Avis Meres en Lutte

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AVIS DE LA CIIVISE

INCESTE :

PROTÉGER

LES ENFANTS
À PROPOS DES
MÈRES EN LUTTE
Avis du 27 octobre 2021

« Aidez-moi à protéger ma fille » .

« Enfant en danger. Maman désespérée. Aidez-nous »


.

« Ceci est un appel au secours »


.

« Je vous écris car je suis désespérée, anéantie »


.
Vous n'êtes plus seul.e.s, on vous croit.
Emmanuel Macron, Président de la République, 23 janvier 2021

Depuis son installation en mars 2021, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences
sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) est alertée par des centaines de mères — dont l’enfant a révélé
des violences sexuelles de la part de son père — et qui sont suspectées de manipuler leur enfant pour
nuire à leur conjoint, en les accusant d’inceste, le plus souvent dans le contexte d’une séparation.

Depuis plusieurs années, le Collectif féministe contre le viol (CFCV), association spécialisée dans
l’écoute des victimes de violences sexuelles et de leurs proches, reçoit quotidiennement des appels à
l’aide de ces mères. Dans le cadre de l’appel à témoignages à destination des personnes ayant été
victimes de violences sexuelles dans l’enfance lancé par la commission le 21 septembre 2021,
notamment avec le CFCV, près d’un tiers des témoignages reçus sont relatifs à des situations
similaires.

Ces mères, qui portent plainte pour violences sexuelles suite aux révélations de leurs enfants et qui, en
cherchant à les protéger, se voient condamner pour non-représentation d’enfant ou retirer la garde au
profit de leur père. Cette réalité interroge l’autorité judiciaire dans sa capacité à protéger les enfants
efficacement, et interroge ainsi la société dans son ensemble.

Face aux alertes de ces mères, la CIIVISE rend son premier avis et formule trois recommandations
pour protéger les enfants.

Recommandations
Assurer la sécurité de l’enfant dès les premières révélations
Recommandation 1 : Prévoir la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des
droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre
son enfant.

Assurer la sécurité du parent protecteur


Recommandation 2 : Suspendre les poursuites pénales pour non-représentation d’enfants contre un
parent lorsqu’une enquête est en cours contre l’autre parent pour violences sexuelles incestueuses.

Assurer la sécurité durable du parent protecteur et de l’enfant


Recommandation 3 : Prévoir, dans la loi, le retrait systématique de l’autorité parentale en cas de
condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses contre son enfant.
En finir avec la présomption de culpabilité
des mères
« Aidez-moi à protéger ma fille ». « Enfant en danger. Maman désespérée.
Aidez-nous ». « Ceci est un appel au secours ». « Je vous écris car je suis
désespérée, anéantie ».

Les centaines de témoignages transmis à la commission depuis le mois de mars 2021 sont autant
d’appels à l’aide de la part de mères, très majoritairement, dont les enfants ont révélé des violences
sexuelles commises par leur père.

Parmi ces témoignages, celui de Christine, dont le prénom ainsi que celui de sa fille ont été modifiés.

Christine et Katy
Christine* est victime de violences conjugales de la part de son mari. Après un épisode de violences particulièrement
virulent, elle fuit le domicile conjugal avec sa fille – Katy – et se réfugie chez son père, à l'autre bout de la France.
Dans le cadre du divorce, son mari obtient un droit de visite et d’hébergement pour la moitié des vacances scolaires.

Quelques années plus tard, Katy, alors âgée de quatre ans et demi, révèle à plusieurs professionnels de santé et de
l’Education nationale les violences sexuelles dont elle est victime de la part de son père. A l’infirmière scolaire, elle
demande : « c’est normal ou pas que mon papa fasse tourner ma nénette autour de son doigt et qu’il m’oblige à
retirer ma culotte pour dormir ? ».

Christine dépose alors une plainte pour viol. Durant la procédure, le père exerce un droit de visite médiatisée de deux
heures tous les mois. Katy déclare alors aux médiateurs que « papa lui a mis du gel hydroalcoolique dans la nénette ».
Christine dépose une nouvelle plainte, que les médiateurs lui somment de retirer parce que « ce n’est pas possible ».

