15-Embolie Pulmonaire DR Moussaoui
15-Embolie Pulmonaire DR Moussaoui
15-Embolie Pulmonaire DR Moussaoui
Embolie pulmonaire
I- GÉNÉRALITÉS
Oblitération brusque, totale ou partielle, du tronc ou d’une branche de l’artère pulmonaire par
un embole.
II- CAUSES
A/ Embolie fibrino-cruorique
C’est l’étiologie la plus fréquente.
Conséquence de la migration d’une thrombose veineuse fibrino-cruorique située au membre
inférieur ou dans le pelvis (retrouvée dans 80% des EP)
Plus rarement : le thrombus est situé dans l’oreillette ou le ventricule droit, la veine cave
inférieure, ou aux membres supérieurs.
Dans trois quarts des cas, il existe un état d’hypercoagulabilité lié aux trois facteurs
de Virchow :
– stase veineuse ;
– lésions de la paroi veineuse ;
– hypercoagulabilité.
B/ Embolies non fibrino-cruorique : Tumorale, Septique, Amniotique (per-partum de
pronostic redoutable), Gazeuse (accident de décompression de plongée ou manipulation
d’un cathéter central), Graisseuse (traumatique : fracture du bassin, du fémur, syndrome
thoracique aigu des drépanocytaires homozygotes.
III- PHYSIOPATHOLOGIE
B/ Conséquences hémodynamiques
L’obstruction artérielle pulmonaire se traduit par une augmentation de la postcharge du VD.
En l’absence de pathologie cardio-respiratoire préexistante, la pression artérielle pulmonaire
moyenne ne peut s’élever au-delà de 40-45 mmHg, même en cas d’embolie pulmonaire
massive.
Au total, la gravité d’une EP dépend :
– du degré d’obstruction vasculaire ;
– de l’état cardiaque et pulmonaire préexistant.
IV- DIAGNOSTIC
Les données cliniques, biologiques et radiologiques sont de faible sensibilité et spécificité
pour le diagnostic d’EP.
A/ Circonstances de découverte
1. EP non massive
Signes d’appel non spécifiques, polymorphes, rarement tous présents.
a) Signes pulmonaires
– Dyspnée.
– Tachypnée > 16/min.
– Douleurs thoraciques : douleurs basithoraciques, d’allure pleurale le plus souvent ;
augmentées à l’inspiration, brutales.
– Tachycardie > 100/min
– Toux sèche d’irritation pleurale
– Hémoptysie : retardée 24 à 36 heures après la douleur ou dyspnée ; peu abondante ;
noirâtre ; correspond au stade d’infarctus pulmonaire.
– La triade dyspnée-douleurs-hémoptysie est évocatrice mais inconstante.
– Une anxiété est souvent associée.
b) Formes atypiques
– Fièvre : absente au tout début, fréquente ensuite, peut égarer vers une pneumopathie
bactérienne.
– douleurs angineuses (8 % des cas).
– Manifestations abdominales ; peuvent simuler une urgence abdominale : douleur, défense,
vomissement.
– Bronchospasme dans 5 % des cas (bronchoconstriction réflexe).
2. EP massive
Les signes suivants témoignent d’une mauvaise tolérance hémodynamique et imposent une
prise en charge diagnostique et thérapeutique urgente :
– tachycardie > 120 en l’absence de fièvre ;
– troubles de repolarisation circonférentiels à l’ECG ;
– signes d’insuffisance cardiaque droite qui peuvent manquer en état de choc ;
– signes de choc (extrémités froides, marbrures, voire hypotension) ;
– signes neurologiques (bas débit, avec au stade ultime risque de désamorçage) :
syncopes, convulsions, déficit neurologique transitoire, coma.
B/ Examen clinique
1. Condition hémodynamique : recherche de signes de choc +++, signes les plus importants
d’EP massive.
2. Examen pulmonaire
Il est normal au début.
Il apprécie l’existence d’une polypnée ou d’une cyanose.
Il peut retrouver :
– un foyer de râles crépitants, traduction d’un infarctus pulmonaire ou d’une surinfection ;
– un épanchement pleural liquidien.
3. Recherche des signes de souffrance du cœur droit et de l’HTAP
Éclat de B2 au foyer pulmonaire.
Signe de Harzer.
Galop droit xiphoïdien, souffle systolique d’insuffisance tricuspidienne fonctionnelle.
