les territoires de la Grèce continentale et le monde égéen puis vers la péninsule
italique (Grande Grèce). Une évocation plus spécifique est faite sur la culture constructive en terre urbaine des
carthaginois, puis des périodes romaines qui activent à leur tout un transfert sur plusieurs régions de l’empire.
L’article donne les indices d’un renouveau récent des architectures de terre dans l’espace méditerranéen (Italie,
Portugal) et se conclue sur l’évidence d’une forte mobilisation internationale en faveur de la conservation des
patrimoines architecturaux en terre qui semble répondre à un nouvel enjeu culturel de préservation de la diversité
technologique dans le domaine des cultures constructives.
Guillaud 2004 : GUILLAUD, Hubert – Des architectures de terre en Europe ; Histoire et patrimoine, modernité,
actualité et prospective, éd. CRATerre-ENSAG, Grenoble, 2004, 12 p. et bibliographie.
Cet article de synthèse a été écrit pour la réalisation d’un ouvrage intitulé « Habiter la Terre » qu’il est prévu d’éditer
avec le fonds belge Mercator. Nous reconstruisons ici une longue trajectoire historique des architectures de terre en
Europe, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Il s’agit de restituer les grands repères de cette trajectoire afin de fournir
l’évidence d’un continuum des cultures constructives et architecturales de la terre crue, de leurs évolutions,
adaptations aux situations historiques, sociétales et culturelles. Cette trajectoire permet d’identifier cinq grandes
périodes de l’histoire où la construction et l’architecture de terre sont particulièrement valorisées pour la production
de l’habitat et l’évolution des établissements humains, soit les époques de l’Antiquité gréco-romaine jusqu’au Haut
Moyen Age (période de « colonisation » des territoires par la Grèce puis Rome), la période du Moyen Age, obscure en
legs littéraire mais utilisant toujours la terre crue pour l’habtat rural, la période de la Renaissance, du Siècle des
Lumière et jusqu’au milieu du 19ème siècle qui développe un savoir construire en terre de nature encyclopédique et qui
voit se fixer les grands caractères de l’habitat rural dans les pays d’Europe, puis la période récente de la fin du 20ème
siècle à nos jours où la construction en terre se situe dans un cycle renouvelé de grands questionnements de société sur
le rapport à l’environnement (écologie, énergies) et à la diversité culturelle (identités, valeurs culturelles), dans la
perspective du développement local durable.
Guillaud 1997 : GUILLAUD, Hubert - Terminologie des matériaux de construction en terre, des modes d’utilisation et
des techniques, et leur mise en situation historique, in Pour une histoire des architectures de terre, mémoire de CEAA-
Terre, Ecole d’Architecture de Grenoble, juin 1997, 518 p., pp. 165-238.
Cet article, extrait de notre mémoire de recherche de CEAA-Terre (1997) en constituant une deuxième partie, propose
d’établir la typologie des matériaux de construction en terre, des techniques et des modes de mise en œuvre, avec une
mise en situation historique qui permet d’apprécier l’évolution des cultures constructives en terre. L’un des premiers
objectifs scientifique est ici de donner une référence sémantique et lexicologique pour des matériaux et des techniques
de construction en terre dont les dénominations sont longtemps restées confuses et génériques (tout était pisé ou
Page 4
Hubert Guillaud
torchis) alors que l’on peut clairement distinguer une douzaine de familles de modes d’utilisation constructive et
architecturale du matériau terre qui ont été identifiés avec le « Traité de construction en terre » (Houben et Guillaud
1989, 1995) : la terre creusée ; la terre couvrante ; la terre en remplissage ; la terre découpée ; la terre comprimée ; la
terre façonnée ; la terre empilée ; la terre moulée ; la terre extrudée ; la terre coulée ; la terre-paille, la terre en
garnissage.
Guillaud 2001 : GUILLAUD, Hubert - Construire en blocs découpés et mottes de gazon, in Actes des Echanges
transdisciplinaires sur les architectures et les constructions en terre crue, 1 – Terre modelée, découpée ou coffrée,
matériaux et modes de mise en œuvre, 17-18 novembre 2001, Ecole d’Architecture de Languedoc Roussillon à
Montpellier, 17-18 novembre 2001, éd. de l’Espérou, Montpellier, France, 460 p., pp. 185-211.
Cet article valorise un avancement des recherches menées sur la typologie des matériaux et des techniques de
construction en terre en s’attachant particulièrement à une culture constructive très peu étudiée jusqu’alors et
considérée à tort comme désuète, le bloc de terre découpé ou « gazon ». L’article introduit des repères historiques sur
l’emploi du gazon dans l’Antiquité à partir d’un corpus de textes des époques romaines et montre toute l’importance de
son emploi pour l’édification des habitats au Moyen Age dans la plupart des pays européens septentrionaux. Sont
ensuite présentées les grandes cultures vernaculaires de Grande-Bretagne (Ecosse et Irlande), d’Islande. Puis, l’étude
d’un fonds iconographique remarquable de la Société Historique du Nebraska, legs de la collection d’un photographe,
Solomon Butcher, permet de rendre compte de la culture des « soddies » qui a été considérablement développée aux
Etats-Unis d’Amérique, au 19ème siècle, par les colons paysans des états du centre. On précise aussi le mode de
production des matériaux découpés à même le sol et les modes de mise en œuvre traduisant une parfaite maîtrise de la
culture constructive du « gazon ». En deuxième partie, l’article évoque des variantes de matériaux en terre découpée
repérées dans différentes traditions vernaculaires, en Afrique et en Amérique latine. L’article fait également le point
sur l’ensemble de la terminologie et de la lexicologie internationales pour l’ensemble des variantes de matériaux et
procédés de construction en blocs découpés. Enfin, l’article s’attache à mettre en perspective un renouveau de cette
culture constructive dans le contexte d’une architecture écologique qui, en Uruguay, prolonge une grande tradition des
« ranchos » ruraux.
Guillaud 2005 : GUILLAUD, Hubert – Evolution de la culture constructive et architecturale du pisé, in Actes des
Echanges transdisciplinaires sur les constructions en terre crue, II – les techniques monolithiques, pisé et bauge, 28-29
mai 2005, Grands Atelier de l’Isle d’Abeau à Villefontaine, Editions de l’Espérou, Montpellier, 2007, pp. 188 – 220,
32 p.
Cet article nous permet de proposer une approche globale sur la culture constructive du pisé à partir des données qui
ont été valorisées par un corpus de recherche que l’on a investi au début des années 1980 et développé par la suite. Cet
article entend poser des jalons pour baliser une histoire des tendances d’évolution des cultures constructives et
architecturales du pisé. L’ambition est grande mais l’objectif de l’exposé sera limité à l’établissement d’un socle de
références à la fois littéraires et techniques constituant un corpus essentiel que nous interrogeons de façon à fournir
des éléments de lecture de cette évolution, des traditions à la modernité, et à la contemporanéité. En effet, l’histoire du
pisé semble montrer une pérennisation séculaire des modèles technologiques et des cultures constructives et
architecturales jusqu’à l’avènement récent du béton. Ce matériau moderne de substitution introduit d’autres
possibilités techniques, d’autres modèles de référence que traduisent des formes nouvelles de mixité des cultures
constructives s’établissant entre la terre et le béton, voie dès lors ouverte vers l’association du pisé à un registre
beaucoup plus large de matériaux, de systèmes constructifs et d’expressions architecturales qui sont en mesure de
pouvoir fonder une véritable contemporanéité du pisé. Cette phase d’évolution qui est située à la fin du 19ème siècle
avec les premiers pisés de mâchefer, puis avec les pisés béton, dessine les traits d’une nouvelle identité de la grande
tradition du pisé qui sort alors de sa gangue traditionnelle. Une nouvelle identité dont se saisissent dès lors des
architectes et des entrepreneurs tout au long du 20ème siècle avec des temps de valorisation et des temps d’arrêt, avec
une reprise en main contemporaine engagée dans les années 1970-80. Ils sont les passeurs vers le futur d’un long et
grand héritage culturel de l’humanité.
Page 5
Hubert Guillaud
Pathologie et diagnostique
Guillaud 1992 : GUILLAUD, Hubert - La pathologie d’humidité et structurale des constructions en terre : une
approche méthodologique de l’entretien et de la restauration utile aux autres constructions en matériaux tendres, in
Atti del convegno internazionale : Le pietre da costruzione : il tufo calcareo e la pietra leccese, Consiglio Nazionale
delle Recherche – Progetto Finalizzato Edilizia, CNR e Istituto per la Residenza e le Infrastrutture Sociali, IRIS, Bari,
Italie, 26-28 mai 1992, avril 1004, 888 p., pp. 33-69.
Cet article permet de faire le point sur des recherches antérieurement développées sur la question du diagnostic de
l’état des ouvrages en terre dans le contexte marocain (CRATerre, Doat, Guillaud et al. 1983) et sous contrat avec le
Centre Scientifique et Technique du Bâtiment concernant les dispositions constructives du projet d’architecture de terre
(CRATerre, Odul, Guillaud et al 1985). Il propose l’exposé jusqu’alors inédit d’une méthode de diagnostic des
pathologies d’humidité et de structure des ouvrages en terre en mettant en relation l’observation des symptômes
pathologiques avec l’analyse des causes et de l’origine des causes, de façon à bien cerner les modes d’intervention
préventifs et curatifs pour des interventions en restauration ou réhabilitation. La méthode qui est proposée pour les
constructions en terre présente l’intérêt d’être aussi transposable à un plus large éventail d’ouvrages en pierres tendres
qui ont été couverts par le colloque durant lequel elle a été présentée. Cette méthode de diagnostic que l’on a enrichie
et précisée au cours de ces dernières années constitue à ce jour un outil de référence pour les professionnels qui en font
usage.
Guillaud 2001 et 2003 : GUILLAUD, Hubert.- Conservation des architectures de terre. Revue critique de la littérature
scientifique (2ème version), The Getty Conservation Institute, Collection « Recherche en Conservation », Los Angeles,
USA, 1999 et nouvelle version définitive restructurée en mars 2001, 234 p. L’article présente une synthèse de cette
recherche présentée lors de la conférence internationale Terra2003 (Yazd, Iran).
Cette recherche qui a été réalisée sous contrat avec le Getty Conservation Institute (GCI), dans le cadre du plan
d’action de recherche scientifique du Projet TERRA, propose une revue critique de la littérature scientifique produite
au cours des 20 dernières années du 20ème siècle alors que le domaine spécifique de la conservation des architectures
de terre se constituait et se développait, notamment sous l’impulsion de conférences internationales successives, puis
des projets GAIA et TERRA, conjointement définis et pilotés par le CRATerre, l’ICCROM et le GCI. Un inventaire
complet de la littérature accessible dans les fonds documentaires de ces trois organisations partenaires a été fait qui a
repéré 1269 documents (livres, recherches, articles, communications) à partir desquels on a opéré une sélection serrée
de 621 documents constituant un corpus de textes de référence qui traduisent les développement et les apports récents
de la recherche dans le domaine. Cette recherche a été structurée en trois grands chapitres qui sont : i) Connaissance
et analyse du matériau terre ; ii) Pathologie et diagnostic des architectures de terre, et iii) Interventions, traitements et
évaluation. Chacune de ces parties couvre un ensemble de questions qui sont traitées dans la littérature que l’on a
révisée nous ayant permis de dresser un état des savoirs et des pratiques dans le domaine de la conservation des
architectures de terre.
Guillaud 2005 : GUILLAUD, Hubert – Concevoir, restaurer et réhabiliter une architecture de terre. Construire en
terre en milieu sismique. Article extrait de l’Encyclopédie du bâtiment : Cahier n° 17 : Construire en terre; chap. 2 –
Recommandations de conception architecturale, éditions Weka, Paris, juin 2005, 73 p.
Ce Cahier n°17 édité dans l’Encyclopédie du Bâtiment en 2005, constitue une remise à jour d’une publication
antérieurement réalisée en 1990, à la demande de l’éditeur. La première version proposait une synthèse des principaux
chapitres proposés dans le « Traité de Construction en terre » (Houben et Guillaud 1984, 1989), à destination des
professionnels de l’architecture et de la construction. Par rapport au Traité de référence, ces articles remaniés du
Cahier n° 17 actualisent l’information sur les développements récents, nationaux et internationaux, de l’architecture de
terre. Il fournit un ensemble de recommandations utiles pour la bonne conception constructive et architecturale en terre
et fait un point inédit dans le domaine des pratiques de restauration des patrimoines architecturaux, marché de travail
très porteur pour les architectes et les entreprises. Ce sont ces derniers aspects relatifs aux recommandations de
conception et aux pratiques de restauration que l’on présente dans ce corpus d’articles.
Page 6
Hubert Guillaud
Nous tentons de dresser ici un état de la question de la construction et de l'architecture de terre en France, dans une
triple approche.
• Premièrement, celle de l'histoire, en tentant de poser des repères de l'évolution des cultures constructives, depuis
l'antiquité néolithique jusqu'aux temps modernes que nous situons à l'époque des Lumières. Le XVIII° siècle est en effet
propice à un regain d'intérêt porté à une architecture de terre "améliorée" ou "renouvelée" dans un contexte
d'amélioration de l'habitat des populations rurales où sont valorisés les vertus d'un "nouveau pisé" à travers une
production littéraire d'essais et de pamphlets de plusieurs personnalités (G.C. Goiffon, F. Boulard, Abbé Rozier) dont
les propos successifs seront rassemblés dans une œuvre unique en son importance quantitative et pour son rayonnement
international, celle de François Cointeraux (1730-1840), architecte, entrepreneur lyonnais prosélyte en la matière. Les
référents et repères historiques de cette époque des Lumières, les articulations qui peuvent être faites entre l'héritage des
cultures constructives jusqu'alors fondées dans l'antiquité et cette époque moderne sont indispensables pour mieux
comprendre l'identité et les caractères actuels du patrimoine architectural en terre national qui sont redéfinis en même
temps que la société et l'économie rurale sont en pleine mutation.
• Deuxièmement, en dressant un état général de ce patrimoine architectural par l'évocation des typologies constructives
(torchis, bauge, adobe et pisé) et architecturales majeures (sur la base d'exemples d'architectures régionales typées les
illustrant).
• Enfin, troisièmement, en évoquant l'histoire récente qui témoigne d'une dynamique contemporaine de la recherche, de
la formation et des réalisations tendue vers l'avenir des architectures de terre en France et dans une plus large
géographie internationale. Un avenir porté par le rayonnement d'une pensée technique constituée en science de la
construction en terre entre les années 50 et 90 de ce siècle. Un avenir également porté l'émergence de mouvements en
faveur des technologies "alternatives" (ou "appropriées") au service d'une architecture "écologique" (ou d'une
"bioarchitecture") qui redonnent toute leur dimension aux matériaux de construction "naturels". Dans ceux-ci, le
matériau terre reprend une position d'avant-garde dans l'éventail qui rassemble aussi la pierre, le bois et les végétaux. A
côté du "pisé" ou de la "brique de terre comprimée" qui connaissent un succès certain, on observe aussi une
réactualisation surprenante de techniques très anciennes (le "torchis" et sa forme plus contemporaine de "terre-paille")
qui avaient été écartées par les rénovateurs modernes du XVIII° siècle, pour leur caractère précaire ou rudimentaire. Les
connaissances scientifiques actuelles sont désormais en mesure de les codifier et donc de les valoriser auprès des
praticiens de la construction.
Cette première tentative de synthèse sur l'histoire de l'architecture de terre en France ne peut, dans les limites de cet
article, qu'autoriser un exposé général dont nous savons l'insuffisance. Nous souhaitons pourtant tenter cet éclairage en
posant les repères d'une "histoire raisonnée". Une telle approche fait aujourd'hui défaut et nous semble indispensable
pour ajouter à la connaissance scientifique du sujet. Après avoir travaillé sur des objets de recherche bien cernés (telle
ou telle technique, tel ou tel aspect du patrimoine régional ou local, telle ou telle personnalité ayant marqué l'histoire
française des architectures de terre, …), nous percevons la nécessité d'un enrichissement certain à partir d'une réflexion
qui ajouterait à une approche de caractère culturelle généraliste par sa dimension scientifique. Cette dimension s'impose
dès lors que sont redéfinies les politiques et les stratégies dans le domaine de la préservation des patrimoine
architecturaux en terre dans l'ensemble des pays européens, dès lors que la technologie de construction en terre connaît
une nouvelle phase d'application pour l'architecture dans le monde, au "Nord" (pays dits "développés") comme au "Sud"
(pays dits "en développement") et que les perspectives d'évolution future, pour être mieux entrevues puis engagées,
méritent d'être fondées sur une connaissance de l'histoire, toute évolution prolongeant cet héritage.
Notre propos s'appuie à la fois sur des recherches d'équipe, menées au sein du laboratoire de recherche CRATerre-EAG
au cours de ces quinze dernières années, et sur un matériau scientifique très riche élaboré par la communauté des
chercheurs français, mais aussi d'autres pays, dans des champs disciplinaires variés (l'archéologie, l'histoire, la
géographie, l'architecture). Que l'on soit ici assuré de notre modestie dans ce travail et surtout de notre gratitude pour
l'ensemble de la communauté scientifique qui contribue à un enrichissement permanent des connaissances dans ce
champ de recherche et dont les travaux constituent nos sources et références.
Page 7
Hubert Guillaud
1 - Une culture constructive millénaire. De l'antiquité aux époques Gallo-romaines, quelques référents et repères.
L'influence des cultures constructives antiques d'Europe centrale sur l'architecture en bois et torchis des régions
septentrionales.
Entre le V° et le IV° millénaire av. J.C., l'Europe centrale et occidentale connaissent une grande mutation qui
correspond à l'extension de la culture danubienne (céramique rubanée). Rejoignant l'Ouest européen, celle-ci se scinde
en deux courants distincts au Nord du Lac de Constance. L'un remonte vers le Nord, rejoint le Bassin Parisien et la
Belgique; l'autre débouche par la Porte de Bâle et s'installe dans les plaines de l'Ill, de la Thur et de la Fecht. On a repéré
de nombreux établissements de ces populations danubiennes, en Alsace 1. L'habitat danubien développe un plan
rectangulaire allongé, de longueur variable (10 à 40 m.) et de largeur quasi fixe (de 6 à 8 m.). Une structure de gros
poteaux circulaires (de 0,50 à 1 m de diamètre) disposés en cinq rangées définit un espace en quatre nefs alors qu'une
rangée en périmètre est constituée d'un nombre plus important de poteaux facilitait sans doute le tressage d'un
clayonnage de branches et le treillage de roseaux recouverts d'un torchis de terre argileuse. La toiture devait être en
bâtière de chaume. Ces habitats sont disposés en semis plus ou moins parallèle selon une orientation Nord-Est / Sud-
Est, avec une ouverture en pignon protégée du vent dominant. La culture constructive danubienne pose les référents
techniques et typologiques de la construction des maisons en longueur à ossature bois et torchis qui dominera en Europe
pendant plusieurs millénaires, jusqu'aux époques récentes de notre histoire, et selon des types peu transformés. Par
exemple, au III° millénaire (vers 2 700 av. J.C.), le Village des Baigneurs de Charavines 2 (Lac de Paladru, Isère),
conservé par des dépôts lacustre, restitue les mêmes principes de structure mais ces habitats en longueur ne sont plus
qu'à deux nefs (3 rangées de poteaux). On n'observe pas de grandes modifications structurelles jusqu'au passage à l'Age
du Bronze (entre 2 200 et 1 800 av. J.C.), qui correspond à la multiplication des établissements celtes dans l'ensemble
de la Gaule. En effet, au Bronze Ancien (1 800-1 500), l'habitat établi en plaine est toujours en bois et torchis et de type
similaire. Ce n'est qu'au Bronze Moyen (1 500-1 200) qu'apparaît l'habitat en oppidum, établi sur des sites dotés de
systèmes de défense bâtis en pierre et blocage de pierraille et de terre (Kugele, Hohlandsberg, Haut-Rhin, Alsace, p.e.),
avec une évolution vers le plan quadrangulaire et des solutions de superstructures en bois et torchis élevées sur des
soubassements en pierres. Cette évolution est confirmée au Bronze Final (1 200-750) avec une densification de l'habitat
en oppidum par rapport à l'habitat de plaine, une prédominance du plan quadrangulaire et, progressivement, un
développement des solutions de charpente à poteaux et entraits correspondant à des toitures plus larges. La Premier Age
du Fer, ou Hallstatt (750-450), accentue cette distinction entre habitat en situation d'oppidum et de plaine, entre une
fonction urbaine (activités artisanales et commerciales) et une fonction rurale (activités agricoles). On assiste alors à la
création de véritables chefs-lieux régionaux (Britzgyberg, Haut-Rhin, Alsace, p.e.). Les habitats quadrangulaires de
plain-pied, à sols tapissés d'argile et à parois de gros poteaux et clayonnage tressé revêtu de torchis, cohabitent avec les
structures de type blockbau (bois empilés), de culture germanique. Les époques de la Tène (450-120) sont associées à
une modification de la structure des habitats avec l'apparition de la maison fosse (profonde de 0,50 m environ), de plan
rectangulaire (Rosheim, Bas-Rhin, Habsheim, Haut-Rhin, Alsace, p.e.). Mais, dans les régions nord-est de la Gaule,
l'habitat celte en oppidum, demeure principalement de type quadrangulaire de plain-pied, aux dimensions assez
confortables, avec des cloisons en poteaux verticaux et clayonnage revêtu de torchis de terre argileuse. Dans l'ensemble
des régions septentrionales de la France, se sont ces cultures constructives héritées du lointain fond danubien, en bois et
en torchis, qui sont dominantes. Elles donneront naissance, plus tard, à la tradition du colombage, que l'on peut observer
aujourd'hui en Alsace, en Champagne, en Haute et Basse Normandie, en Picardie. Mais auparavant, cette tradition a été
influencée par d'autres apports nordiques, notamment ceux des Angles et des Saxons, des Normands et même des
Vikings, aux époques de la fin du Haut Moyen Age qui précèdent la définition des caractères actuels.
Sur les territoires méridionaux d'actuelle Provence, Languedoc et Roussillon, l'Age du Fer (750-50 av. J.C.) a aussi
contribué au développement d'un habitat en oppidum (277 sites ont été répertoriés dans le Var, plus de 300 dans les
Alpes et plus de 200 dans le Gard) utilisant les techniques du bois et du torchis ou de la bauge. Les influences
helléniques sont introduites avec la fondation des premiers comptoirs portuaires qui vont inaugurer une ère de
prédominance grecque se construisant sur un jeu d'alliances commerciales avec les populations celtes locales,
notamment avec les Segobriges puis avec les Salyens qui vont contribuer à fédérer les populations indigènes. Lorsque
les implantations grecques vont se multiplier (Phocea - Marseille, Antipolis - Antibes, Nikaia - Nice), la civilisation des
1 SCHWEITZER, J., L'habitat rural en Alsace des origines à l'an 800, in Saisons d'Alsace n° 64, La maison paysanne en Alsace, 124 p., pp. 8-30, éd.
istra, Strasbourg, 1977.
2 La vie au Néolithique, Charavines un village au bord d'un lac il y a 5 000 ans, in revue Histoire et Archéologie n° 64, juin 1982, pp. 23-37, sous la
direction de Aimé Bocquet et André Houot, du Centre de Documentation de la Préhistoire Alpine et de ses membres..
Page 8
Hubert Guillaud
oppida va très vite adopter la brique crue qui se substituera au torchis. Les influences carthaginoises avaient déjà
contribué à l'introduction de ce matériau (en Sicile, Sardaigne puis Gaule méridionale) mais aussi du pisé, dont les
emplois sont confirmés sur de nombreux sites, tels ceux de Ruscino, Enserune, La Lagaste (Rouffiac d'Aude, Pomas,
près de Carcassone, Roussillon) et d'Entremont (Bouches-du-Rhône). Les travaux récents de fouilles entreprises sur les
sites méditerranéens confirment une grande extension de l'emploi de la brique crue mais aussi du torchis, dans
l'ensemble de la Gaule méridionale3. Pendant la Tène (Deuxième Age du Fer, vers 450), sur les sites à l'intérieur des
territoires côtiers, les établissements du IV° au II° siècle prennent la forme de sites fortifiés4. Tel est le cas de
Ambrussum (Villetelle, dans l'Hérault), de Nages (Gard), d'Entremont (Bouches-du Rhône), de La Lagaste (Aude). Sur
ce site, on peut observer des habitats à soubassement de pierre sèches liées à l'argile ainsi que des éléments en briques
crues. Mais se sont les sites du Languedoc sous influence hellénique et notamment ceux dominés par l'apogée
économique de Ampurias-Emporion (Catalogne), qui vont privilégier l'emploi de la brique crue. Ainsi, à Lattes
(Hérault), au III° s. av. J.C., la brique crue est-elle utilisée comme pavement de sol5. En Arles, sur un habitat également
daté du III° s., implanté hors les murs de la cité, une cloison en briques de terre repose directement sur un plancher à
lambourdes. Ce matériau est également repéré à Vaison-la-Romaine (Drôme), selon un module qui s'apparente déjà à
celui que décrira plus tard Vitruve dans son De Architectura. Mais dans cette cité, seuls les étages semblent avoir été
bâtis en briques crues, sur des premiers niveaux en pierres. Ces principes de construction domineront dans l'ensemble
du pourtour méditerranéen (à Notre-Dame-de-Pitié, près de Marignane, à Pierredon-Eguilles, près d'Aix-en-Provence,
p.e.). Puis, vers 130 av. J.C., la menace du Royaume Arverne, en Gaule méridionale est de plus en plus pressante.
Plusieurs interventions conduites par les Romains visent à protéger les massaliotes (Massalia-Marseille) contre les
Voconces, les Salyens, les Allobroges et les Arvernes et contribuent à installer la présence romaine sur le littoral. Cette
présence se renforce avec la création de la Narbonnaise qui suit la création de Narbonne par Narbo Martius en 120-118
av. J.C. Plusieurs campagnes romaines seront à nouveau menées contre les Cimbres et les Teutons (victoire de Marius à
la Sainte Victoire, Aix-en-Provence, en 102) jusqu'à ce que le midi de la Gaule soit déclaré Province Consulaire
Romaine. Cette présence romaine désormais légitimée va considérablement influencer l'habitat qui va très vite adopter
le plan italique organisé autour de cours, puis le péristyle. Mais, lorsque César entreprend la conquête de la Gaule (59-
51 av. J.C.), il observe l'existence d'une construction vernaculaire où prédomine l'emploi de matériaux "rudimentaires".
Les vici (bourgs agricoles) et les aedificia dont il nous parle à plusieur reprises dans la Guerre des Gaules6 sont sans
doute bâtis en bois et torchis, ou en bauge (terre empilée). Sa description du murus gallicus évoque l'emploi de la pierre,
du bois et de la terre. L'implantation romaine en Gaule va permettre assez rapidement l'épanouissement d'une
civilisation de caractère urbain et l'évolution de nombreux chefs-lieux à la dimension de la ville. A partir du I° s. ap.
J.C., le clayonnage en torchis est remplacé par le hourdage en briques crues, en maints sites. On peut le constater non
seulement sur les territoires méridionaux (déjà influencés par les grecs, comme à Lattes et à Nîmes7) mais aussi dans les
territoires intérieurs. Tel est le cas de Lugdunum-Lyon) comme en témoignent les fouilles réalisées sur les Hauts-de-
Saint-Just, dans la rue des Farges, la Montée de Loyasse, au Verbe Incarné mais aussi à Vienne, à Saint-Romain-en-Gal
et à Saint-Colombe. Les habitats de ces époques augustéennes sont en parois d'ossature bois remplies de briques crues
revêtues d'un enduit bicouche en terre et en chaux, peint8. Mais au-delà des seules régions méridionales, la colonisation
romaine dans l'ensemble des provinces européennes occidentales de l'empire, correspond à une densification de l'habitat
groupé en villages agricoles et en bourgs commerciaux, les vici, et à la construction de nombreuses propriétés agricoles
des colons propriétaires ruraux romains, les villas . Les populations celto-gauloises, progressivement assimilées par la
"pax romana" font encore grand usage des techniques de construction en terre traditionnelles, tels le bois et le torchis, la
bauge mais sans doute aussi du pisé. Strabon9 observe que "les gaulois construisent de grandes maisons de forme
circulaire en planches et en claies et les recouvrent d'un épais toit de chaume". De même, Tacite10, à propos de l'habitat
3 DE CHAZELLES, C.A., FICHES, J.L. et POUPET, P., La Gaule méridionale, in Documents d'Archéologie Française, DAF n° 2, Architecture de
terre et de bois, 191 p., pp. 61-71 où les auteurs repèrent 42 sites où prévaut l'utilisation du torchis et 32 sites où prévaut l'utilisation de la brique crue,
entre le III° s. av. J.C. et le 1° s. ap. J.C..
4 FICHES, J.L., Habitat et Fortifications; la civilisation des oppida, in Revue Archeologia n° 35, 1979.
5 DE CHAZELLES, C.A. et POUPET, P., in Revue LATTARA 1, 1988, L'emploi des adobes dans l'aménagement de l'habitat à Lattes, au III° s. av.
n. è. : les sols et les banquettes, 7 p. Voir aussi, des mêmes auteurs, LATTARA 2, Analyses archéologiques et sédimentologiques des matériaux de
terre crue de l'architecture protohistorique à Lattes, provenance et technologie, pp. 11-32, Lattes, 1989.
6 De Bello Gallico, I, 5, 2; II, 7, 3; III, 29, 3; IV, 19,1; VI, 6, 1; VII, 14, 5.
7 DE CHAZELLES, C.A., FICHES, J.L. et POUPET, P., op. cit., note 3, à propos de fouilles menées à Nîmes (Gard), sur la "maison Solignac".située
aux abords du Temple de Diane, où les cloisons de grosses briques crues (60 x 36) sont utilisées en hourdage d'une ossature bois à poteaux corniers et
potelets marquant la division de l'espace. Voir aussi, de DE CHAZELLES, C.A. et POUPET, P., L'emploi de la terre crue dans l'habitat Gallo-Romain
en milieu urbain : Nîmes, in Revue Archéologique de Narbonnaise, Tome XVII, pp. 71-101, éd. du C.N.R.S., Paris, 1984.
8 DESBAT, A., La région de Lyon et de Vienne, in Documents d'Archéologie Française, DAF n° 2, Architecture de terre et de bois, 191 p., pp. 75-83.
9 in Géographie, IV, 4, 3 et XII, 1, 67.
10 in Germania, XVI, 3.
Page 9
Hubert Guillaud
des germains, notait "qu'ils n'emploient même ni moellons, ni tuiles; à toutes fins, ils se servent de matériaux bruts
(materia informi) sans se soucier de la beauté ou de l'agrément". Les très nombreux sites d'implantations des villas
gallo-romaines permettent de distinguer le plus souvent deux parties; l'une, la pars urbana, ou partie résidentielle,
souvent construite en pierres puis en briques cuites aux époques tardives de l'empire, l'autre, la pars rustica ou agraria,
bâtiments agricoles construits en matériaux et techniques locales traditionnelles, soit le plus souvent en bois et torchis,
en bauge ou en briques crues11. La plupart des sites confirment l'existence d'un soubassement en moellons de pierres ou
en maçonnerie de blocage, ce qui constitue une évolution qualitative certaine par rapport aux solutions d'ossature bois
fichées à même le sol qui ont longtemps perduré. Roger Agache et Bruno Bréart qui ont pratiqué des observations
aériennes, notent12 : "dans les grandes plaines du Nord de la France, de Picardie ou de Normandie que nous avons
prospecté d'avion, il apparaît que seules les fondations étaient en pierres (…) même pour les plus remarquables des
habitations principales des plus grandes villas dont le plan est parfois celui de véritables palais (…). A fortiori, les
villas, leurs dépendances ainsi que les sanctuaires ruraux comme les fana, avaient la plus grande partie de leurs murs
en matériaux légers, terre et bois". Par ailleurs, ces auteurs précisent : " pour les nombreuses grandes villas (…), la
quasi totalité des matériaux utilisés sont prélevés aux abords immédiats des constructions, ici, comme dans toute la
Gaule. Or c'est évidemment de la terre dont on dispose le plus facilement sur place, à défaut d'autres matériaux. (…)
On remarque presque toujours d'avion, aux abords immédiats, une ou plusieurs anciennes carrières, certaines de ces
dépressions ayant été ensuite transformées en mare" (il s'agit d'une pratique qui perdure jusqu'aux époques récentes de
l'histoire de la construction en terre, dans bien des régions françaises). Les vici, quant à eux, sont essentiellement bâtis
en matériaux et techniques traditionnelles qui varient selon les régions et leurs cultures constructives. En région de
montagne, c'est la pierre et le bois qui dominent, avec la maçonnerie de moellons bâtie au mortier de terre ou un
système de palissades en bois remplies de blocage en pierraille et terre, ou encore le système blockbau (billes ou
madriers de bois empilés, parfois liaisonnés au mortier de terre argileuse). En plaine, c'est plutôt l'ossature bois et le
clayonnage revêtu de torchis, la bauge ou encore la brique crue en hourdage d'une structure en bois élevée sur un
soubassement de moellons de pierre. Lorsque la brique crue est employée en maçonnerie porteuse pour les murs
maîtres, les cloisons intérieures restent le plus souvent des galandages en torchis ou à soles et potelets de bois avec
hourdage en briques crues13.
Les invasions alémanes du 2° s. ap. J.C. déstabilisent les populations qui quittent les sites de plaines et désertent les vici
établis près des riches villas pour trouver refuge dans des castellas protégés. Il faudra attendre les derniers coups de
boutoir des invasions "barbares" pour voir s'effondrer les réalisations gallo-romaines et observer un retour à une culture
constructive plus élémentaire, précaire. La vie agricole supplante alors la vie urbaine et aux bâtiments groupés en vici
succèdent de nombreuses fermes, hameaux et petits villages dont beaucoup sont à l'origine des établissements actuels.
Mais ce ne sera que bien plus tard, avec le Bas Moyen Age (au-delà du X° siècle) que se mettront en place la
topographie et la toponymie historiques des régions rurales d'Europe centrale et occidentale. Par exemple, en Alsace, à
Liebersheim, les occupations d'époques mérovingiennes (VI° au VIII° siècles) sont encore caractérisées par des
établissements qui ont l'aspect d'un semis de cabanes quadrangulaires, légèrement oblongues et de petite taille (3 x 2 m.)
du type maisons fosses profondes (jusqu'à 1,20 m) dont on est même pas sûr qu'elles furent construites en terre mais
plutôt en matériaux légers (bois et végétaux), traduisant le climat d'insécurité, dans ces temps du Haut Moyen Age que
l'on a qualifié "d'obscur". Les époques carolingiennes, inaugurées au VIII° s. et qui se poursuivront jusqu'au IX° s.
contribuent à la définition territoriale de la France et à l'aménagement du paysage rural à partir des unités agricoles des
époques précédentes. Même si s'amorce la création de villages autour d'églises ou dans la proximité relatives d'abbayes
qui remplissent un rôle culturel et économique, c'est encore une époque de grande instabilité qui rejaillit sur les formes
de l'habitat, en majorité précaire et temporaire. On est bien loin des modes de construction élaborés des époques gallo-
romaines et ce sont à nouveau les solutions de type blockbau ou d'ossature bois et torchis qui dominent. La
caractérisation des cultures constructives régionales de l'architecture en terre française, avec une claire distinction entre
les cultures septentrionales, qui adoptent la construction en bois et torchis ou en bauge et les cultures méridionales, qui
adoptent la brique crue et aussi le pisé (terre coffrée) ne s'opère qu'à partir du Bas Moyen Age (X° s.), sur la mémoire
d'un fond culturel antique peu à peu redécouvert qui avait déjà établi cette distinction. Mais, ces caractères régionaux
différenciés ne se fixeront vraiment qu'à la période suivante qui s'étend jusqu'à la Renaissance (du X° au XV° s.)14.
Page 10
Hubert Guillaud
La définition des caractères régionaux de l'architecture de terre française du Bas Moyen Age aux époques
modernes.
L'essor politique des Capétiens (987-1180), prépare les grandes mutations des XII° et XIII° siècles qui verront la
naissance et la diffusion des types caractéristiques de l'habitat et des villages, non seulement en France mais plus
largement en Europe. C'est durant cette période que se multiplient, à partir de sites fortifiés (réaménagement des oppida
protohistoriques), les châteaux à motte, fortifications de terre et de bois qui, avec les églises, seront les éléments
constitutifs de l'organisation des villages, autour de places. Le XI° siècle correspond à une forte croissance
démographique appuyée par un gros effort de construction rurale. On passe ainsi de la construction semi permanente du
Haut Moyen Age, utilisant des matériaux précaires, à la maison faite pour durer. Cette évolution est portée par
l'apparition d'un corps d'artisans spécialisés, formés sur les chantiers de construction religieuse (abbayes, cathédrales,
églises) ou militaire (châteaux forts), qui mettent aussi leur savoir-faire au service de la population rurale et urbaine. On
peut alors observer une renaissance de techniques de construction qui avaient été utilisées à l'apogée de l'empire romain
: maçonnerie de blocage et de pierre, briques cuites, briques crues et pisé, charpente assemblée par tenons et mortaises,
chevilles, clavettes et cloutage. Les régions septentrionales adoptent et diffusent largement le mur de type stabbau
(planches verticales bouvetées), d'origine germanique. Les régions orientales, plus enclavées ou montagneuses,
développent le colombage à bois long (structure à trame orthogonale large et d'allure carrée) dressé sur des soles en bois
posées à même le sol ou sur des soubassements en pierres bâties au mortier de terre et de chaux. Dans les régions
méridionales, le colombage et le torchis semblent précéder la réapparition des lointaines traditions de la brique crue et
du pisé puis de l'architecture en pierres. Les traits caractéristiques actuels de l'architecture de colombages à bois courts
(trame orthogonale étroite, d'allure rectangulaire, et pièces inclinées) semblent s'être généralisés plus tardivement, au-
delà de la Renaissance. Pour la période du Bas Moyen Age, la documentation est en grande partie d'origine
archéologique et il ne reste que peu de témoignages des structures d'habitat si ce ne sont quelques trous de poteaux ou
traces de soles en bois posées sur des soubassements maçonnés. Ce sont surtout des travaux menés dans le Nord-Est de
la France et dans les pays voisins (Angleterre, Allemagne), qui permettent de se faire une idée des habitats ruraux du
Bas Moyen Age sans doute encore très caractérisés par les apports anciens des cultures constructives germaniques.
Néanmoins, les travaux de l'archéologie médiévale menés sur les territoires européens, permettent de répertorier un
ensemble de trois principaux types d'habitats15 que les territoires français ont sans doute également adopté:
- la ferme-cour : elle a semble t-il remplacé la maison longue à partir du XIII° siècle et commence à distinguer la partie
résidentielle de la partie étable et grange. Ce modèle d'origine anglaise a été répertorié en Normandie mais aussi
jusqu'en Allemagne (Höhenrode et Königshagen) où des trous de poteaux régulièrement espacés traduisent le principe
d'une structure en bois vraisemblablement terminée par un clayonnage de branches revêtues de torchis.
- la maison-longue : de grande tradition depuis les époques protohistoriques, qui regroupe sous un même toit
l'habitation et l'étable.
- la petite maison rectangulaire : généralement d'une pièce unique.
On observe également trois grands principes de construction :
- la maison à une seule nef qui ne laisse en général que la trace de ses murs périphériques.
- la maison à deux nefs, avec un axe longitudinal et central de poteaux et des murs périphériques marqués par des trous
de poteaux parfois reliés entre eux par la trace brunâtre de soles en bois posées à même le sol.
- la maison à trois nefs, plus grande, à plan rectangulaire et deux rangées de poteaux espacés de façon variable vis-à-vis
des murs extérieurs. La nef centrale semble avoir été réservée à l'habitation alors que les deux nefs latérales devaient
être réservées au bétail et au stockage.
Mais, pour l'essentiel, les matériaux de construction de l'habitat rural du Bas Moyen Age ont été le bois long et le
clayonnage enduit de torchis (du type bressan et alsacien actuels), les galandages intérieurs (cloisonnements non
porteurs) à treillage de bois vert et enduit de terre et une protection extérieure en essentes d'écorces ou de dosses de bois
fendu. On a pu observer aussi, dans les territoires bordant la mer du Nord et sans doute jusqu'en bordure de la Manche,
la tradition d'origine anglo-saxonne du mur en mottes de gazon ou "sod" et également celle de la bauge, ou "cob" 16.
Ces modes de construction sont toujours très présents, non seulement en Angleterre (dans le Devon, p.e.) mais aussi
dans le Nord-ouest de la France, en Normandie et dans le Cotentin, et même jusqu'en Bretagne (Rennes et Ille-et-
Vilaine, Côte d'Armor). Pour les régions plus méridionales (au Sud de la Loire), il semble que le principe des structures
en ossature bois ait été associé à l'utilisation de matériaux de tradition méditerranéenne, la brique crue notamment. Ces
pratiques sont observables sur les territoires des contreforts pyrénéens, tels qu'en Béarn et en Bigorre. Il semble
15 Cf. Actes du Congrès de la Société des Historiens Médiévistes de l'Enseignement Supérieur Public, rassemblés dans les Annales Littéraires de
l'Université de Besançon, 1973 et également, différents ouvrages et articles de chercheurs médiévistes qui font autorité dans le domaine, tels que Jean
CHAPELOT et Robert FOSSIER (Cf. Note 14).
16 Voir, CHAPELOT, J. et FOSSIER, R., op. cit. note 14, à propos des fouilles menées à Wallingford, dans l'Oxfordshire en Angleterre et également
les fouilles de la fortification danoise de Solvig, qui attestent de ces techniques.
Page 11
Hubert Guillaud
probable que les influence culturelles des califats de Cordoue, depuis la péninsule ibérique,à partir du VIII° s., aient
joué un rôle dans la réactivation de l'emploi de l'adobe et du pisé très utilisés dans la tradition constructive ibérique
maure. Ces techniques, véhiculées par les mouvements de populations de fonds wisigothe repoussées au-delà de
l'Aragon, atteignaient la Gaule du Sud-ouest et trouvaient une nouvelle nidification sur fond culturel antique gréco-
romain redécouvert. Elles ont du être aussi véhiculées par les nombreuses poussées d'invasions sarrasines, jusqu'au
début du X° s. (on situe leur avancée jusqu'en Haute Provence et en moyenne vallée du Rhône, en 972). Tel est le cas
des régions du grand Sud-ouest de la France (Aquitaine) et jusqu'en Auvergne (Massif Central; des études
toponymiques établissent des liens avec des origines ibériques maures: voir travaux de Hubert Rostaing, Dictionnaire
des toponymes). Mais, ce n'est véritablement qu'à partir de la fin du XV° siècle que l'on peut situer un renouveau et un
développement significatif des architectures de terre en maçonnerie (adobe) ou monolithiques (pisé) qui s'affirmeront
dans les régions méridionales aux XVIII° puis au XIX° siècle. Le fameux livre intitulé "La maison rustique", de Charles
Estienne, plusieurs fois réédité depuis son édition originale publiée en latin, sous l'intitulé de Praedium rusticum, en
1564, mentionne ces techniques17. Cette évolution vers la maçonnerie de blocs de terre et vers le pisé sera significative
après les époques de la Révolution française et portée par une large diffusion européenne des idées du Siècle des
Lumières traduisant un réel souci d'amélioration des conditions de vie et d'habitat de la population rurale (pensée des
physiocrates et des premiers agrariens). Ces époques de grande mutation correspondent à une consolidation de la
paysannerie, à une restructuration du paysage rural et définissent les grands traits de l'habitat régional et des formes
d'aménagement des terroirs actuels (pays de bocage /vs/ pays d'openfield ou pays d'embouche et de cultures intensives
/vs/ pays de grandes cultures extensives), non seulement liés au cadre naturel et physique transformé sur fond historique
mais aussi aux types de l'économie agricole, soit consolidés, soit en transformation. Ainsi, la brique d'adobe et le pisé,
participaient directement à cette consolidation de la situation de la population rurale et de son habitat, dans une première
phase historique moderne qui précède une plus large utilisation de la pierre et de la brique cuite. Mais, dans beaucoup
de cas, celles-ci étaient employées en solutions constructives mixtes avec la terre crue. Nous allons préciser l'impact de
cette période des Lumières sur la revalorisation et la diffusion de "l'architecture" de terre (reconnaissance acquise avec
les écrits de Laugier), et notamment du pisé.
2 - A l'époque des Lumières : François Cointeraux (1740-1830), pionnier de la modernité des architectures de
terre18.
Les caractères actuels du patrimoine architectural en terre de France, mais plus largement européen, doivent beaucoup à
la constitution puis à la large diffusion d'un savoir de nature encyclopédique, de portée universelle, élaboré à l'époque
des Lumières. A cette époque, un architecte et entrepreneur d'origine lyonnaise, François Cointeraux, allait fournir un
important travail de revalorisation et de promotion du pisé que l'on peut juger décisif pour les temps modernes. Il ne
publia pas moins de 69 essais, pamphlets et fascicules19. Cet apport essentiel ne doit pas pour autant occulter celui de
prédécesseurs qui ont fondé les bases de ce nouveau savoir. Par exemple, les Dix Livres de l'Architecture, de Vitruve,
dont la traduction française du texte original en latin, par Claude Perrault, daté de 1673, mentionne la construction en
briques crues comme un art de bâtir de première qualité20. Cointeraux y fera référence car "le" Vitruve fut un grand
classique de la formation académique des architectes qu'il cherchait à convaincre sur l'emploi de son "nouveau pisé".
Antérieurement aux écrits de Cointeraux, on doit relever la publication du Mémoire pour la construction des murs en
terre, de l'architecte G.M. Delorme (1700-1782)21. Près de trente années plus tard, l'Art du Maçon Piseur, de Georges-
Claude Goiffon22, fournissait les références techniques qui seront reprises par Cointeraux mais également par l'Abbé
Rozier, sous forme de mémoire, dans son Journal de Physique. Ce même Abbé Rozier qui publiait en 1786 son Cours
17 Nous faisons ici référence à une édition plus tardive, de 1763, en deux tomes ; tome 1, 664 p. et tome 2, 677 p. La maison rustique en terre est
évoquée dans le tome 1 aux pages 36-38 et l'on y peut comprendre qu'il s'agit des techniques de la bauge et du pisé.
18 Nous nous référons ici à une recherche personnelle menée dans le cadre du programme scientifique du CRATerre-EAG : GUILLAUD, H., Les
grandes figures du patrimoine régional Rhône-Alpes, François Cointeraux (1740-1830), pionnier de la construction moderne en pisé, Grenoble, mars
1994, 104 p., dont 48 p. de textes et illustrations.
19 L'ensemble du fonds original des écrits de Cointeraux est disponible à la Bibliothèque Nationale. Son activité de publication semble avoir été
inaugurée en 1790 et s'achèvera en 1826, soit 36 années d'écriture féconde.
20 Argument d'ailleurs repris par L.B. Alberti (1404-1472), dans son De Re Aedificatoria. Cf. traduction de J. Martin, Paris, 1553, pp. 48-49.
21 Ce mémoire de huit feuillets a été lu le 17 mars 1745 à l'Académie des Sciences Belles Lettres et Arts de Lyon. Son texte a été repris dans l'édition
de 1786 du Dictionnaire d'Agriculture de l'Abbé Rozier qui est aussi un ouvrage de référence à cette époque de revalorisation du pisé pour
l'amélioration de l'habitat rural.
22 Georges-Claude GOIFFON était membre de l'Académie des Belles Lettres et des Arts de Lyon et de Metz. Son Art du Maçon Piseur fut édité à
Paris, par la Libreairie Le Jai, Rue Saint Jacques, en 1772.
Page 12
Hubert Guillaud
Complet d'Agriculture Théorique et Pratique, dont il confiait le tome VII, entièrement dévolu à la description des
méthodes de construction en pisé, à un autre architecte lyonnais, F.C. Boulard. On n'omettra pas non plus de citer un
article de Diderot, intitulé Pisay, pisey, pisé, publié en 1771, dans l’Encyclopédie23. C'est donc sur ces bases de savoir
de nature encyclopédique, formulées par quelques prédécesseurs et contemporains, que Cointeraux commence son
travail d'écriture et de constitution d'un savoir raisonné, théorique, alors qu'il a déjà 50 ans et une expérience concrète
d'architecte-constructeur en pisé24. Cette activité l'occupera jusqu'à sa mort, en 1830. Cointeraux verra ses services et
son activité militante en faveur du pisé reconnus de son vivant par ses pairs. En effet, l'architecte Jean-Baptiste
Rondelet25 consacrera un chapitre entier de son fameux Traité théorique et pratique de l'art de bâtir (élaboré entre 1802
et 1817), à la construction en briques crues et en pisé, sous l'intitulé "des pierres artificielles". Les gravures s'inspirent
directement de la technique de construction lyonnaise (et plus largement dauphinoise) ainsi que le modèle de maison
présenté qui n'est pas sans rappeler "la maison de l'ouvrier" de Cointeraux26 (Cf. illustrations). L'oeuvre écrite de
Cointeraux va essentiellement valoriser les vertus techniques et économiques autant que hygiéniques et sociales,
sécuritaires (incombustibilité) d'un "nouveau pisé" 27, propre à améliorer l'habitat rural encore majoritairement construit
à cette époque de la fin du XVIII° siècle en colombages et torchis ou même en bauge. L'apport de Cointeraux n'est pas
tant à rechercher dans la nature innovante du propos qu'il développe mais davantage dans sa volonté de théorisation
assortie d'une attitude militante en faveur du monde paysan et dans son prosélytisme à vouloir convertir son époque au
bienfait de son "nouveau pisé". Il assure lui-même la diffusion de ses écrits, en donnant beaucoup de temps à une
activité de conférences, en tentant plusieurs fois de monter, en province et à Paris, son projet d'Ecole d'Architecture
Rurale28. Il imagine tout un ensemble de modèles d'habitats économiques et incombustibles pour les classes
défavorisées. Il propose aux propriétaires terriens différents modèles de séchoirs, de bergeries, de faisanderies et autres
ruchers, de vendangeoirs mais aussi de pavillons de campagne, dépendances et manoirs, de maisons rurales de type
"bioclimatique" (en application de son système de "l'orienteur" éolien et solaire). Il valorise le "pisé décoré" qui reprend
les éléments de modénature de l'ordre toscan et les enduits à fresque et propose également aux industriels des modèles
de manufactures de tissage (Cf. illustrations). Cointeraux allait ainsi jouer un rôle sur l'évolution qualitative des
typologies et de l'esthétique architecturale du pisé traditionnel mis au service de la construction rurale et bourgeoise29
mais aussi sur une plus large revalorisation des matériaux traditionnels et des cultures constructives régionales où la
terre tient une bonne place.
Page 13
Hubert Guillaud
en 1797, assorti d'une publication31 vont avoir un impact considérable sur le monde anglophone. Holland donne ses
sources en se référant directement à Cointeraux. Cette traduction sera par la suite reprise par d'autres auteurs anglais qui
en assureront une plus large diffusion32 . Cette "tête de pont" de diffusion de la pensée théorique de Cointeraux, à partir
de l'Angleterre, va servir de base à une exportation du pisé vers les Etats-Unis d'Amérique et vers l'Australie. Le XIX°
siècle correspond à une forte émigration vers les Etats-Unis et à l'installation de nombreux colons dans le New South
Wales et le New Jersey. C'est dans ce contexte que le pisé, désormais associé à la possibilité de construire des maisons
solides et durables, opère son entrée outre Atlantique, faisant également écho au rêve populaire du cottage dont les
modèles ont été largement théorisés et diffusés depuis la fin du XVIII° siècle. Plusieurs auteurs américains
contribueront à un réel engouement pour ce matériau 33 ainsi qu'une activité régulière de publication journalistique34
qui mentionnent les théoriciens français, Cointeraux mais aussi Goiffon, Boulard et l'Abbé Rozier. En Australie, la
traduction de Cointeraux de Henry Holland est publiée en 1823 dans le Sydney Gazette, en deux parties, sous forme de
feuilleton dominical. Cette publication correspond à la fondation d'un nouvel établissement, Bathurst, où les colons
emploient le pisé. Cette même année 1823, le Hobart Town Gazette rapporte que le pisé a été introduit en Australie
depuis l'Europe et qu'il a été utilisé pour la construction de fermes dans la régions35. L'intérêt pour le pisé a également
touché la Nouvelle Zélande où une mission catholique romaine, aujourd'hui connue sous le nom de Pompallier House,
fut construite, à Kororareka, en 1841-42. Le chantier fut supervisé par un architecte français, Louis Perret, originaire de
Lyon36. La deuxième moitié du XIX° siècle semble avoir popularisé le pisé dans plusieurs régions d'Australie, en
Victoria, New South Wales et Adelaïde où il fut présenté comme une alternative technologique qualitativement
supérieure au torchis, à la bauge ou même au "sod", (d'origine germanique, hollandaise et britannique et apportés par les
émigrants), qui étaient principalement utilisés jusqu'alors.
En Allemagne, l'emploi de la terre en construction remonte à des temps très lointains. Néanmoins, les études des
chercheurs allemands montrent que le pisé a surtout été employé à partir du XVIII° siècle, notamment sur les territoires
nord orientaux (Schleswig-Holstein mais aussi dans les régions de Basse Saxe, de Hambourg et Brême, ainsi qu'en
construction de logements en pisé pour les agriculteurs travaillant les terres de l'abbaye de Wolburn. Le chantier est réalisé sous la direction de
l'intendant du Duc, Robert Salmon, avec l'aide d'un ouvrier français (Cf. SALMON, R., Method of constructing commodious houses with earthen
walls. Transactions of the Society for the encouragement of Arts, Manufactures and Commerces, 1809, pp. 185-197) et utilise comme finition l'enduit à
fresque à la chaux, peint, typiquement employé en France comme le mentionnait F.C. Boulard dans son article publié dans le Cours Complet
d'Agriculture, Tome VII, op. cit., de l'Abbé ROZIER (1786).
31 Communications to the Board of Agriculture; on subjects relative to the Husbandry and Internal Improvement of the Country, Vol. 1, parts III et IV,
Londres, Bulmer and Co., 1897, pp. 373-404.
32 On doit notamment relever ici : le Farm Buildings, de William Barber, publié en 1805, puis le Farmer's Dictionary de Abraham Rees, le
Agricultural Dictionary de Nicholson, en 1807, Rural Residences de J.B. Papworth, en 1818, Cyclopaedia or Universal Dictionary for Science and
Literature qui donnera une description très détaillée du pisé et des illustrations reprises de Holland et déjà dérivées de Cointeraux.
33 Notons ici, la publication, en 1806, à New York, de Rural Economy, de Stephen W. Johnson qui contient un traité de construction en pisé, puis, un
peu plus tard, The Economical Builder : a Treatise on Tapia and Pisé Walls, de E. Gilman, édité à Washington, en 1839 qui se réfère très directement
aux théoriciens de la question, d'origine anglaise et française. Par ailleurs, l'ouvrage de Abraham Rees, Cyclopaedia, est diffusé aux Etats-Unis avec
une édition produite à Philadelphie entre 1810-1817. Il semblerait, d'après des recherches menées par le Dr. Jeffrey William Cody, de l'Université
Cornwell, que cette édition ait connu une très large diffusion par le réseau des librairies installées à New York, Boston, Salem, Portsmouth, Portland,
Baltimore, Washington D.C., Georgetown, Pittsburgh et bien d'autres villes.
34 Par exemple The true American où Stephen W. Johnson, auteur de Rural Economy (New York, 1806), publiait plusieurs articles et reproduisait les
illustrations inspirées de Cointeraux et de Goiffon. Johnson réalisa lui-même une petite maison directement inspirée du modèle de la maison de
l'ouvrier de Cointeraux. Le magazine American Farmer édité à Baltimore par John Stuart Skinner, de 1819 à 1830, édita le texte de Henry Holland, en
1821, sous forme de feuilleton. D'autres périodiques spécialisés en agriculture, ont également valorisé le pisé dans les années 1830; par exemple, The
Southern Agriculturist et The Genesee Farmer (Vol. IV, n° 39 du 27 sept. 1834, n° 44 du 1er nov. 1834, Vol. V, n° 5 du 31 janv. 1835, Vol. VII, n° 6
du 11 fév. 1837, Vol. VIII, n° 3 du 4 août 1838). Cette popularité du pisé et de la construction en terre a semble t-il connu son acmè vers les années
1850 en se propageant à partir du New Jersey, de la Caroline et de la Virginie, vers l'Indiana, grâce à un promoteur zélé du nom de Henri Leavitt
Ellsworth, chargé par le Congrés de rédiger des rapports annuels sur le rôle crucial de l'agriculture dans la prospérité nationale. Ces rapports qui
valorisent le pisé autant que la brique crue pour l'habitat rural ont été publiés dans plusieurs journaux comme le Western Farmer and Gardens
d'Indianapolis, puis le Prairie Farmer de Chicago où d'autres articles signés d'un certain Stephen Whright, écrits entre 1843 et 1855 feront mention de
la construction en terre près d'une quarantaine de fois. Cette audience allait gagner l'Etat de New York avec le support d'autres journaux comme The
Cultivator et The Country Gentleman, basés à Albany, N.Y., et même en Illinois avec l'appui du British American Cultivator considéré à l'époque
comme l'un des meilleurs périodiques d'Agriculture à très grand tirage. (Toutes ces sources sont extraites du travail remarquable de thèse du Dr.Jeffrey
William Cody, Earthen Wall Construction in the Eastern United State, Cornwell University, juin 1985, 460 p.).
35 Cf. LEWIS, M., Victorian Primitive, Greenhouse Publications, Carlton, Victoria, Australie, 1977, 87 p., Origins of Pisé de Terre, pp. 43-50 et Pisé
in Australia, pp. 51-58. D'autres journaux de l'époque mentionnent aussi le pisé : le Sydney Herald, le South Australian Register, le Port Philip
Gazette, le Port Phillip Patriote, le Melbourne Advertiser et le Port Phillip Herald.
36 HOWARD, T., Mud and Man, The History of Earth Buildings in Australia, Earth Buildings Publications, 1993, Melbourne, 198 p.
Page 14
Hubert Guillaud
Wesphalie et en Hesse37). Cette activité s'est poursuivie aux XIX° et XX° siècle et l'on a repéré près de 40 000
réalisations pour ces époques38. Beaucoup de bâtiments du XIX° de la région du Schleswig-Holstein paraissent
directement inspirés des modèles architecturaux de Cointeraux dont les théories étaient diffusées par la traduction des
Cahiers d'Ecole d'Architecture Rurale par David Gilly, en 1793 et simultanément par une traduction d'origine danoise
de K.H. Seidelin, de 179639. Beaucoup d'autres personnalités allemandes ont été acquises à la mouvance des idées
illuministes et ont également milité en faveur de l'emploi du pisé. Parmi celles ci, on peut citer le physicien Christophe
Bernhart Faust (1755-1842)40, connu pour ses idées hygiénistes, Ernst Conrad41 et un avocat propriétaire industriel du
nom de Jacob Wimpf qui fut également un constructeur en pisé très entreprenant42. Ces disciples de Cointeraux allaient
à leur tour inspirer d'autres auteurs qui vont se succéder jusqu'aux époques contemporaines dont, parmi les plus fameux,
A. Engelhardt, R. Jobst, C. Kuntzel, et O. Ritgen43. L'édition danoise de Cointeraux, de K.H. Seidelin a également
connu une adaptation finnoise, intitulée Stamphus, publiée en 1798 qui influença un architecte du nom de Gustaf Af
Sillen, à l'origine de plusieurs réalisations, dans la localité de Uppsala, entre 1803 et 181244. La Suisse a également
accueilli les idées et théories de Cointeraux et les a mises en oeuvre. D'une part grâce à un architecte du nom de Alfred
Zschokke (1825-1879) qui, à l'âge de 23 ans, se mettait au service de la population de Fislisbach et à qui la Commission
de reconstruction du canton d'Argovie confiait le réaménagement de cette localité sinistrée par des incendies. Le pisé est
alors valorisé comme un mode construction économique et incombustible, hygiénique, à l'instar de François
Cointeraux45. Alfred Zschokke a construit sept fermes en pisé à Filisbach qui ont été répertoriées sur un plan établi en
1850. D'autre part, avec une communication de Louis Raymond, accompagnée d'un mémoire, présentée à l'Institut
national genevois, en 1857. Raymond fait clairement référence à la tradition constructive en pisé des régions françaises
du Bugey et du Dauphiné mais aussi à Cointeraux et à l'un de ses illustres successeurs, Jean-Baptiste Rondelet, dont il
publie copie des gravures du Traité de l'Art de Bâtir46. En Italie, les Cahiers d'Ecole d'Architecture Rurale de
Cointeraux, sont traduits, avec une adaptation critique, par Giuseppe Del Rosso, en 1793, soit à la même époque que
Holland, en Angleterre et que Gilly, en Allemagne. On peut ainsi mieux cerner par là toute l'influence du réseau des
sociétés savantes illuministes et des académies européennes dans cette large diffusion des théories de l'architecte-
constructeur lyonnais47. On ne relève pas, en Espagne, de traduction de Cointeraux mais l'existence d'un traité de
maçonnerie, de Juan De Villanueva, édité en 1827, dont une partie est consacrée à la construction en terre et à la
description de la technique du pisé dans ses formes ibériques traditionnelles très inspirées des apports antiques d'origine
carthaginoise (opus africanum)48. Ce bref aperçu de l'impact international des idées et théories de Cointeraux, montre
que l'architecte lyonnais, héritier de Goiffon et de Boulard, établissait les bases d'un savoir théorique de portée
universelle et qu'il fondait la modernité de l'architecture en pisé. L'époque y fut favorable. D'une part avec
l'amplification de la diffusion des idées illuministes qui s'appuyait sur des réseaux efficaces de pensée autant que de
pouvoir et d'autre part avec la constitution d'une science moderne de la construction à une époque où la théorisation de
37 Cf. Revue Bauen Mir Lehm, (éditée sous la direction du Professeur Gernot Minke, du GHK de Kassel, n° 1 à 6, ökobuch Verlag, Grebenstein, 1984
à 1987, différents article du Professeur Jochen Georg Güntzel, spécialiste de la question de l'histoire et du patrimoine des architectures de terre en
Allemagne.
38 Prof. GUNTZEL, G., On the History of Clay Buildings In Germany, in Adobe 90 Preprints, The Getty Conservation Institute, Los Angeles, 1990,
469 p., pp. 57-65.
39 La traduction de David Gilly (également connu comme fondateur de la Baüakademie de Berlin) a été éditée sous deux formes différentes par deux
éditeurs régionaux distincts; d'une part Schule der ländlichen Baukunst (…), 1793, Nürnberg und Altdorf et d'autre part, Schule der Lanbaukunst (…),
1793, Hildburghaussen. Ces traductions de David Gilly, ont été rééditées plusieurs fois entre 1797 et 1836, confirmant le succès public de Cointeraux
en Allemagne. Pour l'édition danoise, Cf. SEIDELIN, K.H., Vejledning til at bygge bequemme og uforbraendelige Huse auf Jord. Uddraget at
Cointeraux Beskrivelse og i abskilligt forandret, 1796, Kopenhagen.
40 FAUST, B.C., Der Lehmsteinbau, Buckeburg, 1839.
41 CONRAD, E., Veder den Pisé-Bau, Kretschmar, Chemnitz, 1840.
42 WIMPF, J., Der Pisé-Bau, Heilbrann, 1841, 60 p. Jacob Wimpf a notamment construit, à Weilburg, l'immeuble d'habitation en pisé le plus haut
d'Allemagne, classé au patrimoine, qui demeure en parfait état.
43 ENGELHARDT, A. , Der Lehmbau, Aechitekten-Verlag, Hannovre, 1919, 17 p.; JOBST, R., Lehmbauweissen, Berlin, 1919, KUNTZEL, C.,
Lehmbauten, Berlin, 1919; RITGEN, O., Volkswohnungen ind Lehmbau, Wilhelm Ernst ind Sohn, Berlin, 1920.
44 D'après des informations fournies par M. Mikael Westermarck, architecte installé à Helsinki qui a développé quelques recherches historiques sur
l'emploi du pisé en Finlande.
45 ZSCHOKKE, A., Anleitung zum Pisé-Bau, Mit Spezieller Rüdficht auf bas Berfahren bei den Bauten im Kanton Aargau, Gauerländer, Verlags,
Haran, 1849. Cf aussi, traduction française réalisée par l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, par Werner Heerde, sous l'intitulé Bâtir en pisé,
1983.
46 RAYMOND, L., Mémoire Sur La Bâtisse en Terre, Imprimerie d'Elie Carey, Genève, 1857, 44 p. et 2 planches dessinées.
47 DEL ROSSO, G., Dell'economica costruzione delle case di terra, Presso J.A. Bouchard, Florence, 1793, 75 p. et 4 planches tirées de Cointeraux.
Cet opuscule vient d'être récemment réédité avec une introduction critique du Professeur Mauro Bertagnin (Université de Udine), sous l'intitulé Il Pisé
e la Regola Manualistica Settecentesca per l'Architettura in Terra, EdilStampa, Roma, 1993, 107 p.
48 DE VILLANUEVA, J., El Arte de la Albanileria, Madrid, 1827.
Page 15
Hubert Guillaud
l'ensemble de l'art de bâtir génère une chaîne quasiment ininterrompue d'opuscules et de traités à l'usage des architectes,
ingénieurs et entrepreneurs. Le travail de Cointeraux, déjà "ennobli" de son vivant par des publications académiques, tel
le Traité théorique et pratique de l'art de bâtir de Rondelet, participent de l'esprit de cette époque. Il convient aussi de
relever que cette constitution d'un savoir théorique et raisonné sur le pisé ainsi que l'apogée de sa mise en pratique entre
la fin du XVIII° et au cours du XIX° siècles, correspondent à la naissance des matériaux modernes et notamment du
béton dont les premières formes d'utilisation, tels les "bétons agglomérés", les "bétons économiques" ou les "pierres
factices" (travaux des frères Coignet, 1814-1888, p.e.), sont directement dérivés du pisé réactualisé par Cointerauxet et
même de son "nouveau pisé" qui préparent les développements de la technologie contemporaine de construction en terre
(béton de terre et blocs de terre comprimée stabilisés).
L'architecture de terre est une marque très typique du paysage bâti de France. Il n'est pas de régions, à l'exception des
territoires de montagne (Alpes et Pyrénées, zones de montagne du Massif Central), qui en soit démunie. Au début des
années 80, l'Agence Nationale pour l'Amélioration de l'Habitat, (A.N.A.H.), estimait l'importance quantitative de ce
patrimoine bâti en terre à environ 15% de l'ensemble du patrimoine architectural national50. Ce chiffre global ne reflète
pas la réalité de la répartition régionale ni la spécificité des techniques de construction. On peut en effet observer que la
région Rhône-Alpes (Est / Sud-Est), comprenant le Dauphiné, le Lyonnais et le Val de Saône, la Bresse, la Loire,
l'Ardèche et la Drôme rhodaniennes, approchent les 40%, en moyenne, avec une dominante de pisé51 alors que les
territoires septentrionaux, de la Normandie à l'Alsace, en passant par la Picardie et la Champagne, approchent les 60%
avec, très typiquement, la tradition du colombage et du torchis.
Mémoire de l'histoire, L'architecture de terre française, particulièrement en milieu rural, a établi en grande partie ses
caractères dans le lien étroit qu'elle a entretenu et continu d'entretenir avec l'héritage des cultures constructives
historiques, les paysages ruraux, les conditions physiques (types de sols et de climat), et les morphologies agraires
(économie et type de finage, types de cultures). Les évolutions modernes puis contemporaines, rapides et
bouleversantes, sous bien des aspects socio-économiques et culturels, traduisent, malgré tout, une adaptation générale
aux caractères morphologiques et typologiques antérieurement établis, notamment depuis le XVIII° siècle et consolidés
au XIX° siècle. Les affectations fonctionnelles de certains bâtiments ont pu évoluer, d'autres constructions ont pu être
ajoutées (bâtiments annexes de hangars, extensions de granges, nouveaux bâtiments d'élevage tels que volailleries ou
porcheries), des modifications esthétiques ont pu résulter de pratiques d'entretien, de restauration ou de réhabilitation
plus ou moins "heureuses" mais, dans l'ensemble, les caractères originaux de l'héritage architectural du milieu rural
demeurent ou, pour le moins, peuvent être identifiés et analysés.
Il existe donc, en premier lieu, deux visages de l'architecture de terre française qui peuvent être rapportés à deux
grandes familles de cultures constructives profondément ancrées dans l'histoire. Cette filiation remonte bien en deçà du
XVIII° siècle - même si les témoignages de cette époque dominent - c'est à dire depuis l'antiquité. Ce double visage
s'établit, comme l'ont relevé les études des grands géographes52 dès la fin du XIX° siècle, de part et d'autre d'une ligne
de démarcation définie par la basse et moyenne vallée de la Loire prolongée par une ligne virtuelle qui passe entre la
49 On se réfère ici, principalement, à un travail de recherche personnel mené dans le cadre de la préparation du diplôme d'architecture qui posait les
bases d'un inventaire général du patrimoine architectural en terre de France, en étudiait les typoplogies architecturales et constructives : GUILLAUD,
H., "Histoire et Actualité de la construction en terre", mémoire de diplôme d'architecte d.p.l.g., Vol. 1, "Histoire générale des techniques", 102 p., Vol.
2, "Géographie de l'habitat en terre en France et anthropologie de l'habitat rural", 200 p., Vol. 3, "Connaissance du matériau, étude des sols,
réactualisation es techniques", 185 p., Ecole d'Architecture de Marseille, janvier 1981.
50 Le patrimoine bâti en terre de France date pour l'essentiel d'avant 1915 - même si l'on construisait encore en terre jusque vers la fin des années 50 -
et remonte en grande majorité au XVIII° siècle pour les édifices les plus anciens en bon état de conservation, bien que l'on ait identifié un patrimoine
plus ancien (fin du XVI° à Lyon, p.e.) et exception faite ici du patrimoine de valeur archéologique. En terme d'habitat, ces enquêtes menées par
l'A.N.A.H., montrent qu'il s'agit de plus de 2 millions d'immeubles qui représentent environ 2 400 000 logements, soit ces 15 % et 10 % du patrimoine
national en immeubles et logements. Dans 9 cas sur 10, il s'agit de maisons individuelles et de bâtiments ruraux.
51 En Dauphiné, dans le département de l'Isère, des villages du Nord-Isère comptent juqu'à 90 % de leur patrimoine architectural bâti en pisé, avec une
typologie très large d'édifices (habitat villageois, habitat rural, quartiers d'habitat urbain, églises et chapelles, usines et manufactures de tissage,
châteaux) dont les plus anciens remontent au XVI° siècle. C'est néanmoins le patrimoine daté de la fin du XVIII°, du XIX° et du début du XX° siècles,
qui domine. Voir aussi, CAUE de l'Ain, CRATerre, Groupe Pisé, "L'Architecture de Terre, bâtiments caractéristiques de la Région Rhône-Alpes",
éditions SME Résonances, Lyon, 1983, 159 p.
52 Cf. "Annales de Géographie Armand Colin", 1943, divers articles sur l'habitation rurale en France de Max Sorre, Pierre Vidal de la Blache, Marc
Bloch. et "Histoire de la France Rurale", Tome 1, 2 et 3, éditions du Seuil, Paris, 1979-80.
Page 16
Hubert Guillaud
Bresse méridionale et la Bresse septentrionale et qui bute sur les massifs jurassiens. Cette démarcation géographique
permet de distinguer les architectures de terre du Nord de la France des architectures de terre du Sud de la France. D'une
part, une culture constructive dominante de l'architecture de bauge ou de bois et de terre, avec les traditions bretonnes,
vendéennes et du Cotentin pour la bauge, puis les traditions normandes (Basse et Haute Normandie), picardes,
champenoises, vosgiennes et alsaciennes pour le colombage et le torchis. D'autre part une culture constructive
dominante de l'architecture en adobe et en pisé, avec les traditions des territoires d'Aquitaine (du Lannemezan à la
Garonne), étendues au Tarn et Garonne à l'Est - Albigeois - jusqu'en Béarn et Bigorre, au Sud, aux pieds des contreforts
pyrénéens. On observe quelques témoignages d'adobe en Languedoc-Roussillon puis le pisé dans la basse vallée de la
Durance (site de Charleval53 ) jusqu'au début de la Camargue et dans le Comtat Venaissain, la moyenne vallée du
Rhône bordée par le Dauphiné à l'Est et les départements de Loire et Haute Loire à l'Ouest, le Lyonnais et la Dombes, la
Basse Vallée de la Saône, et la Bresse méridionale, au Nord. Cette distinction en deux grandes familles (les
constructions à ossature remplissage et monolithiques façonnées, d'une part, les constructions en petits éléments et
monolithiques coffrées, d'autre part) n'exclue pas pour autant les variantes et les particularismes régionaux. Ainsi, on
observe une tradition du colombage et du torchis en région sud avec l'architecture landaise dont les caractères sont
autant expliqués par des raisons physiques (présence de forêts et d'un sol pauvre de type podzolique amendé par des
apports argileux des nombreux petits cours d'eau se dirigeant vers l'Atlantique, dont la Leyre et la Grande Leyre, pour
les plus importants), que par des raisons historiques et culturelles (territoires sous influence politique et culturelle
anglaise pendant de nombreuses années) et même économique (culture des céréales fournissant la paille du torchis).
Cette tradition du colombage et du torchis existe aussi dans le Tarn et Garonne, au Nord de Albi. La tradition de la
brique de terre crue est visible en Champagne (vallée de la Marne et département de l'Aube), connue sous le nom de
"carreau de terre", dont les origines sont moins cernées. Cette pénétration des deux genres techniques distincts peut être
rapportée à un enclavement économique et culturel54 durable expliquant la perduration du torchis dans le Sud et vice
versa au désenclavement historique plus récent pour ce qui concerne la présence de briques de terre ou de pisé dans les
territoires plus au Nord ayant accueilli une culture méditerranéenne (se reporter à la cartographie générale que nous
fournissons).
En deuxième lieu, la relation qui s'établit entre les grands types de paysages ruraux et les grandes familles de cultures
constructives. Nous distinguerons ici, grosso modo, la relation entre les "pays" de bocage ou d'enclos (embouche du
bétail et polycultures intensives), de forêts, et les architectures de bois et de torchis, de la relation entre les "pays"
d'openfield (grandes, voire monocultures céréalières ou viticoles et élevage extensifs) et l'architecture d'adobe et de
pisé. Ainsi, le colombage et le torchis avec le bocage traditionnel ou le semi bocage normands. La bauge vendéenne,
bretonne, du Cotentin et d'Ille-et-Vilaine avec le bocage traditionnel. Le colombage et le torchis des Landes avec la
forêt landaise et les territoires boisés vosgiens et champenois (Champagne dite humide et anciennement "pouilleuse" ou
pauvre). Le colombage et le torchis avec le semi bocage de l'Albigeois, du Pays Basque, du Gers et de la Bresse
septentrionale. Ainsi, l'adobe dans les pays d'openfield aquitain et jusqu'en limite du Roussillon. Le pisé dans les pays
d'openfield irrégulier du midi, dans la vallée du Rhône et les pays de Haute Loire. Le carreau de terre dans l'openfield
traditionnel de la Marne et de l'Aube. Bien sûr, on peut encore relever des particularismes dans cette relation au paysage
rural. Tel est le cas du colombage et du torchis alsacien en pays d'openfield traditionnel que l'on explique clairement par
la filiation aux cultures constructives germaniques. Tel est encore le cas du colombage de Touraine dans les pays
d'openfield traditionnel du Val de Loire ou même de Picardie que l'on explique ici par les influences des cultures
constructives anglo-normandes (se reporter à la cartographie générale que nous fournissons).
Enfin, en troisième lieu, la relation qui s'établit entre la pédologie (nature des sols de surface évolués et transformés) du
territoire national et la typologie constructive. On doit constater que l'architecture de bois et de torchis correspond
davantage aux sols riches en argiles sédimentaires ou d'altération, aux sols limoneux ou sur limons, aux sols de sables
argileux, tous de type très plastiques et qui exigeaient l'ajout de fibres végétales pour être stabilisés. A l'opposé,
l'architecture d'adobe correspond aux sols alluvionnaires, de terreforts ou de boulbènes à fraction sableuse dominante
tout en ayant une granularité correctement étalée et l'architecture de pisé à des sols alluvionnaires et des sols glaciaires
ou de dépôts fluvio-glaciaires (autrement dénommés sols de moraines). La cartographie que nous fournissons est assez
éloquente à cet égard.
53 Theus, P., "La fondation d'un village de Provence au XVIII° siècle: Charleval, 1741", 280 p., La pensée Universitaire, Aix-en-Provence, 1956.
54 Nous voulons ici insister sur le rôle de la situation enclavée ou désenclavée des diverses régions du territoire national, durant l'histoire liée à la
définition politique et administrative du pays, à l'installation des réseaux de circulation, de transport et des échanges sociaux, économiques et culturels
en chantier jusqu'à l'empire napoléonien). Une telle analyse a été notamment faite pour expliquer la distinction frappante entre l'architecture de
colombage et de torchis de la Bresse septentrionale et l'architecture de pisé de la Bresse méridionale appuyée par l'identification de la nature des sols et
des activités économiques (régions de marécages et lacs sur sols de nature morainique, pisciculture extensive, dans le Sud et région de bocage,
d'élevage de volailles et d'embouche des bovins, de céréales intensives, dans le Nord). Cette analyse est par ailleurs consolidée par la relation qui
s'établit entre les caractères de l'architecture de terre et les paysages ruraux que l'on décrit par après.
Page 17
Hubert Guillaud
Le patrimoine des architectures d'habitat en terre crue de France n'échappe pas à la typologie qui a été définie par les
géographes et notamment par Albert Demangeon55. Ancrée dans l'histoire, l'architecture de terre exprime les formes les
plus typées de cette typologie et les matériaux employés autant que les systèmes constructifs ne réduisent ni n'altèrent
ces formes. Il est donc important de rappeler ici, brièvement, les grandes classifications posées par Demangeon en
remarquant toutefois que la typologie des architectures de terre s'étend bien au-delà de l'habitat rural et que toutes les
techniques de construction en terre ont été également associées à la réalisation d'édifices superbes et de grande taille
(châteaux, manoirs et églises en colombages et torchis, en pisé et en adobe).
Les maisons bloc : elles correspondent au plan le plus simple et le plus économique et réunissent sous le même toit les
espaces d'habitation et ceux d'exploitation. Demangeon a distingué d'une part les maisons bloc à terre des maisons bloc
en hauteur. Dans la première catégorie, qui est la forme la plus élémentaire du type maison bloc, on peut situer par
exemple la petite bourrine vendéenne, construite en bauge, qui correspond à deux, voire trois pièces juxtaposées en
longueur. Ces maisons bloc en longueur sont établies dans les pays de bocage et de semi bocage. On peut les observer
dans les régions de l'Ouest, du Sud-ouest et du centre de la France. Les maisons en torchis de Normandie et en adobe de
moyenne Garonne en sont de bons exemples. La deuxième catégorie, bloc en hauteur, correspond à des maisons qui
abritent sous un même toit un ou deux étages, souvent très spécialisés. La grange et l'étable y sont généralement
dominantes. On peut les observer dans les régions au Sud de la vallée du Rhône. Les habitats en pisé de la Drôme
(Valentinois), de l'Isère et du Rhône en sont de beaux exemples, soit en implantation isolée soit regroupée en villages.
Les maisons cour : elles sont liées historiquement aux influences culturelles d'origine anglaise. Dans les régions où les
exploitations sont plus vastes et les cultures plus nombreuses et spécialisées (l'élévage associé aux grandes cultures
céréalières), l'habitat s'organisait en regroupement de bâtiments avec une relative autonomie fonctionnelle de
l'habitation et des annexes d'exploitation. Le regroupement en cour correspondait à des impératifs de sécurité autant que
de bonne organisation des tâches. Cette typologie distingue les maisons à cour fermée des maisons à cour ouverte. La
première est associée aux paysages d'openfield à parcelles massives qui se développaient dans les pays au Nord de la
Loire et du Bassin Parisien. La grange y est très importante et ferme le plan général quadrangulaire du côté de l'accès.
L'habitation se trouve en fond de cour alors que l'étable et les remises ferment les autres côtés. On peut observer ce type
dans le patrimoine construit en bauge d'Ille-et-Vilaine et dans celui construit en torchis de Normandie (pays d'Auge
p.e.) mais également dans la région lyonnaise et dans le val de Saône où elles sont bâties en pisé et en Bresse
septentrionale pour le colombage et le torchis. La deuxième catégorie des maison à cour ouverte correspond à la
prépondérance d'une activité d'élevage intensif. Le bétail doit pouvoir circuler librement entre les bâtiments pour se
rendre à la pâture attenante ou plus éloignée. Elles décrivent généralement trois corps de bâtiments avec l'habitation en
fond, la grange et l'étable perpendiculairement et en vis-à-vis. La taille des annexes exprime la prospérité de
l'exploitation. Dans les régions de bocage ou de semi bocage, ce type est observable en Normandie pour ce qui est du
colombage et du torchis, mais également en Bresse où des parties construites en pisé se sont juxtaposées à des parties
plus anciennes en colombage et torchis.
Les principales techniques de construction en terre sont représentées et nous les avons déjà évoquées : le colombage et
le torchis, la bauge, l'adobe et le pisé. Nous précisons par la suite leur situation géographique et leur variantes.
Le colombage en bois et le torchis : cette technique de construction mixte en bois et terre (utilisée en remplissage d'une
ossature porteuse), est établie dans les régions au Nord de la Loire, avec notamment, les patrimoines de Picardie, de
Haute et Basse Normandie, de la couronne occidentale du Bassin Parisien (Pays de Bray), de Champagne, des Vosges et
de l'Alsace. On peut également l'observer en Bresse septentrionale et jusqu'aux collines jurassiennes. Dans les régions
sud du pays, ce sont les colombages des Landes et de l'Albigeois qui sont les plus représentatifs. On doit distinguer
deux variantes typologiques du point de vue structural : le colombage à bois longs et le colombage à bois courts. Le
premier type est le plus ancien, généralement antérieur au XVII° siècle avec quelques exemples remontant encore au
XVI° siècle. Les plus beaux exemples se trouvent dans la Bresse septentrionale (villages de Courtes et de Romenay) et
en Alsace (Colmar, Strasbourg). Dans les autres régions domine le colombage à bois court. Les autres variantes
correspondent à la quantité de pièces de bois verticales composant l'ossature, avec un nombre plus important sur le
colombage normand (les "colombes") que sur celui de Champagne (les "tournisses") ou des Landes. De même les
55 DEMANGEON, A., Types de peuplement rural, in Annales de Géographie Armand Colin, 1938. Voir aussi, du même auteur, L'habitation rurale, in
Géographie universelle, éd. armand Colin, Tome VI, Paris.
Page 18
Hubert Guillaud
techniques de support ou de réalisation du torchis diffèrent. Soit avec le calage de petites pièces de bois rond ("éclisses"
normandes) soit de pièces de bois ouvragées ("palsons" champenois), soit un tissage de baguettes de bois vert ("aulne"
bressan). On observe aussi le principe du remplissage en "torches" enroulées sur des baguettes de bois, comme dans les
Landes, ou en "fusées" (torchis enroulé sur une baguette de châtaigner), en Anjou.
La bauge : il s'agit d'un mode de construction par façonnage direct de couches (ou "levées") de terre (de nature argilo-
limoneuse et sableuse), en grosse épaisseur, à l'état plastique. C'est sans doute l'une des techniques de construction la
plus anciennement employée sur le territoire mais dont les exemples sont aujourd'hui très localisés et de moindre
importance quantitative que les autres genres de techniques. L'architecture traditionnelle d'habitat rural en bauge reste
néanmoins très identifiable et confère un caractère spécifique aux régions qui en sont dotées. Tel est le cas de la Vendée
(marais de Monts) où l'on peut encore repérer quelques rares exemples des bourrines des maraîchins vendéens (éleveurs
de canards), de la région de Rennes et plus largement de l'Ille-et-Vilaine (où la bauge est très présente), avec des
prolongement en Bretagne (intérieur des Côtes d'Armor) ainsi que dans le Cotentin (région de Avranches, marais de
Carentan et région de Saint Lô) où elle est dénommée "massé"56. On peut en observer d'autres exemples dans les pays
de la périphérie occidentale du Bassin Parisien, dans le Vexin et ses terres qui bordent le début de la basse vallée de la
Seine. On peut distinguer deux formes de bauge. D'une part, une bauge abondamment mêlée de fibres végétales, voire
de brindilles (la bruyère ou flache et la janique ou l'ajonc, dans la région de Rennes), préparée en paquets ou en "bigots"
(Vendée) qui seront ensuite empilés à la fourche pour réaliser les couches de bauge. D'autre part, une bauge moins
fibreuse mais plutôt amendée d'éclats de pierres ou de silex comme on peut le constater dans le Vexin et jusqu'en pays
d'Ouche, également plus à l'Est, dans le département du Loiret (Courtenay, Montargis). Mais les plus beaux exemples
de cette architecture de bauge sont sans aucun doute ceux d'Ille-et-Vilaine57, où ce mode de construction était encore
employé jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Autour de la ville de Rennes, le secteur occupé par cet habitat en bauge
est délimité par les villes de Combourg (au Nord), de Liffré (à l'Est), de Bruz (au Sud) et de Saint-Méen-le-Grand (à
l'Ouest). L'habitat est très repésentatif des maisons bloc à terre en longueur et en tire d'ailleurs sa dénomination
régionale : les longères. Un aspect très typique de cette construction "à la rennaise" est l'intégration des bâtis menuisés
des ouvertures, ou carrées, dans toute l'épaisseur du mur.
Le pisé : cette technique de compactage de la terre (de nature sablo argileuse et graveleuse), à l'état humide presque sec,
dans des coffrages en bois, à l'aide d'un pilon (ou pison, pisou, pisoir, dame) était introduite dès l'antiquité sous double
influence méditerranéenne, carthaginoise puis romaine, et de nouveau sous influence maure (fin du Haut Moyen Age)
pour être réactualisée au XVIII° siècle (cf. François Cointeraux). Le pisé reste très localisé dans les régions de l'Est /
Sud-Est de la France avec les traditions de la vallée du Rhône, du val de Saône, du Lyonnais et de la Dombes, du
Dauphiné et de la Loire / Haute-Loire. Cette localisation confirme la tradition méditerranéenne de cette technique dont
la pénétration plus au Nord (jusqu'en Val de Saône) était favorisée par le chenal naturel du Rhône. Les techniques les
plus récentes de coffrage du pisé sont très élaborées avec un outillage spécifique qui rassemble les banches (panneaux
de bois généralement longs d'environ 2 m., parfois jusqu'à 3 m. et hauts de 0,80 à 1,00 m.), les clés en bois sur
lesquelles repose le coffrage, les potelets (ou montants, ou larsonniers), les gros du mur ou badaillons (petit bois
donnant la largeur du coffrage), les jougs (pièce de bois reliant les potelets en partie haute), les cordes et tendeurs, les
portes (bout de coffrages). Plus récemment, les pièces de maintien en bois (potelets et clefs) étaient remplacées par des
éléments métalliques de maintien ("aiguilles" dauphinoises et manivelles de serrage). On peut distinguer deux types de
pisé régionaux selon le mode de liaison des banchées entre elles. D'une part une tradition de joints verticaux (Dauphiné,
Lyonnais) et d'autre part des joints inclinés, encore dénommés "à l'équillade" (Auvergne, Loire et Haute-Loire58). La
tradition auvergnate décrit un décor par une mise en valeur des joints entre les banchées et dans les chaînes d'angles, au
mortier de chaux, qui semble trouver ses origines dans la lointaine tradition sarrasine. Dans d'autres régions, ce décor
s'appuie aussi sur le traitement des angles des bâtiments avec de très belles chaînes en briques cuites (Bresse et
Dombes) ou plus récemment en mâchefer (moyenne vallée du Rhône) et même en béton de chaux ou de ciment, en
forme d'épis ou de demi sapin (Lyonnais et Dauphiné). Ces traditions ont été parfois remplacées par des enduits peints
56 DELABIE, Ch., "Maison en terre des marais du Cotentin", publication conjointe du Sivu du Pays des Marais, de l'A.N.A.H., de l'APCPNR des
Mais du Cotentin, et de Biomasse Normandie, 47 p.
57 PETIJEAN, M., "Les maisons de terre", in revue "Armen", n° 5, octobre 1986, p. 30-49. Voir aussi, GÔHEL, L.- M., La Construction en Terre en
Haute Bretagne, in Arts de l'Ouest, 1976 et Tiez Breiz, maisons paysannes de Bretagne, n° 4, 1984, LE COUEDIC, D., TROCHER, J.R., Une
technique de construction du pisé par levée, pp. 23-24.
58 Cf. "Le pisé et l'Artisan", Capeb de l'Ain, Groupe Pisé, 21 p. Et JEANNET, J., POLLET, G., SCARATO, P, "Le pisé, Patrimoine, Restauration,
Technique d'avenir, matériaux, techniques et tours de main", éditions Créer, Nonette, 1986, 107 p. Et, CAUE de l'Ain, CRATerre, Groupe Pisé,
"L'Architecture de Terre, bâtiments caractéristiques de la Région Rhône-Alpes", éditions SME Résonances, Lyon, 1983, 159 p. Et, JAFFEUX, M., Le
pisé, in Revue Maisons Paysannes de France, n° 3, 1977, pp. 12 à 16. Voir aussi : CRATerre-EAG, Etude raisonnée des architectures en pisé, 1984,
361 p.(rapport de recherche DAU/BRA) et CRATerre-EAG, Architecture en pisé, état du savoir-faire français et étranger actuel, 1985, 388 p.(rapport
de recherche DAU/BRA).
Page 19
Hubert Guillaud
mais la plupart des maisons en pisé ne sont généralement pas enduites. Le patrimoine des plus belles demeures en pisé
de France (châteaux et manoirs), que l'on peut observer dans la basse vallée de la Saône et en Haute Loire (autour de
Montbrison), décrit un riche décor d'enduits peints ou même de façades reprenant les ordres classiques comme l'Ordre
Toscan (XVIII° et XIX° siècles).
L'adobe : également d'origine méditerranéenne, l'adobe fut autrefois dominante dans les régions bordant la Mer
Méditerranée, du Languedoc à la Provence. Elle n'y est plus présente pour avoir été remplacée par une architecture de
pierre. Le patrimoine architectural français en adobe occupe principalement aujourd'hui les territoires d'Aquitaine (les
pays de Garonne, le Gers et jusque dans le Tarn), avec des extensions vers le Sud, jusqu'en Bigorre. On observe
également une autre tradition régionale et au Nord de la Loire, celle du carreau de terre, en Champagne (Marne). Ces
deux traditions sont distinctes quant aux types de matériaux et leurs modes de production. D'une part des adobes aux
formes presque carrées et peu épaisses, formées à l'état plastique dans des moules en bois, à même le sol (en Aquitaine)
et d'autre part, des blocs plus parallélépipédiques et plus épais, formés dans des moules métalliques et sur une table de
moulage (en Champagne). En conséquence, les appareils régionaux sont très distincts avec une plus grande complexité
pour l'appareil champenois qui dispose les carreaux en boutisse et en panneresse dans l'épaisseur du mur alors que
l'appareil aquitain n'emploie quasi exclusivement que la pose en panneresse. Les deux traditions régionales associent
l'emploi de la brique cuite, notamment pour la construction des tableaux des portes et fenêtres (ou du bois et de la
brique) et pour le décor des façades (chaînes d'angles, modénature de bandeaux et corniches). On observe aussi une
tradition de l'utilisation du galet de rivière pour la construction des soubassements et pour le décor des façades
(alternance de rangs d'adobes et de galets), en Aquitaine (région de Muret, p.e., au Sud de Toulouse)59 .
A la fin des années 70, le Secrétariat des Missions de l'Urbanisme et de l'Habitat (SMUH) édite un numéro spécial sur la
construction en terre de sa revue "Planification Habitat Information". Parallèlement, il traduit et diffuse largement un
ouvrage des Nations Unies intitulé "Le béton de terre stabilisé, son emploi dans la construction". A la même époque,
l'Institut de l'Environnement publie "Construction en Terre" d'une association grenobloise d'étudiants en architecture60.
En 1978, le Centre Technique des Tuiles et Briques, CTTB, engage des travaux sur l'argile stabilisée à froid et 1979
voit la publication de "Construire en Terre", du CRATerre, qui allait devenir un "best-seller" (trois rééditions et deux
traduction en anglais et en espagnol) et contribuer à la renaissance d'un mouvement en faveur d'une actualisation de
l'emploi du matériau terre. Cette même année Le Plan-Construction (programme ministériel de recherche-
développement et expérimentation) lance un appel d'offre de recherche national sur les "Techniques exportables en
bâtiment et v.r.d." où la réponse terre sur le volet bâtiment allait être significative d'un renouveau d'intérêt des
chercheurs. En 1980, l'Institut National des Sciences Appliquées, INSA, de Rennes, lance ses recherches sur le Stargil
qui donnent lieu à la mise au point de composants de construction en argile stabilisée extrudée. Ce début de la décennie
80 voit le renouveau des études sur les patrimoines régionaux bâtis en terre et la multiplication des associations
régionales travaillant sur le matériau terre. Ce mouvement allait être considérablement dynamisé par un événement
culturel de tout premier plan : l'exposition "Des architectures de terre ou l'avenir d'une tradition millénaire" présentée en
1981 au Centre Georges Pompidou à Paris puis dans les plus grandes capitales du monde. Elle allait dynamiser
l'émergence d'un débat d'idées international en faveur du développement de la recherche et des opérations
expérimentales. La revue "H", organe d'information de la société nationale des HLM (Habitations à Loyer Modéré),
publie un numéro spécial intitulé "La terre, matériau d'avenir", en 1981. Cette même année est créé le programme
interministériel REXCOOP qui va largement contribuer - avec le Plan-Construction, d'autres ministères (Recherche,
Technologie, Industrie, Affaires Etrangères, Culture et Communication) et d'autres agences nationales de l'Etat français
(ANVAR, AFME, ACTIM) - au développement de la recherche, à la multiplication des applications exemplaires
menées en France et dans le cadre d'actions de coopération. Plusieurs de ces actions jalonnent de façon décisive les
progrès de l'investissement français et confortent une avance technologique. Le lancement en 1981 d'un programme de
recherche scientifique sur le matériau terre par le CSTB. Un appel d'offre conjoint Rexcoop, Plan Construction et
Anvar, lancé en 1982 sur le thème "Matériels adaptés à la construction en terre" qui allait permettre la mise au point de
nouveaux types de presses à blocs de terre, de malaxeurs à mortier et de banches pour le pisé. Le lancement, cette même
année, du programme pilote du "Domaine de la Terre" de l'Isle d'Abeau (65 logements sociaux), concrétise la faisabilité
59 CAYLA, A., (Dr.), "Architecture paysanne de Guyenne et Gascogne", éditions Serg, Paris, 1977, 121 p.
60 Cette association regroupait le groupe "Auto construction" et le groupe "Palafitte" dont quelques uns des membres allait par la suite, en 1979, fonder
le CRATerre.
Page 20
Hubert Guillaud
technique et économique de la construction en terre. Le projet, issu d'un concours d'architecture national (10 architectes
et 12 entreprises associées à des équipes universitaires, au CSTB, aux bureaux de contrôle de la construction nationale,
à des compagnies d'assurances), est lié à la réalisation d'un colloque national, "actualité de la construction en terre", qui
se tient à l'Ecole Nationale des Travaux Publics de l'Etat, ENTPE, de Lyon. Ce colloque, qui sera suivi d'un deuxième,
deux années plus tard, dynamise les échanges scientifiques. En 1983, la France réalise une recherche capitale visant à
définir "les voies de la recherche terre française"(Ecole d'Architecture de Grenoble). En 1984, le Centre Scientifique et
Technique du Bâtiment, CSTB, de Grenoble, associé au CRATerre développe son programme de recherche lancé en
1981 (identification du matériau terre, dispositions constructives, analyse du réseau terre, comportement hygrométrique
du matériau terre). Toujours en 1984, un "Centre de Terre" est créé à Lavalette, près de Toulouse (arch. J. Colzani)
permettant d'accentuer la réalisation de projets à l'échelle régionale. De 1984 à aujourd'hui, plusieurs réalisations
architecturales sont entreprises par des opérateurs régionaux dans le midi de la France, en Corse, en Champagne, à
Rennes, près de Toulouse, dans le pays nantais et en Ille-et-Vilaine, dans le Poitou, en Normandie. De nombreux
programmes sont engagés dans plusieurs pays étrangers qui mobilisent la participation des chercheurs, des architectes et
des entrepreneurs français. Sur cette période allant de 1981 à 1985, soit à peine cinq ans, l'investissement de l'Etat
français sur la "filière terre" se montait à près de 15 millions de francs lourds avec une part dominante accordée la
recherche scientifique, technique et architecturale (40 %) et à l'application opérationnelle des résultats de cette
recherche (50 %), le reste étant absorbé par une activité de formation naissante.
Le renouveau de la construction et de l'architecture de terre, en France, est très directement lié au développement des
activités de formation professionnelle et universitaire. L'offre de formation s'adressant directement aux professionnels
du bâtiment a été inaugurée dès la fin des années 70, sous forme de stages organisés par l'Ecole d'Architecture de
Grenoble. Des programmes de cours professionnels intensifs, thématiques (technologie des blocs de terre comprimée,
habitat économique), sont régulièrement organisés depuis 1987 qui retiennent l'intérêt d'un large public de
professionnels issus du monde entier (architectes, ingénieurs, entrepreneurs, décideurs). Depuis 1989, un programme de
formation couvre le thème de la préservation des patrimoines architecturaux en terre dans le cadre d'un projet
spécifique, le projet GAIA, qui a été mis en place avec l'ICCROM (Centre International d'Etudes pour la Conservation
et la Restauration des Biens Culturels, Rome, Italie). On remarquera enfin que l'activité qui se développe autour du
récent renouveau de la construction en terre en France, dans plusieurs régions (Aquitaine, Bretagne, Champagne,
Auvergne, Normandie, Provence) donne également lieu à la mise en place de programmes de stages professionnels
organisés par diverses associations et par des professionnels de l'architecture ou de l'entreprise s'étant investis au cours
de ces dernières années dans la filière terre. La formation professionnelle sera sans doute à l'avenir l'une des clés de
l'expansion d'un nouveau marché de la construction neuve et de la restauration du patrimoine qui exige la multiplication
des compétences opérationnelles. La France est aussi très en avance dans le domaine de la formation universitaire
spécialisée. En effet, l'Ecole d'Architecture de Grenoble, propose une formation spécialisée de longue durée s'adressant
aux architectes et ingénieurs. Cette formation, le Certificat d'Etudes Approfondies en Architecture de Terre (CEAA-
Terre) a été inaugurée en 1984 avec l'appui de la Direction de l'Architecture et de l'Urbanisme du Ministère de
l'Equipement. Elle connaît un grand succès car ce ne sont pas moins d'une centaine de candidats issus du monde entier
qui présentent leur candidature à chaque inauguration de cursus, tous les deux ans. Actuellement, la restructuration de
l'enseignement universitaire dans la perspective de l'ouverture du grand marché européen, ouvre des débouchés sur la
création de formations de 3° cycle (DESS - Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées- , DEA - Diplôme d'Etudes
Approfondies - puis Doctorat), mis en place en partenariat avec les universités, où la construction et l'architecture de
terre et plus largement l'enseignement de la construction, trouveront des lieux de formation et de recherche scientifique
de plus en plus pointus 61.
La compétence française est par ailleurs bien positionnée sur les actions de recherche-développement, notamment sur
des projets de montage de "filières terre" dans beaucoup de pays où les matériaux de construction en terre sont valorisés
dans le cadre de programmes d'habitat économique pour les populations à bas revenus. Ainsi, depuis cette dernière
décennie, de très nombreux projets ont été engagés dans les pays du continent Africain, avec le soutien des institutions
nationales, européennes et des grandes organisations internationales (onusiennes, notamment). Plusieurs grandes
O.N.G. européennes (Misereor, p.e.), soutiennent par ailleurs le développement de la formation des professionnels et
contribuent à l'engagement de la réalisation de programmes d'habitat ou d'équipement des communautés (écoles, centres
61 La Ville Nouvelle de l'Isle d'Abeau est en effet sur le point d'accueillir un grand projet de Pôle d'Enseignement, de Recherche et de Développement
de la Construction qui doit innover en matière de formation supérieure et professionnelle par la pratique et qui doit favoriser l'émergence d'une
recherche-développement en liaison avec le milieu industriel. La mise en place de ce pôle, dont la programmation pédagogique est déjà engagée, est
dûe à une initiative conjointe des écoles d'architecture (Grenoble, Lyon, St. Etienne, Clermont-Ferrand) et d'Ingénieurs (Lyon) de la région Rhône-
Alpes et associe des Centres Scientifiques et Techniques mais aussi les écoles régionales des Beaux-Arts.
Page 21
Hubert Guillaud
sociaux et médicaux). Enfin on notera qu'une nouvelle demande se fait jour, visant à installer des centres de ressources
techniques et documentaires ou des écoles spécialisées. Ainsi ont pu être inaugurés récemment un Centre régional
important, au Nigeria (le CECTech, à Jos, Etat du Plateau) et une école spécialisée pour la formation des maîtres
maçons et des entrepreneurs, au Portugal, à Serpa.
C'est dans cette dynamique de plus en plus consolidée qui associe étroitement la recherche scientifique et architecturale,
l'expérimentation et le développement, la formation professionnelle et universitaire, et le projet, que se dessine un
avenir concret des architectures de terre en France et au service de plus en plus nombreux pays qui manifestent leur
intérêt et qui en ont besoin. Cet avenir est désormais lié à l'apparition d'un marché crédible et viable dans les domaines
de la préservation du patrimoine mondial et de la construction pour le plus grand nombre.
Bibliographie sélective
Bertagnin 1992 : BERTAGNIN, Mauro, réédition annotée et commentée du manuel de Del Rosso - Il pise e la regola
manualistica settecentesca per l'architettura in terra, Edilstampa, Rome, 1992, 107 p.
Cayla 1977 : CAYLA, A., (Dr.) - Architecture paysanne de Guyenne et Gascogne, éditions Serg, Paris, 1977, 121 p.
Chapelot et Fosssier 1980 : Chapelot, Jean et Fossier, Robert - Le village et la maison au Moyen Age, éditions
Hachette Littérature, Paris, 1980, 357 p.
Cointeraux 1790 : COINTERAUX, François - Ecole d'Architecture Rurale ou Leçons par lesquelles on apprendra soi-
même à bâtir solidement les maisons de plusieurs étages avec la terre seule ou autres matériaux les plus communs et du
plus vil prix, à Paris, chez l'auteur, mars 1790, 51 p.
Cointeraux 1791 : COINTERAUX, François - Ecole d'Architecture rurale, second cahier, Paris, 1791, 76 p.
Cointeraux 1791 : COINTERAUX, François - Ecole d'Architecture rurale, quatrième cahier, Paris, 1791, 68 p.
Cointeraux 1806 : COINTERAUX, François - Nouveau pisé ou l'art de faire le pisé par appareil, Paris, 1806, 19 p.
Cointeraux 1806 : COINTERAUX, François - Description curieuse et instructive des modèles en pisé et autres que
l'on voit dans l'atelier du Sieur Cointeraux, situés sur le chemin de Vincennes, près de la barière du Trône, Paris, 1806,
20 p.
Doyon et Hubrecht 1942 : DOYON, Georges et HUBRECHT, Robert - L'architecture rurale et bourgeoise en France,
éditions Dominique Vincent et Cie, Paris, 1942, 1979, 521 p.
Fréal 1977 : FREAL, Jacques - L'architecture paysanne, la maison, en France, éditions Serg, Paris, 1977, 375 p.
Fréal 1978 : FREAL, Jacques - Habitat et vie paysanne en Bresse, publication J. Fréal, éditions Garnier Frères,
1978,239 p.
Gilly 1821: GILLY David - Handbuch des Land-Baukunst, Frielich Bieweg. Braunschweig, 1821, (Traduction
allemande annotée d'une partie des Cahiers d'Ecole d'Architecture Rurale de F. Cointeraux).
Goiffon 1772 : GOIFFON, M.C. - L'Art du maçon piseur, à Paris, Le Jai, Librairie Rue St. Jacques, au Grand Corneille,
1772, 57 p.
Holland 1821: HOLLAND, Henry - François Cointeraux, Pisé or the art of building strong and Durable walls to the
height of several stories with nothing but earth, (Traduction anglaise, adaptée, des Cahiers d'Ecole d'Architecture
Rurale de F. Cointeraux), Londres, 1821, également édité par American Farmer, Baltimore, 1821.
Jeannet et al. 1986 : JEANNET, Jacky, POLLET, Gérard, SCARATO, Pascal - Le pisé, Patrimoine, Restauration,
Technique d'avenir, matériaux, techniques et tours de mains, éditions Créer, Nonette, 1986, 107 p.
Petitjean 1986 : PETITJEAN, Marc - Les maisons de terre, in revue "Armen", n° 5, octobre 1986, p. 30-49.
Rondelet 1840 : RONDELET, Jean-Baptiste - Traité de l'Art de Bâtir, Paris, 1840, pp. 94-109
Rozier 1781-1796 : ROZIER, (l'Abbé) - Le Cours complet d'agriculture théorique et pratique, Paris, 1781-1796
Ouvrages collectifs :
- Annales de Géographie Armand Colin, divers articles sur l'habitation rurale en France de Max Sorre, Pierre Vidal de
la Blache, Marc Bloch.
- Architectures de terre et de bois, Documentation d'Archéologie Française, N° 2, Sous la direction de Jacques
Lasfargues, éditions de la Maison es Sciences de l'Homme, Paris, 1985, 191 p.
- Il faut sauver l'habitat Picard, DDE, Service départemental de l'Architecture et CAUE de la Somme,
75 p.
- L'architecture Rurale Française, Corpus des genres, des types et des variantes, Musée National des Arts et Traditions
Populaires, collection dirigée par Jean Cuisenier, éditions Berger-Levrault, Strasbourg. Volumes sur Nord, Picardie /
Normandie, Perche / Champagne, Ardennes / Franche Comté, Lyonnais / Dauphiné / Midi Toulousain et Pyrénéen.
- Maisons de Normandie, inventaire régional établi par Jacques Fréal, éditions Hachette Littérature, Paris, 1973, 115 p.
Page 22
Hubert Guillaud
Les applications modernes et contemporaines de la construction en pisé (terre compactée mise en forme entre deux
banches), et peut-être plus largement en maçonnerie de terre (en petits éléments tels que blocs comprimés), doivent
beaucoup à un architecte et entrepreneur d'origine lyonnaise qui vécut entre la fin du XVIIIème à la première moitié du
XIXème siècle : François Cointeraux.
En effet, cette modernité de l'utilisation constructive du matériau terre est fondée sur un très vieil héritage de savoir-
faire "régionaux" qui traduisent l'évidence de cultures constructives élaborées, transmises de génération en génération
de bâtisseurs sur le mode oral et gestuel mais, l'apport de Cointeraux est essentiel par le fait qu'il formule, au-delà de la
continuité du "faire", un véritable corpus de savoir théorique, pratique et critique, de nature encyclopédique, et met en
place les conditions favorables à sa large diffusion. On ne compte pas moins de 69 essais, pamphlets et fascicules1 dont
les plus fameux furent traduits ou adaptés en plusieurs langues étrangères, déjà de son vivant2. Ses réalisations
expérimentales, ses projets et prototypes de systèmes constructifs et bâtiments en "nouveau pisé" (fermes à coupole et
toitures icombustibles, maison de l'ouvrier, maison en pisé décoré, maison rurale, fermes et domaines agricoles,
manufactures de tissage, bergeries, faisanderies, ruchers, vendangeoirs, …), furent portées au rang de modèles que
copiaient ou plagiaient de nombreux disciples, voire des "contrefacteurs" (terme de Cointeraux énoncé à propos de la
copie, par une société d'artistes viennois (Fig.1), de son modèle de toiture incombustible). Cointeraux apparaît
aujourd'hui comme un pionnier "éclairé" de la modernité du pisé ajouté d'un promoteur enthousiaste, voire prosélyte,
d'un pédagogue mais aussi comme un véritable novateur.
Son apport essentiel ne doit pas pour autant occulter celui de prédécesseurs qui ont fondé les bases de ce savoir
encyclopédique et qui lui ont ouvert la voie royale de la gloire qu'il connaît post mortem. Par exemple, Les Dix Livres
de l'Architecture, de Vitruve, dont la traduction française du texte original en latin, de Claude Perrault, remonte à 1673
et qui fut un grand classique de la formation académique des architectes où, la construction en briques de terre, si ce
n'est en pisé, est déjà valorisée comme un art de bâtir de première qualité3. Cointeraux y fera inévitablement référence
dans son argumentaire promotionnel du "nouveau pisé" qui occupera dans ses écrits une place centrale sous de
multiples formes et sur un large registre d'imagination. Autre exemple, l'ouvrage de Charles Estienne et Jean Liebault,
La Nouvelle Maison Rustique ou l'économie générale de tous les biens de la Campagne, la manière de les entretenir et
de la multiplier, plusieurs fois réédité depuis la fin du XVIème siècle4. Puis, l'architecte G.M. Delorme (1700-1782) qui
écrivait un Mémoire pour la construction des murs en terre, de huit feuillets, lu le 17 mars 1745 à l'Académie des
Sciences Belles Lettres et Arts de Lyon, texte repris dans l'édition de 1786 du Dictionnaire d'Agriculture de l'Abbé
Rozier. Près de trente années plus tard, L'Art du Maçon Piseur de Georges-Claude Goiffon, membre des académies des
1 L'ensemble du fonds des écrits de Cointeraux est disponible à la Bibliothèque Nationale. Son activité de publication est inaugurée en 1790 et
s'achèvera en 1826, soit 36 années constituant cette période d'écriture féconde.
2 Cointeraux, François, Ecole d'architecture rurale et économique, Paris, Imprimerie N.H. Nyon, 1790, 2 p. Ecole d'Architecture Rurale ; premier
cahier ou les leçons par lesquelles on apprendra soi-même à bâtir solidement les maisons de plusieurs étages avec la terre seule, Paris, 1791. Ecole
d'Architecture Rurale ; deuxième cahier dans lequel on traite de l'art du pisé …, des qualités des terres propres au pisé …, des détails de la mise en
oeuvre, du prix de la terre, 76 p. illus., Paris, 1791. Ecole d'Architecture Rurale ; quatrième cahier dans lequel on traite du nouveau pisé inventé par
l'auteur, de la construction en terre et de ses outils …, 68 p., Paris, 1791.
3 Argument d'ailleurs repris par L.B. Alberti (1404-1472), dans son De Re Aedificatoria, cf. traduction de J. Martin, Paris, 1553, pp. 48-49.
4 Nous faisons ici référence à une huitième édition, datée de 1763, en deux tomes ; tome 1, 664 p. et tome 2, 677 p. La maison rustique en murs de
terre est évoquée dans le tome 1 aux pages 36-38. Cette édition contemporaine de François Cointeraux est fondée sur un ouvrage original beaucoup
plus ancien de Charles Estienne, publié en latin, en 1564, à Paris, sous le titre Praedium rusticum, 648 p. Dans La maison rustique : logique sociale et
composition architecturale, (éditions puf ethnologies, Paris, 1991), Jean Cusenier, directeur de publication du Corpus de l'architecture rurale
française, observe (p. 33) que les préceptes qui fondent le modèle de la maison rustique, énoncés par Charles Estienne en 1564 demeurent inchangés
ou presque jusqu'en 1792, à travers plus de cent éditions, traductions et adaptations de son livre.
Page 23
Hubert Guillaud
Belles Lettres et des Arts de Lyon et de Metz, édité en 1772 par la librairie Le Jai, Rue St. Jacques, Paris, qui était
également publié cette même année dans le Journal de Physique de l'Abbé Rozier sous forme de mémoire et qui fut
sans doute inspirateur. Ce même Abbé Rozier dont le tome VII de son Cours Complet d'Agriculture Théorique et
Pratique, publié en 1786 et confié à un autre architecte lyonnais, F.C. Boulard, est entièrement dévolu à la description
des méthodes de construction en pisé. N'omettons pas de citer aussi un article de Diderot, intitulé Pisay, pisey, pisé,
publié en 1771 dans L'Encyclopédie comme supplément au volume 4 (pp. 384-385).
C'est sur ces bases de savoir formulées par ses prédecesseurs et quelques contemporains que Cointeraux établit son
travail d'écriture et de constitution d'un savoir raisonné, théorique, ouvrage qu'il entreprendra pendant la deuxième
moitié de sa vie, alors qu'il a déjà cinquante ans, et qui lui consacrera une reconnaissance de ses pairs, malgré bien des
oppositions, luttes et difficultés. En effet, de son vivant, l'architecte Jean-Baptiste Rondelet (1743-1829), élève de
Soufflot qui l'associa à la construction de l'église de Sainte Geneviève (devenue le Panthéon à la Révolution), et qui
dirigea après sa mort (en 1781), en qualité d'inspecteur du monument la construction du dôme et de la triple coupole,
élaborait son fameux Traité théorique et pratique de l'art de bâtir (1802-1817) dans lequel il consacrait un chapitre
entier (Fig. 2 et 3) à la construction en terre (briques crues et pisé) mais sous l'intitulé "des pierres artificielles"5. En
note de fin de chapitre, Rondelet "conseille à ceux qui voudront faire usage de cette manière économique de bâtir, de
consulter les ouvrages de M. Cointereaux, professeur d'école d'architecture rurale, qui s'est occupé de ce genre de
construction avec beaucoup de zèle et de succès". L'oeuvre de Cointeraux, de son vivant, est consacrée comme une
référence par l'un des praticiens et théoriciens des plus confirmés et écoutés de son époque6.
L'œuvre écrite de François Cointeraux se fonde donc sur ce legs ancien et sur une littérature technique contemporaine
qui faisait la part belle à la construction en terre puis à l'emploi du pisé comme mode de construction massive (opus
formarium), monolithique et solide, qui en valorisait les vertus techniques et économiques autant que hygiéniques et
sociales propres à améliorer considérablement l'habitat rural encore majoritairement construit, à cette époque du
XVIIIème siècle en matériaux rudimentaires (torchis et bauge, techniques qu'il oppose à son "nouveau pisé", dans leur
précarité, leur insalubrité, leur antiquité). Sur cet héritage de savoir déjà bien formulé, l'apport de Cointeraux ne doit
donc pas être recherché dans le caractère innovant du propos (bien qu'il le fut à d'autres égards) mais davantage dans
l'attitude de l'homme, véritable militant actif et déterminé à promouvoir une architecture rurale de meilleure qualité,
plus durable, plus saine, plus économique, plus accessible et donnant toute son énergie à cette cause. Cette attitude le
conduisait, non seulement à produire une oeuvre écrite plus abondante que ces prédécesseurs, mais surtout à poser les
premiers fondements théoriques de la modernité de la construction en terre. Il diffusait lui même ses écrits ou son
discours théorique par voie de conférences multiples et par les réseaux autorisés et officiels des académies et sociétés
scientifiques, littéraires ou artistiques de son époque, mais surtout, il créait une école d'architecture rurale avec des
terrains et des ateliers où il expérimentait, démontrait, imaginait et promouvait tout un ensemble de modèles
constructifs et architecturaux qui allaient séduire d'autres architectes de son époque et un large public. Cette influence
de Cointeraux est typiquement sensible, et observable, sur l'évolution des typologies constructives et architecturales du
patrimoine bâti en pisé, urbain et rural, de sa région native, le Lyonnais et le Dauphiné, au XIXème siècle. Des
propriétaires terriens soucieux d'améliorer leurs domaines édifient des dépendances, de riches fermiers construisent des
manoirs ruraux puis des bâtisseurs industriels régionaux (industrie du tissage en Dauphiné notamment) réalisent leurs
manufactures en pisé et enfin, l'Etat Français lui-même, à partir de la fin du siècle dernier fait construire les écoles
publiques ou les mairies-écoles bâties en application de la politique d'éducation nationale de Jules Ferry, en matériaux
et techniques traditionnelles et donc en pisé pour le Dauphiné.
C'est dans cette démarche complète qui associe l'écriture d'un savoir et l'enseignement théorique au "faire", à
l'expérimentation pratique sur le terrain et en atelier, au chantier-école, qu'il faut bien situer toute l'importance et la
modernité de l'apport de François Cointeraux et tout ce qui le démarque de ses prédécesseurs et contemporains qui ont
nourri son travail et confirmé son engagement. Les repères biographiques et les événements qui jalonnent le parcours de
vie et de travail de Cointeraux sont en mesure de nous éclairer davantage sur cet apport essentiel qui fonde la modernité
de la construction en terre (bien au-delà du seul pisé), non seulement en France mais aussi dans le plus vaste monde, par
le rayonnement de cette pensée théorique qu'ont véhiculé de nombreuses traductions et adaptations de ses écrits, en
5 Traité de l'Art de Bâtir, ré-édition de 1840, chapitre deuxième, pp. 94 à 109 avec quatre belles planches gravées.
6 Rondelet connaissait François Cointeraux comme ancien compagnon d'étude au Collège de la Trinité de Lyon, chez les Jésuites. La famille de
Cointeraux semble par ailleurs avoir été liée à celle de Rondelet et notamment son oncle, Nicolas Fauconnet, qui partageait la profession de maître-
maçon entrepreneur avec le père de Rondelet l'ayant lui-même reçu dans la corporation. Dans un article publié dans la Revue "Monuments
Historiques" (numéro 116 consacré à la région Rhône-Alpes, publié en 1981), Georges Teyssot, évoquant François Cointeraux, écrit qu'en 1794, une
commission composée de Chalgrin, Norry, Raymond et Rondelet, avait conclu favorablement sur un rapport de Cointeraux sur l'École d'Architecture
Rurale au Ministre de l'Intérieur.
Page 24
Hubert Guillaud
plusieurs langues, déjà du vivant de l'homme (Allemagne, Italie, Suisse, Angleterre, Danemark et jusqu'aux Etats-Unis,
en Australie).
Repères biographiques
et événements de la vie de
François Cointeraux.
A sa majorité, son oncle qui l'avait désigné comme "héritier 1761 : propriétaire
universel", le nantit de plusieurs immeubles à Lyon et de "vingt gérant d'immeubles.
quatre maisons". Son mariage, en 1765, avec Gabrielle Bret, 1765 : mariage et
lui apporte une dot substantielle qui lui permet semble-t-il installation en tant
de s'installer lui-même comme entrepreneur de bâtiment, en 1765, qu'entrepreneur.
puis comme architecte, en 1770, soit à l'âge de trente ans. Cette 1770 : architecte
même année il acquiert une charge d'Expert et d'Arpenteur-Juré et Expert, Arpenteur-
près des Tribunaux pour les provinces du Lyonnais, du Forez et du Juré près des Tribunaux.
Beaujolais. Jusqu'en 1786, installé et actif à Loyasse, Lyon et
Vaise, il exercera plusieurs métiers, simultanément ou successive-
ment : agriculteur, estimateur d'immeubles de la campagne, expert
arpenteur-juré, maître-maçon, entrepreneur et architecte (Fig. 4, 5, 6
et 7).
7 Nous nous référons pour ce chapitre à cinq sources documentaires qui fournissent des éléments sur la vie de François Cointeraux :
7.1. : L'article de Georges Teyssot, François Cointeraux, le premier pionnier et théoricien de l'architecture moderne en terre, in revue Monuments
Historiques, numéro spécial 116, de 1981, consacré à la région Rhône-Alpes et reproduit in extenso dans Architecture de Terre, catalogue
d'exposition, Editions du Centre Georges Pompidou, 1986, 224 p., pp. 49-50.
7.2. : Un article de Luigi Cellauro et Gilbert Richaud, L'oeuvre de Cointeraux, in revue Pignon sur Rue, numéro 30, 1983, pp. 15-17.
7.3. : Une recherche intitulée Architecture de Terre, François Cointeraux 1740-1830, MUL/SRA-DAU, mars 1983, 620 p. UPAL, CNRS ATP 3042,
A-VENIR, AGRA-UPAG, Cellauro, L., Richaud, G., Bertin, D., Clemençon, A.S., Guillaud, H., Du Boisberranger, F., Doat, P., De Loitière, F.,
dernière partie de la recherche effectuée par l'équipe AGRA-UPAG.
7.4. : Une communication de Hardouin-Fugier, Elisabeth et Michel, Philippe, L'oeuvre de François Cointeraux à Lyon (1740-1786) ou le Pisé à
l'épreuve du temps, in Le Patrimoine Européen Construit en Terre et sa Réhabilitation, Colloque MELATT / ENTPE / Université Jean-Moulin Lyon
III, Mars 1987.
7.5. : différents écrits de Cointeraux qui sont référencés par la suite.
8 Cointeraux, François, Instruction sur l'art de bâtir dans toutes les campagnes et sur les embellissements et améliorations que chacun peut faire dans
sa propriété, 10 octobre 1814, 20 p.
Page 25
Hubert Guillaud
effet : "j'ai construit dans les faubourgs et dans les champs plus
de quarante bâtiments". Dans un autre ouvrage compilant les
textes de six de ses conférences9, il précise que "la cherté des
matériaux" et la construction sur "des endroits montueux
(Fourvière) l'ont forcé à employer le pisé". Il excelle très vite
dans cet art de bâtir et réalise des performances pour l'époque
comme une maison de quatre étages, place Saint Just, à Lyon,
qui était selon ses dires : "la plus grande et la plus haute maison
que l'on puisse faire en pisé". Il aurait aussi construit d'autres
maisons dans ce quartier, dont la sienne, ainsi que la loge des
Francs-Maçons. On lui attribue aussi la construction de l'Hôtel
des Macchabées, construit en pisé et situé hors la porte de Saint-
Just, à l'angle des rues de Trion et des Macchabées, qui demeure
aujourd'hui dans un état proche de son origine. Il se crée aussi une
bonne réputation de fresquiste et de peintre décorateur.
Il semble néanmoins que cette période prospère fut interrompue, 1779 : l'Abbé Rozier
en mai 1779, par la nomination de l'Abbé Rozier, comme directeur est nommé directeur
de la nouvelle pépinière royale qui est installée sur l'emplacement de la pépinière
de sa fabrique d'engrais par décision de Antoine-Jean Terray, royale de Lyon.
Intendant de Justice, Police et Finances de la Ville et Généralité
de Lyon. L'Abbé Rozier accepte cette charge sous condition de
pouvoir créer une école d'agronomie et s'impose en rival à
Cointeraux dans ce domaine de l'agriculture et dans le milieu des
agronomes et par ses écrits (son Journal de Physique, publié en
1772 où il intégrait d'ailleurs le mémoire de G.C. Goiffon sur
l'Art du Maçon Piseur, publié cette même année).L'Abbé Rozier
profite de cette charge officielle qui lui laisse du temps, pour
entamer, dès 1781, la rédaction de son Cours complet d'agriculture
théorique et pratique (1781-1786) qui le mettra d'ailleurs en relation
avec d'autres architectes lyonnais s'intéressant aussi au pisé, tel
F.C. Boulard, également théoricien. Mais, l'intendant de Lyon,
à l'origine de l'infortune de Cointeraux, lui propose plusieurs
projets en qualité d'architecte, qui vont donner une nouvelle orienta-
tion à sa vie : un lotissement de 24 boutiques-logements le long
de la Grande Rue de Vaise - ces maisons portent toujours le nom
de "Maisons Cointeraux" - suivi de la réalisation d'un monument en
pierres de taille, une obélisque de 50 pieds de haut célébrant la paix,
dressée sur une place plantée de tilleuls où aboutissent les deux
routes de Bourgogne. Cointeraux satisfait ces commandes qui lui
assurent une reconnaissance en qualité "d'architecte de Lyon".
9 Cointeraux, François, Conférences tenues par le Sieur Cointeraux … à la suite d'une récente découverte qu'il vient de faire d'une manière de bâtir
… (1ère - 6ème conférences), Paris, 1808, 108 p.
Page 26
Hubert Guillaud
10 Cointeraux, François, Description curieuse et inventive des modèles en pisé et autres, que l'on voit dans l'atelier du Sieur Cointeraux … 1806,
20 p.
11 Voir note 7, références 7.1., p. 1 et 7.3., p. 3.
12 Cointeraux, François, Toit incombustible, d'après le modèle et le mémoire qui en 1784 a remporté le prix à l'Académie d'Amiens, Paris, Imprimerie
de P. Nouhaud, 8 p. et, Mémoire qui a remporté le prix à l'Académie d'Amiens, le 25 Aôut 1987, pour garantir les bourgs et villages d'incendies,
Paris, 1802, 38 p.
13 Cointeraux, François, op. cit., Note 9, Conférences tenues par le Sieur Cointeraux …
Page 27
Hubert Guillaud
Mais il veut plus que jamais faire école, recevoir des élèves,
répandre ses découvertes. Il intensifie alors ses publications :
14 Cointeraux, François, Instruction sur l'art de bâtir dans toutes les campagnes et sur les embellissements et améliorations que chacun peut faire
dans sa propriété, 10 octobre 1814, 20 p.
15 Cointeraux, François, La Ferme, prix remporté à la Société d'Agriculture de Paris, le 28 décembre 1789, Paris, Imprimerie de Vezard et de
Normant, 1791, 14 p.
16 Cointeraux, François, Rapport fait sur l'école d'architecture rurale, au citoyen Ministre de l'Intérieur et Observations au citoyen Ministre de
l'Intérieur sur les différents articles du rapport, 1794.
Page 28
Hubert Guillaud
Lorsqu'il meurt, dans son couvent, à Paris, le 13 mai 1830, âgé 13 mai 1830 : mort
de 90 ans, il semble déjà être oublié mais, ses idées qu'il a porté de François Cointeraux
avec passion, conviction autant que détermination, dans un climat à Paris.
de lutte permanente jalonnée de succès, de joies, d'échecs et de
17 Cointeraux, François, Description exacte et raisonnée du nouveau toit depuis l'orage ou la tempête du 18 février 1807 et instruction rectifiée
depuis le rapport de l'Institut, Paris, 1807.
18 Cointeraux, François, Des récoltes. Méthode préservatrice pour garantir les récoltes des foins et des céréales contre l'intempérie des saisons,
Paris, Brunot-Labbé, 1816, 48 p. Dans cet ouvrage, il aura recours à la forme d'écriture théâtrale, avec jeux de rôles, pour toucher un public de jeunes
élèves des écoles qu'il veut instruire à ses idées.
19 Cointeraux, François, Au Roi, et pour S.M., à M. le premier gentilhomme de la chambre. Découvertes uniques. Paris, Imprimerie de Setier, août
1826, 8 p.
Page 29
Hubert Guillaud
3 - Le contexte historique de l'évolution des idées de François Cointeraux suivi de quelques éléments
d'autoportrait
La pensée et l'œuvre de François Cointeraux s'inscrivent complètement dans la mouvance des idées qui émergent en
France, et plus largement en Europe, à partir de la deuxième moitié du XVIIIème siècle. C'est en effet au milieu de ce
"Siècle des Lumières" que fait irruption l'idée d'une véritable architecture rurale associée à un programme de
développement économique des campagnes. Le modèle normatif de "la maison rustique" et du terroir organisé de
Charles Estienne, hérité de Caton en son Agriculture Romaine, et donc fondé sur l'autorité des anciens, a fait son
chemin et bon nombre de propriétaires terriens, instruits dans l'art de la culture, du labourage et du jardinage, l'ont
adopté. L'agronomie fait son apparition en tant que science naturelle et l'on s'active à imaginer et appliquer tout un
ensemble de découvertes techniques qui génèrent l'agriculture intensive, spéculative. On observe alors, simultanément à
un réel progrès de l'agriculture, une amélioration très sensible de la qualité du bâti dans les régions les plus riches et
désenclavées qui s'inscrivent dans un schéma de développement économique prenant une plus vaste ampleur
territoriale.
Dans le même temps, le mouvement des physiocrates, qui trouve un écho important dans l'Encyclopédie de Diderot-
d'Alembert et, d'autre part, l'irruption d'une réflexion sur les origines culturelles de l'architecture rurale, notamment dans
l'Essai sur l'Architecture de Laugier, publié en 1753, vont donner une place centrale à l'habitat rural. Celui-ci n'est plus
alors considéré comme un genre de bâti mineur exclu de la pratique architectutrale traditionnelle. La construction rurale
est élevée au rang d'architecture.
Par ailleurs, on voit se propager une nouvelle idée du bonheur de vivre une existence champêtre, saine et utile.
Quelques références traduisent bien ce nouveau climat d'idée. L'Encyclopédie tout d'abord, avec l'article de Diderot
intitulé Le laboureur qui donne une place de premier rang à l'agriculture dans l'économie de la nation et un rôle
essentiel à la population paysanne. D'autres articles de Quesnay, fondateur de l'école physiocrate, tels ceux intitulés
Fermiers et Grains, sont autant de supports doctrinaux et vulgarisateurs de la philosophie physiocratique qui institue le
caractère impératif de l'amélioration des conditions de vie paysannes pour engager une nouvelle époque de prospérité
nationale. Cette doctrine sera portée et appliquée par de nombreux disciples fameux dont Turgot, le marquis de
Mirabeau, Malesherbes.
L'Essai sur l'Architecture de Laugier, habilite la "cabane primitive" comme modèle fondateur du développement de
l'architecture civile et publique, à travers les siècles, "modèle sur lequel on a imaginé toutes les magnificences de
l'Architecture", citant ici Laugier. La simplicité de ce modèle primitif, son caractère naturel et juste, suscitent un
engouement qui répond à l'idéologie du bonheur champêtre et de l'amour de la nature de Jean-Jacques Rousseau. La
Nouvelle Héloïse (1761) vante cette vie rurale active et saine, occupée par les soucis matériels à l'image de l'idéal de
l'existence de M. et Mme Wolmar que dépeint ce roman sentimental et pastoral. Cet idéal instruit aux vérités de
l'émotion, de l'intuition, fondé sur l'exaltation du sentiment, de l'amour familial, de la générosité et de la bienfaisance
"naturelles", est opposé par Rousseau au caractère vain, futile et mensonger de la vie urbaine qui génère des
inquiétudes, des luttes fraternelles, des disparités de propriété. L'écho de cette pensée, en cette fin de siècle, va instaurer
une véritable fracture idéologique qui oppose le goût du luxe et son style Rococo à une nouvelle mode de l'existence
pastorale et simple. On voit même la construction d'un hameau, d'une ferme et d'une bergerie, à Versailles, à l'usage de
la Reine Marie-Antoinette et des dames de la Cour Royale. Il faut donc bien situer la jeunesse et la formation d'esprit de
François Cointeraux très attiré par l'agriculture et l'architecture rurale et fondateur du concept "d'Agritecture", dans ce
mouvement des idées qui reflète quelques unes des grandes préoccupations de la civilisation illuministe.
Cette fin du XVIIIème siècle qui correspond à l'engagement social actif de Cointeraux est aussi marquée par des crises
et révoltes qui vont aboutir à la Révolution. La disette de 1788, les assemblées électorales et les cahiers des doléances
du début de 1789 consignent les abus de la féodalité, portent un mouvement de plaintes et de revendications du monde
rural. Mais la prise de la Bastille déclanche une "grande peur" dans la paysannerie qui craint une contre-révolution
Page 30
Hubert Guillaud
militaire et une invasion étrangère. Ce n'est qu'avec la nuit du 4 Aôut 1792 et l'abolissement des privilèges que la
révolution donne une véritable citoyenneté aux paysans avec la création des communes et la mise en place d'une
nouvelle réalité institutionnelle fondée sur un nouveau cadre géographique.
Les grandes réformes et la guerre aux frontières du territoire de 1792 vont susciter une inflation et une augmentation des
prix qui poussent à nouveau le monde paysan à la révolte. La demande pressante de division des gros domaines et de
suppression des cultures spéculatives des grands propriétaires terriens, ne trouvent pas d'écho auprès de la Révolution
qui est trop occupée à d'autres tâches politiques. Les paysans sentent bien que leurs problèmes ne sont pas compris par
les représentants aux assemblées, d'origine bourgeoise et urbaine. Ainsi s'opère un clivage entre la France paysanne et la
montée d'une bourgeoisie, une coupure idéologique accusée par une grande disparité des niveaux de propriété.
Avec l'avènement du Directoire (1795-1799), qui continue la politique de guerre aux frontières et les grandes réformes
engagées par la convention nationale, et au-delà de l'échec des aspirations communistes et égalitaires de Baboeuf, c'est
le triomphe d'une idéologie plus classique, celle de la bourgeoisie révolutionnaire et de son conservatisme
"propriétaire". C'est le retour de l'exaltation de la propriété, d'un optimisme profond et d'un rationalisme "éclairé" qui
reprend à son compte la doctrine des physiocrates. Les bourgeois se mettent à "penser" et à "agir" pour les paysans. Ils
créent les Sociétés d'agriculture qui célèbrent le travail de la terre et les vertus de l'effort et du travail paysan. Les
interventions des premiers "agrariens", dont le chef de file est François de Neufchâteau, membre du Directoire et
Ministre de l'Intérieur se consacrant à l'étude et à l'encouragement de la production nationale, agricole et industrielle,
sont empreintes d'un parfait civisme d'allure romaine. Ces Sociétés d'agriculture cumulent leur vocation avec les autres
intérêts traditionnels des académies et sociétés savantes (poésie, archéologie, histoire, sciences naturelles). Elles sont
d'un recrutement fort bourgeois, rassemblant des fonctionnaires, avocats, médecins, architectes, propriétaires rentiers,
mais tout compte fait assez compétentes car ces gens ont des terres dont ils s'occupent. Leur influence dans les progrés
que l'on constate en France au cours de ces années est finalement reconnue.
Les travaux de François Cointeraux, qui fut d'ailleurs soutenu par François de Neufchâteau (celui-ci fit partie de son
"Association Paternelle" qu'il créait en 1807), son engagement dans la cause publique concrétisé par ses premiers écrits,
à dater de 1790, ainsi que toute sa production d'essayiste et de pamphlétaire jusqu'à la fin du siècle et au-delà, sont tout
autant nourris de la pensée des encyclopédistes, de Rousseau et des physiocrates et font directement écho au climat
révolutionnaire, réformateur et progressiste de la fin du XVIIIème siècle qui a motivé l'engagement social de quelques
bourgeois et entrepreneurs "éclairés" dont il fait partie.
Quelques citations des ouvrages de Cointeraux, qui voulait aussi, peut-être paradoxalement mais bien humainement,
être reconnu par ses pairs dans son ouvrage public, traduisent sa dévotion à la cause publique. Ces éléments
d'autoportrait ne sont toutefois pas dépourvus de flatterie personnelle et même de prétention.
" Dans la révolution, beaucoup de citoyens ont pensé à eux, et moi, au seul bien public. Je n'ai pas, comme tout le
monde, entassé de temps à autre argent sur argent, pour former sur la fin de sa vie un capital 20… pour servir
efficacement les humains, j'ai sacrifié biens, repos et mon vrai état d'architecte 21… pour la question des incendies, j'ai
voulu voir par mes yeux tous les usages qu'on employait dans la campagne ; à cet effet, j'ai visité la cabane du pauvre,
pour savoir comment il y vivait, comment il la bâtissait 22 ; mes concurents se sont contentés d'écrire une seule fois, et
moi, je n'ai cessé de faire des voyages et des expériences 23.
"Si cet artiste s'est jeté dans de si grands frais jusqu'à sacrifier plusieurs fois tout ce qu'il possédait, c'est par la
persuasion où il a toujours été qu'il rendrait de plus en plus importants services24."
"Mon école a subsisté, subsiste et subsistera dans les temps les plus reculés parce qu'elle aura servi et servira toujours
efficacement l'humanité 25".
20 Cointeraux, François, La cuisine renversée, ou le nouveau ménage, par la famille du professeur d'école d'architecture rurale, par la famille
Cointeraux, Lyon, Imprimerie de Ballanche et Banet, an IV, 72 p.
21 Cointeraux, François, Du nouveau pisé, ou l'art de faire le pisé par appareil, Paris, 1806, 19 p.
22 Cointeraux, François, Ecole d'architecture rurale transportée de Paris à Lyon en 1796, Lyon, l'Ecole d'Architecture Rurale, an IV, 110 p.
23 Cointeraux, François, Application de la charpente incombustible de Cointeraux à la couverture de la halle au blé de Paris, Paris, 1806, 32 p.
24 Cointeraux François, Description curieuse et instructive des modèles en pisé et autres, que l'on voit dans l'atelier du sieur Cointeraux, 1806, 20 p.
25 Cointeraux, François, Mémoire qui a remporté le prix à l'Académie d'Amiens, le 25 aôut 1787 pour garantir les bourgs et villages d'incendies,
Paris, 1802, 38 p.
Page 31
Hubert Guillaud
"Il est de la destinée de ces innovations suprêmes, comme tendant au bonheur universel, qu'elles soient lentement
accueillies 26".
"Je suis entraîné par l'évidence de l'utilité de mes travaux. Je ne puis croire qu'un jour, on ne se rende généralement à
cette vérité 27 (Fig. 14 et 15)."
4.1. Une connexion avec l'Angleterre puis l'Australie et les Etats-Unis d'Amérique.
Les écrits de François Cointeraux semblent avoir été introduits assez rapidement, de son vivant, en Angleterre et leur
traduction, en langue anglaise, leur donnera un large retentissement jusqu'en Australie28 et aux Etats-Unis
d’Amérique29.
Cette connexion avec l'Angleterre s'est établie sur des relations avec un certain Thomas Eccleston, de l'Académie des
Arts de Londres, qui loua les services de deux de ses élèves pour réaliser une expérimentation en pisé dans son domaine
de Scarsbrick, dans le Lancashire. D'autres personnes, à la même époque, manifestaient le même intérêt pour le pisé, en
Angleterre, tel un certain John Plaw (1745-1820) qui fut briqueteur avant de devenir architecte et maître-maçon30. Dans
l'un de ses ouvrages, publié en 1800, Sketches for Country Houses, Plaw rappelle qu'il mentionait déjà le pisé dans ses
premières publications, avant que celui-ci ne fut "amplement détaillé par M. Holland, architecte, et publié par le Board
of Agriculture".
C'est en effet un architecte anglais néo-classique, trés connu de son époque comme promoteur du "Anglo-Greco-Roman
Style", Henry Holland (1746-1806), intéressé au pisé à partir des expériences réalisées dans le Lancashire par Thomas
Eccleston, qui en assure la promotion, dès 1787-88. Pour le compte du Vème Duc de Bedford, Francis, lui-même séduit
par ces expériences du Lancashire, il assure la construction de logements pour les agriculteurs travaillant les terres de
l'Abbaye de Wolburn. Le chantier est réalisé sous la direction de l'intendant du Duc, Robert Salmon, avec l'aide d'un
ouvrier français31 et utilise comme finition la technique de l'enduit a fresco, à la chaux, peint, typiquement employée en
France sur les constructions en pisé comme le mentionnait F.C. Boulard dans son article écrit pour le tome VII du
Journal Complet d'Agriculture théorique et pratique de l'Abbé Rozier (1786).
Henry Holland évoque le succès de cette expérience dans le premier volume de communications au "Board of
Agriculture" (Fig. 17), publié en 1797, document qui va avoir un impact considérable dans le monde anglophone32 .
L'introduction de ces Communications fait d'entrée référence aux écrits de Cointeraux publiés en 1791. Il s'agit du
Troisième Cahier d'Ecole d'Architecture Rurale, que Holland aurait reçu des mains de Cointeraux lui-même en se
rendant à l'Atelier du Colisée lors d'un passage à Paris, et qu'il va restituer, en anglais, en annexe. Citons :
" In the year 1791 a work was published in Paris by M. François Cointeraux, containing an account of a method of
building strong and durable houses, with no other materials than earth ;" (…) et plus loin, Holland expose son dessein
promotionnel qui s'appuit sur la présentation en annexe de la traduction de l'ouvrage de Cointeraux : "with a view to
promote this desirable end, the account contained in the following pages has been extracted from the French work, and
26 Cointeraux, François, Instruction sur l'art de bâtir dans toutes les campagnes et sur les embellissements et améliorations que chacun peut faire
dans sa propriété, 10 octobre 1814, 20 p.
27 Cointeraux, François, Les récoltes assurées, 1817, 16 p.
28 Cf. Lewis, Miles, Victorian Primitive, Greenhouse Publications, Carlton, Victoria, Australie, 1977, 87 p. Origins of Pisé de Terre, pp. 43-50 et
Pisé in Australia, pp. 51-58.
29 Cf. Cody, Jeffrey William, Earthen Wall Construction in the Eastern United States, Master of Arts, Graduate School of Cornwell University, Juin
1985, 460 p. et Earthen walls from France and England for north américan farmers, 1806-1870, in Adobe 90, preprints, 6th International Conference
on the conservation of earthen architecture, The Getty Conservation Institute, Los Angeles, 1990, 469 p., pp. 35-43,
30 Plaw, John, Rural Architecture or Designs from the Simple Cottage to the Decorated Villa, including some which have been executed, Londres,
1785, puis 1790 et encore plusieurs fois réédité en 1794, 1796, 1800, 1802 et 1804. Du même auteur, Ferm Ornee : or Rural Improvements. A Series
of Domestic and Ornamental Designs Suited to Parks, Plantations, Rides, Walks, Rivers, Farms, etc., Londres, I. and J. Taylor, 1795.
31 Salmon, Robert, Method of constructing commodious houses with earthen walls. Transactions of the Society for the encouragement of Arts,
Manufactures and Commerce, 1809, pp. 185-197. Cf aussi, Encyclopaedia Londinensis or Universal Dictionary of Arts, Sciences and Literature, XX,
p. 519, Londres, 1825.
32 Communications to the Board of Agriculture ; on subjects relative to the Husbandry and Internal Improvement of the Country, Volume 1, parts III
et IV, Londres, Bulmer and Co, 1797, pp. 373-404.
Page 32
Hubert Guillaud
it will be found to contain every necessary instruction …". La fin du texte de cette communication de Holland (pp. 403-
404) fait aussi référence à une lettre d'un réverend dénommé Jaucour, recteur de Saint Jean de La Rochelle, réfugié de la
Révolution en Angleterre (période du serment constitutionnel) qui décrit la méthode du pisé dont il a pu observer
l'intérêt à Montbrison (Loire).
La construction en terre existe bien sûr, traditionnellement, en Angleterre, notamment dans le Suffolk sous forme de
briques crues ou dans le Devon, sous forme de bauge ("Cob")33 mais le pisé semble inconnu des anglais à cette époque,
même s'il est observé que l'on pratique déjà le procédé du banchage, pour des terres plus plastiques mêlées de paille34 .
La traduction de Cointeraux de Henry Holland n'a pas eu, au-delà du milieu autorisé des fervents promoteurs du progrès
agricole, une influence immédiate mais ce texte sera repris intégralement ou cité par la suite par d'autres auteurs anglais
qui en assureront une plus large diffusion : William Barber, par exemple, avec Farm Buildings, publié en 1805, puis le
Farmer's Dictionary de Abraham Rees, le Agricultural Dictionary de Nicholson qui est "Country Gentleman's
Architect" de Lugar, en 1807, puis, Rural Residences de J.B. Papworth, en 1818 et enfin un autre ouvrage de plus
grande diffusion de Abraham Rees, publié en 1819, Cyclopaedia or Universal Dictionary for Science and Literature qui
donnera une description trés détaillée du pisé et des illustrations dérivées de Cointeraux (Fig. 18), déjà reprises par
Henry Holland35. A partir de cette abondante activité de publication couvrant le thème des bâtiments agricoles et le
modèle du "cottage" au cours des deux premières décennies du XIXème siècle, en Angleterre, l'exportation de la
méthode du pisé et du savoir constitué à partir des travaux français vers d'autres contrées anglophones est alors facilitée.
En Australie :
En Australie, le texte de Henry Holland est publié en 1823 dans le Sydney Gazette , en deux parties, sous forme de
feuilleton dominical. Cette publication correspond à la fondation d'un nouvel établissement, à Bathurst, où les colons
emploient le pisé. L'activité éditoriale journalistique, dans des périodiques, connaît une période faste et plusieurs autres
articles sur le pisé sont publiés au cours de cette année 1823. Dans le Hobart Town Gazette qui rapporte que ce mode de
construction a été introduit en Australie depuis l'Europe et utilisé pour la construction de quelques fermes dans la
région36 .
L'influence de cette promotion du pisé en Australie semble avoir aussi touché la Nouvelle Zélande où une mission
catholique romaine fut construite à Kororareka, en 1841-1842. Le bâtiment qui est aujourd'hui connu sous le nom de
Pompallier House (Fig. 19) est préservé par la New Zealand Historic Places Trust. Cette utilisation du pisé n'a pas été
dans ce cas d'origine anglaise mais directement française car la construction de cet édifice fut supervisée par un
architecte français, Louis Perret, originaire de la région de Lyon 37.
La deuxième motié du XIXème siècle semble avoir popularisé le pisé dans plusieurs régions d'Australie, en Victoria où
il faisait son apparition, New South Wales et Adelaïde, comme pratique constructive qualitativement supérieure au
torchis et à la bauge, ou même au "sod" (mottes de terre gazonnée en hourdage de structures en bois), toutes techniques
de construction rurale dominantes à cette époque. Un constructeur dénommé William Kelly a introduit le pisé à
Melbourne, en 1853, mais sans succès car son expérimentation se soldait par quelques problèmes d'infiltration d'eau et
d'érosion des murs. Il fut suivi par un certain Charles Mayes qui tenta d'améliorer le mode de mise en oeuvre en utilisant
des banches métalliques. La Victorian Industrial Society offrit des prix pour la meilleure méthode de construction en
pisé. Mais, au-delà de cette période, l'engouement australien pour le pisé semble avoir périclité au profit de la
construction en briques de terre crue. La littérature de la fin du XIXème n'en fait plus mention.
Le pisé en Australie demeure malgré tout une technique de construction actuelle et connaissait un regain d'intérêt au
XXème siècle, dans les années 30 (Fig. 20), dans le milieu de communautés d'artistes puis au-delà de la Seconde Guerre
33 Brunskill, R.W., Illustrated Handbook of Vernacular Architecture, Faber Paperbacks, Faber and Faber, Londres, 1971 et 1978, 249 p., p. 190,
Carte : Walling Materials : clay, etc…
34 Allen, C. Bruce, Rudimentary Treatise on Cottage Building, 2ème édition, Londres 1854, ainsi qu'un ouvrage plus récent de William-Ellis,
Clough, Cottage Building in Cob, Pisé, Chalk and Clay, Londres 1919, qui se réfère à cette tradition de la bauge coffrée typique du Devonshire.
35 Illustration restituée par Miles Lewis dans Victorian Primitive (cf. note 28), p. 47.
36 Références données par Miles Lewis, op. cit, note 28, Hobart Town Gazette, 3 mai 1823, lui-même cité par le Sydney Gazette, vol.XI n° 1019 du
28 mai 1823. Voir aussi le Sydney Gazette vol. XI n° 1021 du 19 juin 1823. D'autres journaux de l'époque mentionnent aussi le pisé : le Sydney
Herald, le South Australian Register, le Port Phillip Gazette, le Port Phillip Patriote, le Melbourne Advertiser et le Port Phillip Herald.