La première plainte pour viol est classée sans suite, au motif que l’infraction est insuffisamment caractérisée.

Un an après les premières révélations, Katy refait les mêmes révélations à sa maîtresse. Elle a alors cinq ans et demi
et se confie à sa mère : « maman, j’ai envie de me tuer », « j’ai envie de mourir, parce que c’est trop ». A la question «
pourquoi ? », elle répond « à cause de papa ».

Le juge pour enfants confie Katy à l’aide sociale à l’enfance, évoquant un « conflit parental massif ». L’équipe
éducative du foyer reproche à Christine d’avoir « élevé sa fille contre son père » et de « marquer sa fille de
son empreinte, en lui faisant des tatouages éphémères ou en lui vernissant les ongles. »

Son père a obtenu trois heures de visites partiellement médiatisées tous les quinze jours, alors que Christine ne peut
la voir que 45 minutes tous les quinze jours en visites médiatisées.

*Son prénom ainsi que celui de sa fille ont été modifiés, ainsi que l’ensemble des prénoms des témoins mentionnés dans cet avis.
Une immense majorité des témoignages qui nous ont été transmis font état de ce même mécanisme :
en dépit des révélations de l’enfant, ce n’est pas le père qui est mis en cause mais la mère, accusée de
manipuler son enfant.

« Je suis fatiguée. Son père est présumé innocent, et je suis présumée


coupable ».
Une des mères écrit notamment — en parlant du juge aux affaires familiales chargé de son dossier —
« il m’accuse de vouloir élever des enfants sans père, ainsi que d’être folle cliniquement parlant, en
d’autres termes, ma folie serait donc responsable des révélations de l’enfant. »

Une autre rapporte la question de la psychologue chargée de l’évaluation psychologique de son fils de
cinq ans, après qu’il a déclaré « papa m’a fait des chatouilles dans les fesses, le soir, je suis triste, très

Christine et Katy
très triste » : « tu sais que ton papa peut aller en prison pour ça ? C’est ta maman qui t’a dit de dire ça ?
».

Une autre encore signale sa stupéfaction face à l’ironie de la policière en charge de l’audition de sa fille,
qui avait révélé une agression sexuelle de la part de son père : « si toutes les personnes qui
changeaient les couches d’un enfant et lui touchaient les fesses étaient considérées comme des
pédophiles, alors j’en serais une aussi ! Réfléchissez quelques jours et revenez nous voir ».

« Mon père m'a frappé sur le trou des fesses » : c'est ainsi que Jules, 15 ans et porteur d'un handicap
cognitif, formule les violences que lui fait subir son père. La mère de Jules écrit à la commission : « son
père utilise le fait qu'il a beaucoup de mal à s'exprimer pour discréditer ma parole en disant que je le
manipule ou que je l'influence. »

« Il n’y a pas plus grande angoisse pour une mère que de ne pas savoir si,
d’un jour à l’autre, nos enfants ne seront pas obligés de retourner vivre
chez leur agresseur ».
Ces accusations de manipulation adressées aux mères ne sont pas sans conséquence sur la résidence
des enfants. Nombre d’entre elles nous disent les injonctions contradictoires auxquelles elles sont
confrontées : « comment respecter les lois qui me donnent l’obligation de protéger et garantir la
sécurité physique, psychique et morale de mon enfant, alors que la justice m’oblige à le mettre en
danger ? ».

C’est une source d’angoisse particulièrement importante pour les mères qui cherchent avant tout à
protéger leur enfant et qui risquent, de ce fait, une peine d’emprisonnement et la perte de la garde.

L’une d’entre elles écrit à la commission, après avoir refusé de remettre son fils à son ex-conjoint : « je
refuse de voir souffrir mon fils, je refuse qu’on me dise encore « il faut tester », ce n’est pas un jouet
qu’on peut casser et remonter indéfiniment. ».

