Chap 2 MACRO L2
Chap 2 MACRO L2
Chap 2 MACRO L2
Pr Abdoulaye DIAGNE
Introduction
Le modèle IS-LM est une représentation des préceptes énoncés par J.M. Keynes dans la Théorie
générale. Présenté pour la première fois par J.R. Hicks dans son célèbre article Mr Keynes and the
classics : A suggested interpretation (1937), il fut perfectionné et popularisé par A.H. Hansen.
C’est pourquoi on l’appelle aussi le modèle « Hicks-Hansen ».
Sa simplicité, sa cohérence en ont fait un instrument théorique très employé et très influent,
notamment sur les politiques économiques menées jusqu’à la fin des années 1960.
Le modèle IS-LM repose sur l’interdépendance de deux marchés : le marché des biens et services
(sphère réelle) et le marché de la monnaie (sphère monétaire). L’interaction entre ces deux marchés
détermine simultanément le niveau de revenu national (Y) et le niveau du taux d’intérêt (i). Le
modèle décrit un équilibre statique, tandis que les anticipations agents, pourtant centrales dans
l’analyse Keynésienne, sont négligées. Comme dans l’analyse Keynésienne, il repose sur la
demande effective (les entreprises sont contraintes par leurs débouchés) et peut aboutir à une
situation de sous-emploi, le niveau d’emploi, dépendant du niveau de production préalablement
déterminé. Le modèle IS-LM permet également d’intégrer la monnaie comme déterminant des
variables réelles.
Conformément aux hypothèses Keynésienne, le marché des biens et services est caractérisé par la
rencontre d’une offre globale (OG=Y) et d’une demande globale (DG). Celle-ci est composée de
la consommation (C), ou demande des ménages, fonction du revenu, et de l’investissement (I),
fonction du taux d’intérêt.
Il est remarquable que dans sa construction théorique, Keynes caractérise l’épargne comme une
grandeur résiduelle qui est directement et uniquement fonction du niveau du revenu courant. Dans
la tradition néoclassique, l’épargne est supposée dépendre d’autres facteurs tels que le taux
d’intérêt et les variations dans le patrimoine des agents. Keynes avait bien pris connaissance de
cela. Mais, se situant résolument dans une perspective macroéconomique, il dénie à ses facteurs
une influence déterminante. Nous pouvons résumer son argumentation en quelques mots. Il
reconnait que la hausse du taux d’intérêt peut effectivement inciter certains agents à consommer
moins et à épargner plus. Mais il note que cette hausse peut inciter d’autres à réduire leur épargne
et augmenter leur consommation puisque, lorsque le taux d’intérêt est plus élevé, il suffit de placer
un capital plus faible pour obtenir un revenu déterminé. D’un point de vue macroéconomique,
l’influence du taux d’intérêt sur l’épargne est incertaine et de toute façon très faible, et peut donc
être négligée.
Par ailleurs, nous l’avons vu, l’investissement est une fonction décroissante du taux d’intérêt.
𝑰 = 𝑰(𝒊)
La décision d’investir résulte de la comparaison effectuée par les entrepreneurs, entre le taux
d’intérêt et le taux d’efficacité marginale du capital qu’ils envisagent de mettre en œuvre dans la
production.
Etant donné que la condition de l’équilibre est réalisée lorsque 𝑺 = 𝑰, il en résulte qu’à l’équilibre
nous avons la relation d’égalité :
𝑰(𝒊) = 𝒀 − 𝒄(𝒀) − 𝑪𝒐 = 𝑺(𝒀)
2
Cette relation met en évidence qu’il existe un revenu d’équilibre, Y, pour chaque valeur du taux
d’intérêt, i. L’investissement est autonome par rapport au revenu, les décisions d’investissement
des entreprises dépendent du niveau du taux d’intérêt. L’épargne est de son côté indépendante du
taux de l’intérêt. Cela signifie que les deux grandeurs I et S sont déterminées dans les espaces
différents par des agents ayant des fonctions différentes. La condition d’équilibre signifie qu’à
chaque taux d’intérêt doit correspondre un niveau de revenu pour lequel l’épargne et
l’investissement sont égaux, ce qui suppose des mécanismes d’ajustement qui mettent en relation
les fonctions d’investissement et d’épargne. Nous connaissons la réponse Keynésienne à cette
question : c’est le principe du multiplicateur.