37 Howard, Ted, Mud and Man, The History of Earth Buildings in Australasia, Earth Buildings Publications, 1993, Melbourne, Australie, 1993, 198
p.
Page 33
Hubert Guillaud
Mondiale, dans les années 50. Julius Jorgensen fondait la communauté de Monsalvat, à Eltham, près de Melbourne et
bâtissait sa propre maison en pisé avant d'utiliser l'adobe pour d'autres réalisations. Il était suivi par John Harcourt,
journaliste anglais qui s'installait à Eltham et devenait bâtisseur en pisé (Fig. 21). La construction en pisé mais surtout
en briques de terre allait revenir au premier plan avec les réalisations de Alistair Knox, employé de banque passionné de
construction qui allait développer une grande activité et donner un style propre à l'architecture en "adobe" et structure
bois à partir de nombreux projets encore réalisés à Eltham puis dans l'Etat de Victoria. Dans les années 50, un expert
des Nations Unies, ancien inspecteur de construction, G.F. Middleton, allait éditer un ouvrage de grande portée
nationale, véritable traité pratique de construction en pisé et en adobe, qui allait influencer un grand nombre
d'architectes et ingénieurs ainsi que de trés nombreux autoconstructeurs38. Les expérimentations de Middleton, ses
recherches pour améliorer les techniques de coffrage du pisé, ses premières réflexions à caractère normatif, allaient
conforter une véritable modernité du pisé en Australie où des architectes et des entrepreneurs39 ce sont depuis lors
spécialisés dans cette technique et produisent des réalisations architecturales d'une trés grande qualité.
Aux Etats-Unis d'Amérique, la traduction du texte des Cahiers d'Ecole d'Architecture Rurale de François Cointeraux,
par Henry Holland a également fait son chemin et favorisé la diffusion du pisé. Il faut d'ailleurs noter que le texte des
Communications to the Board of Agriculture est introduit par une référence à quatre communications de George
Washington au Président du Board of Agriculture traduisant l'intérêt que porte le Président des Etats-Unis pour les idées
et découvertes développées en Angleterre sur l'amélioration de l'agriculture et leur utilité pour son pays40.
Dans un récent travail de doctorat présenté à la Cornwell University, Jeffrey William Cody41 développe une recherche
historique sur les origines du pisé dans les régions est des Etats-Unis. Le deuxième chapitre se réfère trés directement à
la tradition lyonnaise du pisé et à l'Art du Maçon Piseur de Georges-Claude Goiffon, au tome VII de F.C. Boulard dans
le Cours Complet d'Agriculture de l'Abbé Rozier et aux Cahiers d'Ecole d'Architecture Rurale de Cointeraux. Ces
réferences sont citées et étudiées, comme base du savoir constitué sur laquelle se fonde l'introduction du pisé en
Amérique (New Jersey), via l'Angleterre. Mais, Cody observe que Cointeraux ne semble pas avoir eu d'influence
immédiate en France, tout en étant reconnu comme l'autorité prééminente en matière de pisé, son ouvrage ayant
définitivement contribué à expliquer la technique avec la plus grande clarté, en des termes théoriques et techniques qui
installaient les conditions favorables à l'élargissement d'une audience possible. Cody souligne que le travail
d'illustration de la technique et de modélisation constructive et architecturale ont sans doute beaucoup contribué à la
popularité de Cointeraux ainsi que son attitude pédagogique avec son Ecole d'Architecture Rurale. On peut alors
s'étonner du peu d'impact de ses efforts sur le gouvernement de la France qui ne l'a pas vraiment soutenu,
financièrement, pour développer ses idées. Il ne fut d'ailleurs pas le seul puisque d'autres auteurs tel que Borelly42 se
sont plaints aussi de ce manque de soutien des autorités et du laissez-faire du Bureau d'Agriculture. Cointeraux a eu un
fort impact sur d'autres théoriciens contemporains qui ont pris le relais pour la diffusion de ses idées, se les appropriant
même parfois. Rondelet lui-même, dont les idées et hypothèses sur l'amélioration des matériaux d'origine minérale par
compression, sont reprises par Jean-Henri Hassenfratz, un des fondateurs de l'Ecole Polytechnique, dans son Traité
Théorique et Pratique de l'Art de Calciner la pierre Calcaire et de Fabriquer toutes sortes de Mortiers, Ciments,
Bétons, etc … soit à bras d'hommes, soit à l'aide de machine43. Rondelet fut lui-même reconnu comme une autorité du
pisé en Angleterre, par Edward Cresy qui s'y réfère dans son ouvrage intitulé An Encyclopaedia of Civil Engineering,
Historical, Theoretical and Practical, publié en 1847. L'édition de 1825 de l'Encyclopédie Méthodique : Agriculture, de
Tessier, Thouin et Bosc, propose aussi un article (signé Bosc) sur le pisé (pp. 650-652), repris dans l'édition de 1843
avec un nouvel article de Quatremere de Quincy, au chapitre "Architecture" qui fait clairement référence aux écrits et
travaux de Cointeraux.
L'influence de Holland aux Etats-Unis comme nouvelle base préparant une large diffusion des idées d'origine
européenne favorables à la construction en pisé en milieu rural peut être située au-delà des années 1820 dans le cadre
d'une période d'intense activité de publication que l'on évoquait précédemment avec, parmi les ouvrages les plus
38 Middleton, G.F., Build your house of earth, Angus and Robertson, 1953, réédité par Compendium Pty Ltd, Melbourne 1975.
39 La Société RAMTEC, Stephen Dobson Pty Ltd, Perth, Western Australia. CEAC, David Oliver, Queennsland.
40 Washington, George, Philadelphia, 20 juillet 1794, Philadelphia, 10 juillet 1795, Philadelphia, 10 décembre 1796 et Mount Vermont, 15 juillet
1797.
41 op. cit, note 29
42 Borelly, Journal d'Agriculture et d'Economie Rurale, 1792
43 Ed. Carilian Goeury, Paris, 1825, pp. 325-327 et pp. 370-381.
Page 34
Hubert Guillaud
marquants, Farm Buildings de William Barber (1802 et 1805) et Rural Residences de J.B. Papworth (1818), déjà cités,
mais aussi, Design for Cottages, Cottage Farms and other Rural Buildings, de Joseph M. Gandy (1805), Complet
Farmers or General Dictionary of Agriculture and Husbandry de la "Society of Arts", en 1807 (chap. II, Rammed Earth
Buildings). Parmi les auteurs encyclopédistes, outre Abraham Rees, déjà cité, on doit aussi relever John Mason Good
avec Pantologia. A new Cyclopaedia, 1813 et Peter Nicholson (1765-1844) avec son Architectural Dictionary, 1819.
Simultanément, la première moitié du XIXème siècle correspond à une forte émigration vers le continent américain, à
partir de l'Angleterre. De nombreux colons s'installent en Nouvelle Angleterre et dans le New South Wales, le New
Jersey. Cette émigration s'amplifie après l'édition, en 1829, d'un ouvrage trés populaire, The Emigrant Guide, de
William Cobbett. Beaucoup de ces émigrants amènent avec eux le rêve trés prisé de la ferme et du cottage dont les
modèles ont été largement théorisés et appliqués depuis la fin du XVIIIème siècle. C'est dans ce contexte que le pisé,
qui permet de construire des maisons solides, durables et économiques, fait son introduction aux Etats-Unis
d'Amérique, faisant écho à ce rêve populaire. L'engouement pour ce matériau est appuyé par de nouvelles publications,
américaines cette fois : Rural Economy, de Stephen W. Johnson, édité en 1806 à New York, qui contient un traité sur la
construction en pisé, puis, un peu plus tard, The Economical Builder : a Treatise on Tapia and Pisé Walls de E. Gilman,
édité à Washington en 1839 qui se réfère trés directement aux théoriciens de la question, d'origine anglaise et française.
Quant aux écrits de Cointeraux, il étaient directement introduits par le biais de "l'American Philosophical Society" de
Philadelphie qui observe, en 180944, avoir reçu d'une personne inconnue 8 volumes des travaux de Cointeraux. Par
ailleurs, le texte des Communications to the Board of Agriculture avec l'annexe de Cointeraux traduit par Holland ainsi
que bien d'autres publications de cette société savante étaient connus des grands promoteurs de l'agriculture moderne
aux Etats Unis et faisaient partie de leurs bibliothèques. George Washington, on la vu, entretenait des relations avec
cette société et Thomas Jefferson aurait lui-même possédé ces documents45. Le texte de Holland, repris par Abraham
Rees dans Cyclopaedia est diffusé aux Etats-Unis avec une édition américaine produite à Philadelphie entre 1810-1817.
Cette édition américaine semble avoir eu une trés large diffusion par le réseau des librairies installées, à NewYork,
Boston, Salem, Portsmouth, Portland, Baltimore, Washington D.C., Georgetown, Pittsburgh et bien d'autres villes46.
Stephen W. Johnson, correspondant du journal The True American, Trenton, New Jersey, publia plusieurs articles
valorisant l'intérêt du pisé et son ouvrage, Rural Economy47 qu'il dédiait à Thomas Jefferson contient un chapitre entier
consacré au sujet, Farm houses, out-offices, etc… qui mentionne le pisé et plus largement la construction en terre avec,
en introduction une référence directe à Cointeraux et d'autres théoriciens comme G.C. Goiffon et l'abbé Rozier. Johnson
ne cite pas Holland à qui il emprunte pourtant ces références et son texte transforme en partie le texte original de
l'architecte anglais. Il reproduit également les illustrations qui accompagnaient le texte de Holland qu'il tira lui-même de
Cointeraux et Goiffon : filiation directe avec les pionniers français, via les disciples anglais. Johnson réalisait lui-même
une expérimentation en pisé, une petite maison de 27 pieds de long (9m.) par 15 de large (5m) et haute de 15 pieds
(5m). ce modèle rappelle directement la petite maison de l'ouvrier de Cointeraux et le modèle présenté par Rondelet
dans son Traité de l'Art de bâtir, en un peu moins sophistiqué48 (Fig. 22).
Cet engouement des américains pour le pisé fut encore partagé par d'autres auteurs dont John Stuart Skinner, éditeur à
Baltimore, qui publiait le magazine American Farmer, de 1819 à 1830. Skinner édita lui aussi le texte intégral de Henry
Holland, en 1821, sous forme de feuilleton, comme le Sydney Gazette en Australie, ainsi qu'un texte, en 1827 d'un autre
fervent "supporter", Alexander Macomb ayant alors fonction de Directeur du Corps des Ingénieurs Militaires depuis
1821, puis nommé comme Commandant Général de l'Armée Américaine, de 1828 à 1841. Macomb valorisa lui aussi
les qualités des constructions en "tabby" qu'il put observer dans le Sud-Est américain et évoqua une expérimentation
personnelle en Caroline du Sud. Skinner publia encore plusieurs articles rendant compte d'autres expériences de
construction en pisé réalisées par des fermiers, notamment les réalisations d'un dénommé John Hartwell Cocke qui
érigeait les quartiers des esclaves et d'autres petits bâtiments agricoles, sur sa plantation de Bremo, près de New Canton,
Comté de Buckingham, en Virginie. Cocke précise que cette expérience est basée sur le livre de Johnson, Rural
Economy.
44 Transactions of the American Philosophical Society, Old Series VI, 1809, p. XXIX, cité par Jeffrey William Cody dans sa thèse (cf. note 29).
45 D'après Jeffrey William Cody dans sa thèse (cf. note 29).
46 Rees, Abraham, Cyclopaedia, Philadelphie, Samuel F. Bradford et Murray, Fairman et Company, 1810-1817, et 1824, XXVIII, cité par Cody p.
161, note 10.
47 Johnson, Stephen, W., Rural Economy, New York, 1806, 238 p.
48 Le dessin de ce modèle est reproduit comme illustration de la Communication de Jeffrey William Cody, intitulée Earthen Walls From France and
England for North American Farmers, 1806-1870, dans le volume de Preprints de la Conférence Adobe 90, p. 38.
Page 35
Hubert Guillaud
D'autres périodiques spécialisés en agriculture, ont également valorisé le pisé dans les années 1830 : The Southern
Agriculturist et The Genesee Farmer49. L'ouvrage Economical Builder : a Treatise on Tapia and Pisé Walls, de E.
Gilman, édité à Washington en 1839 et directement inspiré des écrits de Abraham Rees et de Macomb, a aussi contribué
à la diffusion des connaissances théoriques et pratiques sur le pisé auprès de nombreux propriétaires terriens, fermiers,
ingénieurs civils et militaires, architectes qui ont appliqué concrètement la technique sur leurs réalisations
autoconstruites ou projets. Par exemple, un dénommé William W. Anderson, installé en Caroline du Sud, à Stateburgh
(Stateborough), réalisa plusieurs bâtiments en pisé dans le cadre d'une extension de son domaine de plantation entre
1821 et 1823. Ces bâtiments ont été déclarés monuments historiques en 1972.
Cette popularité du pisé et des constructions en terre dans le milieu des sociétés d'agriculture américaine et auprès des
fermiers a connu son acmé vers les années 1850, se propageant, à partir du New Jersey et des Etats du Sud (Caroline et
Virginie), vers l'Indiana grâce à un promoteur zélé du nom de Henri Leavitt Ellsworth, premier Officier Ministériel
Patenté des Etats-Unis, chargé par le Congrés de rédiger des rapports annuels sur le rôle crucial de l'agriculture dans la
prospérité nationale. Ses rapports des années 1843 à 1845 valorisaient le matériau terre et la construction en pisé autant
qu'en briques crues pour l'habitat rural. Elsworth réalisa lui-même des expérimentations et un petit bâtiment à Grand
Prairie, Indiana50. Ces rapports de Ellsworth étaient par la suite publiés dans divers journaux comme le Western Farmer
and Gardens, d'Indianapolis, puis le Prairie Farmer de Chicago où d'autres articles d'un journaliste du nom de John
Stephen Wright, écrits entre 1843 et 1855 feront mention de la construction en terre près d'une quarantaine de fois 51.
Cette large diffusion journalistique de l'engouement pour le pisé et les autres matériaux de construction en terre a sans
aucun doute contribué à élargir l'audience pour leur emploi qui allait aussi gagner l'Etat de New York grâce au support
médiatique d'autres journaux comme The Cultivator et The Country Gentleman, tous deux basés à Albany, N.Y. De
même en Illinois avec l'appui du British American Cultivator considéré à l'époque comme l'un des meilleurs
périodiques d'agriculture à très grand tirage. D'autres ouvrages d'architectes très populaires, comme William H. Ranlett
(1800-1865), installé à New York 52, ont diffusé des modèles architecturaux de cottages "construits en matériaux bon
marché, directement tirés du sol" (terre, pierre, bois), qui furent très prisés. Ranlett fait clairement référence à l'intérêt
qu'il porte à la brique de terre crue qu'il utilisa dans beaucoup de ses réalisations ainsi qu'au pisé et fournit des détails de
construction très précis et documentés sur ces techniques. D'autres auteurs tels que Charles P. Dwyer 53 ont aussi vanté
l'utilité, l'économie et la qualité du pisé, de l'adobe et de la bauge, pour les constructions rurales.
Dans les territoires des différents Comtés de l'Etat de New York, les travaux de recherche menés par Lee Dassler (cf.
note 52.2.), relèvent une période d'activité de construction en terre située entre 1833 et 1855. Plusieurs maisons (environ
une trentaine) ont été repérées dans les Comtés de Otsego et de Oswego (Ouest et centre Nord) ainsi que dans les
Comtés de Monroe, Wayne, Ontario, Seneca, Tompkins et Steuben. Seules celles bâties durant la première époque
(années 1830) le sont en maçonnerie de terre monolithique alors que par la suite, les constructeurs semblent avoir
préféré la brique d'adobe, ce qui pourrait confirmer que le pisé ait ensuite perdu de sa popularité. Cette période qui va de
1830 à 1850 correspond à une rapide expansion de l'Etat de New York qui semble avoir utilisé la terre en milieu rural
comme matériau de construction bon marché et donc accessible aux familles créant de nouveaux établissements. Mais
la fin de cette période correspond aussi au développement de l'industrie du béton avec l'apparition du ciment Portland.
L'impact de ce nouveau matériau va très vite rendre désuettes les techniques de maçonnerie en terre coffrée mais la
maçonnerie en briques crues demeurera une technique encore très populaire.
La période de la Guerre Civile de Sécession entre les Etats du Nord et du Sud (1861-1865) a bien sûr occulté l'intérêt
pour la construction en terre dans la littérature journalistique américaine qui en était le principal vecteur de diffusion
populaire. Après cette guerre tragique et dévastatrice, la popularité de la brique crue s'est accrue, notamment dans les
Etats du Sud et du Sud-Ouest qui l'utilisaient déjà. Dans ces régions (Texas, Nouveau Mexique, Arizona, Californie),
l'emploi de l'adobe est hérité d'anciennes traditions indiennes et hispano-mexicaines qui n'ont semble-t-il pas connu
49 Genesee Farmer, Vol. IV, n° 39 du 27 septembre 1834 ; n° 44 du 1er novembre 1834 ; Vol V, n° 5 du 31 janvier 1835 ; Vol VII, n° 6 du 11 février
1837 ; Vol. VIII, n° 3 du 4 août 1838.
50 Le dessin de ce modèle est reproduit comme illustration de la Communication de Jeffrey William Cody, intitulée Earthen Walls From France and
England for North American Farmers, 1806-1870, dans le volume de Preprints de la Conférence Adobe 90, p. 40
51 Observation de Cody dans sa thèse, cf. note 29.
52 Sur l'Etat de New York :
- 52.1. Ranlett, William H., The Architect, A Series Of Original Designs for Domestic and Ornamental Cottages and Villas, Connected with
Landscape Gardening, Adapted to United States, Vol. II, New York, Dewitt et Davenport, 1849.
- 52.2. Dassler, Lee, Nineteenth Century New York State Earthen Homes : An Investigation Of Their Material Composition, in Adobe 90 Preprints,
The Getty Conservation Institute, Los Angeles, 1990, 469 p., pp. 430-437.
53 Dwyer, Charles P., Economic Cottage Builder, Buffalo, Wanzer, Mackim et Company, 1856, chap. V : Pisé, Adobe and Cob-wall.
Page 36
Hubert Guillaud
d'interruption et qui étaient adoptées par les colons et pionniers de l'Ouest. Cette tradition constructive s'est maintenue
jusqu'à nos jours avec une originalité propre aux Etats-Unis depuis les époques modernes (fin XIXème et début du
XXème siècle) : le degré de mécanisation de la production que l'on peut observer dans les unités de production actuelles
de ces régions (fabrique Hans Sumpf à Fresno, Californie, par exemple, où la production atteint 30 000 blocs / jour).
Le pisé n'a fait sa réapparition aux Etats-Unis que très récemment, depuis la fin des années 70 et au cours des années 80.
Il a été remis au goût du jour par un avocat du Colorado et son épouse, David et Lydia Miller. David Miller l'a
redécouvert, bizarrement, lors d'un voyage en URSS, dans un ouvrage lu dans une bibliothèque soviétique. De retour
aux Etats-Unis, il construisait sa maison en pisé puis contribuait à répandre cette technique dans la région de Denver par
des stages de formation et des publications54. Lydia et David Miller ont très largement contribué à cette renaissance du
"pisé de terre" au Etats-Unis, reprenant le fanion de François Cointeraux et de ses successeurs, près de un siècle et demi
plus tard, en publiant une bibliographie55 sur le pisé qui rassemble de trés nombreuses références issues de revues,
journaux, rapports techniques et scientifiques, livres publiés dans 22 pays et par diverses institutions gouvernementales
et internationales. Au titre "France" on trouve bien sûr les Cahiers d'Ecole d'Architecture Rurale de Cointeraux mais on
ne retrouve pas Henry Holland au titre Royaume Uni. Application d'un vieil adage : rendons à César ce qui appartient à
César. Plusieurs entreprises spécialisées dans la construction en pisé se sont depuis lors installées dans le Sud-Ouest des
Etats-Unis, en Arizona (Schmidt Builders à Saint David), au Nouveau Mexique à Santa Fe et en Californie (David
Easton) qui ont ouvert ces dernières années un nouveau marché de la construction et de l'architecture en pisé avec une
qualité de réalisation comparable à celle développée en Australie
L'influence des écrits et de l'ouvrage de Cointeraux ne s'est pas limitée à l'Angleterre qui servait de tête de pont vers
l'Australie et les Etats-Unis d'Amérique. L'intérêt et la mobilisation intellectuelle des académies et sociétés savantes,
bourgeois propriétaires terriens, des praticiens de la construction rurale et architectes, participent d'un mouvement
beaucoup plus ample qui est associé à la large diffusion des préoccupations de la civilisation des Lumières en matière
de progrès de l'agriculture, dans l'ensemble des pays européens, par voie de relations, communications, discussions de
salons et de cours. Ainsi, Cointeraux a-t-il été suivi, reconnu, plagié, en Prusse, en Italie, mais aussi jusqu'en
Scandinavie où ses écrits théoriques fondamentaux furent traduits ou réadaptés et diffusés faisant de nombreux
disciples. Parmi ceux-ci quelques personnalités plus marquantes ressortent dans un paysage de publication parfois très
abondant : David Gilly, en Allemagne et Giuseppe Del Rosso, en Italie.
En Allemagne
L'utilisation constructive de la terre pour l'édification d'ouvrages ruraux ou urbains, en Allemagne, remonte à des temps
très anciens. Région de culture constructive héritée des pratiques d'Europe centrale et nordique, où prédominaient
pendant plusieurs siècles l'architecture en rondins de bois ("blockbau") puis de bois hourdé de mottes de terre ou de
torchis (site moyenâgeux de Warendorf du VIIIème au Xème siècle, par exemple), l'Allemagne a aussi développé très
tôt l'emploi de la brique de terre crue, en maçonnerie porteuse ou de remplissage. Le patrimoine d'architecture de terre
allemand est particulièrement important et riche d'exemples variés mais les témoignages très anciens sont rares outre
ceux de nature archéologique. C'est la période de l'histoire récente allant du XVIIIème au XIXème siècle qui restitue le
plus d'ouvrages en bon état de conservation, particulièrement sur les territoires nord-orientaux (Schleswig-Holstein) et
dans les régions de Basse-Saxe, Hambourg et Brême, ainsi qu'en Wesphalie, sur les territoires au Nord du Rhin et en
54 Miller, Lydia A. et David, Rammed Earth Homes, Manual for Building a Rammed Earth Wall, Greeley, Colorado, 27 p. + annexes. Dans cette
publication, les Miller font aussi référence à des textes australiens de 1964 et 1971, Notes on the Science of Building du "Experimental Building
Station" et du "Ministry of Works" qui se réfère à la source éditoriale récente faisant autorité : le livre de G.F. Middleton qui est d'ailleurs devenu
avec sa cinquième édition de 1988, le texte normatif en vigueur en Australie.
55 Miller, Lydia et David, Rammed Earth, A Selected Bibliography with a World Overview, Rammed Earth Institute International, Greeley, Colorado,
1982, 93 p.
Page 37
Hubert Guillaud
Hesse 56. Des dizaines de milliers de maisons en terre "massive" (pisé et bauge) auraient été construites à cette époque
et cette activité de construction en terre très importante se poursuivait au XXème siècle avec un nombre de réalisations
évalué entre 30 000 à 40 00057. Parmi les constructions du début du XIXème siècle, plusieurs exemples paraissent très
directement inspirés des modèles architecturaux de François Cointeraux, notamment dans la région du Schleswig-
Holstein qui semble avoir adopté l'argumentaire de l'économie et de l'incombustibilité des maisons en pisé de
Cointeraux dont la promotion était assurée, simultanément, par la traduction allemande des Cahiers d'Ecole
d'Architecture Rurale par David Gilly, en 1793 58, et par une traduction d'origine danoise de K.H. Seidelin de 179659
qui fut également diffusée dans cette région. L'architecte Jochen Georg Güntzel, du Département d'Architecture et de
Design Intérieur du Polytechnique de Lippe, a réalisé un travail historique très complet avec une thèse60 sur cette
histoire de la construction en terre allemande, qui nous sert ici de référence.
Les autorités de certaines régions allemandes, notamment de Saxe et Thuringe, se sont très tôt intéressées à l'emploi de
la terre en construction. Cet intérêt était motivé par la recherche de solutions contre les risques d'incendie des villages
alors que la construction rurale traditionnelle utilisait en abondance le bois pour la structure de type colombage et le
chaume en couverture. Cet intérêt répondait aussi au souci de préserver le patrimoine forestier très entamé par une
utilisation massive du bois comme combustible de chauffage, de cuisson et pour l'activité industrielle comme pour la
construction navale. Les arguments de l'incombustibilité et de l'économie de bois semblent en effet avoir été
déterminants pour la promotion du matériau terre et cela peut expliquer l'accueil enthousiaste des idées de Cointeraux à
partir de la fin du XVIIIème siècle.
L'Allemagne n'est bien sûr pas restée en retrait des grandes préoccupations du Siècle des Lumières et plusieurs
personnalités acquises à la mouvance des idées de l'époque ainsi que des sociétés d'agriculture ou savantes berlinoises
se sont aussitôt saisies des idées de Cointeraux dès leur diffusion. Ces idées étaient reçues comme les seules à même
d'améliorer les techniques de construction, la durabilité et la qualité de l'habitat et surtout à même de permettre cette
économie de bois tellement préoccupante dans ce pays.
Mais, avant Cointeraux, le premier ouvrage repéré qui concerne l'architecture de terre remonte à 1736. Il fut écrit par un
architecte du nom de Richter, originaire de Saxe, qui, pour des raisons de mise à disposition d'exercice professionnel du
fait d'une maladie, prenait loisir à s'intéresser à l'amélioration des conditions d'habitat et à proposer de nouvelles idées et
modèles. L'argument de l'incombustibilité des constructions en terre est également central dans le propos de Richter qui
diffusa ses articles, édités à compte d'auteur, parmi un réseau d'amis. L'un de ces articles intitulé "la maison
incombustible" propose un modèle de construction dont la structure est en piliers porteurs massifs, de terre, et la toiture
en voûtes de pierres remplies de terre argileuse et de terre plantée jusqu'à obtenir une forme plate (Fig. 23).
Un autre théoricien de l'architecture, Wilhelm Tappe (1769-1823), également artiste, s'intéressa de très prés à la
construction en terre et notamment en briques crues pour des applications à l'habitat des classes sociales défavorisées.
De 1813 à 1819, Tappe fut en poste d'architecte en chef de Lippe et trouva un appui auprès de la princesse Pauline,
56 Revue Bauen Mit Lehm, n°1, ökobuch Verlag, Grebenstein, 1984, 80 p. Un article de Güntzel, Jochen Georg, Historische Lehmbauten in
Schleswig-Holstein, pp. 52-66.
- Revue Bauen Mit Lehm, n°2, ökobuch Verlag, Grebenstein, 1985, 78 p. Un article de Jochen Georg Güntzel, Historische Lehmbauten in
Niederschsen, Hambourg und Bremen, pp. 57-69.
- Revue Bauen Mit Lehm, n°3, ökobuch Verlag, GHK Kassel, 1985, 80 p., Un article de Jochen Georg Güntzel, Historishe Lehmbauten in Nordrhein-
Waestfalen, pp. 70-76.
- Revue Bauen Mit Lehm, n°4, ökobuch Verlag, GHK Kassel, 1986, 78 p., Un article de Jochen Georg Güntzel, Historishe Lehmbauten in Nordrhein-
Waestfalen, Teil 2, pp. 54-66.
- Revue Bauen Mit Lehm, n° 6, ökobuch Verlag, GHK Kassel, 1987, 79 p., Un article de Jochen Georg Güntzel, Zur Geschichte des Lehmbaus in
Hessen, pp. 52-59.
57 Güntzel, Jochen Georg, On the History of Clay Buildings In Germany, in Adobe 90 Preprints, The Getty Conservation Institute, Los Angeles,
1990, 469 p., pp. 57-65
58 Les Cahiers d'Ecole d'Architecture rurale de Cointeraux ont donné lieu à une traduction de David Gilly qui les a édité sous deux formes
différentes et par deux éditeurs régionaux distincts :
- Cointeraux, Franz, Schule der ländlichen Baukunst (école d'architecture rurale) oder Anweisung feste Häuser von mehreren Stockwerken bloss mit
Erde oder anderen gemeinen und wohlfeilen Materialien zu bauen, 1793, Nürnberg und Altdorf.
- Cointeraux, Franz, Schule der Landbaukunst, (école d'architecture rurale) oder Unterricht, durch welchen jeder die Kunst erlernen kann, Häuser von
etlichen Geschossen aus blossem Erd-oder anderemsehr gemeinen und höchst wohlfeilen Baustoffslbst dauer-haftzu bauen, 1793, Hildburghaussen.
59 Seidelin, K.H., Vejledning til at bygge bequemme og uforbraendelige Huse auf Jord. Uddraget at Cointeraux Beskrivelse og i abskilligt forandret,
1796, Kopenhagen.
60 Güntzel, Jochen Georg, Zur Geschichte des Lehmbaus in Deutschland, Staufen : ökobuch-Verlag, 1988. Cette thèse restitue également un énorme
travail de récollection documentaire avec près de 1 600 titres répertoriés.
Page 38
Hubert Guillaud
personnalité progressiste et engagée dans la cause sociale et publique. Il développa alors des idées tout à fait originales
et conçut des modèles d'habitat en forme de coupole ogivale pouvant être bâtis en briques de terre ou en mottes de
gazon, sans coffrage (Fig. 24). Ces modèles s'inspirent très directement de l'archétype de la hutte primitive, traduisant
par là l'impact des idées de l'époque de type rousseauiste ou à l'instar de Laugier. Tappe suggérait que ses modèles
d'habitation fussent réalisés en autoconstruction, avec l'entraide du voisinage, sans faire appel à des professionnels, de
façon à limiter les dépenses. Les écrits ultérieurs de Tappe (près d'une dizaine) abordèrent aussi la question des édifices
publics et proposèrent des modèles de monuments, ponts et églises qui valorisaient son attrait esthétique pour les formes
elliptiques.
Les écrits de Cointeraux ont eu, à l'évidence, une plus grande portée en Allemagne qu'en France et en l'espace de
quelques années seulement. Un architecte berlinois, David Gilly, fondateur de la Baüakademie, s'interessa à promouvoir
le pisé et publiait des articles, déjà avant de connaître le théoricien français 61. Lorsqu'il traduisit les Cahiers d'Ecole
d'Architecture Rurale, deux ans seulement après leur édition française, il trouva un écho favorable pour quelques
expérimentations avec le soutien dune organisation de type patriotique dans le Schleswig-Holstein. Peu après,
l'influence d'une traduction danoise de Cointeraux par K.H. Seidelin en 1796 (cf note 59), appuya cette motivation déjà
enthousiaste dans cette région et les premières expérimentations furent engagées. Un projet d'habitat privé commandé
par le directeur des pompiers de Meldorf, M. Boeckmann, fut d'ailleurs l'occasion de concrétiser une collaboration entre
un "maître de construction rurale" danois, C.F. Hansen (1756-1845) et un architecte allemand, Wilhelm Meisner. Le
plan et le style de cette maison empruntent directement aux modèles architecturaux de François Cointeraux. Le bâtiment
est encore en parfait état de conservation et d'usage, deux siècles plus tard (Fig. 25 et 26).
Les écrits de Cointeraux ont été également traduits et diffusés par d'autres personnalités, postérieurement à Gilly. On
connaît une édition de 1803, produite à Leipzig, par Christian Ludwig Seebass, Professeur de Philosophie à l'Université
de Leipzig, qui rassemble l'intégralité des Cahiers d'Ecole d'Architecture Rurale62 (Fig. 27 et 28). L'activité d'écriture
de David Gilly s'est poursuivie et l'on note la publication d'un fascicule à l'usage des maîtres-maçons, plusieurs fois
édité entre 1797 et 1836, ce qui laisse imaginer son succès public63. Un autre esprit novateur de cette époque manifesta
le même intérêt que Gilly pour le matériau terre et plus globalement pour une architecture "naturelle" : le physicien
Christophe Bernhart Faust (1755-1842) qui développait les idées du mouvement des hygiénistes du début du XIXème
siècle. Dans son ouvrage64, Faust avance de nombreuses propositions pour améliorer l'état des maisons, notamment à
propos du traitement de l'humidité des murs et des toitures et aussi pour un meilleur éclairement et chauffage naturel en
utilisant des double-vitrages et l'inertie thermique de murs massifs. Il proposait ainsi un modèle de maison en terre
bioclimatique, comme le fit d'ailleurs Cointeraux, près de un siècle et demi avant nos réalisations contemporaines.
Le mouvement favorable à la construction en terre semble avoir pris de l'ampleur vers les années 1835-40. Faust était
suivi par d'autres auteurs, tel Ernst Conrad65 puis par un avocat propriétaire industriel, Jacob Wimpf, qui semble avoir
été un constructeur très entreprenant et qui réalisait plusieurs de ses bâtiments industriels en pisé. Il écrivit lui-même un
traité66 et érigea, en 1837, dans la ville de Weilburg, le plus haut bâtiment connu en Allemagne, en pisé, un immeuble
d'habitations familiales de cinq étages, sur un terrain pentu (Fig. 29). Ce bâtiment existe toujours et demeure l'édifice le
plus haut car les normes allemandes sur la construction en terre qui furent éditées par la suite restreignaient la hauteur
des ouvrages en terre à un ou deux étages. Wimpf avait une foi exceptionnelle dans les performances techniques du pisé
et on lui attribue cette déclaration : "J'aimerais oser construire une tour aussi haute que la flèche de Strasbourg (141
m.). La cohésion de la terre grâce à la méthode de compression est beaucoup plus élevée que celle d'un mur de pierre".
61 Gilly, David, Beschreibung einer vortheilhaften Bauart mit getrockneten Lehm ziegeln, Berlin, 1790, 11 p.
62 Cointereaux, François, Die Pisé-Baukunst in ihrem ganzen Umfang : oder vollst. u. Fassl. Beschreibung d. Verfahrens, aus blosser gestampfer
Erde, ohne weitere Zuthat, Gebäude u. Mauerwerk von aller Art wohlfeil, dauerhaft, feuerfest u. sicher gegen Einbruch aufzuführen/aus dem
franzosichen Original der Cointereaux, Leipzig, 1803, 195 p. Une réédition récente, en facsimilé a été produite, toujours à Leipzig, à l'initiative de
Wolfgang Dehmel : François Cointereaux, Die Pisé-Baukunst ; Das Klassische Buch über die Kunst des Lehmbaues, ZA Reprint, Leipzig, 1989, 206
p.
63 Gilly, David, Handbuch der Land : Bau : Kunst, vorzüglich in Rücksicht auf die Construc der Wohn : und Wirthschafts : Gebaüde für angehende
Cameral : Baumeister, Friedrich Vieweg dem älteren, Berlin, 1797
- Gilly, David, (réédition de l'ouvrage précédent), Handbuch der Land : Bau : Kunst, vorzüglich in Rücksicht auf die Construc der Wohn : und
Wirthschafts : Gebaüde für angehende Cameral : Baumeister, Rengerschen Buchhandlung, Halle, 1811
- Gilly, David, Handbuch der Land : Bau : Kunst, vorzüglich in Rücksicht auf die Construc der Wohn : und Wirthschafts : Gebaüde für angehende
Cameral : Baumeister, Friedrich Vieweg, Braunschweig, 1818
- Gilly, David, Handbuch des Land-Baukunst, Friedrich Bieweg, Braunschweig, 1821
64 Faust, B.C., Der Lehmsteinbau, Buckeburg, 1839
65 Conrad, Ernst, Veder den Pisé-Bau., Kretschmar, Chemnitz, 1840
66 Wimpf, Jacob, Der Pisé-Bau, Heilbrann, 1841, 60 p.
Page 39
Hubert Guillaud
On sait par ailleurs que Wimpf vanta l'utilité de la construction en terre pour les établissements des colons allemands
qui partaient s'installer dans le Nouveau Monde. Il rejoignait ainsi le même engouement que des auteurs nord-
américains contemporains (Stephen W. Johnson, E. Gilman, William H. Ranlett, Charles P. Dwyer).
La construction en terre n'a jamais désintéressé les allemands et plusieurs auteurs dont A. Engelhardt, R. Jobst, C.
Kuntzel et O. Ritgen, parmi les plus connus, publiaient d'autres livres dans les années 20 de notre siècle67. Ces années
correspondent à la construction, en régions de Prusse et Saxe à plus de 2 000 habitations et une étude réalisée par E.
Schleicher dénombre 17 300 logements contruits entre 1920 et 1921 dans ces mêmes régions68. Les pouvoirs publics de
Prusse et plus particulièrement le Wohlfahrstsministerium ont vivement encouragé la construction en terre en créant des
écoles pour spécialistes, en subventionnant des ateliers d'étude spécialisés dans la construction économique et
"naturelle", en organisant un réseau de centres de conseils établis dans chaque district et rattachés au Centre de
recherche géologique de Berlin. Un grand centre spécialisé de formation et de recherche a été créé dans la vile de Sorau.
L'Ecole d'Architecture Rurale de Cointeraux, subventionnée par les pouvoirs publics a donc bien vu le jour à peine
soixante ans après sa mort et il ne se trompait donc pas en déclarant que ses idées seraient "lentement accueillies" ou
que l'on se rendrait généralement à cette "vérité de l'utilité de ses travaux".
Après une chute de motivation pour la construction en terre au-delà des années 1923-25, cantonnée à son intérêt
"écologique", on observe un regain d'intérêt à partir de 1939, du fait du rationnement des matériaux de construction à
cause de la politique industrielle de guerre du régime hitlérien. Un vaste programme a été lancé par les idéologues du
régime (Albert Speer et Heinrich Himmler) dans le cadre de l'installation des populations allemandes venant des Pays
Baltes et de Russie sur les territoires polonais annexés. Des guides de construction en terre ont été édités par le centre de
Posen fournissant des spécifications techniques générales et ont été diffusés en 1943. Des normes DIN sur la
construction en terre ont été éditées en octobre 1944 et sont restées très longtemps employées avant d'être retirées
(années 70). A l'égal du centre de Posen, beaucoup d'autres centres de conseils, d'information et de formation, d'aide
pratique ont été créés afin de faciliter la mise en oeuvre du programme lancé par le IIIème Reich. Cette valorisation de
l'emploi de la terre en construction a été relancée dès le lendemain de la Seconde Guerre Mondiale avec la
reconstruction de l'Allemagne sinistrée par les bombardements de 1944-45. Deux constructeurs allemands spécialisés et
dotés d'une grande expérience, Richard Niemeyer et Wilhelm Fauth ont publié des traités techniques qui font encore
autorité aujourd’hui69. De très nombreux bâtiments ont été alors réalisés, de type agricole, des logements et leurs
annexes et plusieurs directions générales de la Reichsbahn (Compagnie nationale des chemins de fer) ont développé des
programmes exemplaires de construction de logements pour leurs employés, de bâtiments de stockage, gares et
barraquements, à Berlin, Stuttgart, Hanovre, Saarbrücken, mais également en Autriche, à Vienne et à Linz. Mais c'est en
ex République Démocratique Allemande, après la guerre, que ce mouvement de reconstruction en terre a pris le plus
d'ampleur, en milieu rural. Ce sont ainsi des milliers de bâtiments ruraux70 qui ont été construits en pisé dans les années
1945 à 1958 avec des prolongements de cette activité dans les villes, petites et moyennes, pour des logements de un ou
deux niveaux et pour la construction d'écoles. Avec le retour du progrès industriel et le désenclavement de la
distribution des matériaux sur le territoire grâce à la reconstruction et l'extension du réseau des transports, la
construction en pisé connaissait un déclin à partir des années 60 pour refaire son apparition dans les années 70 sur le
terrain de la crise de l'énergie et de la recherche d'alternatives technologiques à la consommation pétrolière de l'industrie
de la construction. L'Allemagne d'aujourd'hui connaît un nouveau mouvement favorable à la promotion de la
construction en terre qui s'inscrit dans l'idéologie écologique et "environnementaliste" et a ainsi remis au goût du jour la
construction en "terre-paille", en pisé, en adobe ou en blocs de terre comprimée, s'associant à la même renaissance qui
voyait le jour en France à partir de 1974-75.
Au Danemark et en Scandinavie
La traduction danoise des Cahiers d'Architecture Rurale de François Cointeraux par K.H. Seidelin, éditée à
Copenhague en 1796, (Vejledning til at bygge bequemme og uforbraendelige Huse auf Jord. Uddraget at Cointeraux
Page 40
Hubert Guillaud
Beskrivelse og i abskilligt forandret ) a vraisemblablement eu un impact assez important au Danemark. Une étude
réalisée en 1959 par Sven Risom71 évalue à 4 000 maisons qui ont été bâties en pisé, en application des techniques
diffusées par Seidelin, jusqu'en 1871, alors que les toutes premières réalisations ont été édifiées vers 1795. Risom lui-
même, rapporte avoir dirigé un chantier de 20 maisons construites à la manière de celles de la fin du XVIIIème siècle
dans le cadre d'une opération de revalorisation du patrimoine, en 1959.
L'ouvrage de Seidelin a été aussi traduit en Finnois et l'on note l'existence d'une édition de 1798, intitulée Stamphus
(Fig. 30), renvoyant en introduction à l'édition danoise de 1796. D'autres publications ont été aussi repérées, en 1799, et
un fascicule de Andra Tomen, édité en 1807, introduit par un Professeur de Philosophie dénommé Daniel Ferdinand
Mallen qui commente une planche dessinée illustrant la technique du coffrage pour le pisé. Il semble également que des
auteurs allemands du XIXème siècle aient été traduits en finnois, comme Friedrich Engel72 dont un des ouvrages parut
en 185373 présente plusieurs très belles planches dessinées, très détaillées, sur la manière de concevoir et de mettre en
place un coffrage à pisé de forme très sophistiquée permettant de construire les angles des murs gouttereaux et les
liaisons en "T" des murs gouttereaux et de refend.
L'information concernant l'influence directe ou indirecte de François Cointeraux en Scandinavie, fait défaut. Néanmoins
quelques articles rédigés par des historiens et des chercheurs finlandais ayant développé un intérêt pour l'histoire de
l'habitation en terre de leur pays, fournissent quelques indices intéressants. Nous nous référons ici notamment à un
article de Ola Ehn, publié en 196374 qui fait état de la réalisation de bâtiments en terre, au début du XIXème siècle,
apparemment en milieu urbain, à Uppsala, dont la conception semble appliquer des solutions constructives économes en
bois (grands arcs en façade). La composition de la façade de cette habitation n'est pas sans rappeler l'allure de certains
modèles de Cointeraux qui caractérise également d'autres réalisations allemandes de cette même époque. Un architecte
du nom de Gustaf Af Sillen aurait été trés sensible à la construction en terre et aurait réalisé plusieurs ouvrages en pisé
et de ce type, entre 1803 et 1812.
D'autres indications nous sont fournies par une correspondance échangée avec M. Mikael Westermarck75, architecte
installé à Helsinki ayant développé quelques recherches historiques sur l'emploi du Pisé en Finlande. L'auteur atteste de
l'influence de Cointeraux en Finlande, à partir de la traduction allemande de ses écrits, par David Gilly, à laquelle il se
réfère (cf. note 62) et confirme le rôle joué par l'édition finnoise de Seidelin, Stamphus . L'influence de Seidelin (et donc
de Cointeraux) se fait sentir par une évolution qualitative certaine de la construction en terre traditionnelle finlandaise
qui semble adopter le pisé en remplacement du colombage hourdé de torchis. Il évoque ensuite un autre ouvrage publié
en 1799 que l'on situait précédemment, qui fournit des instructions techniques très utiles pour une mise en pratique du
pisé76. Les plus vieilles maisons en pisé bâties en Finlande datent du début du XIXème siècle et ont été édifiées à
Strömfors, simultanément à celles construites à Uppsala par Gustav Af Sillen ; elles sont directement inspirées des
instructions données par le livre datant de 1799. Un presbytère datant de cette époque, bâti en pisé avec un revêtement
de façade en briques, a été repéré à Jokioinen. De même, à la suite de la destruction de la cité de Pori, en 1801, il était
recommandé de la reconstruire en terre. Il semblerait que seuls quelques bâtiments aient été effectivement ainsi
reconstruits. Mikael Westermarck rapporte également que plusieurs propriétaires terriens ont construit leurs bâtiments
agricoles annexes (étables notamment) en terre, préférant ce matériau à la pierre qui retient davantage l'humidité. De
tels bâtiments, datés de 150 ans, ont été repérés sur plusieurs domaines comme les manoirs de Bisgard, Palojärvi et
Suitia. Il semblerait également que des écoles aient été construites en terre en milieu rural au cours du XIXème siècle
(exemples repérés à Niinikoski et Iitti ainsi qu'une laiterie). Le patrimoine finlandais bâti en terre demeure néanmoins
assez réduit puisque l'inventaire qui a été réalisé relève l'existence d'une centaine d'ouvrages dont beaucoup demeurent
néanmoins en bon état.
L'influence de Cointeraux et de ses traducteurs en Europe du Nord semble avoir été notoire au début du XIXème siècle,
bien davantage au Danemark qu'en Finlande. La proximité de l'Allemagne et le mouvement favorable au pisé qui naquit
en Schleswig-Holstein (région frontalière) ainsi que la rencontre historique, à trois ans d'écart, entre les traductions de
Cointeraux par David Gilly (1796) et par K.H. Seidelin expliquent sans doute cela.
71 Risom, Sven, 1959, étude non référencée, citée par Jochen Georg Güntzel dans son article sur le patrimoine bâti en terre de Schleswih-Holstein,
Bauen Mit Lehm n°1, cf. note 55
72 Nous n'avons connaissance que de deux titres de Friedrich Engel, publiés plus tardivement : Kalk-Sand-Pisé-Bau, Wieganst, Hampel und Parly,
Berlin, 1865 et Die Bau-Ausfürhung, Berlin, 1885.
73 Engel, Friedrich, Anvisning, Att Uppföra, Byggnader af stampadt kalkbruk, Helsingfors, hos J. Simelii arfvingar, 1853
74 Ehn, Ola, Lerhus i Uppsala, in Arsboken Uppland, 1963, pp. 100-101
75 Westermarck, Mikael, A Resume of the history of the Rammed Earth Construction in Finland, janvier 1993, correspondance.
76 Auteur non identifié, Underrättelse för almogen att bygga Hus af Ler-bruk, 1799.
Page 41
Hubert Guillaud
En Suisse
La Suisse a semble t-il accueilli favorablement l'idée de construire en terre et particulièrement en pisé, avant l'époque de
grande diffusion européenne des idées et théories de Cointeraux. En effet, un architecte du nom de Alfred Zschokke
(1825-1879), à qui la Commission de reconstruction du canton d'Argovie confiait le réaménagement de Fislibach,
sinistrée par des incendies, se mettait, à l'âge de 23 ans, au service de la population de cette localité argovienne. Le pisé
est alors valorisé comme un mode construction économique et incombustible, hygiénique, c'est à dire en valorisant les
mêmes arguments que François Cointeraux défendait cinquante ans auparavant. Alfred Zschokke a construit sept fermes
en pisé à Filisbach qui ont été répertoriées sur un plan établi en 1850. Il semblerait, d'après des études réalisées par
l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne que la connaissance de cette technique du pisé soit parvenue en Suisse
depuis les régions du Lyonnais et du Bugey, par le chenal du Rhône et de maçons français venus s'installer dans le pays
77.
L'intérêt des milieux savants suisses pour le pisé est confirmé par la publication, en 1857, d'un opuscule de Louis
Raymond expliquant la technique du banchage et de la compression de la terre78. Cette publication était en effet réalisée
aux frais de la Direction d'Industrie et d'Agriculture de l'Institut national genevois. Ce mémoire est présenté après que
l'auteur ait déjà eu l'occasion de lire un rapport sur les bétons moulés et comprimés des frères Coignet et attire
l'attention des membres de l'Institut genevois sur le pisé comme "genre de construction très économique et à la portée
de presque tout le monde". La communication de Louis Raymond se situe dans la préoccupation du mouvement des
hygiénistes de l'époque, qui entend développer des constructions plus solides, saines, tout en demeurant économiques,
pour les classes pauvres.
L'influence directe de Cointeraux sur ce mémoire serait tardive et il semblerait, aux dires de Louis Raymond, que le
pisé est une technique déjà connue des suisses depuis la deuxième moitié du XVIIIème siècle, même si ses sources
d'information sont basées sur le souvenir populaire. Il observe en effet qu'il existe des bâtisses en terre, "surtout près de
Chêne et du côté de Myrin et de Versoix". Raymond fait implicitement l'hypothèse que ce mode de construction a été
introduit en Suisse depuis les régions limitrophes de la France où le pisé est courant dans les départements de l'Ain, du
Rhône et de l'Isère. Dissertant plus loin sur "les origines des constructions en terre chez nous", il précise en ces termes :
"Il y a quatre-vingt dix ans environ, qu'un ouvrier charpentier de Lyon - dénommé Ronchet - chassé de sa patrie par le
manque d'ouvrage, passa le Jura, et vint à Genève pour exercer son état ; il fut employé, en cette qualité, près de
Chêne. Comme il était aussi ouvrier piseur, il remarqua la bonté des terres argileuses du sous-sol de toute cette partie
de la frontière, touchant le territoire de la République de Genève, pour la construction des maisons. Il proposa à un
particulier, qui voulait faire bâtir une ferme, de la lui construire économiquement ; l'offre fut acceptée, et l'ouvrier
lyonnais se mit à l'oeuvre et l'exécuta en pisé. - La maison qu'il fit existe encore et est située sur la route de Chêne à
Jussy. Elle est très connue sous son nom primitif ; (…) on n'a qu'à demander la maison de terre."
On connaît aussi d'autres réalisations en pisé, en Suisse, dont fait état un récent ouvrage édité par la Société suisse des
ingénieurs et des architectes79. Il s'agit d'une école, construite en 1843, à Thundorf, Canton de Thurgovie, rénovée en
1991, ainsi qu'une habitation, construite en 1848, à Fislisbach, Canton d'Argovie, dont le premier niveau seul est en pisé
et l'étage en structure à colombage. Le modèle architectural de l'école de Thundorf, exception faite de sa tour-horloge
(Fig. 31), n'est pas sans rappeler les écoles construites en pisé, dans le Dauphiné, à la même époque ainsi que des
bâtiments plus anciens construits en Allemagne dont le style évoque certains modèles de bâtiments en "nouveau pisé "
de François Cointeraux.
Revenant aux références de bâtiments que fournit Louis Raymond, on peut dire que le souvenir populaire, confirme de
nouveau la filiation avec le savoir-faire régional lyonnais qui était à l'origine de l'ensemble des articles, opuscules et
traités modernes sur le pisé, de Georges-Claude Goiffon à Jean-Baptiste Rondelet, en passant par F.C. Boulard et
François Cointeraux. Raymond fait d'ailleurs une claire référence à cet héritage en citant Cointeraux qui "écrivit son
ouvrage, sous le titre de : Architecture rurale, dans laquelle on apprendra soi-même à bâtir solidement les maisons de
plusieurs étages avec la terre seule." Cette référence renvoit également en note à un autre architecte suisse, du nom de
77 ZSCHOKKE, A., Anleitung zum Pisé-Bau, Mit Spezieller Rüdficht auf bas Berfahren bei den Bauten im Kanton Aargau, Gauerländer, Verlags,
Haran, 1849. Cf aussi, traduction française réalisée par l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, par Werner Heerde, sous l'intitulé Bâtir en pisé,
1983.
78 Raymond, Louis, Mémoire Sur La Bâtisse en Terre, Imprimerie d'Elie Carey, Genève, 1857, 44 p. et 2 planches dessinées.
79 Lehmbau Atlas, Société suisse des ingénieurs et des architectes, Documentation D 0112, Zürich, Avril 1994, 104 p., pp. 30-37
Page 42
Hubert Guillaud
T. Morisot, qui aurait "aussi traité des constructions rurales et économiques". Le mémoire de Louis Raymond reprend
d'ailleurs, avec le même enthousiasme, l'ensemble de l'argumentaire en faveur du pisé déjà présenté par ses illustres
prédécesseurs, tout en apportant une forme plus scientifique sur l'aspect de l'analyse des terres et ménageant une
ouverture sur les "pisé-béton" de François Coignet en fin du texte. L'explication de l'outillage et du mode de mise en
oeuvre renvoit aux planches dessinées et aux textes de l'Art de Bâtir de Rondelet. L'influence de la littérature française
est donc évidente bien qu'elle ait été reçue plus tardivement que dans les autres pays européens.
En Italie
L'emploi du matériau terre en construction, en Italie, remonte aux temps très anciens. Dans son ouvrage, Eugenio
Galdieri80, consacre un chapitre général à l'histoire de la construction en terre italienne qui rappele que les
établissements de l'antiquité romaine étaient fortifiés par des levées de terre : l'agger terreus carinarum. On connaît
plusieurs exemples archaïques de systèmes défensifs de ce type, dans les territoires du Lazio et de l'Etrurie méridionale,
à Lavinium, Ficana, Pratica, datés du VIIème au VIème siècle av. J.C. Ces fortifications perduraient jusqu'aux époques
romaines récentes (1er siècle av. J.C.) et Varron81 témoigne que les bâtisseurs des territoires sabins utilisaient le pisé
"en mélange de terre et de gravier aggloméré dans des moules, comme en Espagne et dans le territoire de Tarente."
D'autres auteurs illustres des époques romaines ont évoqué l'utilisation constructive de la terre pour les ouvrages de
défense ou l’habitat82, en Italie ou dans d'autres territoires du pourtour méditerranéen (Espagne, Gaule, Afrique du
Nord).
Même s'il fut connu des romains, sous l'appellation d'opus formarium et d'opus africanum, le pisé - terme dérivé du latin
populaire pi(n)sare ou pisare qui signifie massiver - ne fut pas beaucoup utilisé sur la péninsule qui utilisait davantage
une antique tradition de la brique crue (lateres) héritée des influences de la Grande Grèce (Vème siècle av. J.C.). Ce
matériau est d'ailleurs toujours dominant dans le patrimoine d'habitat rural en terre existant, dans les Abruzzes, les
Marches, dans les Pouilles, en Lucanie et en Calabre ainsi que dans les Campidani de Sardaigne83.
On retrouve quelques traces d'utilisation du pisé en Italie, au Moyen Âge, évoquées par un ouvrage sur l'histoire de la
maison rurale de B. Crova84 : "le abitazioni si ridussero a rozzi tuguri costituiti del legname … ovvero da paglia et
terra battuta, costituendo i muri che presero il nome di pisé (…)." Des influences étrangères, à la fois orientales et
occidentales, contribuèrent à introduire leurs modes de construction en terre traditionnels, entre le début du XVIème et
la première moitié du XVIIIème siècles. Ce fut notamment le cas d'une population chrétienne émigrant de Yougoslavie,
Albanie et Grèce, chassée par les invasions ottomanes dans les Balkans et qui se réfugia dans les Marches, les Pouilles
et en Calabre85. Ce fut également le cas dans le Piémont méridional où, au début du XVIIème siècle, des Sarrasins
venus d'Espagne se seraient installés dans la région de Scrivia86. Ces populations bâtissent leur habitat en terre avec des
techniques qui ne sont pas méconnues des italiens mais qui ne les réservaient plus alors qu'à des ouvrages mineurs.
Le pisé, en Italie, ne peut être observé que sur l'habitat rural de deux régions, principalement. D'une part dans le
Piémont méridional et notamment dans l'aire dénommée "Frascheta" qui correspond à la partie sud de la province de
Alessandria (villages de San Giuliano Nuovo, San Giuliano Vecchio et Mandragne, p.e.), également dans la Plaine de
Marengo et d'autre part sur quelques territoires de Toscane (aires de la Valdechiana et de la Cortona) 87. La typologie
de l'habitat en pisé de ces régions, soit groupé en villages (Piémont), soit plus dispersé (Toscane), restitue des modèles
80 Galdieri, Eugenio, Le meraviglie dell'architettura in terra cruda, Editori Laterza, Rome-Bari, 1982,305 p. ; Chapitre VIII, una piccola Italia di
argilla, pp. 191-200
81 Varron, Res Rusticae, I, 14, 40, traduction Les Belles Lettres, 1978.
82 Vitruve, De Architectura, II, 3, 8, 9 ; Pline l'Ancien, Naturalis Historia, XXXV, 47, 48 ; Tacite, Historia, I, 86 ; Columelle, De Re Rustica, X, 1, 2
et XI, 3, 2
83 Baldacci, Osvaldo, Carte de la diffusion de la brique crue en Italie, L'ambiente geografico de la casa in terra in Italia, in Revue de géographie
italienne, Vol. LXV, Florence, 1958 ; du même auteur, La Casa Rurale in Sardaigna, Florence, CNR, 1952.
84 Crova, B., Case rurali attraverso i secoli, Difesa Sociale, XIII, n°9, 499 p., Rome, 1934, cité par Eugenio Galdieri.
85 Galdieri, Eugenio, Etat et futur des Bâtiments Italiens en Terre : les cas du Piémont et de la Sardaigne, in Le Patrimoine Européen en Terre et sa
Réhabilitation, MELATT, ENTPE, Université Jean Moulin Lyon III, Mars 1987, 583 p., pp. 258-259
86 Barozzi, Pietro, Etude, Le trunere della Frascheta nella piana di Alessandria, Revue de géographie italienne, cité par Mauro Bertagnin en note 27
de l'édition critique du manuel de Del Rosso (1793), voir par la suite.
87 Bertagnin, Mauro, L'architecture de terre en Italie : connaissance et réhabilitation d'un patrimoine typologique et technologique méconnu, in le
Patrimoine Européen Construit en Terre et sa Réhabilitation, op. cit., pp. 219-253 ; et, du même auteur, De Cointeraux à Del Rosso, …, in 7a
Conferencia internacional sobre o estudio e conservaçao de Arquitectura de Terra, Terra 93, DGEMN du Portugal, octobre 1993, 659 p., pp.153-158
Page 43
Hubert Guillaud
très simples de maisons bloc en hauteur très compactes (Plaine de Marengo, Fig. 32) ou de maisons bloc à terre en
longueur (Toscane), qui correspondent à l'habitat des populations rurales les plus pauvres (journaliers). On ne trouve
pas de témoignage d'une architecture en pisé très élaborée qui aurait adopté les éléments de composition typés de la
stylistique du XVIIIème et du début du XIXème siècle, comme c'est le cas en France, en Allemagne (maison
Boeckmann de Meldorf, 1795, p.e.) ou même en Suisse (école de Thundorf, 1843, p.e.). Il est vrai que nous sommes là
en présence d'une architecture rurale pauvre et non bourgeoise.
C'est donc sur ce legs historique et culturel d'une pratique constructive en terre trouvant ses origines dans l'antiquité et
qui s'est maintenue jusqu'au XVIIIème siècle, que se situe, en Italie, l'introduction de la pensée théorique et technique
de François Cointeraux. C'est en effet avec l'adaptation critique de ses Cahiers d'Ecole d'Architecture Rurale, par
Giuseppe Del Rosso, qui publie en 1793, son opuscule intitulé "Dell'economica costruzione delle case di terra"88 que
s'opère cette introduction (Fig. 33 et 34). Del Rosso assume donc, en 1793, un rôle stratégique pour la diffusion en
Italie, de la pensée de Cointeraux, comme le font, simultanément, Henry Holland en Angleterre et David Gilly en
Allemagne. La préoccupation de l'auteur est claire et comparable à celle de ses confrères architectes européens, comme
lui membres de sociétés savantes et d’académies89. Il traduit et adapte Cointeraux dans le souci d'être utile à
l'amélioration des conditions de vie rurales, et dédie son opuscule "aux propriétaires industrieux et aux habitants de la
Région de Toscane". Del Rosso se situe donc directement dans le lignage de la pensée de l'Europe encyclopédiste et
illuministe de l'époque qui, de Georges-Claude Goiffon (1772) à Cointeraux (1791), et prolongeant son impact jusqu'à
Jean-Baptiste Rondelet (1812), portait une attention fondamentale à l'amélioration de l'habitat rural et voyait dans l'art
de bâtir en pisé, une solution à même de garantir la salubrité, la durabilité, l'incombustibilité de cet habitat, tout en
faisant appel à l'utilisation de moyens économiques. Del Rosso reprend finalement à son compte le concept original de
Cointeraux, celui "d'Agritecture", science qui unit l'Agriculture et l'Architecture. Nous somme là aussi dans la
perspective d'une construction rurale élevée au rang de modèle d'architecture simple et naturellement beau, tel que le
concevait Laugier dans son Essai sur l'Architecture (1753).
Le traité de Del Rosso est particulièrement intéressant car, au-delà de la seule diffusion de la pensée théorique et
technique de Cointeraux, il fournit des éléments de première importance sur la typologie de l'architecture rurale en pisé
de Toscane. En effet, l'édition florentine de Bouchard restitue en annexe une correspondance de l'éditeur avec le
Docteur Leonardo De' Vegni90 qui rapporte l'origine de certaines maisons rustiques de Toscane, sur les terroirs de la
Valdechiana, dénommées "case rustiche alla Francese"91.
Evaluer l'impact de la diffusion de la pensée de Cointeraux, via Del Rosso et Leopardo De'Vegni, en Italie, et
particulièrement en Toscane et dans le Piémont méridional où demeure le pisé, demeure difficile. L'habitat rural en pisé
de ces régions est modeste et constitue en tout cas une trace de l'écho de cette pensée utile qui est devenue, à l'évidence,
un savoir-faire de constructeurs régionaux se perpétuant jusqu'aux premières époques de notre siècle - des bâtiments
répérés dans la région de la Cortona, en Toscane, sont datés des années 1915-1920.
Mais, les répercussions de cette pensée théorique et technique, en Italie, n'ont pas pris, semble-t-il, l'ampleur que l'on
peut observer en Allemagne où le mouvement favorable au pisé était appuyé par une production littéraire plus
abondante et continue, depuis la traduction des Cahiers de Cointeraux par Gilly (1793) et jusqu'aux époques
contemporaines de l'après Seconde Guerre Mondiale (Fauth et Niemeyer, en 1946). Il en allait de même pour la France.
Malgré tout, en Italie, le Traité de Del Rosso n'en demeure pas moins une référence quant à l'étude de l'expansion
européenne de la pensée de François Cointeraux.
Péninsule ibérique
L'état actuel de nos recherches ne permet pas d'étudier l'architecture en pisé espagnole (Catalogne, Andalousie) ou
portuguaise (Alentejo), à la lumière d'une influence supposée des écrits de Cointeraux, d'ailleurs tout-à-fait hasardeuse.
Dans la péninsule ibérique, cet art de bâtir en pisé doit être plutôt rattaché aux influences culturelles antiques issues des
88 Del Rosso, Giuseppe, Dell'economica costruzione delle case di terra, Presso J.A. Bouchard, Florence, 1793, 75 p. et 4 planches tirées de
Cointeraux. Cet opuscule vient d'être récemment réédité avec une introduction critique de Bertagnin, Mauro, Il Pisé e la Regola Manualistica
Settecentesca per l'Architettura in Terra, Riedizione critica del manuale di Giuseppe Del Rosso, EdilStampa, Roma, 1993, 107 p. pp. 11-27. Nos
références sont principalement prises dans cet ouvrage.
89 Del Rosso est membre de la R. Academia De' Georgofili de Florence et Holland membre du Board of Agriculture de Londres.
90 De' Vegni, Leonardo, Dottor, Lettre à J.A. Bouchard du 26 juillet 1793, Rome, op. cit., note 88, pp. 46-74
91 p. 48 du traité de Del Rosso, op. cit, note 86
Page 44
Hubert Guillaud
pays du Maghreb et particulièrement aux pratiques constructives puniques 92 tout d'abord et, plus tard, au Moyen Âge
aux pratiques des Sarrasins qui excellaient dans la construction de systèmes de défense puis, sous les Grands Califats,
d'une architecture monumentale et palatiale (l'Alhambra de Grenade en est l'un des plus beaux exemples). L'origine du
terme tapial - ou tabia - est bien claire est "constitue la transcription hispanique directe du mot tâbiya lui même dérivé
du terme africain toub 93 ", issu de ottob (Egypte). Le terme portuguais taipa est issu de la même origine.
L'édition récente, en catalan, d'un ouvrage sur le pisé 94 confirme les origines historiques précédemment évoquées, la
perdurance de ce mode de construction aux époques d'occupation romaine (site de Empurias, p.e.) et les influences
postérieures des époques des Califats maures. Cet ouvrage permet néanmoins de relever l'existence d'un traité de
maçonnerie 95, édité en 1827, de Juan de Villanueva, dont une partie est consacrée à la construction en terre et décrit la
technique du pisé. Deux illustrations (planches 25 et 27) restituent l'outillage nécessaire au pisé (banches et pilon) et
illustrent la mise en oeuvre d'un mur qui traduit la technique très typée de Catalogne, où les banchées de pisé sont
parfois harpées d'une maçonnerie de briques (Fig. 35). Le coffrage s'apparente assez bien à celui que l'on peut observer
de nos jours encore, au Maroc. Les auteurs catalans font aussi référence à un autre ouvrage, publié en 1873-1874, de
Leandro Serrallach, qui aurait fourni des instructions techniques sur le pisé96.
Seul, l'ouvrage de Villanueva est contemporain des publications tardives de Cointeraux et du Traité de l'Art de Bâtir de
Rondelet mais aucune référence à ces classiques du genre, ne peut être confirmée.
La portée universelle des écrits de François Cointeraux qui établissent les bases essentielles d'un savoir théorique sur la
construction en "nouveau pisé", résulte d'un ensemble de conditions historiques favorables. D'une part, l'existence d'une
culture constructive vivante et en pleine maturité, dans les régions du Lyonnais, du Val de Saône, du Forez et du
Dauphiné, culture de référence dont Cointeraux témoigne. D'autre part, des tentatives antérieures de constitution d'un
savoir et de valorisation théorique, par des auteurs s'établissant eux-aussi comme des références dans leur époque : G.C.
Goiffon et F.C. Boulard. Une époque qui couvre un siècle, à la charnière du XVIIIème et du XIXème siècles, de 1750 à
1850, traversée par la pensée illuministe, des physiocrates et encyclopédistes dont quelques unes des préoccupations
centrales tournées vers le progrès des nations, favorisent la naissance de l'agriculture moderne, base du progrès
économique et social, et revalorisent la construction rurale comme archétype de l'architecture civile et publique, depuis
l'antiquité. L'expansion de cette pensée et de ses applications concrètes, s'appuit sur un réseau d'académies, de sociétés
savantes d'agriculture, belles lettres et arts, qui établit ses ramifications dans l'ensemble des capitales européennes. La
constitution, rapide, de la science moderne de la construction par une théorisation de l'ensemble de "l'Art de Bâtir"
génère une chaîne quasiment ininterrompue d'opuscules et de traités en tout genre, à l'usage des architectes, ingénieurs
et entrepreneurs.
Le savoir bâtir en "nouveau pisé" connaît sa grande période d'expansion historique, à la dimension internationale, grâce
à une poignée d'hommes attentifs aux nouvelles idées et découvertes qui répondent à leur idéal intellectuel de progrès.
Henry Holland et David Gilly vont à leur tour susciter d'autres vocations et les auteurs qui se succèdent, en Angleterre,
aux Etats-Unis d'Amérique, en Allemagne, amplifient cette expansion. L'écho international de ses écrits aurait sans
doute surpris Cointeraux lui-même qui, tout en étant persuadé "qu'il rendrait de plus en plus importants services97 "et
que l'on se rendrait un jour "à la vérité de l'utilité de ses travaux"98, se plaignait qu'une société d'artistes viennois
realisât une "contrefaçon" de son modèle de maison incombustible et que ces réalisations plagiaires fussent basées sur
la diffusion de "copies maladroitement calquées99 " ou de l'achat d'un seul exemplaire de ses cahiers servant à ces
92 Attesté par les fouilles du site de la colline de Byrsa sur le site de Carthage et par des écrits anciens, Varron et Pline l'Ancien, op. cit, cf. note 80
93 Bazzana, André, La construction en terre dans Al-Andalus : le Tabiya, in 7a Conferencia internacional sobre o estudio e conservaçao de
arquitectura de terra, Terra 93, DGEMN du Portugal, octobre 1993, 659 p., pp. 76-82
94 Font, Fermin et Hidalgo i Chulio, Pere, El Tapial, una tècnica constructiva Mil. Lenària, 1991, 2ème édition, 172 p., à compte d'auteurs
95 De Villanueva, Juan, El Arte de la Albanileria, Madrid, 1827
96 Serrallach, Leandro, Construccion y manipulaccion de materiales, 1873-74
97 Cointeraux, François, op. cit., note 24
98 Cointeraux, François, op. cit., note 27
99 Cointeraux, François, Paris tel qu'il était à son origine, Paris tel qu'il est aujourd'hui, Paris, an VII
Page 45
Hubert Guillaud
réalisations maladroites100. Il y a là un paradoxe dans l'attitude de Cointeraux mais beaucoup des auteurs qui se sont
inspirés de son travail, à commencer par ses illustres ou moins illustres traducteurs anglais (Henry Holland), allemand
(David Gilly et Christian Ludwig Seebass), italien (Giuseppe Del Rosso), danois (K.H. Seidelin), ainsi que Jean-
Baptiste Rondelet, lui ont rendu systématiquement hommage. Les idées échappent souvent aux hommes qui les
conçoivent et il est bien que ce soit ainsi quand elles sont destinées à servir une cause universelle, celle de l'amélioration
du cadre bâti des plus démunis.
Cette période historique de constitution du savoir sur le pisé et d'apogée de sa valorisation pratique, au cours de la
première moitié du XIXème siècle, correspond aussi aux grandes mutations économiques déjà tournées vers la
Révolution Industrielle et le développement des matériaux de construction modernes. L'histoire du béton est en marche
dès la fin du XVIIIème siècle avec la mise au point d'un conglomérat de chaux vive, argile, sable et scories ferreuses,
par John Smeaton, en 1774, et l'utilisation des premiers bétons maigres de même type, en Angleterre. Puis, ce sont les
restrictions économiques des années suivant la Révolution Française de 1789, qui conduiront quelques inventeurs, dont
Henri Vicat, industriel grenoblois, vers 1800, à réaliser la synthèse du ciment hydraulique. De même, Joseph Aspidin, à
partir de 1824, pratique ses premières expériences de pierres reconstituées avec le moulage d'éléments en ciment
Portland. En France, François Coignet (1814-1888), va développer son "pisé-béton" qu'il utilisera comme un "bâtisseur
lyonnais" mais remplaçant la terre par un mortier de cendres de houille composé de chaux, cendres et scories101. Ces
inventions vont inaugurer une période de nouveaux brevets qui verra se succéder "bétons agglomérés", "bétons
économiques", "pierres factices" et autres appellations pour des matériaux préparant l'avènement de la technologie du
béton armé. Ces nouveaux bétons, utilisent, dans leur première époque, le même outillage que le pisé classique ou que
le "nouveau pisé" et le compactage manuel (pisé-béton de Coignet et béton ou pisé de machefer). Nous sommes donc à
la charnière d'une époque décisive dans l'évolution des matériaux, des techniques et des cultures constructives, au cours
de laquelle, l'apport théorique initial de Cointeraux et de ses successeurs immédiats, ne doit pas être négligé en tant que
fondement de ces nouvelles découvertes. Les nouveaux bétons qui parviennent rapidement à maturité technique, dès le
milieu du XIXème, vont progressivement exclure les matériaux de construction traditionnels et les cultures
constructives de la maçonnerie classique, exclusion rapide dès lors que se répand la technologie du béton armé.
Notre conclusion veut aussi valoriser les dimensions pédagogiques de François Cointeraux, qui voulait transmettre ses
idées et découvertes à des élèves. Ce "Professeur d'Ecole d'Architecture Rurale" qui eut tant de difficultés à faire
reconnaître ses enseignements par les autorités de son temps, déménageant plusieurs fois son école et ses ateliers,
finissait par trouver refuge dans l'écriture. Une production abondante qui étonne encore. Ces écrits seront le vecteur
efficace de la transmission de ses idées chez des lecteurs et disciples acquis à la même cause. L'Ecole d'Architecture
Rurale, spécifiquement dévolue à l'enseignement de la construction en pisé, a vu le jour en Allemagne, sur un terrain
idéologique qui générait la plus grande tragédie de notre histoire moderne mais elle répondait en même temps à
l'impératif de développement de matériaux et de solutions constructives économiques dont la véritable utilité s'affirmait
avec la reconstruction de l'après Seconde Guerre Mondiale. C'est aussi sur le terrain de la Crise de l'Energie du début
des années 70 et de la pénurie dramatique de logements dans les pays en développement que se sont fondées d'autres
écoles de construction en Terre, en France, et désormais dans d'autres pays102. Ces écoles privilégieront la liaison entre
un savoir académique et un savoir-faire pratique en atelier de construction ainsi que les chantiers de démonstration sur
le terrain. Le modèle de pensée pédagogique de François Cointeraux trouve peut-être aujourd'hui sa pleine répercussion
et son plein épanouissement.
100 Cointeraux, François, Architecture périodique ; ou Notice des travaux et approvisionnement que chacun peut faire … pour améliorer ses fonds,
Paris, aux bureaux de l'Ecole d'architecture rurale, 1792, 82 p.
101 Simonnet, Cyrille, Le Béton Coignet, stratégie commerciale et déconvenue architecturale, in Les Cahiers de la Recherche Architecturale, n°29,
Culture Constructive, Editions Parenthèses, 1992, 137 p., pp. 15-32
102 Une école de construction en terre pour maîtres-maçons et petits entrepreneurs a été créée au Portugal, à Serpa, en 1993, dans le cadre d'un programme
gouvernemental d'enseignement sur les arts et traditions populaires. Un Pôle d'Enseignement de la Construction verra prochainement le jour, en 1998, sur la Ville Nouvelle
de l'Isle d'Abeau, près de Lyon, qui associe plusieurs écoles d'architecture, d'ingénieurs et d'arts sur cette perspective du développement d'un enseignement par le chantier.
Une Chaire Unesco "Architectures de Terre, Cultures Constructives et Développement Durable", dont la principale vocation est de faciliter l'installation d'enseignements
spécialisés sur la construction en terre pour les établissements humains, l'habitat économique et la conservation des patrimoines architecturaux, dans les universités et
centres de formation technique des pays en développement, sera lancée en 1998. Ce projet axé sur le transfert situé des savoirs et savoir-faire sera piloté par l'École
d'Architecture de Grenoble et le CRATerre comme centre d'excellence.
Page 46
Hubert Guillaud
Bibliographie sélective
(Cette sélection bibliographique vient compléter les nombreuses références fournies en notes de texte)
Baldacci 1958: BALDACCI, Osvaldo - L'ambiente geografico delle case di terra in Italia, Rivista Geografica Italiana,
LXV, 1958.
Barber 1805: BARBER, William - Farm Buildings, 1805.
Bertagnin 1993: BERTAGNIN, Mauro - Il Pisé e la Regola Manualistica Settecentesca per l'Architettura in Terra,
Riedizione critica del manuale di Giuseppe Del Rosso, EdilStampa, Roma, 1993, 107 p. pp. 11-27.
Cellauro et al 1983 : UPAL, CNRS, A-VENIR, UPAG : CELLAURO L., RICHAUD, G., BERTIN, D.,
CLEMENÇON, A.S., GUILLAUD, H., DU BOISBERRANGER, F., DOAT, P., DE LOITIÈRE, F. - Architecture de
terre. François Cointeraux 1740-1830, Rapport 3ème phase. AGRA-UPAG, Grenoble, 1983, France, 620 p.
Cody 1985 : CODY, Jeffrey William - Earthen Wall Construction in the Eastern United States, Master of Arts,
Graduate School of Cornwell University, Juin 1985, 460 p.
Cody 1990: CODY, Jeffrey, William - Earthen walls from France and England for north american farmers, 1806-
1870, in Adobe 90 preprints, Ed. Getty Conservation Institute, Los Angeles, Etats-Unis, 1990.
Cointeraux 1790: COINTERAUX, François - École d'architecture rurale et économique, Paris, Imprimerie N.H.
Nyon, 1790, 2 p.
Cointeraux 1791: COINTERAUX, François - École d'Architecture Rurale ; premier cahier ou les leçons par
lesquelles on apprendra soi-même à bâtir solidement les maisons de plusieurs étages avec la terre seule, Paris, 1791.
Cointeraux 1791: COINTERAUX, François - École d'Architecture Rurale ; deuxième cahier dans lequel on traite de
l'art du pisé …, des qualités des terres propres au pisé …, des détails de la mise en oeuvre, du prix de la terre, 76 p.
illus., Paris, 1791
Cointeraux 1791: COINTERAUX, François - École d'Architecture Rurale ; quatrième cahier dans lequel on traite du
nouveau pisé inventé par l'auteur, de la construction en terre et de ses outils …, 68 p., Paris, 1791.
Cointeraux 1806 : COINTERAUX, François - Du nouveau pisé, ou de l'art de faire le pisé par appareil, Paris, 1806,
19 p.
Cointeraux 1806 : COINTERAUX, François - Description curieuse et instructive des modèles en pisé et autres, que
l'on voit dans l'atelier du Sieur Cointeraux, 1806, 20 p.
Conrad 1840: CONRAD, Ernst - Veder den Pisé-Bau, Kretschmar, Chemnitz, 1840.
Dassler 1990: DASSLER, Lee - Nineteenth Century New York State Earthen Homes : An Investigation Of Their
Material Composition, in Adobe 90 Preprints, The Getty Conservation Institute, Los Angeles, 1990, 469 p., pp. 430-
437.
Del Rosso 1793: DEL ROSSO, Giuseppe - Dell'economica costruzione delle case di terra, Presso J.A. Bouchard,
Florence, 1793, 75 p. et 4 planches tirées de Cointeraux.
Delorme 1745: DELORME, G.M. - Mémoire pour la construction des murs en terre, lu le 17 mars 1745 à Amiens, à
l'Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon.
De Villanueva 1827 : DE VILLANUEVA, Juan - El Arte de la Albañileria, édition en facsimile, Madrid, 1827.
Diderot et D’Allembert 1771: DIDEROT et D'ALEMBERT - Pisay, pisey, pisé, article publié en supplément au
volume 4 de l’Encyclopédie, pp. 384-385 de l'édition de 1771, Paris.
Doat et al 1985 : AGRA - CRATerre : DOAT, P., GUILLAUD, H., ROLLET, P., HOUBEN, H. .- Pour une étude
raisonnée des architectures en pisé : état du savoir-faire "pisé" français et étranger. EAG, AGRA, MUL/DAU/SRA,
Grenoble, 1985, France, 388 p.
Estienne et Liébault 1763 : ESTIENNE, Charles, LIÉBAULT, Jean - La maison rustique ou l'économie générale de
tous les biens de la campagne, la manière de les entretenir ou de les multiplier, datée de 1763, en deux tomes ; tome 1,
664 p. et tome 2, 677 p.
Faust 1839: FAUST, B.C. - Der Lehmsteinbau,, Buckeburg, 1839.
Fauth 1948: FAUTH, W. - Der praktische Lehmbau, Singen-Hohentwiel, Weber, 1948.
Font et Hidalgo 1991 : FONT, Firmín et HIDALGO, Pere - El Tapial, une tècnica constructiva mil.lenària, édition à
compte d'auteur, 1991, 172 p.
Gilly 1797: GILLY, David - Handbuch der Land : Bau : Kunst, vorzüglich in Rücksicht auf die Construc der Wohn :
und Wirthschafts : Gebaüde für angehende Cameral : Baumeister, Friedrich Vieweg dem älteren, Berlin, 1797.
Gilly 1811: GILLY, David, (réédition de l'ouvrage précédent) - Handbuch der Land : Bau : Kunst, vorzüglich in
Rücksicht auf die Construc der Wohn : und Wirthschafts : Gebaüde für angehende Cameral : Baumeister, Rengerschen
Buchhandlung, Halle, 1811.
Gilly 1818: GILLY, David - Handbuch der Land : Bau : Kunst, vorzüglich in Rücksicht auf die Construc der Wohn :
und Wirthschafts : Gebaüde für angehende Cameral : Baumeister, Friedrich Vieweg, Braunschweig, 1818.
Gilman 1839: GILMAN, E. - Economical Builder : A Treatise on Tapia and Pisé Walls, 1839.
Goiffon 1772 : GOIFFON, Georges-Claude - L'art du maçon piseur, Librairie Le Jai, Paris, 1772.
Page 47
Hubert Guillaud
Guillaud et al 1984 : AGRA - CRATerre, GUILLAUD, Hubert, HENRY, Nicole et ADRA, Bardagot, Anne-Monique,
Sabatier, Nathalie - Pour une étude raisonnée des architectures en pisé. DAU/SRA. Grenoble, Août 1984, 361 p.
Güntzel 1985: GÜNTZEL, Jochen Georg - Historische Lehmbauten in Niederschsen, Hambourg und Bremen, pp. 57-
69, in Revue Bauen Mit Lehm, n°2, 1985, 78 p.
Güntzel 1985: GÜNTZEL, Jochen Georg - Historishe Lehmbauten in Nordrhein-Waestfalen, pp. 70-76, in Revue
Bauen Mit Lehm, n°3, 1985, 80 p.
Güntzel 1986: GÜNTZEL, Jochen Georg - Historishe Lehmbauten in Nordrhein-Waestfalen, Teil 2, pp. 54-66, in
Revue Bauen Mit Lehm, n°4, 1986, 78 p.
Güntzel 1987: GÜNTZEL, Jochen Georg - Zur Geschichte des Lehmbaus in Hessen, pp. 52-59, in Revue Bauen Mit
Lehm, n° 6,1987, 79 p.
Güntzel 1988: GÜNTZEL, Jochen Georg, in - Zur Geschichte des Lehmbaus in Deutschland, Staufen : ökobuch-
Verlag, 1988.
Güntzel 1990: GÜNTZEL, Jochen Georg - On the History of Clay Buildings In Germany, in Adobe 90 Preprints, Ed.
Getty Conservation Institute, Los Angeles, Etats-Unis, 1990.
Johnson 1806: JOHNSON, Stephen, W. - Rural Economy, 1806.
Lewis 1977 : LEWIS, Miles - Victorian Primitive, Greenhouse Publications, Carlton, Victoria, 1977, 87 p.
Ludwig Seebass 1803: LUDWIG SEEBASS, Christian - Cointereaux, François, Die Pisé-Baukunst in ihrem ganzen
Umfang : oder vollst. u. Fassl. Beschreibung d. Verfahrens, aus blosser gestampfer Erde, ohne weitere Zuthat,
Gebäude u. Mauerwerk von aller Art wohlfeil, dauerhaft, feuerfest u. sicher gegen Einbruch aufzuführen/aus dem
franzosichen Original der Cointereaux, Leipzig, 1803, 195 p. Une réédition récente, en facsimile a été produite,
toujours à Leipzig, à l'initiative de Wolfgang Dehmel : François Cointereaux, "Die Pisé-Baukunst ; Das Klassische
Buch über die Kunst des Lehmbaue, ZA Reprint, Leipzig, 1989, 206 p.
Middleton 1953: MIDDLETON, G.F. - Build your house of earth, Angus and Robertson, 1953, réédité par
Compendium Pty Ltd, Melbourne 1975.
Nicholson 1807: NICHOLSON - Agricultural Dictionary, 1807.
Papworth 1818: PAPWORTH, J.B. - Rural Residences 1818.
Pollack et Richter 1952: POLLACK, E., RICHTER, E. - Technik des Lehmbaues, éditions Verlag Technik, Berlin,
1952.
Raymond 1857: RAYMOND, Louis - Mémoire Sur La Bâtisse en Terre, Imprimerie d'Elie Carey, Genève, 1857, 44 p.
et 2 planches dessinées.
Rees 1817: REES, Abraham - Farmer's Dictionary, 1810-1817.
Rees 1824: REES, Abraham - Cyclopaedia or Universal Dictionary for Science and Literature, 1824.
Rozier 1786 : ROZIER, L'ABBÉ - Dictionnaire d'Agriculture, 1786.
Rozier 1796 : ROZIER, L'ABBÉ - Cours complet d'agriculture théorique et pratique, 1796.
Seidelin 1796: SEIDELIN, K.H. - Vejledning til at bygge bequemme og uforbraendelige Huse auf Jord. Uddraget at
Cointeraux Beskrivelse og i abskilligt forandret, 1796, Kopenhagen.
William-Ellis 1919: WILLIAM-ELLIS, C. - Cottage Building in Cob, Pisé, Chalk and Clay, éditions Country Life,
1919.
William-Ellis 1947: WILLIAM-ELLIS, C., and Eastwick-Field, J. and E. - Building in Cob, Pisé and Stabilised Earth,
éditions Country Life, 1947.
Wimpf 1841: WIMPF, Jacob - Der Pisé-Bau, Heilbrann, 1841, 60 p.
Page 48
Hubert Guillaud
L'emploi de la terre en construction a été développé dans les principaux foyers connus de civilisation : dans les plaines
du Tigre et de l'Euphrate, en Mésopotamie ; en Égypte, le long du Nil, du Delta à la Basse Nubie ; au Pakistan
(Baloutchistan), le long des rives de l'Indus et de la Hakra ; en Chine, sur Les plateaux dominant le Fleuve Jaune
(Huang). Mais aussi en Amérique latine, sur le littoral désertique de l'Océan Pacifique drainé par les rios andins, et en
Amérique centrale. Et bien sûr en Afrique, continent fondateur de l’histoire de l’humanité. Simultanément ou à des
époques successives, les régions fertiles propices à l'installation des communautés de chasseurs collecteurs puis au
développement de la révolution agricole du Néolithique, invitaient les hommes à bâtir leurs premiers abris sédentaires,
en terre. Les sols d'alluvions sableuses et argileuses des plaines fluviales, mêlés à la paille des céréales cultivées,
fournissent alors le premier matériau de construction solide et durable : la brique de terre crue séchée au soleil.
Quel que fut l'isolement de ces différentes civilisations antiques ou les contacts qu'elles aient pu entretenir, l'art de bâtir
en terre s'est rapidement épanoui avec l’emploi bientôt généralisé de la brique crue. Ces petits éléments étaient d'abord
façonnés à la main, en forme de boules, puis en cônes, en briques plano convexes précédant la brique moulée,
ème
parallélépipédique ou carrée. Ce long processus d'évolution de la brique prend naissance dès le VIII millénaire au
Proche-Orient, à l'époque de la culture natoufienne de Jéricho-Munata. L’architecture d'habitat est d'abord conçue en
bois et en terre, puis en pains de terre crue empilés, par suite moulés dans des formes en roseaux, en bois, et bâtis au
mortier de terre argileuse. Cette culture de la brique crue, dotée d'excellentes performances structurales peu à peu
maîtrisées, allait vite permettre de construire des édifices plus massifs, temples et palais qui préfigurent
archéologiquement ce qu'Olivier Aurenche a nommé les « signes » de la ville1. Cela se passait au Proche-Orient, dès le
ème
IV millénaire av. J.C. L'archéologie atteste de ce phénomène d'urbanisation et de sa reproduction, en décalage dans le
temps, à l'échelle de vastes régions, puis de sous-continent à sous-continent ou par le chenal d'une colonisation de
territoires éloignés des sites fondateurs2, au gré de plus amples migrations des peuples mus par la recherche de sites
favorables à leur développement. Ces relations culturelles entre l'espace méditerranéen oriental (Jericho, Mureybet) et
l'espace mésopotamien du Proche-Orient, ou avec les territoires de l'Arc Taurus-Zagros (vers l'Iran et l’Irak), ou encore
entre l'Anatolie (Çatal Hüyük) et les rivages de la Mer Égée (Sesclo, Dimini), base de la colonisation des Balkans, qui
ème ème
se développaient entre la IV et le III millénaire av. J.C., peuvent être mesurées par ce qui apparaît être un transfert
des cultures constructives et des types architecturaux, de région à région. L'expansion de la brique de terre crue, au
Proche-Orient, peut être aussi comparée à la diffusion en Europe, de la technique de l'ossature bois et du hourdage en
ème ème
torchis sur clayonnage, avec le rayonnement du faciès culturel danubien (céramique rubanée), entre le V et le IV
millénaire av. J.C., fondateur des grands principes de l'architecture de terre et de bois qui perdureront jusqu'au Moyen-
Age, en Europe centrale et septentrionale. La transmission d'autres cultures constructives plus complexes, comme celles
de l'arc, de la voûte et de la coupole en briques de terre est plus difficile à analyser car leurs origines sont encore mal
situées. Plusieurs hypothèses penchent en faveur de la Mésopotamie, de la Syrie, de l'Égypte ou encore de
l'Afghanistan, comme l'évoque Roland Besenval dans sa recherche intitulée « Technologie de la voûte dans l'Orient
1 Aurenche, Olivier, « Du village à la ville », in le Grand Atlas de l'Archéologie, éditions Encyclopaedia Universalis, Paris, 1985, 424 p., pp. 168-
169.
2 Margueron, Jean-Claude, « Mari ou la "naissance" d'une ville neuve », in Revue Autrement, « Cités disparues. Découvreurs et archéologues au
Proche-Orient », n° 55, septembre 1991, 237 p., pp. 133-142.
Page 49
Hubert Guillaud
ancien »3. On s'interroge toujours sur la filiation possible des fermes fortifiées yéménites et d’Arabie Saoudite (Najran),
ou encore d'Afghanistan, et des ksour et kasbas du Maroc, même si les matériaux varient (tantôt la brique crue, le pisé
ou la bauge). Par contre, on connaît mieux les logiques de diffusion des savoirs constructifs et des modèles
architecturaux dans l'ensemble de la région soudano-sahélienne, dans le « delta intérieur » (Sahil) du Niger, associées
aux échanges économiques et culturels entre les pays méditerranéens et les royaumes africains, par la voie des
caravanes, puis par l'expansion de l'Islam et de la construction des mosquées qui amenaient les grandes mutations de
l'architecture et de la ville africaine. Le passage de la brique crue piriforme à la brique parallélépipédique est tributaire
de ces logiques à la fois économiques et culturelles. L’emploi encore récent de briques coniques «tubali », au nord du
Nigeria, confirme une forte résistance de la culture constructive Haoussa à l'assimilation d'autres modèles culturels
ingérants. Dans cette même région, les arcs en terre armée de bois d'«azara » sont uniques au monde, même si l'on
repère des savoir-faire similaires comme la technologie du "strut" (élément en terre-paille armé de bois formant une
portion d’arc) dans l'Orient ancien, jusqu'aux périodes parthes et jusqu'en Iran.
En Europe, à une période plus récente, on situe bien le rôle joué par des auteurs français de l'époque des Lumières et
leur référence au modèle normatif de la « maison rustique », hérité de Caton (Agriculture romaine), dans la promotion
d'une technologie moderne de la construction en terre au service d'une amélioration de l'architecture rurale. Une
référence reconnue par Laugier, dans son « Essai sur l'Architecture », à travers l'habilitation de la « cabane primitive »
comme modèle fondateur de l'architecture civile et publique et de ses « magnificences » au cours des siècles. Une
filiation qui réactualise ses sources avec le « Praedium rusticum » de Charles Estienne, édité en 1564, puis avec « La
Nouvelle Maison Rustique », du même auteur, dont les éditions, traductions et adaptations se succéderont jusqu'à la fin
ème
du XVIII siècle 4 . Mais encore, plus en amont, avec « Les Dix Livres de l'Architecture » de Vitruve dont la pensée
théorique est réactualisée par la traduction de Claude Perrault de 1673. Cette filiation est alors étendue par les apports
successifs de l'architecte G.M. Delorme (1700-1782) 5, de Georges-Claude Goiffon, avec son "Art du Maçon Piseur"
(1772), de l'architecte lyonnais François Claude Boulard à qui l'Abbé Rozier confie la rédaction d'un cahier descriptif
du pisé dans son "Cours Complet d'Agriculture" (1786), et enfin de l'architecte-entrepreneur François Cointeraux,
également lyonnais, qui reprend cet héritage et assure, par l'impact de sa production écrite (72 fascicules, essais et
pamphlets) un plus large rayonnement européen et international de la construction en « nouveau pisé » ou en « pisé
décoré ». Ce sont ses fameux « Cahiers d'École d'Architecture Rurale » (1790-1791)6, dont l'un d'entre eux, traduit par
l'architecte anglais néo-classique Henry Holland, réadapté par d'autres auteurs anglais tels que William Barber et
Nicholson, par l'encyclopédiste Abraham Rees7, est diffusé vers les États-Unis. Il fera l'objet de reprises et adaptations
successives (J.B. Papworth, E. Gilman, Stephen W. Johnson8) puis sera diffusé vers l'Australie, en 1823, par des
quotidiens9. Également en Allemagne, avec une filiation qui s'établit entre les travaux de Wilhelm Tappe, de David
3 Besenval, Roland, CNRS, « Technologie de la voûte dans l'Orient ancien 1 », 196 p. et « Technologie de la voûte dans l'Orient ancien 2 », 224
planches, synthèse n°15, éditions Recherche sur les Civilisations, Paris, 1984.
4 Nous faisons ici référence à une huitième édition de « La maison rustique ou l'économie générale de tous les biens de la campagne, la manière de les
entretenir ou de les multiplier », datée de 1763, en deux tomes ; tome 1, 664 p. et tome 2, 677 p. La maison rustique en murs de terre est évoquée dans
le tome 1 aux pages 36-38. Dans « La maison rustique : logique sociale et composition architecturale », (éditions puf ethnologies, Paris, 1991), Jean
Cuisenier observe (p. 33) que les préceptes qui fondent le modèle de la maison rustique, énoncés par Charles Estienne en 1564 demeurent inchangés
ou presque jusqu'en 1792, à travers plus de cent éditions, traductions et adaptations de son livre.
5 Delorme, G.M., « Mémoire pour la construction des murs en terre », lu le 17 mars 1745 à Amiens, à l'Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts
de Lyon.
6 Cointeraux, François, « École d'architecture rurale et économique », Paris, Imprimerie N.H. Nyon, 1790, 2 p. « École d'Architecture Rurale ;
premier cahier ou les leçons par lesquelles on apprendra soi-même à bâtir solidement les maisons de plusieurs étages avec la terre seule », Paris, 1791.
« École d'Architecture Rurale ; deuxième cahier dans lequel on traite de l'art du pisé …, des qualités des terres propres au pisé …, des détails de la
mise en oeuvre, du prix de la terre », 76 p. illus., Paris, 1791. « École d'Architecture Rurale ; quatrième cahier dans lequel on traite du nouveau pisé
inventé par l'auteur, de la construction en terre et de ses outils » …, 68 p., Paris, 1791.
7 Barber, William, « Farm Buildings », 1805 ; Nicholson, « Agricultural Dictionary », 1807 ; Rees, Abraham, « Farmer's Dictionary » et
« Cyclopaedia or Universal Dictionary for Science and Literature », 1810-1817 et 1824.
8 Papworth, J.B., « Rural Residences », 1818 ; Gilman, E., « Economical Builder : A Treatise on Tapia and Pisé Walls », 1839 ; Johnson, Stephen,
W., « Rural Economy », 1806.
9 Références fournies par Cody, Jeffrey William, « Earthen Wall Construction in the Eastern United States », Master of Arts, Graduate School of
Cornwell University, Juin 1985, 460 p. Hobart Town Gazette, 3 mai 1823, lui-même cité par le Sydney Gazette, vol. XI n° 1019 du 28 mai 1823. Voir
aussi le Sydney Gazette vol. XI n° 1021 du 19 juin 1823.
Page 50
Hubert Guillaud
Gilly puis de Christian Ludwig Seebass10, B.C. Faust, Ernst Conrad et Jacob Wimpf. Au Danemark avec une adaptation
de K.H. Seidelin11. En Italie, avec l'adaptation de Giuseppe Del Rosso12 et en Suisse, avec Louis Raymond13. C'est en
effet ce foisonnement international de traductions et adaptations des « Cahiers d'École d'Architecture rurale » de
François Cointeraux, qui semble avoir beaucoup contribué à fonder la modernité de la construction en terre dans les
pays européens, mais aussi aux États-Unis et en Australie avec la forte immigration européenne des XVIIIème et XIXème
siècles vers ces contrées lointaines.
10 Les travaux de Wilhelm Tappe (1769-1823), théoricien de l'architecture, sont évoqués par Güntzel, Jochen Georg, in « Zur Geschichte des
Lehmbaus in Deutschland », Staufen : ökobuch-Verlag, 1988. David Gilly est aussi connu pour avoir été le fondateur de la Baüakademie de Berlin.
Voir, Gilly, David, « Handbuch der Land : Bau : Kunst, vorzüglich in Rücksicht auf die Construc der Wohn : und Wirthschafts : Gebaüde für
angehende Cameral : Baumeister », Rengerschen Buchhandlung, Halle, 1811, et Friedrich Vieweg, Braunschweig, 1818. Christian Ludwig Seebass
était professeur de philosophie à l'Université de Leipzig. Voir : Ludwig Seebass, Christian, « Cointereaux, François, Die Pisé-Baukunst in ihrem
ganzen Umfang (…), Leipzig, 1803, 195 p. Jacob Wimpf, avocat et propriétaire industriel allemand qui a réalisé plusieurs de ses bâtiments industriels
en pisé, en application des modèles architecturaux proposés par François Cointeraux. Il écrivit lui même un traité de construction sur le pisé : Wimpf,
Jacob, « Der Pisé-Bau », Heilbrann, 1841, 60 p. Faust, B.C., « Der Lehmsteinbau », Buckeburg, 1839. Et, Conrad, Ernst, « Veder den Pisé-Bau. »,
Kretschmar, Chemnitz, 1840.
11 Seidelin, K.H., « Vejledning til at bygge bequemme og uforbraendelige Huse auf Jord. Uddraget at Cointeraux Beskrivelse og i abskilligt
forandret », 1796, Kopenhagen.
12 Del Rosso, Giuseppe, « Dell'economica costruzione delle case di terra », Presso J.A. Bouchard, Florence, 1793, 75 p. et 4 planches tirées de
Cointeraux.
13 Raymond, Louis, « Mémoire Sur La Bâtisse en Terre », Imprimerie d'Elie Carey, Genève, 1857, 44 p. et 2 planches dessinées.
14 « Earth Construction Technologies Appropriates to Developing Countries », Bruxelles, Belgique, en 1984, puis un « International colloquium on
earthen architecture », à Beijing, Chine, en 1985, d'autres colloques à Trivandrum, Bangalore et Manipal, en Inde, en 1987, 1988 et 1990,
« Adobe'90 » à Las Cruces, États-Unis, 1990, « Terra 93 », à Silves, Portugal, en 1993 et « Terra 2000 », à Torquay, Angleterre, organisée sous les
auspices de « English Heritage ».
15 Projet conjointement créé en 1989 par l'ICCROM (Centre International d'Études sur la Restauration des Biens Culturels, Rome, Italie), et le
CRATerre-EAG, pour développer des activités intégrées dans les domaines de la formation, de la recherche, de la coopération et de l'édition.
Désormais un nouveau projet associe le « Getty Conservation Institute » (Los Angeles, USA) qui s’intitule « Projet Terra ». CRATerre est également
le Centre d’excellencede la Chaire UNESCO « Architectures de terre et développement durable », première chaire Unesco en architecture en Europe
(deuxième dans le monde), inaugurée en septembre 1998.
16 Ces dernières années ont vu se multiplier les colloques et séminaires, organisés par des universités ou des réseaux de professionnels du bâtiment,
permettant de faire le point sur l'état des connaissances dans le domaine des patrimoines architecturaux en terre. Parmi ceux que nous repérons : au
Portugal (« Bâtir en terre en Méditerranée »), à Cagliari et à Oristano, en Sardaigne, à Rome, Italie, à Brno (« earthen architecture Danubian
network »), en Tchécoslovaquie, à Plymouth (« Out of earth »), en Angleterre et en Allemagne (« Lehmbau »).
17 Alberti, L.B. (1404-1472), in « De Re Aedificatoria », traduction de J. Martin, Paris, 1553, pp. 48-49. Les textes d'Alberti témoignent d'un intérêt
pour tous les genres de construction y compris la construction en terre.
Page 51
Hubert Guillaud
aucun intérêt « officiel » à l’architecture de terre. Mais ce sont bien ces auteurs anciens qui ont contribué à établir les
bases d’un corpus théorique de la construction en terre qui pouvait prendre place dans une science de la construction se
constituant au cours de la deuxième moitié du XIXème siècle. Dans ce contexte, on doit relever la publication du « Traité
de l’art de bâtir », de Jean-Baptiste Rondelet 18, qui consacre un chapitre d’une quinzaine de pages à la construction en
briques de terre crue et en pisé. Simultanément, cette époque est favorable à une analyse méthodique d’une plus grande
quantité de matériau d’étude de l’histoire de l’humanité. L’exploration des centres de civilisation anciens et des cités
antiques commence à donner une autre dimension à la documentation historique. Le développement de l’archéologie
égyptienne qui débute avec l’expédition de Bonaparte en 1798, puis le début des grandes campagnes de fouilles en
Mésopotamie et au Proche-Orient, vont confronter les chercheurs à l’évidence d’un vaste patrimoine architectural
construit en terre témoignant de l’histoire de l’humanité. Ces premières évidences sont consolidées par les apports de
l’archéologie des Amériques qui constitue un second champ de recherche sur la présence humaine ancienne au
« Nouveau Monde ». Au delà des premiers travaux exécutés aux Etats-Unis19, les vestiges des civilisations
précolombiennes d’Amérique centrale, puis d’Amérique du Sud, étaient fouillés et donnaient lieu à des publications20.
Au passage du XXème siècle, La géographie de l’archéologie mondiale s’étend au Moyen-Orient avec les recherches
menées dans la vallée de l’Indus, à Harappa et Mohenjo-Daro21, puis en Chine sur la séquence préhistorique qui
précédait la naissance de la civilisation chinoise22. Dans la majorité des situations de recherche que nous évoquons, le
matériau terre, sous forme de torchis en hourdage d’ossatures en bois, de briques crues moulées ou de levées de terre
successives constituant des murs monolithiques en bauge, affirme sa présence indissociable de l’histoire des hommes
bâtisseurs. Il faut aussi relever l’importance des travaux de la Géographie humaine française, de l’anthropologie et de
quelques historiens, qui prenaient place entre la fin du XIXème siècle et jusqu’aux années 40 du XXème siècle. Cette
tendance de recherche sera prolongée jusqu’à ce jour par le développement d’une recherche en architecture. Les
recherches des grands géographes sur les structures de l’espace rural et sur la définition des caractères typo
morphologiques de l’habitat rural, qu’ils mettent en rapport avec l’économie et les modes de vie des sociétés rurales,
établissent une transversalité de l’analyse avec l’histoire et l’anthropologie. En outre, elles prolongent le constat de
l’archéologie sur les matériaux et les techniques de construction de l’habitat et des villes de l’Antiquité, en établissant
l’évidence d’une continuité historique de l’emploi des matériaux locaux, et notamment du matériau terre, pour
l’édification des habitats qui définissent les grands traits des paysages ruraux encore observables. Ainsi, les travaux de
Pierre Vidal de la Blache, Max Sorre, Marc Bloch, puis Albert Demangeon, Pierre Deffontaines, Jean Brunhes et plus
récemment encore, ceux de Georges Duby23, s’inscrivent dans une même lignée et constituent un apport considérable à
la connaissance de l'architecture rurale française et de son histoire, pour les époques modernes. Des architectes ont
également contribué à cet enrichissement des connaissances sur l'habitat rural. Nous pensons particulièrement à
Georges Doyon et à Robert Hubrecht24 qui préfigurent la réalisation d'une vaste enquête d'architecture rurale, entreprise
entre 1942 et 1945, sous la direction de Pierre-Louis Duchartre et Georges-Henri Rivière. Cette enquête allait mobiliser
une cinquantaine d'architectes pour réaliser 1759 monographies descriptives de l'habitat rural français. Ces premiers
relevés précèdent un travail de terrain complémentaire, à partir de 1969, sous la direction de Jean Cuisenier, complété
par une analyse anthropologique approfondie, qui prépare la publication du « Corpus de l'architecture rurale française »,
par les éditions Berger-Levrault, de 1977 à 198325. Néanmoins, quelle que soit la grande valeur du travail entrepris au
18 Jean-Baptiste Rondelet élabore son traité entre 1802 et 1817. Dans ce chapitre consacré à la construction en terre, intitulé « Des pierres
artificielles », il fera clairement référence au « Sieur François Cointeraux » comme spécialiste reconnu de ses pairs.
19 Le futur président Thomas Jefferson (1743-1826) fut l’un des premiers archéologues américains. Il fit fouiller en 1784 les tertres préhistoriques
élevés à des fins de célébration réligieuse en Ohio, au Mississipi.
20 J.L. Stephens et Frederick Catherwood découvraient les centres Mayas d’Uxmal, Copan, Palenque et Chichen-Itza, entre 1839 et 1842. Au Pérou,
l’archéologue allemand Max Uhle commençait ses explorations archéologiques vers 1850.
21 Ces sites ont été fouillés par Sir Mortimer Wheeler (1890-1976), en 1921-22.
22 Le Suédois J.G. Andersson (1874-1960) découvre un village néolithique de culture Yangshao. Par la suite, les archéologues chinois effectueront
les fouilles du fameux site de Banpo entre 1953 et 1955.
23 Vidal de la Blache, Pierre, « Principes de la Géographie Humaine », éditions Armand Colin, Paris, 1922, réédition en 1948, pp. 150-154 et tableau
XVI. Sorre, Max, « Les fondements biologiques de la Géographie Humaine », édition Armand Colin, Paris, 1943, 2 volumes, 1 - 261 p. et 2, 230 p.
Bloch, Marc, « Les caractères originaux de l'Histoire Rurale Française », éditions Armand Colin, réédition, Paris, 1962. Demangeon, Albert, « Types
de peuplement rural », Annales de Géographie, Paris, 1938 et « L'habitation rurale en France », Géographie Universelle, éditions Armand Colin,
Tome VI et Annales de Géographie, XXIX, 1920, pp. 352-375. Deffontaines, Pierre, « L'Homme et sa Maison », éditions NRF Gallimard, Paris,
1972. Brunhes, Jean, « La Géographie Humaine », éditions Puf, Paris, 1956. Duby, Georges, « L'économie rurale et la vie dans les campagnes de
l'Occident », 2 tomes, Paris, 1962 et, Duby, Georges (sous la direction de), avec Wallon, Armand, « Histoire de la France Rurale », Tomes 1, 2 et 3,
éditions du Seuil, Paris, 1979-1980.
24 Doyon, Georges et Hubrecht, Robert, « L'architecture rurale et Bourgeoise en France », éditions Dominique Vincent et Cie, Paris, 1942, 4ème
édition en 1979, 521 p.
25 « L'architecture rurale française. Corpus des genres, des types et des variantes », Collection dirigée par Jean Cuisenier, Musée des Arts et
Traditions Populaires, Berger-Levrault, éditeur, Paris, 1977-1983. 22 volumes.
Page 52
Hubert Guillaud
cours de ces années, les caractères spécifiques des architectures de terre restent encore en retrait par rapport aux
descriptions et analyses typomorphologiques et fonctionnelles des habitats. En effet, celles ci ne donnent pas une
importance particulière, ou si peu, à l'identité des matériaux ou à la description détaillée des systèmes constructifs. Le
traitement graphique de l'iconographie en rend parfois compte à qui veut bien la décrypter.
Les recherches sur la géographie et l'inventaire des habitats vernaculaires engagées dans le contexte français trouveront
leur pareil dans d'autres pays d'Europe. Par exemple, les travaux du géographe italien Osvaldo Baldacci sur
l'architecture traditionnelle en terre d’Italie26 ou encore les études plus récentes de R.W. Brunskill27 sur l'architecture
vernaculaire du Royaume-Uni. Les contributions de ces auteurs doivent être situées dans une tendance de recherche de
plus en plus systématique visant l'établissement de la connaissance des architectures « traditionnelles ». En effet, cette
période, à la dimension internationale, connaît un foisonnement de publications sur les patrimoines architecturaux
d'habitat qui connaîtra son apogée au cours des années 70 en favorisant l'édition de collections thématiques spécialisées
chez plusieurs éditeurs28. Cette activité d'édition résulte en grande partie du développement des travaux d'inventaire,
engagés dans les années 40 et 50, à l'initiative de chercheurs en anthropologie et en ethnologie, mais également
d'architectes, travaillant dans les services nationaux du patrimoine qui ont été créés dans la plupart des pays européens.
Elle trouve aussi une explication dans l'émergence d'un vaste mouvement culturel en faveur des arts et traditions
populaires qui semble être, aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, un antidote aux destructions massives de ce
conflit planétaire alors qu'un monde nouveau se ressaisit de ses racines pour se tourner vers l'avenir. De cette analyse
complémentaire et transversale entre l'architecture et l'anthropologie, mettant en relation l'habitat, l'économie, la vie des
sociétés et les milieux naturels, physiques et climatiques, naissent des ouvrages qui connaîtront un grand succès
international, tel par exemple celui de Amos Rapoport, « Pour une Anthropologie de la Maison »29. C’est sur ces bases
de savoir que nous proposons d’esquisser une vision panoramique sélective des architectures en terre de la Terre
proclamant le génie du matériau, des bâtisseurs et des lieux.
Au début des années 80, l'Agence Nationale pour l'Amélioration de l'Habitat, (A.N.A.H.), estimait l'importance du
patrimoine bâti en terre à environ 15% de l'ensemble national30. Ce chiffre global ne reflète pas la réalité de la
répartition régionale. La région Rhône-Alpes (Dauphiné, Lyonnais, Val de Saône, Bresse, Loire, Ardèche et Drôme
rhodaniennes), approchent les 40% avec une dominante de pisé31 alors que les territoires septentrionaux, de la
Normandie à l'Alsace, la Picardie et la Champagne, approchent les 60% avec la tradition du colombage et du torchis.
Mémoire de l'histoire, l'architecture de terre rurale française a établi ses caractères dans le lien étroit qu'elle a entretenu
avec l'héritage des cultures constructives, les paysages ruraux, les types de sols et de climat, de finage des terroirs et de
cultures. Avec les temps modernes, même si les usages de certains bâtiments ont pu évoluer, si d'autres constructions
ont été ajoutées, ou si des pratiques d'entretien, de restauration ou réhabilitation ont pu modifier la morphologie initiale,
ces caractères originaux établis depuis le XVIIIème siècle et consolidés au XIXème, demeurent.
26 Baldacci, Osvaldo, « L'ambiente geografico delle case di terra in Italia », Revista Geografica Italiana, LXV, 1958, pp. 13-43.
27 Brunskill, R.W., « Illustrated Handbook of Vernacular Architecture », éditions Faber and Faber, Londres, Boston, 1971, 1976 et 1978 (249 p.) et,
« Vernacular Architecture of the Lake Counties », éditions Faber and Faber, Londres, 1974, 164 p.
28 Pour le contexte français, citons par exemple les éditeurs nationaux Serg, Jacques Fréal et Garnier, Dominique Vincent et Cie, Berger-Levrault,
entre autres, que viennent compléter des publications monographiques régionales.
29 Rapoport, Amos, "Pour une Anthropologie de la Maison", éditions Dunod, Paris, 1972.
30 Le patrimoine bâti en terre de France date pour l'essentiel d'avant 1915 - même si l'on construisait encore en terre jusque vers la fin des années 50 -
et remonte en grande majorité au XVIII° siècle pour les édifices les plus anciens en bon état de conservation, bien que l'on ait identifié un patrimoine
plus ancien (fin du XVI° à Lyon, p.e.) et exception faite ici du patrimoine de valeur archéologique. En terme d'habitat, ces enquêtes menées par
l'A.N.A.H., montrent qu'il s'agit de plus de 2 millions d'immeubles qui représentent environ 2 400 000 logements. Dans 9 cas sur 10, il s'agit de
maisons individuelles et de bâtiments ruraux.
31 En Dauphiné, des villages du Nord-Isère comptent juqu'à 90 % de leur patrimoine architectural bâti en pisé, avec une typologie très large d'édifices
(habitat villageois, habitat rural, quartiers d'habitat urbain, églises et chapelles, usines et manufactures de tissage, châteaux), dont les plus anciens
remontent au XVI° siècle. C'est néanmoins le patrimoine daté de la fin du XVIII°, du XIX° et du début du XX° siècles, qui domine.
Page 53
Hubert Guillaud
Il existe deux visages de l'architecture de terre française. Comme l'ont relevé les géographes de la fin du XIX° siècle,
cette dualité traduit une démarcation définie par la basse et moyenne vallée de la Loire, prolongée par une ligne
virtuelle qui rejoint les massifs jurassiens en divisant la Bresse. On peut ainsi distinguer les architectures de terre du
nord et du sud de la France. Au nord de la Loire, des architectures de bauge, avec les traditions bretonnes, vendéennes
et du Cotentin, et des architectures de colombage et torchis, avec les traditions normandes, picardes, champenoises,
vosgiennes et alsaciennes. Au sud de la Loire, des architectures en adobe et en pisé, avec les traditions d'Aquitaine
étendues au Tarn et Garonne (Albigeois) et jusqu'en Béarn et Bigorre (contreforts pyrénéens). On observe quelques
témoignages d'adobe en Languedoc-Roussillon et du pisé dans la basse vallée de la Durance (village de Charleval32),
jusque dans le Comtat Venaissain, la moyenne vallée du Rhône, le Lyonnais et les Dombes, la Basse Vallée de la
Saône, et la Bresse méridionale. Cette distinction entre les cultures constructives en terre septentrionales et méridionales
n'exclue pas pour autant des variantes et particularismes régionaux ou locaux. On peut ainsi observer du colombage et
du torchis dans les Landes (sud-ouest) et de la brique de terre en Champagne (vallée de la Marne), connue sous le nom
de « carreau de terre ».
En deuxième lieu, la relation qui s'établit entre les grands types de paysages ruraux et les grandes familles de cultures
constructives. Nous distinguerons ici, grosso modo, la relation des pays de « bocage » (petites cultures et élevage
intensif) et de forêts, avec les architectures de bois et de torchis, de la relation des pays « d’openfield » (grandes cultures
et élevage extensifs) avec l'architecture d'adobe et de pisé. Par exemple, le colombage et le torchis dans le bocage
traditionnel normand sus-évoqué. Mais aussi dans la forêt landaise et sur les territoires boisés vosgiens et champenois,
ou encore en Albigeois, au Pays Basque, dans le Gers et en Bresse septentrionale. Ainsi, l'adobe dans les pays
d'openfield aquitain et jusqu'en limite du Roussillon. Le pisé dans les pays d'openfield irrégulier du midi, dans la vallée
du Rhône et les pays de Loire, (Forez) jusqu’en Puy de Dôme (Livradois) .
Enfin, en troisième lieu, la relation qui s'établit entre la nature des sols de surface du territoire (pédologie) et la
typologie constructive. L'architecture de bois et de torchis sur les sols riches en argiles sédimentaires ou d'altération, les
sols limoneux, les sables argileux, tous très plastiques et nécessitant l'ajout de fibres végétales pour réduire leur
fissuration au séchage. A l'opposé, l'architecture d'adobe sur les sols alluvionnaires, terreforts ou boulbènes à fraction
sableuse dominante, et l'architecture de pisé sur des sols alluvionnaires et glaciaires, ou fluvio-glaciaires autrement
dénommés sols de « moraines ».
Les architectures en terre crue de France n'échappent pas à la typologie définie par le géographe Albert Demangeon.
Les matériaux employés, autant que les sytèmes constructifs, ne réduisent ni n'altèrent cette typoplogie que l’on rappelle
ici, brièvement.
Les maisons bloc : elles correspondent au plan le plus simple, le plus économique, et réunissent sous le même toit les
espaces d'habitation et d'exploitation (étables, granges). Demangeon a distingué les maisons bloc à terre en longueur
des maisons bloc en hauteur. Dans la première catégorie on peut situer la petite bourrine vendéenne, ou les « longères »
de la région de Rennes, construites en bauge. Les maisons en torchis de Normandie et en adobe de moyenne Garonne en
sont aussi de bons exemples. La deuxième catégorie correspond à des maisons abritant sous un même toit un ou deux
étages, souvent très spécialisés. La grange et l'étable y sont souvent dominantes. On peut en observer dans les régions
au sud de la vallée du Rhône. Les habitats en pisé de la Drôme, de l'Isère et du Rhône en sont de beaux exemples.
Les maisons cour : dans les régions de grandes cultures extensives (céréalières ou viticoles), l'habitat s'organisait en
regroupement de bâtiments avec une relative autonomie fonctionnelle de l'habitation et des annexes d'exploitation. Le
regroupement en cour correspondait à des impératifs de sécurité et de bonne organisation des tâches. Cette typologie
distingue les maisons à cour fermée des maisons à cour ouverte. Les premières sont associées aux paysages du nord de
la Loire et du Bassin Parisien. La grange y est très importante et ferme le plan général quadrangulaire du côté de l'accès.
L'habitation se trouve en fond de cour alors que l'étable et les remises ferment les autres côtés. On peut également
observer ce type, bâti en pisé, dans la région lyonnaise, le val de Saône et en Bresse septentrionale (colombage et
torchis). Les maisons à cour ouverte correspondent à une activité d'élevage intensif. Le bétail doit pouvoir circuler
librement entre les bâtiments pour se rendre à la pâture attenante. Elles décrivent généralement trois corps de bâtiments
avec l'habitation en fond, la grange et l'étable disposées perpendiculairement et en vis-à-vis. Ce type est observable en
Normandie (colombage et torchis), mais également en Bresse où des parties construites en pisé ont été juxtaposées à des
parties plus anciennes en colombage et torchis.
32 Theus, Pierre, « La fondation d'un village de Provence au XVIII° siècle: Charleval, 1741 », La pensée Universitaire, Aix-en-Provence, 1956, 280
p.
Page 54
Hubert Guillaud
L’architecture de terre française est bien loin de se limiter aux bâtiments ruraux. On peut aussi découvrir de
magnifiques manoirs et châteaux, des églises et bâtiments industriels, construits entre le XVIIIème et XIXème siècle. Ce
sont aussi des centres urbains historiques, à Lyon (quartier de Croix-Rousse), ou à Montbrison (Auvergne) ; des édifices
en colombage et torchis dans les villes d’Alsace (Strasbourg, Colmar), ou encore à Tours, au Mans, à Rennes, Rouen.
En Allemagne
Héritiers des cultures constructives d’Europe centrale et nordiques, les constructeurs allemands développaient pendant
plusieurs siècles la construction en rondins de bois ou « blockbau », puis de bois hourdé de mottes de terre comme en
témoigne les sites moyenâgeux de Warendorf et Gladbach (VIIIème siècle). Les études des chercheurs allemands
montrent que le pisé a surtout été employé à partir du XVIIIème siècle, en Schleswig-Holstein, mais aussi en Basse Saxe,
en Wesphalie et en Hesse. Cette activité s'est poursuivie aux XIXème et XXème siècles33. Les autorités de Saxe et
Thuringe, se sont très tôt intéressées à la construction en terre, motivées par la recherche de solutions contre le risque
d’incendie des villages qui étaient alors principalement construits en colombage et torchis avec des couvertures en
chaume. Il fallait aussi préserver le patrimoine forestier, très entamé par les coupes de bois de chauffe et pour la
construction navale. Beaucoup de bâtiments du Schleswig-Holstein, datés du XIXème, paraissent directement inspirés
des modèles architecturaux de François Cointeraux diffusés par la traduction de ses « Cahiers d'école d'architecture
rurale » par David Gilly, en 1793. D'autres personnalités allemandes ont été acquises aux idées illuministes et ont milité
en faveur du pisé. Jacob Wimpf, avocat et propriétaire industriel34, fut un promoteur ardent du pisé. Il érigea en 1837, à
Weilburg, un immeuble d’habitations familiales de cinq étages aujourd’hui classé au patrimoine et construisit plusieurs
manufactures industrielles. Les constructeurs enthousiastes de cette époque allaient inspirer toute une lignée d’auteurs
se succédant jusqu'aux années 20 dont, parmi les plus fameux, A. Engelhardt, R. Jobst, C. Kuntzel, et O. Ritgen35. En
Prusse et en Saxe, une étude de E. Schleicher36 dénombre l’existence de 17300 logements construits à cette époque.
Cette motivation pour le pisé semble avoir chuté au delà des années 1923-25. Elle réapparaissait en 1939 à cause du
rationnement des matériaux de construction imposé par la politique industrielle de guerre du régime hitlérien. Des
normes DIN allemandes sur la construction en terre étaient publiées en octobre 1944 qui ont servi de référence aux
constructeurs allemands jusqu’en 1970, année où elle furent retirées. La reconstruction de l’Allemagne sinistrée par les
bombardements de 1944-45 a de nouveau mobilisé les ressources du matériau terre. Deux constructeurs allemands dotés
d’une grande expérience, Richard Niemeyer et Wilhelm Fauth ont publié des traités qui font toujours autorité37.
Plusieurs directions générales de la Reichsbahn (chemins de fer) développaient des programmes exemplaires de
construction de logements pour leurs employés, de locaux de stockage, gares et baraquements, à Berlin, Stuttgart,
Hanovre, Saarbrücken, mais également en Autriche, à Vienne et Linz. En ex-République Démocratique Allemande,
dans les petites et moyennes villes, des milliers de bâtiments ruraux étaient construits en pisé, entre 1945 et 1958, ainsi
que des logements de un ou deux niveaux, et des écoles. Comme dans la plupart des pays européens, l’Allemagne a
connu une récession de la construction en terre, avec la reconstitution de son potentiel industriel, à partir des années 60.
En Grande-Bretagne
Dans îles britanniques, l’architecture de terre donne souvent un caractère distinctif aux paysages régionaux. Les habitats
en terre remontent à des temps très anciens. Des sites du Haut Moyen Age en témoignent comme celui de Church
Down, à Chalton, dans le Hampshire (VIème au VIIIème siècle). Des alignements parallèles de trous de poteaux indiquent
que ces structures massives en bois étaient étayées par des jambes obliques faisant office de contreforts. Ces structures
furent sans doute hourdées de torchis ou de mottes de gazon empilées. Plus tard, vers les XIIème et XIIIème siècles,
l’habitat rural semble être construit pour durer. Il est alors construit en bauge, ou « cob », comme en atteste le site de
Wallingford, dans l’Oxfordshire. Selon John McCann 38 « le mot cob est repéré en Cornouailles en 1602. Le terme clob
était employé dans le Berkshire au XVIIème siècle ; clom est utilisé dans le Pembrokeshire. Ailleurs on emploie
généralement les mots mud (boue) ou clay (argile). » Mais on connaît d’autres termes locaux comme le « wichert »,
33 Prof. Guntzel, Georg., « On the History of Clay Buildings In Germany », in « Adobe 90 Preprints », The Getty Conservation Institute, Los
Angeles, 1990, 469 p., pp. 57-65.
34 Wimpf, Jacob, « Der Pisé-Bau », op. cit.
35 Engelhardt, A. , « Der Lehmbau », Aechitekten-Verlag, Hannovre, 1919, 17 p.; Jobst, R., « Lehmbauweissen », Berlin, 1919, Kuntzel, C.,
« Lehmbauten », Berlin, 1919; Ritgen, O., « Volkswohnungen ind Lehmbau », Wilhelm Ernst ind Sohn, Berlin, 1920.
36 Cité par Bardagot, A.M., in « L’intelligence de l’Europe et le dévelopement de l’habitat économique en terre des années 20 à nos jours »,
Ministère de la Recherche et de la Technologie, Ecole d’architecture de Grenoble, CRATerre-EAG, mai 1991, 89 p., pp. 19.
37 Niemeyer, R., « Der lehmbau und seine praktische andwendung », Ökobuch Verlag, Grebenstein, 1946, 158 p. Réédité en facsimilé en 1982. Et,
Fauth, W., « Der praktische lehmbau », Limes Verlag, Wiesbaden, 1946, 130 p.
38 McCann, J., « Clay and cob buildings »Shire Publications Ltd, 1983.
Page 55
Hubert Guillaud
dans le Buckinghamshire. Cette technique est typique des comtés du sud-ouest de l’Angleterre, et particulièrement dans
le Devon où furent construits plusieurs villages par de riches propriétaires terriens, à la fin du XVIIIème siècle, mettant
des logements à disposition de leurs ouvriers agricoles sous forme de baux emphythéotiques. Le superbe petit village
classé de Milton Abbas, construit en 1773, est l’un des plus beaux fleurons du genre. On repère aussi ce type d’habitat
en cob jusqu’en Cornouailles. Ce sont de superbes « cottages » aux formes étroites et étirées, percés de petites fenêtres,
aux murs blanchis à la chaux, élevés sur des soubassements en briques cuites et aux toitures de chaume restaurées.
L’architecture vernaculaire en briques crues est davantage présente dans le sud-est de l’île britannique. On distingue
assez aisément ces bâtiments en « clay lumps » à un étage protégés par des enduits les apparentant à des édifices plus
récents dans l’Essex, le Norfolk et le Cambridgeshire. l’Ecosse a aussi connu une tradition très ancienne de construction
en terre. Des photographies du début de ce siècle, permettent d’attester l’existence de maisons populaires construites en
mottes de terre gazonnées ou « sod » élevées à même le sol. Dans les régions où dominait l’exploitation de la tourbe,
l’habitat était souvent en partie creusé et recouvert d’une toiture en terre et mousse. Ce sont les « moss-houses » du
Stirlingshire qui furent repérées par un peintre du nom de Joseph Farrington, en 1792. Un récent travail réalisé par le
« Historic Scotland »39 montre qu’une grande partie de l’habitat des populations les plus pauvres d’Ecosse, a été
construit en « sod », procédé aussi connu sous les appellations de « turf », « divet » ou encore « fale ». Il fut utilisé dès
l’antiquité comme l’archéologie le prouve par les vestiges du Mur d’Antonin érigé en 143 ap. J.C. D’autres solutions
mixtes ont été développées comme en attestent les « shelling huts » construites au cours de la deuxième moitié du
XIXème siècle. Ce sont des habitats de forme circulaire avec des murs en pierres bâties à la chaux, en parement intérieur,
et des mottes de « turf » en parement extérieur, élevées sur un soubassement de pierre. Les toitures de ces huttes étaient
en bois également recouvertes de mottes herbeuses. Ce type d’habitat a aujourd’hui disparu. Les écossais ont aussi
utilisé la bauge, que l’on désigne par les termes « mud walls » ou « clay walls ». De très nombreux « cottages » ruraux,
mais aussi des maisons de villages du Perthshire, du Duumfriesshire, du Banffshire ou d’Inverness, comme des
quartiers historiques de villes (Dundee, Edimbourg), témoignent d’un emploi extensif de ce procédé sur au moins la
moitié des territoires d’Ecosse. Ce mode de construction suggère une filiation avec les procédés utilisés par les
bâtisseurs de l’île de Man et d’Irlande.
En Italie
La colonisation grecque introduisait la brique crue à partir du VIème siècle avant J.C. Son emploi se développera tout au
long de l’histoire de la péninsule, traversant les époques étrusques et romaines, et la brique crue demeurera le matériau
dominant de l’édification des habitats ruraux, jusqu’aux époques post augustéennes (1er et 2ème siècles ap. J.C.). Dans
son livre témoignant des « merveilles de l’architecture de terre crue », Eugenio Galdieri40 nous rappelle que les
établissements de l'antiquité romaine étaient fortifiés par des levées de terre : l'agger terreus carinarum. Ces
er
fortifications étaient encore édifiées aux époques romaines récentes (1 siècle av. J.C.) et Varron41 témoigne que les
bâtisseurs sabins utilisaient le pisé "en mélange de terre et de gravier aggloméré dans des moules, comme en Espagne
et dans le territoire de Tarente." D'autres auteurs comme Vitruve, Pline l’Ancien et Columelle ont évoqué l'utilisation
constructive de la terre pour les ouvrages de défense ou d'habitat en Italie.
Même s'il fut connu des romains, sous l'appellation d'opus formarium et d'opus africanum, le pisé - terme dérivé du latin
populaire pi(n)sare ou pisare qui signifie massiver - ne fut pas beaucoup développé sur la péninsule qui utilisait
davantage la brique crue (lateres) héritée de la Grande Grèce. Ce matériau est toujours dominant dans le patrimoine
d'habitat rural en terre des Abruzzes, dans les Marches, les Pouilles, en Lucanie et en Calabre ainsi que dans les
Campidani de Sardaigne42. On retrouve quelques traces de pisé en Italie, au Moyen Age, évoquées par un ouvrage sur
l'histoire de la maison rurale de B. Crova43 : « le abitazioni si ridussero a rozzi tuguri costituiti del legname … ovvero
da paglia e terra battuta, costituendo i muri che presero il nome di pisé (…). ». Des influences étrangères, à la fois
orientales et occidentales, ont contribué à introduire leurs modes de construction en terre traditionnels, entre le début du
ème ème
XVI et la première moitié du XVIII siècles. Ce fut le cas d'une population chrétienne émigrant de Yougoslavie,
Albanie et Grèce, chassée par les invasions ottomanes dans les Balkans, qui se réfugia dans les Marches, les Pouilles et
39 Walker, B., McGregor, C., Little, R., « Earth Structures and construction in Scotland », Historic Scotland Technical Advice Notes n°6,
Edimbourg, 1996, 128 p.
40 Galdieri, Eugenio, « Le meraviglie dell'architettura in terra cruda », Editori Laterza, Rome-Bari, 1982,305 p. ; Chapitre VIII, « una piccola Italia
di argilla », pp. 191-200
41 Varron, Res Rusticae, I, 14, 40.
42 Baldacci, Osvaldo, Carte de la diffusion de la brique crue en Italie, « L'ambiente geografico de la casa in terra in Italia », in Revue de géographie
italienne, Vol. LXV, Florence, 1958 ; du même auteur, « La Casa Rurale in Sardaigna », Florence, CNR, 1952.
43 Crova, B., « Case rurali attraverso i secoli », Difesa Sociale, XIII, n°9, 499 p., Rome, 1934, cité par Eugenio Galdieri.
Page 56
Hubert Guillaud
ème
en Calabre44. Mais aussi dans le Piémont méridional où, au début du XVII siècle, des Sarrasins venus d'Espagne se
seraient installés dans la région de Scrivia45.
Le pisé, en Italie, ne peut être observé que sur l'habitat rural de deux régions. D'une part dans le Piémont méridional,
dans l'aire dénommée « Frascheta » qui correspond à la partie sud de la province d’Alessandria (villages de San
Giuliano Nuovo, San Giuliano Vecchio et Mandragne, par exemple), également dans la Plaine de Marengo, et d'autre
part sur quelques territoires de Toscane (aires de la Valdechiana et de la Cortona)46. La typologie de l'habitat en pisé de
ces régions restitue des modèles très simples de maisons bloc en hauteur compactes (Plaine de Marengo) ou de maisons
bloc à terre en longueur (Toscane), qui correspondent à l'habitat des familles paysannes les plus pauvres, celles des
journaliers. On ne trouve pas de témoignage d'une architecture en pisé de type bourgeois qui aurait adopté les éléments
ème ème
de composition typés de la stylistique du XVIII et du début du XIX siècle, comme c'est le cas en France ou en
Allemagne.
C'est sur cet héritage historique que l’on situe, en Italie, l'adaptation critique des « Cahiers d'école d'architecture rurale »
de François Cointeraux par Giuseppe Del Rosso qui publie en 1793 son opuscule intitulé « Dell'economica costruzione
delle case di terra ». La préoccupation de l'auteur est claire et comparable à celle de ses confrères architectes européens
(Henry Holland et David Gilly), comme lui membres de sociétés savantes et d’académies47. Il traduit et adapte
Cointeraux dans le souci d'être utile à l'amélioration des conditions de vie rurales, et dédie son opuscule « aux
propriétaires industrieux et aux habitants de la Région de Toscane ». Del Rosso se situe donc directement dans le
lignage de la pensée de l'Europe des Lumières et considérait l'art de bâtir en pisé comme une solution pouvant garantir
la salubrité, la durabilité, l'incombustibilité de cet habitat, tout en faisant appel à l'utilisation de moyens économiques.
Parlant de l’architecture vernaculaire en terre d’Italie, qu’il reliait à celle d’un plus vaste monde, le géographe italien
Osvaldo Baldacci évoquait une véritable « civilisation du cru ». Comme l’a noté Mauro Bertagnin48, ce sont des murs
de terre élevés à même le sol, ou en tranchées, sur « uno strato di breccia o di cocci di mattone », dans la région des
Marches, parfois sur des fondations et soubassements dressés en pierres locales, « priassòn » et « pezzi di laterizio »
bâtis à l'argile liquide, dans le Piémont, ou plus modestement en « pietrisco e calce », en Basilicata. De tradition, on
livrait la maison de pisé avec sa toiture, en Piémont comme en France, dans le Dauphiné. Des toitures et couvertures en
« legno di acacia » ou « di olmo » pour la charpente, et des « canne palustri » ou de « la paglia » pour les couvertures
des « casoni » lagunaires du Veneto, ou « cannicciata » pour les « pagliare » et les « atterrati » de la région des
Marches. De ce florilège de mots et d'expressions populaires se dégage un large prisme de colorations et une superbe
musicalité de la langue italienne régionale qu’a restitué Bertagnin dans son ouvrage. C'est ainsi que la maison de terre
italienne se décline en « casciòt », « casci'n-na » ou « cascinotto », dans le Piémont ; en « ca'de tron » ou « ca' de
madòn » selon qu'elle est construite en briques crues ou en pisé, en « gabanòt » ou en « casutèll », en Lombardie ; ou
encore en « casa di zolle erbose » (mottes de terre découpées), en Toscane, en « pagliare », « casalino » dans les
Marches, en « casedda » dans la Basilicata, en « brestara » dans la Calabre. C'est ainsi que le maître-maçon piseur
piémontais se dénomme le « battitore di case » et que le constructeur en briques de terre des Abruzzes s'appelle le
« mastre » ou le « casoniere » dans le Veneto. Mais plus encore, c'est la richesse du langage vernaculaire désignant les
briques de terre crues, si banalement et communément appelées adobes dans le monde entier, qui donne une coloration
exceptionnelle à cette « civilisation du cru » italienne : « massi », « massoni » ou « gnocchi » des Marches ;
« massùne » en bauge des Abruzzes ; « lòttul » et « nòttul » de Lombardie ; « ciùciule » de Basilicata ; « mattonazzu »
ou « mattunazze », « bresti » ou « bisu » de Calabre ; « mattone crudo » ou « ladiri » de Sardaigne.
44 D’après Galdieri, Eugenio, « Etat et futur des Bâtiments Italiens en Terre : les cas du Piémont et de la Sardaigne », in « Le Patrimoine Européen
en Terre et sa Réhabilitation », colloque international MELATT, ENTPE, Université Jean Moulin Lyon III, Mars 1987, 583 p., pp. 258-259.
45 Barozzi, Pietro, étude, « Le trunere della Frascheta nella piana di Alessandria », Revue de géographie italienne, cité par Mauro Bertagnin dans
son édition critique du manuel de Giuseppe Del Rosso, « Il Pisé e la Regola Manualistica Settecentesca per l'Architettura in Terra », EdilStampa,
Roma, 1993, 107 p. pp. 11-27.
46 Bertagnin, Mauro, « L'architecture de terre en Italie : connaissance et réhabilitation d'un patrimoine typologique et technologique méconnu », in
« le Patrimoine Européen Construit en Terre et sa Réhabilitation », op. cit. pp. 219-253.
47 Del Rosso est membre de la R. « Academia De' Georgofili » de Florence et Henry Holland membre du « Board of Agriculture » de Londres.
48 Bertagnin, M., « Architetture di terra in Italia », Préface de Guillaud, H., EDICOM edizioni, Monfalcone (Gorizia), 1999, 319 p..
Page 57
Hubert Guillaud
Le début de notre ère correspond à l'édification de pyramides en terre à base circulaire qui précèdent l'avènement de la
Période « Tzacualli » inaugurant les premiers ensembles de pyramides : les « teocallis ». La civilisation de Teotihuacan
est établie vers 150 ap. J.C. Le grand axe de la « Cité des Dieux », l'Allée des Morts, long de plus de cinq kilomètres,
est bordé de ces pyramides en briques de terre accumulées, parée de pierres : la citadelle, la pyramide de Quetzalcoatl,
la Pyramide du Soleil, et en bout de l'allée, la pyramide de la Lune. Dans le quartier de Tlamimilalpa, l'habitat populaire
est regroupé en zones denses. Ce sont des ensembles d'habitations d'un seul niveau, fermées par des murs aux
dimensions uniformes et d'orientation identique, organisées autour de patios. Élevées sur un soubassement en pierre
avec un stucage au mortier de chaux, ces habitations ont pu être en bois et en torchis ou même en briques de terre crue.
A son apogée, le site de Teotihuacan a pu regrouper jusqu'à 200000 habitants. Au VIIème siècle ap. J.C. les envahisseurs
toltèques du nord qui ont fait plier Teotihuacan se civilisent et fondent une nouvelle cité dans le Bassin de Mexico :
Tula. La terre, associée à la pierre, fut sans doute utilisée pour la construction des ouvrages publics et devait être revêtue
d’enduits à la chaux, techniques déjà parfaitement maîtrisées par la civilisation de Teotihuacan. Il reste peu de traces de
l’habitat mais il n'est pas impossible que celui-ci dut emprunter ses dispositions, ses formes et ses techniques, à la
civilisation antérieure de Teotihuacan. La civilisation de Tula s'effondre vers 1168 sous la pression des migrations
aztèques envahissant le bassin de Mexico. C'est sur un îlot rocheux du lac Texcoco que les Aztèques érigent leur
premier temple à leur dieu solaire et guerrier Uitrilopochtli. Cette simple cabane de roseaux marque la fondation de
Tenochtitlan-Mexico, en 1325 ou 1369 ap. J.C. L'implantation première du site colonise progressivement la partie
occidentale de la lagune avec une extension de l'habitat sous forme de bourgade de huttes en bois, végétaux et torchis.
Les Aztèques y développent un mode de vie essentiellement lacustre sur la base d'un troc de produits de la pêche contre
des matériaux de construction produits par les populations environnant le lac Texcoco. Un siècle plus tard, en 1473
ap.J.C., la cité déjà vaste de Tenochtitlan s'étend à la cité lagunaire voisine de Tlateloco. Ce rayonnement de la
civilisation aztèque ne sera que de courte durée puisque s'annonce la période coloniale espagnole avec l'arrivée des
conquistadores dans la vallée de Mexico le 8 novembre 1519. Les chroniques de Bernard Diaz Del Castillo et de
Ignacio Bernal rapportent que les espagnols découvrirent une ville superbe, toute blanche, une vaste agglomération
lacustre édifiée sur une zone marécageuse aménagée. La ville de Tenochtitlan-Mexico dépasse les limites insulaires du
lac Texcoco et s'étend sur près de 1000 hectares. Elle aurait abrité jusqu’à 500000 personnes. Reliée à la terre par trois
grandes digues constituant des chaussées soigneusement construites et entretenues, la cité est parsemée d'ouvrages
hydrauliques, canaux et aqueducs. On y circule en barque. L’habitat populaire aztèque était simple, sans étage et à
toiture terrasse plate, sa façade principale, aveugle, orientée vers la rue ou vers un canal. Une cour intérieure permettait
de cultiver des fleurs et légumes, d’élever des dindons. Le matériau le plus couramment employé était la brique de terre.
Le palais de Moctezuma II, qui a régné de 1502 à 1520, est lui-même constitué de bâtiments à terrasses plates, aux murs
édifiés en pierres et en briques crues dressées au mortier de chaux et revêtus d'un stucage polychromé. Le 14 août 1521,
la ville de Tenochtitlan, « Venise du Nouveau Monde », est mise à sac et détruite par les troupes de Hernan Cortez qui
anéantit la civilisation aztèque et inaugure le début de la colonisation espagnole.
Depuis ces époques coloniales, dans l’ensemble du « Nouveau Monde », le matériau terre continuera a être
abondamment employé dans la construction des habitats ruraux et des logements urbains. En effet, l’architecture
vernaculaire en terre mexicaine est comparable à celle des autres pays d’Amérique latine centrale. Au Guatemala, en
Costa Rica, au Nicaragua, au Salvador, cette partition entre une architecture urbaine historique en adobe et une
architecture rurale en bois et torchis peut être toujours observée de nos jours. Les bâtisseurs des époques coloniales
fondaient leurs pratiques constructives sur les savoir-faire natifs en reprenant et améliorant les matériaux et les principes
de construction locaux. Ce fut le cas pour la construction des édifices religieux et des bâtiments des missions
franciscaines et jésuites durant les grandes périodes d'extension de l'empire espagnol sur l’Amérique latine qui
Page 58
Hubert Guillaud
contribuaient à l’installation de nouveaux établissements humains ou à la croissance des villages anciens. De même
pour la construction des grandes « haciendas » agricoles et de leurs établissements ruraux périphériques, au cours du
ème ème
XVIII et du XIX siècle, où les constructeurs privilégieront l'emploi de la brique de terre crue moulée, associée à la
pierre pour les chaînes d’angle, les tableaux de baies et pour le traitement de la modénature (corniches, frontons).
Combien d’édifices dans les territoires septentrionaux du Mexique, de Monterrey à la Basse Californie, témoignent de
cet art de bâtir totalement maîtrisé. Jusqu’à l’époque de développement industriel qui associait le béton à l’adobe.
Aujourd'hui encore, hors la ville, la terre crue demeure l'un des matériaux de construction commun de l'architecture
rurale mexicaine.
Le Pérou
C’est au IIème millénaire avant J.C. qu’apparaissent les premières structures en terrasses de terre. Celles-ci supportent
des constructions quadrangulaires en partie enterrées dont la partie supérieure fut vraisemblablement dressée en
ossature bois hourdée de torchis. Les édifices qui préfigurent les premiers totems funéraires ou « Huacas », sont datés
du XVIème siècle avant notre ère. Sur le site de Rio Seco, au sud de Paramonga, on peut observer deux constructions
pyramidales tronquées, de 4 mètres de haut. Ces enveloppes de briques crues remplies de galets de rivière constituent
des plate-formes recouvertes de sable. Puis, au XIIIème siècle av. J.C., sur la côte pacifique nord, apparaissent de vastes
ensembles cérémoniels, souvent cernés de monolithes de granit gravés. Dans la vallée de Casma, le site de Serro Sechin
constitue l’un des plus beau exemples de cette architecture associant la pierre bâtie au mortier de terre et la brique de
terre de forme conique. Ces briques, dont quelques échantillons sont exposés dans le petit musée de site Max Uhle, sont
impressionnantes par leur taille (60 cm de diamètre en leur base et 50 cm de haut pour les plus volumineuses). Leur
variété de forme confirme qu’elles étaient façonnées de main d’homme. Le passage du Ier millénaire av. J.C. introduit
de nouveaux modèles d’habitat liés au développement de grands centres politico-religieux. Vers le IIème siècle, les
territoires de la côte nord du Pérou, sont marqués par l’édification de plusieurs cités, parfois fortifiées, et par la
construction d’un vaste système d’architecture hydraulique amenant l’eau des Andes dominantes pour étendre
l’irrigation des terres côtières désertiques. Le passage de notre ère amène la naissance de la culture Nazco qui confirme
l’utilisation de la brique crue moulée en remplacement de la brique conique façonnée. La culture Moche qui s’établit
par la suite sur les régions côtières poursuit les travaux d’irrigation et leur donne une ampleur considérable. Au
voisinage immédiat des habitats sont édifiés de grands édifices cérémoniels. Les célèbres « Huaca del Sol » et « Huaca
de la Luna », édifiées dans la vallée du Moche, près de Trujillo, sont parmi les plus grands monuments au monde
édifiés en briques crues, comparables aux ziggourats sumériennes. Puis, la brique de terre crue sera le matériau
d’excellence de l'empire Chimú qui colonise les vallées côtières pour y concentrer une élite dirigeante et leurs
serviteurs. Les ouvriers, constructeurs des ensembles palatiaux Chimú, semblent vivre hors la ville, dans des maisons
rudimentaire de bois, torchis et toitures en chaume, édifiées à proximité des terres cultivées, comme en témoigne une
reconstitution du Musée de site de Chan Chan. Superbe Chan Chan. Ce vaste ensemble, considéré comme la plus
ème
grande cité planifiée du Pérou préhispanique, connaît son apogée au XIII siècle. Il constitue à la fois un lieu de
résidence pour les souverains Chimú et un lieu de stockage des denrées agricoles. Les temples occupent une place
secondaire. En effet, la fameuse « Huaca del Dragon » ou « Arco Iris », se trouve hors du périmètre de ce vaste site
couvrant une superficie d’environ 20 km2 et qui aurait pu abriter jusqu'à 40000 personnes. Chan Chan est divisée en
une douzaine de « quartiers » ou « palais » mesurant jusqu'à 500 x 300 mètres de côté et ceints d'une muraille de
briques d’adobes, de 4 mètres d'épaisseur à la base et haute de 7 à 8 mètres. Chacun de ces quartiers correspond à un
souverain de la dynastie Chimú dont le palais résidentiel devenait sanctuaire à sa mort, entretenu par ses proches et des
prêtres. Dans le quartier Von Tschudi, l’un des mieux conservés, les murs d'adobe sont revêtus d'un enduit d'argile lissé,
décoré de frises en relief aux motifs répétitifs faisant alterner des représentations zoomorphes de la faune côtière
animalière (« nutrias marinas »), de poissons et d'oiseaux de mer (pélicans, cormorans). Le quartier Rivero, voisin du
Von Tschdi, témoigne de la construction en bauge vraisemblablement coffrée pour l’ensemble des murs périphériques.
L’emploi de ce procédé confirme le souci des constructeurs Chimú d’élever la productivité pour réduire les délais de
construction. L’adobe est alors réservée à la construction de structures plus petites, à l’intérieur de cette vaste enceinte
de bauge.
Les Incas, tribu issue de la région située entre le lac Titicaca et Wari, s'installent vers 120 ap. J.C., dans la plaine de
Cusco. Ils étendent progressivement leur influence sur la région andine et constituent un empire vers 1400 ap. J.C.
