(1757-1834) La Fayette
(1757-1834) La Fayette
(1757-1834) La Fayette
Archives départementales
de Seine-et-Marne
Le marquis de La Fayette
(1757-1834)
Le marquis de La Fayette
avant son arrivée en Brie (1757-1800)
Le « héros des Deux Mondes » : Victoires, défaites et captivité…
La Fayette reçu chez Georges Washington à Mount Vernon en 1784, photographie du tableau « Washington and Lafayette
[sic] at Mount Vernon, 1784 » (Thomas Pritchard Rossiter et Louis Remy Mignot, 1859, Metropolitan Museum of Art,
New-York), Jean A. Fortier, sans date, 17,7 x 23,9 cm ; AD 77, 24 J 20-1
Georges Washington (1732-1799), chef d’état major de l’Armée continentale durant la guerre de l’indépendance
américaine, a remarqué La Fayette lors de la bataille de Brandywine (1777). Ils collaborent ensuite au plan militaire
(bataille de Yorktown en 1781) et diplomatique. Cette scène familiale et champêtre illustre les relations cordiales entre les
deux hommes.
Pensant que son exemple serait suivi, La Fayette expose dans une lettre de février 1783 au
président Washington son intention d’acquérir une grande propriété aux États-Unis et d’y
employer comme fermiers des Noirs désignés comme libres. L’un des fondateurs de la
Société des Amis des Noirs, à Paris, dès 1783, il s’exprime à la tribune de l’Assemblée
Nationale le 11 mai 1791 en faveur de leur libération : « (…) les hommes libres, propriétaires,
contribuables d’une colonie, sont des colons. Or les gens de couleur dont il est question sont
propriétaires, cultivateurs, contribuables, libres. Sont-ils des hommes ? Moi je le pense
(…) » 1 .
1
Mémoires, correspondance et manuscrits du général Lafayette, publiés par sa famille, Paris, Paris : H. Fournier
Aîné, Leipzig : Avenarius et Friedlein, 1837-1838, 6 vol., vol. 3, p. 70.
Il s’implique aussi dans la défense des Indiens d’Amérique en 1777 et 1778, avec des discours
à l’assemblée des six nations indiennes.
Il prend parti pour les protestants français, et propose à l’Assemblée des notables de 1787 un
édit qui leur accorde l’état civil. De son expérience américaine, il ramène en France les idées
d’égalité civique, de souveraineté nationale, de refus des privilèges et d’affirmation des droits
de l’homme.
Extrait du discours de La Fayette demandant des états généraux en 1787 ; extrait du tome II
des Mémoires, correspondances et manuscrits du général Lafayette publiés par sa famille,
Paris : éd. H. Fournier Aîné, Londres : éd. Saunders et Otley, 1837, p. 176-177 ; AD 77,
8° 6003/2
Commandant des troupes autour de Paris, La Fayette organise les gardes nationales de France
et intervient indirectement pour la première fois dans l’histoire de la Seine-et-Marne,
notamment à Melun où il est très populaire. En mai 1790, deux magistrats melunais font appel
à lui pour définir la couleur des uniformes, entre le blanc des anciens uniformes ou le noir,
La captivité à Olmütz
La Fayette est connu pour son rôle dans la guerre de l’indépendance des États-Unis
d’Amérique ou pour son intervention avant et au début de la Révolution française. C’est en
Seine-et-Marne qu’il vit par la suite et intervient dans la sphère publique, de 1800 jusqu’à sa
mort à Paris en 1834. Ses attaches avec le département ne sont pas d’un simple intérêt local,
notamment par la proximité de la capitale et de Fontainebleau.
L’emplacement de la demeure du marquis en Seine-et-Marne lui permet d’être en retrait de la vie
politique parisienne et nationale. Mais il marque aussi depuis son domaine briard son opposition
aux nouveaux régimes de 1800 à 1830 et y trouve un refuge face aux adversités politiques.
En Brie, La Fayette comble peu à peu ses dettes grâce à son exploitation agricole et à la
revente de terres qu’il possédait en Bretagne et à Cayenne. En 1803, il glisse sur du verglas en
sortant du ministère de la Marine à Paris et se casse le col du fémur. Une maladroite opération
le laisse boiteux et il doit ensuite marcher avec une canne. Le 24 décembre 1807, son épouse
décède à l’âge de 48 ans. Très affecté, il fait fermer son appartement en le laissant intact. Ces
années de retrait s’achèvent à la chute de l’Empire en 1814 : il revient à Paris pour quelques
mois, pensant que les Bourbons sauront tirer les leçons de la Révolution. Mais ceux-ci
s’orientent vers l’Ancien Régime et les ordonnances royales contre la liberté de la presse tout
comme le retour des émigrés déçoivent La Fayette. Il revient à La Grange-Bléneau, qui subit
le passage d’une garnison prussienne en juillet 1814, sans grands dégâts.