Une autre déclare avoir échoué à prouver « qu’elle n’est pas une mère manipulatrice », et qu’elle s’est
vue « contrainte par la justice, après 10 mois de non-présentation, de remettre Jules, un samedi sur
deux, de 10h à 18h à son père, sans médiatisation, sans accompagnement. »

Une autre encore écrit à la commission : « pour la sécurité des enfants, je vais bientôt devoir prendre la
responsabilité d’être en délit de non-représentation d’enfants, et je sais que cela va peser lourd dans
la prochaine décision du juge aux affaires familiales ».
Une étude réalisée par la professeure de droit américaine Joan Meier à partir de
4338 jugements concernant la résidence d’enfants de parents séparés vient
objectiver cette réalité, qui est également connue outre-Atlantique : lorsque des
accusations de violences sexuelles sur les enfants sont portées par les mères, elles
ne sont reconnues par le juge que dans 15% des cas, et presque jamais quand le
père accuse la mère de manipulation (2%) (MEIER, 2019).

Face à de telles décisions, la mère se retrouve face à un dilemme : respecter la décision de justice ou
protéger son enfant, au risque d’être poursuivie pour non-représentation d’enfant.

C’est l’article 227-5 du code pénal qui définit le délit de non-représentation d’enfant : « le fait de refuser
Christine et Katy
indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni d’un an
d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

En 2019, selon les données du Ministère de la Justice, parmi les condamnations prononcées pour non-
représentation d’enfants, 80% concernaient des mères.

Les poursuites pour non-représentation d’enfants des mères qui dénoncent des violences sexuelles
incestueuses que leur fils ou leur fille a révélées traduisent la difficulté de la société et des professionnels
à prendre au sérieux la parole des enfants et celle des mères.
En finir avec le mythe des fausses plaintes
de maltraitances sur les enfants dans le
contexte d’une séparation parentale
« La justice cherche davantage à vérifier si je cherche à me venger de mon
mari qu’à protéger mon enfant ».

Si de nombreuses mères sont accusées de porter de fausses allégations lorsqu’elles dénoncent


l’inceste subi par leur enfant, les études scientifiques disponibles démontrent au contraire que les
fausses dénonciations de maltraitances sont marginales dans un contexte de séparation parentale.

Ainsi, une étude de 2005 vient objectiver cette réalité : sur un échantillon de 7 672
dossiers de maltraitance sur enfants, le parent ayant la garde de l’enfant (la mère le
plus souvent) n’est l’auteur que de 7% des dénonciations d’une part et ne commet
une dénonciation intentionnellement fausse que dans 2% des cas d'autre part, soit
12 cas sur l’ensemble des dossiers de maltraitance (Trocmé et Bala, 2005).

Non seulement les fausses dénonciations sont extrêmement marginales, mais surtout il n’est plus à
prouver que les violences sexuelles faites aux enfants font l’objet d’une sous-révélation massive : il y
a très peu de révélations des faits en proportion de leur nombre, et quand les victimes les dénoncent,
elles disent moins que l’horreur du réel effectivement éprouvée. Pourtant, le réflexe reste celui-ci :
« attention, c’est peut-être un mensonge, une manipulation. »

Par ailleurs, le croisement des enquêtes Contexte de la sexualité en France et Cadre de vie et sécurité
nous permet d’estimer que chaque année, 160 000 enfants subissent des violences sexuelles. Grâce
à l’enquête VIRAGE de l’INED, nous savons que les victimes de violences sexuelles dans leur enfance
désignent leur père comme étant l’auteur des faits dans 14 % des cas pour les femmes et 10% pour
les hommes.

Nous pouvons ainsi estimer que près de 22 000 enfants sont victimes, chaque
année, de violences sexuelles commises par leur père.