L'année 1438 marque une première expansion de l'Empire Inca au delà des hautes terres andines, sous le règne de l'Inca
Pachacuti. Ils engagent alors la domination des sites côtiers vivant dans l'opulence et très vulnérables à cause de leur
dépendance à l'irrigation, en prenant le contrôle des ouvrages hydrauliques qu'ils détournent. Face à cette pression des
Incas, l'Empire Chimú édifie de grands ensembles défensifs le long des territoires côtiers. Tel est le cas de la forteresse
de Paramonga, un site qui domine l'Océan Pacifique, élevé sur une succession de plates-formes en blocs d'adobe. Mais
les Incas finissent par avoir raison de l'empire Chimú avec les conquêtes du fils de Pachacuti, Tupa Yupanqui, qui fait
Page 59
Hubert Guillaud
tomber Chan Chan en 1450. Un manuscrit inca rapporte que lorsque Tupa Yupanqui entra en vainqueur à Chan Chan, il
fut stupéfait de constater la richesse et la beauté de la cité côtière, construite selon un plan immense, avec ses rues
droites et alignées, inondées de soleil. Les Incas emprunteront beaucoup aux Chimú en matière d'urbanisme pour leurs
villes côtières et de techniques de construction en terre. Ces ensembles côtiers sont construits en adobe ou en pisé
comme on l’observe à Tambo Colorado, le long du Rio Pisco, à Pachacamac ou Puruchuco, sites proches de Lima dans
la vallée du Rimac. Dans les sites andins, l'architecture civile d'habitat a principalement utilisé la brique d'adobe et le
pisé dressés sur des soubasements de pierre. Les quartiers populaires de Cusco, Pisac et autres cités incas d'altitude,
étaient sans doute bâtis en application de ces techniques comme en témoignent les édifices de ces époques (Temple de
Wiracocha à Raqchi, par exemple). Il ne faudra que six années aux espagnols pour avoir raison de cette fantastique
puissance inca sur le déclin, anéantie en 1533 par les troupes du conquistador Pizarro. Mais, les techniques de
construction en terre de cette époque demeurent et témoignent aujourd'hui d'un savoir-faire venant de ces temps reculés.
Plusieurs chercheurs nord-américains ont étudié les patrimoines d’habitat des cultures indiennes du « Grand Sud-
Ouest » (Nouveau Mexique, Arizona, Colorado, Californie). Ces travaux valorisent l'architecture des « pueblos » de
plaines et grands « rios » (Taos Pueblo), ou des sites de « mesas » (Acoma) et de « canyons » (Canyon de Chelly, Mesa
Verde, Chaco Canyon). On peut ainsi suivre l'évolution d'une culture constructive passant du torchis sur structures en
bois (les « wattle houses » de la culture Mogollon et de la période dite Pionneer), au hourdage en boules de terre (les
« jacal houses » de la culture Anasazi), puis à l'emploi de la brique crue aux époques plus récentes (période Pueblo)
influencées tardivement par les apports hispano-mexicains49. Aux époques d’immigration européenne en Nouvelle
Angleterre, ce sont les cultures constructives du bois, colombage et torchis, et de la bauge, dans une première période
ème ème ème
(fin du XVIII et début du XIX siècle), puis du pisé par suite relayé par la brique crue (XIX siècle), qui furent
successivement employées, avant que se développe la construction en brique cuite, pierre, puis en béton, à partir de la
ème ème
deuxième moitié du XIX siècle. Des recherches historiques menées sur ce XIX siècle dans l'état de New York
rendent compte d'un développement de la construction en pisé à partir d'influences anglaises, elles-mêmes venues de
France et confirment l'impact de la traduction des « Cahiers d'École d'Architecture Rurale » de François Cointeraux par
Henry Holland50. Pour les époques de migration des pionniers vers l'Ouest des Etats-Unis, plusieurs études récentes
montrent que de nombreux établissements du Nebraska furent construits en « sod » (mottes de terre), alors que les
populations qui s'établissaient sur les territoires du sud et du sud-ouest (Texas, Oklahoma, Nouveau Mexique, Arizona,
Colorado, Nevada et Californie), privilégiaient l'adobe. Enfin, les années 1970 amènent un renouveau de l'architecture
de terre à partir d'initiatives d'architectes, d'entrepreneurs et d'autoconstructeurs, dans les états du sud-ouest. Cette
« adobe fashion associée au bioclimatisme (énergie solaire passive) est très présente au Nouveau Mexique, à Santa Fe et
Albuquerque (Corrales). Ce mouvement issu de la contre culture nord américaine a été portée par des personnalités
aussi fameuses que Steward Brand, fondateur du « Whole Earth Catalog », ou par Joe Tibbets, fondateur du journal
« Adobe Today », par des architectes comme William Lumpkins, Steve Baer, David Wright, Paul Graham McHenry,
Edward Mazria, qui ont été les références d’un renouveau des architectures de terre pour une nouvelle génération
d’architectes dans beaucoup de pays du monde.
49 Quelques uns des ouvrages de référence : Nabokov, Peter et Easton, Robert, "Native American Architecture", Oxford University Press, New York,
1989, 431 p. Bunting, Booth, Sims, Jr., "Taos Adobes. Spanish Colonial & Territorial Architecture of the Taos Valley", éditions du Fort Burgwin
Research Center, Inc., 1964, réédition en 1975, 80 p. Bunting, Bainbridge, "Early Architecture in New Mexico", University of New Mexico Press,
Albuquerque, 1976, 122 p.
50 Deux thèses de l’Université Columbia, New York, doivent être relevées : Cody, Jeffrey William, « Earthen Wall Construction in the Eastern
United States » et, Dassler, Lee, "Nineteenth Century New York State Earthen Homes : An Investigation Of Their Material Composition »
Page 60
Hubert Guillaud
urbaine portée à maturité a fondé son développement sur la culture mixte de la brique crue et de la brique cuite.
Harappa et Mohenjo-Daro, cités pourtant éloignées de près de 600 kilomètres l'une de l'autre, présentent des caractères
similaires et traduisent les volontés de planification urbaine de leurs constructeurs. A Mohenjo-Daro, un maillage de
grandes rues rectilignes permet d'ordonner l'implantation d'ilôts d'habitations de plan rectangulaire qui ont pu être
élevées sur deux niveaux. Les rues sont dotées dans leur axe central d'un réseau de canalisations recouvertes de dalles
qui confirme le souci d'hygiène de la population. Les vestiges de cette cité témoignent de l'existence de vastes greniers
et de bains publics. L'effondrement de cette civilisation de l’Indus qui avait développé près de trois cents établissements
de caractère urbain, le glissement de ses influences culturelles vers l'actuel Rajasthan, suivi de la colonisation de la
vallée du Gange, s'accompagneront d'un processus de pétrification de l'architecture urbaine et monumentale. La brique
de terre crue sera dès lors réservée à l'habitat populaire. Cette tendances se confirme à partir des temps védiques, au
ème
V siècle av. J.C. Les modèles de la culture constructive indienne en terre crue sont alors bien établis et fondent les
références qui exposent aujourd'hui, dans l'ensemble de l'Inde, une déclinaison d’architectures d'une grande variété. La
bauge, la brique crue et le torchis cohabitent dans la plupart des régions, dans l’habitat rural comme urbain. Seul le pisé
est absent de ce vaste pays alors que l’on peut observer des traditions d’exception de cette technique dans les régions du
nord de l’Inde, sur les piémonts himalayens, au Népal, au Bouthan et au Ladakh. La grande tradition des monastères
bouddhiques et des lamasseries du Laddakh, bâtis sur des pitons rocheux ou sur des plateaux d’altitude accueillants, est
sans aucun doute l’une des plus accomplie du genre.
La Chine
Une étude remarquable sur la maison chinoise permet d'apprécier la permanence des cultures constructives en terre
chinoises au fil de l’histoire51. Au-delà des maisons-poches du Néolithique, l'habitat chinois s'élevait au dessus du sol
en mobilisant les techniques de construction en bois et torchis, puis la bauge. Le site de Banpo, dans le Haut Bassin du
ème
Fleuve Jaune (Huang), de Culture Yangshao (II millénaire), en témoigne. Ces maisons rondes ou ovales adoptaient le
plan rectangulaire aux époques de Culture Longshan qui étendait ses influences au sud, vers le Henan et le Hubei.
ème ème
L'Age du Bronze et l'avènement des dynasties Shang (XVIII - XII siècle av. J.C) qui contrôlent la Chine du nord,
inaugurent la construction des cités féodales à plans orthogonaux, ceintes de fortifications en terre battue. A Zhengzhou
et Anyang, capitales Shang, les palais Yin sont construits en structures de bois hourdées de torchis. Ces principes de
ème ème
construction seront maintenus sous la dynastie Zhou (XII - VIII siècle av. J.C.) qui élève ses constructions en bois
et torchis sur des plates-formes de terre damée au moyen de grosses pierres mues par des cordages. Sous la période des
ème ème ème
Printemps et Automnes (VIII - V siècles), puis des Royaumes Combattants (IV siècle), la construction chinoise
expérimente les matériaux cuits en inaugurant cette évolution par des torchis durcis au feu qui amèneront l’invention de
la brique et de la tuile cuite. C'est aussi le début de la construction de la muraille de Chine, qui s'achèvera sous les
ème
souverains Ming, au XVI siècle de notre ère, et dont plusieurs tronçons sont en terre damée retenue par des
parements de pierre. La construction en briques de terre crue ou cuite, en hourdage de structures en bois, s'est
développée à cette même période des Royaumes Combattants et s'est généralisée sous la dynastie des Han qui
ème
consacrait l'unification de la Chine, par l'empereur Qin, à la fin du III siècle av. J.C. Cette époque de grand
développement des propriétés foncières voit la multiplication des fortifications en terre damée. De ces époques
lointaines, l’archéologie chinoise a révélé de vastes cités dont la taille et les formes urbaines comme architecturales sont
parmi les plus abouties au monde. Tel est le site extraordinaire de Jiaohe, situé dans les régions nord-orientales du
Xinjiang, à proximité de Turpan. Une ville toute d’adobe et de pisé, occupant un site privilégié de plateau élevé, long de
1,7 km et large de 300 mètres, drainé de part et d’autre par des cours d’eau. Place forte située au carrefour des relations
entre l’Extrême Orient et l’Occident, Jiaohe paraît imprenable. Sous la domination des Tang, Jiaohe fut un centre
important de gouvernement, une place militaire et un centre de commerce très prospère relié à la Route de la Soie. Elle
fut finalement abandonnée et détruite par le feu, dans la seconde moitié du XIVème siècle. On y peut encore observer les
ruines impressionnantes d’un temple bouddhique bâti en pisé, et les restes d’une pagode en adobe qui cohabitent avec
un linéaire impressionnant de murs en terre totalement ruinés. L’apparition d’habitats en pisé, de forme très élaborée,
ème
est située durant la période des Trois Royaumes (à partir du II siècle av. J.C.), chez les Hakka des régions du Plateau
central qui maintiendront cette culture constructive jusque dans les années 50 de ce siècle. Ce sont de vastes fermes
d’allure fortifiée, de plan rectangulaire ou circulaire, en anneaux concentriques, qui logent de larges groupes claniques
ème
sur deux ou trois étages en bois appuyés sur les murs extérieurs en pisé. A dater de la Dynastie Sui (VI siècle ap.
J.C.), les cultures constructives de la terre crue, torchis et brique de terre, sont réservées à l'architecture rurale et
populaire alors que l'architecture urbaine adopte la brique cuite. Seul l'emploi du pisé demeure pour la construction des
fortifications des grandes villes qui les conserveront jusqu'à une époque récente, tel qu'à Beijing (Pékin), où l'on pouvait
Page 61
Hubert Guillaud
encore les observer dans les années 50. Aujourd'hui encore, les établissements humains ruraux, les quartiers anciens des
petites et moyennes villes de Chine, sont en majorité construits en briques de terre crue et en pisé. Une autre tradition
historique de l'architecture de terre chinoise est celle des habitats troglodytiques des provinces du Henan, Shanxi,
Qinghai, et dans les régions de Ningxia et Xinjiang, toutes situées au sud de la Mongolie Intérieure, dans le bassin
moyen du Huang peuplé de plus de deux cents millions d’habitants. Ce bassin fluvial est constitué de la plus grande
accumulation de loess du monde, un matériau d'origine éolienne à texture silteuse qui peut être facilement travaillé et
creusé, sans risque d'effritement. Cette culture s'est maintenue au cours de l'histoire en passant par des phases
successives d'évolution. Les habitats troglodytiques à creusement latéral sont souvent caractérisés par des
prolongements extérieurs (cour d'accès, bâtiments annexes), qui sont bâtis en brique de terre crue ou cuites. Cette
architecture s'est développée à la dimension urbaine, en groupements d'habitats creusés autour de puits à plan carré
voisinant dans un tissu construit dense52. Les architectures de terre chinoises démontrent l’évidence d’une des plus
grandes traditions du monde53.
L'histoire de l'architecture vernaculaire en terre d’Australie est assez bien décrite par des recherches éditées depuis la fin
des années 70. Mais celles-ci traitent essentiellement de l'histoire moderne de ce pays54. Les premiers établissements
des colons européens furent construits en bois et torchis. L’emploi de l’adobe n’est venu qu’après, alors que la fin du
XVIIIème siècle et le début du XIXème siècle introduisaient le pisé grâce au rayonnement de la traduction anglaise des
écrits de François Cointeraux par Henry Holland. Son texte est en effet publié en 1823, dans le Sydney Gazette, en deux
parties, sous forme de feuilleton dominical. Cette publication correspond à la fondation d'un nouvel établissement du
nom de Bathurst, où les colons emploient le pisé. Cette promotion du pisé dans des périodiques, connaît une période
faste et plusieurs autres articles sont publiés au cours de cette année 1823. Dans le Hobart Town Gazette qui rapporte
que ce mode de construction a été introduit en Australie depuis l'Europe et utilisé pour la construction de quelques
fermes dans la région55. Cette introduction du pisé en Australie semble avoir aussi touché la Nouvelle Zélande où une
mission catholique romaine fut construite à Kororareka, en 1841-1842. Ce bâtiment, aujourd'hui connu sous le nom de
« Pompallier House » fut édifié sous la supervision d’un architecte français, Louis Perret, originaire de la région de
ème
Lyon56. La deuxième motié du XIX siècle semble avoir popularisé le pisé dans plusieurs régions d'Australie, en
Victoria où il faisait son apparition, au New South Wales et en Adelaïde, comme mode de construction reconnu
qualitativement supérieure au torchis et à la bauge, ou même au « sod » (mottes de terre gazonnée), techniques de
construction rurale dominantes à cette époque. Un constructeur dénommé William Kelly a introduit le pisé à
Melbourne, en 1853, mais sans succès, car son expérimentation se soldait par quelques problèmes d'infiltration d'eau et
d'érosion des murs. Il fut suivi par un certain Charles Mayes qui tenta d'améliorer le mode de mise en oeuvre en utilisant
des banches métalliques. La « Victorian Industrial Society » offrit des prix pour la meilleure méthode de construction en
pisé. Mais, au-delà de cette période, l'engouement australien pour le pisé semble avoir périclité au profit de la
ème
construction en briques de terre crue. La littérature de la fin du XIX n'en fait plus mention. Le pisé en Australie
ème
demeure malgré tout une technique de construction actuelle car il a connu un regain d'intérêt au XX siècle, dans les
années 30, dans le milieu de communautés d'artistes puis au-delà de la Seconde Guerre Mondiale, dans les années 50.
Julius Jorgensen fondait la communauté de Monsalvat, à Eltham, près de Melbourne et bâtissait sa propre maison en
pisé avant d'utiliser l'adobe pour d'autres réalisations. Il était suivi par John Harcourt, journaliste anglais qui s'installait à
Eltham, et devenait bâtisseur en pisé. Puis, la construction en adobe allait revenir au premier plan avec les réalisations
de Alistair Knox, employé de banque passionné de construction en terre qui allait donner un style propre à l'architecture
en briques crues et structures en bois par de nombreux projets encore réalisés à Eltham et plus largement dans l'Etat de
Victoria. Dans les années 50, un expert des Nations Unies, ancien inspecteur de construction, G.F. Middleton, allait
52 Loubes, Jean-Paul, "Maisons creusées du Fleuve Jaune. L'architecture troglodytique en Chine", éditions Créaphis, 1988.
53 Quelques autres repères de documentation sur l'architecture chinoise : Edwards, R. et Lin Wei-Hao, "Mud brick and earth building. The Chinese
way", éditions The Rama Skull Press, Australie, 1984, 156 p. Knapp, Ronald, G., "China's traditional rural architecture. A cultural geography of
common house", éditions University of Hawai Press, 1986, 177 p. Yamasaki, Shu et Kyoto Shoin, "Discovering earth. The earth of China", éditions
New Color Printing, Japon, 159 p.
54 Deux ouvrages de référence : Lewis, Miles, « Victorian Primitive », Greenhouse Publications, Carlton, Victoria, 1977, 87 p. Voir notamment,
« Origins of Pisé de Terre », pp. 45-50 et « Pisé in Australia », pp. 51-58. Howard, Ted, « Mud and Man. The history of Earth Buildings in
Australasia », Earth Buildings Publications, Melbourne, Australie, 1993, 198 p.
55 Références données par Miles Lewis, in « Victorian Primitive », Greenhouse Publications, Carlton (Victoria), 1977, Australie, 87 p., où le Hobart
Town Gazette, du 3 mai 1823, est référencé ainsi que le Sydney Gazette, vol.XI n° 1019 du 28 mai 1823. D'autres journaux de l'époque mentionnent
aussi le pisé : le Sydney Herald, le South Australian Register, le Port Phillip Gazette, le Port Phillip Patriote, le Melbourne Advertiser et le Port
Phillip Herald.
56 Howard, Ted, « Mud and Man, The History of Earth Buildings in Australasia », op. cit.
Page 62
Hubert Guillaud
éditer un ouvrage de grande portée nationale, véritable traité pratique de construction en pisé et en adobe, qui allait
influencer un grand nombre d'architectes et ingénieurs ainsi que de trés nombreux autoconstructeurs57. Les
expérimentations de Middleton, ses recherches pour améliorer les techniques de coffrage du pisé (formes en « L » pour
les angles ou en « T » pour les intersections de murs), ses premières réflexions à caractère normatif, allaient amener une
véritable modernité du pisé en Australie. Ce vaste pays est aujourd'hui une région phare du monde pour la
réactualisation des architectures en pisé que réalisent de jeunes architectes et entrepreneurs à partir de plusieurs pôles
régionaux. Par exemple, l'architecte David Oliver, établi dans le Queensland, qui a réalisé de nombreux projets d'habitat
mais également d'équipement de sociétés industrielles (industrie de la bière, du vin ou du tourisme), et des bâtiments
publics (écoles et collèges). Ou encore la société Ramtec, du constructeur Steve Dobson, qui a réalisé de nombreux
projets d'habitat et autres bâtiments publics dans la région de Perth (Western Australia). Enfin, rappelons le programme
d'habitat social en autoconstruction assistée qui était lancé par le "Ministry of Housing" de l'Etat de Victoria, au cours de
la fin des années 80 et qui a été à l'origine de très nombreuses réalisations en briques d'adobe et structure en bois. Un
programme gouvernemental unique en son genre dans les pays industrialisés qui connaissent une croissance de leurs
populations sans-abri.
La naissance de la civilisation d’Elam, sur les plateaux iraniens du Khouzestan, à partir de la fin du IVème millénaire,
confirme l’établissement des premiers centres de caractère religieux annonçant les villes temples. A Khafajah, dans la
moyenne vallée du Tigre, les habitations situées autour du fameux Temple Ovale, restituent des tombes voûtées
construites en briques crues plano convexes. Ces voûtes sont dressées en arcs juxtaposés, inclinés, et présentent une
génératrice en section brisée. Ces principes de toitures vont rapidement se généraliser à l’habitat comme le montre le
site de Tell Asmar, en Irak central. C’est au passage du IIème millénaire que l’horizon mésopotamien est
progressivement marqué par l’édification des hautes ziggourats, grands massifs à étages construits en briques crues qui
seront plus tard parés de briques cuites. Cette tradition initiée à Ur, Eridu et Uruk, en Irak méridional, se diffuse dans
l’ensemble de la Mésopotamie (Assur, Samarra, Kish, Nippur, Larsa). L’un des plus beaux exemples aujourd’hui connu
est le site de Tchoga Zanbil, ou « Dur-Untash », en Iran, à la frontière de l’Irak, au sud de Suse. Sur ce site, fondé par le
roi Untash Napirisa, en 1200 av. J.C., la ziggourat qui fut fouillée par la mission française de Susiane, sous la direction
de Roman Ghirshman, dans les années 60, atteste d’un système constructif très original. En effet, ce ne sont pas des
plate-formes successives mais un emboîtements d’étages, comme une poupée russe. Cette ziggourat, dont les vestiges
actuels s’élèvent jusqu’au troisième niveau, était dotée d’un remarquable système de drainage des eaux de
ruissellement, constitué de cheneaux verticaux disposés en limite des terrasses, prolongés par des canalisations
traversant l’épaisseur des massifs de terre, qui débouchaient par plusieurs sorties sur le dallage du Temenos. D’autres
57 Middleton, G.F., Build your house of earth, Angus and Robertson, 1953, réédité par Compendium Pty Ltd, Melbourne 1975.
58 Mellaart, James, « Çatal Hüyük, a neolithic town in Anatolia », éd. Thames and Hudson, Londres, 1967, 232 p.
Page 63
Hubert Guillaud
superbes voûtes peuvent être observées sur le Palais Hypogée du quartier royal situé dans la partie sud-est du site. Ces
mêmes époques, depuis la période d’« Isin Larsa » (2000 - 1560), ont aussi contribué à une modélisation de l’habitat
urbain à étage, de disposition introvertie, organisé autour de cours intérieures. Les vestiges des maisons de la ville d’Ur
en attestent. Puis, l’architecture civile comme monumentale associera progressivement la brique crue à la brique cuite,
notamment au cours de la période médio-assyrienne, qui se conclura avec l’unification des royaumes de Sumer et
d’Akkad par le grand roi Hammourabi, fondateur de l’empire babylonien. Sous son règne, Sargon II (729 - 705) fait
édifier la ville de Khorsabad, ou « Dur-Sharrukin », qui est entourée d’une grande enceinte quadrangulaire abritant la
citadelle dont les palais et bâtiments religieux exposent de très beaux exemples de voûtes en berceau en briques crues
couvrant aussi les grandes portes de la cité. Puis, sous le règne de Sennacherib, la superbe ville de Ninive, établie sur les
rives orientales du Tigre, développera ce principe des fortifications percées de portes monumentales. On en comptait
quinze qui auraient été voûtées. Il ne reste pas de vestiges très lisibles de l’habitat en terre de ces époques mais des
reliefs découverts à Ninive semblent évoquer des constructions rurales modestes, couvertes de voûtes surhaussées,
vraisemblablement bâties en encorbellement, que l’on pourrait comparer aux habitat de la région d’Alep, en Syrie. Par
suite apparaît une technique de construction tout à fait originale. Il s’agit du « strut » qui permet de construire des
voûtes en éléments pré-moulés de terre et paille, renforcés par des petits bois, et bâtis en appui les uns contre les autres.
Cette technique se substitue alors aux arcs en briques crues car la taille des éléments est plus grande et n’exige que
l’emploi de trois à cinq éléments, selon la portée des voûtes. Il est ainsi possible de construire beaucoup plus
rapidement. Le site de « Tepe Nush-I Jan », dans le Louristan (Iran), avec son Temple Central, son Temple Ouest et son
Fort, atteste pour la première fois de cette technologie révolutionnaire. Vers 546, le grand roi Cyrus II fonde la cité de
Pasargades, établie dans la haute plaine intérieure désertique du Fars, en Iran méridional. Les bâtiments sont édifiés sur
une plate-forme, ou « apadana ». Leurs murs extérieurs sont encore bâtis en briques crues parés d’un revêtement de
pierres agrafées. Les palais de Darius Ier, puis de Xerxes, à Persépolis, reprendront les mêmes principes de construction.
Toutes ces techniques de construction seront largement adoptées par l’architecture populaire persane, jusque dans les
régions les plus éloignées de l’empire achéménide que vaincra Alexandre le Grand. On les retrouve en Bactriane
orientale, en Afghanistan (mausolée d’AI Khanoun), en Ouzbekistan-Khorezm (mausolée-forteresse de Koj Krylgan-
Kala), avec un très haut degré d’élaboration (formes toriques). La période Kouchane, en Afghanistan, introduit la
construction des voûtes sur plan carré puis sur plan rectangulaire. C’est la technique de la voûte en trompes d’angle,
surbaissée, ou voûte dite « balkhi » dont témoigne merveilleusement une citerne du site de Dilberjin Tepe, en Bactriane.
Les Parthes Arsacides (- 250 / + 250), continueront à utiliser largement le principe des voûtes en arceaux édifiées en
« struts » juxtaposés. Le site de Shahr-I Qumis, en Iran (Damghan), en restitue de nombreux exemples pour des
couvertures de petites à moyennes portées (de 80 cm à 3 mètres), sur des couloirs ou des volées d’escalier. Au-delà de
ces époques parthes, les Sassanides développeront les grands iwans, prolongeant le modèle plus ancien de Ctésiphon
(moyen Euphrate, non loin de l’actuelle Bagdad), et la construction des coupoles sur plan carré avec trompes d’angle.
C’est sur ces fondements d’une culture constructive en briques crues et cuites, totalement maîtrisée, que s’épanouira
l’architecture de la Perse musulmane avec l’expansion de l’Islam. Les premières grandes mosquées érigées sous les
Califats Omeyyades, puis l’époque des Grands Abassides, cisèleront cet héritage des bâtisseurs persans qui sera porté
au plus haut niveau d’épanouissement et de rayonnement, au seuil du XVIème siècle, avec la dynastie des Safavides.
Isfahan, capitale de Shah Abbas, en est la plus spectaculaire démonstration renouvelée dans bien d’autres villes
iraniennes (Shiraz, Séojane, Tabriz, Kerman). Hors la ville d’Isfahan, dans des villages entièrement bâtis en briques
crues, on peut encore observer l’une des plus belles traditions de pigeonniers en terre du monde. L’Iran est sans aucun
doute l’un des pays du Moyen-Orient qui témoigne d’une des plus grandes variétés des architectures de terre. On y peut
toujours voir la tradition du torchis, dans la plaine littorale et sur les piémonts des bordures de la Mer Caspienne (au
nord de Téhéran), comme sur les versants arides de la chaîne de l’Elbourz. Ce torchis est fait d’un mélange de terre et
de tige (« kula ») ou de balle de riz. Mais l’adobe est sans aucun doute la culture constructive dominante d’Iran dont
témoignent les habitats populaires des régions de plateau (Baghestan), de montagne, comme des régions désertiques du
Sud (Khousistan). Il existe également une tradition de la bauge qui voisine avec celle de l’adobe, dans la région
d’Isfahan et dans le Khousistan. Ce sont aussi les techniques de construction mixtes qui peuvent associer la pierre à
l’adobe, très présentes dans les zones montagneuses. Les enduits traditionnels sont également fait à base d’un mélange
de terre ajoutée ou non de paille. L’argile blanche, ou « gel-é sefid », est employée dans les régions littotales de la Mer
Caspienne alors que l’argile jaune, ou « gel-é zardi », est employée dans les régions de l’Elbourz, tout comme le « khâ-
gel », mélange de terre argileuse et de paille est la tradition du Khousistan. La grande tradition des toitures iraniennes
est héritée de la culture des arcs, voûtes et coupoles. On peut observer la voûte simple, en berceau, ou « taq-o-
chechmeh », aussi déclinée en voûte de type « bangui » ou « chamchiri », dans les régions de montagne, ou la voûte
navette qui progresse simultanément depuis les petits côtés de la pièce, aujourd’hui dénommée « lili pouch ». Ou bien
des voûtes plus complexes en arêtes, croisées ou à trompes d’angle, du type « lengeh pouch ». Et bien sûr les voûtes sur
pendentifs, ou « dorshin », alors que les plus spectaculaires à l’oeil sont les voûtes étoilées construites avec un maillage
de nervures laissant des vides entre elles qui sont ensuite obturés par des briques. C’est la tradiiton du calepinage
Page 64
Hubert Guillaud
« yazdi-bandi » ou des coupoles à nervures « torkine ». Les bâtisseurs iraniens ont aussi légué d’autres traditions
extraordinaires comme celle des « badguir », ou capteurs à vent, qui rehaussent les habitats des plaines côtières du sud
de l’Iran où le climat chaud et humide impose une ventilation des espaces. Dans la région de Yazd, ces « tours à vent »
sont parfois séparées de la maison et reliées au sous-sol par un tunnel qui apporte l’air frais. Cette maîtrise du confort
thermique des maisons en terre iraniennes peut être aussi observée dans les régions d’altitude, de plateaux élevés, où les
habitats sont adossés aux pentes des terrains, le logement étant élevé au-dessus d’une étable, source de chaleur. Les
vents froids passent au-dessus de cet habitat aux toitures plates de terre, de morphologie écrasée. Ces étables sont
parfois enterrées et sont aérées par de petits lanterneaux en forme de coupoles visibles sur le sol naturel. Quelle leçon
d’architecture que celle donnée par les plus belles villes historiques comme par les plus humbles habitats populaires
d’Iran. Mais n’oublions pas l’un des plus prodigieux sites de ce pays, la cité fortifiée d’« Arg-é Bam », fondé aux
époques sassanides, localisée à environ 200 km au sud-est de Kerman. Site d’oasis fascinant, cerné par le désert, et qui
fut l’une des villes étapes de la Route de la Soie reliant l’Iran à Samarkand. Aux pieds de l’extraordinaire citadelle à
murailles crénelées flanquées de tours rondes massives, aujourd’hui restaurées, avec ses superbes étables couvertes de
coupoles, s’étend une ville totalement ruinée aux voûtes et coupoles d’adobe eventrées ou effondrées. Le temps semble
s’être arrêté sur cette cité qui fut souvent attaquée par les Afghans et finalement abandonnée en 1850. Qui a oublié les
superbes images du « Désert des Tartares » ?
La péninsule arabique
er
Le développement de brillantes civilisations, dès le I millénaire av. J.C., qui fondaient leur prospérité sur le commerce
des épices et de l'encens avec l'Egypte, la Mésopotamie, les royaumes d'Afrique orientale (Méroé, Koush, Axoum,
Napata), puis avec Rome, donnait naissance à plusieurs royaumes issus des tribus sédentaires des hauts plateaux
yéménites : Saba, Qataban, Main, Hadramaout, Himyar. L'histoire plus récente témoigne d'un processus d'islamisation à
ème
partir du VII siècle de notre ère. Les Califats Omeyyades de Damas, puis les Abassides de Bagdad, ont essayé de
ème
contrôler ces territoires lointains mais, dès le IX siècle, plusieurs régions de l'actuel Yémen échappent au pouvoir des
Califes. En 898, Ali, gendre du Prophète, fonde la dynastie des imams Zaydites qui perdurera jusqu'au début des années
60 de ce siècle. L'ensemble de cette région méridionale de la péninsule arabique témoigne d'une culture constructive de
la brique de terre crue très élaborée originaire du Royaume de Saba. Le patrimoine architectural du Yémen, dans la
vallée de l'Hadramaout, démontre cet accomplissement de la culture de la brique crue. Les cités de Shibam,Tarim,
Qasam et Say'un, en sont les plus magnifiques exemples. L'origine de l'architecture de Shibam et de Tarim, que l'on
ème
peut observer aujourd'hui, remonte au début du XII siècle ap. J.C., inaugurant l'installation des familles Alawi
Sayyids qui immigraient depuis l'Irak. Beaucoup de beaux ouvrages ont vanté les caractères de cette si belle architecture
de terre de la vallée de l’Hadramaout59. Superbe cité de Shibam où cohabitent dans un tissu serré des immeubles
dressés en briques de terre sur plusieurs étages, avec leurs murs bruns, jaunes, orangés, rehaussés de blanc dans leur
partie haute, aérienne, généralement occupée par les pièces de séjour, afin de réfléchir la lumière solaire et sa chaleur.
Magnifiques minarets élancés (al Mihdãr, Bã Alawi) et coupoles de Tarim, plus blanche encore, avec ses mosquées aux
arcatures chaulées, où les artisans toujours à l’œuvre refont périodiquement les enduits de terre et construisent d’autres
maisons en adobe.
Au Sultanat de Oman existe une tradition de construction en briques de terre de forme conique qui a merveilleusement
servi la construction d'établissements humains situés dans des oasis accueillants, protégés par des citadelles
ème
impressionnantes. Le fort de Bahla, dont l'origine est située aux époques sassanides tardives du VI siècle, situé à
l’intérieur du pays au-delà du Djebel Hadjar, avec l’oasis délimité par un mur d’adobe de 12 km percé de grandes
portes, sont classés au Patrimoine de l’Humanité. C’est l'un des plus beaux exemples de cette architecture des forts
omanais (Nakhl, Bid-Bid, Nizwa, Jabreen). Ce site extraordinaire est actuellement préservé grâce à un protocole de
coopération entre le Sultanat et le Maroc dont les architectes conservateurs et les équipes de « maâlems » et de maçons
se sont succédées au cours de ces dernières années, prolongeant une coopération italienne pour restaurer et mettre en
valeur ce patrimoine des forts omanais60.
59 Parmi ceux-ci, Costa, Paolo et Vicario, Enrico, « Yemen, Land of Builders », Academy Editions, Londres, 1977, 184 p., et Damluji, Salma Samar,
« The Valley of Mud Brick Architecture », Garnet Publishing Ltd, Reading, UK, 1992, 472 p. Voir aussi, Hirschi, Suzanne et Max, "L'architecture au
Yémen du Nord", Coll. Architectures, éditions Berger-Levrault, Paris, 1983, 347 p.
60 Quelques repères documentaires sur le Sultanat de Oman : Stevens, André, « Oman. Citadelles entre sable et mer », éditions Terra Incognita,
Bruxelles, 1990, 80 p. Et « Sites and Forts of Oman. Pre-inventory of the architectural heritage. Figures », éditions ICOMOS/UNESCO, Paris, 1985,
33 p. Biancifiori, M.A., « Biancifiori Works of architectural restoration in Oman », éditions De Luca, Italie, 1994, 192 p
Page 65
Hubert Guillaud
3.2. l’Afrique
Les savoir-faire des bâtisseurs en terre africains sont aujourd’hui menacés de disparition. C’est le cas du façonnage
direct, en nette régression, ou encore de l’emploi des briques crues coniques (« tubalis » du Nigeria, « Djenné Ferrey »
du Mali) qui ont totalement disparu des pratiques de construction. De même pour d’autres cultures constructives
originales, comme celle des cases-obus de l’ethnie Mousgoum du Nord Cameroun et du Tchad, de part et d’autre du
fleuve Logone, avec leurs striages « pose-pieds ». Fort heureusement, beaucoup de pays africains manifestent
aujourd’hui leur souci de conserver leur patrimoine architectural et de le mettre en valeur. Le programme « Africa
2009 », piloté par le Centre du Patrimoine Mondial de l’Unesco, y contribue activement. Par ailleurs, le développement
de projets d’habitat et d’équipement social ou éducatif des communautés font appel au matériau terre et réactualisent les
pratiques traditionnelles du « banco » ou de l’adobe, promeuvent l’emploi des blocs de terre comprimée ou ou des
modes de construction mixtes associant les matériaux traditionnels et nouveaux.
Les habitats traditionnels de la région soudano-sahélienne, au sud du Sahara, sont connus grâce à une documentation
des époques coloniales européennes (portugaises, hollandaises, françaises et anglaises) et les recherches développées au
cours de ce XXème siècle ont actualisé cette documentation. Tel est le cas pour les grandes villes historiques et les
mosquées de la région du Sahil, au Mali (Tombouctou, Djenné, Mopti), ou pour les établissements des Dogon (falaise
de Bandiagara), pour les habitats Gourounssi, Kassena, Mossi, Lobi et Puguli du Burkina Faso 61, pour la culture
Haoussa du Niger et du Nigeria 62, ou pour les temples des Asante du Ghana.
Les recherches archéologiques menées sur les territoires d'Erythrée et d'Ethiopie témoignent d'une grande richesse des
ème er
échanges culturels avec l'Arabie sud-occidentale, dès le II millénaire av. J.C., qui se sont intensifiés entre le I
er
millénaire av. J.C. et le I millénaire ap. J.C. Mais il ne reste que peu de vestiges du Royaume Ethiopien de Méroé qui a
précédé celui d'Axoum. Ceux-ci n'ont pas ignoré la brique de terre crue pour l'édification de leur architecture civile
comme en témoignent encore les deux « diffala » de Kerma, en Nubie soudanaise (Koush) 63. La terre crue a été le
ème
matériau privilégié des constructeurs égyptiens, dès le IV millénaire av. J.C., dans le delta du Nil (Merimdé, Beni,
Salama) et l'oasis du Fayoum. C'étaient alors des cabanes rondes en branches, végétaux et torchis. La brique crue,
ème
introduite vers la fin de ce IV millénaire, à partir d'influences proche-orientales, allait devenir l'un des matériaux
d'excellence de la construction civile égyptienne, même au delà du processus de pétrification de l'architecture
monumentale et palatiale qui s'opérait très vite, à partir de l'Ancien Empire (2660-2180 av. J.C). Tant de sites
archéologiques d'Egypte du Nouvel Empire (1552-1070), comme la cité ouvrière de Deir el-Medineh, sur la rive
occidentale de Thèbes, ou la nouvelle cité royale de Tell el-Amarna, fondée par Aménophis IV en 1375 av. J.C., les
ème
greniers du Ramesseum de Louxor (XIX Dynastie, Ramses II), témoignent de l'épanouissement de cette culture de la
brique crue qui n'a pas cessé d'être employée jusqu'à nos époques contemporaines, revalorisée par le grand Hassan
Fathy avec la construction du nouveau village de Gourna64. On ne peut présenter ici tous les aspects des architectures de
terre africaines, d’une grande diversité, et qui ont considérablement évolué au cours de la fin du XXème siècle. Des
tentatives de synthèse ont été faites qui gardent toujours un grand intérêt65,
Le Nigeria abrite de grandes traditions que déclinent les architectures des émirats du nord, fondées sur le legs des
cultures haoussas et du fameux « Bakwaï » des Cités-Etats, Gobir, Daura, Biram, Kano, Rano, Zaria, Sokoto, qui
affirmaient leur puissance politique et économique entre les XIème et XVIème siècles. Ce sont les fameuses architectures
en briques « tubalis » (coniques) couvertes de dômes, ou voûtées, en terre armée de petits bois d’« azara », seul bois de
construction local imputrescible et résistant aux termites, mais disponible en sections droites très courtes. Il s’agit d’une
culture constructive d’exception qui est malheureusement en voie de disparition car les rares vieux maîtres-maçons qui
61 Un ouvrage de référence sur ce pays : Bourdier, J.P. et Trinh, T. Minh-Ha, « African spaces. Designs for living in Upper Volta », African a
Publishing Company, Holmes and Meir, New York, Londres, 1985.
62 Dmochowski, Zbigniew, « An Introduction to Nigerian Traditional Architecture », Vol. I, « Northern Nigeria », Vol. II, « South-West and Central
Nigeria », Vol. III, « Eastern Nigeria », édition Etnographica et National Commission for Museums and Monuments, Londres-Lagos, 1990.
63 Voir Fattovich, R., « L'Éthiopie et les royaumes sud-arabiques », in « Archéologie, cultures et civilisations du passé en France et dans le monde »,
éditions Nathan, Paris, 1980, 648 p.
64 Quelques repères documentaires sur l’œuvre de Hassan Fathy : Fathy, Hassan, « Construire avec le peupleé », Bibliothèque Arabe, éditions
Sinbad, Paris, 1970, 310 p. et 132 planches photographiques et dessins. Steele, James, « Hassan Fathy », Architectural Monographs, Academy
Editions / St. Martin's press, Londres, 1988, 149 p. Richards, J.M., Serageldin, I. et Rastorfer, D., « Hassan Fathy », éditions Mimar, Concept Media
Pte Ltd., Singapour, 1985, 172 p.
65 Denyer, Susan, « African Traditional Architecture », éd. Africana Publishing Company, Holmes end Meier Publishers, Inc., New York, 1978,
210 p.
Page 66
Hubert Guillaud
en gardaient jusqu’alors le secret, et la maîtrise, l’emporte avec eux en mourant. Cette culture des bâtisseurs haoussas
est remarquable d’intelligence et de beauté d’expression architecturale. Une fois les murs en « tubalis » dressés, on
construit les toitures en forme de petites coupoles surbaissées dont la forme résulte de la superposition de ces petits bois
d’« azara », disposés à partir des angles des pièces et en recouvrements successifs. Pour les grands palais des émirs, ce
sont de véritables voûtes structurées à partir de grands arcs de terre armée constituant de véritables maillages
multidirectionnels. Ces réseaux d’arcs reçoivent ensuite d’autres petits bois qui seront recouverts d’un enduit de terre et
de paille. Une autre grande culture constructive en terre du Nigeria est celle des architectures yorubas des régions
orientales du pays. Dans la ville d’Ilorin, jusque dans les années 60, demeuraient les grands principes de l’urbanisme
yoruba : un tissu très dense de vastes habitats organisés autour d’immenses cours-impluvia centrales. Dans les plus
beaux palais yorubas, ces cours étaient entourées de larges vérandas soutenues par des colonnes en bois sculpté,
polychrommes. Les toitures en chaume sont aujourd’hui remplacées par des tôles d’acier rougies par les pluies
tropicales. Il faut aussi évoquer la grande tradition des maisons et des palais de Benin, dans les régions du sud-ouest du
pays. Là encore, on observe de grandes cours-impluvia entourées de colonnes massives reliées entre-elles par d’épais
linteaux de terre armée de bois. Dans les plus vastes demeures, véritables labyrinthes où l’on peut se perdre, la
succession des patios, également autels des cultes animistes, sont autant de puits de lumière. Leurs murs de bauge
dressés en terre latéritique, de couleur très rouge, présentent des cannelures horizontales qui ralentissent les écoulements
des eaux de pluie et maintiennent aussi la fraîcheur par leurs ombres portées. Mais encore, la tradition du groupe Igbo
dans l’Est et le Sud-est. Maisons toutes de bauge avec leurs entrées ostentatoires en forme de véranda sur piliers massifs
introduisant vers une petite cour-impluvium légèrement décaissée dans le sol de façon à ce que les petites pièces qui
l’entourent soient protégées des inondations. Et aussi, les établissements des Tiv, dans les régions plus septentrionales,
en remontant vers le pays haoussa, qui sont constitués d’un groupement ouvert de cases rondes avec un mur-bahut
périmétrique, totalement aveugle (à l’exception de l’entrée), supportant une haute toiture en chaume débordante et
soutenue par des poteaux en bois. Cette disposition contribue à maintenir une ambiance lumineuse tamisée qui s’oppose
à l’éclat de la lumière extérieure et le pourtour ombragé maintient la fraîcheur pendant que la chaleur ambiante du jour
s’échappe par le sommet du cône de chaume.
Les architectures de terre du Burkina Faso, sont aussi remarquables. Les concessions des « Gourounsi Puguli » sont
édifiées en boules de terre accumulées en couches successives. Mais ces maçonneries de terre ne sont pas porteuses. Ce
ne sont en effet que des cloisons délimitant un tissu très dense d’espaces distribués par de longs corridors. La structure
porteuse de la toiture plate est constituée de poteaux en bois fourchus reprenant des poutres, fichés dans le sol et
complètement indépendants des cloisons de terre. Les pièces, de forme plus ou moins rectangulaire ou oblongue, dont le
nombre augmente selon la taille du groupe occupant la concession, sont sombres et noircies par la fumée des foyers qui
ne s’échappe que par de petits trous ménagés en toiture, recouverts de poteries. L’habitat des « Gourounsis Nankani »
est très différent. Ce sont des concessions plus compactes aux espaces de forme arrondie joints entre eux par de petits
murs d’enclos. Les parois de bauge sont minces, de 25 à 30 cm, et les toitures plates sont aussi soutenues par des
poteaux de bois indépendants des murs définissant la morphologie de l’espace. L’accès intérieur dans chacune de ces
cases se fait par une entrée en arc, très basse, où l’on butte sur un mur obligeant à passer par les côtés. Système de
défense qui permettait de voir sans être vu. Vues de l’extérieur, ces concessions nankanis semblent être de petites
forteresses refermées sur elles-mêmes. L’eau des toitures est évacuée par des trous ménagés à la base des acrotères et
les façades extérieures, aveugles, sont superbement décorées de motifs géométriques en forme de striages qui aident
aussi à diviser le ruissellement de l’eau. Les habitats des « Gourounsis Kassena » sont plus spacieux que ceux des
Nankani et font alterner des volumes arrondis et rectangulaires également reliés entre eux par de hauts murs clôturant la
concession. Cette évolution vers la morphologie rectangulaire est récente et contribue à une cohabitation des toitures
coniques en chaume et des toitures plates en terre. Les décorations extérieures des habitats Kassena sont
traditionnellement faites de motifs triangulaires, de couleur noire. Enfin, l’habitat des « Lobi », dans le sud-ouest du
Burkina Faso, mérite une attention particulière. Ce sont aussi des concessions aux formes très organiques, résultant du
principe de construction en couches de bauge qui définissent des cloisonnements aux formes assez libres. Là encore, la
toiture est indépendamment portée par des poteaux de bois recevant poutres et petites branches, puis écorces, végétaux
et terre. L’originalité de la culture constructive des Lobi, réside dans le principe d’une maçonnerie de terre dont les
couches vont s’amenuisant en épaisseur, au fur et à mesure que l’on dresse les murs, et sont armées entre elles par des
cônes d’argile dure que le bâtisseur dresse aussitôt que chaque levée de bauge a été bâtie. Tous les détails de cette
architecture des Lobi traduisent une grande intelligence de l’utilisation du matériau terre, avec des dispositions destinées
à contrôler l’érosion des pluies telles que masse d’usure en saillie au pied des murs évasés, renforcement des enduits au
passage des gargouilles de toiture, ou stabilisation des parties les plus exposées, comme les acrotères, par l’ajout à la
terre de produits naturels ayant une action de consolidation (jus de Néré). Ce sont parmi les plus beaux exemples de
l’architecture de terre africaine qu’une littérature abondante a su valoriser. Elle en conserve désormais la mémoire de
ses formes intègres aujourd’hui en transformation, voire disparition.
Page 67
Hubert Guillaud
Est-il plus belle architecture de terre au monde que celle du Maroc qu’il me fut donnée de découvrir au début des
années 80, mon désir de connaissance alors attisé par les si beaux dessins aquarellés du carnet de voyage d’Eugène
Delacroix ? Si je fondais ma passion pour ces architectures bâties avec la terre seule, aux Etats-Unis d’Amérique, en
découvrant en 1974 les pueblos des indiens Anasazis et Hopis du Nouveau Mexique et d’Arizona (Taos, Acoma), ce
sont les ksour et les kasbas des vallées du Drâa et du Dades qui ont confirmé un engagement durable en faveur d’une
renaissance de la construction en terre pour l’habitat et pour la conservation des patrimoines architecturaux,
archéologiques et historiques, en terre crue. « Il crudo » comme aiment à le dire les italiens ; un Eugenio Galdieri qui
nous donnait à lire et à voir ces « merveilles » dans son ouvrage prenant depuis lors une valeur avant-gardiste sur ce
propos récent de revalorisation culturelle. En 1983, notre équipe CRATerre engageait une coopération avec des
architectes marocains, Abderrahmane Chorfi, Abderrahim Sijelmassi, Malak Laraki et Abdelkader Chekkouri, qui
furent, avec le concours de l’Erac-Tensift, et de son directeur, Mohamed Alami Nafakh Lazraq, avec l’association
« GAITerre » (Groupement des architectes et ingénieurs - terre) de Marrakech, les fers de lance d’un nouveau projet de
valorisation de l’architecture en terre marocaine. Ce projet de logements pilotes réalisés à Hay al Massira (Marrakech)
et Aït Ourir, dans le cadre d’une coopération entre le Maroc et la France, associait des institutions marocaines - le
Ministère de l’Habitat, la Direction du Contrôle Technique de la Construction (DCTC), le Laboratoire Public d’Etudes
et d’Essais (LPEE) - et Françaises - le Plan Construction, le programme interministériel REXCOOP (Recherches
Expérimentales en Coopération) -. Des architectes français ayant conçu les logements du « Domaine de la Terre » de
Villefontaine (Isère), opération phare de l’époque, collaborèrent avec des architectes marocains pour concevoir des
logements représentatifs des techniques de construction en terre réactualisées (bloc de terre comprimée stabilisée, pisé),
et de sytèmes constructifs inspirés des cultures anciennes (planchers à voûtains, arcs, voûtes et coupoles). Le projet
bénéficiait alors de circonstances favorables. Une dynamique internationale activée par l’itinérance de l’exposition du
Centre Georges Pompidou de Paris, « Des architectures de terre ou l’avenir d’une tradition millénaire », conçue par
l’architecte-urbaniste Jean Dethier ayant lui aussi fondé sa passion au Maroc à la fin des années 60 alors qu’il était
coopérant au sein du Centre d’Etudes Recherche et Formation, (CERF), de la Direction de l’Urbanisme et de l’Habitat
du Ministère de l’Intérieur du Maroc. Et aussi, les visites du « Domaine de la Terre », par de nombreuses délégations
étrangères, dont l’Erac-Tensift. Une période qui annonçait les réalisations architecturales d’excellence de l’architecte
marocain Elie Mouyal, comme la maison Dana ou la maison-atelier du peintre Farid Belkhahia (avec A. Sijelmassi,
1984), prolongées par les maisons Grange et Berdugo (1985), puis les maisons Foissac et Marcilhac (1987). Celui-ci
allait redonner ses lettres de noblesse à l’architecture en pisé et en adobe, superbement associée au bloc de terre
comprimée, à la brique cuite et au « taddelakt », à la culture millénariste des voûtes, des coupoles sur trompes et
pendentifs, à la rigueur de la composition géométrique, tout en étant ludique et créatif. Ces villas de la Palmeraie de
Marrakech remettaient en pleine lumière le grand art des bâtisseurs pré-islamiques puis islamiques d’autres horizons
lointains (des Sassanides aux Safavides, en Iran, par exemple), en un style personnel et syncrétique intégrant aussi
d’autres apports des cultures méditerranéennes (Egypte, Grèce antique, Rome). Mais on doit rappeler que ce regain des
architectures de terre marocaines, en ce début des années 80, prolongeait des efforts et des projets antérieurs,
développés au cours des années 60 et 70 par le CERF, qui fut novateur en réalisations d’avant-garde (Daoudiat, 1962,
Ouarzazate, 1967), et à l’origine d’une activité de publication sur la construction en terre, sans précédent au monde à
cette époque, soutenue par le Ministère de l’Intérieur du Maroc. Un effort qui se nourrissait de travaux scientifiques
plus anciens d’un Robert Montagne, à la fin des années 20, sur les villages et kasbas berbères, puis d’un Henri Terrasse,
« Kasbas berbères de l’Atlas des oasis - Les grandes architectures du Sud marocain » (1938), illustré par des
photographies de l’auteur et des dessins de Théophile-Jean Delaye, ou encore les études monographiques de Dj.
Jacques-Meunié sur les habitats de l’Atlas et du Dades, dans les années 50. Ce sont bien ces chercheurs, qui ont
redécouvert les superbes kasbas et ksour des montagnes et des grandes vallées présahariennes, à qui il faut rendre
encore hommage. Il faut aussi rappeler la collaboration de l’Unesco avec le gouvernement marocain, au début des
années 70, qui engageait un grand projet de protection et de mise en valeur de ces architectures de terre alors en péril.
Mais il fallut attendre 1987 pour que le ksar des Aït Benhaddou fût classé au Patrimoine mondial. Combien de kasbas,
ksour et tighremts en pisé, flanqués de leurs élégantes tours de défense aux si belles modénatures d’adobe et niches en
arcs à encorbellement, ont souffert des affres du climat et du temps pour avoir été abandonnées et donc mal entretenues.
Combien d’hommes passionnés de ces architectures de terre, comme l’architecte genevois Jean-Louis Michon, qui a
conçu une méthode d’inventaire du patrimoine architectural marocain et qui fut à l’origine du « Centre de Conservation
et de Réhabilitation des Kasbas du Sud », (CERKAS), fondé en 1986, sous tutelle du Ministères des Affaires Culturelles
du Maroc, avec l’aide du Programme des Nations Unies pour le Développement, (PNUD) ; ou les architectes-
urbanistes belges Michel Deleenher et Jean Hensens, le grenoblois Claude Beurret ayant si souvent arpenté les sentiers
du Haut-Atlas, et bien d’autres encore, n’ont-ils pas œuvré avec opiniâtreté et passion égale pour contribuer, avec leurs
Page 68
Hubert Guillaud
homologues marocains tels Saïd Mouline, A. Hammoudi et A. Harouchi, à la promotion de la construction en terre pour
l’habitat populaire et à la sauvegarde du prestigieux patrimoine des ksour et kasbas du Maroc ? Depuis lors, le relai a
été pris par les services iduanes des institutions culturelles marocaines et par les architectes nationaux, avec le concours
des enseignants et chercheurs, des étudiants de l’Ecole d’Architecture de Rabat, pour continuer l’inventaire. Cette
nouvelle génération s’inquiète à son tour de la conservation de la mémoire architecturale du Maroc.
Au delà de Marrakech s’étend le si beau pays des grandes kasbas de commandement des anciens caïds où Tazzerte,
Asni, Telouet, Tifoultout, sont de purs joyaux annonçant le ksar des Aït Benhaddou et le carrefour des routes vers les
Aït Hammou et Zagora, par la vallée du Drâa, ou vers Boulmane et les Aït Arbi, par la vallée du Dades. Je me souviens
des émotions que m’ont réservées mes déambulations émerveillées dans les oasis et la contemplation de ces
architectures de terre des vallées présahariennes que j’ai visitées avec un bonheur sans égal. A Skoura, oasis à l’entrée
de la vallée du Dades, avec mon ami Patrice Doat, nous posions les bases d’une étude sur les pathologies des
architectures en pisé préparant d’autres recherches et fondant un engagement dans la problématique de la conservation
des patrimoines. Dans cet oasis, nous fûmes nourris du savoir-faire de ces géniaux bâtisseurs qui ont fortifié nos
engagements partagés depuis lors au sein du CRATerre-EAG et par de plus en plus nombreux professionnels se
dévouant à cette belle cause du renouveau et de la sauvegarde des architectures de terre dans le monde. Consultants de
l’Unesco, avec Jean-Louis Michon, sur le projet de conservation et de mise en valeur du fort et de l’oasis de Bahla (site
du Patrimoine Mondial), entrepris au Sultanat de Oman par le « Ministry of National Heritage and Culture », nous
avons travaillé avec des architectes-conservateurs marocains, Mohammed El-Alaoui et Taoufik Ouzgane, et une équipe
de maçons également marocaine, œuvrant dans le cadre d’un protocole de coopération entre Oman et le Maroc. Ils
réalisent un travail d’excellence. Dès lors revenus dans leur pays et réaffectés à la Direction du Patrimoine, ils ne
manqueront pas, après avoir donné plusieurs années de leur vie et leur énergie à la conservation de ce si beau
patrimoine architectural en terre omanais, après avoir consolidé une compétence de conservateur des architectures de
terre, d’être associés à leurs collègues marocains pour mettre leur savoir au service de la conservation et de la mise en
valeur des ksour, kasbas et douars en pisé du Maroc. Ainsi se tissent des liens, se confirment des vocations, se
répercutent et s’amplifient des résonances, entre les patrimoines architecturaux en terre du monde entier qui déclinent
en une richesse exceptionnelle de styles et de formes, de textures et de chaudes couleurs, les génies des lieux et des
cultures constructives de l’humanité, nous ancrant dans la mémoire collective universelle d’un des plus bel art de bâtir
qui soit. Celui qui est initié à cet art, invité à parcourir la terre pour s’en fortifier l’âme et demeurer humble devant tant
de beauté, puis confirmé dans une inclination irrésistible à travailler sur les architectures de terre, est à n’en point
douter, un homme heureux. Il faut connaître ce beau pays accueillant qu’est le Maroc où les terres argileuses et
sableuses ont été modelées en briques de boue séchées au soleil, en « amaras » de « leuh » (pisé), terre tassée au « al
marcaze » (pisoir) dans des coffrages en bois par les « maâlems », pour édifier les demeures de l’homme. Il ne serait
pas sage d’occulter le souvenir de ce grand art de construire car bâtir en terre se conjuguera encore au futur. Le passé est
une ressource vitale de l’homme pour projeter son avenir comme l’écrivait la philosophe française Simone Weil dans
« l’Enracinement ». Mais aussi, comme le déclarait Abderrahim Sijelmassi, à l’occasion d’une rencontre d’architectes
organisée à Silves, ancienne capitale musulmane de l’Algarve (Portugal), à l’automne de 1992, autour de la
problématique du « Bâtir en terre en Méditerranée » : « l’utilisation des matériaux locaux met l’architecte - dans le
champ disciplinaire qui est le sien - dans une posture créative qui nécessairement doit dialoguer avec l’histoire, c’est à
dire, qui doit se soutenir de la mémoire des pratiques et des savoir-faire anciens. Si l’on ajoute à cela les promesses
actuelles de la technique, l’on pourra disposer d’une richesse de registres propres à favoriser l’émergence d’une
architecture de qualité. (…) L’avenir de l’architecture est aussi dans son passé. » Qui ne l’a pas aussi bien démontré
que ces architectes visionnaires et créatifs reconstruisant en terre dans le monde entier, en Afrique, en Europe, aux
Amériques, en Asie, en Australie, depuis ces 30 dernières années ? Ce qui fut un « mouvement alternatif », l’expression
du développement des « technologies appropriées » répondant aux rêves de la « contre-culture » de la fin des années 60
et des années 70, pourrait bien prendre une ampleur considérable au passage de ce troisième millénaire. Car beaucoup
d’hommes de la planète, majoritairement démunis, ont peut-être plus que jamais besoin de la terre pour édifier leur
habitats et garder toute leur dignité. Mais aussi parce que la terre permettra encore de faire œuvre de belle architecture.
Là où l’inéluctabilité du « grand » étendra ses monades urbaines en d’orgueilleuses verticalités, et l’horizontalité
tentaculaire de tissus d’habitat individuels cloisonnés générant davantage d’isolement et sans doute de violence,
l’échelle du « petit » et le matériau terre ne pourraient-ils pas encore être la mesure du « beau » et de l’homme solidaire
dans une perspective de projétation architecturale et urbaine recréant l’histoire ? Les kasbas, ksour et douars du Maroc,
l’histoire pionnière de ce pays mobilisé en position d’avant-garde au cours de la deuxième moitié du XXème siècle pour
un renouveau des architectures de terre, nous donne un exemple, nous invite à suivre cette direction sans doute salutaire.
Page 69
Hubert Guillaud
BIBLIOGRAPHIE
Alberti 1553 : ALBERTI, L.B. (1404-1472), in De Re Aedificatoria, traduction de J. Martin, Paris, 1553, pp. 48-49.
Aurenche 1985 : AURENCHE, Olivier - Du village à la ville, in le Grand Atlas de l'Archéologie, éditions
Encyclopaedia Universalis, Paris, 1985, 424 p., pp. 168-169.
Baldacci 1958: BALDACCI, Osvaldo - L'ambiente geografico delle case di terra in Italia, Revista Geografica Italiana,
LXV, 1958.
Barber 1805: BARBER, William - Farm Buildings, 1805.
Bardagot et al 1991 : BARDAGOT, A.M. - L’intelligence de l’Europe et le dévelopement de l’habitat économique en
terre des années 20 à nos jours, Ministère de la Recherche et de la Technologie, Ecole d’architecture de Grenoble,
CRATerre-EAG, mai 1991, 89.
Barozzi 1993: BAROZZI, Pietro - Le trunere della Frascheta nella piana di Alessandria, Revue de géographie
italienne, 1993.
Bertagnin 1987 : BERTAGNIN, Mauro, « L'architecture de terre en Italie : connaissance et réhabilitation d'un
patrimoine typologique et technologique méconnu », in « le Patrimoine Européen Construit en Terre et sa
Réhabilitation », colloque international MELATT, ENTPE, Université Jean Moulin Lyon III, Mars 1987, 583 p., pp.
219-253.
Bertagnin 1999: BERTAGNIN, M. - Architetture di terra in Italia, EDICOM edizioni, Monfalcone (Gorizia), 1999,
319 p..
Besenval 1984 : BESENVAL, Roland, CNRS - Technologie de la voûte dans l'Orient ancien 1, 196 p. et Technologie
de la voûte dans l'Orient ancien 2, 224 planches, synthèse n°15, éditions Recherche sur les Civilisations, Paris, 1984.
Biancifiori 1994: BIANCIFIORI, M.A. - Biancifiori Works of architectural restoration in Oman, éditions De Luca,
Italie, 1994, 192 p
Bloch 1962 (réed.) : BLOCH, Marc - Les caractères originaux de l'Histoire Rurale Française, éditions Armand Colin,
réédition, Paris, 1962.
Bourdier et Trinh 1985 : BOURDIER, J.P., TRINH, T. Minh-Ha - African spaces. Designs for living in Upper Volta,
African a Publishing Company, Holmes and Meir, New York, Londres, 1985.
Brunhes 1962 : BRUNHES, Jean - La Géographie Humaine, éditions Puf, Paris, 1956.
Brunskill 1971-76-78: BRUNSKILL, R.W. - Illustrated Handbook of Vernacular Architecture, éditions Faber and
Faber, Londres, Boston, 1971, 1976 et 1978, 249 p..
Brunskill 1974: BRUNSKILL, R.W. - Vernacular Architecture of the Lake Counties, éditions Faber and Faber,
Londres, 1974, 164 p.
Bunting et al. 1964: BUNTING, B., BOOTH, SIMS, Jr. - Taos Adobes. Spanish Colonial & Territorial Architecture of
the Taos Valley, éditions du Fort Burgwin Research Center, Inc., 1964, réédition en 1975, 80 p.
Bunting 1976: BUNTING, Bainbridge - Early Architecture in New Mexico, University of New Mexico Press,
Albuquerque, 1976, 122 p.
Cody 1985: CODY, Jeffrey William - Earthen Wall Construction in the Eastern United States, Master of Arts,
Graduate School of Cornwell University, Juin 1985, 460 p.
Cointeraux 1790: COINTERAUX, François - École d'architecture rurale et économique, Paris, Imprimerie N.H.
Nyon, 1790, 2 p.
Cointeraux 1791: COINTERAUX, François - École d'Architecture Rurale ; premier cahier ou les leçons par
lesquelles on apprendra soi-même à bâtir solidement les maisons de plusieurs étages avec la terre seule, Paris, 1791.
Cointeraux 1791: COINTERAUX, François - École d'Architecture Rurale ; deuxième cahier dans lequel on traite de
l'art du pisé …, des qualités des terres propres au pisé …, des détails de la mise en oeuvre, du prix de la terre, 76 p.
illus., Paris, 1791
Cointeraux 1791: COINTERAUX, François - École d'Architecture Rurale ; quatrième cahier dans lequel on traite du
nouveau pisé inventé par l'auteur, de la construction en terre et de ses outils …, 68 p., Paris, 1791.
Conrad 1840: CONRAD, Ernst - Veder den Pisé-Bau, Kretschmar, Chemnitz, 1840.
Costa et Vicario 1977: COSTA, Paolo et VICARIO, Enrico - Yemen, Land of Builders, Academy Editions, Londres,
1977, 184 p.
Crova 1934: CROVA, B. - Case rurali attraverso i secoli, Difesa Sociale, XIII, n°9, 499 p., Rome, 1934.
Cusenier et al 1977 – 1983 : CUSENIER, Jean (dir.) - L'architecture rurale française. Corpus des genres, des types et
des variantes, Musée des Arts et Traditions Populaires, Berger-Levrault, éditeur, Paris, 1977-1983. 22 volumes.
Damluji 1983: DAMLUJI, Salma Samar - The Valley of Mud Brick Architecture, Garnet Publishing Ltd, Reading, UK,
1992, 472 p.
Deffontaines 1956 : DEFFONTAINES, Pierre - L'Homme et sa Maison, éditions NRF Gallimard, Paris, 1972.
Delorme 1745 : DELORME, G.M. - Mémoire pour la construction des murs en terre, lu le 17 mars 1745 à Amiens, à
l'Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon.
Page 70
Hubert Guillaud
Del Rosso 1793: DEL ROSSO, Giuseppe - Dell'economica costruzione delle case di terra, Presso J.A. Bouchard,
Florence, 1793, 75 p. et 4 planches tirées de Cointeraux.
Demangeon 1938 : DEMANGEON, Albert - Types de peuplement rural, Annales de Géographie, Paris, 1938.
Demangeon 1920 : DEMANGEON, Albert - L'habitation rurale en France, Géographie Universelle, éditions Armand
Colin, Tome VI et Annales de Géographie, XXIX, 1920, pp. 352-375.
Denyer 1978: DENYER, Susan - African Traditional Architecture, , éd. Africana Publishing Company, Holmes end
Meier Publishers, Inc., New York, 1978, 210 p.
Dmochowski 1990: DMOCHOWSKI, Zbigniew - An Introduction to Nigerian Traditional Architecture, Vol. I,
« Northern Nigeria », Vol. II, « South-West and Central Nigeria », Vol. III, « Eastern Nigeria », édition Etnographica
et National Commission for Museums and Monuments, Londres-Lagos, 1990.
Doyon et Hubrecht 1942 et 1979 : DOYON Georges, HUBRECHT, Robert, L'architecture rurale et Bourgeoise en
France, éditions Dominique Vincent et Cie, Paris, 1942, 4ème édition en 1979, 521 p.
Duby 1980 : DUBY, Georges - L'économie rurale et la vie dans les campagnes de l'Occident, 2 tomes, Paris, 1962
Duby et Wallon 1980 : DUBY (dir.), Georges, WALLON, Armand - Histoire de la France Rurale, Tomes 1, 2 et 3,
éditions du Seuil, Paris, 1979-1980.
Dunzhen 1980 : DUNZHEN, Liu - La maison Chinoise, éditions Berger-Levrault, Paris, 1980.
Edwards et Lin 1984 : EDWARDS, R., LIN, Wei-Hao - Mud brick and earth building. The Chinese way, éditions The
Rama Skull Press, Australie, 1984, 156 p.
Engelhardt 1919: ENGELHARDT, A. - Der Lehmbau, Aechitekten-Verlag, Hannovre, 1919, 17 p.
Estienne et Liébault 1763 : ESTIENNE, Charles, LIÉBAULT, Jean - La maison rustique ou l'économie générale de
tous les biens de la campagne, la manière de les entretenir ou de les multiplier, datée de 1763, en deux tomes ; tome 1,
664 p. et tome 2, 677 p.
Fathy 1970 : FATHY, Hassan - Construire avec le peuple, Bibliothèque Arabe, éditions Sinbad, Paris, 1970, 310 p. et
132 planches photographiques et dessins.
Fattovich 1980 : FATTOVICH, R. - L'Éthiopie et les royaumes sud-arabiques, in « Archéologie, cultures et
civilisations du passé en France et dans le monde », éditions Nathan, Paris, 1980, 648 p.
Faust 1840: FAUST, B.C. - Der Lehmsteinbau, Buckeburg, 1839.
Fauth 1946: FAUTH, W. - Der praktische lehmbau, Limes Verlag, Wiesbaden, 1946, 130 p.
Galdieri 1982: GALDIERI, Eugenio - Le meraviglie dell'architettura in terra cruda, Editori Laterza, Rome-Bari,
1982,305 p.
Galdieri 1987 : GALDIERI, Eugenio - Etat et futur des Bâtiments Italiens en Terre : les cas du Piémont et de la
Sardaigne, in « Le Patrimoine Européen en Terre et sa Réhabilitation », colloque international MELATT, ENTPE,
Université Jean Moulin Lyon III, Mars 1987, 583 p., pp. 258-259.
Gilly 1811 : GILLY, David - Handbuch der Land : Bau : Kunst, vorzüglich in Rücksicht auf die Construc der Wohn :
und Wirthschafts : Gebaüde für angehende Cameral : Baumeister, Rengerschen Buchhandlung, Halle, 1811.
Gilman 1839: GILMAN, E. - Economical Builder : A Treatise on Tapia and Pisé Walls, 1839.
Güntzel 1990: GUNTZEL, Georg - On the History of Clay Buildings In Germany, in Adobe 90 Preprints, The Getty
Conservation Institute, Los Angeles, 1990, 469 p., pp. 57-65.
Hirschi 1983 : HIRSHI, Suzanne, HIRSHI, Max - L'architecture au Yémen du Nord, Coll. Architectures, éditions
Berger-Levrault, Paris, 1983, 347 p.
Howard 1993: HOWARD, Ted - Mud and Man. The history of Earth Buildings in Australasia, Earth Buildings
Publications, Melbourne, Australie, 1993, 198 p.
Jobst 1919: JOBST, R., Lehmbauweissen, Berlin, 1910.
Johnson 1806: JOHNSON, Stephen, W. - Rural Economy, 1806.
Knapp 1986: KNAPP, Ronald, G. - China's traditional rural architecture. A cultural geography of common house,
éditions University of Hawai Press, 1986, 177 p.
Kuntzel 1919: KUNTZEL, C. - Lehmbauten, Berlin, 1919.
Lewis 1977 : LEWIS, Miles - Victorian Primitive, Greenhouse Publications, Carlton, Victoria, 1977, 87 p.
Loubes 1988 : LOUBES, Jean-Paul - Maisons creusées du Fleuve Jaune. L'architecture troglodytique en Chine,
éditions Créaphis, 1988.
Ludwig Seebass 1803: LUDWIG SEEBASS, Christian - Cointereaux, François, Die Pisé-Baukunst in ihrem ganzen
Umfang (…), Leipzig, 1803, 195 p.
McCann 1983: McCANN, J. - Clay and cob buildings, Shire Publications Ltd, 1983.
Margueron 1991 : MARGUERON, Jean-Claude - Mari ou la "naissance" d'une ville neuve, in Revue Autrement,
« Cités disparues. Découvreurs et archéologues au Proche-Orient », n° 55, septembre 1991, 237 p., pp. 133-142.
Mellaart 1967: MELLAART, James - Çatal Hüyük, a neolithic town in Anatolia, éd. Thames and Hudson, Londres,
1967, 232 p.
Middleton 1953 et 1975: MIDDLETON, G.F. - Build your house of earth, Angus and Robertson, 1953, réédité par
Compendium Pty Ltd, Melbourne 1975.
Page 71
Hubert Guillaud
Nabokov et Easton 1989: NABOKOV, Peter et EASTON, Robert - Native American Architecture, Oxford University
Press, New York, 1989, 431 p.
Nicholson 1807: NICHOLSON - Agricultural Dictionary, 1807.
Niemeyer 1946: NIEMEYER, R. - Der lehmbau und seine praktische andwendung, Ökobuch Verlag, Grebenstein,
1946, 158 p. Réédité en facsimilé en 1982.
Papworth 1818: PAPWORTH, J.B. - Rural Residences, 1818.
Rapoport 1972 : RAPOPORT, Amos - Pour une Anthropologie de la Maison, éditions Dunod, Paris, 1972.
Raymond 1857 : RAYMOND, Louis - Mémoire Sur La Bâtisse en Terre, Imprimerie d'Elie Carey, Genève, 1857, 44 p.
et 2 planches dessinées.
Rees 1817: REES, Abraham, Farmer's Dictionary, Philadelphia, Etats-Unis, 1810-1817.
Rees 1824: REES, Abraham - Cyclopaedia or Universal Dictionary for Science and Literature, Philadelphia, Etats-
Unis, 1824.
Richards et al. 1985 : RICHARDS, J.M., SERAGELDIN, I. et RASTORFER, D. - Hassan Fathy, éditions Mimar,
Concept Media Pte Ltd., Singapour, 1985, 172 p.
Ritgen 1920: RITGEN, O. - Volkswohnungen ind Lehmbau, Wilhelm Ernst ind Sohn, Berlin, 1920.
Rondelet 1840 : RONDELET, Jean-Baptiste – Traité de l’Art de bâtir, Paris, 1840.
Seidelin 1796 : SEIDELIN, K.H. - Vejledning til at bygge bequemme og uforbraendelige Huse auf Jord. Uddraget at
Cointeraux Beskrivelse og i abskilligt forandret, 1796, Kopenhagen.
Sorre 1943 : SORRE, Max - Les fondements biologiques de la Géographie Humaine, édition Armand Colin, Paris,
1943, 2 volumes, 1 - 261 p. et 2, 230 p.
Steele 1988 : STEELE, James - Hassan Fathy, Architectural Monographs, Academy Editions / St. Martin's press,
Londres, 1988, 149 p.
Stevens 1980 : STEVENS, André - Oman. Citadelles entre sable et mer, éditions Terra Incognita, Bruxelles, 1990, 80
p.
Stevens 1985 : STEVENS, André - Sites and Forts of Oman. Pre-inventory of the architectural heritage. Figures ,
éditions ICOMOS/UNESCO, Paris, 1985, 33 p.
Theus 1956 : THEUS, Pierre - La fondation d'un village de Provence au XVIII° siècle: Charleval, 1741, La pensée
Universitaire, Aix-en-Provence, 1956, 280 p.
Vidal de la Blache 1922 : VIDAL DE LA BLACHE, Pierre - Principes de la Géographie Humaine, éditions Armand
Colin, Paris, 1922, réédition en 1948, pp. 150-154 et tableau XVI.
Walker et al 1996: WALKER, B., McGREGOR, C., LITTLE, R. - Earth Structures and construction in Scotland,
Historic Scotland Technical Advice Notes n°6, Edimbourg, 1996, 128 p.
Wimpf 1840: WIMPF, Jacob - Der Pisé-Bau, Heilbrann, 1841, 60 p.
Page 72
Hubert Guillaud
Among the immediately available building materials, earth was undoubtedly the elected material of mankind as soon as
prehistoric ages. At that time, it was often associated with wood and plants. Its common use was asserting itself during
the protohistory in several regions of the world offering propitious conditions for the settlement of human communities.
It will play an essential part all along history, up today. All archaeological excavations which have been carried out
since the XIXth century, on territories having given birth to ancient great civilisations, and the numerous studies
covering the field of vernacular architectures existing worldwide, are proving this privileged use of the earth for
building human settlements the size of which is ranging from simple clusters of dwellings, as hamlets or villages, up to
towns.
The use of earth in construction seems having been independently developed in the main well-known cradles of ancient
civilizations : in both Tigris and Euphrates valleys, in Mesopotamia ; in Egypt, along the banks of the Nile river, from
Nubia to the delta ; in actual Pakistan, on the tablelands of Baluchistan and then along the banks of Hakra and Indus
valleys ; in China, along the Huang-ho. But also on other continents : in Latin America, on the border desert lands of the
Pacific Ocean which are drained by “Rios” (rivers) coming down from the Andes, and in Central America. Of course in
Africa which gave birth to humankind in the Rift Valley. Simultaneously or successively, with most of times great gaps
in history, the fertile regions which were propitious to the development of the Neolithic Agricultural Revolution, have
soon invited people to build their original settlements in earth. The alluvial soils, rich in sand, silt and clay, mixed with
the straw of the farmed crops, have given birth to the first solid and durable building material : the earthern bricks dried
under the sun or unbaked bricks now commonly called "adobes". Whatever the isolation of these different ancient
civilisations was, whatever the relationships between them were, the art of building with earth was rapidly flourishing
with the much more generalised use of the unbaked earth brick.
This article, in form of a synthesis, is based on a research carried out for presenting a 3rd cycle thesis in the “D.P.E.A.-
Terre” driven by CRATerre – EAG, at the School of Architecture of Grenoble, France. It was prolonged by the
presentation of a DEA equivalence, at the “Ecole Pratique des Hautes Etudes”, Paris, IVth Section of “Sciences
Historiques et Philologiques”, under the direction of Professor Jean-Claude Margueron. In a first part, the article
focuses on the evolutionary process of earthen building cultures in Near Orient and Mediterranean regions from ancient
times and then points out the permanence of a large range of practices up to recent times as numerous living vernacular
traditions are showing. In a second part, considering the importance of this building and architectural legacy, it is worth
to question the major problem of the maintenance of a building techno-diversity for the future, according two directions
: the architectural heritage conservation, and the relevant potential of the earthen building practices for a sustainable
development.
As architect I am particularly indebted to all the community of scientists in archaeology of the world who has conducted
patient works, passing on to humanity all the memory of the building cultures of humankind and this so exceptional and
valuable scientific knowledge. Concerning the history of the vaulting construction in Orient, I want specifically thank
Dr. Roland Besenval who has conducted his reference research on the “Technology of the vault in Ancient Orient” 1.
The organised production of what we are now commonly calling “adobe” has extended during the VIIth millennium to
be widely confirmed during the VIth millennium. In Anatolia, the site of Çatal Hüyük (Turkey), a Neolithic settlement
which was inhabited between 6500 and 5700 B.C., shows an advanced degree of the adobe construction where the
1 Besenval, Rolland, in « Technologie de la voûte dans l’Orient Ancient », vol. 1, p. 74, and vol. 2, PL 60, 102 (Technology of the vault in Ancient
Orient), ed. Recherche sur les Civilisations, Paris, 1984.
Page 73
Hubert Guillaud
bricks, laid with mortar are filling up bearing structures made of wooden pillars and beams. The builders were already
mastering the technology of lime plastering 2. In Mesopotamia, the culture of the unbaked brick which is gifted with a
great flexibility of use and of excellent structural performances characterising the masonry in small elements, will be
progressively mastered during The Ages of Hassuna (mid-VIth millennium) and then during the Ages of Samara (from
the Vth millennium). These ages correspond to the coming out and progressive extension of bigger structures with thick
walls strengthened by big pillars and buttresses (see Tell Asmar, Fig.1). Some nice examples of such structures have
been found at Chogha Mami, in the middle Tigris valley, or at Tell es Sawwan (Iraq). These massive farming
constructions and other dwellings presenting some characters of ostentation are archaeologically foreshadowing what
Olivier Aurenche has defined as being the “signs of the town” 3. During the IVth millennium, the phenomenon of a town
planning process is growing and extending with a transfer of patterns from regions to regions, channelled by a
colonisation of new territories that are sometimes very far from the founding sites. This mobility of building,
architectural and town-planning models follow people’s migrations moved by the searching of new settling sites, or
pushed away by economical stakes or warlike events. On these considerations, Jean-Claude Margueron has made the
hypothesis of such a transfer of cultural patterns from south Mesopotamia (Ur, Uruk) up to the North, in the territories
of the Euphrates loop, with the founding of Mari 4.
The middle times of the IVth millennium seem to confirm a new step of evolution of people’s building ability with the
coming out of the vault and cupolas. The first known examples are showing a corbelling building system. These vaults
are not erected on top of bearing walls but directly on the ground. Some remains which have been excavated at Tell
Arpachiyah, North of Iraq, conserved at a height of 80 to 85 cm, describe this building process of corbelling vaults and
so is doing the famous Tholos 42 of Yarim Tepe in the same regions 5. By the beginning of the IVth millennium, with
the Obeidian Epoch, a new type of monumental earthen architecture is emerging defining its typological and spatial
characters on the use of the symmetry where the rooms, similar in size and equal in number, are laid around a central
rectangular or “T” shaped space. Several buildings present typical layouts organised in three parts. Chiefs of villager
communities may have lived in the most elaborated of them, as they seem to have sheltered meeting or reception rooms.
Such edifices have been excavated at Tell el’Oueili, near Larsa, at Sukhairi or Eridu, southern Iraq, or at Tepe Gawra,
northern Iraq. The birth of the Civilisation of Sumer and then of Elam, on the plateaux of Khuzestan, actual south-west
of Iran, from the mid-IVth millennium, confirms the settling of the first religious centres which are foreshadowing the
temples-towns. During the Epoch of Uruk, the famous temples of Eanna and the White Temple of Uruk, the Temple of
Enki, at Eridu, are built up on high earthen brick platforms. The aesthetic composition of their elevations affirms the
principle of successive recessed and projected facings that will be dominant in the Mesopotamian architecture. By the
entry in the IIIrd millennium, the VIIIth level of Tepe Gawra 6 (room 846) testifies of the construction of the barrel vault
with quite impressive structural performances (a span of 3,25 m and 8,50 m long). Roland Besenval quoted : “It seems
that it should be one of the first arched or barrel vault used for covering some important structure and presenting a
radiating building process.” At Yanik Tepe, structures erected on circular layouts have been found. They could be
inherited from the Chalcolithic Transcaucasian building culture if we refer to the sites of Shulaveri and Shangavit. The
external diameter of such structures could reach the impressive size of 6,20 meters. But the excavators prefer to hold the
hypothesis of some wooden and thatched roofing system and not earthen bricks cupolas 7.
The proto-dynastic Ages (2700-2500 B.C.) are generalising the development of religious towns around temples. At
Khafajah, mid-valley of Tigris, the tombs settled around the famous Oval Temple are exhibiting earthen bricks vaulting
systems. The bricks are plano-convex. These vaults are built up in successive inclined arches, placed side by side, with
a generating broken section. The average dimension of the tombs is about 3,40 m x 1,20 m. These roofing solutions
were also adopted for the dwellings as the site of Tell Asmar (Central Iraq), with its “arch houses”, is showing 8.
2 Mellaart, James, in « Çatal Hüyük, a Neolithic town in Anatolia », ed. Thames and Hudson, London, 1967, 232 p
3 Aurenche, Olivier, in « Du village à la ville », (From the village to the town), in The Great Atlas of Archaeology, ed. Universalis, Paris, 1985, pp.
168-169.
4 Margueron, Jean-Claude, « Mari ou la naissance d’une ville neuve » (Mari or the birth of a new city), magazine Autrement n° 55, « Cités
disparues. Découvreurs et archéologues au Proche-Orient » (Disappeared cities. Discoverers and archaeologists in Near Orient), ed. Autrement,
Paris, Sept. 1991, pp. 133-142.
5 Besenval, Roland, op. cit. See also, Merpert, N., Munchaev, R. and Bader, N., « The investigations of Soviet Expedition in Iraq, 1973 », Sumer
XXXII n°1 and 2, pp. 25-61.
6 Speiser, E.A., « Excavations at Tepe Gawra », vol. 1, levels I-VIII, Philadelphia, 1935.
7 Burney, C.A., « The Excavations at Yanik Tepe, Northwest Iran », Iraq, vol. XXIII, pp.138-153, 1961.
8 Delougaz, P., Hill, Lloyd, « Private houses and graves in the Dilaya Region », O.I.P., vol. LXXXVIII, Chicago, 1967.
Page 74
Hubert Guillaud
Wooley 9 has made similar findings at Ur, on the Royal Tombs. On the Iranian Plateau, at Shahr-i Sokhta, rural people's
houses of mid IIIrd Millenium (circa 2400 B.C.) are developing a clustering design which confirms the evolution to an
urban design (see Fig. 2). At Mari, oriental Syria, the Presargonic Epochs (2500 B.C.) show an evidence of small
houses which are organised around a raised central space as is showing the famous miniature of the “Red House”. The
great “cella” of the Ninni-Zaza and Ishtar Temples could have been covered by terraced wooden and earthen structures
(see hypothesis of restitution by Jean-Claude Margueron and Olivier Callot 10). By the IInd millennium the
Mesopotamian skyline is progressively marked out by prominent structures, the ziggurats, built up in successive
platforms of unbaked bricks that will be then protected and adorned by burnt and glazed bricks facings. This
architectural and religious tradition (these ziggurats were crowned by temples at their summits) which has been initiated
on such sites as Ur, Eridu and Uruk, in southern Iraq, will extend and spread all over the Mesopotamian territories.
Chogha Zanbil or «Dur-Untash», in Iran, south of Susa, exhibits one of the most famous examples of such tradition
known today (see Pl.1). This site which was created by the Elamite King Untash Napirisa, around 1200 B.C.,
discovered by René de Mecquenem, and then excavated by Roman Ghirshman during the sixties of the XXth century,
shows an original building system the design of which is explained by the successive steps of construction of the
structure. As the result of this construction history, the ziggurat is not commonly built in successive piled up platforms
but in a way of encased levels, as a “Russian doll”. This building principle is attested by a gallery that has been dug by
the excavator from the north-west side up to the core of the ziggurat. The first and the second levels are sheltering in
their thickness several chambers and temples (the Temple of the goddess Ishushinak, located at the first level, right site
of the south-east elevation), which have been roofed with vaults. Located at the south-east part of this large site, beyond
the second wall, the exceptional remains of the tombs of the Hypogeum Palace are undoubtedly exhibiting among the
nicest barrel vault of those ancient times in the Mesopotamian space. All these structures are by now under a process of
conservation and “mise en valeur”, thanks to the ICHO-RCCCR-UNESCO-Japan Trust Fund and CRATerre-EAG
Chogha Zanbil Project carried out since 1998.
The Epoch of Isin Larsa (2000-1560 B.C.) corresponds to the apogee of a very elaborated town planning, particularly in
southern Iraq, around Larsa and Ur. At that time was confirmed the patterning of an earthen urban habitat organised
around indoor open yards. The famous two-storied house of Ur shows this principle of an introverted layout with a patio
distributing the rooms all around, by direct access at the ground floor, and by a staircase leading to a gallery at the
second floor. The typical pattern of the earthen oriental house is already totally accomplished and will stay without any
major changes, from that time up to now. At Tell Al Rimah 11 (Zone AS 1, a & b, see Fig. 3), north of Iraq, the
beginning of this period of Isin Larsa has passed on the mastery of the lowered brick vaults erected in inclined arches
and defining two typical building patterns : either one progression from the four angles of the top walls of the rooms, or
from the two short sides of the room. Both these patterns are now still used by contemporary Iranian builders. Beyond
this time, there will be a generalisation of the radiating barrel vault and the civil as well as the monumental architecture
will both build in unbaked and burnt bricks, these last ones being much more used. This is a typical feature of the
building culture of the Medio-Assyrian period which will conclude by the unification of Sumer and Akkad Kingdoms
by King Hammurabi, founder of the Babylonian Empire (1750 BC). Around 1200 B.C., in Syria, a period
corresponding to a large extension of the Hittite Empire, new towns were settled around worshipping centres, still all
built in earth bricks. Such is the city of Meskene-Emar, erected along the banks of middle Euphrates River, and its
“Neighbourhood of the Soothsayer” with both temples of Baal and Astarte. All around, the people’s dwellings are
erected in dense clustered structures, following the natural slopes of the ground, and roofed with terraces (see Fig. 4).
This town planning testifies of an accomplished urban earthen building culture that is fully adapted to the physical and
climatic environment. The construction principle of vaulted roofs, in unbaked or baked bricks, will be permanently used
up to the Neo-Assyrian periods (1000-600 B.C.). In between, during the Neo-Hittite Period (900 B.C.), some nice
examples have been excavated at Tell Halaf, north of Iraq, in the sector of the Temple-Palace, with a wide variety of
generating sections, from the lower, the barrel, to the raised up and broken design. During his reign, Sargon the IInd
(729-705 B.C.) has built Khorsabad, or “Dur-Sharukkin”, which is fenced by a high quadrangular enclosure sheltering
the citadel whose palaces and religious structures are exhibiting very nice examples of barrel vaults in unbaked bricks
which are also covering the main gates of the city. Then, under the reign of Sennacherib, the superb city of Niniveh,
settled on the oriental banks of Tigris, will develop this system of fortifications with impressive entrance vaulted gates.
There should have been 15 of such monumental gates. There are no very readable remains of the people’s earthen
9 Wooley, L., « Ur Excavations : vol. II, The Royal Cemetery », New York, 1934.
10 Margueron, Jean-Claude, « Eblouissante richesse de Mari sur l’Euphrate », (Brightening up Mari on Euphrates River) « Enceinte sacrée et
palais » (The sacred enceinte), « La maison d’habitation » (The dwelling), in Les dossiers histoire et archéologie, n° 80, fev. 1984, Paris, pp. 26-31.
11 Oates, « The Excavations at Tell Al Rimah », 1964, 65,66,67, 68,71, Iraq, vol. XXVII, XXIX, XXX, XXXII, XXXIV. And, Besenval, Roland, op.
cit.
Page 75
Hubert Guillaud
habitat of that time but some dimensional graffitis, or reliefs, which have been found on the site, seem to evoke modest
rural structures, roofed with over raised vaults. Their design can remind the conical corbelling cupolas that can be still
observed, but more and more rare, in the region of Aleppo, in Syria.
During the dominating period of the Medes, appeared an original earthen building element that was used for covering
spaces and being mainly used over the Iranian space. It is known as the “strut”. It is a kind of precast element, made of
earth and straw, reinforced by wooden pieces, shaped in portions of arches. Several of such elements are jointly laid,
end to end, in order to configure a plain arch. This clever technology is replacing the use of bricks in the construction of
arches and also for building vaults, resulting in an easier as faster building process, and saving of working labour and
time. According the size of the spaces to be roofed, three to five or six struts are enough to achieve the shaping of an
arch. The site of Nush-I Jan Tepe, in Luristan (Iran), with its Central Temple, its West Temple, its Fort and its southern
Street, releases this revolutionary technology for the first time in History 12. Under the Neo-Babylonian epochs and
under the reign of King Nabuchodonosor, the new city of Babylon is flourishing. The unbaked brick will stay the main
building material, but mainly used for popular structures, as the construction in baked bricks is going to be generalised
for the palaces and monumental public buildings. These edifices are commonly faced with glazed bricks (Gate of Ishtar
giving access to the sanctuary of Marduk). Much more trapezoidal bricks are used for building arches and vaults. The
famous ziggurat Etemenanki, made of successive high terraces, still built in unbaked bricks, has testified of the
reinforced masonry as the layers of building materials are embedding strong interlaced cables of twisted reeds 13.
Earthen builders have become structural engineers.
With the conquests of Cyrus the IInd and the extension of the Achemenid Empire, with the assimilation of the Ionic
influences, the use of stone will extend but will not push out the ancient earthen building culture. The sites of the Fars
valley (Pasargades and then Persepolis), and then the Palace of King Darius at Susa, confirm the principle of the
Apadana and the invention of the Hypostyle room, giving an ostentatious character to the palatial edifices. Nevertheless,
the thickness of the outer bearing walls protected by a veneering of stones is still made of unbaked bricks. The use of
the strut technology has been still attested at Persepolis for covering staircases and corridors embedded in the ramparts
closing the access to the Apadana at the eastern side. At Susa we can also observe footing systems in rammed earth
(“pisé”), or gravelled earth which is tampered in layers, between thick facings of burnt bricks. The use of “pisé”, and of
the strut too, have been also testified by excavations made at Dahan-i Ghulaman (Iran, Seistan), on Building n° 3 14. All
these building systems and particularly the brick vaulting technology, will be commonly adopted by the Persian
vernacular architecture and will spread all over Orient, up to the far eastern territories of the Achemenid Empire which
will be conquered by Alexander the Great. We can see such vaulted constructions in oriental Bactria, in Afghanistan
(the mausoleum of Ai-Khanoum 15), in Uzbekistan-Khorezm (mausoleum-fort of Koj Krylgan-Kala 16) where the
vaults are exhibiting a parabolic generating section, either lowered or raised up, and with a high degree of mastery and
sophistication at the site of Balandy II (400-200 B.C.) in Kazakhstan-Khorezm, where the vault adopts a toric shaping.
Here too, the earthen brick masonry is erected on a basement made of rammed earth.
Then, during the Kouchan period, in Afghanistan, the builders are commonly developing the construction of vaults
erected on square and rectangular layouts. This is the technology of lowered vaults and cupolas, built on squinches, also
called “balkhi” vault, which is marvellously exhibited by the cistern (“Sardoba”) of Dilberjin Tepe 17, in Bactria. The
Parthes Arsacides will go on building vaults in struts as is showing the site of Shahr-I Qumis (Damghan) where several
staircases and small rooms in short span (from 80 cm to 3 meters) have been excavated (Sites IV, VI, VII, see Fig. 5) 18.
Beyond these Parthian periods, the Sassanid will reach the summits of the vaulting technology when they will erect the
12 Stronach, D., « Excavations at Tepe Nush-i Jan, 1967 », Iran, vol. VII, pp. 1-20 ; and, Roaf, M., Stronach, D., « Tepe Nush-i Jan, 1970 : Second
Report », Iran, vol. XI, pp. 120-140.
13 Koldewey R., « Das Ishtar Tor in Babylon », W.V.D.O.G. 32, 1918 ; and, Reuther, D., « Die Inner Stadt von Babylon (Merkes) », W.V.D.O.G.
47, Leipzig, 1926.
14 Scerrato, U., « Excavations at Dahan-i Ghulaman (Seistan, Iran) : First Preliminary Report East and West », vol. 16, n° 12, pp. 9-30.
15 Bernard, P., « Campagne de fouilles à Ai Khanoum (Afghanistan » (Excavation Campaign in Afghanistan), C.R.A.I., nov.- dec. 1972, pp. 605-632.
16 Tolstov, S., Vajnberg, B., « Koj Krylgan-Kala », T. Kh. E., vol. V, Moscou, 1967.
17 Kruglikova, I., « Delbarjin : fouilles 1970-1972 », vol. I (in Russian with a summary in French), Moscou, 1974.
18 Hausmann, J., Stronach, D., « Excavations at Shahr-i Qumis, 1971 », J.R.A.S., n) 1, pp. 29-62.
Page 76
Hubert Guillaud
first iwans, generalising the previous exceptional model of Ctesiphon (King Chosroes the Ist, banks of mid-Euphrates,
central Iraq, not far from the actual Baghdad). This is on such cultural footings having reached to a great mastery of the
brick masonry and the vaulted technology that will flourish the building and architectural tradition of the Muslim Persia
growing with the extension of Islam in this region.
The legacy of the earthen building culture in Iran (see Pl.1 and 2)
The first great mosques erected during the Caliphates, under the Ommiad Dynasty, and then under the Great Abasids,
have chiselled the legacy of the Persian builders that will be raised at its highest level of brightening up by the
beginning of the XVIth Century under the Dynasty of the Safavids. Isfahan, capital town of Shah Abbas, is one of the
most spectacular demonstrations also renewed in many other Iranian towns as Shiraz, Seojan, Tabriz, and Kerman. How
more beautiful is this superb Meidan-é Imam Square, with its architectural composition opposing from one side the
Great Mosque (oriented at 45°) to a central iwan giving access to the Bazaar on the opposite side, and from both long
sides of the square, the facing of the smaller Sheikh Lotfallah Mosque and the Ali Kapu Palace ? All around this
wonderful square, so many examples of structures in arches and cupolas covering the Bazaar are still observed. In the
city, the old houses made of earthen bricks seem to be much more rare, having been destroyed and replaced by steel
structures filled up with burnt bricks or by concrete structures of our modern time. But visiting the periphery of Isfahan
and leaving the city, many earthen vaulted caravanserais and villages are still existing. At Gavart, a small village
located between the airport of Isfahan and the city, the surrounding landscape and the skyline is still marked out by the
famous pigeon towers exhibiting one of the best examples of such exceptional rural building traditions in the world.
Undoubtedly, Iran is one of the Central Asian countries still testifying today of the greatest diversity of the earthen
architectures. We can meet the tradition of wattle and daub on the piedmonts and in the bordering plain of the Caspian
Sea, as well as on the arid slopes of the Elbourz Mountains. They are half-timbering houses filled up with daub
(“torchis”) made of clayey soil mixed with rice blades (locally called “kula”) and chaff. But the tradition of the earthen
brick is undoubtedly the predominating building culture in Iran where the popular architectural heritage is essentially
built with it, as in regions of plateaux (Baghestan), or in mountains (where it is associated to the stone and the wood) or
in central desert (Yazd) and southern semi-desert regions. There is also a mixed building technology associating the
earthen brick with the “cob” as we can observe around Isfahan and in Khuzestan. The traditional techniques of
plastering are also calling for the use of earth mixed with straw. The white clay or “gel-é sefid” is used on the border of
the Caspian Sea, when the yellow clay or “gel-é zardi” is used in the region of Elbourz, as well as the “khâ-gel”, also
mixing a clayey soil with chops of straw, is the tradition of Khuzestan. The tradition of flat roofs is predominating in
most regions of piedmonts and valleys. Here, the wooden girders are covered with woven matting of straw or reed, then
covered by small branches of local trees which are recovered by a layer of compacted earth, or “gel-enazok”, then
protected by a finishing layer of “khâ-gel”. On the other side, the vernacular tradition of Iranian roofs is more directly
inherited from the ancient culture of arches, vaults and cupolas made of bricks. Most of the time, the arches are built up
on forms made of gypsum reinforced by straw that are directly moulded on the ground. This technology is undoubtedly
a survival of the ancient Parthian “strut”. Considering the actual typology of vaults, it appears to be very diverse. We
can observe the simple barrel vault or “taq-o-chechmeh” which is declined in other types called “bangui” or
“chamchiri” in mountain regions, the shuttle vault which is progressing simultaneously from both short sides of the
rooms, probably inherited from the ancient vault “balkhi” of the ancient times and today called “lili pouch”. And there
are also much more complex vaults as crossed vaults, edging vaults and vaults on squinches (“lengeh pouch”). Other
mixed solutions are associating arches erected in the spanning direction that are then bearing portions of vaults (oblong
cupolas)). And surely the very common tradition of vaults on pendentives, or “dorshin”, when the most spectacular are
the vaults built with a network of ribs then filled up with bricks creating different decorative patterns. This is the famous
“yazdi-bandi” bonding tradition or that of the ribbed cupolas called “torkine”.
Beyond these exceptional earthen building know-how, the Iranian builders have also passed on other extraordinary
traditions as this one of the wind tower, or “badguîrs”, that are a typical feature of the vernacular architecture in the
bordering plains of southern Iran where the hot and humid climate imposes the air conditioning of spaces. The same
clever device can be observed in the semi-desert or desert regions of Central Iran, in and around Yazd, where
sometimes these wind towers are separated from the houses but bound to them by a tunnel conveying the fresh air. This
tradition of the “badguîrs” was still used for conditioning the houses during the recent Khajar Period as we can see in
the very nice and famous burgess houses of Kashan. What impressive lesson of architecture !
In most of other oriental countries (Sultanate of Oman, see Pl. 3 and 4, or in Saudi Arabia, see Pl. 4), as well as in
Central Asian countries (Afghanistan, see Pl. 5 or in Turkmenistan, see Pl. 5 and 6), this wonderful vernacular tradition
of the earthen architecture constitutes an exceptional legacy.
Page 77
Hubert Guillaud
The regions of the Mediterranean Levant and of the Taurus-Zagros Arch, today including Lebanon, Syria, Palestinian
territories, Israel, Jordan, extended to the actual regions of Iran and Iraq, were the founding territories of the greatest
ancient cultures and civilisations which have excelled in the earthen building art. The unbaked brick was the vector of a
fantastic urban development during the IVth and IIIrd millennium B.C. despite this building culture has been emerging
since the VIIIth millennium as the famous site of Jericho has testified. At that time, the habitat is settled on hill slopes,
both embedded in the thickness of the soil and partially aerial. It is basically oval and round shaped. The walls are
erected with a kind of small hand-shaped earthen “breads” (see Fig. 6 and Fig.7) which seem to have been built at their
plastic state, without any mortar. This technique could be compared to what is called “cob” in England, or “bauge” in
France, consisting in piling up plastic earth balls or packs, in order to realise successive layers of walling material. But
compared to this technique, at Jericho, the walls are thinner and could be assimilated to a kind of direct shaping. This
technology has been also observed on the site of Mureybet, Syria, where the common people's houses of the VIIth
Millenium B.C. are round-shaped, partially embedded in the slopes of the tell, exhibiting small indoor spaces typically
organised around a central space (see Fig.8). This design will be a permanent feature of numerous people's houses
across the following ages, with variations in the dimensions of the living spaces, but still common at the Early Bronze
Age (circa 3200 B.C.) as we can observe on the tell of Bet She'an, in Israel (see Pl.6). Should it be a primitive design of
what will become later the common patio of the oriental house? Later on, the influence of the earthen building know-
how of Mesopotamia and also the influences coming from Egypt, in the art of using the common unbaked brick for
building with arches will extend in the territories of Near-Orient. Among representative examples of such evolution is
the famous triple arched gate of the Canaanite city of Laish, at Tel Dan, northern Israel (see Pl.6) during the Middle
Bronze Age (XVIIIIth Century B.C.). Apart from archaeological sites which are exhibiting remains of entrance gates
covered with arches and barrel or inclined vaults built in unbaked bricks, the excavations carried out in the territories of
Near-Orient have given few examples of the use of vaults or cupolas for the common roofing of vernacular people's
houses of ancient times. Some clues of the possible design of these people's houses, during the Assyrian Times, have
been given by graffitis which have been observed on the site of Niniveh. It seems that the conical-shaped vault, or
corbelled cupola, might have been used and we could compare the morphology of this design to the shaping of
vernacular houses in some Syrian villages, in the region of Aleppo (see Pl.7) which are today much more rare.
In Thessaly, Greece, primitive human settlements of the Mediterranean Europe are dated from the mid-VIIth millennium
(around 6500 B.C.), tracing back to the protoneolithic phase, so before the apparition of the ceramic. This primitive
habitat settled on the border of the Aegean Sea, in the deep layers of Sesklo, show huts presenting variable layouts,
lightly buried in the soil. They are constructions made of wooden poles probably supporting walls in wattle and daub
(“torchis”). The VIth millennium confirms the inputs of the Anatolian and levantine building cultures up to Thessaly,
Crete and Cyprus. Within its deep layers, the site of Nea Nicomedia (in Macedonia), exhibits a more advanced habitat
but still made of wooden poles and wattle an daub. However, the houses have mainly one square room of a greater size
(8 x 8 m). The soils are in compacted earth on top of an insulating layer of leaves and tree branches. In a post time of
occupancy, we can observe the existence of an inside partition also made of wattle and daub. At the apogee of Sesklo
19, during the mid-Vth millennium (5500-4400 B.C.), the dwellings of the upper levels are both built in wattle and daub
and unbaked bricks. They look much more structured and they adopt the rectangular layout. These houses should have
been two slopes roofed and some of them should have been two-storied. Earthen walls are insulated from the humidity
by stone basements, as the stone is also used for the defending walls and for some outdoor terraces of the site. However,
these houses are still settled as independent farms and they are not really showing a social villager organisation. But, at
that time, the basic layout of the habitat is evolving to the “megaron” typology which will predominate in the Ancient
Greek architecture : one main room with a hearth slightly embedded in the soil, preceded by an open hall without
frontage except a portico supported by one or two massive poles 20. The same type of habitat has been found at Dimini
(South of Sesklo) and will predominate during the Recent Neolithic Ages (4400-3000 B.C.), even if there is an evidence
of a hierarchical society which is testified by the existence of some more important dwellings, settled on top of the hills
of Sesklo and Dimini. These houses have also the typical opened entrance hall, but two rooms, the first one being larger
and with the hearth. We have now a village structure protected by concentric surrounded walls, same devices which
have been observed in the deep layers of Troy I (3000-2500 B.C.). Beyond these reference bordering sites of the
19 See Holtzmann, B., « Le second début de l’architecture grecque » (The second starting of the Greek Architecture), in the Great Atlas Universalis
of the World Architecture, p. 132.
20 See « The beginnings of agriculture in Near-Orient and Europe », in Encyclopedia of Cambridge, 1981, pp. 110-111 with a drawing revealing the
typical house in Sesklo.
Page 78
Hubert Guillaud
Aegean Sea, in the inward and southern regions of Greece, the habitat looks much more precarious and invariably made
of wattle and daub, a building tradition that might be connected with the Danubian building cultures (ribboned ceramic)
covering the Central Europe.
In the Aegean world, the Ancient Bronze Ages (3000-2000 B.C.) which corresponds to the first civilisation of the
Cyclades all over the islands, is marked by the development of the construction adopting the apsidal megaron type of
layout, mainly built in stone and protected by thick defending walls including oval shaped towers (acropolis of
Kalandriani, at Syros, sites of Paros and Melos). This protected habitat is foreshadowing the typical gathered town
planning of the Cyclades that will reach up to our times. On Crete, during the Ancient Minoan (2700 B.C.), at Vasikili,
the “house on the hill”, with its irregularly designed rooms, seems to announce the future palatial complexes. The earth
might have been used, according the “cob” technology, piled up in casings at its plastic state 21. The larger use of the
unbaked brick seems to have colonised the Peloponnese just before the IInd millennium. In the deep layers of Lerne III,
the “house with tiles” is erected within a fortified perimeter in the centre of which the American excavators have found
this large building (25 x 12 m) showing a row of 4 rooms (among three of them present corridors). The starting of a
stair confirms the existence of a second floor. All the thick wall of this house is erected in unbaked bricks and put up on
a stone basement. These walls are plastered with stucco 22.
During the Middle Bronze Age (2000-1500 B.C.), a very clear fracture can be observed between the continental Greece,
which is submitted to Indo-European invasions and a cultural regression, and the Cyclades which seem to face a sudden
rise of civilisation. In fact, in the Peloponnese, the Mycenaenan fortifications are increasing. These fortified positions
(Mycenae, Tyrinth, and Pylos) are protecting a rural habitat of shepherds, which is settled all around them. This habitat
is not well known but seems to have been very precarious and maybe built in both wattle and daub (for inside
partitions), and unbaked bricks (for main walling). The “house of the wine merchant”, and the “house of the oil
merchant”, so called by the excavators, describe the characteristic megaron in three parts, inherited from the Thessalian
Neolithic, with the “prothyron”, or portico with two columns in antes, the “prodomos”, or small anteroom, and the
“domos”, or larger room organised around the hearth. But there is no many remains of such habitat, except some
smaller villages that are conserving their fortifications built up in unbaked bricks 23. After the brightening up inputs of
the IInd millennium, some have spoken of a “coming back to the degree zero of the architecture”. At the same time, the
insular context of the Crete is favouring the harmonious development of the Minoan Civilisation. The superb “lighting
palaces” of Knossos, Phaistos and Mallia, invested by the environmental nature, are offering a very refined decoration.
An omnipresent light comes in the rooms and cheers up the building materials : the tuff, the gypsum, the schist and the
marble which are used for the main walls, the unbaked brick for the partitions or the wood used for the carpentry, the
columns and their capitals, the porticos, the door and window frameworks. The wall facings are painted in dark red,
deep blue, ochres, the sacred palette of the "Minos" residences, these kings-priests who are sharing the sovereignty of
the Isle of Crete. Excavations that have been made at Acrotiri de Thera (by 1967) have revealed what has been called
the “Minoan Pompeï”. The famous miniatures which are exhibited in the Museum of Herakleion, dated from the Mid-
Minoan (1900-1600 B.C.) are representing the façades of typical houses and seem to confirm the post and beam
building principle which might have been filled up with a blocking masonry of rubble-stones, as well as with unbaked
bricks. But we know how this achieved scale of the civil Minoan town planning, and the splendour of the palatial
architecture have been dramatically destroyed by a succession of violent seisms (Recent Minoan I a and b, around 1500
and 1470 B.C.) and the volcanic eruption of Santorin associated to a rain of ashes and petrified lava, and to a
devastating tidal wave.
On the Greek peninsula, at the Mid-Xth century, in Eubia, the city of Lefkandi seems to have played an important part
since the IInd millennium. It has come to light an important structure of monumental character. This is a Herôon, an
edifice that is consecrated to the cult of a Hero, which might foreshadow the first Greek temples. This apsidal-shaped
building of 45 m long, the original walls of which are partially conserved at a height of 1,50 m for some parts, exhibits
an unbaked bricks walling put up on a stone basement. The earth was used as bonding mortar. The inside facings were
plastered with gypsum. The roof was supported by an axial bearing system of wooden columns in line erected on stone
slabs and the pavement was in clay. This elaborated earthen architecture corresponds to a time that someone have called
21 Sinos, S., « Die vorklassischen Hausformen in der Agaïs », Mainz, Ph. Von Zabern, 1971.
22 According J.L. Caskey, quoted by Bernard Holtzmann, op cit, note 19.
23 According a description written by May Veber, « Mycènes, creuset tumultueux de l’Hellade » (Mycenae, tumultuous melting pot of Hellad), in
« Les Grandes Civilisations Disparues » (The great disappeared civilisations), 1980, pp. 70-79.
Page 79
Hubert Guillaud
“the second starting of the Greek architecture” 24. In fact the political context of that times (IXth and VIIIth centuries),
testifying of a reorganisation in regional states gifted with a relative stability, is favourable to such architectural
fulfilment. At Smyrna, architectural restitutions which have been proposed by R.V. Nichols, are showing a typology of
habitat, also apsidal-shaped and protected by a thick fortification in unbaked bricks and stony material which is built up
behind a cyclopean stone facing. The unbaked bricks are quite big (51 x 30 x 13 cm). Within this protected area of more
or less 35000 m2, oval houses of about 3 x 5 m are settled without any specific order and also built with unbaked bricks
of the same size, but not put up on a stone basement nor footings. Their outdoor facings are plastered. During the VIIIth
century, the apsidal megaron will evolve to the rectangular shaping and Hellenic settlements will extend up to Sicilia
and South Italy (see Incoronato, near Metaponto). The walling building system in unbaked bricks, put up on a basement
made of stone or big pebbles bonded with clay mortar, is widely used in the new Italic settlements (Sibari, Amendolara,
Heraklea, Velia, Morgantina, Himere) and up to the Iberian peninsula as are testifying the Valencian sites of
Vinnaragell and Pena Negra. It is undoubtedly from these coastline sites that the unbaked brick will penetrate up to
Catalonia and then to Aragon. At the same time, the Greek architecture is starting a petrifying process, particularly for
its religious architecture and the unbaked brick will be more reserved for the megaron-type housing. The Greek
domestic architecture will develop later and stayed small, obscure and uncomfortable for a long time. This is only with
the coming of Democracy (508-507 B.C., at Athens), that the civil and domestic architecture will present more
elaborated principles as like the “stoa” (open portico with columns), the Hypostyle room, as the organisation of the
rooms around an indoor peristyle. But during the blooming period of Pericles (453-429 B.C.), at the feet of the
brightening up Acropolis of Phidias, the popular city is lying down in dense housing neighbourhoods mainly built in
unbaked bricks or in post and beam structures filed up with such materials which are thatch-roofed and Athens is
looking like a great township. For the best living conditions, these houses are plastered with stucco or painted in bright
colours 25. Then the War of the Peloponnese (431-404 B.C.), between Sparta and Athens, and the subsequent instability
for the villages and small townships of the rural areas, will lead to a regression in the use of the unbaked brick and a
comeback to a temporary and precarious habitat built in wattle and daub and protected by defensive acropolis.
However, all over the Greek world, the use of both “Pentadoron” and “Tetradoron” unbaked bricks will go on until the
1st century A.C., as it was observed by Vitruvius during the Augustean Ages 26.
With the apogee of the Phoenician stone construction in the urban context (Sidon, Tyr, Ugarit), the unbaked brick which
has been a very common building material since ancient times in the Levant, was reserved for the construction of indoor
building systems, as partitions of the rooms, and for the flat terraces where the material was compacted in several layers
on top of a wooden ceiling. Out of the Phoenician cities, in rural areas, the unbaked brick still remains the main building
material. Was the technology of rammed earth (“pisé”) that can be observed today in Lebanon and Syria developed
during the Phoenician Ages? We have no conclusive findings on this subject. But, when the “People of the Sea”, pushed
away by Assyrian attacks, will have to transfer its civilisation to the littoral of North Africa, it will call for this
technology of the compacted earth in wooden casings, associating it to the unbaked brick, for building the new Punic
settlements. The birth of Carthage is taking place around 814-813 B.C. Its founding by Tyrians led by the Queen Elissa
(or Didon according Virgil) is a legendary history. The original settlement that was originally a modest colony called
Qart Hadasht (Karchedôn for the Greek and Karthago for the Roman), or “new town”, will become a powerful
Mediterranean capital with an exceptional destiny. At is acme, by the IInd century B.C., its population should have
reached about 700 000 inhabitants. During its first stage of development the original township was settled on the slopes
of the Hill of Byrsa, configuring a modest acropolis. At its blooming stage, the city was covering about 2000 hectares,
including several commercial and military harbours. This Great Carhage laying down in a perimeter of 32 kilometres
was protected against threats that should come from the back inside land with an advanced line of fortifications. A twin
rampart encircled the city itself. The French campaigns of excavations carried out on the Hill of Byrsa, by 1974-76,
directed by Serge Lancel27, are clearly showing that Carthaginians have firstly use the slopes in order to establish a
necropolis, the tombs of which being dated from the VIIIth up to the VIth centuries. Then, this necropolis has been
embanked to settle a neighbourhood of metalworkers with their forges and workshops. It is only by the beginning of the
IInd century that this site has welcomed planned people’s housing units, the famous “Hannibal’s neighbourhood” and its
housing blocks A, C and E (see Pl.7) which can be visited today. These housing units exhibit a standard layout
Page 80
Hubert Guillaud
organising the rooms around a small indoor yard that is accessible by an entrance corridor. As confined spaces for the
starting of staircases (probably in wood) are visible, these units might have been two or three-storied high. They have
been settled according an orthogonal urban design which looks typically Hellenistic ; Serge Lancel and Jean-Paul
Thuillier have compared it to the urban design of Olynthus, Priene and Solunte (Vth to IVth centuries BC). According
Gilbert Charles-Picard28, the construction of this residential area should have been realised for some wealthy people,
insofar as the housing units have been provided with a high level of comfort and luxury which could be allowed at that
time. The cemented pavements were encrusted with marble, walls were faced with stucco, and very elegant thin
columns summited with Ionic style capitals were ornamenting the façades. Bathrooms were satisfying exigencies of
hygiene. Today, looking at the houses walling remains of the famous Blocks B and C, along Street II, one can clearly
see the eclecticism of the Punic building culture were, the use of the blocking stone masonry cohabits with unbaked
brick and “pisé” masonry, burn brick elements (see Fig.9). This is the typical “opus mixtum” or “opus africanum”
(masonry within structural pillars in stone or burnt bricks) which has been related by the Roman. Only the main façades
on the street were built with stones, put up in great bonding. These stones were coming from the Cap Bon, extracted in
the quarries of El-Haouaria. The Hill of Byrsa, which had conserved its original topography all over the Punic epochs of
occupancy, was then totally embanked by the Roman. This was done late after the Victory of Scipion Emilian that has
concluded with the total destruction of Carthage. This huge work was carried out to redesign and level the hill in order
to settle the post Roman edifices, including the new Basilica and Forum. For that purpose, to warrant the stability of the
new development ground and fond the edifices, the Roman have erected in compacted earth numerous thick footing
columns some of them reaching a height of 9 m. These impressive footings in “pisé” are still visible (see Pl.7).
The site of Rome was already occupied during the Bronze Age as the findings of the Forum Boarium, dated from 1500-
1400 B.C., are testifying. Later, at the beginning of the Iron Age (VIIIth century B.C.), several of the famous seven hills
were inhabited as are confirming two Villanovian hamlets which have been excavated on the Palatine. These hamlets
seem to have been unified around a kind of common civic centre settled on the actual Forum area. At that time, the
habitat is still very primitive. It gathers huts or wooden shanties, rectangular or oval shaped, supported by a central
wooden pole and perimetric smaller poles. It is slightly embedded in the soil. The roof might have been in thatch and
walls in wattle and daub. In that way, Rome, at the beginning of the VIth century is just an agricultural township when it
is influenced by Hellenic inputs which were previously introduced by Greek colonists settling in Campania by 750
B.C., and then transmitted by the Etruscan domination. By that time Central Italy knows a real metamorphosis. The
wooden huts, plastered with earth and thatch-roofed of the primitive Rome (see Fig.10), are gradually giving place to
rectangular houses built in unbaked bricks. Similarly to the first Etrurian temples, the first sacred and public monuments
of the Republic (IVth and IIIrd centuries) should have been erected with unbaked bricks and tile roofings gradually
replace the thatched roofs. An orthogonal town planning takes the place of the previous modest and disordered
settlement. Great rectangular housing blocks, sometimes fortified by an embankment of earth, the “agger”, preceded by
a large ditch, are erected (see Marzabotto, near Bologna). By the Vth century, Rome extends its domination from the
Latium all over the Italian peninsula. New colonies are settled on the base of the fortified camps of the military legions,
adopting a regular town planning (Decumanus and Cardo). In Rome of the IVth century, high blocks of flats (insulae)
edge the streets where an important rural exodus, attracted by the commercial activity of the city, is crowding. At this
epoch of great change, the unbaked brick that was previously the main building material is much more used for the
construction of modest people’s housing, for indoor partitions and most of the time for filled up post and beam
structures. This popular technique of wood and earth construction will be used up to the epoch of Nero (37-68 A.C.) and
a lot of housing units have been destroyed during the dramatic fire of the year 64. The same building process has been
commonly employed for the construction of numerous new settlements of the Roman colonists when the Empire will
extend in actual Europe, particularly in Gaul. So many remains of such building practices have been found on French
Gallo-Roman sites, in Lyon, Vienne or Vaison-la-Romaine, in Nîmes, Lattes or Arles. The recent works of the French
archaeology carried out on the Mediterranean regions are confirming a large use on the unbaked brick, but also of the
“pisé” during these epochs (IIIth to IInd centuries B.C.) 29. The dimensions of the unbaked bricks have been very varied,
28 Gilbert Charles-Picard, « Les Phéniciens autour de la Méditerranée, dernières découvertes » (Phoenicians around the Mediterranean Sea, Last
findings), in Archaeologia « Les Phéniciens », (The Phoenicians) n° 146, Sept. 1980, 82 p., pp 6-21/p. 14.
29 See Desbat, Armand, « La région de Lyon et de Vienne », (The region of Lyon and Vienne), in DAF (Documentation of the French Archaeology)
n° 2, « Architectures de terre et de bois » (Earth and wood architecture), 1985. This document concerns the excavations made at Lyon, Rue des
Farges and at the Verbe incarné (Hill of Fourvière) ; but also at Saint- Romain-en-Gal (facing Vienne). See also De Chazelles, Claire-Anne, and
Poupet, Pierre, in « L’emploi de la terre en milieu urbain : Nîmes » (The use of earth in the urban context : Nîmes), in Revue Archéologique de
Narbonnaise, Tome XVII, 1984, ed CNRS, Paris, 1985. Concerns the excavations carried out on the site of « Propriété Solignac » (Solignac's
property).
Page 81
Hubert Guillaud
some of them being very large (45 x 15/18 x 10 cm, in Arles) and other reminding the module described by Vitruvius
(30/32 x 15/16 x 12/14 cm, in Vaison-la-Romaine). The unbaked brick seems to have been also frequently used for
putting up indoor pavements (in Lattes).
On the Celto-Gallic territories, the Iron Age had develops a habitat settled in oppida gathering small wattle and daub or
cob houses. In southern Gaul, on actual territories of Provence, from Languedoc to Roussillon, Hellenic influences are
introduced with the creation of the first Greek trading settlements, as Phocea (Marseille), Antipolis (Antibes), Agathe
(Agde), Nikaia (Nice), and also on the Iberian territories with Emporion (Ampurias). This takes place between the VIth
and the Vth centuries B.C. By that time, the “civilisation of oppida” of the southern Gaul 30 will rapidly adopt the
Hellenic inputs and particularly the use of the unbaked brick which will substitute for the wattle and daub construction
all over the indigenous settlements of the Gulf of Lion coastline. The evidence of such a change in the building
practices is visible on sites as Ruscino, Enserune, La Lagaste or Entremont. Simultaneously, there is a gap between the
coastline and inland settlements where the wattle and daub and cob building technology are still predominating. Then a
slipping between the earth and stone construction will gradually extend in numerous oppida during the IVth and IIIrd
centuries 31.
During the Final Iron Age, the open rivalry between Rome and Carthage leads to the first Punic War (264-241 B.C.)
which gives the support of Emporion to the Roman and allows the conquest of Sicilia. In southern Gaul, the legacy of
successive Greek influences maintains the predominating use of the unbaked brick in construction. In his “De
Agricultura” (14,4), Caton gives advises for building a farm, either in raw stones and lime mortar or in unbaked bricks
put up on stone footings (parietes ex lateres). During the Second Punic War, inhabitants of Massalia (Marseille) give
their support to Rome. Hannibal’s troops pass through the Alps and reach Italy. This period of great brightening up of
Carthage might have contributed to a wider dissemination of the building technology in opus mixtum and blocking
masonry of rubble-stones, “pisé” and unbaked bricks walling put up in between stone or burnt brick toothings,
particularly on the Iberian peninsula, but also up to Sardinia (see the site of Tharros) and Sicilia. The ancestor of the
Sardinian “ladriri” (in southern “Campidani”) might be searched into these old cumulated influences of Greece and
Carthage.
When Caesar will begin the conquest of Gaul (59-51 B.C.), he observes a local construction where the use of
rudimentary building materials is very common. The "vici" (rural townships) and the "aedificia" that he describes in his
“De Bello Gallico” might have been undoubtedly built in wattle and daub or cob, evenly in unbaked bricks. In his “De
Bello Civili”, Cesar gives an other description of the "murus gallicus" which is made of earth, stone and wood. At the
end of the Ist century, and up to the imperial Ages (in 31 B.C., after the victory of Actium), Rome is in its major part
built in unbaked bricks or in post and beam structures filled up with this material. In his “Roman History” (XXXIX,
61), Dion Cassius evokes a rising of the river Tiber that over flooded all low neighbourhoods of Rome and notes that
“the houses made of bricks took water from everywhere and collapsed”. Nevertheless, the “lidio”, “crudi lateres” or
“latericus paries” still remained the building material for the popular housing, beyond the Augustean Ages. As
previously observed, Vitruvius 32 was taking the unbaked brick into great consideration, recognising “its greatest utility
so long as it does not load the walls too much”. He willingly calls for its use “so long as someone building with it
should take the necessary care for putting it up correctly”. He precises that to build with several floors, the unbaked
brick construction should be twin layers bonded (“paries biplinthius”) or even three layers bonded (“paries
triplinthius”). However, after this dramatic flooding of the river Tiber, the use of the unbaked brick was pushed away
from the city as soon as building rules were promulgated which prohibited the construction of thick walls, obliging to
respect a maximum thickness of one foot and a half (44,3 cm) for all party walls. By that time, for erecting high
buildings, the Roman civil builders prefer to use post and beam structures filled up with a blocking masonry of mixed
rubble stones and fragments of tiles, reinforced by stone bond beams. By the same time, in his “Res Rusticae” (I, 14,4),
Varron evokes the “pisé” construction as regards as rural fencing walls (“maceria”) protecting an agricultural farm
located on the Sabine territory. He describes the technique as “a mixing of earth and gravel which is agglomerated in
casings”. He also observes the common use of the unbaked brick (“lateribus crudis”) for the construction of such rural
fencing walls (“pars agraria”). During the Ist century, in his “De Re Rustica” (X,1,2 and XI, 3,2), on the subject of a
hunting reserve construction, Columelle quotes that “if the cost of the stone and manpower allows it, the park could be
fenced by a wall put up with raw stones and lime mortar, if not it should be erected with unbaked bricks”.
30 277 units of oppida have been identified in the Var, more then 300 in the Alps of High Provence and more than 200 in the Gard, all actual
territories of Southern France.
31 Fiches, Jean-Luc, « Habitat et fortifications, la civilisation des oppida » (Habitat and fortifications, the civilisation of oppida), in Archaeologia
n°35, June 1979, pp. 67-75.
32 Vitruvius, op. cit., see note 26.
Page 82
Hubert Guillaud
With the coming of the Julio-Claudian Dynasty (Tiberius, Caligula, Claudius and Nero), the tuff, baked bricks and
blocking stone rubble-masonry with bonded cut stones or bunt bricks facings, are becoming the main Roman public
construction techniques. By 120 A.C., in his “Augustus”, evoking the Emperor Augustus, Suetone writes that he has
embellished Rome and preserved it from the flooding and firing danger. He writes that Augustus praised himself to
have received a town made of unbaked bricks and having left it in marble (“marmoream se relinquere, quam latericiam
accepisset”). But the popular urban and the rural architecture, as the construction in numerous far-west provinces of the
Roman Empire, are going on using the unbaked bricks. In Gaul, the “pax romana” will favour an urbanisation pressure
around the “vici” and other rural townships as well as the construction of numerous “villae”. As Strabon is observing in
his “Geographia” (IV, 4,3, and XII, 1, 67), “Gallics are building large round houses with wooden planks and wattle
walling that they are covering with thick thatched roofs”. So, Tacitus in “Germania” (XVI, 3), on the subject of the
German housing was noting that “they do not make use of stones nor tiles ; for every building purpose they use raw
materials (“materia informi”) without taking care to any beauty or attractiveness ; some parts are more carefully
plastered with a so pure and so brightening earth that it imitates the painting and colouring strikes”. Numerous settling
sites of the Gallo-Romans “villae”, as far as over the actual northern territories of France, in Picardy, that have been
identified by the famous aerial archaeology works carried out by Roger Agache and Bruno Bréart 33, are confirming the
existence of basements put up in blocking stone rubble-masonry ("caementicius paries") that should have been
heightened with earthen building materials, unbaked bricks, or wood and earth walling whose falling in debris are
clearly visible thanks to the colouring variety of the soils showing darken spots attesting of the ancient presence of
buildings. The more elaborated “villae” have often made a distinction between the use of the earthen building
technique, mainly reserved for the “pars agraria” (agricultural outbuildings), and stone or burnt brickwork technique
for the residential building or “pars urbana”. Roger Agache and Bruno Bréart are precising
that “for the numerous large "villae" the quasi totality of employed materials are collected nearby the constructions :
here as on the whole Gaul. But of course, earth is the most local easily available material for lacking of other building
materials. (...) From plane, we can observe, nearby the constructions, one or several ancient quarries that have been
transformed in ponds”. Such characters of the Roman "villae" mainly built in unbaked bricks with a typical association
of the burnt brick during the late Roman Times used as well as for structural reasons (consolidation) and aesthetic
purposes are common in European countries where numerous sites have been excavated. The south-west of France
(region of Aquitaine) and the northern territories of Spain (Castilla) are testifying of the blooming of this building art as,
among several examples, that one of the Roman villa of La Olmedia, in Pedrosa de la Vega, a great residence of the IVth
Century A.C. is still showing (see Fig. 29)
The collect of the raw earth nearby the working site has been commonly used since ancient times and has been still
adopted by vernacular earthen builders up to the recent times as we can still observe it in many countries where the
earthen construction is still alive. This is actually the case in South Morocco, in the Drâa and Dades valleys (beyond
Ouarzazate), when the “mâalems” (master masons) are still building houses and fencing walls in “leuh” (pisé).
Effectively, earthen building traditions that are still actual over northern African territories, in Libya, Tunisia, Algeria
and Morocco, are originated from these ancient Carthaginian, Greek and then Roman successive influences that have
been perpetuated, improved by further civilisations, up to the coming of the Arabic domination, and much further with
the vernacular building practices which have passed on this ancient legacy by the channel of generations and
generations of anonymous builders. This is really this “architecture without architects” 34, or this “spectacular
architecture” 35, mainly built with earth, that goes up to us now and offers to see so diverse applications of elaborated
building cultures tracing back to millenniums. The Hellenic and then Roman influences all over northern African
territories are evident on numerous grounds of excavations. In Tunisia, from the beginning of the Ist century to the IIIrd
century AC, the unbaked brick or “pisé” construction was very common in the Province of Byzacena as are testifying
excavated dwellings in Acholla, the famous “House with red columns”, “Asinius Rufinus’ House” or “Neptune’s
House”, which are dated from the reign of Marc-Aurele, or by 170-180 A.C. In “Neptune’s House”, the “pisé” is used
for buttressing the pressure of a cistern located in the “viridarium”. In Uzitta, near Souss, several houses have been
excavated showing a common use of earthen structures put up on top of stone basements. It might have been the same
in the near Province of Tripolitania. The city of Thysdrus has passed on among the best-conserved testimonies of the
33 Agache, Roger and Bréart, Bruno, « La terre crue dans les constructions traditionnelles » (The earth in traditional constructions), in dossiers
histoire et archéologie n° 79, Dec. 1983, Jan. 1984 (pp. 16-23).
34 Expression borrowed from Bernard Rudovsky, « Architecture without architects », 1987.
35 Referring to Jean-Louis Bourgeois and Carrolle Pelos, « Spectacular vernacular », 1989.
Page 83
Hubert Guillaud
public and domestic architecture of those times. In the “Lucius Verus’ House” and in the “House with frescos”, a great
number of unbaked brick (50 x 35 x 9 cm) walling, put up on of stone basements built according the “opus Africanum”
type have been observed. These remains of earthen walls are plastered with a 2 cm thick lime mortar. Again in
Thysdrus, the “House of the death masks”, which is of Punic type, is built in “pisé” with 50 cm thick walls erected on
top of a 70 cm high basement made of blocking stony masonry. During the period of Roman occupancy, in Tingitania
(Morocco), the construction in earth has been attested on the site of Volubilis, particularly in the “House with the
cistern” located nearby the North of the triumphal arch. This large dwelling, dated from the IInd century A.C. was
covering a private bath of about 150 m2 that has been dated from the Ist century where “all walls are presenting a stone
basement at a variable height, when the elevation was in “pisé” or unbaked bricks” 36. The southern neighbourhood of
Volubilis, called in other words the “craftsmen’s neighbourhood”, or “indigenous neighbourhood”, has revealed
numerous findings of fit in together houses, gathered in a very dense cluster, all built in unbaked bricks laid on with a
clayey mortar on top of 80 cm high basements in stone blocking. The size of the common bricks is 44 x 28 x 8 cm.
The common ancient earthen building cultures legacy in the Mediterranean region
The coming of the Antonine Dynasty (Nerva, Trajan, Hadrian, Antonin the Pious, Marc-Aurele, Comode), by the IInd
century A.C., will extend the “pax romana” over the fareast dimensions of a Roman Empire reaching its apogee at the
end of this century. On purpose of the building culture, this brightening up of the Empire corresponds to the
development of a burnt brick civil construction, particularly for the blocks of flats (“insulae”) which are increasing in
number in most of the Roman cities (the “insulae” of Ostia are among the best examples of such a urban domestic
architecture). But the construction in earth, in unbaked bricks or “pisé”, will still predominate in most regions for the
popular and rural architecture. Beyond the Fall of the Roman Empire, these buildings practices will quasi definitively
mark the rural and a great part of the urban people’s housing construction, particularly over the Mediterranean regions,
up to the modern times. This cultural legacy has resisted to the coming back to the dark times of the High Middle Ages
(from the Vth to the Xth centuries) that have known a regression to more common and simple building practices. In
Italy, where various rural traditions can be still observed ; that one of the “casoni”, in the “Friouli”, or that of the
“pinciaie” of Abruzzi. But also the “ladriri” of the Sardinian "Campidani" (from Cagliari to Oristano) which could be
certainly connected to the ancient Carthaginian influences (see Pl.8). Equally for the Iberian Peninsula. In Spain, region
of Catalonia (around Barcelona), where people was still building in “adobe” and in "pisé" ("tapia"), only just twenty
years ago (see Pl. 8 and 9). Also in “Tierra de Campos” (Castilla and Leon, North of Valladolid and Palencia), where a
very nice tradition of pigeon towers can be still observed (see Pl. 9) ; In Portugal with the similar building culture of
“taipa”, in the region of Algarve where, closely to the border of Spain, can be still observed the legacy of the typical “Al
Andalus” earthen building process which is inherited from the period of occupancy of the Moors : the thick walling
built up in “tapial” are faced with a raw stonework masonry put up with a lime mortar (see Pl. 10). In France, the
vernacular earthen architectures are a typical feature of the rural landscape in almost all regions of the country. The
northern territories are typically concerned by the tradition of the construction in posts and beams ("colombage") filled
up with wattle and daub or "torchis" as we can observe in Champagne, around the city of Reims (seePl. 11) where a
local tradition of the unbaked brick was also developed along the Marne River valley (see Pl. 11). In the south, the
Mediterranean legacy of Ancient Greece and Rome, the Carthaginian inputs and more recently the Arabic influences,
are particularly evident : “adobe” (unbaked brick) all over the southern territories, from Aquitania (see Pl. 11) to
Provence, “pisé”, all along the Rhone and Saone River valleys up to the Forez (Auvergne, Central Massif), and in
Dauphiné (North of Isere) ; (see Pl. 12).
Everyone travelling in Morocco can observe the “maâlems” (traditional master masons) still building houses, or fencing
walls, in “leuh” (“pisé”), nearby the townships settled in the Draâ and Dades river valleys, from Ourzazate to Zagora
(border of Mauritania), or to Boulmane. Effectively, in South Morocco, as in the Atlas mountains, the tradition of the
“Kasbah” and “Ksour” (fortified farms and rural villages), is undoubtedly one of the most brightening up “pisé”
building culture in the world. Was this tradition influenced by the Ancient Mediterranean earthen building cultures
(Carthaginian and then Roman), or by cultural inputs coming from much far away (Arabic peninsula), with the
penetration of Islam across central Africa (the Art of the Mosques in the “Sahil”, Delta of Niger in Mali that has been
occupied by Moroccans several centuries ago) ? Both hypotheses are still under discussion. Recent projects have been
launched, during the eighties of the last century that have contributed to a fashionable revival of the “pisé” construction
in Morocco. In the generation of new architects, Elie Mouyal and Charles Boccara were – and still are – the developer
of such a post-modern “pisé” and “adobe” architecture which is reinterpreting the legacy of an historical tradition
tracing back to ancient times and promoting a local syncretism between the Greek, Roman and Islamic styles. And who
can ignore the importance of the work done by the great Hassan Fathy, in Egypt, who has reactualized the adobe
architecture in vaults and cupolas taking roots in the vernacular Nubian tradition (beyond Aswan) ?
36 Slim, Hedi, « La Tunisie » (Tunisia), in DAF n°2, op.cit., note 29, pp. 35-45.
Page 84
Hubert Guillaud
If, in so-called industrialised countries, the earthen construction has been regressing since the Second World War, it is
still existing in most developing countries. On the one hand, the industrialisation of the construction was pushing out
traditional building cultures that were considered as obsolete and not adapted to a general euphoric aspiration to the
technical progress. A new set of modern building technologies (reinforced concrete, steel, glass, plastic and polymers),
imposing much more professional specialisation and division of labour, was rejecting ancient practices founded on the
mutual aid of the communities. On the other hand, in developing regions, the lacking of industrialised building
materials, very costly in imported currencies and energy, the brutalist transfer of the occidental technologies, by now
much more culturally, socially and economically contested, are inviting to consider again the relevance of the local
resources and cultural know-how. In the “North”, we observe a much more shared caring taken to the heritages (their
preservation, conservation and rehabilitation), the coming out of a qualitative questioning reacting against the making of
architectural landscapes a commonplace and exhibiting an international style, a world-wide “transculturation”. The
threats faced by our natural environment are mobilising larger sections of our developed societies. In this context, a new
cultural, social and economical attention given to the earthen architectures can emerge. In the “South”, the earthen
building cultures are still living practices, as well as in urban contexts (peripheries), as in rural areas. Most of the time,
the earth is still the main accessible (financially) material for the major part of people who has no other choice to use it
for sheltering with dignity. Here, the coming back to the earthen construction is not only circumstantial. It is also
voluntary and bears a “vision” of what could be a self-centred development that could be founded on different and local
political, social and economical strategies that are closely connecting “culture & development”.
“A material is not so interesting in itself but for what it can do for society” as was saying the architect John F.C. Turner,
thirty years ago. Since these seventies, dramatically affected by the so-called “Energy Crisis”, industrialised countries
are searching for alternatives to the building industry practices which are accounting in an overexploitation of not
renewable resources (wood, sand, riverside aggregates, ...), in a continuous increase of the energetic bill (oil, nuclear
energy) for the production of the building materials, their use in construction and for the comfort management (heating
and air conditioning). On the other hand, the injuries which are generated by the construction industry – esthetical and
visual (open air quarries), health damages (materials with secondary pathogen effects as asbestos) – the growing of
urban violences much more associated to what we call now the “dictatorship of the concrete”, are more and more
publicly criticised. This socio-cultural critic is raised and carried up by an environmentalist tendency that is becoming
an anti-internationalisation movement the width of which is now reaching, with similar commitments, the developing
countries (India as spearhead 37). The global approach is now clearly opposed to the local one, and a new concept is
raising : this of “glocal”. Some are declaring that is it the time now “to dismantle the development for remaking the
world 38” ? Based of such considerations, the earthen construction, as numerous other traditional techniques, might be
one of the answers for a “post-development”.
All over the occidental Mediterranean countries, the earthen architecture rebirthing movement is in progress. After
having welcomed the "7th International Conference on the Conservation and Restoration of Earthen Architecture",
“Terra 93”, in Silves, Algarve, the “Dirección Geral de Edificios y Monumentos Nacionais” (DGEMN, Ministry of
Housing) of Portugal has created the “Escola Nacional de Artes e Oficios Tradicionais”, institutionalising a “Programa
Pedagogico, Curso de Construçâo Civil Tradicional Construçâo de Terra” 39. In this school that is training future
craftsbuilders and contractors, located in Serpa (Southeast of the country), young people can learn the adobe and
“taipa” (“pisé”) building techniques to use them for the restoration of the national earthen architectural heritage, or for
developing a contemporary architecture. Spain begins to worried about the conservation, maintenance and revival of its
so nice “tapial” heritage located in “Tierra de Campos” now exposed to great threats of destruction because of an
endemic exodus of the local population to big towns, pushed away by the searching of employment and better living
conditions (the agricultural regulations of the European Community have contributed to a radical change of the
37 Considering the position of leaders of such commitments in India, as Dr. Vandana Shiva (See « Biopiracy. The Plunder of Nature and Knowledge
», ed. South End Press, Boston, Mass. USA), or Arundhati Roy (see her struggle against nuclear weapons and also against the construction of giant
weirs in the Narmada Valley).
38 As the recent issue of the magazine « The Ecologist », was suggesting.
39 National School of Arts and Traditional Craft including a « Pedagogical Programme; Traditional Civil Construction Course on Earthen
Construction ».
Page 85
Hubert Guillaud
structure of the local rural economy). Italy has created its ICOMOS Sub-Committee for Earthen Architecture (AICAT),
has multiplied venues and conferences on this subject in order to promote a national network of specialists. This country
counts now on nine studying groups with university settings, which are dedicated to the research and education
covering the field of earthen architecture 40. In Sardinia, an important programme for the conservation of the traditional
architecture of the “Campidani”, built in “ladriri” (“adobe”), has been launched some 10 years ago, which is supported
by the regional authorities. France has already invested in this movement since the last 25 years contributing to activate
co-operation programmes with African countries, in order to mobilise, update and modernise vernacular earthen
building traditions for answering to a fantastic demand of low-cost social housing where the majority of people can not
access to wealthy modern materials. The UNESCO Chair “Earthen Architecture, building cultures and sustainable
development” which has been set in the School of Architecture of Grenoble, in the year 1998, has already contributed to
develop specialised teaching programmes in the official curricula of several African universities : in Uganda, Nigeria,
South Africa. In France several regional groups gathering professionals (architects, building contractors, scientists),
now attempting to federate their efforts in a national network called “Ecobâtir” (Ecological construction), are
developing studies and projects aiming at promoting the conservation of our national earthen architectural heritage and
the new construction in earth. Recently, a “Global Contract for Development”, supported by the main regional and local
territorial communities of the Rhone-Alps Region (Southeast of France), has included in its economical and cultural
objectives of development an action entitled “valorisation of the pisé”. This programme that concerns 46 communes of
North Isere has been launched last year and will run up to theyear 2005. This movement for a revival of the earthen
architectures that took place in the previous quoted countries is now enlarging its impacts and inputs to many other parts
of Europe. So were recently created in England (Devon) the “Out of Earth” movement, and in Germany (in the “Die
Grünen” motion), the “Lehmbau” network, which are already both very active. Who will stay more out of concern of
such an international Renaissance of the Earthen Architecture ?
The recent international mobilisation for the safeguarding of the earthen architectural
heritage.
During the year 1987, the “5th International experts meeting on the Conservation of Earthen Architecture” 41 that has
been held in Rome, jointly organised by ICCROM and CRATerre, was finally recommended to push on the
development of a specific set of institutional activities in this field. These activities should mainly focus on a specialised
education and should support the setting up of specialised teaching programmes in academic institutions. The
educational dimension of this project was justified by an evident statement shared by several international organisations
: the dramatic lack of professional competencies that should be necessary for conserving a world-wide earthen
architectural heritage (archaeological sites and historical buildings) threatened of destruction. In 1989, following this
recommendation, a specific project is inaugurated, jointly defined by CRATerre and ICCROM, the “Project Gaia”,
adopting as main objectives : i) the development of professional training courses ; ii) scientific investigations ; iii) co-
operation projects and, iv) the dissemination of the knowledge. From this time, four international courses on “The
Preservation of the Earthen Architectural Heritage” (“PAT” Courses) will be successively organised in the School of
Architecture of Grenoble (France), in 1989, 1990, 1992 and 1994. Supported by a reflection on the didactics, the
pedagogy and the teaching methodologies, this initiative is growing and leads in 1994 to the creation of the “Project
TERRA” that enlarges the initial partnership of ICCCROM and CRATerre to the Getty Conservation Institute (GCI, Los
Angeles, USA). Considering the importance of the strengthening of specialised regional centres, this remodelled project
has already organised two “Pan-American Courses on the Conservation and the Management of Earthen
Archaeological and Historical Earthen Architecture” that have taken place in Peru, in 1996 and 1999. They have been
organised in partnership with the “Instituto Nacional de la Cultura” and its regional office “La Libertad”, located in
Trujillo. These courses have directly gained from the facilities of the site museum of Chan Chan, from the
archaeological site itself (Chimú Epoch, 9th-11th centuries A.C.), and from other sites of the Moche and Chicama
Valleys, “Huaca de la Luna” y “Huaca del Sol”, “El Brujo”. These two courses have strongly contributed to the setting
up of a regional specialised centre, based in the site museum of Chan Chan, and to the definition and editing of the
“Chan Chan Management Plan”. They have also given an impulse to the exchanges of experiences among a larger
international network of professionals (historians, archaeologists, architectural conservators, architects, cultural site
managers) that has been initiated since 1989 with the previous “PAT” Courses organised in France. Since that time, this
40 These groups are set in the universities of Torino, Milano, Genova, Udine, Venecia, Firenze, Macerata, Pescara and Cagliari.
41 This meeting was following previous scientific events covering the topic: in November 1972, Yazd, Iran, « First International Conference on the
Conservation of Monuments built in Unbaked bricks » ; in March 1976, still in Yazd, « Second International Symposium on the Conservation of
Monuments built in Unbaked bricks » ; in October 1977, Santa Fe, USA, « Working Session on the Adobe Preservation »; in September-October
1980, Ankara, Turkey, «Third International Symposium on the Earthen brick (adobe) Preservation ».
Page 86
Hubert Guillaud
international network has had several opportunities to be gathered, thanks to successive international conferences that
have been hold in USA (“Adobe’90”, in Las Cruces), in Portugal (“Terra’93”, in Silves) and in England (“Terra 2000”,
in Torquay). Simultaneously, over the past few years, the “Project TERRA”, has given its support to the organisation of
several other national conferences or events : in England, Italy, Germany, Czech Republic, favouring the creation of
several ICOMOS “Sub-Committees on the Study and Conservation of the Earthen Architecture”. The “Project TERRA”
has also launched and supported several scientific research activities. Among them can be raised up the publication of a
first specialised bibliography covering the field, a “Research Index”, a “Literature Review”, a preliminary reflection
aiming at “structuring the discipline of the earthen architecture conservation”, and more recently, a fundamental
scientific research on the cohesion and the loss of cohesion of the earth material 42.
In this favourable context that has enlarged the awareness for the conservation of earthen architectures, that has allowed
the emerging recognition of a specialised disciplinary field, other several important projects are now carried out. They
are confirming the commitment of much more international and national organisations in charge of the cultural heritage
conservation. In this direction, such organisations as the World Heritage Centre and the Division of the Cultural
Heritage of UNESCO, the Japan Trust Fund, the Getty Grant Programme, the World Monument Watch, numerous
national institutions, and much more specialised experts as well as professionals, all over the world, are playing an
essential part. This is resulting, among other important facts, in the entering of precious earthen archaeological sites and
historical buildings on national lists of monuments, or on the prestigious World Heritage List. This dynamic process is
notably worth reading in Africa, with the commitment of numerous African Cultural Ministries, museums and
professionals participating to the development of the Programme “Africa 2009” 43. Other exemplary projects have been
launched. Among them it is worth to raise up the “Chogha Zanbil Conservation Project”, which has been launched in
1998, carried out by the Iranian Cultural Heritage Organisation (ICHO) and the Research Centre for the Conservation of
Cultural Relics (RCCCR), in partnership with UNESCO and Japan Trust Fund 44. But, so many other examples could
be quoted here that are very encouraging for the future of the earthen architecture conservation and “mise en valeur”.
Conclusion
Preserve the techno-diversity : an essential option for tomorrow
For warranting this so-called “sustainable development” – or maybe “post-development” -, the new paradigm of the IIIrd
millennium founded on a global alliance aiming at protecting the biodiversity, haven’t we the obligation to preserve and
pass on the cultural memory which is conveying intangible sense and values that are so indispensable to every living
society ? Is not there any alternative for conserving our architectural heritages expressing shared universal values ? On
such a point of view, the earthen architectures - existing over all continents - should not be essential to this protection
and passing on of our inherited cultural, bio and techno-diversity ? Might not they offer an alternative to this
homogenising building and architectural transculturation that could be devastating ? In this way, it should be upon the
42 See : “projet Gaia project”, « Bibliography on the Preservation Restoration and Rehabilitation of Earthen Architecture », ed. CRATerre-EAG-
ICCROM, Rome, Italy, 1993, 136 p. (900 documentary references). The « Research Index » has been published by the “Project TERRA”. Based on a
wide survey carried out close to architectural conservation professionals, it precises the main scientific research directions for the next years,
according the professionals’ needs and expectations. The « Literature Review », prepared and draftly written by CRATerre-EAG (Arch. H. Guillaud),
and then revised by a corpus of North American and European scientists covering various fields of research, will be published by the GCI late 2002.
The research on the cohesion and loss of cohesion of the earth material is driven by CRATerre-EAG (Eng. Hugo Houben), in partnership with GCI
and ICCROM Research Units and several other Research laboratories and Units of French universities-UMR-CNRS.
43 The Programme « Africa 2009 » has been launched in 1998. It is carried out by African cultural institutions, in partnership with the World
Heritage Centre of UNESCO, ICCROM and CRATerre-EAG. It has already contributed to : i) the realisation of three « Regional Courses on the
Conservation and Management of the African Earthen Architectural Heritage » in Nairobi, Kenya (1999 and 2001) and in Porto Novo, Benin (2000),
for professionals working in Sub-Saharan countries ; ii) the realisation of seminars gathering the directors of African museums ; iii) the launching of
research activities resulting in publications ; iv) the raising up of an African professional network editing now is own Newsletter ; v) the carrying out
of much more experts’missions resulting in the classification of remarkable African sites on national lists of monuments and on the List of the World
Heritage, with the definition of correlated management plans.
44 The first phase of this project (1998 - 2002), has already given valuable outputs : i) the carrying out of a preventive conservation programme on
the main architectural structures of the site, the prestigious Ziggurat, the Hypogeum Palace, the Water-Tank ; ii) the development of a spectacular
experimental and scientific research programme on the local building materials (geology, unbaked brick, earthen and traditional “khâ-gel” mortars,
baked bricks), the reactivating of archaeological researches on the site of Chogha Zanbil and at Haft Tappeh ; iii) the setting up of a specialised centre
at Haft Tappeh around a team of young architetural conservators and scientists coming from three Iranian universities preparing their diploma in
architectural conservation and PhD thesis ; iv) the holding, in February 2000 of a « First national course on the conservation and management of
earthen structures » for Iranian profesionnals and students in architectural conservation, the holding, in February-March 2002, of a « First Regional
Course on the Conservation of Earthen Structures » that have been opened to professional coming from Central Asian countries. Project ICHO-
RCCCR, Cultural Division of UNESCO, Japan Trust Fund and CRATerre-EAG.
