Ra21 Lycee G 1 Hist Theme4 Premiere-Guerre-Mondiale Fin-Empires-Europeens
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VOIE GÉNÉRALE
Histoire
ENSEIGNEMENT
COMMUN
Sommaire
Axes majeurs et problématique générale du thème 3
Axes majeurs 3
Problématiques générales du thème 4
Objectifs Ce chapitre vise à présenter les phases et les formes de la guerre (terrestre,
navale et aérienne).
On peut mettre en avant :
• les motivations et les buts de guerre des belligérants ;
• l’extension progressive du conflit et les grandes étapes de la guerre ;
• l’échec de la guerre de mouvement et le passage à la guerre de
position ;
• l’implication des empires coloniaux britannique et français ;
• la désintégration de l’empire russe.
Objectifs Ce chapitre vise à souligner l’implication des sociétés, des économies, des
sciences et des techniques dans une guerre longue.
On peut mettre en avant :
• les dimensions économique, industrielle et scientifique de la guerre ;
• les conséquences à court et long termes de la mobilisation des civils,
notamment en ce qui concerne la place des femmes dans la société ;
• le génocide des Arméniens, en articulant la situation des Arméniens
depuis les massacres de 1894-1896 et l’évolution du conflit mondial.
Objectifs Ce chapitre vise à étudier les différentes manières dont les belligérants
sont sortis de la guerre et la difficile construction de la paix.
On peut mettre en avant :
• le bilan humain et matériel de la guerre ;
• les principes formulés par le président Wilson et la fondation de la
Société des Nations ;
• les traités de paix et la fin des empires multinationaux européens ;
• les interventions étrangères et la guerre civile en Russie jusqu’en 1922 ;
• les enjeux de mémoire de la Grande Guerre tant pour les acteurs
collectifs que pour les individus et leurs familles.
Axes majeurs
L’intitulé du thème met tout d’abord en avant le « suicide de l’Europe » ainsi que la
fin des empires européens. Cet intitulé insiste donc à la fois sur le heurt entre les
puissances européennes, qui met à bas la suprématie mondiale de l’Europe, et sur
l’affirmation accrue des États-nations face aux États multinationaux qui en découle.
D’autre part, l’insistance sur la fin des empires multinationaux européens questionne
les « sorties de guerre » et la manière dont la paix a été négociée. Celle-ci, malgré les
souhaits du président Wilson, n’aboutit pas à la fin des empires coloniaux. Cependant,
on observe une tentative pour réorganiser l’Europe sur la base d’États-nations
démocratiques. Comment remplacer le « concert européen » mis à bas en 1914 après
avoir dominé les relations internationales depuis 1815 ?
Parce que la guerre mobilise toutes les ressources et qu’elle s’étend sur tous les
continents, elle est qualifiée de « mondiale » mais aussi de « totale ». En ce qui
concerne l’expérience européenne, les historiens distinguent désormais trois fronts :
• le front de l’avant : la frontière de l’avancée des armées ennemies. Il s’agit
évidemment des fronts occidentaux mais aussi des fronts orientaux, africains et
asiatiques, conséquence des alliances entre les pays protagonistes du conflit ;
• le front occupé : les populations sous le joug des armées ennemies représentent
des millions de personnes. Les territoires comme la Belgique, les régions du nord et
de l’est de la France, ou encore ceux du sud-est de l’Europe, militairement dominés
et économiquement exploités, connaissent des situations tout à fait spécifiques et
intéressantes à étudier. Ce front inclut également les réfugiés ayant fui les invasions
militaires ennemies ;
• le front de l’arrière ou heimatfront / homefront : il englobe les civils et tous les
moyens mis à disposition (agricoles, industriels, politiques, culturels, etc.) pour
Retrouvez éduscol sur mener la guerre.
Il s’agit dans ce thème d’étudier plus spécifiquement les fronts de l’avant, c’est-à-dire
les lieux-frontières où se déroulent les affrontements sur terre, sur mer et dans les
airs entre armées ennemies, ainsi que les fronts de l’arrière, en se concentrant sur les
formes de mobilisation des populations civiles, ainsi que sur les violences auxquelles
elles sont confrontées.
Enjeux du chapitre
La crise de l’été 1914 et ses origines : le poids des alliances et des nationalismes
Aborder les entrées dans le conflit permet de comprendre les motivations et buts de
guerre des différents belligérants. Il faut pour cela rappeler brièvement le contexte
d’avant août 1914 et les conditions de déclenchement du conflit.