Toute baisse du taux d’intérêt i se traduit par une augmentation de l’investissement, cette hausse
doit, pour que l’équilibre soit maintenu, correspondre à une augmentation de l’épargne, ce qui
suppose un accroissement du niveau de l’emploi et donc du revenu.
La relation indirecte qui existe entre le taux d’intérêt, i, et le revenu global d’équilibre, Y, peut être
représentée graphiquement par une courbe figurant tous les points d’égalité entre l’épargne, S, et
l’investissement, I : c’est la courbe IS. Cette courbe va nous donner l’ensemble des valeurs de Y
et
de i ; ou plus précisément tous les couples (Y, i), pour lesquels l’épargne et l’investissement sont
égaux.
2. Construction de la courbe IS
La courbe IS est définie sur l’ensemble des points formés par les combinaisons entre i et Y qui
assurent l’équilibre du marché des biens et services Plus précisément, la courbe IS est le lieu de
toutes les combinaisons possibles de i et Y compatibles avec l’égalité de l’épargne et de
l’investissement projeté. Cette relation ne détermine pas le niveau de Y et de i ; il s’agit simplement
d’une relation implicite. Autrement dit, le fait que Y soit d’un certain montant ne permet pas de
déterminer i, et vice versa. Si par exemple 𝒊 = 𝒊*, il ne pourra y avoir d’équilibre sur le marché
des produits que si le niveau du revenu est celui que l’on peut calculer en déduisant 𝒊 = 𝒊* dans la
relation IS qui existe à un moment donné.
Pour un revenu 𝒀 = 𝒀*, il n’y a qu’un seul taux d’intérêt, i, correspond à ce niveau de revenu, Y*,
c’est-à-dire le taux d’intérêt qui se déduit de la relation IS.
Pour établir la fonction 𝑌 = 𝑓(𝑖) à partir de la relation entre l’investissement et l’épargne on note
que le premier résulte des décisions des entreprises et est fonction du taux de l’intérêt, la seconde
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relève du choix des ménages qui décident de ne pas consommer l’intégralité de leur revenu. La
consommation va donc dépendre du niveau du revenu.
L’objectif est d’établir une relation objective entre les comportements de consommation, donc
d’épargne, des ménages, et les comportements d’investissement des entreprises.
Pour construire la courbe IS, nous auront recours à un système graphique composé de quatre
quadrants mis en relation les uns avec les autres.
- Le quadrant a représente la fonction d’investissement qui est décroissante par rapport au taux
d’intérêt : I = I(i), que l’on peut encore exprimer par la relation 𝐼 = 𝐼𝑜 − 𝑔𝑖, où 𝐼𝑜 représente la
part de l’investissement qui est indépendante fonction du taux d’intérêt, et g la part de
l’investissement immédiatement fonction du taux de l’intérêt.
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- Le quadrant b représente l’égalité entre l’épargne et l’investissement : 𝑰 = 𝑺. Dans un repère
orthogonal, tous les points d’égalité de l’investissement et de l’épargne se trouvent sur la première
bissectrice.
- Le quadrant c représente la fonction d’épargne :
Il apparait bien dans cette présentation que l’une des quatre inconnues (𝑌, 𝐶, 𝐼 𝑒𝑡 𝑖), nécessaires
pour définir le marché des produits, est déterminée en dehors de lui. Le taux d’intérêt 𝑖 est en
effet une variable monétaire et, à ce titre, est déterminé sur le marché monétaire. Au demeurant,
c’est précisément à travers lui que s’établit le lien entre les deux marchés. Puisque Keynes
abandonne la dichotomie réel-monétaire et qu’il associe directement les phénomènes réels et
monétaires, il est indispensable qu’une variable monétaire intervienne dans la définition du revenu
global correspondant à l’équilibre en volume (et non en termes de prix, les prix sont ici supposés
constants) sur le marché des biens et services. C’est en effet grâce à cette variable monétaire et à
la prise en compte de l’influence qu’elle peut avoir sur le marché des biens et services que pourra
être effectivement exprimé le lien qui existe entre les différents marchés des produits et de la
monnaie.
Par ailleurs, la courbe IS peut se déplacer dans le plan à la suite de toute modification des
comportements des entrepreneurs en matière d’investissement ou des ménages en matière
d’épargne. L’action de l’État peut aussi provoquer un déplacement de IS.