En 1815, La Fayette séjourne une nouvelle fois à Paris, sans se rallier au rétablissement de
l’Empire. Joseph Bonaparte lui propose d’être nommé président de la Chambre des députés.
La Fayette préfère suivre les résultats des votes, refuse son offre et devient candidat lors de la
parution du décret de convocation de la Chambre des représentants. Après 23 ans sans mandat
parlementaire, il est élu député de Seine-et-Marne pendant deux mois. Cependant, lors de la
réunion de la Chambre le 4 juin 1815, il refuse de prêter serment à l’Empereur qui, irrité, lui
fait la remarque que pendant douze ans, la solitude des champs lui a été profitable et l’a
rajeuni et reposé. À la fin des Cent-Jours, il retourne à La Grange-Bléneau et y reste pendant
cinq ans. Il ne cesse de militer pour la liberté au niveau national, mais c’est aussi une période
où il intervient fortement dans la vie du département, notamment lorsqu’il participe à la
fondation de la Société d’Assurances mutuelles de Seine-et-Marne, approuvée par ordonnance
royale du 24 mars 1819.
Au début de la Restauration, La Fayette espère que Louis XVIII instituera un vrai régime
démocratique. Élu député de la Sarthe en octobre 1817, il rejoint les rangs de l’opposition et
participe activement aux débats, en particulier sur la réforme du droit de vote (il souhaite le
suffrage universel) et la défense du drapeau tricolore. Il dénonce la suspension de la liberté de
la presse et intègre l’Association des « Amis de la liberté de la presse ». Le 4 juillet 1821, il
exprime ouvertement au cours d’une séance de l’Assemblée son refus de la Restauration et de
ses dépenses financières excessives.
La lettre qu’il adresse à un électeur le 19 mars 1820 illustre les revendications de La Fayette
concernant la censure et l’importance qu’il accorde à son rôle dans l’opposition. La
correspondance avec ses partenaires et rivaux politiques est pour lui une priorité.
Lettre de La Fayette à un électeur sur la situation politique ; lettre autographe signée de La Fayette, 1820, 1 p. ;
AD 77, 1225 F 32
J’ai reçu avec une vive sensibilité votre bonne lettre, mon cher électeur, les nouveaux
témoignages de votre amitié resteront gravés dans mon cœur ; votre ami vous rendra compte de
notre conversation ; il est évident que la contre révolution se manifeste avec une franchise et
une impatience dont les mesures publiques vous parviennent, jusqu’à présent, par les journaux,
et dont les projets hostiles se dévoilent par les indiscrétions ordinaires de ce parti. Nous allons
commencer un nouveau combat de tribune à propos de la censure : celui de la loi des élections
viendra ensuite. Ce projet de loi a été fortement recommandé par le roi, au préjudice de la loi
actuelle, dans sa conversation avec le bureau de la chambre qui lui apportait celle des lettres de
cachet. Il a dit que le sort de la monarchie dépendait de l’adoption de ce nouveau projet. Je
crains bien que nous ne perdions les trois batailles ; mais l’opinion aura fait de grands progrès.
Cependant on aura encore besoin de nous pour le budget. Si vous venés à Paris je serai bien
heureux de vous voir ; recevès en attendant mes tendres remerciements et amitiés. Laf.
Votre ami est venu hier, ce qui me fait craindre qu’il ne soit parti aujourd’hui : je mets donc ma
lettre à la poste. 19 mars 1820
Jusqu’en 1824, La Fayette finance la Charbonnerie française, société secrète agissant contre le
rétablissement des Bourbons en France, à laquelle il participe activement. La Grange-Bléneau
est considérée comme un centre de la Charbonnerie, où il reçoit à partir de 1820 de nombreux
« comploteurs » souhaitant le renversement du gouvernement. En juin 1820 est élaborée
l’ « affaire de Vincennes » : après l’insurrection des Tuileries grâce à la garnison de
Vincennes, le complot vise à garder en otage la famille royale et instaurer un gouvernement
provisoire.
