La Géostatistique Au Service de La Modélisation Géologique 3D
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la modélisation géologique 3D
Par Didier RENARD
et Christian LAJAUNIE
Centre de Géosciences, MINES ParisTech – PSL University
Simon LOPEZ
Direction Géoressources/Unité GSO (BRGM)
Cécile ALLANIC
Direction Géoressources/Unité GBS (BRGM)
Gabriel COURRIOUX
et Bernard BOURGINE
Direction Géoressources/Unité GSO (BRGM)
et Philippe CALCAGNO
Direction Géoressources/Unité REG (BRGM)
Bureau de Recherches géologiques et minières (BRGM)
L
es missions résultant du Référentiel Géologique de nous emprunterons plusieurs éléments (2). À l’heure du
la France consistent à collecter des informations re- numérique, de la donnée massive et de l’algorithmique,
latives à la surface et au sous-sol, à les combiner et à il nous est apparu intéressant de revenir, ici, sur l’élément
offrir une nouvelle représentation géologique du territoire moteur qui permet de tirer plus des données qu’elles n’en
français (1). Le RGF est une réponse aux enjeux actuels et contiennent réellement, en formulant des hypothèses et
futurs des géosciences : « gestion des ressources en eau, en élaborant des modèles. Classiquement, il peut s’agir
approvisionnement en matières premières, recherche de de l’interprétation qu’est amené à faire le géologue de
nouvelles ressources énergétiques, stockage d’énergie, ses données, pour aboutir à son modèle géologique.
de CO2 et de déchets, protection des populations et de Dans le présent article, il sera plutôt question de la dé-
l’environnement… ce qui nécessite de pouvoir fournir aux marche géostatistique qui permet de représenter une ré-
acteurs publics et privés une description aussi complète alité imparfaitement connue par un modèle géostatistique
que possible de la structure du sol et du sous-sol ». stochastique, mais par ailleurs assez simple, aboutissant
à une modélisation 3D à travers laquelle interprétation du
Alors que la Carte Géologique de la France visait une
couverture en deux dimensions du territoire, le RGF
s’intéresse à une représentation en trois dimensions de (1) http://rgf.brgm.fr/page/mission-referentiel-geologique-france
la géologie française. Dans ce contexte, la modélisation (consulté le 1er février 2019).
géologique est appelée à jouer un rôle central. La tran- (2) LOPEZ S., ALLANIC C., COURRIOUX G., BOURGINE B.,
CALCAGNO P., CARITG S. & GABALDA S. (2017), « La Modélisation
sition entre ces deux approches est décrite avec préci- géologique 3D : un outil pour la cartographie », Revue officielle de la
sion dans un article récent de Lopez et al. (2017), auquel Société géologique de France, 193, pp. 48-53.
Figure 1 : Représentation 1 – Méthode de modélisation géologique par interpolation de champs de potentiels : points de passage et
de données d’orientation éparses provenant de l’observation du terrain ; représentation 2 – Interfaces géologiques correspondant aux
surfaces d’isovaleurs du potentiel ; représentation 3 – Intégration de fonctions de dérive discontinues pour la modélisation des failles.
gradients du champ scalaire interpolé a conduit à l’as- de construire directement des objets géologiques tridi-
similer à un champ de potentiel ; de fait, la méthode a mensionnels dans de nombreux contextes. Sa combi-
été qualifiée de méthode de modélisation géologique par naison avec la topographie fait que les coupes réalisées
champ de potentiel. dans le modèle et la carte sont forcément cohérentes.
Cette cohérence est la plus-value fondamentale qu’ap-
Un même champ de potentiel, connu dans tout l’espace,
porte cette approche, mais c’est aussi une contrainte qui
permet de modéliser des formations présentant des géo-
ne tolère aucune approximation : toutes les coupes étant
métries assez proches ayant une histoire commune, et
possibles et cohérentes, on ne peut se contenter d’en
dont les interfaces correspondent à différentes valeurs,
choisir quelques-unes pour étayer un a priori conceptuel.
inconnues a priori, du potentiel. La terminologie de série
Ainsi, la production d’un modèle géologique demande de
a été retenue pour désigner cet ensemble de formations.
réaliser un travail conséquent de réflexion afin de pou-
Ainsi, on peut reconstruire, à partir de quelques don-
voir intégrer, après les avoir synthétisées, le plus grand
nées de surface, des structures ayant enregistré des
nombre de données disponibles.
déformations identiques (voir la Figure 2 de la page sui-
vante). De même, la reconstruction d’architectures plus De plus, le formalisme géostatistique sous-jacent à l’in-
complexes est possible grâce à l’utilisation d’une pile terpolation du champ de potentiel permet de quantifier
géologique qui permet d’établir une chronologie à la fois l’incertitude associée à un tracé cartographique. En ef-
des dépôts et des relations spatiales entre les différentes fet, la structure spatiale du potentiel peut être inférée à
séries (6), et de traduire des relations géologiques d’érosion partir des données d’orientation. Il est alors possible, à
ou de dépôt. À ce titre, cette pile constitue un élément à l’aide des variances de cokrigeage, de cartographier une
part entière de la construction et de l’interprétation du mo- variable mesurant la probabilité de l’appartenance d’un
dèle géologique 3D et une synthèse de la connaissance point à une interface, ce qui permet de localiser les zones
associée, qui permet de combiner automatiquement des d’incertitude élevée.
séries construites indépendamment les unes des autres.
D’un point de vue épistémologique, il est intéressant de
Enfin, en introduisant des discontinuités dans la dérive du constater que l’outil permettant d’obtenir le modèle géo-
krigeage universel utilisé pour calculer le champ de po- logique à trois dimensions n’est au fond bâti que sur des
tentiel, on peut reproduire l’effet de failles (voir la Figure 1 champs stochastiques de potentiels, lesquels sont ca-
ci-dessus). Leur rejet est alors automatiquement déduit ractérisés par leur plus ou moins forte régularité (cova-
des points de passage utilisés pour définir les formations riance spatiale), et sont reliés par un ensemble de règles
qu’elles affectent. La géométrie de ces failles est quel- d’assemblage (la pile géologique). Ainsi, sans nécessaire-
conque, finie ou infinie, et est également construite en uti- ment le savoir, le géologue modélisateur développe son
lisant un champ de potentiel spécifique. À l’instar de celles interprétation grâce à une approche géostatistique. C’est
mises en évidence par la pile géologique dans le cas des la simplicité et la souplesse de ce modèle géostatistique
formations, des relations permettent de définir simplement
les interactions des failles et de modéliser de véritables ré-
seaux structuraux (voir la Figure 3 de la page suivante). (6) CALCAGNO P., CHILES J.-P., COURRIOUX G. & GUILLEN
A. (2008), “Geological modeling from field data and geological
L’outil de modélisation géologique ainsi obtenu est par-
knowledge (Part I). Modeling method coupling 3D potential-field in-
ticulièrement bien adapté aux besoins et aux spécificités terpolation and geological rules”, Physics of the Earth and Planetary
de la cartographie géologique. Il est générique et permet Interiors 171(1-4), pp. 147-157.