Cependant, ce ne sont pas les tensions coloniales qui déclenchent la guerre, mais
celles entre deux empires multinationaux, l’empire austro-hongrois et l’empire russe,
dans les Balkans où le recul de l’Empire ottoman, amorcé depuis des décennies,
bouleverse l’équilibre des puissances sur le continent, en attisant les nationalismes
et les ambitions russes. L’annexion de la Bosnie-Herzégovine en 1908 par l’Autriche-
Hongrie et les guerres balkaniques en 1912-1913 on fait de la région une « poudrière ».
L’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand de Habsbourg, successeur au trône de
l’empire austro-hongrois, et de son épouse par Gavrilo Princip, un nationaliste serbe,
le 28 juin 1914 à Sarajevo, suscite un ultimatum de l’Autriche-Hongrie à la Serbie,
soutenue par la Russie. Le mois de juillet est marqué par la volonté d’éviter la guerre
à tout prix en proposant des solutions diplomatiques, ce que l’Allemagne, soutenant
l’Autriche-Hongrie, refuse car elle estime ne prendre que le risque d’une guerre limitée,
tandis que la France refuse de mettre en péril l’alliance franco-russe en ne soutenant
pas la Russie. Les déclarations de guerre s’enchaînent alors : de l’Autriche-Hongrie à la
Serbie (28 juillet), puis de l’Allemagne à la Russie (1er août), de l’Allemagne à la France
(3 août), du Royaume-Uni à l’Allemagne (4 août) et de l’Autriche-Hongrie à la Russie
Retrouvez éduscol sur
(5 août). Chaque puissance a eu peur d’être prise au dépourvu par les autres : ainsi
de l’Allemagne qui a pris les devants avec la Russie en redoutant d’être submergée de
manière impromptue par le « rouleau compresseur » russe.
De son côté, l’Allemagne envisage, dans le cadre du plan Schlieffen, une victoire rapide
sur les troupes françaises en les prenant en tenaille dans le nord de la France, afin de
se concentrer le plus rapidement possible sur le front de l’est et le combat contre la
Russie, présumée plus puissante. Ce plan prévoit le passage des troupes allemandes
par la Belgique, et donc la violation de la neutralité belge, ce qui décidera le Royaume-
Uni à entrer dans la guerre. La Russie envisage elle aussi sa stratégie militaire en cas de
guerre dans le cadre du « Plan 19 », prévoyant de faire face à la fois aux Allemands en
Prusse orientale et aux Autrichiens en Galicie.
L’empire austro-hongrois dirigé par les Habsbourg, obsédé par sa survie face à la
montée des nationalités, se fixe dans un premier temps des objectifs territoriaux, à
savoir l’intégration de la Serbie, de l’Albanie, de la Roumanie et de la Pologne russe.
Du côté de l’Entente, les motivations sont assez similaires. La France voit dans le
conflit l’occasion de récupérer l’Alsace et la Moselle perdues en 1871. Le Royaume-Uni
voit d’une part l’occasion de limiter la puissance navale de l’Allemagne et ses visées
impérialistes, et d’autre part l’opportunité de prendre le contrôle de certaines zones
stratégiques au Moyen-Orient. La Russie voudrait quant à elle se saisir des détroits
(Dardanelles et Bosphore) afin de se dégager un accès à la Méditerranée. Elle voit
également l’opportunité de devenir la garante des nationalités (Serbes, Bulgares,
Croates, Slovènes…) luttant contre les hégémonies austro-hongroise et ottomane.
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Une entrée par la situation à l’été 1914 peut permettre, pour chaque pays, d’aborder
cette question des buts de guerre en montrant pourquoi les différents gouvernements
ont accepté de prendre les risques qui ont conduit à l’embrasement européen.
Ces premiers affrontements aboutissant à des succès très mitigés au prix de pertes
humaines considérables mettent fin à l’espoir d’une issue rapide au conflit. En
décembre 1914, le front occidental se stabilise et les soldats commencent à creuser
des tranchées afin de se protéger. Le conflit s’enlise à partir de novembre 1914 dans
une guerre de position qui se prolonge jusqu’en mars 1918, et ce malgré les tentatives
des états-majors de faire bouger les lignes. En effet, les batailles s’enchaînent sur le
front de l’Ouest (Artois, Champagne) mais aussi sur les autres fronts (italien, russe
et des Balkans). Les troupes franco-britanniques tentent d’ouvrir un nouveau front
en débarquant dans le détroit des Dardanelles mais, insuffisamment préparées,
notamment en termes de connaissance du terrain, elles sont finalement repoussées,
après avoir subi de lourdes pertes, par les troupes ottomanes.