Pourtant, en 2020, seules 1 697 personnes ont été poursuivies pour viol incestueux sur mineur ou
pour agression sexuelle sur mineur, quel que soit le lien de parenté avec la victime. En 2018, seules
760 personnes ont été condamnées pour l’une ou l’autre de ces infractions. Le service statistique du
ministère de la Justice ne dispose pas de données affinées sur le sujet : il n’est pas possible d’isoler
le nombre de poursuites relatives à des incestes paternels. Toutefois, ces données nous permettent
de présumer que le nombre de pères poursuivis pour violences sexuelles incestueuses est très en-
deçà du nombre de victimes.

Cet écart nous amène à poser la question suivante : « où sont les 22 000 enfants
victimes ? ».

La suspicion systématique des professionnels à l’égard des mères qui dénoncent des violences
sexuelles commises sur leur enfant est un obstacle majeur au repérage et à la protection des enfants
victimes de violences sexuelles.
En finir avec le déni de la réalité des
violences sexuelles faites aux enfants
« Personne me croit, personne m’aime. »
Allan, 5 ans

Cet état des lieux témoigne de la manière dont on enterre trop souvent la parole des enfants victimes
d’inceste et de leur mère, au prétexte que les fausses allégations seraient massives, et que les
violences dénoncées seraient un prétexte. Comment peut-on expliquer le fossé entre la suspicion
systématique des mères et de leur enfant et ce que nous dit la littérature scientifique ?

La stratégie de l’agresseur
Si chaque récit de violences sexuelles porté à la connaissance de la commission est unique, la
stratégie de l’agresseur est toujours la même : isoler sa proie, créer un climat de peur, passer à
l’acte, inverser la culpabilité, imposer le silence, rechercher des alliés et assurer son impunité.

Une mère décrit à cet égard les menaces de son ex-conjoint, quand elle lui parle des douleurs au
vagin dont se plaint sa fille de 3 ans et demi « papa, il a mis un doigt dans mon zizi » : « Je vais
appeler l’ASE en disant que tu es une sale mère, que tu es maltraitante ».

Pour une autre d’entre elles, les menaces sont encore plus claires : « si tu portes plainte, tu ne
reverras plus ta fille ».

C’est à Léo, 6 ans, que s’adresse directement un père accusé par son fils de « lui masser le zizi pour
lui donner du plaisir », afin de le pousser à se rétracter : « je ne vais pas te lâcher, le jour, la nuit,
jusque dans ton sommeil », selon le récit de la mère de l'enfant.

Dans ces situations, la stratégie de l’agresseur – « Si tu parles, on va te retirer les enfants. C’est toi
qui ira en prison. » – est confortée par le réel puisque, de fait, les mères ne sont pas crues et sont
suspectées de manipuler leur enfant. Face aux violences que l’on pourrait qualifier « de l’intime » –
qu’elles soient conjugales ou sexuelles – les mécanismes de déni restent très puissants.

De la même manière, lorsqu’une mère ou un enfant dénonce le viol ou l’agression sexuelle


incestueuse, on renvoie la victime dans le silence en objectant que face aux dénégations de
l’agresseur, c’est « parole contre parole ». Pourtant, nous n’avons pas le même réflexe lorsqu’une
victime du vol de son téléphone portable désigne son agresseur, le reconnaît sur une photo et refuse
une confrontation par peur de se trouver en sa présence.
La pseudo « aliénation parentale »

Le déni des violences sexuelles faites aux enfants est cautionné par l’usage fréquent et
problématique de discours anti-victimaires, tels que les pseudo concepts d’aliénation parentale et de
syndrome d’aliénation parentale (SAP).

Le pseudo « syndrome d’aliénation parentale » a été inventé par le docteur Richard Gardner à la fin
des années 1980. Il accrédite l’idée que dans la plupart des cas de séparations conjugales
conflictuelles, le parent avec qui vit l’enfant, c’est-à-dire la mère le plus souvent, « lave le cerveau » de
l’enfant pour que celui-ci refuse de voir son autre parent, le père le plus souvent.

Malgré l’absence de validation scientifique, le pseudo SAP s’est très largement diffusé dans la
pensée et dans les pratiques des professionnels. Il contribue à l’invisibilisation des violences
sexuelles faites aux enfants, de même qu’il rend impossible d’être un parent protecteur, puisque la
mère tentant de protéger son enfant victime d’inceste se trouve accusée de le manipuler.