Cette opération échoue le 10 août 1820 mais La Fayette, avec un nombre plus important
d’officiers, organise l’« affaire de Belfort » : l’insurrection de Belfort par des unités militaires
de l’Est est prévue le 29 décembre 1821. Dirigées par des généraux « charbonniers », elles
doivent prendre peu à peu les villes importantes jusqu’à Paris pour y établir un gouvernement
provisoire dont La Fayette ferait partie. Celui-ci part de La Grange-Bléneau avec son fils le
23 décembre, mais ils sont prévenus qu’un sergent de Belfort a découvert et dénoncé le
complot et ils parviennent à regagner le domaine briard. Les condamnations des comploteurs
sont lourdes, mais La Fayette n’est pas arrêté, faute de preuve réelle de sa participation.
Pendant toute la période de son opposition et particulièrement lors des actions de la
Charbonnerie, La Fayette et La Grange-Bléneau sont surveillés intensément par la police du
royaume.
Lettre du sous-préfet de Coulommiers sur les activités politiques à La Grange-Bléneau, 1826 ; lettre, 1 p. ; AD 77, M 10191-1
Retour de La Fayette à La Grange-Bléneau après un séjour aux États-Unis, 1825 ; rapport journalier de gendarmerie, 2 p. ; AD 77,
5 R 57-1
Le rapport de la gendarmerie royale de Seine-et-Marne du 10 au 11 octobre 1825 relate, parmi d’autres événements locaux, le détail de
la manifestation publique liée au retour du marquis de La Fayette après un séjour triomphal aux États-Unis d’août 1824 à septembre
1825. L’atmosphère de joie et d’exaltation qui l’attend donne une idée de sa popularité en Seine-et-Marne et particulièrement à
Courpalay, où il réside.
Gendarmerie Royale
Rapport du 10 au 11 octobre 1825
(…)
[En marge : ] Copie d’une lettre du Brigadier de Rosay à Mr le lieutenant de Coulommiers
Mon lieutenant
J’ai l’honneur de vous rendre compte que Mr de La Fayette n’est pas encore arrivé en ce moment,
quatre heures du soir ; qu’étant retourné à La Grange, après votre départ, j’y ai resté jusqu’à
minuit, heure où les danses ont cessé, mais toujours avec la même tranquilité dont vous fûtes
témoin. Ce transparent [sic] porte : « Au Général La Fayette, l’ami du peuple et de l’humanité.
L’Amérique l’a déifié au souvenir de la liberté qu’il respire, la France le rêve par ses vertus
morales et le monde entier l’admire. » Sur un autre transparent était « À Georges Lafayette
Washington héritier des vertus de son père. »
La Fayette est un membre éminent de l’opposition libérale à Charles X, monté sur le trône en
1824 et qui a entrepris de restreindre les libertés. Le roi dissout la chambre des députés le
16 mai 1830, dans l’espoir d’évincer définitivement les libéraux. Mais ce sont eux qui
l’emportent aux élections tenues le 23 juin.
Lettre de La Fayette sur la situation politique, 24 juillet 1830 ; lettre autographe signée de La Fayette, 1 p. ;
AD 77, 1225 F 5
La Fayette se réjouit ici de la victoire de Joseph Thomas (1776-1839), député des Bouches-du-Rhône de 1829 à 1830,
choisi comme député par le grand collège de l’Eure le 19 juillet. Il associe à sa joie Toussaint-Joseph Borély (1788-
1875), l’un des principaux animateurs du parti libéral de Marseille.
La réunion de la nouvelle chambre qu’évoque La Fayette pour le 3 août n’aura cependant pas lieu en raison des Trois
Glorieuses.
Après la Révolution, les grands propriétaires fonciers, souvent nobles de l’Ancien Régime
ayant adhéré aux idées libérales, s’impliquent intensément dans la vie politique et publique à
travers les sociétés savantes, les fêtes agricoles et les institutions charitables. Favorisés par
les lois électorales, ils sont jusqu’à la IIIe République très représentés parmi les députés et
conseillers généraux de Seine-et-Marne, à l’image des La Fayette.
Député de l’arrondissement de
Meaux
Même s’il est aussi député de la
Sarthe d’octobre 1817 à 1822, c’est
le rôle de député de l’arrondissement
de Meaux qui est la principale
activité politique du marquis à la fin
de sa vie. Il constitue aussi son
implication la plus durable et
importante dans la vie politique du
département. Ces mandats s’inscri-
vent dans une période politique
instable : cinq d’entre eux s’achèvent
en raison d’une dissolution de la
Chambre des députés.
auprès du préfet le 21 juin 1832. Élu au scrutin par canton en novembre 1833, il garde ensuite
cette fonction, ainsi que celle de président du Conseil général, jusqu’à sa mort le 20 mai 1834.