Page 87
Hubert Guillaud
indissociable triptych “conservation – sustainable development – modernity” that could raise a “vision” for a recreated
future of the earthen architectures useful for the coming out of more viable societies generating new specific as diverse
equilibriums between “men”, their environments and their cultures.
Effectively, today, there are great threats for evacuating the techno-diversity, for imposing more, and much more,
uniformity. Conserving the earthen architectures and the memory of the building cultures, might be a way to found
concrete hopes for the transmission of the techno-diversity to present and future generations. To safeguard an
evolutionary balance between nature and culture, between “oikos” and “tecné”. Without any nostalgic feeling, is not
there an evidence of harmony between natural (physical) and cultural (fitted-on) landscapes ? An evidence of alliance
between biodiversity and techno-diversity which is so often characterised by the world-wide vernacular architectures ?
Is not there an evident fantastic creativity of numerous traditional builders in this clever use of local cultures, know-how
and resources, and a so exact respectful attitude of the environment ? In too sacrificing to the modernism, Promethean
attitude, is not Man committed on the path to a scheduled tragedy ? That of a break-up between nature and culture ? The
maintenance of the techno-diversity might not bring answers to a wide set of crisis now faced by humankind ? Energy
crisis (exhaustion of fossil energies 45) ; crisis in the production of manufactured materials (more and more costly and
inaccessible for a great part of the world population) ; development and employment crisis (how to create more jobs
when the technological progress is suppressing them every day for more and more people ?) ; crisis of cultural identity
(architectural and landscaping transculturation) ; housing crisis (according UNO, about 50 % of the world population is
badly housed or without shelter) ; housing production crisis (the formal production systems are only answering to the
solvable demand of the middle and upper classes ; self-construction and informal forces are attempting to alleviate the
deficiencies of the formal system) ; environmental crisis (in several regions, it is now impossible to build with wood :
African Sahelian regions, Niger, Burkina Faso, Mali, North Nigeria) ; industrial pollutions (how many industries are
classified in the range of the “Seveso risk” ?) ; physical discomfort (much more people is yearning for living in
healthier dwellings and leaves the towns for buying private houses in new fashionable compounds, or prefer to restore
traditional houses ; and this is a luxury for developed regions !) ; crisis of History (the cultural values of the
architectural heritage are cared with unprecedented attention ; we classify, conserve, enhance, we “manage” the
heritages that are contributing to maintain a presence and a sense of History and identity).
The erosion of the techno-diversity comes under a cultural amnesia, the consequences of which could be dramatic for
the worldwide socio-economical system. The preservation and the revival of this techno-diversity are becoming a factor
of vitality for the future of the planet. But, considering the challenge for the coming out of a sustainable development,
we have to produce a huge effort for taking stoke of our techno-diversity, for a better knowledge and more
understanding of this “building intelligence” (see Jean Prouvé 46), and go on updating, enriching our cultural legacy by
a more appropriate use of the potential of our technologies 47. But, there is another danger : to be frozen in an “illusion
of the permanence”, that is also an untenable “reactionary” attitude. Based on such considerations, the conservation of
the earthen architectural heritages, the sustainable development of a scientific research and specialised education in this
field, today, are undoubtedly a decisive contribution for tomorrow ; this is part of a shared effort - to be developed at the
world scale - aiming at reconcile Man and History, and with its cultural diversity that we have now to consider as a
paramount option and vector for a “local” development to be balanced with a “global” development. This is a
possibility for opening new paths to a “post-development” which could not be only based on the omnipotence of money
(profit) and macro-techniques which are generating much more cultural, social and material impoverishment, too much
more unacceptable human poverty.
45 In some countries, the reserve of oil will be exhausted during the next 50 years. We already see the development of such a war for oil conducted
by consuming countries !
46 Jean Prouvé is a French engineer who specialised in steel construction and who defined this concept of « building intelligence » when he was
searching for the best appropriate use of building materials.
47 See for instance the stabilisation of earthen building materials that has given birth to the actual roadway technology or to the stabilised compressed
earth block. See also the researches and experimentations which have been developed in chemical consolidation
Page 88
Hubert Guillaud
PROJECT TERRA
Institutional involvement
INFORMATION
Knowledge management
GUIDING PRINCIPLES
PROJECT TERRA
INFORMATION
AIMS
PROJECT TERRA
Page 89
Hubert Guillaud
BIBLIOGRAPHY :
Agache et Bréart 1983 : AGACHE, Roger et BRÉART, Bruno - La terre crue dans les constructions traditionnelles,
in Les dossiers histoire et archéologie, n° 79, 1983, pp. 16-23.
Aurenche 1985 : AURENCHE, Olivier - Du village à la ville, in le Grand Atlas de l'Archéologie, éditions
Encyclopaedia Universalis, Paris, 1985, pp. 168-169.
Aurenche 1993 : AURENCHE, Olivier - L’origine de la brique dans le Proche Orient Ancien, in Between the rivers
and over the mountains, Archaeologia Anatolica Et Mesopotamica Alba Palmieri Dedicata, Dipartimento di Scienze
Storiche Archeologiche a Antropologiche dell’Antichità, Università di Roma "La Sapienza ", Rome, 1993, pp. 71-85.
Aurenche 1977: AURENCHE, Olivier (sous la direction de), CALLOT, Olivier (dessins) - Dictionnaire Illustré
Multilingue de l'Architecture du Proche-Orient Ancien, Institut français d'Archéologie de Beyrouth (Liban), publication
hors série, Collection de la Maison de l'Orient Méditerranéen Ancien n° 3, Série Archéologique 2, éditions de la Maison
de l'Orient, Lyon, 1977, 391 p.
Bernard 1972 : BERNARD, P. - Campagne de fouilles à Ai Khanoum (Afghanistan), C.R.A.I.,1972, pp. 605-632.
Besenval 1984 : BESENVAL, Roland - Technologie de la voûte dans l'Orient ancien 1, 196 p. et Technologie de la
voûte dans l'Orient ancien 2, 224 planches, synthèse n°15, éditions Recherche sur les Civilisations, CNRS, Paris, 1984.
Biran 1994 : BIRAN, Avraham - Biblic Dan, in Israel Exploration Society, Hebrew Union College – Jewish Institute of
Religion, Jerusalem, 1994, pp. 75-90.
Bourgeois et Pelos 1989: BOURGEOIS, Jean-Louis and PELOS, Carrolle - Spectacular vernacular, 1989.
Burney 1961: BURNEY, C.A. - The Excavations at Yanik Tepe, Northwest Iran, Iraq, vol. XXIII, 1961, pp.138-153.
Caton 2ème s. av. n.è.: CATON - De Agricultura, 14, 4.
César 1er s. av. n.è.: CÉSAR - De Bello Galico, I, 5, 2; II, 7, 3 ; III, 29, 3 ; IV, 19,1 ; VI, 6,1 ; VII, 14,5.
Charles-Picard 1958: CHARLES-PICARD, Gilbert. et C. - La vie quotidienne à Carthage au temps d'Hannibal,
(IIIème siècle av. J.C.), Paris, 1958.
Charles-Picard 1980 : CHARLES-PICARD, Gilbert - Les Phéniciens autour de la Méditerranée, dernières
découvertes, in revue Archeologia Les Phéniciens, n° 146,1980, pp. 6-21.
Cleuziou 1985 : CLEUZIOU, Serge - Le Proche-Orient ancien, Les villes du plateau iranien au IIIème millénaire, in
Le Grand Atlas de l'Archéologie Universalis, Paris, 1985, pp. 184-185.
Columelle 1er s. ap. n.è. : COLUMELLE - De Re Rustica, X, 1, 2 et XI, 3, 2.
De Chazelles et al. 1985 : DE CHAZELLES, Claire-Anne, FICHES, Jean-Luc et POUPET, Pierre - La Gaule
Méridionale, in DAF n°2, Architectures de terre et de bois, Paris 1985, pp. 61-71.
De Chazelles et Poupet 1984 : DE CHAZELLES, Claire-Anne et POUPET, Pierre - L'emploi de la terre crue dans
l'habitat gallo-romain en milieu urbain : Nîmes, in Revue Archéologique de Narbonnaise, 1984, Tome XVII.
De Chazelles et Roux 1988 : DE CHAZELLES, Claire-Anne et ROUX, Jean-Claude - L'emploi des adobes dans
l'aménagement de l'habitat, à Lattes, au IIIème siècle av. n. è. : les sols et les banquettes, in Lattara 1, 1988, pp. 163-
173.
De Contenson 1979 : DE CONTENSON, Henri, 1979 - Tell Ramad, village syrien des VII° et VI° Millénaires, in
Revue Archeologia n° 33, 1979, p. 69-73.
Delougaz et al. 1967: DELOUGAZ, P., HILL, LLOYD, 1967 - Private houses and graves in the Dilaya Region, O.I.P.,
vol. LXXXVIII, Chicago, 1967.
Desbat 1985 : DESBAT, Armand - La région de Lyon et de Vienne, in Documents d'Archéologie Française n° 2,
Architectures de terre et de bois, 1985, pp. 75-83.
Dion Cassius 2ème – 3ème s. ap. n.è. : DION CASSIUS - Histoire Romaine, XXXIX, 61.
Ferron et Pinard 1960-61 : FERRON, J. et PINARD, M. - Cahiers de Byrsa, IX, 1960-1961, pp. 95-96.
Fiches 1979 : FICHES, Jean-Luc - Habitat et fortifications, la civilisation des oppida, in Archeologia n° 35, 1979, pp.
67-75.
Ghirshman 1966-68 : GHIRSHMAN, Roman, 1966-1968 - Mémoires de la Délégation Archéologique en Iran,
Mission de Susiane, Tomes XXXIX et XL, Tchoga Zanbil, Vol. I, La Ziggurat, 134 p., 99 planches, et Vol. II, Temenos,
Temples, Palais, Tombes, 159 p., 99 planches et plans, Librairie Orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1966-68.
Gullini 1970-71 : GULLINI, Giorgio - Struttura e Spazio nell'Architettura Mesopotamica Arcaica, da Eridu alle soglie
del Protodinastico, Università di Torino, ed. Giappichelli, Torino, Italia, 1970-71, p. 187.
Hansmann et Stronach 1970 : HANSMANN, J., STRONACH, D. - Excavations at Shahr-i Qumis, 1967, J.R.A.S., n°
1, , 1970, pp. 29-62.
Hérodote 4ème s. av. n.è. : HÉRODOTE - Histoires, éd. Les Belles Lettres, Paris 1932.
Holtzmann 1981 : HOLTZMANN, Bernard - Le monde grec, Les habitats pré- et protohistoriques, in Le Grand Atlas
de l'Architecture Mondiale Universalis,Paris, 1981, pp. 132-133.
Holtzmann 1985 : HOLTZMANN, Bernard - Le second début de l'architecture grecque, in Le Grand Atlas de
l'Archéologie Universalis, Paris,1985, pp. 70-71.
Page 90
Hubert Guillaud
Holtzmann 1981 : HOLZTMANN, Bernard - Les Habitats pré-et protohistoriques, Rome primitive et l'architecture
étrusque, in Le Grand Atlas de l'Architecture Universalis, Paris, 1981, pp. 156-157.
Holtzmann 1981 : HOLZTMANN, Bernard - Les Habitats pré-et protohistoriques, L'architecture romaine à l'époque
républicaine, in Le Grand Atlas de l'Architecture Universalis, Paris, 1981, pp. 158-159.
Huot 1981 : HUOT, Jean-Louis - Le Proche-Orient, Sumériens, Élamites, Hittites, in Le Grand Atlas de l'Architecture
Mondiale Universalis, Paris, 1981, pp. 108-109.
Huot 1981 : HUOT, Jean-Louis - Le Proche-Orient, Assyriens et néo-babyloniens" in Le Grand Atlas de l'Architecture
Mondiale Universalis,Paris, 1981, pp. 110-111.
Huot 1981 : HUOT, Jean-Louis - Le Proche-Orient, Perses et Sassanides, in Le Grand Atlas de l'Architecture
Mondiale Universalis, Paris, 1981, pp. 112-113.
Huot 1985 : HUOT, Jean-Louis - Le Proche-Orient ancien, in Le Grand Atlas de l'Archéologie Universalis, Paris,
1985 : pp. 174-175.
Kenyon et Holland 1981: KENYON, K.M. , HOLLAND, T.A. - Excavations at Jericho III, London, British School of
Archaeology in Jerusalem, 1981.
Koldewey 1918: KOLDEWEY R. - Das Ishtar Tor in Babylon, W.V.D.O.G. 32, 1918.
Kruglikova 1974: KRUGLIKOVA, I. - Delbarjin : fouilles 1970-1972, vol. I (in Russian with a summary in French),
Moscou, 1974.
Lancel 1979-82 : LANCEL, Serge (sous la direction de) - Mission Archéologique Française à Carthage, Rapports
préliminaires des fouilles (1974-1976), 2 volumes, Byrsa I, 337 p. et Byrsa II, 417 p., Collection de l'École Française de
Rome, 41, éditions de l'École Française de Rome, Palais Farnèse, 1979 (Vol. 1) et 1982
(vol. 2).
Lequément 1985 : LEQUÉMENT, Robert - L'apport des textes antiques, in LASFARGUES, J. (Dir.), Architectures de
Terre et de Bois, Documents d'Archéologie Française n°2, éditions de la Maison des Sciences de l'Homme, Paris 1985,
pp. 31-32.
Margueron 1983 : MARGUERON, Jean - Emar une ville sur l'Euphrate, in Archéologia, préhistoire et archéologie, n°
176, Paris, 1983, pp. 21-36.
Margueron 1984 : MARGUERON , Jean-Claude - Eblouissante richesse de Mari sur l’Euphrate, Enceinte sacrée et
palais, La maison d’habitation, in Les dossiers histoire et archéologie, n° 80, Paris, 1984, pp. 26-31.
Margueron 1984 : MARGUERON, Jean - Le célèbre Palais de Zimri-Lim, in Les dossiers histoire et archéologie, n°
80, pp. Paris, 1984, 38-48.
Margueron 1985 : MARGUERON, Jean-Claude - Le Proche-Orient ancien, Le temple syrien : prototype du temple de
Salomon, in Le Grand Atlas de l'Archéologie Universalis, Paris, 1985, pp. 192-193.
Margueron 1991 : MARGUERON , Jean-Claude - Mari ou la "naissance" d'une ville neuve, in Revue Autrement,
Cités disparues. Découvreurs et archéologues au Proche-Orient, n° 55, Paris, 1991, pp. 133-142.
Margueron 1993 : MARGUERON, Jean-Claude - Premiers regards sur les solutions techniques mises en œuvre à
Mari (Syrie) vers 2500-2000 av. J.C., pour la conservation de l'architecture de terre, in Comunicações, 7a Conferência
Internacional sobre O Estudo E Conservação Da Arquitectura De Terra", éditions D.G.E.M.N. du Portugal, Lisbonne,
1993, pp. 299-303.
Mellaart 1965 : MELLAART, James - Earliest civilizations of the Near East, éditions Thames and Hudson, Londres,
1965.
Mellaart 1967: MELLAART, James - Çatal Hüyük, a Neolithic town in Anatolia, éditions Thames and Hudson,
Londres, 1967.
Merpert et al. 1973: MERPERT, N., MUNCHAEV, R., et BADER, N. - The investigations of Soviet Union in Iraq,
Sumer, XXXII n° 1 et 2, 1973, pp.25-61.
Oates 1965-72: OATES, D. - The Excavations at Tell Al Rimah, 1965,66,67, 68,70, 72, Iraq, vol. XXVII, XXVIII,
XXIX, XXX, XXXII, XXXIV.
Palladius 4ème s. ap. n.è. : PALLADIUS - Opus agriculturae, I, 34, Traduction Les Belles Lettres, Paris, réédition en
1976.
Pline 1er s. ap. n.è : PLINE L'ANCIEN - Naturae Historiorum, XXXV, 14-48.
Reuther 1926: REUTHER, D. - Die Inner Stadt von Babylon (Merkes), W.V.D.O.G. 47, Leipzig, 1926.
Roaf et Stronach 1970: ROAF, M., STRONACH, D - Tepe Nush-i Jan, 1970 : Second Report, Iran, vol. XI, 1970, pp.
120-140.
Rudovsky 1987: RUDOVSKY, Bernard - Architecture without architects, 1987.
Sinos 1971: SINOS, S. - Die vorklassischen Hausformen in der Agaïs, Mainz, Ph.von Zabern, 1971.
Slim 1985: SLIM, Hedi - La Tunisie, in LASFARGUES, J. (sous la direction de), Documents d'Archéologie Française
n° 2, Architectures de terre et de bois,Paris, 1985, pp. 35-45.
Speiser 1935: SPEISER, E.A - Excavations at Tepe Gawra, vol. 1, levels I-VIII, Philadelphia, 1935.
Page 91
Hubert Guillaud
Strabon 1er s. av. et 1er s. ap. n.è.: STRABON - Géographia, IV, 4, 3 / XIII, 1, 67.
Stronach 1969: STRONACH, D. - Excavations at Tepe Nush-i Jan, 1967, Iran, vol. VII, pp. 1-20.
Suetone 1er – 2ème s. ap. n. è.: SUETONE, Augustus, 28
Tacite 1er s. Ap. n. è : TACITE, Germania, XVI, 3.
Tolstov et Vajnberg 1967: TOLSTOV, S., VAJNBERG, B. - Koj Krylgan-Kala , T. Kh. E., vol. V, Moscou, 1967.
Varron 1er s. av. n.è. : VARRON - Res Rusticae, I, 14, 40.
Vitruve 1er s. ap. n.è. : VITRUVE - De Architectura, Voir Claude Perrault, Abrégé des dix livres d'architecture,
éditions J.B. Coignard, Paris, 1674, 226 p. et la réédition chez Balland, Paris, 1979. Livre II, 1,3,8.
Wooley 1934: WOOLEY, L. - Ur Excavations : vol. II, The Royal Cemetery, New York.
Ouvrages collectifs :
Dictionnaire archéologique des techniques 1963-64 : éditions de l'Accueil, Paris, 1963 et 1964, deux volumes.
Encyclopédie d’archéologie de Cambridge 1981 : éditions du Fanal, Paris, 1981, 494 p.
Les fouilles belges du Tell Kannãs sur l'Euphrate en Syrie 1982 : in Lorsque la Royauté descendit du ciel, catalogue
d'une exposition présentée au Musée royal de Mariemont de septembre 1982 à janvier 1983, puis au Musée de Louvain-
La-Neuve, de février à mars 1983, éditions du Musée royal de Mariemont, 1982, 150 p.
FIGURES : NEAR-ORIENT
Fig. 1 : Adobe people's housing of the 6th Millenium B.C. at Tell Asmar (Hassuna), IVth Level. Drawing from Nagel, see Gullini, Giorgio, 1970,71, in
"Struttura e Spazio nell'Archittettura Mesopotamica Arcaica, da Eridu alle soglie del Protodinastico", Università di Torino, ed. Giappichelli, Torino,
Italia, p. 187. Comments : we can already observe the structural consolidation of the earthen construction with outdoor and indoor buttresses. The roof
should have been still thatched on a basic carpentry covering short spans with girders and rafters.
Fig. 2 : Adobe people's housing of the 3rd Millenium B.C. (around 2400) at Shahr-i Sokhta, Iranian Plateau. From Cleuziou, Serge, 1981, "Les villes
du plateau iranien au III° millénaire", in Le Grand Atlas de l'Architecture Mondiale, ed. Universalis, Paris, 1981, p. 185. Comments : we can observe
the clustering process of the people's housing of those ancient times clearly associating three housing units each of them having their own fire places.
The presence of staircases confirms the previous existence of one storey or one accessible flat terrace. Entrance doors should have given on narrow
streets.
Fig. 3 : The excavations of the AS Zone, at Tell Al Rimah (Period of Isin Larsa, IInd Millenium B.C.), North of Iraq, have revealed the existence of
vaulting systems covering narrow-spanned spaces (1 to 1,5 m.). From Oates, D., "The Excavations at Tell Al Rimah", 1970, vol. XXXII, pp. 1-26, in
Besenval, Roland, 1984, "Technologie de la voûte dans l'Orient Ancien 2", éd. Recherche sur les Civilisations, Paris, 1984, Pl. 114. Comments :
These vaults are flattened and should have been built without casing but directly on the ground or filling up materials after having erected the walls in
adobe.
Fig. 4 : Adobe clustered people's housing of the XIIIth Century B.C. at Meskene-Emar, block D (North-West part of the tell), Syria. Drawing from
Callot, Olivier, in Margueron, Jean, "Emar une ville sur l'Euphrate", in magazine Archaeologia, n° 176, mars 1983, pp. 20-36, p. 31. Comments : we
can observe the densification of the habitat in an urban planning design where successive blocks of houses are encircled by narrow streets. They are
two-storey houses with upper terraces accessible from a high bedroom. The construction is following the slope of the natural ground and the terraces
are enlightened by the sun all the day when the streets are more under shadowed. This architectural and urban design is totally actual in numerous
traditional Syrian villages.
Fig. 5 : On the Site of Shahr-i Qumis, Iran, Damghan, Parthian Period, 1st – 2nd Century A.C., sites IV and VI. During those times, the Iranian earthen
builders have invented a new way for covering the housing spaces, including the staircases : the "strut". From Hansman, J. and Stronach, D., 1970,
"Excavations at Shahr-i Qumis, 1967", pp. 29-62, in Besenval, Roland, 1984, "Technologie de la voûte dans l'Orient Ancien 2", éd. Recherche sur les
Civilisations, Paris, 1984, Pl. 64. Comments : As we can observe on these isometric perspective on room IV and section on room VI, the technology
of the strut has proposed different types of covering elements that have been adapted for vaulting or two-slopes roofing. On the same site of Shahr-i
Qumis, Hansmann has also excavated larger rooms covered with three struts (site IV, room 3, site VII, room 5) as well as Stronach (1969) who has
found such covering structures at Tepe Nush-i Jan with the vault on the room 2A. This roofing technology using light long elements made of earth
and straw directly shaped and moulded on the building site have been used up to the Persian times as several corridors in the fortifications of
Persepolis have shown. The abandon of this very clever building process is still a mystery.
Fig. 6 : Moulded adobe bricks at Jericho PPNA. From Kenyon, K.M. and Holland, T.A.,1981, in Aurenche, Olivier, 1993, "L'origine de la brique
crue dans le Proche-Orient Ancien", in "Between the rivers and over the mountains", Rome, 1993, p. 73. Comments : these unbaked earthen bricks
are shaped as small breads and should not have been very regular. We can suppose that they have been used at a plastic state (not dry) and built
without mortar, just packed on together for erecting successive layers.
Page 92
Hubert Guillaud
Fig. 7 : Moulded adobe bricks at Jericho PPNA. From Kenyon, K.M. and Holland, T.A., 1981, in Aurenche, Olivier, 1993, "L'origine de la brique
crue dans le Proche-Orient Ancien", in "Between the rivers and over the mountains", Rome, 1993, p. 77. Comments : these unbaked earthen bricks
are much more regularly shaped and we can observe systematic marks made by the brick maker's fingers. This might indicate that such bricks should
have been possibly built at dry state with mortar, the marks facilitating the sticking between each brick.
Fig. 8 : Round shaped houses with indoor partitions at Mureybet, Syria, by the VIIIth Millenium B.C. Drawing from Cauvin, J., in Huot, Jean-Louis,
"Le Proche-Orient", in Le Grand Atlas de l'Architecture Mondiale, ed. Universalis, 1981, p. 104. Comments : the structure of these people's houses is
partly embedded in the slope of the ground, back side and opened to the air at its front side with a small entrance door and space. The central room
should have been the main living space with over small sleeping and storage rooms around. As we can see the structural design and position of the
indoor partitions are playing a decisive play in the stability of the whole walling system and for bearing the wooden structure (probably made of
jointed rafters) of a flat terraced roof. The central space seems to prefigure what will progressively evolve to the typical central patio or indoor yard of
the further stage of the oriental houses. Such model from Mureybet will stay very common during the protohistory of NearOrient as well as the
famous site of Mari, still in Syria, as revealed the same similar design of the famous "red house" (see Margueron, Jean, 1984).
Fig. 9 : The famous Hannibal's neighbourhood which has been excavated on the hill of Byrsa testifying of the typical people's housing of Carthage
during the 2nd Century B.C. some years before the last Punic War against the Roman. From Lancel, Serge, 1982, in "Byrsa II", Fig. 603, p. 369. These
famous blocks A, C and E and particularly the block C located between Streets I and III, are showing the typical layout of the Punic houses or "flats"
gathering five to six housing units in one urban block. Each unit is similarly designed with and entrance corridor giving to an indoor yard enlightening
the back living rooms. Narrow staircases, probably built in wood, were giving access to a first and evenly to a second storey. The building culture of
those times, in Carthage, was very eclectic associating the stone, the burnt brick and the unbaked earth used in adobe as well as "pisé" (or rammed
earth). The bearing structure was made of stone pillars filled up with those eclectic building materials in between.
Fig. 10 : The primitive house of the earlier republican times of Rome, during the Villanovian Culture, VIIIth Century B.C. From Davico, A., in
Holtzmann, Bernard, 1981, "Rome primitive et l'architecture étrusque", in "Le Grand Atlas de l'Architecture Mondiale", ed. Universalis, Paris, 1981,
p. 156. During those times, the roman construction is still very primitive and houses are wooden huts made of large posts bearing a thatched roof on
heavy rafters. The shape of such huts is rather oval than rectangular but we can note the specific design of a sheltered entrance door. Such huts have
disappeared during the VIIth Century.
Pl. 1
a : The Ziggurat of Chogha Zanbil, Khuzestan, Iran, Elamite site of the XIIth Century B.C. On this site, the unbaked earthen brick or "Khesht" in
Persian, still has been the main building material for the construction of the core of the structures, not only for the Ziggurat itself but also for other
main significant structures as the temples located in the Temenos area or the Hypogeum palace and other royal palaces and massive gates. But on the
Ziggurat, the structural components have been protected with burnt bricks while all plastering devices for the outside protection have been made in
"khâ-gel" or clayey mortar amended with chops of straw.
b : One of the most famous earthen architectural site of Iran, Arg-é Bam, located south-east of the country, after Kerman and not too far from the
border of Afghanistan, while totally abandoned today and suffering of impressive decays, still testifies of the excellence of the Persian earthen
building cultures. The origins of the fortress should trace back to the Sassanian times but the major part of the city as expended during the Mongol
invasions. Despite an appearance of important destruction, Arg-é Bam still testifies of the excellence of the Persian earthen construction, particularly
for numerous examples of roofing systems in vaults and cupolas, and also for the technology of the "pisé". An important work of conservation and
restoration is now carried out which has already contributed to the restoration of the fortress, caravanserais and Koranic schools..
c : Still impressive is the famous tradition of the pigeons towers built in adobe and burnt bricks on the plateau of Isfahan, Iran. Here, by a locality
called Gavart (between Isfahan and the airport), and all around, most of the traditional villages are mainly built in "khest" (unbaked brick), plastered
in "khâ-gel" and exhibit the blooming of the Persian traditional know-how that have produced an earthen architecture in vaults and cupolas.
Pl. 2
a : Typical feature of the traditional people's housing in earth valorising the technology of the "cob" (thick walls in stacked packs of mud) on the
Plateau of Khuzestan. Here, the roofs are terraced and particularly adapted to a dry climate.
b : The climatic adaptation of the earthen architecture in Iran has produced the famous tradition of the wind towers or "badguîrs" which can be still
observed in the desertic region of Yazd (Central Iran) and in numerous other regions suffering of a very hot climate in summer. Here, such
bioclimatic devices are observed on the roofs of the "Brugerdiha house", located in Kashan, one of the jewels of the Kajar architecture (end of the
XIXth Century and beginning of the XXth Century).
Pl. 3
a : The Sultanate of Oman testifies of a very nice earthen architecture built in unbaked earthen bricks which have been traditionally conical-shaped
and recently evolving to the common rectangular shape. This traditional earthen architecture of the Sultanate covers numerous examples of Forts with
massive outer defensive walls and towers, or "borjs", and a nice tradition of outdoor and indoor plastering in "sarooj" (natural lime) or "juss"
(gypsum) as well as earth and straw. Here the Fort of Bid Bid, on the road from Muscat to Nizwa. The Fort of Bid Bid has been restored during the
80's of the last XXth Century by the Ministry of National Heritage of Culture which has recently conducted new restoration works valorising the
aesthetic of the traditional renderings.
b : Still in the Sultanate of Oman, the Fort of Bahla, located at 25 km after Nizwa, with its "Qela'a" (the whole fortress) and "Qasabah" (the Fort
itself), as well as the full dimension of the oasis including pure examples of the Omani people's housing, numerous mosques and a precinct wall of
about 12 km long, with massive entrance gates, has been entered on the List of the World Heritage of UNESCO, in 1987. An important project of
conservation, including interventions of restoration and revitalisation has been initiated in 1995 and still now running on where the traditional Omani
earthen traditional building know-how is fully valorised. A Management Plan is actually defined.
Page 93
Hubert Guillaud
Pl. 4
a : An aspect of a recent intervention of restoration which has been recently conducted on the Fort of Bahla, Sultanate of Oman, under the site
guidance of Arch. Enrico d'Errico within the project carried out by the Ministry of National Heritage and Culture and the expertise of UNESCO. Here
we can observe the partial restoration and reconstruction of the "Borj ar-Rîh", or "Wind tower", according the architectural evidence given by a
documentation coming from photographs taken at the end of the XIXth Century by a British explorer, Colonel Miles. All outer plasters have been
made in traditional "sarooj" and earth and straw.
b : Typical earthen people's housing in the South of Saudi Arabia, region of Najran. These constructions are made of successive "cob" layers (stacked
packs of plastic earth). The desert climate of this region authorizes a basic protection of the more exposed parts of the structures, the top of the walls
and the outer reveals of the bays that are generally plastered with natural white lime which are regularly maintained.
Pl. 5
a : In Afghanistan, close to the border of Pakistan, an example of local typical fortified rural houses, or farms, build in "cob". This building culture, in
numerous regions of Afghanistan, is much more present than the adobe construction and locally called "parsha".
b : In Turkmenistan, the famous medieval site of Ancient Merv which has been entered on the List of the World Heritage of UNESCO in 1998. The
original architectural design of the outer walls of the "Great Kyz Kala", built in unbaked bricks during the XIth and the XIIth Centuries A.C. is today
known as a "corrugated" structure the shape of which having been compared with other structures of a similar type existing in Iraq.
Pl. 6
a : On the same site of Ancient Merv, visitors can observe an impressive structure built in unbaked earthen bricks, a ice house. This tradition of such
big structures used for storing the snow, the ice and the cold water in big tanks deeply embedded in the ground is one of the permanent feature of the
vernacular architecture of the Central Asian region.
Pl. 6
b : On the slopes of the Tell of Bet She'an, Northern Israel. A particularly well preserved and wonderful example of a people's housing in unbaked
earthern bricks tracing back to the Bronze Age (circa 3200 B.C.) which has been excavated by Professor archaeologist Amihai Mazar. We can clearly
observe the typical structure of this house organised around a central circular space.
c : View of the eastern façade of XVIIIth Century B.C. (Middle Bronze Age) gate of the Canaanite city of Laish at Tel Dan, northern Israel. This
famous triple arched gate in unbaked bricks of Tel Dan (built in three radial courses) the span of which is about 2.30 m, has been excavated by
Professor archaeologist Avraham Biran. It is part of a defence system which consisted of sloping ramparts and glacis. Stone constructions have been
found, built against and close to the mud structures whose successive layers are made with brown and grey coloured bricks.
Pl. 7
a : A traditional village in the region of Aleppo, Syria. Here, the earthen building culture testifies of a traditional roofing system in corbelled conical
cupolas. Such structures are now very rare but this know how is tracing back to very old times as it has been confirmed by some graffitis which have
been found in Niniveh (Assyrian times) evocating the rural people's of this epoch.
b : On the hill of Byrsa, Tunis, North Africa, the remains of the famous Hannibal's neighbourhood of the 2nd Century B.C. which has been excavated
by the French mission under the Direction of Serge Lancel. The housing blocks A, C and E which have been surveyed by G. Robine, exhibit the
typical Punic building culture, very eclectic in the use of the materials including stone, burnt and unbaked earthen bricks as well as "pisé". On the
outer walls of these houses (in fact urban flats) which were sheltering metallurgist's families and their workshops, lime plasters can be still observed.
c : Detailed view of the columns in "pisé" erected by the Roman, when, some years after the destruction of Carthage, they have refilled the slopes of
the hill of Byrsa for levelling a new platform which will bear the new Forum and Basilica of the Roman Carthage (1st Century A.C.). This structural
performance consisting in building earthen columns for realising new footings is in fact common in the Roman engineering practices. Other similar
traditions are existing in the history as this can be observed at Susa, Khuzistan, on the Darius' Palace.
Pl.. 8
a : North of Spain, Province of Palencia, in Pedrosa de la Vega. The Roman Villa of La Olmedia, one of the greatest residence (33 rooms) dated from
the IVth Century A.C. (late Roman Period) which have been found in Spain. The remains are exhibiting basements of walls made of unbaked earthen
bricks and of stacked earth ("cob"). This view is also showing the remains of the heating system or hypocaust.
b : Typical house in unbaked earthen bricks, "ladriri" or "mattoni", in southern Sardinia, region of the "Campidani", village of Riola Sardo. In this
region, numerous villages are built in earth and a programme for their conservation, restoration, rehabilitation and maintenance, associated to a
revival of the earthen building technology has been recently launched under the guidance of the University of Cagliari in close collaboration with the
municipalities. This tradition of the unbaked earthen brick traces back to Greek, then Punic (site of Tharros) and Roman times.
c : Eastern Mediterranean seaside of Spain, inland region of Catalonia, around Barcelona. Numerous villages are built in rammed earth or "tapial"
which is no more a living building culture.
Pl. 9
a : North of Spain, Province of Palencia, in a land called "Tierra de Campos". The village of Medina de Rio Seco is part of a very nice vernacular
earthen architectural heritage gathering numerous other villages where Christian churches are also built in "pisé".
b : The presence of numerous pigeon towers, or "palomares" is one of the typical feature of the traditional rural landscape of the region of "Tierra de
Campos", Northern Spain. This tradition of round-shaped pigeon towers in "pisé" ("tapial") is one of the most achieved in Europe where some other
nice examples can be still observed in France, in the Saone River Valley (North of Lyon) or in the region of Aquitaine (South-West of France), where
these "pigeonniers" are built in adobe.
Pl. 10
a : The remains of the Castle of Silves, Province of Algarve, South of Portugal. The tradition of fortified castles tracing back to the period of "Al-
Andalus" (Moore times) testifying of the construction in "pisé" ("taipa") is quite common in this region of Portugal where several projects of
conservation have been launched.
b : The construction in "pisé" ("taipa") is a permanent feature of the history of architecture in Portugal. Here the palace of the ducal City of Villa
Viçosa.
Page 94
Hubert Guillaud
Pl. 11
a : France is gifted with a very important, rich and diverse earthen architectural heritage covering circa 15% of its full rural and urban heritage in
almost all regions of the territory. Here, a typical village in Champagne, Outines, classified on the list of the National Heritage, where houses in
"colombages" (posts and beams structures) filled up with wattle and daub ("torchis"), and a nice Christian church have been restored.
b : Still in Champagne, near the cities of Ay and Epernay, well known for their excellent vineyards, numerous villages and rural houses are built in
unbaked earthen blocks locally called "carreaux de terre". This tradition is notably visible in villages located along the Marne River Valley but is not
still living.
c : In the Region of Aquitaine, South-West of France, where exists a very nice tradition of vernacular adobe architecture. Here, the building culture,
inherited from ancient Gallo-Roman times, prolonged under the Moore influences coming from the Iberian peninsula during the Middle Ages and
then coming up to recent times, is associating the use of the adobe to the burnt brick which is commonly used for strengthening the reveals of the
bays, the angle chains of the buildings and for the design of very nice elements of architectonic outlining.
Pl. 12
a : This photograph taken at the beginning of the XXth Century, circa 1914-20, is showing the common practice of the "pisé" construction (rammed
earth) in the Province of Dauphiné, region of Isere, northern of Grenoble (South-East of France). At that time, a typical evolution was introduced in
the practice of "pisé" with the use of the concrete, replacing the traditional corner-stone, the quoins in burnt brick-work or in lime mortar, or for
consolidating the reveals of the bays.
b : A typical village house in "pisé", built at the beginning of the XXth Century, with reveals in concrete, located in the northern part of Dauphiné,
region of Isere, South-East of France. Most of these houses are not plastered though the local climate is very rainy in Spring and Autumn. The main
front façades of wealthier houses are sometimes decorated with layers of burnt bricks and river pebbles.
c : A rare and nice example of a Christian church built in "pisé", plastered with a thin lime distemper, in Isere, village of Charancieu located around
30 km north Grenoble. This church has been built at the middle of the XIXth Century. All walls, excepted those of the bell tower are in "pisé".
Page 95
Hubert Guillaud
Figures
Fig.1: Adobe people’s housing of the 6th Millenium B.C. at Hassuna, IVth Level. Drawing from Nagel, see Gullini, Giorgio, 1970-
71, in Struttura e Spazio nell’Archittettura Mesopotamica Arcaica, da Eridu alle soglie del Protodinastico, Università di Torino,
ed. Giappichelli, Torino, Italia, p. 187. Comments: we can already observe the structural consolidation of the earthen construction
with outdoor and indoor buttresses. The roof should have been still thatched on a basic carpentry covetring short spans with
girders and rafters.
Page 96
Hubert Guillaud
Figures
Fig. 2 : Adobe People’s housing of the 3rd Millenium B.C. (around 2400) at Shahr-i Sokhta, Iranian Plateau. From
Cleuziou, Serge, 1981, Les villes du plateau iranien au III° millénaire, in Le Grand Atlas de l’Architecture Mondiale,
ed. Universalis, Paris, 1981, p. 185. Comments : we can observe the clustering process of the people’s housing of
those ancient times clearly associating three housing units each of them heving their own fire places. The présence of
staircases confirms the previous existence of one storey or one accessible flat terrace. Antrance doors should have
given on narrow streets.
Page 97
Hubert Guillaud
Figures
Fig. 3 : The excavations of the AS Zone, at TellAl Rimah (Period of Isin-Larsa, IInd Millenium B.C.), North of Iraq, have
revealed the existence of vaulting systems covering narrow spanned spaces (1 to 1,5 m.). From Oates, D., The Excavations at
Tell Al Rimah, 1970, Iraq, vol. XXXII, pp. 1-26, in Besenval, Roland, 1984, Technologie de la voûte dans l’Orient Ancien 2,
ed. Recherche sur les Civilisations, Paris, 1984, Pl. 114. Comments : these vaults are flattened and should have been built
without casing but directly on the ground or filling up materials after having erected the walls in adobe.
Page 98
Hubert Guillaud
Figures
Fig. 4 : Adobe clustered people’s housing of the XIIIth Century B.C. at Meskene-Emar, block D (North-West part of the tell), Syria.
Drawing from Callot, Olivier, in Margueron, Jean, Emar une ville sur l’Euphrate, in magazine Archaeologia n0 176, mars 1983, pp.
20-36, p. 31. Comments : we can observe the densification of the habitat in an urban planning design where successive blocks of
houses are encircled by narrow streets. They are two-storey houses with upper terraces accessible from a high bedroom. The
construction is following the slope of the natural ground and the terraces are enlightened by the sun all the day when the streets are
more shadowed. This architectural and urban design is totally actual in numerous traditional Syrian villages.
Page 99
Hubert Guillaud
Figures
Fig. 5 : On the site of Shahr-i Qumis, Iran, Damghan, Parthian Period, 1st – 2nd
Century A.D., sites IV and VI. During those times, the Iranian earthen builders
have invented a new way for covering the housing spaces, including the
staircases: the “strut”. From Hansman, J. And Stronach, D., 1970, Excavation at
Shahr-i Qumis, 1967, pp. 29-62, in Besenval, Roland, 1984, Technologie de la
voûte dans l’Orient Ancien 2, éd. Recherche sur les Civilisations, Paris, 1984, Pl.
64. Comments: As we can observe on these isometric perspectives on room IV,
and section on room VI, the technology of the strut has proposed different types
of covering elements that have been adapted for vaulting or two-slopes roofing.
On the same site of Shahr-i Qumis, Hansmann has also excavated larger rooms
covered with three struts (site IV, room 3, site VII, room 5) as well as Stronach
(1969) who has found such covering structures at Tepe Nush-i Jan with the vault
on the room 2A. This roofing technology using light long elements made of earth
and straw directly shaped and moulded on the building site have been used up to
the Persian times as several corridors in the fortifications of Persepolis have
shown. The abandon of this very clever building process is still a mystery.
Page 100
Hubert Guillaud
Figures
Fig. 6 : Moulded adobe bricks at Jericho PPNA. From Kenyon, K.M., Fig. 7 : Moulded adobe bricks at Jericho PPNA. From
and Holland, T.A., 1981, Pl. 152a (upper) and Pl. 44a (lower), in Kenyon, K.M., and Holland, T.A., 1981, Pl. 138b (upper) and
Aurenche, Olivier, L’origine de la brique crue dans le Proche-Orient Pl. 138c, in Aurenche, Olivier, L’origine de la brique crue
Ancien, in Between the rivers and over the mountains, Rome 1993, p. 73. dans le Proche-Orient Ancien, in Between the rivers and over
Comments: these unbaked earthen bricks are shaped as small breads and the mountains, Rome 1993, p. 77. Comments: these unbaked
should not have been very regular. We can suppose that they have been earthen bricks are much more regularly shaped and we can
used at a plastic state (not dry) and built without mortar, just packed on observe systematic marks made by the brick maker’s fingers.
together for erecting successive layers. This might indicate that such bricks should have been possibly
built at dry state with mortar, the marks facilitating the
Page 101
Hubert Guillaud
Figures
Fig. 8 : Round shaped house with indoor parrtitions at Mureybet, Syria, by the VIIth Millenium B.C. Drawing from
Cauvin, J., in Huot, Jean-Louis, Le Proche-Orient, in Le Grand Atlas de l’Architecture Mondiale, éd. Universalis,
1981, p. 104. Comments: the structure of these people’s houses is partly embedded in the slope of the ground, back
side, and opened to the air at its front side with a small enrance door and space. The central room should have been the
main living space with over small sleeping and storage rooms around. As we can see the structural design and position
of the indoor partitions are playing a decisive part in the stability of the whole structure (probably made of jointed
rafters) of a flat terraced roof. The central space seems to prefigure what will progressively evolve to the typical
central patio or indoor yard of the further stage of oriental houses. Such model from Mureybet will stay very common
during the protohistory of Near Orient as well as the famous site of Mari, still in Syria, has revealed the same similar
design of the famous “red house” (see Margueron, Jean, 1984).
Page 102
Hubert Guillaud
Figures
Fig. 9 : The famous Hannibal’s neighbourhood which has been excavated on the hill of Byrsa testifying of the typical people’s
housing of Carthage during the 2nd Century B.C., some years before the last Punic War against the Roman. From Lancel,
Serge, 1982, in Byrsa II, Fig. 603, p. 369. These famous blocks A, C and E, and particularly the block C located between
Streets I and III, are showing the typical layout of the Punic houses or “flats” gatnering five to six housing units in one urban
block. Each unit is similarly designed with an entrance corridor giving to an indoor yard enlightening the back living rooms.
Narrow staircases, probably built in wood, were giving access to a second storey. The building culture of those times, in
Carthage, was very eclectic associating the stone, the burnt brick and the unbekd earth used in cob, adobe as well as “pisé” (pr
rammed earth). The bearing structure was made of stone pillars filled up with thoses eclectic building materials in between.
Page 103
Hubert Guillaud
Figures
Fig. 10 : The primitive house of the earlier republican times of Rome, during the Villanovian Culture, VIIIth Century B.C. From
Davico, A., in Holtzmann, Bernard, 1981, Rome primitive et l’architecture étrusque, in Le Grand Atlas de l’Architecture Mondiale, éd.
Universalis, Paris, 1981, p. 156. Comments: during those times, the roman construction is very primitive and houses are wooden huts
made of large posts bearing a thatched roof on heavy rafters. The shape of such huts is rather oval and rectangular but we can note the
spécific design of a shelterd entrance door. Such huts have disappeared during the VIIth Century.
Page 104
Hubert Guillaud
Plate 1
Page 105
Hubert Guillaud
Plate 2
Page 106
Hubert Guillaud
Plate 3
Page 107
Hubert Guillaud
Plate 4
Page 108
Hubert Guillaud
Plate 5
Page 109
Hubert Guillaud
Plate 6
Page 110
Hubert Guillaud
Plate 7
Page 111
Hubert Guillaud
Plate 8
Page 112
Hubert Guillaud
Plate 9
Page 113
Hubert Guillaud
Plate 10
Page 114
Hubert Guillaud
Plate 11
Page 115
Hubert Guillaud
Plate 12
Page 116
Hubert Guillaud
L’imaginaire collectif associe l’architecture de terre à des formes de construction primitives, précaires et désuètes. On
ne retient principalement que les architectures de terre d’Afrique et plus largement des régions du sud. Les érudits
connaissent le legs archéologique et le rôle qu’on pu jouer les grands archéologues européens dans la découverte de
grands sites antiques en terre du monde à partir de la seconde moitié du 19ème siècle. Mais l’importance et la richesse
des architectures de terre dans les régions du Nord - et celles d’Europe - sont ignorées du plus grand nombre.
En Europe, les architectures vernaculaires, rurales et urbaines, déclinent les principales cultures constructives en terre :
le torchis, la bauge, l’adobe, le pisé. Elles exposent le plus large registre de typologies architecturales : des fermes
paysannes et leurs annexes aux plans traditionnels variés (fermes en longueur, en hauteur, fermes à cours fermées et
ouvertes), des pigeonniers (tradition méditerranéenne dans le sud de la France et dans le nord de l’Espagne), des
villages entiers en pisé et adobe (Castille et Léon, Espagne), des centres urbains historiques en colombages et torchis, en
France (Rouen, Le Mans, Tours, Troyes), ou en pisé (Montbrison, Lyon), des manoirs bourgeois et châteaux en
colombages (Normandie) et en pisé (Auvergne, Bresse, en France), des habitats ruraux en bauge (cob du Devon,
Angleterre), églises, mairies et écoles en pisé, usines et manufactures du 19ème s. (Dauphiné, en France), mais aussi de
remarquables fortifications en pisé des époques maures et arabes en Espagne (Caceres en Estremadura, Alcázar de
Séville en Andalousie), et au Portugal (Fortifications de Alcaçer do Sal, de Silves et de Paderne). En annexe de ce
chapitre, sont exposés les plus beaux visages de ces patrimoines des architectures de terre européennes.
Repères historiques
L’histoire ancienne de l’Europe, explique un double visage des architectures de terre. D’une part, les influences venues
du Moyen-Orient et du Levant méditerranéen, par l’Anatolie, les Balkans et l’Europe méditerranéenne (Italie, sud de la
France, péninsule ibérique), qui affirmaient les cultures constructives de l’adobe et du pisé ; d’autre part, les influences
des peuples migrant depuis l’Asie et l’Europe centrale vers l’Europe septentrionale et nord occidentale, avec les cultures
constructives dominantes du bois et torchis, du gazon et de la bauge. Ainsi, l’Europe offre une très plus large
déclinaison des époques historiques et des formes typologiques. Ce sont des sites antiques qui traduisent les
établissements des premiers agriculteurs du monde avec les villages danubiens en bois et torchis des 5ème et 4ème
millénaires av. n.è., en Roumanie (Habatesti) et en Tchécoslovaquie (Postolprty), ou en Allemagne (Köln Lidenthal).
Ce sont les grandes villas romaines de France (Montmaurin dans le sud ouest, villas picardes) et d’Espagne (Villa La
Olmeda à Pedroso de la Vega, Palencia, 4ème s.), les sites gallo-romains urbains du sud de la France (Nîmes, Lattes) des
1er et 2ème siècles, les vestiges du grand mur d’Hadrien en Angleterre (122 ap. J.C., la plus grande muraille en terre
d’Europe, de 118 km, érigée entre deux mers), les grands sites de référence du Moyen Age que l’on trouve en
Allemagne (Warendorf et Gladbach) des 7ème et 8ème siècles, de rares sites exposant la construction en « gazon »
d’Angleterre (Hound Tor, 10ème – 13ème s.) et du Danemark (Solvig, 14ème s.).
Le corpus des textes anciens montre combien les auteurs gréco-romains se sont attachés à valoriser les qualités de la
construction en terre, notamment pour les établissements ruraux. Dès avant notre ère, Hérodote, le « père de l’histoire »
(5ème s.), témoigne d’exemples glanés lors de ses voyages en Afrique, Asie et Europe. Dicéarque (4ème et 3ème s.) décrit
l’Athènes populaire construite en briques crues et toitures en chaume. Caton (3ème et 2ème s.), fondateur du concept de la
villa rustique, relève l’intérêt de construire les fermes et leurs clos en briques de terre. Varron (fin 2ème s. et 1er s.)
vantera aussi les mérites de la terre pour la construction rurale, tout comme Vitruve et Columelle (1er s.), jusqu’à
Palladius (5ème s.) n’auront que des éloges et reconnaîtront les vertus constructives et économique de la terre. Cette
tradition de promotion de la terre ne s’est pas démentie au cours de l’histoire. On la retrouve affirmée en Italie au 15ème
s. avec Alberti, premier grand théoricien de l’architecture de la Renaissance. Puis avec les premiers grands traités
modernes de construction italiens, celui de Antonio Rusconi au 16ème s., et de Vicenzo Scamozzi en 1615 (Font
Arrellano 2003). En France, Charles Estienne et Jean Liébaut (16ème s.) reprennent le concept de la maison rustique de
Caton, fondant à leur tour les grands principes de conception des domaines ruraux modernes des pays européens qui
seront largement diffusés au.18ème s.
Page 117
Hubert Guillaud
En France, Delorme est le premier auteur qui décrit et argumente la technique du pisé devant l’Académie de Lyon en
1745. Suivra Goiffon avec son art du maçon piseur (1772), puis l’Abbé Rozier -1796) avec François Boulard et enfin
François Cointeraux avec ses 69 essais et pamphlets publiés entre 1790 et 1826. Son fameux 4ème Cahier d’Ecole
d’Architecture Rurale sera traduit en plusieurs langues. En anglais par Henry Holland qui favorisera sa diffusion vers
l’Amérique et l’Australie ; en allemand par David Gilly, fondateur de l’Académie de Construction de Berlin (influences
dans le Schleswig-Holstein et sur un industriel allemand, Jacob Wimpf, qui construisit le plus haut immeuble en pisé
d’Allemagne à Weilburg) ; en italien par Giuseppe del Rosso (influences en Toscane) ; en danois par Seidelin
(influences dans les pays scandinaves). Raymond et Zschokke agiront en Suisse. Seule l’Espagne, héritière d’une
longue tradition historique épanouie aux époques arabes, avec plusieurs traités d’époque, ceux d’Ibn Abdun, (12ème s.),
et d’Ibn Jaldun (14ème s.), échappera à cette influence de Cointeraux bien que l’on relève l’existence d’un traité
valorisant le pisé, de Juan de Villanueva (1827). Jean-Baptiste Rondelet, élève de Soufflot, parachèvera ce lignage de
promotion historique avec son Traité de l’Art de Bâtir (1802-1817) qui rend hommage à Cointeraux, ainsi que Louis
Bouchard Huzard avec son Traité des constructions rurales (1870). Plus récemment encore, l’éloge de Cointeraux a été
fait par Georges Teyssot, architecte des Monuments historiques (1981) et par Hubert Guillaud (1997).
C’est sur ces fondements d’une grande trajectoire historique de valorisation de la construction en terre, sans cesse
revisitée au cours des siècles, notamment ressaisie par les académies et sociétés savantes du 18ème s., par les
physiocrates et les agrariens, par des aristocrates éclairés comme le Comte de Dorchester réalisant le village de Milton
Abbas en Angleterre, en 1773, ou le Marquis César de Cadenet, construisant Charleval en France, en 1741 (Theus
1956), que s’établiront les grands caractères des architectures de terre européennes dont les typologies actuelles se sont
pleinement affirmées et épanouies, au cours 19ème s. L’ère industrielle contribuera aussi à l’édification de cités ouvrières
et de nombreuses manufactures locales dont de très beaux exemples existent encore dans le Dauphiné, en France avec la
cité de Saint Siméon de Bressieux et les ateliers de tissage de nombreux villages et bourgs du nord de l’Isère, autour de
la ville de Bourgoin Jallieu, à l’est de Lyon.
Un fantastique travail d’étude et d’inventaire des architectures rurales ou la terre tient sa place
Le courant de la Géographie Humaine qui s’attache à étudier les caractères du territoire rural et de ses types de
peuplement vont inclure de nombreuses études sur l’habitat. Celles-ci posent les fondements d’un grand inventaire
allant constituer un corpus européen des architectures rurales. En France, Albert Demangeon (1920), Pierre Vidal de la
Blache (1922, 1948), Max Sorre (1943), Jean Brunhes (1956), Pierre Deffontaines (1972) et Georges Duby (1979-1980)
sont ces pionniers. Le relais est pris avec le Corpus d’architecture rurale française entrepris pendant la guerre, entre
1942 et 1945, sous la direction de Duchartre et Rivière, qui aboutit à la publication de 20 volumes. L’architecture de
terre y est représentée. Simultanément des études d’architectes, telle celle de Doyon et Hubrecht (1942 et 1979), traitent
de l’architecture rurale et bourgeoise où les traditions du torchis, de l’adobe et du pisé seront bien valorisées. D’autres
auteurs présenteront les cultures régionales avec des éditeurs ayant pignon sur rue (Fréal, Serg, Berger-Levrault, Créer)
dans les années 1970 et 80. En Allemagne de l’ouest, les recherches de Guntzel (1988) publiées dans la revue Bauen
Mit Lehm de Gernot Minke (1984-1987) dressent un pré-inventaire des traditions régionales. Les études de William-
Ellis (1919, 1947), puis de Brunskill (1971), Fenton (1970), McCann (1983-1995), Pearson (1992), Bouwens (1990,
1993), Walker et McGregor (1996), valorisent les cultures des îles britanniques. En Italie, le géographe Osvaldo
Baldacci (1958) repèrera l’existence d’une véritable civilisation du cru. Ces travaux ne seront relayés qu’à partir de la
fin des années 1980 par des initiatives sardes couvrant la tradition de la brique crue des campidani (Sanna, 1988, 1993)
que Bertagnin (1987, 1999) étendra à l’ensemble de l’Italie. En Espagne, le travail spécifique de Ponga (1994), des
monographies typologiques (pigeonniers du León, 1993 ; casa de corral 2001), valorisent l’adobe et le tapial ibérique.
Des recherches historiques et archéologiques s’attachent à étudier les édifices fortifiés des époques arabes (Graciani et
Tabales 2003). Au Portugal, l’association des architectes publie un corpus des architectures populaires (1980) où les
traditions de l’adobe et du pisé sont clairement repérées. L’université de Lisbonne publie en 1996 un ouvrage
entièrement dévolu à l’architecture de terre dans sa dimension méditerranéenne. D’autres jeunes chercheurs
approfondissent les cultures régionales (Correia 2000) alors qu’un programme de développement régional propose une
monographie de la maison en pisé d’Alentejo (2000). Dans les autres pays d’Europe, le même travail est réalisé par des
chercheurs. (Mencl 1980, Syrova et Syrovi 1991, 1994) qui couvrent les traditions de Tchécoslovaquie, alors que
d’autres chercheurs entament des recherches plus spécifiques en Roumanie (Moldovan et Graur, 1993) et en Albanie
(Frasheri, 1990, 1993).
Page 118
Hubert Guillaud
Avec la synthèse du ciment hydraulique (Henri Vicat, Grenoble, France, vers 1800), de profondes mutations vont
bouleverser le secteur de la construction européenne qui seront sensibles à partir de la 2ème moitié du 19ème s. Ce sera
l’apparition des premiers bétons, d’apport compactés dans les coffrages, à la façon pisé, avec le pisé-béton des frères
Coignet remplaçant la terre par un mélange de cendres de houille, scories et chaux (mâchefer), les premiers béton de
ciment et agrégats qui évolueront de l’état humide compacté à l’état liquide coulé, les pierres factices moulées. Le début
du 20ème siècle verra la tradition du pisé associée au béton utilisé pour les fondations, soubassements et tableaux des
baies, notamment observable dans la région de Lyon en France. Cette pression du béton, avec le développement des
grands travaux d’infrastructure du rail et de la route au cours de la seconde moitié du 19ème s. envahira les territoires de
plus en plus désenclavés qui peuvent être approvisionnés. Ainsi s’annonce la disparition progressive des traditions de
construction en terre dans les pays européens.
Les jalons d’une nouvelle modernité à la fin du 19ème et au cours de la 1ère moitié du 20ème siècle
Quelques architectes européens renommés se sont pris de passion pour l’architecture de terre et ont réalisé des projets,
soit en Europe, soit à l’étranger. Relevons l’extension en tapia real (pisé et chaux) de la finca (domaine rural) de don
Eusebio Güell, au lieu dit Les Corts de Sarrià, près de Barcelone, par le grand architecte catalan Antonio Gaudi, entre
1884 et 1887. Evoquons aussi l’autrichien Rudolf Schindler qui émigra aux Etats-Unis au début du 20ème s. et construisit
plusieurs villas en adobe, au Nouveau Mexique (Gebhard 1965). En Allemagne, dans les années 1920, un missionnaire
allemand de retour de Tanzanie, Gustav von Bodelschwingh, s’installe en Westphalie et développe le procédé de
construction dénommé Dünner Lehmbrote Bauweise (construction en pains de terre). Il sera appliqué sur des centaines
de maisons bâties dans la région de Lubeck de 1923 à 1933. Entre 1919 et 1921, en Prusse et en Saxe, le
Wohlfahrtsministerium encourage activement la construction en terre. Près de 20 000 logements en terre seront réalisés
alors que des centres de formation, à Posen, Sachsen, formeront des architectes et ingénieurs, des artisans à la
construction en terre jusqu’en 1950 en réalisant des opérations pilotes (Bardagot 1991 ; Fauth 1948 ; Pollack et Richter
1952). Pendant la guerre, avec un secteur du bâtiment pénalisé par l’effort d’armement, le gouvernement du 3ème Reich
relance la construction en terre dans les zones rurales et encourage la Reichsbahn, compagnie des chemins de fer
allemande, à développer plusieurs programmes exemplaires de logements pour ses employés, de bâtiments de gare et
autres baraquements. Des normes DIN allemandes sur la construction en terre sont publiées entre 1947 et 1956. En
Angleterre, dès les années 1920, le Ministry of Agriculture and Fisheries lance des programmes d’habitat en terre, en
application du Land Settlement Act qui autorise les anciens combattants de la 1ère guerre mondiale à établir des
coopératives agricoles. Après la 2ème guerre mondiale, le Building Research Station, installé à Garston et Watford,
développe des recherches sur la terre stabilisée et son emploi en construction. En France, pendant la 2ème guerre
mondiale, face à une pénurie en matériaux de construction industrialisés, Le Corbusier propose en 1941 des projets
d’édifices publics et d’habitat rationalisant la brique de terre et le pisé. Ce sont ses maisons Murondins qui devaient être
construites à la Sainte Beaume (Sud de la France) et qui n’ont finalement pas vu le jour à cause de la disparition de son
client (Le Corbusier 1941 et 1946). En 1943, le français Michel Luycks, élève de Perret, construit à Adrar, Sahara
algérien, un hôpital en briques de terre qui est le premier ouvrage public d’importance réalisé dans le cadre d’un projet
de coopération bilatérale. Au sortir de la guerre, le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (M.R.U.) de la
France, pour faire face à la reconstruction des régions rurales, relance à Ivry (région parisienne) des expérimentations
sur des murs en béton de terre stabilisée. Elles précèdent la réalisation, en 1945-46, des fermes du Bosquel, en Picardie,
les fermes Quesnel et Dupont, conçues par l’architecte Paul Dufournet (Auzelle et Doufournet 1943, Auzelle 1946 ;
C.S.T.B. 1950), et d’autres constructions provisoires dans les villages de Vacqueriette et du Haut-Mesnil, ainsi que la
reconstruction de la cité des cheminots de Tergnier (Bardagot 1991). L’opération est démonstrative au plan technique et
économique et donnera lieu à l’édition des premiers documents techniques de construction (D.T.C.) publiés par la
France, aujourd’hui retirés. Mais l’industrie du bâtiment se reconstitue pour faire face à l’ampleur des grands travaux de
reconstruction. Bien qu’ayant refait ses preuves, le pisé n’y résistera pas. Le coup de grâce sera donné à partir de la fin
des années 1950 qui précèdent les « 30 glorieuses » (1960, 70, 80) marquant l’avènement de la ville contemporaine et
des grands ensembles, l’extension de la construction pavillonnaire dans les périphéries urbaines et les campagnes
donnant toute la place aux matériaux industriels. Le pot de terre ne résiste plus au pot de fer.
Les facteurs de renaissance d’une architecture de terre européenne contemporaine à partir des années 70
Dans la plupart des pays d’Europe, les études et les inventaires des architectures rurales qui étaient engagées depuis les
années 1930 et amplifiées dans les années 1950-60, ont été relayées par un large mouvement d’édition dans les années
1970. Celui-ci contribuait à un intérêt public de plus en plus large pour les architectures vernaculaires, leurs matériaux
et cultures constructives. Mais, au-delà de ce facteur, on doit en relever d’autres qui vont activer un mouvement de
renaissance des architectures de terre en Europe.
Page 119
Hubert Guillaud
Les années qui suivent la 2ème guerre mondiale contribuent à l’émergence d’une prise de conscience collective de
l’existence d’un « Tiers-Monde » et d’un écart dramatique de croissance entre le Nord et le Sud. C’est rapidement toute
une génération de jeunes architectes qui vont s’engager dans une démarche active de coopération avec le Sud. Celle-ci
prendra toute son ampleur à partir des années 1960 avec le mouvement d’indépendance des nations colonisées par les
pays d’Europe et sera amplifiée dans les années 1970. Dès 1954, Jacques Dreyfus publie son Manuel de construction en
terre en Afrique Occidentale Française et engage des expérimentations à Dakar, Sénégal. Dans les années 1960,
Plusieurs chercheurs européens engagent des études sur les patrimoines vernaculaires africains. Des français au
Cameroun (Leboeuf 1961), et au Maroc (Jacques-Meunié 1949, 1951, 1962). Des anglais et hollandais, au Maroc
(Landau 1969, Groupe Kasbah 64 1973). D’autres études développées dans les années 1970 et 80 par des anglais
(Oliver 1971 ; Denyer 1978) ou des italiens (Fassassi 1978 ; Ago 1982), puis des français (Seignobos 1982 ; Acquier
1986), des allemands (Adam et al. 1983 ; Lauber, 1998) et tant d’autres ! A la convergence de facteurs politiques,
culturels, scientifiques, et économiques, avec le soutien du Centre d’Etudes et de Recherches Françaises (CERF) à
Rabat, le Maroc a été véritablement un pays phare du développement d’une architecture d’habitat social en terre, dès les
années 1960. Ce fut l’opération de Daoudiat, à Marrakech, conduite par l’ingénieur français Alain Masson, qui aboutit à
la réalisation de 2700 logements économiques en briques de terre stabilisée. Associé à Jean Hensens, architecte et
urbaniste belge, Masson expérimentait de nouvelles formes de techniques de pisé intégral pour l’habitat, à Ouarzazate,
en 1969. Le CERF a dès lors amplifié une activité éditoriale intense sur la construction en terre au sein du Ministère de
l’Intérieur. En Algérie, à Zeralda (1972), un groupe franco-belge (Houben, Pedrotti et Belmans) réalise des logements
expérimentaux en pisé stabilisé dans le cadre de la politique d’état soutenant le développement de wilayas du sud. En
France, dans les années 1970, le Secrétariat des Missions d’Urbanisme et d’Habitat (SMUH), valorise la construction en
terre dans sa revue Planification Habitat Information et traduit un ouvrage des Nations Unies sur le béton de terre
stabilisé et son emploi dans la construction (1974). A Rosso, Mauritanie, l’Association pour le Développement d’une
Architecture et d’un Urbanisme Africain (ADAUA), avec l’architecte espagnol Josep Esteve, développe des projets de
logements urbains en blocs de terre comprimée aux formes en voûtes et coupoles dérivées de Fathy et intégrant des
systèmes de climatisation naturelle inspirées de la culture persane. Ces engagements trouvent leur homologue dans les
projets de l’anglais John F.C. Turner, au Pérou, avec les communautés populaires de la périphérie de Lima (Turner
1979) dont l’aphorisme « un matériau n’est pas intéressant pour ce qu’il est mais pour ce qu’il peut faire pour la
société » est désormais célèbre. Cette politique de coopération bilatérale avec les pays du Sud sera amplifiée dans les
années 1980 par des agences gouvernementales créées pour ce faire dans la plupart des pays d’Europe occidentale.
Ainsi les projets pilotés par le programme Rexcoop en France avec des pays d’Afrique. Ainsi, le vaste projet d’habitat
social mené sur l’île de Mayotte (archipel des Comores) à partir du début des années 80. Un projet exemplaire, encore
unique en son genre pour l’ampleur des réalisations et la durée de son développement jusqu’à ce jour qui a constitué un
véritable patrimoine architectural en terre sur une île qui ne disposait que d’un patrimoine végétal précaire il y a à peine
25 ans. Mais ce sont aussi touts les nombreux projets soutenus par des ONGs, associations ou organisations caritatives
des pays d’Europe (CCFD et Cimade en France, Misereor et Brot für diei Welde, en Allemagne, et tant d’autres), qu’il
faut aussi relever tout en rendant hommage à cette mobilisation européenne en faveur des pays du sud où désormais le
relais est pris par de plus en plus nombreux acteurs locaux. Un défi constant, plus que jamais nécessaire pour garantir le
droit au logement des plus démunis et en deçà la consolidation d’un climat de paix mondiale.
Dans ce contexte doit être relevé, l’impact de Hassan Fathy au cours des années 1970 et 80 par la diffusion de son livre
« Construire avec le peuple » (Fathy 1969, 1970, 1974 et 1981) relatant son projet du Nouveau Gourna, puis par des
monographies sur son œuvre (Richards et al. 1985 ; Steele 1988). Le « maître » fut le mentor de toute une génération de
jeunes architectes européens qui prennent acte de leur mission de construire pour les pauvres de ce monde en valorisant
les ressources locales dont le matériau terre. Parmi quelques réalisations d’architectes « à la manière de Fathy ».
relevons le village de Maadher, près de M’Sila, en Algérie, des architectes égyptiens El Miniawy. Ou encore, la
réalisation de la Mosquée de la Fondation Dar al-Islam, à Abiquiu, Nouveau Mexique, en 1981, chantier lancé avec la
participation de Fathy lui-même. D’autres réalisations plus luxueuses, dans le lignage des villas que Fathy réalisa pour
une clientèle aisée en Egypte, comme la villa Sims de Olivier Sednaoui, près de Louxor. En Europe, des groupes
comme CRATerre (France) ou Development Workshop (Angleterre et Canada) ont aussi fondé leurs engagements
professionnels, d’enseignants ou de chercheurs sur cette impulsion donnée par Hassan Fathy.
La croissance économique euphorique des pays d’Europe qui démarre dans les années 1960, l’indépendance des nations
colonisées, l’évidence d’une fracture du monde entre riches et pauvres, développement et sous-développement, secoue
les modèles idéologiques et les systèmes d’idées dominants. La publication en 1972 de « Halte à la croissance », rapport
du Club de Rome qui souligne le grand danger d’épuisement des ressources naturelles, de pollutions et dégradations de
l’environnement, marque une nouvelle étape de conscience internationale. Le premier choc pétrolier de 1973 réactive
Page 120
Hubert Guillaud
l’impact du legs gandhien qui proposait dans le contexte de l’Inde un développement à visage humain fondé sur une
technologie au service de l’homme. Des écrits plus anciens d’anthropologues valorisant le don dans les sociétés
traditionnelles (Marcel Mauss rééd. 1999) ou l’abondance des société primitives (Marshall Salhins, 1976), le
despotisme des états (Pierre Clastres 1974) ou encore les dérives du libéralisme (Karl Polanyi 1983), des essais plus
récents comme ceux d’Ivan Illich (1969, 1973), de René Dumont (1973), de Ernt Friedrich Schumacher (1973),
d’Ignacy Sachs -1977) ou de John Turner (1979), vont avoir des répercussions internationales considérables sur une
recherche d’alternatives à la toute croissance glorieuse et ses impacts dévastateurs sur la vie des sociétés, sur
l’environnement et l’économie mondiale. Dès lors est désignée la bienveillance douteuse des pays riches vis-à-vis des
nations pauvres. Dès lors sont pointés le coût du développement et la dépendance à un développement fondé sur la
croissance, l’égoïsme matériel des sociétés privilégiées, la course au superflu sous la bannière du small is beautiful. Dès
lors émerge un sens éthique de sauvegarde du futur associé à une conception démocratique citoyenne et responsable.
Dans ce contexte s’affirment les nouvelles conceptions de technologies appropriées, intermédiaires, naturelles, douces,
économiques, autant de vocables pour désigner l’alternative technologique possible. C’est le temps d’une puissante
critique sociale, écologique et économique, le temps de l’autonomie, de l’autogestion, d’un mouvement alternatif
mondial qui génère ses leaders en Europe. En Angleterre, Teddy Goldsmith (1994, 1995, 2001) fonde la revue The
Ecologist, en 1969. Elle est aujourd’hui la tribune mondiale de l’écologie et de l’altermondialisme. En Allemagne, le
mouvement Die Grünen (les Verts) émerge sur fond d’une critique politique, sociale, culturelle et politique violente
d’une extrême gauche radicale (Bande à Baader), comme en Italie (Brigades rouges). Le Tiers monde a lui aussi ses
leaders comme Anil Agarwal (retour à la terre) et Ivan Illich (1969, 1971, 1973), pour les plus emblématiques. La fin
des années 1970 crée un environnement favorable pour un renouveau de la construction en terre que valorisent plusieurs
publications européennes ou nord-américains largement diffusée (Parenthèses, France, 1978, 1979, 1980, 1981) qui
mettent en avant les réalisations d’une jeune culture américaine où prend notamment place le mouvement des
architectures solaires bioclimatiques en adobe du sud ouest des Etats-Unis. L’impact sera très important dans les pays
européens qui voient fleurir de nombreuses réalisations inspirées de cet exemple. En France, à Grenoble, l’année 1979
voit la fondation du CRATerre qui deviendra le centre de référence pour le développement d’un programme intégré
d’actions dans les domaines de la recherche, de la formation spécialisée, des réalisations pilotes et de la diffusion des
savoirs.
C’est à partir des années 1980 que la tendance en faveur des architectures de terre consolide ses bases et donne de
l’ampleur aux actions de promotion, dans la plupart des Pays d’Europe. Si les pays d’Europe occidentale ont depuis lors
confirmé d’importants investissements durables, ceux d’Europe du Nord et d’Europe centrale restent encore en retrait.
En France, la présentation de l’exposition Des Architectures de Terre, de Jean Dethier, au Centre Georges Pompidou,
Paris, en 1981, puis dans les grandes capitales d’Europe et du Monde tout au long de des deux décennies suivantes, pose
et diffuse les bases d’un nouveau débat scientifique, technique, social, économique et culturel qui prend une ampleur
internationale, notamment par son impact démonstratif encourageant l’engagement de programmes dans les pays du
sud. Associé à cet événement, la réalisation du projet du Domaine de la Terre, sur la commune de Villefontaine, près de
Lyon, reste l’unique exemple de projet d’habitat social (Le projet de la Luz, de Antoine Predock, à Albuquerque, Etats-
Unis, était réalisé en 1975 mais s’adressait à la upper class) déclinant les techniques traditionnelles et contemporaines
de la construction en terre sur 65 logements. Cette réalisation phare aura été visitée par des milliers de professionnels et
des centaines de délégations officielles venant du monde entier. Elle a prouvé sa fiabilité technique et économique
(entre – 20% et + 10% du coût de construction de l’époque), comme énergétique (jusqu’à – 50% des coûts de chauffage
électrique annoncés par EDF). Ces deux événements auront un impact direct sur la réalisation de nombreux colloques et
séminaires organisé par des organismes d’Etat (Plan Construction 1981), des écoles d’ingénieurs (ENTPE, 1982, 83 et
84) ou même une direction régionale d’Archéologie (Lyon, 1983). Dès lors la France engage des actions de coopération
pilote, notamment avec le programme REXCOOP, au Maroc, également propice à l’organisation de plusieurs
séminaires (Paris, Rabat, Marrakech 1983-87). Ce début des années 80 marque aussi le lancement du vaste programme
d’habitat social sur l’île de Mayotte, collectivité territoriale française dans l’archipel des Comores. Ce programme,
lancé avec le soutien scientifique et technique du CRATerre, toujours en développement, va valoriser la filière BTC et
démontrer la possibilité de générer un patrimoine d’architecture publique et sociale (ce sont des milliers de logements)
grâce à l’investissement d’architectes très actifs et créatifs dont Léon Attila Cheyssial et Thierry Legrand, mais aussi
par la Société Immobilière de Mayotte (SIM), pilotée par Vincent Liétar. Le programme de Mayotte est la preuve
irréfutable que la filière terre peut être porteuse d’un véritable développement social et économique, comme
patrimonial, profitable à une collectivité locale et aux professionnels du bâtiment. Il est aussi à l’origine d’une norme
française sur la construction en BTC qui vient combler une grande lacune normative en France où les textes de 1945
sur le pisé stabilisé, issus des expériences du Bosquel, après guerre, ont été retirés. L’époque est aussi propice à la
Page 121
Hubert Guillaud
création de plusieurs associations (Inventerre, Panterre, Pisé Terre d’Avenir, Globetroterre), qui organisent des
rencontres, des expositions, à l’échelle régionale ou locale (Champagne, Picardie, Normandie, Bretagne, Aquitaine,
Dauphiné). De même des délégations des Maisons Paysannes de France, des Ecomusées (Champagne, Alsace, Ille-et-
Vilaine, Marais Breton et Marais du Cotentin et du Bessin), des CAUE (Ain, Cotentin), développent une approche
spécifique sur la restauration et réhabilitation des patrimoines en terre locaux. De jeunes architectes et des entrepreneurs
réalisent des projets d’habitat qui valorisent les techniques du BTC et du pisé (D. Lasnes à Nantes, J. Colzani à
Toulouse, D. Urien à Rennes, F. Lahure à Beauvais). Cette activité n’a eu cesse de croître au cours des années 1990 et
ces 15 dernières années ont connu la réalisation de projets d’un certaine envergure comme l’immeuble Salvatierra, à
Rennes (40 logements, 2001), alors que l’activité de construction de maisons et l’activité de restauration et
réhabilitation des patrimoines régionaux prend de l’ampleur, notamment en Bretagne (autour de Rennes), dans le
Cotentin et le Bessin, dans le Toulousain et dans le Dauphiné. Des entrepreneurs font également preuve d’innovation
technologique en inventant le procédé de blocs de bauge (Guillorel à Rennes) ou de Pisé (Meunier en Auvergne), ou la
diffusion de produits et composants valorisant la filière sèche (AKTerre), comme le retour des enduits en terre (L.
Coquemont à Rennes, CRATerre à Grenoble et à l’échelle européenne). Il n’est pas d’années en France, au cours de ces
deux dernières décennies, qui ne connaisse pas un événement autour de la terre. Durant cette période des années 1980-
90, la France a consolidé sa position de référence dans le domaine de la recherche scientifique et architecturale et dans
le domaine de l’enseignement universitaire et professionnel. Le CRATerre, à Grenoble, reste la seule équipe au monde
à proposer une formation spécialisée de 3° cycle se déroulant sur 2 ans où viennent des professionnels du monde entier.
C’est également cette équipe, associée à des partenaires internationaux (ICCROM, Italie) qui a créé en 1989 le Projet
Gaia sur la conservation des patrimoines architecturaux en terre, développant des enseignements spécifiques d’impact
international (1989, 90, 91 et 92), puis des cours régionaux panaméricains (1996 et 99) dans le cadre du Projet TERRA
qui élargissait le partenariat au GCI (Etats-Unis) en 1997. Désormais, avec la Chaire Unesco Architectures de Terre,
cultures constructives et développement durable, CRATerre et l’Ecole d’Architecture de Grenoble sont en mesure
d’amplifier leur mission en facilitant le développement de centres universitaires homologues dans d’autres pays du
monde. Plus récemment, les expositions Tout autour de la Terre et Grains d’Isère, organisées par le CRATerre, aux
Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau, à Villefontaine, (2002, 2003 et 2004), soutenues par un programme de valorisation
du pisé dans 48 communes du nord de l’Isère regroupée dans l’association Isère Porte des Alpes, traduisent une
évolution importante du propos développé autour de la construction et des architectures de terre en France. C’est
l’évidence d’un programme qui intègre simultanément la dimension de sensibilisation publique, de démonstration
technologique innovante, et surtout d’une pédagogie et d’une didactique d’avant-garde où le chantier est l’outil de
formation des futurs architectes. Héritage de la stratégie d’action intégrée de recherche, formation, application et
diffusion du CRATerre qui a finalement été inspiratrice pour beaucoup d’opérateurs universitaires homologues, à
l’étranger. Mais, dans l’évolution du domaine normatif, malgré la norme BTC issue du programme de Mayotte, la
France reste en repli par rapport à d’autres pays d’Europe (Allemagne, Italie). Elle reste encore le pays d’Europe qui,
notamment autour de la dynamique impulsée par CRATerre-EAG (depuis 1979) et par l’exposition du Centre Georges
Pompidou (depuis 1981) garde une grande force d’impact sur le développement durable d’activités au niveau national,
régional et international. Toutefois, cette position consolidée de la France est désormais exposée à une forte
concurrence résultant de nouvelles initiatives dans d’autres pays européens (Italie et Portugal) dont on ne peut que se
louer.
L’Italie a contribué à la mise en évidence d’une culture européenne et plus largement mondiale des architectures de
terre traditionnelles par les travaux du géographe Osvaldo Baldacci (1958) que l’on a déjà cité. Mais c’est au cours des
années 1980 que l’intérêt s’est développé, notamment grâce à des actions de coopérations menées par des universitaires
et scientifiques italiens avec les pays du Maghreb et d’Afrique, et du Moyen-Orient (les travaux d’archéologues italiens
comme Giorgio Gullini en Iran, Paolo Costa en Oman, et Paolo Matthiae en Syrie, p.e.). La découverte de la qualité des
architectures de terre dans ces régions a influencé l’engagement des premières recherches et études, et d’une réflexion
technique et architecturale en Italie. Dès le début des années 1980, deux événements importants doivent être relevés. La
publication de l’ouvrage de Eugenio Galdieri, Le meraviglie dell’architettura in terra Cruda (1982), puis la première
exposition Le case di terra : memoria e realtá, présentée en 1985 à Pescara (Marches) qui confrontait la typologie des
architectures de terre vernaculaires italiennes et ses potentialités de réutilisation à la lumière des expériences
algériennes. Puis entre 1987 et 1990, des chercheurs italiens ont participé à des événements internationaux réalisés en
Italie, en France et aux Etats-Unis (conférences à Rome, à Lyon et à Las Cruces), valorisant le patrimoine italien. Ce fut
alors le point de départ d’une succession de conférences internationales proposées par l’Italie et organisées en Sardaigne
(1990 et 1991) qui permit l’organisation d’une deuxième exposition sur l’architecture de terre en Italie focalisant sur le
patrimoine en adobe des campidani sardes. Actuellement ce sont les régions des Abruzzes, des Marches et de la
Sardaigne, qui sont les régions focales et très porteuses pour l’organisation d’événements, pour le développement d’une
documentation, de recherches et d’études sur les architectures de terre en Italie. On ne compte pas moins de 37
événements organisés entre 1985 et 2003. Ainsi, depuis 1997, les Abruzzes accueillent chaque année, à
Page 122
Hubert Guillaud
Casalincontrada, une Festa della Terra qui constitue un forum national et international d’échange d’information. De
même, plusieurs associations ont été créées comme ARCH-Terra (1991), ARCHE-B (1991), AICAT (1994), le Rete dei
Comuni della Terra (1996), l’Association Terrae Onlus (2000) et l’Associazione Nazionale Cittá Della Terra Cruda
(2001). De très nombreux ateliers s’adressant aux étudiants, professionnels et techniciens, sont organisés par ces
associations en liaison avec les universités italiennes investies dans le domaine, en Sardaigne et dans les Abruzzes. La
publication en 1999 de Architetture Di Terra In Italia, de Mauro Bertagnin, professeur à l’Université de Udine, fait date
pour la valorisation des cultures constructives et des architectures de terre du pays. L’Italie a su constituer un vaste
réseau qui compte sur des universités et des facultés, des professionnels et des administrations de plus en plus actives
sur la restauration et réhabilitation des architectures de terre du pays, qui assurent une promotion publique efficace. Il
faut aussi relever la fondation récente, en 2001, du Module UNIVERSITERRA qui rassemble 17 universités et
constitue un système d’échange de l’information sur la recherche et toutes les activités organisées par les universités
italiennes autour de l’architecture de terre. Une première publication prend date (2002). Notons aussi que l’Italie a créé
deux Centres de documentation, dont le CEDTerra de Casalincontrada (Abruzzes) et plusieurs laboratoires de recherche
et d’expérimentation sur les matériaux, toujours à Pescara (le DiTAC) et dans les facultés polytechniques, départements
d’architecture, de Milan (Gruppo Terra), Turin (Laboratorio Prove Materiali e Componenti), Cagliari (Labterra) et
Udine (Lateris). L’ensemble des opérateurs italiens, entre la fin des années 1980 jusqu’à ce jour, a publié pas moins de
165 livres et monographies, essais collectifs et minutes de conférences, articles de périodiques et magazines, produits
vidéos et hypertextes (source ICCROM, 2004). Plus encore, à partir de ces pôles dynamiques, l’Italie développe une
approche en faveur d’une normalisation des dispositions de protection, de pratiques de restauration et de valorisation du
patrimoine en terre, qui trouve ses ancrages régionaux, dans les Abruzzes et au Piémont. Ainsi, l’Italie montre aux
autres pays d’Europe qu’il est possible de développer un programme intégrant des stratégies claires et volontaristes en
travaillant à la fois sur la promotion, l’échange et la diffusion de l’information, la création d’associations,
l’investissement d’administrations publiques, le renforcement d’un véritable front universitaire, des initiatives
commerciales et des propositions de normes. Une forte dynamique a vu le jour au sud de l’Europe qui ouvre plus
largement et sûrement l’avenir des architectures de terre.
Au Portugal c’est la conservation du patrimoine architectural en terre qui stimule l’engagement du pays sur la
problématique des architectures de terre, à partir des années 1990. La D.G.E.M.N. (Direção Geral dos Edificios e
Monumentos Nacionais) donne son appui à une première rencontre d’architectes, « Bâtir en terre en Méditérranée » qui
se tient à Silves, ancienne capitale musulmane de l’Algarve, en 1992. Elle organise en 1993 la 7ème Conférence
Internationale sur l’Etude et la Conservation des Architectures de Terre, toujours à Silves puis un concours national
pour un projet de bibliothèque en 1994. Cette même année elle supporte activement, avec l’appui scientifique et
pédagogique du Projet Gaia (CRATerre et ICCROM), l’initiative de création d’un Curso de mestre de construção civil
tradicional - construção de terra (Cours de maîtres de construction civile traditionnelles – construction en terre) à
l’Ecole Nationale des Arts et artisanats Traditionnels de Serpa qui se tiendra de 1994 à 1999. c’est sur la base de cet
investissement politique de la D.G.E.M.N. que la plupart des nouvelles initiatives portugaises vont se développer.
Depuis 1993 jusqu’à ce jour on n’a repéré pas moins de 20 événements (séminaires, conférences, expositions) organisés
autour de la terre au Portugal. Ce pays confirme aussi l’engagement des architectes et des entreprises dans la démarche
de projet avec dès la fin des années 1980, les premiers projets de José Alegria, émule du jeune architecte marocain Elie
Mouyal déjà connu pour ses réalisations de villas luxueuses dans la palmeraie de Marrakech. Dès le début des années
1990, d’autres architectes adoptent la même démarche, comme Teresa Beirão et Alexandre Bastos qui mettent le pied à
l’étrier avec la construction de leur propre maison (120 m2). Par la suite, ils réaliseront 5 autres projets de maisons
privées, entre 1994 et 1997, dans le voisinage de leur municipalité de Odemira, Alentejo (à São Luís, São Teotônio), sur
le rivage de l’Atlantique (à Vila Nova de Milfontes), et une rénovation d’un bâtiment paroissial à Cercal, municipalité
de Santiago do Cacém. D’autres architectes suivent la même démarche comme José Brito, Graça Jalles ou Henrique
Schreck, toujours à Odemira et à Aljezur. Jürgen Sandek, un allemand qui s’installe à Lagos (Algarve) crée à la fin des
années 1990 une entreprise de production de briques d’adobe, Construdobe, qui produit de l’ordre de 500 000 blocs
durant la saison sèche, ce qui confirme l’existence d’un marché porteur dans le pays. En 2003, l’architecte Catarina
Pereira prend l’initiative de la création de l’Associação Centro da Terra, une association à but scientifique, culturel et
professionnel souscrivant à l’objectif du développement durable et se donnant pour mission de promouvoir
l’architecture de terre au Portugal. Plusieurs enseignants et chercheurs d’universités sont également très actifs depuis
1991 dans le programme ibéroaméricain CYTED, fondé en 1984 et rassemblant 19 pays, et son sous programme
Habyted, créé en 1987 dont la vocation est de classer, standardiser et diffuser la technologie de construction en terre. Ce
programme a laissé place en 1998 au Projet de Recherche PROTERRA qui a créé deux comités de « Projets » et de
« Normalisation » et a déjà organisé 2 séminaires internationaux « SIACOT » (Seminario IberoAmericano de
Construcción con Tierra), au Brésil en 2002 et en Espagne en 2003, le prochain devant être accueilli par l’Argentine
(2004) puis par le Portugal (2005). Quatre Universités portugaises se mobilisent (Universidad de Evora, Universidad de
Lusiàda, Universidad Moderna et Escola Superior Gallaecia,) sur des activités régulières de séminaires et conférences
Page 123
Hubert Guillaud
thématiques autour de l’architecture de terre. L’Escola Superior Gallaecia, à Vila Nova de Cerveira, qui accueille un
laboratoire de recherche sur le matériau terre, le CICRA, semble être l’institution qui déploie la stratégie la plus claire et
proactive. Le Portugal se démarque par une logique professionnelle active et une véritable volonté de coordination
nationale.
En Espagne, les initiatives en faveur de la promotion des architectures de terre semblent remonter à l’année 1982, à
l’initiative d’un allemand, Erhard Rohmer, qui créait l’Ong Inter-Acción, à Navapalos (Province de Soria), un village
abandonné qu’il choisissait de réhabiliter. C’est à partir de ce pôle que pendant 12 années, Inter-Acción va développer
des activités de formation, de séminaires internationaux, principalement tournées vers l’objectif d’une coopération de
l’Espagne avec les pays d’Amérique latine. Mais cette activité continue, bien que soutenue par le gouvernement
espagnol, n’a pas directement influencé le pays qui a pourtant organisé 8 autres événements dans la même période.
Outre les actes annuels des séminaires de Navapalos, on doit toutefois relever la publication de quelques ouvrages qui
font référence dans le pays, tels celui de Firmín Font et Pere Hidalgo (1991), de José Luis Alfonso Ponga (1994), une
monographie sur la traditions des pigeonniers de la Province de León (1993), une étude typologique sur la Casa de
Corral (ferme d’élevage) en Castille et León (2001), par des chercheurs de l’Escuela de Agrónomos, Departamento de
Construcción y Vías Rurales de l’Universidad Politécnica de Madrid (ETSIA), et d’autres publication du CIAT (Centro
de Investigación de Arquitectura Tradicional de Boceguillas, Segovia) créé à l’initiative d’enseignants de l’Escuela
Técnica Superior de Arcquitectura de Madrid (ETSAM), dont un remarquable Diccionario de Construcción
Tradicional (2003). D’autres universités espagnoles (Valence, Grenade, Barcelone, Séville, Valladolid) investissent le
domaine mais de façon encore velléitaire et dépendant de volontés de personnes encore peu soutenues par une stratégie
institutionnelle volontariste et claire. Peu d’architectes espagnols se sont saisis de la question du projet si ce n’est pour
des restaurations et réhabilitations de quelques ouvrages patrimoniaux, comme la restauration d’ouvrages fortifiés des
époques maures et arabes (un projet récent sur les remparts de Caceres, Estremadura et des recherches sur l’Alcazar de
Séville). Au cours de ces dernières années, un rare projet d’habitat écologique et bioclimatique en pisé et BTC a été
réalisé par une communauté de familles, sur la commune de Amayuelas. L’enjeu d’une plus grande conscientisation
institutionnelle et publique reste majeur en Espagne pour voir un développement significatif de la problématique de la
conservation du patrimoine en terre hispanique et de la construction contemporaine. Cela paraît paradoxal, notamment à
la vue de ces centaines de villages construits en pisé et en adobe de Castille et León (Tierra de Campos), qui sont
abandonnés et se dégradent irréversiblement. Sur cet enjeu de la promotion, le réseau d’information Arqui-terra, créé en
2000 à l’initiative de l’architecte José Maria Sastre, qui rassemble déjà 400 membres originaires des pays de langues
latines, est une initiative qu’il convient de relever. Notons enfin que le Ministerio de Obras Públicas y Transportes a
publié en 1992 une Régulation pour la Conception et la Construction d’Ouvrages en Pisé.
En Allemagne, le renouveau contemporain des architectures de terre doit être situé à la fin des années 1970 et au cours
des années 1980. Ces prémisses sont situés au GHK de l’Université de Kassel. Des recherches et expérimentations de
l’ingénieur Gernot Minke, associé à Klauss Eckert, proposent des prototypes d’habitat d’urgence en matériaux textiles
pour le relogement de sinistrés d’un séisme ayant dévasté le Guatemala (1978). Au début des années 1980, Minke et son
équipe travaillent sur l’extrusion de la terre et le compactage dynamique du pisé en réalisant d’autres prototypes. A
partir de 1984 et jusqu’en 1987, il éditera une revue, Bauen mit Lehm, qui rendra compte de recherches et expériences
tout en valorisant les recherches sur le patrimoine architectural en terre d’Allemagne (Guntzel 1986) et constituant l’une
des rares revues d’échanges d’information en Europe avec le Bulletin d’Information du CRATerre, en France.
Aujourd’hui encore, avec son Institut de Recherche sur la Construction, à Kassel, Minke reste l’un des grands leaders
reconnu de l’architecture de terre en Allemagne avec ses travaux sur la construction en terre , textile et végétale, sur
l’emploi des énergies régénératives, la climatisation naturelle des bâtiments tout en développant une approche
standardisée des tests et essais sur les matériaux, leur stabilisation à l’aide d’adjuvants naturels (cellulose, caséine) afin
de faciliter leur plus large diffusion publique. Les activités de Gernot Minke, parfois tintées d’orthodoxie sont aussi
contestées mais doivent être situées dans le courant écologique allemand, particulièrement dynamique. Son dernier
ouvrage (1994) traduit en plusieurs langues reste une référence en Allemagne. Il faut aussi relever l’impirtant travail de
revalorisation de la construction en Leichtlehm (Terre-paille) qu’entreprend l’architecte allemand Franz Volhard dès le
début des années 1980 à partir de Darmstadt. Son ouvrage (1983) fait date et demeure la référence unique sur cette
technique. Mais c’est dans les années 1990 que les architectures de terre prennent un autre essor, à partir d’un nouveau
pôle qui s’est constitué à l’Université du Bauhaus de Weimar, autour d’un autre ingénieur, Horst Schroeder. Celui-ci est
à l’initiative de la création du Dachverband Lehm e V (DVL), en 1992, qui se constitue en réseau de chercheurs puis de
professionnels actifs poursuivant l’objectif de la promotion de la construction en terre dans le pays. Depuis 1996, il
n’est pas une année (sauf en 2000) où le DVL n’ait organisé les « dialogues sur la construction en terre », sur des
thèmes variés. En 1997, deux sommets d’expert sont organisés à Kassel qui aboutissent à la publication d’une nouvelle
règle allemande pour la construction en terre (Lehmbau Regeln) en 1999. Celle-ci n’est pas une norme DIN mais vient
combler la lacune laissée par le retrait en 1970 des normes allemandes qui avaient été publiées entre 1947 et 1956. De
Page 124
Hubert Guillaud
même, l’Allemagne organise périodiquement depuis 1994 de grandes conférences et foires commerciales autour de la
terre. Ce sont les conférences Lehm d’Aachen (1994), de Viersen (1995), de Berlin (2000) et de Leipzig (2004). Sont
présents toutes les entreprises développant une activité autour du matériau et de ses transformations en produits ou
composants de construction, comme des artisans valorisant une production autour de l’argile. Il faut noter que déjà, en
1998, plus de 1000 artisans et petites entreprises avaient été repérés et que le chiffre d’affaires en vente atteignait près
de 15 millions de DM (ce qui reste peu malgré tout en comparaison des autres filières de bâtiment). Parmi ces
entreprises, celle créée par Peter Breidenbach, à Viersen, Claytec, reste emblématique de cette filière d’entreprises
allemande. Cet entrepreneur a développé tout en ensemble de produits valorisant la filière terre « sèche », comme des
panneaux préfabriqués pour cloisons, plafonds et doublages de toiture, des matériaux livrés en vrac et en sacs comme la
terre-copeaux bois ou des enduits de terre-paille, des briques de terre (adobe-machine) et des briques de terre allégées
en terre-paille. Claytec mène une stratégie économique proactive en franchisant de nouvelles entreprises dans d’autres
pays d’Europe (AKTerre en France p.e.). Notons aussi, dans le domaine de la coopération internationale plusieurs faits
remarquables. D’une part l’action continue des grandes Ongs allemandes caritatives comme Misereor et Brot für die
Welde, ou encore de ARTEFACT, Ong liée à une équipe universitaire, ARTES (Appropriate Rural Technology
Extension Skills), qui soutiennent très activement le développement de projets dans les pays du Sud, particulièrement en
Amérique latine et en Afrique. Ces projets valorisent souvent la construction en terre et la promotion des compétences
professionnelles par la formation in situ. D’autre part, la création en 1987, à l’initiative de Hannah Schreckenbach, qui
travaillait alors au German Appropriate Technology Exchange (Gate), organe de la Deutsch Gesellschaft für Technische
Zusammenenarbeit (GTZ, coopération allemande), d’un service de Conseil en Bâtiment et réseau d’information,
BASIN. Ce réseau actif a publié une revue internationale biannuelle dans les années 1990, associant dès le départ
plusieurs partenaires européens, en Angleterre (ITDG), en France (CRATerre) et en Suisse (SKAT). Le réseau a été
étendu à d’autres Ongs du monde (Kenya, Philippines, Inde) à la fin les années 90. D’autres événements importants qui
se sont tenus en Allemagne sont à souligner. D’une part dans le domaine de la promotion publique des architectures de
terre, avec la production, en 1985 de deux émissions de télévision sur la 2ème chaîne allemande ZDF, réalisées par
Jürgen Schneider qui, sur la lancée publiait un ouvrage grand public (1985). De même, plus récemment, la Foire
Mondiale de Hanovre (2000) qui a permis une démonstrations surprenante de construction en bambou de l’architecte
colombien Simon Velez cohabitant avec d’autres manifestations autour de la terre. Le pays est aussi très actifs dans le
secteur de la restauration et réhabilitation du patrimoine architectural en terre avec une position éthique tout à fait
remarquable qui permet une valorisation des matériaux de terre traditionnels et plus actuels. Des architectes font acte de
projets de grande qualité et il convient de relever ici les partenariats qui ont pu être établis avec des entreprises de pointe
dans le domaine, dont celle de Martin Rauch à Schlin, Autriche (Vorarlberg). Ils ont abouti à des réalisations d’une
qualité exceptionnelle comme la fameuse Chapelle de la Réconciliation, construite à Berlin en 1999, conçue par les
architectes Reitermann et Sassenroth. Les autres projets réalisés par Rauch, qui est sans aucun doute le leader européen
d’une nouvelle grande architecture de terre, sont situés en Autriche et en Suisse. L’Allemagne montre à l’évidence une
capacité et une dynamique exceptionnelle de valorisation de la construction en terre portée par un vision claire axée sur
la perspective du développement durable. Une stratégie pragmatique qui bénéficie d’un climat particulièrement porteur
autour du mouvement Die Grünen (Les Verts).
En Grande-Bretagne, au-delà des années 1920, avec les actions du Ministry of Agriculture and Fisheries mettant en
œuvre le Land Settlement Act de 1919 (construction de cottages en zone rurale pour des agriculteurs anciens soldats),
puis du Building Research Station, après la 2ème Guerre Mondiale sur la stabilisation du matériau terre, on doit relever
des actions prenant place dans la période précédant l’indépendance des colonies. Le War Department qui recherchait
des solutions pour répondre aux besoins en construction économique des régions d’Outre Mer, a suivi avec intérêt le
travail du Overseas Food Corporation sur la construction en BTS mené en Afrique de L’Est et de l’Ouest. A sa
demande, le Building Research Station réalise en 1950 un bâtiment expérimental en BTS. Après l’accord de la
souveraineté à l’Inde en 1947, des ingénieurs-urbanistes agissant comme conseillers auprès des gouvernements
développent la construction de logements et d’équipement collectifs en BTS, en application des normes anglaises
(British Standards Institution) sur la construction en terre qui dataient de 1941 à 1951. A Kumasi, Ghana, un
programme de lotissement construit en swishcrete (latérite stabilisé), conçu et réalisé de 1944 à 1948, sous la direction
de l’ingénieur-urbaniste A.E.S. Alcock, s’adressant aux Asante aux revenus modestes, est considéré comme exemplaire.
A la fin des années 40 et au début des années 50, plusieurs écoles sont construites en terre dans les British West Indies
(Petites Antilles, île de Saint Vincent et des Grenadines), avec l’appui du Colonial Development and Welfare Fund. Les
années 60 et l’indépendance de nombreux pays marquent un arrêt quasi complet des programmes officiels de
construction en terre portés par la Grande Bretagne. Au tournant des années 80, la Grande Bretagne apporte un nouvel
appui aux pays en développement par l’intermédiaire du Building Research Establishement et sa Overseas Division.
Ces actions de coopération visent à dynamiser les recherches dans les universités et les instituts de recherche du
bâtiment, notamment sur la stabilisation du matériau terre et sur les matériels de production (presse BREPAK
développée au Kenya, p.e.). Ces recherches sont le plus souvent liées à des projets démonstratifs de réhabilitation de
Page 125
Hubert Guillaud
quartiers spontanés. Il faut aussi relever la fondation de ITDG (Intermediate Technology Development Group), par
l’économiste radical Ernst Friedrich Schumacher, en 1966, dans l’objectif de prouver la validité de sa philosophie du
small is beautiful. ITDG sera le fer de lance du développement des Technologies Appropriées ou Alternatives (T.A.),
concept forgé par Schumacher. De nombreux projets seront réalisés depuis lors et en continu jusqu’à ce jour par cette
Ong anglaise de Rugby, qui rassemble 300 personnes sur 4 continents et a prodigué ses services d’expertise et de
conseils, d’assistance technique dans plus de 60 pays. Cette activité couvre les domaines de l’habitat, de l’agriculture,
de l’énergie, de l’eau, de la santé rurale, de la formation et de la place de la femme dans le développement. ITDG
rempli aussi un rôle de tout premier plan dans la diffusion par son activité soutenue de publication. Notons aussi
l’investissement plus récent d’universités anglaises dans la recherche et l’enseignement, la coopération internationale.
C’est le cas de l’Université de Bath autour de Timothy Williams et de Peter Walker qui développent des recherches sur
le BTC, et de l’Université de Plymouth, autour de Linda Watson. Celle-ci, avec son Center for Earthen Construction de
l’école d’architecture, a organisé en 1994 et 1995, deux séminaire européens (Out of Earth I et II). Elle a aussi co-
organisé, avec le soutien du English Heritage, la 8ème Conférence Internationale sur l’Etude et la Conservation de
l’Architecture de Terre, qui s’est tenue à Torquay, Devon, en mai 2000. L’Angleterre est aussi très active dans le
domaine de la conservation, restauration et réhabilitation de son patrimoine architectural en terre et l’on doit relever
l’important travail réalisé sur l’architecture en cob du Devon par des experts de talent (Pearson, 1992 ; Bedford 1994 ;
Honeysett 1995 ; Keefe 1993 et 1998 ; Bouwens 1994). De même, en Ecosse, le Historic Scotland a produit un
remarquable ouvrage sur les structures et constructions en terre en Ecosse (Walker, MacGregor et Little 1996). Enfin,
en 1992, le British Standards a réactualisé une norme sur l’emploi structural de la maçonnerie non renforcée qui
concerne la construction en terre. D’autres recherches ont été aussi menées par le Courtauld Institute of Art,
Conservation of Wall Painting Department (Shekede 1999). Ainsi, la Grande Bretagne a une longue histoire
d’investissement, interrompue et reprise, mais qui reste encore située dans une démarche nationale éparpillée,
aujourd’hui moins portée par une volonté politique affirmée et s’appuyant pour l’essentiel sur la volonté de personnes
passionnées. Le début d’un ancrage universitaire peut offrir de nouvelles perspectives.
La Belgique a peu construit en terre mais a été l’un des premiers pays à entreprendre des recherches en mécanique des
sols et sur la stabilisation au ciment. Ainsi, dès 1919 (Bardagot 1991), la terre stabilisée est utilisée pour les routes et les
pistes d’aviation, principe repris par plusieurs pays par la suite. En 1920, 11 maisons on été bâties en briques de terre
stabilisée, selon un procédé dénommé LaTerrademente, dans la ville d’Ypres. Le procédé sera ensuite adopté pour la
construction d’autres lotissements à Schaerbeeck et Uccle et servira d’exemple à des britanniques du Building Research
Station qui engageront ainsi leurs recherches sur la terre stabilisée et son emploi pour la construction. En 1952, le
gouvernement Belge institue un Office des Cités Africaines (OCA) sous la tutelle du Ministère des Colonies. Cet
institut est chargé de développer une politique gouvernementale dans le domaine du logement économique, au Congo
Belge, au Rwanda et au Burundi. L’OCA préconise l’emploi des parpaings de terre stabilisée à la suite
d’expérimentations qui avait été réalisées en 1951. Ce procédé est utilisé pour de nombreuses maisons à Stanley-ville
dès 1953 et à Bujumbura dès 1954. Les grands chantiers de l’OCA on permis la réalisation, de 1952 à 1955 de 22 235
logements et de 424 commerces et ateliers dont quelques centaines en terre stabilisée. Dans les années 1970, plusieurs
coopérants belges réaliseront des projets dans d’autres pays d’Afrique, notamment en Algérie (Zeralda, Houben et
Belmans, 1972). Au tournant des années 1980, l’Administration Générale de la Coopération au Développement
(AGCD) soutient financièrement de nombreux projets dans le domaine de l’habitat et des établissements humains. Ces
projets sont portés par des Ongs et des universités, notamment par le Post Graduate Centre Human Settlements (PGC-
HS) de la Katholieke Universiteit de Leuven, autour de Han Verschure. Ce centre organise aussi un cycle de formation
spécialisée avec le soutien de l’AGCD et en collaboration avec l’Institut Supérieur d’Architecture de l’Etat – La
Cambre de Bruxelles, l’Université Catholique de Louvain et la Faculté Polytechnique de Mons. Dans le domaine de la
coopération internationale, les Ongs Belges, soutenues par le gouvernement, sont très actives. Coopibo est l’une d’entre
elles qui intervient le plus dans le domaine de l’habitat à coût réduit. Il faut aussi relever l’existence de plusieurs petites
entreprises à l’origine de la création de presses pour BTC désormais célèbres comme Appro-Techno (la fameuse
Terstaram) ou Ceratec, et d’autres. Notons que la Belgique à organisé en 1984, en coopération avec le CNUEH-Habitat,
le colloque international Earth construction technologies appropriate to developing countries qui fut un événement
majeur de l’époque permettant de faire le point sur l’état de l’art et des projets réalisés au cours des dernières décennies
dans les pays du Sud. Les actes de ce colloque ont notamment donné lieu à l’édition de la première version du Earth
Construction Primer par le CRATerre (Houben et Guillaud), base de leur désormais célèbre Traité de Construction en
Terre. Enfin, dans la mouvance du développement d’une bioarchitecture, la Belgique a permis ces dernières années la
réalisation de plusieurs édifices qui retiennent l’intérêt.
Les Pays-Bas, par ses chercheurs de l’Institut des Sciences Humaines de l’Université de Technologie de Eindhoven, a
apporté d’excellentes contributions sur l’étude et la mise en valeur des architectures en terre africaines. On doit relever
particulièrement les études faites sur Djenné, au Mali, au début des années 1990 (Maas 1990, Maas et Mommersteeg
Page 126
Hubert Guillaud
1992, 1993, 1994). Un plan de projet de réhabilitation et de conservation de l’architecture de Djenné a été proposé par
des chercheurs hollandais, sous la direction de Roger. Bedeaux, en 1996. De même des recherches plus technologiques
sur la problématique climat-habitat-culture, également menées à Eindhoven par Peter Schmid (1982, 1985). Mais, bien
que l’on connaisse l’activité et l’efficacité de nombreux universitaires et d’Ongs des Pays-Bas dans la coopération
internationale, on ne dispose que de très peu d’information sur l’investissement du pays dans le domaine des
architectures de terre. Il faut néanmoins relever le travail sur les enduits à base de terre que développe Carl Giskes,
depuis 1989 qui l’ont amené à mettre au point le procédé Tierrafino, un enduit de finition à base d’argile utilisé sur de
très nombreuses réalisations d’excellence.
Pays nordiques et Scandinaves. Bien qu’un patrimoine d’architecture de terre ait été repéré au Danemark (Risom
1959), et que des maison aient été réalisées par Sven Risom lui-même à cette époque, à la manière de construction du
18ème siècle, on ne dispose que de très peu d’information sur l’actualité des architectures de terre dans ce pays. Il
semblerait que des réalisations d’habitat bioclimatique en pisé et en terre-paille aient été menées au début des années
1990. La Suède semble être plus active. Historiquement, l’influence du danois K.H. Seidelin qui traduisait le 4ème
Cahier d’Ecole d’Architecture Rurale du français Cointeraux, est attestée, sur la base d’une traduction suédoise de
Jahan Retzius (1798). Relevons une étude récente sur le patrimoine des architectures de terre du pays, couvrant la
période allant de 1750 à 1950, qui a été menée par Lars Allan Palmgren (2003). Cette étude confirme l’existence de
maison en bauge, couvrant la période de la révolution agraire (1750-1850), en Stöphus (terre et chaux) couvrant la
période de la révolution industrielle (1850-1915), puis en pisé pour la période de la révolution sociale (1915-1950).
Mais on a aussi repéré des constructions en adobe (Lerstenshus). Au 20ème siècle, le pisé suédois doit aussi beaucoup à
l’influence de Karl Ellington qui édita un livre sur cette technique en 1920. Le livre de Palmgren est tout à fait
remarquable pour le repérage d’une large typologie d’ouvrages de grande qualité architecturale couvrant des bâtiments
ruraux, des manoirs bourgeois, des bâtiments industriels et des habitats villageois ou de bourgs. Durant les récentes
années 1990, la Suède, portée par l’impact du mouvement européen écologique, a réalisé plusieurs bâtiments
revalorisant la terre, soit sous forme de terre-paille, de pisé ou de briques crues, à Hansgården (1999), à Saltå (1998-99),
à Bråtadal/Svartrå (1998-99) et à Orsa (1998-99). La Finlande, avec l’Ecole d’Architecture de l’Université de Helsinki,
qui dispose d’un laboratoire de recherche sur les matériaux, a développé plusieurs recherches sur les matériaux
écologiques alternatifs (Mikael Westermarck). De même, l’Ecole d’Architecture de Oslo, en Norvège, s’intéresse à
cette tendance et semble commencer à favoriser des recherches dans une visée de coopération internationale avec les
pays du Sud.
Pour d’autres pays d’Europe septentrionale et centrale (Pologne, Moldavie, Roumanie, République Tchèque, Slovaquie,
Bulgarie), au-delà d’informations accessibles sur les architectures de terre traditionnelles, on ne dispose que de très peu
d’information sur les développements contemporains. La Moldavie semble s’être intéressée récemment à la question de
la normalisation de la brique de terre crue mais n’a pas abouti sa démarche.
Brève conclusion
L’Europe montre d’une façon claire une triple polarité, occidentale (France), méditerranéenne (Italie et Portugal), mais
aussi saxonne (Allemagne et Autriche) en faveur de la promotion d’une nouvelle architecture de terre. Il faut toutefois
distinguer : d’une part les pays qui consolident un ancrage dans les universités, avec une articulation plus accessible
entre la recherche, l’éducation et le projet de coopération (ce sont plutôt les pays méditérranéens, dont l’Italie et le
Portugal, avec aussi la France) ; d’autre part des pays, peut-être plus pragmatiques, qui associent les dynamiques
universitaires et professionnelles en dynamisant un tissu d’entrepreneurs. A cet égard, l’Allemagne est l’exemple le plus
porteur avec la fréquence d’événements qui laisse toute la place au secteur de l’entreprise. L’Italie confirme toute la
force donnée à un secteur universitaire très organisé et montre aussi une nouvelle voie de mise en synergie avec les
collectivités territoriales sur la question de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine, voie sur laquelle la
France est en train de s’engager (Dauphiné, Ille-et-Vilaine, Marais Breton, Marais du Cotentin et du Bessin). Tous les
pays d’Europe n’ont pas encore une volonté politique clairement affirmée, avec des stratégies institutionnelles de
développement intégrée dans une perspective durable. Cela est encore un grand manque même si des actions demeurent
exemplaires. Le soutien des autorités des états n’est pas constant dans l’histoire des développements récents de la
construction en terre, il est très inégal et connaît bien des velléités. Les blocages concernant la normalisation sont
encore nombreux même si des avancées sont faites. De même, l’enjeu d’une plus forte conscientisation publique reste
majeur afin de favoriser l’émergence d’un regard plus largement partagé sur la conservation des patrimoines, et d’une
demande sociale plus consolidée pour la construction contemporaine. A cet égard, l’engagement des architectes
européens, et des entreprises, est encore timide, très inégal selon les pays, et constitue un frein puissant. On voit
pourtant poindre des changements qui semblent prometteurs. Enfin, la mouvance européenne autour de l’écologie et des
questions d’environnement semble pouvoir être un vecteur très porteur pour l’avenir d’une nouvelle demande sociale
valorisant une autre consommation de l’habitat où la terre pourrait reprendre plus de place.
Page 127
Hubert Guillaud
Bibliographie
AA.VV. (Angleterre) 1951 : West indian school built in soil-cement blockwork. Colonial building notes n°5. Ed.
Department of Scientific and Industrial Research. Watford. UK. 1951. 8 p.
AA.VV. (Angleterre) 1954 : Rammed Earth houses. Department of town and country planning. Ministry of Industries,
housing and social services. Ed. Government press. Ceylon. 1954. 14 p.
AA.VV. (Italie) 1985 : Le Case Di Terra. Memoria e Realtà. Clua Edizioni. Pescara. Italie. 1985. 47 p.
AA.VV. (Espagne) 1986 : NAVAPALOS 86, II encuentro de trabajo sobre la tierre como material de constructión. Ed.
Diputación Provincial de Soria-Inter-Acción. Soria. Espagne. 1986. 289 p.
AA.VV. (Allemagne) 1988 : Loam Construction in the GDR. Rapport de la Délégation de la République Démocratique
Allemande à la 11ème Session de la Commission des Natiuons Unies pour les Etablissements Humains. Delhi.Inde.
1988. 20 p.
AA.VV. 1996 (Portugal) : Arquitectura de Terra. In : Mediterrâneo n° 8/9.Ed. Instituto Medciterrânico, Universidad
Nova De Lisboa. Lisbonne. Portugal. 1996. 307 p.
AA.VV. (Espagne) 1998 : Arquitectura de tierra. Encuentros Internacionales. Centro de Investigación Navapalos.
Ede. Ministerio de Fomento, Secretario General Técnica. Madrid. Espagne. 1998. 279 p.
Adam 1981 : ADAM, J.A. – Wohn-und Siedlungsformen im Süden Marokkos. München. 1981.
Adam et al. 1983: ADAM, J.A., FARASSAT, D., FIEDERMUTZ-LAUN, A., HROUDA, B., WICHMANN, H.,
WIENANDS, R., WILDUNG, D., WIRGHT, G.R.H. – Architektur der Verdänglichkeit Lehmbau der Dritten Welt. Ed.
Birkhäuser Verlag. Basel, Boston, Stuttgart. 1983. 254 p.
Alberti (trad. Martin, J.) 1553 : ALBERTI, L.B. – De Re Aedificatoria. Paris. France. 1553.
Albertini 2004: ALBERTINI, C. – TERRA-Med Project. An analysis of activities about earthen architecture in the
Mediterranean Basin. Rapport de recherche. ICCROM. Rome. Italie. 2004. 41 p. et annexes.
Amette 1996 : AMETTE, Ph., AMETTE, K. – Cultures constructives en Moldavie Roumaine. In : Les Carnets de
l’Architecture de Terre, monographie n°2. Ed. CRATerre-EAG. Grenoble. France. 1996. 29 p.
Anguelova 1986 : ANGUELOVA, R. – Bulgarie. In : Architecture Traditionnelle des Pays Balkaniques. Manuscrit
photocopié. Ed. Melissa (éd. grecque et française). 1986
Asociação Dos Arquitectos Portugueses 1989 : Arquitectura Popular Em Portugal. Lisbonne. Portugal. 1989. 763 p.
Auzelles et Dufournet 1943 : AUZELLES, R., DUFOURNET, P. – Béton de terre stabilisé. In : Techniques et
Architecture, n°9-10. Paris. France. 1943. pp. 263-268.
Baldacci 1958 : BALDACCI, O. - L’ambiente geografico delle case di terra in Italia. Rivista Geografica Italiana,
LXV, 1958.
Bardagot 1991 : BARDAGOT, A.M., et DOAT, P. (dir. Scient.), avec pour la recherche doc. HOUBEN, H.,
GUILLAUD, H., ODUL, P. – L’intelligence de l’Europe et le développement de l’habitat économique en terre des
années 20 à nos jours. Rapport de recherche. Ministère de la Recherche et de la Technologie, Départment des Sciences
de l’Homme et de la Société. Ed. CRATerre-EAG. Grenoble. France. 1991. 89 p.
Bardou et Arzoumanian 1978 : BARDOU, P., ARZOUMANIAN, V. – Archi de Terre. Ed. Parenthèses. Marseille.
France. 1978. 103 p.
Bertagnin 1999 : BERTAGNIN, M. – Architetture di terra in Italia. EDICOM Edizioni. Montfalcone. Italie. 1999. 315
p.
Bollini 2002 : BOLLINI, G. (a cura di) et AA.VV. – La Ricerca Universitaria Sull’Architettura Di Terra.
UNIVERSITERRA 1. Edicom Edizioni. Montfalcone. Italia. 2002. 153 p.
Bouchard-Huzard 1870 : BOUCHARD - HUZARD, L. - Traité des constructions rurales et de leurs dispositions. 2
vol. Imprimerie et Librairie d’Agriculture et d’Horticulture de Mme Ve Bouchard-Huzard. Paris. France ; 1870.
Bouwens 1990 : BOUWENS, D. – Clay-Lump. The English Adobe. In: Adobe 90 Preprints, 6th International
Conference on the Conservation of Earthen Architecture. Las Cruces. Etat-Unis. Ed. Getty Conservation Institute. Los
Angeles. Etats-Unis. 1990. 469 p., pp. 14-19.
Bouwens 1993 : BOUWENS, D. – English Mud-Brick and Mud Building. In Comunicações, 7a Conferência
Internacional sobre O Estudo e Conservação da Arquitectura de Terra. Silves. Portugal. Ed. De la D.G.E.M.N. du
Portugal. Lisbonne. Portugal. 1993. 659 p., pp. 58-63.
Brunhes 1956 : BRUNHES, J. – La Géographie Humaine. Editions Puf. Paris. France. 1956.
Brunskill 1971 : BRUNSKILL, R.W. - Illustrated Handbook of Vernacular Architecture. Edions Faber and Faber.
Londres. Angleterre. 1971. 250 p.
Caton 3ème- 2ème s. av. n.è. : CATON - De Agricultura.
Chapelot et Fossier 1980 : CHAPELOT, J., FOSSIER, R. – Le village et la maison au Moyen Age. Ed. Hachette. Paris.
France. 1980. 357 p.
Clastres 1974 : CLASTRES, P. - La Société contre l’Etat. Ed. de Minuit. Paris. France. 1974.
Page 128
Hubert Guillaud
Cointeraux 1791 : COINTERAUX, F. – Ecole d’architecture rurale ; quatrième cahier dans lequel on traite du
nouveau pisé inventé par l’auteur, de la construction en terre et de ses outils. Paris. France. 1791. 68 p.
Columelle 1er s. : COLUMELLE – De Re Rustica.
Conrad 1840 : CONRAD, E. – Veder den Pisé-Bau. Kretschmar. Chemnitz. Allemagne. 1840.
Correia 2000 : CORREIA, M. – Le pisé d’Alentejo, Portugal. Mémoire DPEA-Terre. EAGrenoble. France. 2000. 167
p.
CRATerre 1989 : HOUBEN, H., GUILLAUD, H. – Traité de construction en terre. Editions Parenthèses. Marseille.
France. 1989. 355 p
Deffontaines 1972 : DEFFONTAINES, P. – L’Homme et sa Maison. Ed. Gallimard (nrf). Paris. France. 1972.
Delorme 1745 : DELORME, G.M. – Mémoire pour la construction des murs en terre. Lyon. France. 1745.
Demangeon 1920 : DEMANGEON, A. - L’habitation rurale en France. Géographie Universelle. Tome VI. Et,
Annales de Géographie, XXIX, pp. 352-375. Editions Armand Colin. Paris. France. 1920.
Del Rosso 1793 : DEL ROSSO, G. – Dell’economica costruzione delle case di terra. Presso J.A. Bouchard. Florence.
Italie. 1793. 75 p.
Dethier 1986 : DETHIER, J. – Architectures de Terre. Ou l’avenir d’une tradition millénaire. Europe-Tiers Monde-
Etats-Unis. Ed. du Centre Georges Pompidou. Paris. France. 1981, 1982, 1984 et 1986. 224 p.
De Villanueva 1827 : DE VILLANUEVA, J. – El arte de la Albañileria. Ed. en facsimile. Madrid. Espagne. 1827.
Diez Anta 1993 : DIEZ ANTA, S. – Los palomares en la provincia de León. Caja España. Ed. Leonesas.S.A.. León.
Espagne. 1993. 63 p.
Doyon et Hubrecht 1942 et 1979. DOYON, G., HUBRECHT, R. – L’architecture rurale et bourgeoise en France. Ed.
D. Vincent et Cie. Paris. France. 1942 et 1979 (4ème éd.). 521 p.
Dreyfus 1954 : DREYFUS, J. – Manuel de construction en terre stabilisée en Afrique Occidentale Française.
Documents d’A.O.F., série : Etudes n°1. Ed. Service d’Information du Haut-Commisariat. Paris. France. 1954. 84 p.
Duby et Wallon 1979-1980 : DUBU, G. (dir.), WALLON, A. - Histoire de la France Rurale. 4 vol. Ed. du Seuil. Paris.
France. 1979-1980.
Dufournet 1950 : DUFOURNET, P. Une xpérience de construction en béton de terre stabilisé. In : Cahiers du Centre
Scientifique et Technique du Bâtiment, cahier 81. Paris. France. 2ème trimestre 1950. pp. 7-23.
Dumont 1973 : DUMONT, R. – L’Utopie ou la mort. Ed. du Seuil. Paris. France. 1973.
Estienne et Liébaut 1564 et 1763 : ESTIENNE, Ch., LIEBAUT, J. – La maison rustique ou l’économie générale de
tous les biens de la campagne. 2 vol. Paris. France. 1564 et 1763 (8ème rééd.).
Faust 1839 : FAUST, B.C. – Der lehmsteinbau. Buckeburg. Allemagne. 1839.
Fauth 1948: Der praktische Lehmbau. Singen-Hohentwiel. Weber. Allemagne. 1948.
Fenton 1970 : FENTON, A. - Clay building and clay thatch in Scotland. Ulster Folklife, volume 15/16. 1970.
Font Arrellano 2003 : FONT ARRELLANO, J. – Manuscrit non titré, recherche sur le corpus des textes historiques.
Palencia. Esppagne. 2003. 26 p.
Font et Hidalgo 1991 : FONTON, F., HIDALGO, P. – El tapial. Una técnica constructiva mi lenària (catalan). Edité à
compte d’auteur. Barcelone. Espagne. 1991.
Frasheri 1993: FRASHERI, G. – The use of earth as building material in Albania. In Comunicações, 7a Conferência
Internacional sobre O Estudo e Conservação da Arquitectura de Terra. Silves. Portugal. Ed. De la D.G.E.M.N. du
Portugal. Lisbonne. Portugal. 1993. 659 p., pp. 112-116.
Frasheri 1994: FRASHERI, G. – Some aspects of Earthen Architecture and Technique in Albania. In Mediterrâneo n°
8/9.Ed. Instituto Medciterrânico, Universidad Nova De Lisboa. Lisbonne. Portugal. 1996. 307 p., pp. 89-121.
Fréal 1978: FREAL, J. – Habitat et vie paysanne en Bresse. Publicatyions Jacques Fréal. Ed. Garnier Frères. 1978;
239 p.
Fréal 1973: FREAL, J. – Maisons de Normandie. Ed. Hachette. Paris. France. 1973. 1145 p.
Gilly 1797 : GILLY, D. – Handbuch der Land : Bau : Kunst, vorzüglich in Rûcksicht auf die Construc der Wohn:
undWirthshafts: Gebaüde für angehende Cameral: Baumeister. Friedrich Vieweg dem älteren. Berlin. Allemagne.
1797.
Goiffon 1772 : GOIFFON, G.C. – L’art du maçon piseur. Librairie Le Jai. Paris. France. 1772.
Goldsmith 1994 : GOLDSMITH, E. – Le Défi du XXIème siècle. Ed. du Rocher. Paris. France. 1994.
Graciani et Tabales 2003 : GRACIANI, A., TABALES, M.A. - Typological observations on tapia walls in the area of
Seville. 11th – 19th centuries. In: Proceedings of the First International Congress on Construction History, 3 vol., Madrid,
20th – 24th January 2003. Ed. Instituto Juan de Herrera, Escuela Técnica Superior de Arquitectura de Madrid. Madrid.
Espagne. 2003. Vol. II, pp. 1093-1106
Guillaud 1997 : GUILLAUD, H. – Pour une histoire des architectures de terre. Mémoire de DPEA-Terre. EAG.
Grenoble. France. 1997. 518 p.
Page 129
Hubert Guillaud
Guillaud 1997 : GUILLAUD, H. – Une grande figure du patrimoine régional Rhône-Alpes. François Cointeraux (1740
– 1830) Pionnier de la construction moderne en pisé. Ed. CRATerre-EAG. Grenoble. France. 1997. 47 p.
Güntzel 1988 : GÜNTZEL, J.G. – Zur Geschichte des Lehmbaus in Deutschland, Staufen. Ökobuch Verlag. 1988.
Hérodote 5ème s. : HERODOTE – Histoires. Ed. Les Belles Lettres. Paris. France. 1932.
Illich 1969 : ILLICH, I. – Libérer l’avenir. Ed. du Seuil. Paris. France. 1969.
Illich 1973 : ILLICH, I. – Energie et équité. Ed. du Seuil. Paris. France. 1973.
Illich 1973 : ILLICH ; I. – La convivialité. Ed. du Seuil. Partis. France. 1973.
Imbault 1986 : IMBAULT, D. – La Champagne. Architecture régionale. Ed. Jaher. Paris. France. 1986. 479 p.
Keefe 1993 : KEEFE, L. – The Cob building of Devon. Repair and Maintenance. Devon Historic Buildings Trust.
Devon. UK. 1993.
Lauber 1998 : LAUBER, W. – Architecture Dogon : Construction en terre au Mali. Ed. Adam Biro. Paris. France.
1998.
Le Corbusier 1942 : JEANNERET, E. (LE CORBUSIER) – Les constructions « Murondins ». Ed. E. Chiron. Paris.
France. 1942. 38 p.
Louboutin 1990 : LOUBOUTIN, C. – Au Néolithique les premiers paysans du monde. Ed. Gallimard (Découvertes).
Paris. France. 1990. 176 p.
Maas 1990 : MAAS, P. – Jenné : living tradition. In : Aramco World 41:6. 1990.
Maas et Mommersteeg 1992: MAAS, P., MOMMERSTEEG, G. – Jenné, Chef d’oeuvre architectural. Ed. Institut
Des Sciences Humaines, Université vde Technologie et Institut Royal des Tropiques. Eindhoven et Amsterdam. Pays-
Bas. 1992.
Maas et Mommersteeg 1993: MAAS, P., MOMMERSTEEG, G. – L’architecture dite soudanaise: le modèle de
Jenné. In : Vallée du Niger. Ed. De la Réunion des Musées Nationaux. Paris. France. 1993.
Mauss 1999 (rééd.) : MAUSS, M. – Essai sur le don. In : Sociologie et Anthropologie. Quadrige. Presses
Universitaires de France (PUF), 8ème édition. Paris. France. 1999.
McCann 1983-1995 : McCANN, J. – Clay and cob buildings. Shire Publications Ltd. Princes Risborough. UK. 1ç_ » et
1995 (rééd.). 32 p.
Mencl 1980 : MENCL, V. – Lidovà architektura v Ceskoslovensku. Academia Nakladatelství, Ceskoslovenské
Akademie Ved. Prague. République Tchèque. 1980.
Minke 2000 : MINKE, G. - Earth Construction Handbook (trad. version originale allemande en 1994). Ed. WIT Press.
2000. Southampton. Ashurst. 2000.
Moldovan et Graur 1993 : MOLDOVAN, M-S., GRAUR, T. – Earth archiutecture in Romania. In Comunicações, 7a
Conferência Internacional sobre O Estudo e Conservação da Arquitectura de Terra. Silves. Portugal. Ed. De la
D.G.E.M.N. du Portugal. Lisbonne. Portugal. 1993. 659 p., pp. 49-51.
Oliver 1997 : OLIVER, P. – Encyclopédie de l’architecture vernaculaire du monde. 3 vol. Ed. Cambridge University
Press. Cambridge. UK. 1997. 2500 p.
Onrubia et al 2003 : ONRUBIA, J., MALDONADO RAMOS, L., VELA COSSIO, F. – Diccionario de construcción
tradicional tierra. Ed. Nerea ; San Sebastián. Espagne. 2003. 221 p.
Ortiz Sanz et al 2001 : ORTIZ SANZ, J., REGO SANMARTÍN, T., CAÑAS GUERRERO, I. – La casa de corral :
emblema de las construcciones agrarias tradicionales en Castilla y León. Junta de Castilla y León, Consejería de
Agricultura y Ganadería. Madrid. Espagne. 2001. 222 p.
Palladius 5ème s. et 1976: PALLADIUS - Opus agriculturae. Les Belles Lettres. Paris. France. 1976 (rééd.).
Palmgren 2003 : PALMGREN, L.A. – Svenska jordhus med lera eller kalk 1750-1950. Om olika svenska
jordhusmetoder – när, varför och hur de uppfördes. Ed. Kungliga Tekniska Högskolan (KTH). Royal Institute of
Technology, School of Architecture/Building Engineering. Stockholm. Suède. 2003. 38 p.
Pearson 1992 : PEARSON, G. – Conservation of clay and chalk buildings. Donhead. Londres. UK. 1992.
Pereira Santos et Rocha 2000 : PEREIRA SANTOS, J., ROCHA, C.M. – Casa tradicional Alentejana. Escola
Profissional de Desnevolvimento Rural de Serpa. Programa Pomoção Do Potencial De Desenvolvimento Regional
(PPDR). Serpa. Portugal. 2000.82 p.
Polanyi 1983 : POLANYI, K. – La Grande Transformation ; aux origines politiques et économiques de notre temps.
Ed. Gallimard. Paris. France. 1983.
Pollack et Richter 1952 : POLLACK, E., RICHTER, E. - Technik des Lehmbaues. Ed. Verlag Technik. Berlin. 1952.
Ponga 1994 : PONGA, J.L.A. – La arquitectura del barro. Junta de Castilla et León. Consejería de Cultura y Turismo.
Ed. Santiago García. León. Espagne. 1994 (3ème ed.).
Rauch 2001 : RAUCH, M. – Lehm und Architektur. Ed. Birkhäuser. Basel. Suisse. 2001. 159 p.
Raulin 1977-1983 : RAULIN, H. – L’architecture rurale française. Corpus des genres, des types et des variantes. 22
vol. Ed. Berger-Levrault. Paris. France. 1977-1983.
Page 130
Hubert Guillaud
Raymond 1857 : RAYMOND, L. – Mémoire sur la bâtisse en terre. Imprimerie Elie Carrey. Genève. Suisse. 1857.
44 p.
Risom 1959 : RISOM, S. – Nordiske Ler-Jords-Huse, Rosenkilde of Bagger. Copenhague. Danemark. 1959.
Rozier 1796 : ROZIER (Abbé) – Cours complet d’a griculture théorique et pratique. Paris. France. 1796.
Rondelet 1840 : RONDELET, J.B. – Traité de l’Art de Bâtir. Paris. France. 1840.
Ruch 1977 : La Maison alsacienne à colombage. Ed. Berger-Levrault. Paris. France. 1977. 247 p.
Salhins 1976: SALHINS, M. – Age de Pierre, âge d’abondance, l’économie des sociétés primitives. Ed. Gallimard.
Paris. France. 1976.
Schmid 1985 : SCHMID, P. – Climate-Habitat-Culture. Report on the International Seminar at Eindhoven. University
of Technology. Eindhoven. Pays-Bas. 1985.
Schneider 1985 : SCHNEIDER, J. – Am Anfang Die Erde Sanfter Baustoff Lehm. Ed. Fricke im Rudolf Müller
Verlag. Francfort. Allemagne. 1985. 84 p.
Schumacher 1978: SCHUMACHER, E.F. – Small is Beautiful ; une société à la mesure de l’homme. Ed.
Contretemps/Seuil. Paris. France. 1978. 318 p.
Seidelin 1796 : SEIDELIN, K.H. b- Vejledning til at bygge bequemme og uforbraendelige Huse auf Jord. Uddraget at
Cointeraux Beskeivelse og i abskilligt forandret. Copenhague. Danemark. 1796.
Sanna 1993 : SANNA, A. (a cura di) – Architetture in terra, tipologia, tecnologia, progetto. Ed. CUEC. Cagliari. Italie.
1993. 175 p.
Sorre 1943 : SORRE, M. - Les fondements biologiques de la géographie humaine. Editions Armand Colin. Paris.
France. 1943. 261 p. (Vol. 1) et 230 p. (Vol. 2).
Syrova 1991 : SYROVA-ANYZOVA, Z. – Monographie Tchécoslovaquie. Architectures en terre. In : Bulletin
d’Information du CRATerre-EAG, n°9, 2ème semestre 1991. Grenoble. France. 1991. 27 p. pp. 14-17.
Syrova et Syrovi 1994 : SYROVA-ANYZOVA, Z., SYROVI, J. – La sauvegarde du patrimoine de la maison
danubienne dans les villages des pays tchèques. Prikazy, Village du District de Olomouc. In. Bulletin d’Information du
CRATerre-EAG n°14. 1994. 31 p. pp. 22-24.
Teyssot 1981 : TEYSSOT, G. – L’architecture en pisé, [la vie et l’œuvre de l’architecte François Cointeraux (Lyon
1740-1830) qui fut, en France, l’inventeur du « nouveau pisé »]. In Monuments Historiques, n° 116. Ed. Caisse
Nationale des Monuments Historiques. Paris. France. 1981. pp. 32-35.
Theus 1956 : THEUS, P. – La fondation d’un village de Provence au 18ème siècle : Charleval, 1741. Ed. La Pensée
Universitaire. Aix-en-Provence. France. 1956. 280 p.
Turner 1980 : TURNER, J. – Le logement est votre affaire. Ed. du Seuil. Paris. France. 1979 ; 99 p.
Varron 1er s. av. n.è. :VARRON – Res Rusticae.
Vidal de la Blache 1922 : VIDAL DE LA BLACHE, P. - Principes de la géographie humaine. Editions Armand Colin.
Paris. France. 1922. Réédition en 1948.
Vitruve (trad. Perrault, C. 1674) 1er s. et 1979 : VITRUVE – De Architectura. Abrégé des dix livres d’architecture.
Editions J.B. Coignard. Paris. France. 1674. 226 p. Réédition chez Mardaga. Liège. Belgique. 1979. Egalement chez
Balland. Paris. France. 1979.
Walker et al. 1996: WALKER, B., MacGregor, C., LITTLE, R. – Earth structures and construction in Scotland.
Historic Scotland Technical Advice Notes, n°6. Edimbourg. UK. 1996. 128 p.
William-Ellis 1919 : WILLIAM-ELLIS, C. - Cottage buildings in cob, pisé, chalk and clay. Editions Country Life.
Angleterre. 1919.
William-Ellis et Eastwick-Field 1947 : WILLIAM-ELLIS, C., EASTWICK-FIELD, J., - Cottage Building in Cob,
Pisé, Chalk and Clay. Editions Country Life. Angleterre. 1947.
Wimpf 1841: WIMPF, J. – Der Pisé-Bau. Heilbrann. Allemagne. 1841. 60 p.
Volhard 1983 : VOLHARD, F. - Leichtlehmbau, alter Baustoffneue Technik. Ed. Verlag C.F. Müller. Karlsruhe.
Allemagne. 1983.
Zschokke 1849 : Anleitung zum Pisé-Bau, Mit Spezieller Rüdficht auf bas Berfahren bei den Bauten im Kanton
Aargau. Gauerländer Verlags. Haran. Suisse. 1849. Bâtir en Pisé. Trad. Française de Werner Heerde, EPFL de
Lausanne. Suisse. 1983.
Page 131
Hubert Guillaud
Page 132
Hubert Guillaud
(Article extrait de Guillaud 1997 : GUILLAUD, Hubert - Pour une histoire des architectures de terre, mémoire de
CEAA-Terre, Ecole d’Architecture de Grenoble, juin 1997, 518 p.)
N.B. : on a conservé la numérotion des indices de notes de bas de page, telle que dans le document initial.
De façon symptomatique, on repère en effet assez souvent cette confusion sémantique dans la littérature archéologique,
anthropologique et architecturale publiée depuis la fin du XIXème siècle mais également au cours de ce XXème siècle.
Pourtant, cette confusion ne semble pas avoir existé aux temps anciens comme peuvent en témoigner de nombreux
textes des époques bibliques puis gréco-romaines qui donnent divers témoignages de la construction en briques crues ou
même en pisé. Cette clarté d'énonciation peut logiquement être expliquée par le fait que les chroniqueurs de ces époques
décrivaient les modes de mises en œuvre et les techniques de construction, de visu.. Depuis la fin du XIXème siècle,
cette confusion sémantique se traduit notamment par un emploi fréquent du terme "pisé" qui semble être employé pour
décrire tous types confondus de vestiges ou de murs ruinés en terre alors que souvent, cette dénomination ne correspond
pas à la réalité de cette mise en œuvre du matériau terre par compactage et en coffrages qui caractérise justement le
pisé, c'est à dire davantage un procédé de mise en œuvre du matériau terre que le matériau de construction lui-même. La
confusion semble surtout résulter d'une assimilation des murs en "bauge" à de la maçonnerie en briques crues que le
temps et l'usure ont rendues compactes et homogènes, avec une distinction difficile à établir entre les couches ou
"levées" de terre et entre les briques crues et le mortier de pose. Ainsi, beaucoup de vestiges des villes anciennes bâties
en terre et mises au jour de par le monde depuis un peu plus d'un siècle, sont demeurés confusément décrits quant à
l'aspect de leurs matériaux de construction en terre. Certes, l'identification du matériau de construction et de la
technique de construction n'est pas toujours aisée et le matériel visible révélé par les fouilles doit parfois faire l'objet
Page 133
Hubert Guillaud
d'analyses scientifiques poussées (stratigraphie, granulométrie, minéralogie, par exemple) pour garantir une
dénomination précise. L'éventail des matériaux et des techniques est en effet assez large et leur caractérisation définit
une association complexe de la nature granulaire du matériau originel ou "texture" (terre argileuse ou terre limoneuse,
terre sableuse …), de l'état hydrique à la mise en œuvre (état boueux, plastique, humide ou sec, …), du degré
d'élaboration des constructions, de leur structure, de leur architecture, leurs dimensions, leur destination d'usage, de la
qualité de leurs finitions (problème de la distinction entre les enduits et le mur, par exemple). Ce n'est que récemment
que des tentatives ont été faites pour clarifier cette terminologie des matériaux et des techniques de construction en terre
et nous pensons ici à l'excellent "Dictionnaire Illustré Multilingue de l'Architecture du Proche-Orient Ancien" 228 de
l'Institut Français d'Archéologie de Beyrouth, édité en 1977, même si d'autres dictionnaires avaient déjà proposé
antérieurement une description, peut-être plus qu'une définition, des matériaux et des techniques repérés sur les sites
archéologiques 229. Mais le dictionnaire édité sous la direction de Olivier Aurenche, bien qu'il propose une définition
très claire de la brique de terre crue, reste encore trop large en ce qui concerne le pisé et le torchis, particulièrement pour
le pisé auquel il accorde un "sens large" qui réunit tous les principaux matériaux de construction en terre. On notera par
ailleurs qu'aucune mention n'est faite de la bauge, alors que les sites néolithiques du Proche-Orient peuvent attester de
l'existence de ce type de matériau, vraisemblablement assimilé à un torchis ou à un pisé dans cette acceptation la plus
large. Finalement, cette confusion sémantique a été reconnue par le milieu de la recherche et a été débattue mais cette
clarification ne s'est véritablement opérée qu'au début des années 80, à l'occasion de certains congrès scientifiques
interdisciplinaires, réunissant archéologues, ethnologues et architectes qui ont inauguré leurs travaux en proposant une
228 Aurenche, Olivier (sous la direction de), Callot, Olivier (dessins), "Dictionnaire Illustré Multilingue de l'Architecture du Proche-Orient Ancien",
Institut français d'Archéologie de Beyrouth (Liban), publication hors série, Collection de la Maison de l'Orient Méditerranéen Ancien n° 3, Série
Archéologique 2, éditions de la Maison de l'Orient, Lyon, 1977, 391 p. Citons les définitions proposées par ce dictionnaire pour la brique crue, le pisé
et le torchis, qui entretiennent encore des confusions malgré la volonté évidente des auteurs de nuancer et bien référencer leur propos.
p. 40-42, "BRIQUE (f.) Élément de construction en *terre à bâtir préalablement modelé ou moulé. Arch. Dans la technologie antique on distingue
deux catégories de briques : les briques "crues", c'est-à-dire séchées à l'air et au soleil, et les briques "cuites" dans un four. Les matériaux de base,
dont la composition varie peu, restent les mêmes dans les deux cas : terre, eau et *dégraissant, le plus souvent végétal. D'après Canaan, 1933,30 on
n'emploie pas de sable dans la composition des briques ; Wulff, 1966,115 note cependant sa présence dans les briques cuites. Un deuxième critère
permet de distinguer d'un autre point de vue, les briques moulées et les briques non moulées ou modelées. A) Les briques crues. 1) Les briques
modelées. Ce sont, semble-t-il, les plus anciennes (cf. des sites comme Jéricho, Siyalk). Elles représentent une variante de la construction en *pisé
(voir ce mot) : au lieu de "monter" les murs en lits successifs de mortier frais, avec ou sans l'aide de banches, on prépare d'avance les mottes de terre
que l'on modèle à la main et qu'on laisse durcir par séchage avant l'emploi (alld. Lehmpatzen, angl. lump, persan, Kolukh). Elles prennent des formes
diverses allant du cylindre vaguement aplati (cigare) au parallélépipède plus ou moins régulier. Leur aspect donne lieu à des formules imagées : bun-
shaped, "en forme de petit pain" (cf. Perrot, 1968, col. 415), hog-baked, "en dos d'âne" (Perrot, 1968, col. 385; Mellaart, 1965, 32, à propos des
briques de Jéricho). Les archéologues français parlent de "pain de terre crue" (Perrot 1968, col. 385), de "boules d'argile" (Contenson et Van Liere,
1964, 111 et 1966, 169). 2) Les briques moulées. L'étape technologique suivante appelle l'usage du *moule (alld. Form, angl. mould, ar. qalib, persan,
qaleb). La méthode est décrite notamment par Thoumin, 1935, 10-11; Fathy, 1969, 118-120 et Appendix 1, p. 251-256; 1970, 152-154; Wulff, 1966,
109-111 et 115; Canaan, 1933, 30. Dans les deux cas, la brique "prend" par simple séchage à l'air et au soleil; cet aspect apparaît dans certaines
expressions anglaises ou allemandes : sun-dried bricks, luftgetrockneter Lehmziegel (Lenzen, 1960, 129), Luftziegel (Salonen, 1972, 12 et 34). Pour
faciliter l'adhérence lors de la pose on imprime parfois, avant le séchage, des trous alignés ou des lignes diagonales sur une des faces de la brique (cf.
Fathy, 1979, 36). Ce travail se fait à la main, d'où les expressions comme thumb-impressed bricks (briques à empreinte de pouce). Cette pratique est
connue dès la plus haute antiquité (cf. Dict. archéol. des techniques, I, 169). Il faut noter cependant que dans la plupart des cas, les expressions
simples telles que l'angl. mudbrick ou l'alld. Lehmziegel désignent des briques crues moulées (l'alld. Rohziegel, proposé par Oelmann, 1927 ne s'est
pas répandu). La taille des briques crues est très variable; cf. pour un ordre de grandeur, Wulff, 1966, 110; Thoumin, 1935, 30; et pour l'antiquité,
Dict. archéol. des techniques, I, 69 et 71; Moorey, 1964, 95-6; Naumann, 1971, 48-49. Dans le cas des briques moulées, la taille et le moule (brique,
demi-brique, quart de brique) dépendent du *moule."
pp. 138-139, "PISÉ (m.) (1) Matériaux : désigne toute *terre à bâtir à *dégraissant. (2) Mode de construction : *terre à bâtir à *dégraissant, tassée
dans des *banches. La variété d'emploi dans l'usage oblige à distinguer deux ordres de sens : les matériaux et le procédés de construction. Au sens
strict on ne devrait donner le nom de *pisé qu'aux constructions dont les murs sont montés au moyen de *banches entre lesquelles la terre à bâtir est
comprimée par tassement (c'est le sens propre du verbe piser, connu de Littré et repris par Larousse) ou simple piétinement (Thoumin, 1935, 9);
Braidwood et Howe, 1960, 40, qui cherchaient un équivalent à l'ar. tauf ont déjà fait cette remarque. Mais étant donné que dans toute terre à bâtir le
mélange de terre, d'eau et de *dégraissant est, au moment de la préparation, piétiné (alld. stampfen, kneten) pour assurer sa cohésion, comme le pisé
est piétiné dans les banches lors de la construction des murs eux-mêmes, une confusion a pu se produire dans l'esprit des observateurs (cf. la
distinction de Christensen, 1967, 91 entre Stampflehm - procédé de fabrication - et Lehmmörtel - matériaux -). Le mot pisé a donc tendance à
désigner, de façon générale, toute terre à bâtir à dégraissant. Mais le français possède un autre mot pour ce même matériau : c'est le mot *torchis, qui
fait allusion à une autre opération nécessaire pendant la préparation ; elle consiste à tordre la paille pour la couper avant de l'incorporer au mélange,
afin de la rendre plus assimilable. L'inconvénient est que le mot ne convient qu'à une terre à *dégraissant végétal … Ainsi, pour rendre compte de
cette diversité dans l'usage et tenter de clarifier la notion, on adoptera le parti suivant : Au sens large (sens 1), une construction en pisé sera plus ou
moins synonyme d'une construction en *terre à bâtir, étant bien entendu que toute terre à bâtir réclame un dégraissant. Dans ce premier sens on ne
préjuge ni du type de dégraissant (végétal, minéral, animal), ni du mode de construction : *mottes montées à la main avec ou sans banches, *briques
crues (qui au premier abord peuvent ne pas se laisser reconnaître, si elles sont recouvertes d'un enduit) etc… Au sens étroit (sens 2) une construction
en pisé désignera une construction en terre à bâtir, dont les murs ont été montés à l'aide de *banches. Cf. *terre à bâtir."
pp. 170 "TORCHIS (m.) Matériau fait de *terre à bâtir à *dégraissant végétal. Le dégraissant employé est le plus souvent de la *paille *hachée
parfois mêlée de *balle. Le torchis est monté en *mottes, tassé dans des *banches, ou façonné en *briques. Sous une forme liquide, il sert d'*enduit."
229 Dictionnaire archéologique des techniques, éditions de l'Accueil, Paris, 1963 et 1964, deux volumes.
Page 134
Hubert Guillaud
mise au point sur la terminologie des matériaux et des techniques de construction en terre 230. Néanmoins, il nous
semble encore indispensable de poser les définitions de cette terminologie des matériaux et des techniques de
construction en terre, comme préalable méthodologique à cette recherche visant à poser les repères d'une histoire des
cultures constructives en terre dans le monde qui n'aura cesse de s'y référer dans la description des sites et édifices
constituant le corpus des architectures de référence.
La terre qui sera utilisée pour bâtir en "cru" est toujours prélevée sous la couche de terre arable réservée à l'agriculture
ou aux travaux d'aménagement du paysage. Cette couche de terre superficielle est en effet trop riche en composants
colloïdaux et en matières organiques qui constituent l'humus et qui lui confèrent une nature instable, impropre à un
usage en construction. C'est donc plus profondément, à hauteur d'un horizon de sol dit "d'altération" ou "éluvial"
(horizon A2), qui succède à l'horizon de surface, qu'est prélevée la terre pour bâtir en "cru", riche en composants
graveleux, sableux, silteux et argileux. Cette profondeur varie selon l'épaisseur de la couche superficielle humifère et
organique. Mais chaque terre, selon sa situation géographique et climatique, est différente, et son potentiel d'utilisation
constructive variera selon la nature du mélange naturel de ses composants granulaires et de structure qui dépend de
l'évolution pédogénétique. La terre pour bâtir en "cru" est fondamentalement caractérisée par sa composition granulaire
définie par la nature et la quantité des agrégats qui la composent, par sa plasticité qui définit son aptitude à être
modelée, par sa compressibilité qui définit la possibilité de réduire sa porosité en la densifiant par compactage et enfin
230 Ce souci de clarification de la terminologie des matériaux et des techniques de construction en terre était très présent dans le milieu de la
recherche archéologique française au début des années quatre vingt. Des rencontres et des travaux ou communications publiées en rendent compte.