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Pour Keynes, la monnaie est le moyen de détenir le pouvoir de disposer, avec le maximum de
sécurité et de commodité, d’une richesse quelconque en quelque lieu et à quelque moment que ce
soit. Aussi, la monnaie est-elle la forme de la richesse qui présente le plus haut degré de liquidité,
c’est-à-dire qu’elle peut être mobilisée sans délai et sans coût. Mais, d’un autre côté, le fait pour
l’agent de détenir sa richesse sous forme liquide n’est pour lui source d’aucun revenu, alors que
s’il plaçait ses liquidités sur le marché financier il pourrait réaliser des gains.
A la question de savoir pourquoi les agents peuvent souhaiter détenir de la monnaie à côté de leurs
autres actifs alors qu’elle ne rapporte rein, Keynes répond que la monnaie constitue une sécurité
qui compose l’incertitude des comportements et des spéculations que les agents peuvent avoir dans
l’avenir.
a. Le motif de transactions
Il correspond aux besoins de monnaie nécessaire pour la réalisation des paiements courants
personnels et professionnels. Dans ce cadre, on peut distinguer deux types d’encaisses liés à
l’activité principale des agents :
- Le motif du revenu qui concerne les ménages qui sont amenés à conserver des liquidités « pour
combler l’intervalle entre l’encaissement et le décaissement du revenu ». Le montant de
l’encaisse souhaité par les particuliers dépendra principalement de l’importance et de la périodicité
de leur revenu ;
- Le motif professionnel répond à la nécessité pour les entreprises d’équilibrer dans le temps leurs
dépenses et leurs recettes (on parle de cash-flow). Les entreprises doivent en effet détenir des
encaisses liquides afin de combler l’intervalle séparant le moment où sont engagées les dépenses
liées à la mise en œuvre de la production et le montant où elles encaissent le produit des ventes.
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b. Le motif de précaution
Il est engendré par le souci qu’ont les ménages ou les entreprises de parer aux imprévus qui peuvent
exiger des dépenses immédiates. Le montant de cette encaisse va dépendre de la confiance qu’ont
les ménages ou les entreprises dans les perspectives d’avenir quant à leur situation. La masse de
liquidités détenues au titre du motif précaution va donc évoluer au gré des circonstances même si,
étant donné qu’il existe toujours une certaine incertitude sur l’avenir, elle reste toujours positive.
Dans une situation de ralentissement économique ou de crise, c’est-à-dire correspondant à une
baisse de l’emploi, ces encaisses auront tendance à diminuer puisque les agents les utilisent pour
effectuer des transactions, alors que dans une période plutôt tournée vers la croissance, elles auront
d’abord tendance à augmenter. On peut aussi noter à plus long terme que le montant des encaisses
de précaution détenues par des ménages en particulier a plutôt tendance à diminuer, du fait du
développement des systèmes d’assurance et de protection sociale.
Les deux encaisses de transactions et de précaution, qu’à l’instar de Keynes nous confondrons
en une seule catégorie dans la suite de notre exposé, dépendent d’abord et principalement du
montant du produit national, donc du revenu. Lorsque le produit national augmente, il faut plus
de monnaie pour assurer les transactions, et les agents consolident leurs encaisses de précaution.
Mais il est bon de relever que le montant des encaisses de transactions et de précaution dépend
aussi, dans une moindre mesure, du niveau du taux de l’intérêt. En effet, selon le niveau de ce taux
et donc du rendement attendu de placements éventuels sur le marché financier, les agents peuvent
préférer effectuer des achats immédiats plutôt que de réaliser des placements peu rentables ou
risqués.
c. Le motif de spéculation
Il résulte aussi de la prise en compte de l’incertitude, mais il est directement lié au marché
monétaire et plis particulièrement au marché des titres financiers porteurs d’intérêt, comme les
obligations*, privés ou d’État. La demande de monnaie pour motif de spéculation va
directement dépendre des anticipations des agents sur l’évolution du taux de l’intérêt.
Cela tient au fait que le revenu nominal du titre de placement est fixe alors que son cours est
variable. Autrement dit, le prix du titre sur le marché peut baisser ou augmenter selon les
conditions du marché, alors que le revenu qu’il procure est fixé une fois pour toutes lors de son
émission initiale.
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La demande individuelle d’encaisses de spéculation a été représentée de façon relativement
simple par J. Tobin. Si l’on porte en abscisse la monnaie de spéculation M, un agent, disposant
d’une encaisse spéculative de OW et s’étant fixé pour taux critique, ic, c’est-à-dire un taux au-
dessus duquel il est prêt à placer ses liquidités, aura les choix suivants :
-Soit il détiendra tous ses avoirs en titres pour tous i supérieur à ic ;
-Soit, pour tout i inférieur à ic, il détiendra tout en monnaie ;
-Soit, pour i égal à ic il serait indifférent à la forme de ses avoirs puisque dans la zone AB
le rendement de la détention de titres ou de liquidités est le même : il est nul. En A, le
spéculateur détient la totalité de ses avoirs sous forme de titres, en B, il conserve son
patrimoine sous forme de monnaie, sa demande de titres est nulle.