Hépatomégalie douloureuse avec reflux hépato-jugulaire et turgescence jugulaire.
Ces signes sont d’autant plus marqués que l’EP est grave ou qu’il existe une affection
cardiaque ou pulmonaire préexistante.
4. Recherche des circonstances favorisantes (+++)
a) Antécédents familiaux ou personnels de maladie thromboembolique
b) Recherche de phlébite
– Cliniquement symptomatique dans 30 % des cas.
– Examen bilatéral et comparatif : douleur du mollet, diminution du ballottement du mollet,
augmentation de la chaleur locale, du volume, des lacis veineux du mollet, signe de
Homans.
– Les données de l’examen clinique sont peu fiables ; nécessité d’une confirmation par écho-
graphie-doppler veineuse.
– Touchers pelviens (thrombose pelvienne).
c) Autres circonstances (voir étiologie)
5. Score clinique de probabilité
Il existe des scores cliniques, dont le score de Genève (tableau ci-dessous) permettant de
classer la probabilité d’embolie pulmonaire de faible à forte. Cependant ces scores validés, ne
sont en général pas supérieurs à une évaluation clinique globale empirique.
2. Électrocardiogramme :
ECG normal: 25 % des cas
Tachycardie sinusale
Déviation axiale droite , aspect S1 Q3
Déviation à gauche de la zone de transition
Onde S persistante en V5 V6
Bloc incomplet droit transitoire
Inversion de l'onde T de V1 à V3
Fibrillation ou flutter auriculaires paroxystiques
3. Biologie
a) Gazométrie artérielle :
• une hypoxie,
• Une hypocapnie
• Une alcalose respiratoire
Une hypoxie < à 6o mmHg doit faire considérer l'embolie pulmonaire comme grave.
– La normalité des gaz du sang exclut le diagnostic d’EP grave, mais n’élimine pas le
diagnostic.
– Une hypercapnie est très rare et ne se voit qu’en cas de poumon unique ou d’insuffisance
respiratoire chronique hypercapnique.
D/ Diagnostic paraclinique
1. Angioscanner
Méthode diagnostique actuellement de référence, car peu invasive, en dehors des risques
inhérents à l’injection d’iode.
Très sensible pour les embolies proximales (tronc des AP, branches proximales des AP) et
distales.
Diagnostic positif posé en cas de lacunes endoluminales. Il permet également l’exploration du
parenchyme pulmonaire (recherche de diagnostic différentiel).
Expose aux radiations (femmes enceintes).
2. Scintigraphie pulmonaire
– Injection en décubitus dorsal de micro-agrégat d’albumine marquée au technétium 99,
comparée à une radiographie thoracique du jour +/– couplée à la réalisation d’une
scintigraphie pulmonaire de perfusion.
– Normale (6 incidences) = élimine le diagnostic d’EP récente (datant de moins de 7 à 10
jours).
– Haute probabilité ; le diagnostic d’embolie pulmonaire est retenu si : au moins deux défects
segmentaires de perfusion dans un territoire ventilé (« mismatch » ventilation/perfusion) ou
radiologiquement normal.
– Probabilité intermédiaire dans tous les autres cas ; la scintigraphie ne peut permettre de
conclure (l’EP existe une fois sur deux). Soixante-quinze pour cent des scintigraphies sont
intermédiaires.
– Difficilement interprétable en cas de ventilation anormale, par exemple d’épanchement
pleural abondant, d’emphysème avec distension thoracique et/ou BPCO évoluée.
3. Angiographie pulmonaire
– Correspondait jusqu’à peu à l’examen de référence, mais n’est aujourd’hui pratiquement
plus utilisé. La normalité élimine le diagnostic.
– Indications : diagnostic n’ayant pu être posé par une autre méthode ou embolectomie
chirurgicale envisagée (embolie proximale ou distale).
E/ Diagnostic différentiel
1. Formes cardio-vasculaires
Elles font discuter :
– un infarctus myocardique (troponine et CPK-MB, anomalies ECG) ;
– un choc (hypovolémique notamment) ;
– une péricardite aiguë et tamponnade (valeur de l’échographie) ;
– une dissection aortique : souffle diastolique, asymétrie des pouls, échocardiographie,
aortographie, tomodensitométrie.
Péricardite aiguë et dissection aortique contre-indiquent les anticoagulants.