1er mandat : 17 novembre 1827 – 16 mai 1830 (la Chambre des députés est dissoute).
2e mandat (réélu): 13 juillet 1830 – 31 mai 1831 (la Chambre des députés est dissoute).
Il effectue ce mandat en même temps que son père, député de Meaux.
3e mandat (réélu) : 6 juillet 1831 – 20 mai 1834.
Député de Meaux
Commissaire de la République en
Seine-et-Marne (29 février – 1er mai
1848)
Député de Seine-et-Marne
Député de Coulommiers
Candidat d’opposition en 1863 et 1869, mais battu
dans les deux cas par le candidat officiel.
Vue de la façade sur jardin du château de La Grange-Bléneau, Courpalay, carte postale, sans date ; AD 77, 2 Fi 1604
Souvent ruiné, puis restauré, le domaine de La Grange a été modifié au cours du temps
suivant le goût de ses propriétaires : des premiers Bléneau-Courtenay datent les tours à
poivrières, les mâchicoulis et le dur aspect des constructions féodales, dont la majeure partie
ne remonte pas au-delà du XVIe siècle, à l’exception de la porte d’entrée qui serait du XIVe ou
du XVe siècle selon les archéologues.
Trois siècles plus tard, cette forteresse est transformée par de nouveaux maîtres, les
d’Aubusson. La cour d’honneur est dotée de parterres fleuris et une façade classique sobre est
réalisée entre les tours d’angle. Les coûts d’entretien et d’embellissement du château ruinent
le Maréchal de la Feuillade, duc d’Aubusson, vers 1740, qui le vend alors à Pierre Grassin,
Directeur général des Monnaies. Par la suite, le domaine est acquis par un conseiller du
Parlement : Louis Dupré. Son arrière petite-fille, Marie-Adrienne de Noailles, épouse le
marquis de La Fayette en 1774 et hérite du domaine par sa mère, Anne Louise Henriette
d’Aguesseau, en 1800, grâce aux mesures en faveur des ex-émigrés.
Le château de la Grange-Bléneau, vue de l’étang, carte postale, sans date ; AD 77, 2 Fi 11490
L’aménagement intérieur
S’y trouvent également des portraits de Georges Washington et Benjamin Franklin, des
représentations de la démolition de la Bastille, de la fête de la Fédération au Champ-de-Mars,
et du port du Passage, où La Fayette s’était embarqué en 1777 pour l’Amérique.
Parallèlement à ses activités sur la scène nationale, le marquis de La Fayette se repose dans
son domaine briard ou s’y réfugie lorsqu’il est écarté des débats politiques. Il y mène une vie
simple, marquée par la présence de sa famille et de ses employés et ponctuée par les visites
de ses amis, venant profiter du confort qui y est offert.
Postérieurement au décès de son épouse, le 24 décembre 1821, La Fayette fait une description
du déroulement habituel de ses journées dans ses Mémoires : réveillé très tôt le matin, il écrit,
sa correspondance ou ses mémoires, et lit durant deux heures dans son lit. Après avoir
effectué sa toilette et visité l’appartement de sa femme, laissé intact, il travaille dans son
cabinet toute la matinée. À 10 heures, il fait une pause pour déjeuner. Ce moment est
généralement consacré à la lecture des journaux anglais et français. Aux alentours de midi, il
se rend dans ses fermes pendant deux à trois heures. Puis, à son retour, il reprend sa
correspondance ou ses mémoires jusqu’à six heures du soir, heure à laquelle il dîne, souvent
en compagnie de nombreux hôtes et amis, enfants et petits-enfants. Sa journée s’achève après
maintes discussions et lectures au salon.
Un lieu de réception
Cette description de son emploi du temps trace du général le portrait d’un homme discipliné
et soucieux de gérer au mieux son temps. Elle explique son érudition, par le temps qu’il
consacre chaque jour à la lecture. L’affection portée à sa femme s’exprime par l’hommage
quotidien qu’il veille à lui rendre. Le marquis de La Fayette reçoit aussi beaucoup au
domaine. Parmi ses invités les plus célèbres, Charles-James Fox (1749-1806), secrétaire
d’État britannique, ancien partisan de l’indépendance des États-Unis, et son épouse, le
Général Richard Fitzpatrick (1747-1813), soutien de La Fayette à la Chambre des communes
du parlement de Grande-Bretagne, le duc et la duchesse de Broglie, fille de la romancière et
amie de La Fayette, Madame de Staël, Fenimore Cooper, auteur du Dernier des Mohicans, ou
encore Benjamin Franklin grâce à qui fut installé un paratonnerre sur le château.