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𝑴𝟐 = 𝑳𝟐 (𝒊) 𝑜𝑢 𝑒𝑛𝑐𝑜𝑟𝑒 𝑴𝑺 = 𝒍𝟎 − 𝒍𝒊, 𝒐ù 𝒍𝟎 représente la quantité de monnaie que les agents
souhaitent garder pour maintenir leur richesse, et l la demande de monnaie proprement spéculative,
directement dépendante du taux d’intérêt. Nous pouvons formuler la fonction de préférence pour
la liquidité par :
𝑳 = 𝑳𝟏 (𝒀) + 𝑳𝟐 (𝒊)
Nous pouvons noter dès à présent que Keynes estime qu’il y a u taux d’intérêt maximum, 𝑖𝑀 , pour
lequel les spéculateurs ne peuvent que prévoir une baisse, et donc une hausse du prix des titres.
Pour ce taux, ils ne demandent plus de monnaie, mais que des titres. On parle alors de préférence
absolue pour les titres. D’une manière générale, lorsque le taux d’intérêt est très élevé ou tend à
augmenter fortement, la demande de monnaie pour motif de spéculation diminue au point de
devenir très faible, puisque les agents peuvent prévoir dans un futur proche une baisse du taux
d’intérêt. Aussi anticipent-ils une hausse du cours des titres et envisagent-ils des gains en capital.
De l’autre côté, Keynes estime aussi qu’il y a un taux d’intérêt minimum ou plancher, 𝑖𝑚 , en
dessous duquel le taux ne peut pas baisser, puisque les spéculateurs envisagent comme inévitable
la baisse du prix des titres. A ce taux, ils transforment tous leurs avoirs en liquidités. On parle alors
de trappe à liquidités ou encore de trappe monétaire. De façon générale, lorsque le taux de
l’intérêt est bas, les agents prévoient une hausse du taux d’intérêt et donc une baisse du cours des
titres, partant, un risque de pertes en capital. Mais, lorsque le capital parait être stabilisé à son
niveau le plus bas de façon durable, les agents ne se positionnent pas sur le marché des titres.
Préférant attendre un retournement de tendance pour faire des placements lucratifs, ils optent pour
la constitution d’encaisses oisives. En d’autres termes, ils choisissent de détenir des liquidités
qu’ils n’affectent ni à leurs encaisses de transactions et précaution, ni à la spéculation. On peut
dire qu’ils thésaurisent.
9
Construisons la fonction globale de monnaie :
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spéculateurs vont transformer tous leurs avoirs titres, ne souhaitant donc pas détenir de monnaie
spéculative. C’est ce qui justifie que la demande de monnaie se résume aux motifs de transactions
et de précaution, et que la fonction soit parallèle à l’axe des ordonnées. Dans la portion comprise
entre 𝑖𝑀 𝑒𝑡 𝑖𝑚 , la pente de la droite est due uniquement aux comportements spéculatifs. Enfin,
dans la partie horizontale correspondant à la trappe à liquidités, les agents ne demandent pas de
monnaie ni pour spéculer, ni pour effectuer des transactions. De plus toute augmentation de la
quantité de monnaie reste vouée à la constitution d’encaisses oisives.
L’offre et la demande de monnaie ainsi que les principes généraux présidant à la détermination
du taux d’intérêt sur le marché monétaire ont été décrits ci-dessus. Il s’agit maintenant d’associer
ces différents éléments qui concourent à la définition de la fonction globale de liquidité.
Pour ce faire, la démarche consiste à dégager une équation d’équilibre sur le marché de la monnaie
afin de déterminer la quantité de monnaie disponible dans l’économie en fonction des valeurs de
Y et de i.
Pour construire la courbe LM, nous allons à nouveau utiliser un système graphique à quatre
quadrants mis en correspondance.
11
Figure 4: Construction de la fonction de liquidité
𝑳𝟏 (𝒀) = 𝑴𝒐 − 𝑳𝟐 (𝒊).