Par exemple, les débats qui ont eu cours à l'occasion d'un séminaire-rencontre archéologique organisé sur le thème de la construction en terre crue, par
P.- A. Février et C. Goudineau, à l'université d'Aix-en-Provence, le 27 mars 1982. Puis, le 2ème Congrès archéologique de Gaule méridionale auquel
nous avons assisté, qui s'est tenu à Lyon du 2 au 6 novembre 1983 et qui ouvrait ses travaux par une communication centrée sur la terminologie des
matériaux et des techniques de construction en terre se référant principalement à des ouvrages récents dont "Construire en terre" du CRATerre, op. cit.
On peut d'ailleurs s'étonner que les actes de ce congrès, "Documents d'Archéologie Française n°2", "Architectures de terre et de bois", éditions de la
Maison des Sciences de l'Homme, Paris, 1985, 191 p., ne rendent qu'à peine compte de ce débat sémantique introductif (1 page). Mais encore une
confrontation entre archéologues orientalistes et métropolitains et ethnologues autour d'une table ronde sur "l'approche ethno-archéologique de
l'habitat en terre crue", organisée à Martigues autour de l'exposition "Le quartier de l'Île à Martigues, six années de recherches archéologiques", le 1er
mars 1985. Ce souci de clarification de la terminologie est patent dans un article scientifique publié dans la Revue Aquitania, Tome 3, pp. 149-160, en
1985, signé de Mme Claire-Anne de Chazelles, archéologue et de Mr. Pierre Poupet, ingénieur-géologue, intitulé "La fouille des structures de terre
crue : définitions et difficultés", qui centre son propos sur "les techniques constructives" et sur les problèmes liés à l'identification des structures de
terre crue et de bois". Nous avons d'ailleurs eu des échanges par la suite avec Mme de Chazelles sur cette question car des travaux d'identification des
matériaux sur le site de Emporion (Ampurias) posaient quelques difficultés et je lui avais proposé un système de lecture devant associer plusieurs
niveaux d'analyse entre le matériel visible et les données des analyses de laboratoire du matériau, notamment en ce qui concerne les analyses de
granulométrie et de plasticité.
Page 135
Hubert Guillaud
par sa cohésion qui traduit les propriétés des agrégats à être liés entre eux. Ces "texture", "plasticité", "compressibilité"
et "cohésion", sont les quatre propriétés fondamentales qui définissent la possibilté d'une terre à être utilisée pour bâtir
des ouvrages.
La science contemporaine de la construction en terre a récemment comparé la terre utilisée pour bâtir en "cru" à un
"béton maigre". De fait, on peut faire une analogie entre le matériau utilisé pour la construction en terre crue et le béton.
Les deux matériaux contiennent du gravier et du sable qui, considérés isolément, ne présentent aucune cohésion et ne
peuvent être utilisés tels quels en construction, sauf s'ils sont liés par un autre composant naturel ou artificiel. Dans le
béton, c'est le ciment qui joue ce rôle de liant alors que dans la terre crue, c'est l'argile. Mais celle-ci est très instable et
connaît des variations de volume en présence d'eau qui la soumette à un processus de gonflement suivi d'un retrait au
séchage. Trop d'argile peut nuire à la stabilité du matériau terre crue et produire d'importants désordres dont le plus
courant est la fissuration. Les propriétés cohésives de l'argile sont telles qu'il suffit d'une petite quantité pour garantir la
cohésion du "béton maigre de terre". Ainsi, grosso modo, il suffira d'une proportion de 15 à 25 % d'argile dans le
matériau, alors qu'il faudra au moins 45 % de sables fins et grossiers et une part suffisante de petits graviers pour donner
à la terre crue une bonne cohésion et une bonne structure, une bonne résistance mécanique. La terre essentiellement
argileuse destinée à être cuite n'offre qu'une cohésion temporaire en absence d'eau et se liquéfie en sa présence. Seule la
chaleur de la cuisson par le feu, à relativement haute température, peut la stabiliser et autoriser son emploi en
construction traditionnellement sous forme de briques cuites.
231 Cette mise au point fait référence à des articles scientifiques et techniques que nous avons précédemment publiés. In : Guillaud, Hubert,
"Techniques anciennes et modernes", article, pp. 33-48, in Dethier, Jean, "Architecture de Terre ou l'avenir d'une tradition millénaire", réédition du
catalogue de l'exposition du Centre Georges Pompidou, Paris, 1986, op. cit. In : Houben, Hugo et Guillaud, Hubert, "Traité de Construction en Terre",
éditions Parenthèses, Marseille, mai 1989, op. cit., Chapitre 101, "Diversité", pp. 13-15, Chapitre 502, "Modes d'utilisation", pp. 114-115, Chapitre
801, "Modes d'utilisation de la terre", pp. 161-188. In : CRATerre-EAG, Guillaud, Hubert, in "La terre crue : des matériaux, des techniques et des
savoir-faire au service de nouvelles applications architecturales, remise à jour n° 46 de l'Encyclopédie du Bâtiment, éditions Techniques-éditions
Eyrolles, Paris, 1990, cahiers techniques 2135, 16 p., 2135-1, 16 p., 2135-2, 16 p. et 2135-3, 18 p.
232 On peut en effet rappeler ici les grandes étapes institutionnelles qui ont progressivement confirmé une mobilisation internationale sur la question
spécifique de la conservation des patrimoines architecturaux construits en terre. L'initiative doit être créditée au Comité Iranien de l'ICOMOS (Comité
International des Monuments et des Sites) qui organisait la "Première Conférence Internationale pour la Conservation des Monuments de Brique
Crue", à Yazd, Iran, du 25 au 30 novembre 1972. Ce même pays et cette même ville accueillaient ensuite la "Deuxième Conférence Internationale
pour la Conservation des Monuments de Brique Crue", du 6 au 11 mars 1976, toujours sous l'égide de l'ICOMOS. Venaient ensuite les "Rencontres
sur la préservation de l'Adobe", organisées par le Comité Nord Américain de l'ICOMOS et l'ICCROM (Centre International pour l'Étude de la
Conservation et Restauration des Biens Culturels), à Santa Fe, Nouveau Mexique, États-Unis, du 3 au 7 octobre 1977. Une "Troisième Conférence
pour la Préservation de la Brique Crue (Adobe)" étaient réalisée à l'initiative conjointe des Comités de l'ICOMOS et de l'ICOM de la Turquie et de
l'ICCROM, à Ankara, du 29 septembre au 4 octobre 1980. Puis une "Conférence Internationale et un Atelier de Formation pour la Conservation de
l'Adobe", conjointement organisés par l'ICCROM et le "Projet sur le Patrimoine Culturel Régional" de l'UNDP (Plan des Nations Unies pour le
Développement) et de l'UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture), à Lima, Cusco et Trujillo, Pérou, du 10
au 22 septembre 1983. L'ICCROM et le CRATerre (Centre International pour la Construction en Terre de l'École d'Architecture de Grenoble, France),
prenaient l'initiative d'organiser une "Cinquième Rencontre Internationale des Experts en Conservation d'Architecture de Terre", à Rome, Italie, les 22
et 23 octobre 1987. Cette cinquième réunion marque une étape décisive sur les orientations données en matière de recherche et de formation
puisqu'elle sera à l'origine de la mise en place d'un projet cadre institutionnel sur "la Préservation des Patrimoines Architecturaux en Terre", le Projet
GAIA, conjointement fondé par l'ICCROM et le CRATerre, en 1989. Ce projet prendra l'initiative d'organiser, conjointement avec le Comité Nord
Américain de l'ICOMOS, l'Institut Getty pour la Conservation, le Musée des Monuments de l'État du Nouveau Mexique et le Service du Parc
National de la Région sud-ouest, la "Sixième Conférence Internationale pour la Conservation de l'Architecture de Terre", "Adobe' 90", à Las Cruces,
Nouveau Mexique, États-Unis, du 14 au 19 octobre 1990. Puis, le Projet GAIA, conjointement avec la Direction Générale des Bâtiments et
Monuments Nationaux (DGEMN) du Portugal, la Mairie de Silves et le Comité International de l'ICOMOS sur l'Architecture de Terre, organisaient la
"Septième Conférence Internationale pour l'Étude et la Conservation de l'Architecture de Terre, à Silves, Portugal, du 24 au 29 octobre 1993. Ce sont
là 25 années décisives, en cette fin de XXème siècle qui témoignent d'un effort et d'un engagement des institutions gouvernementales et non-
gouvernementales en faveur du développement d'activités spécifiques de recherche, de formation professionnelle, de coopération technique et de
Page 136
Hubert Guillaud
comme cette importance quantitative et qualitative des architectures de terre dans le monde n'ont rien a envier à celles
qu'autorise l'emploi d'autres matériaux traditionnels, pierre, bois ou briques cuites, car la terre crue est sans doute l'un de
ces matériaux traditionnels qui a offert le plus grand éventail de réalisations constructives et architecturales, en
application de ces douze familles de modes d'utilisation du matériau et de leurs variantes que nous présentons par la
suite. La contribution que nous apportons ici ajoute à un propos essentiellement technique qui a été offert jusqu'à
présent par la littérature contemporaine sur la construction en terre que l'on a référencé, en situant la description de ces
principales familles de mise en œuvre du matériau dans une perspective d'évocation de nature historique.
Une douzaine de modes d’utilisation du matériau terre brièvement situés dans l’histoire
La littérature technique et scientifique retient douze principaux modes d'utilisation associés à trois grandes familles de
solutions constructives où la terre est soit associée à la réalisation préalable d'une structure portante ou porteuse, soit
utilisée sous forme de construction monolithique et massive, soit enfin sous forme de maçonnerie en petits éléments. A
chacun de ces modes de mise en œuvre de la terre crue et à chacune de ces familles de solutions constructives
correspondent des familles d'architecture.
documentation, en faveur de la définition d'une politique et de stratégies propres à la conservation des patrimoines architecturaux construits en terre
dans le monde.
233 Deux principaux ouvrages rendent compte de cet habitat troglodytique creusé dans l'épaisseur du loess, en Chine, qui fonderont les références de
notre recherche sur l'histoire dans ce vaste pays : Dunzhen, Liu, "La Maison Chinoise", Collection Architectures, éditions Berger Levrault, Paris,
1980, 234 p. (édition originale, Pékin, 1957) et Loubes, Jean-Paul ,Clément, Pierre (préface), "Maisons Creusées du Fleuve Jaune, l'architecture
troglodytique en Chine", éditions Créaphis, Paris, 1988, 141 p.
234 Voir l'ouvrage de Nabokov, Peter et de Easton, Robert, "Native American Architecture", éditions Oxford University Press, New York, 1989, 431
p.
Page 137
Hubert Guillaud
contemporains de cette architecture paysagère enterrée nous est fourni par les ensembles de bureaux de l'Unesco,
à Paris 235.
235 Voir aussi les travaux et réalisations de l'architecte ingénieur français Henri Vidal à l'origine d'un procédé constructif de terre armée et de
construction d'habitats enterrés conçu en application du principe d'écailles en béton retenant un massif de terre réalisé en couches de terre fortement
compactées. Des dalles préfabriquées en béton posées en appui sur ces écailles constituant un mur de soutènement et sur une ossature métallique en
façade, permettent ensuite de réaliser une toiture en terre couvrante. Des constructions de ce type ont été réalisée dans la région de Nice, dans les
années 80. Voir Vidal, Henri et al., "Architecture habitat-paysage", in Annales ITBTP, Paris 1981.
236 Il nous a été donné d'observer cette utilisation contemporaine du mortier romain et du principe d'une maçonnerie de blocage en moellons de
pierre ou en blocs de terre comprimés stabilisés, à Cuba, au cours de ces dernières années, notamment dans les provinces de Matanzas et de
Cienfuegos. Ce principe constructif a été réactualisé par des expérimentations développées par le Centre Technique des Matériaux de Construction de
La Havane, dans le cadre d'une recherche de solutions de construction à faible coût répondant aux impératifs de crise économique du pays soumis au
blocus des États-Unis d'Amérique et traversant une période dite "spéciale", à la suite de l'effondrement de l'URSS et des pays du bloc des pays de l'Est
qui exportaient jusqu'alors leurs technologies de préfabrication lourde en béton armé vers Cuba et cessèrent brutalement toute coopération
économique avec l'île.
237 L'architecte iranien Nader Khalili connu dans les années 80 pour avoir travaillé en faveur d'une réactualisation de la construction en terre dans
son pays, sous le règne du Shah qui favorisait l'importation des matériaux et techniques de construction occidentales, avait expérimenté un processus
de vitrification des parements intérieurs de maçonneries de terre crue en allumant de grands feux dans les pièces de ses édifices. Cet architecte depuis
lors exilé aux États-Unis d'Amérique, en Californie, a aussi mené à titre expérimental d'autres expérimentations visant à développer des systèmes
constructifs à partir de sacs de toile remplis de sable ou de terre, empilés puis enduits au mortier de ciment. Le procédé retenait récemment l'intérêt
des services du bureau résident du PNUD de Téhéran pour la réalisation de logements très économiques destinés au relogement des populations
sinistrées par la guerre entre l'Iran et l'Irak. Nous en avons été informé par les services du PNUD lors d'une entrevue, en 1995, alors que nous étions
en Iran pour collaborer avec l'Unesco à la définition d'un plan de conservation pour le site de Tchoga Zanbil. Ce même principe de construction en
sacs de toiles remplis de terre, sous forme de boudins empilés maintenus en place par une armature en bambou a été également développé, à titre
expérimental, en 1978, au Guatemala, par l'architecte-ingénieur allemand Gernot Minke, du GHK de Kassel. Voir Minke, Gernot, in "Alternatives
Bauen", Gesamthochschul-Bibliothek, Kassel, RFA, 1980.
238 Au début des années 80, la Société Immobilière de Mayotte (SIM), en charge du développement d'un vaste programme d'habitat social sur
l'ensemble de cette petite île des Comores sous tutelle politique et administrative de la France, a expérimenté ce procédé de réalisation d'habitat à
ossature bois, grillagée en parement extérieur et intérieur, ensuite remplie de nodules de terre latéritique dure puis enduits de terre. Le procédé prit la
dénomination de maison "kripi".
Page 138
Hubert Guillaud
239 Se reporter à l'ouvrage de Ake Gustavson, "Les Vikings" qui propose des restitutions de l'habitat scandinave aux 5ème et 6ème siècles et de la
maison danoise du 9ème siècle. Voir aussi le remarquable ouvrage de Jean Chapelot et de Robert Fossier, "Le village et la maison au Moyen Age",
1980, op. cit. et plus particulièrement le chapitre III, "La maison et ses annexes dans l'habitat rural du haut Moyen Âge", pp. 79-135. D'autres
évocations de ces habitats des régions d'Europe Septentrionale et centrale au Moyen Age sont fournies par la récente collection du Grand Larousse
"Découvertes Junior", éditions Larousse et Gallimard, Paris, 1991, Tome 3, "Le monde avant l'an mille", pp. 542-543, "Le village" (entre le 6ème et
le 10ème siècle), pp. 548-549, "La famille viking", pp. 558-559, "Une ville-comptoir" (Hedeby en Suède), pp. 562-563, "Le pays russe".
240 Voir l'ouvrage de Miles Lewis, "Victorian Primitive", 1977, op. cit., pp. 9-12.
241 Ce procédé a pu être encore observé, récemment, au Burkina Faso, où les bâtisseurs prélèvent dans l'épaisseur du sol et sur plusieurs couches qui
constituent une véritable carrière, des blocs de plinthite qui une fois laissé à sécher à l'air deviennent aussi durs qu'une roche tendre et résistants à
l'eau. En Lybie, le même procédé d'extraction de blocs de terre à même le sol a été développé de façon mécanisée, dans les années soixante, à l'aide de
scies circulaires tractées.
Page 139
Hubert Guillaud
la littérature française du XVIIIème siècle, notamment dans les écrits de François Cointeraux (1740-1830) qui le
développa sous l'appellation de "nouveau pisé" et qui inventa, semble-t-il, la première presse, en application du principe
du pressoir à raisin, et qu'il dénomma la "crécise"242. Ce procédé a sans doute été utilisé au cours du XIXème siècle
dans les pays d'Europe où les écrits de Cointeraux, traduits en anglais, allemand, italien, danois et même finlandais 243,
ont connu un important rayonnement. On en retrouve la description dans la littérature allemande, éditée en R.D.A., aux
lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, alors que ce pays doit faire face à d'énormes programmes de
reconstruction244. Le procédé décrit est tout à fait similaire à celui mis au point par François Cointeraux, cent quarante
années avant. La technique du compactage des blocs de terre à l'aide de presses ne s'est véritablement développée qu'à
partir des années cinquante de ce siècle, dans des situations de nouvelle impulsion donnée à la construction en terre
pour la réalisation en nombre d'habitats économiques. C'est en effet l'ingénieur colombien Raül Ramirez, du centre de
recherche et d'expérimentation CINVA de Bogota, en Colombie, qui inventa la fameuse presse "Cinva-Ram", dont la
diffusion internationale fut très large jusque dans les années soixante et dix avant de donner naissance à une nouvelle
génération de presses manuelles dérivées de sa conception, mais considérablement améliorées du point de vue de leur
résistance et durabilité245. La technologie du bloc de terre comprimée a connu une fantastique avancée, au cours des
années 80 et 90, dans le cadre de la réalisation de programmes d'habitat économique dans de très nombreux pays en
développement, en Afrique et en Amérique latine mais aussi sur le sous-continent indien. Ces deux dernières décennies
permettaient de constituer une véritable science de cette technologie.
L'autre procédé de compression de la terre pour réaliser des maçonneries est le "pisé", qui utilise traditionnellement des
coffrages en bois et des pilons également en bois. La culture du pisé est très répandue dans le monde. On peut en effet
l'observer dans la plupart des pays riverains de la Mer Méditerranée Occidentale, c'est à dire dans les pays du Maghreb
(Tunisie, Algérie, Maroc), en Espagne, mais également au Portugal, en France, en Italie, en Suisse mais très peu en
Europe septentrionale et centrale (Angleterre, Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Danemark) où elle n'a connu que des
développements limités et principalement au XIXème siècle sous l'impulsion du rayonnement de la traduction des écrits
de François Cointeraux diffusés par les sociétés d'agriculture ou sciences et arts illuministes. En effet, c'est la France, en
Europe Occidentale qui offre les plus beaux témoignages d'une architecture traditionnelle en pisé dans la moyenne
vallée du Rhône, le val de Saône, en Dauphiné, Bresse, et dans le Forez, où la typologie architecturale du pisé est l'une
des plus variées et belles du monde. Cette typologie rassemble des fermes et granges, maisons bourgeoises et châteaux,
églises, manufactures et usines de filature, cités ouvrières, mairies et écoles. La culture constructive du pisé y fut
pratiquée jusque dans les années cinquante après avoir connu un renouveau spectaculaire au cours de la fin du
XVIIIème siècle et tout au long du XIXème siècle avec le rayonnement de la pensée des physiocrates qui impulsèrent
une amélioration des conditions de vie et de logement des campagnes françaises et plus largement européennes. Aux
époques pré-révolutionnaire, un architecte, Georges-Claude Goiffon, publiait "l'Art du Maçon Piseur"246 qui allait être
un ouvrage de référence pour beaucoup de propriétaires terriens soucieux d'améliorer leurs domaines. François
Cointereaux (1740-1830), architecte-entrepreneur d'origine lyonnaise que l'on a déjà évoqué, fut un ardent propagateur
de cette technique en créant, à Paris et en Province, une "École d'Architecture Rurale" et en assurant la promotion d'un
"nouveau pisé" par ses nombreux essais et pamphlets (on en compte pas moins de 72). Ces écrits devaient être traduits
en plusieurs langues (Anglais, Allemand, Italien, Danois, Russe) par des architectes contemporains célèbres (Henry
Holland en Angleterre, 1797, David Gilly en Allemagne, 1821) et favorisaient un large développement moderne du pisé
en Europe centrale, et jusqu'en Australie et aux États-Unis d'Amérique. Au-delà de cet espace européen, on retrouve la
242 Cointeraux, François, "Cahiers d'École d'Architecture Rurale" (quatre cahiers), publiés à Paris entre 1790 et 1791, op. cit. Voir aussi, du même
auteur, "Du nouveau pisé, ou de l'art de faire le pisé par appareil", Paris, 1806, 19 p. Ou encore, "Description curieuse et instructive des modèles en
pisé et autres, que l'on voit dans l'atelier du Sieur Cointeraux, 1806, 20 p. Les planches de ces opuscules de Cointeraux qui décrivent le procédé de
moule, en forme de deux grosses poutres compartimentées par des closoirs en bois et maintenues par des charges latérales en butée, ont été largement
reproduites dans les traductions étrangères des écrits de Cointeraux. Nous pensons notamment ici, à l'édition allemande de l'intégralité des "Cahiers
d'École d'Architecture Rurale", réalisée à l'initiative d'un professeur de philosophie de l'Université de Leipzig, en 1803 : "Cointeraux, François, "Die
Pisé-Baukunst in ihrem ganzen Umfang", Leipzig, 1803, 195 p. Une réédition récente a été produite par ZA Reprint, toujours à Leipzig, 1989, 206 p.
243 Nous avons réalisé une recherche sur cette question du rayonnement international de l'œuvre littéraire de François Cointeraux, encore inédite.
Guillaud, Hubert, CRATerre-EAG, "Les grandes figures du patrimoine régional Rhône-Alpes, François Cointeraux (1740-1830), pionnier de la
construction moderne en pisé", Grenoble, mars 1994, 48 p.
244 Fauth, Wilhelm, "Der praktische Lehmbau", éditions Limes Verlag, Wiesbaden, 1946, 130 p.
245 Cette fameuse presse Cinva-Ram fut fabriquée sous licence en France par les établissements Japy-Peugeot qui contribuèrent à sa diffusion dans
de nombreux pays africains. Pour mieux connaître cette nouvelle génération de presses produites depuis les années soixante et dix voir les
publications du CRATerre-EAG, de l'École d'Architecture de Grenoble, dont, "Construire en Terre", 1979, op. cit.,amendé et réédité en 1985 puis
encore récemment édité aux éditions l'Harmattan, Paris, en 1996. Voir aussi Hugo Houben et Hubert Guillaud, "Traité de Construction en terre",
éditions Parenthèses, 1989, op.cit. et plusieurs guides sur les matériels de production des blocs de terre comprimée récemment édités avec le concours
du Centre de Développement Industriel de Bruxelles, Belgique.
246 Goiffon, Georges-Claude, "L'art du maçon piseur", Librairie Le Jai, Paris, 1772, op. cit.
Page 140
Hubert Guillaud
culture constructive du pisé en Extrême-Orient, en Chine, avec les très surprenantes réalisations des maisons-forteresses
claniques des Hakka du xian de Yongding, au Fujian, qui abritent jusqu'à vingt familles. On peut aussi repérer
l'existence du pisé au Bouthan et au Ladakh, sur les territoires escarpés des contreforts himalayens. Bizarrement, cette
culture ne fut pour ainsi dire pas développée au cours de l'histoire, dans les régions du Proche et du Moyen-Orient,
largement supplantée par la technique de la maçonnerie en brique crues. La construction en pisé existe également en
Amérique latine où elle fut semble-t-il développée par les Incas, notamment au Pérou, alors que son développement
plus large sur ce sous-continent doit être situé au cours des époques coloniales espagnoles et portugaises qui
l'importaient de la péninsule ibérique et l'y introduisaient, au Mexique, au Venezuela et en Équateur où elle est désignée
par le vocable "tapial" et au Brésil où elle est dénommée "taipa", termes qui semblent être d'origine arabe et maure 247.
Mais quelle est l'origine supposée de cette technique du pisé ? D'aucuns disent qu'elle est d'origine romaine, d'autres
phénicienne ou tyrienne, ou punique (Carthage). Parmi les témoignages des auteurs anciens, on doit relever celui de
Pline l'Ancien qui évoque la construction en pisé en "Barbarie" (Afrique) et en Espagne248, attestant de la réalité d'une
pratique punique de ce procédé de mise en œuvre. Pline vécu en effet sous les règnes de Tibère et de Titus, entre 23 et
79 du Ier siècle ap. J.C., et l'on peut s'étonner qu'il n'ait pas repéré cette technique du pisé sur les territoires romains
d'Italie. On remarquera par ailleurs que Vitruve 249 n'en fait pas non plus état, lui qui vécut et écrivit ses fameux "Dix
Livres de l'Architecture" à la fin de ce même Ier siècle. Pourtant, Varron, qui vécut au Ier siècle av. J.C mentionne la
construction de murs en pisé qu'il observa en territoire sabin250. Mais on pourrait penser que le terme latin "pinsare" qui
signifie broyer, piler ou battre n'ait pu désigner que le pilage des "tesserae" (éclats de briques cuites) dans les
maçonneries de blocage, à l'aide d'un simple bâton, la "fistuca", et que les formes élaborées du pisé, soit la mise en
œuvre de la terre seule, en coffrages et par compactage en couches successives, ait pu être introduite en quelques
régions rurales, sous influence du rayonnement de la culture constructive punique et qu'elle ait pu être généralisée plus
tardivement, en milieu rural, si l'on prend en compte les écrits de Palladius, au Vème siècle ap. J.C., qui mentionne
également la construction de murs de clôture avec ce procédé 251. En tout cas, les pratiques puniques du pisé ne sont pas
seulement évoquées par les écrits de Pline l'Ancien mais bien réellement, par les fouilles qui ont été menées sur la
colline de Byrsa, site fondateur de la ville de Carthage. On peut l'observer en effet sur les vestiges du fameux quartier
dit "d'Hannibal"252, daté du IIème siècle av. J.C., où demeurent des pans de parois en pisé comme d'autres d'ailleurs en
briques crues, interposés en remplissage de colonnes de structures bâties en pierres, principe qui répond à l'opus
africanum énoncé par les romains décrivant Carthage. Quoiqu'il en soit, la culture constructive du pisé est demeurée
très présente dans l'espace méditerranéen occidental jusqu'aux époques actuelles. Les influences arabes puis maures
liées à l'expansion de l'Islam entre le VIIème et le début du Xème siècle, auront sans aucun doute contribué au
développement de cette culture constructive du pisé dans l'ensemble des territoires du Maghreb et sur la péninsule
ibérique, avec, il se pourrait, des pénétrations de cette culture jusqu'au centre de la France et notamment en Auvergne
où la typologie du pisé demeure bien différente de celle que l'on peut observer dans la vallée du Rhône et de la Saône
qui serait davantage d'origine gallo-romaine. Ce sont là des hypothèses de recherche qui doivent être encore
247 En effet, on doit distinguer cette filiation sémantique du vocable espagnol, "tapial", "tapia" et "tabia" ou encore "tâbiya" en andalou ainsi que du
vocable portugais, "taïpa" qui a également donné le terme "tapy" de la langue d'Oc adopté en provençal, de l'autre filiation sémantique dérivée du
latin "pinsare" qui signifie broyer, piler, battre et qui a donné les termes français pisey, pisay ou pisé. Pour la première filiation sémantique, le
chercheur André Bazzana, dans une communication présentée à Silves, Portugal, lors de la 7ème Conférence internationale sur la Conservation et
l'Étude des Architecture de Terre, "Terra 93", communication intitulée "La construction en terre dans Al-Andalus : le Tabiya", (pp. 76-82 des
communications publiées par la DGEMN du Portugal, op. cit.). Citons l'auteur : "L'origine du terme est bien claire : tapial - ou tabia - est la
transcription hispanique directe du mot tâbiya, attesté au Maghreb al-Asqa et qui transparaît sous la forme de toub en Ifriqiya ; c'est le même mot qui,
en pays occitan - tapia - désigne la même réalité, qui concerne moins le matériau lui-même que sa technique de mise en œuvre." On notera aussi que
le terme d'origine arabe "luh" ou "leuh" encore couramment employé au Maroc (Vallées du Drâa et du Dadès) fut aussi employé en Espagne,
notamment dans les régions de Alicante et de Valencia.
248 Pline l'Ancien, in "Naturae Historiarum", XXXV, 48, op. cit. : "N'y a-t-il pas en Afrique et en Espagne des murs de terre dits murs banchés,
parce qu'on les jette dans des banches entre des parois plutôt qu'on ne les construit ? (…) L'Espagne voit encore aujourd'hui les postes de guet
d'Annibal et les tours de terre placées sur le sommet des montagnes."
249 Vitruve, "De Architectura", II 1, II 3, II 8., op. cit. Vitruve s'attarde en effet à décrire la production des briques de terre crue et à évoquer quelques
exemples d'architectures prestigieuses construites avec ce matériau.
250 Varron, in "Res Rusticae", I, 14, 40, op. cit. : "un mélange de terre et de graviers agglomérés dans des moules".
251 Palladius, in "Opus agriculturae", I, 34, Les Belles Lettres, Paris, op. cit. : "Il existe plusieurs sortes de clôtures. Certains cultivateurs, en
enfermant de la boue entre des formes, en font qui ressemblent un peu aux murs de briques."
252 Nous nous sommes rendus sur le site en avril 1996, guidé par l'archéologue responsable du site et avons effectivement constaté l'existence de ces
systèmes de construction mixtes qui associent la pierre, la brique de terre crue et le pisé. Ne pas confondre évidemment avec les bases de "colonnes"
en pisé, très visibles sur le site, qui correspondent à un système de fondation mis en œuvre par les romains pour édifier une plateforme sur laquelle ils
ont ensuite construit la basilique et le forum qui demeure sur la partie haute de la colline de Byrsa. Voir aussi : Lancel, Serge (sous la direction de),
Mission Archéologique Française à Carthage, Rapports préliminaires des fouilles (1974-1976), 2 volumes, "Byrsa I", 337 p. et "Byrsa II", 417 p.,
Collection de l'École Française de Rome, 41, éditions de l'École Française de Rome, Palais Farnèse, 1979.
Page 141
Hubert Guillaud
développées. En France, la culture constructive du pisé est demeurée pleinement vivante tout au long de la première
moitié de ce XXème siècle et finissait par être désuète vers les années cinquante. Mais ce ne fut pas un arrêt définitif
car, les années 70 et 80 allaient lui donner un nouveau souffle253. En effet, cette technique connaît alors un nouveau
développement pour des applications à l'architecture contemporaine des logements et des édifices publics. De nombreux
projets ont été réalisés au cours de ces vingt dernières années, non pas tant en France mais surtout aux États-Unis
d'Amérique et en Australie 254, avec de nouveaux procédés de coffrages grimpants métalliques et un compactage
dynamique du matériau à l'aide de fouloirs pneumatiques, dérivés de l'industrie traditionnelle de la fonderie, procédés
de mise en œuvre qui rompent avec la tradition du petit coffrage en bois déplacé de façon horizontale et linéaire et du
compactage manuel à l'aide de pilons, dames ou pisoirs, héritée de la cultures constructive en pisé des temps anciens.
Ces progrès de la technique du pisé lui réservent un réel avenir d'autant que la construction en terre devient désormais
intimement associée aux développements d'un nouveau mouvement culturel en faveur d'une architecture écologique ou
"bioarchitecture" qui mobilise de plus en plus de professionnels, organisés en réseau 255, en France, en Allemagne et en
Italie pour ce qui est du contexte européen. Cette nouvelle idéologie de l'habitat "propre" ou de la maison "saine"
s'étend aussi à d'autres pays industrialisés du monde alors que, dans les pays en développement, ce sont les intérêts
économiques d'un abaissement des coûts de production et de construction, ainsi que ceux de l'installation de filières de
production artisanales ou semi-industrielles, créatives d'emplois et de plus-value monétaire, qui motivent, si ce n'est une
renaissance, une continuité d'existence des cultures constructives en terre.
253 L'année 1973 qui correspond à une crise majeure dans le secteur de l'énergie pétrolière va avoir des répercussions directes sur de nouvelles
recherches et expérimentations dans le secteur du bâtiment et le domaine des matériaux et des techniques de construction peu consommateurs
d'énergies, pour leur production comme leur mise en œuvre. Dans ce contexte, le renouveau de la construction en terre apparaît être une alternative
crédible. Les premières expériences réalisées par l'ADETEN, à Vignieu, en Isère, association d'étudiants architectes de l'Unité Pédagogique
d'Architecture de Grenoble, lesquels fonderont ensuite le CRATerre en 1979, vont inaugurer une nouvelle époque d'investissement dans la recherche,
l'expérimentation et les projets qui sera par ailleurs très soutenue, au plan culturel et médiatique par l'exposition "Des Architectures de terre" présentée
au Centre Georges Pompidou en 1981-82, puis par un appui gouvernemental accordé à la recherche dans ce domaine. Mais, paradoxalement, ce n'est
pas en France, malgré une nouvelle démonstration donnée par le projet du "Domaine de la Terre" de l'Isle d'Abeau (1983-85) que la culture
constructive du pisé connaîtra les développements les plus significatifs. C'est en effet aux États-Unis d'Amérique et en Australie que le pisé va
s'imposer comme une technique de construction pleine d'avenir.
254 Cette renaissance du pisé aux États-Unis a débuté à la fin des années soixante et dix à l'initiative de pionniers, d'entrepreneurs et d'architectes
parmi lesquels on doit citer l'avocat David Miller et son épouse Lydia, demeurant à Greeley dans le Colorado, fondateurs du "Rammed Earth
International Institute" qui publiait des manuels puis une bibliographie sélective sur le pisé : Miller, David et Lydia, "Rammed Earth. A selected
bibliography", 1982 et Miller, David et Lydia, "Manual for building a rammed earth wall", 1980, op. cit. On doit également citer l'entreprise Schmidt
Builders de San David, Sud de l'Arizona et l'ingénieur-architecte David Easton en Californie, à l'origine des premières nouvelles réalisations
architecturales d'habitat en pisé qui vont peu à peu conforter un nouveau marché pour cette technique dans le sud-ouest des États-Unis. Voir Easton,
David, "The rammed earth experience", Wilseyville, Blue Mountain Press, 1982. D'autres professionnels suivront. En Australie, ce même mouvement
en faveur d'une renaissance du pisé démarre simultanément à l'initiative du constructeur Steve Dobson, société RAMTEC, à Perth, Western Australia
et de l'architecte David Oliver, à Buderim, Queensland. Ces deux constructeurs en pisé ont été depuis lors à l'origine de réalisations architecturales en
pisé, privées et publiques, de grande qualité.
255 Un réseau des professionnels allemands de la construction en terre s'est constitué sous l'appellation de "Lehmbau" qui se réunit régulièrement
depuis ces dernières années et également en Angleterre sous la dénomination "Out of Earth". Le réseau terre français qui aurait pu voir le jour dès le
début des années 80 grâce à des soutiens gouvernementaux demeure encore à ce jour très informel.
256 In Christian Seignobos, "Nord Cameroun, Montagnes et Hautes Plaines", éditions Parenthèses, 1982, op.cit., pp. 112-114.
Page 142
Hubert Guillaud
très élaboré 257. On a également repéré des applications de ce procédé de façonnage direct en Amérique centrale, au
Mexique, pour l'édification de greniers. Cette technique du façonnage direct remonte aux temps les plus anciens des
cultures africaines. On peut en effet observer des greniers, de taille assez modeste et rassemblés dans des sites protégés
d'accès difficile, réalisés en application de ce procédé, sur les sites de la culture Nok du Nigeria, datés de l'Age du Fer
(500 av. J.C. - 200 ap. J.C.) 258. La question qui doit être encore posée est celle de l'étude scientifique de ces procédés
de mise en œuvre de la terre crue en façonnage direct. Car jusqu'à présent, si ces cultures ont été décrites par
l'observation du patrimoine architectural visible, elles n'ont pas réellement fait l'objet d'une analyse détaillée des savoir-
faire. Or, l'on pense savoir que la préparation du matériau et sa composition sont essentielles pour permettre la
réalisation de telles constructions à parois minces qui se comportent certes comme des coques de forme conique ou
semi-sphériques répartissant de façon homogène les contraintes sur l'ensemble de leur surface, mais dont la résistance et
la durabilité aux agents de dégradation atmosphériques demeurent toujours surprenante. Les savoir-faire sont très
variés, dans chacune des régions mais on peut constater que la terre utilisée à l'état plastique et toujours amendée, lors
de sa préparation, de matériaux naturels de nature végétale et organique, sans compter les jus résultant de la décoction
de plantes qui ont un effet stabilisant. Les dernières décennies qui ont accéléré, en Afrique, une rapide évolution et des
mutations sociales et culturelles en imposant le modèle de la grande ville et de l'abandon d'une grande partie des zones
rurales par un processus d'immigration intérieure vers ces nouveaux centres urbains, rendent de plus en plus désuètes
ces techniques de construction en façonnage direct dont les savoir-faire tendent à s'éteindre. Certaines de ces cultures
constructives mériteraient d'être inscrites au Patrimoine de l'Humanité pour que nous puissions en garder la mémoire259.
257 Parmi ces ouvrages et articles scientifiques qui constitueront une partie de notre corpus de référence sur l'architecture africaine, citons les suivants
: Labouret, H., "L'Habitation de l'Afrique noire", 1931, op. cit. ; Prussin, Labelle, "Sudanese architecture and the Manding", in African Arts, vol. III,
n°4, 1970, op. cit. et "Architecture in Northern Ghana. A study of forms and functions", Berkeley, 1969, et, "West African Mud Granaries", in
Paideuma, 1972 ; Fassassi, M.A., "L'Architecture en Afrique Noire", Cosmoarchitecture, éditions Maspero, Paris, 1978 ; Gardi, René, "Maisons
africaines", éditions Elsevier, Paris-Bruxelles, 1974 ; Seignobos, Christian, "Nord Cameroun, Montagnes et Hautes Terres", op. cit.; Bourdier, J.P. et
Minh-Ha, T.T., "African spaces, Designs for living in Upper Volta", 1985, op. cit. ; Bourgeois, J.L. et Pelos, C., "Spectacular Vernacular, a New
Appreciation of Traditional Desert" 1983, op. cit., réédité et augmenté en 1989 sous l'intitulé "Spectacular Vernacular, The Adobe Tradition", aux
éditions Aperture Foundation Inc., New York, 191 p. ; CRATerre-EAG, sous la direction de Doat, Patrice, Bardagot, Anne-Monique, Guillaud,
Hubert, Houben, Hugo, Joffroy, Thierry, Rigassi, Vincent, Rollet, Pascal, Vitoux, Frençois, "Étude sur les avoirs constructifs au Burkina Faso",
éditions CRATerre-EAG, 1991, 192 p.
258 Il nous a été donné de visiter ces sites en 1988, alors que nous initions un projet de développement sur la construction en terre pour l'habitat, dans
la région de Jos, État du Plateau, avec le soutien du Ministère des Affaires Étrangères de la France en collaboration avec la Commission Nationale des
Musées et Monuments du Nigeria.
259 On peut relever ici l'initiative heureuse de l'association française "Patrimoine sans frontières", qui réalise actuellement une étude sur la culture
constructive des cases Mousgoum au Cameroun et au Tchad, en essayant simultanément de contribuer à maintenir les savoir-faire par la réalisation de
nouveaux projets.
Page 143
Hubert Guillaud
bâtisseur. On le repère en effet en Chine, sur le site néolithique de Banpo, de culture Yangshao, implanté sur les
plateaux loessiques dominant la vallée du Huang (près de Xi'an, province du Shaanxi) et datant su IVème millénaire av.
J.C. La bauge n'y est pas le procédé constructif le plus développé car les habitats sont plutôt en ossatures de bois
vraisemblablement hourdées de torchis mais on a repéré le principe d'un mur bahut en terre empilée qui semblait retenir
ou protéger la base d'une structure élevée au-dessus du sol, de plans carré, correspondant à la période tardive du site et
qui semblerait avoir été la résidence d'un chef de tribu ou un édifice de réunion des membres d'un clan260. L'utilisation
constructive de ce procédé de terre empilée était toujours développée par la suite, aux époques Longshan (est et sud-est
de la Chine) dont les établissements étaient plus vastes que ceux de la culture Yangshao, de type permanent et ceints de
murailles de terre empilée261. L'utilisation de la bauge, en Chine semble avoir régressé au delà de l'époque des Han
(IIème siècle av. J.C.) au profit de la brique crue développée dès l'époque des Royaumes Combattants (IVème siècle av.
J.C.) puis du pisé qui semble apparaître à l'époque des Trois Royaumes (IIème siècle ap. J.C.) et enfin au profit de la
brique cuite largement développée sous la dynastie Tang entre le VIème et le IXème siècle pour la construction des
palais et des habitats et édifices publics des villes, la terre crue étant alors réservée pour la construction des habitats
populaires et pour les fortifications généralement élevées en pisé 262. Dans d'autres régions du monde, on repère
l'utilisation de la bauge depuis des temps très anciens. C'est par exemple le cas en Amérique centrale, sur le fameux site
de Paquimé, État de Chihuahua au Mexique. Ce site, découvert au début du XVIIIème siècle 263, fait partie de la
Culture des Hohokam qui s'est épanouie au Sud-Ouest des États-Unis et au Nord du Mexique, entre le IIIème siècle av.
J.C. et jusqu'au XVème siècle de notre ère. L'occupation du site est assez récente dans l'histoire et a été située par
Charles Di Peso entre 700 et 1660 ap. J.C., selon trois périodes successives : la Vieille (700-1060 ap. J.C.), la Moyenne
(1060-1340 ap. J.C.) et la Tardive (1340-1660 ap. J.C.). Ce qui retient notre intérêt justifiant l'évocation de ce site, c'est
tout d'abord son ampleur puisque les ruines couvrent près de 50 hectares et ensuite, ce qui nous semble être un
quiproquo quant à l'interprétation du mode de mise en œuvre du matériau terre pour l'édification de murs des édifices
aujourd'hui ruinés. Les documents dont nous disposons 264 montrent des murs ruinés construits en levées de terre
successives mais abondamment fissurés, attestant de la mise en œuvre du matériau terre a un état plastique ayant opéré
un important retrait au séchage. Hors, les hypothèses qui ont été faites sur la technique de construction de Paquimé
semblent pencher en faveur d'un matériau coffré en application du principe d'utilisation de banches en bois, tel que l'on
pourrait en utiliser pour réaliser du pisé. La distinction doit être clairement établie ici entre la différence des teneurs en
eau de mise en œuvre du matériau terre pour une bauge, dressée à l'état très humide, voire plastique et pour le pisé,
élevé à l'état très peu humide qui permet justement de compacter le matériau et réduit considérablement son retrait au
séchage. Du principe de la bauge coffrée, nous ne connaissons que de très rares applications, certaines ayant été
repérées en Angleterre, dans le Devon, vraisemblablement à partir de la fin du XVIIème siècle. Pour ce qui concerne
l'Amérique centrale et latine, il semblerait que le pisé n'ait été que très rarement développé, peut-être par les Incas (site
de Puruchuco, par exemple) mais certainement plus largement introduit par les colons espagnols et portugais, au
XVIème siècle. Nous repérons là un exemple possible de cette confusion sur l'identification et la dénomination d'un
matériau, d'un mode de mise en œuvre et d'une technique de construction en terre. Au delà de ces considérations, il faut
rappeler que le procédé de construction en terre empilée ou "bauge" a perduré dans l'évolution des cultures
constructives, en Europe, jusque vers la fin du XIXème siècle et à de rares exception jusqu'au tout début de ce XXème
260 In Dunzhen, Liu, "La Maison Chinoise", éditions Berger-Levrault, Paris, 1980, 234 p., p. 12 et p. 41.
261 Voir "Atlas Archéologique universel", de David et Ruth Whitehouse, traduction de Joëlle Chalavoux, éditions Tallandier, Paris, 1978, 290 p.,
"Les sites néolithiques de Chine", p. 210.
262 Beijing (Pékin) a conservé des restes de ses fortifications en pisé jusque dans les années cinquante de ce XXème siècle.
263 La première visite attestée de la vallée de Casas Grandes, fut entreprise en 1766 par Nicolas de Lafora qui a brièvement décrit les ruines. Mais la
zone avait été investie depuis 1536 par une expédition conduite par Alvar Nuñez Cabeza de Vaca, puis en 1564 par une autre expédition conduite par
Francisco de Ibarra dont le chroniqueur, Baltazar de Obregon évoque la vision d'établissements en terre, abandonnés. Le premier anthropologue
professionnel qui étudia la zone et en fit une description plus large et détaillée, fut Adolfo Bandelier, en 1855, suivi de Carl Lumholtz, en 1898.
D'autre visites ont été effectuées au début de ce siècle, par Hewett, en 1906, puis Alfred V. Kidder, dans les années 20, Eduardo Noguera en 1926 et,
dans les années 30, plusieurs archéologues, tels Brand, Sayles et Lister. Le site ne fut formellement fouillé qu'entre 1958 et 1961, sous la direction de
Charles Di Paso.
264 Le site a été visité par un des collègues de notre laboratoire de recherche, en 1990, à l'occasion de la 6ème Conférence Internationale sur la
Conservation des Architectures de Terre, Adobe 90, Las Cruces, Nouveau Mexique, États-Unis, qui nous en a rapporté de belles images. Nous
disposons également d'extraits du rapport des campagnes de fouilles de Charles Di Paso, "Casas Grandes : a fallen trading center of the Grand
Chichimeca", Amerind Foundation Inc., Dragoon, Flagstaff, 1974, et d'une thèse présentée à l'École Nationale de Conservation, Restauration et
Muséographie, "Manual Del Castillo Negrete", de l'INAH, México, par Maragarita Carolina Castellanos Avila, intitulée "Hacia una propuesta
Integral de Conservacion Para Sitios Con Arquitectura De Tierra, Paquimé : Un Estudio De Caso", Mexico, 1995, 165 p. Ce document restitue
l'hypothèse d'un matériau coffré, émise par Charles Di Paso, pp. 90-96.
Page 144
Hubert Guillaud
siècle 265. On a récemment pu observer un nouvel intérêt pour ce mode de construction avec une évolution de la
technique consistant à préfabriquer au sol des unités parallélépipédiques de bauge et à les élever puis mettre en place à
la grue, comme on le ferait pour réaliser des objets en "lego" ou "duplo" 266 mais ici, à échelle grandeur. Le procédé,
développé dans la région de Rennes, à notre connaissance, est resté expérimental bien qu'il ait été appliqué à la
réalisation d'un projet de maison privée 267. La construction en bauge demeure une culture constructive vivante dans
beaucoup de régions du monde et on peut encore très couramment l'observer dans plusieurs pays d'Afrique (Sénégal,
Burkina Faso, Madagascar) comme sur le sous-continent indien. Il n'est pas impossible qu'elle connaisse de nouveaux
développements dans le cadre de la réalisation de projets d'habitats très économiques.
265 Les maisons les plus récentes construites en application de ce procédé, en France, dans les régions de Vendée, Ille-et-Vilaine, Cotentin et
Bretagne, ainsi que celles construites en "cob" dans le Devon, en Angleterre, semblent en effet remonter à cette époque.
266 Jeux d'enfants, développés par les scandinaves, consistant à assembler des petits éléments en plastique de différentes couleurs, généralement de
forme parallélépipédique, pour construire des maquettes de maisons ou autres objets.
267 Mme Mayvonne Rigourd, Architecte dplg, Rennes.
268 Mellaart, James, "Earliest civilizations of the Near East", éditions Thames and Hudson, Londres, 1965.
269 D'après Aurenche, Olivier, "Du village à la ville", chapitre "Le Proche-Orient préhistorique", in "Le Grand Atlas de l'Archéologie" Universalis,
1985, op.cit., pp. 168-168
270 D'après "Les sites du Proche-Orient de la fin de la préhistoire et de la protohistoire", in "Atlas d'Archéologie universel", de David et Ruth
Whitehouse, éditions Tallandier, op. cit. , p. 94.
Page 145
Hubert Guillaud
J.C.) comme en témoignent les sites de Moxèque, Pallka et Sechin Alto qui nous lèguent de volumineux massifs en
briques coniques striées et bâties en position verticale au mortier de boue, parés de pierres en extérieur271. La culture
constructive de la brique conique est aussi présente en Afrique où elle fut très développée au Mali, connue sous
l'appellation de "Djenné-ferey" 272 et en territoire des Haoussa du Nord du Nigeria, région du fameux "Bakwaï" des
neuf Cités-États (Xème et le XIXème siècle de notre ère). Elle y est identifiée sous le vocable haoussa de "tubali"273.
L'observation des architectures traditionnelles bâties en terre dans cette zone du Nord du Nigeria, depuis l'État du
Plateau (Jos), montre assez typiquement le passage d'une culture constructive en bauge et en façonnage direct (groupe
Rukuba, par exemple) à la culture constructive en briques tubalis, typiquement haoussa.. Beaucoup d'habitats, à
l'interface de ces cultures, montrent une évolution toute récente vers l'emploi de briques aux formes parallélépipédiques,
rectangulaires, qui relègue désormais l'emploi de la tubali aux temps révolus ou la réserve à des travaux de restauration
d'édifices du patrimoine national classé 274. Enfin, on connaît aussi l'existence d'une tradition de culture constructive en
briques coniques dans les pays du Moyen-Orient et notamment au Sultanat de Oman dont les territoires prolongent ceux
du Yémen, au sud-est de la péninsule arabique. Ce pays doté d'un remarquable patrimoine d'établissements humains en
situation d'Oasis, à l'intérieur des terres et dans les vallées qui entaillent la dorsale du Djebel Hadjar, ainsi que d'un
patrimoine prestigieux de tours de guet et forteresses dominant ces établissements, témoigne de cette grande tradition
constructive en briques coniques. La citadelle de Fort Bahla, site occupé depuis les époques perses sassanides tardives
(Vème et VIème siècles), et qui fut une capitale politique et administrative de cette région en des temps anciens, est
aujourd'hui très ruinée. On y peut voir ces masses de murs, dressées avec de telles briques coniques s'élevant à des
hauteurs impressionnantes. Le site est classé sur la Liste du Patrimoine Mondial en Péril de l'Unesco est fait aujourd'hui
l'objet d'un plan de conservation275.
La culture constructive de la terre moulée sous forme de briques parallélépipédiques, qui répondait à une organisation
sociale et économique contrôlée de la production des matériaux pour la réalisation d'édifices en plus grand nombre et
pour la construction des premières villes, est confirmée dans l'espace mésopotamien, au Vème millénaire av. J.C. Mais
il semblerait que cette culture se soit développée antérieurement, avant l'apparition des civilisations urbaines
progressivement inaugurées par les premiers établissements sumériens de la basse plaine du Tigre et de l'Euphrate. Par
ailleurs, il semblerait que l'avancée technologique introduite par l'invention de la brique crue moulée soit liée à une
évolution de la forme du plan de l'habitat qui passe du plan circulaire au plan rectangulaire. Cette mutation radicale peut
être observée au début du VIIIème millénaire sur les sites de Mureybet et de Cheikh Hassan, en Syrie276. Cette
production organisée des briques crues peut en effet être observée au Proche-Orient et notamment dans les régions
271 Nous avons récemment visité ces sites de la vallée de Casma, en novembre 1996, à l'occasion de la réalisation du "Ier Cours Panaméricain sur la
Conservation et la Gestion du Patrimoine Architectural Historique-Archéologique en Terre", conjointement organisé par le Projet Gaia (CRATerre-
EAG/ICCROM), l'Institut pour la Conservation Paul Getty de Los Angeles, États-Unis et l'Institut National de la Culture du Pérou. Une excursion sur
les sites de la vallée de Casma nous a permis d'observer de très beaux specimens de ces brique coniques striées, exposées dans le musée de site de
Cerro Sechin, puis de prendre des mesures des dimensions de ce même type de briques sur le site de Sechin Alto qui affichent une base circulaire de
35 à 40 cm pour une hauteur allant parfois jusqu'à 60 cm. Ces dimensions ont semblé très variables et attestent d'un procédé de facture manuel,
artisanal, sans moule.
272 In Gardi, B., Maas, P., Mommersteeg, G., "Djenné, il y a cent ans", 1994, op. cit.
273 Le "Bakwaï" des Cités-États Hausa du Nord du Nigeria comprenait les villes de Zaria, Kaduna, Daura, Katsina, Kano, Sokoto, Biram, Gobir et
Rano qui ont constitué jusqu'aux époques précédant l'indépendance du pays (années 60) des émirats indépendants.
274 Nous avons travaillé dans ces régions entre 1988 et 1993, dans le cadre d'un projet de développement soutenu par le Ministère des Affaires
Étrangères de la France, en collaboration avec la Commission Nationale des Musées et Monuments du Nigeria. En visitant le territoire haoussa, nous
avons constaté que de très rares maîtres-maçons étaient les gardiens de ce savoir-faire de la construction en tubalis et aussi en arcs de terre armée de
bois d'azara qui est une culture propre à ces régions. Quelques jeunes mais rares maçons constituent la nouvelle génération détentrice de ces savoir-
faire comme nous pouvions alors le constater sur un chantier de restauration d'une grande salle du palais de l'Émir de Daura. Dans la ville de Jos
existe un Musée des Architectures Traditionnelles Nigérianes, le MOTNA, qui réunit une sélection de copie des édifices les plus représentatifs de la
typologie architecturale en terre du pays. Ceux qui relèvent de la tradition haoussa comme la restitution de la vieille mosquée de Zaria et une partie
des murailles de la ville de Kano, ont été construits avec ces briques coniques tubalis. Chaque année, après la saison des pluies, on peut observer les
équipes d'entretien du MOTNA en train de produire de nouvelles briques tubalis et de restaurer les parties des édifices affectées par les pluies. Pour
une étude plus détaillée de cette culture constructive, on se reportera à un ouvrage de référence de Dmochowsky, Zbigniew, (lequel fut à l'origine du
MOTNA), "An Introduction to Nigerian Traditional Architecture", 3 volumes, éditions Etnographica, 1990, op. cit., et plus particulièrement le
Volume I.
275 L'origine du site de Bahla est évoquée par Sir Donald Hawley, in "Oman", Londres, 1977, p. 124. Dans le cadre des développements de ce plan
de conservation, nous avons effectué plusieurs missions en qualité d'expert, à la demande du Centre du Patrimoine Mondial de l'Unesco. Notre
première mission consistait notamment à apporter une assistance technique pour la remise en route de la production des briques crues coniques et
d'autres types de briques parallélépipédiques destinées à être utilisées pour les travaux de consolidation et de restauration. Le savoir-faire local pour la
production des briques coniques ayant totalement disparu, il fallu avoir recours à des techniques de moulage à l'aide de formes tronconiques en métal
qui, hélas, donnent des résultats bien différents en regard des briques traditionnelles.
276 Voir : Aurenche, Olivier, op. cit.
Page 146
Hubert Guillaud
d'Anatolie, dès la fin du Néolithique. On connaît bien l'importance de Çatal Hüyük 277 (6400-5600 av. J.C. pour les
niveaux XII-o, les plus profonds, sans avoir atteint le sol vierge) qui s'étend sur 13 hectares et qui restitue une culture
constructive déjà très élaborée associant le bois et la brique crue. Çatal Hüyük traduit une volonté de conception
architecturale à travers les douze niveaux successifs qui ont été fouillés sur la façade orientale du tertre, avec un
principe de plan décrivant une structure en nid d'abeilles qui semble se répéter sur chacun des niveaux. Les habitations
de plan rectangulaire possèdent chacune leurs propres murs mais sont bâties les unes contre les autres et conforment des
blocs autour de cours aux dimensions variables. On ne peut repérer ni rues, ni ruelles ou venelles et il semblerait que les
occupants aient accédé à leurs habitations ainsi disposées en gradins successifs en passant par les toitures, une échelle
donnant dans l'espace de la cuisine. Les murs des pièces principales de chaque habitation sont construits en briques
crues de dimensions standard, rectangulaires, attestant de facto le principe du moulage organisé. Ces parois de briques
sont élevées sur des soles en bois de grosse section, elles-mêmes posées sur des soubassements en briques crues. De
gros piliers en bois sont régulièrement interposés dans l'épaisseur de ces murs en briques crues et semblent avoir
supporté des poutres pour les toitures plates. Il s'agit donc d'un principe très élaboré de structure en ossature bois
hourdée de briques crues qui traduit un degré évolué de la culture constructive. Les murs sont enduits de plâtre et ceux
des sanctuaires sont finement décorés de peintures murales représentant des scènes de chasse ainsi que de reliefs
également en plâtre qui semblent avoir été régulièrement repeints. D'autres sites datés de la même époque ont été mis au
jour en Anatolie (Çayönu, Suberde, Hacilar) et en Syrie (Tell Ramad), ainsi que dans les régions septentrionales de
l'Irak et de Iran, qui semblent montrer que l'ensemble de ces sites étaient liés par des relations d'échanges commerciaux.
A Tell Ramad, situé à une vingtaine de kilomètres au Sud de Damas, les fouilles ont révélé des niveaux d'occupation
datés du VIIème millénaire (niveau I, le plus ancien). On y a découvert des cabanes semi-entérrées, en terre. Dans le
niveau II, daté du VIème millénaire, les fouilles ont révélé "des maisons rectangulaires à parois en briques crues sur
fondations de pierre" 278. La culture néolithique ancienne des sites anatoliens semble avoir pris fin aux débuts du Vème
millénaire et le centre dynamique anatolien se serait alors déplacé vers l'est, en Mésopotamie du Nord, marquant la
naissance de la culture d'Halaf. L'Âge du Bronze ancien (IIIème millénaire av. J.C.) montre en effet que les cultures du
sud-est anatolien et des territoires orientaux de l'actuelle Syrie sont en étroit contact avec les cités de Mésopotamie.
En Mésopotamie, les premières cultures basées sur l'agriculture irriguée apparaissent dans le Nord, au Néolithique
tardif, soit à partir du VIème millénaire av. J.C., les territoires du Sud n'ayant semble-t-il pas été occupés avant le début
du Vème millénaire av. J.C. À la première phase du Nord, baptisée Hassuna-Samarra (5600-4500 av. J.C.), succèdera la
culture d'Halaf qui s'étendra sur une grande partie des territoires septentrionaux de Mésopotamie, au cours de la
deuxième moitié du Vème millénaire. Ces époques décrivent une nouvelle phase d'évolution de l'habitat qui se traduit
par une modification de l'organisation de l'aménagement intérieur, avec un agrandissement notoire des espaces. La
brique crue semble alors être le vecteur qui autorise cette mutation des structures. Dans la moyenne vallée du Tigre,
l'époque de Samarra (Vème millénaire) semble correspondre à l'apparition d'exploitations agricoles de taille plus
importante qui révèlent une organisation de leur plan en succession de pièces plus nombreuses distribuées par des
circulations intérieures complexes. La culture constructive évolue vers une "massification" des structures avec des
solutions de murs en briques crues plus épais stabilisés par des systèmes de contreforts intérieurs et aux angles des
édifices qui peuvent vraisemblablement soutenir un étage. Les fouilles du village de Sawwan ont révélé ce type de
grandes fermes couvrant une superficie de 150 à 200 mètres carrés, regroupées à l'intérieur d'un mur de clôture et
construites en briques crues moulées. Elles montrent l'existence de parfois plus de dix pièces communiquant entre elles
en enfilade. Chacune de ces fermes est disposée isolément, ménageant ainsi des espaces entre elles pour circuler
librement ou parquer le bétail 279. L'époque halafienne qui a cours durant la deuxième moitié du Vème millénaire et
jusqu'au début du IVème millénaire, marquant le passage à l'époque de El Obeid (vers 3700 av. J.C.), semble traduire
une étape de plus grande maîtrise de la culture constructive en brique crue comme peut en témoigner le village
d'Abbadeh, sur les hauteurs de la chaîne du Zagros, non loin de la haute vallée du Dyala. Les maisons de ce village
construit vers 4000 av. J.C., témoignent d'une organisation des pièces autour d'un grand espace central avec un escalier
277 Mellaart, James, "Çatal Hüyük, a neolithic town in Anatolia", 1967, op. cit. Le site de Çatal Hüyük demeure le plus grand site néolithique du
Proche-Orient. Il a été fouillé au début des années soixante durant quatre campagnes menées en 1961, 1962, 1963 et 1965. Voir : Mellaart, James,
"Çatal Hüyük, une ville à l'âge de la pierre polie", in "Les Grandes Civilisations Disparues", éditions de Sélection du Reader's Digest, Paris Bruxelles
Montréal Zurich, 1980, 319 p., pp. 6-11. Voir aussi : "Avant les premières villes : le Proche-Orient de 8000 à 300 av. J.C.", in "Le Grand Atlas de
l'Histoire Mondiale", éditions Encyclopaedia Universalis, 1981, op. cit., pp. 40-41.
278 Voir : de Contenson, Henri, "Tell Ramad, village syrien des VII° et VI° Millénaires", in Revue Archeologia n° 33 de mars-avril 1979, p. 69-73.
L'auteur évoque pour ce niveau I des "habitations comportant des foyers et de grands bassins, également en pisé, qui sont probablement des silos".
Cette dénomination de "pisé" est sans doute impropre et participe de cette confusion sémantique sur les matériaux et les techniques que nous avons
précédemment évoquée. Elle résulte sans aucun doute d'une grande difficulté d'identification du matériau visible à ce niveau car pour le niveau II,
daté du VI° millénaire, l'auteur parle d'une utilisation de la brique crue.
279 Voir : Aurenche, Olivier, Ibid.
Page 147
Hubert Guillaud
qui aurait conduit à un étage. L'un des bâtiments du village, en implantation centrale, peut être distingué par sa taille et
un décor original en forme de pilastres. Il peut ainsi témoigner d'une forme de hiérarchisation sociale et constituer une
préfiguration d'une architecture de caractère public280. Une autre révolution technique de cette époque semble avoir été
la capacité des bâtisseurs en briques crues à réaliser les premières coupoles en encorbellement. De telles structures d'un
diamètre de plus ou moins quatre mètres ont été en effet révélées par les fouilles réalisées sur les sites de Tell
Arpachiyah, dans le Niveau II de Yarim Tepe et dans les Niveaux XX1 et XVII2 de Tepe Gawra281. En Basse
Mésopotamie, au début du IVème millénaire, à Tell el'Oueili, non loin de Larsa, des édifices de taille importante
révèlent des systèmes de fondations massifs en briques crues et construites en maillage très serré de murets qui auraient
pu fournir une assise solide pour des greniers 282. Au cours de la deuxième moitié du IVème millénaire, les territoires
de la boucle de l'Euphrate, dans les régions les plus occidentales du chenal du fleuve en territoire syrien, portent des
établissements de caractère urbain qui témoignent de l'existence de brillantes civilisations ayant généralisé la culture
constructive de la brique crue. La célèbre cité de Mari283, dont les niveaux les plus anciens actuellement connus datent
du Bronze moyen (IIIème millénaire) semble succéder à d'autres établissements antérieurs qui présentent également un
caractère urbain et qui ont été découvert beaucoup plus récemment, entre la fin des années 60 et le début des années 70.
Il s'agit des sites de Tell Qannas, fouillé par une mission belge dirigée par André Finet, et du site de Habouba Kabira,
fouillé par une mission allemande, sous la direction du Pr. E. Heinrich et de Mme E. Stommenger. Ces deux sites
voisins sont datés du milieu du IVème millénaire (vers 3400 ou 3300 av. J.C.) et contemporains de la période
mésopotamienne d'Uruk correspondant à la "révolution urbaine". Les deux ensembles qui révèlent des structures
massives à niches et redans, en briques crues, semblent résulter d'un véritable transfert de la culture constructive
mésopotamienne d'Uruk (située en Basse Mésopotamie) et serait alors des établissements de type colonial284. Les
fouilles menées sur le site de Ebla, sur les territoires nord occidentaux de Syrie, par une mission italienne, confirment
encore le développement d'une architecture monumentale en briques crues au cours du IIIème millénaire, directement
influencée par les cultures constructives de Mésopotamie. A dater de ces époques de l'Âge du Bronze Moyen, la
construction des villes dans l'espace du Proche-Orient et de la Mésopotamie étendra très largement le rayonnement de la
culture constructive de la brique crue et cela jusqu'aux époques babyloniennes et assyriennes avant que la Mésopotamie
ne passe sous domination des Perses (fin du VIème siècle av. J.C.). Cette culture constructive est toujours très présente
dans cet espace, aujourd'hui partagé entre l'Iraq et l'Iran, où les architectures vernaculaires et traditionnelles
contemporaines peuvent toujours en témoigner.
Mais le mode de mise en œuvre de la terre crue sous forme de briques moulées ne fut pas seulement l'apanage des
civilisations du Proche et du Moyen-Orient. On retrouve en effet son emploi dans beaucoup d'autres régions du monde
et depuis des temps très anciens ou plus récents. On ne peut omettre de citer ici la civilisation égyptienne qui a
commencé à développer cette culture constructive dès les époques pré- dynastiques récentes et à la fin du Gerzéen
(3400-3200 av. J.C.) alors qu'entraient en rivalité les deux royaumes rivaux de Haute et de Basse- Égypte occupant
respectivement les territoires situés en amont et dans l'espace du Delta du Nil. Des témoignages d'emploi de la brique
crue pour cette époque prédynastique existent mais elle ne semble pas avoir été utilisée à grande échelle. L'unification
de ces deux royaumes par le légendaire Roi Ménès, vers 3200 av. J.C., qui inaugurait l'époque des premières dynasties
pharaoniques (période Thinite), allaient confirmer l'introduction, vraisemblablement sur influence mésopotamienne,
puis l'extension de la construction en briques crue dont peuvent témoigner des mastabas funéraires à Saqqarah et
Naqada ainsi que des tombes à Abydos285. Même si le processus de pétrification de l'architecture égyptienne est engagé
par la construction de la pyramide à degrés de Djoser, à Saqqarah, par Imhotep, pendant la IIIème dynastie (à partir de
Page 148
Hubert Guillaud
2660 av. J.C.), puis confirmé par les grandes pyramides de Gizeh et de Meidoum, pendant la IVème dynastie (à partir
de 260 av. J.C.), la culture constructive de la brique crue restera permanente tout au long de l'histoire dynastique
égyptienne, jusqu'aux temps de la conquête de l'Égypte par les Assyriens, en 663 av. J.C., et de son annexion par
l'empire Achéménide, par Cambyse, en 522 av. J.C. Certes, l'utilisation des briques crues aura été principalement
réservée à la construction des habitats populaires alors que les temples, palais et sanctuaires égyptiens furent pour
majorité construits en pierres. Mais on relèvera ici l'utilisation de la maçonnerie en briques crues, élevée sur des
soubassements de pierre, pour des ensembles de caractère urbain et même pour des villes entièrement nouvelles. Tel fut
le cas de la pyramide de Sésostris II (Moyen Empire, XIIème dynastie et début du XIXème siècle av. J.C.), et de la cité
de El-Lahoun (Kahoun), qui a révélé un tissu très dense d'habitat établi à l'intérieur d'une enceinte rectangulaire de
briques crues de 400 sur 350 mètres de côtés. Les rues décrivent un tracé orthogonal et la cité est divisée en secteurs
résidentiels qui traduisent à l'évidence une hiérarchisation sociale de la population avec, en partie ouest, un quartier de
petites maisons d'artisans, mitoyennes, et en partie est, la ville des fonctionnaires. Les deux secteurs sont séparés par un
mur de briques crues. Tel fut encore le cas de Deir el-Medineh, cité artisanale de Thèbes édifiée sous le Nouvel Empire
(1552-1070 av. J.C., XVIIème à XXème dynasties) et traduisant le principe d'un tissu de caractère urbain très resserré
avec des habitations au plan caractéristique de pièces en enfilade qui sera d'ailleurs repris pour la cité artisanale de Tell
el-Amarna286. Quand Aménophis IV-Akhenaton (1372-1354 av. J.C.), qui s'oppose au culte d'Amon, décide de quitter
Thèbes et d'édifier une nouvelle capitale pour l'Égypte, Akhetaton (dont le nom actuel est Tell el-Amarna), afin d'y
installer le dieu Aton, il choisit une plaine désertique située sur la rive droite du Nil, entre Thèbes et Memphis, en
Moyenne Égypte. Les ruines de cette cité qui fut abandonnée, rasée et recouverte de chaux, à la mort du pharaon
hérétique, s'étendent sur une quinzaine de kilomètres de long et sur une largeur de presque cinq kilomètres, entre les
rives du Nil et d'abruptes falaises calcaires. La pierre n'y fut employée que pour les bâtiments les plus importants,
officiels et religieux, qui occupent le centre urbain. Les systèmes constructifs de ces édifices ont associé la pierre à la
brique crue. Quant aux quartiers populaires et aux maisons des petits fonctionnaires, qui s'étendent dans la partie nord
de la cité, ils furent intégralement construits en briques crues. Les fouilles ont également révélé de riches demeures aux
vastes pièces et avec jardins d'agrément, sans doute occupées par des familles nobles, qui furent construites en briques
crues. Ces maçonneries de terre furent enduites à la chaux et peintes de vives couleurs287. L'emploi des briques crues,
en Égypte, a aussi été réservé à l'édification d'une architecture militaire défensive. C'est ce dont témoignaient
remarquablement les vestiges de la forteresse de Bouhen, élevée au Moyen Empire et située sur la deuxième cataracte,
avant qu'elle ne fut immergée sous les eaux du Lac Nasser. Il s'agit d'une véritable place forte avec tours, bastions et
murs à redans qui souligne le danger que pouvait alors représenter le royaume voisin et méridional de l'Égypte, celui de
Koush288. Les briques utilisées pour construire cet édifice sont d'assez petite taille, aux dimensions de 32 x 15 x 8 cm et
des poutres de bois ont été posées, à intervalle régulier, dans l'épaisseur des couches de briques289. Enfin, on doit noter
que les bâtisseurs égyptiens ont parfaitement maîtrisé l'art de bâtir en voûtes et en coupoles. C'est ce dont témoignent,
parmi beaucoup d'autres vestiges, les célèbres Greniers du Ramesseum (Ramses II, XIXème dynastie), à Louxor. Cet art
de bâtir en voûtes et coupoles en briques crues fait partie de la culture constructive égyptienne et notamment des régions
de Basse-Nubie, comme on peut encore le voir aujourd'hui dans la région d'Assouan, où elle fut également utilisée à
merveille par les bâtisseurs des édifices religieux coptes tel qu'on peut encore l'observer sur les ruines du Monastère de
Saint Siméon d'Assouan, construit au Xème siècle ap. J.C. Lorsque l'architecte égyptien Hassan Fathy 290 actualisera
cette culture constructive des voûtes et coupoles en briques crues et lui donnera un rayonnement international par ses
réalisations, à Gourna (1945-1956) et sur ses nombreux projets de villas luxueuses, il ne faisait que prolonger cette très
ancienne tradition. Il allait alors inaugurer une nouvelle ère d'existence pour cette culture exceptionnelle qui fait
aujourd'hui référence pour l'enseignement des architectes dans plusieurs facultés ou écoles d'architecture du monde291.
286 Voir : Pfirsch, Luc, "Urbanisme et architecture civile", chapitre sur l'Égypte, in "Le Grand Atlas de l'Architecture Mondiale" Universalis, op. cit.,
pp. 122-123.
287 Voir : Pfirsch, Luc, "Urbanisme et architecture civile", op. cit., et Faton, Jeanne, "Akhenaton, Pharaon novateur", in revue "Archeologia", n° 171,
octobre 1982, pp. 64-75.
288 Voir : Leclant, Jean, "Abou Simbel et la Nubie", chapitre "L'Égypte et le Soudan", in "Le Grand Atlas de l'Archéologie" Universalis, op. cit., pp.
206-207.
289 Dimensions mentionnées par A.J. Spencer, évoquant les relevés de Clarke Somers et les travaux de L. Wooley & D.R. Melver, p. 105, op. cit.
290 Fathy, Hassan, "Construire avec le peuple", 1970, op. cit.
291 Un bon exemple de pédagogie du chantier fondée sur la pratique de la maçonnerie en briques où les étudiants-architectes réalisent des maquettes
à échelle grandeur en voûtes et coupoles, est donné par l'enseignement de Ière année de l'École d'Architecture de Grenoble avec un exercice intitulé
"la cathédrale en chantier" (Prof. Patrice Doat).
Page 149
Hubert Guillaud
La culture constructive de la brique crue a aussi été le vecteur du développement d'un habitat sédentaire puis de
l'urbanisation, dans des temps anciens et sous d'autres horizons. On l'observe effectivement en Extrême-Orient, dans la
Vallée de l'Indus, dès les époques néolithiques précéramiques et durant la période préharappéenne, au cours du VIème
millénaire av. J.C. Sur les piémonts du Baluchistan (actuel Pakistan), le site de Mehrgarh, dont les niveaux les plus
anciens sont datés du VIIème et VIème millénaires, offre à voir des structures en briques crues décrivant des bâtiments
quadrangulaires divisés en quatre à six pièces symétriques, qui ont été excavées par les archéologues. D'autres
constructions présentent un système de compartiments ou de caissons qui pourraient être un vaste ensemble de
structures de stockage bâties sur des terrasses retenues par des murs de soutènement292. L'urbanisation de l'Indus qui se
confirme à la fin du IVème millénaire et au début du IIIème va préfigurer la multiplication de grandes cités dont les
principes de conception élaborée, organisée autour de vastes greniers, de grands bains publics et décrivant un tissu
dense d'habitat quadrillé par des rues et ruelles recevant en leurs axes des systèmes d'égouts, seront portés à leur apogée
avec Mohenjo Daro et Harappa. Dans ces vastes établissements, la brique de terre crue est alors associée à la brique
cuite qui constitue un parement de protection. Mais la brique crue restera aussi employée seule, comme principal
matériau de construction des établissements humains de cette région, tel qu'en témoigne l'agglomération de Pirak,
toujours au Baluchistan, qui couvre 9 hectares et dont la fondation est datée de 1700 av. J.C. Cette ville qui sera
occupée jusque vers 700 av. J.C. présente, au début de l'Âge du Fer, soit vers 1100 av. J.C., un tissu urbain très dense
constitué d'habitations s'élevant sur deux niveaux dont les murs en briques crues sont percés de niches symétriques293.
Cette civilisation de l'Indus pourtant très développée et prospère, qui a compté près de 250 établissements de caractère
urbain, s'est rapidement effondrée entre le XVIIème et le XVIIème siècle av. J.C. On peut alors observer un glissement
des influences harappéennes vers les piémonts himalayens puis en direction de la Vallée du Gange. Dans le millénaire
qui suit, la brique crue reste encore le principal matériau de construction puis la naissance de la civilisation védique,
dans la moyenne vallée du Gange, à partir du Vème siècle av. J.C., va peu à peu imposer un processus de pétrification
de la construction des ouvrages publics, la brique de terre n'étant alors réservée qu'aux habitats populaires. C'est ce dont
témoigne encore l'Inde contemporaine, dans beaucoup de ses régions.
Enfin pour conclure cette approche panoramique de l'histoire de la culture constructive de la terre moulée, nous
évoquerons les civilisations des régions côtières de l'Océan Pacifique, en Amérique latine, poursuivant notre propos
introductif sur des époques qui précédaient l'emploi de la brique crue moulée et privilégiaient l'emploi de la brique
conique façonnée à la main (Cerro Sechin et Sechin Alto). Ainsi, et toujours au Pérou, les formes urbaines primitives
apparaissent dès l'Horizon moyen, soit entre 800 et 1100 ap. J.C., ce qui traduit un écart considérable dans le temps en
comparaison des civilisations que l'on a précédemment citées. Cette urbanisation est notamment développée par la
culture Moche qui généralisera l'emploi de la brique crue moulée dans des formes en bois. Mais cette culture de la
brique crue moulée, de forme rectangulaire, fut développée antérieurement, à l'époque de la Culture Virú, entre le
IIIème siècle av. J.C. et le IIIème siècle ap. J.C., le matériau étant alors moulé dans des formes en roseaux ou bambous
ligaturés pour confectionner les premiers caissons-moules294. Par suite, la construction de grands centres cérémoniels
marquent les époques de l'Intermédiaire ancien, entre 200 et 800 ap. J.C. Les plus beaux exemples de ces centres sont
les fameuses Huacas du Soleil et de la Lune, élevées en briques crues, dans la Vallée du Moche, près de la ville actuelle
de Trujillo. Les travaux de l'archéologie péruvienne semblent confirmer l'hypothèse de la construction d'ensembles
résidentiels dressés sur des plates-formes successives295. Ces ensembles n'ont gardé que des fonctions résiduelles, en
tant qu'aires funéraires sacrées, au cours de l'Horizon moyen alors que d'autres agglomérations grandissaient à ces
époques de Culture Moche, préfigurant les grandes villes qu'allaient édifier la civilisation des Chimú. Celles-ci
rassembleront des milliers d'habitants dans des ensembles résidentiels et administratifs couvrant plusieurs kilomètres
carrés. Les villes de El Purgatorio, dans la vallée de la Leche et de Chan Chan, dans la vallée du Moche, en bordure de
l'Océan Pacifique à la périphérie de Trujillo, témoignent d'une apogée de cette urbanisation entre 1100 et 1300 ap. J.C.
292 Voir : Jarrige, Jean-François, "Les débuts de l'économie agricole", chapitre "Le monde indien", in "Le Grand Atlas de l'Archéologie" Universalis,
op. cit., pp. 240-241.
293 Voir : Jarrige, Jean-François, "Des villages du Baluchistan aux villes de l'Indus" et "Le IIème millénaire ou la seconde révolution agricole",
chapitre "Le monde indien', in "Le Grand Atlas de l'Archéologie" Universalis, op. cit., pp. 242-245.
294 On peut très bien observer ce striage laissé par l'empreinte des caissons-moules sur les parements des briques crues de ces époques de culture
Virú, particulièrement sur un site que nous avons visité en novembre 1996, celui de El Castillo de Tomaval qui décrit une pyramide impressionnante
élevée à 50 mètres de hauteur, dans la Vallée du Virú. Ces briques présentent des dimensions variables avec un grand parement de 25 x 35 cm alors
que d'autres mesurent 60 x 40 cm sur ce même grand parement. Voir aussi : Hoyle, Ana Maria, Carcelen, José et Saavedra, Federico, "Conservation
of the Tomaval Castle", in "Communications de la 7ème Conférence Internationale sur l'Étude et la Conservation de l'Architecture de Terre", "Terra
93, Silves, Portugal, éditions de la DGEMN du Portugal, 1993, 659 p., pp. 222-227.
295 Cette hypothèse a été débattue avec l'archéologue Ricardo Morales, actuellement responsable des fouilles de la Huaca de la Luna, Valle del
Moche, que nous avons rencontré en novembre 1996, à l'occasion du Cours Panaméricain sur la Conservation et la Gestion du Patrimoine
architectural Archéologique-Historique en Terre, PAT 96.
Page 150
Hubert Guillaud
Chan Chan qui s'étend sur 20 kilomètres carrés, divisée en une douzaine de quartiers résidentiels successifs, aurait
abrité jusqu'à 40000 habitants. Chacun de ces quartiers fut la résidence d'un souverain Chimú et était abandonné à sa
mort, gardant une fonction résiduelle de sanctuaire, pour en édifier un suivant. Le plus fameux d'entre eux, le quartier
Von Tschudi, du nom de l'archéologue allemand qui l'a fouillé, décrit un degré de complexité très élaboré des structures
entièrement bâties en briques crues organisées autour de vastes cours, avec des quartiers de salles d'audience, des
quartiers de résidence et d'autres de stockage des denrées agricoles. La décoration de ces structures en briques crues,
avec des motifs zoomorphes inspirés de la faune locale, en forme de poisson et d'oiseaux, est d'une rare beauté296. Puis,
les Incas, qui s'étaient installés dans la plaine de Cusco au XIIème siècle ap. J.C., étendirent leur influence au delà des
territoires des hautes terres andines et s'attaquèrent au grand empire Chimú. Ils soumirent Chan Chan en 1450 ap. J.C.
en ayant pris le contrôle de l'eau. Lorsque l'Inca Tupa Yupanqui entra en vainqueur dans la ville côtière, on dit qu'il fut
stupéfait de sa beauté. Les Incas eux-mêmes ont continué à développer la culture constructive de la brique crue et la
plupart de leurs établissements côtiers en témoignent, comme la cité de Tambo Colorado, dans la Vallée du Pisco. Mais
également pour la construction de leurs établissements andins en élevant des maçonneries en brique crues sur des
soubassements dressés en appareils de pierre mégalithiques. Le très beau site de Raqchi, avec son Temple de
Wiracocha, situé à 120 kilomètres au sud-est de Cusco, témoigne de cette culture constructive mixte que les Incas ont
largement utilisée. L'aire archéologique de Raqchi s'étend sur 7,5 kilomètres carrés et le temple de Wiracocha qui
couvre une aire de 92 mètres de long sur 25 mètres de large élève des murs bâtis en briques crues sur un soubassement
de pierre de 1,20 à 1,80 mètres d'épaisseur. Les hypothèses de restitution proposées fixent la hauteur du mur axial de la
structure à plus de 16 mètres de hauteur297. Les époques de colonisation espagnole qui suivront l'anéantissement de
l'Empire Inca, après le débarquement de Hernando Cortez à Tumbes, vont perpétuer la culture constructive de la brique
crue, pour l'édification des habitats, toutes classes sociales confondues, comme de nombreux édifices publics ou de
caractère religieux (églises), dans l'ensemble des territoires qui étaient administrés par l'empire déchu. Le patrimoine
architectural, urbain et rural, du Venezuela au Chili, jusqu'aux époques les plus récentes précédant l'introduction des
matériaux modernes depuis la fin du XIXème siècle, en fourni des milliers et milliers de témoignages.
La plupart des régions du monde que nous avons évoquées, ont conservé une culture vivante de la brique crue moulée,
que ce soit sur le continent africain, le sous-continent indien, la Chine, les Amériques latine et centrale et également le
Grand Sud-Ouest des États-Unis d'Amérique. Dans cette dernière région, la fin du XIXème siècle marquait une
évolution considérable de la production des "adobes" avec des équipements mécanisés. Hans Sumpf, issu d'une famille
de colons allemands installée à Fresno, en Californie, imaginait une pondeuse munies de moules à déplacement
hydraulique, autotractée, qui allait révolutionner la technologie de production. Cette fabrique, toujours opérationnelle298
reste un modèle du genre qui s'est multiplié dans l'ensemble des États du Sud-Ouest, en Californie, au Colorado, au
Nouveau Mexique, en Arizona et jusqu'au Texas. Mais, la production manuelle, à l'aide de moules à simple
compartiment, comme dans les temps les plus anciens, reste aussi d'actualité. Elle est à nouveau mobilisée dans
beaucoup de pays en développement pour permettre la réalisation d'un habitat économique pour les populations les plus
démunies, à bas revenus. Pour une grande partie de la population mondiale, l'adobe, même produite de façon
traditionnelle, demeure une technologie d'avenir.
296 Voir : Schaedel, Richard, P., "Naissance des grandes cités andines", chapitre "L'Amérique du Sud", in "Le Grand Atlas de l'Archéologie"
Universalis, op. cit., pp. 368-369. Voir également : Hoyle, Ana Maria, "Chan Chan, Sintesis Urbana Andina", septembre 1996, 31 p. et 26 planches
de plan et photographies du site de Chan Chan.
297 Voir : Carazas Aedo, Wilfredo, "Raqchi y el Templo de Wiracocha", monographie, CEAA-Terre, École d'Architecture de Grenoble, 6 p. et 5
planches photographiques, Grenoble, avril 1997.
298 Nous avons visité cette fabrique impressionnante en 1981, alors que nous menions une enquête dans le cadre d'une recherche réalisée sur
commande du Plan Construction, Paris. La production est organisée autour d'une centrale de broyage, criblage, malaxage et stabilisation de la terre au
bitume, dirigée par un seul homme à l'aide d'un tableau de commande. Des petits engins de transport vont ensuite servir plusieurs de ces machines
pondeuses autotractées et la production journalière d'adobes, en période de pointe, se situe à hauteur de 9 à 10000 blocs au rythme moyen de 3000
blocs par jour.
299 Ce terme désigne la bouche de sortie de malaxeurs, manuels ou mécanisés, qui donne sa forme au matériau de terre cru préalablement malaxé
lorsque celui ci est évacué par extrusion sur une table ou une bande transbordeuse mécanisée. Selon la configuration de la filière, le matériau peut être
façonné en boudins pleins, de section carrée ou rectangulaire, présenter des trous de section ronde ou carrée (pour les briques perforées) ou avoir une
configuration alvéolaire (pour les briques dites "creuses"). La filière est en général équipée d'un système de découpe, par fil métallique tendu,
actionné automatiquement qui débite le boudin extrudé en éléments de dimensions régulière en longueur.
Page 151
Hubert Guillaud
des blocs d'adobe découpés, des boudins ou pains de terre, a été utilisée dans divers pays, notamment après la Seconde
Guerre Mondiale. On connaît des exemples de ce procédé aux États-Unis d'Amérique, en Allemagne où fut développé
un mode de construction en pains de terre extrudés 300 et plus récemment des applications expérimentales à l'Université
de Kassel, au Gesamthochschule ou GHK 301. En France, le procédé d'extrusion de la terre crue a fait l'objet de
recherches simultanément menées par le Centre Technique des Tuiles et Briques (CTTB) et l'Institut National des
Sciences Appliquées (INSA) de Rennes qui donnaient lieu à la mise au point de briques et de panneaux de terre crue
stabilisée et extrudée connu sous le nom de "Stargil". Mais ce procédé n'a pas connu les développements espérés par les
chercheurs bien qu'une unité de production ait été installée302. Par contre, des procédés d'extrusion de briques d'adobe
stabilisées à l'asphalte ont été imaginés aux États-Unis d'Amérique, aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale
avec la mise au point de systèmes de production mobiles regroupant les équipements nécessaires sur la plate-forme
arrière d'un camion. Une revue spécialisée sur la construction en adobe et en pisé, éditée au Nouveau Mexique dans les
années 80, mentionnait toujours l'existence de ce procédé qui semblait répondre à une demande sur le marché local et
régional303. Ce principe d'extrusion de la terre crue sous forme de briques retient toujours l'intérêt des chercheurs et des
constructeurs en terre qui travaillent en situation de développement sur les questions de l'habitat économique. Certains
pensent même qu'il serait intéressant de réactualiser des procédés d'extrusion à partir de cuves de malaxage actionnées
par traction animale et des expériences ont été développées dans ce sens, en Inde ou à Cuba, par exemple.
La terre coulée : architecture en béton de terre ou en éléments de terre coulée en forme et place
Les origines de cette technique de la terre coulée en coffrages peuvent être assimilées à un procédé de construction en
bauge coffrée qui a été développé dans quelques rares pays. On en connaît des exemples en Europe, notamment en
Angleterre, dans le Devon304. Mais, dans sa forme moderne, le principe de la terre coulée a été principalement
développé aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale305. La terre, à l'état liquide, de granularité assez sableuse
voire graveleuse, est coulée dans des coffrages, comme un béton maigre, ou dans des moules à compartiments
multiples. Des réalisations expérimentales en application de ce procédé, pour la réalisation de murs monolithiques
coulés en place en couches successives - principe permettant d'augurer une plus grande rapidité d'exécution et donc une
réduction des coûts de construction du gros œuvre en terre crue - ont été tentées sur des chantiers, en pays africains306.
300 Il s'agit de la méthode dite de "Dünner" dont l'appellation est dérivée du nom d'un missionnaire allemand qui l'aurait développée à son retour au
pays, aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, après un séjour en pays africains et qui aurait ainsi confectionné des pains de terre extrudés mis
en œuvre à l'état plastique, par empilement, pour confectionner des parois de remplissage non porteuses de construction en ossature bois. Voir aussi :
Schöttler, W., "Das Dünner Lehmbauverfahren", in "Natur Bauweisen", Berlin, 1948.
301 Ce procédé d'extrusion de boudins de terre de longueur moyenne (1 mètre à 1,50 mètre) a été développé par le Professeur Docteur Ingénieur
Gernot Minke, du GHK, en vue de réaliser des systèmes de cloisons non porteuses permettant de concevoir des espaces de configuration souple ou
organique sous une toiture portée par des poteaux en bois. Nous avons visité ces chantiers expérimentaux en 1982, à Kassel et pu voir un prototype en
construction qui associait ce principe d'une toiture soutenue par des poteaux en bois et recouverte de terre engazonnée. Une enveloppe extérieure,
protégée par un large débord de toiture, était constituée de murs en pisé coffrés, compacté par un engin vibrant autotracté et les cloisons intérieures
étaient effectivement réalisées en application de ce principe constructif de boudins de terre crue extrudés. A ce stade expérimental, ce matériau posait
des problèmes de retrait au séchage qui créait des fissuration. Depuis lors les expérimentations successives de Gernot Minke ont permis de mettre au
point ce procédé qu'il a eu l'occasion d'utiliser sur plusieurs réalisations architecturales de maisons privées dont la sienne entre autres. L'utilisation du
procédé a été étendue à d'autres systèmes constructifs que les seules parois de cloisons non porteuses comme des coupoles et des voûtes bâties sans
mortier. Mais les applications demeurent encore limitées.
302 Le "Stargil" a été mis au point dans au début des années 80 par un laboratoire de recherche et d'expérimentation dirigé par le Professeur Ingénieur
Laquerbe. Les éléments extrudés, sous forme de briques, dans un premier temps, puis sous forme d'éléments verticaux de plus grande longueur
permettant de confectionner des panneaux de remplissage d'ossatures de structure en béton ou en acier, étaient stabilisés par un mélange de ciment
(environ 15%) et de mélasse. Leur mise en œuvre exigeait l'emploi d'une colle spéciale. Le bilan énergétique de la production de ces éléments ayant
paru intéressant (50 % de réduction des énergies en comparaison avec l'industrie de la terre cuite), des tentatives d'exportation de ce brevet stargil ont
été faites, en direction des pays en développent, en Afrique, mais le degré de sophistication trop élevé du contrôle de la qualité des production n'a pas
permis le développement attendu de cette industrie.
303 Il s'agit de la revue "Adobe Today", créée par Joe Tibbets qui rendait compte régulièrement de l'activité de production industrielle des matériaux
et des réalisation des entreprises et des architectes du Nouveau Mexique et d'Arizona, au début des années 80. "Adobe Today" a été ensuite cédée par
son fondateur à un autre éditeur et prit la dénomination de "Earth builder" pour être de nouveau vendue à un autre groupe d'édition au début des
années 90 et être intitulée "The Adobe Journal"
304 John McCann, dans son petit ouvrage intitulé "Clay and Cob Buildings", éditions Shire Publications Ltd, Princes Risborough, 1983, réédité en
1995, 32 p., mentionne l'existence de cette technique sous l'appellation de "Shuttered Earth", p. 7, en précisant qu'elle permet de construire des parois
plus minces et de configuration bien réglées pour les parements visibles et pour les angles.
305 On connaît l'existence d'un projet d'édifice public, l'hôpital Adriano Jorge, qui a été construit en terre coulée, à Manaus, au Brésil, en 1950. Le
bâtiment est de taille importante puisqu'il couvre une superficie de 10800 mètres carrés.
306 Des tentatives ont été faites, en Algérie et en Côte d'Ivoire. Dans ce contexte, un ingénieur dénommé David a mis au point une préfabrication
d'agrégats en terre stabilisée de diamètre varié qui, après séchage sont mêlés à un mortier de terre stabilisée liquide, le matériau étant ensuite coulé en
coffrages.
Page 152
Hubert Guillaud
La terre coulée a été aussi appliquée pour la production de petits éléments de maçonnerie moulés en place, sous forme
d'éléments-créneaux, les vides laissés entre eux étant remplis dans un deuxième temps. Ou encore pour la réalisation de
sols ou pavements en terre stabilisée coulée, comme l'on réaliserait une dalle ou une chape de béton. Le problème le
plus important à résoudre est celui du retrait linéaire et de la fissuration, autant pour la réalisation de murs en béton de
terre banchée coulée que pour les sols. La stabilisation du matériau dans la masse, avec des liants hydrauliques (ciment
ou chaux), des résines ou des plastifiants, mais aussi avec des matériaux organiques comme des excréments d'animaux,
a pu apporter des solutions satisfaisantes mais toujours difficiles à contrôler quant à la régularité de qualité d'exécution.
Ainsi, le principe a-t-il davantage été développé dans la direction du moulage en place, ou au préalable, pour de petits
éléments servant notamment à réaliser des pavements de sols intérieurs, ou encore pour des aménagements paysagers de
jardins. Ces éléments peuvent être teintés par l'ajout de colorants minéraux ou artificiels. On en connaît des applications
aux États-Unis d’Amérique307.
307 Un architecte entrepreneur du Nouveau Mexique a utilisé ce procédé sur ses réalisations d'habitat privé. Voir : Schultz, K., "Adobe craft
illustrated manual". Castro Valley, Adobe Craft, 1982.
308 Voir : Fauth, Wilhelm, "Der praktische Lehmbau", éditions Singen-Hohenwiel, Weber, 1948, entre autres ouvrages de cette époque qui compte
beaucoup d'autres auteurs comme Niemeyer, Wagner, Pollack et Richter.
309 Il s'agit de Volhard, Franz, "Leichtlehmbau, alter Baustoffneue Technik", 1983, op. cit.
310 Un ensemble de quatre logements a été construit dans le cadre du projet expérimental et pilote du "Domaine de la Terre" de l'Isle d'Abeau, près
de Lyon, en 1983-85, conçu par les architectes Paul Wagner et Nicolas Widmer (Gap). D'autres maisons ont été réalisées par des autoconstructeurs.
311 Il s'agit de Peter Breidenbach, à Wiersen, en Allemagne, qui a mis au point ces composants sous le nom de "Claytech".
Page 153
Hubert Guillaud
ancien, pratiqué par l'homme bâtisseur depuis les époques préhistoriques pour la construction de son habitat alors de
conception sommaire et précaire. L'avènement du Néolithique et la construction des premiers villages de caractère
sédentaire allaient considérablement développer ce mode de construction des habitats en bois et végétaux tapissés puis
hourdés de torchis et favoriser progressivement son amélioration. Tous les sites les plus anciens, dans quelque région du
monde que ce soit, attestent de l'existence de cette technique de construction généralement repérée par les trous des
poteaux en bois qui demeurent et délimitent l'implantation des habitats. Entre ces poteaux étaient le plus souvent dressés
des clayonnages, réalisés en petites perches fichées dans le sol qui recevaient un tressage végétal ou de fines baguettes
entrelacées, recouvert par suite de terre argileuse. Les travaux de l'archéologie européenne nous ont révélé de multiples
exemples d'application de cette culture constructive du torchis pour des établissements humains datés de la fin du
IVème et du IIIème millénaires. Mais il n'est pas toujours aisé de situer le passage d'un habitat totalement bâti en bois et
autres matériaux végétaux d'un habitat en bois, végétaux et torchis de terre argileuse mêlée d'herbes ou de paille. En
effet, si l'on prend l'exemple du célèbre site lacustre du "Village des Baigneurs" de Charavines, daté de 2700 av. J.C.,
situé au bord du Lac de Paladru, en Isère, France, et qui fut sans doute l'une des plus importantes découvertes de ces
dernières décennies de l'archéologie française sur son territoire, on remarquera que les rapports d'activité des équipes de
fouille ne précisent pas vraiment la nature du matériau de remplissage des parois312. Les fouilles réalisées sur des sites
établis sur la terre ferme offrent généralement davantage de matériel et d'indices pour préciser la nature des matériaux
constituant les parois réalisées en garnissage. C'est le cas de plusieurs sites qui ont été fouillés en Alsace, par exemple,
et qui confirment, au delà des époques du Mésolithique (10000-5000 av. J.C.), l'implantation d'une population nouvelle,
les "Danubiens", dont le faciès culturel est originaire du bassin du Danube et qui ont traversé l'Europe centrale en
vagues successives pour se scinder ensuite en deux courants distincts sur les régions situées au nord du Lac de
Constance. Cette implantation est située au cours du Vème millénaire av. J.C. Les Danubiens sont connus pour avoir
amené avec eux l'usage de la pierre polie et de la céramique dite "rubanée". L'Alsace compte de très nombreux sites qui
témoignent de cette culture comme à Habsheim, Ensisheim, Colmar, Rosheim, parmi les principaux. L'archéologue Joël
Schweitzer313 décrit ainsi leur habitat : "Ces villages se caractérisent par un semis de cabanes plus ou moins parallèles,
souvent orientées nord-est/sud-ouest, dont les dimensions sont importantes. Rarement entourées d'une enceinte (…),
elles voisinent avec d'innombrables excavations-dépotoires disséminées sur toute l'aire de l'habitat. (…)
Typologiquement, la cabane danubienne se dessine toujours par un vaste quadrilatère (de plan souvent rectangulaire)
dont la longueur est proportionnellement exagérée par rapport à la largeur, atteignant en moyenne une longueur de 25 m
pour une largeur de 8 m comme à Köln Lindenthal (Cologne) et Daseburg (Allemagne). Certaines atteignent une
longueur de 40 m pour une largeur de 10 m comme à Postolprty en Tchécoslovaquie. Les pourtours sont délimités de
trous de poteaux circulaires, répartis à égales distances, de diamètre assez fort (entre 0,50 et 1 m) descendant
profondément dans le sol (jusqu'à 1,50 m comme à Köln Lindenthal). (…) Parallèlement à ces cabanes (…) on retrouve
de nombreuses fosses au plan irrégulier dont le remplissage cendreux et noirâtre renferme une multitude de déchets de
toutes sortes (…). D'après de nombreuses interprétations, il s'agirait de fosses creusées pour l'extraction de l'argile
nécessaire à la confection des cloisons qui auraient par la suite fait office de dépotoir." Il faut rappeler ici qu'en 1936, au
début des fouilles effectuées à Cologne Lindenthal, qui référencent ce type d'habitat de la céramique rubanée, on avait
émis l'hypothèse que les habitants logeaient dans les fosses (à cause de la richesse du matériel qui y était trouvé), qui
auraient été des habitations aux contours sinueux alors que l'on considérait les constructions rectangulaires comme
greniers, magasins et granges. D'autres interprétations précisent davantage la nature des constructions dressées en
superstructures à pieux de bois et l'emploi de la terre crue en garnissage de clayonnage pour réaliser les parois. Citons
Olivier Paret314 : "Donc, si ces constructions rectangulaires ont été des habitations avec des parois enduites à la glaise et
avec un revêtement de plancher en glaise, elles nécessitaient une quantité considérable de ce matériau. L'argile était
naturellement extraite au plus près. Et si les fosses de glaise, à Cologne, sont souvent, spécialement dans la partie nord
du village, orientées S -S-E / N.-N-O., ce doit être en rapport avec l'orientation des maisons rectangulaires qui est la
même." Si la dimension des villages du IVème millénaire, en Europe, est beaucoup plus modeste qu'au Proche-Orient,
312 Les fouilles de ce site lacustre ont été menées par une équipe dirigée par Aimé Bocquet à partir du début des années 70. Voir "histoire et
archéologie", les dossiers, "La Vie Au Néolithique Charavines un village au bord d'un lac il y a 5000 ans, n° 64 de juin 1982. Citons : "Pour
construire une maison, trois ou quatre alignements de pieux régulièrement espacés de 1,20 m à 1,50 m sont enfoncés dans la craie lacustre. (…)
L'ossature de la maison était ainsi constituée de montants très solides qui pouvaient supporter les poutres du toit, elles aussi prises dans des troncs de
sapin, fins et élancés. Les assemblages entre les éléments verticaux et obliques ou horizontaux ne semblent pas avoir été taillés, en tenon et mortaise
par exemple, ou bien chevillés. (…) La plupart des pieux et madriers devaient être ligaturés par des cordes et des lianes (clématites) qu'on retrouve en
grande quantité dans les sols d'habitat. Entre les pieux extérieurs sont disposées des baguettes verticales (souvent en noisetier) peu enfoncées et
retrouvées à la fouille ; elles maintenaient des éléments végétaux (branches, roseaux, mousse …) pour former les murs." Il n'est en effet pas fait
mention ici d'emploi d'une terre argileuse pour réaliser ces parois mais la situation lacustre du site ne peut en effet permettre d'en attester l'usage ni
même peut-être d'envisager à en rechercher la présence.
313 Schweitzer, Joël, in "L'habitat rural en Alsace, des origines à l'an 800", Saisons d'Alsace n° 64, 23ème année, 124 p., pp. 8-30.
314 Paret, Olivier, "Le Mythe des cités lacustres", Paris, Dunod, 1958, cité par Catherine Louboutin, in "Au Néolithique, les premiers paysans du
monde", Collection Découvertes, éditions Gallimard, Paris, 1990, 176 p., p. 147.
Page 154
Hubert Guillaud
ne regroupant guère plus que dix à trente maisons au maximum, et couvrant rarement plus que dix hectares, on a pu
repérer des établissements beaucoup plus importants. C'est le cas à Passo di Corvo, en Italie, qui est considéré comme
l'un des plus grands villages néolithiques en Europe, s'étendant sur quarante hectares et regroupant une centaine
d'habitations. De même, à Bilany, en Tchécoslovaquie, mis au jour vers 1960, qui comprenait plus de cent maisons, sur
sept hectares, enchevêtrées en niveaux successifs d'occupation. Ce sont là aussi des habitats du même type que ceux
précédemment décrits, à plans en longueur et disposés en semis parallèle. Le site de Habatesti, en Roumanie, qui
appartient à la civilisation de Cucuteni, des mêmes époques du IVème millénaire, témoigne d'une disposition similaire
mais avec un système de délimitation périphérique, ou de protection en fossés creusés315. Ce modèle de maison en
longueur, en bois et torchis a été dominant, semble-t-il, dans la plus grande partie de l'Europe néolithique. Mais l'on a
aussi trouvé des structures d'habitat organisé en village groupé, de forme ramassée, en configuration de plan général
carré, rassemblant une vingtaine de maisons, avec un système de protection en palissades et fossés. C'est le cas du site
de Poljanica, en Bulgarie, également construit au IVème millénaire. Les habitats sont en torchis et comportent une, deux
ou trois pièces divisées par des cloisons en poteaux et clayonnages enduits d’argile316. Les sites grecs du milieu du
Néolithique récent (4400-3000 av. J.C.), restituent d'autres types de structures avec des systèmes de construction qui
font appel à l'emploi d'une gamme plus étendue de matériaux, la pierre, le bois, la brique de terre crue et le torchis. Les
collines de Dimini et de Sesclo, en Thessalie, témoignent de l'existence de sociétés plus hiérarchisées, avec en leurs
sommets et au cœur des établissements, une demeure plus vaste dotée d'un vestibule ouvert au sud et de deux pièces,
dont la première, plus grande, contient le foyer. Sesclo est un village en acropole doté d'enceintes concentriques en
pierres qui protègent un habitat de conception plus précaire, construit en bois et torchis. Le même principe a été trouvé
dans les niveaux d'occupation les plus anciens de Troie ou Troie I, daté de 3500-2600 av. J.C.317. A Dimini, c'est le
même principe d'acropole mais avec des enceintes bâties en briques crues sur des soubassements de pierre. Les
habitations protégées sont par contre construites en bois et hourdées de torchis. Dans la zone tempérée d'Europe, aux
époques protohistoriques, qui correspondent aux Âges des métaux (entre 3000-2500 av. J.C.), les maisons à plan
rectangulaire sont de plus en plus répandues et le système de construction demeure toujours identique à celui des temps
néolithiques mais beaucoup plus élaboré. Des poteaux de bois enfoncés dans le sol forment l'armature des clayonnages
enduits d'argile ou de torchis et soutiennent une toiture en bâtière de chaume. Mais les techniques d'assemblage des bois
se développent avec les mi-bois, les tenons et mortaises alors que les queues d'aronde n'apparaîtront qu'à l'Âge du
Bronze. En règle générale, l'élément défensif est une caractéristique de l'habitat des époques protohistoriques, sous
forme d'enceintes, de fossés et de remparts élevés en pierre, en bois ou en terre318.
L'Age du Bonze (1800-750 av. J.C.), correspond à une intensification progressive du peuplement dans l'ensemble des
territoires de l'actuelle Europe, phénomène qui s'affirmera en période finale, entre les XIIème et VIIIème siècles. Sur les
territoires occidentaux, en Alsace, Joël Schweitzer319 note que "deux types d'habitats coexistent, l'un sur les hauteurs
vosgiennes ou jurassiennes, en "oppidum", composé de vastes ensembles ordonnés de maisons regroupées derrière un
rempart de pierre, et de bois, l'autre en plaine ou sur des coteaux loessiques." La période du Bronze ancien (1800-1500
av. J.C.) au Bronze final ne lègue que peu de traces des habitats, excepté sur une site dominant la plaine de Colmar,
l'oppidum du Hohlandsberg qui a été fouillé par Charles Bonnet 320. La terre argileuse semble n'avoir été réservée qu'à
la mise en œuvre des sols et de foyers alors que les parois des habitats seraient davantage du type "blockbau", en troncs
d'arbre empilés maintenus par quelques poteaux fichés à même le sol ou, au mieux, dans des soubassements de pierre.
Les sites en oppidum resteront longtemps des implantations privilégiées par les populations avant que s'étende le
défrichement des régions de coteaux puis de plaine, à l'Âge du Bronze final, à partir du XIIème siècle. Dans les régions
sous-vosgiennes du Sungdau, en Allemagne et en Suisse, on peut observer des groupements d'habitats disséminés,
entourés de palissades, de forme rectangulaire assez spacieuse (10 m x 5 m), qui comprennent un sol de galets et dont
les cloisons auraient été dressées en poteaux de bois et clayonnage tapissé de terre argileuse. Mais la technique du
blockbau reste très présente. Avec l'Âge du Fer (750-50 av. J.C.), l'habitat en oppidum jouera un rôle primordial lié au
développement des activités artisanales et commerciales permettant la constitution de véritables chefs-lieux de région.
315 Voir : Guilaine, Jean, "Premiers villages d'Europe", chapitre "l'Europe préhistorique : le Néolithique", in "Le Grand Atlas de l'Archéologie"
Universalis, op. cit., pp. 42-43.
316 Voir : Louboutin, Catherine, op. cit.
317 Voir : Holtzmann, Bernard, "Le monde grec", "Les habitats pré-et protohistoriques", in "Le Grand Atlas de l'Architecture Mondiale" Universalis,
op. cit., pp. 132-133.
318 Voir : Mohen, Jean-Pierre, "Habitats fortifiés et habitats de plaine", chapitre "L'Europe préhistorique : la protohistoire", in "Le Grand Atlas de
l'Archéologie" Universalis, op. cit., pp. 60-61.
319 Schweitzer, Joël, op. cit., pp. 12-13.
320 Bonnet, Charles, "Que savons-nous des habitations de nos lointains ancêtres ?", Annuaire de la Société d'histoire et d'Archéologie, Colmar, 1976-
77, pp. 5-16, cité par Schweitzer, Joël, op. cit.
Page 155
Hubert Guillaud
La première époque de l'Âge du Fer (750-450 av. J.C.), autrement dénommée "hallstattienne" affirme la fonction
urbaine de certains habitats qui s'éloignent de leur vocation agricole originale. Jean-Luc Fiches a bien étudié "la
civilisation des oppida" et décrit ce phénomène d'urbanisation en sites-refuges fortifiés par d'épais remparts de pierre
parfois dotés de tours quadrangulaires321. Il évoque les sites méridionaux comme La Roque de Fabrègues, à la fin du
Vème siècle, la Roque-de-Viou, au milieu du IVème siècle, Nages (Gard) et Ambrussum (Villetelle, Hérault),
Entremont, dans la seconde moitié du IIIème siècle. En décrivant la "maison indigène" de ces époques de l'Âge du Fer,
il dit qu'elle "est faite de pisé appliqué sur des branchages, eux-mêmes appuyés à des poutres souvent supportées par des
poteaux." On aura compris qu'il s'agit de "torchis" ou de terre argileuse et non de "pisé". Mais la construction des murs
semble avoir fait appel à des techniques variées et l'on peut aussi observer des murs en pierres, bâtis à la terre argileuse
ainsi que d'autres élevés en bauge ou en briques de terre crues sur des soubassements de pierre, matériaux dont l'emploi
se développe, en Provence, à partir du IVème siècle (site de La Lagaste). Au IIème siècle, la terre argileuse est aussi
plus largement utilisée pour crépir les murs comme on peut l'observer aux Baux de Provence, à Entremont ou aux
Pennes-Mirabeau. Au deuxième Âge du Fer (450-50 av. J.C.), ou époques de la Tène, il est possible de distinguer, entre
les territoires septentrionaux et méridionaux de la France actuelle, des habitats dérivés d'une culture de fonds
germanique et d'autres issus d'une culture de fonds celte, influencée par des apports de l'hellénisation (en Provence).
D'une part, nous avons des habitats en forme de huttes quadrangulaires, de plain-pied, dont les parois sont en poteaux de
bois et clayonnage d'argile, avec des cloisons internes, comme on peut l'observer à Manching, en Bavière, et d'autre
part, des habitats plus souvent élevés en pierres et briques de terre crue, sur assises de pierre, comme à Nages (Gard) et
Ensérune (Hérault). Mais au Ier siècle av. J.C., les sites méridionaux du Languedoc occidental, comme La Lagaste,
Pomas et Rouffiac (Aude), contiennent des habitats de terre et de bois. En Languedoc oriental, l'oppidum des Castels, à
Nages (Gard), livre aussi des toitures construites en branches et clayonnages d'argile. Dans l'ensemble de la Gaule
méridionale, "un site sur deux, en moyenne, fournit des fragments de terre portant les empreintes d'un clayonnage ou de
pièces de bois", avec 42 sites repérés qui en fournissent l’évidence322.
A la fin du Ier siècle av. J.C., les conquêtes de Jules César qui aboutiront à la défaite d'Arioviste en Haute-Alsace,
inaugurent une nouvelle époque de l'histoire de la Gaule avec l'engagement d'un véritable aménagement du territoire qui
rationalise l'organisation du paysage rural. Les premières étapes de la romanisation se traduisent par l'intensification des
travaux routiers et par la création de nombreuses voies qui sillonnent les campagnes avec la création d'axes principaux
nord-sud et d'axes secondaires, perpendiculaires et transversaux. Sur cette base viaire, la "pax romana" s'établit sur la
projection d'un système d'aménagement fondé sur des coordonnées orthogonales. C'est la "centuriation" du paysage qui
le divise en "centuries" ou vaste unités de superficie de 710 mètres de côté, soit 50 hectares. Ces lots sont ensuite
répartis dans la population, le plus souvent au bénéfice des colons romains et donc au détriment des populations
indigènes. De cette opération naît la création de nouvelles propriétés rurales organisées autour d'un centre
d'exploitation, la "villa" qui occupe en général un site choisi garantissant la présence de l'eau, la proximité d'une voie
romaine et également d'un gisement de matériaux de construction, notamment d'une carrière de pierres. Au cours du Ier
siècle ap. J.C., ces "villae" seront d'abord de petites demeures à plan simple, carré et à pièce unique, parfois dotées d'un
sous-sol, ou à plan rectangulaire à plusieurs pièces alignées, structures dérivées du plan gaulois. Ces villae originelles
sont à l'origine "en pans de bois sur un soubassement de pierres montées à sec" puis, plus tardivement "en torchis sur
fondations ou soubassement de pierres appareillées"323. Au cours du IIème siècle, période d'extension des
constructions, viendront les plans avec avancées qui abandonnent les références celto-gauloises et confirment un souci
de meilleure organisation et d'esthétique, traduisant aussi un enrichissement des familles. Les pièces sont organisées de
façon symétrique, autour d'une cour intérieure aux formes régulières. Les agrandissements successifs se développent en
fond de cette cour, finissant par la fermer, et les bâtiments annexes, hangar, forge, logement du bétail, sont relégués à
l'extérieur. C'est ainsi l'organisation du plan en deux unités distinctes, la "pars urbana", ou résidentielle, et la pars
"agraria" ou "rustica", ou à vocation agricole, que généraliseront les villae romaines au cours de la seconde moitié du
IIème siècle et au cours du IIIème siècle. L'histoire démontre que beaucoup de ces grands domaines seront
progressivement abandonnés vers la fin du IIIème siècle et au cours du IVème siècle alors que se développe un climat
d'insécurité qui annonce les "temps obscurs" du Haut-Moyen Âge.
Les vestiges des villas romaines fournissent en général des connaissances sur les parties construites en "dur" des
édifices, c'est à dire sur la pars urbana, alors que "les bâtiments d'exploitation, édifiés plus sommairement, mais plus
321 Fiches, Jean-Luc, "Habitat et Fortifications, la civilisation des oppida", in Les dossiers de l'archéologie, n° 35, juin 1979, pp. 67-75.
322 Voir : De Chazelles, Claire-Anne, Fiches, Jean-Luc et Poupet, Pierre, "La Gaule Méridionale", in DAF n°2, "Architectures de terre et de bois",
1985, op.cit., pp. 61-71.
323 Voir : Uffler, Anne-Marie, "L'habitat rural en Gaule centrale", in les dossiers histoire et archéologie, n° 58, novembre 1981, 86 p., pp. 70-75.
Page 156
Hubert Guillaud
représentatifs du fundus, ont en général laissé peu de traces, que seule une observation attentive peut révéler"324. Sur
l'aspect des modes de construction, les énoncés descriptifs restent très généraux. Pour la région Alsace, Joël
Schweitzer325 note que : "Ces matériaux de construction varient selon le niveau de vie et selon la situation
géographique. On emploie en général les matériaux locaux, la pierre reste réservée aux régions de montagnes (grès des
Vosges ou calcaire du Jura) ; elle est cependant utilisée en plaine pour la construction des bâtiments officiels ou
luxueux, les bâtiments plus modestes se contentant de soubassements en pierres sèches sur lesquels on érige un
colombage de bois que l'on comble d'un clayonnage tapissé d'argile. Souvent l'extérieur est recouvert d'une application
de lait de chaux. Dans les villae moyennes, les cloisons de pisé sont parfois recouvertes d'une couche de mortier de
chaux supportant des fresques. (…) Les bâtiments secondaires, quant à eux, sont souvent de simples baraquements de
bois à fondation de pierres supportant une toiture de tuiles. Ce type de construction aux matériaux altérables est
caractéristique du Ier siècle, les bâtiments en dur, se développant surtout après 70." Pour la Gaule centrale, Anne-Marie
Uffler note326 : "Les murs sont édifiés avec tous les matériaux : pierres sous forme de galets, de moellons dressés en
pierres à queues selon la taille gallo-romaine caractéristique, ou d'appareil cubique ; brique utilisée uniquement pour les
hypocaustes ou trahissant un remaniement ou une restauration tardive ; blocage dissimulé par un parement d'appareil de
pierres régulières." Mais, "Nombre de constructions, logis ou bâtiments d'exploitation agricole sont en pisé (murs de
terre) ou en colombage (terre et bois), avec, pour la plupart, un soubassement en maçonnerie de pierres." Enfin, pour la
région de Picardie, en pays de Somme, Roger Agache et Bruno Bréart observent que327 : "pour l'époque romaine, dans
nos régions de limons argileux, seuls de petits soubassements en pierres étaient sans doute une règle quasi générale.
Dans le Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France (1962, p. 122), A. Dollfus note que dans tous les
vestiges qu'il a étudiés dans les forêts de Haute Normandie, les murs n'avaient que 0,60 m à 1 m au maximum. Il précise
que, sur toutes les longueurs dégagées, "la hauteur demeure constante et la partie supérieure parfaitement régulière". Il
conclut justement que si, dans l'Antiquité, ces murs avaient eu plus de hauteur, on observerait alors plus d'irrégularités.
Nous avons également constaté que, dans les fouilles rurales de constructions domestiques, la dernière assise de pierres
maçonnées était régulièrement horizontale, ce qui ne serait pas le cas si c'était la partie inférieure de murs plus hauts qui
auraient été ultérieurement démolis. Il ne s'agit donc que de la base des murs qui, eux, ont littéralement fondu car ils
étaient en argile crue." Et, plus loin dans le texte : "On utilise ce qui se trouve sur place, la pierre là où il y en a, le bois
là où il est abondant et surtout et un peu partout la terre crue quand le limon argileux affleure. (…) La quasi-totalité des
matériaux utilisés sont prélevés aux abords immédiats des constructions : ici, comme dans toute la Gaule. Or, c'est
évidemment la terre dont on dispose le plus facilement sur place, à défaut d'autres matériaux. (…) Il arrive même que
certains grands monuments que l'on imagine trop comme nécessairement en pierre étaient, en fait, essentiellement ou
même totalement en terre. A fortiori, les villae, leurs dépendances, ainsi que les sanctuaires ruraux comme les fana,
avaient la plus grande partie de leurs murs en matériaux légers, terre et bois. De simples survols peuvent en témoigner
(…) il arrive que l'on distingue des auréoles sombres autour des fondations elles-mêmes. Elles correspondent à la masse
argileuse qui s'est effondrée puis qui s'est peu à peu diluée quand la construction a été abandonnée et qu'elle a perdu sa
toiture."
On voit donc que, pour les villas gallo-romaines, l'hypothèses de la construction de murs en terre sur soubassements
maçonnés en pierres est celle qui est retenue par les archéologues, avec toutefois, des incertitudes sur les types de
matériaux et les modes de mise en œuvre utilisés, c'est à dire, soit le torchis de terre argileuse et de végétaux en
garnissage de clayonnage, soit la bauge en levées de terre successives, soit le pisé coffré ou encore la brique de terre
crue bâtie au mortier de terre argileuse. Peut-être faut-il alors s'en remettre à la filiation historique de la transmission des
cultures constructives, depuis ces premières époques de l'ère chrétienne jusqu'à nos jours, et considérer la typologie
constructive régionale actuellement visible sur le territoire comme une réalité possible pour ces époques. Le bois et le
torchis, comme la bauge, seraient alors des techniques gallo-romaines septentrionales, la brique crue et le pisé étant de
caractère plus méridional. Tout en considérant que cette distinction classique des typologies architecturales et
constructives entre le nord et le sud de la Loire, établie par les géographes au début de ce siècle, connaît des exceptions
culturelles (le torchis des Landes, par exemple). Mais ce sont là encore des hypothèses que les époques du Moyen Age
pourront peut-être éclairer.
324 Voir : Chevallier, Raymond, "La villa romaine et la romanisation des campagnes", in les dossiers histoire et archéologie, n° 58, pp. 6-9. L'auteur
précise que : "Au demeurant, l'archéologue, au moins jusqu'à une époque récente, s'est intéressé davantage à la partie résidentielle, susceptible de
livrer un riche décor ou un abondant mobilier et les rapports anciens manquent de précision sur les structures …".
325 Schweitzer, Joël, op. cit.
326 Uffler, Anne-Marie, op. cit.
327 Agache, Roger et Bréart, Bruno, "La terre crue dans les constructions traditionnelles", in Les dossiers histoire et archéologie, n° 79, décembre
1983, 90 p., op. cit., pp. 16-23 et plus particulièrement p. 16, 2ème colonne et p. 18. Roger Agache et Bruno Bréart sont connus pour leurs travaux de
prospection archéologique par photographie aérienne qu'il ont notamment mené en Picardie.
Page 157
Hubert Guillaud
Pour l'Europe de l'Ouest, le cadre chronologique du Haut-Moyen Âge se situe entre le Vème et le Xème siècles. La
période est traditionnellement scindée en deux époques, la mérovingienne, qui s'achève en 751 et la carolingienne qui se
termine en 911 pour la "Francie" orientale, et en 987 pour la "Francie" occidentale. Cette période marque un tournant
décisif dans l'histoire européenne, en transition entre l'Antiquité et le Moyen Âge. Pour ce qui concerne l'aspect des
constructions, Patrick Perin observe que328 :"Si les progrès de l'archéologie urbaine ont entraîné une meilleure
connaissance de la topographie générale des villes au cours de la première partie du Haut-Moyen Âge, l'aspect des
quartiers d'habitation reste encore incertain. L'étude des habitats ruraux est également fort récente. (…) En dehors des
régions méridionales (…) où l'on a construit en pierre, le bois a été utilisé, ne laissant dans le sol que des tâches de
couleur, correspondant aux trous de poteaux et aux fosses des bâtiments agricoles. Les fouilles de Gladbach et de
Warendorf, en Allemagne, Celles de West Stow et de Mucking, en Angleterre, ou celles de Brébières (Pas-de-Calais),
en France, ont ainsi révélé les plans de plusieurs villages d'époque mérovingienne et permis la reconstitution des
différents types de construction." La question de l'emploi du bois et de la terre en garnissage reste posée car, dans
l'ensemble, les fouilles qui ont porté sur les habitats ruraux ont plutôt révélé des maisons de bois comme à Maxey, en
Grande-Bretagne, à Burgheim, en Allemagne, à Kootwjke, aux Pays-Bas mais aussi des maisons de pierre, comme en
France, à Mondeville, Calvados. Il semble en effet que le Haut-Moyen Âge ait privilégié la construction en bois, à
poteaux jointoyés à la terre, formant palissade, au moins dans les régions de plaine. Le site de Warendorf, fouillé entre
1951 et 1956, établi en Westphalie et daté du VIIème au VIIIème siècles, est un exemple modèle de la typologie de
l'époque. Établi sur 2,6 hectares, ce site a révélé 186 bâtiments aux dimensions et fonctions variées. Jean Chapelot et
Robert Fossier329 notent : "On peut distinguer d'abord des bâtiments construits à partir du niveau du sol, utilisés comme
habitations ou comme annexes : 25 grandes maisons mesurant entre 14 m et 29 m de long sur 4,5 m et 7 m de large ; 40
maisons de plus petites dimensions, mesurant entre 4 m et 11 m de long et 3 m à 3,5 m de large ; enfin 20 petits
bâtiments annexes. Avec ces bâtiments, des installations partiellement excavées dans le sol, c'est-à-dire, des fonds de
cabane, au nombre de 70 au total. (…) S'ajoutent enfin à ces diverses constructions des installations sur pieux, formant
25 structures hexagonales, 3 structures octogonales et 3 partiellement circulaires ou semi-circulaires qui sont les traces
de la base des greniers à céréales surélevés ou de poteaux destinés à porter une couverture protégeant des meules de
céréales ou du foin. La combinaison d'une quinzaine de ces diverses constructions autour d'une seule grande maison
constituait une unité d'exploitation agricole occupant une surface d'environ 70 m sur 50 m, selon un plan peu organisé et
structuré." Les descriptions qui suivent distinguent deux types de plans pour les grandes constructions, le plan
rectangulaire pour celles datées de la première époque d'occupation du site, et avec des grands côtés arrondis pour la
deuxième époque. Les structures en bois sont très élaborées avec des charpentes à arbalétriers en appui sur des sablières
posées sur poteaux verticaux, eux-mêmes repris par des contreforts en forme de jambes de force obliques. Les parois
extérieures de ces structures en bois furent-elles dressées en palissade de bois, en bauge entre poteaux ou en torchis sur
clayonnage ? Aucune hypothèse précise n'est avancée par le texte de Chapelot et de Fossier.
Sur le site de Gladbach, situé en Rhénanie moyenne, daté des VIIème-VIIIème siècles, comme Warendorf, les fouilles
ont révélé des groupements de maisons rectangulaires et de fonds de cabanes partiellement clos de palissades. Les
habitations, " 2 de 12,5 m de long sur 9 m de large environ, 3 de 4 m sur 7 m, et 3 plus petites, sont nettement moins
nombreuses que les fonds de cabane : 57 au total, appartenant pour 13 au type où la couverture est supportée par deux
poteaux disposés dans l'axe, au milieu des petits côtés ; pour 44 à l'autre type classique, à six trous de poteaux, un dans
chaque angle et un au milieu des petits côtés." (…) La maison 14 du site, mieux décrite et dont une hypothèse de
reconstitution a été faite par W. Sage permet de préciser que : "comme le montraient les traces au sol, les parois sont
faites d'une cloison de clayonnage mise en place grâce à des supports verticaux de faible diamètre disposés à intervalle
régulier, tous les mètres environ" 330 . Les maisons-fosses ou "Grubenhaüser" qui ont été trouvées sur les sites
alsaciens, à Leibersheim (Riedisheim, Haut-Rhin), répondent à ces principes de structure. Ce sont des cabanes
rapprochées les unes des autres, de forme quadrangulaire ou oblongue, pour un premier type à deux trous de poteaux
médians (cabanes 1,9 et 10), à quatre poteaux angulaires pour un second type (cabanes 3, 4b, 5, 7, 12, 13, 20) et à six
poteaux, soit deux médians et quatre angulaires, pour un troisième type (cabanes 2, 4a, 6, 8, 11, 16, 17, 18). Selon Joël
Schweitzer331, "les cabanes à quatre et six poteaux permettaient une architecture plus évoluée avec parois latérales
appuyées aux poteaux angulaires. La confection de cloisons en clayonnage avec application d'argile semble une
hypothèse à rejeter (les fragments de pisé restant rarissimes et sans trace du clayonnage." L'hypothèse constructive
pencherait donc davantage en faveur d'un système de palissade en bois, principes que l'on a identifié sur d'autres sites
anglo-saxons de Grande-Bretagne, comme à West Stow (Suffolk) et à Church Down (Hampshire), datés des VIème et
328 Perin, Patrick, in "Le Grand Atlas de l'Archéologie" Universalis, Ibid., pp. 98-99.
329 Chapelot, Jean, Fossier, Robert, "Le village et la Maison au Moyen Âge", op. cit., p. 80.
330 Chapelot, Jean, Fossier, Robert, op. cit., p. 97 et p. 298.
331 Schweitzer, Joël, op. cit.
Page 158
Hubert Guillaud
VIIème siècles. Évoquant l'utilisation de la terre et du bois dans la construction médiévale, Jean-Marie Pesez332 note
que : "Les constructions du Haut-Moyen Âge, réalisées majoritairement (pas exclusivement, il faut le rappeler) en
matériaux périssables, n'ont laissé généralement que des témoins en négatif parmi lesquels les fonds excavés des
cabanes, par leurs dimensions, s'imposent à l'attention du chercheur. Quoi qu'il en soit, la cabane excavée, faite du sol
même où elle est creusée, et des pieux qui supportent sa charpente rudimentaire, des perches sur lesquelles reposent sa
couverture, des planches de bois, des claies qui tapissent ou constituent ses parois, est, par excellence, une réalisation en
terre et en bois." Mais, dans l'ensemble, les matériaux de construction, à l'exception des pieux ou poteaux de bois
suggérés par les trous périphériques, angulaires ou axiaux, sont rarement révélés par les fouilles. Les traces des
clayonnages sont en effet peu détectables si ce n'est par l'empreinte de piquets comme cela a pu être observé à Les
Rues-des-Vignes ou à Dieue-sur-Meuse 333.
Les premières époques du Moyen Âge (IXème - XIème siècle), confirment l'installation du système féodal associé à la
création du village, selon une typologie de modèles architecturaux qui vont perdurer jusqu'à nos jours et une
organisation autour de l'église et du château qui en sont les édifices constitutifs. Un important effort de construction est
par ailleurs motivé par une forte croissance démographique. Comme le relève Jean Chapelot334, "c'est en effet à ce
moment que l'on passe de la maison habituelle du Haut-Moyen Âge, construite par ses futurs utilisateurs avec des
matériaux sommaires, souvent périssables (branchages, perches, bottes de feuillage), à la maison faite pour durer. (…)
Ces maisons qui seront transmises de génération en génération, sont les éléments essentiels du village de cette époque ;
par leurs formes ou leurs techniques de construction, elles déterminent les types d'architectures régionales qui
perdureront jusqu'à nous." La typologie de la maison médiévale qui se développe notamment aux XIIème et XIIIème
siècles compte plusieurs modèles. Tout d'abord, la maison dite "élémentaire", de plan en longueur et généralement de
deux pièces, qui prolonge en fait le modèle existant au Haut-Moyen Âge et qu'on a localisée à Gladbach (Rhénanie
moyenne, Allemagne) ou à West Stow (Sufflok, Grande-Bretagne) ; pour ce modèle, le bétail est en général logé dans
un bâtiment annexe. Ensuite, la "maison mixte", ou "maison-étable", elle aussi de plan rectangulaire mais qui loge sous
le même toit les humains et le bétail en chacune de ses extrémités. Enfin, la "ferme de plan quadrangulaire" dont le
groupement des bâtiments s'organise en cour ouverte ou fermée, avec des bâtiments annexes généralement plus grands
que l'habitation.
Les matériaux et les techniques de construction au Moyen Âge, sont décrits par Jean Chapelot et Robert Fossier335. Si
nous ne considérons ici que les techniques de construction à base de bois et de terre, qui sont l'objet de ce chapitre de
notre recherche, en rappelant qu'elles n'ont pas été exclusivement employées par le bâtisseur médiéval (la pierre le fut
aussi ainsi que d'autres techniques de construction en terre précédemment décrites comme la bauge et les mottes de
gazon), on décrira les structures en pan de bois "primitif" (premières époques) et en "colombages à bois longs" (époques
finales du Moyen Âge).
Les principales évolutions des structures en pans de bois sont liées à deux aspects. D'une part le principe de fondation
des éléments porteurs et de soutien des parois de remplissage et, d'autre part, les techniques d'assemblage des bois ainsi
que les dimensions des pièces. Les fondations des poteaux évoluent du principe du simple enfoncement dans le sol
superficiel, avec un calage de pierres, au principe de pose sur une pierre plate en fond de trou de fondation, puis à celui
de la sole de bois ou sablière posée à même le sol et enfin à celui de la sablière posée sur un petit soubassement
maçonné, en pierres. Cette évolution est lente puisqu'elle s'opère entre la fin du Xème siècle et jusqu'au XVème siècle
qui inaugure les époques de la Renaissance. Dans ce parcours, l'invention du principe de la sole ou sablière basse, que
l'on situe aux Xème et XIIème siècles336, est une étape décisive d'amélioration de la qualité des ouvrages, permettant
une meilleure assise des parois de remplissage, en bois ou en clayonnage enduit de terre argileuse. L'invention du muret
de soubassement, située aux XIème et XIIème siècles est une autre étape d'amélioration avec notamment la mise hors
d'eau des édifices. Sur l'assemblage des pièces de bois, on observe, une plus grande utilisation du système tenon-
mortaise à partir des Xème et XIème siècles mais les pièces de bois sont encore très grossièrement équarries (pour les
poteaux principaux et la sablière basse, et encore pas toujours) et non droites. Ces principes de pans de bois primitif
332 Pesez, Jean-Marie, "La terre et le bois dans la construction médiévale", in DAF n°2, "Architectures de terre et de bois", op. cit., pp. 159-167 et
plus particulièrement, p. 160.
333 Voir : Florin, B., "L'Habitat rural du Haut-Moyen Âge en milieu rural dans le Nord/Pas-de-Calais", Cambrai, 1983, cité par Jean-Marie Pesez, p.
166.
334 Chapelot, Jean, "Le village et la maison", chapitre "Le Moyen Age", in "Le Grand Atlas d'Archéologie" Universalis, op. cit., pp. 120-121.
335 Chapelot, Jean, Fossier, Robert, op. cit., chapitre VI, "Les matériaux et les techniques de construction au Moyen Âge", pp. 255-333.
336 Chapelot, Jean, Fossier, Robert, op. cit., chapitre VI, "Les matériaux et les techniques de construction au Moyen Age", p. 257.
Page 159
Hubert Guillaud
évolueront avec une généralisation de l'équarrissage des pièces et l'apparition de la sablière haute, aux XIIème et
XIIIème siècles, qui marquera une évolution progressive vers les colombages à "bois longs", à partir de la fin du
XIVème et au cours du XVème siècle.
Le principal mode de remplissage de ces structures en bois fait appel à la technique du clayonnage à base de perches,
baguettes de bois et végétaux tressés ou entrelacés, recouvert d'un mélange de terre et de végétaux (paille ou herbes),
soit, le "torchis". Cette technique est très ancienne puisque l'on relevait son existence depuis les temps néolithiques.
Mais le Moyen Âge amènera une amélioration de la qualité de la construction de ces clayonnages-supports. Suivant les
essences de bois locaux et les types d'usage des bâtiments, les clayonnages sont de conception très diverse. Chaque
région constitue sa propre culture du clayonnage sur une base de principes communs. Il faudra alors distinguer les
solutions du tressage ou de l'entrelacs des baguettes entre une trame de poteaux assez large, sans doute les plus
anciennes (régions de la Bresse, du Jura et de l'Alsace en France), de celles du calage de petites pièces de bois,
horizontales ou obliques, entre des poteaux montés en trame plus serrée (régions de la Champagne, de la Picardie, de la
Haute et Basse Normandie, des Landes, en France). Mais ce sont là des traits caractéristiques des architectures de bois
et de terre régionales qui s'affirmeront au delà du XVème siècle. Simultanément, les régions de fonds culturel
germanique (Alsace, Vosges, Jura, en France et les territoires anglo-saxons de Grande-Bretagne) ainsi que d'autres
régions plus enclavées (Bresse septentrionale, en France), maintiennent les constructions à colombage à bois longs.
D'autres régions qui connaissent un développement économique plus rapide et une extension de l'activité des corps de
métiers artisanaux du bâtiment (charpentiers notamment), mais toujours dans les territoires septentrionaux (au nord de
la Loire, en France par exemple), passent progressivement au colombage à "bois court". Cette distinction est toujours
nettement affirmée dans la typologie des architectures de bois et de terre actuellement visible, en milieu rural comme en
milieu urbain ancien.
Pour clore ce chapitre sur l'utilisation de la terre en garnissage ou sur ce que nous avons dénommé "architecture de bois,
clayonnage et torchis", nous rappellerons qu'elle n'est bien sûr pas l'exclusivité de la culture constructive européenne et
que la plupart des régions du monde l'ont développée, voire privilégiée, depuis les temps les plus reculés du Néolithique
puis au cours des époques protohistoriques et même durant l'histoire. Mais il est difficile, sur la base des trouvailles
archéologiques, qui concernent plus le domaine de l'architecture monumentale ou urbaine que celui de l'architecture
rurale, de bien situer les limites supérieures des cadres chronologiques de l'emploi de cette culture constructive du bois
et de la terre, dans chaque régions du monde. Car, l'architecture rurale l'a sans aucun doute utilisée jusqu'à des époques
très récentes comme le montrent encore les patrimoines architecturaux vernaculaires visibles. Ainsi, sur la base de la
connaissance des principaux sites archéologiques inventoriés dans le monde, on pourra dire avec précaution, que la
Chine fournit des témoignages d'architecture de bois et de terre depuis les époques de culture Yangshao, avec le site de
Banpo, au IIème millénaire. Cette culture reste dominante jusqu’aux époques de la dynastie Zhou (1122-221 av. J.C.),
avant d'évoluer vers la brique de terre crue, puis vers le pisé et enfin vers la brique cuite. L'Égypte semble n'avoir
privilégié cette culture constructive que jusqu'aux époques des premières dynasties Thinites (3000/2900 av. J.C.), sur
les territoires du "pays des deux terres", dans la basse vallée et sur le Delta du Nil. Elle évoluait ainsi très rapidement
vers la brique crue, vraisemblablement sous influence mésopotamienne. Les régions occidentales d'Amérique latine
paraissent n'avoir utilisé la construction en bois, végétaux et garnissage de terre que jusqu'au début du IIème millénaire,
avant de passer elles aussi à la brique de terre crue. En Mésoamérique cette culture constructive n'a été privilégiée que
jusqu'à la fin des époques de la Civilisation Olmèque, soit jusqu'au VIIIème siècle av. J.C. Mais, là encore, en
Amérique latine comme en Mésoamérique, des témoignages d'architecture rurale en bois et terre ou végétaux (bambou,
caña brava) et terre on été révélés par les fouilles réalisées en périphérie des grands sites de caractère urbain, sur des
implantations d'habitat rural, comme autour de Chan Chan, au Pérou, aux époques du Grand Chimú (XIème-XVème
siècle ap. J.C.) ou en périphérie de Teotihuacan, au Mexique, jusqu'au milieu du VIIème siècle ap. J.C. Enfin, on a pu
constater que d'autre civilisations qui engageait précocement leur processus d'urbanisation, ont rapidement délaissé cette
culture constructive du bois et de la terre ou ne l'ont peut-être pour ainsi dire pas développée au-delà des époques
mésolithiques précédant la révolution agricole du Néolithique. Tel est le cas de la Civilisation de l'Indus qui semble
avoir construit en briques de terre crue dès les époques pré-harappéennes du VIème millénaire av. J.C. Tel est aussi le
cas du Proche et du Moyen-Orient, en Palestine, en Anatolie et en Mésopotamie, à des époques situées entre le VIIIème
et le VIème millénaire av. J.C., selon les régions.
Page 160
Hubert Guillaud
Conclusion
On aura vu qu'il demeurait nécessaire d'apporter des précisions sémantiques sur la terminologie des modes de mise en
œuvre du matériau terre, des matériaux et des techniques, notamment pour bien lever l'ambiguité qui a longtemps
demeuré sur la réalité de ce que l'on a nommé "pisé", sans distinction précise de genre entre un torchis (terre en
garnissage pour des parois minces), une bauge (terre empilée en murs épais) et un pisé (terre coffrée et compactée en
murs épais). D'autre part, ces premiers repères de mise en situation historique des grandes familles de mise en œuvre du
matériau terre, des matériaux et des techniques de construction et des types d'architectures de terre, montrent que
beaucoup d'entre elles connaissent un développement récent dans l'histoire comme la terre compactée, la terre extrudée,
la terre en remplissage, la terre coulée ou la terre-paille. Par ailleurs, les autres cultures constructives évoquées ont joué
un rôle essentiel dans l'histoire des civilisations et des régions du monde. Tel est le cas de la terre creusée, du torchis, de
la bauge et de la brique crue, et plus récemment, du pisé. Les patrimoines de l'architecture vernaculaire ou traditionnelle
de toutes les régions du monde, sont marqués de façon indélébile, par cette héritage des cultures constructives
transmises de génération en génération de bâtisseurs. Les cultures constructives de la brique crue (Chine, Moyen-
Orient, Amériques, Afrique soudano-sahélienne et sub-saharienne) et du pisé (pays du Maghreb, péninsule ibérique,
France, Amérique latine, Chine), nous lèguent un patrimoine architectural d'excellence, avec des ensembles
monumentaux et urbains, des édifices publics et privés (églises, maisons bourgeoises et châteaux) de grande qualité
mais aussi un patrimoine d'architecture vernaculaire, rurale, plus modeste bien qu'aussi solide et durable. Les cultures
du torchis - à l'exception d'un patrimoine architectural européen en colombage, en situation rurale comme urbaine - et
de la bauge, également très présentes dans le patrimoine architectural vernaculaire mondial (Inde, Afrique orientale et
australe, Amérique latine), nous lèguent le plus souvent une architecture précaire qui est celle de l'habitat des pauvres.
Elles représentent pourtant, pour ces populations démunies du monde, une alternative toujours viable pour demain et
font l'objet de nouvelles applications avec des mises en œuvre et des systèmes constructifs améliorés.
Cette première approche historique des cultures constructives en terre dans le monde mérite d'être approfondie,
particulièrement pour des modes d’utilisation autres que ceux qui sont les plus connus tels que le torchis, l’adobe que
l’on aura ici plus particulièrement développé, ou le pisé. On pense notamment au gazon et à la bauge qui ont fait l’objet
de peu d’investigation dans les cadres chronologiques de leur utilisation par les hommes bâtisseurs, comme dans les
cadres géographiques de leurs situations régionales. Ces premiers repères, modestement posés, fournissent déjà un état
plus clair et synthétique des connaissances exploitables, répondant ainsi à un premier niveau d'objectif de travail posé
par cette recherche qui doit être poursuivie.
Bibliographie
Agache et Bréart 1983 : AGACHE, Roger, BREART, Bruno - La terre crue dans les constructions traditionnelles, in
Les dossiers histoire et archéologie, n° 79, décembre 1983, 90 p., pp. 16-23.
Aurenche 1977 : AURENCHE, Olivier (sous la direction de), et Callot, Olivier (dessins) - Dictionnaire Illustré
Multilingue de l'Architecture du Proche-Orient Ancien, Institut français d'Archéologie de Beyrouth (Liban), publication
hors série, Collection de la Maison de l'Orient Méditerranéen Ancien n° 3, Série Archéologique 2, éditions de la Maison
de l'Orient, Lyon, 1977, 391 p.
Aurenche 1985 : AURENCHE, Olivier - Du village à la ville, Le Proche-Orient préhistorique, in Le Grand Atlas de
l'Archéologie Universalis, Paris, 1985, pp. 168-168
Bazzana 1993 : BAZZANA, André - La construction en terre dans Al-Andalus : le Tabiya, communications de la
conférence Terra’93, Silves, Portugal, Ed DGEMN du Portugal, pp. 76-82.
Besenval 1984 : BESENVAL, Roland - Technologie de la voûte dans l'Orient ancien, vol. 1, 196 p. et vol. 2, 224
planches, Synthèse n° 15, éditions Recherche sur les Civilisations, Paris, 1984.
Bonnet 1976-77 : BONNET, Charles - Que savons-nous des habitations de nos lointains ancêtres ?, in Annuaire de la
Société d'histoire et d'Archéologie, Colmar, 1976-77, pp. 5-16
Bourdier et Minh-Ha 1985 : BOURDIER, J.P., MINH-HA, T.T. - African spaces, Designs for living in Upper Volta,
1985
Bourgeois et Pelos 1983-1989 : BOURGEOIS, J.L. et PELOS, C. - Spectacular Vernacular, a New Appreciation of
Traditional Desert 1983, réédité et augmenté en 1989 sous l'intitulé "Spectacular Vernacular, The Adobe Tradition",
aux éditions Aperture Foundation Inc., New York, 191 p.
Carazas-Aedo 1997 : CARAZAS-AEDO, Wilfredo - Raqchi y el Templo de Wiracocha, monographie, CEAA-Terre,
École d'Architecture de Grenoble, Grenoble, avril 1997, 6 p. et 5 planches photographiques,.
Page 161
Hubert Guillaud
Castellanos Avila 1995: CASTELLANOS AVILA, Carolina - Hacia una propuesta Integral de Conservacion Para
Sitios Con Arquitectura De Tierra, Paquimé : Un Estudio De Caso, Thèse, École Nationale de Conservation,
Restauration et Muséographie, INAH, Mexico, 1995, 165 p.
Chapelot et Fossier 1980 : CHAPELOT, Jean, FOSSIER, Robert - Le village et la maison au Moyen Age, 1980.
Chevallier 1981 : CHEVALLIER, Raymond - La villa romaine et la romanisation des campagnes, in les dossiers
histoire et archéologie, n° 58, novembre 1981, 86 p., pp. 6-9.
Cointeraux 1790: COINTERAUX, François - École d'architecture rurale et économique, Paris, Imprimerie N.H.
Nyon, 1790, 2 p.
Cointeraux 1791: COINTERAUX, François - École d'Architecture Rurale ; premier cahier ou les leçons par
lesquelles on apprendra soi-même à bâtir solidement les maisons de plusieurs étages avec la terre seule, Paris, 1791.
Cointeraux 1791: COINTERAUX, François - École d'Architecture Rurale ; deuxième cahier dans lequel on traite de
l'art du pisé …, des qualités des terres propres au pisé …, des détails de la mise en oeuvre, du prix de la terre, 76 p.
illus., Paris, 1791
Cointeraux 1791: COINTERAUX, François - École d'Architecture Rurale ; quatrième cahier dans lequel on traite du
nouveau pisé inventé par l'auteur, de la construction en terre et de ses outils …, 68 p., Paris, 1791.
Cointeraux 1806 : COINTERAUX, François - Du nouveau pisé, ou de l'art de faire le pisé par appareil, Paris, 1806,
19 p.
Cointeraux 1806 : COINTERAUX, François - Description curieuse et instructive des modèles en pisé et autres, que
l'on voit dans l'atelier du Sieur Cointeraux, 1806, 20 p.
De Chazelles et al. 1985 : DE CHAZELLES, Claire-Anne, FICHES, Jean-Luc, POUPET, Pierre, La Gaule
Méridionale, in DAF n°2, Architectures de terre et de bois, 1985, Paris, 191 p., pp. 61-71.
De Contenson 1984 : DE CONTENSON, Henri - Tell Ramad, village syrien des VII° et VI° Millénaires, in Revue
Archeologia n° 33 de mars-avril 1979, p. 69-73.
Di Paso 1974: DI PASO, Charles - Casas Grandes : a fallen trading center of the Grand Chichimeca, Amerind
Foundation Inc., Dragoon, Flagstaff, 1974.
Dmochowsky 1990 : DMOCHOWSKY, Zbigniew - An Introduction to Nigerian Traditional Architecture, 3 volumes,
éditions Etnographica, Londres, 1990.
Doat et al 1991 : DOAT, Patrice (sous la direction de), BARDAGOT, Anne-Monique, GUILLAUD, Hubert,
HOUBEN, Hugo, JOFFROY, Thierry, RIGASSI, Vincent, ROLLET, Pascal, VITOUX, François - Étude sur les avoirs
constructifs au Burkina Faso, éditions CRATerre-EAG, 1991, 192 p.
Dunzhen 1957-1980 : DUNZHEN, Liu - La Maison Chinoise, Collection Architectures, éditions Berger Levrault,
Paris, 1980, 234 p. (édition originale, Pékin, 1957)
Easton 1982: EASTON, David - The rammed earth experience, Wilseyville, Blue Mountain Press, 1982.
Fassassi 1979: FASSASSI, M.A. - L'Architecture en Afrique Noire, Cosmoarchitecture, éditions Maspero, Paris, 1978
Faton 1982 : FATON, Jeanne - Akhenaton, Pharaon novateur, in revue "Archeologia", n° 171, octobre 1982, pp. 64-
75.
Fathy 1970 : FATHY, Hassan - Construire avec le peuple, Bibliothèque Arabe, éditions Sinbad, Paris, 1970, 310 p. et
132 planches.
Fauth 1946: FAUTH, Wilhelm - Der praktische Lehmbau, éditions Limes Verlag, Wiesbaden, 1946, 130 p.
Fiches 1979 : FICHES, Jean-Luc - Habitat et Fortifications, la civilisation des oppida, in Les dossiers de l'archéologie,
n° 35, juin 1979, pp. 67-75.
Florin 1983 : FLORIN, B. - L'Habitat rural du Haut-Moyen Âge en milieu rural dans le Nord/Pas-de-Calais, Cambrai,
1983.
Gardi 1974: GARDI, René - Maisons africaines, éditions Elsevier, Paris-Bruxelles, 1974
Gardi et al. 1994 : GARDI, B., MAAS, P., MOMMERSTEEG, G. - Djenné, il y a cent ans, éditions Institut Royal des
Tropiques, Museum für Völkerkunde, Musée National du Mali, 1994, 168 p..
Goiffon 1772 : GOIFFON, Georges-Claude - L'art du maçon piseur, Librairie Le Jai, Paris, 1772, op. cit.
Guilaine 1985 : GUILAINE, Jean - Premiers villages d'Europe, in Le Grand Atlas de l'Archéologie, éditions
Encyclopaedia Universalis, Paris, 1985, 424 p., pp. 42-43.