État civil de Courpalay : décès de Léontine Émilie La Fayette, fille de Georges La Fayette et Émilie Destutt de Tracy, le 4 mars 1807 ;
AD 77, 5 Mi 2966, p. 200
État civil de Courpalay : naissance de Marie-Pauline Lasteyrie, fille de Marie-Virginie La Fayette et de Louis de Lasteyrie du Saillant,
le 4 juin 1807 ; AD 77, 5 Mi 2966, p. 207
Les enfants et petits-enfants du marquis sont très présents au domaine qui a connu naissance,
décès et mariage de certains des membres de la famille, présents sur les registres d’état civil
de Courpalay, tel Edmond La Fayette (petit-fils), futur sénateur de Haute-Loire, né le
11 juillet 1818.
Anastasie-Louise-Pauline La Fayette et son époux Charles de Latour-Maubourg ont habité le
château ; Georges La Fayette également, avec son épouse Émilie Destutt de Tracy, avant d’en
reprendre la gestion au décès de son père. L’accueil n’est pas réservé qu’aux hôtes de marque
et à la famille. La Fayette accorde aussi de l’importance à son personnel qui, chaque
dimanche soir, est reçu au château dans la grande salle à manger.
Lettre de Georges La Fayette à M. Guittère, notaire à Perpignan, lui recommandant Gaston Frestel ; lettre autographe, 12 avril 1832,
2 p. ; AD 77, 1225 F 34
Cette lettre, écrite pendant l’épidémie de choléra est remarquable : elle résume la situation politique traversée par le marquis de La Fayette
lors de la Révolution de 1830 et le sentiment de son fils, Georges, également député, sur le nouveau régime de la Monarchie de Juillet. Elle
évoque aussi la vie familiale à La Grange-Bléneau.
Le rôle de La Fayette dans l’agriculture briarde est l’un des aspects méconnus de sa vie.
Pendant les 34 années où il vit presque continuellement au domaine de La Grange,
l’agriculture est, avec la politique, une de ses principales préoccupations. L’invention ou
l’utilisation de nouveaux procédés techniques, l’adoption de nouvelles cultures pour
améliorer les assolements et l’achat de races animales étrangères sont parmi les progrès
apportés par La Fayette.
Les sociétés savantes du XVIIIe siècle ont développé l’intérêt pour l’agriculture chez les
érudits, à l’exemple du marquis de Montesquiou, président de l’Assemblée Nationale en
1791, qui se penche sur l’élevage des mérinos à Mauperthuis, et du baron Auget de
Monthyon, intendant d’Auvergne et conseiller d’État, intéressé par la luzerne. Sont publiés
également de nombreux « cours d’agriculture » dont le Cours complet d’agriculture
théorique… de François Rozier (1779) et Nouveau cours complet d’agriculture… de Léon de
Perthuis (1809). Le marquis de La Fayette est aussi influencé par le contexte des débuts de la
révolution industrielle et agricole des années 1780, relatée notamment par François de
La Rochefoucauld dans ses Mélanges sur l’Angleterre (1784).
La Fayette multiplie les échanges de terres pour constituer un ensemble cohérent autour du
château et pratiquer une agriculture intensive. Après avoir solidarisé près de 200 ha,
auparavant éparpillés, il les divise en parcelles égales, de 5 à 8 ha, les entoure de fossés ou fait
planter des arbres fruitiers (plus de 3 000) pour les délimiter. Cette pratique est inspirée par
les méthodes anglaises, notamment l’Enclosure Act, permettant de clôturer les propriétés pour
en exclure les animaux et augmenter le rendement. Délimiter son territoire est une originalité
dans les habitudes communautaires des paysans seine-et-marnais du début du XIXe siècle,
contraire aux règles de la vaine pâture (mise en commun des terres destinées à la pâture d’une
paroisse pour un usage collectif).
Plan par masse et nature de cultures de la commune de Courpalay, 1801-1807, 116 x 111,5 cm ; AD 77, 4 P 12/43 (détail)
Le cadastre par masse et nature de cultures est constitué de 1801 à 1807 pour définir les bornes des territoires, dresser un état du sol par
masse en fonction des cultures et recenser les propriétaires des parcelles. La difficulté de recenser les propriétaires pour chaque masse de
culture (ceux-ci devant se déclarer) amena l’abandon de ce type de plans au profit des plans parcellaires.