- Le quadrant c représente la demande de monnaie pour motif de spéculation qui est directement
fonction du taux d’intérêt : 𝑀2 = 𝐿2 (i).
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- Le quadrant d représente l’équilibre sur le marché monétaire sous forme de la droite LM,
c’est-à-dire tous les points correspondant à l’ensemble des couples (Y, i) pour lesquels la
demande de monnaie est égale à l’offre exogène de monnaie : 𝐿(𝑌, 𝑖) = 𝑀𝑜
La courbe LM est horizontale sur sa gauche car elle représente un état où le taux d’intérêt ne peut
plus baisser. Il est à son niveau le plus bas. On peut dire que dans cette zone, l’économie est dans
la trappe à liquidités puisque la demande de monnaie est infiniment élastique au taux de l’intérêt.
Dans cette partie de la courbe, toute émission supplémentaire de monnaie serait affectée à des
encaisses oisives pour lesquelles on peut parler de thésaurisation.
Lorsque la pente de la courbe devient positive, le revenu global augmente simultanément avec le
taux d’intérêt. En effet, l’offre de monnaie étant ici considérée comme constante et une hausse du
taux d’intérêt entraînant une diminution de la monnaie pour motif de spéculation, il s’ensuit que
la demande de monnaie pour motifs de transactions et précaution augmente, ce qui correspond à
une augmentation du revenu global Y.
Enfin, lorsque la courbe tend à devenir verticale, le revenu global ne varie pas, et ce, quel que soit
le niveau du taux d’intérêt. Pour cette valeur du revenu global, Y, le taux d’intérêt est maximum
et toute l’offre de monnaie supplémentaire serait utilisée à l’achat d’actifs financiers. Nous
sommes en effet dans la zone de préférence absolue pour les titres. Dans cette zone, la demande
de liquidités est parfaitement rigide par rapport au taux de l’intérêt, son élasticité étant nulle. La
demande de monnaie pour motifs de transactions et de précaution étant satisfaite pour un revenu
𝑌𝐵 , on peut légitimement penser que toute augmentation de l’offre de monnaie se traduirait par
une demande accrue de titres, ce qui entrainerait la hausse du cours de ceux-ci et donc une tendance
à la baisse du taux de l’intérêt.
L’équilibre LM implique une relation entre le revenu et le taux d’intérêt. Il est possible de définir
simplement le sens de cette relation en supposant que la demande d’encaisse réelles a une forme
linéaire : 𝑳(𝒀, 𝒊) = 𝒍𝟏 (𝒀) − 𝒍𝟐 (𝒊), 𝒍𝟏 > 0, 𝒍𝟐 > 0. Le revenu et le taux d’intérêt d’équilibre
macroéconomique égalisent l’offre et la demande simultanément sur le marché des biens et sur le
marché de la monnaie. Ils sont donc définis par le système d’équation IS et LM, dont la solution
peut s’obtenir par simple substitution :
𝑔 𝑀
( ) + 𝐶𝑜−𝑐𝑇 + 𝐼𝑜 + 𝐺
𝑌 = 𝑙2 𝑃
𝑔𝑙1 (1)
1−𝑐+
𝑙2
− (1−𝑐 ) 𝑀
( )+𝐶𝑜 −𝑐𝑇+ 𝐼𝑜 + 𝐺
𝑙1 𝑃
𝑖= 𝑙2(1−𝑐) (2)
𝑔+
𝑙1
Ces deux équations expriment le revenu et le taux d’intérêt d’équilibre en fonction des
paramètres du modèle. Il est important de remarquer que le revenu et le taux d’intérêt sont
déterminés simultanément. Ainsi, le revenu d’équilibre dépend non seulement des variables qui
affectent directement le fonctionnement du marché des biens et services, comme les dépenses
publiques ou les transferts des ménages à l’État, mais aussi des variables intervenant
directement sur le marché de la monnaie, comme l’offre de monnaie M. En effet, toute
modification de l’offre de monnaie, en affectant le taux d’intérêt, modifie l’investissement, et
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donc les conditions d’équilibre sur le marché des biens et services. Le modèle IS-LM est donc
bien un modèle d’équilibre général qui permet d’analyser les interactions entre le
fonctionnement du marché de la monnaie et du marché des biens et services.
Il est possible de représenter graphiquement la solution du modèle IS-LM dans le plan (Y, i).
Avec les fonctions de comportement spécifiées sous forme affine, les courbes IS et LM sont
des droites, dont les pentes respectives sont – (1 –c) / g et 𝑙1 / 𝑙2 (Figure 5).