Face à cet immobilisme de fait, chaque camp cherche de nouveaux alliés et des
moyens qui puissent faire pencher la balance en sa faveur. Le conflit, circonscrit dans
un premier temps au continent européen, ne tarde donc pas à se mondialiser au gré
des alliances diplomatiques et de la mobilisation des empires coloniaux.
L’Italie en 1915, les États-Unis puis le Brésil en 1917, rejoignent l’Entente, tandis que
l’Empire ottoman en 1914 et la Bulgarie en 1915 se rangent du côté des empires
centraux. L’année 1916 est marquée par le passage à un seuil de violence encore
supérieur dans les moyens mis en œuvre et l’ampleur des dégâts occasionnés.
La production d’armes passe à un stade industriel et les batailles se multiplient :
celle de Verdun dure dix mois (de février à décembre 1916) et occasionne plus
de 700 000 victimes, essentiellement allemandes, britanniques et françaises. Les
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pertes s’expliquent notamment par le fait que d’innombrables blessés n’ont pu être
secourus et ont agonisé dans le no man’s land, faute d’une prise en charge sanitaire
efficace. La bataille de la Somme (juillet 1916) voit l’arrivée massive de volontaires de la
« Nouvelle armée » créée par Lord Kitchener, mais les troupes allemandes résistent et
font échouer l’attaque. La guerre se poursuit sur d’autres fronts : en Afrique, l’armée
allemande de Lettow-Vorbeck, composée de 16 000 hommes, mène une campagne
d’usure contre les forces britanniques et sud-africaines. Sur le front oriental, les
Russes infligent une sévère défaite aux Ottomans. Ils mènent également « l’offensive
Broussilov » sur près de 300 km contre les Austro-Hongrois, mis en grande difficulté
jusqu’à l’arrivée de leurs alliés allemands. En Mésopotamie, les Ottomans écrasent les
troupes britanniques composées de soldats coloniaux indiens. 13 000 d’entre eux sont
faits prisonniers et les 2/3 meurent en captivité.
L’aspect mondial du conflit est renforcé par l’implication des empires coloniaux
britannique et français. Dès le début de la guerre, les deux puissances européennes
s’appuient sur leurs colonies, en utilisant les denrées alimentaires qu’elles fournissent
à la métropole, mais aussi en recrutant les indigènes dans les armées et les usines. Les
colonies sont perçues comme un réservoir de soldats auquel l’État fait régulièrement
appel. Sur les 583 000 soldats indigènes appelés sous les drapeaux français, la plupart
viennent d’Algérie et d’AOF, le reste des autres colonies (Maroc, Tunisie, Madagascar,
Indochine, La Réunion, etc.). Au total, 73 000 ne survivent pas à la guerre. En effet, la
mortalité est forte dans ces contingents car les tirailleurs sont envoyés en première
ligne sur les différents fronts, sans avoir été formés et étant vêtus d’un uniforme peu
discret. Ils ne touchent qu’une mince indemnité, ce qui ne stimule pas le recrutement
de nouveaux combattants.
De son côté, la couronne britannique fait appel à plus de 2,7 millions de soldats
coloniaux, dont la moitié sont originaires des Indes britanniques, et le reste
essentiellement du Canada, de l’Union sud-africaine, d’Australie et de Nouvelle-
Zélande. Le nombre de victimes parmi eux s’élève à 210 000.
L’année 1917 est une année charnière, où les lignes bougent : avec l’intervention des
États-Unis et le retrait de la Russie, l’Allemagne est désormais renforcée à l’Ouest,
mais elle achève de perdre la maîtrise des mers, alors qu’elle se trouve dépassée sur
les plans stratégiques de la production et de l’approvisionnement en pétrole. Alors
que la violence des affrontements s’accentue encore avec l’apparition des tanks et
de l’aviation de guerre, la lassitude des combattants est immense, accentuée par des
offensives répétées sans résultats probants. En France, l’échec de celle menée par le
général Nivelle au Chemin des Dames en avril marque le point de bascule. Certains
soldats vont jusqu’à la mutinerie, d’autres pratiquent l’automutilation pour échapper
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au front. Nivelle est remplacé par le général Pétain à la tête des armées françaises en
mai 1917, dans le but de redonner confiance aux troupes, d’améliorer leurs conditions
de vie mais également de condamner les mutins, afin d’endiguer la crise morale qui
sévit dans les tranchées.