Le détail du plan de la commune de Courpalay montre le domaine de La Grange-Bléneau, les bâtiments et le parc. Le contraste entre le
vaste domaine de La Grange et les petites parcelles alentour est frappant.
Étant propriétaire de ses terres, La Fayette ne paie pas de fermage, très élevé sous le Consulat
et l’Empire et peut ainsi faire des bénéfices de 1800 à 1814. Il aménage alors la ferme en
faisant bâtir de nouvelles étables, bergeries, laiterie et volière, des bâtiments « très vastes et
bien aérés » réalisés par Antoine Vaudoyer (1756-1846).
Pour La Fayette, la connaissance théorique est importante pour la réussite d’une exploitation.
Il s’attache alors à enrichir la bibliothèque du château d’ouvrages sur l’agriculture, notamment
des livres anglais. En participant à la fondation de l’une des premières sociétés d’agriculture,
à Rozay-en-Brie, en 1830, il continue de suivre les idées des sociétés savantes et s’assure que
les progrès qu’il a initiés dépasseront les limites du domaine de La Grange.
Lettre de La Fayette au libraire Charles Pougens pour enrichir sa bibliothèque ; lettre autographe signée de La Fayette, 1805, 2 p. ;
AD 77, 1225 F 30
Au citoyen Chr Pougens membre de l’Institut national, quai Voltaire n°10, Paris
La Grange, 27 nivôse
Je viens avec ma confiance ordinaire, mon cher concitoyen, vous entretenir de mes rêveries de
bibliothèque ; vous les recevrés, j’en suis sûr, avec votre bonté accoutumée. Le dernier courier
vous a porté une liste d’addition aux richesses que je vous dois ; je vous envoie aujourd’hui un
supplément à cette liste : non que je compte vous prier immédiatement de me procurer ces
livres ; mais dans l’espoir qu’un de vos collaborateurs aura la complaisance de mettre à côté les
prix, et même s’il le veut bien le nombre et format des volumes. Je saurai d’avance par ce moïen
la place que chaque ouvrage tiendra dans ma collection, et je saurai au moment même où j’en
aurai la possibilité jusqu’où je dois porter mes demandes ; ce détail est bien ennuïeux pour vous,
mais je suis habitué à trouver en vous et autour de vous une telle bienveillance que je ne crains
jamais d’en abuser.
Il est de grands ouvrages si chers que j’ignore quand je pourrai me les procurer : je trouve pourtant
assés difficile de me passer d’un Moniteur complet ; le jour viendra ou je me permettrai cette
dépense : quel en sera le montant ? Quel est le format de ces Moniteurs [La Gazette nationale ou le
Moniteur Universel, journal politique fondé à Paris par Charles-Joseph Panckoucke en 1789] ? Il
me semble que c’est ce qu’on appelle petit in folio, surtout si on coupe les marges. Combien y-a-t-
il de volumes ? J’ai recueilli depuis mon retour, ceux de mon abonnement.
L’Encyclopédie par ordre méthodique [Encyclopédie Méthodique publiée entre 1782 et 1791 par
Charles-Joseph Panckoucke, en complément de la grande Encyclopédie de Diderot et
d’Alembert] m’a été d’une telle ressource que je lui ai conservé de l’affection ; elle est pourtant
bien chère et n’est pas complète : me conseïllerïés-vous l’ancienne ? Quel en est le prix ? Le
nombre et le format des volumes ? Cette dernière question est relative à l’arrangement matériel
de mes tablettes de livres. Manque-t-il beaucoup de volumes à l’Encyclopédie par ordre
méthodique, combien y en a-t-il ? L’a-t-on augmentée depuis 92 [1792] ? Quel est le prix de
cette Encyclopédie par ordre de matières ?
Si elles sont l’une et l’autre hors de ma portée me conseïllés-vous d’acheter le dictionnaire des
arts et métiers avec des planches ?
Quels sont les meïlleurs ouvrages de géographie ? J’ai La Martinière [Bruzen de la Martinière
(Antoine-Augustin), Le Grand Dictionnaire géographique, historique et critique, Paris, 1768]
qui a plus de volumes que de mérite ; Ne suffirait-il pas d’y ajouter Mentelle [Mentelle (Edmé),
Chanlaire (Pierre-Grégoire), Atlas des commençans, accompagné d’explications géographiques
et cosmographiques auxquelles on a joint une carte de France… ouvrage comprenant la
géographie ancienne et moderne, Paris : Goujon fils, 1803] ou Busching [Büsching (Anton
Friedrich), Géographie universelle, 5e édition, Strasbourg : Jean-George Treuttel, 1785] à la
dernière édition du dictionnaire géographique ? Quel est le meilleur dictionnaire historique des
hommes célèbres de tous les tems ?