Nous sommes maintenant équipés pour étudier les effets des politiques économiques de
stimulation de la demande globale sur l’activité économique. Parmi les différentes variables
sous son contrôle, l’État peut agir sur le niveau des dépenses publiques, des impôts, de
l’endettement public, et de la masse monétaire. Cependant comme nous l’avons vu dans le
chapitre précédent, l’État ne dispose que de trois instruments indépendants de politique
économique, le niveau du quatrième se déduisant des trois premiers au plan comptable. On
suppose généralement que G, T et M sont les instruments indépendants, l’émission de titres
publics s’en déduisant.
1. La politique monétaire
Cas général
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La banque centrale d’un pays peut modifier le niveau de son offre de monnaie en fonction de
la conjoncture économique. La procédure la plus courante qu’elle peut suivre est la politique
d’open market qui correspond à une situation où la banque centrale rachète (vend) des titres
publics pour injecter (retirer) de la monnaie dans le système économique: ∆M = - ∆Bg. Si la
banque centrale augmente l’offre de monnaie , l’excès de demande de titres provoque une
augmentation de leur cours, et donc une baisse du taux d’intérêt. Cette baisse rééquilibre le
marché des titres et de la monnaie parce que la diminution du taux d’intérêt implique, pour un
motif de spéculation, une augmentation de la demande de monnaie et donc une baisse du taux
d’intérêt consécutive à une expansion monétaire (effet Keynes) :
−(1−𝑐)
∆𝑖 𝑙1
| ∆𝐵𝑔 = (1−𝑐)𝑙2 ≤0
∆𝑚 Δm = 𝑔+
𝑃 𝑙1
𝑀
𝑚 représente la quantité de monnaie en terme réels 𝑃 . La baisse du taux d’intérêt représente
16
Figure 6 : Effet de la politique monétaire
Cas particuliers
Trois cas particuliers de l’efficacité de la politique monétaire peuvent être distingués :
l’investissement est insensible au taux d’intérêt, l’économie tombe dans une trappe à liquidité
et la monnaie est demandée uniquement pour des motifs de transaction et de précaution ou cas
monétariste.
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Une sensibilité relativement faible de l’investissement par rapport au taux d’intérêt son
efficacité. À l’extrême, une indépendance totale de l’investissement par rapport au niveau du
taux d’intérêt (g = 0), rend totalement inefficace la politique d’open market. Graphiquement,
cette situation est représentée par une IS qui devient verticale.
Trappe à liquidité
La politique monétaire peut être inefficace lorsque la sensibilité de la demande de monnaie au
taux d’intérêt est élevée. Dans ce cas, une faible variation à la baisse du taux d’intérêt permet
d’éliminer l’excès de demande de titres. Cela correspond à la situation où 𝑙2 est très élevé. A
l’extrême, il peut tendre vers l’infini. Puisqu’une très faible variation du taux d’intérêt suffit
pour résorber l’excès de demande de monnaie, l’investissement ne va varier, ce qui laisse
inchangé la demande globale.
Le mécanisme en jeu est le suivant. Lorsque le taux d’intérêt baisse continument, il finit par
atteindre un niveau appelé imin en deçà duquel tous les agents anticipent qu’il puisse à nouveau
descendre plus bas. En d’autres termes, ils considèrent tous qu’il se redressera dans le futur et
donc les cours des titres vont baisser, ils subiront donc des pertes ou moins-values en capital.
Les agents vont donc remplacer les titres par de la monnaie dans leurs portefeuilles sans que
cette opération se traduise par une baisse du taux d’intérêt. La monnaie tombe alors dans une
trappe à liquidité. Si le taux d’intérêt ne peut plus baisser, il ne peut plus influencer
l’investissement. Une augmentation de l’offre de monnaie n’influence pas le taux d’intérêt et
donc l’investissement. Elle est totalement inefficace.
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Figure 8 : Augmentation de l’offre de monnaie dans une situation de trappe à liquidité.
Cas monétariste
C’est Keynes qui a scindé la monnaie est demandée à des fins de transaction et de précaution
et à des fins de spéculation. Dans l’analyse néo-classique ou monétariste, il n’existe pas de
motif de spéculation dans la détention d’encaisse monétaires. Cela implique que 𝑙2 est nul. Le
1
revenu d’équilibre est déterminé uniquement par le marché monétaire : Y = 𝑚 .
𝑙1
19
Figure 9 : Efficacité de la politique monétaire lorsque la monnaie est demandée à des
fins de transactions.