La guerre, à la fois civile et étrangère, qui se poursuit tant bien que mal durant tout
ce temps, structure en profondeur le pouvoir communiste, en particulier en ce qui
concerne l’usage de la violence : la famille impériale est exécutée, une police politique
est créée, les opposants sont déportés. Le 3 mars 1918, le traité de Brest-Litovsk permet
à la Russie de sortir du conflit mondial, mais au prix de très lourdes pertes territoriales
(Pologne, Ukraine, pays baltes, Finlande…). En outre, l’Allemagne a désormais les mains
libres pour concentrer ses forces sur le front de l’ouest. Le général Ludendorff lance
une grande offensive qui mène les troupes allemandes jusqu’à la Marne entre mars
et juillet 1918. Cependant, les Alliés, commandés par le général Foch, bénéficient du
soutien américain, aussi bien logistique (chars, avions) qu’humain (plus de deux millions
de soldats au total), et de la maîtrise des zones pétrolières.
Le retour à la guerre de mouvement en mars 1918 permet ainsi aux pays de l’Entente
de prendre le dessus et de vaincre les empires centraux. En septembre, une série
d’offensives alliées sur le front oriental entraîne le recul de l’Autriche-Hongrie, de la
Bulgarie et de l’Empire ottoman. Acculée, l’Allemagne doit signer, le 11 novembre 1918
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à Rethondes, l’armistice en présence des représentants français et britanniques.
Après un élan de conquête, les Alliés comme les empires centraux prennent
conscience de la violence des combats, de l’équilibre relatif des forces et de la
difficulté à mener à bien, sur le terrain, des stratégies militaires élaborées à partir de
cartes et de théories.
Bien que séduisante, l’idée rencontre l’opposition des commandants du front ouest,
qui craignent qu’on ne leur ponctionne des soldats afin de nourrir le front ottoman.
Cet atermoiement donne le temps aux Ottomans de renforcer leurs littoraux de lignes
de mines et d’une série de forts.
Au Royaume-Uni, une commission d’enquête est diligentée début 1916 afin d’analyser
les raisons du désastre. Churchill est alors systématiquement montré du doigt et la
cohésion entre armées alliées en souffre durablement. En Australie et en Nouvelle-
Zélande, l’impact est tel que l’ANZAC Day, destiné à commémorer l’engagement
des troupes océaniennes pendant la Première Guerre mondiale (ANZAC étant le
sigle désignant les troupes venues d’Océanie), a été fixé le 25 avril, jour du début de
l’offensive sur Gallipoli. Ce moment dramatique a joué un rôle considérable dans la
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La prolongation de la guerre induit des débats sur la stratégie à mener, voire sur la
tactique à adopter. La tactique se joue traditionnellement au niveau de la bataille.
Or, les « batailles » de la Somme et de Verdun sont très particulières : il s’agit d’une
intensification des combats, qui existent déjà avant et après. Elles sont difficiles à
délimiter (comme l’ont montré Antoine Prost et Gerd Krumeich), et leurs objectifs
mêmes ne sont pas clairs, y compris pour les historiens, tant ils ont été réinterprétés a
posteriori par les acteurs pour justifier leurs décisions.
Les avancées sont minimes : 12 km pour les Britanniques, 8 km pour les Français. Le
bilan est un des plus lourds du conflit avec 443 000 morts et disparus, dont 206 000
pour l’armée britannique et 170 000 pour les Allemands. On compte 616 000 blessés
tous camps confondus. En comparaison, la bataille de Verdun, beaucoup plus longue,
a causé 750 000 morts et disparus au total. L’année 1916 marque le passage d’un seuil
dans la violence de guerre et dans le nombre de victimes du front de l’avant. Cette
bataille peut être utilisée pour définir la guerre de position, mettre en avant l’équilibre
des forces, la disproportion entre les pertes et les avancées des troupes, et expliquer
l’usure et la lassitude des combattants.
Les moyens mis à disposition par les nations sont colossaux : du côté des empires
centraux, on dénombre 192 divisions, 3 670 avions, 14 000 canons et 10 chars, quand
dans le camp des Alliés sont mobilisés 178 divisions, 4 500 avions, 18 500 canons et 800
chars.
À ce stade de la guerre, personne ne peut prédire son issue. C’est bien ce qu’il faut
faire comprendre aux élèves, à savoir que l’histoire ne peut être lue comme un récit
téléologique. L’histoire militaire en est une illustration criante, puisque les moments,
les espaces et les enjeux ne cessent de se transformer, et les équilibres s’en trouvent
parfois profondément modifiés.