Le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la


violence domestique (GREVIO) du Conseil de l’Europe, dans son rapport
d’évaluation de référence sur la mise en œuvre de la convention d’Istanbul par
la France du 19 novembre 2019, alertait les autorités françaises sur l’impact
néfaste pour la protection des enfants de la diffusion du concept d’aliénation
parentale dans les pratiques des professionnels, notamment des experts.

En Espagne, la loi organique globale de protection de l’enfance et de


l’adolescence contre la violence, entrée en vigueur le 25 juin 2021, prévoit que
les pouvoirs publics devront prendre les mesures pour empêcher que le
« syndrome d’aliénation parentale » soit utilisé par les professionnels.

Plus récemment, par une résolution du 6 octobre 2021, le Parlement européen


vient de faire part de sa préoccupation sur le recours fréquent au concept
d’aliénation parentale. Il conduit les professionnels à ne pas prendre en compte
le témoignage des enfants et les risques de violences auxquels ils sont
exposés.

La CIIVISE appelle l'ensemble de professionnels à proscrire le recours au pseudo syndrome


d'aliénation parentale, tout particulièrement dans le processus de décision judiciaire.

La CIIVISE rappelle que dès juillet 2018, le ministère de la Justice a mis en ligne une note
d’information sur le site intranet de la direction des affaires civiles et du sceau pour « informer les
magistrats du caractère controversé et non reconnu du syndrome d’aliénation parentale, les inciter à
regarder avec prudence ce moyen lorsqu’il est soulevé en défense et leur rappeler que d’autres outils
sont à leur disposition en matière civile ».
Pour une culture de la protection
Dans le cadre de l’appel à témoignages, la commission a également reçu le témoignage d’un certain
nombre de professionnels. Parmi ces derniers, celui d’une pédopsychiatre qui se dit « très inquiète
de la totale surdité du service d’enquête sociale aux propos de l’enfant et de leur certitude qu’il
s’agit d’un syndrome d’aliénation parentale ».

Pour protéger les victimes et faire reculer l’impunité des agresseurs, il faut à la fois une législation et
des pratiques professionnelles protectrices.

Car le risque que courent la société et les professionnels n’est pas d’inventer des violences mais de
laisser passer des enfants victimes sous leurs yeux sans les protéger.

Or, poursuivre une mère pour non-représentation d’enfant, c’est d’abord la soumettre à l’injonction
paradoxale mentionnée précédemment (protéger son enfant ou respecter la loi) mais c’est aussi
envoyer l’enfant là il ne veut pas aller parce qu’il y est victime de violences.

Face à cette injonction paradoxale, il est impératif – comme le recommande Ernestine Ronai,
responsable de l’Observatoire des violences faites aux femmes du département de la Seine-Saint-
Denis, qui promeut une culture de la protection – de penser la protection avant la sanction et de
sécuriser les mères dans cette attente.

C’est la raison pour laquelle la commission préconise de suspendre les poursuites pénales pour non-
représentation d’enfants contre un parent lorsqu’une enquête est en cours contre l’autre parent pour
violences sexuelles incestueuses. Protéger la mère, c’est déjà protéger l’enfant.

Recommandation : Suspendre les poursuites pénales pour non-


représentation d’enfants contre un parent lorsqu’une enquête est en
cours contre l’autre parent pour violences sexuelles incestueuses.

Quand un enfant révèle des violences, il est impératif de le protéger et de le mettre en sécurité
immédiatement. Croire l’enfant, c’est avant tout un principe de précaution. Car un enfant qui révèle
des violences et qui n’est pas cru risque un effondrement psychique et perd confiance dans le monde
des adultes.

Dans le cas spécifique des violences sexuelles incestueuses commises par l’un des parents, seule la
suspension de plein droit de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement de ce dernier
est à même de générer de la sécurité pour l’enfant.