Toute l’augmentation de l’offre de monnaie est utilisée pour réaliser des transactions dans un
contexte où l’augmentation du revenu était bloquée par le manque de monnaie.
Ce cas particulier du modèle IS-LM, que l’on peut considérer comme représentatif de la vision
de court terme de Milton Friedman et de l’école monétariste, renvoie à la théorie quantitative
de la monnaie : les variations du produit nominal sont déterminées uniquement par les
variations de l’offre de monnaie. Si l’on considère que le niveau général des prix est constant,
c’est le volume de transaction qui sera déterminé par l’offre de monnaie. Le taux d’intérêt
permet alors d’ajuster la demande de biens à ce niveau de production, lui-même déterminé par
la quantité de monnaie en circulation dans l’économie.
implicite des dépenses publiques dans le modèle IS-LM parce que le marché des titres
n’apparaît pas explicitement (en raison de la loi de Walras le sont les marchés des biens et
services, du travail et de la monnaie qui sont pris en compte). L’impact de l’augmentation des
dépenses est calculé à partir de l’équation d’équilibre du revenu en considérant uniquement le
coefficient relatif aux dépenses publiques. Le multiplicateur de dépense publiques fiancées par
emprunt est donc égal à :
∆𝑌 1
| 𝑔 =
∆𝐺 ΔG = ∆𝐵 𝑔𝑙
𝑃 (1 − 𝑐) + 1
𝑙2
Une politique de relance de dépense publique qui crée un déficit budgétaire financé par emprunt
est efficace puisque le revenu national est affecté durablement à la hausse. Cet accroissement
est représenté dans le graphique par un déplacement du revenu de 𝑌0 à 𝑌𝑖 , , à la suite du
déplacement de la courbe IS vers le haut (IS ⟶ 𝐼𝑆 ′ ).
Effet indirect. Mais les conséquences de l’augmentation des dépenses publiques ne s’arrêtent
pas là. La hausse du revenu qu’elle induit entraîne une augmentation des encaisses monétaires
désirées. Les ménages vont chercher à substituer de la monnaie à des titres dans leurs
portefeuilles, provoquant donc un excès d’offre de titres en contrepartie de l’excès de demande
de monnaie. Le taux d’intérêt augmente passant de 𝑖0 à 𝑖1 ) et rétablit ainsi l’équilibre sur les
marchés de capitaux par l’intermédiaire du motif de spéculation. Ce sont donc les
comportements de demande monnaie des ménages qui conditionnent l’ampleur de hausse du
taux d’intérêt. Plus la sensibilité de la demande de monnaie au revenu 𝑙1 est faible, plus faible
sera le déséquilibre initial sur le marché monétaire. En outre, un déséquilibre donné sur le
marché monétaire sera éliminé par une hausse relativement faible du taux d’intérêt si le
paramètre 𝑙2 est élevé. Le mode de financement des dépenses publiques tend à renforcer
l’augmentation du taux d’intérêt puisqu’il s’ajoute à la hausse de dernier induite par
l’augmentation de la demande de monnaie à des fins de transaction et de précaution. En effet,
l’emprunt de l’État correspond à des émissions de titres publics, donc à une offre
supplémentaire de titres, ce qui tend à baisser les cours et augmenter le taux d’intérêt.
∆𝑖 1
| = >0
∆𝐺 ΔG =∆𝐵𝑔 (1 − 𝑐)𝑙2
𝑃 𝑔+
𝑙1
La hausse du taux d’intérêt va rétroagir sur le marché des biens, en provoquant une baisse de
l’investissement privé : il se produit un effet d’éviction du secteur privé par le secteur public.
∆𝐼 = −𝑔∆𝑖 < 0
Soit
22
∆𝐼 −𝑔
| =
∆𝐺 ΔG =∆𝐵𝑔 (1 − 𝑐)𝑙2
𝑃 𝑔+
𝑙1
Cas particulier du keynésianisme élémentaire
Moins l’investissement est sensible aux variations du taux d’intérêt, plus fort sera le
multiplicateur des dépenses publiques. L’efficacité de la politique d’accroissement des
dépenses publiques atteint son efficacité maximale lorsque cette sensibilité est nulle, c’est-à-
dire que = 0 , ce qui correspond à ce qu’on a appelé le modèle keynésien élémentaire. En effet,
dans une telle situation, il y a absence d’effet d’éviction puisque le revenu d’équilibre passerait
de Y0 à 𝑌̃1 sur le graphique 10 ; 𝑌̃1 − 𝑌1 constitue une mesure de l’effet d’éviction.