Guillaud 1986 : GUILLAUD, Hubert - Techniques anciennes et modernes, in DETHIER, Jean, Architecture de Terre
ou l'avenir d'une tradition millénaire, réédition du catalogue de l'exposition du Centre Georges Pompidou, Paris, 1986,
pp. 33-48.
Guillaud 1990 : GUILLAUD, Hubert - La terre crue : des matériaux, des techniques et des savoir-faire au service de
nouvelles applications architecturales, cahiers techniques 2135, 16 p., 2135-1, 16 p., 2135-2, 16 p. et 2135-3, remise à
jour n° 46 de l'Encyclopédie du Bâtiment, éditions Techniques-éditions Eyrolles, Paris, 1990, 18 p.
Guillaud 1994 : GUILLAUD, Hubert - Les grandes figures du patrimoine régional Rhône-Alpes, François Cointeraux
(1740-1830), pionnier de la construction moderne en pisé, Grenoble, mars 1994, 48 p.
Page 162
Hubert Guillaud
Holtzmann 1981 : HOLTZMANN, Bernard - Le monde grec ; Les habitats pré-et protohistoriques, in Le Grand Atlas
de l'Architecture Mondiale, éditions Encyclopaedia Universalis, Paris, 1981, 405 p., pp. 132-133.
Houben et Guillaud 1989 : HOUBEN, Hugo, GUILLAUD, Hubert - Traité de Construction en Terre, éditions
Parenthèses, Marseille, mai 1989, 355 p.
Hoyle et al. 1993 : HOYLE, Ana Maria, CARCELEN, José et SAAVEDRA, Federico - Conservation of the Tomaval
Castle, in "Communications de la 7ème Conférence Internationale sur l'Étude et la Conservation de l'Architecture de
Terre, Terra 93 », Silves, Portugal, éditions de la DGEMN du Portugal, 1993, 659 p., pp. 222-227.
Hoyle 1996 : HOYLE, Ana Maria - Chan Chan, Sintesis Urbana Andina, éditions Instituto Nacional de Cultura La
Libertad, Trujillo, Pérou, septembre 1996, 31 p. et 26 planches de plan et photographies du site de Chan Chan.
Huot 1985 : HUOT, Jean-Louis - Le peuplement de la Basse-Mésopotamie, in Le Grand Atlas de l'Archéologie,
éditions Encyclopaedia Universalis, Paris, 1985, 424 p., pp. 176-177
Jarrige 1985 : JARRIGE, Jean-François - Les débuts de l'économie agricole, in Le Grand Atlas de l'Archéologie,
éditions Encyclopaedia Universalis, Paris, 1985, 424 p., pp. 240-241.
Jarrige 1985 : JARRIGE, Jean-François - Des villages du Baluchistan aux villes de l'Indus et Le IIème millénaire ou la
seconde révolution agricole, in Le Grand Atlas de l'Archéologie, éditions Encyclopaedia Universalis, Paris, 1985, 424
p., pp. 242-243.
Jarrige 1985 : JARRIGE, Jean-François – Le IIème millénaire ou la seconde révolution agricole, in Le Grand Atlas de
l'Archéologie, éditions Encyclopaedia Universalis, Paris, 1985, 424 p.,pp. 244-245.
Labouret 1931 : LABOURET, H. - L'Habitation de l'Afrique noire, 1931
Lancel 1979 : LANCEL, Serge (sous la direction de) - Byrsa I, 337 p. et Byrsa II, 417 p., Mission Archéologique
Française à Carthage, Rapports préliminaires des fouilles (1974-1976), Collection de l'École Française de Rome, 41,
éditions de l'École Française de Rome, Palais Farnèse, 1979.
Leclant 1985 : LECLANT, Jean - Abou Simbel et la Nubie, in Le Grand Atlas de l'Archéologie, éditions Encyclopaedia
Universalis, Paris, 1985, 424 p, pp. 206-207.
Lewis 1977 : LEWIS, Miles - Victorian Primitive, Greenhouse Publications, Carlton, Victoria, 1977, 87 p., pp. 9-12.
Loubes 1988 : LOUBES, Jean-Paul - Maisons Creusées du Fleuve Jaune, l'architecture troglodytique en Chine,
éditions Créaphis, Paris, 1988, 141 p.
Louboutin 1990 : LOUBOUTIN, Catherine - Au Néolithique, les premiers paysans du monde, Collection Découvertes,
éditions Gallimard, Paris, 1990, 176 p.
Ludwig Seebass 1803-1989 : LUDWIG SEEBASS, Christian - Cointeraux, François, Die Pisé-Baukunst in ihrem
ganzen Umfang, Leipzig, 1803, 195 p. Une réédition récente a été produite par ZA Reprint, toujours à Leipzig, 1989,
206 p.
McCann 1983 : McCANN, John - Clay and Cob Buildings, éditions Shire Publications Ltd, Princes Risborough, 1983,
réédité en 1995, 32 p.
Margueron 1985 : MARGUERON, Jean-Claude - L'émergence de la Syrie à l'aube des temps historiques, in Le Grand
Atlas de l'Archéologie, éditions Encyclopaedia Universalis, Paris, 1985, 424 p., pp. 182-183.
Margueron 1991 : MARGUERON, Jean-Claude - Mari ou la "naissance" d'une ville neuve, in Revue Autrement, n° 55
de la série "Monde", dossier Cités Disparues, découvreurs et archéologues au Proche-Orient, 1991, 237 p., pp. 133-
142.
Mellaart 1965: MELLAART, James, "Earliest civilizations of the Near East", éditions Thames and Hudson, Londres,
1965.
Mellaart 1967: MELLAART, James - Çatal Hüyük, a neolithic town in Anatolia, 1967
Mellart 1981 : MELLAART, James - Avant les premières villes : le Proche-Orient de 8000 à 300 av. J.C., in Le Grand
Atlas de l'Histoire Mondiale, éditions Encyclopaedia Universalis, Paris, 1981, pp. 40-41.
Miller 1980: MILLER, David et Lydia, "Manual for building a rammed earth wall", 1980
Miller 1982 : MILLER, David et Lydia - Rammed Earth. A selected bibliography, 1982
Minke 1980: MINKE, Gernot - Alternatives Bauen, Gesamthochschul-Bibliothek, Kassel, RFA, 1980.
Mohen 1985 : MOHEN, Jean-Pierre - Habitats fortifiés et habitats de plaine, in Le Grand Atlas de l'Archéologie,
éditions Encyclopaedia Universalis, Paris, 1985, 424 p., pp. 60-61.
Nabokov et Easton 1989: NABOKOV, Peter, EASTON, Robert - Native American Architecture, éditions Oxford
University Press, New York, 1989, 431 p.
Palladius 4ème s. ap. n.è. : PALLADIUS - Opus agriculturae, I, 34, Traduction Les Belles Lettres, Paris, réédition en
1976.
Paret 1990 : PARET, Olivier - Le Mythe des cités lacustres, Paris, Dunod, 1958.
Perin 1985 : PERIN, Patrick - in Le Grand Atlas de l'Archéologie, éditions Encyclopaedia Universalis, Paris, 1985,
424 p., pp. 98-99.
Pesez 1985 : PESEZ, Jean-Marie - La terre et le bois dans la construction médiévale, in DAF n°2, Architectures de
terre et de bois, 1985, Paris, 191 p., pp. 159-167.
Page 163
Hubert Guillaud
Pfirsch 1981 : PFIRSCH, Luc - Urbanisme et architecture civile, in Le Grand Atlas de l'Architecture Mondiale éditions
Encyclopaedia Universalis, 1981, 405 p., pp. 122-123.
Pline 1er s. ap. n.è.: PLINE L’ANCIEN - Naturae Historiarum, XXXV, 48.
Prussin 1969: PRUSSIN, Labelle - Architecture in Northern Ghana. A study of forms and functions, Berkeley, 1969.
Prussin 1970: PRUSSIN, Labelle - Sudanese architecture and the Manding, in African Arts, vol. III, n°4, 1970.
Prussin 1972: PRUSSIN, Labelle - West African Mud Granaries, in Paideuma, 1972.
Schaedel 1985 : SCHAEDEL, Richard, P. - Naissance des grandes cités andines, in Le Grand Atlas de l'Archéologie,
éditions Encyclopaedia Universalis, Paris, 1985, 424 p. pp. 368-369.
Schöttler 1948: SCHÖTTLER, W. - Das Dünner Lehmbauverfahren, in Natur Bauweisen, Berlin, 1948.
Schultz 1982: SCHÜLTZ, K. - Adobe craft illustrated manual. Castro Valley, Adobe Craft, 1982.
Schweitzer (non daté) : SCHWEITZER, Joël - L'habitat rural en Alsace, des origines à l'an 800, in revue Saisons
d'Alsace n° 64, 23ème année, 124 p., pp. 8-30.
Seignobos 1982 : SEIGNOBOS, Christian - Nord Cameroun, Montagnes et Hautes Plaines, éditions Parenthèses, 1982,
pp. 112-114.
Spencer (non daté) : SPENCER, A.J. - Brick Architecture in Ancient Egypt, éditions Aris & Phillips Ltd, Warminster,
Wilts, Angleterre, photocopie de document non datée.
Uffler 1981 : UFFLER, Anne-Marie - L'habitat rural en Gaule centrale, in les dossiers histoire et archéologie, n° 58,
Varron 1er s. av. n.è. : VARRON - Res Rusticae, I, 14, 40.
Vidal 1981 : VIDAL, Henri - Architecture habitat-paysage, in Annales ITBTP, Paris 1981.
Vitruve 1er s. ap. n.è.: VITRUVE - De Architectura, II 1, II 3, II 8
Volhard 1983: VOLHARD, Franz - Leichtlehmbau, alter Baustoffneue Technik, éditions Verlag C.F. Müller,
Karlsruhe, 1983.
Whitehouse 1978 : WHITEHOUSE, David et Ruth - Atlas Archéologique universel, éditions Tallandier, Paris, 1978,
290 p., Les sites du Proche-Orient de la fin de la préhistoire et de la protohistoire, p. 94, Les sites néolithiques de
Chine, p. 210.
novembre 1981, 86 p., pp. 70-75.
Ouvrages collectifs
Dictionnaire archéologique des techniques : éditions de l'Accueil, Paris, 1963 et 1964, deux volumes.
Collection du Grand Larousse "Découvertes Junior", éditions Larousse et Gallimard, Paris, 1991, Tome 3,
"Le monde avant l'an mille", pp. 542-543, "Le village" (entre le 6ème et le 10ème siècle), pp. 548-549, "La famille
viking", pp. 558-559, "Une ville-comptoir" (Hedeby en Suède), pp. 562-563, "Le pays russe".
Les fouilles belges du Tell Kannâs sur l'Euphrate en Syrie : Lorsque la Royauté descendit du ciel : catalogue
d'une exposition présentée au Musée royal de Mariemont de septembre 1982 à janvier 1983, puis au Musée de Louvain-
La-Neuve, de février à mars 1983, éditions du Musée Royal de Mariemont, 1982, 150 p.
Page 164
Hubert Guillaud
Résumé
Des mottes gazonnées sont directement découpées en surface de sols herbeux ou tourbeux puis utilisées pour
édifier des murs bâtis par simple empilement en assises successives. Elles peuvent aussi hourder une structure en bois.
Il s'agit d'une technique historiquement très présente dans les îles Britanniques (Highlands d’Écosse, îles Shetland et
Irlande), connue sous plusieurs appellations : le "sod", le "sward", le "flag", le "flaw" ou le "feal", le "divot" ou le "turf"
et bien d’autres termes encore. Ce procédé fut aussi très utilisé pour la construction d’ouvrages de défense et l’habitat
populaire dans les pays scandinaves, sans doute hérité des bâtisseurs viking danois qui l’utilisaient entre la fin du
VIIIème siècle et le XIème siècle sur l'ensemble des territoires d'Europe septentrionale. La fortification de Solvig, au
Danemark, datée du XIVème siècle, a révélé l'un des exemples les mieux conservés de ce procédé de construction en
mottes de gazon empilées. En Amérique centrale ou latine, le matériau est connu sous le terme de "terrón". On connaît
encore l'utilisation de la tourbe dont l'exploitation ne fut pas limitée à la constitution de réserves de combustible de
chauffe ou de cuisson. Les gisements de tourbe fournissaient aussi des mottes ou blocs de matériau terreux et organique
qui servaient à construire des murs d'habitats. Ceux-ci étaient en partie creusés dans l’épaisseur des sols de tourbe et
parfois complétés par l’empilement de mottes gazonnées. On connaît aussi l’utilisation de ces matériaux en remplissage
d'ossatures en bois rustiques ou de systèmes de murs-palissades en dosses et planches de bois grossièrement équarries
(principe de la construction en "blockbau" et « stabbau » des régions germaniques) qui furent largement développés
tout au long du Moyen Âge. Ces principes de construction ont été aussi utilisés à ces mêmes époques sur les territoires
de Russie et en Pologne orientale, dans les grandes plaines drainées par le Dniestr et le Dniepr, entre la Baltique et la
Mer Noire, ainsi que par le Don et la Volga jusqu'aux rivages de la Mer Caspienne. Il s'agissait d'habitat faits de rondins
de bois, à demi enterrés, dont un seul pignon s'ouvrait au Sud. Les mottes de terre venaient en appui contre les parois-
palissades, pour les soutenir, et servaient également à couvrir les toitures, jouant aussi le rôle d'une masse d'inertie
thermique accumulant la chaleur du foyer. La technique de construction en "sod" ou "turf", d'origine anglo-saxonne fut
également employée par les colons partant s'installer aux États-Unis d'Amérique, à la fin du XVIIIème et au début du
XIXème siècle, notamment dans les États du Missouri et du Nebraska. On la retrouve aux mêmes époques en Australie
(Victoria), utilisée par les colons originaires des îles britanniques et d’Europe septentrionale. Un autre mode
d'utilisation de la terre découpée consiste à tailler des blocs de terre dans l'épaisseur de sol dont la nature s'apparente à
celle d'un conglomérat tendre ou dans des croûtes latéritiques de surface en processus d'induration (durcissement à
l’air). Il s’agit des "tepetate" au Mexique, de la "caliche" aux États-Unis d'Amérique, du "mergel" en Hollande ou du
"tuf" dans la plupart des pays méditerranéens. La communication présentée fait le point sur les aspects historiques et
techniques de la construction en mottes de gazon et blocs de terre découpée. En outre, elle montre son renouveau
associé à des actions muséales et à des préoccupations environnementales et économiques. Des exemples d’architecture
d’habitat récemment réalisés en " terrónes", en Uruguay (région de Montevideo), mettent cette actualité en lumière.
On repère l’utilisation des mottes de gazon en construction dans quelques rares textes anciens. Pline l’ancien, dans son
« Histoire naturelle »1 l’évoque à propos d’ouvrages militaires et d’infrastructures publiques : tours et remparts, fossés
et barrages. « Et puis n’y a-t-il pas en Afrique et en Espagne, des murs de terre, appelés formacei (faits à la forme, ou
au moule), car ils sont construits par bourrage dans un moule composé de deux panneaux placés de part et d’autre,
plutôt que véritablement édifiés : ils durent des générations, inattaquables à la pluie, au vent, au feu, et sont plus solides
que toute espèce de moellons. L’Espagne peut encore voir les postes d’observation d’Hannibal et ses tours de terre
placées sur les chaînes de montagnes. De même nature sont les mottes gazonnées employées pour le retranchement des
1 Pline l’ancien 1er s. ap. J.C., in Histoire naturelle, Livre XXXV, XLXIII.
Page 165
Hubert Guillaud
camps et pour les digues destinées à contenir l’assaut des fleuves ». Toujours à la même époque, chez Tacite, dans
« Germania » 2 où il évoque l’habitat des Germains : « ils n’emploient même ni moellons, ni tuiles, à toutes fins ils se
servent de matériaux bruts, sans se soucier de la beauté ou de l’agrément ; certaines parties sont enduites plus
soigneusement d’une terre si pure et si brillante qu’elle imite la peinture et des traits couleur ». On peut encore se
demander à quoi ressemblaient vraiment ces matériaux bruts (« materia informi » comme le dit le texte de Tacite).
L’assimilation à du torchis sur clayonnage a été souvent faite, en référence à des sites moyenâgeux plus tardifs (seconde
moitié du VII° s.- fin du VIII° s.), situés en Allemagne, comme Warendorf (Westphalie) ou Gladbach (Rhénanie) et
notamment à propos des 57 fonds de cabane (Grubenhaus) qui ont été découverts sur ce deuxième site. Mais, compte
tenu du contexte culturel (Europe tempérée septentrionale), il y aurait lieu de s’interroger sur le possible emploi de
paquets de terre ou de mottes gazonnées, culture constructive très présente dans ces régions.
Au cours du Moyen Age, les îles britanniques et le Danemark ont développé la construction en mottes de terre empilée.
Il convient de relever à nouveau les exemples connus des sites anglais (Devon) de Hound Tor et de Lydford, ainsi que
la fortification danoise de Solvig (Jutland, XIV° s.) qui est l’un des plus beaux du genre en Europe du nord. Jean
Chapelot et Robert Fossier 3 dans leur célèbre ouvrage « Le village et la maison au Moyen Age » y font référence tout
en évoquant la perdurance de cette culture constructive jusqu’au XIX° s. : « Ce matériau était encore très utilisé aux
XVIIIe et XIXe siècles dans les zones européennes froides et venteuses et à sol argileux, où l’herbe pousse bien drue :
Danemark, Norvège, côtes de l’Allemagne du Nord, Islande, provinces de Drenthe et de Veluwe aux Pays-Bas, Irlande,
Campine en Belgique, plusieurs régions de France et de Grande-Bretagne comme l’Ecosse. Dans ce pays par exemple,
aux XVIIIe et XIXe siècles, la majorité des maisons paysannes utilisaient encore avant tout ce matériau comme le
montrent les descriptions et les récits contemporains de voyage. Les mottes de gazon étaient découpées, à l’aide d’un
outil tranchant, en éléments rectangulaires un peu plus grands qu’une brique. Le village anglais de Hound Tor fournit
un bon exemple de construction par empilage de mottes de gazon contre un clayonnage. Dans les sites allemands du
bord de la mer du Nord, le gazon était souvent utilisé, comme les mottes de tourbe, sous la forme d’un muret large et
peu élevé. Mais c’est sans doute la fouille de la fortification danoise de Solvig qui a fourni à ce jour l’exemple le mieux
conservé puisque dans la coupe du mur ou son décapage, les mottes de gazon étaient encore visibles distinctement.
Dans quelques cas, le gazon était aussi utilisé comme le matériau de couverture, l’herbe étant placée vers le haut.
L’emploi de ce matériau pour la construction est lié à une certaine forme d’agriculture fortement conditionnée par la
présence abondante du gazon. La richesse du vocabulaire du gazon en allemand et surtout en anglais est la preuve
directe de l’importance de cette agriculture et indirectement de l’ampleur d’usage de ce matériau dans la construction de
ces mêmes régions ». Par la suite Chapelot et Fossier évoquent la tradition des îles britanniques sur laquelle on
reviendra. Dans une autre étude plus récente, Jean-Marie Pesez 4 y fait aussi référence en signalant les travaux
remarquables de J. Hertz 5 sur le site de Solvig : « Plus exceptionnelle, la construction en mottes de gazon (turf),
attestée en Angleterre aussi bien sur le site rural de Hound Tor que sur le site urbain de Lydford (tous deux dans le
Devon) faisait appel à un clayonnage pour maintenir en place ce matériau. La construction en turf se maintiendra
longtemps dans les constructions rustiques des pays riverains des mers du Nord, où l’herbe pousse drue. On en connaît
des exemples sub-actuels, voire même contemporains, de la Scandinavie à l’Islande, l’Ecosse, l’Irlande. Et on voit ce
matériau employé dans le Jutland au XIVe s. même pour les bâtiments d’une maison-forte. A Solvig, sur des îles
construites elles-mêmes en gazon, dans le cours de la rivière, on a édifié plusieurs bâtiments en « carreaux » de gazon,
larges de 60 à 70 cm et épais d’au moins 10 cm, assemblés par de longues chevilles en bois : dans l’un de ces bâtiments,
de 4,40 x 4,90 m (dimensions intérieures), les murs épais de 2,90 m étaient constitués de quatre lignes de ces carreaux,
tandis que des poteaux implantés dans les murs soutenaient la toiture ».
Page 166
Hubert Guillaud
entrait retroussé, posées à même le sol. Celui-ci était souvent excavé comme pour les fonds de cabane du Moyen Age
(X°s.). Ce fut le cas dans les régions où dominait l’exploitation de la tourbe. L’habitat y était souvent en partie creusé et
recouvert d’une toiture en terre et mousse. Ce sont les moss-houses du Stirlingshire qui furent repérées par un peintre du
nom de Joseph Farrington, en 1792. Ce type d’habitat aurait existé jusque vers 1880, notamment pour construire des
réserves de pains de glace et des réserves utilisées par les pêcheurs de saumon de la côte ouest écossaise. Un récent
travail réalisé par la Division de la Conservation technique, de la Recherche et de l’Education du Historic Scotland 6,
prolongeant des études antérieures 7, a permis d’inventorier les procédés de construction en terre écossais. Ce travail est
particulièrement intéressant pour le repérage des différentes techniques de construction en terre et pour la restitution
d’un glossaire régional. Une grande partie de l’habitat des populations rurales les plus pauvres d’Ecosse, a été construit
en mottes de terre gazonnée, technique actuellement plus connue sous le terme générique de « sod », directement
inspirée des procédés d’extraction des tourbières. Le procédé est aussi connu sous d’autres appellations locales comme
le « turf » ou encore « green turf », le « peat » ou « moss » (maisons creusées dans la tourbe 8 ), le « divot » que les
irlandais appellent « scraws » (pour les mottes de toitures gazonnées) ou encore le « fale », « fail » ou « feal » pour ce
qui est d’une construction en mottes de plus grosse taille que l’on dénomme encore « pones » dans les Shetlands.
Walker et McGregor (1994) précisent même que cette terminologie est loin d’être exhaustive si l’on prend en compte
les variantes de la terminologie Gaélique employées dans les Highlands d’Ecosse, dans les îles et en Irlande. Il fut
utilisé dès l’antiquité comme les recherches archéologiques le prouvent par les vestiges du Mur d’Antonin construit en
143 ap. J.C. La découpe des mottes de gazon était généralement faite au moyen de bêches à lames tranchantes
consolidées, dénommées « flaughter spades » le plus souvent employées pour la découpe des blocs de tourbe. Il en
existe de différentes sortes, selon les traditions locales que Walker et McGregor présentent dans leur autre étude
précédemment référencée (1996). La construction en mottes de terre gazonnées demandait un savoir-faire assez élaboré
car il fallait contrôler le tassement des assises successives. De même pour assurer une liaison horizontale des blocs pour
chacun des lits de pose. Ainsi, les constructeurs ont imaginé d’utiliser des mottes taillées en forme de parallélogramme
qu’il bâtissait d’un lit à l’autre, alternativement, en appareil dit « d’arête de poisson », les mottes donnant l’impression
d’être couchées les unes contre les autres. Des chroniques de la fin du XVIIIème siècle rapporte que les mottes de turf
était coupées au printemps, lorsque la pousse des herbes était réactivée, de façon à disposer d’un matériau riche en
racines. Les mottes étaient directement utilisées à l’état frais pour que les racines continuent de croître dans l’épaisseur
du mur, cela améliorant la liaison mécanique des blocs entre eux. D’autres habitats, de meilleure qualité, ont pu associer
la pierre et les mottes de terre gazonnée bâties en lits alternés. Ce procédé améliore la résistance mécanique des murs
mais exigeait une grande régularité de taille des pierres et des mottes. Des solutions mixtes ont été développées comme
en attestent les « shelling huts » construites au cours de la deuxième moitié du XIXème siècle. Ce sont des habitats de
forme circulaire avec des murs en pierres bâties à la chaux, en parement intérieur, et des mottes de turf en parement
extérieur élevées sur un soubassement de pierre. Parfois, le système construit est inversé avec les pierres en parement
extérieur et les mottes en intérieur. Les toitures de ces huttes sont en bois également recouvertes de mottes herbeuses.
Ce type d’habitat a aujourd’hui disparu 9.
Les bâtiments de Glaumbær sont datés de périodes différentes ayant été successivement dressés aux XVIII° et XIX°
siècles. Il s’agit d’un exemple typique de construction en mottes de gazon qui a été généralement développé dans les
territoires ruraux d’Islande, jusque vers 1900. Cette pratique constructive a été ensuite remplacée par le béton qui
caractérise la quasi totalité de l’architecture islandaise actuelle. L’utilisation des mottes de gazon en Islande est très
ancienne du fait d’un manque d’arbres à gros fûts sur l’île bien que les ancêtres scandinaves aient principalement utilisé
le bois qu’ils durent sans doute importer en grande partie, au moins pour les éléments de structure de grosse taille. Le
principe constructif des bâtiments de la ferme de Glaumbær consiste à la fois en des parois en mottes inclinées (appareil
en épi, Fig. 1) et en des enveloppes de planches minces dressées en dosses verticales et enserrant un remplissage de
mottes (façade principale, Fig. 2). Celles ci sont également utilisées pour la couverture des toitures, en couche épaisse.
L’herbe islandaise est très drue et dense, munie de grosses racines. Elle constitue un tissu végétal très résistant. Dans les
régions à précipitations modérées de l’île, la durée de vie de ces bâtiments a été estimée à environ un siècle pourvu que
la toiture présentât une inclinaison adaptée. En effet, lorsque celle-ci est insuffisamment inclinée, l’eau passe et si elle
Page 167
Hubert Guillaud
est trop escarpée le gazon tend à se lézarder en période de sécheresse car l’eau s’écoule trop rapidement et ne permet
pas à l’herbe de se régénérer laissant également l’eau passer. Il est assez difficile de réaliser des constructions de
grande taille en mottes de gazon bien que cela fut fait en d’autres régions du monde (fermes du Nebraska aux U.S.A.,
p.e. sur lesquelles on reviendra). Mais dans l’ensemble, les espaces ou pièces d’habitation sont relativement petites et
Fig. 1 : Ferme-musée de Glaumbær, vue latérale. Fig. 2 : Ferme-musée de Glaumbær, façade principale.
Documentation CRATerre-EAG. Documentation CRATerre-EAG.
séparées. Ainsi, dans le cas de la ferme de Glaumbær , les pièces d’habitation ou de stockage sont-elles accessibles soit
par l’extérieur, directement en façade, soit par un très long couloir intérieur. Celui ci mesure 22 mètres de long et outre
la porte d’accès extérieur, il est muni de 2 autres portes intermédiaires servant de coupe froid. Il dessert, y compris deux
pièces également accessibles en façade, un ensemble de 7 pièces, soit 9 espaces d’occupation domestique. Les deux
pièces de la façade orientée à l’ouest sont des chambres d’amis, tardivement construites, en 1841, alors que les autres
espaces directement accessibles en façade et complètement séparés sont principalement des dépôts complétés d’une
forge et d’un bûcher. Le couloir intérieur dessert successivement une laiterie et une cuisine, deux espaces de garde-
manger, un lieu d’aisance et une pièce d’accès latéral orientée au sud, puis enfin la grande pièce principale de séjour ou
« baóstofa ». La cuisine est identifiée comme la partie la plus vieille de la ferme, construite au milieu du XVIII° s. et
utilisée jusqu’en 1900. Elle servait aussi de fumoir et permettait de préparer des repas pour une vingtaine de personnes.
Le combustible de cuisson ordinaire était la tourbe ou l’excrément de mouton séché (inodore). La « baóstofa » a été
construite plus tardivement, vers 1876. Ce séjour familial contenait 11 lits usuellement partagés par 2 personnes qui y
travaillaient et mangeaient en position assise, et y dormaient. Chaque personne disposaient d’un bol à couvercle, l’
« askur », posé sur une étagère murale recevant la nourriture apportée des gardes-manger (grand et petit), pièces froides
permettant l’emmagasinage et la conservation des denrées et aliments préparés. Les principaux travaux réalisés dans la
« baóstofa » consistaient en cardage de la laine de mouton, filage au rouet et couture de vêtements pour les femmes, et
confection de cordes de crin de cheval pour les hommes. Dans un tel entourage restreint qui pouvait accueillir jusqu’à
20 personnes, seule une conduite mutuelle de respect et de tact permettait de contrôler les frictions et s’imposait en
règle de conduite. On doit ici relever les très bonnes caractéristiques d’isolation des mottes de gazon car cette pièce
n’était pas chauffée et maintenait la propre chaleur animale des occupants par ailleurs chaudement vêtus de lainages.
III – Les maisons en sod des immigrants européens aux Etats-Unis, en Australie et Nouvelle
Zélande
III.1. - Le sod aux Etats Unis
Une publication d’un architecte new yorkais de la fin du XIXème siècle, David W. King 10, prête attention à la
construction des maisons à moindre coût en sod, dans les régions de prairies. L’auteur relève l’intérêt de ce matériau de
construction, accessible à portée de main, pour les foyers ruraux à très bas revenus qui ne peuvent acquérir et utiliser les
matériaux modernes contemporains de l’époque encore très mal distribués par le réseau ferroviaire ignorant de vastes
régions, de fait très enclavées. Ce type de construction a été celui de quelques fermiers pionniers dans les régions des
Page 168
Hubert Guillaud
grandes plaines du centre nord des Etats-Unis. Seules quelques pièces de bois étaient nécessaires pour les cadres
d’ouvertures, portes et fenêtres en nombre réduit, préfabriqués voire montés sur place par simple clouage. D’autres
pièces de bois étaient noyées dans la masse des parois en mottes accumulées, notamment au voisinage des angles. Les
mottes étaient prélevées dans l’environnement immédiat de la construction à même la surface d’un sol herbeux ou
« turf » libre de pierres ou graviers. Le matériau était extrait à l’aide d’une charrue décapant une couche de sol épaisse
d’environ 10 cm. Puis les mottes étaient découpées à la bêche aux dimensions de l’ordre de 45 x 60 cm ce qui indique
des épaisseurs de parois pouvant aller jusqu’à 90 cm, soit avec une pose en double épaisseur d’appareil en panneresses à
joints décalés, soit en appareil à boutisse avec des mottes aux pleines et demi dimensions, comme le précise David W.
King par des croquis sommaires. Les parements extérieurs et intérieurs étaient réglés à la hachette donnant aux mottes
une apparence de briques de terre crue. Certains murs pouvaient aller jusqu’à 1,20 m. d’épaisseur avec des mottes de 60
cm de long posées en boutisse en double épaisseur. L’auteur justifie cette épaisseur par la hauteur des murs de ces
petites maisons de plain-pied pouvant atteindre 2,60 m. Les modèles de maisons présentés montrent des contreforts
extérieurs bâtis au droit des jambages des portes afin d’améliorer la stabilité des murs exposés à de l’élancement.
Parfois, selon les moyens des constructeurs, des traverses horizontales en bois étaient disposées en partie haute des
parois en mottes qui faisaient office de chaînage.
11 Welsch 1968, in « Sod walls. The story of the Nebraska Sod House ».
Page 169
Hubert Guillaud
ethnologique et folklorique, en valorisant la structure familiale, la décoration des maisons et la vie paysanne, y compris
un choix de « sod house songs » (chants populaires des soddies), en fin d’ouvrage. Le propos de cette étude valorise le
premier aspect de cette double approche bien que d’autres aspects méritent attention.
Fig. 3 : Maison en sod au Nebraska. Famille Haumont, Comté Fig. 4 : Maison en sod au Nebraska. © Collection Solomon
de Custer. © Collection Solomon Butcher ; Société Butcher ; Société Historique du Nebraska.
Historique du Nebraska. D’après R.L. Welsch (1968). D’après R.L. Welsch (1968).
Page 170
Hubert Guillaud
Welsch. Des plans plus élaborés mais plus tardifs ont aussi adopté des formes en « L » ou en « T » contribuant bien sûr
à d’autres distributions des espaces habitables mais aussi à une protection contre les éléments extérieurs dominants
(pluies, vents), avec l’agrément d’une petite terrasse ou cour ouverte abritée. Il y a eut aussi des formes rondes, voire
polyédriques (hexagonales ou octogonales), mais plus rares. Une fois la forme du plan choisie, en fonction des besoins
et des moyens de la famille, la construction pouvait commencer, généralement à même le sol, préalablement décapé de
sa couverture herbeuse et nivelé. En effet, rares sont ces maisons en sod qui auraient disposé de fondations.
Elles étaient faites dans le sens perpendiculaire à la direction de passage de la charrue qui viendraient ensuite les
soulever cela permettant de réduire de moitié la tâche de pré-découpage des mottes (dans leur longueur et largeur). Si
l’herbe était trop haute, il fallait la faucher au préalable en gardant une taille de pousse d’environ 10 cm ; cela
garantissait une bonne tenue de la motte et sa compacité. Welsch rapporte que la charrue était d’une conception
spécifiquement adaptée à ce travail d’extraction des mottes de façon à ne pas les abîmer. Le soc de cette araire était
traditionnellement triangulaire, à la fois horizontal et vertical, légèrement concave, et muni de guides permettant de
soulever et faire basculer les mottes tout doucement. Ainsi, un ruban continu de sol herbeux épais de 7 à 15 cm et large
de 30 à 45 cm était retourné qui se divisait en mottes de longueur égale (60 à 90 cm) grâce au pré-découpage du sol
dans le sens orthogonal. Cette araire spéciale était dénommée « sauterelle » (« grasshopper », Fig. 5). Peu de nouveaux
colons en disposaient et elle leur était prêtée par les rares agriculteurs qui en disposaient en échange de la force de
travail pour les moissons. Par la suite, cette activité de construction des soddies ayant pris de l’importance, un certain
Randall Sargent imagina un modèle d’araire de conception plus économique, en bois d’orme, dérivée d’un outil dont il
avait usé en Iowa, « l’antilope » (« antelope »). Il en produisit près d’une centaine pour répondre à la demande des
nombreuses familles désirant construire en sod. Ces charrues, « sauterelles » ou « antilopes », étaient tractées soit par
des chevaux de trait ou des bœufs, ces derniers étant préférés car ils se meuvent plus lentement et permettent une
meilleure régularité de découpe des rubans de mottes herbeuses. Les dimensions courantes des mottes que l’on a relevé
correspondent à une manutention assez facile mais dépendent de plusieurs facteurs : l’épaisseur de la couche de terre
noire herbeuse, la teneur en eau du sol et la force des hommes. Plus le sol est épais et plus il est humide, plus les mottes
sont de petite taille car plus lourdes. Ce facteur de l’humidité du sol doit être considéré avec attention car il garantit la
bonne tenue des mottes qui vont être directement utilisée dans la construction, le jour même. Aussi, l’extraction des
mottes se faisait généralement le matin et en quantité correspondant au travail de construction à accomplir dans la
journée. Les mottes qui séchaient trop longtemps à l’air ou rapidement desséchées à cause des vents de plaine, n’étaient
pas utilisées.
Page 171
Hubert Guillaud
Couvertures en sod
La plupart du temps, les couvertures des soddies étaient également en mottes de gazon. Le bois était rare et cher. Même
s’il fallait prévoir des poutres solides pour supporter le poids des mottes en couverture, l’économie de « shingles » en
bois (bardeaux) restait très substantielle. Mais l’acquisition des poutres en bois était toujours un problème. Soit les
familles étaient en mesure de les acheter chez des négociants installés dans les agglomérations les plus proches, soit il
fallait aller les couper dans les régions plus montagneuses et boisées en cèdres, situées au nord-ouest des grandes
plaines, du côté de « Victoria Spring ». D’une manière générale, les toitures en sod présentaient des pentes assez faibles
car les constructeurs économisaient leur travail de maçonnerie en n’élevant pas les pignons trop hauts. Mais cela posait
très souvent des problèmes d’étanchéité qui ont été en partie résolus pour les périodes plus récentes grâce à l’emploi de
papier goudronné posé au-dessus des voliges de charpente. Avant cette solution, il fallait définir une pente de
couverture assurant un compromis entre l’étanchéité (pas trop faible) et le risque de glissement des mottes (pas trop
raide). Mais, pour des raisons d’économie de bois, les familles ont souvent préféré des couvertures moins pentues même
si elles étaient exposées à des fuites. La plupart de ces maisons en sod des fermiers du Nebraska, sont restées très
modestes. Comme l’évoque Welsch dans son texte, même si elles pouvaient représenter un investissement en matériaux
indispensables (cadre de baies en planches et quincaillerie de base) de l’ordre moyen de 30 dollars de l’époque – ce qui
paraît dérisoire aujourd’hui – c’était alors beaucoup d’argent pour de bien pauvres gens. Ces maisons modestes, dans
leur taille initiale, étaient bâties en une à deux semaines. Bien rares furent celles, plus remarquables, qui furent presque
de véritables manoirs comme la très célèbre « Gordon Haumont House » située dans le Comté de Custer près de Broken
Bow, qui est l’un des joyaux de la collection photographique de Solomon Butcher, reproduite en dessins dans de
nombreuses publications (Fig. 5 et Fig.6).
Page 172
Hubert Guillaud
Traitant de l’architecture primitive en Victoria, Miles Lewis 12 conteste l’idée communément adoptée que les toutes
premières constructions d’immigrants européens en Australie furent principalement réalisées en torchis. Il pense que les
« turves » et « sods » ont été aussi utilisés pour la construction des premiers établissements bien que peu de
documentation locale existe. Il semble se référer à des sources d’origine américaine et notamment à David W. King
(1896) évoquant les maisons rurales du Nebraska, puisque l’on retrouve une description de la manière de décaper les
mottes de gazon reprise à l’identique. Ce sont ces habitations du Nebraska dont plusieurs exemples ont été
photographiées par Solomon D. Butcher entre 1886 et 1892, qui pourraient servir de référence à l’auteur. Lewis
reconnaît toutefois que ces exemples de maisons construites après 1870 sont peu directement utiles pour décrire la
tradition de construction en sod d’origine européenne qui a atteint l’Australie près d’un siècle et demi plus tôt. Miles
Lewis s’appuit donc sur d’autres traditions européennes, fondant son hypothèse d’un possible emploi de cette technique
de construction sur le transfert d’une culture constructive largement utilisée dans les îles britanniques, en Irlande, au
Pays de Galles, en Ecosse qui ont fourni une grande part des immigrants de première vague au début du XVIII° s. Il
évoque notamment la tradition des toitures en gazon qui furent recouvertes de chaume et rappelle le vocable « scraws »
utilisé en Angleterre et en Irlande désignant ces sods de toiture. Cette méthode était aussi dénommée « stob thatch », en
Ecosse. Il décrit même un certain degré de sophistication de la technique de couverture en mottes de gazon maintenues
entre elles par un brochage (ou « scoubs ») en bois. Un exemple d’application de ce principe de couverture en mottes a
été repéré par un certain Neil Kenworthy, à Parwan, près de Bacchus Marsh, sur une charpente de caractère primitif à
troncs fourchus servant de colonnes. La toiture présente une faible inclinaison. Lewis émet l’hypothèse que les migrants
tasmaniens aient pu être plus familier de ces techniques de construction. Ainsi, « des huttes en « sod » ont été bâties à
« Hobart Town » après que Collins ( Lt. gouverneur du lieu) eût abandonné l’établissement de Sorrento ». « A
« Dennistoun », sur la Clyde, le Capitaine Woods a construit des huttes en « turf » à planchers de bois et toitures en
chaume, en 1822, qui ont été occupées par la famille Reid pendant un temps alors que Alexander Reid construisit une
autre habitation en turf à « Ratho » qui fut leur demeure pour 3 ans ». De même, « près de la ville actuelle de « Ross »
W.T. Parramore construisit une hutte ronde en « turf » en 1823 et à la même époque, à « Macquarie Plains » il semble
que John Powell ait pu construire une hutte en sod. L’usage du « turf » était aussi recommandé en 1837 pour les
émigrants partant s’installer en « South Australia » et la plupart des habitats de la première période d’établissement,
aux alentours d’Adelaïde, ont été bâties en « turf », terre et en joncs ». D’autres exemples sont donnés pour la
Nouvelle Zélande, la région de Port Philip ainsi que pour Melbourne. Ces derniers retiennent particulièrement notre
intérêt. « Les deux premiers bâtiments de Melbourne ont été les magasins en sod et la hutte bâtis par Evan Evans et
autres et Lonsdale montra que non seulement George Evans mais aussi J. et W. Jackson, George Stewart, W.G. Sams et
Charles Wedge ont occupé des bâtiments de ce type. De même, en décembre 1836, le Sydney Gazette note que deux des
trois bâtiments publics de Melbourne étaient en sods et, en 1837, Michael Pender possédait un café en sod à Flinders
Lane. Un autre bâtiment en sod repéré par Lonsdale était celui qui fut constrit par Henry Batman à l’angle des rues
King et Collins qui devint l’une des premières prisons de Melbourne et qui paraît similaire avec le bureau de police
observé par Foster Fyans en 1837 ». Dans une autre région où s’installèrent des immigrants d’origine irlandaise, un
certain « Rolf Boldrewood remarqua que des cubes noirs bien coupés plutôt plus gros que des briques, à leur état frais
et humide, permettaient de bâtir un mur d’apparence soignée et solide ». Il semble également que les sods ou turves
aient été aussi très utilisés pour construire des foyers de cheminées tel que le rapportent beaucoup de témoignages.
Miles Lewis constate néanmoins que même si les bâtiments en sod avaient la bonne réputation d'être plus confortables
que ceux construits en pierre délitée (« split slab ») ceux-ci représentaient davantage l’idée de la « vraie ferme » que les
premiers ; un constat de préjudice social vis-à-vis d’un mode de construction utilisé par des « paysans européens » et
des « natifs » australiens.
Miles Allen 13 mentionne l’ensemble des techniques de construction en terre qui ont été utilisées par les immigrants
européens s’installant sur les deux principales îles de Nouvelle Zélande, soit les mottes de gazon (« turf » ou « sod »), la
bauge (« cob »), le torchis (« wattle and daub »), le hourdage en terre d’ossatures bois (« mud and stud », principe
largement développé à l’époque Elisabéthaine/Tudor) et l’adobe. En effet, l’auteur confirme que ces modes de
construction ne sont pas d’origine indigène, aucune évidence de leur emploi n’ayant été constatée pour les époques pré-
européennes. Peu de ces édifices datés de la fin du XIX° s., dont certains ont été remarquablement construits, survivent
alors que les habitats plus précaires ont largement disparu ou ont été recyclés en granges et abris de stockage agricole.
Page 173
Hubert Guillaud
Dans la région de « Central Otago », beaucoup de petits édifices ruinés correspondent à des petits habitats sommaires de
chercheurs et mineurs d’or qui pratiquaient une forme de nomadisme sur le territoire au gré de leurs recherches des
filons. Puis, lorsque le pays a connu son époque de développement, la construction en terre, associée à la pauvreté, a
rapidement disparu. Parlant assez sommairement de la technique des mottes de gazon, dénommée « sods » ou « turves »
(pluriel de « sod » et « turf ») qui semble avoir été associée aux toutes premières époques d’immigration européenne,
Miles Allen écrit que les mottes étaient découpées après avoir coupé l’herbe (« tussock ») assez rase. Il précise que pour
dresser les murs, ces mottes étaient posées à l’envers, soit la couverture herbeuse en bas. Cette remarque est intéressante
car ce n’est pas toujours le cas avéré pour d’autres régions du monde. Le principe de renversement, selon l’auteur,
permet un meilleur ancrage des couches de mottes entre elles. Parfois, du sel était interposé entre chaque couche afin de
réduire le pourrissement de la partie herbeuse des mottes.
14 Quantin 1992, in «L’induration des matériaux volcaniques pyroclastiques en Amérique latine : processus géologique et pédologique » .
15 Guerrero 1992, in « Distribución de los tepetates de la Republica Mexicana, escala 1 : 4,000,000 » .
Page 174
Hubert Guillaud
L’utilisation des latérites en construction dans les régions tropicales : Afrique et Inde
Les sols latéritiques ont fourni depuis longtemps l’un des principaux matériaux de construction des régions tropicales16.
Leur quantité relativement abondante en couche épaisse dans l’horizon de surface des sols de ces régions rend l’accès
aux matériaux pierreux plus difficile. Une fois extraits, ces sols effectuent un processus de durcissement à l’air par
induration leur donnant de bonnes propriétés physiques et mécaniques. Ils sont ainsi abondamment exploités, autant
pour réaliser des travaux publics que pour produire des briques destinées à la construction d’habitat. On connaît aussi de
remarquables exemples de bâtiments historiques, comme les temples khmers d’Angkor-vat (Xe – XIIe s.), au Cambodge
et beaucoup d’autres temples bouddhistes de ces régions qui ont assez remarquablement résisté aux érosions du climat
tropical. Mais ces latérites, générées sous des conditions géologiques et pédologiques variables sont de qualité très
versatile, présentant des propriétés différentes. L’intérêt pour l’emploi de ce matériau abondamment disponible a
logiquement justifié une importante activité de recherche scientifique afin de mieux définir leur comportement, leurs
capacités et performances constructives et surtout pour établir une classification de ces sols latéritiques. De même,
l’industrie du bâtiment a été conduite à s’intéresser à ces matériaux car dans beaucoup de situations ils offrent une
alternative à la pénurie de matériaux industrialisés, coûteux et peu accessibles. Cela est particulièrement vrai en Afrique
(Côte d’Ivoire, Ghana, Liberia, Sénégal, Sierra Leone, Togo, Tanzanie), en Asie (Inde, Thaïlande, Philippines) et même
en Amérique latine (Guatemala, Brésil, Venezuela, Pérou, Colombie) où ce matériau de construction traditionnel a fait
l’objet de recherches industrielles. Un rôle important dans cette direction a été joué par le « Building and Road
Research Institute » (B.R.R.I.), à Kumasi (Ghana) qui a produit des publications de référence dans ce domaine de
recherche17. D’autres recherches importantes ont été menées au début des années 1980, dans les universités allemandes,
qui ont notamment fait avancer la question de la caractérisation géochimiques et mécanique des sols latéritiques dont la
composition « type » consiste principalement en SiO2, AlO3, Fe2O3 et H2O (silice, oxyde d’aluminium, oxyde de fer et
eau) ainsi qu’en minéraux de quartz, kaolinite, gibbsite, goethite et hématite.
Origine de la terminologie :
Le terme "latérite" a été introduit en 1807 par le géologue britannique F. Buchanan18 en référence à un certain type de
matériau tropical désagrégé. Il inventa ce terme pour désigner ce type de matériau à la fois ferrugineux, ocreux,
cellulaire, non stratifié et poreux qu’il observa à l’occasion de voyages effectués en Inde, principalement à Malabar
(aujourd’hui état du Kerala). « A l’état frais, ce type de matériau se travaille et se découpe facilement en forme de blocs
ou briques qui, après une courte période de séchage à l’air, durcit et fournit ainsi un matériau valable notamment pour la
construction de maisons ». Mais, Buchanan a aussi nommé ces matériaux à la fois sous l’appellation de "latérite" et de
"pierres à briques" en les désignant plus précisément comme des "matériaux de consistance molle offrant des capacités
de durcissement".
16 Stubendorff 1986, in «The mechanical properties of tropical-weathering products and their relationship to the mineralogical and chemical
composition » .
17 Gidigasu 1976, in « Laterite soil engineering. Pedogenesis and engineering principles ».
18 Buchanan 1807, in « A journey from Malabar through the countries of Mysore, Canara and Malabar ».
19 Rigassi (CRATerre-EAG) et Nève de Mervegnies 1994, in « Projet d’extension de l’entreprise Nikiema & Cie à Bobo Dioulasso, Burkina Faso » .
Page 175
Hubert Guillaud
transport sont très supérieurs à ceux de la brique d’adobe moulée, soit de l’ordre de 4 à 5 fois plus élevés (Fig. 8 et Fig.
9).
Fig. 8 : Carrière de terre latéritique à la périphérie de Bobo Fig. 9 : Extraction manuelle de blocs de sol latéritique au
Dioulasso, Burkina Faso. © Vincent Rigassi, CRATerre-EAG Burkina Faso. © Vincent Rigassi, CRATerre-EAG
Il n’existe pas de procédé d’extraction mécanique spécifique pour l’exploitation des gisements de latérite mais des
expérimentations exploitant les procédés d’extraction de la pierre à ciel ouvert ont été envisagés. Ainsi, au Burkina
Faso, un procédé de mécanisation partielle a été testé entre 1978-79 par le Bureau d’Aménagement et de Constructions
Rurales de Bobo Dioulasso. Il s’agissait d’un châssis sur roulettes muni d’une scie verticale permettant les découpes
dans le sens de la longueur et de la largeur avant que les blocs soient décollés manuellement. La scie était à lame de
diamant, procédé adapté pour les pierres tendres qui demande généralement une utilisation abondante d’eau. Ces
expérimentations n’ont pas été poursuivies car elles n’ont pas présenté un bilan d’exploitation satisfaisant.
Néanmoins, d’autres procédés de taille mécanisée de la pierre pourraient être adaptés. On pense à ceux utilisés pour les
pierres tendres (tuf, calcaires, etc.). Ce sont d’une part des engins se déplaçant sur des rails guides munis d’une scie
verticale et d’une scie horizontale mais leur coût d’acquisition est relativement élevé (prix usine de 800 000 francs,
valeur 1994). D’autre part, des procédés permettant de débiter des gros blocs d’environ 1 x 2 mètres qui sont ensuite
débités en blocs de plus petite taille en atelier. Ces machines dénommées « haveuses » qui se déplacent aussi sur des
guides travaillent en mode soit vertical soit horizontal et sont équipées de chaînes à pastilles de carbure de tungstène
(plaquettes widja) permettant une découpe à sec. Les blocs découpés sont ensuite déplacés au moyen de chariots jusqu’à
un châssis guillotine muni de tables fixes et/ou tournantes permettant un débitage en plus petits blocs. Mais
l’investissement est aussi onéreux, de l’ordre de 1 million de francs (valeur 1994).
Fig. 10 : Séminaire construit en blocs de latérite découpés, Fig. 11 : Habitation en blocs de latérite découpés, Wusasa
Burkina Faso. © Vincent Rigassi, CRATerre-EAG Zaria, Nord du Nigéria. © HubertGuillaud, CRATerre-EAG
Les blocs de latérite sont utilisés en maçonnerie, appareillés soit en boutisse (petit parement apparent), soit en
panneresse (long parement apparent). Ils sont bâtis à l’aide d’un mortier de terre argileuse et souvent rejointoyés au
mortier de sable-ciment. Les plus anciennes constructions ont été bâties au mortier de sable-chaux. La typologie des
ouvrages construits est assez large avec des murs de clôture, des maisons, des bâtiments de caractère public ou religieux
pouvant présenter plusieurs niveaux (Fig. 10 et Fig. 11). La qualité de plusieurs réalisations architecturales anciennes
est évidente et confirme de nombreux avantages offerts au plan constructif et architectural. Le système constructif
Page 176
Hubert Guillaud
utilise les blocs en maçonnerie porteuse ou en remplissage d’ossature béton pour les constructions les plus récentes. Peu
de données techniques existent sur ce matériau dont les caractéristiques mécaniques sont mal évaluées mais l’on estime
que la résistance en compression sèche est de l’ordre de 40 à 80 Mpa avec une résistance humide située entre 30 et 60
Mpa. Au vu des échantillons récoltés, la masse volumique du matériau est comprise entre 1700 et 2000 kg/m3 alors que
la littérature technique donne des valeurs bien supérieures, la situant entre 2200 à 2500 kg/m3. Au plan des
caractéristiques thermiques, notamment pour l’inertie, elles peuvent être apparentées à celles de la brique cuite ou du
bloc de terre comprimé. A l’observation, la résistance à l’érosion semble bonne hormis pour des parties marquées par
des inclusions tubulaires, présentant une érosion plus marquée mais sans pour autant altérer la résistance globale des
blocs et des maçonneries.
Autre exemple de production et utilisation des blocs de latérite en Inde, région de Goa
Utilisée depuis fort longtemps, bien avant l’époque de la colonisation portugaise, la latérite demeure aujourd’hui le
matériau de construction le plus populaire de la région de Goa 20 (sud-ouest de l’Inde, sur les rivages de la Mer
d’Arabie). Elle y est en effet très abondante et encore relativement bon marché. Ce ne sont pas moins des deux tiers du
territoire de cet état de Goa qui sont couverts par des sols latéritiques dont l’épaisseur des couches varie de 2 à 25
mètres d’épaisseur. Ces sols sont relativement jeunes et superficiels donc directement accessibles et exploitables. Le
fort développement de l’activité touristique et industrielle dans la région a favorisé un développement considérable de la
construction et les carrières de latérite ont été mises à contribution. Traditionnellement, la latérite a permis l’édification
d’ouvrages couvrant une large typologie : des habitations populaires, des églises et temples, ouvrages militaires, palais
et même des ouvrages publics tels que des ponts. Les blocs de latérite de bonne résistance (35 à 50 kg/cm2) sont utilisés
pour les fondations et les soubassements, pour la réalisation de murs de soutènement et de clôture et pour des
fortifications, des pavements ainsi que pour des systèmes de franchissement en arcs ou des couvertures en voûtes et
coupoles. Ils conviennent aussi pour la réalisation de contreforts et autres types de structures porteuses tels que colonnes
et piliers. Les blocs moins résistants (20 à 35 kg/cm2) sont généralement employés pour la réalisation de parements de
façades et pour la construction de maçonneries en remplissage d’ossatures.
L’exploitation des carrières de blocs de latérite à Goa est le plus souvent manuelle au moyen de pics et pioches, houes
et bêches. En mode semi-mécanisé, les exploitants utilisent des engins roulants munis d’une disqueuse parfois
complétée d’une mèche de tungstène travaillant dans le plan horizontal. Les carrières les mieux équipées disposent aussi
d’engins à godets d’origine agricole permettant un décapage. Les opérations de production suivent une séquence
d’opérations classique : un décapage manuel ou mécanique de la surface du sol suivi d’un traçage de dimensionnement
des blocs effectué à l’aide de clous et cordeaux, puis un découpage horizontal de la couche à extraire, manuel ou
mécanisé, complété d’un levage des blocs, généralement manuel. Les déchets de matériau non utilisable sont ensuite
évacués à l’extérieur immédiat de la carrière. L’un des principaux problèmes est le contrôle de ce gaspillage de
matériau, notamment lorsque l’on définit l’épaisseur du plan de clivage de la couche à extraire. Dans la région de Goa
les exploitants préfèrent d’abord dimensionner la taille des blocs par traçage et approcher l’épaisseur du plan de clivage
avant d’engager l’extraction. Cette pratique résulte en une moyenne de 10 à 15 % de perte de matériau en mode semi-
mécanisé et jusqu’à 25 % en mode manuel. Mais dans l’ensemble, l’attention portée à ce problème de gaspillage reste
souvent secondaire. Ces modes d’extraction permettent l’extraction de blocs de forme dégrossie.
Les carrières manuelles adoptent le principe de l’extraction par couches horizontales successives et sur une épaisseur
maximale de 5 mètres. Les équipes rassemblent jusqu’à une trentaine d’ouvriers. Les carrières semi-mécanisées peuvent
exploiter le matériau sur une plus grosse épaisseur, jusqu’à 7 à 8 mètres. Les équipes rassemblent entre 12 à 15 ouvriers.
Ces ouvriers viennent généralement des régions rurales et constituent une main d’œuvre exploitée à très bon marché.
Fonctionnant le plus souvent en paire, leur salaire est de l’ordre de 110 Roupies par jour soit 2,5 USD. Le marché des
carrières de Goa s’étend aux villes voisines, Panaji, Mapusa, Margao et Vasco qui sont des centres économiques
florissant et grands consommateurs du matériau pour leurs chantiers de construction. Le coût des blocs de taille semi-
mécanisée est supérieur à celui des blocs extraits manuellement qui exigent un travail complémentaire de réglage de
leurs parements.
Page 177
Hubert Guillaud
Les tentatives de réactualisation de la construction en mottes de gazon, soit pour restituer une culture constructive
d’intérêt historique et un modèle d’application architecturale particulier, dans un contexte régional et culturel donné,
soit pour de nouvelles applications architecturales contemporaines, ne sont pas nombreuses. Nous en avons repéré qui
méritent attention. Il s’agit d’une part d’expérimentations de reconstruction associées aux activités d’un Musée
folklorique, en Ecosse (Grande-Bretagne) datées de la fin des années 1970 et du début des années 80, et d’autre part de
réalisations d’habitations privées, en Uruguay, région de Montevideo, datées de la fin des années 1990 et actuelles.
Le Musée folklorique de Kingussie, situé dans la région centre des Highlands, en Ecosse, s’est intéressé au mode de
construction en turf et a tenté plusieurs expérimentations depuis 1978 21. Ce fut tout d’abord la réalisation d’une sorte
de petit mur-bahut de soutènement de 1,20 m de haut, monté à fruit en parement extérieur et droit en parement intérieur.
Ross Noble relève que le mode d’empilement des mottes a été inspiré d’un principe de chapeau de murs de pierres
sèches existant dans les Highlands qui consiste à poser les « turves » d’une façon bien spécifique, soit « earth to earth
and then grass to grass » (les faces herbeuses en contact entre elles ainsi que les faces terreuses, alternativement, tous
les 2 lits de pose des mottes). Cette première expérimentation permettait aussi, entre autres essais, d’utiliser des outils
traditionnels de découpe des mottes de gazon, comme les « flaughter spades » également connus sous le nom de
« breast ploughs ». Il s’agit d’un outil à long manche et à lame plate - soit en forme de couteau semi circulaire, ou
encore en demi-lune, voire de forme triangulaire - comme le référencent Bruce Walker et Christopher McGregor 22
dans leur publication du Historic Scotland (1996). Mais il semblerait que l’emploi de ces outils anciens n’ait pas été
aussi facile – sans doute par manque de savoir-faire et peut-être de force manuelle adaptée – et c’est finalement la bêche
de jardin qui a été utilisée. L’expérience s’est avéré concluante quant à la stabilité et à la solidité du mur dressé lors de
cette première expérimentation.
En 1981, exploitant la même méthode de construction, et la même qualité de mottes de gazon, un second mur a été
dressé mais cette fois ci sans fruit extérieur. Bien qu’il fut construit au début du printemps correspondant à la repousse
de l’herbe dont les racines jouent un rôle dans la liaison des mottes entre-elles, ce second mur n’a jamais été bien
stable comme d’ailleurs un troisième construit en 1983 qui pouvait être poussé et basculé sans effort. D’autres
expériences ont été par suite associées à la réfection d’une couverture en gazon, utilisant des « divots » (vocable
spécifique aux mottes de gazon utilisées en couverture, généralement plus minces que celles dressées en murs) mais là
encore, comme en 1978, l’utilisation des « flaughter spades » pour découper les mottes s’est avérée peu concluante et
surtout peu économique.
Fig. 12 : Bâtiment expérimental construit en « turf », Musée Fig. 13 : Bâtiment expérimental construit en « turf », Musée de
de Kingussie, Highlands, Ecosse, 1982-83. Etape Kingussie, Highlands, Ecosse, 1982-83. Etape finale : couverture
intermédiaire.© Ross Noble et Musée de Kingussie. en « divots ». © Ross Noble et Musée de Kingussie.
Ces expérimentations ont pris une tournure plus importante dès lors que le musée a fait l’acquisition d’une ancienne
charpente de type « cruck » inclinant l’équipe du musée à envisager la reconstruction d’un modèle traditionnel de
« cruck-framed turf houses » (Fig. 12 et Fig. 13). Ce projet a pris place dans le cadre d’actions de création d’emplois
temporaires pour les adultes au chômage de longue durée menée par la « Manpower Services Commission ». Le projet
permettait de fournir du travail pour 4 personnes à plein temps sur un an avec l’idée de leur faire acquérir une base de
21 Noble 1983-84 et Fenton et Walker 1981, in « Turf-Walled Houses of the Central Highlands. An Experiment in Reconstruction ».
22 Walker et McGregor 1996 : op. cit., p. 97.
Page 178
Hubert Guillaud
savoir-faire en maçonnerie traditionnelle et en charpente. Il s’agissait de construire une maison en turf réutilisant la
charpente en cruck acquise par le Musée. Un autre défi consistait à n’utiliser que des outils traditionnels des Highlands,
datant du XVIII° s. : herminettes, hachettes, scie de long, queues-de-cochon et bêches. Tous les bois nécessaires à la
réalisation des autres fermes de charpente (outre l’ancienne ferme en cruck acquise) ont été débités dans
l’environnement, taillés et assemblés sur place, à l’ancienne et ce travail s’est avéré relativement facile à exécuter. Leur
mise en place n’a également pas posé de grande difficulté. Puis est venu le temps de construire les murs en turves. Il
fallut donc couper les mottes et ce travail s’est avéré long et fastidieux bien que la taille du bâtiment n’était pas très
grande. Les turves pour le mur ont été extraits sur une surface d’environ une acre (soit un demi-hectare) et les divots de
toiture sur environ 150 m2. Ross Noble évoque non sans surprise une forte résistance des propriétaires terriens locaux et
des dépôts de plainte auprès du parlement car ils considéraient que l’extraction des turves et divots, dans le cas de la
construction d’une vingtaine de maisons aurait dévasté une grande surface de pâture environnante.
L’épaisseur des murs dressés en turves fut de 90 cm en leur base, avec un fruit extérieur très prononcé, et une épaisseur
d’environ 45 cm au sommet, soit la largeur des mottes. A l’intérieur, les murs présentaient un parement vertical. La
construction s’est faite comme on aurait employé des briques, soit à joints alternés et en adoptant le principe de pose en
« earth to earth » et « grass to grass », de façon à favoriser une bonne liaison mécanique des mottes entre elles par la
pousse prolongée des racines. La stabilité de ces murs de « gazon » s’est avérée très bonne alors qu’une hauteur de 1,80
m était atteinte à l’approche de l’hiver. Les travaux de construction des murs jusqu’à hauteur des sablières de charpente
ont continué, malgré la froidure de la saison les rendant plus difficiles mais pas impossibles, notamment pour la
découpe des mottes. Puis est venu le temps de réaliser la couverture en divots. Après des ajustements nécessaires de
niveaux entre les murs et la base de la couverture, les divots ont été posés comme de grosses tuiles, en partant de la base
et à recouvrement. Néanmoins, comme la quantité de matériau était relativement importante, ceux qui furent découpés
dans l’environnement ont été complétés par des carrés de gazon vendus par des horticulteurs produisant pour la
réalisation de terrains de golf. Ces matériaux se sont avérés bons pour cet usage en construction. Le chantier
expérimental a été mené à bonne fin en évitant la complication des ouvertures (à l’exception d’une baie permettant
d’entrer) et sans peaufiner les détails de construction.
Enseignements de l’expérimentation
Les expérimentations du Musée de Kingussie ont été riches d’enseignements consignés dans le rapport rédigé par Ross
Noble. Ce sont principalement des conclusions de nature technique. La construction des murs gouttereaux courts a été
plus problématique que celle des murs gouttereaux longs qui se présentent davantage comme des murs de remplissage
entre les fermes crucks de la charpente dont la capacité de portance ne s’est pas posée. La stabilité des murs courts est
plus difficile à garantir et il semblerait que des solutions de renforcement, au-delà du seul fruit extérieur, puissent
mieux la garantir (contreforts intérieurs ?). Ou bien une conception adaptée des fermes de charpente pour ces extrémités
du bâtiment, en introduisant le principe des « hip-crucks », c’est à dire avec des arêtiers de croupe. Mais Noble note que
ce principe n’est pas courant dans la région centre des Highlands bien qu’il ait pu être identifié en d’autres régions
d’Ecosse. Il convient aussi de tenir compte, dans la relation structurale et mécanique entre murs de turves et charpente,
du risque de tassement et de glissement des mottes de gazon qui peuvent contribuer à un délogement de pièces de
charpentes comme les chevrons, en partie haute des murs. L’été qui a suivi la fin du chantier, un problème de
fléchissement prononcé des croupes de couverture a été observé, suivi de leur effondrement presque simultané
(quelques jours d’écart) entraînant les murs d’extrémité, dans un délai de 15 mois, à l’été 1983. Les murs gouttereaux
courts ont également montré des faiblesses avec apparition d’un ventre intérieur qui semble avoir suivi un glissement
des mottes. Les angles des murs n’ont par contre pas souffert. Cette évolution semble confirmer la nécessité de mettre
en place une charpente à arbalétriers corniers et centraux (dans les axes du gouttereau court). Ross Noble pose la
question de l’influence du gel sur ces déformations, le chantier ayant continué à l’hiver 1981-82 alors que les premières
assises de mottes étaient élevées à une profondeur de 90 cm au-dessous du terrain naturel. Deux hypothèses sont
avancées : le gel empêche toute possibilité de continuation de la croissance des racines dans les mottes et donc
contribue à réduire les liaisons mécaniques entre elles ; ou bien, le gel pétrifie les mottes et empêche leur tassement
naturel en cours de construction, celui-ci s’opérant brutalement en période de dégel et générant des faiblesses
structurales. De fait, le glissement des mottes a été observé au mois de mai 1982. L’influence des variations climatiques
hivernales extrêmes semble être un facteur très important à considérer pour ces constructions en matériaux organiques.
De même pour l’influence des chaleurs estivales qui favorisent un séchage des mottes et de leur couverture herbeuse
ainsi qu’une évolution pulvérulente du matériau les rendant plus exposées, moins étanches lors de la saison pluvieuse et
hivernale suivante. Cela contribue certainement à une fragilité de la couverture. Cela a-t-il été accentué par le fait de
l’utilisation de mottes découpées mécaniquement par les producteurs de prairie de golf, plus minces que celles
Page 179
Hubert Guillaud
découpées manuellement ? Ross Noble pense également que le degré de pente de la toiture était plus adapté pour une
couverture en chaume qu’en turf. La question d’un débord de toiture est également posée de manière à bien repousser
l’eau au-delà des murs.
Quoiqu’il en soit, au-delà des enseignements techniques, l’expérience a été profitable à d’autres niveaux. Le bâtiment a
été beaucoup visité autant par des étudiants et des chercheurs évoluant dans des champs disciplinaires variés, que par le
public. L’opération a présenté un caractère promotionnel pour le Musée de Kingussie, pendant le chantier et après. Ross
Noble conclue in fine que ces expérimentations peuvent d’inscrire dans un projet à long terme qui permettra d’améliorer
l’édifice dans plusieurs directions : la réalisation d’une sur-couverture en chaume, de cloisons intérieures en vannerie
d’osier et en torchis, telles qu’elles ont été décrites par des chercheurs, ou encore des formes de stabilisation du
matériau terre au moyen d’adjuvants naturels, tels que paille et excréments de bovins. De même, pour les murs, est
évoqué le principe du dressage préalable d’une ossature en bois et du dressage de panneaux en vannerie d’osier
vraisemblablement mieux adaptés à un principe d’utilisation des mottes de gazon en remplissage et en appui, de façon à
contenir le risque de glissement (cf. système repéré sur le site de Hound Tor, Devon, X°s.).
Ces expérimentations ont été réalisées dans un cadre muséal il y a déjà presque 20 ans et nous ne disposons d’aucune
information sur la continuation de ces actions depuis lors. Elles montrent aussi que la restitution d’une culture
constructive disparue, même relativement bien documentée au plan de la recherche historique, exige aussi la reconquête
d’un savoir-faire pratique dont la transmission par le geste a été interrompue. Quelle méthode est alors la mieux adaptée
pour cette ré-appropriation du geste qualifié ? Sans doute en partie celle des « essais et des erreurs ».
Brefs repères
En superficie, l’Uruguay est l’un des plus petits pays d’Amérique latine, présentant une forme caractéristique de
« poire » comme se plaisent à le dire en souriant ses habitants. Bénéficiant d’une façade territoriale tournée vers
l’Océan Atlantique, le pays est entouré par deux des nations géantes du sous-continent américain, l’Argentine et le
Brésil. Sa frontière occidentale, partagée avec l’Argentine, est tracée par le cours du fleuve Uruguay qui termine son
parcours en abondant de ses limons rouges les eaux salée du fameux Rio de la Plata. Ce vaste estuaire protégé a été
favorable à l’implantation de ports, dès l’époque de colonisation ibérique, avec Colonia de Sacramento, puis Buenos
Aires et Montevideo sur les rivages d’Argentine et d’Uruguay se reflétant dans ses eaux. La colonisation portugaise
puis espagnole, suivie de vagues d’immigration successives d’origine européenne a profondément marqué l’histoire
récente de ce territoire dont la population traduit un large métissage culturel restitué par une patronymie et une
toponymie très variées. Cette diversité des apports se lit aussi dans le patrimoine bâti du pays qui offre à lire clairement
les phase successives de développement de son urbanité dans l’architecture de Montevideo et de ses principales villes
moyennes. Si l’influence des premières époques coloniales ibériques n’est pas aussi repérable que dans d’autres pays
d’Amérique latine, les influences des cultures constructives et architecturales, des styles (néoclassicisme, art nouveau et
art déco, p.e.), du XIX° s. et de la première moitié du XX° s. sont évidentes. Mais aussi l’empreinte des maçons puis
entrepreneurs d’origine italienne - leur culture constructive en briques cuites - qui ont façonné les traits de la ville
uruguayenne moderne. Hors la ville, dans la pampa, tout est nature, campagne, agriculture et élevage (« ganaderias »),
grande tradition économique partagée avec l’Argentine, véritable culture rurale identitaire.
La tradition uruguayenne du « rancho » 24 n’est pas celle d’une architecture de ganaderias ou d’haciendas modernes
(XIX°s.) traduisant un développement déjà avancé des activités agricoles et l’enrichissement de quelques grandes
familles d’origine coloniale. Le rancho (Fig. 14 et Fig. 15) correspond plutôt à d’humbles et petites borderies ou
métairies et n’est guère plus qu’une cabane améliorée. Il ne s’agit donc pas d’un habitat dont la nature aurait été
23 Ce chapitre résulte d’une enquête de l’auteur effectuée à l’occasion d’une mission d’enseignement en Uruguay, en novembre 2000. Les
informations recueillies ont été largement complétées au cours de cette année 2001 par une documentation photographique, graphique aimablement
mise à disposition par l’architecte Cecilia ALDERTON (Montevideo, Canelones, Uruguay) et par des échanges de courriers électroniques ayant
fourni des précisions techniques.
24 Chabataroff années 1990 (non précis) : in « El rancho, alternativa habitacional ecológica ».
Page 180
Hubert Guillaud
empruntée à quelques populations natives indiennes pré-coloniales que les uruguayens ne connaissent pas. Ainsi, ce
qualificatif employé par les uruguayens mêmes peut porter à confusion. Le rancho serait plutôt une adaptation de
l’habitation rurale ibérique qui n’aurait pas subi beaucoup de modifications depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours.
Par tradition et aussi par nécessité économique, le rancho est édifié avec les ressources locales d’origine végétale et
minérale utilisées selon un éventail de techniques de construction. Les voici brièvement présentées :
Les techniques de construction végétales : on en connaît principalement trois qui sont : la « ramada » ou
« enramada », le « toldado » et la « quincha ».
- La « ramada » ou « enramada » : on pourrait traduire ces termes en français par tressage ou entrelacs de branches.
C’est sans doute le procédé de construction le plus rudimentaire pour dresser des cloisons à partir d’une structure
primaire de grosses branches fichées dans le sol qui reçoivent des petites branches entrelacées de façon très serrée.
- Le « toldado » est aussi une armature de bois mais couverte de peaux. La langue de la pampa désigne aussi ce système
sour le nom de « ruca » qui correspond davantage à un abri des champs, provisoire, des premières époques de
colonisation d’origine ibérique.
- La « quincha » ou « quencha » est un vocable d’origine quetchois (régions andines du Pérou, de la Bolivie) qui
correspond aussi à une paroi de branches. Mais le vocable semble aussi dériver du terme « junco » ou « quincho » qui
désigne le jonc ou le matériau végétal utilisé pour faire les couvertures de chaume. D’ou le verbe « quinchar » pour
désigner cet ouvrage et le vocable « quinchador » pour l’artisan spécialiste de ce travail.
Fig. 14 : Rancho rural en « terrones », Uruguay, début du Fig. 15 : Rancho rural en « terrones », Uruguay. Peinture de
XXème siècle. © Archives de la Bibliothèque Nationale Juan Manuel Blanes, peintre uruguayen, 1870. Document
d’Uruguay à Montevideo. Document reçu de Cecilia Alderton, reçu de Cecilia Alderton, architecte.
architecte.
Les techniques de construction à base de terre : On en connaît principalement six qui sont : la « tapia », le
« estanteo », la « fajina », le palo a pique », le « terrón » et l’ « adobe ».
- La tapia (pisé), et l’adobe (brique crue moulée), sont finalement assez peu utilisés dans la tradition constructive des
ranchos. On les trouve plus sur une architecture de caractère colonial urbain de la première période d’occupation
ibérique, portugaise puis espagnole, soit par exemple à Colonia de Sacramento ou dans les villes les plus anciennes.
Mais rapidement, la brique cuite aura remplacé ces matériaux en terre crue originels.
- Le « estanteo », comme la « tapia », demande l’emploi d’un système de coffrage mais restant en place. Il s’agit de
dresser des poteaux de grosse section, espacés de 1 à 2 mètres (au maximum) et dont la hauteur correspond à leur
jonction avec un bois rond horizontal faisant office de panne sablière de toiture. Ces gros poteaux reçoivent de part et
d’autre des planchettes, voire de simples dosses équarries à l’herminette (écorce et liber des arbres), espacées entre elles
de 10 à 20 cm. Ces éléments sont ligaturés avec des lacets de cuir ou des cordelettes de jonc tressés, et plus récemment
avec du fil de fer, ou cloués. Entre ce coffrage sommaire et aéré, on effectue un bourrage de paquets de terre mêlée de
paille et de « yuyos » (herbe de pampa) amendé en « estiercol » (fumier) qui agit comme un agglutinant à la fois
stabilisant et durcissant (rôle connu de l’ammoniaque des urines animales). Ces paquets de terre sont dénommés
« chorizos » du fait de leur forme généralement allongée comme de gros boudins. Une fois le remplissage en chorizos
effectué, la finition se fait à l’enduit de terre argileuse également stabilisée à l’estiercol qui recouvre toute la paroi, y
compris la structure en bois. Dans le meilleur des cas une couche finale de badigeon de chaux achève et embellit cet
enduit de terre.
Page 181
Hubert Guillaud
- La « fajina » est encore une variante de cloison en branchages ou en bambous, mais à recouvrement très dense dans
les deux directions verticales et horizontales, recevant de la terre argileuse ou terre mêlée de paille hachée. On la
comparera à notre torchis européen.
- Le « palo a pique » est en fait une terminologie d’origine portugaise encore utilisée au Brésil sous une forme
sémantique très proche, « pau à pique », ou différente mais désignant la même technique, la « taipa de sopapo ». On
connaît aussi d’autres termes portugais comme la « taipa de fasquio » ou encore la « taipa de rodízio » et des formes
dérivées en langue espagnole comme « tabique » qui désigne la cloison. Il s’agit aussi d’une paroi végétale de
branchages recouverts de terre mais ici, les bois qui sont fichés dans le sol sont aussi dressés de façon jointive. Ces bois
sont reliés entre eux par une cordelette de cuir ou de jonc tressé et plus récemment par du fil de fer. Les uruguayens
associent cette variante de cloison en bois et terre au « tablestacado francés » ou galandage français. Dans la pampa, ce
procédé est en principe utilisé pour dresser des barrières de corrals ou des protections contre l’intrusion des animaux.
- Le «terrón » correspond à la motte de gazon découpée à même les prairies, comme on l’a précédemment décrit.
La construction du « rancho »
La structure des ranchos est souvent élémentaire et, de ce fait, pour ne pas compromettre leur stabilité, ces petites
« cabanes-maisons » disposent de peu d’ouvertures. L’ambiance intérieure est donc très obscure. La porte sert
généralement de fenêtre avec un vantail bas pouvant être maintenu clos alors qu’un vantail haut peut être maintenu
ouvert. Le principe assure une double fonction, le blocage du passage des animaux de basse-cour et l’éclairement-
aération.
Le plan courant d’un rancho est simple, de type rectangle. Une fois dressées, les parois extérieures sont protégées par
une toiture végétale à deux eaux. La structure est constituée de poteaux de forte section, les « horcones » ou
« orcones ». Les premiers poteaux dressés sont les poteaux corniers ou « orcones esquinero », puis les poteaux médians
ou « orcones del medio » sur lesquels seront fixées les soles hautes ou « costaneros » jouant aussi le rôle de sablière
basse en « murs » gouttereaux longs. En « mur » pignon, le poteau médian monte jusqu’à hauteur d’une panne faîtière
ou « cumbrera ». Celle-ci et les costaneros reçoivent ensuite les chevrons, ou « tijeras », qui eux-mêmes supportent les
liteaux, ou « alfajias », puis in fine, le chaume, ou « quinchado ». Généralement, la cumbrera et les tijeras font saillie
au-delà du plan des parois extérieures pour constituer un débord de toiture. On a même parfois observé des tijeras
prolongés jusqu’au sol pour jouer le rôle de jambes de force et améliorer ainsi la stabilité de la structure en assurant une
partie du contreventement latéral. Cette disposition offre aussi une augmentation de la surface habitable ou de stockage
qui peut être couverte comme un auvent. La réalisation des parois constituant l’enveloppe de cette structure en bois et
une éventuelle cloison intérieure pour les plans les plus spacieux exploite les procédés de bois et terre que l’on a
précédemment évoqué. Pour les cloisons intérieures et la paroi la mieux exposée au soleil, se sont principalement les
procédés d’estanteo, de fajina ou de palo a pique. Le terrón est utilisé pour constituer des murs extérieurs plus massifs
à forte inertie thermique isolant le rancho à la fois des plus basses températures de l’hiver et de la saison estivale très
chaude. Les finitions de cet habitat modeste sont également limitées à ces enduits de terre argileuse amendée de sable et
stabilisée au fumier, au mieux réalisés en deux couches. Les sols sont le plus souvent en terre battue ou au mieux en
briques d’adobe et plus récemment en briques cuites produites in situ avec des fours artisanaux.
Les projets d’architecture de Cecilia Alderton Belluni valorisent un retour à l’emploi des matériaux de construction
utilisés dans la tradition des architectures vernaculaires et trouvent un ancrage privilégié dans la culture du rancho
uruguayen que l’on a précédemment décrite. Cette approche trouve ses fondements au début des années 80 alors que
cette jeune architecte visitait l’Europe, découvrait à Paris l’exposition du Centre Georges Pompidou « Des architectures
de terre », puis séjournait quelques temps sur le continent africain. Dès lors, ses pratiques professionnelles en étaient
orientées comme ce fut le cas de nombreux architectes de cette génération marquée par la crise de l’énergie pétrolière et
le mouvement de la jeune culture des années 70-80. Dans le contexte uruguayen, ce positionnement d’avant-garde est
resté isolé au cours des deux dernières décennies alors qu’aujourd’hui, une nouvelle génération de professionnels et un
plus large public (autoconstructeurs) semblent être en mesure de lui donner plus d’ampleur comme le montre un certain
engouement pour une offre de sensibilisation-formation (stages et cours intensifs) sur l’architecture de terre proposés
par la Faculté d’Architecture de l’Université de Montevideo où l’architecte Cecilia Alderton joue un rôle de premier
plan. Une évolution à situer dans l’émergence d’une tendance internationale en faveur d’une « bioconstruction » ou
« bioarchitecture », d’une architecture « naturelle » ou « écologique », d’une architecture à « haute qualité
environnementale » ou encore d’une « architecture pour le développement durable ». Autant de qualificatifs désignant
Page 182
Hubert Guillaud
cette recherche d’alternative à une architecture consommatrice d’énergie, coûteuse, aux formes banalisées, peu
soucieuse de ses impacts sur les environnements physiques naturels et contribuant à l’éradication d’un patrimoine de
cultures constructives aussi riche que divers.
Les projets de Cecilia Alderton réalisés jusqu’à ce jour sont essentiellement des projets d’habitat - résidences
principales ou secondaires - situés dans la périphérie de Montevideo (département de Canelones) et jusqu’à Punta
Ballena et Punta del Este (département de Maldonado). Ces réalisations répondent à une clientèle issue d’une classe
sociale moyenne, voire aisée, motivée et convaincue par les arguments que défend l’architecte. Le parti de conception
architecturale prend fondamentalement en compte l’intégration dans l’environnement et la limitation des impacts nocifs
sur celui-ci. Il valorise l’emploi des matériaux locaux disponibles sur le site même de la construction, une approche
bioclimatique et dans la mesure du possible un projet paysager fondé sur la mise en valeur des essences végétales
régionales, voire plus strictement locales. Ainsi, ces projets ont été construits en associant le bois (ossature porteuse et
charpente de couverture), les végétaux et plusieurs modes d’utilisation de la terre en construction soit : l’adobe, le
torchis (fajina), les bottes de paille enduites de terre (« Casa Cetrulo », 1997 à Punta Ballena) et plus récemment les
« terrones » (mottes de gazon). On s’attachera surtout à décrire ce matériau et les systèmes
Fig. 16 : Découpe à la bêche des blocs gazonnés. Le jeune maître- Fig. 17 : chaise en bois servant au transport des mottes de
maçon Roberto Dominguez sur le site de Tierra Alta (maison gazon fraîchement coupées jusqu’au pied du mur. site de
Alderton-Urrestarazu) en novembre 2000. Tierra Alta (maison Alderton-Urrestarazu) en novembre
2000. © Hubert Guillaud, CRATerre-EAG
© Hubert Guillaud, CRATerre-EAG
constructifs exploitant ses potentialités. L’architecte Cecilia Alderton a utilisé les terrones dès 1991 sur un premier
modèle démonstratif de 30 m2 qui constituait sa première habitation et les locaux de sa « Fondación Tierra » (Fondation
Terre), installée en milieu urbain, à Montevideo (Rue Bolivia). Les projets les plus récents sont datés de 1998 (Maison
Weiss, 290 m2, sise à « Isla de Coronilla », département de Maldonado) et sa propre maison, « Tierra Alta », réalisée en
2000-2001, département de Canelones. Plus récemment, au cours de cette année 2001, une nouvelle habitation de 120
m2 pour la famille Lorenzo a été construite à Solís de Mataojo, département de Lavalleja.
Dans le contexte uruguayen, la référence manifeste au « rancho », proposée comme une alternative d’habitat
écologique, prend une valeur culturelle emblématique. Cela d’autant que cette culture constructive du rancho qui était
dominante en milieu rural jusque dans les années 1960 - et qui a connu un certain degré d’élaboration, au-delà de la
« cabane primitive » des premières époques de colonisation - a été pratiquement laminée en l’espace de quelques
décennies au profit d’une architecture « sociale », rurale et populaire, entièrement réalisée en matériaux industriels
(blocs de béton, toitures en tôles) traduisant une réponse « constructeur » très appauvrie par rapport à cette culture
d’habitat antérieur. Les projets proposés par l’architecte Cecilia Alderton, redonnent non seulement une place à cette
culture constructive et architecturale pratiquement disparue (seuls de très rares exemples existent encore) mais
proposent un degré supérieur d’élaboration répondant aux exigences qualitatives de la société contemporaine. Cette
évolution est notoire sur la qualité des structures, sur l’ensemble des finitions et sur le niveau de confort.
Page 183
Hubert Guillaud
La saison propice à la découpe des blocs est située entre la fin du mois d’août et la mi-décembre ce qui, dans
l’hémisphère austral, correspond au printemps et jusqu’au début de l’été. En effet, les terrones sont découpés quand le
sol est ni trop humide – car ils se désagrègeraient en plus petites mottes par excès de plasticité -, ni trop sec - car ils se
désagrègeraient en état pulvérulent par manque de cohésion. Pour conserver un bon degré d’humidité du sol durant
toute la saison propice à l’extraction des mottes, celui-ci est protégé par une couche de paille qui contient l’évaporation,
notamment durant la fin de saison, plus chaude (Fig. 16). Sur les deux projets référencés, les mottes de gazon ont été
extraites sur place dans les champs herbeux entourant le chantier. Leur découpe s’est faite de façon manuelle, à la pelle-
bêche, et au fur et à mesure des besoins en construction appliquant le principe de l’utilisation de la terre au pied du mur.
La dimension des mottes est réglée par deux considérations. D’une part, la largeur des murs qui vont être construits, de
l’ordre de 60 cm (base du mur sur soubassement) à 40 cm (haut du mur, à partir des linteaux de baies et jusqu’à la
sablière), ceux-ci étant dressés à fruit extérieur et à parement vertical en intérieur. Ainsi, la largeur du mur (de 40 à 60
cm) donne la dimension des mottes dans leur longueur. Leur largeur est d’environ 20 cm et leur épaisseur d’environ 15
cm correspondant à la hauteur de chaque rangée de mottes. La découpe dans l’épaisseur des mottes se fait avec une
légère inclinaison de la bêche, cela permettant de mieux les caler ou les appuyer les unes contre les autres lors de leur
appareillage dans le mur. Nous retrouvons là des dimensions courantes qui ont été décrit par la littérature, notamment
pour les « soddies » du Nebraska. D’autre part leur poids en veillant à ne pas pénaliser le transport depuis l’extraction
au pied du mur ; ainsi, pour les dimensions précisées par avant, le poids moyen des mottes se situe entre 15 à 20 kg. La
manutention se fait à l’aide d’une chaise en bois sur quelques mètres de distance, au pire quelques dizaines de mètres
(Fig. 17).
Murs en mottes
Les murs de terrones constituent donc des parois de remplissage de cette structure en bois ronds. Les mottes sont
dressées face herbeuse retournée ce qui correspond à ce que l’on a précédemment évoqué pour d’autres traditions (nord-
américaine, écossaise). L’architecte convient qu’il existe plusieurs théories à ce propos, certains arguant qu’ainsi « la
terre se meurt » (cela voulant certainement dire « sèche plus facilement »), d’autres disant que la face terreuse est la
plus plane pour bien régler les assises successives de mottes et pour les assembler par paires successives. Certains
arguant encore que les mottes sont plus faciles à manipuler avec la face terreuse dans le sens normal alors que si on les
retourne, face herbeuse en bas, elles se rompent plus facilement sous l’effet de leur propre poids. Ces raisons ne
semblent pour autant pas justifier la façon d’utiliser les mottes mais Cecilia Alderton s’en tient au respect de la tradition
constructive qu’elle a observée ou qui lui a été rapportée par les anciens. Une certaine logique « naturaliste » incline à
recomposer dans le mur la séquence de découpe des mottes dans le sol. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de tasser les
mottes avec la bêche car ce tassement s’opère de lui même sous l’effet de leur poids propre. Un autre avantage doit être
relevé. Il s’agit de la possibilité d’entailler ces murs pour réaliser des niches propices à la réalisation de futures étagères
ou placards intégrés dans l’épaisseur des parois. Cela doit être prévu à l’avance en positionnant des linteaux
(généralement des planches épaisses) et ces creusements sont réalisés à frais, à l’aide d’un couteau-machette. De même,
le séchage progressif, très lent, de ces murs en terrones qui peut prendre une année entière, permet de bien contrôler la
rétraction du matériau. Les inévitables fissures qui apparaissent peuvent être alors rebouchées, à l’aide d’une barbotine
de consistance crémeuse passée à la main, avant de réaliser les enduits.
Sur la question de la stabilité de ces murs en terrones, l’architecte dit avoir visité de vieilles constructions dont les murs
était au moins épais de 1 mètre. Elle s’interroge sur le rapport entre l’épaisseur et la hauteur des murs (élancement) qui
n’est pas définie et que la tradition a approché intuitivement avec des ratios de l’ordre de 1 : 3 ou 1 : 4, ce qui est
largement suffisant pour garantir la stabilité des murs d’une maison en mottes de gazon de plain-pied. Dans la tradition
du rancho d’Uruguay, il n’existe aucun édifice de 2 niveaux.
Page 184
Hubert Guillaud
Cloisons
Le principe de la structure en bois permet de se passer assez facilement de murs de refends épais. Ainsi, toutes les
cloisons intérieures des projets visités sont construites en fajina, soit en panneaux de petits bois ou bambous recouverts
de terre argilo-limoneuse amendée en paille hachée en longs brins. Ce mélange, préparé plusieurs jours à l’avance, foulé
aux pieds, doit présenter une consistance très plastique pour bien pénétrer la maille de petits bois. La largeur de ces
cloisons peut être réglée à souhait, selon la section des petits bois, le mode de réalisation des clayonnages ainsi que
l’épaisseur de la couche de terre. La finition se fait au moyen d’une deuxième couche de terre argilo-limoneuse
amendée en sable appliquée en forme de barbotine crémeuse, bien après que la première couche ait opéré son retrait. Ce
principe constructif présente aussi un avantage important : l’intégration de tous les réseaux et câblages électriques dans
l’épaisseur des cloisons.
Couverture
Elle est réalisée en quinchado constitué de plusieurs couches de matériaux végétaux locaux. Sur les liteaux est déposée
une natte de petits roseaux qui reçoit à son tour une deuxième couche de joncs plus épais puis vient le chaume posé en
bottes sur 30 cm d’épaisseur. En faîtage, côté extérieur, le chaume est protégé par un grillage qui aide au maintien de la
paille lors de grands vents et réduit aussi le risque de destruction par les oiseaux. Un large débord de toiture de 60 cm de
large protège les murs de terrones en leur partie haute et repousse le ruissellement au-delà de ces murs (Fig. 18).
Les enduits
Ils sont réalisés après que l’ensemble des murs de terrones aient opéré leur tassement sous le poids propre des mottes et
leur retrait par séchage. Cela prend au moins un an. Les enduits, intérieurs comme extérieurs, sont alors dressés en deux
couches en utilisant une terre argilo-limoneuse tamisée. La première couche d’accrochage est dressée avec cette terre
amendée de longs brins de paille, sur 1,5 à 2 cm d’épaisseur. Il faudra attendre le retrait de cette première couche et sa
fissuration pour réaliser une finition en terre argilo-limoneuse amendée de sable passée à la main en barbotine
crémeuse. Notons que pour la bonne finition des enduits au droit des colonnes en bois qui peuvent rester apparentes en
intérieur, une toile de jute a été préalablement fixée aux colonnes jouant le rôle d’armature et de liaison mécanique (Fig.
19).
Fig. 18 : Le chantier de Tierra Alta en novembre 2000. On y Fig. 19 : Intérieur : futur salon coin cheminée avant
peut observer l’aire d’extraction des mottes de gazon. réalisation des enduits intérieurs.
© Hubert Guillaud, CRATerre-EAG © Hubert Guillaud, CRATerre-EAG
Du chemin a été accompli depuis que cette jeune architecte uruguayenne a choisi de construire en terre et d’en faire la
démonstration. Il lui a fallu expérimenter elle-même sur des réalisations successives, modestes dans un premier temps,
et de plus en plus ambitieuses puisque ce sont aujourd’hui des habitations de taille importante. Cette expérience
alimente encore le constat des difficultés qui doivent être affrontées et dépassées pour construire en terre dans des
régions où les pratiques ne sont plus « vivantes ». Les expériences montrent qu’un tel défi impose l’obligation d’un
rapprochement des compétences d’architecte et d’entreprise amenant finalement à constituer une équipe rassemblée
autour du même objectif de travail et pouvant assurer tous les métiers de la chaîne de production, de la carrière aux
finitions de l’édifice. C’est bien le cas de l’architecte Cecilia Alderton qui a du constituer autour d’elle une équipe lui
permettant de compter sur trois personnes « clés » maîtrisant trois domaines de compétence bien spécifiques : il s’agit
d’un jeune entrepreneur qui réalise les travaux de charpente, d’un vieil artisan spécialiste de la couverture en chaume
Page 185
Hubert Guillaud
(« quinchador ») et surtout d’une jeune maître-maçon, Roberto Dominguez, travaillant aux côté de Cecilia Alderton
depuis 7 années. Aujourd’hui âgé de 25 ans, le jeune Roberto était associé aux réalisations de l’architecte alors qu’il
avait 18 ans et manifestait rapidement un véritable passion pour ce travail de construction en matériaux naturels.
Travailleur doué, d’une sensibilité et d’une intelligence pratique peu communes, il intégrait rapidement l’expérience de
Cecilia Alderton et élevait considérablement son niveau de compétence au point d’être aujourd’hui l’un des rares
spécialistes de cette technique de construction dans le monde. Toute cette équipe est aussi très généreuse. Elle le
démontre en agissant pour transmettre son savoir-faire à d’autres jeunes architectes et constructeurs uruguayens
convaincus par la qualité des réalisations et se préparant à répondre à une demande sociale émergeante sur le marché
local. Ainsi fonctionne le renouveau des architectures de terre, s’appuyant d’abord sur les convictions et les énergies de
personnes qui, par leur niveau d’engagement, sont souvent des militants.
V - Conclusion
Cette communication entendait faire le point sur un procédé de construction qui n’a jusqu’alors que très peu retenu
l’attention des chercheurs et l’intérêt de professionnels apportant leurs contributions à une réactualisation du débat
scientifique et des pratiques constructives dans le domaine de la construction en terre. Le propos développait une double
approche avec un regard historique et culturel, d’une part, et une mise en perspective technique et architecturale, d’autre
part.
Concernant l’aspect historique et culturel, il apparaît clairement que la construction en blocs de terre découpés, avec un
accent particulier porté à la culture constructive des mottes gazonnées, remonte à des temps très anciens. Si ce procédé
de construction a été notamment associé à l’édification d’ouvrages militaires tels que fossés consolidés, remparts, murs
ou digues dont les exemples fameux du Mur d’Antonin (143 ap. J.C.) et de la maison-forte de Solvig (XIV° s.)
témoignent et dont de nombreux autres exemples ne peuvent plus témoigner (ouvrages liés par exemple à l’édification
des premiers châteaux à mottes à partir de la fin du X° s.), il a été à l’évidence bien davantage employé pour la
construction des habitats. Il est bien sûr aujourd’hui extrêmement difficile, voire souvent impossible, sur le terrain des
fouilles archéologiques et historiques, même face à l’évidence de structures à poteaux de bois, d’identifier les matériaux
et les techniques de construction en terre qui ont été employés pour le hourdage des parois dressées entre ces poteaux.
Cela vaut notamment pour établir une claire distinction entre un torchis – dont l’évidence peut être implicitement
induite par des empreintes du maillage de petits bois dans des fragments de parois pétrifiés ou indurés par exemple - et
des mottes de gazon que le temps a complètement désagrégé. Ainsi, l’exemple de l’évidence d’emploi de mottes de
gazon pour la maison-forte de Solvig ou pour d’autres sites fameux comme Hound Tor ou Lydford (Devon) sont bien
rares. Et pourtant, ce procédé de construction en mottes de gazon a été finalement très employé durant l’histoire, depuis
l’antiquité, durant le Moyen Age et jusqu’à une époque récente et sans doute pour une large typologie d’édifices
militaires et civils et notamment pour l’habitat rural . Il y a donc lieu de s’interroger plus avant sur les modes d’analyse
de l’évidence d’emploi de ce matériau au cours de l’histoire. Une autre dimension historique a été relevée qui concerne
le transfert de cette culture constructive des mottes gazonnées depuis l’Europe vers les Amériques et l’Australie, à partir
du XVIII°s avec les grands mouvements d’émigration-immigration et colonisation de nouveaux territoires. L’emploi de
quelques pièces de bois et des mottes gazon permet de dresser assez vite un abri prenant place sur les terres que l’on
entend défricher et mettre en valeur. Cette pratique, avec l’exemple des colons des grandes plaines d’Amérique du Nord
(Nebraska), de la région de Victoria en Australie comme des territoires de la Pampa d’Uruguay et sans doute
d’Argentine, s’impose comme « la » culture constructive de ceux que l’on a appelé les « pionniers » ou les « colons ».
L’étude scientifique de la collection de clichés remarquables de Solomon Devoe Butcher, comme du fonds des
« histoires de pionniers », au-delà du travail réalisé par Roger L. Welsch (1968), devrait être en mesure de fournir bien
d’autres éléments de connaissance sur la production des matériaux, la technique de construction, les systèmes
constructifs et leurs performances structurales, la typologie architecturale. Il apparaît notamment très clairement que,
même si la plupart des habitats de ces familles paysannes peu aisées ont été modestes, certains ont atteint des degrés
d’élaboration très étonnant (maison Gordon Haumont). Par ailleurs, la recherche technique et architecturale actuelle
bute sur un manque de données concernant les traditions constructives vernaculaires - anciennes et plus récentes - des
régions d’Europe centrale et septentrionale, les territoires d’Asie centrale, qui ont valorisé l’utilisation des mottes de
gazon. De telles recherches mériteraient d’être davantage soutenues. Ce sont là autant d’éléments utiles à une
revalorisation de la technique, à la fois dans une perspective historique et culturelle, et dans une dimension technique
prospective : quel avenir pour la construction en mottes de gazon découpées sur la base de la reconnaissance d’un
véritable « art de bâtir » à part entière qui n’a somme toute régressé et disparu que très récemment ? Il semblerait en
effet que l’on ait encore construit des « soddies » aux Etats-Unis, avant la Deuxième Guerre Mondiale et peut-être ne
serait-il pas étonnant d’apprendre, grâce à la recherche, que ce fut aussi le cas dans d’autres régions du monde (le
maintien de la tradition du « rancho » uruguayen nous l’indique par ailleurs).
Page 186
Hubert Guillaud
Concernant justement cette dimension prospective que l’on peut aussi établir sur les pratiques de réactualisation récente,
plusieurs niveaux de questionnement sont révélés. Dans le domaine de la conservation du patrimoine, des actions de
valorisation du type de celles qui ont été réalisées par le Musée de Kingussie dans les Highlands d’Ecosse, devraient
être davantage encouragées. La « restitution » d’édifice anciens, à des fins d’analyse historique, d’étude technique,
comme de valorisation culturelle voire folklorique offre des voies de travail des plus intéressantes. Elle confirme aussi
le constat de la grande difficulté à retrouver le savoir-faire utile pour de telles restitutions comme d’ailleurs pour une
construction réactualisée. Il y a sans doute aussi davantage d’expériences qui ont du être développées, poursuivant le
même objectif, qui demeurent mal, voire non identifiées. Tout comme d’ailleurs des tentatives de construction de
formes d’habitat alternatif qui auraient pu avoir été réalisées par des auto-constructeurs dans les années 1960 à 1980,
dans le contexte de la diffusion du mouvement de la jeune culture et des technologies appropriées. Enfin, les
expériences remarquables d’Uruguay (projets de C. Alderton), demeurent encore très isolées et insuffisamment
analysées pour apporter un autre niveau de réponse à ce questionnement de la faisabilité future d’un nouveau
développement significatif de la construction et de l’architecture en mottes gazonnées. Une analyse technique et
économique plus poussée s’impose d’autant qu’une demande sociale et de nouvelles perspectives de marché semblent
être en mesure d’émerger en application du nouveau paradigme de développement durable.
Bibliographie :
Allen années 1990 (non précis) : ALLEN, M. - Earth Building in New Zealand, article publié dans la revue NZ
Environment, n° 67, pp. 18-20. Auckland, années 90.
Baalbaki 1980 : BAALBAKI, M.-A. - Zur Bodenmechanischen Beurteilung lateritischer Zersatzprodukkte von
Vogelsberg-basalten, Giessener geol. Schr. 24 : 138 S., Giessen, 1980.
Basin 2001 : BASIN (Monographies) - Wall Building Case Study, Laterite quarries in Goa 1 : observations on
techniques, wages and finances, Editions Gate, Eschborn, Allemagne, 2001, 6 p ; et BASIN (Monographies) - Wall
Building Case Study, «Laterite quarries in Goa 2 : observations on regulations and environment issues», Editions Gate,
Eschborn, Allemagne, 2001, 6 p.
Buchanan 1807 : BUCHANAN, F. - A journey from Malabar through the countries of Mysore, Canara and Malabar,
East India Company, 2 : 436-460 ; London, 1807.
Chabataroff années 1990 (non précis) : CHABATAROFF, F. - El rancho, alternativa habitacional ecológica, article
publié dans la presse uruguayenne, coupure en photocopie non datée.
Chapelot et Fossier 1980 : CHAPELOT, J. et FOSSIER, R. - Le village et la maison au Moyen Age, bibliothèque
d’archéologie, Editions Hachette Litterature, Paris, 1980, 340 p.
Fenton et Walker 1981 : FENTON, A. et WALKER, B. - The Rural Architecture of Scotland, Edinburgh, U.K., 1981.
Gidigasu 1976 : GIDIGASU, M.D. - Laterite soil engineering. Pedogenesis and engineering principles, Monographie,
B.R.R.I., Kumasi, Ghana, 1976.
Guerrero 1992 : GUERRERO, E.G. et Al - Distribución de los tepetates de la Republica Mexicana, escala 1 :
4,000,000, in Primer Simposio Internacional « Suelos Volcanicos Endurecidos », México, 20-26 de octubre 1991,
« Terra », vol. 10, numéro spécial, Editions de l’Organo Científico de la Sociedad Mexicana de la Ciencia del Suelo,
A.C., avec le concours de l’ORSTOM, 1992, 572 p., pp. 131-136
Hertz 1973 : HERTZ, J. - Further excavations at Solvig, a dannish crannog in southern Jutland : a preliminary report
on the years 1965-66 and 1969. Château-Gaillard, VI, Caen, 1973, pp. 97-106.
King 1896 : KING, D.W. - Homes for Home-Builders ; or practical designs for country, farm and village. Edit. par O.
Judd Co. & David W. Judd, New York, 1896.
Lewis 1977 : LEWIS, M.B. - Victorian Primitive, Greehouse Publications, Carlton, Victoria, Australie, 1977, 87 p.
Noble 1983-84 : NOBLE, R. - Turf-Walled Houses of the Central Highlands. An Experiment in Reconstruction, in Folk
Life, A Journal of Ethnological Studies, Volume 22, 1983-84, pp. 68-83.
Okunlola 1980 : OKUNLOLA, F.A. - Zusammenhänge zwischen mineralogisch-geochemischem Aufbau und
bodenmechanischem Verhalten von Lateriten aus West Gabun und Südwest Nigeria, Giessener geol. Schr. 25 : 140 S.,
Giessen, 1980.
Pesez 1985 : PESEZ, J.M. – La terre et le bois dans la construction médiévale, in Architecture de terre et de bois, sous
la direction de Jacques Lasfargues, DAF n°2, éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, Paris, 1985, 191 p., pp.
159-167 et plus part., p. 163.
Pline l’ancien 1er s. ap. J.C. : PLINE L’ANCIEN – Histoire naturelle, édition des universités de France, collection
Guillaume Bulé, Livre XXXV, XLXIII.
Page 187
Hubert Guillaud
Quantin 1992 : QUANTIN, P. - L’induration des matériaux volcaniques pyroclastiques en Amérique latine :processus
géologique et pédologique, in Primer Simposio Internacional « Suelos Volcanicos Endurecidos », México, 20-26 de
octubre 1991, « Terra », vol. 10, numéro spécial, Editions de l’Organo Científico de la Sociedad Mexicana de la Ciencia
del Suelo, A.C., avec le concours de l’ORSTOM, 1992, 572 p., pp. 24-33.
Rigassi et Nève de Mervegnies 1994 : RIGASSI, V. et NEVE DE MERVEGNIES, T. - Projet d’extension de
l’entreprise Nikiema & Cie à Bobo Dioulasso, Burkina Faso , rapport ONUDI, éditions CRATerre-EAG, Grenoble,
janvier 1994, 46 p. + annexes.
Schweitzer 1981 : SCHWEITZER, F. - Bodenmechanische Eigenschaften afrikanischer Laterite in ihren Kenngröfs
und Beziehungen, Mitt. Inst. Bodenmechanik & Grundbauu. Hoschschule der Bundersanst. Geowiss. u. Rohst. : 51 S. ;
Hannover, (Unveröfff.), 1981.
Stubendorff 1986 : STUBENDORFF, U. - The mechanical properties of tropical-weathering products and their
relationship to the mineralogical and chemical composition, Geologisches Jahrbuch, Reihe C, Hydrogeologie,
Ingenieurgeologie, Heft 43, Ed. Bundesanstalt für Geowissenschaften und Rohstoffe und den Geologischen
Landesämtern in der Bundesrepublik Deutschland, Hannover, 1986, 140 p.
Tacite 1er s. ap. J.C. : TACITE - Germania, XVI, 3.
Walker et McGregor 1996 : WALKER, B., McGREGOR, Ch - Earth Structures and Construction in Scotland. A
Guide to the Recognition and Conservation of Earth Technology in Scottish Buildings, Historic Scotland Technical
Advice Notes n° 6, Edinburgh, Ed. Historic Scotland, 1996, 128 p.
Walker, McGregor et Stark 1994 : WALKER, B., McGREGOR, Ch et STARK, G. – Earth Buildings in Scotland and
Ireland, in Int. Conf. Out of Earth 1994, University of Plymouth, U.K., 1994, pp. 26-36
Welsch 1968 : WELSCH, R.L. - Sod walls. The story of the Nebraska Sod House, Ed. Purcells, Inc. ; Broken Bow,
Nebraska, U.S.A., 1968.
Page 188
Hubert Guillaud
La terre de pisé est plutôt sableuse, riche en graviers et petits cailloux, peu argileuse, ce qui la distingue des terres
employées par d’autres techniques comme le torchis, la bauge et l’adobe de surcroît amendées en fibres végétales,
herbes, pailles ou brindilles. Le procédé traditionnel du pisé consiste à aérer cette terre une fois extraite pour briser les
mottes, tout en conservant son humidité naturelle, plutôt faible, et à la compacter dans un coffrage glissant1 (fig. 1a ; fig.
1b) à l’aide d’un pilon lesté d’un manche, le pisoir ou la dame. C’est du latin pinsare2, qui signifie piler, broyer, qu’est
dérivé le terme français pisé (pisay, pisey, pezay). La filiation sémantique arabe, dérivée de Otob et de toub, donnait
aussi tabîya (Bazzana, 1993; 19963), vocable utilisé par les Maures à l’époque de al-Andalus, des territoires du Maghreb
à l’Andalousie et jusqu’en Estremadura. C’est à partir de tabîya que dérive toute une lignée de termes : tapia (le pisé) et
tapial (le coffrage), en espagnol ; taipa, en portugais ; tapy en langue d’Oc. L’origine de cet attrait des bâtisseurs pour la
terre compactée semble pouvoir être rapportée à la réalisation de plateformes de terre supportant des édifices, damées par
de lourds cylindres en pierre, ou plus simplement pour réaliser des sols durs ou des toitures terrasses en terre, accessibles.
On repère cela en Chine, dès le II° millénaire av. n.è., sous la dynastie Shang, avec les Palais Yin d’Anyang, élevés sur
de telles plateformes mais érigés en structure bois hourdée de torchis (Dunzhen, 1980). Puis viendront les premières
fortifications de terre battue de Zhengzhou. Il est possible, en divers lieux de civilisation, qu’une nouvelle intelligence
constructive ait pu résulter par la suite d’une fusion de l’art de plus en plus élaboré de la charpenterie en bois et de la
maçonnerie de terre permettant de passer du compactage par cylindrage au principe du coffrage, cette évolution allant de
paire avec la recherche d’économie dans l’édification des murs monolithiques épais en terre, plutôt qu’en pierres. Le fait
avéré en plusieurs cultures du monde que ce sont traditionnellement les charpentiers qui livrent les ouvrages en pisé et
leur couvert invite à explorer ce genre d’hypothèse. Au Maghreb et en Europe, cette technique de terre crue coffrée et
damée semble pouvoir être rapportée aux cultures du Levant méditerranéen et à leur adaptation dans l’espace du Mare
nostrum. Par exemple, bien que construisant en pierres à gros appareil (Sidon, Ugarit), les Tyriens l’auraient élaborée en
émigrant vers l’Afrique du nord, avec la fondation de Carthage (814 av. n.è.), sur le site de Byrsa où ils ne trouvèrent pas
immédiatement les carrières de pierres du Cap Bon. L’hypothèse de l’invention du pisé, comme solution se situant entre
l’art maîtrisé de la charpenterie navale des « peuples de la mer » imaginant le coffrage, et de la maçonnerie de pierre en
gros appareil modélisant le monolithisme de murs épais en terre, la banchée se substituant aux blocs massifs, mériterait
d’être étudiée plus avant. Cette tradition punique du pisé est attestée par les vestiges du quartier d’Hannibal, sur cette
colline de Byrsa, à Tunis, datés du 2ème siècle av. n.è. mais utilisée dans des formes d’application urbaine, soit en parois
moins épaisses, et de façon éclectique avec d’autres matériaux en remplissage des parois en opus africanum4.
Les traditions du pisé sont légion dans le monde. Citons les fortifications des villes impériales du Maroc, Fès et
Marrakech, la grande tradition des ksour et kasbahs (fig. 2) des vallées du Ziz, du Rhéris, du Dadès et du Drâa (Terrasse,
1 Le modèle de coffrage à pisé typique, adopté par la majorité des cultures traditionnelles, que ce soit en Europe, au Maghreb, en
Amérique latine, consiste en deux banches faites de planches solidarisées par des traverses clouées, soutenues par des clefs
horizontales en bois, qui reçoivent des potelets en parement extérieurs pour les caler, eux-mêmes étant reliés en leurs sommet par des
cordages torsadés. Le coffrage est déplacé par glissement, une fois chaque banchée de pisé réalisée et immédiatement décoffrée. Une
gravure célèbre du traité l’Art de Bâtir (1840) de Jean-Baptiste Rondelet, décrit la tradition française.
2 Pour autant, on ne trouve pas de filiation directe entre le terme latin pinsare et l’italien moderne, si ce n’est avec un terme régional
des Abruzzes, pingiare (Bertagnin 1999), qui veut dire comprimer mais en référence au tassement de la bauge. D’une manière
générale, en Italie, les maisons de pisé sont des case battute (maisons battues) ou case di terra battuta.
3 André Bazzana, directeur de recherche au CNRS et à la Maison de l’Orient Méditerranéen de Lyon a clairement défini cette
filiation sémantique avec la terminologie arabo musulmane dans une communication présentée lors de la Conférence international
Terra 93 au Portugal, et dans un article publié dans la revue portugaise Mediterrâneo, en 1996.
4 Le principe de l’opus africanum est typique du mode de construction punique. Il s’agit de dresser d’abord des piliers en pierres qui
seront ensuite harpés avec des remplissages en matériaux variés, pierre, briques de terre crue ou pisé. Ces piliers angulaires et
intermédiaires constituent en outre de bons supports de mise place des coffrages et de réglage de l’épaisseur des parois de remplissage
« en vrac ». Par suite, au 1er siècle ap. n.è., Pline l’Ancien, dans son Histoire Naturelle (XXXV, 48), évoque l’existence de tours de
guet en pisé, en Afrique et en Espagne, attestant d’une pratique punique des époques d’Hannibal.
Page 189
Hubert Guillaud
1938 ; Jacques-Meunié, 1951, 1962 ; Montagne, 1930), au sud, avec le site des Aït Ben Haddou, classé au Patrimoine
Mondial de l’UNESCO. Relevons l’unique exemple des grandes maisons rondes fortifiées des Hakka du xian de
Yongding, au Fujian (sud-est), les fortifications et l’habitat du Bhoutan qui associent intelligemment le pisé en premier
niveau et l’ossature bois et le torchis en étage, principe parasismique par excellence répondant sans aucun doute à une
mémoire collective de ce risque toujours latent ; et les monastères tibétains du Ladakh, les grandes lamasseries du Tibet.
Mais encore, les cultures de pisé d’Europe avec la tradition du Dauphiné, de la Bresse et du Forez, en France. Et la
magnifique tradition des fortifications arabo musulmanes d’Espagne dont Caceres en Estremadura, l’Alhambra de
Grenade, l’Alcázar de Séville, les sites fortifiés de la province de Murcia et, au Portugal, les fortifications de Alcaçer do
Sal ou de Silves et de Paderne en Algarve (Correia, 2000). Et l’habitat vernaculaire rural comme urbain du nord de la
Castille, dans le triangle Valladolid, Burgos et León. Ou encore, en Amérique latine, les traditions de pisé des époques
incas, au Pérou (site de Puruchuco), la ville coloniale de Ouro Preto, dans le Minas Gerais, au Brésil. Rappelons aussi
qu’une grande partie de la Muraille de Chine est en pisé. Les évolutions récentes de la technique du pisé, au-delà de
l’évolution du compactage manuel vers un damage mécanique5, décrivent plusieurs tendances. Une approche de type
ingénierie qui s’est focalisée sur la réduction de l’épaisseur des murs en pisé et l’emploi de coffrages intégraux utilisés
pour le béton ou dérivés. Cette orientation a été prise par des chercheurs brésiliens et cubains6, ou encore pour des
expérimentations réalisées à Ouarzazate, au Maroc, en 1968, par l’ingénieur français Alain Masson et l’architecte belge
Jean Hensens (Hensens, 1970). D’autres approches ont porté sur l’évolution des solutions de coffrages avec des systèmes
intégraux d’angles en « L » et des liaisons de murs extérieurs et de refend en « T », comme l’imaginait G.F. Middleton
en Australie, dans les années 1950 (fig. 3). Par la suite, la préférence des constructeurs est allée vers les coffrages
grimpants permettant d’élever des murs trumeaux7 successifs. Ce système constructif est largement exploité en
Australie, et aux Etats-Unis où semble aussi se développer la technologie du pisé béton projeté (David Easton). Une
nouvelle direction est celle du pisé préfabriqué. Le constructeur français Nicolas Meunier réalise des blocs de pisé in
situ, sur ses chantiers, puis les met en place à la grue, tel un lego. Dans le même esprit, l’innovation la plus remarquable
a été développée ces dernières années en Autriche, par l’architecte et entrepreneur Martin Rauch. Ce sont des pans de
mur en pisé aux dimensions modulaires, composants préfabriqués en atelier, conditionnés pour être transportés sur les
chantiers. Ils sont ensuite assemblés par empilement, à la grue, pour dresser des murs qui garderont leur texture
naturelle8. Enfin les toutes récentes évolutions concernent la mise en œuvre de pisé en vrac, dans des parois-enveloppes
formant coffrage, mais également des bétons de terre et granulats coulés dont le contrôle de la cohésion autorise un
décoffrage très rapide9. Toutes ces évolutions seront plus précisément analysées en fin de cet article. L’art de bâtir en
pisé est complètement renouvelé, recréé, et peut rivaliser avec toutes les technologies actuelles de maçonnerie.
2. Brève évocation du legs technique et culturel d’un important corpus de textes historiques.
Depuis Hérodote10, surnommé « le père de l’histoire », un lignage continu d’auteurs a fait l’éloge de la construction en
terre, vantant notamment ses qualités pour l’édification des domaines ruraux et de leur clos. Mais, si Vitruve11 demeure
5 Le pisoir en bois traditionnel a été remplacé au cours des dernières décennies par l’utilisation de fouloirs pneumatiques dérivés de
l’industrie de la fonderie, utilisés pour réaliser les moules en sable stabilisé des pièces en fonte. Ces fouloirs sont couplés à des
compresseurs en basse pression.
6 Dans les années 1970, la corporation des industriels des ciments et bétons a développé un centre expérimental à São Paulo et réalisé
plusieurs prototypes exploitant le pisé-béton (stabilisé au ciment) en coffrages intégraux (MEC/SG/CEDATE, 1988). A Cuba, La
Havane, dans les années 1980, un centre national de recherche et expérimentation a imaginé des dallettes de pisé stabilisé au ciment
utilisée en remplissage d’ossatures en béton armé, par empilement.
7 Imaginons une succession de pans de murs en pisé, avec des vides entre eux. Ils seront ensuite comblés, soit par des systèmes
indépendants d’ossature, en bois ou en béton, soit à nouveau par du pisé ou des briques de terre crue, ou par d’autres matériaux tels
que panneaux préfabriqués, bardages isolants ou cadres de baies.
8 Ce procédé de préfabrication a été spécialement conçu par Martin Rauch, en 1998, alors qu’il réalisait les bâtiments de l’imprimerie
Gugler, à Pielach, qui nécessita la réalisation préalable de 160 composants en pisé de 1,70 x 1,30 x 0,40 m (L x h x l), soit 208 tonnes
de terre qui ont été transformée en trois mois. Le même principe a été adopté pour la construction d’un hôtel, en montagne, qui a exigé
le transport par camion de tels composants préfabriqués, sur près de 400 km incluant le passage de deux cols alpins (source :
conférence de Martin Rauch aux Grands Ateliers de Villefontaine, en date du jeudi 3 juin 2004).
9 Ces expérimentations nouvelles ont été développées aux Grands Ateliers de Villefontaine, Isère, au cours de ces deux dernières
années 2004 et 2005, par le CRATerre et les étudiants de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble.
10 Dans ses Histoires, au 5ème s. av. n.è., Hérodote rapporte de nombreux témoignages de ses voyages en Orient, Asie, Afrique et
Europe.
11 Vitruve (1er s ap. n.è..), dans son De Arquitectura vante en effet les qualités constructives de la brique crue pourvu qu’elle soit à
l’abri de l’eau.
Page 190
Hubert Guillaud
le plus connu il n’a pourtant fait l’éloge que de la brique crue et non du pisé comme d’ailleurs d’autres auteurs fameux,
tel Columelle, qui s’intéressa plus à l’aspect économique de la construction en terre qu’à en décrire précisément le genre
technique12. Par contre, Caton observa l’intérêt de construire les bâtiments de ferme en terre alors qu’il posait les grands
principes d’une économie des biens de la campagne romaine et les concepts fondateurs de la villa rustique. Ceux-ci
seront encore une référence pour l’aristocratie terrienne des pays d’Europe occidentale, jusqu’au 18ème siècle13. Varron,
poète et polygraphe latin, évoque le pisé dans son Res Rusticae14. Plus tardivement, Palladius, au 5ème siècle, fit une
description de clos en pisé (ou peut-être de la bauge coffrée) qu’il oppose à des clos en pierres15. A la Renaissance, le
grand théoricien de l’architecture Alberti16 reprendra ce relais ainsi que d’autres traités italiens de construction des 16ème
et 17ème siècles, tels ceux de Rusconi et Scamozzi (Font, 2003). Des auteurs arabes ibériques des 12ème et 14ème siècles,
comme Ibn Abdun et Ibn Jaldun feront de même17. En France, le fameux ouvrage de Charles Estienne et Jean Liébaut
(1564), La Maison Rustique, vantera la bauge, le pisé et les enduits en terre. Il fera autorité avec plusieurs rééditions
successives, jusqu’au 19ème siècle18. Ainsi, au 18ème, des aristocrates propriétaires terriens font le choix de la terre pour
12 Columelle, écrivain latin du 1er siècle, in "De Re Rustica", X, 1, 2 et XI, 3, 2. A propos d'une réserve de chasse : "si les prix de la
pierre et de la main d'œuvre le permettent, le parc sera entouré d'un murs de moellons et de chaux, sinon de briques crues liées à
l'argile."
13 Caton (234-149 av. n.è.), né à Tuseulum, in De Agricultura, 14,4.
14 Varron (116-27 av. n.è.), né à Reate, in Res Rusticae, I, 14, 40. A propos d'un mur de clôture (maceria) d'un domaine édifié sur le
territoire sabin (in agro sabino), servant à protéger tout ou partie du domaine. Il cite les murs de clôture en pisé : "un mélange de
terre et de graviers agglomérés dans des moules" mais également l'emploi de la brique crue (lateribus crudis) pour la construction de
tels murs.
15 Palladius, in Opus agriculturae, I, 34, Traduction Les Belles Lettres, Paris, réédition en 1976. "Il existe plusieurs sortes de
clôtures. Certains cultivateurs, en enfermant de la boue entre des formes, en font qui ressemblent un peu aux murs de briques. Ceux
qui ont les moyens construisent des murs maçonnés avec des pierres et de la boue."
16 Alberti, L.B. (1404-1472), in "De Re Aedificatoria", traduction de J. Martin, Paris, 1553, pp. 48-49. Les textes d'Alberti
témoignent d'un intérêt pour tous les genres de construction. Sa connaissance de la construction en terre repose bien sûr sur celle des
textes latins anciens mais aussi sur une connaissance directe des pratiques de ce type de maçonnerie ornée à fresque, à son époque.
"L'on pourrait voir beaucoup de murailles faites il y a longtemps par nos prédécesseurs, singulièrement bonnes et fermes, et si ne sont
que de blocage simple, mais elles ont été conduites à la manière que les gens d'Afrique et d'Espagne bâtissent leurs parois de terre, à
savoir par jeter la matière entre deux tables d'ais ou claies appliquées d'un côté et d'autre qui servent comme de croûtes, gardent qu'elle
ne puisse couler là ou de là, jusques autant que tout soit sec. Toutefois il y a cette différence entre la muraille de blocage, et celle de
hourdis, que l'une veut avoir du mortier à bauge, ou pour mieux dire à regorger, quasi tout ondoyant et l'autre, une terre tenante et
grasse, laquelle étant rendue aisée à étendre et manier par l'avoir très bien ramollie et pétrie l'on l'y fait entrer à force de la pelleter et
fouler aux pieds, et à coup de battoirs à aplanir : parmi laquelle, pour servir de liaison, se mettent de trois en trois pieds certains
monceaux de gros repoux de pierres, et principalement d'ordinaire, ou bien des éclats assez massifs, pourvu qu'il soient angulaires …
A raison de quoi en ces murailles de terre bâties en Afrique, les ouvriers mêlent des brins de genêt ou du jonc de marine parmi leur
hourdage et font des bâtiments si très forts que merveilles même non sujets à la corruption des vents et de la pluie."
17 L’historienne de l’Art Juana Font Arrellano, professeur à l’Université de Alcalá de Henares et de Valladolid, Espagne, a repéré cet
apport des auteurs de traités de construction, arabes et italiens, dans une recherche établissant le plus large corpus de références
historiques (op. cit., 2003). Elle a depuis lors complété cette recherche présentée lors de ces IIèmes échanges transdisciplinaires sur
les constructions en terre crue qui font l’objet d’un article présenté dans cet ouvrage.
18 In La maison rustique ou l'économie générale de tous les biens de la campagne, Tome 1er, pp. 36-38, Paris, huitième édition de
1763, op. cit. (première édition originale en 1564). Citons en des passages à propos du pisé que l'auteur dénomme de façon générale
"murs de terre", en précisant que "toute sorte de terre y peut être employée excepté la terre glaise, l'argileuse et la sablonneuse". (…)
"il faut préférer la plus forte, c'est à dire celle qui se lie le mieux et qui garde la forme qu'on lui a donnée en la comprimant dans la
main ; un peu de gravier y fait merveille. On l'emploie un peu humide, à peu près telle qu'elle est ordinairement au-dessous de la
terre." Puis, plus loin, à propos de la mise en œuvre des murs de terre : "La fondation doit être de maçonnerie jusqu'à un pied ou deux
au-dessus du terrain afin de se garantir de l'humidité (environ 30 à 60 cm). Pour construire le mur, on jette la terre peu à peu dans des
moules ou encaissements portatifs de planches de sapin de deux pieds et demi de hauteur (environ 81 cm) et de douze pieds de
longueur (environ 4 mètres), on bat et on presse chaque couche avec des espèces de masses destinées à cet usage. Lorsqu'un moule a
été rempli jusqu'en haut, on le démonte pour le remonter à côté et y construire de la même façon un autre pan de mur." Le texte porte
ensuite un jugement de valeur sur les édifices construits en pisé : "On prétend que ces sortes de murs bien enduits de mortier peuvent
durer plus de deux siècles, qu'on peut s'en servir pour bâtir des maisons à plusieurs étages et qu'ils sont d'une solidité presque
incroyable." Plus récemment, Jean Cuisenier (1991), alors directeur du Centre d'ethnologie française et du Musée National des arts et
traditions populaires de Paris, a publié une remarquable recherche intitulée « La maison rustique : logique sociale et composition
architecturale », où il remet en lumière les apports de l'œuvre de Charles Estienne, et d'autres humanistes de la Renaissance, sur les
formes de composition caractéristique de l'architecture domestique, et bien sûr la filiation avec Caton.
Page 191
Hubert Guillaud
édifier des maisons de villages attribuées en bail emphytéotique à leurs ouvriers agricoles. Charleval, en Provence,
France (1741) et Milton Abbas, dans le Devon, Angleterre (1773), sont exemplaires du genre19. En France, le Siècle des
Lumières aura ses héros de la terre qui vont influencer tous les pays d’Europe. Ils sont les premiers théoriciens de la
construction en nouveau pisé, désireux de contribuer à l’amélioration des habitats ruraux encore majoritairement
précaires, principalement fait de torchis et de toitures en bâtières de chaume, sujets au risque d’incendie. Liger, en 1700,
décrit explicitement la technique du pisé20, puis Delorme avec un mémoire écrit en 174521, Diderot et d’Alembert, en
1771, dans un article intégré en supplément au volume 4 de l’Encyclopédie valorisent le pisé22. Puis, Georges-Claude
Goiffon dans son Art du Maçon Piseur (1772), Jean-Etienne Guettard, membre de l’Académie Royale des Sciences, qui
évoque longuement les maisons en pezay des cantons du Dauphiné23 comme le fera aussi en 1789 Arthur Young,
agronome britannique, lors de son troisième Voyage en France24. Ensuite, l’Abbé Rozier avec l’architecte lyonnais
François Boulard (1786), qui vont précéder François Cointeraux (1791), auteur le plus prolixe et prosélyte25. Par le
chenal des sociétés savantes de l’époque, son célèbre 4ème Cahier d’Ecole d’Architecture Rurale sera traduit en Italien
par Giuseppe del Rosso (1793), en anglais, par l’architecte Henry Holland (1797), puis diffusé jusqu’aux Etats-Unis et en
Australie 26, en Allemand par David Gilly (1797), fondateur de la Baüakademie de Berlin, puis par le philosophe
Christian Ludwig Seebas (1803) à Leipzig, et en Danois par K.H. Seidelin (1796), sur la base d’une traduction suédoise
de Jahan Retzius (1798). L’influence internationale de Cointeraux, qui parachève l’apport de ses prédécesseurs, est
considérable. Elle pose les fondements de la construction moderne en terre dans de nombreuses contrées27. Le 19ème
siècle aura aussi d’autres héros européens de la terre, comme Wilhelm Tappe en Allemagne (Guntzel, 1998), Juan de
Villanueva (1827) en Espagne ou Alfred Zschokke en Suisse28. Enfin, Jean-Baptiste Rondelet, élève de Soufflot,
19 Milton Abbas a été construit en 1773 par le Comte de Dorchester et Charleval en 1741 par le Marquis César de Cadenet (Theus,
1956).
20 Liger, L’Economie générale de la campagne, Livre I, chapitre III, p.56, du fonds de Prudhomme (Cl.), chez Saugrain fils, à Paris,
au Palais, réédition de 1755 enrichie de figures en taille-douce de Louviot, arpenteur. Source communiquée par Dominique Chancel,
architecte-historien, Services du Patrimoine Culturel de l’Isère.
21 Delorme, G.M. (1700-1782) a décrit pour la première fois et de façon très argumentée, la technique du pisé. Il présenta
notamment un Mémoire pour la construction des murs en terre qu'il lut le 17 mars 1745 à l'Académie des Sciences Belles Lettres et
Arts de Lyon. Ce texte est connu de la plupart des auteurs illuministes qui écriront par la suite sur la construction en terre et fut
notamment repris dans son intégralité dans le Dictionnaire d'agriculture de l'Abbé Rozier publié en 1786.
22 Article intitulé Pisay, pisey, pisé, pp. 384-385 de l'édition de 1771, Paris. Citons en un passage : "On fit à Paris, il y a un siècle,
des maisons moulées ; on en voit une rue de Grenelle, faubourg Saint Germain, vis à vis l'abbaye de Panthemont, que les ouvriers
appelaient par dérision l'hôtel des plâtras, nom qu'il a toujours retenu et subsiste depuis 80 ans." Plus loin, "M. le curé de Varenne-
Saint-Loup, près de Châlons, est très intelligent dans cette partie, et en a fait construire plusieurs maisons de son village. Il a même
composé un petit ouvrage sur cette matière, qu'il m'a lu en 1769, et qui mériterait l'impression. Il vient d'être nommé curé de Givray,
petite ville en Châlonais, et s'appelle Montillot."
23 Guettard, J.E., in La Minéralogie du Dauphiné – Description générale et particulière de la France. Laborde. Paris. 1782. Le texte
sur les maisons en pezay a été reproduit dans le n°2 de la revue Evocations (avril-mai-juin 1981), pp. 57-60). Source également
communiquée par Dominique Chancel, architecte-historien, Services du Patrimoine Culturel de l’Isère.
24 Arthur Young, in Voyages en France, 1787, 1788 et 1790. Ed Sée. Paris Lib. Armand Colin. 1931. in-8°, Tome I, pp. 450-451.
Young évoque des « maisons de vilain aspect » (…), « cabanes de boue laides », observées entre la Tour-du-Pin et La Verpillère, le
26 décembre 1789. On ne peut préciser s’il s’agit de maisons en pisé ou en bauge car le terme boue, traduction de l’anglais mud, reste
générique.
25 L’Abbé Rozier confie à l’architecte lyonnais François Boulard le soin de décrire la technique du pisé dans son Cours Complet
d’Agriculture (1786). François Cointeraux n’écrira pas moins de 69 essais et pamphlets tout au long de sa vie (1740-1830) valorisant
son « nouveau » pisé et de multiples inventions destinée à améliorer les conditions de vie rurales et la gestion des domaines.
26 La traduction anglaise de Henri Holland a été publié sous forme de feuilleton dans la gazette de Sydney, en 1823. Dès lors, un
engouement pour le pisé allait favoriser plusieurs réalisations dont la construction du nouveau bourg colonial de Bathurst, et
plusieurs projets d’habitat dans les états de Victoria et New South Wales (Cody,1985). Ces premières réalisations, expérimentales et
rudimentaires (pisé et ossature bois), faisaient vite place à des réalisations plus élaborées, inspirées des modèles français. Un certain
Louis Perret également d’origine lyonnaise, contruisit une mission catholique à Kororareka (1841-42), Nouvelle Zélande,
aujourd’hui connu comme la Pompallier House (Lewis, 1977 ; Cody, 1985 ; Howard, 1993 ; Guillaud, 1997).
27 Plusieurs auteurs ont insisté sur cette influence exceptionnelle de Cointeraux, de son vivant (Teyssot 1981, Bertagnin 1993,
Guillaud 1997).
28 Wilhelm Tappe (1769-1823), appuyé par la princesse Pauline, a proposé des modèles de maisons en briques de terre ou mottes de
gazon en forme de coupoles ogivales (Guntzel, 1998, op. cit.). Le traité de maçonnerie de Juan de Villanueva (1827) reprend des
principes de construction en pisé hérités des époques arabes. Alfred Zschokke (1825-1879), s’est vu confier à l’âge de 23 ans le
réaménagement de la commune de Filisbach, dans le canton d’Argovie, sinistrée par des incendies. Il a utilisé le pisé comme mode de
Page 192
Hubert Guillaud
architecte du Panthéon, parachèvera ce lignage historique quasiment continu de valorisation du pisé avec son Traité de
l’Art de Bâtir (1802-1817)29 en lui consacrant un chapitre d’une quinzaine de pages. Cet hommage est également rendu
par Louis Bouchard-Huzard avec son Traité des Constructions rurales, publié en 1970, qui s’inscrit dans le legs de
Caton et de la Maison Rustique. Cette longue trajectoire historique littéraire a maintenu un éveil permanent sur l’intérêt
de la construction en pisé. Il s’agit d’une sorte de course de relais avec passage du témoin, entre auteurs successifs, de
l’Antiquité jusqu’aux 18ème et 19ème siècles, période où s’établissent les fondations d’une théorie et d’une science
moderne de la construction en terre. Mais on doit aussi relever l’internationalisation du propos sur le pisé qui s’étend à
d’autres géographies, se libère d’un européocentrisme fondé sur la référence aux cultures constructives méditerranéennes
originelles et sur le legs des auteurs antiques. Dans cette amplification, les traductions et adaptations en plusieurs langues
de François Cointeraux constituent certainement l’un des grands vecteurs de la modernité du pisé qui s’accomplit dans
l’achèvement et l’épanouissement de la typologie des architectures vernaculaires, rurales et urbaines (Guillaud, 1997).
Une typologie qui couvre un large registre de bâtiments de fermes et leurs annexes, aux plans d’une grande variété qui
ont été bien repérés par la Géographie humaine (Demangeon, 1920)30, et qui compte aussi de beaux ensembles de
domaines et manoirs bourgeois, avec là encore un vaste ensemble d’édifices annexes en tous genres, dont les modèles de
conception ont été affirmés par Cointeraux et ses traducteurs31. Sans omettre des typologies particulières comme celle
des pigeonniers en pisé dont quelques exemples remarquables peuvent encore être observés dans le val de Saône ou en
Dauphiné, mais également au Nord de la Province espagnole de Castille et León en Tierra de Campos (Ponga, 1994) et
en Catalogne (Font et Hidalgo, 1991) ; mais aussi la typologie des mairies-écoles primaires instaurées à partir de la fin
du 19ème siècle sous l’impulsion de la Loi Jules Ferry avec un registre varié en Dauphiné et en Lyonnais, terres de pisé.
Et encore les rares chapelles et églises à nefs de pisé32, les bâtiments d’usines et manufactures, ateliers de tissage,
logements ouvriers33, tellement nombreux en Dauphiné. Sans négliger non plus le vernaculaire urbain dont peu
d’exemples visibles demeurent comme dans le quartier de Croix-Rousse à Lyon, ou dans le centre ancien de la ville de
Montbrison, en Forez34.
3. Le pisé, entre agonie et renaissance, de la fin du 19ème siècle aux années 1970
La synthèse du ciment hydraulique, élaborée par le français Henri Vicat dès le début du 19ème siècle n’aura un impact sur
la construction en pisé traditionnelle qu’au-delà de 1850 (fig. 4). En France, les premiers pisés-bétons des Frères
Coignet, entrepreneurs en région parisienne, seront compactés à la façon lyonnaise, au pisoir manuel, dans des banches à
pisé. L’évidence de cette évolution du pisé vers les bétons compactés à basse teneur en eau est encore visible sur le
patrimoine vernaculaire du Lyonnais, du couloir rhodanien et du Dauphiné. Mais, la modernité de la terre avait pris
racine et l’on a continué à bâtir avec ce matériau jusqu’avant la 2ème Guerre Mondiale, dans beaucoup de pays d’Europe.
Une étude récente sur le patrimoine des architectures de terre de Suède (Palmgren, 2003), couvrant la période allant de
1750 à 1950, confirme l’existence de maisons en bauge, couvrant la période de la révolution agraire (1750-1850), en
Stöphus (terre et chaux), couvrant la période de la révolution industrielle (1850-1915), puis en pisé pour la période de la
révolution sociale (1915-1950). La recherche de Lars Allan Palmgren repère une large typologie d’ouvrages de grande
qualité architecturale comptant des bâtiments ruraux, des manoirs bourgeois, des bâtiments industriels et des habitats
villageois ou de bourgs. En Espagne, entre 1884 et 1887, Antonio Gaudi construit l’extension de la finca (ferme et
construction économique, incombustible et hygiénique en construisant sept fermes en pisé qui ont été répertoriées sur un plan établi
en 1850.
29 Jean-Baptiste Rondelet élabore son traité entre 1802 et 1817. Dans ce chapitre consacré à la construction en terre, intitulé "Des
pierres artificielles", il fera clairement référence au "Sieur François Cointeraux " comme spécialiste reconnu de ses pairs.
30 Nous évoquons ici les groupes typologiques des fermes en longueur, fermes en hauteurs, fermes à cours ouvertes ou fermées.
31 Revoir à cet égard les superbes planches annexées à la réédition du livre de Christian Ludwig Seebas, François Cointeraux. Die
Pisé-Baukunst, Leipzig, 1803, réédité en facsimilé en 1989.
32 Trois exemples remarquables peuvent être observés dans les villages de Viriville, Charancieu et Châtonnay, en Isère. Un
inventaire plus complet devrait être réalisé sur cette architecture culte en pisé.
33 A cet égard, les modèles de maisons de l’ouvrier proposés par Cointeraux et également par Rondelet méritent d’être
particulièrement considérés. Celui de Rondelet à trois travées (avec escalier d’accès à l’étage en travée centrale) constitue également
un modèle du logement moderne de ferme compacte en hauteur qui se développera à partir de la fin du 19ème s. et au début du 20ème s.
(voir exemples Dauphinois et rhodaniens par exemple).
34 Par contre les recherches archéologiques récentes menées dans le sud de la France, corroborent l’existence d’une longue tradition
historique urbaine du pisé. Considérer ici les fouilles menées en Languedoc et en Roussillon, à Perpignan, en Provence, à Marseille,
et dans territoires du Comtat Venaissin, à Carpentras ; se reporter à l’article de Claire-Anne de Chazelles et François Guyonnet
« Patrimoine en pisé du Languedoc et de la Provence, du Moyen-Age à l’époque moderne (13ème-19ème s.) », publié dans cet ouvrage.
Page 193
Hubert Guillaud
résidence secondaire) de don Eusebio Güell en tapia real (pisé et chaux) près de Barcelone. En Allemagne, en Prusse et
Saxe, entre 1919 et 1921, le Wohlfahrtsministerium (Ministère des Transports) encourage la construction de 20 000
logements en terre. Pendant la 2ème Guerre Mondiale, la pénurie de matériaux industrialisés pousse la Compagnie des
Chemins de Fer allemands – Reichsbahn – à réaliser des programmes exemplaires de logements pour ses employés, des
bâtiments de gares et autres baraquements. La construction de logements en terre est aussi encouragée dans les
campagnes (Bardagot, 1991)35. Au sortir de la guerre, les traités de Fauth (1948), de Pollack et Richter (1952) font
autorité alors que des normes DIN sur la construction en terre sont publiées entre 1947 et 1956. En France, en 1941, Le
Corbusier conçoit ces Maisons Murondins, en blocs de terre comprimée et en pisé36. Au sortir de la Guerre, le Ministère
de la Reconstruction et de l’Urbanisme soutient à Ivry des recherches sur le béton de terre stabilisé. Dans la Somme, les
fermes du Bosquel et la reconstruction de la cité des cheminots de Tergnier, projets réalisés en 1945-46 par les
architectes Paul Dufournet et Jean Bossu37 (Dousson, 1999) mettent en application ces recherches38. Mais, face à
l’ampleur de la reconstruction, la revitalisation de l’appareil industriel du bâtiment va anéantir ces perspectives nouvelles
dans la plupart des pays d’Europe. Dès lors, l’effort sera porté sur les colonies d’outre-mer dans la période qui précède et
suit leur indépendance. Ce sont à la fois des recherches sur les habitats traditionnels, menées par des chercheurs
européens en Afrique, dans le sillon déjà creusé dès la fin du 19ème siècle par l’allemand Froebenius39 et des projets de
développement pour lesquels la solution de la brique de latérite stabilisée est souvent préférée à celle du pisé40. La
coopération française est très active au Maghreb à partir des années 1960. En 1969, le français Alain Masson et le belge
Jean Hensens, expérimentent le pisé stabilisé en coffrages intégraux et couvertures en voûtes, à Ouarzazate. Dans ces
années 1960 et 70, sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur du Maroc, le CERF amplifie une production éditoriale sans
précédent sur la promotion de la construction économique en terre41 . En Algérie, une équipe franco-belge expérimente
la construction de logements en pisé stabilisé dans le cadre du programme gouvernemental sur les villages agricoles des
wilayas du sud (CRATerre, Doat et al., 1979)42.
4. Le choc pétrolier de 1973 relance le pisé et plus largement la construction en terre dans le
monde.
Halte à la Croissance, le rapport du Club de Rome publié en 1972, souligne le grand danger de dégradation de
35 Ces réalisations allemandes sont accompagnées de la création de centres de formation d’architectes, ingénieurs et artisans, à Posen
et Sachsen qui réalisent des chantiers-formation.
36 Ces projets qui devaient être réalisés dans le sud de la France n’ont finalement pas pu l’être à cause de la disparition de son client
(Le Corbusier, 1942).
37 Jean Bossu (1912-1983) a été au cœur de la production de l’architecture moderne. Son parcours débute à 17 ans dans l’atelier de
Le Corbusier Pierre Jeanneret. Il participe en 1933 au 4ème Congrès des CIAM, puis travaille chez Auguste Perret, Lurçat, Chareau,
Nelson, Mallet-Stevens, Roux-Spitz. Il a été recruté par l’architecte-Urbaniste Paul Dufournet sur les projets des fermes du Bosquel
et de la cité de Tergnier, où est expérimenté le béton de terre stabilisé, avant de débuter sa carrière personnelle, en 1945. Sur la fin de
sa vie, Jean Bossu travaillera beaucoup en Algérie, après son indépendance. On lui doit aussi la fondation de l’Up5 (Unité
Pédagogique d’Architecture de Paris La Défense), établie au Grand Palais, en 1969 (Plaquette de l’exposition Jean Bossu, réalisée en
1999 par l’Institut Français d’Architecture, l’Ecole d’Architecture de Paris La Défense et les Archives d’Architecture du 20ème siècle)
38 Ces expérimentations des fermes du Bosquel ont été très démonstratives au plan technique et économique. Elles permettaient la
publication, en 1945, des premiers documents techniques sur la construction en terre (DTC) en France, intégrés au Répertoire des
Eléments et Ensembles Préfabriqués du Bâtiment (R.E.E.F.).
39 Froebenius publiait un ouvrage sur les architectures de terre du Soudan en 1897.
40 En 1943, le français Michel Luycks, élève de Perret, construit à Adrar, au Sahara algérien, un hôpital en briques de terre, premier
ouvrage d’importance issu d’une coopération bilatérale. En Angleterre, les recherches sur la terre stabilisée du Building Research
Station de Watford trouvent un écho auprès du War Department qui cherche des solutions au logement économique des régions
d’Outre-mer. Un programme en swishcrete (latérite stabilisée), réalisé à Kumasi, Ghana, sous la direction de l’ingénieur Alcock pour
les populations Asante à faible revenu est considéré comme exemplaire. Au Congo Belge, Ruanda et Burundi, ce ne sont pas moins
de 22 235 logements et de 424 commerces et ateliers, dont des centaines en terre, qui sont réalisés entre 1952 et 1955, à Stanleyville,
Elisabethville et Usumbura. Au Maroc, les actions du Centre d’Etudes et de Recherches Françaises (CERF) aboutissent en 1962 à
l’opération de Daoudiat, à Marrakech, sous la direction de Alain Masson, qui compte 2 700 logements en blocs de terre stabilisés
(Bardagot, op.cit.).
41 Ces publications, réalisées sous l’égide du Ministère de l’Intérieur du Maroc ont été répertoriées par le CRATerre dans un rapport
intitulé Marrakech 83, Habitat en terre, Grenoble, 1983.
42 Cette équipe est composée des belges Hugo Houben et Dirk Belmans, et du Français Paul Pedrotti. Leur projet de Mostefa Ben
Brahim (1972) fait date. Hugo Houben sera en 1979, l’un des membres fondateurs du CRATerre, en France.
Page 194
Hubert Guillaud
l’environnement planétaire et de l’épuisement des ressources naturelles43. L’année du choc pétrolier de 1973 est aussi
celle de la publication de Small is Beautiful de l’économiste anglais radical Ernst Friedrich Schumacher, fondateur de
ITDG44, dès 1966, et du concept de la Technologie Appropriée ou « T.A »45. Le monde occidental entame une profonde
autocritique. Il cherche de nouvelles références dans le modèle gandhien, dans des écrits d’anthropologues valorisant La
société du don (Marcel Mauss, 1924), d’économistes dénonçant les dérives du libéralisme (Polanyi, 1983) ou le
despotisme des états (Clastres, 1974)46. Les essais d’Ivan Illich, créateur du CIDOC de Cuernavaca, au Mexique, sont
diffusés dans le monde entier, appellent à davantage d’équité, de convivialité, à moins d’école et nous invitent à libérer
l’avenir47. En Angleterre, Edouard Goldsmith fonde la revue The Ecologist (1969) depuis lors devenue l’une des plus
grandes tribunes du post-development. A partir des années 70, les pays d’Europe s’engagent dans davantage de
coopération active avec les pays du sud et dans une démarche environnementaliste où l’architecture de terre va
consolider son rang sur l’éventail des voies alternatives possibles et viables.
L’histoire du pisé donne l’évidence d’une technique qui n’a que peu évolué pendant très longtemps. Ce n’est en effet
qu’au cours de ce dernier 20ème siècle que d’autres outils et procédés de mise en œuvre ont été imaginés, principalement
dans les régions industrialisées, alors qu’en maints autres pays du monde la technique perduraient dans ses formes
quasiment traditionnelles. Nous proposons ici une nouvelle mise à jour du savoir par rapport à des recherches antérieures
(Guillaud et al., 1985) en considérant plus directement les évolutions de la technique à la lumière de son impact sur les
logiques constructives, les typologies structurales et architecturales.
Deux systèmes doivent être différenciés en ce qui concerne le maintien en place du coffrage. D’une part le coffrage,
constitué de deux banches, est positionné sur des clés horizontales qui servent également à caler des potelets extérieurs
de maintien et de raidissage, procédé décrit par des auteurs de référence pour l’espace européen (Cointeraux, 1791 ; Del
Rosso, 1793 ; Rondelet, 1840, entre autres ; fig. 5), mais aussi pour des territoires plus lointains comme le Maroc
(CRATerre-GAITerre, 1983, pp. 99-103 ; fig. 6a, b, c, d), ou la Chine (Loubes, 1988). D’autre part, le coffrage est
maintenu par un système d’étais extérieurs, les potelets de raidissage étant remplacés par des poteaux en bois toute
hauteur de mur, fichés dans le sol et calés par des jambes de force également en bois. Ce système a été repéré en France
comme étant la méthode du Bugey (Cointeraux 1791 ; fig. 7) ou iséroise (Comte C.P. Lasteyrie du Saillant, 1802, 1820).
Toutefois, le premier système demeure le plus couramment utilisé, avec quelques légères variantes régionales ou
43 Ce cri d’alarme précède de 20 ans le Sommet de Rio (1992) qui va engager la plupart des nations du monde en faveur d’une
planète viable autour de l’Agenda 21.
44 Intermediate Technology Development Group, aujourd’hui installé à Rugby au Sud de l’Angleterre.
45 Intermediate Technology Development Group sera le fer de lance du développement des technologies alternatives ou appropriées,
dans les domaines de l’habitat, de l’agriculture, de l’eau et des énergies, de la santé rurale, de la formation et de la place de la femme
dans le processus de développement.
46 Avec son Essai sur le don (1924, 8ème édition en 1999), Marcel Mauss (1872-1950), anthropologue, montre que dans les sociétés
traditionnelles, les hommes sont liés par des obligations morales telles que donner, recevoir, rendre, où la valeur de ce qui est échangé
n’est pas réductible à une marchandise. Dans La grande transformation (1983), Karl Polanyi (1886-1964) montre que dans les
économies modernes, difficiles à gouverner, le risque autoritaire et despotique des états ou des pouvoirs financiers est majeur.