Sur chaque point de passage et d’ouverture, il est possible de faire travailler les élèves
à partir de lettres du front, de photographies, d’affiches de propagande, de discours
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Enjeux du chapitre
Les civils, nouveaux acteurs à mobiliser dans une guerre « totale »
En août 1914, des millions d’hommes sont mobilisés dans l’ensemble des pays
impliqués dans le conflit afin de partir combattre. Ils laissent « à l’arrière » des hommes
et des femmes, des enfants et des personnes âgées, sur lesquels repose désormais
la tâche de produire les armes nécessaires à la victoire, de nourrir le pays dans son
entier, de soigner les blessés, de soutenir moralement les soldats et tout en endurant
violences, privations et deuil. En France, le président du Conseil René Viviani lance
un appel le 7 août 1914 : « Debout, donc, femmes françaises, jeunes enfants, filles
et fils de la patrie ! Remplacez sur le champ du travail ceux qui sont sur le champ de
bataille. Préparez-vous à leur montrer, demain, la terre cultivée, les récoltes rentrées,
les champs ensemencés ! » La notion de mobilisation, qui prend tout son sens dans ce
chapitre, en constitue le fil rouge.
Une véritable économie de guerre fondée sur un dirigisme politique se met donc
progressivement en place partout, entièrement tournée vers la nécessité des
sociétés de tenir sur le long terme tout en fournissant les ressources nécessaires pour
remporter la victoire. Elle s’appuie sur les progrès techniques et scientifiques autant
dans le domaine de l’armement (les ingénieurs mettent au point des armes chimiques,
des canons plus perfectionnés, des engins motorisés sur tous types de terrains, etc.)
que dans le domaine de la médecine. Les techniques chirurgicales s’améliorent avec
des taux de survie bien supérieurs à ceux d’avant-guerre. Afin de venir au plus vite
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Mehmet Talât Pacha, alors ministre de l’Intérieur, envoie ainsi aux gouverneurs
des provinces l’ordre d’exterminer les Arméniens : « Sans égard pour les femmes,
les enfants, les infirmes, quelque tragiques que puissent être les moyens de
l’extermination, sans écouter les sentiments de la conscience, il faut mettre fin à
leur existence » (25 septembre 1915). La première phase consiste en la déportation
des populations arméniennes dans des camps de concentration. Beaucoup meurent
en chemin, d’épuisement ou assassinés. Dans un second temps, les prisonniers sont
tués dans les camps. Le bilan se situe entre 1,2 et 1,5 million d’Arméniens victimes
des autorités ottomanes, auxquels il faut ajouter entre 500 000 et 700 000 Assyro-
Chaldéens chrétiens.
Il est donc important de faire comprendre aux élèves que le génocide des Arméniens
s’inscrit dans un vaste processus d’épuration ethnique qui a commencé à la fin du
XIXe siècle. Les moyens mis en œuvre et l’ampleur des massacres sont alors inédits.
Mettre en avant la radicalisation nationaliste issue de la guerre est important. Il
semble intéressant de croiser les regards sur ce génocide, aussi bien en s’appuyant
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sur des témoignages de rescapés que sur les directives officielles turques, pour bien
en comprendre les rouages. On peut également faire appel aux opinions étrangères
à travers la presse ou les correspondances diplomatiques. Par le biais de l’étude de
la déclaration de la Triple Entente du 24 mai 1915, on peut faire réfléchir les élèves à
la question de la responsabilité internationale face aux massacres et aux génocides.
Pourquoi la lutte contre l’extermination des Arméniens n’est-elle pas devenue un
but de guerre allié comme pouvait le laisser entendre la déclaration du 24 mai 1915 ?
Pourquoi les tribunaux internationaux prévus par le traité de Sèvres n’ont-ils pas été
mis en place ?
Enjeux du chapitre
Le concept de « sortie de guerre » permet tout d’abord de repenser globalement
la chronologie des conflits, en insérant l’après-guerre dans un temps plus long que
l’arrêt technique des hostilités (armistice) et la signature des traités de paix après une
période variable de négociations diplomatiques. Cette notion tend, chez les historiens,
à suppléer complètement celle d’après-guerre, et davantage encore celle d’entre-
deux-guerres. Elle est par ailleurs enrichie par des approches thématiques autour des
« démobilisations » (militaire, économique, culturelle). Cette approche permet encore
de repenser la dialectique vainqueurs/vaincus en s’attachant par exemple à l’étude
de moments clés, d’acteurs, et en variant autant que possible les échelles d’espace et
de temps. Rendre aux sorties de guerre leur intensité et leur complexité, c’est donc
s’interroger sur les rythmes qui les parcourent, sur les étapes qui marquent la lente
déprise du conflit. La frontière entre temps de guerre et temps de paix n’en apparaît
alors que plus poreuse.