2. Formes respiratoires
Elles font discuter :
– une pneumopathie aiguë ;
– un OAP ;
– un asthme ;
– un pneumothorax.
V- PRINCIPES DU TRAITEMENT
A/ Traitement curatif
1. Bilan préthérapeutique
Recherche de contre-indication aux anticoagulants ou aux thrombolytiques.
Biologie :
– NFS-plaquettes ;
– TP-TCA ;
– ionogramme sanguin, urée créatininémie ;
– groupe sanguin, Rhésus, agglutinines irrégulières.
– savoir prélever (si besoin) le bilan de thrombophilie avant de débuter les
anticoagulants
(Dosage d’AT III difficile à interpréter sous héparine. Idem pour protéine C et S sous
AVK).
* Repos strict au lit puis mobilisation avec bas de contention après 48h.
* Anticoagulation efficace :
– soit par une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) à dose anticoagulante ex :
Enoxaparine : Lovenox°, 01 mg/kg 2 fois par jour en S/C. Contre-indication si clairance de
créatinine <30 ml/min.
* Relais par antivitamines K (AVK) à débuter entre le 1er et le 5e jour (INR souhaité entre 2
et 3). Arrêt de l’héparine, lorsque l’INR est efficace, contrôlé à deux prélèvements à 24 heures
d’intervalle, en dehors des patients atteints d’un cancer évolutif, pour lesquels les récidives
sont plus fréquentes sous AVK que sous HBPM ; des femmes enceintes pour lesquelles les
AVK sont contre-indiquées.
* Traitement par les nouveaux anticoagulants oraux direct OAD soit directement ou en
relais d’un traitement par héparine :
Rivarixabon : Xarelto* cp15 mg 2 fois / jour pendant 03 semaine puis 1 cp de 20mg /
jour
L’avantage pas de contrôle biologique comme TP INR pour les AVK mais un coût élevé
Contre-indication si clairance de créatinine <30 ml/min.
c) Fibrinolytiques à discuter
– Il s’agit du seul traitement médical curatif de l’EP (résorption du caillot…).
– Indications : à réserver aux malades présentant des critères de gravité clinique :
*absolues: en cas d’état de choc ne cédant pas au remplissage
*selon les équipes: mauvaise tolérance hémodynamique appréciée sur la clinique et
l’échographie cardiaque (dilatation des cavités droites, septum paradoxal, aspect de bas débit
cardiaque).
– Médicaments et protocoles de fibrinolyse : rTPa Actilyse (le plus utilisé) 100 mg en 2
heures, puis héparinothérapie.
– Contre-indications : voir tableau ci-dessous
B/ Traitement préventif
Prévention des phlébites chez les malades à haut risque :
Il est essentiel :
– lever précoce des opérés et des accouchées ;
– éviter l’alitement chez le sujet âgé et/ou cardiaque ;
– mobilisation des membres chez les alités ;
– héparinothérapie sous-cutanée préventive par HBPM, en cas d’alitement :Lovenox 4
000 UI anti-Xa/j.
Traitement correct des thromboses profondes des membres inférieurs.
Traitement correct de l’embolie pulmonaire avec une bonne observance du traitement
antivitamine K
VI- ÉVOLUTION ET PRONOSTIC
La gravité d’une EP dépend :
– de l’importance de l’obstruction du lit vasculaire ;
– du terrain ;
– de la précocité du diagnostic et du traitement.
Complications
1. Mort subite : Soit d’emblée, soit à l’occasion d’une récidive.
En l’absence de traitement : 25 à 30 %.
2. Récidive
Précoce sous traitement bien conduit :
– de l’ordre de 5 % ;
– nécessité d’une confirmation diagnostique par l’examen ayant fait porter le diagnostic initial
(examen comparatif) ;
Tardive après arrêt du traitement anticoagulant :
– doit faire rechercher :
*une cause néoplasique,
*un trouble de la coagulation.
3. Cœur pulmonaire chronique post-embolique
Il est rare.
Il réalise un tableau d’insuffisance ventriculaire droite progressive, avec dyspnée d’effort
croissante, accès dyspnéiques, syncopes ou lipothymies d’effort, douleurs pseudo-angineuses,
cyanose. Au stade ultime, anasarque avec ascite.
Stratégie Diagnostique
Référence :
EMC de Cardiologie