Recommandation : Prévoir la suspension de plein droit de l’exercice de


l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent
poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant.
L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant
(article 371-1 du code civil), c’est-à-dire sa protection et la prise en compte de ses besoins
fondamentaux. Les violences sexuelles incestueuses sont à l’évidence une transgression gravissime
de l’autorité parentale.

Il est donc impératif de tirer les conséquences civiles de la condamnation pénale. Or, lorsqu’un parent
est déclaré coupable de violences sexuelles incestueuses sur son enfant, il est établi qu’il ne respecte
pas les devoirs attachés à l’autorité parentale.

La commission recommande donc de prévoir dans la loi le retrait systématique de l’autorité parentale
en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses contre son enfant.

Recommandation : Prévoir, dans la loi, le retrait systématique de


l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violences
sexuelles incestueuses contre son enfant.

Le 23 janvier 2021, le Président de la République déclarait, en s’adressant aux


victimes de violences sexuelles : « vous n’êtes plus seul.e.s, on vous croit ».

La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux


enfants (CIIVISE) est guidée par cet impératif inconditionnel. Les nombreuses
mères qui se sont tournées vers elle l’ont fait dans l’espoir que leur enfant serait
protégé.

La CIIVISE les a entendues et présente ces trois recommandations qui permettront


de garantir la mise en sécurité des enfants qui ont besoin d’être crus lorsqu’ils
révèlent les violences qu’ils et elles subissent.

La protection effective des enfants se heurte au fait que 70% des plaintes pour
violences sexuelles font l’objet d’un classement sans suite. Comprendre les causes
de ce taux très important et identifier les besoins des professionnels pour le
réduire sont une priorité pour la CIIVISE.

Dès aujourd’hui, la CIIVISE insiste sur le fait que, même lorsque l’enquête pénale
aboutit à un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée, la
protection de l’enfant qui a dénoncé des violences sexuelles incestueuses doit
primer sur toute autre considération, jusque dans le traitement judiciaire des
rencontres père-enfant.
Références
BERGER M. (2013)
L'ÉCHEC DE LA PROTECTION DE L'ENFANCE, PARIS, DUNOD.

BRUCH CAROLE S. (2002)


LES CONCEPTS DE SYNDROME D'ALIÉNATION PARENTALE (SAP) ET D'ENFANTS
ALIÉNÉS. SOURCES D'ERREUR DANS LES CONFLITS DE GARDE D'ENFANTS, CHILD
AND FAMILY LAW QUARTERLY

CONSEIL DE L'EUROPE (2021)


LA CONSÉQUENCE DES VIOLENCES CONJUGALES ET DES DROITS DE GARDE SUR
LES FEMMES ET LES ENFANTS

DURAND EDOUARD, RONAI ERNESTINE (2021)


VIOLENCES SEXUELLES : EN FINIR AVEC L'IMPUNITÉ, PARIS, DUNOD

LEMONIER HUGO (2021)


INCESTE : DES MÈRES FACE AU SILENCE DE LA JUSTICE, MEDIAPART

LEMONIER HUGO (2021)


INCESTE : LE "SYNDROME D'ALIÉNATION PARENTALE", UNE IDÉOLOGIE
PUISSANTE, MEDIAPART

MEIER JOAN S., DICKSON SEAN, O'SULLIVAN CHRIS, ROSEN LEORA, HAYES
JEFFREY (2019)
CHILD CUSTODY OUTCOMES IN CASES INVOLVING PARENTAL ALIENATION AND
ABUSE ALLEGATIONS, GWU LAW SCHOOL PUBLIC LAW RESEARCH PAPER

PRINGENT PIERRE-GUILLAUME, SUEUR GWÉNOLA (2020)


A QUI PROFITE LA PSEUDO-THÉORIE DE L'ALIÉNATION PARENTALE, PARIS, LA
DÉCOUVERTE

ROMITO PATRICIA (2011)


LES VIOLENCES MASCULINES OCCULTÉES : LE SYNDROME D'ALIÉNATION
PARENTALE, EMPAN

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