Où en êtes-vous, mon cher concitoyen, de l’intéressant projet de M. de Mesan ?Avés-vous
entendu parler de l’entreprise du Moniteur ? Si jamais j’achetais le Moniteur actuel faut-il y
joindre le dictionnaire de Girardin [Révolution française, ou Analyse complette et impartiale du
« Moniteur », suivie d’une table alphabétique des personnes et des choses, Paris : Girardin, an
IX-X (1801-1802)].
Pourquoi votre collègue Tessier prend-il le ton du jour au point de dire dans son journal
d’agriculture que la division des ci-devant provinces en départements est très ridicule ? Ce
prétendu ridicule avait jusqu’à présent échappé au jugement de tous les païs et de tous les partis.
L’histoire de Menier paraît-elle ? Traite-il avec quelque détail la révolution d’Amérique et les
assemblées de notables ?
Salut remerciements et amitié. L.F.
Les informations que demande La Fayette dans cette lettre à son libraire montrent sa volonté d’acquérir des ouvrages de bonne
qualité, son souci de se tenir informé des nouvelles parutions et de celles en cours dans des domaines vastes, de la géographie à la
technique et l’histoire. L’aspect matériel et financier de ces achats n’est pas oublié, dénotant un gestionnaire attentif.
Son implication dans la vie politique et institutionnelle apparaît également dans ses lectures, avec notamment son commentaire sur
l’agronome Henri-Alexandre Tessier (1741-1837), membre de l’Académie des sciences, hostile à la création des départements.
Des corrections figurent sur la lettre, tracées avec une autre encre que le texte initial : le destinataire a-t-il voulu clarifier certaines
graphies ?
Lettre de La Fayette au boulanger Lambert sur son pétrin mécanique, 1828 ; lettre signée de La Fayette, 1828, 1 p. ; AD 77, 1225 F 1
Cette lettre témoigne du souci du marquis de La Fayette d’utiliser les nouvelles techniques relatives à l’agriculture et aussi de soulager le
travail de ses employés. Jules de Lasteryrie (1810-1883) est le fils de sa deuxième fille, Virginie (nommée en référence à l’état de
Virginie où il avait mené une campagne militaire victorieuse lors de la guerre de l’indépendance américaine).
Cette lettre n’est pas écrite de la main de La Fayette, qui a signé le texte probablement rédigé par un secrétaire.
Après l’échec des essais de plantation de luzerne de 1670 dans la métairie de Fresnoy, les
interdits de la Révolution (la Marquise de Marbeuf fût exécutée en 1794 pour avoir, entre
autres choses, planté de la luzerne à la place du blé dans son parc aux Champs-Élysées), La
Fayette est le premier à introduire et produire la luzerne avec succès en Brie. Une innovation à
plus d’un titre : elle enrichit les sols et permet d’abandonner l’assolement triennal pour un
assolement régulier qui évite la jachère ; c’est une plante fourragère, extrêmement riche en
protéines et en carotène, idéale pour bien nourrir le bétail. La bonne alimentation n’est pas la
seule raison de la qualité reconnue de l’élevage de La Fayette, primé quatre fois au concours
agricole de Rozay-en-Brie le 30 septembre 1832 : il pratiquait une sélection attentive.
L’élevage du marquis était composé en moyenne de 50 vaches, 150 porcs (dont des verrats,
porcs mâles utilisés comme reproducteurs, issus d’Amérique et de Chine) et surtout des
moutons mérinos (race léonaise et soriane) qu’il a contribué à propager. Après l’achat de 115
bêtes en 1802 et 1803, dont 16 choisies à la demande du général par son ami l’agronome
Tessier auprès de la bergerie nationale de Rambouillet, La Fayette obtient un troupeau de
720 têtes à la fin de 1811. Il gère lui-même les prix de revient et la vente des bêtes et de la
laine mérinos qui est de qualité supérieure et se vend bien. Pour son plaisir, le marquis dote sa
volière d’oiseaux rares : grues, canards de Caroline, poules de Chine et hoccos du Mexique.
À l’inverse, la petite histoire veut qu’il ait offert des chiots « bergers de Brie » à son ami
Thomas Jefferson qui introduisit ainsi la race en Amérique.
Après chaque titre figure la cote du document aux Archives départementales de Seine-et-
Marne, pour permettre de commander le document et le consulter en salle de lecture.