L’économie de marché est un système autorégulateur où le gain s’est substitué à la subsistance. Pierre Clastres (1934-1977),
anthropologue et ethnologue spécialiste des indiens d’Amérique, avec La Société contre l’Etat (1974) propose une critique pacifiste et
anarchiste du pouvoir étatique : le despote, inconnu dans les sociétés tribales, est propre à l’Etat.
47 D’origine viennoise, cet ancien jésuite a enseigné à l’Université de Puerto Rico. Son Centre Interculturel de Documentation
(CIDOC) entend contribuer au développement d’une pensée critique de la société industrielle. Son livre Une Société sans Ecole
(1971) est une critique radicale du système libéral qui consolide son pouvoir dans les pays démunis par une formation de cadres
locaux devenant étrangers à leurs propres difficultés et à leurs peuples. Aujourd’hui, les analyses d’Illich reviennent en force pour
orienter les voies d’un post-développement.
Page 195
Hubert Guillaud
locales48. Parfois une solution mixte a pu être adoptée avec la mise en place d’un linéaire de coffrage en bois plus long
posé à la fois sur des clés horizontales et étayé par des jambes de force extérieures, comme ce fut le cas sur le chantier
des fermes du Bosquel en 1945-46 (Dufournet, 1950, p. 14) ou sur le chantier de l’ilôt I de O. Perreau-Hamburger et
J.M. Savignat, au Domaine de la Terre de Villefontaine, Isère, 1983-85 (fig. 8). Mais, pour toutes ces solutions de
coffrages, le procédé de mise en œuvre du pisé décrit une progression linéaire horizontale par tours successifs de
banchées. Les évolutions récentes de l’outillage traditionnel en bois, que ce soit pour une amélioration de la manutention
des banches en réduisant la hauteur du coffrage comme l’ont fait les constructeurs allemands lors de la reconstruction
suivant la 2ème Guerre Mondiale (Toni Miller et al., 1947, pp. 38-45 ; fig. 9a, b), ou les bâtisseurs australiens (G.F.
Middleton, 1953, réed., 1975), ou par d’autres procédés de boisage des coffrages, tel l’assemblage de planches verticales
par des sections de chevrons horizontales clouées en parement extérieur (maison de l’agriculteur Rolland à Saint-Siméon
de Bressieux, Drôme, 1981-82, ou chantier du charpentier Guinet à Dolomieu, Isère, 1984), que ce soit la conception de
banches en contreplaqué marine (chantier J.C. d’Orazio et P. Casalonga de Pigna en Corse, 1981-82), ou que ce soit
l’emploi d’autres matériaux comme l’acier avec les banches du chantier de l’ilôt C de S. Jauré du Domaine de la Terre à
Villefontaine, Isère, 1983-85 (fig. 10), ou même encore des solutions mixtes à banches en contreplaqué et systèmes de
portiques en tubes métalliques (chantiers de l’entreprise Terre et Soleil, J. Gumbau, à Saint Victor de Morestel, Isère, et à
Ceyreste, Bouches-du-Rhône, 1984 – 1985 ; chantier Rexcoop à Aït Ourir, Maroc, 1983-84), n’ont pas remis en question
ce principe de progression linéaire horizontale de la maçonnerie en pisé (Guillaud et al., 1985, op. cit.49).
Le procédé de mise en œuvre du pisé par système de coffrage en progression verticale, ou coffrage grimpant, est
également traditionnel bien que moins courant. Il a été repéré en Chine par des références iconographiques anciennes
(Loubes, 1988, op. cit., pp. 44-46, d’après Needham, J. 1956, fig. 11), observations corroborées par des photographies
plus récentes de Jean-Paul Loubes (fig. 12) et de André Stevens50. Le système de coffrage consiste en deux portiques de
perches de bois servant de support et de guide pour la progression du coffrage par glissement du bas vers le haut. Le
coffrage est couramment constitué de quatre fûts de bois empilés qui sont calés en l’une des extrémités du dispositif,
entre l’un des deux portiques et la partie de mur venant d’être réalisée, et en l’autre extrémité, en appui contre l’autre
portique qui permet de caler la porte de banche verticale, toute hauteur de mur. Les fûts du coffrage sont ligaturés devant
ce portique et cette porte par des cordelettes tendues. Ce procédé est généralement utilisé pour la construction de murs de
clos alors que les maçonneries des murs porteurs des habitations en pisé sont élevées avec des coffrages traditionnels à
48 Ces banches traditionnelles sont formées de l’assemblage de planches horizontales jointées bout à bout et maintenues par des
traverses verticales clouées. La longueur des banches varie entre 2 à 3 mètres et leur hauteur entre 80 à 90 cm, cela correspondant à
une portabilité et une maniabilité optimales. En complément, ce coffrage comporte des clés en bois horizontales supportant les
banches, posées sur le soubassement puis sur les tours de banchées précédemment réalisées, des petit bois calés entre les banches en
partie haute du coffrage dimensionnant l’épaisseur du mur de pisé, des potelets extérieurs raidissant le coffrage pour contenir la
pression du damage, reliés en leur sommet par des cordages tendus, et des portes de banches déterminant la longueur de la banchée.
L’outil de compactage est une dame ou un pisoir, soit un manche en bois lesté d’une masse de bois. Cet outil présente aussi des
formes et un poids variables et l’on connaît par exemple des dames à deux manches courts (Pérou, Argentine). Ce système de
coffrage traditionnel a été encore utilisé dans des réalisation récentes, en France, notamment par des autoconstructeurs, tels le
charpentier Huguet, à Corbelin dans l’Isère en 1971-72, ou encore par l’agriculteur Rolland, à Saint-Siméon-de-Bressieux dans la
Drôme et par le ferblantier Moretti, à Lumio en Corse,dans les années 1981-82 (Guillaud et al. 1985). Dans des formes récentes, ce
coffrage traditionnel a pu être réduit en hauteur de banche, jusqu’à 40/45 cm, avec une solution de fixation par portiques en bois
remplaçant le systèmes à clés horizontales et potelets verticaux en bois ; cela afin d’améliorer encore la maniabilité (Toni Miller et
al., 1947 ; G.F. Middleton, 1952). Une autre évolution récente a consisté à tester des banches métalliques ou des systèmes mixtes en
panneaux de contreplaqué et système de mise en place et de raidissage en métal, voire en poutrelles d’aluminium : chantier du
Domaine de la Terre de Villefontaine, 1983-85 ; chantier Rexccop de Ait Ourir au Maroc, 1985, par exemple. Mais cette évolution
n’a pas apporté d’innovations significatives permettant d’être retenues par les entrepreneurs.
49 Cette recherche établissait un bilan actualisé des savoir-faire du pisé en 1985. Pour ce dernier paragraphe, se reporter aux pages
suivantes : pp. 157-161 ; 105-137 ; 122-123 ; 167-168 ; 138-147 ; 318-324.
50 Pierre Clément est enseignant à l’Ecole d’Architecture de Paris-Belleville et directeur scientifique de l’Ipraus, Institut parisien de
recherche : architecture, urbanistique, société (UMR CNRS MCC 7136). Les recherches de Pierre Clément ont porté sur les sociétés,
l’architecture et les villes asiatiques, dont la Chine. Il a observé la technique chinoise du pisé dans la région de Xian. André Stevens,
architecte belge, consultant de l’Unesco, a également documenté cette technique lors d’un voyage d’étude réalisé au Xian, à Turfan et
au Fujian en 1981 (Guillaud et al., 1985, ibid., pp. 244-254). Il en a restitué des éléments dans le volume 2 des actes du colloque
international Earth Construction Technologies Appropriate To Developing Countries qui s’est tenu à Bruxelles, les 11-12 décembre
1984 (Stevens, 1983). Notons aussi le magnifique n° 3 de la revue Mimar, 1982, avec un dossier entièrement dévolu à l’architecture
chinoise où la culture du pisé tient une très belle place (Oubo et Afshar 1982).
Page 196
Hubert Guillaud
progression linéaire, du type de ceux que l’on a précédemment décrit. Des adaptations récentes ont été imaginées par des
bâtisseurs nord américains (Miller, 1980, pp. 31-36)51. Elles exploitent également le principe des portes de coffrage
toute hauteur de mur qui servent de support et de guide pour une progression verticale des banches. Celles-ci sont
généralement conçues en panneaux de contreplaqué raidis par des chevrons horizontaux et des potelets qui sont
maintenus par des tiges d’acier filetées avec rondelles et écrous. Au cours des années 1980, les piseurs australiens ont
développé ce même principe de coffrage mais en métal52(fig. 13). La mise à niveau des coffrages est calée sur la porte
de banche verticale à l’aide d’une jambe de force réglable par des boulons vérins. Dans les années 1970, au Brésil,
l’association des cimentiers de São Paulo développe un procédé de construction économique en voiles mince de pisé
stabilisé. Le coffrage grimpant est métallique, de faible hauteur (environ 40 cm) et progresse en appui contre des
colonnes en béton armé d’égale épaisseur que les murs (MEC/SG/CEDATE, 1988, op. cit.). Le dispositif chinois
traditionnel comme les adaptations récentes permettent de réaliser des pans de mur verticaux, indépendants et auto
stables. Leur longueur varie entre 2 à 2,50 m et leur hauteur peut aller jusqu’à 4 mètres pour les murs de clos. Ces pans
de murs sont soit mis bout à bout pour constituer des parois de plus grande longueur, soit constituent des éléments de
larges trumeaux indépendants, reliés ensuite entre eux par des solutions de colonnes et chaînages53.
Le principe du coffrage intégral répond à une logique d’optimisation économique de la maçonnerie de pisé même s’il
exige une installation plus lourde que peut compenser la moindre mobilisation de main d’œuvre dans la phase
d’exécution du pisé, le chantier étant souvent mécanisé dans ses formes d’exécution récentes (collecte, acheminement et
déchargement de la terre, par exemple). On a repéré un tel dispositif de coffrage intégral en bois maintenu en place par
des portiques toute hauteur de niveau d’étage sur un dessin ancien attribué à un colon d’origine allemande ayant vécu en
Argentine (non daté). Une annotation manuscrite précise que ce dessin montre « comment on réalise les bâtiments en
terre battue ». Les banches sont en bois et progressent verticalement le long des portiques en bois. Dans ce cas, du fait
d’un procédé évolué de la tradition, la mobilisation de plusieurs équipes de compactage, en ouvrage simultané, reste
toutefois importante. Les adaptations modernes de ce principe ont proposé un moulage direct et en forme des voiles de
pisé avec des coffrages intégraux en métal. C’est le cas du projet pilote réalisé en 1969 à Ouarzazate, au Maroc, par
l’ingénieur français Alain Masson et l’architecte belge Jean Hensens (Hensens 1970 ; Guillaud et al, 1985, ibid., pp. 311-
317). Aux Etats-Unis, en 1981, nous avons observé un chantier de l’entreprise Schmidt Builders (St. David, Arizona) qui
utilisait un procédé de coffrage intégral en panneaux de contreplaqué et armature métallique (fig. 14). En France, en
1983, sur un chantier d’habitation réalisé à Dolomieu, Isère, l’entreprise Terre et Soleil de Jacques Gumbau expérimente
le principe du coffrage intégral en éléments standards de panneaux CTBX marine et armature en aluminium, assemblés
entre eux par boulonnage et maintenus en place par des profils raidisseurs toute hauteur d’étage, également en
aluminium. L’expérimentation n’est pas très concluante mais ouvre une voie que prendront d’autres entreprises avec
l’opération du Domaine de la Terre de Villefontaine qui débute cette même année 1983. Sur l’ilôt F conçu par les
architectes Gilles Perraudin et Françoise Jourda, mis en œuvre par l’entreprise Guy Buet, sont utilisés des coffrages
intégraux métalliques de type béton. Une adaptation australienne que nous avons observée sur un chantier réalisé à
Wanabee (Melbourne) en 1988, imaginée par l’entreprise Terraco Ltd, a proposé des coffrages intégraux en aluminium
(fig. 15). Si le principe du coffrage intégral a été généralement associé à la mise en œuvre de murs de pisé au tracé
rectiligne, voire orthogonal (voiles en « L » ou en « U »), les évolutions récentes décrivent une nouvelle tendance. L’idée
de mouler en forme des voiles courbes, en utilisant des coffrages intégraux progressant verticalement ou toute hauteur de
paroi a été inaugurée avec la construction des cages d’escalier de l’ilôt B conçu par l’architecte bressan Jean-Vincent
Berlottier, sur le Domaine de la Terre de Villefontaine (fig. 16a, b). Ce coffrage courbe en bois met en application les
principes utilisés pour le béton avec un boisage adapté à la forme, sur le chantier. Plus récemment, en 1997, l’architecte
Philippe Rabier (Anglet, Pyrénées-Atlantiques) a construit sa propre maison qui expose un très beau mur de forme
elliptique (fig. 17). Avec les conseils de Bruno Pignal, de « Pisé, Terre d’Avenir », l’entreprise Faure BTP de Bayonne a
utilisé un coffrage intégral assez sophistiqué, en panneaux tripli et ossature en métal (Dugelay et al., 2003). Avec la
51 David Miller est un avocat installé à Greeley, Colorado, U.S.A. Il a construit sa première maison en pisé en 1946 puis a été un
fervent promoteur de la technique jusque dans les années 1980 à partir de son Rammed Earth International Institute où il organisait
des formations pour les bâtisseurs. On lui doit aussi la première bibliographie internationale sélective sur le pisé, éditée en 1982.
52 C’est le cas de l’entreprise RAMTEC, de Stephen Dobson, localisée à Perth en Western Australia, et de l’entreprise Terrastone-
CEAC de l’architecte David Oliver, à Buderim dans le Queensland.
53 Ce système constructif a été développé par David Easton (Rammed Earth Works), en Californie, au début des années 1980. L’une
de ses premières réalisation, la Maison Menzel a fait l’objet de publications dans des revues, en 1982 (Rodale’s New Shelter, mai-
juin 1982 ; Fine Home Building, n° 11, octobre-novembre 1982. Voir aussi pour cela CRATerre, Guillaud et al, 1985, ibid., pp. 354-
361).
Page 197
Hubert Guillaud
construction de la Chapelle de la Réconciliation, à Berlin, en 1999, l’entrepreneur autrichien Martin Rauch a pleinement
développé ce principe du moulage intégral en forme en développant un dispositif associant le boisage du coffrage in situ
et le maintien par des portiques raidisseurs toute hauteur de voile (Rauch, 2001, pp. 82-93).
Certaines situations de mise en œuvre de parties d’ouvrages en pisé posant des problèmes spécifiques ont conduit les
bâtisseurs à imaginer des coffrages spéciaux. C’est le cas pour la construction des angles de murs ou des liaisons
structurales entre murs extérieurs gouttereaux et murs intérieurs de refend afin de solutionner le cas de figure classique
de l’épaulement orthogonal par tours de banchées successifs. Ainsi, en Australie, G.F. Middleton imaginait en 1952 un
coffrage en « L » et un coffrage en « T » pour répondre à ces situations, coffrages que nous avons pu observer, en 1988
au National Building Technology Centre (NBTC) de Chastwood, à Sydney (Middleton, 1953, ibid., pp. 20 ; Schneider,
1987). Il imaginait aussi un coffrage d’inspiration traditionnelle, à progression horizontale linéaire, formant une sorte de
moule rigide, doté de portiques et muni d’un rouleau – le roller-supported formwork - pouvant être aisément soulevé et
poussé en avant sur le soubassement puis sur les tours de banchée précédemment réalisés (Middleton, 1953, ibid., pp. 22-
23, p. 31 et 1ère planche photographique). Toujours en Australie, l’entreprise Terraco Ltd de Melbourne, que l’on a déjà
évoquée, a mis au point des moules en aluminium permettant le moulage en forme d’éléments spéciaux en croix. En
1978, dans le cadre d’une recherche ciblée sur la construction en pisé parasismique et en application expérimentale au
Guatemala, Gernot Minke, de l’Université Polytechnique de Kassel (GHK), Allemagne, construisait un prototype à
l’aide d’un moule coffrage métallique en forme de « T » (fig. 18) permettant par glissement vertical d’ériger des pilastres
nervurés auto stables, armés de bambous verticaux et reliés en leur sommet par une poutre chaînage en bois rond (Minke,
2000, 2001). D’autres moules spéciaux ont été conçus pour bâtir des colonnes en pisé, en planches de bois renforcées et
de forme hexagonale, comme l’imaginaient les jeunes étudiants grenoblois de l’ADETEN – futurs fondateurs de
CRATerre - en 1976, sur le chantier de Vigneux en Isère (CRATerre, Doat et al., 1979, op. cit.) ; ou plus récemment en
métal par l’architecte Serge Maïni, fondateur du Auroville Earth Institute, en Inde, pour dresser des fûts de colonnes
cylindriques. Ces moules permettent de bâtir des sections successives de fûts de colonnes, par déplacement vertical, le
décoffrage étant facilité par un dispositif d’ouverture du moule.
Une révolution technologique du pisé a récemment accompagné l’exigence de productivité des chantiers et de contrôle
de qualité de la mise en œuvre du matériau en application du principe de préfabrication d’éléments de banchées ou
d’éléments modulaire de murs. En France, en 1986-87, le bâtisseur Nicolas Meunier a imaginé un système de
construction en blocs de pisé préfabriqués (b.p.p.). Les blocs sont damés sur le chantier, en coffrage fixé sur un support
métallique conçu comme une échelle à barreaux rapprochés, posée sur une plaque de contreplaqué et sur le sol plane.
Une fois le bloc de pisé compacté, les joues du coffrage sont déposées, l’échelle support est reliée à un palonnier,
légèrement soulevée, la plaque de contreplaqué en sous face est retirée. Puis le palonnier, reliée à une grue peut soulever
le bloc préfabriqué de pisé et le déposer délicatement sur son assise (fig. 19). Les barreaux de l’échelle support sont alors
retirés et le bloc se met en place doucement (Meunier, 1987, pp. 41-45). Un chantier d’immeuble d’habitation a été
réalisé en application de ce procédé, en plein cœur de la ville de Montbrison, Loire, dans les années 1990. En Autriche,
Martin Rauch a pleinement développé ce principe de préfabrication de voiles en pisé préfabriqué, à la fois pour la
réalisation de partitions intérieures non porteuses en développement libre, ou pour la réalisation de voiles porteurs aux
dimensions modulaires mis en place par empilement. Les éléments sont préfabriqués en atelier, intègrent des gaines pour
les réseaux, des systèmes de chauffage. Ils sont transportés par camion sur les sites des chantiers, saisis par un système
de griffes et de courroies de maintien, levés par un palan et une grue, puis déposés (Rauch, 2001, op. cit., pp. 124-142).
Que de chemin parcouru depuis les pisés antiques !
5.2. L’évolution vers les pisés béton, la pression de la norme et le risque d’éradication des cultures constructives du
pisé.
Pour compléter cette évocation de l’évolution de la technique du pisé, il convient de mentionner la tendance récente vers
les pisés stabilisés au ciment. Cette tendance a été accompagnée d’une évolution sémantique, dès lors que la technique
du pisé et son outillage traditionnel étaient mis au service du développement des premiers bétons modernes. Comme on
le notait en introduction, les Frères Coignet, entrepreneurs parisiens, adoptaient la terminologie de pisé béton pour leurs
premières réalisations en béton. Cette nouvelle terminologie prolonge celle qui était adoptée pour désigner les pisés de
Page 198
Hubert Guillaud
mâchefer54 et correspond clairement à un procédé de mise en œuvre qui s’opère encore par compactage du matériau à
teneur en eau humide, quoique différent puisque ne s’agissant pas de terre seule, dans des coffrages à pisé de forme
traditionnelle et en progression linéaire. Une recherche antérieure a étudié cette phase d’évolution technologique en
analysant notamment le patrimoine en pisé de la ville de Lyon (AA.VV., 1983)55. Puis, au 20ème siècle, dans l’entre deux
guerres mondiales, les recherches menées en Allemagne dans les années 1920, et par la suite aux Etats-Unis et au Brésil,
sur la stabilisation des terres pour les travaux d’infrastructure routière, à base de chaux puis de ciment Portland (Houben,
Guillaud et al. 1983, p. 58), vont contribuer à l’apparition, en décalage, des premiers bétons de terre. Ce sont les
premières expérimentations de maisons en béton de terre stabilisée au ciment déversé à la pompe à béton, développées à
Pétropolis, au Brésil, en 1943, puis celles réalisées au domaine présidentiel de la Forêt des Planteurs, à Zéralda, en
Algérie (CRATerre, Doat et al., 1979, ibid., p.91). Ces tentatives ont été peu probantes du fait d’une grande difficulté à
maîtriser le retrait du matériau, exigeant un rebouchage de nombreuses fissures a posteriori et après plusieurs mois de
cure de séchage. L’évolution technologique s’est donc maintenue dans le registre du pisé stabilisé au ciment mis en
œuvre dans des coffrages intégraux, tel que l’ont proposé les projets de Paul Dufournet et Jean Bossu, avec les fermes du
Bosquel en Picardie, en 1945-46, de Alain Masson et Jean Hensens, à Ouarzazate, Maroc, en 1968, ou celui du village
agricole de Mostefa Ben Brahim, en Algérie, réalisé par Houben, Belmans et Pedrotti, en 1973 (CRATerre, Doat et al.,
1979, ibid., pp. 82-90). C’est cette forme d’évolution de la technique qui a dominé dans de très nombreuses réalisations
architecturales de ces 40 dernières années, notamment en Australie et aux Etats-Unis où la stabilisation au ciment, face à
la pression de la norme, est présentée comme une garantie pour l’obtention d’une meilleure capacité de résistance
mécanique en compression et de résistance à l’érosion de surface du pisé. La texture de ces pisés stabilisés, souvent à un
taux de ciment relativement élevé (+ de 10%), est à rapprocher de celle des bétons maigres, bruts de décoffrage, bien que
la finition du parement soit plus lisse, du fait de l’emploi de coffrages à panneaux de particules ou en contreplaqué
marine qui ont été substitués aux coffrages traditionnels en boisage de planches. Dans la logique des pisés béton, une
autre tendance d’évolution débouche sur les pisés béton projetés à haute pression, comme l’a développé récemment
l’entreprise Rammed Earth Works de David Easton, en Californie. Les réalisations restent encore confidentielles mais
traduisent une profonde mutation de la culture constructive du pisé en voie de « bétonnage ». Bien plus perverse est
l’application déviante de la norme béton aux ouvrages en pisé, comme on a pu tout récemment l’observer dans la vallée
présaharienne du Draa, au Maroc56. Sur les chantiers périphériques de Zagora, ville encore toute de pisé il y a à peine 20
ans, désormais majoritairement construite en béton et agglomérés de ciment, le pisé reste encore employé pour la
réalisation d’habitations de plain-pied ou à un étage. Mais, des poteaux en béton armé - destinés à supporter de lourdes
dalles en béton qui ont été substituées aux planchers traditionnels en bois, faux-plafonds en tataoui, terre et dess de
chaux (Boussalh et al., 2005, pp. 51-57)57 - sont insérés dans les murs de pisé, en saignées réalisées a posteriori. Ces
poteaux sont hélas mal enrobés, mal fondés, non reliés entre eux par des semelles, mal connectés aux chaînages des
dalles et au lieu de renforcer la structure, la fragilisent considérablement, notamment face au risque sismique. L’emploi
du leuh traditionnel, encore très économique, est le plus souvent restreint à la réalisation du clos du terrain. Nous avons
là l’évidence d’une perte dramatique de culture où la dimension métaphorique du béton moderne, solide et riche,
s’oppose victorieusement à l’image de désuétude, de fragilité et de pauvreté du pisé. Sont-ce là les signes annonciateurs
d’un processus irrémédiable de perte de culture ?
54 Il s’agit d’une nouvelle forme de béton constitué d’un mélange de cendres et scories avec de la chaux grasse, issue de la
production métallurgique abondamment distribué par voie ferroviaire, qui a été largement utilisé à la fin du 19ème siècle et jusqu’au
début du 20ème siècle, notamment dans la vallée du Rhône et la vallée du Giers.
55 Il s’agit d’une recherche collective intitulée Architecture de terre. François Cointeraux 1740-1830, produite en 1983. Dans ce
corpus d’articles et à ce propos, la contribution de Anne-Sophie Clemençon et de Dominique Bertin, de l’Institut d’Histoire de l’Art
de Lyon et chercheurs au CNRS, intitulée L’architecture en terre, un mode de construction urbain, est tout à fait éloquente
(Clemençon et Bertin, 1983, pp. 63-65).
56 Nous nous sommes rendus à Zagora en mai 2005 pour observer les évolutions des pratiques constructives en leuh (pisé) par les
maâlems locaux, dans le cadre d’un projet visant à proposer des recommandations pour une construction parasismique en matériaux
traditionnels, à la suite du séisme de Al-Hoceima de février 2004. Ce projet est piloté par le Ministère de l’Equipement et des
Transports du Maroc. Il associe l’Ecole Hassania des Travaux Publics (EHTP) et le Laboratoire Public d’Etudes et d’Essais (LPEE)
de Casablanca, l’Ecole Nationale d’Architecture de Rabat (ENA) et CRATerre-ENSAG.
57 La poutraison traditionnelle était faite de stipes de palmier ou de bois ronds d’eucalyptus, dans le meilleur des cas en bois de cèdre
(Moyen-Atlas), puis recouvertes d’un faux-plafond à motifs géométriques en petits bois ronds (tataoui), parfois peints sur lequel
reposait une natte de feuilles de palmier tressées, puis d’une couche de terre à pisé damée, et d’une couche de terre sableuse et de
chaux badigeonnée de chaux (dess).
Page 199
Hubert Guillaud
5.3. Le pisé entre système constructif, structure, espace et forme : procédés de mise en œuvre, logiques constructives
et architecturales.
Dans l’une de nos précédentes publications (Guillaud et al., 1987, pp. 26-34), nous avons défini une typologie
constructive du pisé avec ses déclinaisons en types de structures, espaces et formes architecturales qui reste toujours
pertinente (fig. 20a, b, c, d). Les tendances d’évolution récentes de la conception des projets ne la remettent pas
fondamentalement en question mais permettent de la préciser. Aussi la rappelons-nous brièvement, avec quelques
amendements, afin d’éclairer la suite de notre propos sur les évolutions contemporaines de l’architecture de pisé.
Il s’agit de la forme la plus fréquente déclinée dans les réalisations d’architecture vernaculaire de maints pays où domine
la culture constructive traditionnelle du pisé. Les composants de la structure, ou murs, sont réalisés à partir de la
progression linéaire horizontale d’une banche aux dimensions modulaires, en assises successives, à partir d’un angle du
bâtiment et retour à ce point de départ. Cette structure en murs monolithiques décrit des volumes simples, généralement
des parallélépipèdes de forme carré à rectangle pouvant accepter des variantes trapézoïdales rectangles plus ou moins
régulières. Elle constitue également une enveloppe qui cerne l’espace pouvant être sous divisée par un, voire deux ou
trois murs de refend, selon la longueur des corps de bâtiment. Les espaces du plan sont la plupart du temps de dimension
assez réduite pour leur affectation à usage d’habitation du fait des portées courtes des planchers supportés par des bois
courts de faible section, voire stipes de palmiers (tradition présaharienne, au Maroc et en Algérie), ou planchers à solives
(un peu plus longues, soit 4 à 5 mètres) dans la tradition dauphinoise et forezienne, en France, posées en petites travées
resserrées (40 à 60 cm). Dans la tradition française, les bâtiments annexes peuvent présenter de plus grands volumes, en
cas d’affectation en étables ou granges assez vastes, l’espace étant libéré par des fermes de charpente de grande portée à
entraits simples, voire entraits retroussés moisant les arbalétriers, avec blochets. Les murs intérieurs de pisé peuvent
porter des planchers intermédiaires. On observe aussi des poteaux de forte section supportant les longs entraits de
charpente et entre lesquels sont bâties des cloisons libres, en poteaux de bois et galandage de torchis, qui peuvent diviser
l’espace en plusieurs nefs (granges cisterciennes du nord de l’Isère). D’autres concepteurs ont pu proposer l’association
de ce principe de structure et d’enveloppe monolithique traditionnel avec un traitement de l’espace en plan libre, insérant
des solutions de structures de planchers indépendants, contreventés, en ossature bois ou acier, telle la maison atelier de
l’architecte Alexandre Bastos au Portugal (AA.VV., Portugal, 2005). Les percements ménagés dans ces murs, pour les
baies, portes et fenêtres, sont réalisés dans la masse des murs, en prévoyant la pose des linteaux dans la phase de
réalisation du gros œuvre en pisé et en ménageant immédiatement le percement qui est doté d’un précadre massif en bois
posé en parement extérieur ; ou en perçant la baie par la suite et en dressant le tableau de maçonnerie en pierres de taille,
de briques ou de pierres factices (béton de ciment prompt dans la tradition iséroise). Les couvertures de ces bâtiments en
enveloppe monolithique acceptent des toitures plates en terrasses (tradition maghrébine), voire en voûtes surbaissées
(tradition catalane), ou des toitures à charpentes traditionnelles (à 2 pans et pignons, en pavillon à 4 pentes, ou autres
solutions à croupes et fausses croupes). L’évolution récente de mise en œuvre de blocs de pisé préfabriqué (entreprise
Meunier), ne modifie pas fondamentalement ces principes de structure, d’espace et de forme. Par contre l’utilisation de
coffrages intégraux de forme elliptique amène de nouvelles variantes spatiales et formelles, telles la maison de Philippe
Rabier à Anglet, Pyrénées-Atlantiques, France (Dugelay, 2003, op. cit.), ou la Chapelle de la Réconciliation de Martin
Rauch à Berlin, Allemagne (Rauch, 2001, op. cit.).
Il s’agit d’une forme récente de mise en œuvre des structures en pisé qui correspond plus logiquement à l’emploi de
coffrages intégraux ou de coffrages grimpants, donc à progression verticale. Cette logique constructive permet la
réalisation de composants de structure, ou murs, en forme de voiles dont la stabilité est assurée par la forme même du
mur, soit des voiles porteurs en « U », en « L », ou en « T », les ailes, redans ou retours assurant cette auto stabilité.
Toutefois, l’utilisation d’un coffrage traditionnel à progression linéaire horizontale et la réalisation de tels types de voiles
par assises successives de banchées, reste possible bien qu’assez rarement observée58. Ce principe de structure décrit
aussi des volumes simples en forme de blocs indépendants, généralement parallélépipédiques, qui résultent de la
correspondance des voiles en « U », « L » ou « T » ménageant des vides verticaux entre eux, relativement étroits. Les
espaces sont à la fois contenus par l’enveloppe monolithique partielle de ces voiles de pisé et cernés par les frontières
virtuelles de ces vides étroits, alignées sur les parements extérieurs. La forme des bâtiments peut résulter de la
58 Des maisons réalisées par G.F. Middleton, ou par Julius Jorgensen sur le site de la communauté d’artistes de Montsalvat, à
Eltham, périphérie des Melbourne, Victoria, en Australie, dans les années 1950, semblent avoir adopté ce principe constructif
(Middleton, 1953, ibid., cahier central de photographies).
Page 200
Hubert Guillaud
juxtaposition de plusieurs blocs indépendants. Des chaînages relient les voiles entre eux, constituent des assises
périphériques pour des solutions classiques de planchers à solives, ou pour des dalles en poutrelles et hourdis, ou en
béton, dont les portées restent assez courtes. Les baies occupent généralement l’espace vertical des vides ménagés entre
les voiles auto stables et sont constituées de bâtis indépendants. Ces vides peuvent être aussi remplis par des allèges ou
des parois pleines, réalisées en maçonnerie indépendantes de pisé ou de briques, en bardages bois ou métalliques, qui
intègrent ou non des baies de dimension plus réduite que celle de la surface du vide initial. Les toitures de ce second type
de structures peuvent être à convenance, plates, voûtées, ou à charpentes en bois traditionnelles ou contemporaines en
treillis (fig. 21 ; fig. 22). L’un des projets emblématiques de ce type, réalisé ces dernières années, est celui conçu par les
architectes Gilles Perraudin et Françoise Jourda, mis en œuvre par l’entreprise Guy Buet, sur l’ilôt F du Domaine de la
Terre de Villefontaine (fig. 23).
5.3.3. Le pisé en trumeaux constituant un remplissage d’ossature, ou des portions de l’enveloppe périphérique en voiles
non juxtaposées.
Ce troisième type de structure en portions de murs indépendants est ancien. La construction punique en opus africanum,
telle qu’on peut encore l’observer sur le quartier des métallurgistes, à Byrsa (Tunis), datant du 2ème siècle av. n.è., avec
ses piliers en maçonnerie de pierre ou de briques cuites remplis de voiles en pisé ou en adobes, en est une illustration
antique (ce procédé est aussi une réponse parasismique). Le procédé chinois de réalisation de clos en pisé par succession
de trumeaux, observé dans la région de Xian, bien que ces murs soient seulement juxtaposés sans piliers entre eux, en est
une autre forme. Egalement le procédé de construction en machones y verdugadas (Font, 2005, p.10), d’origine arabo
musulmane et encore couramment utilisé au 19ème siècle, constituant une ossature de briques cuites, remplie de voiles en
pisé, couramment observé en Espagne. La version récente de ce principe est illustrée par les projets du constructeur nord
américain David Easton (années 1980) qui réalise ces voiles trumeaux avec des coffrages en bois intégraux, ceux-ci étant
par suite reliés par des colonnes et des chaînages en béton armé. Les baies sont soit ménagées dans les voiles en pisé, de
facture traditionnelle, soit occupent des vides étroits ménagés entre les voiles successifs, peuvent être aussi dressées sur
des allèges en pisé. L’espace est alors cerné par ces murs trumeaux juxtaposés et reliés par l’ossature, et ces baies. Le
concepteur contemporain s’est affranchi de ces systèmes ossature remplissage où les trumeaux sont très rapprochés, où
les baies sont étroites, grâce à l’association d’autres matériaux. Les portions de murs en pisé peuvent alors être séparées
de façon très marquée, être disposées en côtés et/ou angles opposés, ou encore en alignements pointillés parallèles, et
être séparées par de très larges vides qui constituent des limites spatiales. Ce mode de composition architecturale a été
proposé par des architectes aussi célèbres que Mies Van Der Rohe. Les ressources du plan sont libérées par une grande
fluidité, en travaillant sur les limites spatiales et en articulant ces voiles auto stables - constituant des parties d’enveloppe
monolithique - et les vides dont les limites sont cernées par des transparences en larges baies vitrées. Cette fluidité est
amplifiée par l’utilisation d’éléments de franchissement de grande portée tels que poutres ou fermes à treillis en bois ou
métal, poutres en bois lamellé-collé. Ces principes de composition spatiale sont largement réinterprétés aux Etats-Unis,
déclinés par les projets récents de Rick Joy ou de Jones Studio, en Arizona, ou en Australie par Troppo. Une autre
évolution plus récente de ce principe de construction en voiles verticaux et larges vides est décrite par l’empilement
vertical d’éléments de murs en pisé modulaires, comme l’a proposé l’autrichien Martin Rauch sur ses réalisations de
l’imprimerie Gugler, à Pielach, Autriche (1998-99), projet des architectes viennois Herbert Ablinger, Vedral & Partner,
et de l’entrepôt de la Fondation Hoffman à Basel en Suisse (1999-2000), projet des architectes suisses Herzog et De
Meuron (fig. 24 ; fig. 25).
6. Bilan des évolutions contemporaines des architectures de pisé en quelques pays phares :
France, Portugal, Allemagne, Autriche, Australie, Etats-Unis.
En France, l’exposition Des architectures de terre, présentée au Centre Pompidou, à Paris, en 1981, propose
l’alternative terre pour garantir l’accès à l’habitat aux plus démunis dans le Tiers Monde, et pour un habitat moins
consommateur d’énergie dans les pays du nord. Sur sa lancée, en 1983, le projet du Domaine de la Terre, à Villefontaine,
confirme une démonstration économique et énergétique59 (Grezes et al. 1984). Pour autant, en matière de pisé, cette
réalisation ne marque pas une véritable évolution des techniques et des règles de composition architecturale. En effet, les
principes de coffrages traditionnels sont utilisés, avec une tendance pour quelques entreprises à tester des solutions
métalliques plutôt que tout bois. Seul le projet conçu par les architectes Gilles Perraudin et Françoise Jourda, exploitera
la solution de coffrages intégraux dérivés du béton. Le principe du mur porteur central en « T » et des murs latéraux en
59 Cette opération de 65 logement sociaux confirme des coûts d’opération situés dans une fourchette de -30% à + 20% des coûts
HLM de l’époque. Les bilans énergétiques de chauffage pour les meilleurs projets confirment une économie allant jusqu’à 50%
(source OPAC 38, maître d’ouvrage de l’opération). Pour une information plus complète sur ce projet, se reporter à la plaquette
Page 201
Hubert Guillaud
« L » influence la conception de la structure et la forme du bâtiment, donne une expression architecturale nouvelle pour
un projet en pisé d’inspiration post moderne. Le Domaine de la Terre reste néanmoins emblématique du renouveau
contemporain des architectures de terre et va encourager plusieurs pays dont le Maroc qui entreprend un projet à
Marrakech dans le cadre d’une opération de coopération bilatérale avec la France et son programme Rexcoop 60 (fig.
26). Sur le territoire français, les années 1980 et 90 voient la naissance de nombreuses associations et l’engagement de
professionnels, d’entreprises61, qui déploient des actions régionales de promotion de la terre et contribuent à la
réalisation de nouveaux projets en pisé62 (fig. 27 ; fig. 28). Mais, un constat doit être fait. Si la France a été à l’avant-
garde dès la fin des années 1970 et occupe toujours une position avancée sur le renouveau contemporain des
architectures de terre, un décalage semble aujourd’hui exister avec d’autres pays qui montrent davantage d’innovation
technologique et d’expression architecturale renouvelée.
Au cours de ces quinze dernières années, le Portugal63 a confirmé l’engagement d’architectes et d’entreprises dans la
démarche de renouveau du pisé. Dès le début des années 1990, Teresa Beirão et Alexandre Bastos (fig. 29 ; fig. 30)
mettent le pied à l’étrier avec la construction de leur propre maison et réaliseront plusieurs autres projets de maisons
privées, entre 1994 et 1997, dans le voisinage de leur municipalité de Odemira, Alentejo (à São Luís, São Teotônio), sur
le rivage de l’Atlantique (à Vila Nova de Milfontes), et une rénovation d’un bâtiment paroissial à Cercal, municipalité de
Santiago do Cacém. D’autres architectes suivent la même démarche comme José Brito, Graça Jalles ou Henrique
Schreck (fig. 31 ; fig. 32), toujours à Odemira et à Aljezur. Cette nouvelle architecture de pisé portugaise, bien que
n’affirmant pas une véritable révolution technologique, ouvre la voie d’un renouvellement, cherchant à s’établir entre
une ancienne culture constructive et architecturale et la contemporanéité. Cela est particulièrement visible sur les projets
d’habitations de Alexandre Bastos où le pisé brut cohabite avec des éléments de structure en béton (piliers et colonnes,
acrotères), de belles charpentes en bois, et des enduits blancs qui évoque aussi la culture du chaulage typiquement
portugaise64. Dans l’ensemble, cette nouvelle architecture de pisé portugaise donne la priorité à l’expression visible du
pisé, en intérieur comme en extérieur (fig. 33).
En Allemagne, depuis la fin des années 1970, les recherches et expérimentations de l’ingénieur Gernot Minke,
professeur au GHK de d’Université de Kassel, ouvrent la voie de nouvelles recherches et expérimentations sur la
construction en terre, dont le pisé. Ses prototypes traduisent son ancrage dans une démarche écologique mais également
60 Programme interministériel de Recherches Expérimentales en Coopération. Les opérations de Hay al-Massira (blocs de terre
stabilisé) et de Aït Ourir (pisé) dynamiseront de nombreux colloques et séminaires nationaux et internationaux. Au même moment,
l’architecte Elie Mouyal entame son parcours d’excellence avec ses réalisations de villas luxueuses dans la palmeraie de Marrakech,
créant une nouvelle architecture de terre marocaine enracinée dans la culture arabo-méditerranéenne revisitée, dans ce contexte de
production post-moderne.
61 Parmi ces associations et entreprises localisées en diverses régions du territoire, citons Pisé, Terre d’avenir (Rhône-Alpes,
Auvergne et Midi-Pyrénées), l’entreprise Meunier (Auvergne), Inventerre et Architerre (Midi-Pyrénées), Panterre et Globetroterre
(Bretagne), AKterre, et tout récemment Caracol (Rhône-Alpes).
62 Relevons ici les projets des architectes de Pisé, Terre d’Avenir, (Jacky Jeannet, Pascal Scarato et Bruno Pignal) bien que plus
actifs à l’origine dans le domaine de la restauration et de la réhabilitation du patrimoine mais comptant quelques réalisations
nouvelles. Notons aussi les projets de l’agriculteur Alain Bozier, dans le Poitou, qui construit des gîtes ruraux, les réalisations de
logements sociaux (OPAC 35) en Bretagne, à Romillé, par l’architecte rennais Dominique Urien. Dans l’ensemble, ces réalisations
n’amènent pas une évolution remarquable des techniques de construction en pisé traditionnelles, ni de nouvelles logiques de
conception structurale et architecturale. Par contre, les réalisations de l’entrepreneur forézien Nicolas Meunier, qui expérimente sa
solution innovante de blocs de pisé préfabriqués sur chantier puis levés à la grue et déposés tels un système rappelant le principe du
jeu Lego, ouvrent des voies techniques nouvelles. La maison Carducci, établie dans les Monts du Forez, est un autre projet
remarquable de Meunier qui tout en conservant une expression architecturale traditionnelle, s’en extrait par l’affirmation de voiles
haut et opaques en pisé percés de vides toute hauteur où viennent se loger des systèmes de baies et bardages en bois. Association
réussie de la masse et de la légèreté (Oliva et al., 2004, pp. 124-127).
63 Ce pays a créé en 2003 une association nationale pour la valorisation de l’architecture de terre, l’Associação Centro da terra, une
association à but scientifique, culturel et professionnel souscrivant à l’objectif du développement durable et se donnant pour mission
de promouvoir l’architecture de terre au Portugal. Cette association a réussi à publier un magnifique livre réunissant les contributions
de 54 auteurs (AA.VV, 2005, op. cit). Depuis 1993 et jusqu’à ce jour on ne compte pas moins de 25 événements (séminaires,
conférences, expositions organisées autour de la terre au Portugal.
64 Cf. Arquitectura de Terra em Portugal, 2005, ibid., pp. 154-172.
Page 202
Hubert Guillaud
originale65. Avec sa revue Bauen mit Lehm, éditée entre 1984 et 1987, Minke tient le haut du pavé et tire en avant un
mouvement qui va prendre une ampleur nationale. Un nouvel essor est pris avec la création du Dachverband Lehm e V
(DVL)66, en 1992. Dès lors le DVL organise chaque année depuis 1996 des dialogues thématiques sur la construction en
terre rassemblant universitaires et professionnels. Deux sommets d’experts organisés à Kassel, en 1997, aboutissent en
1999 à la publication de la Lehmbau Regeln. Sans être une norme, cette réglementation vient combler le vide laissé par le
retrait des normes DIN allemandes sur la construction en terre publiées après guerre et retirées en 1970. Le DVL est
aussi à l’initiative de l’organisation de grandes conférences et foires internationales, sous l’intitulé de Lehm, depuis 1994.
L’Allemagne a su développer un large tissu d’entreprises qui dynamisent de façon très pragmatique un marché des
ventes de produits et éléments pour la restauration des patrimoines et une architecture contemporaine en terre67. En
1999, les architectes Reitermann et Sassenroth, s’associent à l’entrepreneur autrichien Martin Rauch, pour édifier en pisé
la Chapelle de la Réconciliation des deux Allemagnes réunies après la chute du Mur de Berlin, projet phare d’une
renaissance architecturale contemporaine s’établissant sur une haute valeur symbolique de la mémoire collective
allemande et européenne. Cet édifice a été particulièrement remarqué avec son plan à deux murs ovales imbriqués où
l’association contrastée de la masse du pisé avec la transparence d’une peau extérieure en bardage de bois ajouré, inscrit
le projet dans une véritable contemporanéité. Avec les réalisations de Martin Rauch, constructeur en pisé à qui l’on doit
des réalisations contemporaines de qualité remarquable (Rauch, 2001, ibid.) l’Autriche est aujourd’hui regardée comme
l’un des pays à l’avant-garde de la nouvelle architecture de pisé européenne dont l’origine et l’ancrage peuvent être
situés dans un mouvement en faveur du renouveau des savoir-faire artisanaux et de leur valorisation créative qui ont pris
naissance dans le Vorarlberg. Le pisé de Rauch s’inscrit dans un courant d’architecture que certains théoriciens ont
qualifié de brutaliste, désignant en cela la mise en valeur de la matière et du matériau à leur état brut. Ce beau pisé
expose délibérément les richesses d’expression de la matière, sa texture, ses couleurs, et constitue le support de diverses
expressions plastiques de traitement de surface par impression, incrustation, incision, autant d’approches de nature
sculpturale ou pittoresque. Jouant sur le voisinage de la variété du matériau brut qu’il met en œuvre sous forme de pisé,
sur la diversité de la taille des grains et de la teinte de matériaux naturels choisis sur une large palette, soulignant les
couches successives, Martin Rauch donne à voir un pisé qui est un véritable chant de la terre. Nous sommes, avec Rauch,
dans l’expression formelle d’une grande tradition de l’opus formarium élevée au rang de l’Art. Ses réalisations les plus
remarquables, situées en Autriche, Allemagne, Angleterre, Italie et Suisse, comptent des maisons privées dessinées par
des architectes fameux tels Schneider et Schumacher ou encore Herzog et de Meuron, des équipements industriels,
hospitaliers ou religieux. On lui doit aussi des projets de parcs et jardins conçus par le paysagiste Kienast Vogt déclinant
ce charme du matériau dans tous ses états jubilatoires. Mais Rauch reste aussi un inventeur technique de génie avec son
procédé d’éléments de murs préfabriqués en atelier.
En Australie, au-delà des influences de Cointeraux au 19ème siècle, on retrouve un intérêt pour le pisé, toujours en
Victoria, promues par G.F. Middleton (1953). Suivant cet exemple, un anglais, John Harcourt, qui vit dans la
communauté d’artistes d’Eltham, près de Melbourne, construit sa résidence en pisé. Harcourt inaugure de nouveaux
procédés de construction en pisé qui alternent les murs trumeaux auto stables et les vides verticaux occupés par les
baies, avec allèges et impostes à ossatures et bardages en bois. Mais, au-delà de ces faits de pionniers, la nouvelle
architecture de pisé australienne voit véritablement le jour dans les années 1980 autour de deux pôles cardinaux
éloignés d’est en ouest. L’un dans le Queensland, à Buderim et Brisbane, et l’autre en Western Australia, autour de
Perth. Ce sont les projets de maisons privées, logements collectifs, chais viticoles, collèges et hôtels de David Oliver
(fig. 34 ; fig. 35), architecte et entrepreneur (Terrastone/CEAC), et les nombreuses villas de Stephen Dobson (fig. 36 ;
fig. 37), entreprise Ramtec. Dans ces régions tropicales et subtropicales, l’architecture à larges toitures débordantes, à
coursives ou vérandas extérieures, vient protéger le pisé de l’impact des pluies, permettant la mise en valeur de ses
grains, de ses couleurs, sans le dissimuler sous des enduits. Dans les plus belles villas, le matériau des murs massifs
reste apparent en façade intérieure, parfois ciré, miroitant sous les apports de lumière de larges baies ouvertes sur une
65 Gernot Minke expérimente des solutions constructives en sacs de coton remplis de terre, en boudins de terre argileuse extrudée
empilés à l’état plastique pour façonner des parois aux formes plastiques, des recherches sur la stabilisation avec des produits naturels
tels que cellulose, caséine, jus de plantes. Il met au point un procédé de compactage du pisé par plaque vibrante auto tractée
alimentée par énergie électrique.
66 Il s’agit d’un réseau d’universitaires et de professionnels poursuivant l’objectif de la promotion de la construction en terre dans le
pays en connexion avec d’autres réseaux internationaux. L’ingénieur professeur Horst Schroeder, de l’université du Bauhauss de
Weimar et Peter Breidenbach, fondateur de l’entreprise Claytec (à Viersen) qui diffuse des composants de construction en terre
préfabriqués en sont à l’origine avec d’autres personnalités actives.
67 Déjà en 1998, le Dachverband Lehm repérait près de 1000 entreprises et artisans qui réalisaient un chiffre d’affaire de 15 millions
de DM.
Page 203
Hubert Guillaud
végétation tropicale généreuse, ou sur les bleus changeant du ciel et de l’océan. Star de l’architecture contemporaine
australienne, Glenn Murcutt s’est associé à Adrian Welke et Phil Harris (groupe Troppo de Darwin68), chantres d’une
nouvelle architecture tropicale jouant avec les éléments (pluie, chaleur humide, brise), et avec le paysage, réinterprétant
les références d’habitat aborigène, pour concevoir en 1992-94, le superbe projet du Bowali Visitors Information Centre,
promu par l’Agence Nationale Australienne pour la Conservation de la Nature (ANCA) et situé dans le Parc National de
Kakadu. Cette association de talents a conçu un édifice totalement intégré dans un site de savane, proposant de
nouvelles limites subtiles entre l’intérieur et l’extérieur, des transitions entre la chaleur plombée et la fraîcheur
ombragée activant par convection naturelle un léger zéphyr. La circulation linéaire le long d’un deck ou d’une large
véranda, sous une voûte au galbe souple en onduline d’acier galvanisé, parfois translucide, donne à voir des murs en
pisé.
Aux Etats-Unis, la construction en pisé a été introduite par les immigrants européens s’installant en Nouvelle
Angleterre, soit dans les Etats de New South Wales, New Jersey, New York et de Pennsylvanie. L’influence de la
traduction anglaise du 4ème Cahier d’Ecole d’Architecture Rurale de François Cointeraux, par Henry Holland, a été
notoire (Guillaud, 1997, op. cit.). Mais, l’intérêt pour le pisé perdra de sa vitalité avec l’impact des travaux de Joseph
Aspidin, homologue du grenoblois Henri Vicat, et promoteur du ciment Portland, puis avec la période troublée de la
Guerre de Sécession entre les Etats du Nord et du Sud (1861-1865). Il faudra attendre plus d’un siècle pour que les
vertus du pisé soient redécouvertes, dans les années 1970. Un avocat du Colorado, David Miller, fréquentant les
bibliothèques lors d’un voyage en Russie, lut un ouvrage décrivant le matériau et le procédé de construction. De retour
aux Etats-Unis, il expérimente le pisé, construit sa maison, et devient un promoteur zélé de la technique. C’est à partir
de ce Grand Sud Ouest, que le pisé va renaître, au sud de l’Arizona, avec les premières réalisations d’habitat de
l’entreprise Schmidt Builders, à Saint David, et celles de David Easton, en Californie. Ces projets valorisent un procédé
mécanisé de compactage de la terre, au fouloir pneumatique, en coffrage intégral ou en coffrage grimpant pour la
construction de murs trumeaux auto stables. Ces premiers habitats sont modestes puis font place, à partir des années
1980, à une architecture plus élaborée issue de la commande d’une population plus aisée. Les projets les plus récents de
David Easton et Cynthia Wright (entreprise Rammed Earth Works), dans la vallée viticole de Napa, à l’est de Los
Angeles, renouvellent la dialectique entre structure, espace et forme, en valorisant l’utilisation du pisé en murs porteurs
pour la seule enveloppe extérieure, alors qu’il est uniquement utilisé en partition libre de l’espace habité. L’inertie du
pisé épais (60 cm) contribue à une régulation thermique dans cette région au climat estival chaud. La texture brute du
pisé se marie au miroitement des sols en grosses dalles de terre cuite cirées. Les cloisons épaisses de pisé ne s’élèvent
qu’à faible hauteur, ouvrant au regard altier toute la mesure de l’espace sous des fermes de charpente en bois
traditionnelles. Le pisé économique a été particulièrement valorisé par les recherches et projets de Samuel Mockbee69,
avec les étudiants en architecture de Rural Studio, à l’Université d’Auburn, Alabama, Comté de Hale. Aux Etats-Unis,
où beaucoup d’attention est donnée aux grands projets urbains et à l’architecture de type néo-classique, voire néo-
palatiale clinquante des classes aisées, la démarche de Rural Studio propose une réponse architecturale alternative pour
les plus démunis. Cette architecture associe le pisé à des matériaux de récupération de toute nature (composants en
acier, verre, plastique, caoutchouc, bois), à d’autres techniques peu coûteuses comme le béton cyclopéen, dans une
démarche de conception/chantier proposée aux étudiants comme cheminement éducatif70. Une démarche qui associe la
participation active des usagers, vise une économie maximale, tout en libérant une grande créativité de nature
instinctive. Mockbee reconnaît dans cette « architecture de la décence » authentiquement durable, « un modernisme
contemporain enraciné dans la culture du Sud » (Oppenheimer et Hursley, 2002, 2ème de couverture). Une culture
vernaculaire contemporaine qui a donné d’excellents projets, tels le Centre de la Communauté de Mason’s Bend (2000),
également utilisé comme chapelle, où le pisé, développé en forme linéaire basse, porte une simple nef en petites poutres
de lamellé collé et tubes d’acier, couverte de plaques d’aluminium et d’écailles de verre.
L’architecture en pisé de Rick Joy71 doit être aussi évoquée. Elle traduit à l’évidence une fascination respectueuse pour
l’environnement à la fois dur et beau du désert de Soñora (région de Tucson, Arizona), et un engagement volontaire
dans un processus de conception qui coopère avec le chantier. Cet engagement se démarque fortement d’une approche
intellectualisée, conceptualisée et formalisée de l’exécution des ouvrages qui a contribué à délimiter une distance entre
68 Se reporter à Goad, Philip, Pesaro Architectural monographs, Troppo, ed. Pesaro Publishing, Balmain, NSW, Australie, 1993, 96
p., pp. 58-63
69 Samuel Mockbee est considéré comme l’un des enseignants en architecture les plus charismatiques qui ait existé aux Etats-Unis et
dont l’influence ne cesse de s’étendre au niveau international auprès des jeunes générations d’étudiants.
70 Dans cette « école de la communauté » (Openheimer et Hursley, 2005, p.8), ces projets sont en fait des diplômes d’étudiants en
architecture qui répondent à la demande sociale des plus démunis de cette région du Comté de Hale en Alabama.
71 Cf. Rick Joy et al., 2002, Desert Works.
Page 204
Hubert Guillaud
les architectes et les constructeurs, entre les cultures du projet et celles des entreprises. Ces architectures du Désert,
rayonnent d’une imagination intuitive qui unie l’esprit à la matière. Véritable spiritualisation, célébration du pisé, de ses
textures et couleurs sculptées par la course ambiante du soleil. Comme l’a suggéré Steven Holl, critique d’architecture,
Rick Joy « donne de l’épaisseur à la lumière » (op. cit., p. 7). Tout est sobre, économe et à sa juste place dans ces
superbes réalisations que sont les studios de Convent Avenue (1995-97), à Tucson, ou la Catalina House (1997-98), la
Tubac House et la Tucson Mountain House (2000-01), délicatement et presque mystérieusement posées dans leur
environnement de sable et de flore arbustive d’épineux et de cactus candélabres. Les œuvres magnifiques d’un musicien
et d’un charpentier devenu architecte orchestrant l’élévation d’autres harmonies de la matière et de l’esprit empreintes
d’humilité et de respect du paysage du Désert de Soñora (fig. 38 ; fig. 39). Outre ces superbes projets de Joy, il faut
aussi remarquer quelques projets de Jones Studio (Grayson Trulove et al, 2004, pp. 146-153), également en Arizona,
qui valorisent avec force et grande lisibilité l’expression de voiles en pisé cernant des limites spatiales tout en les
projetant sur l’extérieur dans le paysage environnant. La composition architecturale affirme l’évidence linéaire et
massive des voiles en pisé qui constituent les limites fluides d’un espace occupé par d’autres blocs édifiés en structures
plus légères (bois, métal et verre). Une architecture jouant avec excellence des limites matérielles et virtuelles de
l’espace, qui amplifie les ressources du plan, entre le bâti, la masse et l’opacité des structures porteuses en « béton de
terre », la légèreté et la transparence des surfaces vitrées donnant sur le jardin et sur le paysage (fig. 40).
Les récentes recherches fondamentales sur la terre, appréhendée comme une matière en grains qui ont été développées
ces dernières années au laboratoire CRATerre, en liaison avec l’Ecole Supérieure de Physique et Chimie Industrielle de
Paris (Anger et Fontaine, 2005), sur les propriétés de cohésion de la fraction argileuse et sur les comportements de la
matière associant ses trois phases gazeuse (air), liquide (eau) et solide (minéral), démontrent que l’eau joue un rôle
essentiel à la fois dans la définition du registre des matériaux à base de terre, mais surtout en tant que stabilisant. En
quantité insuffisante d’eau, à l’état sec, la terre est pulvérulente et n’offre pas assez de cohésion, comme en présence de
trop d’eau, à l’état liquide où elle s’effondre, coule. Le contrôle de la quantité d’eau et des effets de pont capillaire72
entre les plaquettes d’argile, entre les argiles et les autres grains minéraux (silts, sables, graviers), sont la clé d’une
cohésion indispensable pour que le matériau terre puisse être utilisé comme matériau de construction, sous forme de pisé
comme d’autres procédés utilisés par les bâtisseurs en terre depuis des millénaires, torchis, bauge ou brique crue. La
mise en évidence des formes d’empilement des grains de la matière terre, tel l’empilement apollonien, et les recherches
sur de nouvelles formes d’empilement plus optimal ou empilement espacé, qui sont menées par l’industrie du béton, sont
à même de découvrir de nouvelles propriétés et comportements mécaniques de la matière terre dès lors que les propriétés
colloïdales de la fraction fine argileuse liante qui s’immisce entre les grains, seront mieux connues. Or, on a d’ores et
déjà observé par application à la terre de pisé de la formule théorique proposée par l’industrie du béton que l’empilement
des grains dans ce type de terre se rapproche de cet empilement espacé73. C’est là un véritable cadeau de la nature74 !
L’étude du comportement d’écoulement de la matière terre, à partir de l’observation de l’angle d’avalanche et de l’angle
de repos des sables (30°), comme l’observation des principes de ségrégation des grains de différente taille entre eux,
permet de mieux cerner les principes de poussée de la matière et de transmission des efforts sous sa propre charge,
lorsque celle-ci est déversée ou coulée dans un coffrage. Ces recherches s’ouvrent désormais sur la mise au point de
nouveaux matériaux de construction à base de terre, dérivés du pisé, employant la même qualité de terre brute, qui sont
déjà expérimentés, associés à des recherches sur prototypes de structures innovantes, aux Grands Ateliers de
Villefontaine. Ainsi sont développés de nouveaux systèmes constructifs en ossature bois et remplissage en béton de terre
et copeaux bois (Chabanne et Court, 2004), ou en béton de terre et granulats, coulés en coffrages léger de roseaux (Le
Tiec, 2005 ; Wilke, 2005 ; fig. 41). Et d’autres procédés qui utilisent la terre brute ou en béton de terre et granulats à
72 Il existe une tension superficielle et une cohésion dès lors que les grains sont en présence d’eau, même minimale, par le
truchement d’un pont capillaire qui exerce une attraction entre les grains (Anger et Fontaine 2005, op. cit., pp.26-27)
73 en effet la terre a pisé offre ce type d’empilement espacé des grains, à l’état naturel mais pas dans le bon ordre correspondant aux
formules théoriques établies par les industriels du ciment. Dans les bétons on a remplacé les grains fins de silt et d’argile, considéré
comme « récalcitrants », par de la fumée de silice. Pour élaborer les futures bétons de terre, il faudra être en mesure de mieux
calibrer et homogénéiser ce mélange naturel des grains que constitue la terre à pisé. L’une des hypothèses qui est formulée est quela
pourrait demander de travailler sur le couple dispersion et remise en ordre des grains.
74 Ces données nous ont été communiquées par Hugo Houben, chercheur au laboratoire CRATerre-ENSAG qui pilote la recherche
fondamentale « Grains de bâtisseurs » en lien avec l’Ecole Supérieure de Physique et Chimie Industrielle (Henri Van Damme,
physicien) et les ingénieurs Romain Anger et Laetitia Fontaine.
Page 205
Hubert Guillaud
l’état plastique et à cohésion contrôlée, versés en vrac dans des parois formant coffrage et enveloppe de nouvelles formes
« d’habitat léger »75 (Porte, 2005). Ce sont les nouveaux bétons écologiques de demain que d’autres recherches
fondamentales plus avancées sur la matière colloïdale et l’empilement optimisé des grains, que l’on évoquait en amont,
permettront d’inventer. Ces nouveaux matériaux révolutionneront les modes de construction en terre millénaires.
Face aux exigences actuelles de qualité environnementale comme architecturale, face aux performances techniques et
économiques des matériaux et techniques de construction contemporains industrialisés, dans un contexte où
l’économique et le quantitatif, le normatif et le sécuritaire, affirment leur domination, le pisé traditionnel, par ses
propriétés constructives et écologiques remarquables, comme par ses caractères propres (texture, couleur), bien que sa
performance économique à la mise en oeuvre puisse être discutée, conserve des atouts exceptionnels. Le choix qualitatif,
face à ces critères dominants, restera un argument décisif. Toutefois, la préservation et la transmission future de la
culture constructive du pisé ne peuvent être envisageables sans évolution, sans adaptation à ces nouveaux critères. Un
compromis doit être imaginé, qui ne soit pas une corruption, ni une perversion de la culture, comme on l’observait
précédemment sur le terrain marocain et sans doute ailleurs dans le monde. Il s’agit de réinventer, de recréer cette culture
millénaire. Ainsi, les architectes et les constructeurs sont invités à moins de radicalisme et d’orthodoxie dans les formes
d’emploi du pisé, à bannir toute forme de nostalgie, de régionalisme ou de folklorisme en associant nécessairement le
pisé aux autres matériaux et composants de construction disponibles sur le marché de la construction. Mais, plus encore,
ils sont invités à déployer une nouvelle intelligence constructive et architecturale du projet, ce que démontre déjà les
réalisations les plus récentes de Samuel Mockbee et Rural Studio ou de Rick Joy et Jones Studio aux Etats-Unis, de
Troppo et autres architectes australiens, ou de Martin Rauch, en Autriche. Ces démonstrations sont exemplaires et
inspirent déjà de jeunes architectes qui pensent tout autrement le rapport entre le dessin et le chantier, entre le matériau,
la construction et l’architecture, qui prennent leur distance avec la dictature orgueilleuse et arrogante du béton, de l’acier
et du verre, avec la banalisation d’une architecture de style international. Mais plus encore, des concepteurs éclairants qui
donnent enfin la juste place du pisé dans l’expression architecturale contemporaine. L’espérance du pisé recréé est aussi
espérance de diversité culturelle préservée, espérance de contribution véritable à un développement durable pour
l’humanité qui a fort besoin de garantir la transmission de la mémoire de ses savoir-faire mis enfin en trajectoire
d’évolution.
Bibliographie
AA.VV. 1983 (France) : Cellauro, (L.) et Richaud, (G.), Bertin, (D.), Clemençon, (A.S.), Guillaud, (H.),
Duboisberranger, (F.), Doat, (P.), De Loitière, (F.) – Architecture de terre. François Cointeraux 1740-1830. Rapport de
recherche, Secrétariat de la Recherche Architecturale, Ed. AGRA-UPAG, Grenoble, France, 1983, 620 p.
AA.VV. 1988 (Brésil): MEC/SG/CEDATE, Taipa em painéis modulados. Sistemas constructivos. 2ème édition
actualisée. Dam/Fundação de desenvolvimento das aplicações de madeiras no Brasil/Centro de desenvolvimento e apoio
técnico à educação. Brasília, Brésil, 1988, 59 p.
AA.VV. 2005 (Portugal) : Arquitectura de Terra em Portugal / Earth Architecture in Portugal. Ed. Argumentum,
Lisbonne, 2005, 300 p.
Alberti 1553 : Alberti, (L.B.) – De Re Aedificatoria. Trad. Martin, (J.), Paris, France, 1553.
Anger et Fontaine 2005 : Anger, (R.), Fontaine, (L.) – Grains de bâtisseurs. Ed. CRATerre-EAG, Villefontaine,
décembre 2005, 36 p.
Bardagot 1991 : Bardagot, (A.M.), et Doat, (P.), Houben, (H.), Guillaud, (H.), Odul, (P.) – L’intelligence de l’Europe et
le développement de l’habitat économique en terre des années 20 à nos jours. Rapport de recherche, Ministère de la
Recherche et de la Technologie, Département des Sciences de l’Homme et de la Société. Ed. CRATerre-EAG, Grenoble,
France, 1991. 89 p.
Bazzana 1993 : Bazzana, (A.) – La construction en terre dans al-Andalus : le Tabiya. In : Comunicações, 7a
Conferência Internacional sobre o Estudo e Conservação da Arquitectura de Terra. Editions de la D.G.E.M.N.,
Lisbonne, Portugal, 1993, 659 p, pp. 76-82.
75 Ce concept « d’habitat léger » entend répondre à des critères d’économie d’énergie en production, construction et maintenance,
tout en offrant un meilleur impact sur l’environnement par la réalisation de structures faciles et rapide à monter, et démontables.
Page 206
Hubert Guillaud
Bazzana 1996 : Bazzana, (A.) – La terre, un matériau millénaire dans les pays du pourtour méditerranéen. In :
Mediterrâneo n° 8/9. Arquitectura de Terra. Ed. Instituto Mediterrânico. Universidade Nova de Lisbonne. Portugal.
1996. 309 p. pp. 41-88.
Bertagnin 1993: Bertagnin, (M.) – Il Pisé e la Regola Manualistica Settecentesca per l’Architettura in Terra.
Reedizione critica del manuale di Giuseppe Del Rosso. EdilStampa, Rome, 1993, 107 p.
Bertagnin 1999 : Bertagnin, (M.) – Architetture di terra in Italia. EDICOM, Edizioni. Montfalcone, Italia, 1999, 315 p.
Bertin et Clémençon 1983 : Bertin, (D.), Clémençon, (A.S.) - L’architecture en terre, un mode de construction urbain.
In recherche Architecture de Terre, François Cointeraux 1740-1830. Rapport de recherche, Secrétariat de la Recherche
Architecturale, Ed. AGRA-UPAG, Grenoble, France, 1983.
Bouchard-Huzard 1870 : Bouchard - Huzard, (L.) - Traité des constructions rurales et de leurs dispositions.
Imprimerie et Librairie d’Agriculture et d’Horticulture de Mme Ve Bouchard-Huzard, 2 vol. ,Paris, France; 1870.
Boussalh et al. 2005 : Boussalh, (M.), Jlok, (M.), Guillaud, (H.), Moriset, (S.), CERKAS, UNESCO et CRATerre –
Manuel de Conservation du patrimoine architectural en terre des vallées présahariennes du Maroc. Ed. du Centre du
Patrimoine Mondial de l’UNESCO, Bureau de l’UNESCO à Rabat, Maroc. 2005. 72 p.
Caton 3ème- 2ème s. av. n.è. : Caton - De Agricultura.
Chabanne et Court 2004 : Chabanne, (J.), Court, (J.) – Apprendre à déconstruire pour mieux construire ; du global au
local, expérimentations d’une démarche constructive. T.p.f.e. Ecole d’Architecture de Grenoble, septembre 2004, 87 p.
Clastres 1974 : Clastres, (P.) - La Société contre l’Etat. Ed. de Minuit, Paris, France, 1974.
Cody 1985 : Cody, (J. W.) – Earthen wall construction in the Eastern United States. Master of Arts, Graduate School of
Cornwell University, Etats-Unis d’Amérique, Juin 1985, 460 p.
Cointeraux 1791 : Cointeraux, (F.) – Ecole d’architecture rurale ; quatrième cahier dans lequel on traite du nouveau
pisé inventé par l’auteur, de la construction en terre et de ses outils. Paris, France, 1791, 68 p.
Columelle 1er s. : Columelle – De Re Rustica.
Correia 2000 : Correia, (M.) – Le pisé d’Alentejo, Portugal. Mémoire DPEA-Terre, EAGrenoble, France, 2000, 167 p.
CRATerre 1979 : Doat, (P.), Hayes, (A.), Houben, (H.), Matuk, (S.), Vitoux, (F.) – Construire en terre. Editions
Alternatives et Parallèles, Paris, France, 1979 (réactualisé en 1983 et 1985).
CRATerre et GAITerre 1983 : Doat, (P.), Guillaud, (H.), Houben, (H.), Laraki, (M.), Kergreiss, (M.), Hmami, (J.),
Boulali, (M.), Kabbaj, (A.), Latifi, (A.M.) – Marrakech 83, Habitat en Terre. Aide à la conception architecturale. Ed.
CRATerre, Grenoble, France, 1983, 233 p.
CRATerre 1989 : Houben, (H.), Guillaud, (H.) – Traité de construction en terre. Editions Parenthèses, Marseille,
France, 1989, 355 p.
Delorme 1745 : Delorme, (G.M.) – Mémoire pour la construction des murs en terre. Lyon, France, 1745.
Del Rosso 1793 : Del Rosso, (G.) – Dell’economica costruzione delle case di terra. Imp. J.A. Bouchard, Florence, Italie.
1793. 75 p.
Demangeon 1920 : Demangeon, (A.) - L’habitation rurale en France. Géographie Universelle. Annales de Géographie,
Tome VI., XXIX, pp. 352-375. Editions Armand Colin, Paris, France, 1920.
De Villanueva 1827 : De Villanueva, (J.) – El arte de la Albañileria. Ed. en facsimile. Madrid. España. 1827.
Diderot et D’Allembert 1771 : Diderot, (D.), D’Allembert – Pisay, pisey, pisé. Article, in l’Encyclopédie, supplément
au volume 4, pp. 384-385, Paris, 1771.
Dousson 1999 : Dousson, (X.) – Jean Bossu architecte (1912-1983) exposition-1999. Plaquette d’exposition. Ed. Ecole
d’Architecture de Paris-la-Défense et Institut Français d’Architecture, Paris, France, 1999, 12 p.
Dousson 1999 : Dousson, (X.) – Jean Bossu (1912-1983. In revue Colonnes n°14, Institut Français d’ Architecture et
Archives d’Architecture du XXe Siècle, Paris, France, décembre 1999, 29 p., pp. 14-29.
Dufournet 1950 : Dufournet, (P.) Une expérience de construction en béton de terre stabilisé. In : Cahiers du Centre
Scientifique et Technique du Bâtiment, cahier 81, Paris, France, 2ème trimestre 1950, pp. 7-23.
Dugelay et al. 2003 : Dugelay, (S.), Cabeza, (A.), Pignal, (B.), Rabier, (Ph.) - Maison particulière à Anglet avec mur en
pisé à double courbure. Monographie du réseau Ecobâtir, Juin 2003, 4 p.
Dunzhen 1980 : Dunzhen, (L.) – La maison chinoise. Editions Berger-Levrault, Paris, France, 1980, 234 p.
Estienne et Liébaut 1564 et 1763 : Estienne, (Ch.), Liébaut, (J.) – La maison rustique ou l’économie générale de tous
les biens de la campagne. 2 vol, Paris, France, 1564 et 1763 (8ème rééd.).
Fauth 1948: Fauth, (W.) - Der praktische Lehmbau. Singen-Hohentwiel, Weber, Allemagne, 1948.
Font 2003 : Font, (J.) - La construcción con tierra en los textos históricos. Manuscrit en espagnol, éd. par l’auteur,
Palencia, Espagne, 2003, 26 p.
Font 2005 : Font, (J.) – La tapia en los textos hispanos. Manuscrit en espagnol, éd. par l’auteur, Palencia, Espagne, mai
2005, 13 p.
Page 207
Hubert Guillaud
Font et Hidalgo 1991 : Font, (F.), Hidalgo, (P.) – El tapial. Una técnica constructiva mi.lenària (catalan). Edité à
compte d’auteur, Barcelona, España, 1991.
Froebenius 1897: Froebenius, (H.) – Die erdge-bauerde in Soudan. Verlag J.F. Richter, Allemagne, 1897.
Gilly 1797 : Gilly, (D.) – Handbuch der Land : Bau : Kunst, vorzüglich in Rûcksicht auf die Construc der Wohn:
undWirthshafts: Gebaüde für angehende Cameral: Baumeister. Friedrich Vieweg dem älteren, Berlin, Allemagne, 1797.
Goiffon 1772 : Goiffon, (G.C.) – L’art du maçon piseur. Librairie Le Jai, Paris, France, 1772.
Grayson Trulove et al 2004 : Grayson Trulove, (J.),Richter Gree, (N.), Wedlick, (D.) – Sustainable Homes. 26 Designs
that respect the Earth. Ed. Harper Collins Publishers, New York, Etats-Unis d’Amérique, 2004, 208 p.
Grezes et al. 1984 : Grezes, (D.), Lozach’meur, (A.), Tirard, (J.C.), Lebalh, (A.), Pidance, (D.) – L’Isle d’abeau – ville
nouvelle. Maisons de Terre. Présentation des projets. Ed. EPIDA, L’Isle d’Abeau, France, 1984, 64 p.
Guettard 1782 : Guettard, (J.E.) - La Minéralogie du Dauphiné – Description générale et particulière de la France.
Laborde, Paris, 1782.
Guillaud et al. (CRATerre) 1985 : Guillaud, (H.), Doat, (P.), Rollet, (P.), Houben, (H.) – Pour une étude raisonnée des
architectures en pisé. Etude du savoir-faire « pisé » français et étranger. Ed. CRATerre, Grenoble, 1985, 389 p.
Guillaud et al. (CRATerre) 1987 : Guillaud, (H.), et Doat, (P.), Esteve, (J.), Houben, (H.), Rollet, (P.), Verney, (P.E.) –
Marrakech 87 Habitat en Terre. Ed. CRATerre, Grenoble, France, novembre 1987, 253 p.
Guillaud 1997 : Guillaud, (H.) – Une grande figure du patrimoine régional Rhône-Alpes. François Cointeraux (1740 –
1830) Pionnier de la construction moderne en pisé. Ed. CRATerre-EAG, Grenoble, France, 1997, 47 p.
Güntzel 1988 : GüntzelL, (J.G.) – Zur Geschichte des Lehmbaus in Deutschland, Staufen. Ökobuch Verlag, Allemagne,
1988.
Hensens 1970 : Hensens, (J.) - Enquête nationale sur l’habitat rural traditionnel au Maroc, in : Bulletin économique et
social du Maroc, n° 118-119, Rabat, Maroc, 1970, pp. 95-115.
Hérodote 5ème s. av. n.è. : Hérodote – Histoires. Ed. Les Belles Lettres, Paris, France, 1932.
Holland 1797 : Holland, (H.) – Communications to the Board of Agriculture ; on subjects relative to Husbandry and
Internal Improvement of the Country. Volume 1, parts III et IV. Ed. Bulmer and Co., Londres, Royaume-Uni, 1797. pp.
373-404.
Houben, Guillaud et al. 1983: Houben, (H.), Guillaud, (H.), et Dayre, (M.), Doat, (P.) – Recherche Terre. Recherche
exploratoire sur le matériau terre. Les voies de la Recherche ; Volume 1/2. Ed. AGRA-UPAG, Grenoble, France, 1983,
198 p.
Houben et Guillaud 1989 : Houben, (H.), Guillaud, (H.) - Traité de Construction en terre. Ed. Parenthèses. Marseille,
France, 1989, 355 p.
Howard 1993 : Howard, (T.) – Mud and Man ; the history of earth buildings in Australasia. Earth Buildings
Publication, Melbourne, Australie, 1993, 198 p.
Illich 1969 : Illich, (I.) – Libérer l’avenir. Ed. du Seuil, Paris, France, 1969.
Illich 1973 : Illich, (I.) – Energie et équité. Ed. du Seuil, Paris, France, 1973.
Illich 1973 : Illich ; (I.) – La convivialité. Ed. du Seuil, Paris, France, 1973.
Jacques-Meunié 1951 : Jacques-Meunié, (Dj.) - Greniers-citadelles du Maroc. Ed. Institut des Hautes Etudes
Marocaines, Tome LII, Paris, France, 1951.
Jacques-Meunié 1962 : Jacques-Meunié, (Dj.) – Architectures et habitats du Dadès. Librairie Klincksieck, Paris,
France, 1962, 127 p.
Joy et al 2002 : Joy, (R.), Holl, (S.) , Pallasmaa, (J.) – Rick Joy. Desert Works. Ed. Princeton Architectural Press, New
York, 2002, 176 p.
Lasteyrie du Saillant 1802 : Lasteyrie Du Saillant, (C.P.) – Traité des constructions rurales. An X (1802). (1).
Lasteyrie du Saillant 1820 : Lasteyrie Du Saillant (C.P.), – in Collection de machines, d’instruments, ustensiles,
constructions, appareils… 2 vol., Planche 7, Paris, France, 1820 (source C.N.A.M. – E.H.E.S.S., Centre d’Histoire des
Techniques).
Le Corbusier 1942 : Jeanneret, (E.), Le Corbusier – Les constructions « Murondins ». Ed. E. Chiron, Paris, France,
1942, 38 p.
Le Tiec 2005 : Le Tiec, (J.M.) –Habitat léger de loisirs. T.p.f.e., Ecole d’Architecture de Grenoble, France, février
2005.
Lewis 1977 : Lewis, (M.) – Victorian Primitive. Greenhouse Publications, Carlton, Victoria, Australie, 1977, 87 p.
Liger 1700 : Liger - L’Economie générale de la campagne. Saugrain fils, Paris, 1700, Réédition en 1755.
Loubes 1988 : Loubes, (J.P.) – Maisons creusées du Fleuve Jaune. L’architecture troglodytique en Chine. Ed. Créaphis,
Paris, France, 1988, 142 p.
Mauss 1999 (rééd.) : Mauss, (M.) – Essai sur le don. In : Sociologie et Anthropologie, Quadrige, Presses Universitaires
de France (PUF), Paris, France, 1999, (8ème édition).
Page 208
Hubert Guillaud
Meunier 1987: Meunier, (N.) – Autre procédé pour la mise en oeuvre de bâtiments en terre compactée. Mémoire de
Certificat d’Etudes Approfondies en Architecture de Terre, Ecole d’Architecture de Grenoble, France, juin 1987, 48 p.
Middleton 1953 et 1975 : Middleton, (G.F.) – Build your house of earth. Angus and Robertson, Victoria, Australie,
1953. Réédition révisée chez Compendium Pty Ltd, Melbourne, Victoria. Australie, 1975, 110 p..
Miller et al. 1947: Miller, (T.), Grigutsch, (E.), Schulze, (K.W.) – Lehmbaufibel. Darstellung der reinen
Lehmbauweisen mitt 55 Abbildungen. Ed. Herausgegeben durch die Forschungs-gemeinschaften Hochschule/Weimar,
Allemagne, 1947, 104 p.
Miller et Miller 1980 : Miller, (L.A.), MILLER, (D.J.) – Manual for building a rammed earth wall. Ed. Rammed Earth
International Institute (REII), Greeley, Colorado, Etats-Unis d’Amérique, 1980, 64 p.
Miller et Miller 1982 : Miller, (L.A.), Miller, D.J.) – Rammed Earth. A selected Bibliography with a World Overview.
Ed. Rammed Earth International Institute (REII), Greeley, Colorado, Etats-Unis d’Amérique, 1982. 93 p.
Minke 2000 : Minke, (G.) - Earth Construction Handbook (trad. de la version originale allemande éditée en 1994). Ed.
WIT Press, 2000. Southampton, Ashurst, England, 2000.
Minke 2001: Minke, (G.) – Construction manual for earthquake-resistant houses built of earth. Ed. Gate-Basin,
Eschborn, Allemagne, 2001.
Montagne 1930 : Montagne, (R.) - Villages et Kasbahs berbères. Editions Allan, Paris, France, 1930, 20 p.
Needham 1956 : Needham, (J.) – Science and Civilisation in China. Cambridge, Royaume-Uni, 1956.
Oliva et al 2004 : Oliva, (J.P.), Bosse-Platière, (A.), Aubert, (C.) – Maisons écologiques d’aujourd’hui. Ed. Terre
Vivante, Mens, France, 144 p.
Oppenheimer Dean et Hursley 2002: Oppenheimer Dean, (A.), Hursley, (T.) - Rural Studio. Samuel Mockbee and an
architecture of Decency. Ed. Princeton Architectural Press, New-York, Etats-Unis d’Amérique, 2002. 186 p.
Oppenheimer Dean et Hursley 2005: Oppenheimer Dean, (A.), Hursley, (T.) – Proceed And Be Bold. Rural Studio
after Samuel Mockbee. Ed. Princeton Architectural Press, New-York, Etats-Unis d’Amérique, 2005.
Oubo et Afshar 1982 : Oubo, (J.), Afshar, (F.) – Soil Technology, pp. 48-53. In dossier China, pp. 21-73, revue
MIMAR, Architecture in Development, n°3, Ed. Concept Media Publisher, Singapour, 1982, 88 p.
Palladius 5ème s. et 1976: Palladius - Opus agriculturae. Les Belles Lettres, Paris., France, 1976 (rééd.).
Palmgren 2003 : Palmgren, (L.A.) – Svenska jordhus med lera eller kalk 1750-1950. Om olika svenska jordhusmetoder
– när, varför och hur de uppfördes. Ed. Kungliga Tekniska Högskolan (KTH), Royal Institute of Technology, School of
Architecture/Building Engineering, Stockholm, Sweden, 2003, 38 p.
Polanyi 1983 : Polanyi, (K.) – La Grande Transformation ; aux origines politiques et économiques de notre temps. Ed.
Gallimard, Paris, France, 1983.
Pollack et Richter 1952 : Pollack, (E)., Richter, (E.) - Technik des Lehmbaues. Ed. Verlag Technik, Berlin, Allemagne,
1952.
Ponga 1994 : Ponga, (J.L.A.) – La arquitectura del barro. Junta de Castilla et León. Consejería de Cultura y Turismo.
Ed. Santiago García, León, Espagne, 1994 (3ème ed.).
Porte 2005 : Porte, (X.) – Construire sans liant ; architecture du lien. P.f.e. Master Architecture et cultures
constructives, Ecole d’Architecture de Grenoble, France, juillet 2005, 59 p.
Rauch 2001 : Rauch,( M.) – Lehm und Architektur. Ed. Birkhäuser, Basel, Suisse, 2001, 159 p.
Retzius 1798 : Retzius, (A.J.) – Underrättelse om sättet att bygga stamphus eller beqwäma och oförbränneliga hus a
fjord eller lera. Suède, 1798.
Rozier 1796 : Rozier (Abbé) – Cours complet d’a griculture théorique et pratique. Paris, France, 1796.
Rondelet 1840 : Rondelet, (J.B.) – Traité de l’Art de Bâtir. Paris, France, 1840.
Schneider 1987 : Schneider, (L.M.) – Earth wall Construction. Bulletin n° 5, 4th edition. Ed. du National Building
Technology Centre (NBTC), Chastwood, Sydney, Australie, 1987, 65 p.
Schumacher 1978: Schumacher, (E.F.) – Small is Beautiful ; une société à la mesure de l’homme. Ed.
Contretemps/Seuil, Paris, France, 1978, 318 p.
Seebas 1803 : Seebas, (C.L.) – Die Pisé-Baukunst. Version rééditée par Von Wolfgang Dehmel, Leipzig, Allemagne,
1987, 195 p. et planches.
Seidelin 1796 : Seidelin, (K.H.) - Vejledning til at bygge bequemme og uforbraendelige Huse auf Jord. Uddraget at
Cointeraux Beskeivelse og i abskilligt forandret. Copenhague, Danemark, 1796.
Stevens 1983 : Stevens, (A.) – Country Case Study. China. In Actes du Colloque International Earth Construction
Technologies Appropriate To Developing Countries, Volume 2. Ed. PGC-HS-Katholieke Universiteit Leuven, Belgique,
1984, 38 p.
Terrasse 1938 : Terrasse, (H.) - Kasbahs berbères de l’Atlas et des oasis – Les grandes architectures du Sud marocain.
Paris, France, 1938.
Page 209
Hubert Guillaud
Teyssot 1981 : Teyssot, (G.) – L’architecture en pisé, [la vie et l’œuvre de l’architecte François Cointeraux (Lyon 1740-
1830) qui fut, en France, l’inventeur du « nouveau pisé »]. In Monuments Historiques, n° 116. Ed. Caisse Nationale des
Monuments Historiques, Paris, France, 1981, pp. 32-35.
Theus 1956 : Theus, (P.) – La fondation d’un village de Provence au 18ème siècle : Charleval, 1741. Ed. La Pensée
Universitaire, Aix-en-Provence, France, 1956, 280 p.
Varron 1er s. av. n.è. :Varron – Res Rusticae.
Vitruve (trad. Perrault, C. 1674) 1er s. et 1979 : Vitruve – De Architectura. Abrégé des dix livres d’architecture.
Editions J.B. Coignard, Paris, France, 1674. 226 p. Réédition chez Mardaga, Liège, Belgique, 1979. Egalement chez
Balland, Paris, France, 1979.
Wilke 2005: Wilke, (Ch.) – Une approche de l’habitat économique. P.f.e. Master Architecture et cultures constructives,
Ecole d’Architecture de Grenoble, France, juillet 2005. 176 p.
Young 1790 : Young, (A.) - Voyages en France, 1787, 1788 et 1790. Ed Sée, Lib. Armand Colin, Paris, France, 1931.
Zschokke 1849 : - Zschokke, (A.), Anleitung zum Pisé-Bau, Mit Spezieller Rüdficht auf bas Berfahren bei den Bauten
im Kanton Aargau. Gauerländer Verlags, Haran, Suisse, 1849. - Bâtir en Pisé. Trad. Française de Werner Heerde, éd.
EPFL de Lausanne, Suisse, 1983.
Page 210
Hubert Guillaud
Planche 1
Fig. 1 a : Les outils du piseur (banches, porte, clés et potelets, pilons et Fig. 1 b : Maison type en pisé de la région du Lyonnais (Rondelet, J.B. –
Pisoirs) et moules à brique crue (Rondelet, J.B. – Planche dt Traité de Planche du Traité de l’Art de Bâtir, 1840, Livre 1er, 1ère Section, Chap. 2
L’Art de Bâtir, 1840, Livre 1er, 1ère Section, Chap. 1er. Réédité en fac Réédité en fac simile par l’Instituto Juan de Herrera, Fondo antiguo de la
Simile par l’Instituto Juan de Herrera, Fondo antiguo de la Escuela Escuela Superior de Arquitectura de Madrid, 216 p., p. 9.
Superior de Arquitectura de Madrid, 216 p., p. 8
Fig. 2 : Kasbah en pisé (leuh) et en adobe, maison ksourienne traditionn elle dans la vallée du Draa, Fig. 3 : Coffrages spéciaux en forme de
Maroc (H. Guillaud). « L » et de « T », imaginés par G.F.
Middleton, dans les années 1950, en
Australie. Observés au National Building
Technology Centre de Chastwood, Sydney,
En 1988 (H. Guillaud).
Page 211
Hubert Guillaud
Planche 2
Fig. 4 : Corps d’habitation d’une ferme en pisé et béton (cuvelage de cave, soubasssements et allèges Fig. 5 : Les outils du piseur, d’après
du rez-de-jardin, tableaux des baies de l’étage), datée de 1914, sise à Dolomieu, nord de l’Isère François Cointeraux ; planche du Traité
(H. Guillaud). De Giuseppe Del Rosso de 1793
(in Bertagnin, M., 1993, p. 103).
Fig. 6 a: Coffrage traditionnel des piseurs marocains (CRATerre et Fig. 6 b : Coffrages trditionnels des piseurs marocains et autres outils
GAITerre, 1983, p. 100). (CRATerre et GAITerre, 1983, p. 99).
Page 212
Hubert Guillaud
Planche 3
Fig 6 c : Relevé d’une banche de coffrage traditionnel (tous éléments en Fig. 6 d : Relevé d’une banche de coffrage traditionnel de piseur
Bois) de piseur marocain (maâlem) dans la palmeraie de Marrakech marocain (maâlem), clés et supports en tubes de métal, dans le village
(CRATerre et GAITerre, 1983, p. 102). (CRATerre et GAITerre, 1983, p. 101).
Fig. 7 : Le coffrage de la méthode dite Fig. 8 : Coffrage en bois à progression linéaire, de longueur augmentée ; chantier des architectes Odile
« du Bugey », avec perches et étais de Perreau-Hamburger et Jean-Michel Savignat, Domaine de la Terre de Villefontaine, Isère, été 1984
support des banches ; d’après François (H. Guillaud).
Cointeraux. Planche du Traité de
Giuseppe Del Rosso (in Bertagnin, M.,
1993, p. 105).
Page 213
Hubert Guillaud
Planche 4
Fig. 9 a et 9 b : Coffrage à pisé en bois, de hauteur réduite, maintenu par des portiques en bois, utilisé en Allemagne après la Seconde Guerre
Mondiale
Lors de la reconstruction rurale (Miller 1947, pp. 39 et 40).
Fig. 10 : Coffrage à pisé métallique ; chantier de l’architecte Fig. 11 : Coffrage grimpant à fûts de troncs et porte toute hauteur
Serge Jauré. Domaine de la Terre de Villefontaine, Isère, été 1984 utilisé traditionnellement en Chine (région de Xian) pour réaliser
des murs de clos (d’après Needham, 1956, in Loubes, J.P., 1988 ;
p. 44.
Page 214
Hubert Guillaud
Planche 5
Fig 13 : Utilisation d’un coffrage métallique grimpant pour réaliser des murs Fig. 14 : Utilisation d’un coffrage intégral en panneaux de
trumeaux toute hauteur, sur un chantier en Australie, région de Perth (S. Maïni, contreplaqué et structure métallique, approvision nement
début des années 1990). de la terre par manitou à godet. Entreprise Schmidt Builders à
Saint David, sud de l’Arizona, 1981 (H. Guillaud).
Page 215
Hubert Guillaud
Planche 6
Fig. 15 : Coffrage intégral en aluminium, utilisé sur un chantier de la Fig. 16 a : Coffrage intégral en boisage de planches, de forme courbe,
région de Melbourne, Australie (Entreprise Terraco Ltd, Wanabee, utilisé sur le chantier de Jean-Vincent Berlottier, Domaine de la
milieu des années 1980). Terre de Villefontaine, Isère, 1984 (H. Guillaud).
Fig. 16 b : Vue extérieure des cages d’escalier de forme courbe, projet Fig. 17 : Villa en pisé à mur courbe mis en œuvre avec un coffrage
de Jean-Vincent Berlottier, Domaine de la Terre de Villefontaine, Isère, intégral en structure acier et panneaux de bois tripli. Maison de
1983-85 (H. Guillaud). Philippe Rabier, à Anglet, Pyrénées-Atlantiques (S. Dugelay, 2003).
Fig. 18 : Coffrage spécial métallique en « T » pour réaliser des piliers/trumeaux Fig. 19 : Réalisation d’un bloc de pisé
auto stables. A été utilisé sur un chantier de construction parasismique au Guatemala, préfabriqué et système de levage par
par l’ingénieur allemand Gernot Minke, en 1979 (H. Guillaud). palonnier et grue, chantier d’un
logement en pisé à Montbrison, Loire,
début des années 1990).
Page 216
Hubert Guillaud
Planche 7
Fig. 20a, b, c, d : Typologie de structures en pisé, modes de percements adaptés, ressources du plan et types d’architecture
(Guillaud et al. 1987, pp. 27-30).
Page 217
Hubert Guillaud
Planche 8
Fig. 21 : Construction de voiles de pisé auto stables, mis en œuvre en Fig. 22 : Chantier de la Halle de vente du Panier Fermier, association
coffrage intégral d’aluminium, chantier de villa réalisé à Wanabee, d’agriculteurs, Creux-De-la-Thine, Drôme, réalisé par les étudiants du
banlieue de Melbourne, par l’entreprise Terraco Ltd (H. Guillaud, 1988). CEAA-Terre de l’Ecole d’Architecture de Grenoble et les agriculteurs.
Coffrage grimpant métallique pour panneaux de murs trumeaux (Th.
Joffroy, années 1990).
Fig. 23 : Projet de Gilles Perraudin et Françoise Jourda, Domaine de la Terre de Villefontaine, Isère, 1993-85. Murs en « T » et en « L » mis en œuvre
en coffrage intégral métallique (H. Guillaud).
Page 218
Hubert Guillaud
Planche 9
Fig. 24 : Planche du projet de l’imprimerie Gugler, à Pielach, Autriche, réalisé en 1998-99 par Martin Rauch. Système de paroi en empilement
d’éléments de murs en pisé modulaires, préfabriqués en atelier (Rauch, 2001, p. 132).
Fig. 25 : Détail en coupe sur le système de paroi en empilement d’éléments de murs en pisé modulaires, préfabriqués en atelier, projet de bâtiment de
stockage de la Fondation Emanuel Hoffmann, à Basel, conçu par les architectes suisses Herzog & de Meuron (Rauch, 2001, p. 142).
Page 219
Hubert Guillaud
Planche 10
Fig. 26 : Villa en pisé, adobes et briques cuites, réalisée dans la palmeraie de Marrakech, Maroc, par l’architecte entrepreneur Elie Mouyal, années
1990 (archives CRATerre).
Fig. 27 : Gîte rural en pisé construit par l’agriculteur poitevin Alain Fig. 28 : Projet de lotissement en pisé réalisé par l’architecte rennais
Bozier (Th. Joffroy, années 1990). Dominique Urien, à Romillé (Th. Joffroy, années 1990).
Page 220
Hubert Guillaud
Planche 11
Fig. 29 : Villa en pisé réalisée par l’architecte portugaise Teresa Berão Fig. 30 : Vue intérieur sur patio, avec pan de mur en pisé brut, villa en
en région d’Alentejo, fin des années 1990 (H. Guillaud, 2005). pisé réalisée par l’architecte portugaise Teresa Berão en région
d’Alentejo, fin des années 1990 (H. Guillaud, 2005).
Fig. 31 : Maison en pisé de l’architecte portugais Henrique Schreck, Fig. 32 : Intérieur (salon/salle à manger) avec pisé brut apparent, maison
région d’Alentejo, années 1990 (H. Guillaud, 2005). en pisé de l’architecte portugais Henrique Schreck, région d’Alentejo,
années 1990 (H. Guillaud, 2005).
Page 221
Hubert Guillaud
Planche 12
Fig. 34 : Hôtel Korralbyn, à Kangaroo Island, Australie, réalisé par Fig. 35 : Collège en pisé à Cobber Peddy, Australie, réalisé par
l’architecte David Oliver et son entreprise Terrastone/CEAC (D. Oliver, l’architecte David Oliver et son entreprise Terrastone/CEAC
fin des années 1980). (D. Oliver, fin des années 1980).
Fig. 36 : Villa en pisé dans la périphérie de Perth, Western Australia, réalisée par l’entrepreneur Stephen Dobson, société Ramtec (Ph. Garnier, fin des
années 1990).
Page 222
Hubert Guillaud
Planche 13
Fig. 37 : Intérieur, séjour/salon, villa en pisé dans la périphérie de Perth, Western Australia, réalisée par l’entrepreneur Stephen Dobson, société
Ramtec (Ph. Garnier, fin des années 1990).
Fig. 38 : Plan des studios en pisé de Convent Avenue, Fig. 39 : Plan d’une villa en pisé réalisé dans le désert de Soñora,
à Tucson, Arizona, Etats-Unis d’Amérique, réalisé par Arizona, Etats-Unis d’Amérique, réalisé par l’architecte Rick Joy
l’architecte Rick Joy (Joy, R. et al. 2002, p. 37). dans les années 1990 (Joy, R. et al. 2002, p. 68). Système en
Enveloppe monolithique en pisé. éléments de murs auto stables et voiles trumeaux, espace cerné
Par les frontières du plan.
Page 223
Hubert Guillaud
Planche 14
Fig. 40 : Plan d’une villa en pisé du Studio Jones, en Arizona, Etats-Unis d’Amérique, années 1990. Grands
voiles porteurs en pisé et structure en bois et mlétal, larges baies vitrées. Espace cerné par les limites du plan
(Grayson Trulove et al., 2004, p. 148).
Fig. 41 : Prototype d’habitat léger en bois et panneaux en béton de terre et granulat coulé, réalisé par l’architecte
Christophe Wilke aux Grands Ateliers de Villefontaine à l’occasion de la manifestation Grains d’Isère 2005 (H.
Guillaud).
Page 224
Hubert Guillaud
INTERNATIONAL CONFERENCE
Résumé
Comme toutes les constructions, celles bâties en terre (briques de terre moulée ou adobes, blocs de terre comprimée,
pisé ou terre compactée, bauge ou terre empilée), sont exposées au risque de pathologie d'humidité et structurale. Ce
risque est partagé par d'autres constructions réalisées en d'autres matériaux comme la pierre et particulièrement en
pierres tendres (molasses, tuf, par exemple). Mais la sensibilité de la terre aux agents et aux causes de dégradation, sans
doute plus forte que celle d'autres matériaux minéraux, en fait un véritable laboratoire d'observation, d'étude et d'analyse
où les phénomènes pathologiques sont fortement caractérisés, voire accentués. Ainsi, l'approche méthodologique qui a
pu être développée sur la pathologie des constructions en terre visant à établir un diagnostic scientifique des
dégradations de nature humide et structurale en vue de définir les voies d'une pratique d'entretien, de restauration ou
même de construction actualisée, peut-elle être riche d'enseignements pour les opérateurs de la construction qui sont
appelés à intervenir sur des constructions réalisées en autres matériaux tendres.
La communication que l'on présente ici propose une synthèse des recherches qui ont été entreprises par le CRATerre de
l'Ecole d'Architecture de Grenoble sur cette question de l'analyse-diagnostic des pathologies des constructions en terre
et de leur traitement. Elle met en évidence les principaux désordres typiques, de nature humide ou structurale auxquels
sont exposées les constructions en terre ; elle rapporte les phénomènes pathologiques et leurs conséquences à un
ensemble de cinq principaux critères d'action que sont l'érosion, l'absorption, la condensation, les forces dynamiques et
les forces statiques ; elle propose une méthode de diagnostic des désordres observés qui met en relation les
manifestations, les causes et leurs origines, les observations, l'évaluation des symptômes et leur analyse et les mesures à
prendre en vue d'une stabilisation ou d'une résorption de la pathologie ; enfin, elle rapproche les pratiques de la
restauration de celle de la construction actualisée en proposant une aide à l'intervention qui s'appuit sur une mise en
relation de trois ensembles de paramètres : 1) les éléments distincts de construction, 2) les critères ou principaux agents
de dégradation et 3) la constitution de la structure.
Bien sûr, l'élimination de ces conditions favorisant l'action néfaste de l'eau permet l'assainissement du bâtiment et peut
éradiquer le risque de dégradation provenant de cette pathologie d'humidité. Mais ceci n'est pas toujours aisé.
Il est possible de réduire l'action de l'eau sur les murs en intervenant sur la base des murs, sur les fondations ou sur le
soubassement (consolidation, restauration), en protégeant le haut des murs (restauration de la toiture) ou en réduisant le
risque de condensation (suppression des ponts thermiques par exemple). Il est aussi possible de colmater les voies de
Page 225
Hubert Guillaud
pénétration de l'eau (fissures). On peut aussi agir sur les forces de pénétration de l'eau, sur la capillarité par exemple.
Mais toutes ces interventions sont parfois délicates. En tout cas, on ne doit surtout pas imperméabiliser la surface des
murs de terre car ceux-ci doivent avant tout pouvoir respirer et demeurer perméables aux migrations de vapeur d'eau
(pièces humides notamment comme salles d'eau, cuisines).
La meilleure stratégie et la plus efficace consiste à éloigner l'eau des parties les plus sensibles du bâtiment, c'est à dire
des murs. On comprend alors par là tout le bon sens d'un dicton populaire (région du Devon en Angleterre) qui déclare :
"une maison en terre ne demande qu'un bon chapeau et de bonnes bottes". Un tel dicton ne serait-il pas applicable aussi
à des ouvrages réalisés en brique cuite, en pierre, voire même en béton ? Car en fait, que l'eau frappe la surface des
murs (pluie) pour ensuite s'évaporer (cycle d'humidification-séchage), cela n'est pas très important. Mais, que l'eau
pénètre dans la masse des murs, y séjourne, cela peut être très grave.
Mais l'on remarquera que les points les plus fragiles des constructions en terre et de bien d'autres constructions en
maçonnerie (pierre, brique, béton), qui offrent le plus de faiblesses aux actions de l'eau et de l'humidité, sont : la base
des murs et le haut des murs.
Il existe aussi d'autres points faibles, plus localisés tels que les tableaux d'ouvertures (portes, fenêtres), les débords de
toitures et acrotères de terrasses, les descentes d'eau ou les gargouilles et les liaisons structurales entre différents
matériaux : murs de terre et planchers en bois par exemple. Ce sont ces points faibles qu'il faudra particulièrement
soigner.
Nous décrivons ici ces mécanismes et effets de la pathologie d'humidité par rapport aux principaux éléments de
construction des ouvrages.
a) Les fondations : elles sont très souvent affectées par des remontées capillaires ayant plusieurs origines : fluctuations
saisonnières de la nappe phréatique, rétention d'eau par de la végétation arbustive environnante, réseau d'adduction ou
d'évacuation des eaux domestiques détériorés, stagnation de l'eau à la base des murs par absence ou déficience du
drainage périphérique de la base des murs, fréquence d'un rejaillissement (chutes de la rive de toiture ou éclaboussures).
Dans les constructions en terre, un état humide durable peut entraîner un affaiblissement de la base des murs car l'état
sec et solide du matériau peut évoluer vers un état plastique qui résiste beaucoup moins aux charges. Il y a donc, à
terme, risque d'effondrement. Cela est moins sensible sur les murs de pierre mais l'humidité, comme sur la pierre, peut
aussi favoriser le développement d'efflorescences salines - NaCl, CaSO4, NaSO4, par exemple - qui attaquent le
matériau : creusement de cavités. Que dire alors d'une situation de gel sur un état d'humidité prolongé : desquamation de
surface, effritement, écroulement partiel.
b) Les soubassements : au-dessus du terrain naturel, la base des murs peut être minée par différents phénomènes : le
rejaillissement depuis la toiture (rives sans cheneaux, gargouilles), la projection de flaques, le lavage des sols intérieurs
(plinthes détériorées ou mal dimensionnées), la condensation de surface (rosée matinale), un ruissellement au pied du
mur (caniveau trop proche), une imperméabilisation de surface qui bloque l'évaporation (trottoir en ciment, enduit ou
peinture étanche) ou bien l'existence d'une flore de surface parasite (mousse) ou d'efflorescences qui proviennent d'un
état durable d'humidité.
c) le mur courant : l'eau s'infiltre par les fissures structurales (mauvais appareillage des blocs de terre ou des blocs de
pierre, joints de mortier dégradés, tassement différentiel du sol, cisaillement du à une mauvaise reprise des charges) :
infiltration, absorption, capillarité, creusement du mur. Lorsque le mur est revêtu d'un enduit étanche aux migrations de
vapeur d'eau, la condensation en paroi froide ( été : mur intérieur, hiver : mur extérieur) ou l'existence d'un point de
rosée entre l'enduit et le mur dégradent le mur.
Page 226
Hubert Guillaud
d ) mur-ouvertures : à l'interface des tableaux d'ouvertures (portes et fenêtres) et des murs, l'eau ruisselle (jambages,
appuis, linteaux) et s'infiltre entre les cadres de menuiseries et le mur : dégradations localisées qui peuvent prendre
rapidement de l'ampleur.
e) mur-planchers : le passage ou l'appui des poutres de plancher dans ou sur le mur peut favoriser l'existence de
fissures (traction, cisaillement) et donc créer des voies d'infiltration qui favorisent des dégradations localisées du mur.
f) mur-toitures : en présence de toitures à rampants, le haut des murs insuffisamment protégé par un bon débord de
toiture en rive basse ou démuni de cheneaux ou même muni de cheneaux mais dégradés ou mal dimensionnés, favorise
un ruissellement et donc des infiltrations par les voies de pénétration existantes (fissures, joints). Lorsque l'on est en
présence de toitures terrasses, c'est souvent au passage des gargouilles, parfois mal conçues ou mal dimensionnées, mal
protégées à leur entrée ou à leur sortie, bouchées par une accumulation de matériaux d'apports (boues, résidus de
transport éolien) que l'eau stagne, ruisselle, s'infiltre, étant alors absorbée par le mur et engendrant une capillarité
localisée. De même aux acrotères dont la base intérieure est mal draînée ou lorsqu'ils sont mal protégés par des
chapeaux peu débordants, fissurés ou revêtus d'un enduit dégradé, voire encombrés par des objets qui y sont déposés
contre, voire décorés par des jardinières de fleurs ou de plantes arbustives que l'on arrose et qui favorisent une rétention
d'eau et d'humidité. Enfin, les terrasses elles-mêmes, qui peuvent être fissurées ou revêtues d'un matériau de protection
dégradé favorisant ainsi l'infiltration.
a) Les fissures structurales : elles concernent la structure du bâtiment et proviennent le plus souvent d'erreurs
d'exécution, de modifications ultérieures à l'état d'origine ou de causes accidentelles. Le matériau est alors exposé à un
dépassement de résistance aux contraintes mécaniques : trop forte compression, poinçonnement, traction, flexion,
cisaillement. Cela est aussi observable sur des constructions en pierre.
b) Les fissures de retrait : elles sont typiques de la construction en terre et plus particulièrement du "pisé" (terre
compactée dans des banches). Elles proviennent de l'utilisation d'un matériau trop argileux ou d'une exécution mal
soignée (terre compactée à l'état trop humide). Elles sont très caractéristiques, verticales et régulières (tous les 0,50 m à
1 m). Le retrait peut aussi provenir de cycles répétés d'humidification-séchage du mur. Mais on peut aussi observer, sur
les maçonneries en petits élements (briques cuites, pierres) l'apparition de fissures dues au retrait linéaire de la
maçonnerie lorsqu' aucune dilatation est ménagée dans la longueur maximale du mur qui se situe entre 5 à 7 mètres,
selon le matériau et la qualité de l'exécution. De telles fissures de retrait de la maçonnerie risquent de devenir des
fissures structurales.
c) Le flambement : le mur peut se déformer (ventre extérieur), du fait de fortes contraintes mécaniques pouvant
provenir d'un élancement (absence de chaînage) ou de charges localisées trop importantes. Ces déformations sont le
plus souvent accompagnées de fissures qui apparaissent au-delà d'un seuil de résistance au fluage du matériau.
d) L'effondrement : il peut être provoqué par des contraintes accumulées qui augmentent la fragilité de la construction
ou par une perte de résistance du matériau (état humide durable par exemple). Mais des contraintes occasionnelles ou
accidentelles peuvent aussi intervenir : tassement différentiel, gonflement du sol, séismes, chocs exercés sur la
construction).
e) Décomposition du matériau : la structure minéralogique ou chimique du matériau terre peut évoluer sous l'action de
l'humidité, de fortes chaleurs, du gel. En perdant sa cohésion, il peut se désagréger. Cette évolution de la structure du
matériau peut fragiliser la construction.
Page 227
Hubert Guillaud
b) Le soubassement : l'exposition de la base des murs à l'action répétée ou durable de l'eau (humidité, flore parasite,
sels, perte de cohésion), l'action de chocs accidentels, la modification des abords du bâtiments par des travaux
d'aménagement routier ou de jardin, peuvent affaiblir la résistance des murs.
c) les murs courants : la mauvaise exécution des murs peut considérablement affaiblir leur résistance : mauvais
appareillage des éléments de la maçonnerie, variation ou hétérogéneité dans la qualité des matériaux employés ou dans
la taille des éléments de maçonnerie (briques, pierres), faible résistance du mortier de liaison, fissures de retrait trop
importantes du fait d'une mauvaise teneur en eau de compactage (pour un "pisé").
d) mur-ouvertures : la mauvaise reprise des descentes de charges par les jambages des tableaux de baies (portes et
fenêtres) peut cisailler les appuis et les allèges. Des linteaux mal conçus peuvent fléchir et occasionner des fissures qui
affaiblissent le mur.
e) mur-plancher : un mauvais ancrage des poutres de plancher dans les murs (pénétration insuffisante) ou l'absence de
dispositif de répartition des charges, (poinçonnement), l'absence de chaînage, favorisent l'apparition de fissures.
f) mur-toiture : la mauvaise reprise des charges de la toiture par l'absence de chaînage ou par un sous-
dimensionnement du chaînage favorisent la fissuration. De même, une pathologie d'humidité durable au voisinage des
cheneaux, des descentes d'eau, des gargouilles, des acrotères de toitures terrasses, peut entraîner rapidement une
pathologie structurale : effritement, désagréation du matériau, effondrements partiels.
III) Bien comprendre les effets et les conséquences des principaux agents de dégradation
pathologiques
(Voir série de dessins n° 4, référence bibliographique 2 et 3).
Les recherches menées sur le comportement pathologique des constructions en terre ont permis de distinguer de façon
assez caractéristique un ensemble de cinq principaux critères ou agents de dégradation qui sont : l'érosion, l'absorption,
la condensation, l'action de forces dynamiques et l'action de forces statiques.. Il importe de bien comprendre les effets
et les conséquences des cinq principaux agents d'action pathologique ou de dégradation.
a) l'érosion : elle est principalement due à l'action de la pluie battante, du vent et des êtres vivants.
- Les effets de l'érosion :
Page 228
Hubert Guillaud
Le vent : il agit par action mécanique d'autant plus marquée que l'on est en présence d'une pathologie d'humidité et
lorsqu'il y a des effets de tourbillons (effets de coin, de sillage, de rouleaux tourbillonnaires, effets venturi).
Etres vivants : ils provoquent le plus souvent des chocs ponctuels ou peuvent accentuer un pathologie d'humidité des
abords de l'ouvrage (arrosage p.e.).
- Les conséquences de l'érosion :
- dégradations de surface, diminution de la résistance mécanique du matériau, accentuation de voies de pénétation de
l'eau et risque d'infiltration, absorption, capillarité.
b) l'absorption : elle résulte d'une présence d'eau répétée ou durable en contact avec les éléments de construction ou de
l'action de la pluie
- Les effets de l'absorption :
Eau en contact : elles entraîne soit des remontées capillaires (mouvement vertical et horizontal) qui peuvent faire
évoluer l'état du matériau (état plastique) et causer de graves altérations (effrittement des parties humides, creusement,
effondrement, soit une infiltration par des fissures.
Action de la pluie : elle agit soit par infiltration dans les fissures existantes (érosion, creusement), soit par absorption
de surface créant une humidité retenue en surface puis diffusée dans l'épaisseur du mur par capillarité : accentuation
d'une pathologie humide.
- Les conséquences de l'absorption : diminuation de la résistance mécanique et de l'isolation thermique, dégradation
(surtout en cas de gel), gonflement-retrait du matériau (fissurations et infiltration), colonisation de flore parasite
(mousses), effrittement par la cristallisation de sels déposés après évaporation.
c) La condensation : elle résulte de l'interaction du flux thermique et du flux hydrique quand la vapeur d'eau traversant
un élément de construction est portée à son point de rosée. Mais l'apparition de condensation est une fonction complexe
du gradient de t° de l'élément de construction, du gradient des pressions de vapeur (et donc du régime des t° et des
pressions intérieures et extérieures) et bien sûr des caractéristiques des matériaux rencontrés au passage de la vapeur
(mur, barrière isolante, lames d'air, etc…).
- Les effets de la condensation sont une humidification du matériau, souvent localisée,soit en surface (en paroi froide),
soit à l'interface interne de différents matériaux (mur et isolant p.e.), soit dans l'épaisseur du matériau.
- Les conséquences de la condensation sont : une humidité localisée, un risque de dégradation et de parasitage de flore,
une diminution de l'isolation thermique, une diminution locale de résistance mécanique, un risque de décollement
d'enduit ou de peinture, un risque de gel suivi de gonflement-retrait (fissures).
d) Les forces dynamiques : elles agissent à l'intérieur des éléments de construction ou à leur jonction et de façon
variable dans le temps, de façon directe ou indirecte. Elle proviennent généralement de vibrations, de mouvements dus à
des variations de dilatation thermique ou hydrique, de l'impact de forces discontinues (chocs dus à la fermeture des
ouvertures, claquement de volets mal accrochés, p.e.).
- Les effets des forces dynamiques : déconnection d'éléments de construction en liaison (poutre/mur, p.e.), fissures de
retrait dues à des déplacements répétés d'éléments de construction ou à un dépassement de résistance, dégradations
locales.
- Les conséquences des forces dynamiques : possibilité d'éffondrement de parties de l'ouvrage, effritement du matériau
et risque d'infiltration, fissures et voies d'infiltration.
e) Les forces statiques : elles agissent à l'intérieur des éléments de construction ou à leur jonction et de façon directe
ou indirecte : traction, flexion, cisaillement, compression, tassement, poinçonnement. Elles risquent d'entraîner une
rupture
- Les effets des forces statiques : déconnections d'éléments en liaison, fissures, effrittement.
- Les conséquences des forces statiques : possibilité d'effondrement, infiltration d'eau, érosion accentuée au droit des
fissures et infiltration, dégradation.
La méthodologie de diagnostic que nous proposons est constituée de cinq étapes d'évaluation de l'état du bâtiment qui
doivent permettre de dresser une analyse claire de la situation pathologique et donc d'orienter le choix des modes ou
Page 229
Hubert Guillaud
solutions d'intervention pour les pratiques de restauration ou de construction actualisée (réhabilitation, constructions
nouvelles).
Que ce soit pour la pathologie d'humidité ou pour la pathologie structurale, la méthode de diagnostic mettra en relation
interactive l'ensemble des cinq étapes d'évaluation, permettant de cerner et d'analyser les problèmes et d'y répondre de
la façon la plus juste possible, soit pour une première phase de suivi (monitoring) soit pour une intervention plus
décisive (restauration ou construction actualisée).
Page 230
Hubert Guillaud
e) Le plan de toiture
- type de toiture, description et croquis du système constructif ;
- identification des matériaux constitutifs ;
- vue en plan repérée par rapport aux murs périphériques et de refend ;
- description des situations particulières : noues par exemple ;
- hauteurs au faîtage, aux rives basses ;
- signes visibles d'altération (flèches, découvertes de la couverture, altérations diverses, pourissements des éléments de
construction, etc…) ;
f) Les coupes longitudinales et transversales (en dresser autant qu'il est nécessaire pour bien comprendre la structure
du bâtiment).
- repérage des variations d'épaisseur des murs de façade et de refend ;
- repérage des éléments porteurs verticaux : piliers, poteaux, colonnes ;
- repérage des planchers et des systèmes constructifs de toiture, cotations de hauteur, dimensionnement des éléments
constitutifs, description des matériaux ;
- repérage des baies et dimensionnement vertical, type de franchissement (linteaux, arcs) ;
- repérage de certains éléments du second oeuvre qui peuvent être à l'origine de désordres (gouttières, cheneaux,
gargouilles, réseaux d'adduction ou d'évacuation des eaux, équipements sanitaires et de cuisine, cheminées,…) ;
- tous signes visibles de déformation des éléments et systèmes constructifs (déformation des murs, planchers, faux
aplombs, flèches) et tous signes visibles d'humidité.
g) Les détails constructifs et architecturaux : tous types de détails, particulièrement ceux marqués par une pathologie
d'humidité ou structurale visible.
Cette première phase de relevé est accompagnée d'une description écrite des manifestations des désordres observés. Il
faut autant que faire se peut distinguer les désordres liés aux problèmes d'humidité de ceux liés aux problèmes de
structure même si ceux-ci peuvent être corélaires. Cette description des manifestations doit mettre en évidence toutes les
situations pathologiques, tout en les distinguant clairement : érosion de surface (uniforme ou différentielle) ; érosion
localisée (à la base des murs, au sommet des murs) ; décomposition du matériau ; fissures (macro fissures ou
microfissures) ; humidité de surface ou de profondeur (permanente, temporaire ou cyclique) ; tâches (ruissellement,
sels, bistre, …) ; parasites (moisissures, champignons, mousses, …) ; défaillances de la protection de surface extérieure
ou intérieure, localisée ou uniforme ; gonflements du matériau, arrachements, effritements, affaiblissement de la
structure, effondrement de parties, flambement, tassements, etc…
Dans cette deuxième étape de la méthodologie de diagnostic, on veillera, toujours sans anticiper sur l'interprétation, à
rechercher et décrire les causes des manifestations pathologiques, avec leurs origines, en distinguant si possible :
- les causes et leurs origines extérieures ;
- les causes et leurs origines inhérentes au bâtiment lui-même ;
- les causes et leurs origines liées à l'utilisation du bâtiment .
a1 - La Pathologie humide :
-L'eau :
- La pluie : impact, ruissellement, érosion différentielle, rejaillissement, infiltration ;
Page 231
Hubert Guillaud
- L'apport d'eau extérieur : rupture de canalisations ou d'installations techniques, cours d'eau, eau de surface, source,
mare, eaux stagnantes, nettoyage, inondations ;
- L'influence de la nappe phréatique (hauteur, variations) ;
- La stagnation de neige, la présence de glace, l'infiltation après leur fonte ;
- La stagnation d'eau dans le voisinage ;
- L'air :
- Le vent : érosion éolienne, les chocs de matières abrasives ou d'objets transportés, la pluie rabattue par les vent et
l'infiltration activée par le vent (façades très exposées aux vents dominants) ;
- La ventilation ;
- Les facteurs extérieurs de pression ou de succion (toitures notamment).
- présence de sels :
- cristallisation ;
- corrosion.
a2 - La Pathologie structurale
- Fissures :
- macrofissures ;
- microfissures.
- Affaissements ;
- Tassements différentiels ;
- Déplacements d'éléments de construction ;
- Flambement ;
- Effondrements localisés ou de parties ;
- Effritements.
Page 232
Hubert Guillaud
Toute cette recherche des causes des manifestations pathologiques et de leurs origines est accompagnée de descriptions
détaillée, le plus clairement formulées, qui permettent d'avancer vers la troisième étape : l'évaluation des symptômes et
leur analyse.
L'évaluation des symptômes et leur analyse est une phase décisive du diagnostic pathologique. Pour cette troisième
phase, il est notamment important d'établir une claire distinction entre les différents types de désordres observés et
analysés car cette distinction va ensuite guider vers le choix des modes et solutions d'intervention ou de mesures à
prendre. Il faut notamment veiller à évaluer et analyser les symptômes en établissant un classement qui précise par ordre
décroissant l'importance des pathologies et l'urgence des interventions ou mesures à prendre. Il importe ici de rappeler
que la valeur scientifique de cette évaluation et de l'analyse doit être garantie mais que tout jugement, voire analyse,
peuvent laisser place à un arbitraire. Il faut donc autant que faire se peut se préserver de cet arbitraire et ne baser cette
évaluation et cette analyse que sur des certitudes. Les hypothèses et doutes qui pourraient demeurer doivent faire l'objet
d'une démarche de recherche plus poussée.
Pour orienter efficacement le choix des modes d'intervention et des mesures de traitement des pathologies, il convient
de distinguer clairement :
1 - Les désordres qui mettent en cause la stabilité ou le maintien en état du bâtiment dont le traitement doit être le plus
rapide possible ;
2 - Les désordres qui mettent en cause la stabilité ou le maintien de particularités spécifiques du bâtiment (les aspects
techniques ou constructifs ne sont pas les seuls à devoir être pris en compte mais aussi la valeur historique ou culturelle
de l'ouvrage, par exemple)
3 - Les désordres sans conséquences immédiates ou à court terme pour le bâtiment dont le traitement peut être différé.
Le choix des mesures à prendre vise ici une stabilisation ou la résorption des pathologies observées par un traitement
immédiat ou différé selon l'importance et l'urgence de ces pathologies. Le choix de ces mesures doit être établi sur une
recherche préalable des solutions d'intervention qui doit se baser sur :
1 - Un inventaire des principes de solutions ;
2 - Une évaluation des principes de solutions ;
3 - Le développement des solutions à partir des principes retenus.
Page 233
Hubert Guillaud
Concernant les mesures d'urgence, il est possible, dans la mesure ou le bâtiment n'est pas extrêmement menacé, de
prévoir la mise en oeuvre de solutions temporaires.
Le choix des solutions d'intervention doit être suivi d'une intervention concrète et peut faire l'objet d'un suivi ou d'un
monitoring visant à évaluer les mesures temporaires ou immédiatement prises. Ce monitoring, lorsqu'il est possible de
le mettre en oeuvre, suivi de l'évaluation des mesures, sera particulièrement utile pour engager un processus plus
efficace de restauration ou de construction actualisée car il peut fournir des informations jusqu'alors cachées.
Enfin, l'intervention qui suit le choix des solutions doit être accompagnée d'un planning et de conseils d'intervention et
d'entretien.
Cette méthodologie d'aide à la restauration des ouvrages ou à la construction actualisée (réhabilitation ou même projet
de nouvelles constructions utilisant le matériau terre), a été établie dans le cadre d'une recherche prolongeant des
recherches antérieures menées sur la méthodologie de diagnostic de la pathologie d'humidité et structurale. Elle est une
suite logique tournée vers l'intervention "raisonnée". Cette recherche intitulée "Approche Scientifique et Technique du
Matérieu Terre" était menée dans le cadre d'un contrat pluriannuel engagé avec le Centre Scientifique et Technique du
Bâtiment, CSTB, qui est en France chargé d'établir les recommandations, règles de l'art de bâtir et normes de la
construction ainsi que d'une recherche-développement sur les matériaux et solutions constructives. Ce volet spécifique
sur "les dispositions constructives et leur modes de mise en oeuvre" du matériau terre était confié par le CSTB au
CRATerre, groupe de recherche spécialisé sur ce matériau.
La méthodologie d'intervention
La méthodologie d'intervention met en relation trois ensembles de paramètres :
Page 234
Hubert Guillaud
3 - La constitution de la structure :
- Maçonnerie, blocs de terre comprimée, blocs moulés d'adobe) :
- protégée ;
- non protégée.
La mise en relation de ces trois ensembles de paramètres s'organise autour de l'axe central défini par le deuxième
ensemble, celui des principaux critères ou agents de dégradation qui sont à l'origines des manifestations pathologiques
les plus typées que l'on décrivait précédemment (chapitre III). Pour chacun de ces cinq principaux critères ou agents de
dégradation, les éléments de construction (premier ensemble de paramètres) sont combinés entre eux car on a pu
observer que les pathologies les plus typées n'affectent pas toujours les éléments de construction de façon isolée mais
des combinatoires d'éléments.
Ainsi, la méthodologie d'intervention distingue des systèmes d'éléments qui doivent être traités ou pour lesquels il
convient de mettre en oeuvre des solutions de traitement. Ces systèmes sont principalement les suivant :
Pour chacun de ces systèmes d'éléments de construction combinés ou isolés et en fonction des cinq critères ou agents de
dégradation, les solutions proposées pour résoudre les problèmes pathologiques observés peuvent varier selon le
troisième ensemble de paramètre, la constitution de la structure en maçonnerie, monolithique ou mixte, protégée ou non
protégée. Ainsi, un ensemble de 108 fiches types ont été préparées qui constituent un guide d'intervention pour une
restauration ou une construction actualisée des ouvrages en terre. Les solutions proposées ne peuvent bien sûr pas entrer
dans des détails concernant le choix final de certains types de matériaux et s'en tiennent principalement à des principes
de solutions constructives mais ces principes de solutions sont accompagnés de conseils sur ce qu'il faut éviter de faire
qui permettent déjà de choisir les solutions de façon assez fine ainsi que les matériaux et les techniques de l'exécution.
On se reportera ici, à quelques exemples de ces fiches d'aide à la restauration ou à la construction actualisée qui
décrivent ces "dispositions constructives et leurs modes de mise en oeuvre" (voir série de dessins n° 7).
VI - Conclusion
Page 235
Hubert Guillaud
structurale mais il ne faudra jamais trop se hâter de prendre des décisions techniques sans avoir au préalable posé un
diagnostic précis des origines et des causes des phénomènes pathologiques observés. La démarche est ici comparable à
celle de la médecine car il s'agit bien de remédier, de soigner. Mais je dirai que dans ce cas, même si la technique de
diagnostic et de soin est un moyen décisif pour engager un traitement, elle doit être employée avec précaution et surtout
en adoptant une attitude qui sait associer la démarche du "spécialiste" à celle du "généraliste". Le "corps" bâtiment,
comme le "corps" humain, a son histoire et vit avec son environnement. Il ne suffira parfois pas seulement d'écarter la
présence de l'eau et de l'humidité, de palier les causes des désordres de structure par des traitements techniques pour
résoudre les problèmes. Si l'on peut considérer qu'il y a une méthodologie d'observation, d'analyse-diagnostic et
d'intervention, on doit aussi considérer qu'il n'y a pas véritablement de "solution" ou de "médecine" miracle même si
certains modes d'intervention sont éprouvés et sont solidement étayés par une réflexion et une démarche scientifique. Il
y a d'abord une "attitude d'esprit" à adopter qui relèverait davantage d'une "philosophie".
Face à la question de la restauration ou de la réhabilitation d'un ouvrage, l'opérateur doit avant tout tenir compte des
caractéristiques propres du matériau et renouer avec une "intelligence constructive" qui associe le savoir et donc la
"culture constructive" et le savoir-faire et donc l'expérience (si ce n'est la sienne propre, au moins celle des autres qui
doit être connue). Car, on constate souvent, aujourd'hui, que le "savoir bien restaurer" ou même le "savoir bien
construire", en terre, en briques cuites ou même en pierre, est éclipsé par un "savoir blinder", un "savoir protéger" qui
procède plus de la chirurgie esthétique et de la réalisation de costumes cache-misère. Ainsi, le savoir qui vise à accroître
la résistance du "matériau" (surprotection) se substitue à un savoir qui consiste à rendre le "bâtiment" résistant. Mais il
est vrai que cette dernière démarche ne peut être entreprise dans le seul espace du "laboratoire" qui se limite trop
souvent à intervenir sur le seul matériau, ignorant la dimension du mur, des systèmes constructifs et plus largement du
bâtiment dans sa globalité. Une telle démarche s'inscrit dans la dimension du terrain, du bâtiment en situation
interactive avec l'environnement historique, culturel, social, économique, technique et doit mobiliser de la part de
l'opérateur une "intelligence constructive et architecturale", c'est à dire beaucoup plus que la seule ingénierie technique.
- D'une part en nous remémorisant le dicton déjà évoqué du Devon, en Angleterre, qui déclare, pour les constructions en
terre, qu'elles n'ont besoin que "d'un bon chapeau et de bonnes bottes". Ce bon sens populaire est effectivement d'une
efficacité certaine et traduit l'évidence d'un savoir et d'un savoir-faire que les constructeurs en terre de toutes les régions
du monde ont généralement adopté. Mais il faut aussi relever toute l'importance du détail constructif et architectural qui
est souvent chargé de sens, au-delà des préoccupations esthétisantes, car, le détail apporte d'autres réponses, le plus
souvent aux actions de l'environnement physique et vivant. Pour exemple, l'architecture en terre marocaine dont nous
donnons ici un dessin théorique qui traduit la démarche constructive et architecturale intelligente du bâtisseur
traditionnel, mérite réflexion (voir dessin n°8 et références bibliographiques 2 et 3).
- D'autre part en faisant acte de modestie, car la méthodologie que nous avons proposé mérite encore d'être associée à
d'autres recherches pour être plus performante et dépasser justement le seul niveau technicien que l'on évoquait. La
recherche doit être poussée pour mieux intégrer la dimension des facteurs de l'environnement physique et vivant du
bâtiment en adoptant une attitude méthodologique qui relève davantage du domaine des sciences sociale et humaines
que des seules sciences de la technique. le Projet "GAIA" sur la "Préservation des Architectures de Terre" (1989-1994),
conjointement lancé par l'ICCROM et le CRATerre a définit un volet Recherche qui devrait accueillir le développement
de tels axes. Néanmoins, certains aspects de la méthodologie que nous avons présenté, nous le pensons, sont déjà
modélisables et peuvent apporter des éléments utiles aux opérateurs qui interviennent sur la construction en terre mais
aussi sur des constructions réalisées en d'autres matériaux. Laissons à chacun la possibilité d'y trouver une utilité mais
rappelons à chacun l'importance de l'attitude scientifique (recherche) associée à celle du praticien, de l'architecte et du
médecin généraliste fondée sur un préalable nécessaire : la connaissance de l'anatomie du "corps" du bâtiment comme
du "corps" humain, de leur fonctionement et de leur respiration avec l'environnement.
Bibliographie
Houben et Guillaud 1989 : HOUBEN, Hugo, GUILLAUD, Hubert - Traité de Construction en Terre, Editions
Parenthèses, Marseille, 1989, 355 p.
Doat et al. 1983 : DOAT, Patrice, GUILLAUD, Hubert, HOUBEN, Hugo, et GAITerre, LARAKI, Malak,
KERGREIS, Michel, HMAMI, Jamaldine, BOULALI, Mohamed, KABBAJ, Amine et LATIFI, Abdel Malek,
Marakech 83, Habitat en Terre, Rexcoop-Plan-Construction, Editions CRATerre, Grenoble, 1983, 232 p.
Page 236
Hubert Guillaud
Guillaud et al. 1987 : GUILLAUD, Hubert, DOAT, Patrice, ESTEVE, Josep, ROLLET, Pascal, DA SILVA, Helio -
Marrakech 87 Habitat en Terre, Editions CRATerre, Grenoble, 1987, 253 p.
Ramirez 1992 : RAMIREZ, Beatriz Helena - La Pathologie des anciennes constructions en terre, diagnostic, mémoire
de Certificat d'Etudes Approfondies en Architecture de terre, CEAA-Terre CRATerre-EAG 1987-89, sous la direction
de GUILLAUD, Hubert, mars 1992, 76 p.
Odul 1990: ODUL, Pascal - Humidity Pathology of Earth Construction : Methodology for Diagnosis,
Recommendations and Intervention Techniques, Communication scientifique, 6th International Conférence on the
Conservation of Earthen Architecture, Las Cruces, New Mexico, USA, Octobre 1990, in Adobe 90 Preprints, Editions
du Getty Conservation Institute - Museum of New Mexico State Monuments, ICCROM, CRATerre-EAG et National
Park Service, Southwest Region, Los Angeles, 1990, 469 p., pp. 404-413.
Odul et al 1986 : ODUL, Pascal et GUILLAUD, Hubert (Direction Scientifique), DOAT, Patrice, HOUBEN, Hugo,
VERNEY, Pierre-Eric - Approche Scientifique et Technique du Matériau Terre, Dispositions Constructives et leurs
Modes de Mise en Oeuvre, Editions CRATerre, Villefontaine, avril 1986, 304 p., pp. 147-269.
Guillaud et al. 1984 : GUILLAUD, Hubert et HENRY, Nicole et ADRA, Association Dauphinoise de Recherches
Anthropologiques, BARDAGOT, Anne-Monique et SABATIER, Nathalie - Pour une Etude Raisonnée des
Architectures en Pisé, Direction de l'Architecture et de l'Urbanisme, Secrétariat de la Recherche Architecturale,
Ministère de l'Urbanisme et du Logement, Editions CRATerre-AGRA, Association Grenobloise de Recherche
Architecturale, EAG, Grenoble, 1984, 361 p., pp. 300-361.
Alemane Andrade 1990 : ALEMANE ANDRADE, Ruth Marcela, (Direction Scientifique, Prof. Dr. R.M. LEMAIRE),
Méthode d'intervention pour la conservation des architectures de terre, mémoire de la KU Leuven, Centre d'Etudes
pour la Conservation du Patrimoine Architectural et Urbain, Leuven, année 1989-90, 96 p.
CAUE de l'AIN et al. 1983 : Conseil d'Architecture d'Urbanisme et d'Environnement de l’Ain, SINGIER, Nicole,
CRATerre, GUILLAUD, Hubert, COSSON, Bernadette, DAYRE, Michel, CAMPAGNOLI, Philippe, CONSIGNY,
Olivier, et Groupe Pisé, BALAS, Gilles, BERNARD, Marcel, BOURGIN, Joëlle, MEGARD, Christophe, MONNIER,
Claire et LANDRY, Patrick - L'Architecture de Terre, Bâtiments Caractéristiques de la Région Rhône-Alpes, Editions
SME Resonances, Lyon, 1983, 159 p.
Alva et al. 1990 : ALVA, Alejandro, DOAT, Patrice, GUILLAUD, Hubert, HOUBEN, Hugo, JOFFROY, Thierry,
ODUL, Pascal, TEUTONICO, Jeanne-Marie et TRAPPENIERS, Marina - Préservation du Patrimoine Architectural en
Terre : Le Projet GAIA, in Chronique 16 de l'ICCROM, Juin 1990, pp. 9-11.
Doat et al. 1990 : DOAT, Patrice, GUILLAUD, Hubert, HOUBEN, Hugo, JOFFROY, Thierry, MAINI, Serge, ODUL,
Pascal, ROLLET, Pascal et VITOUX, François - Erosion des murs en terre, Direction de l'Architecture et de
l'Urbanisme, Secrétariat de la Recherche Architecturale, Ministère de l'Equipement, du Logement et de la Mer, Editions
CRATerre-EAG, Grenoble, 1990, 104 p.
Guillaud 1990 : GUILLAUD, Hubert - La Terre Crue, des matériaux, des techniques et des savoir-faire au service de
nouvelles applications architecturales, Encyclopédie du Bâtiment, mise au courant n° 46, Editions Techniques, Editions
Eyrolles, Paris, 1990, 66 p.
Houben et Guillaud 1984 : HOUBEN, Hugo, GUILLAUD, Hubert - Earth Construction Primer, Volume 8,
International Colloquium on Earth Construction Technologies Appropriate To Developing Countries, Bruxelles,
décembre 1984, Editions UNCHS-Habitat, 1984, 359 p.
ANNEXES : ILLUSTRATIONS
- Dessin n° 1 : Coupe verticale théorique, manifestations typées de la pathologie humide des constructions en terre,
référence bibliographique 1
- Série de dessins n° 2, mécanismes et effets de la pathologie d'humidité sur les constructions en terre, dessins
théoriques sur observations menées au Maroc, référence bibliograpique 2 et 3.
- Dessin n° 3 : Coupe verticale théorique, manifestations typées de la pathologie structurale des constructions en terre,
référence bibliographique 1.
- Série de dessins n° 4, dessins théoriques des mécanismes et effets des principaux agents de dégradation : l'érosion,
l'absorption, la condensation, les forces dynamiques et les forces statiques.
- Série de dessins n° 5, éléments de relevés de bâtiments en pisé dans la région Rhône-Alpes, Plans, Façades, Coupes,
Détails constructifs et architecturaux, référence bibliographique 7.
- Série n° 6 de fiches-diagnostic de la pathologie d'humidité et de la pathologie structurale des constructions en terre,
référence bibliographique 4.
- Série n° 7 de fiches d'aide à l'intervention, problèmes et solutions, principes de dispositions constructives et
architecturales, référence bibliographique 6.
- Dessin n° 8 : le savoir-faire des bâtisseurs en terre marocains, dessin théorique des bonnes dispositions constructives
et architecturales.
Page 237
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 238
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 239
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 240
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 241
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 242
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Exemple de façades
Page 243
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 244
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 245
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 246
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 247
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 248
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 249
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 250
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 251
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 252
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 253
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 254
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 255
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 256
Hubert Guillaud
ILLUSTRATIONS
Page 257
Hubert Guillaud
Page 258
Hubert Guillaud
Recherche en conservation
(Une recherche effectuée sous contrat avec le Getty Conservation Institute, dans le cadre du programme de recherche du
Projet TERRA 1, en 1999 et révisée en 2001 ; éditée en 2007)
Liminaire : le document original de notre recherche comprend un rapport de 234 pages qui décline la revue de la
littérature en 3 thèmes principaux regroupant un ensemble de sujets s’y rapportant. Nous présentons ici une synthèse
inédite qui relève le cadrage des problématiques posées dans chacun des thèmes et les principales conclusions issues de
la revue du fonds documentaire. Nous joignons également en deuxième partie de cet article une synthèse de la
contribution des chercheurs qui ont été sollicités pour une deuxième étape de révision de la littérature par le GCI, sur la
base d’un nouveau regroupement des sujets traités en 8 sections sous thématiques. Cette synthèse a fait l’objet d’une
communication que nous avons présentée lors de la Conférence Terra 2003 qui s’est tenue à Yazd, Iran, en novembre
2003. Puis nous apportons notre conclusion à l’ensemble de la synthèse présentée.
Si les savoirs et les pratiques conservatoires des architectures de terre ont été de tout temps pleinement intégrées dans la
quotidienneté de la vie humaine, qui a toujours pris soin de son patrimoine architectural, comme le montrent souvent les
recherches archéologiques par les témoignages de réparations, de restaurations ou de reconstructions, ces savoirs et ces
pratiques ne constituent pas pour autant une « discipline » ou une « science » établies comme telles. En effet, le
domaine de la conservation des architectures de terre crue commence à peine à définir sa spécificité et à se distinguer de
la conservation des architectures appréhendée comme domaine générique ou au regard de matériaux et techniques
autres tels que le bois, la briques cuite ou la pierre. Longtemps, les architectures de terrre ont été considérées comme
n’ayant pas assez de valeur architecturale (esthétique) pour justifier leur conservation ou regardées comme désuètes et
1 Le Projet TERRA a été défini au cours de l’année 1997 et a été inauguré en 1998. Il suit la réalisation d’un premier « Cours
Panaméricain sur la Conservation et la Gestion des Patrimoine Architecturaux en Terre », réalisé à Chan Chan, Pérou, en 1996, dans
le cadre du Projet GAIA conjointement développé par l’ICCROM et le CRATerre-EAG depuis 1989. Le projet TERRA poursuit et
amplifie des activités du Projet GAIA en élargissant le partenariat institutionnel au Getty Conservation Institute qui avait déjà été
associé à la réalisation du cours panaméricain de Chan Chan en 1996.
2 Weil 1952 : WEIL, Simone – L’Enracinement, éditions Gallimard, Paris, 1952.
Page 259
Hubert Guillaud
périssables, dès lors qu’elles étaient mises au jour et sujettes à rapide dégradation sous l’effet des agents de
l’environnement, ou dès lors qu’elles étaient abandonnées et entraient alors dans un processus de ruine car non
entretenues. Pour autant, dès lors que le champ des architectures de terre a été reconnu et cerné dans sa spécificité, les
autres domaines distincts de savoirs et de pratiques de la conservation architecturale ont considérablement apporté à la
conservation des architectures de terre crue. Au plan de la réflexion scientifique, de la définition des méthodes
d’évaluation de l’état et de diagnostique, au plan des méthodes d’intervention, des types de traitements et des
procédures de suivi, de contrôle et d’évaluation. Par ailleurs, la recherche et les projets développés depuis ces 30
dernières années, en matière de conservation des architectures de terre crue, ont considérablement progressé. Les
échanges d’expérience, la communication des résultats des recherches, ont notamment bénéficié des plateformes et des
tribunes offertes aux chercheurs et aux praticiens par des conférences spécialisées, organisées au niveau international 3.
Au-delà de ces apports féconds aux savoirx et aux pratiques, il est tout à fait clair que la « science » de la conservation
des architectures de terre crue et la reconnaissance d’une « discipline » propre, sont encore à peine naissantes et doivent
encore mieux fonder leurs référents théoriques. Ainsi, faire le point sur la littérature scientifique de ces dernières années
dans le domaine des savoirs et des pratiques conservatoires des architectures de terre s’imposait comme un préalable
indispensable pour contribuer à s’engager plus avant dans cette direction et être en mesure de mieux établir les
fondements théoriques névessaires à toute science et discipline.
Cette revue de la littérature sur la conservation des architectures de terre couvre les 15 dernières années de la production
scientifique du 20ème siècle ayant mobilisé de nombreux chercheurs et rend aussi compte des expériences de nombreux
opérateurs de terrain ayant contribué au développement de projets de conservation de sites archéologiques et d’édifices
historiques, sur une vaste géographie mondiale. Pour réaliser ce travail, sur un temps effectif contractuel de 2 mois,
nous avons principalement exploité plus de 7000 références dans lesquelles une première sélection de 757 titres de
thèses et mémoires, rapports de recherche, communications et articles scientifiques, rapports de projets et études de cas,
se rapportant plus directement au domaine couvert, a été opérée. A ces références ont été ajoutées d’autres sources
d’information issues du BCIN et du « Project TERRA Survey » (1998), qui ont porté notre présélection à 1269
documents. Un second tri a été ensuite opéré qui a finalement retenu 621 sources documentaires. Notre sélection aura
été aussi été limitée par notre connaissance et pratique des langues vivantes portant principalement sur un fonds
français, anglais, espagnol et italien.
Dans les limites du temps et des moyens initialement accordés à cette recherche il a été volontairement décidé de réviser
la littérature en la ventilant selon trois thèmes principaux. Il s’agit de :
Chaque référence documentaire présélectionnée a donc été répartie dans ces trois entrées thématiques et au regard d’une
liste de sujets retenus, obligeant à référencer plusieurs fois les mêmes sources selon la teneur des propos exploitables à
plusieurs niveaux. Il aura donc été nécessaire de revenir sur les mêmes sources en révisant successivement les trois
thèmes et leurs sujets. Pour ventiler l’ensemble des sources et opérer une première lecture générale, plusieurs critères
ont été retenus dont celui de l’identification et de la typologie documentaire (rapports de recherche, articles,
communications, ouvrages, …), de la typologie de la recherche (fondamentale, appliquée), d’une évaluation
quantitative et statistique vis-à-vis des thèmes et des sujets, du développement propre de la recherche (problématique,
hypothèses, objectifs, méthode et résultats), et enfin d’évaluation qualitative, principalement pour éviter les redondances
et pour apprécier la valeur des apports, en distinguant ce qui apparaît comme essentiel et novateur de ce qui peut être
considéré commerelevant du domaine connu. Cela afin de répondre aussi à l’objectif de préfiguration de nouvelles voies
de la recherche. En effet, l’ensemble de la littérature révisée révèle une duplication des propos ou une restitution dans
une large gamme typologique de supports de communication. Au-delà de cette première phase du travail, nous nous
sommes attachés ensuite à réaliser des fiches de lecture qui constituent finalement le corpus documentaire de cette
révision littéraire couvrant 132 titres et 118 auteurs constituant des références incontournables.
Tout en s’appuyant sur l’expérience que notre laboratoire de recherche CRATerre a développé depuis ces 15 dernières
années dans le domaine de la conservation des architectures de terre, ce travail de recherche reste une contribution
3 Citons ici les grandes conférences internationales de Yazd, Iran, en 1972 et 1974, de Bruxelles, Belgique, en 1984, de Beijing, en Chine, en 1985,
de Rome, Italie, en 1987, de Las Cruces, Etats-Unis, en 1990, de Silves, Portugal, en 1993, de Torquay, Angleterre, en 2000, puis à nouveau à Yazd,
Iran, en 2003. On ne peut ici dénombrer tous les événements scientifiques qui ont couvert cette problématique de la conservation des architectures de
terre au niveau des nations et qui sont toujours organisées selon un agenda annuel régulier, que ce soit en Europe, en Amérique latine, en Asie et
même en Afrique.
Page 260
Hubert Guillaud
modeste face à l’ampleur et la richesse, comme la qualité des sources qui ont été exploitées. Il valorise surtout les
apports des chercheurs et des opérateurs du milieu de la conservation des architectures de terre ainsi que d’autres
contributions qui nous ont semblées importantes à intégrer, notamment au delà du seul propos scientifique et/ou
technique « spécialisé », c’est-à-dire en matière de teneur et de posture philosophique, éthique, ou pour des aspects
méthodologiques. Car il demeure indispensable de garder du recul, de prendre une altitude sur le point de vue
technique, stricto sensu. Notre propos a surtout visé à établir une synthèse qui, au-delà d’une compilation nécessaire, est
aussi fondée sur une discussion et parfois une lecture critique. Il nous est parfois apparu utile de rendre compte très
directement des propos des auteurs mais sans avoir trop abusé de la forme du résumé. Ainsi, sur la mise en forme écrite
nous avons souhaité distinguer clairement le propos des auteurs que nous avons révisé, ou les synthèses que l’on aura
faites, du propos critique du « réviseur » parfois assorti d’informations complémentaires ou de commentaires plus
personnels. Ainsi le propos des auteurs est restitué dans le texte du rapport final en police de caractère standard alors
que celui du réviseur est restitué en italique.
Après avoir livré, au terme des deux mois contractuels, un premier rapport provisoire au Getty Conservation Institute76,
le Comité scientifique a souhaité que les 3 thèmes initialement retenus soient appréhendés de façon plus spécifique et
détaillée, en proposant une nouvelle répartition des différents sujets traités dans 8 sections sous-thématiques. Une
deuxième révision des sujets regroupés dans ces 8 sections a été confiée, sur proposition du Getty Conservation
Institute, à un corpus de chercheurs nord-américains et européens participant aux développements des activités de
recherche du Projet TERRA. Les nouvelles sections sous-thématiques et les chercheurs associés sont les suivants :
Nous rendons compte en deuxième partie de cet article, et de façon synthétique, des conclusions qui ont été apportées
par l’ensemble des chercheurs associés à cette deuxième étape de la revue de la littérature sur la conservation des
architectures de terre.
Enfin, nous proposons une conclusion générale en ce qui concerne l’évaluation des interventions et des traitements de
conservation des architectures de terre.
Cette recherche ne constitue qu’une première étape de synthèse des connaissances dans le domaine couvert. Elle n’aura
pas abordé l’intégralité des thèmes qui constituent l’ensemble du champ de recherche et d’application et gagnerait à être
complétée. Nous espérons que ce travail puisse contribuer à mieux fonder les bases des investigations futures et aussi à
fournir, en partie, des données utiles aux pratiques conservatoires des architectures de terre crue, dans les faits et actes
des projets menés sur des terrains divers de par le monde.
76 Guillaud 2001 : GUILLAUD, Hubert – Conservation des architectures de terre ; revue de la littérature scientifique des 15 dernières années,
éditions Projet TERRA (CRATerre-EAG / ICCROM / GCI), Grenoble, 2001, 234 p.
Page 261
Hubert Guillaud
Première partie : Synthèse de la première phase de révision de la littérature selon les 3 thèmes
initialement retenus : problématiques et conclusions thématiques.
Connaître le matériau
La conservation du patrimoine architectural, quel que soit les matériaux de construction qui ont été mis en œuvre par les
bâtisseurs, et quelle que soit la valeur historique de ce patrimoine, met les opérateurs devant l’exigence de connaissance
des matériaux. Dans le domaine de l’architecture en terre, cette connaissance est indispensable à plusieurs étapes de la
démarche de conservation. Dans un premier temps, durant la phase nécessaire et incontournable de la documentation de
l’objet architectural. Il s’agit alors « d’identifier », puis plus avant de « caractériser » le ou les matériaux de construction
en terre. Cela, afin de définir, le plus clairement possible, c’est à dire scientifiquement, la nature, la constitution et la
conformation du ou des matériaux, ainsi que leurs caractéristiques pour différents aspects « qualitatifs » . Au-delà de
cette définition des propriétés « physiques » du matériau, l’identification et la caractérisation devront aussi être en
mesure de fournir des indices sur d’autres éléments de connaissance fondamentaux. Par exemple sur l’histoire du
matériau, en établissant les repères de datation. Ou encore sur la relation qui existe entre le matériau observé, étudié,
analysé, avec l’environnement naturel du site archéologique ou des bâtiments historiques. Une relation qui renvoie les
opérateurs à la nécessaire connaissance des sols où le matériau de construction a été prélevé, soit dans un
environnement immédiat, soit plus vaste.