Un autre cas extrême qu’il convient d’étudier est celui où l’économie tombe dans une trappe à
liquidité. Alors, l’augmentation des dépenses publiques n’entraîne pas une variation du taux
d’intérêt, et donc de baisse de l’investissement privé (figure 11)
Le cas monétariste
23
Lorsque la monnaie est demandée uniquement pour des motifs de transaction et de précaution,
le taux d’intérêt n’est pas affecté pas affecté par l’augmentation des dépenses publiques qui n’a
aucun effet sur la demande et l’offre de monnaie. Graphiquement, la courbe LM devient une
droite verticale. L’accroissement des dépenses publiques n’a aucun effet sur le revenu.
Figure 12 : Augmentation des dépenses dans une situation où la monnaie est demandée à
des fins de transactions et de précaution.
∆𝑇 = ∆𝐵 𝑔 = 0.
Le multiplicateur des dépenses publiques correspondant est égal à :
𝑔
∆𝑌 1+
𝑙2
| =
∆𝐺 ΔG = ∆𝑀 𝑔𝑙
𝑃 (1 − 𝑐) + 1
𝑙2
Comparons le multiplicateur de la politique monétaire avec celui de la politique budgétaire. Le
financement monétaire est nettement plus efficace que la politique budgétaire financée par
emprunt. L’explication réside dans le fait que le financement par emprunt produit un effet
d’édiction de l’investissement privé par les dépenses publiques à la suite de la hausse du taux
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d’intérêt. Or, dans le cas du financement monétaire, l’offre de monnaie augmente, ce qui limite
la hausse du taux d’intérêt. On peut même envisager la situation où le taux d’intérêt baisse
malgré la hausse des dépenses publiques parce que la sensibilité de la demande d’encaisses de
transactions et de précaution est très faible. L’effet des dépenses publiques sur le taux d’intérêt
lorsqu’elles sont financées par la création monétaire est donné par le multiplicateur suivant :
∆𝑖 1 − (1 − 𝑐)/𝑙1
| =
∆𝐺 ΔG =∆𝑀 (1 − 𝑐)𝑙2
𝑃 𝑔+
𝑙1
25
Une troisième option dont dispose l’Etat consiste à financer l’’augmentation de ses dépenses
par prélèvement d’un impôt additionnel. Dans ce cas, son budget reste équilibré : : ∆G = ∆𝑇.
Le multiplicateur obtenu, appelé multiplicateur d’équilibre, est positif ce qui indique une
augmentation du revenu. Dans l’économie que nous considérons, les impôts sont un montant
forfaitaire prélevé sur les ménages, et sont donc exogènes.
∆𝑌 (1 − 𝑐)
| =
∆𝐺 ΔG =∆T (1 𝑔𝑙
− 𝑐) + 1
𝑙2
L’effet positif est dû à la supériorité en termes d’efficacité de la politique de dépenses publiques
par rapport à la politique fiscale. Si les impôts baissent le revenu augmente dans une proportion
égale au multiplicateur fiscale :
∆𝑌 𝑐
=
∆𝑇 (1 𝑔𝑙1
− 𝑐) +
𝑙2
Le multiplicateur fiscal est inférieur à celui des dépenses publiques parce que la variation des
impôts ne joue qu’indirectement sur la demande agrégée en affectant le revenu alloué aux
dépenses de consommation, alors que les dépenses publiques augmentent d’autant la demande
agrégée. Dans le cas où l’investissement ne réagit pas au taux d’intérêt (keynésianisme
monétaire), le multiplicateur est unitaire. Ce résultat est appelé aussi théorème d’Haavelmo.
Comparé aux multiplicateurs monétaire et par emprunt, le multiplicateur de budget équilibré
est plus faible. En effet, l’augmentation des impôts diminue le revenu disponible des ménages,
donc leur consommation baisse. C’est comme si la consommation publique s’était substituée
à la consommation privée. On peut donc parler d’effet d’éviction de la consommation privée.
La propension à consommer joue un rôle déterminant dans l’augmentation du revenu : plus elle
est élevée, plus elle renforce l’effet de la hausse des impôts.
Créer du déficit budgétaire, quelle que soit la modalité de son financement, est donc plus
efficace que se contenter d’augmenter la taille du budget de l’État.
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Figure 14. Financement de l’augmentation des dépenses publiques par l’impôt.
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