Bardoux (Agénor), La jeunesse de La Fayette 1757-1792, Paris : Calmann Lévy, 1892, 409 p.
Cote : 8°1445
Bardoux (Agénor), Les dernières années de La Fayette, 1792-1834, Paris : Calmann Lévy,
1893, 432 p.
Cote : 8°1446
Boullée (A.), Notice sur le général La Fayette, Paris : Desenne, 1841, 167 p.
« Imprimée par extrait dans la Biographie universelle ».
Cote : 8°5917
Chanson (Paul), Lafayette et Napoléon : un duel historique, Lyon : les Éditions IAC, 1958,
350 p.
Cote : 8°6725
Chinard (Gilbert), The letters of Lafayette and Jefferson, Paris : Belles Lettres, 1929, 443 p.
Cote : 8°2923
Cornuel (Eugène), Histoire populaire d’un homme de la Révolution : la vie et les aventures
du général La Fayette, Paris : Ch. Delagrave, 1908, 240 p.
Cote : 4°953
47
Bibliographie
Gallier (Anatole de), Les Hommes de la Constituante : le général La Fayette, Paris : F. Levé,
1882, 40 p.
Cote : 8AZ274
Jackson (Stuart W.), La Fayette : a bibliography, New-York : Burt Franklin, 1968, 226 p.
Cote : 8°4540
Lafayette in Virginia : unpublished letters from the original manuscripts in the Virginia State
Library and the library of Congress, Baltimore : Johns Hopkins Press, 1928, XI-64 p.
(Historical documents, Institut français de Washington ; cahier II).
Cote : 8°2554
La Fuye (Maurice de), Babeau (Émile Albert), La Fayette, soldat de deux patries, Paris :
Amiot-Dumont, 1953, 293 p.
Cote : 8°2828
Larquier (Bernard de), La Fayette, usurpateur du vaisseau "La Victoire", [s.l.] : [s.n.],1987,
285 p.
Cote : 8°6153
48
Bibliographie
Lemay (Edna Hindie), Dictionnaire des constituants, Paris : Universitas, 1991, 2 vol.
Cote : 4°1840/1 et 4°1840/2
Montbas (Vicomte de), Avec La Fayette chez les Iroquois, Paris : Firmin-Didot et Cie, 131 p.
Cote : 16°985
Olivier (Dr. P.), Iconographie métallique du général Lafayette : essai de répertoire des
médailles, médaillons et jetons frappés à son nom ou à son effigie tant en France qu’en
Amérique, Paris : 1933, 85 p.
Cote : 8°1458
49
Bibliographie
Riou (Gaston), Lafayette, nous voilà ! essai, suivi du compte rendu des fêtes données à Paris
en l’honneur de l’Indépendance des États-Unis et des discours prononcés à cette occasion le
4 juillet 1917, Paris : Hachette, 1917, 48 p.
Cote : 8°6944
Sarrans jeune (B.), La Fayette et la Révolution de 1830 : histoire des choses et des hommes de
juillet, Paris : Thoisonnier Desplaces, 1832, 2 vol.
Cote : 8°1444/1 et 8°1444/2
50
Bibliographie
Chambrun (René de), Les prisons des La Fayette : dix ans de courage et d’amour, Paris :
librairie académique Perrin, 1977, 347 p.
Cote : 8°2785
Haussonville (Comte d’), Madame de La Fayette, Paris : Hachette et Cie, 1891, 224 p. (Les
grands écrivains français).
Cote : 16°1043
Lasteyrie (Mme de), Vie de Madame de Lafayette par Mme de Lasteyrie sa fille précédée
d’une notice sur la vie de sa mère Mme la duchesse d’Ayen 1737-1807, Paris : Techener fils,
1868, 484 p.
Cote : 16°148, 8°2898
Maurois (André), Adrienne ou la vie de Mme de La Fayette, Paris : Hachette, 1960, 570 p.
Cote : 16°459, 16°460
51
Sommaire
Le marquis de La Fayette avant son arrivée en Brie (1757-1800). Le « héros des Deux
Mondes » : Victoires, défaites et captivité ....................................................... 1
Bibliographie ........................................................................................ 47
53
Conseil général de Seine-et-Marne
Direction des Archives, du Patrimoine et des Musées départementaux
archives.seine-et-marne.fr
Dossier réalisé par Justine Queniet ; avec la participation de Marie-Odile Ducrot, Cécile
Fabris, Cécile Garaud
Clichés Alain Deville, numérisations François Chabert