Dans un deuxième temps, lorsque la phase de documentation des matériaux de l’architecture aura été réalisée, se posera
la question de l’intervention, de ses modes et pratiques, pour engager le processus conservatoire concret de telle ou telle
partie de la structure construite, de tel ou tel élément ou système constructif. A cette étape, la connaissance du matériau,
identifié et caractérisé, la prospection d’un gisement ou d’une carrière de terre dans l’environnement, dans une
démarche guidée par le souci de produire et de mettre en œuvre des matériaux de construction répondant au mieux aux
critères d’authenticité et/ou d’intégrité, s’imposeront comme un outil d’intervention essentiel. Mais, en-deça du
déroulement méthodologique « orthodoxe » du processus de conservation structurale de l’architecture, c’est à dire en
plaçant l’étape d’intervention au delà de la documentation la plus achevée possible de l’objet architectural, l’opérateur
peut être très vite confronté à la décision d’une intervention préventive « urgente » visant à stopper l’évidence d’une
dégradation active, ou pour le moins à la ralentir, à mettre le site ou l’édifice en état de risque minimum. Ce sont par
exemple des réparations de base, ou des consolidations partielles du « construit ». L’identification et la caractérisation
du matériau de construction de l’objet architectural apparaissent alors comme une étape de connaissance fondamentale
et finalement comme un préalable indispensable pour fonder scientifiquement la méthode du processus conservatoire, et
la pertinence comme la justesse de l’action de conservation.
La plupart des approches et des méthodes scientifiques visant à établir la connaissance des matériaux de construction se
suffisent à regrouper l’ensemble des procédures, observations, analyses, tests et essais, sous l’unique vocable de
« caractérisation ». Mais, le savoir, comme d’ailleurs le savoir-faire, démontrent que si la finalité de la connaissance du
matériau est bien de le « caractériser », les procédures qui jalonnent l’élaboration et l’expression du savoir passent par
plusieurs étapes successives et distinctes décrivant une séquence méthodique. Pour le matériau terre, en partant du sol -
ou de la carrière - pour rejoindre le pied du mur - on pourrait dire aussi « de la terre à la brique » - la séquence passe en
première étape par une phase bien spécifique « d’identification » qui concerne précisément la connaissance scientifique
du sol ou du matériau brut. Il s’agira notamment, sur le terrain, d’observer le matériau pour le décrire, en passant par un
éventail d’analyses préliminaires, puis par divers tests, et de compléter cette première approche descriptive par des
analyses et essais menés en laboratoire. En se référant alors, au terme de cette première phase de la séquence
d’observation et d’analyse d’identification, à des abaques et des classifications, on sera en mesure de garantir une
description scientifique du sol ou du matériau brut. Cette étape de connaissance est indispensable avant de passer à
l’étape suivante - qui inaugure le processus de fabrication ou de production du matériau de construction - à une phase
tout aussi indispensable, de « caractérisation », c’est à dire de définition des « caractéristiques » du matériau pour
différents niveaux de connaissance qualitative. Cette deuxième étape permettra en effet de réaliser une série d’essais
visant à mieux connaître le matériau en terre que l’on va soit bâtir directement (torchis, bauge ou pisé, par exemple),
Page 262
Hubert Guillaud
soit mettre en œuvre sous forme de maçonnerie à l’aide d’un mortier (brique d’adobe). Ce sont alors des essais passant
par des phases successives de mise au point et de performances visant à réduire les marges d’erreur qualitatives, des
essais complémentaires de caractérisation s’ils s’avéraient nécessaires, des essais de contrôle et enfin des essais
d’acceptation. Ces procédures de « caractérisation » sont réalisées simultanément sur le terrain, c’est à dire sur l’aire de
production, et en laboratoire.
Cette démarche que l’on vient d’énoncer, qui distingue l’étape d’identification de celle de la caractérisation, distingue
aussi le matériau terre des autres matériaux de construction traditionnels les plus couramment employés, la pierre et le
bois, par exemple, dont le processus de transformation, par l’homme, depuis le matériau brut jusqu’au matériau à bâtir
(l’adobe par exemple) - ou même construit (le torchis, la bauge ou le pisé - apparaît finalement comme plus élaboré
qu’on ne serait incliné à le penser. Car finalement, sans être trop réducteur, le bois ou la pierre mis en œuvre, ne sont-ils
pas - bien que judicieusement choisis par les constructeurs sur la base d’une connaissance de leurs qualités constructives
- des matériaux simplement « coupés » ou « taillés », puis assemblés. La maîtrise de la construction en terre n’exige-t-
elle pas bien davantage lorsqu’il s’agit de composer avec deux sols différents qu’il faudra mélanger, d’amender un sol
avec un autre matériau végétal ou minéral, lorsqu’il s’agit de définir la bonne teneur en eau, de stabiliser la terre avec tel
au tel liant hydraulique ou produits de synthèse chimique, ou quand il faut pétrir le mélange que l’on a préparé, puis le
façonner directement en paroi de torchis ou en couches de bauge, ou de le mouler en blocs d’adobe, ou encore de le
compacter de main d’homme et ainsi construire le mur en forme, directement (pisé) ? Que l’on ne voit pas dans ce
propos une tentative de hiérarchisation de la valeur de telle ou telle culture constructive dans l’éventail connu, mais
l’expression d’une relative complexité des savoirs et savoir-faire de la construction en terre. Ceux-ci résultent d’une très
longue histoire fondant son origine dans l’aube de l’habitation de l’homme et nous sont parvenus par le chenal de la
transmission orale et gestuelle en traversant les millénaires. Cela remet en valeur toute la dimension de l’empirisme et
de l’expérience qui mériterait sans aucun doute d’être confrontée à l’expression écrite des savoirs et des savoir-faire
fondant le corpus d’une théorisation et d’une démarche d’élaboration scientifique de la connaissance. Toutefois, l’objet
de notre recherche se limitera ici à une révision de la littérature technique et scientifique récente couvrant les quinze
dernières années de la production des savoirs et de l’expression des savoir-faire.
La littérature scientifique et technique récente dont nous disposons, couvrant les questions de l’identification des terres
et de la caractérisation des matériaux de construction en terre, qui est accessible aux opérateurs de la conservation du
patrimoine architectural en terre, est assez abondante. Cette littérature technique et scientifique est produite au carrefour
de plusieurs disciplines parmi lesquelles on relève l’agronomie, la pédologie, la géotechnique, la minéralogie, la chimie.
Confronté à cet éventail disciplinaire et à l’abondance de la production écrite des scientifiques et des techniciens, on ne
peut qu’opposer en préalable les questions de la quantité et de la qualité de cette production. Car, au delà d’un repérage
de ce qui constituerait un corpus de référence permettant d’isoler des sources « clé » indispensables, force est-on de
constater une grande duplication de la production littéraire et donc de très nombreuses redondances. De plus, il faut ici
relever que la littérature accessible est davantage issue des domaines de la géotechnique, de l’ingénierie ou de la
construction et assez rarement du domaine spécifique de la conservation du patrimoine architectural en terre, domaine
dont le périmètre scientifique n’est pas encore proprement défini. Ainsi, la question centrale soulevée par les chercheurs
et les opérateurs est celle de l’absence de standards spécifiques pour la conservation architecturale du bâti en terre. Cette
lacune renvoie ainsi les opérateurs à l’obligation d’adapter, ou de modifier, les standards de référence dont ils disposent
issus de l’étude d’autres matériaux tels que les matériaux dits « poreux », ou bien les mortiers traditionnels. Enfin, si les
opérateurs commencent à s’accorder sur le caractère indispensable de telle ou telle analyse, de tel ou tel test ou essai à
réaliser pour garantir un bon degré d’identification et de caractérisation du matériau, ils existe encore une large latitude
dans le choix des méthodes et des procédures, et également dans le choix des techniques et des équipements utilisés.
Toutefois, pour revenir au niveau d’un « principe de réalité », ce sont finalement le plus souvent les moyens dont
disposent les opérateurs (accès ou non à un laboratoire, degré d’équipement de ce laboratoire, distance des sites, p.e.),
qui font la différence et qui imposent les procédures et modes d’analyse, de test et d’essai. On fait le plus souvent avec
ce dont on dispose, physiquement, matériellement et financièrement.
Page 263
Hubert Guillaud
Depuis ces quinze dernières années, si de nombreuses publications rendant compte de recherches ou d’expérimentations
se sont attachées à développer ou exposer des approches fragmentaires ou sectorielles, ou encore très spécifiques de la
question de l’identification et de la caractérisation des matériaux et des modes de mise en oeuvre, peu de publications
ont tenté une approche la plus complète possible, donnant à lire une synthèse, et donc à établir et proposer un « état
actualisé » des savoirs et des savoir-faire. Il faut ici relever le Earth Construction Primer (Houben et Guillaud 1984),
précédant une édition française (1989), puis une deuxième édition anglaise révisée (1994). Tout en s’appuyant sur des
sources scientifiques antérieures d’autres auteurs, successivement publiées au delà de la Seconde Guerre Mondiale et
principalement au cours des années 1950 à 1970, mais également en développant et en approfondissant un exposé
publié dans un ouvrage précédent (Construire en terre, P. Doat et al. 1979), l’ouvrage de Houben et Guillaud offre à lire
un propos plus complet sur les procédures et les modes opératoires des observations, analyses, tests et essais de terrain,
comme de laboratoire. Il complète le propos opératoire et « méthodique » par des points de vue critiques, par la mise en
évidence de paramètres qui influent sur les procédures d’identification et de caractérisation - et donc sur les résultats -
auxquels s’ajoutent des interprétations présentant un intérêt autant scientifique que didactique. Il fournit une lecture
comparée des principales classifications géotechniques (P & CH et USCS) identifiant la typologie des sols. Il précise les
critères de convenance des terres pour la construction en terre, en général et pour telle ou telle mode d’utilisation
croisant le type de texture des sols et leur état hydrique, ou encore pour des matériaux de construction spécifiques
(adobe, pisé, par exemple). Il étend ce propos sur la convenance des terres à leur stabilisation, soit par ajout de liants
hydrauliques courant (ciment, chaux), soit par ajout de bitume, soit par amendement en fibres végétales et éléments
minéraux. Enfin, il tente une classification des caractéristiques des principaux matériaux de construction en terre, soit de
leurs caractéristiques mécaniques, statiques, hydriques, physiques et thermophysiques, tout en faisant le point sur la
question de la normalisation. Bien que le propos de cet ouvrage soit centré sur la « construction en terre » et qu’il soit
conçu comme un guide technique pour les constructeurs contemporains engagés dans un processus de
« réactualisation » des architectures de terre, il est aussi un outil de référence pour de nombreux opérateurs de la
conservation du patrimoine architectural en terre qui l’utilisent et le citent très souvent dans leurs bibliographies.
La connaissance des caractéristiques et des propriétés des sols et du matériau terre, oblige à passer par un éventail
d’analyses, de tests et d’essais, sur le terrain et en laboratoire, qui représente, dans l’acceptation complète de la
procédure établie par la « norme » ou les « codes de bonne pratique », une démarche assez lourde à réaliser, prenant du
temps, et sans aucun doute coûteuse. Mais il n’existe pas vraiment « une » procédure d’analyse complète
universellement acceptée. La littérature montre clairement que les opérateurs acceptent assez unanimement des
procédures d’analyse considérées comme « indispensables » pour permettre un bon niveau de caractérisation et de
définition des propriétés du matériau, particulièrement pour les pratiques de laboratoire. Ce sont les analyses de
distribution granulaire, ou de texture, par tamisage, complétées par une analyse des fines par sédimentométrie, se sont
les analyses d’Atterberg pour la plasticité, ce sont enfin des analyses faisant appel à des équipements plus sophistiqués,
pour définir la minéralogie des fines argileuses. Nous reviendrons sur ce degré de sophistication « possible » et
« acceptable » pour ce type d’analyses.
En amont, il convient de relever que les analyses, tests et essais de terrain, alors qu’ils sont bien référencés par la
littérature, semblent finalement assez peu pratiqués par les opérateurs, sauf par des techniciens spécifiquement formés
pour ce faire. Nous y repérons une lacune importante. Car, ces pratiques de terrain permettent à l’évidence de « pré »
caractériser et de « pré » définir les caractéristiques et les propriétés des sols et du matériau terre. De fait, sur ces base
d’analyses de terrain, on peut envisager la définition d’orientations, d’une décision sur les choix d’analyses de
laboratoire complémentaires qui devraient chaque fois être choisies pour leur caractère « indispensable » car ces
analyses, coûteuses à très coûteuses, ne sont pas accessibles, financièrement, pour beaucoup d’opérateurs travaillant sur
les sites, ne disposant que rarement de laboratoire locaux, ou sommairement équipés, et éloignés de laboratoires
nationaux dont les niveaux d’équipement, selon les pays, sont encore très variables. Sans compter les limites financières
des projets développés. On a d’ailleurs simultanément observé, au cours de ces dix dernières années, une pression de la
demande en équipements d’analyses des terres, et de formation spécialisée des équipes de techniciens de laboratoire
montrant qu’un réel besoin existe de par le monde, et qu’une importante lacune doit être comblée.
Page 264
Hubert Guillaud
Tout est affaire de compromis, le plus efficace possible, entre les disponibilités en équipements et en compétences,
entre les moyens financiers alloués au développement des projets de conservation et entre les contraintes ou
potentialités des contextes géographiques (éloignement des sites des centres urbains équipés), et des contextes
économiques (coût des transports). Chacun, selon ces moyens disponibles aura à s’adapter aux procédures existantes
d’analyses, de tests et d’essais, pour atteindre un niveau de connaissance « suffisant et nécessaire » des caractéristiques
et des propriétés des sols et du matériau. Bien sûr, lorsque des moyens plus complets sont disponibles et « accessibles »,
la procédure d’analyse peut accepter de passer par un certain niveau de sophistication des modes opératoires. Mais,
nous sommes convaincus que toutes ces analyses plus complètes ne sont pas « toujours » indispensables. Perpétuel
débat sur la fin et les moyens, dans leur réciprocité. Aussi conviendrait-il de mieux réfléchir à cette question de
« l’adaptabilité » des procédures d’analyse, selon les types de matériaux, selon les contextes, pour mieux définir les
cheminements opératoires absolument indispensables, a minima.
Par ailleurs, dans ce domaine particulier de la conservation du patrimoine architectural en terre, il conviendrait aussi, de
mieux prendre en compte le principe d’intervention minimale, en intégrant davantage, au stade amont des analyses du
matériau, des procédures non destructives ou très peu destructives. Etre vraiment sûr que toute intervention visant à
collecter du matériau original, in situ, pour l’envoyer vers un laboratoire, soit toujours réversible. De même pour tout
type de tests de développement, d’essais de contrôle et d’acceptation, en privilégiant des programmes sur des murs-tests
plutôt que sur les structures originales elles-mêmes. Ou alors, si cela s’avère nécessaire pour des questions d’échelle
(observations en vraie grandeur et en conditions réelles de traitements proposés), être là aussi bien sûr de la
réversibilité. Cette disposition éthique répondant aux grandes chartes de la conservation des patrimoines architecturaux
(Venise, etc.) est fort heureusement de plus en plus intégrée.
Il ne peut y avoir de projet d’intervention sur un quelconque patrimoine, quel que soit les matériaux avec lesquels il est
bâti, sans que l’on ait, au préalable, relevé puis étudié l’état, analysé les pathologies dont il souffre. Le conservateur est
bien le médecin de l’architecture qu’il entend conserver pour prolonger sa durée et la donner à voir ou à réutiliser aux
générations futures. C’est sa vocation. A la fois généraliste et spécialiste, ce « médecin » de l’architecture se doit de
bien identifier les maux dont souffre l’objet qu’il entend traiter. Mais au-delà de la seule phénoménologie (constat
évident des maux), puis de la symptomatologie (étude de l’expression des maux), long est le chemin qui permet de
remonter aux causes puis encore plus en amont, à l’origine des causes des maux pour pouvoir, le plus scientifiquement
possible, établir un diagnostique et proposer des recommandations ou une « ordonnance » qui précisera les types de
traitement à adopter ou les interventions à développer afin de garantir de bons soins. Au-delà de cette métaphore
inspirée de la médecine, il convient de s’interroger sur les méthodes et sur les outils de l’analyse pathologique et du
diagnostique. Car c’est bien là que réside la pertinence comme la cohérence et l’efficacité de cette phase essentielle qui
précède le traitement et l’intervention. Or, notre révision de la littérature, sur cette question, fait apparaître à la fois des
lacunes au plan théorique et des inadéquations, des simplifications, des manques, sur le plan pratique. Beaucoup de
progrès a été fait sur cette question au cours des quinze dernières années mais il reste encore beaucoup à faire pour
dépasser les hésitations de l’expérimentation, les arbitraires de décision et les empirismes de l’application.
Suffisamment de réflexion et d’expérience sont aujourd’hui disponibles pour pouvoir, sans aucun doute, franchir un
nouveau seuil de théorisation et d’efficacité pratique. Sur cette question des pathologies et du diagnostique de
l’architecture de terre, dans l’optique spécifique de sa conservation, nous nous sommes principalement attachés à rendre
compte de l’évolution de la pensée « théorique » et « méthodologique » au cours de ces 15 dernières années. La révision
de la littérature nous a conduit assez naturellement à prendre cette option car il est apparu évident, au fur et à mesure
des lectures, que cette période correspond à une recherche visant en premier lieu à définir un positionnement théorique
et méthodologique spécifique des chercheurs comme des praticiens de terrain. Vers le début des années 1980, on peut
dire qu’il n’existe manifestement pas encore de « système de pensée » concernant cette question et que la réflexion
investit peu à peu un champ nouveau établissant son périmètre. On peut donc suivre les développements de cette pensée
spécifique avec tout ce que cela suppose de propension à une « généralisation », une « globalisation », une
« confusion », à des « hésitations méthodologiques ». Mais aussi l’évidence d’une « volonté de démarcation » par
rapport à d’autres domaines techniques de la construction, tout en utilisant et réinterprétant les apports de ces autres
domaines notamment au plan théorique; ou en s’appuyant sur l’interprétation des expériences développées par ailleurs,
sur la conservation de l’architecture de pierre, par exemple. Ce n’est finalement que vers la fin des années 80, mais
surtout au cours de la première moitié des années 90 qu’émerge petit à petit une pensée théorique et une méthodologie
Page 265
Hubert Guillaud
propre à la question de l’analyse pathologique des constructions en terre et du diagnostique. Les insuffisances actuelles
qui demeurent et qui ont pu être relevées concernent la prédominance du propos technique sur le propos
« environnementaliste », avec néanmoins des tentatives récentes d’étendre le diagnostique au delà du seul niveau
technique en intégrant aussi des considérations d’ordre social, culturel et économique. Des imprécisions demeurent qui
concernent la méthodologie avec une simplification ou une « compression » des niveaux d’étude et d’analyse depuis
l’observation des phénomènes à l’interprétation des causes et de leurs origines, mais davantage au plan scientifique en
n’ayant pas encore bien établi les niveaux d’étude et d’analyse différenciés entre le « macro » et le « micro »
pathologique. Une distinction qui d’ailleurs ne peut pas être aussi simpliste car l’objet est très complexe et car il y aurait
sans doute à définir d’autres niveaux d’étude et d’analyse, avec leurs interfaces, entre les échelles « macro » et
« micro ». Il nous semble en effet qu’il y a là matière à avancer pour mieux clarifier le propos théorique et scientifique
et pour en favoriser les répercussions sur le plan pratique.
L’autre aspect qui mérite aussi d’être relevé, c’est l’écart entre la pensée théorique et son « applicabilité » sur le terrain.
Car, en l’état actuel d’élaboration de la méthode d’analyse des pathologies et de définition du diagnostique, les
chercheurs ont élaboré un outil de travail dont l’utilisation « rigoureuse » et « exhaustive » prend sans aucun doute
beaucoup de temps et de mobilisations humaines, matérielles comme financières. Or, la réalité montre encore le plus
souvent que le temps et les moyens peuvent manquer pour exploiter « à plein » cette pensée théorique et cette méthode,
dans les faits opératoires. Les opérateurs sont en effet souvent confrontés à une certaine vélocité d’analyse et de prise de
décision, à une pénurie de moyens, qui les conduisent à simplifier considérablement l’utilisation de l’outil théorique et
méthodologique, dans le cadre de missions de « relevé des conditions » ou de « l’état » qui demeurent « préliminaires »,
à établir des fiches de diagnostique « simplifié », à s’en tenir là et à proposer presque aussi immédiatement des
interventions, le plus souvent urgentes car nécessaires pour garantir la préservation des biens menacés. Au delà des
« évidences », le passage à une phase ultérieure plus complète d’analyse, d’évaluation et d’interprétation d’un plus large
spectre d’hypothèses, de mesures et de « monitoring » ne s’opère pas aussi souvent qu’on pourrait le croire. Il y a donc
lieu de s’interroger sur la définition de différents niveaux de simplicité et de complexité, de réduction et de rigueur, de
« faisabilité » opérationnelle des outils théoriques et méthodologiques d’analyse-diagnostique, de façon à garantir, en
fonction des contextes et des ressources, une qualité suffisante et « indispensable » de l’analyse à même de fonder
l’efficacité des interventions sur un niveau de pertinence et de cohérence « absolument » nécessaire du diagnostique
préalable et de l’analyse qui l’accompagne.
Si les pathologies de l’architecture de terre, structurales et d’humidité, sont désormais davantage connues du point de
vue de l’observation des phénomènes et des symptômes, l’explication de leurs causes demeure toujours un exercice
analytique difficile et plus difficile encore est la compréhension de l’origine des causes pourtant indispensable afin de
bien traiter les problèmes. Car il n’y a pas souvent et aussi simplement « une » cause et « un » effet. Il y a le plus
souvent un système de causes qui se répercute sur une suite de conséquences agissant par « effet domino ». Dans cette
logique, il convient de prendre du recul sur la seule observation macro-visuelle des pathologies du matériau et même
des structures. Il convient d’étudier un plus large « environnement » historique, physique, climatique, économique,
social et culturel, mais également politique dans le cas où aucune direction, aucune stratégie et aucun plan d’action ne
sont adoptés. Cela a été relevé par plusieurs auteurs mais l’on sait combien, dans les faits de l’analyse, il est difficile de
prendre ce recul nécessaire en admettant que l’édifice en terre « vit » avec son environnement et qu’il faut peut-être,
d’abord, ou pour le moins simultanément, faire un diagnostique de l’environnement. L’interaction des facteurs
climatiques (pluie, soleil, vent) n’est à notre sens pas assez prise en compte. De même, à trop vouloir protéger - voire
« blinder » la terre crue - des actions de l’eau, peut-être commet-on davantage d’erreurs (manque de respiration,
d’évaporation, perte de cohésion). Par ailleurs, si l’on peut admettre qu’il existe une « typologie récurente » de
pathologies de structure et d’humidité, chaque édifice étudié, analysé, demeure toujours un « cas unique » à considérer
dans son contexte.
Les méthodes de l’analyse-diagnostique fondées sur la qualité d’un travail préalable de relevé des conditions ou de
l’état des édifices en terre, qui ne doit rendre compte que des faits, sans interprétation trop hâtive, ont considérablement
évolué au cours de ces 15 dernières années pour s’établir dans la spécificité d’un domaine scientifique et technique
propre. Mais, ces méthodes sont encore l’expression de l’évolution d’une recherche scientifique qui commence à peine
à poser ses fondements théoriques. C’est dire l’écart qui peut demeurer quant à l’appréhension concrète de ces bases de
théorisation et de ces outils méthodologiques, dans les faits de l’étude et de l’analyse-diagnostique, sur le terrain. Ainsi,
Page 266
Hubert Guillaud
la littérature révisée montre bien combien le relevé de conditions constitue très souvent un pré-diagnostique sommaire,
trop rarement suivi d’une analyse fouillée qui permettrait, avec une vraie campagne de « monitoring » des pathologies,
de bien identifier les pathologies et surtout les causes de leur genèse. Pourquoi en est-il ainsi ? Peut-être parce que
l’intervention de stabilisation et de préservation « d’urgence », prennent le pas sur le projet de « conservation » et de
« gestion » à moyen et long terme. Peut-être aussi parce que les moyens financiers attribués aux projets de conservation
des architectures de terre (sites archéologiques et édifices historiques), ne sont pas suffisant pour autoriser cet
investissement analytique amont pourtant si indispensable. Car, il faut encore le rappeler, il ne saurait y avoir de bonne
conservation sans bon diagnostique. Il est en effet nécessaire que l’on prenne une plus juste mesure de « l’obligation »
d’investissement, en moyens, comme en temps, dans le relevé des conditions et dans l’analyse-diagnostique intégrant
plus concrètement le « monitoring » des pathologies, encore souvent négligé.
Comme on l’a exprimé, dans notre conclusion de la première partie, s’il y a matière à définir des procédures d’analyse
des matériaux plus « adaptables » et « accessibles », il y a certainement matière à faire de même pour mettre à la
disposition des opérateurs, des outils de diagnostique d’un usage plus flexible et « appropriables », aux performances
mieux adaptées, selon les objets traités, les niveaux de problèmes rencontrés, les compétences mobilisées et les
contextes d’opération. Etablir, dans ce domaine, un langage interdisciplinaire commun (archéologie, architecture,
conservation), fondé sur l’existence de théories, de méthodes et d’outils pratiques plus universellement acceptés par la
communauté des scientifiques et des praticiens de terrain.
Il y a certainement aussi des approches plus spécifiques à mieux développer, notamment pour aborder les différentes
techniques de construction en terre. Car, nous avons, à ce jour, à notre disposition, soit un propos trop « généraliste »,
qui entend couvrir l’ensemble des techniques de construction en terre (torchis, bauge, adobe, pisé), ou des propos déjà
un peu plus spécialisés, comme pour l’adobe, alors que les autres techniques n’ont pas encore établi leur spécificité dans
ce domaine de l’analyse-diagnostique Il y a bien pourtant des différences de comportement entre des systèmes de
construction mixtes (bois et terre pour le torchis), monolithiques (bauge et pisé), ou en maçonnerie (adobe).
On a pu également remarquer que l’étude et l’analyse des « micro-pathologies » et de la biodégradation, sont trop peu
développées. Ce sont là, certainement, de nouvelles voies de recherche mais qui, là encore, ne doivent pas être isolées
de la prise en compte de l’objet construit, de son architecture, dans leur plus grande dimension, et d’un plus large
environnement. Quoi qu’il en soit, les causes, les facteurs et les mécanismes de cette biodétérioration des architectures
de terre doivent être mieux connus afin de pouvoir rechercher des formes, techniques et produits de traitement plus
efficaces, plus durables. Un regard plus attentif sur les connaissances, les techniques, les produits utilisés pour le
traitement de la biodétérioration, dans des domaines technologiques collatéraux (pierre, bois, céramique, métaux, autres
matériaux organiques, etc.), serait sans aucun doute utile pour fonder les voies de la recherche pour l’architecture de
terre.
Enfin, il faut reconnaître que les recherches en matière d’étude et d’analyse des dommages sismiques causés aux
architectures de terre, ont considérablement apporté aux connaissances scientifiques, au cours de ces 15 dernières
années. Les apports des recherches des Universités de Stanford et de Berkeley (U.S.A.), de Lima (Pérou) et du
programme GSAP (Getty Seismic Adobe Project), soutenu par le Getty Conservation Institute, et sans doute aussi
d’autres programmes qui nous sont moins connus, ont contribué à la genèse d’un savoir commun aux chercheurs et aux
praticiens qui travaillent sur ces questions. La typologie des pathologies sismiques des architectures de terre (au moins
pour l’adobe et un peu moins pour le pisé, le torchis), est désormais connue. Quant aux modes d’intervention, qui sont
plus directement abordés dans le troisième thème « Interventions et traitements », au plan préventif, comme au plan de
la réhabilitation rétroactive, une véritable révolution a été réalisée en prenant davantage en compte la stabilité et
l’intégrité structurale des édifices, comme leur ductilité, plutôt que leur renforcement ou leur confinement. La meilleure
prise en compte critique des « cultures constructives parasismiques » ajoutera certainement à cette révolution. Mais il y
a toujours des querelles d’école. En tout cas la science comme les opérateurs gagneraient à disposer d’une réelle
synthèse de la question.
Page 267
Hubert Guillaud
III.1. - Quelle philosophie, quelle attitude, quel regard sur l’objet, et quelle échelle
d’intervention ?
Les phénomènes et les symptômes des maux dont souffrent les architectures de terre ont été constatés, observés, puis
relevés, de manière à dresser un état le plus clair possible des pathologies qu’il faudra traiter. Face à la nécessité de
l’intervention, les conservateurs des patrimoines architecturaux en terre sont longtemps restés démunis n’ayant pas de
cadre de référence théorique spécifique et encore moins d’outils pratiques pouvant guider leurs actions. Très souvent, le
constat dramatique d’une dégradation rapide des vestiges archéologiques en terre mis au jour par les fouilles
archéologiques, ou d’une détérioration des bâtiments historiques abandonnés, non utilisés, ou encore mal entretenus,
met les conservateurs soucieux de préserver la valeur des ressources culturelles sur lesquelles ils travaillent en situation
« d’urgence ». Il faut en effet « sauver » ces ressources pour « préserver » la mémoire de l’histoire du genre humain. Il
faut préserver pour « transmettre » ce legs aux « générations futures ». Pour autant, « l’urgence » est-elle bonne
conseillère au-delà de son invitation à « agir » le plus rapidement possible ? Cela n’est pas si sûr car bon nombre
d’expériences faites dans l’urgence montrent trop souvent qu’elles sont plus préjudiciables que valables. A regarder de
trop près l’objet sur lequel on doit intervenir, qui dans le cas de l’architecture de terre n’est pas un artefact exposé dans
un musée, on oublie de considérer l’environnement qui agit sur l’objet, on oublie le système d’équilibre qui résulte de
leurs interrelations, de leur interactions, de leur « inter-respiration ». Ainsi, l’intervention trop directe sur l’objet et dans
l’urgence contribue à rompre le système d’équilibre, à installer un « déséquilibre » qui alimente, accélère, le processus
de dégradation.
L’attitude qui consiste à mettre en application le concept de conservation « préventive », c’est à dire à réaliser une
intervention « minimale » et « réversible », avant d’envisager d’autres interventions qui pourront garantir une
conservation plus « durable », ne doit pas être oubliée ou même négligée. La conservation des architectures de terre
exige une attitude fondée sur cette philosophie et cette éthique. Une attitude plus « douce » que « dure ». Et peut-être,
du point de vue métaphorique déjà pris, une médecine plus « homéopathique » « qu’allopathique ». C’est selon la
gravité des maux à soigner dira-t-on. Sans doute. Mais il convient certainement de ne pas oublier de soigner aussi
l’environnement qui est le plus souvent à l’origine des problèmes observés, ou pour le moins de reconnaître sa présence
agissante, et de savoir « dialoguer » avec lui, de bien vouloir et savoir « s’associer » avec lui.
De plus en plus nombreux opérateurs du domaine de la conservation architecturale, de plus en plus de chercheurs
s’interrogent sur cette question de la philosophie et de l’attitude devant guider l’intervention, en considérant les
différents niveaux « d’échelle », depuis le « macro » environnement, au « micro » environnement.
Page 268
Hubert Guillaud
A ce stade, mais tout en l’ayant déjà anticipé, se pose la question d’un meilleur contrôle de l’environnement et d’un
entretien régulier pour garantir le rétablissement et le meilleur fonctionnement possible du système d’équilibre
réinstauré, dans une plus large dimension, au delà de l’objet traité et de sa proximité immédiate et en intégrant le facteur
temps (durée). Plusieurs types d’intervention et de traitements sont alors possibles que l’on aura passé en revue dans
cette troisième partie de notre révision littéraire. Mais revenons sur quelques unes de ces interventions qui semblent
retenir davantage l’intérêt des chercheurs et des opérateurs.
La question de la protection qui a été notamment résumée par quelques auteurs (Stevens 1985 et Jerome 1991), ne peut
être limitée à des considérations sur l’esthétique des systèmes d’abris ou de toitures même si l’impact sur les sites ou
édifices conservés, et sur le paysage environnant, sont un aspect décisif de la question. Cela a été clairement relevé pour
qu’il ne soit plus nécessaire d’y revenir. Mais, les impacts, les effets, de ces abris de protection sur les objets
archéologiques ou architecturaux traités demeurent très préoccupants lorsqu’ils contribuent de nouveau à rompre le
système d’équilibre et à engendrer de nouvelles pathologies. Nous avons observé un cas patent sur le site de Chan Chan,
au Pérou alors qu’un bâchage de protection contre le phénomène du Niño et ses pluies diluviennes amenaient une
modification du taux d’hygrométrie ambiante causant un assèchement accéléré des vestiges mis au jour et une perte
décisive de cohésion de la matière rvenant à un état pulvérulent. Ce risque ne doit jamais être sous-estimé et il est
vraiment important de le souligner encore.
Par contre, le procédé visant à « enrober » les vestiges par une couche d’enduit de protection ou par des matériaux
stabilisés sacrificiels, qui contribue de fait à dissimuler les matériaux d’origine, peut être très discuté, au plan éthique
comme au plan technique (risque d’imperméabilisation, de blocage de la respiration des matériaux, avec les
conséquences que l’on connaît). L’enrobage, s’il est utilisé devrait plutôt utiliser des solutions respirantes tout en
garantissant une résistance à l’érosion et aux dilatations thermiques différentielles (nuit/jour, saisons). Jusqu’à quel
point faut-il se préserver, voire se protéger, se « blinder » des éléments naturels (pluie, vent, soleil), ou quelles latitudes
avons-nous pour « jouer » avec eux, pour « faire alliance ». Il n’est en effet pas sûr que l’on ait jusqu’alors abordé la
question de la conservation des architectures de terre sous cet angle de vision.
L’intervention de protection des vestiges exposés à l’érosion et l’abrasion des éléments, par « capping » (chapeau de
protection), a été relevée comme une priorité par beaucoup de chercheurs et d’opérateurs qui ont largement expérimenté
dans ce domaine avec des résultats plus ou moins bons. La synthèse de cette question proposée par Michel Romero
Taylor (1987) devrait davantage guider les opérateurs pour intervenir plus efficacement, en connaissance des problèmes
posés et surtout des raisons de faire appel à ce procédé, tout en mieux maîtrisant les pratiques d’intervention.
On aura aussi révisé les procédés d’intervention visant à traiter les problèmes de capillarité à la base des murs. Et l’on
aura perçu combien les expérimentations variées qui ont pu être développées pour innover en la matière, donnent des
résultats très inégaux. On aura aussi vu que les procédés visant à intervenir sur les « effets » de la capillarité, et non sur
les « causes », peuvent être discutés, voire remis en question. Les solutions de drainage de la base des murs,
traditionnelles et adaptables, améliorables avec les solutions de « géodrains », selon l’ampleur des problèmes posés,
selon les types de structures, et selon la nature des sols environnants, associées à un entretien régulier ne semblent-elles
pas finalement être celles qui offrent le plus de possibilités ?
Pour ce qui concerne les interventions sur les structures, on aura révisé notamment les procédés de réintégration et/ou
reconstruction partielle des structures endommagées, ainsi que le rebouchage des fissures. On aura bien compris que la
question de la « compatibilité » des matériaux de traitement utilisés, avec les matériaux d’origine, est fondamentale
pour garantir la qualité de ce traitement visant à rétablir l’intégrité de liaisonnement et de stabilité des structures.
Page 269
Hubert Guillaud
Les principes et procédés de réparation ou de « mitigation » des dégâts sismiques, ont réellement progressé au cours de
ces 15 dernières années. Les recherches menées dans les universités américaines de Californie et au Pérou, prolongées
par le projet Getty Seismic Adobe Project (GSAP) du Getty Conservation Institute (GCI), associées aux observations de
terrain sur des bâtiments en adobe endommagés par les séismes, auront directement contribué à mieux connaître le
comportement des structures en terre exposées au risque sismique. Mais, ces travaux auront aussi permis de proposer
une typologie de mesures efficaces pour les interventions de réhabilitation rétroactive. Les interventions de caractère
« préventif » en sont également améliorées et l’on sait mieux aujourd’hui distinguer l’efficacité, comme la pertinence
d’intervention de renforcement, de confinement, ou d’amélioration de la stabilité.
La question de la protection de surface des structures en terre est sans doute l’une des plus vaste, et complexe
également, du fait d’un éventail de plus en plus large de techniques d’intervention, de matériaux et de « produits ».
L’intérêt de la réhabilitation des techniques d’enduits et de badigeons traditionnels a été confirmé par plusieurs
expériences mais, la récupération des savoir-faire comme la nécessité d’un entretien périodique, demeurent à la fois un
atout et une contrainte. L’évolution des recherches en matière de consolidation chimique aura donné de nouvelles
ouvertures, tout en ne garantissant pas une égalité des résultats qui demeurent sujets à de nombreux facteurs
intrinsèques et extrinsèques pouvant optimiser comme contrarier l’efficacité des traitements. On aura aussi vu les
hésitations des opérateurs sur le choix des techniques (préparation en solution aqueuse ou en solution de solvant
catalyseur, imprégnation par aspersion ou par badigeon, application à l’état sec ou à l’état humide), et sur le choix des
produits dont la gamme n’a cessé de s’élargir (résines, émulsions acryliques, monomères, copolymères, éthyles silicates
et polysilicates, etc.). Ces hésitations ont pu conduire certains à ré-expérimenter des produits « naturels » et donc à
prendre à nouveau acte de la nécessité d’un entretien périodique. Mais, ces recherches sur la consolidation chimique
auront surtout permis de mieux préciser les paramètres de l’efficacité des traitements. On aura ainsi pu relever le rôle
joué par la texture des terres (matériaux à dominante silto-argileuse ou à dominante sablo-argileuse), par leur
minéralogie (stabilité des argiles), par la condition physique des matériaux (cohésion notamment) et les réactions qui
peuvent s’en suivre. On aura vu les améliorations certaines apportées par quelques produits chimiques comme les effets
pervers, voire dramatiques. On aura aussi compris qu’une hydrophobisation trop poussée peut être très dangereuse et
qu’il convient, tout en imperméabilisant, de conserver une texture assez ouverte pour garantir l’évaporation de
l’humidité sous forme liquide, comme de vapeur. On aura aussi bien compris le rôle du climat ambiant et l’impact de la
variation des régimes de température diurne et nocturne, ou des climats saisonniers, sur l’efficacité des traitements. On
aura enfin vu que des interventions « douces » sont toujours possibles et qu’elles peuvent donner d’excellents résultats.
Les modes d’intervention plus complexes, voire sophistiqués, visant à conserver les surfaces décorées, ont également
bénéficié des progrès accomplis dans la consolidation chimique. Certains produits ont été repérés comme donnant
d’excellents résultats avec, semble-t-il un avis partagé par la communautés des opérateurs spécialisés dans ce domaine
très « pointu ». Les propos de Constance S. Silver, (1990), de Franck Matero, (1995), de Ricardo Morales Gamarra,
(1994), de Francesca Piqué et Leslie Rainer, (1996), nous aurons éclairé sur les procédés de stabilisation et
consolidation, de ré-attachement par « grouting » (injection de barbotine), de compensation, de détachement et
réintégration, et d’anastylose. Ce sont des techniques qui doivent être considérées comme très au point et d’une grande
efficacité mais qui exigent une grande délicatesse d’intervention au risque de ruiner davantage les vestiges les plus
dégradés.
Enfin, on aura aussi remarqué les lacunes importantes qui demeurent quant à la question des interventions pour le
traitement de la biodétérioration des matériaux de construction en terre. En effet, ce domaine spécifique commence à
peine à être investi par les chercheurs, si fait que l’on n’est pas encore en mesure de le discuter, au-delà d’une simple
introduction.
Deuxième partie : deuxième phase de révision de la littérature selon les 8 sections sous
thématiques retenus a posteriori.
Nous proposonr une synthèse des contributions des chercheurs sollicités dans un deuxième temps de révision de la
littérature par le Getty Conservation Institute, à partir d’un rapport provisoire qui a été édité en 2003. Nous avons
présenté cette synthèse lors de la 9ème Conférence Internationale sur l’Etude et la Conservation des Architecures de
terre, Terra 2003, qui s’est tenue à Yazd en Iran à la fin de novembre 2003. Les conclusions de cette révision de la
littérature ont surtout mis l’accent sur les tendances de la recherche en conservation des architectures de terre qu’il
conviendrait de développer.
Page 270
Hubert Guillaud
Les méthodes courantes d’identification des propriétés des argiles, avec leurs protocoles spécifiques (diffraction aux
rayons X, stabilité thermique, spectroscopie aux infrarouges) ne permettent pas une pleine compréhension de ces
propriétés. Les résultats obtenus par chaque méthode doivent être systématiquement et globalement comparés avec ceux
obtenus par d’autres méthodes de façon à proposer un diagnostic correct.
Développer davantage d’étude et de recherche sur les effets des variations d’humidité dans les structures en terre au
cours de leur vie.
Développer davantage d’étude et de recherche sur les effets des cycles de mouillage et séchage du matériau.
Expliquer pourquoi les argiles tiennent ensemble ? Davantage de recherche serait utile pour expliquer la cohésion et la
perte de cohésion du matériau terre.
Le matériau terre a prouvé qu’il est un excellent matériau de construction durable lorsqu’il est correctement mis en
oeuvre. La détérioration est plus une question de perte de savoir-faire, d’introduction de nouveaux matériaux de
réparation, souvent inappropriés, d’un manque d’entretien régulier, et autres interventions de nature humaine.
Développer plus d’études et de recherches sur les processus de détérioration pour chaque technique de construction
particulière : torchis, bauge, gazon, adobe, pisé.
Engager des recherches approfondies sur les causes et sur quelques effets types de la dégradation des adobes (briques
crues).
Développer des recherches sur la cristallisation saline dans les matériaux en terre (considérant que jusqu’à présent de
telles recherches ont principalement porté sur la pierre et la brique cuite).
Développer plus de recherche sur la relation entre la cristallisation saline et la porosité des matériaux en terre
(considérant que jusqu’à présent les recherches ont principalement porté sur la pierre et la brique cuite.
L’étude de la détérioration biologique et de la pollution environnementale devrait être plus spécifique aux matériaux et
structures en terre. La terre n’a que très peu été considérée dans l’éventail des matériaux poreux
Il n’existe pas beaucoup de situations où la technologie “avancée” a permis d’atteindre les objectifs généraux de
conservation dans les domaines du relevé et de la documentation. Peu d’auteurs ont relevé l’intérêt et l’utilité de la
théorie de la gestion pour la conservation des sites en terre, avec une approche spécifique. En effet, très peu a été écrit
sur les aspects de la documentation pour les sites en terre considérée comme partie intégrante de la méthodologie de
gestion. Aucun programme systématique visant à définir un protocole de relevé et de documentation des sites en terre a
été développé considéré comme partie intégrante de la méthodologie de gestion.
Page 271
Hubert Guillaud
Très peu d’inventaires ont été conçus et mis en oeuvre avec une compréhension initiale claire de leurs objectifs,
méthodes et apports, et ont été de ce fait adaptés et utiles dans le temps. Il n’y a pas assez de connexion entre l’emploi
des inventaires, des relevés en tant qu’outils de documentation de façon à fournir l’information utile à un processus de
décision concernant la gestion du patrimoine culturel.
Il existe un fossé entre les rapports de diagnostic et d’analyse structurale et leur utilité pour garantir de meilleures
interventions sur les sites et le suivi (monitoring) de ces interventions. Il n’y a pas assez de compréhension de la
signification du relevé structural et du suivi (monitoring) considéré comme un élément fondamental d’une évaluation
étiologique des ouvrages.
La recherche a fait des progrès majeurs dans le domaine de la conservation des peintures murales en rapport avec la
mise en application de systèmes innovants de documentation.
Il est suggéré de :
Connecter de manière plus spécifique la recherche sur le relevé et la documentation avec la conservation des sites en
terre et incrire dans une perspective de gestion des ressources patrimoniales : principes directeurs, stratégies et plans
d’action.
Il existe encore beaucoup de questions qui exigent davantage d’attention dans le domaine propre de l’architecture de
terre et concernant le nettoyage et la désalinisation :
- Quels sont les effets des sels sur les consolidants ?
- Est-il possible d’opérer une désalinisation après une consolidation ?
Le type courant de recherche ad hoc sur les consolidants organiques synthétiques a rejoint son terme. La définition de
guides de recherche standard et de leurs modes d’exécution permettrait de développer divers projets de recherche avec
une approche comparative.
Il est suggéré de :
Développer les recherches siur la façon dont les consolidants vieillissent et ne sont plus actifs sur le matériau terre ne
fait pas assez l’objet et de recherches : évaluations in situ aussi bien qu’études en laboratoire.
Définir des recherches sur les impacts et l’efficacité d’un renouvellement des traitements avec un consolidant identique,
ou avec un autre matériau de conservation. Deux sujets sont très critiques :
- Le suivi (monitoring) intensif des effets du microclimat dans différents domaines de recherche;
- La question de l’entretien des protections de surface (enduits, barbotines, etc.).
L’efficacité des barbotines pour la réparation des surfaces en terre doit faire l’objet de davantage d’évaluation et de
recherche, avec :
- Des recherches sur le degré d’adhérence entre les barbotines et le matériau terre original.
- Des recherches sur les méthodes visant à améliorer l’adhérence par une pré-humidification à l’eau ou avec des
solvents organiques polaires ou non polaires, ou autre substance adhésive ou tensio-active.
- Evaluer l’efficacité à long terme des barbotines.
Développer davantage de recherche scientifique sur les consolidants organiques naturels pour mieux connaître leurs
propriétés et leurs performances.
On observe beaucoup trop d’écarts entre les résultats obtenus sur des matériaux récents (en laboratoire), et sur les
matériaux anciens originaux (in situ). D’autres recherches visant à expliquer les raisons de telles différences
pourraient aider à mieux définir les recherches en laboratoire comme les recherches expérimentales sur murets tests, in
situ.
Page 272
Hubert Guillaud
Principales conclusions sur la section section 4.2 : Interventions de conservation sur les sites archéologiques
L’étude d’un large corpus de sites ayant fait l’objet d’un suivi, mais qui n’ont pas été traités, serait en mesure de fournir
une information intéressante sur les processus de détérioration et sur la validité d’une absence de traitement considérée
comme option de préservation, sous certaines circonstances.
Principales suggestions :
Sur les mesures de prévention durant les fouilles davantage de recherche est suggéré pour les axes suivants:
- L’emploi de barrières pare vapeur tempraires ou d’isolants;
- D’autres moyens de contrôle du taux de séchage;
- La désalinisation;
- L’installation de protections contre les murs ou les finitions fragiles;
- Le déplacement d’éléments architecturaux à partir d’un site pour leur stabilisation.
Pour les chapeaux de protection des murs, il serait utile de considérer les aspects suivants :
- Séparer et quantifier les effets de l’érosion naturelle sur les parties hautes de murs des effets de toute autre forme
d’érosion accélérée qui pourrait provenir des chapeaux de protection ;
- Les effets de la conception des chapeaux de protection;
- L’évaluation de l’emploi de repères de suivi (monitoring) dans les chapeaux de protection pour une meilleure
évaluation de la localisation des érosions et une quantification du taux d’érosion.
- De bien relever le processus exact d’accélération de l’érosion que certains types de chapeaux peuvent causer sur
les murs de terre;
- Developper la recherche sur des solutions alternatives de matériaux de protection et sur la conception des
systèmes de chapeaux de protection de façon à améliorer la durabilité et à réduire le processus d’érosion
accélérée;
- D’autres champs d’investigation sur les chapeaux de protection méritent d’être considérés : la nécessité ou non
d’une telle protection, le coût, la reproduction, la facilité de mise en oeuvre, la fréquence et l’augmentation de
l’entretien, et l’esthétique des systèmes de chapeaux.
Page 273
Hubert Guillaud
Il n’y a que très peu d’analyse et d’évaluation rigoureuses du large éventail des matériaux de mortiers modifiés ayant
été utilisés depuis des années pour la protection des murs en terre. L’efficacité de la chaux, du ciment, de l’asphalte, du
bitume et des émulsions acryliques a été clairement établie sur le terrain. Il n’est donc pas utile de chercher davantage
dans ce domaine mais plutôt de rassembler, synthétiser et divulguer les résultats. En ce qui concerne les interventions de
conservation, il y a souvent un écart entre les résultats obtenus avec l’emploi de consolidants sur de nouveaux matériaux
(en laboratoire) et sur les matériaux originels (in situ),
La composition des sols et la minéralogie des argiles devraient être davantage pris en considération sans beaucoup
d’études.
Il demeure de larges fossés entre la science des sols, la chimie et la préservation. Les professionnels de ces différents
champs devraient travailler ensemble.
Différents paramètres de préparation et d’application des mortiers modifiés devraient être testés :
- les variations d’hydratation ou extinction pour les mortiers à base de chaux vive;
- le temps d’humidification du matériau modifiant;
- la préparation et la pré humidification du substrat;
- les conditions de cure;
- les techniques d’application.
Une distinction devrait être faite entre les mortiers modifiés utilisés en mortier de construction, en mortier de
production de matériaux (briques crues p.e.), en badigeon ou enduit plus épais.
Le suivi intensif (monitoring) des micros climats sur les interventions et leurs environnements est important à
considérer.
Davantage de considération devrait être portée sur l’entretien et le re traitement des matériaux en terre modifiés. Cette
approche devrait être inclus dans la conception et l’évaluation des plans d’entretien.
Documentation : il existe de nombreuses références, particulièrement en ce qui concerne les peintures murales. La
documentation digitale prend de plus en plus de place dans les pratiques.
Caractérisation et analyse des matériaux en terre peints : On dispose de guides de laboratoiure très pratiques. Les
méthodes les plus courantes incluent la Diffraction aux rayons X, l’analyse des composants organiques au microscope
et ont été correctement évaluées. D’autres études mériteraient d’être développées sur les méthodes d’analyse des
pigments et des liants utilisés en surfaces décorées sur murs de terre.
Détérioration : beaucoup de problèmes courants de détérioration des peintures et enduits sur murs de terre, d’altération
des pigments et des mesures de coloration ont été discutés dans la littérature.
Mesures préventives : Les mesures de conservation préventives, préalables à des interventions directes, telles que
stabilisation de l’architecture par système de couverture, abri, consolidation des fondations, réenterrement des fouilles,
sont souvent les meilleures mesures bien que périphériques au sujet. La littérature en rend largement compte ainsi que
de systèmes de drainage.
Page 274
Hubert Guillaud
Tests de traitements : cet aspect des tests de traitement, soit en laboratoire soit in situ est peu pris en compte dans la
littérature. Des tests doivent être développées sur les mécanismes de détérioration, sur la caractérisation et la
performance des matériaux originaux, sur les matériaux de traitement. La réversibilité et la compatibilité avec le
matériau original devraient aussi être davantage explorées. De même il conviendrait d’étudier l’impact des fluctuations
climatiques. D’autres tests devraient être développés concernant les barbotines de réattachement des peintures et
enduits, le raitement des sels, le nettoyage, la consolidation de surface et la réintégration esthétique.
Réattachement des enduits sur les structures en terre : des solutions d’ancrage en pièces de métal ou en croix de
plastique, en écrous de polyamide insérés dans les couches successives de chaux ou de terre et paille, sont évoquées
dans la littérature. Les barbotines de réattachement ayant des propriétés adhésives sont bien documentées. On a aussi
écrit sur l’usage de mortiers de chaux pour la fixation des peintures murales ou des mosaïques ainsi que sur des
mélanges pouzzolaniques de cendres volantes et de chaux, ou encore de chaux hydraulique peu alcaline. De même sont
assez bien documentés les procédés de rebouchage des fissures par injection de coulis de liants hydraulique alors que
d’autres essais devraient être développés sur l’injection de barbotine de terre.
Rebouchage de lacunes, et réparation des arêtes : les réparations d’enduits sont très largement discutées et intégrent la
question de la préservation de l’intégrité structurale des peintures murales, ou aussi des questions d’ordre cosmétique.
L’emploi de matériaux compatibles est apprécié comme nécessaire à la fois pour des raisons mécaniques et esthétiques.
La tendance actuelle est de remplir les lacunes à la terre seule.
Nettoyage : le retrait des débris superficiels au moyen d’eau ou de compresses humides ou à la brosse douce est bien
documenté. La littérature évoque aussi l’emploi d’un mélange d’eau et de dichloride d’éthylène et de trietanolamine
suivi d’un netoyage complet à l’alcool de méthyle, de cellulose en solution et de glycol d’éthylène.
Traitement des sels : la littérature évoque le traitement mécanique au scalpel ou à la brosse ou à l’aide de compresses
saturée à la solution de bicarbonate de soude, suivi par l’emploi de compresses mumidifiées à l’eau distillées. D’autres
études mentionnent l’emploi de fibres de cellulose. La mesure quantitative et qualitative des sels est aussi bien
documentée dont les procédés de mesure ionique
La consolidation de surface fait l’objet d’une grande variété de traitements soit à l’aide d’adhésifs naturels, soit au
moyen de résines organiques, d’esthers de silicone et de silanes. Dans le choix des produits, la question de la mutation
de la qualité visuelle est un facteur important à considérer ains que les risques de détérioration de surface ou encore les
changement de perméabilité à la vapeur d’eau transmise dans le mur. Des solutions à la colle animale ou à la caséine
sont aussi évoquées. D’autres études évoquent la tendance à remplacer les matériaux traditionnels par des PVAC et
PVAL ou l’emploi de silicate de potassium, de silicate de lithium, d’acryloïd B-72 qui semblent donner de bons
résultats. De même l’éthylsilicate a été souvent utilisé a est très documenté bien que pas assez évalué.
Réintégration esthétique et présentation : La tendance actuelle va dans le sens de l’intervention minimale avec très peu
de réintégration esthétique, des retouches minimales.
Entretien : Là aussi très peu a été publié sur ce sujet qui est pourtant très important.
Il est suggéré :
Le test et l’évaluation des matériaux utilisés pour la conservation des surfaces décorées sur l’architecture de terre sont
très peu étudiés. Davantage de recherche devrait fournir d’autres connaissances.
Des tests de traitement en laboratoire et sur le terrain ont été développés mais les résultats restent trop confidentiels.
Une évaluation plus systématique des matériaux et produits qui ont été utilisés en traitement, après 5 à 10 ans, devrait
être réalisée comme un suivi systématique.
Les techniques avancées de nettoyage, incluant l’emploi d’aérosols, les méthodes de nettoyage à sec, les gels solvants,
les savons de résines, le nettoyage au laser ou aux enzymes, devraient faire l’objet de recherches car il n’en est fait que
très peu mention dans la littérature.
Page 275
Hubert Guillaud
Une recherche plus soutenue devrait être développée sur les mécanismes de détérioration de façon à mieux comprendre
les problèmes observés.
La tendance actuelle vers une meilleure compréhension des matériaux originels et des techniques anciennes est sans
aucun doute une bonne base pour choisir un traitement mieux adapté et le développement des méthodes de traitement
apparaît très encourageant.
1 - Les projets de recherche sur les “bonnes pratiques” devraient couvrir les aspects suivants:
- La prédiction de la performance du futur édifice;
- La conservation et le nouvel usage de façon à répondre au besoin
- d’utilité du bâti et à cadrer les principes de conception des projets (réhabilitation);
- Les modèles d’effondrement des murs;
- Comment apporter des solutions structurales tout en conservant
- La caractérisation structurale, la condition structurale et matérielle, la discrimination et la qualité culturelle;
- La méthodologie d’étude et d’analyse de l’histoire structurale des ouvrages.
- Les techniques de suivi structural (monitoring) et de classification des dommages.
Page 276
Hubert Guillaud
La revue de littérature scientifique de cette section a couvert les trois domaines et chapitres suivants :
3 - L’analyse, avec :
- Les types de dégâts/ effondrement des maçonnneries non renforcées
- Le développement d’interventions sismiques spécifiques
- La performance prévisible
En suggestion générale:
- Les efforts de recherche sur l’architecture de terre et le risque sismique ont été assez nombreux mais ils
devraient beaucoup plus prendre en compte les recherches nombreuses et variées, ainsi que les tests et les
interventions qui ont portés sur les maçonneries de pierre et de brique, dont la plupart sont sans doute
applicables à l’architecture de terre
Page 277
Hubert Guillaud
- Les rayons Gamma, la dispersion neutronique, l’humidification nucléaire, la radiographie neutronique, la résonance
nucléaire, la spectroscopie, ont des effets limités sur l’application de terrain;
- Les mesures d’humidité ne donnent des résultats que pour les couches de surface;
- La mesure de capacitance, l’absorption infrarouge et l’absorption micro-ondes exigent un calibrage.
- La condensation, les sels et les conducteurs indirects peuvent fausser les résultat de mesures de résistance
manuelles;
- L’emploi de témoins de mesure en résistance électrique de l’humidité de la terre en fibre de verre est parfois mieux
indiqué que la méthode d’échantillonnage gravimétrique en certaines situations;
- La contamination saline à partir de l’eau souterraine constitue un problème permanent pour le développement de
nombreux modes de mesures de l’humidité.
Prevention de l’infection:
- Les barrières physiques en matériaux granulaires ont montré leur efficacité mais doivent faire l’objet d’un suivi
régulier.
Guêpes maçonnes:
- Une injection ou une vaporisation d’insecticides, à temps et relativement tôt, est recommandée.
Conclusion
L’évaluation des interventions de conservation des architectures de terre est bien évidemment essentielle pour faire
avancer les connaissances théoriques, les approches méthodologiques et les pratiques conservatoires, et pour faciliter
l’ouverture de nouvelles voies de recherche scientifique. Dans cette révision de la littérature, on aura couvert quinze
années de production scientifique ou littéraire. Cela représente un fonds documentaire très important car ce sont
Page 278
Hubert Guillaud
effectivement ces quinze dernières années qui ont produit le plus de littérature sur le sujet révisé. Dans cette production,
les grandes conférences internationales sur la préservation des architectures de terre qui ont eu lieu sur la période,
auront certainement apporté des éléments de connaissance nouveaux et fondamentaux pour faire avancer et mieux
structurer une science naissance de la conservation des architectures de terre. Simultanément, au-delà des pratiques de
terrain, encore récemment empiriques et expérimentales, se développait une véritable recherche scientifique
fondamentale et appliquée. Mais, le plus souvent, la production littéraire restitue ensemble d’études de cas qui rendent
compte de l’évolution des expériences, dans une communauté d’opérateurs souvent isolés et que seuls des événements
comme des séminaires, colloques et conférences internationaux peuvent réunir pour échanger, partager leurs
expériences, leurs savoirs en acquisition, en évolution. Faire un compte-rendu de ses expériences n’est pas pour autant
faire une évaluation des interventions, même si c’est une façon de mettre le pied à l’étrier pour aller dans ce sens. Ainsi,
la littérature fait peu cas de véritables évaluations. Ce sont souvent des expressions de campagnes de « monitoring » qui
donnent lieu à des constats, à l’expression d’observations macro visuelles. Les analyses, les synthèses sont rares. Par
ailleurs, ce ne sont pas le plus souvent les interventions qui sont évaluées mais davantage les recherches à caractère
exploratoire. Nous avons donc, au fil de ces 15 ans passés la possibilité de restituer une vision de l’évolution des savoirs
et des pratiques qui est considérablement limitée par ce que l’on dénomme ici les insuffisances de l’évaluation. Notre
souci a principalement été de restituer les propos de chercheurs ou de praticiens qui, à notre sens, auront plus
particulièrement contribué à faire avancer le savoir en offrant une réflexion qui prend suffisamment de recul ou
d’altitude, en forme de bilans ou de synthèses qui établissent des paliers de l’état des connaissances, lesquels sont
fondamentaux pour ouvrir sur un progrès de la science dans le domaine couvert. Parmi les contributions qui ont
particulièrement retenu notre attention, se trouvent celles qui dressent une évaluation comparée de divers traitements de
conservation.
Notre révision de la littérature a aussi rendu compte de discussions de programmes de recherche scientifique, ou de
recherche-action, comme de projets réalisés ou en cours de développement sur lesquels un regard d’analyse scientifique,
ayant valeur d’évaluation, aura été porté. Les propos restitués sont loin de couvrir la question de l’évaluation des
interventions de façon exhaustive. Beaucoup de procédés et de formes d’intervention ne sont finalement pas évalué, ou
très sommairement. On ne peut que le regretter. On aura principalement pu couvrir les procédés de backfilling (ré
enterrement de fouilles), de protection de surface par enduits, badigeons, peintures, les imprégnations chimiques, les
systèmes de protection par géotextiles et enfin, quelques considérations sur l’évaluation des techniques de réhabilitation
sismique.
Une question s’impose : les évaluations dont on a rendu compte permettent-elles de tirer des enseignements largement
applicables ? Une fois encore, tout est affaire de cas unique quant à l’efficacité des traitements qui sont directement
tributaires du type de matériau traité, de sa texture, de sa minéralogie, mais plus encore du degré d’intégrité constructive
et architecturale, dans un contexte et un environnement donnés.
Ce que l’on doit retenir nous semble davantage devoir être rapportable au domaine des méthodes et des procédures, des
modes de traitement, plus qu’à celui des produits ou malheureusement encore souvent, au domaine des recettes
auxquelles beaucoup d’opérateurs de terrain font appel. Mais il n’y a en effet pas de produit « miracle » ; il n’y a pas de
« recette ». Il n’y a que des caractéristiques, des propriétés, des interrelations aux environnements distincts et des façons
de bien comprendre les problèmes pour tenter de bien les résoudre. Certes, certains traitements donnent de meilleurs
résultats et ils peuvent être de nature physique comme de nature chimique ou, à l’interface, physico-chimique. Les
recherches et les expérimentations qui ont pu être évaluées donnent des résultats assez variés et tendent à montrer que
l’architecture de terre vit, réagit avec son environnement et que l’on ne peut espérer que ralentir les effets de ces
facteurs environnementaux, avec plus ou moins de succès.
On aura noté que le procédé de backfilling est reconnu comme un mode très efficace de protection et de préservation
des vestiges archéologiques. Au cours des dernières années, ce procédé a été nettement amélioré par l’optimisation des
drainages et par un meilleur contrôle de la percolation de l’eau de surface (utilisation de géotextiles, réalisation de
couches de sédiments argileux saturants, ou systèmes améliorant l’évaporation de l’humidité). L’évaluation du procédé
utilisé au début du siècle sur le Pueblo Bonito de Chaco Canyon. (Dowdy et Taylor 1990), est riche d’enseignements en
restituant des données issues d’une campagne de monitoring effectuée après 70 années. On peut ainsi confirmer la
bonne qualité de protection des traits architecturaux essentiels, mais aussi toutes les précautions qu’il convient de
prendre lorsque l’on souhaite remettre au jour des vestiges pour documenter à nouveau leur état. Précautions à prendre
pour l’enlèvement du matériau de comblement ; précautions à prendre pour contrôler la vitesse de séchage des
sédiments (soleil, vent) qui retiennent de l’humidité dans les couches de surface. Les tests montrent aussi que la
croissance de la végétation peut avoir des effets néfastes sur la conservation des enduits originaux et peuvent ainsi
Page 279
Hubert Guillaud
valider l’utilisation régulière de produits herbicides. L’utilisation de sédiments sableux donne d’excellents résultats du
fait d’une bonne propriété de percolation et filtration de l’eau autant que d’évaporation de l’humidité. Un souci demeure
: mieux garantir la qualité de la protection pour les couches supérieures, jusqu’à au moins 30 cm d’épaisseur.
Pour ce qui est des solutions de protection de surface, ce sont sans doute les évaluations comparées qui fournissent le
plus d’enseignements. Les enduits traditionnels à base de terre, de terre amendée de paille, de terre stabilisée à la chaux,
ou de chaux naturelle hydratée, l’utilisation de stabilisants naturels, sont réhabilités avec un intérêt divers des
opérateurs, selon que l’on doive préserver des ressources de nature archéologique ou des édifices historiques. Pourtant,
les expériences réalisées en conservation des sites archéologiques sont le plus souvent très concluantes, positives. Mais,
la question de l’entretien périodique (pour les enduits en terre seule ou en terre amendée en paille, notamment), semble
demeurer un frein pour une plus large réhabilitation de ces pratiques d’enduits traditionnels. C’est moins le cas pour la
conservation des édifices historiques où la réhabilitation des enduits à base de chaux est largement acceptée. D’autres
programmes de recherche sur murets-tests ont montré que les mortiers bâtards (sable-chaux, sable-chaux-ciment),
présentent de très bonnes potentialités alors que les solutions de badigeons à la chaux exigent un entretien fréquent.
L’utilisation des peintures ne donne pas, dans l’ensemble, de bons résultats.
Pour ce qui est des consolidants chimiques, ce sont surtout des programmes de recherche expérimentale qui nous offrent
des résultats discutables, parfois dignes d’intérêt. Mais dans l’ensemble, ces résultats sont très inégaux et l’on en reste
encore, assez globalement, à l’expérimentation, sans application trop large, car de nombreux problèmes demeurent. Il
est en tout cas assez clair que la minéralogie et la texture des matériaux de terre traités aux consolidants chimiques,
jouent un rôle décisif dans l’efficacité de ces traitements. De même, une trop grande quantité d’argile par rapport aux
composants sableux, réduit notoirement l’efficacité des traitements de consolidation chimique. L’état des conditions
physiques du matériau, et particulièrement son degré de cohésion, sont aussi un facteur décisif. D’autres recherches
semblent aussi montrer que l’amendement en consolidant chimique dans la masse, lors de la préparation des mortiers de
protection (gâchage), est plus efficace que le traitement postérieur par aspersion ou par imprégnation à la brosse ou au
rouleau à peinture. A choisir entre les procédés de traitement par pénétration forcée, par aspersion ou par imprégnation
à la brosse ou au rouleau, c’est l’aspersion qui semble donner les meilleurs résultats, dans la mesure ou l’évaporation du
solvant volatil est retardée et dans la mesure ou la viscosité du produit est adaptée pour garantir une bonne pénétration.
Beaucoup de chercheurs et d’opérateurs restent encore sceptiques sur la pertinence de ces traitements chimiques du
matériau terre et les mettent volontiers en balance avec d’autres procédés de conservation plus traditionnels, dont le
principe de réalisation d’enduits sacrificiels qui devront être entretenus et périodiquement restaurés. Les expériences
plus spécifiques faites avec les éthyles silicates, au cours de ces presque 30 dernières années, montrent que ces produits
offrent des propriétés intéressantes mais donnent des résultats très variés qui sont difficiles à évaluer. Une étude plus
poussée des facteurs pouvant affecter l’efficacité de ce type de traitement nous semble toujours indispensable. Il semble
que le procédé agisse de manière très lente, que son effet s’affaiblisse dans le temps et que le traitement doive donc être
répété. Quelles sont alors les limites de performance économique du procédé vis à vis de solutions plus classiques qui
nécessitent, elles aussi, un entretien (pour les sommets et les bases des murs en terre, moins que pour leurs parois
courantes), des réfections périodiques, qui sont à l’évidence moins onéreuses et qui valorisent les cultures locales
comme les emplois locaux ? Car le coût des consolidants chimiques reste un argument défavorable.
Le procédé de protection des sommets de murs en terre par capping (chapeaux) reste sans aucun doute l’un des plus
efficaces mais doit, autant que possible, privilégier l’emploi de matériaux compatibles afin de contrôler le risque
d’érosion différentielle entre le sommet et la paroi. Le traitement de la base des murs (plateforme d’évacuation du
ruissellement, drainage), reste indispensable. L’entretien des cappings est également une activité incontournable. Le
principe des cappings évaporant plutôt que ruisselants semble doté de potentialités intéressantes qui mériteraient d’être
davantage explorées par la recherche expérimentale.
Il y a aussi des limites à poser pour ce qui est de l’amélioration des solutions traditionnelles par ajouts de stabilisants ou
de consolidants. Les pratiques ne peuvent en tout cas être des expérimentations trop empiriques et mériteraient un suivi
scientifique plus soutenu par des campagnes de monitoring suivies d’évaluations. Par ailleurs, dans cette démarche, trop
de fantaisie pourrait nuire à une recherche raisonnée des potentialités offertes par cette voie.
La protection aérienne par géotextiles présente des intérêts pour une conservation préventive temporaire et totalement
réversible, en attente d’interventions plus durables. Mais il y a une incompatibilité évidente avec la mise en valeur
esthétique des ressources architecturales traitées ainsi que sur l’impact visuel dans le paysage.
Les recherches sur les techniques de conservation des édifices affectés par le risque sismique ont été nettement garantes
de résultats directement utiles pour une conservation préventive, comme pour des interventions rétroactives. La
Page 280
Hubert Guillaud
réintégration de la stabilité des structures et de la liaison mécanique des systèmes construits, est une voie qui s’affirme
comme les plus dignes d’intérêt et que l’on peut opposer au renforcement. Mais il y a toujours une querelle d’école pour
ce qui est du champ spécifique des architectures de terre dans la mesure ou les intervenants sont davantage liés au
domaine de l’ingénierie sismique appliquée aux techniques de construction contemporaines (béton armé, acier, etc.).
Par ailleurs, une nouvelle voie de recherche émerge et retient davantage d’intérêt, qui porte son attention sur les cultures
constructives locales du risque (mémoire culturelle des événements sismiques) et les réponses apportées par
l’intelligence constructive des bâtisseurs. Les solutions constructives traditionnelles apportent des réponses que la
technologie actuelle pourrait être en mesure de revaloriser en améliorant leur efficacité.
Il nous faut aussi relever, qu’il n’est pas finalement aussi simple ou si sûr d’affirmer que le matériau terre et les
structures bâties avec ce matériau, doivent être totalement protégées de l’eau, c’est à dire hydrofugées ou
imperméabilisées. Cela malgré les tendances de la recherche et de l’expérimentation qui ont été portées par cette
approche, notamment avec la consolidation chimique. Nous avons perçu, dans l’ensemble de la littérature, quelles que
soient les problématiques de recherche, une conception largement admise par la communauté des chercheurs et des
opérateurs. L’architecture de terre, qu’elle soit vestige archéologique ou édifice historique à conserver, doit respirer,
doit faire alliance avec l’environnement. De ce fait, l’architecture de terre doit fondamentalement être entretenue et si
possible vécue, être utilisée pour garantir sa survie, sa pérennité. L’efficacité de la réhabilitation des formes de
protection et d’entretien traditionnels (techniques de protection de surface, notamment), que l’on opposera pas à celle
des traitements pétrifiants qui peuvent aussi donner des résultats dignes d’intérêt, est souvent relevée mais, une fois
encore, exige un investissement d’entretien.
La conservation du patrimoine architectural en terre, comme sa mise en valeur, exigent une mise en situation physique,
climatique, économique et socioculturelle. Elles exigent une problématisation plus réaliste, c’est à dire incarnée dans les
faits de société, dans la perspective d’un développement durable, bénéficiaire aux sociétés qui les assurent, c’est à dire
créatif de richesses, d’une plus-value sociale et économique fondées sur une large reconnaissance de l’histoire, des
cultures, des différences. On se doit de dire qu’il est encore nécessaire d’apprendr car la science de la conservation des
architectures de terre est à peine naissante, même si elle restitue l’évidence de belles promesses d’accomplissement pour
l’avenir.
Devant la force et la beauté de cet héritage des architectures de terre que nous voulons conserver, il nous faut encore
rester modestes, écoutant et observant, mais aussi continuer à chercher, à expérimenter. Il nous faut surtout davantage
évaluer et partager les expériences, les résultats. Nous avons aussi, sûrement, encore beaucoup à apprendre de ceux qui
les ont érigées en intelligence constructive, en maîtrise architecturale, pour que ces architectures de terre aient daignées
parvenir jusqu’à nous, au delà des millénaires.
Bibliographie
Abraham et al 1993 : ABRAHAM, B., BRINDEL-BETH, S., FLORENTIN, G.H., DE MAISONNEUVE, P. - Le bâti
pan de bois, éditions de l’EDF. Paris. France, 1993.
Agnew 1990 : AGNEW, Neville - The Getty adobe research project at Fort Selden. I. Experimental design for a test
wall project. In: 6th international conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 243-
249. The Getty Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A., 1990.
Mazar 1999: MAZAR, Amihai - The conservation and management of mudbrick buildings at Tell Qasile, Israel. In:
Conservation and management of archaeological sites, p. 103-108 . James and James. London. U.K.
Andrews 1990: ANDREWS, R. - The manufacture and use of adobe bricks in buildings. In: Technical papers volume
for the national seminar on mud in habitat. 7th & 8th december 1990 Manipal. HUDCO. New Delhi. India.
Australia/ICOMOS 1996: The Australia ICOMOS charter for the conservation of places of cultural significance (the
Burra charter). Australia/ICOMOS. Sydney. Australia, 1996.
Baldussi 1994 : BALDUSSI, Alessandro - Etude pour une réhabilitation des architectures de terre en Sardaigne.
EAG. Grenoble. France, 1994.
Baradan 1990: BARRADAN, B. - A new restoration for adobe structures. In: 6th international conference on the
conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 149-152. The Getty Conservation Institute. Los Angeles.
U.S.A., 1990.
Barker 1996: BARKER, P. - Temporary shelter and site protection. In: Preventive measures during excavation and
site protection. Conference. Mesures préventives en cours de fouilles et protection du site. Ghent, 6-8 novembre 1985.
p. 45-49. ICCROM. Rome. Italia, 1996.
Page 281
Hubert Guillaud
Bedford 1994: BEDFORD, P. - The conservation of town farmhouse, Gittisham, Devon. In: Out of Earth, Dartington,
4-6 May 1994. p. 42-45. School of Architecture, Centre for Earthen Architecture. Plymouth. U.K., 1994.
Bendakir 1993 : BENDAKIR, Mahmoud - Recherche pour la préservation des architectures de terre. Le site
archéologique de Mari (Syrie). EAG. Grenoble. France, 1993.
Cancino 2003: CANCINO, Claudia - Recording, condition survey and evaluation. Project TERRA Literature Review,
ed. GCI, Los Angeles, U.S.A., 20 p., 2003.
Caperton 1990 : CAPERTON, T.J. - Fort Selden ruins conservation. In: 6th international conference on the
conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 209-211. The Getty Conservation Institute. Los Angeles.
U.S.A., 1990.
Caperton 1994: CAPERTON, T.J. - An evaluation of geotextile shelters : Fort Selden, New Mexico. In: US/ICOMOS.
Committee on earthen architecture. n° 10. p. 5-7. US/ICOMOS. Washington. U.S.A., 1994.
Chiari 1990: CHIARI, Giacomo - Chemical surface treatments and capping techniques of earthen structures: a long-
term evaluation. In: 6th international conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p.
267-273. The Getty Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A.
Coffman et al. 1990: COFFMAN, R., AGNEW, Neville, SOEHNE, E. - Adobe mineralogy: Characterisation of
adobes from around the world. In: 6th international conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90
preprints. p. 424-429. The Getty Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A., 1990.
Coffman et al 1990: COFFMAN, R., SELWITZ, C., AGNEW, Neville - The Getty adobe research project at Fort
Selden. II. A study of the interaction of chemical consolidants with adobe and adobe constituents. In: 6th international
conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 250-254. The Getty Conservation
Institute. Los Angeles. U.S.A., 1990.
Collombet 1989 : COLLOMBET, R. - L'humidité des bâtiments anciens. Causes et effets. Diagnostics et remèdes. In:
ANAH.. Editions du Moniteur. Paris. France, 1989.
Crocker 1993: CROCKER, Edward - The purpose and mechanics of lime renders. In: 7a conferência internacional
sobre o estudo e conservação da arquitectura de terra. 24 a 29 de Outubro 1993, Silves, Portugal, p. 433-438. Direcção
Geral dos Edifícios e Monumentos Nacionais. Lisbon. Portugal, 1993.
Crocker 1992: CROCKER, Edward - The New Mexico Community Foundation : selections in earthen technology. No.
2 straw daubs : how fiber cuts erosion. In: US/ICOMOS Newsletter. n° 7. p. 11-12. US/ICOMOS. Washington. U.S.A.,
1992.
Crocker et al. 1996: CROCKER, Edward, ROMANCITO, A.E., UVINA, F.C., WAIKANIWA, R. - Condition report.
San Estevan del Rey church, Acoma, New Mexico. Cornerstones Community Partnerships. Santa Fe. U.S.A., 1996.
Crocker 1996: CROCKER, Edward - Cornerstones community partnership. Selections in earthen technology. N° 1.
Dust to dust : the utilization of bones in adobe repair. Cornerstones. Santa Fe. U.S.A., 1996.
Crocker etUviña 1996 : CROCKER, Edward, UVINA, F.C. - Condition report. Santa Ana church. Santa Ana de
Tamayá pueblo, New Mexico. Cornerstones Community Partnerships. Santa Fe. U.S.A., 1996.
Crosby 1996: CROSBY, Anthony - Patologia humeda y deterioro. Patologia estructural y deterioro. In: Curso
Panamericano sobre la conservación y el manejo del patrimonio arquitectónico histórico-arqueológico de tierra, 10 de
noviembre al 14 de diciembre de 1996. Chan Chan Perú, PAT 96. INC-Perú ; CRATerre-EAG ; ICCROM ; The Getty
Conservation Institute. Lima / Grenoble / Rome / Los Angeles. U.S.A., 1996.
Dassler 1990: DASSLER, Lee - Nineteenth Century New York State earthen homes: an investigation of their material
composition. In: 6th international conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 430-
437. The Getty Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A. 1990.
Dayre et Kenmogne 1993 : DAYRE, Michel et KENMOGNE, Emmanuel - Etude des transferts d’humidité dans les
blocs de terre crue compactée : influence de la structure des terres. In: 7a conferência internacional sobre o estudo e
conservação da arquitectura de terra. 24 a 29 de Outubro 1993, Silves, Portugal, p. 348 - 352. Direcção Geral dos
Edifícios e Monumentos Nacionais. Lisbon. Portugal, 1993.
De Chazelles et Poupet 1989 : DE CHAZELLES, Claire-Anne, POUPET, Pierre - Analyses archéologiques et
sédimentologiques des matériaux de terre crue de l'architecture protohistorique à Lattes. Provenance et technologie.
In: Lattara 2. p. 11-32. Lattara. Lattara. France, 1989.
De Olarte et Guzman 1993: DE OLARTE, Tristan J.L., GUZMAN, E. - The challenge of the systematic building with
soil. In: 7a conferência internacional sobre o estudo e conservação da arquitectura de terra. 24 a 29 de Outubro 1993,
Silves, Portugal, p. 515-520. Direcção Geral dos Edifícios e Monumentos Nacionais. Lisbon. Portugal, 1993.
Delcambre 1987 : DELCAMBRE, P. - Démarche pour un diagnostic de l'environnement en préalable au diagnostic à
effectuer pour la réhabilitation d'un immeuble ancien. In: Le patrimoine Européen construit en terre et sa
réhabilitation. Colloque international 18-19-20 mars 87 à l'ENTPE. p. 519-528. Formequip. Lyon. France, 1987.
Demehati 1990 : DEMAHATI, A. - Contribution à l'étude de correlations et de l'utilité de paramètres de
l'identification des sols. In: Ier séminaire international sur l'Ingénieurie des constructions en terre, 30-31 Mai, 1er Juin
1990, Marrakech. LPEE. Casablanca, Maroc, 1990.
Page 282
Hubert Guillaud
Dix 1997 : DIX, L.A. - Materials in the laboratory. Earthen plasters, mortars, and paints from mug house. In: CRM. vol.
20. n° 10. p. 43-45. US Department of the Interior, National Park Service, Cultural Resources. Washington. U.S.A.,
1997.
Doat et al. 1983 : DOAT, Patrice, GUILLAUD, Hubert, HOUBEN, Hugo, LARAKI, Malak, KERGREIS, Michel,
HMAMI, Jamal, BOULALI, M., KABBAJ, Amine, LATIFI, Abdelmalek - Marrakech 83. Habitat en terre. Aide à la
conception architecturale. Rexcoop, Erac-Tensift. Paris. France.
Dowdy et Taylor 1993 : DOWDY, Kathleen, TAYLOR, Michaël Romero - Investigations into the benefits of site
burial in the preservation of prehistoric plasters in archaeological ruins. In: 7a conferência internacional sobre o
estudo e conservação da arquitectura de terra. 24 a 29 de Outubro 1993, Silves, Portugal, p. 480-487. Direcção Geral
dos Edifícios e Monumentos Nacionais. Lisbon. Portugal, 1993.
Dubus 1990 : DUBUS, M. - Les points sur les possibilités de l’électro-osmose pour la conservation de l’architecture
de terre. In: 6th international conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 401-413.
The Getty Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A.
Feilden et Jokilehto 1993 : FEILDEN, Bernard et JOKILETHO, J. - Management guidelines for world cultural
heritage. ICCROM ; UNESCO ; ICOMOS. Rome / Paris. France, 1993.
Garralón Jorba 1991 : GARRALON JORBA, J. - Eflorescencias. In: Jornadas sobre restauracion y conversación de
monumentos. Madrid, 24 y 25 de abril de 1989. p. 185-190. Instituto de conservación y restauración de bienes
culturales. Madrid, Espagne, 1991.
Gbenou 1994 : GNEBOU, J. - Le patrimoine architectural traditionnel en République Populaire du Bénin. Nature -
Politique de conservation - perspectves d’avenir. In: Séminaire national. Réflexion sur la situation des musées en
République Populaire du Bénin. Infosec - Cotonou : du 23 au 27 juillet 1984. p. 91-109. Infosec. Cotonou. Bénin, 1994.
Green 1995: GREEN, Melville - San Gabriel Mission Museum : seismic damage repair and mitigation project. In:
Workshop on the seismic retrofit of historic adobe buildings. March 10, 1995 at the J. Paul Getty Museum. p. 31-33.
Earthen Building Technologies. Pasadena. U.S.A., 1995.
Guarner González 1991: GUARNER GONZALES, I. - Muralla de Niebla, Huelva. In: Jornadas sobre restauracion y
conversación de monumentos. Madrid, 24 y 25 de abril de 1989. p. 143-148. Instituto de conservación y restauración de
bienes culturales. Madrid, Espagne, 1991.
Guillaud 1986 : GUILLAUD, Hubert - Projets de construction en terre ou de réhabilitation réalisés en France.
Synthèse. In: Actes de colloques sur la "Modernité de la construction en terre-1984". Vaulx-en-Velin, 10-11-12 octobre
1984. p. 225-237. Plan Construction, ENTPE, EPIDA. Paris. France, 1986.
Guillaud 2001 : GUILLAUD, Hubert – Recherche en Conservation. Conservation des architectures de terre. Revue de
la litterature scientifique des 15 dernières années. Rapport provisoire. Ed. Projet TERRA (CRATerre-
EAG/ICCROM/GCI), Viillefontaine, France, 2001, 234 p.
Guinea 1991 : GUINEA, M.J. - Consolidación, mejora y nuevas técnicas de construcción con tierra. In: Jornadas
sobre restauracion y conversación de monumentos. Madrid, 24 y 25 de abril de 1989. p. 135-141. Instituto de
conservación y restauración de bienes culturales. Madrid, Espagne, 1991.
Hakimi et Acharhabi 1987 : HAKIMI, A., ACHARHABI, A. - Humidité dans les constructions et principaux
problèmes pathologiques de la médina de Fes. In: Le patrimoine Européen construit en terre et sa réhabilitation.
Colloque international 18-19-20 mars 87 à l'ENTPE. p. 271-306. Formequip. Lyon. France, 1987.
Hartzler 1996 : HARTZEL, Robert - Acrylic-modified earthen mortar. Professional paper n° 61. Intermountain
Cultural Resource Center. Santa Fe. U.S.A., 1996.
Hartzler 1997: HARTZEL, Robert - Acrylic-modified earthen mortar. In: CRM. vol. 20. n° 10. p. 50-52. US
Department of the Interior, National Park Service, Cultural Resources. Washington. U.S.A., 1997.
Helmi 1990: HELMI, F.M. - Deterioration and conservation of some mud brick in Egypt. In: 6th international
conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints, p. 277-282. The Getty Conservation
Institute. Los Angeles. U.S.A., 1990.
Hereida et al. 1995 : HEREIDA, E., VARGAS, N., BARIOLA, B. - Impermeabilizacion de construcciones con tierra.
In: Habiterra. Exposición iberoamericana de construcciones de tierra, p. 226-227. ESCALA. Santafé de Bogotá.
Colombia, 1995.
Honeysett 1995: HONEYSATT, Barry - Common structural defects and failures in cob buildings and their diagnosis
and repair. In: Out of earth II. National conference on earth buildings. p. 165-177. Plymouth School of Architecture,
Centre for Earthen Architecture. Plymouth, Royaume-Uni, 1995.
Houben 1997: HOUBEN, Hugo - Desert Development Center of the American University in Cairo. Mission in Egypt
from 22.02.97 to 01.03.97. Report on the partial collapse of the DDC building Sadat-City. American University,
Facilities Department. Cairo. Villefontaine. France, 1997.
Houben et Guillaud 1994 : HOUBEN, Hugo, GUILLAUD, Hubert - Earth construction. A comprehensive guide. IT
Publications. Londres, Royaume-Uni, 1994.
Page 283
Hubert Guillaud
Hoyle 1990 : HOYLE, Ana Maria - Chan Chan : aportes para la conservación de la arquitectura de tierra. In: 6th
international conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 225-229. The Getty
Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A.
Hoyle et al. 1993 : HOYLE, Ana Maria, CARCELEN, S., SAAVEDRA, F. - Conservacion del castillo Tomaval, In: 7a
conferência internacional sobre o estudo e conservação da arquitectura de terra. 24 a 29 de Outubro 1993, Silves,
Portugal, p. 480-487. Direcção Geral dos Edifícios e Monumentos Nacionais. Lisbon. Portugal.
Hoyle 1998: HOYLE, Ana Maria - Chan Chan patrimonio mundial. Memoria estado de la gestión, plan de manejo.
Instituto Nacional de Cultura La Libertad, Curso Panamericano de conservación PAT 96. Trujillo. Peru, 1998.
Hughes 1983: HUGHES, Richard - Material and structural behaviour of soil constructed walls. In: Monumentum N° 3.
Techniques and materials. Londres, Royaume-Uni, 1983.
Hughes 1985 : HUGHES, Richard - The repair and maintenance of soil construction buildings. PGC-HS/KU Leuven,
CRA/UCL. Leuven. Belgique, 1985.Hughes 1986 : HUGHES, Richard - Saving soil structures. Conservation
techniques for historic buildings constructed in soil. In: 2ièmes rencontres internationales pour la protection du
patrimoine culturel. Avignon, 5, 6 et 7 novembre 1986. Centre de Congrès du Palais des Papes. Avignon. France, 1986.
Hughes 1986 : HUGHES, Richard - Le patrimoine culturel et les "risques naturels". In: Rencontres internationales
pour la protection du patrimoine culturel. 2eme colloque. Congrés du Palais des Papes. Avignon. France, 1986.
Hughes 1986: HUGHES, Ph. - The need for old building to “breathe”. Society for the Protection of Ancient Buildings.
Londres, Royaume-Uni, 1986.
Hughes 1988: HUGHES, Richard - The geotechnical study of soils used as structural materials in historic monuments.
In: Engineering geology of ancient works, monuments and historical, sites. p. 1041- 1048. Balkema. Rotterdam, Pays-
Bas, 1988.
Hughes (Ove Arup & Partners) 2000: HUGHES, Richard - British Land Pic. Plantation Place. Method Statement for
Archaeologically Excavating Documenting and Alanysing Buried Soil Walls. Londres, Royaume-Uni, 2000.
Hughes 2001: HUGHES, Richard - Structural and hydrological engineering. Project TERRA Literature Review, ed.
GCI, Los Angeles, U.S.A., 21 p., 2001.
Jeannet et al. 1986 : JEANNET, Jacky, POLLET, Gérard, SCARATO, Pascal - Le pisé. Patrimoine, restauration,
technique d'avenir. Editions CREER. Nonette. France, 1986.
Jerome 1991 : JEROME, Pamela, S. - Analysis and conservation of mudbrick construction in Bronze Age Crete.
Graduate School of Architecture, Planning and Preservation. Bogota. Colombie, 1991.
Joffroy 1992 : JOFFROY, Thierry - Expertise technique et financière du mur d'enceinte de la résidence consulaire de
Marrakech. Rapport de mission à Marrakech, Maroc. 21/04/92 - 27/04/92. MAE (Ministère des Affaires Etrangères),
Direction du personnel et de l'administration générale, Service des immeubles et des affaires générales. Paris. France,
1992.
Joffroy 1996 : JOFFROY, Thierry - Mission to the Gambia, 6-16 may 1996. UNESCO, World Heritage Centre. Paris.
France, 1996.
Joffroy 1997 : JOFFROY, Thierry - In situ training programme Ashanti traditional buildings, Ghana. Report of
mission, June 1997. UNESCO, World Heritage Centre. Paris. France, 1997.
Joffroy et Moriset 1996 : JOFFROY, Thierry, MORISET, Sébastien - Guide d’entretien du musée d’Abomey (palais
de Ghézo et de Glélé). PREMA - BENIN - II. CRATerre-EAG ; ICCROM. Grenoble / Rome. Italie, 1996.
Joffroy et Moriset 1996 : JOFFROY, Thierry, MORISET, Sébastien - Palais royaux d’Abomey. 1. Circonstances et
processus de dégradation. (PREMA - BENIN - II). CRATerre-EAG ; UNESCO, Centre du Patrimoine Mondial ;
ICCROM. Grenoble / Paris / Rome. Italia.
Joffroy et Moriset 1996 : JOFFROY, Thierry, MORISET, Sébastien - Chantiers pilotes de formation à la conservation
des mosquées de Tombouctou. Rapport de mission réalisée à Tombouctou, Mali du 22 novembre au 20 décembre 1996.
UNESCO, Centre du Patrimoine Mondial ; CRATerre-EAG ; ICCROM. Paris / Grenoble / Rome. Italia.
Joffroy et Odul 1989 : JOFFROY, Thierry, ODUL, Pascal - Expertise de la maison en pisé de Mme Rajon à
Coublevie. In: Rapport expertise. CRATerre-EAG. Grenoble. France.
Joffroy et al. 1997: JOFFROY, Thierry, SAVAGE, D., KWAMI, M., MORISET, Sébastien - Conservation of the “Our
Lady of Seven Sorrows cathedral”, Navrongo, Ghana. The Getty Grant Project ; GAIA Project ; Ghana Museums and
Monuments Board. Los Angeles / Grenoble / Accra. U.S.A. & France, 1997.
Keefe 1993 : KEEFE, L. - The cob building of Devon 2. Repair and maintenance. Devon Historic Buildings trust.
Devon. Royaume-Uni, 1993.
Koob et al. 1990: KOOBE, S.P., ROGERS, M.H., SAMS, G.K. - Preserving the eighth Century B.C. mud brick
architecture at Gordion, Turkey: approaches to conservation. In: 6th international conference on the conservation of
earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 289-294. The Getty Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A, 1990.
Leroy Tolles et al. 1996: LEROY TOLLES, E., WEBSTER, Fred, A., CROSBY, Anthony, KIMBRO, Edna, E. -
Survey of damage to historic adobe buildings after the January 1994 Northridge earthquake. GCI scientific program
report 1996. The Getty Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A., 1996.
Page 284
Hubert Guillaud
Leroy Tolles et al. 1991: LEROY TOLLES, E., WEBSTER, Fred, A., THIEL, C.E., KIMBRO, Edna, E.A., GINELL,
William, S. - Framework for understanding the seismic performance of adobe. In: Conference on seismic retrofit of
historic buildings, San Francisco, November 18-19 1991. National Park Service. San Francisco. U.S.A., 1991.
Li Zuixiong 1990: LI ZUIXIONG - Consolidation of a neolithic earthen site with potassium silicate. In: 6th
international conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 295-301. The Getty
Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A., 1990.
Margueron 1993 : MARGUERON, Jean-Claude - Premiers regards sur les solutions techniques mises en oeuvre à
Mari (Syrie), vers 2500-2000 av. J.-C., pour la conservation e l’architecture de terre. In: 7a conferência internacional
sobre o estudo e conservação da arquitectura de terra. 24 a 29 de Outubro 1993, Silves, Portugal, p. 299-303. Direcção
Geral dos Edifícios e Monumentos Nacionais. Lisbon. Portugal, 1993.
Mari et al. 1998 : MARI, C., CAPRIANI, Ugo, FINOTELLI, F. - Progetto di restauro e valorizzazione dell’antica
Ebla. In: Restauro e valorizzazione turistica. Università degli Studi di Roma “La Sapienza”. Rome. Italie, 1998.
Matero 1995: F.G. : MATERO, Franck, G. - A programme for the conservation of architectural plasters in earthen
ruins in the American Southwest, Fort Union National Monument, New Mexico, USA. In: Conservation and
management of archaeological sites. vol. 1. n° 1. p. 5-24. James & James. London. Royaume-Uni, 1995.
Matero 1997: F. G. : MATERO, Franck, G. - Managing change. Conservation of surface finished at Mesa verde’s cliff
dwellings. In: CRM. vol. 20. n° 10. p. 39-42. US Department of the Interior, National Park Service, Cultural Resources.
Washington. Royaume-Uni, 1997.
Mesbah et Olivier 1990 : MESBAH, Ali, OLIVIER, Myriam - Essais simplifiés pour l'identification des sols. In: 1er
séminaire international sur l'ingénieurie des constructions en terre, 30-31 Mai, 1erJuin 1990, Marrakech. LPEE.
Casablanca. Maroc, 1990.
Metzger et al. 1988 : METZGER, T.R., NORDBY, L., TROTT, J. - Pueblo Grande preservation plan. Pueblo Grande
Museum, Archaeology Division. Phoenix. U.S.A., 1988.
Middleton et Schneider 1987: MIDDLETON, G.F., SCHNEIDER, Laurie, M. - Earth-wall construction. Bulletin n° 5.
Fourth edition. National Building Technology Centre. Chatswood. Sydney. Australie, 1987.
Morales Gamarra 1994: MORALES GAMARRA, Ricardo - La conservación de relieves de barro polícromos en la
costa norte del Perú. In: Moche. Propuestas y perspectivas. Actas del primer coloquio sobre la cultura Moche, Trujillo,
12 al 16 de abril de 1993. p. 477-492. Universidad Nacional de la Libertad, Instituto Francés de Estudios Andinos,
Asociación Peruana para el Fomento de las Ciencias Sociales. Trujillo. Peru.
Moraru et al. 1993 : MORARU, D.S., DIMA, L., SANDRU, L. - La consolidation des constructions historiques et/ou
archéologiques en terre (argile) par injection électrocynétique avec une solution de chaux-benthonite-urée. In: 7a
conferência internacional sobre o estudo e conservação da arquitectura de terra. 24 a 29 de Outubro 1993, Silves,
Portugal, p. 426-428. Direcção Geral dos Edifícios e Monumentos Nacionais. Lisbon. Portugal, 1993.
Nardi 1988 : NARDI, R. - Conservation of medieval structures of mudbrick and of fired brick laid in clay. In: 5th
international meeting of experts on the conservation of earthen architecture. p. 71-80. CRATerre-EAG. Grenoble.
France, 1988.
Naval Mas 1990: NAVAL MAS, A. - Restauración y mantenimiento de las casas de Labranza del somontano en el
alto Aragón. Diputación General de Aragón, Departamento de Ordenación del Territorio. Saragossa. Espagne, 1990.
Odul 1990 : ODUL, Pascal - Etude de pathologie réalisée à la demande de Fernand Fédéle. Rapport d'expertise. EAG,
CRATerre. Grenoble. France, 1990.
Odul 1990 : ODUL, Pascal - Pathologie humide de constructions en terre : méthodologie de diagnostic. In: 6th
international conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 404-413. The Getty
Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A., 1990.
Oliver 2002: OLIVER, Anne, 2002 - Conservation interventions for non-decorated earthen materials. Project TERRA
Literature Review, ed. GCI, Los Angeles, U.S.A., 18 p., 2002.
Oliver 2002: OLIVER, Anne - Conservation interventions for earthen archaeological sites. Project TERRA Literature
Review, ed. GCI, Los Angeles, U.S.A., 19 p., 2002.
Oliver 2002: OLIVER, Anne - Modified earthen materials; an overview of current research. Project TERRA Literature
Review, ed. GCI, Los Angeles, U.S.A., 12 p. & bibliography related to the section (117 ref.).
Ottazi et Villagarcia 1995 :OTTAZI, G., VILLAGARCIA, G. - Ensayos de simulacion sismica en viviendas de adobe.
In: Habiterra. Exposición iberoamericana de construcciones de tierra, p. 220-221. ESCALA. Santafé de Bogotá.
Colombie, 1995.
Pearson 1995 : PEARSON, Gordon, T. - Repair techniques in the Test valley : dealing with structural cracks. In: Out
of earth II. National conference on earth buildings. p. 182-186. Plymouth School of Architecture, Centre for Earthen
Architecture. Plymouth. Royaume-Uni, 1995.
Pearson 1992 : PEARSON, Gordon, T. - Conservation of clay & chalk buildings. Donhead. London. Royaume-Uni,
1992.
Page 285
Hubert Guillaud
Peroni et al. 1994 : PERONI, S., TERSIGNI, C., TORRACA, Giorgio - Lime based mortars for the repair of ancient
masonry and possible substitutes. In: International course on the preservation of the earthen architectural heritage.
GAIA project, PAT 94, chap. Mortars, plasters and renders. CRATerre, ICCROM . Grenoble / Rome. France & Italie,
1994.
Pinilla Velasco 1991 : PINILLA VELASCO, F. - Métodos de eliminacion de humedades por capilaridad. In: Jornadas
sobre restauracion y conversación de monumentos. Madrid, 24 y 25 de abril de 1989. p. 199-203. Instituto de
conservación y restauración de bienes culturales. Madrid. Espagne, 1991.
Piqué et Rainer 1996 : PIQUÉ, Francesca, RAINER, Leslie - Conservation of the bas-reliefs from the salle des bijoux
at the musée historique, palais royaux d’Abomey. The Getty Conservation Institue. Los Angeles. U.S.A., 1996.
Piqué et Rainer 1997: PIQUÉ, Francesca, RAINER, Leslie - Benin : the royal palaces of Abomey. In: US/ICOMOS. n°
5. p. 3, 10. US/ICOMOS. Washington. U.S.A., 1997.
Pujal 1993 : PUJAL, A.J. - Restoration techniques for earthen buildings of historical value. Actual cases. In: 7a
conferência internacional sobre o estudo e conservação da arquitectura de terra. 24 a 29 de Outubro 1993, Silves,
Portugal. p. 244-249. Direcção Geral dos Edifícios e Monumentos Nacionais. Lisbon. Portugal, 1993.
Ramirez 1992 : RAMIREZ, Beatriz - La pathologie des anciennes constructions en terre. Diagnostic. Méthode
d'observation. EAG. Grenoble. France, 1992.
Rainer 2002: RAINER, Leslie H. - Interventions and maintenance of decorated surface on earthen architecture.
Project TERRA Literature Review, ed. GCI, Los Angeles, U.S.A., 25 p. 2002.
Rainer 2003: RAINER, Leslie H. - Water, wind, salt, biological, Environmental, deterioration / pathology. Project
TERRA Literature Review, ed. GCI, Los Angeles, U.S.A., 20 p., 2003
Ridout 2002: RIDOUT, Brian V. - Overview of moisture monitoring and biological control in the walls of earth
buildings. Project TERRA Literature Review, ed. GCI, Los Angeles, U.S.A., 23 p., 2002.
Roselund 1993 : ROSELUND, N. - Repair of cracked adobe walls by injection of modified mud. In: 7a conferência
internacional sobre o estudo e conservação da arquitectura de terra. 24 a 29 de Outubro 1993, Silves, Portugal, p.
336-341. Direcção Geral dos Edifícios e Monumentos Nacionais. Lisbon. Portugal, 1993.
San Bartolomé 1995 : SAN BARTOLOMÉ, A. - Ensayo sismico de un modulo de tapial reforzado. In: Habiterra.
Exposición iberoamericana de construcciones de tierra, p. 222-223. ESCALA. Santafé de Bogotá. Colombie, 1995.
Saremkalali et Witmann 1987 : SAREMKALALI, H., WUTMANN, F.H. - Protection des maçonneries en terre crue.
In: Le patrimoine Européen construit en terre et sa réhabilitation. Colloque international 18-19-20 mars 87 à l'ENTPE.
p. 175-193. Formequip. Lyon. France, 1987.
Saunders 1997 : SAUNDERS, J. - Conserving historic earthbuildings. In: EBANZ newsletter. May 1997. p. 25-28.
EBANZ. Whangarei. Nouvelle Zélande, 1997.
Scarato 1987 : SCARATO, Pascal - Pathologie, restauration, réhabilitation terre. Auvergne Rhône Alpes, une
association spécialisée sur le terrain. In: Le patrimoine Européen construit en terre et sa réhabilitation. Colloque
international 18-19-20 mars 87 à l'ENTPE. p. 139-150. Formequip. Lyon. France, 1987.
Selwitz 1995: SELWITZ, C. - Saving the Fort Selden ruins. The use of a composite blend of chemicals to stabilize
fragile historic adobe. In: Conservation and management of archaeological sites. vol. 1. p. 69-71. James & James.
London. Royaume-Uni, 1995.
Selwitz 1995 : SELWITZ, C. - Continuing research on the development of a composite treatment for preserving
historic adobe. In: US/ICOMOS. Committee on earthen architecture. n° 10. p. 10-11. US/ICOMOS. Washington.
U.S.A., 1995.
Selwitz et Caperton 1995 : SELWITZ, C. , CAPERTON, Th. J. - Chemical stabilization of adobe in the restoration of
the Montaño store. In: APT bulletin. p. 37-41. APT. Fredericksburg. U.S.A., 1995.
Selwitz et al. 1990 : SELWITZ, C. , COFFMAN, R., AGNEW, Neville - The Getty adobe research project at Fort
Selden. III. An evaluation of the application of chemical consolidants to test walls. In: 6th international conference on
the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 255-260. The Getty Conservation Institute. Los
Angeles. U.S.A., 1990.
Semple Kerr 1996 : SEMPLE KERR, J. - The Conservation Plan. The National Trust of Australia. Sydney. Australie,
1996 (4th enlarged edition).
Silver 1990 : SILVER, Constance, S. - Aztec ruins national monument : report on the conservation treatment of plasters
in rooms 117 and 156. Conservation of Cultural Treatment. New York. U.S.A., 1990.
Silver 1990 : SILVER, Constance, S. - Analyses and conservation of Pueblo architectural finishes in the American
Southwest. In: 6th international conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 176-
181. The Getty Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A., 1990.
Silver 1992: SILVER, Constance, S. - Conservation treatment of prehistoric murals on mud renderings at Aztec ruins
national monument. In: US/ICOMOS Newsletter. n° 7. p. 6. US/ICOMOS. Washington. U.S.A., 1992.
Skibinski 1991 : SKIBINSKI, S. - Problemas de conservación de monumentos arqueologicos de piedra en el Peru y
Ecuador. UNESCO, Wydawnictwa UMK. Paris / Torun. France & Pologne, 1991.
Page 286
Hubert Guillaud
Sramek et Losos 1990 : SRAMEK, J., LOSSOS, L. - Outline of mud brick structures conservation at Abusir, Egypt.
In: 6th international conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 449-454. The Getty
Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A., 1990.
Stanley Price et al. 1996 : STANLEY PRICE, Nicholas, TALLEY, K. Jr., MELUCCO VACCARO, A. - Historical
and philosophical issues in the conservation of cultural heritage. The Getty Conservation Institute. Los Angeles.
U.S.A., 1996.
Stevens 1986 : STEVENS, André - Structures nouvelles de protection des sites archéologiques du tiers-monde. In:
Preventive measures during excavation and site protection. Conference. Mesures préventives en cours de fouilles et
protection du site. Ghent, 6-8 novembre 1985. p. 225-244. ICCROM. Rome. Italie, 1986.
Sullivan 1996 : SULLIVAN, Sharon - Heritage Management Training Project. Course Manual. Edited for publication
by Leora Kirwan and Peter Judge. Commonwealth of Australia. Australie, 1996.
Sullivan 1997 : SULLIVAN, Sharon - A Planning Model for the Management of Archaeological Sites, in The
Conservation of Archaeological sites in the Mediterranean Region. The Getty Conservation Institute. Los Angeles.
U.S.A., 1997.
Taylor 1987 : TAYLOR, Michaël Romero - An overview and assessment of cappings used for protecting exposed
adobe walls. Architectural Conservation Course. Rome. Italie, 1987.
Taylor 1987 : TAYLOR, Michaël Romero - Fort Selden test wall project. Second annual status report. Museum of
New Mexico. New Mexico. U.S.A., 1987.
Taylor 1990 : TAYLOR, Michaël Romero - An evaluation of the New Mexico State monuments adobe test walls at
Fort Selden. In: 6th international conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints, p. 383-
389. The Getty Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A., 1990.
Teutonico 1991 : TEUTONICO, Jeanne-Marie - Memorandum. Traditional claywork (cob and daub) seminar. In:
Traditional claywork (cob and daub) seminar to be held at Bowhill, Exeter, 6 february 1991. English Heritage.
Londres. Royaume-Uni, 1991.
Teutonico 1988 : TEUTONICO, Jeanne-Marie - A laboratory manual for Architectural Conservation.. ICCROM.
Rome. Italie, 1988.
Teutonico et al. 1994: TEUTONICO, Jeanne-Marie, McCAIG, I., BURNS, C., ASHURST, John - The Smeaton
Project : factors affecting the properties of lime-based mortars. English Heritage. Londres. Royaume-Uni, 1994.
Tharan 1987 : THARAN, M. - Pathologie de l'adobe. In: Le patrimoine Européen construit en terre et sa
réhabilitation. Colloque international 18-19-20 mars 87 à l'ENTPE. p. 507-516. Formequip. Lyon. France, 1987.
Torraca 1988 : TORRACA, Giorgio - Porous building materials. Materials science for architectural conservation.
ICCROM. Rome. Italie, 1988.
Torrealva Davila 1995 : TORREALVA DAVILA, Daniele - Ensayos sismicos de modulo de Quincha en dos pisos. In:
Habiterra. Exposición iberoamericana de construcciones de tierra, p. 224-225. ESCALA. Santafé de Bogotá.
Colombie, 1995.
Uviña et al. 1998 : UVIÑA, Francisco, C. - Adobe architecture conservation handbook. Cornerstones Community
Partnerships. Santa Fe. U.S.A., 1998 (réédité en 2006).
Van Balen 1990 : VAN BALEN, Karen - Méthodologie de la conservation et de la restauration des monuments en
terre. In: 6th international conference on the conservation of earthen architecture. Adobe 90 preprints. p. 182-187. The
Getty Conservation Institute. Los Angeles. U.S.A., 1990.
Vargas Neuman et al. 1985 : VARGAS NEUMAN, Julio, BARIOLA, J., BLONDET, M., METHA, P.K. - Seismic
strenght of adobe masonry. In: Conference papers of the international colloquium on "Earth construction technologies
appropriate to developing countries". Proceedings of the international colloquium. Brussels, 10-12 December 1984. p.
392-408. PGC-HS/KU Leuven, CRA/UCL. Leuven. Belgique, 1985.
Vargas Neumann 1993 : VARGAS NEUMAN, Julio - Earthquake resistant rammed-earth (tapial) buildings. In: 7a
conferência internacional sobre o estudo e conservação da arquitectura de terra. 24 a 29 de Outubro 1993, Silves,
Portugal, p. 503-508. Direcção Geral dos Edifícios e Monumentos Nacionais. Lisbonne. Portugal, 1993.
Vargas Neumann 1993 : VARGAS NEUMAN, Julio - Seismic retrofitting of historic adobes. In: 7a conferência
internacional sobre o estudo e conservação da arquitectura de terra. 24 a 29 de Outubro 1993, Silves, Portugal, p.
533-538. Direcção Geral dos Edifícios e Monumentos Nacionais. Lisbonne. Portugal, 1993.
Velde 2003: VELDE, Bruce - Clay minerals and Earthen Materials. Project TERRA Literature Review, ed. GCI, Los
Angeles, U.S.A., 24 p., 2003.
Velde 2003: VELDE, Bruce - Geology of clays and earthen materials. Project TERRA Literature Review, ed. GCI, Los
Angeles, U.S.A., 24 p., 2003.
Velde 2003: VELDE, Bruce - Compaction of soils and fine grains earthen materials. Project TERRA Literature
Review, ed. GCI, Los Angeles, U.S.A., 8 p., plates.
Page 287
Hubert Guillaud
Watanabe et Bossart 1992 : WATANABE, Kunio, BOSSART, P. - Complementary methods for measuring water
inflow into the ventilation drift. In: Technical report 91 - 34. Grimsel test site. Overview of Nagra field and modeling
activities in the ventilation drift (1988 - 1990). Nagra. Wettingen. Japon, 1992.
Watanabe et Tsutsui 1994 : WATANABE, Kunio, TSUTSUI, Y. - A new equipment used for measuring evaporatin in
a field. Un nouvel équipement utilisé dans la mesure de l’évaporation sur le terrain. In: 7th internationl IAEG
Congress. p. 309. Balkema. Rotterdam. Pays-Bas et Japon, 1994.
Webster 1994 : WEBSTER, Frederick A. - Research and code improvement. Some thoughts on “Adobe codes”. In:
Adobe codes. For the owner-coordinator or professional. A guide to the adobe codes of Arizona, New Mexico and
Texas - with California details. 3rd edition. p. 53-58. Southwest Solaradobe School. Bosque. U.S.A., 1994.
Webster et Guinn 1993 : WEBSTER, Frederick A., GUINN, J.D. - Evolution of sismic retrofit techniques for historic
and older adobes in California. In: 7a conferência internacional sobre o estudo e conservação da arquitectura de terra.
24 a 29 de Outubro 1993, Silves, Portugal, p. 521-525. Direcção Geral dos Edifícios e Monumentos Nacionais.
Lisbonne. Portugal, 1993.
Webster 2002: WEBSTER, Frederick A. - Seismic deterioration/pathology of earthen architecture and seismic
interventions in earthen architecture. Project TERRA Literature Review, ed. GCI, Los Angeles, U.S.A., 10 p., 2002.
Page 288
Hubert Guillaud
La question centrale de la bonne conception architecturale et de la bonne mise en oeuvre oblige à reconsidérer le savoir
et le savoir-faire du maître d'oeuvre et du bâtisseur. C'est en effet en renouant avec une longue tradition du "savoir-
concevoir" et du "savoir bâtir" en terre et en exploitant les apports récents d'une technologie actuelle que l'on peut et
pourra encore produire une architecture de terre de grande qualité. Plusieurs dictons régionaux prennent acte de ce bon
sens et de cette sagesse populaires. Tel ce dicton de la région du Devon, en Angleterre : "All cob wants is a good hat
and a good pair of shoes" (Tout ce que souhaite une maison en terre, c'est un bon chapeau et une bonne paire de
chaussures). Traduisons une bonne toiture et un bon soubassement.
Force est-on de constater que ce "savoir architectural" et ce "savoir construire" sont malheureusement aujourd'hui
éclipsés par une nouvelle démarche que l'on dénommera ici le "savoir blinder". Une tendance actuelle de la construction
en terre fait en effet davantage appel à l'ingénierie, parfois très sophistiquée, en vue d'accroître la résistance à l'eau de la
"terre" tout en ignorant la démarche traditionnelle éprouvée qui consiste à rendre le "bâtiment" résistant à l'eau c'est-à-
dire à intégrer pleinement le rôle central de l'architecture pour garantir la qualité, la performance, la résistance et la
durabilité des constructions. Cette démarche du blindage est malheureusement très souvent un costume cache-misère
qui dissimule les erreurs d'une mauvaise conception architecturale ou d'une conception qui n'est pas spécifique au
matériau terre, qui emprunte maladroitement à la construction en béton ou en blocs creux de béton. Les bâtiments ainsi
conçus sont dotés de chaînages en tous genres, d'enduits, ou cherchent une protection dans la stabilisation excessive du
matériau. Une telle démarche tend aussi à sophistiquer la production et à grever son coût de réalisation.
Page 289
Hubert Guillaud
Les bâtiments construits en terre sont particulièrement sensibles à l'eau. Pour que l'eau agisse, trois conditions doivent
être réunies :
- présence d'eau à la surface du bâtiment ;
- présence d'une ouverture dans cette surface qui permet à l'eau de s'introduire ;
- action d'une force - pression, gravité, capillarité - qui fait pénétrer l'eau dans l’ouverture.
En éliminant la possibilité d'une réunion de ces trois conditions favorables au cheminement dynamique de l'eau, il est
possible de garantir une situation saine qui préserve du risque de pathologie d’humidité.
Il est notamment possible de réduire l'action de l'eau sur les murs de terre en construisant de bonnes fondations et en
élevant des soubassements, en protégeant le sommet des murs et en supprimant les risques de ruissellement et de
condensation de surface. Il faut toutefois veiller à ne pas imperméabiliser les murs de terre qui ont avant tout besoin de
respirer, d'être perméables aux migrations de vapeur d'eau. La meilleure disposition à prendre consiste à éloigner l'eau
du bâtiment, notamment en s'assurant de la bonne qualité du drainage périphérique de la base des murs. On retiendra le
fait que l'imprégnation de surface du mur par l'eau et l'humidité, généralement suivie d'un cycle d'évaporation n'est pas
très grave mais que la pénétration de l'eau et sa stagnation dans la masse des murs de terre peut être très grave et causer
des désordres majeurs d'ordre structurel (altération du matériau) et structural (altération de l'enveloppe construite).
Les actions les plus typées de l'eau sont résumées par ce que l'on dénomme "le système de la goutte d'eau" (Fig. 47):
impact, ruissellement, stagnation, absorption, infiltration, rejaillissement. Dans un deuxième stade, l'action de l'humidité
(plus liée à la stagnation, à la perméabilité et la capillarité) agit de façon très malsaine car le plus souvent dissimulée.
Ces actions néfastes de l'eau et de l'humidité sont d'autant plus fortes que le matériau est d'une porosité élevée.
La pathologie classique confirme l'existence de trois points faibles principaux, particulièrement exposés et méritant une
attention soutenue lors de la phase de conception des projets :
- la base du mur ;
- le haut du mur ;
- un ensemble de points faibles localisés : tableaux d'ouvertures, angles extérieurs, saillies, Évacuation des eaux
pluviales.
Hors ces points faibles, on observe le plus souvent que la partie courante des murs de terre est beaucoup moins sensible
aux agents d'altération ou de dégradation.
A. Fondations
La base des murs, à partir des fondations peut être sujette au mécanisme malsain de capillarité qui peut avoir plusieurs
origines : fluctuations saisonnières de la nappe phréatique, rétention d'eau par une végétation arbustive proche des murs,
détériorations du réseau d'évacuation des eaux pluviales ou des eaux vannes, déficience ou absence du drainage
périphérique, stagnation d'eau à proximité des murs.
Ce mécanisme de capillarité et ces causes variées peuvent créer et entretenir un état humide durable qui contribuera à
affaiblir la base des murs de terre : changement d'état du matériau (de l'état solide à l'état plastique) avec moindre
capacité à supporter les charges et risque d'effondrement, développement d'efflorescences salines qui favorisent le
creusement de cavités et l'attirance d'une faune d'insectes et de rongeurs contribuant à accuser le minage de la base des
murs.
Page 290
Hubert Guillaud
B. Soubassement
Au dessus du terrain naturel, la base des murs peut être attaquée par le rejaillissement de l'eau à partir du réseau
d'évacuation des eaux pluviales (débordement du flux, fuites), à cause d’appuis de baies mal conçus (absence de goutte
d'eau par exemple), du fait d'éclaboussures de flaques stagnantes (mauvais drainage) au passage de véhicules, du fait
d’un lavage intérieur des sols (plinthes peu élevées) ou encore à cause d'un phénomène de condensation de surface en
paroi froide (notoire en zones climatiques à écarts de température diurne et nocturne marqués), à cause d'une
imperméabilisation de surface bloquant l'évaporation (chaussée goudronnée, trottoir en béton) ou favorisant un
mécanisme de fixation de point de rosée à l'interface du mur et de sa peau (enduit étanche), enfin à cause du
développement d'une flore parasite pathogène (mousse) favorisée par une ambiance générale d’humidité. Ces
mécanismes et causes variées contribuent au creusement et à l'infiltration de l'eau dans de la base des murs, au séjour
prolongé de l'humidité qui affaiblit la résistance du matériau et de la structure.
C. Mur courant
Lorsque le mur courant est sain il est peu exposé au risque de pathologie due à l'eau ou à l'humidité. Par contre, des
dégradations telles que fissures de tassement différentiel ou de cisaillement, fissures de retrait dues aux cycles répétés
de mouillage-séchage, joints de mortier dégradés, trous de clefs de banches non rebouchés, sont des voies directe
d'infiltration de l'eau qui accentuent les mécanismes de capillarité et de stagnation. Il peut alors s'en suivre une
accélération des mécanismes de creusement du mur et d'affaiblissement structural du fait d'un séjour prolongé de
l'humidité.
D. ouvertures et baies
Le système de la goutte d'eau est notamment très actif à l'interface du mur et des tableaux d'ouvertures (portes et
fenêtres). L'eau ruisselle au droit du linteau, des jambages, de l'appui ou du seuil et s'infiltre entre la maçonnerie ou le
bâti du tableau et le mur. Des dégradations, d'abord localisées peuvent très vite s'étendre et accuser un creusement
significatif du mur de terre jusqu'à mettre en péril la stabilité structurale des systèmes d'ouverture et de baies.
E. enduits
Lorsque les murs d'un bâtiment en terre sont revêtus d'un enduit étanche aux migrations de vapeur d'eau (enduits au
ciment ou enduits plastifiés par exemple), la condensation sur la paroi froide du mur (intérieur en été et extérieure en
hiver) génère un point de rosée à l'interface de l'enduit et du mur qui se traduit par une pathologie humide cachée
activant la dégradation structurelle du matériau, son creusement et pouvant causer des risques d'effondrement inattendu
du mur.
Les appuis de poutres de planchers et dans certains cas les traversées de mur par ces mêmes poutres (systèmes
traditionnels de toitures plates par exemple), peuvent être un lieu privilégié d'infiltration de l'eau, notamment par le droit
des fissures structurales dues au poinçonnement aux appuis ou au cisaillement. Ces infiltrations localisées peuvent à la
longue occasionner un affaiblissement structural et des risques d'effondrement.
C'est souvent au passage des gargouilles mal conçues et non protégées à leurs entrées ou déverses que l'on observe des
problèmes d'humidité dus au ruissellement et à des infiltrations. Le bouchage de ces gargouilles par des matériaux
transportés par le drainage des toitures peut amplifier cette pathologie humide: déverse, absorption d'eau stagnante,
capillarité, etc. Les gargouilles déversant en façades exposées aux vents dominants favorisent le rejaillissement sur les
murs et donc un lessivage puis une érosion ; de même les gargouilles déversant au dessus de piliers ou de contreforts, de
baies ou de saillies dans le mur.
Les constructions traditionnelles à toitures plates présentent souvent une solution d'acrotère couronnant le haut des
murs. Cette partie de l'édifice, bien protégée (enduit, chapeau débordant) ne présente pas de risque d'exposition à l'eau
pour peu qu'elle soit régulièrement entretenue. Par contre, lorsque les mécanismes de dégradation (décollement d'enduit,
Page 291
Hubert Guillaud
dégradation partielle du chapeau ou fissures) sont engagés, l'action pathogène de l'eau peut être très rapide et contribuer
à une destruction partielle de l'acrotère exposant par suite le haut des murs. On observera également que le séjour
prolongé d'objets sur les terrasses, en appui contre les acrotères ou l'arrosage de bacs à plantes décoratives peut aussi
être à l'origine d'une pathologie humide. Des toitures plates et acrotères bien drainés, entretenus et propres, dotés de
systèmes d'évacuation des eaux pluviales bien conçus suppriment le risque de pathologie humide.
Les bâtisseurs traditionnels, sous toutes les latitudes du monde, ont imaginé des dispositions particulières, d'ordre
architectural (forme du bâtiment, traitement soigné des détails) qui contribuent à assurer une bonne qualité et une bonne
durabilité aux bâtiments. On prendra ici l'exemple des architectures en "pisé" traditionnelles du Sud marocain (vallées
du Drâa, du Dadès, du Ziz et du Rhéris, douars de l'Atlas) qui témoignent de cette habilité du bâtisseur traditionnel, de
son remarquable "savoir concevoir "et "savoir bâtir" (Fig.1).
I. Désordres typiques
Les désordres types de structure se manifestent par des fissures mais aussi par l'effet de fortes contraintes localisées
(poinçonnement, flambement, effondrement), ou encore une décomposition structurelle du matériau sous l'action de
l'eau et de l'humidité car les problèmes de structures et d’humidité sont souvent reliés. Ainsi soigner les pathologies
d’humidité est toujours un préalable nécéssaire avant de s’attaquer aux problèmes de structure.
A. Fissures structurales
Elles proviennent le plus souvent d'erreurs d'exécution, de modifications ultérieures du bâtiment ou de causes
accidentelles. Une trop forte compression, un poinçonnement localisé, des efforts excessifs de traction, flexion ou
cisaillement peuvent mettre le matériau en situation de dépassement de résistance aux contraintes mécaniques. Ces
contraintes qui sont soit localisées (ouvertures, planchers) soit exercées dans la masse des murs (mauvaises fondations
et tassement différentiel) créent des fissures qui sont à même de diminuer la stabilité des édifices et de créer des voies
d'infiltration de l'eau.
B. Fissures de retrait
Elles sont le plus souvent dues à des négligences de contrôle de la qualité du matériau terre employé et de sa mise en
oeuvre (mauvais contrôle de la T.E.O. avec compactage côté humide par exemple). Des terres trop argileuses ou
réciproquement peu cohésives, présentant des propriétés d'instabilité structurelle aux cycles d'humidification-séchage ou
de porosité élevée, sont exposées à des risques de fissurations de retrait. Ces fissures sont caractéristiques, verticales et
régulières (tous les 0,50 m à 1 m pour le pisé par exemple). Le retrait peut être aussi du à de fortes variations
hygrothermiques (diurnes-nocturnes, saisonnières).
C. Flambement
L'élancement d'un mur mal ou non chaîné, l'exercice localisé de charges trop importantes, peuvent être à l'origine de
fortes contraintes mécaniques pouvant déformer la structure : flambement du mur, ventre extérieur que traduisent
souvent des fissurations (pas toujours car la terre présente des caractéristiques de fluage très importantes).
Page 292
Hubert Guillaud
D. Effondrement
La perpétuation d'une pathologie humide et l'accumulation des contraintes mécaniques exercées sur le matériau ou les
systèmes constructifs accroissent la fragilité des structures et diminuent leur résistance. Des contraintes occasionnelles
ou accidentelles (tassement différentiel, tassement du terrain, gonflement du sol, séismes) peuvent également être à
l'origine d'un effondrement du bâtiment, partiel ou total.
E. Décomposition du matériau
La structure minéralogique et physico-chimique du matériau peut évoluer et se désagréger, notamment sous les effets de
l'eau et de l'humidité, du gel, de fortes chaleurs. La fixation de sels ou de parasites organiques peut contribuer à cette
désagrégation structurelle et par suite structurale.
- Une sollicitation du matériau et des systèmes constructifs à l'encontre de leurs propriétés et caractéristiques
mécaniques : par exemple en traction ou en flexion alors que le matériau terre ne travaille vraiment bien qu'en
compression.
- L'édification d'un bâtiment en terre sur un mauvais terrain: un sol instable, de résistance trop faible, sol gonflant ou
expansif, glissement de terrain ou tassement etc.
- La mauvaise conception du bâtiment : des fondations sous dimensionnées ou excentrées, murs non chaînés, trop
élancés, trop percés d'ouvertures, des tableaux de baies trop lourds (linteaux et jambages sur dimensionnés) qui
peuvent cisailler les allèges ou sous dimensionnés (flèche puis effondrement du linteau), des charges de toitures
non reprises par un chaînage, etc.
- La mauvaise mise en œuvre : le choix d'une mauvaise terre qui pénalise la qualité du matériau de construction, des
systèmes constructifs mal exécutés (mauvais appareillage des blocs de terre, le mauvais ancrage des poutres de
plancher, des évacuations des eaux pluviales mal soignées, par exemple) etc.
- De nombreuses causes annexes : les influences climatiques (action du vent sur un terrain de pathologie humide qui
accroît l'érosion par alvéolisation du matériau), actions multiples des êtres vivants (grattage et arrachage du
matériau, actions des insectes, petits rongeurs et autres animaux, flore parasite) etc.
On n'entrera pas ici dans le détail des solutions constructives qui sont fort nombreuses sachant que le matériau terre peut
être employé dans tous les systèmes et être associé à une gamme infinie d'autres matériaux et composants. La littérature
technique (cf. bibliographie) peut apporter des précisions fort utiles aux concepteurs et aux bâtisseurs et surtout leur
éviter de graves erreurs. Il suffit de rappeler ici que la construction en terre est un art spécifique qui décrit des règles et
des codes de bonne pratique qui lui sont propres. C'est en effet en dérogeant à la connaissance des propriétés et
caractéristiques, à l'application des principes de conception et des modes d'exécution qui sont propres au matériau terre
et à l'architecture de terre que le maître d'oeuvre et le bâtisseur s'exposent à des risques pathologiques. Tout art exige
une parfaite connaissance et maîtrise des outils et des techniques qui lui sont propres auxquelles s'ajoute l'expérience
cumulée. Cet apprentissage par la voie des essais et des erreurs est le lot du bâtisseur en terre comme celui du bâtisseur
en autres matériaux.
On attirera ici l'attention des maîtres d'oeuvre et des entrepreneurs sur l'identification de la typologie générale des
dispositions constructives, structurales et spatiales possibles (murs, ouvertures, ressources du plan, couvertures) à partir
d'un même élément de construction, pour les principaux modes de mise en oeuvre du matériau terre que sont le pisé et
la brique (le bloc de terre comprimée et le bloc d'adobe). Cette typologie est synthétisée par les illustrations suivantes :
pour le pisé (Fig. 2, 3, 4, 5 et 6), pour la brique (Fig. 7, 8, 9 et 10). Des exemples de concepts architecturaux empruntés
à des architectes célèbres montrent que le matériau terre est doté de grandes ressources qui ont déjà été mise en valeur
par les traditions et la modernité architecturales.
Page 293
Hubert Guillaud
Page 294
Hubert Guillaud
La réalisation d'un chaînage n'est indiquée qu'en cas de très graves problèmes de structure : désolidarisation des angles,
fissures de "coups de sabre" nombreuses, reprises de maçonnerie importantes. C'est une opération coûteuse qui
demande une découverte de toiture et dépose de charpente. Il n'est pas nécessaire de couler un chaînage sur toute
l'épaisseur du pisé mais indispensable de le positionner au moins dans le tiers central de l'épaisseur du mur pour garantir
une bonne verticalité de la descente des charges. Pour être efficace, un chaînage doit être bien ancré au mur (pose
préalable de fers verticaux) et chargé en son couronnement (40 cm min. de maçonnerie de terre, en briques crues ou
pisé coffré).
Page 295
Hubert Guillaud
confirment. Aujourd'hui, le renouveau des enduits en terre, du fait d'exigences normatives de résistance mécanique et de
protection contre la pluie, est difficilement accepté en revêtement extérieur mais toléré en parement intérieur. Ces
enduits en terre présentent plusieurs avantages. Tout d'abord leur compatibilité parfaite avec les murs en pisé auxquels
ils adhèrent bien. Ensuite des qualités esthétiques évidentes de texture (grain et matière) et de couleur, avec une palette
très riche de teintes selon l'oxydation des terres et la coloration naturelle de leur fraction argileuse. Enfin, autre avantage
qui n'est pas le moindre, un enduit en terre est une protection anti-feu exceptionnelle. C'est pourquoi on observe
aujourd'hui un retour impressionnant des enduits en terre avec la diffusion de produits prêts à l'emploi (terre livrée en
sac) et des artisans qui se spécialisent. Nous avons déjà signalé la possibilité d'utiliser du mortier de terre pour la reprise
des fissures et le rebouchage de cavités dans les murs en pisé à restaurer. Cela est en effet bien plus adapté qu'un
rebouchage au béton ou aux parpaings de ciment qui est hélas trop souvent pratiqué par les entreprises. Une fois ce mal
fait, on peut envisager, au moins en parement intérieur des murs, de maquiller ces reprises avec un enduit de terre. Une
première couche peut être alors réalisée avec une terre assez argileuse, qui collera bien, mais qui fissurera au séchage.
Une couche de finition devra être alors ensuite réalisée avec une terre plus argilo-sableuse, mêlée de paille hachée. Il
faudra éviter de trop charger ces enduits de reprise à la terre (faible épaisseur) car il n'adhèreraient pas suffisamment. En
maquillage extérieur de reprises au béton ou en parpaings, ce seront plutôt les enduits à base de chaux, éventuellement
sur une couche de terre, qui conviendront. Cela permettra au moins de supprimer l'effet de "spectre" visible des
parpaings que l'on observe sur les enduits au ciment par temps humide.
2.10. - L'isolation
Si l'on souhaite isoler une maison en pisé, il faut éviter les doublages intérieurs en panneaux complexes préfabriqués
plaqués sur les murs qui posent souvent, à la longue, des problèmes de condensation cachée. On doit préférer des
matériaux compatibles avec le pisé qui contribueront à valoriser son inertie thermique. Sur un dressage intérieur à
l'enduit de terre et paille (1 cm), on pourra appliquer des panneaux de roseaux et barbotine de terre (épaisseur max. de 5
à 7 cm) ou bien des briques de terre-paille bâties au mortier de terre, ou encore un dressage en terre-copeaux bois. En
surface, ces matériaux isolants peuvent recevoir un dressage en barbotine de terre finement tamisée puis un badigeon ou
un enduit mince à la chaux calcique, un plâtre, voire une peinture (éviter absolument les peintures étanches). L'isolation
extérieure, rarement pratiquée, est possible bien qu'elle contribue à supprimer l'aspect du pisé. Après un rebouchage des
fissures et trous au mortier de terre sablo-argileuse, cette isolation peut être réalisée avec les matériaux évoqués qui sont
posés contre un dressage préalable au mortier de terre. En finition, ils recevront un enduit qui sera réalisé en chaux et
sable. Les chaux les mieux indiquées sont de dénomination "naturelle" ou chaux "calcique" (CL90 ou CL80) et peuvent
être mélangées à des chaux moyennement hydraulique (NHL2) selon des dosages bien répertoriés.
Page 296
Hubert Guillaud
Les constructions traditionnelles en terre demeurent très exposées au risque sismique et en cas de grave séisme, elles
sont immédiatement pointées du doigt, incriminées de la mort des hommes. Pourtant, à y regarder de plus près, force
est-on de constater que ce n’est pas à proprement parler le matériau terre qui doit être incriminé mais les déficiences du
savoir bien construire. En effet, dans beaucoup de situations de graves séismes, peu de structures résistent, qu’elles
soient en béton, en acier, en pierre, en terre, lorsqu’elles sont mal construites. Les dégâts sont souvent l’effet de la
perversion des cultures constructives, de la corruption économique mais aussi de l’absence de « mémoire » populaire du
risque sismique. Car il existe véritablement une culture constructive en terre parasismique comme en témoignent
beaucoup de traditions populaires dans les régions les plus exposées à ce risque majeur. Cette culture propose un
ensemble de solutions qui connaissent de multiples variantes locales confirmant que les bâtisseurs traditionnels en terre
ont depuis longtemps intégré le risque sismique dans leurs pratiques, imaginant de solutions ingénieuses efficaces.
Mais, la perte de savoir-faire qui résulte des mutations souvent radicales des cultures constructives, depuis l’avènement
de la modernité et de l’ère industrielle, a souvent éclipsé cette intelligence constuctive « parasismique ».
Alors que dans ces nombreuses régions exposées au risque sismique, une grande part de la population mondiale ne peut
pas encore accéder aux matériaux et aux solutions constructives actuelles que propose le génie antisismique
contemporain, trop coûteuses, alors que la conservation des patrimoines architecturaux en terre, monumentaux et
vernaculaires, s’impose comme un enjeu culturel et économique international, le rétablissement des savoir-faire de ces
cultures constructives en traditionnelles, douées d’une capacité de réponse au risque sismique, devient un défi que notre
monde contemporain se doit de relever.
Nous dressons par la suite un bref état de la situation dans chacune des catégories d’activités de recherche.
Les observations in situ des dégâts sismiques causés aux architectures de terre font souvent partie d’un plus large effort
d’inventaire des dégâts causés à tous types de structures édifiées par l’homme, comme des phénomènes géologiques.
Ces observations ont donné des informations sur les performances des structures en maçonnerie traditionnelles,
notamment dans le contexte turc, dans les années 1990. Parfois d’autres études plus poussées ont porté sur des
patrimoines architecturaux en terre très spécifiques comme cela a été le cas en Californie, après le séisme de Northridge
(janvier 1994). De même des interventions de consolidation post-séisme ont pu être évaluées comme c’est également le
cas dans ce même contexte californien.
Ces observations ont parfois été corroborées par des tests réalisés en laboratoire, sur modèles construits soumis à des
secousses sismiques simulées sur tables vibrantes. D’autres études ont aussi montré qu’il existe une véritable culture
sismique, comme nous l’avons précédemment relevé, qui influence directement la conception structurale et
Page 297
Hubert Guillaud
architecturale. Des chercheurs ont également effectué des études historiques sur l’évolution de la maçonnerie renforcée
en contexte sismique comme c’est le cas de Tobriner (1984) couvrant la période allant de 1755 à 1907. Cette étude
présente notamment un système qui a été mis au point par des ingénieurs après le terrible séisme de Lisbonne au
Portugal, en 1755. Il s’agit d’un système de structure intérieure en cage de bois dénommé « gaiola » ou système du
Marquis de Pombale qui fut à l’origine de la reconstruction de la ville totalement détruite. Un système similaire a été
identifié en Italie, en 1783, dénommé la « casa baraccata ». En Angleterre, en 1825, des solutions de renfort extérieurs
de murs en briques cuites, en bandes d’acier (comme les cerceaux d’un tonneau), ont été repérés et ce même principe a
été largement développé en Italie après plusieurs séisme, au-delà des années 1850. Les solutions de renforcement en
fers à béton ou autres composants en acier (nappes treillis), noyés dans l’épaisseur des joints de mortier des maçonnerie
ont été expérimentées aux Etats-Unis, après des séismes successifs à San Francisco (1865 et 1868) et après celui, très
dévastateur de 1906. Elles ont été plus généralement appliquées après les séismes de Santa Barbara (1925) et de Long
Beach (1933).
Tester en laboratoire des spécimens de murs ou des modèles de bâtiments à échelle réduite, est un moyen qui a favorisé
l’innovation dans le domaine de la construction parasismique. Ces tests ont également permis de mieux connaître le
comportement des structures en maçonnerie traditionnelle non renforcée. Ainsi, en Turquie, des tests ont été effectués
sur des murs en briques de terre crue modélisant une boîte quadrangulaire soumise à une compression constante dans le
plan du mur et normale aux joints horizontaux de mortier. Cette même structure a été aussi soumise à des efforts
croissants simulant une compression et un cisaillement en diagonal. Au Pérou, l’Université catholique de Lima, qui
héberge de grands spécialistes de cette question du génie parasismique pour les constructions en terre, a aussi réalisé des
tests de résistance aux efforts appliqués en diagonale sur des murs en pisé, mettant en corrélation les paramètres de
construction, la performance et le développement d’interventions sismiques spécifiques. D’autres programmes de
recherche ont fourni un grand apport de connaissance sur le comportement des structures en terre durant les séismes. Ils
ont aussi permis l’élaboration de solutions visant à réduire considérablement les effets des dommages leur étant causés.
Ces expériences ont notamment valorisé l’importance du rôle des chaînages en béton armé ou en bois en couronnement
des murs, du confinement extérieur et intérieurs des maçonneries par des mailles grillagées, du rôle de barres rigides
reliant des murs opposés dans leurs parties hautes. Ces études ont montré que la solution la plus efficace est celle du
confinement extérieur et intérieur des murs d’adobe par des grillages.
Toujours à l’Université catholique de Lima (Pérou), plusieurs facteurs influençant la résistance des maçonneries en
briques de terre crue, ont été identifiés. Ce sont :
- les propriétés des sols utilisés pour produire les adobes ;
- le mode de séchage des briques crues et notamment la fissuration de retrait ;
- l’effet d’une stabilisation des briques à la chaux ou au ciment et d’un agent dispersant comme le carbonate de
sodium ;
- le mode de construction.
Suivant ces études, des tests de résistance de 9 modèles de bâtiments de type rural en R+1, en taille réelle ont été
développés sur une table sismique.
Ces tests qui ont été principalement conduits sur le continent américain (nord et sud), dans les années 1970 à 1990, ont
été aussi développés en Europe, notamment en ex Yougoslavie (actuellement en Slovénie). Ils ont portés sur les effets
des renforcements horizontaux et de la résistance du mortier, sur la résistance et sur la ductilité de 16 modèles de murs-
spécimens en maçonnerie à échelle réduite. Ces murs ont été soumis à des efforts constants en compression et latéraux.
Cette recherche a montré que la ductilité d’un mur en maçonnerie peut être améliorée en augmentant la quantité des
renforts horizontaux. Mais à un certain point, l’efficacité de ces renforts est inversement proportionnelle au rapport de
renforcement.
La Commission Européenne a financé en Italie (à l’ISMES de Bergamo) et en Grèce (au LEE d’Athènes), en 1998 et
1999, des recherches et des programmes de tests sur les maçonneries en pierre et en brique qui sont particulièrement
utiles pour les architectures de terre. 14 modèles réduits (échelle ½) de bâtiments en brique et en pierre de deux niveaux,
certains d’entre eux ayant fait l’objet de réparations préalables (intervention post sismique simulée), d’autres ayant été
renforcés par divers procédés, ont fait l’objet de 119 tests sur des tables sismiques vibrantes. L’efficacité de diverses
méthodes d’intervention post-sismique a été aussi testée. Cette recherche a montré qu’une augmentation significative de
la résistance latérale peut être obtenue par des techniques aussi simples que le rebouchage des fissures et l’application
de renforcements horizontaux.
Page 298
Hubert Guillaud
Un autre programme de la Commission Européenne, dénommé ISTECH, a mis l’accent sur le développement de
techniques de mitigation sismique pour la restauration d’ouvrages du patrimoine culturel et notamment des structures en
maçonnerie affectées par les séismes. L’une des techniques les plus innovantes qui a été développées consiste à
employer des éléments de connexion en matériau élastique. Ce procédé est connu sous le nom de procédé à mémoire de
forme pouvant être employé pour pré-comprimer les maçonneries. Les tests ont montré que les structures qui en sont
dotées ne présente aucun dégât et le procédé a été ensuite appliqué sur divers ouvrages patrimoniaux d’Italie,
notamment sur le clocher de San Giorgio de l’Eglise Trigano à San Martino qui avait été endommagé par le séisme de
Reggio (Emilie) de 1996. Il a également été utilisé pour la reconstruction du tympan du transept de la Basilique de Saint
François d’Assises sérieusement endommagé par le séisme de septembre 1997.
Des outils analytiques ont été utilisés à l’occasion de la plupart des recherches et des programmes de test sur des
modèles construits en terre ou des composants. Parmi les méthodes les plus innovantes, deux, développées en Italie
(Casolo et al. 2000 ; Azevedo et al. 2000) méritent d’être relevées qui permettent de déterminer les typologies
d’effondrement des structures en maçonneries de pierre. La première recherche a développé des analyses numériques
sur modèles simplifiés permettant de prédire et d’évaluer le comportement sismique hors du plan des murs en
maçonnerie (façades d’une église) en situations variées de géométrie, de résistance des matériaux, de comportement
matériel post-élastique, et de caractéristiques d’excitation. Dans la plupart des cas, l’action sismique exercée sur les
façades semble les diviser en des blocs rigides qui sont connectés entre eux par des zones hautement dégradées qui
révèlent des typologies de fracture simples et récurrentes. La deuxième recherche a utilisé une technique d’analyse en
« méthode d’élément discret » qui s’inscrit dans la classification générale des techniques d’analyse discontinue visant à
analyser le comportement sismique des structures en maçonnerie. La méthode permet de reproduire le phénomène
d’ouverture des fissures et de glissement des joints, simulant un dommage progressif associé à la propagation des
fissures et à des déplacements et rotations entre les blocs de maçonnerie. La méthode peut aussi intégrer des schémas de
renforcement comme des câbles horizontaux et verticaux reliant différents blocs. Elle a été appliquée pour évaluer les
typologies de dommages de différents éléments de structures soumis à l’action de leur propre poids et d’une action
sismique, comme des structures en arcs et colonnes puis à des modèles structuraux plus complexes comme des clocher
et des aqueducs.
Page 299
Hubert Guillaud
- l’allègement des toitures (charpentes et matériaux de couverture) qui demeure une question majeure,
particulièrement dans le cas de toitures plates en terre sur poutres en bois, allourdies au fil du temps par des
réfections successives par ajout de terre et d’enduits ;
- des solutions d’enduits extérieurs « armés » par des mailles textiles (toile de jute) plus récemment remplacées par
des grillages galvanisés résistant à la corrosion ou encore plus récemment par des mailles en polymères, voire par
des habillages en géopolymères (bidim et similaire).
- des solutions de câbles horizontaux et verticaux, ou de bandes de caoutchouc ou de polymère repérées sous le
vocable anglophone de strapping, noyés dans les enduits extérieurs, contribuant à un confinement des structures.
Rappelons, d’une manière générale que la construction en matériaux mixtes présente davantage de faiblesse au risque
sismique. C’est le cas des structures en briques cuites et briques crues et surtout le cas de systèmes en ossatures acier ou
béton qui sont hourdées de matériaux de terre crue. Un problème particulièrement important concernant les ossatures en
béton armé est le danger majeur qui provient de leur mise en résonance lors de l’encaissement des secousses. Ainsi, tout
type de structures qui valorisent les solutions avec des portiques ou des piliers et colonnes en béton armé, au premier
niveau des édifices, sont particulièrement à proscrire.
De même, pour ce qui concerne les interventions de restauration des bâtiments en terre traditionnels, l’introduction de
réparations ou d’éléments de restauration/reconstruction partielle en béton, doit être proscrite. La question de la
compatibilité des matériaux, face au risque sismique est essentielle. Pour ce qui est de la construction en maçonnerie de
petits éléments, mieux vaut également utiliser un mortier de pose qui soit plus ductile – et donc peu rigide -, soit des
mortiers de terre argilo-sableuse ou de terre stabilisée à la chaux, par exemple.
Récemment, à la suite de violents séismes qui se sont produits au début de ce 21ème siècle, en Iran (Bam, décembre
2003), au Maroc (Al-Hoceima, 2004) qui ont affecté un patrimoine culturel et d’habitat vernaculaire en terre, ces
recherches ont été de nouveau réactivées en réunissant les meilleurs spécialistes internationaux de ces questions. Des
avancées significatives sont attendues de ces nouvelles mobilisations, notamment dans le domaine de la préparation de
recommandations pour la construction en matériaux traditionnels dans les régions à risque sismique. Ces
recommandations devront notamment considérer l’importance des réponses qui ont été apportées par les bâtisseurs en
terre valorisant leurs « cultures constructives locales du risque ». Car l’application de la « norme », telle qu’elle est
aujourd’hui pensée et édictée, au niveau international, pourraient présenter un autre risque majeur, un « métarisque »,
celui de l’évacuation des cultures constructives, de l’héritage des bâtisseurs et de ses valeurs, de la diversté culturelle.
Nous aurions alors atteint ce point de non retour d’une transculturation constructive et architecturale, effet pervers de la
globalisation planétaire imposant un appauvrissement dramatique de la culture humaine.
Bibliographie :
Azevedo et al. 2000: AZEVEDO, J., SINCRAIAN, G., LEMOS, J.V. – In Eathquake Spectra, Volume 16, N°2,
Earthquake Engineering Research Institute (EERI), National Science Foundation. Washington, U.S.A., May 2000.
Bariola et al. 1988 : BARIOLA, J., VARGAS NEUMAN, J., TORREALVA, D., OTTAZI, G. – Earthquake resistant
provisions for adobe construction in Peru, in Proceedings of the 9th World Conference on Earthquake Engineering.
Tokyo, Japon, Aôut 1988.
Carazas-Aedo 2002: CARAZAS-AEDO, Wilfredo – Guide de construction parasismique. Adobe, éditions CRATerre-
EAG, Villefontaine, 2002.
Page 300
Hubert Guillaud
Page 301
Hubert Guillaud
Oliver 1981 : OLIVER, Paul – The cultural context of earthen housing in seismic areas. In Proceedings of the
international workshop held at the University of New Mexico, Albuquerque, May 24 – 28 1981. National science
Foundation. Washington, U.S.A., 1981.
Ramirez 1992 : RAMIREZ, Beatriz Helena - La Pathologie des anciennes constructions en terre, diagnostic, mémoire
de Certificat d'Etudes Approfondies en Architecture de terre, CEAA-Terre CRATerre-EAG 1987-89, sous la direction
de GUILLAUD, Hubert, mars 1992, 76 p.
Schroeder et al. 2003 : SCHROEDER, Horst, SCHWARZ, TULAGANOV – Traditional earthen architecture in
Uzbekistan – evaluation of earthquake resistance and strategy for improvement. In Preprints of the 9th Internatonal
Conference on the Study and Conservation of Earthen Architecture. Yasz, Iran, 29 Nov – 2 Dec. 2003. Ed. Iranian
Cultural Heritage Organisation and Research Centre for the Conservation of Cultural Relics. Téhéran, Iran, 2003
Vargas Neuman 1981 : VARGAS NEUMAN, Julio - Earthen buildings in seismic areas, in Earthen buildings in
seismic areas. Proceedings of the international workshop held at the university of New Mexico, Albuquerque, May 24 -
28. National Science Fundation, Washington, 1981, pp. 457-502.
Vargas Neuman 1993 : VARGAS NEUMAN, Julio – Eathquake-resistant rammed-earth (tapial) buildings, in
Proceedings of the 7th International Conference on the Study of the Conservation of Earthen Architecture, Terra 93,
Portugal, Octobre 1993, p. 503-508.
Webster 2003: WEBSTER, Frederick A. – Research related to seismic deterioration/pathology of Earthen
Architecture and Seismic Intervention in Earthen Architecture. Ed. Project TERRA (CRATerre-EAG/ICCROM/GCI),
Los Angeles, U.S.A., 2003.
Page 302
Hubert Guillaud
Page 303
Hubert Guillaud
Page 304