Par ailleurs, les exploitations agricoles ont été dévastées par les obus et des villes et
villages martyrs, bombardés, sont presque entièrement détruits (Reims, Péronne,
Douaumont…). Les économies nationales, qui s’étaient entièrement tournées vers
les industries de guerre, peinent à se diversifier de nouveau. Les pertes touchent
également le matériel militaire, les flottes de commerce (le Royaume-Uni perd de ce
fait 7,8 millions de tonnes de marchandises). Il faut ajouter à cela les dettes extérieures
contractées, auprès des États-Unis par exemple (cela représente pour la France onze
années d’investissements).
Sur cet immense cimetière, les chefs d’État envisagent la suite, à commencer par les
termes d’une nouvelle paix mondiale.
La SDN se voit confier trois objectifs : faire respecter le droit international, résoudre les
conflits par le biais d’un arbitrage et abolir la diplomatie secrète. Ainsi, des territoires
stratégiques sont immédiatement placés sous le contrôle direct de l’organisation (la
Sarre, le corridor de Dantzig par exemple) ; d’autres deviennent des mandats sous la
tutelle des pays vainqueurs (Liban et Syrie confiés à la France, Palestine au Royaume-
Uni). L’œuvre de Léon Bourgeois, premier président de la SDN et prix Nobel de la Paix
en 1920, peut être étudiée et faire l’objet d’une présentation orale par les élèves. Le
fonctionnement de la SDN et ses actes concrets dans les premières années donnent
des pistes de travail. En effet, divers organes qui lui sont affiliés visent à réduire les
inégalités sociales et économiques, à l’instar de l’Organisation internationale du travail
(OIT) ou de la Commission de l’esclavage.
À l’issue de cette série de traités qui se clôt par le traité de Lausanne de 1923, les
empires ottoman et austro-hongrois sont démantelés, l’Allemagne et la Russie
nettement amputées. De nouveaux États apparaissent, comme la Pologne, les
États baltes, la Finlande, la Hongrie, le royaume des Serbes, Croates et Slovènes.
Les territoires des pays vainqueurs sont agrandis. Ces remaniements provoquent
de nombreux conflits. L’application du principe des nationalités est en effet très
problématique dans des territoires où les populations sont indissolublement mêlées
depuis très longtemps, ce qui amène forcément à retrouver des minorités insatisfaites
à d’autres échelles.
Afin de soutenir ces derniers dans leur lutte contre les bolcheviks, une coalition dite
« alliée » regroupant quatorze nationalités, dont des Tchécoslovaques, des Américains,
des Grecs, des Français, des Japonais et des Britanniques, est mise en place dès 1918.
Cependant, le manque d’organisation stratégique et de moyens provoque rapidement
une lassitude, et les Alliés se retirent à partir de mars 1920, à l’exception des Japonais
qui ne partent que deux ans plus tard. La victoire finale des bolcheviks se traduit par
l’exil de près d’1,5 million de « Russes blancs » dans le monde entier, essentiellement
en l’Europe occidentale. C’est pour ces réfugiés, déchus de leur nationalité d’origine,
qu’est créé le passeport « Nansen ».
En 1920, l’Armée rouge tente de récupérer les territoires perdus à l’ouest, mais elle
est refoulée par une contre-attaque polonaise. Une série de traités (Tartu et Moscou
en 1920, Riga en 1921 et Rapallo en 1922) met fin à ces guerres de reconquête
mais laisse le pays exsangue. Autour de 10 millions de personnes sont mortes, soit
bien plus pour le pays que lors de la Première Guerre mondiale. En 1921, l’État est
totalement désorganisé, la famine et la sécheresse font rage, et le pays est saigné
démographiquement. Toutefois, les frontières se stabilisent et Lénine peut alors
entamer la nouvelle politique économique (NEP) dans le but de redresser le pays.
L’Union des républiques socialistes soviétiques voit officiellement le jour le 30
décembre 1922, intégrant de fait toutes les républiques du territoire dans une
structure fédérale dominée par la Russie et dirigée par le seul parti communiste
(PCUS).
La question de la mémoire de la Première Guerre mondiale chez les pays vaincus revêt
une autre complexité. Elle est par exemple peu étudiée et enseignée du point de
1. Stéphane AUDOIN-ROUZEAU et Annette BECKER, 14-18, retrouver la Guerre, Paris, Gallimard coll. « Folio
Histoire », 2000, p. 249.
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vue russe. Le fait que la Russie ait d’abord été battue par l’Allemagne, qui fut ensuite
vaincue par les Alliés, et que de manière quasi-concomitante le pays soit entré dans
une révolution puis une longue guerre civile noie quelque peu la mémoire du conflit
mondial en tant que tel. Pourtant, la Russie a perdu environ 1,8 million d’individus,
militaires et civils confondus, les chiffres variant de manière assez considérable. Le
seul personnage mis en avant est le général Broussilov, qui fait le lien entre la guerre
mondiale et la guerre civile. Par ailleurs, la question de la mise en place du régime
soviétique reste délicate. En Allemagne, la théorie du « coup de poignard dans le
dos » a beaucoup contribué à la déstabilisation de la république de Weimar ; après la
Seconde Guerre mondiale, la place de cette « catastrophe originelle » reste marginale
dans les enseignements et l’État fédéral n’a pas établi de date de commémoration
officielle. Cette responsabilité d’organiser des cérémonies civiques incombe dès
lors aux Länder, ce qui donne donc à ces commémorations un fort ancrage local. La
célébration du centenaire a considérablement fait évoluer le rapport des Allemands
à la Première Guerre mondiale, alors que l’historiographie s’est beaucoup renouvelée
depuis une trentaine d’années.
Pour ceux qui ont survécu et qui tentent de se réinsérer dans la société, une forme de
solidarité liée à une communauté de souffrance voit le jour au travers d’associations
d’anciens combattants. Parmi elles, l’Union des Blessés de la Face, créée en 1921,
participe notamment au développement de la Loterie nationale. Surtout, les anciens
combattants constituent une force politique de premier ordre qui pèse durablement
sur les institutions républicaines de l’entre-deux-guerres.
À partir du site Gallica sur lequel les débats à l’Assemblée parus dans le Journal officiel
ont été numérisés, les élèves peuvent travailler autour des enjeux mémoriels liés au lieu
et aux modalités d’inhumation du Soldat inconnu. Cela engage éventuellement une
restitution écrite ou orale de la part des élèves.
Premier chapitre
Références bibliographiques et sitographiques
• Nicolas BEAUPRÉ, Les grandes guerres 1914-1945, Belin, 2012.
• Nicolas BEAUPRÉ, ‘La Première Guerre mondiale 1912-1923’, La Documentation
photographique n° 8137, CNRS Éditions, 2020.
• Éric BONHOMME et Thomas VERCLYTTE, L’Europe de 1900 à nos jours, A. Colin,
2018.
• Yves BUFFETAUT, Fabrice LE GOFF, Atlas de la Première Guerre mondiale : 1914-1918,
la chute des empires, éd. Autrement, 2014.
• Jean-Jacques BECKER et Gerd KRUMEICH, La Grande Guerre : une histoire franco-
allemande, Tallandier, Texto, (rééd.) 2014.
• Christopher CLARK, Les somnambules. Été 1914 : comment l’Europe a marché vers la
guerre, Flammarion, 2013.
• Paul KEEGAN, La Première Guerre mondiale, Perrin, 2003.
• Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, Les Batailles de 1916, actes
réunis par Alexandre LAFON, Sorbonne Université Presse, 2018, en particulier la
contribution de Hew STRACHAN, « La redéfinition de la Bataille : Verdun et la
Somme », pp. 15-41.
• Alexandre SUMPF, La Grande Guerre oubliée : Russie 1914-1918, Perrin, 2017.
• Jay WINTER (dir.), La Première Guerre mondiale, tome 1 Combats, et tome 2, États,
Cambridge History, Fayard, 2013 et 2014.
• Sur le site de la Mission du centenaire, des dossiers thématiques.
• Sur le site « L’Histoire par l’image », des albums sur les grandes batailles de la
Première Guerre mondiale.
• Georges Brun, La Première Guerre mondiale : buts, plans et forces en présence,
Base numérique du patrimoine d’Alsace, site réseau Canopé de l’académie de
Strasbourg, 2015 (une synthèse avec des représentations cartographiques de
qualité).
• Chantal ANTIER, « Le recrutement dans l’empire colonial français, 1914-1918 »,
Guerres mondiales et conflits contemporains, 2008/2 (n° 230), pp. 23-36. DOI :
10.3917/gmcc.230.0023.
• « Le suicide de l’Europe », Documentaire historique éponyme réalisé par Alexeï
DENISOV (2014).
Films
• Les cœurs du monde, du réalisateur américain D.W. Griffith (1918).
• J’accuse, film français d’Abel Gance (1919).
• Quatre de l’infanterie, de l’allemand Georg Wilhelm Pabst (1930).
• À l’ouest rien de nouveau, du réalisateur américain Lewis Milestone (1930).
• La Grande Illusion, de Jean Renoir (1937).
• La patrouille de l’aube, du réalisateur américain Edmund Goulding (1938).
• Les sentiers de la gloire, de Stanley Kubrick (1957).
• Capitaine Conan, de Bertrand Tavernier (1996).
• Joyeux Noël, de François Carion (2005).
Deuxième chapitre
Éléments bibliographiques et sitographiques
• Anne DUMÉNIL, « La guerre au XXe siècle. Tome 2 – L’expérience des civils », La
Documentation photographique, n° 8043, 2005.
• Stéphane AUDOIN-ROUZEAU et Jean-Jacques BECKER, L’Encyclopédie de la Grande
Guerre 1914-1918 : histoire et culture, Bayard, 2004.
• Stéphane AUDOIN-ROUZEAU, L’enfant de l’ennemi : viol, avortement, infanticide
pendant la Grande Guerre, Paris, Aubier, 2009.
• Jean-Jacques BECKER, La France en guerre : 1914-1918. La grande mutation, PUF, 1988.
• Annette BECKER, Journaux de combattants & civils de la France du Nord dans la
Grande Guerre, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2015.
• Emmanuel DEBRUYNE, « Femmes à Boches » : occupation du corps féminin dans la
France et la Belgique de la Grande Guerre, Paris, Les Belles Lettres, 2018.
• Antoine PROST (dir.), Guerres, paix et sociétés (1911-1946), éd. Atelier, 2003.
• Patrick DAUM, « Les destructions de la guerre de 14-18 », site « L’Histoire par
l’image ».
• « Apocalypse : 10 destins », dossier Canopé sur les civils dans la guerre.
• John HORNE, « Les violences de guerre faites aux civils », Le Monde, 29 septembre
2014.
• Jay WINTER (dir.), La Première Guerre mondiale, tome 3, Sociétés, Cambridge
History, Fayard 2014.
Troisième chapitre
Éléments bibliographiques et sitographiques
• « 1914-2014 : bilan d’un Centenaire », Cycle de conférences « Les Agendas du
politique » organisé par les Éditions de l’EHESS et le Labex TEPSIS. Participants :
John Horne, Stéphane Audoin-Rouzeau, Arndt Weinrich et alii.
• Dossier de la Documentation française sur la fin de la guerre.
• Annette BECKER, « Des monuments différents ? La commémoration dans le nord
de la France (1914-1940) », Mélanges de l’École française de Rome, 2000, 112-2, p. 515-
528.
• Éric BONHOMME et Thomas VERCLYTTE, L’Europe de 1900 à nos jours, Armand
Colin, 2018.
• Stéphanie CLAISSE et Thierry LEMOINE, Comment (se) sortir de la Grande Guerre ?
Regards sur quelques pays « vainqueurs » (Belgique, France, Grande-Bretagne),
L’Harmattan, 2005.
• François COCHET, Les soldats inconnus de la Grande Guerre : la mort, le deuil, la
mémoire, Actes du colloque, Verdun-Paris, 9-10 novembre 2010, éd. SOTECA, 2012.
• Emmanuelle DANCHIN, Le temps des ruines 1914-1921, Rennes, PUR, 2015.
• Jean-Pierre DUBOIS, « Le “passeport Nansen”, première protection des réfugiés
dans l’histoire du droit international », Après-demain, 2016/3, n° 39, p. 48.
• Olivier FARON, Les enfants du deuil : orphelins et pupilles de la nation de la Première
Guerre mondiale (1914-1941), Paris, La Découverte, 2001.
• Jean-Yves LE NAOUR, Le Soldat inconnu, la guerre, la mort, la mémoire, Paris,
Gallimard, 2008.
• Margaret MCMILLAN, Les Artisans de la paix, Comment Lloyd Gerge, Clemenceau et
Wilson ont redessiné la carte du monde, Paris, Jean-Claude Lattès, 2006.
• George MOSSE, De la Grande Guerre au totalitarisme : la brutalisation des sociétés
européennes, Paris, Fayard, 2015.
• Pierre NORA, Les lieux de mémoire, t. 1 et t.3, Paris, Gallimard, 1997.
• Béatrix PAU, « La violation des sépultures militaires (1919-1920) », Revue historique
des armées, n° 259, 2010.
• Antoine PROST, Les anciens combattants et la société française (1914-1939), Paris,
Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1977.